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COURS COMPLET
D A GRI eu LTU RE
Théorique, Pratique, Economique,
ET de Médecine Rurale et VÉtÉe.inaire;
Suivi d'une Méthode pour étudier l'Agriculture
par Principes :
O U
DICTIONNAIRE UNIVERSEL
D' A G R I C u L T u R E;
P AK une Société d'Agriculteurs , & rédigé par M. l' A B BÈ ROZ I E Rj Prieur
Commendataire de Nanteuil-le-Haudouin ^ Seigneur de Chevrevdle ^ Membre de
plu/leurs Académies ^ Sic.
TOME SIXIÈME.
• J PARIS,
RUE ET HÔTEL SERPENTE.
M. D C C. L X X X V.
Avec Approbation et Privilège vu Roi.
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
Al
http://www.archive.org/details/ç^QÛrscompletdagr06rozi
COURS COMPLET
D- A G RI eu LTU RE
Théorique, Pratique, Economique,
et de médecine rurale et vétérinaire.
J A R
J A R
J ARDIN. Efpace quelconquÊ de
terrein , ordinairement entouré par
des murs, ou par des fofTcs, ou par
des haies , fur lequel on cultive iè-
parément , ou des arbres , ou des lé-
gumes, ou des Heurs, ou le tout en-
femble. Ces trois objets déterminent
toutes efpèces de jardins. On peut ce-
pendant ajouter un quatrième ordre j
aujourd'hui appelé jardin anglais ,
qui renferme les. trois premiers , &
bien au-delà, puifque jufqu'aux prai-
ries, aux terres labourables, aux fo-
rêts , &c. font de fon relTort Se
entrent dans fa compofition. Il s'agit
de toutes les efpèces de jardin, &
Tome VI.
fur-tout du jardin potager & fruitier,
à caufe de leur utilité.
Plan du Travail.
CHAP. I. Du jardin por^gcr ou Icgumïcr.
Sect. I. De fon expofnion.
Sect. II. De fon fol & de fa ■préparation.
Sect. III. Du temps de femer , foit relati-
vement au cUirtat de Paris , foit à celai
des provinces du midi.
CHAP. II. Des jardins fruitiers.
Sect. I. De leur formation.
Sect. II. Des travaux qu'ils exigent dans
chaque mois de l'année.
Sect. III. Catalogue des arbres fruitiers les
plus eft'imés.
CHAP. III. Des jardins mixtes , c'efl-a-
dire, légumiers & fruitiers en même-temps,
A
1 J A R
CHAP. IV. Des Jardins à fleurs. ^
Sect. I. De fa fituation , de la préparation
du fol , &c •
Sect, II. Enumération des fleurs agréables
ou odorantes.
Sect. III Du tems de femer.
Sect. IV. Du tems de planter les oignons,
les renoncules & les anémones.
CHAP. V. Des jardins de propreté ou de
plaifjnce.
Sect. I. Des ohfervations préliminaires avant
de former un jardin.
SiCT. II. Des difpofîtions générales d'un
jardin.
CHAP, VI. Des jardins anglois,
CHAPITRE PREMIER.
Dv Jardik fotager
ou LÉGUMIER.
On doit faire une très - grande
d'ifFérence entre celui de l'homme
riche &; celui d'un funple particulier j
du jardin maraicher, à la porte d'une
grande ville ou dans les campagnes.
La difparité eft encore plus forte
entre les légumiers des provinces du
nord , que l'on arrofe à bras , & ceux
des provinces du midi , arrofés par
irrigatiûn. ( f^oye^ ce moc eflentiel à
lire. )
La richeiTe enfante le luxe , & le
luxe multiplie les befoins , fur-tout
les befoins fuperflas. Le financier veut
à prix d'argent foumettre la nature
à fes goûts j rapprocher , pour ainfi
dire, les climats, afin d'obtenir leurs
produdions diverfes^ & aidé pat l'art,
jouir des préfens de Pomone au mi-
lieu des rigueurs de l'hiver. Ces jouif-
fances à contre-temps Battent la vue
& la vanité; le goû: l'eft il? C'eft
ce dont on fe foucie bien peu. De-
là le potager de l'homme riche doit
avoir, au moins dans une partie, des
quarreaux entourés & coupés par des
J A R
murs, afin d'y placer les couches ,
les chalîis vitrés , les ferres chauoes ,
&c.i le maraicher voifiu des grandes
villes où les fumiers de litière font
trèi-abondans , obtient à peu près les
mêmes effets par des foins multipliés
& jamais fulpendus , pat des abris
formés avec des rofeaux , des pail-
laflbns autour de fes couches , cou-
vertes avec des cloches de verres , &c
de paille longue au befoin. Le ma-
raicher des campagnes , ou voifira
d'une petite ville, profite des abris
naturels, s'il en a, & attend patiem-
ment que la faifon de femer & de
planter foit venue, fuivanc le climat
qu'il habite.
Un Panfien qui voyage eft tout
étonné de ne pas trouver dans les
provinces qu'il parcourt, les légumes
aufli avancés que dans les environs
de la capitale. Il y a un mois, dit-il
avec un air de fatisfaétion , que l'on
y mange des laitues pommées , des
petits pois , des melons , ôrc. ècc. ;
& auflitôt il conclut que les marai-
chers &: jardiniers de l'endroit font
des ignorans. Tel eft le langage de
l'homme qui juge & tranche fur
rout fans avoir auparavant examiné
s'il eft poftible de cultiver autrement
dans les provinces , c'eft-à dire , lî le
jardinier voulant & pouvant très bien
cultiver comme dans les environs de
la capitale , retireroit un produit
capable de le dédommager de (q%
avances.
Le s primeurs font chèrement payées
à Paris fur-tout , parce que l'argent
y regorge : le litron de petits pois ,
qui y eft vendu jufqu'à loo livres ,
vaudroit un périt écu dans les pro-
vinces, &: encore la vente en feroit
donteufe. Cependant, pour fe pro-
curer cette primeur, le maraicher de
J A R
province anroic été obligé de faire
les avances de chaflis vitrés , de clo-
ches & d'une quantité de fumier de
litière , foit pour les couches , loit
pour les réchaux ( voye^ ces mots ) :
mais un tombereau de fumier for-
çant de delfous les pieds des che-
vaux, lui coûte 40 fous ou 3 livtes^
il lui en f^iudra au moins vingt.
Le malheureux aura donc facritié en
pure perte fon temps & fou argent
pour acquérir la gloire ftérile d'avoir
des primeurs. Je mets en fait que
le premier melon ne fe paie pas plus
de 24 fous à Aix &c à Montpellier,
& il en eft ainfi de toutes les autres
parties du jardinage. C'eft le local ,
ce font les abris naturels qui doivent
décider du temps de femer, de plan-
ter, &cc.\ tout le refte eft fupertluité
& confirme l'antique proverbe, qui
dit que chaque choj'e doit être mangé
dans Ju faifon. Je ne veux pas ce-
pendant conclure que les gens riches,
& qui habitent en province , doivent
ftri(Slement fe conformer à la mé-
thode du jardinage adoptée dans
leurs cantons , je les invite très-fort
au contraire à envoyer leurs jardi-
niers s'inftruire auprès de ceux de
Paris, parce qu'il en réfultera, 1°. une
plus grande dépenfe de la part du
propriétaire , & qui augmentera le
bien être de la clalîe des journaliers ;
z". parce que fon jardinier une fois
inftruit ne bouleverfera pas la mé-
thode de fon canton, mais il la perfec-
tionnera dans plufieursde fes points,
fans augmenter la dépenfe \ objet
cffentiel , fans lequel il ne réuflira ja-
mais auprès des jardiniers qui vivent
& payent leur ferme du produit de
la vente de leurs légumes. L'homme
riche ne regarde pas de li près \ il
veut jouit , coûte qui coûte \ voilà
J A R 5
le but de fes défirs & de fes dépen-
fes : mais une chofe que l'on ne
conçoit pas , c'ell que le finan..ier
qui facrilîe pour le luxe de fon po-
tager des fommes qui fourniroient
au-delà de la fubhftance de dix fa-
milles , relègue ce même potager
dans un coin, & le dérobe à la vue
par des charmilles , &c fouvent par
des murs, comme fi c'étoic un objet
méprifable & peu digne de figurer
dans fon parc ! Il traitera de provin-
ciale ma manière de juger des objets.
Je foufcris à toutes les qualifications
qu'il plaira lui donner \ mais à mon
goût , rien ne flatte plus agréable-
ment la vue, qu'un potager bien en-
tretenu. La diverfité des verds &: des
formes des plantes qu'on y cultive,
offre une multiplicité de nuances qui
enchante 5 & de cette efpèce de dé-
fordre, naît la beauté du coupd'œiî.
C'eft-là que l'on voit la végétation
dans toute fa pompe , l'agréable réu-
ni à l'utile, &: ralTommante & fym-
méttique uniformité en eft bannie.
Chacun a fa manière de voir j telle
eft la mienne.
Section
P R E M I
ÈRE.
De Cexpojition d'un Légumier.
Elle eft à peu de chofe près in-
différente à l'homme riche , parce
qu'à force d'entafter pierre fur pierre ,
d'élever des murs & des terrafles ,
il fe procure les abris qu'il défire :
ces dépenfes excèdent pour l'ordi-
naire la valeur du fond ; mais, rien
n'eft perdu., parce que l'ouvrier y a
sagné.
En gcnér,il , l'expofition du levant
&■ du midi font à préférer \ la n'us
mauvaife eft celle du nord. Ces alfet-
A 2
4 J A R
lions font générales ; mais elles foiif-
frent de grandes reftriclions. Avant
de dccerminer l'emplacement d'un
légumier, on doit connoître depuis
deux à trois ans quels font les
vents dominans du climat , & fur-
tout les points d'où partent les vents
impétueux & les orages. Les quatre
points cardinaux dcllgnent les prin-
cipaux vents y mais dans tel canton
le nord , par exemple , y amène les
froids , les glaçons & des coups de
vents terribles^, tandis que dans d'au-
tres le nord-oueft eft le feul glacial
& orageux. Ici le vent d'eft eft dé-
vorant par fa chaleur , tandis que
dans la province voifine c'eft le vent
pluvieux. Que conclure , Inicn que
toute règle générale en ce çenre eft
abufive, & que l'étude feule des cli-
mats & des abris du canton doit
fixer l'emplacement d'un jardin po-
tager ? Cependant , comme l'eau eft
la bafe fondamentale de la profpérité
d'un jardin , on doit y avoir égard,
à moiiîs que la fource , la pompe ,
le puits ou le réfervoir foient placés
fur un lieu alfez élevé pour que l'eau
coule par fa pente naturelle près de
l'extrémité, dans de petits baffins ,
Cl on arrofe à bras , ou à fon entière
extrémité fur toutes fes parties , li
on arrofe par irrigation.
Si le légumier eft d'une vafte éten-
due, on aura beau multiplier les ré-
fervoirs particuliers, remplis par l'eau
du réfervoir général , ou par celle de
la pompe, ou par celle du puits, il
ne faudra pas moins pomper ou pui-
fer cette eau , iSc arrofer à bras cette
vafte fuperficie. Que de foins perdus,
& fur-tout que de peines pour les
malheureux valets chargés des arro-
femens 1 La noria, ou puits à cha- ■
pelet ( royei ce mot , &c indiqué à
J A R
celui d'iRRiGATiON), diminuera l'ou-
vrage des trois quarts , parce qu'il y
a beaucoup de grolfes plantes que
l'on peut arrofer ainfi , même dans
nos provinces du nord. En fuppofant
que la chofe fû: impoftible, il en ré-
fulteroit toujours qu'une mule ou un
cheval monteroit plus d'eau en deux
ou trois heures, qu'un ou plufieurs
hommes n'en montetoient dans les
vingt- quatre. Economie dans la dé-
penfe , la première mife une f^is
faite, & économie dans l'emploi du
temps , font les premiers bénéfices.
Le potager doit être placé près de
l'habitation & près des dépôts de
fumier 5 cependant, fi le jardinier a
fon logement dans le légumier même,
il eft alors prefqu'indiftcrent qu'il foit
plus ou moins rapproché de l'habita-
tion du maître, parce que le jardinier
eft dans le cas de veiller à fa conferva-
tion & d'empêcher les dégâts. Malgré
cela, il eft bon que le maître puilfe;
de fa demeure , voir ce qui fe pafte
dans fon potager, furveiller fon jar-
dinier ôc fes valets. // «'«/? pour
voir que l'œil du maure, fur- tout
lorfqu'il n'eft pas d'humeur & qu'il
ne croit pas être du bon ton de.fe
laiifer voler & piller impunément.
Quelques auteurs confeillent de
placer le légumier à la nailfance d'un
petit vallon , parce qu'elle forme une
efpèce d'amphithéâtre circulaire, plus
ou moins allongé. J'adopte leut fen-
timent jufqu'à un certain point. II
eft clair que cette firuation offre les
différentes expositions , & multiplie
les abris- & par conféquent,on peut
avoir mieux que par-tout ailleurs, &
jardin d'été , &: jardin d'hiver. Malgré
ces avar.tages , il convient d'y re-
noncet complettement, pour peu que
le plan incliné foit, je ne dis pas ra-
J A R
pide , mais un peu au-delà de la
pente très-douce.
Plufieurs de nos provinces font fu-
jetces à des pluies fréquentes , ôc
d'autres à des pluies d'orage , les
feules que l'on connoiire pendant
1 "été dans celles du midi. Ces pluies
entraînent l'humus ou terre végétale
( voye-^ les mots Amendemens , En-
grais , & le dernier chapitre du mot
Culture), qui doit faire la bafe
eflentielle de la terre d'un jardin, &
qui eft le réfultat des débris des vé-
gétaux, des animaux & des engrais
qu'on y prodigue. Si j'avois à choi-
fir , je préféierois le terroir plat au-
deffous de l'amphitliéâtre formé par
le vallon. Une feule pluie d'orage
entraîne plus de terre végétale , qu'il
ne s'en forme dans une année.
Le fol du bas des vallons ell tou-
jours très -bon en général, &c très-
produdif, parce qu'il eft engrailTé par
la terre végétale que les eaux ont
fait defcendce du vallon, & qu'elles
y ont accumulée : mais fouvent ce
local eft marécageux. Le premier foin
eft donc d'ouvrir un large & pro-
fond foiTe de ceinture tout autour du
jardin, i*. afin d'y recevoir en dé-
pôt la terre végétale entraînée du
coteau ; i". d'y contenir les eaux, &
les empêcher d'inonder le jardin ;
3^. pour fervir d'écoulement aux
eaux du fol , & l'alfainir. Avec de
telles précautions on aura un fond
excellent. Cependant on a encore à
redouter les funeftes effets des brouil-
lards , que les cultivateurs appellent
des r-'fics. Dan-, une matinée, toutes
le^' plantes font couvertes comme
d'u- e efpèce de rouille qui les fait
périr, ou du moins les empêchent de
profpérer. C'eft par la même raifon
J A R y
que les légumiers placés près des bois,
ou entourés de hautes charmilles, 6cc.
ne réullilfent jamais aulfibien que
ceux qui font à découverts , & où
les vents diflipent l'humidité vapo-
reufe de racmofphère. Dans les jar-
dins ordinaires , le niveau de pente
eft trop fort à deux pouces par toife.
Les jardins en terralTes les unes
fur les autres , oftrent d'txcellens
abris , de bonnes expofitions , de
beaux efpaliers , des places favora-
bles aux couches , aux chaflis ; mais
ils ne conviennent qu'à des gens
riches : leur entretien eft difpendieux
& ruineux pour le particulier, parce
qu'il faut tout y tranfporter à bras
d'hommes , fans parler des frais de
conftrudtion. Les terralTes , toutes
citconftances égales , confomment
beaucoup plus d'eau lors des arrofe-
mens, que les terreins plats, à caufe
des abris qui augmentent la chaleur;
Se comme dans ce point d'élévation
il y a un plus grand courant d'air,
l'évaporation eft de beaucoup plus
confidérable. Les légumes cultivés
fur ces terralTes font plus favoureux,
plus parfumés que ceux venus dans
un bas fond.
L'expofuion avantageufe ou nui-
fible d'un jardin , doit , je le répète,
varier fuivant les climats & les vents
dominans , & fouvent elle dépeiid
de la pofition de l'eau. Comme tous
ces points font fufceptibles de fe
fous - divifer à l'infini , je perfifte à
dire qu'il eft impoffible d'établir des
règles invariables , ce feroit induire
en erreur le cultivateur crédule. Qu'il
étudie le pays qu'il habite , c'eft là
le feul livre à confulter ; il y trou-
vera une certitude, dont la bafe fera
l'expérience.
6 J A R
Section II.
Du fol d'un Légumier ^ & de fa
préparation.
Voulez -vous avoir des légumes
monftriieux pour la grofleur 5 ayez
un fond de terre de deux pieds en-
viron , uniquement compolé de dé-
bris de couches, de débiis de végé-
taux unis à quantité de fumiers ,
enfin une quantité d'eau fuffifante
aux arrofemens. Ces légumes feront
magnifiques à la vuej mais le goût
fera-t-il fatisfiic ? nonj ils fentiront
l'eau & le fumier. Les laitues , les
herbages que l'on cultive en Hollande,
font monftrueux par leur volume ,
ils étonnent , & voilà tout. Leur
graine tranfportée & femée ailleurs,
quand les circonftances ne font pas
égales j la plante acquiert en qualité ,
en faveur , ce qu'elle perd en vo-
lume , & femée plutîeurs fois de
fuite dans un terrein médiocre , elle
revient pardégénérefcence au premier
point dont elle eft partie , fur-touc
s'il y a une grande différence dans le
climat. ( Voye-^i le mot Espèce.)
Défirez-vous obtenir des légumes
bons & bien favoureux ; ayez une
terre franche , modérément fumée Se
arrofée', mais ce n'eft pas le compte
des maraichers , il leur faut du beau
& du promptemen: venu; la qualité
leur imporre peu.
C'eft d'après l'un ou l'autre de ces
points de vue, qu'il faut thoilir le fol
d'un jardin. Comme on n'eft pas
toujours le maître du choix , l'art doit
fuppléer à la nature, (Se il en coûte
beaucoup lorfqu'on veut la maîtrifer.
Ceft au propriétaire à examiner le
but qu'il le propofe j il travaille à fe
J A R
procurer des légumes pour fa confom-
mation, ou pour en faire vendre la
plus grande partie. Dans ce cas , qu'il
difpofe donc le fol de fon jardin en
conféquence \ voici une loi générale ,
capable de fervir de bafe à la cul-
ture de tous les légumes en général.
L'infpeciion des racines décide la na-
ture & la profondeur du fol qui leur
convient. Les plantes potagères font
ou à racines fibreufes , ou à racines
pivotantes. ( f^oye^ le mot Racine.)
11 eft clair que les premières n'exigent
pas un grand fond de terre, puifque
leurs racines ne s'enfoncent qu'à cinq
ou fix pouces de profondeur. Les
fécondes , au contraire , demandent
une terre qui ait du fond , & une
terre peu tenace. Sans l'une & l'autre
de ces conditions, elles ne pivoteront
jamais bien. Or, fi le terrein n'eft pas
préparé par les mains de la nature ,
il faut le faire ou renoncer à une
bonne culture. Afin de diminuer les
frais , le propriétaire deftinera une
partie de fon terrein aux plantes à
racines fibreufes , & l'autre aux ra-
cines pivotantes , & lui donnera par
le travail ou par le mélange des terres ,
la profondeur convenable. Il eft aifé,
dans le fond d'un cabinet, de pref-
crire de pareilles régies; il n'en eft
pas ainfi lorfqu'il s'agit de les mettre
en pratique; le travail eft long, pé-
nible , très- difpendieux & fouvent
trop au-defllis des moyens du culti-
vateur ordinaire. Celui qui fe trou-
vera dans ce cas, doit fe réfoudre à
ne défoncer ou à ne mélanger chaque
année qu'une étendue proportionnée
à fes facultés ; s'il emprunte pour ac-
célérer l'opération , c'eft folie.
Il n'eft pas polVible d'attendre au-
cun fuccès , h on rencontre une terre
argilleufe; la préparation qu'elle de-
J A R
mande, coCueroit plus que l'achat du
fol. La terre rougeâtre , que le cul-
tivateur appelle aigre j eft dans le
même cas ; elle eft bonne , tout au
plus , à la cultuie des navets. Un
des grands débuts de la terre pour
les jardms, eft d'être trop forre, trop
compaifte, trop liante \ elle retient
l'eau après les pluies , fe ferre , s'a-
glutine & fe crevaffe par la fcche-
relFe. Lorfque le local ou la nécef-
fité contraignent à la travailler , la
feule relTource conhfte à y tranfporcer
beaucoup de fable fin, des cendres,
de la chaux , de la marne , de grands
amas de feuilles , Se toutes fortes
d'herbes , afin d'en divifer les pores.
Malgré cela , en fuppofant même tous
ces objets réunis & tranfportés à peu
de frais , ce ne fera qu'après la troi-
fîcme ou quarrième année que l'on
commencera réellement à jouir du
fruit de fes dépenfes ôc de fes tra-
vaux.
Après avoir reconnu la qualité de
la couche fupérieure jufqu'à une cer-
taine profondeur , on doit s'alFurer
de la valeur de la couche inférieure.
Si celle-ci, par exemple, eft fablon-
neufe , elle abforbera promptement
l'eau de la fupérieure , & le jardin
exigera de plus frcquens arrofemens.
Si au contraire elle eft argilleufe , il
ne fera pas néceftaire d'autant arrofer
pendant l'été ; mais dans la faifon
des pluies , il eft à craindre que les
plantes ne pourrifTent. Ces atten-
tions préliminaires font indifpenfables
avant de fixer l'emplacement d'un
jardin. De ces généralités , palFons à
la prati.que.
Long-tems avant de tracer le plan
d'un jardin, on doit avoir mûrement
examiné les avantages &c les incon-
véniens du local , la pohtion de l'eau.
J A R 7
la facilité dans fa diftribution , la
commodité pour des charrois , le
tranfport commode & le lieu du dépôt
des engrais , enfin la pofition où
feront conftruits le logement du jar-
dinier, le hangard deftiné à mettre
à couvert les inftrumens aratoires, tz
le tettein deftiné au placement des
couches , des challis, des ferres , Sic.
luivant l'objet qu'on fe propofe.
Le plan & le local une fois dé-
cidés, & le jardin tracé, il ne s'agit
plus que de défoncer le fol, afin que
dans la fuite on foit en état de le
travailler par-tout également. Si un
particulier aifé entreprend la confec-
tion d'un jardin , il doit ouvrir des
allées de communication entre cha-
ques grands quarreaux; celle du mi-
lieu, & qui correfpond à l'entrée,
fera la plus large. ( Confultez le mot
Allée , relativement aux proportions
à garder. ) Le jardin de l'humble ma-
raîcher n'a pas befoin de cet agré-
ment , fon but capital eft de pro-
fiter du plus de fuperficie qu'il eft
poftible.
Les allées tracées , on enlèvera la
couche fupérieure de terre, & on la
mettra en réferve , fuivant que le
terrein total fera pierreux; on exca-
vera les allées, afin de recevoir les
pierres Se cailloux qui fe préfenteronr
lors de la fouille générale. Le grand
point, le point elfentiel eft de fi bien
prendre fes précautions, qu'on ne foit
jamais obligé de manier ou tranf-
porter deux tois la même terre.
Si le fol eft marécageux ou fim-
pleinent humide, ces pierrailles de-
viendront de la plus grande utilité ,
& ferviront à établir des aqueducs ,
ou filtres ou écouloirsfoii.-erreins, qui
tranfporteront les eaux au-dehors de
l'enceinte.Afia d'éviter les répétitions.
s J A R
voyez ce qui fera dit en parlant de
ralfainilTement des Prairies.
La fouille du total de l'emplace-
ment doit ctre de trois pieds de pro-
fondeur. Si on veut économifer, on
donnera ce travail à l'entreprife , &
à tant par toife quarrée de ftiperficie
fur la profondeur convenue. Mais
pour ne pas conclure un marché en
dupe , on commencera à faire fouiller ,
à journées d'hommes, une ou deux
toifes , & on jugera ainfi, toute cir-
conftance égale , quel doit être la
dépenfe générale, & combien on doit
payer par toife. Si on délire connoître
bien particulièrement le prix , il faut
que le propriétaire ne quitte pas d'un
feul moment fes travailleurs, & qu'il
calcule enfuite à combien lui revient
chaque toife. S'il s'en rapporte à
d'autres yeux qu'aux ficns , il eft
difficile qu'il ne foit pas trompé.
Malgré l'avis que je donne , mon
intention n'eft pas que le propriétaire
fe prévale des lumières qu'il a ac-
quifes pour ruiner les prifataires. Il
faut que ces gens vivent, & gagnent
plus fur le prix fait , que fi l'ouvrage
avoir été commencé & fini à jour-
nées, parce qu'ils travailleront beau-
coup plus , la tâche étant à leur
compte , que s'ils remuoient la terre
à journées. Il ne convient pas non
plus que les intérêts du propriétaire
foient léfés j à prix fait , bien entendu ,
il en coûte moins , & l'ouvrage eft
beaucoup plutôt achevé. C'eft au pro-
priétaire à veiller enfuite fur la
manière dont l'opération s'exécute.
Pour cet ertet , il coupe un mor-
ceau de bois, & marque la longueur
de deux ou trois pieds , fuivant la
profondeur convenue , Se de lenns à
autre il vient fut le chantier, & en-
fonce en diffcrens endroits cette jauge ,
J A R
afin de fe convaincre que les ou-
vriers fe font conformés aux condi-
tions admifes. Si la jauge n'enfonce
pas , l'ouvrier ne manquera pas d'ob-
jeéter qu'elle eft arrêtée ou par une
pierre, ou par une motte de terte
mal brifée. C'eft aufli ce que le pro-
priétaire doit examiner auffi-tôt, en
faifant enlever la terre jufqu'à l'en-
droit qui préfenre de la réfiftance ,
afin de convaincre l'ouvrier de fa fri-
ponnerie ou de fa négligence à ne
pas enlever les pierres, ou à ne pas
brifer les mottes, comme il y étoit
obligé par l'aClie ou les conventions
du prix fait. Si au contraire la réfif-
tance vient de ce que l'ouvrier n'a
pas donné à la rranchée la profondeur
convenable, il doit fur-le-champ faire
fufpendre tout l'ouvrage , jufqu'à ce
que le vice foit réparé. La févérité
eft néceftaire avec l'ouvrierj payez-le
bien, & faites-vous bien fervirj fi
vous lui paifez une faute , il en com-
mettra cent, & vous finirez par être
complettement fa dupe.
Eft -il néceftaire, dans la fouille
générale du fol, de comprendre celui
fur lequel les allées font ou doivent
être tracées ? Plufieurs auteurs font
pour la pofitive; quant à moi, je n'y
vois qu'une dépenfe fuperflue. Les
premiers difent : fi on ne fouille pas
tout le terroir, celui des quarreaux
fera plus élevé que celui des allées,
& elles deviendront un cloaque après
chaque pluie. Les féconds convien-
nentdu taitj mais, comme il n'exifte
point de terrein, ou prefque point ,
fans pierres , fans graviers , les al-
lées font deftinées à les recevoir. Se
ces gravats les rehaulferont , les af-
fainironr. Se l'eau ne pourra pas les
détremper, fur-tout h on a la précau-
tion de les enfabler 6c de les niveler
lotfque
J A R
lorfque tout l'ouvrage fera fini. C'eft
donc dans le cas feulement où il feroit
impolîible de fe procurer du fable &:
des pierrailles _, qu'il conviendroit de
fouiller la totalité du fol. On pour-
roit encore éviter les trois quarrs de
la dépenfe, en portant fur ces allées,
& avec la brouette, un peu de terre
des quarreaux voifins j alors les allées
feront de niveau, ou, fi l'on veut,
plus élevées que le refte.
Suppofons aduellenient que tout
foitdifpofé pour commencer les tran-
chées fur la longueur ou fur la largeur
d'un quarreau. On commence par
enlever la terre de la première fouille
de trois pieds de profondeur fur
quatre à cinq pieds de largeur, &on
la porte à l'autre extrémité du quar-
reau. Les Brouettes {F'ûye:[ce mot),
font très-commodes pour l'opération ,
d'ailleurs , elles peuvent être con-
duites par des femmes ou par des
jeunes gens , dont les journées' font
de moitié moins chères que celles
des hommes , & elles font autant
d'ouvrages. On peut encore fe fervir
de tombereaux ; mais je réponds ,
d'après ma propre expérience , que
ce fécond moyen eft plus coûteux.
La première tranchée ouverte , &:
la terre enlevée , les ouvriers com-
mencent la féconde & en jettent la
terre derrière eux, s'ils fe fervent de
pioches ou de tels autres inftruments
à manches recourbés , en obfervant
que la terre de deffus foit retournée
& forme le delTous. Au contraire fi
l'ouvrier rravaille avec la Bêche
( A^oye^ ce mor ) il va à reculons &
jette devant lui & dans le creux , la
terre qu'il fouleve avec cet outil.
Dès que le fol n'eft pas pierreux, je
préfère la Bêche à rout autre inftru-
ment, parce que la terre eft mieux
Tome II.
J A R
9
ôc plus régulièrement divlfée, émiet-
tée Se nivelée. L'ouvrier conti-
nue ainfi fon travail, jufqu'à ce qu'il
parvienne à l'extrémité du quarreau.
Là il trouve la première terre tranf-
portée , qui lui fert à remplir le
vuide formé par la dernière tranchée,
alors le quarreau eft complettemenc.
défoncé, & fa fuperficie fe trouve de
niveau.
Plufieurs particuliers couvrent de
fumier la fuperficie du fol à défon-
cer. Je ne vois pas le but de cette
opération , à moins que le terrein
ne foit deftiné à être tout à la fois
& légumier & fruitier. Dans ce cas,
l'engrais fervira & favorifera l'accroif-
femenr des racines des arbres qu'on
doir planter; mais dans un fimple légu-
mier, les racines des plantes n'iront
jamais chercher la nourriture à trois
pieds de profondeur ; ni aucun travail,
à moins qu'il ne foit femblable au
premier , ne ramènera jamais plus
cet engrais à la fuperficie. Si les tran-
chées ont été bien conduites , la
terre de la fuperficie , une fois re-
tournée , doit occuper le tond de la
tranchée, & celle du fond le delTus.
Dans quel temps doit- on com-
mencer à ouvrir les tranchées ? Cela
dépend des faifons , du climat , de
la nature du folj & de l'époque à la-
quelle les ouvriers font le moins
occupes. Dans les pays méridionaux ,
il convient de commencer l'opération
à la fin de janvier ou de lévrier ,
afin que la terre ait le temps de
s'approprier les influences de l'armof-
phère 5i d'être pénétrée parla lumière
& la chaleur vivifiante du gros foleil
d'été; quelques légers labours, même
à la charrue , fuffiront à la prépa-
ration des planches , des tables, ôcc. ,à
moins qu'il ne foit furvenu de grofles
B
lo J A R
pluies d'oragej on pourroit encore com-
mencer à femer ik à planter les lé-
gumes pour l'hiver fuivanr. Il eft
bjn cependant d'obferver qu'il vaut
mieux donner quelques coups de char-
rue pendant l'été, afin de détruire les
mauvaifes herbes , que de trop-tôt
fe hâter de femer & de planter.
Dans les provinces du nord , l'au-
tomne eft la failon favorable j la
terre n'eft ni trop fèche ni trop
mouillée. Si elle eft trop fèche , le
travail eft long , pénible & coûteux j
fi elle eft trop pénétrée par l'eau ,
il eft inutile de le commencer, on
paîtriroit la terre, on la durciroit Se
on la retourneroit mal. Dans quel-
que climat que l'on habite, on doit
confulter les circonftances ; l'hiver
ôc les glaces produifent dans le nord
»in effet oppofé à ceux des provinces
du midi , ils foulevent le terrein &
l'émiettent , mais les pluies & la fonte
des neiges le taflent & le plombent
trop vite.
Plufieurs Auteurs qui fe font fidè-
lement copiés les uns après les au-
tres , confeillent de défoncer le fol
jufqu'à la profondeur de quatre pieds,
li on ne peut pas ficilement fe pro-
curer de l'eau pour arrofer , parce
que la terre ainfi profondément
retournée , conferve la fraîcheur pen-
dant plus long-temps. Je deminderois
à ces Auteurs s'ils penfent de bonne
foi que cette terre fe foutiendra
toujours ainfi foulevée j fi petit à
petit elle ne fe plombera pas, & fi
u le fjis plombée elle confervera
plus de fraî.heur qu'auparavant ? Je
crois au contraire qu'il y aura plus
d'évaporation , di par conféquent que
ies effets de la féchereffe fe manifef-
teronr bien plus vite. Sans la quantité
convenable d'eau pour les arroie-
J A R
mens , il faut renoncer à toute efpèce
de grand légumier , à moins que l'on
n'habite un pays où les pluies foient
tfès-fréquentes pendant l'été , & en
outre un pays où la chaleur foit très-
tempérée dans cette faifon.
J'ai dit plus haut que le fol des
tranchées devoir être défoncé à la
profondeur de trois pieds , mais
c'eft dans le cas qu'on planre des
arbres fruitiers dans le légumier ;
autrement la tranchée de deux pieds
de profondeur eft très-fuffifante, parce
que je ne connois point de légumes
à racine pivorante qui plonge au-de-
là de ce terme. A quoi fert donc de
multiplier la dépenfe , & d'enfouir
au fond de la tranchée de trois pieds
la terre de la fuperficie qui ne reverra
jamais le jour, & qui devient inutile
à la nourriture des planres ?
Si la fouille a été faite immédia-
tement avant l'hiver, il eft à propos
de couvrir le fol avec du fumier bien
confommé , afin que les pluies , les
neiges la détrempent & imbibent la
la terre de fa graifte. Si au contraire
la fouille a été faite après Ihiver , il
convient d'enterrer le fumier à quel-
ques pouces de profondeur , afin que
l'ardeur du foleil & le couranr d'air
ne détruifent & ne fiffent pas éva-
porer fes principes vivifians.Ceque je
viens de dire fiippofe qu'on n'a pas
la puérile envie de jouir du terrein
aulîî rôt après que le travail eft fini.
Je ne celTerai de repérer ce qui a
été dit au mot Défrichement , au mot
Amendement. Il faut que la terre de
delTous , ramenée à la fuperficie , ait
eu le temps d'être travaillée 6.- péné-
trée par les météores. On éloigne , il
eft vrai, le moment de jouir, mais
on jouit enfiiite bien plus sûremenr.
Jufqu'à préfent tout a été du ref-
J A R
fort des manœuvres ou Journaliers j
ici commence le travail du jardi-
nier. Il foudivife fes quarreanx en
tables ou planches , & difpofe le local
des petits fentiers de féparation. Si
Je jardin doit être arrofé par irriga-
tion , il trace la place des rigoles &
celles des plates-bandes, en un mot,
il prépare le terrein pour recevoir des
plans enracinés, ou les femences.
Le fimple jardin légumier ne de-
mande aucun plan étudié j des quar-
reaux plus ou moins allongés font
tout ce qu'il exige. C'eft la commo-
dité , la facilité dans le fervice , dans
l'arrofement, le tranfport des fumiers
qu'il faut fe procurer par deffus tout,
enfin ne rien négligerde ce qui tend à
fimpliher le travail & à diminuer
les frais de main-d'œuvres. C'eft là
le premier bénéfice.
Il me refte encore une queftion à
examiner. Les fouilles ou tranchées
plus ou moins profondes font-elles
indifpenfables dans tous les cas lorf-
qu'il s'agit de créer un jardin ? Elles
font très-utiles en général, mais elles
ne font pas toujours d'une néceftîté
abfolue. Cette diftinétion tient à la
qualité du fol ; en effet , fi la couche
de terre eft par elle même profonde,
meuble , riche, 3c fi elle ne retient
pas trop l'eau , à quoi ferviront les
grandes tranchées ? fi le fol eft natu-
rellement compofé d'un fable gras
& fertile , les fouilles le rendront
d'un côté plus perméable à l'eau, Se
de l'autre plus fufceptible d'évapo-
ration. Les fouilles ont pour but de
faciliter le pivotement & l'exteniion
des racines , &c dans les deux cas cités ,
rien ne s'oppofe à leur développe-
ment. Les grandes fouilles font donc
ici très-inutiles , il fuftit avant de tra-
cer le jardin , d'égalifer le terrein à la
J A R II
charrue, afin d'enlever les broufailles ,
les touffes d'herbe, & de palferenfuite
la herfe fur les deux labours croifés,
afin de niveler & d'égaler le terrein.
On parviendra par cette méthode à
tracer facilement les allées, ôc la plus
légère raye les deflîaera Se les fépa-
reta, à l'œil , du fol deftiné à former les
quarreaux , les plates-bandes &C. Le
plan une fois tracé , arrêté & fixé par
différents piquets , il ne s'agit plus
que de bien fumer la fuperficie, & de
donner un fort coup de bêche pour
l'enterrer.
Section III.
Du tems de fcmer.
Fixer une époque générale pout
les femailles , c'eft établir l'erreur la
plus décidée , ou bien il faut fe con-
tenter d'écrire pour un canton ifolé,
& encore doit- on fubordonner à la
manière d'être des faifons, les pré-
ceptes que l'on donne. Cependant
comme je ne puis traiter ici de tous
les cantons du royaume en particu-
lier , je me contente d'envifager les
deux extrémités , celle du midi & du
nord , comme les deux qui font les
plus oppofées. Les particuliers dont
les jardins s'éloignent des extré-
mités de l'un ou de l'autre climat ,
modifieront l'époque des femailles
en raifon de leur éloignement, Se
fur-tout en raifon des abris que la
nature leur fournir. ( Voye^ le mot
Agriculture , chap. III des AbriSj
afin de juger jufqu'à quel point ils
influent fur la végétation , ou com-
bien dépendent d'eux fon actéléra-
tion ou fon retard). Lille en Flandres
Se Paris font les exemples pour le
nord , Marfeille Se Béziers pour le
midi. Les deux * * indiquent qu'il
faut femer fur couche Se fous cloche
B 1
12 J A R J A R
pour le climat de Paris feulement, marque que la graine demande à être
La couche & la grande paille, au be- femée dans un lieu bien abrité j le
foin, fuffifent pour l'autre. La feule * refte fans * en pleine terre.
ÉPOQUES DES SEMAILLES.
Climat de Paris et de
Flandres.
Janvier.
**
Fèves.
**
Laitues <
r crêpe.
^ verfailles_.
*, *
Melons.
C priufanière.
■* *
Radis.
* *
Petites raves.
* *
* *
Pourpier
Chicorée
verr.
fauvage.
* *
Cardons.
»*
Concoml
Dres.
**
Cerfeuil.
* *
Crelfon
alénois.
*
Oignons
de S. Antoine.
Climat des bords de la
Méditerranée.
*
*
Janvier.
Melons.
Concombres.
Pourpier.
Céleri.
Radis.
Petites raves.
Choux -fleurs hâtifs,
allemande.
* Laitues
panaché.
gris.
hâtif.
CrelTon alenois.
Mâche.
Cerfeuil.
Poireaux.
Oignons.
pomme de Berlin."
grofle rouge.
jeune rouge.
coquille.
paflion.
groiïe blonde.
grofle gorge.
bapaume.
les gênes.
ritalie.
la royale.
la gotte.
fanguine ou flagellée.
chicon rouge.
Choux
blancs,
pommés,
de milan,
verds.
Fèves.
Pois.
PARIS.
F É V 1<. I E R.
* *
* *
Melons.
Auberoines.
Petites raves.
Radis.
Pourpier vert.
Concombres.
Oignons.
* * Carottes.
** Chou de milan.
* * Chou - fleur.
** Bafilics.
** Couches à champignon.
* * Afperges.
** Haricots,
verts.
michauds.
domini.
nains.
Fèves de marais.
Ail.
Echalotes.
Rocamboles.
Ciboule.
Pois
* *
Oignon.
Chicorée.
Efcarolle.
Chou frifé nain.
Epinards.
Cerfeuil.
Perfil.
Les laicues du mois précédenr.
* *
MEDITERRANEE. 15
Perfil.
Échalote.
Epinards.
Février.
fleur.
brocoli.
Choux ^ cabu ou pomme.
de Milan.
de Strasbourçr.
Poivre d Inde.
Aubergine.
Courges.
Concombres.
Melons.
Céleri.
Bafilic.
* Laitues
coquille,
pareffeufe."
Verfailles.
d'Autriche,
brune de Hollande.
Perpignan,
petite crêpe,
grofle crêpe,
celles du mois pré-
cédent.
Oignons d'automne.
Pois.
Fenouil.
Chervis.
Topinambour.
Pomme de terre.
Poirée.
Petites raves.
Radis de toute efpèce.
Perfil.
Fèves.
Fournitures de falades.
Cardons d'Efpagne.
Haricots.
Afperges.
Carottes.
Panais.
Sallifix.
Cerfeuil.
H
PARIS.
MÉDITERRANÉE.
M
A R S.
* * Couches à champignons.
* * Melons.
* * Potirons.
** Courges.
* * Concombres.
* * Chou-fleur.
** Céleri.
* * Capucine.
** Bafilic.
** Chicorée fauvage.
** Fèves de marais.
* * Haricots.
* Laitues
Verfailles.
La george.
La petite crêpe.
La bagnolet.
Perfil.
Cerfeuil.
Radis.
Raifort.
Petites raves.
Navets.
Pinprenelle.
Pourpier verd.
Poirée.
Creflon alénois.
Oignons,
Épinards.
Fèves de marais.
Pois.
Carottes jaunes & rouges.
Lentilles.
Pommes de terre.
Eftragon.
Chicorée uuvage.
Moutarde.
Chicorée.
Efcaroile.
Mâche.
Sénevé.
Arroche.
Lentilles.
M
A R s.
Laitues <
à coquille,
de la paflîon.
romaine,
chicon verd.
d'Efpagne.
d'Allemagne.
panaché,
alphange.
On peut encore eflayer les laitues
des mois précédens.
Porreaux.
Oignons d'été,
d'automne,
échalotes,
aulx.
/ quarrés.
nains.
à parchemin,
romain.
d'Angleterre.
Pois «^ verd.
michaud.
baron,
à cul noir.
de tous les mois.
goulus.
Fèves.
Chervi.
Raifort.
Radis.
Petites raves.
Epinards.
Perfil.
Poirée.
Betteraves
\
jaunes,
rouges.
PARIS.
MÉDITERRANÉE. 15
Cardons.
Haricocs.
Atcichauds.
A fperges.
Bafilic.
Capucine.
Bourrache.
Sarriete.
Carotes.
Panais.
Scorfonère.
Salfifix.
Céleri.
Cerfeuil.
Chicorée de toute efpcce.
Pourpier.
Crefion alenois.
Angélique.
Courges.
Melons.
Concombres.
Eftragon.
Percepierre.
Navets.
Radis.
Petites raves.
Pommes de terre.
Topinambour.
Pomme d'amour ou tomates.
Choux de toutes les efpèces, &
même le chou-fleur.
**
* *
* *
Chou
V R I l.
de Milan,
fleur.
* * Céleri.
* * Cardon.
Potiron.
Différentes laitues.
Pourpier doré.
Chou de Milan.
Poirée.
Radis.
Petites raves.
Avril.
Laitues
\
.Ch
lOU
C la royale.
la crêpe blonde.
la petite rouge.
la capucine.
l'Autriche.
Roulette verte.
Tous les chicoBS.
fleur.
de Milan,
rave,
brocolis.
iG PARIS.
Chicorées.
Maïs ou blé de Turquie.
Cardon.
Haricots.
r à cul noir.
Pois ^
Fèves.
Perfil.
Carotte
qu;
arre.
li
aune,
rouge.
Laitues.
Chicorée fauvage.
Salfifix.
Betterave
Sarriette.
Panais.
Laitues <
jaune.
rouge.
Chou •
Céleri
r de Siléfie.
^ de Verfailles.
C d'Italie.
frifcs.
nains.
Heurs durs.
de la S. Rémi.
brocolis.
plein,
branchu.
Cardons.
Potirons.
Concombres.
MÉDITERRANÉE.
Pois
à cul noir.
nains.
goulus.
michauds.
Oignons.
Chicorées endives.
Épinards.
Perfil.
Fèves.
Raifort.
Radis de toute efpèce.
Cardons.
Artichaux.
Haricots.
Oxès ou alléluia.
Anis.
OfeiUe.
Bafilic.
Carottes.
Scarfonne.
Salfifix.
Pourpier.
Pommes d'amour ou tomates.
Poivre d'Inde.
Aubergine.
Naver.
Fenouil.
Mai.
** Chou -fleur.
Chou tardif.
Cardons d'Efpagne.
Melons.
Haricots blancs.
Fèves de jiiarais.
Poirée.
Ofeille.
Céleri.
Cerfeuil.
M A
I.
Laitues
Chou
Pois a
Épinards
Raifort.
chicans de toute ef-
pèce.
brune de Hollande.
petite crêpe.
' de Milan.
' fleur tardif.
' rave,
cul noir.
Laitues,
PARIS.
Laitues.
Pourpier doré.
Pois, & fur-tout le quarté blanc.
Choux d'hiver.
Scorfonères.
Betteraves.
Concombre.
Cornichons.
Radis.
Juin.
Haricots.
Chicorées.
Mâche.
Poirée blonde & verte.
Pourpier doré.
Laitues d'été.
Chicons verds.
Cerfeuil.
C pommes hâtifs.
Choux ? inÇés hâtifs.
C de Milan.
„ . Ç mi chaud.
Pois -x c .r
l Suille.
Radis.
Raves.
Raiforts.
MÉDITERRANÉE.
Radis de toute efpcce.
Poirteaux.
Haricots /
Carottes.
Scorfonère.
Céleri. .,
Qaicorée
verds.
d'Efpagne.
blancs communs.
endive fiifée.
fcariole.
à la régence.
de Meaux.
Pourpier.
Creffon alenois.
Concombres.
Tomates.
Poivre d'Inde.
Navets gris.
Juin,
Chicons de toure efpèce.
r verds.
Choux ? Milan,
brocolis,
lains.
cul noir.
Toutes efpèces de radis, & fur-
tout le gros radi noir de
Strasbourg.
Epinards.
Haricots.
Concombres.
Carottes.
Bafilic.
Chicorée endive , fcariole.
Pourpier doré.
Mâche.
Pois
5 na
J u
I r. L E T.
Ofeille.
Poiiée.
Cerfeuil.
Laitue royale.
Tome f^J.
Juillet.
Laitues.
Ciboules.
Epinards.
Radis de toute efpèce.
C
1 s PARIS.
Chicorées.
Pourpier doré.
p ■ Ç michauûs.
\ quarrés.
Navets.
Radis.
Raiforts.
Raves.
Chou de bonneuil.
Haricots.
Oignons bkncs.
Ciboule.
Fraiiicr des mois.
MÉDITERRANÉE.
Haricots de toute efpèce ,
cepré celui d Efpagne.
Cerfeuil.
Endives de toutes efpèces.
Navet.
Pourpier.
cx-
o u T.
A
G u T.
Cerfeuil.
Chicorées.
Poirée.
Epinards.
Navets.
Laitues d'hi"ver.
Mâche.
Oignons blancs.
Raves.
Ciboule.
OftiUe.
Ch
ou
fleurs durs.
pommés hàtifs.
fnfés hâtifs.
Milan.
gros de Milan.
de bonneuil.
d'Aubervilliers.
Salfitix.
Scotfonère.
petite crêpe.
groiïe blonde.
brune de Hollande.
Laitues ^ cocaire.
coquille.
la pailion.
laitue épinard.
Chicons romains S<. verts.
Oignons d'été.
C rieur.
Choux
cabus.
de Milan.
Septembre.
Epinards.
Cardons.
Carottes.
Scorfonère.
Endives.
Chicorées.
Mâche.
Navets.
Raves. •
Raiforts.
Ridis de toute efpèce.
Septembre.
Raves.
Radis.
Raiforts.
Laitues
à coquille,
de la paflion.
pommées.
PARIS.
Carottes [aunes S<. rouges.
Epinards.
MaL-he.
Oignons blancs.
Cerfeuil.
* Pois niicliauds..
MÉDITERRANÉE. 19
Laitues
pente crêpe,
brune de Hollande,
la roulette,
la royale.
!a gènes
Epinards.
Oignons.
A if.
Rocambole
Echalotes,
Chou-fleur hâtif.
Cerfeuil.
Endives.
Chicorées.
Mâches.
Navets.
Radis.
Petites raves.
chicons d'Allemagne,
laitue cpinard.
a. remettre
terre.
e»
Octobre.
Octobre»
Epinards.
Ccrheuil.
Mâche.
Radis.
Petites raves.
* Pois verts.
Laitue
romaine.
crêpe.
* Chou fleur.
Chou
fleur,
cabu.
'^ Fèves.
* Concombres.
Oignons.
Endives.
Chicorées.
Raiforrs.
Navets.
Radis.
Petites raves.
Epinards.
:pi
Pois
CTOUlUS.
barons.
niithauds.
nains.
Mâche.
Creffon alénois.
Coriande.
C 1
xo
PARIS.
MÉDITERRANÉE.
NovEMsai.
Novembre.
r verrs.
Pois >/ dominé.
C michau.
à femer en
maiiequin.
D
E c E M B R E.
* Pois verts.
* Fèves de marais.
On fera peu: ctre étonné de voir
certaines efpeces femées chaque mois
de l'année, fLirtctitdans les provinces
méridionales , les radix , les épinards
par exemple. Sans cette précaution on
n'enauroiràcueillirque depuis lemois
de fepcembre /uiqu'eii mars ; alors
les derniers & les premiers feroieiit
Laitues
roulette,
la george.
de Siléfie.
panachée.
de la paflion.
capucine.
pareiïeufe.
d'Autriche.
crêpe verte.
* Chicons.
Oignons.
Raifort.
Radis.
Petites raves.
Epinards.
* Fèves.
r michauds.
Pois / nains.
<L goulus.
Décembre.
Laitues , les mêmes que dans le
mois précédent, & en fus :
la rouge pommée.
la royale.
la Verfailles , & les mêmes
qu'en janvier.
Oiçrnons.
Fèves.
* Radis.
* Petites raves.
trop durs après trois femaines ou un
mois de leur femis. Si on veut jouit
pendant toute l'année , il f.im fcmer
louvent , parce que la grande chaleur
fait promptemenr monter les plantes
en graines. On peut dire en géné-
ral que chacjue graine tft dans le
cas dètre feméc à trois époques
J A R
différentfjs dans les mêmes années ;
mais il faut avoir un jardinier intel-
ligent qui fâche faifir le moment.
Cette clalfe d'hommes a une rou-
tine très - bonne en elle-même , Se
fait que le jour de la fête de tel fainc^
il convient de femer telle &c telle
efpèce. Si la faifon eft dérangée , fes
plantes montent en graine, ou ne
réulîilTent point , il rejette la faute
fur la qualité de la graine , tandis
que cela tient à la conftitution de
la faifon qui ne s'accordoit pas avec
fon calendrier. Ce fait prouve encore
combien les époques générales que
l'on pre-fcrit font abufives.
Le particulier riche croit faire des
merveilles d'appeller chez lui des
jardiniers inftruits auprès des grandes
villes , fur-tout fi elles font éloignées
de fon canton. Cet habile homme
fur lequel il fonde fes efpérances ,
fera pendant les deux premières
années très-inférieur aux jardiniers
les plus communs du pays , parce
qu'il n'en connoît point le climat ;
mais s'il a de l'intelligence, s'il fait
obferver & raifonner la méthode du
pays j à coup fur il la perfedionnera
dans la fuite.
Ce feroit perdre ici fon temps de
préfenrer un tableau femblable au
précédent, pour indiquer les époques
auxquelles on doit tranfplanter les fe-
mis, cueillir les graines, ferfouir, en-
terrer les plantes à blanchir iScc. &:c.
Tous ces objets dépendent du climat,
[e le répète , on tranfplante lorfque
1^ femis-eft allez fort , on travaille
le pied des plantes , on les farcie
autant de fois qu'elles en ontbefoin;
on récolte la graine quand elle eft
mûre , on fait blanchir les cardons ,
lés chicorées ,. lorfque les pieds font
affez larts (Sec, «Sec. 11 ne taut que des
J A R 21
yeux pour juger j les préceptes font
abufifs , & l'Auteur fait parade d'une
vaine & inutile érudition , à moins
qu'il n'écrive pour un très-petit can-
ton j s'ilgénéralife, tout eft perdu.
CHAPITRE IL
Des Jardins fruitiers.
Le règne de Louis XIV fut l'épo-
que de la perfed;ion des arts en
France , comme celui de François I
de la renailTance des lettres. L'art
des jardins huitiers prit une nouvelle
forme. Laquintinie parut, &: les ar-
bres autrefois livrés à eux-mêmes,
couvrirent de leurs branches , de
leurs feuilles , de leurs Heurs & de
leurs fruits , la nudiré 8c la rufticité
des murs. Enfin dans fes mains l'arbre
prit la forme d'un efpalier , d'un éven-
rail & d'un builTon. Ce grand homme
opéra une révolution prefque aulfi en-
tière dans la culture du légumier.
Pendant que la France & l'Europe
entière admiroient & adoptoient les
méthodes de M. Laquintinie , & qu'on
s'extafioit à la vue de fes efpaliers ,
de fiiTjples particuliers, conduits par le
génie de l'obfervarion & de l'expé-
rience, perfettionnoient à petit bruit ,
ou plutôt prefqu'ignorés , la théorie
de la taille des arbres. Enfin après
des travaux foutenus pendant près
d'un ficelé, on a commencé à fe douter
que les feuls habitans du village de
iMontreuil ( f'^oye^ ce mot ) avoient
découvert le fecret de la nature. Ce
n'eft que depuis quelques années que
la vérité gagne de proche en proche.
II faudra bien du remps pour que U
révolution foit générale & com-
pletre \ on tient à fes anciens pré-
jugés j on les ciielfe & il elt difh-
2i J A R .
eile d*en fecouer le joug. Les parti-
ons de la métliode de M. de La-
qiiintinie ne croiront pas fur paro-
les , Se ils demanderont des preuves
fur la fupcriorité de ctlle des Mon-
treuillois. Sans entrer ici dans aucune
difcufiîon , je leur dirai feulement,
on voit encore aujourd'hui à Mon-
treuil des pêchers plantes à la fin du
fiecle dernier. Que 1*011 cite un pa-
reil exemple dans les fruitiers de
M. Laquintuiie, & dans tout le refte
du royaume. M. Laquintinie con-
nut le genre de culture de ces bons
travailleurs , mais trop attaché à la
méthode qu'il avoit imaginée , &
encouragé par les louanges qu'un
grand Roi & la nation lui prodi-
guoient ,- il crut au-delfous de lui de
devenir imitateur. Il avoir fait venir
le jeune Pépin, cultivateur de Mon-
Treuil , qui tailla en fa préfence plu-
sieurs arbres , mais Laquintinie jaloux
ou enthoufiafte de fa propre méthode,
fe hâta de le congédier , & Pepm
de retourner à Ion village y cultiver
l'héritage de fes pères.
SECrrON PREMIERE.-
De la formation des Jardins fruitiers.
Ils fuppofent néceiïairemenc une
plus grande profondeur à la couche
de tetre végétale que celle des légu-
miers, afin que le pivor des arbres
plonge de s'enfonce fans contrainre ,
& fur-tout fans être forcé de s'éten-
dre horifontalemenr. Ceci demande
<!es dcveloppemens , & éprouvera
beaucoup de conrradiélion. Comme
chacun a fa manière de voir, fi on
condamne la mienne , je ne force
pèvfonne à l'adopter.
J'établis en ptincipes i**. Qu'on
J A R
ne doit planter aucun arbre dépouillé
de (on pivot, z". Que tout arbre
doit être greffé franc fur franc ; il
reluire donc de ces deux affertions
que pour fe procurer un bon & excel-
lent jardin truitier, il faut une couche
de terre qui ait beaiKoup de pro-
fondeur. On concluroit à torr que
je défapprouve les jardins fiuiriers
donc la couche de rerre franche
n'a que crois ou quatre pieds j &
qui porte fur une couche de gravier
ou de pierrailles &c. Lorfqu'il n'tft
pas poflible de fe procurer un "autre
fol, on eft forcé de fe contenter de
celui-là, il eft inutile alors de laifler
le pivot , & de ne planter que des arbres
greffés franc ftir franc. Ces excep-
tions ne détruifent pas les deux afTer-
tions générales , elles les confirment
au contraire, puifque nulle règle
fans exception. Mais je perfifte à
dire que celui qui eft alfez heureux
pour avoir un grand fond de terre
&: de bonne terre , doit en profiter
& en tirer le meilleur parti, je con-
viens c]ue des arbres ainfi plantés refte-
lont plus long-temps à fe mettre à
fruit , fur-tout s'ils font taillés fuivanc
la marotte ordinaire ; que cerraines
efpèces réuHilfent mieux greffées fur
coignaflier , fur prunier , (Sec. 11 ne
s'agit pas ici de quelques exceptions
particulières , mais de la maiïe des
arbres fruitiers confidérée dans fou
enfemble. En fuivanr les procédés
que j'indique , on ne fera pas obligé
de remplaier chaque année un grand
nombre d'arbres &: fouvenr un tiers
ou une moitié après la première année
de la plantation j enfin j on aura ât%
arbres forts & vigoureux qui fubfif-
teront pendant plufieurs générations
d'hommes. J'ofe dire plus , fi un
particulier avoir la patience d'atten-
J A R
dre , je lui confeillerois de fcmer
fur place le pépin, le noyau &:c ; de
CLilcivei- leur produit avec les mêmes
foins que les feniis des pépinières;
enfin de greffer lorfque les troncs
aumienr acquis la grolfeur conve-
nable & décenninée pour recevoir la
greffe-, (^oy£:( ce mot). La beauté
.& la durée de tels arbres bien conduits,
feroient époques dans le canton ,
fur- tout fi on n'avoir pas eu 1-a manie
de les femer rrop près les uns des
autres.Onaurorr alors l'arbre nature',
& l'arbre dans toute fa force. Que
l'on conlîdèie dans une foret l'arbre
venu de brin ou celui venu fur
fouche. Se on décidera auquel des
deux on doit donner la préférence ! Il
en eft aipfi de l'arbre fruitier. Je fais
<que la greffe s'oppofe à la grande &
naturelle extenfion de l'arbre , mais
par exemple les abricotiers à noyaux
doux n'ont pas befoin d'être greffés
pour produire leurs efpéces , ainfi
que pluficurs autres fruits à noyaux.
Je demande h on pourra comparer
avec eux , pour la force , pour la vi-
gueur, un abricotier, un pêcher greffé
fur un prunier ou fur amandier, &c.
&c. , fi le pommier ou le poirier font
au(îj vigoureux greffés fur coignaflier
■que fur franc ? enfin , fi un arbre
quelconque, dont on a fupprimé le
pivot , végète auffi rapidement ik
dute autant que celui dont on a mé-
nagé le pivot, & fur-tout que celui
■qui a été femé i demeure? Nier ces
faits , c'eft vouloit fe refufer à l'évi-
dence; il y a très- peu d'exceptions à
cette loi. L'on veut jouir, & jouir
promptement, dès-lors il faut con-
trarier la nature, & l'atbre, par une
caducité précoce , la venge des loix
qu'on a violées.
11 efl ttès-ordiuaire de voir, dans
J A R î's
un jardin fruitier , les arbres à fruits
d'été , d'automne &c d'hiver , mêlés
indiftinélement les uns avec les au-
.tres 5 on ne fcpare pas plus les arbres
dont la végétation a une force , par
exemple, comme douze de ceux dont
le degré de végétation n'excède pas
lix. 11 réfulte de ces bigarrures, qu'une
allée , qu'une partie d'un eipalier
font dégarnis de fruits & de feuilles,
tandis que les arbres de certaines
places en font charges. 11 vaut beau-
coup mieux deftinerun emplacement
pour chaque efpèc.e en particulier;
par exemple, tous les bons chrétiens
d'été enfemble , iScc. iJcc. Il en tll
ainfi pour les arbres inégaux en vé-
gétation. N'efl-il pas plus agréable à
voir dans une allée des arbres raillés,
foit en évantail , foit en buifïon , &
tous de la même force >?>: de la même
hauteur, plutôt que d'en voir un
plus haut , l'autre plus bas ? Le jar-
dinier aura beau tailler long ou court,
par exemple, une arménie panachée,
fes branches ne s'élèveront , ne
s'étendront & ne fe feuilleront ja-
mais autant que celles d'un dago-
bert, (Sec, le premier aura perdu fes
feuilles à la première matinée fraî-
che , tandis que l'autre ne fe dé-
pouillera qu'aux gelées. Que d'exem-
ples pareils il feroit facile de rap-
porter !
J'infifte fur la féparation des ef-
pèces, afin que le jardinier ne falfe
point de méprife à la taille. L'homme
inftruit connoît la qualité de l'arbre
à la (eule infpeétion du bois; mais,
pour parvenir à ce point de certitude,
il faut une longue pratique. Se fur-
tout avoir l'art dé bien obferver. Va
autre avantage qui réfulte de cette
féparation , confifte dans la facile
cueillette des fruits , elle évite le
i4
J A R
tranrport çà & là des échelles, des
paniers, &:c.
Voici encore une propofition qui
paroîcra paradoxale à bien des gensj
i'ofe avancer qu'on doit planrer, dans
les endroits les plus froids & les plus
battus des vents, les arbres à fleurs
les plus précoces , comme abricotiers ,
pêchers , amandiers , &c. Ces arbres ,
originaires d'Arménie &c de Perfe ,
fe trouvent en France dans un cli-
mat bien différent ; cependant ils y
fleurilTent dès que le degré de cha-
leur de l'atmofphère eft le même que
celui qui les metroit en fleur dans leur
pays natal; ils ont beau avoir change
de climat , ils obéilTent , quand les
circonftances ne s'y oppofent pas, à la
loi que la nature leur a allignce dans
le nouveau. Auflî voit -on , lorfque
les fortes gelées font tardives, des
pêchers , des amandiers fleurir à la
fin de décembre & fouvent de jan-
vier; or, en plaçant ces arbres dans
l'endroit le plus froid & le plus ex-
pofé aux grands courrans d'air, ils
ne fleuriront pas en pure perte, ni
lî-tôt que les autres arbres de leur
efpèce, plantés contre de bons abris.
D'ailleurs, ils fleuriront plus tard au
printemps, le développement & l'é-
panouiffement étant retardé, la fleur
craindra beaucoup moins les fnneftes
effets des gelées tardives du prin-
temps. Admettons encore que ces
arbres foient en fleurs dans le même
temps que le feront ceux qui font
bien abrirés , je ne crains pas de dire
que les fleurs de ces derniers feront
bien plus malrraitées que les autres,
en raifon de l'humidité qui les re-
couvre, tandis que le courant d'air
l'aura diflipée fur les fleurs des pre-
miers. On fera rrès-bien cependavt
d'avoir de bons abris pour les pêchers ,
J A R
les abricotiers , les amandiers , fur-
tout dans les provinces du nord, afin
que il les gelées détruifent les fleurs
desarbres plantés fur l'élévation , elles
n'endommagent pas celles des arbres
bien abrités , & ainfi tour à tour.
J'ai obfervé un très grand nombre de
fois , dans l'intérieur du royaume ,
que les gelées du printemps nuifoient
plus aux arbres des bas fonds qu'à
ceux des coteaux ou des éminences.
Les fols argilleux font à comparer
aux bas fonds ; ils reriennent l'eau
trop longtemps, quand une fois ils
en font imbibés ; la chaleur a-t-elle
diflïpé leur humidité , leurs mollé-
cules fe reflerrein, s'adaptent les uns
aux autres, & la malfe fe durcit au
point que les racines n'ont plus la
liberté de s'étendre. Les fruirs cueillis
fur ces arbres n'ont ni faveur ni
parfum , & ces arbres offrent fans
ceffe le trifte fpeétacle de la nature
fouffranre, & qui dépérit infenfi-
blement.
Les jardins fruitiers font commu-
nément environnés de murs , foit
afin de défendre les fruits contre le
pillage ,foit pourfe procurer de beaux
efpaliers. ( yoye:[ ce mot. ) Les arbres
y font plantés Ik taillés ou en efpa-
lier,ouen conrrefpalier, ou en évan^
tail , ou en buiffon , ou bien j livrés
à eux-mêmes, s'ils font à plein venc.
Tout le monde convient que le fruic
de ces derniers eft infiniment fupé-
rieur au goût ; mais dans nos Pro-
vinces du nord la chaleur n'eft fou-
venr pas affez forte pour lui faire
acquérir une parfaite maturité : il
convient, & on eft forcé alors de les
tenir ou à mi-tige , ou ravalés par
uns taille quelconque, foit erfévan-
tail , foit en buiffon. Le premier of-
fre le long d'une allée une jolie ta-
pifferie
J A R
pUrerie de verdure , fingiilicrement
embellie au temps des fleurs, & très-
riche lorfque les fruits ont acquis leur
grolFeur & leur couleur ordinaire j
mais la monotonie eft fatifiuante. Les
féconds permettent à la vue de péné-
trer à travers le vuide qui rcfte entre
eux, à mefure qu'ils s'éloignent &
forment une cloche dont l'évafement
ell au iommet. Il elt certain que fi
tous ces arbres font à la même hau-
teur, que s'ils ont un égal diamètre,
ils produifent un très - bel effet.
( f^oye^ les mots Buisson, Buisso-
NIER.)
Je n'aime pas la bigarrure le long
des allées ou des elpaliers , que
préfencent les atbres à mi tige , pla-
cés alternativement avec les arbres
nains : ou tout un , ou tout autre.
Le mi -tige feul figure très -bien,
& la vue le promène agréablement
par delfous. L'arbre en éventail fait
tapifferie , & ne permet pas de voiraii-
delà , pour peu que fes branches foient
élevées. Lorlqu'on plante, on doit
conlîdérer i°. l'utile, 2°. l'agréable.
Admettons qu'on ait à fotmer la
totalité d'un jardin fruitier, & qu'on
dîfire avoir des arbres fous toutes les
formes ; les allées une fois tracées ,
le fol divifé par plare-bandes ou par
quaneaux , on rélervera les quarreaux
du fond aux arbres à plein vent, les
quarreaux qui les précèdent feront
deftinés aux arbres à mi-tige, ceux
en avant aux arbres taillés en buif-
fons;.les féconds quatreaux aux ar-
bres nains , livrés à eux-mêmes , &
tels qu'ils poufferont après les avoir
ravalés après leur plantation, & en-
core mieux fins les avoir ravalés ;
enfin , les quarreaux fur le devant
feront occupés par des atbres taillés
en éventail.
Tome FI,
J A R 15
On fera peut-être étonne que je
place dans le nombre des nains des
arbres qui ne feront point fujers à
la ferpetce ni à la taille \ outre qu'ils ,
produiront un eftet picrorelque, &r
un peu fauvage au milieu de ces
arbres fymétnquement arrangés ,
j'ofe affurer que chaque année ils fe
chargeront de be.îucoup plus de fruits
que les autres, & l'on fera furpris
de leur étonnante végétation. Enfin,
après une longue fuite d'années, on
les mettra, fi l'on veut, & fans cou-
rir aucun rifque, en arbres à plein
vent^ il fuffira petit-à-petit & médio-
ctement chaque année , de fuppri-
mer les branches les plus baffes, &
de recouvrir foigneufement les plaies
avec Y onguent de Saint Fiacre. ( ^'oye:;^
ce mot.) Au furplus, la difpolition
de la forme des arbres dépend de la
volonté du ptopriétaire.
Lorfque l'on plante un fruitier ,
l'efpace paroît immenfe, & le pied
de chaque arbre , ttès-éloigné du pied
voifîn, parce qu'alors on n'apperçoic
qu'un tronc mince , fans branches ,
fans feuilles , & abfolument nud ;
mais pour peu qu'on ait l'habitude de
voit & de juger de l'efpace qu'il oc-
cupera dans la fuite, on fe règle alors
fur la dilfance proportionnelle que
les arbres exigeront entre eux : c'eft
pourquoi j'ai confeillé de mettre cha-
que efpece à part, foit pat rapport au
fruit , foit par rapport à la force de
la végétation de chaque efpece. Ce
n'efl: pas tout : on doit encore con-
noître la manière d'être & de végé-
ter de chaque arbre , dans le pays
qu'on habite, & relativement au fol:
par exemple, les bons chrétiens d'été,
d'Aufch , à feuilles de chêne, &c.
pouffent bien plus vigoureufement,
( toutes citconilanccs égale? ) dans
D
i6 J A R
les Provinces du midi que dans celles
du nord j ils demaudent donc àêcre plus
éloignes enrr'eux dans cerre région
qu'aux environs de Paris. C'eft de cette
manière que l'homme inftruit juge &
compare, tandis que l'ignorant tire
des coups de cordeaux, aliigne & ef-
pace fymétriquement fes arbres. Eh !
le coup d'œil, dira-t-on, doit-il être
compté pour rien ? Je réponds : Eh !
qu'importe votre coup d'œil à la na-
ture? croyez-vous que la beauté d'un
jardin dépend d'une monotone (y-
métrie ? Le premier point eft de tirer
du fol tout le parti poflible, & d'avoir
des arbres de la plus grande beauté.
Veut-on encore abfolument ne pas
déroger au total à l'ordre fymctri-
que ? eh bien , placez dans les pre-
miers rangs les arbres qui étendent
moins leurs branches & s'élèvent
moins, & ainfi fucceflivement pour
les autres , félon l'ordre de la végé-
tation. Alors les coups de cordeaux
feront fur le devant plus ferrés, &
plus larges dans le fonds \ mais comme
l'effet de la perfpeftive eft de pa-
roître diminuer de largeur à mefure
qu'elle fe prolonge , la fuppreflîon
d'un, de deux ou de trois ou quatre
arbres fur le fond fera infenfible ,
fuivant la grandeur & la largeur du
quarreau; alors, au lieu d'avoir des
lignes droites , vous en aurez d'o-
bliques , mais parallèles & fymé-
triques. Tout l'art conlifte, avant de
planter, de mefurer la longueur &
la largeur du quarreau, de défigner
par des points fur le papier l'efpace
qui doit régner entre chaque arbre,
&• de calculer leur nombre , de ma-
nière qu'il fe trouve toujours un ar-
bre fur la bordure tout autour du
quarreau. Sa grandeur (J: la force de
végétation de chaque efpèce , déci-
J A R
dent le nombre que l'efpace doit
contenir, ainfi que celle à laifTer en-
tr'eux. On ne fe repent jamais d'avoir
éloigné les arbres , au contraire , on
fe repent toujours , & bientôt, d'avoir
planté trop près. Je plante près, vous
dit-on , pour jouir plus vite , à la
longue je fupprimerai un rang d'ar-
bres. La précaution eft utile pour
garnir des efpalierSj fi toutefois on
n'attend pas que les arbres aienr fouf-
fert par l'entrelacement de leurs ra-
cines; alors ces arbres, furnuméraires
de l'efpalier , feront choifis parmi
ceux qui fe mettent les premiers à
fruits, & on les taillera fort à fruit,
iàns fe foncier qu'ils fafTent jamais
de beaux arbres , puifqu'ils doivent
être fupprimés après un certain nom-
bre d'années. En général on atrend
toujours trop rard à faire cette fouf-
traâion j il en eft alors des arbres
plantés près-à-près comme d'un pau-
vre petit enfant dont le corps eft lié
& garotté, fes membres ne peuvent
ni s'allonger ni s'étendre j les racines
des arbres éprouvent le même fort,
& comme les branches font toujours
proportionnées aux racines, on doit
juger de la chétive phihonomie de
l'arbre qui fouffre. Confultez ce qui
eft dit au mot Espalier, relative-
ment à la diftance des arbres , des
murs de clôture , & à la multiplica-
tion des murs pour former les Abris ,
& non pas les Arbres, ainfi qu'on
l'a imprimé.
L'expérience démontre que les ar-
bres plantés, foit dans les bas fonds ,
foit dans les terreins goûteux-ma-
récageux, donnoient des fruits fans
goût, & dont le parfum ne difFéroit
guères de celui de la rave : de tels
fruits font très-indigeftes , & ne fe
confervent pas. Ces arbres font dé-
J A R
vorés par la moulFe , les lichens , Sec. ,
& la main attentive du jardinier ne
peut complettement les dcttuire. Je
prélérerois un fol graveleux, ou cail-
louteux , ou fablonneux , parce que
avec de l'eau & des engrais appro-
pries , JQ me procurerois des arbres
palFables, mais dont le parfum du
fruit feroit admirable. Lorfque le
terrein efl: goûteux, les foires d'écou-
lement font le feul moyen de les
alîainir; s'il n'efi: pas polFible d'en
ouvrir, il vaut mieux renoncer à l'é-
tablillement d'un jardin. Heureux,
cent fois heureux, celui qui trouve
une bonne & profonde couche de
terie végétale.
La pofuion la plus utile pour un jar-
din fruitier, eft celle d'un coteau à pente
douce, & à l'abri des vents otageux.
Dans les provinces du midi , il eft
indifpenfableque l'on puilFe conduire
l'eau au pied des arbres , au moins
deux ou trois fois dans l'été, & après
que l'eau a pénétré la terre, la tra-
vailler; fans cette précaution le fruit
flétrira fur l'arbre, ou bien s'il y refte
attaché, fa trop précoce maturité ne
permettra pas qu'il prenne fagroffeur
ordinaire ni fon goût parfumé.
Peu de perfonnes fe déterminent
à planter des fruitiers fcparés , & fur-
tout avec des arbres à plein vent j
alors c'eft un verger proprement dit,
& pour profiter du terrein qui fe
trouve entre les arbres , on feme de
la graine de foin , mais on a foin
chaque année de faire travailler deux
fois la circontérence du pied des
arbres. Si l'entretien de cette prairie
exige une fréquente irrigation , ces
arbres fe trouveront dans le cas de
ceux plantés dans les terreins hu-
mides, dont il a déjà été queftion.
Cependant cette terre ne doit pas
J A R 27
refter inculte, on peut la femer o^
la planter avec des légumes qui
exigent peu d'eau , Se qui font en état
d'être récoltés un peu auparavant l'c- -
poque des grandes chaleurs : les ar-
bres profiteront fingulièrement des-
labours donnés à la terre. Quant aux
arbres en évantail ou en buiflbn, il
n'eft guères poflible d'en cultiver le
fol dans la vue d'en retirer des ré-
coltes; leui ombre eft trop rappro-
chée de la terre , trop épaifle , les.
plantes sédoleroienc. ( royc-^ct mot.):
On doit cultiver la terre en plein
plufieurs fois dans l'année, ôc la tenir
ri^oureufement fardée.
Ce que j'ai dit jufqu'à préfent s'ap-
plique aux jardins fruitiers en gé-
néral. Ceux des provinces méridio-
nales, dans le Pays -bas, & par con-
féquent très -chaud, exigent quel-
ques précautions de plus ; ils de-
mandent à être arrofés par irrigation ,
& les grenadiers , les jujubiers , les
caroubiers , n'y exigent pas des abris
ainfi que l'oranger & le citronnier. ,•
Quant aux figuiers, ils doivent être
plantés dans un quartier féparé ou
en bordures; & ils ne réuflifrent ja-
mais mieux que lorfque leurs racines
ont de l'eau tout au près, & lorfque
leur tête eft expofée au plus gros
foleil. Les câpriers , arbuftes à tiges
inclinées, craignent fingulièrement
l'humidiré & la terre forte; les ceri-
fiers, appelés ^tt/^vieri- dans le nord, y
réuililTent très-mal J malgré les foins
les plus afiidus; les griottièrs à fruits
acides, nommés cerijîers à Paris, y
réullllfent un peu mieux. On n'y
cultive aucune efpèce de vigne , ni
en efpalier, ni en contt'efpalier, ni
en treille , parce que les raifins de
vignes font fi bons, fi fucrés, fi par-
fumés, qu'il ne vaiut pas la peine de
D t
iS J A R
leur donner des foins particulierî.ll eft
inutile d'entrer ici dans de plus grands
détails, on peut confulter chaque ar-
ticle au mot propre.
Section II.
Des travaux du jardin fruitier.
M. de la Bretonnerie, dans l'ou-
vrage qu'il vient de publier fous le
titre d'£'co/e du jardin fruitier ^ que
je me plais à citer, adonné un précis
des travaux , diftribué mois par mois.
Il peut feivir de rudiment aux jar-
diniers des provinces du nord , & être
très-utile à ceux des provinces du
midi. Je ferai obferver les différences
relatives à ces derniers climats;
copier mot pour mot cette partie de
l'ouvrage de l'auteur, c'eft convenir
de ma part que ce qu'il a dit vaut
mieux que ce que j'aurois pu dire ,
& c'eft avec plaifir que je lui rends
cet hommage.
Janvier.
On continue pendant les mau-
vais temps tous les ouvrages du
mois précédent qui fe font à couvert;
on donne encore la chalfe aux li-
maçons , rerirés dans les trous de
murs, au pied des efpaliers.
Continuer la taille des arbres, des
pommiers , poiriers & pruniers ,
quand il vient quelques beaux jours.
On attend en février à tailler les pê-
chers, les abricotiers ( i ) ; on a fom
J A R
de réferver, en taillant, les branches
dont on veut tirer des greffes, qu'on
ne coupera aulTi qu'en février.
F É V R I i R.
On taille les pommiers , poiriers
& pruniers qu'on avoir épargnés juf-
qu'à préfent, pour en tirer des greffes
qu'on prend lur de bons arbres vi-
goureux , & l'on choific de jeunes
branches de l'année. ( On les con-
ferve ainli qu'il a été dit au mot
Greffe. )
Si on a quelques arbres languiffans
dont la poulFe s'arrête, on ne man-
quera pas de les ravaller fur jeune bois,
pour les rajeunir , &: d'ébotter tous
ceux qu'on veut grefter en fente en
avril, afin de concentrer la fève.
On achève à couvert, pendant les
mauvais tems , les ouvrages qu'on
n'a pu finir en janvier.
On prépare les paillalFons de pailles
ou de rofe.iux, afin d'abriter les ar-
bres , les couches , &c.
C'eft la vraie faifon à la mi-février
de tailler les abricotiers & les pêchers,
( yoye\ la note ci-delfous ) fans at-
tendre, fui/ant la routine ordinaire,
qu'ils foient en fleurs, car alors on
ne fair où pofer les mains fans en
abattre , &: quelquefois les meilleures.
11 fuffir pour tailler, que les boutons
à fruit marquent , en s'arrondiiTanr
coinme des pois ; on paliffe à me-
fure qu'on taille.
Communément on peut tailler la
vigne fans rifque , depuis la mi-
( I ■) Dans les provinces du rriidi, le pcclicr fur -tout a fouvent, à cette tpocjue , fes
boutons prêts à épanouir. On doit fe hâter de les tailler des qu'ils s'arrondident , & lorfque
leur forme annonce s'ils feront boutons à bois ou boinons a fruit j afin de ne lailler de
c«$ derniers ^ik le nombre ncccffaiic.
J A R
février & le coaimencement de
mars. ( i )
Quand la terre eft faine , le tems
au beau , ôz qu'on a beaucoup de
plantations à faire, on commence à
planter les arbres qu'on n'a pas pu
planter en automne dans les terreins
trop humides. ( 2)
On vifite les amandes , les châ-
taignes qu'on a niifes en automne
dans du fable à la cave, & l'on voit
il elles font germées & bonnes à
planter, & fi elles ne font pas ger-
mées, à caufe de la trop grande fé-
cherefle du fable , on le change & on
en remet de plus frais.
On plante & on féme les pépi-
nières conime en novembre ; celles-
ci ont l'avantage d'échapper aux ri-
gueurs de l'hiver «Se à la dent des
mulots , mais les plans poulfent un
peu plus tard. ( 5 )
Vous femez les pépins de citron
depuis la mi-février jufqu'à la mi-
mars , pour faire des fujets propres
à recevoir les greffes des orangers.
Les pépins des oranges de Malthe ,
J A R
iP
félon quelques habiles orangiftes
valent encore mieux. (4)
On ne doit pas tarder de planter
les rejetons enracinés de noiietiers,
ainfiqtieles boutures des grofeilliers,
des ofiers, ( 5 ) qu'on coupe d'un pied
de longueur , «Se qu'on enfonce juf-
qu
à Ja terre dure ; il
fuffit
nue
la
tête forte de trois à quatre pouces .
on plante les boutures par un temps
humide, & jamais par le hâle.
11 ne fuit pas oublier, à mefure
qu'on taille des arbres , d'écrafer la
punaife grife qui s'attache derrière
les branches j les orangers y font fort
fujets , ce qui lui a doinié le nom
de punaife d'oranger.
Les limaçons n'ont pas encore
quitté leurs retraites; il faut les cher-
cher dans les trous des murs & dans
les tas de pierre.
Il frut labourer rous vos arbres
aufiî-tôt qu'ils font taillés , avanc
qu'ils fleurilfent, parce que l'humi-
dité qui s'éléveroit de la terre, fraî-
chement remuée , s'attachant aux
fleurs, les expoferoit à la gelée. Ce
( I ) On peut tailler la vigne dès que les feuilles font tombées , (î le bois cft mûr.
Si, dans le nord, on craint que le froid & les gelées pénétrent l'ail lorfqu'on a coupe
]e farinent raz & au-delius, ou peut laiffer deux pouces de bois au-dcifus de l'œil, Se
le retrancher à l'époque indiquée par l'auteur. C'eft une double opération, j'en conviens,
mais la première fe fait dans un temps où l'on n'eft pas preflc par le travail, & la
féconde cft bientôt faite. On peut paliflcr auffi-tôt après qu'on a raillé, .afin d'avoir moins
d'ouvrage fur les bras en février & en mars.
(i) Ces plantations arriérées réuffiifent mal dans les provinces du midi, elles font
trop tôt furprifes par les chaleurs.
( 3 ) Dans les provinces du midi, les femis doivent être faits en novembre.
(4) Dans les p.iys méridionaux, fcmcz en novembre, les pépins fe confervcnt en terre;
tenez les va(es ou les caiflcs dans de bons abris pendant les rigueurs de l'hiver, couvrez-les
avec de la paille de litière , & garantiffez - les des pluies ; ils germeront dès que la
chaleur de l'atmofphèrc fera au degré qui leur convient , & à la fin de l'année vous
aurez une forte poulTe.
(5) Plantez en novembre. Le noifetier eft foiivent en fleur en janvier; il réu/Iît bien
lorfqu'il' eft arrolé pendant l'été : i! mourroit fans cette précaution , à moins qu'il ne
lurvienne des pluies , ordinairement très-raics dans les provinces du midi.
3® J A R
labour eft le fécond dans les terres
légères Se fèches qu'on a dû labourer
avant l'hiver, & le premier dans les
terres froides, qu'on n'a pas dû au
contraire ouvrir avant l'Iiiver, & qui
ne font même pas alfez refTuyées
encore pour les labourer dans ce
temps-ci j fi elles font boueufes ,
on attend en mars, en avril ou en
mai, quand les fruits (ont noués.
On fume en même temps les terres
légères avec du bon fumier de vache
bien confommé, & les terres froides
avec du fumier de cheval.
On plante la vigne en février &
en mars. Les coteaux, la terre légère
Se cailloiiteufe lui conviennent.
M
A R s.
On continue de planter les arbres ,
& de faire les labours avant que la
fleur paroilfe ; (i) on met une douve
ou petite planchette au devant des
pêchers qu'on a plantés pour garantir
les bourgeons qu'ils poulleront , des
gelées &. du grefil.
Les taupes coupent quelquefois
les racines des arbres ; elles tracent
& remuent beaucoup de terre dans
ce remps ci j on doit leur tendre des
pièges. ( Foye-^ le mot Taupe. )
On commence, félon l'ancienne
coutume, ou l'on continue de tailler
la vigne, fi on a commencé à la mi-
février , ce qu'on a pu faire fans tif-
que de la tailler trop tôt. (z)
On plante les grofeillers de bon-
J A R
rares à mefure qu'on taille , Se les
tramboifiers de plant enraciné.
On plante des mûriers, des gre-
nadiers de plant enraciné, des coi-
gnafliers de boutures & de plant en-
raciné, des noifetiers de- plant enra-
ciné, (3) des hguiers de boutures,
de marcotes , de plant enraciné.
C'eft encore le tems de planter
des pépinières de châtaignes , de
noix, d'amandes, & autres noyaux,
îï ou ne l'a pas fait dans les mois
précédens.
On continue jufqu'à la fin de ce
mois tous ces ouvrages; il faut don-
ner un labour aux ofiers, pour dé-
truire les herbes.
11 eft encore remps de femer des
pépins d'orange fur couches , ou dans
des pots qu'on enfouit fuccelîive-
ment dans plufieurs couches chaudes,
pour les avancer ; on marcote auflî
des branches.
Si vous voulez avoir des câpriers ,
vous en fémerez ou planterez dans
les crevalfes & trous des murs.
Les grandes gelées érant palTées , on
découvre les figuiers qu'on avoir cou-
chés dans terre en décembre , &: ceux
des efpaliers qu'on avoir empaillés. (4)
C'eft le meilleur temps pour ôter
la moulTe des arbres , après quelques
pluies , à la fin de l'hiver , parce
qu'elle ne fe reproduit point pendant
la fécherelfe & les chaleurs de l'été ,
& fe trouve détruite pour cinq ou
fix ans ; (5) mais quand on l'ôte
(i) C'cft trop t.ircl pour les provinces du midi.
(1) Des que le bois eft mûr ^ on peut la tailler. ( Voyc^ noce i , page 19. ) Dans les
provinces du midi elle commence à pleurer à cette époque, & dans ce cas la taille eft
perDicieufe.
( 3 ) C'eft trop tard. ( Voyc^ les notes précédentes. )
(4) Double ractliodc plus qu'inutile dans les provinces du midi.
(j) Si les arbres font pl.wtés dans un bas fondj fi le loi eft naturellement humide,
elle reparcît beaucoup plus vite ; j'en ai la preuve.
J A R
avant l'hiver, l'humidicé de la faifon
la reproduit bientôt.
Avril.
Il eft temps de commencer à ra-
tilTer & à nettoyer les allées, (i)
11 faut faire la guerre aux fourmis ,
dès qu'elles paroilfent dans les ar-
bres 'y les phioles ou petites bou-
teilles remplies d'eau iucrée , font
les pièges qu'on leur tend , ainli
qu'aux perce-oreilles , qui rongent
aulli les yeux des jeunes arbres , ôc
ne s'y répandent que dans la nuit.
Quand la fève ejl en mouvement,
(z) ce que l'on connoît lorfque l'é-
corce des arbres fe détache facile-
ment, on greffe en fente, en écuf-
fon , ou à la poulie. 11 vaut mieux
attendre à la fin du mois ou en Mai ,
fi la fève eft encore languilfante.
La mi-avril eft la faifon de mar-
coter les grenadiers j c'eft encore le
temps de planter les figuiers de bou-
tures , de marcotes , de plants en-
racinés qu'on trouve fur les vieux
pieds, ou des morceaux mêmes des
vieilles fouches qu'on éclate, pourvu
qu'il y tienne de la racine. Les pe-
tits plants peuvent fe planter en cailfe
ou en pots. (3)
On taille les figuiers en pleine
terre 3 quand ils s'élancent trop ,
aufll-tôt que leurs yeux paroiffent ,
& que le fruit eft forti , c'eft-à-dire
J A R 51
qu'on raccourcit toutes les branches
élancées & fans couronne , afin de
les faire fourcher : ceux qui font fuf-
fifamment garnis de branches depuis
le bas jufqu'en haut, & dont les bran-
ches font couronnées , peuvent s'en
palfer , cette taille n'étant faite que
pour multiplier les branches & le
fruit. Mais pour les figuiers en cailfe
ou en pots , on ne fauroit fe difpenfer
de les tailler , pour leur faire prendre
la forme qu'on veut leur donner ,
qui doit erre celle de l'entonnoir ou
du builfon. Les figuiers taillés en
boule fut tige ne produifent pas de
fruir. (4)
Dans les années hâtives on com-
mence par éclaircir les abricots, lorf-
qu'ils font trop ferrés & par paquets;
on fupprime les plus perits, les mal-
faits , (Se on lailfe de préférence ceux
du bas des branches : dans les trochets
où ils font ferrés , on tourne entre
les doigts ceux qu'on veut ôter. Se
on les tire doucement à foi, pour ne
pas endommager les autres.
La greffe en couronne entre le bois
Si l'écorce fe fait aulli quand les ar-
bres font en pleine fève ; elle n'eft
pas fans inconvénient.
Le contrafte du chaud & du froid
fair quelquefois cloquer toutes les
feuilles du pêcher , ( voye:^ le mot
Cloque) & le puceron s'y loge :1e re-
mède eft d'abattre ces feuilles , quand
elles commencent à fe faner, <Sc de
(i) Commencez en février dAns les provinces du midi, & pendant l'année, autant de
fois qu'elles en auront befoin , fans attendre aucune époque fixe.
(1) L'époque du détackement de l'écorce ^{i celle que l'on doit obfcrver, & non pas
le mois ; attendre à la fin d'avril eu en mai (croit trop tard.
(3) L'expérience démontre ici que les boutures de figuier reprennent ici mieux que
les plans enracinés ; le mois de mars eft l'époque de leur plantation.
(4) Confultez le mot Figuier, pour^connoûre la culture qui lui convient dans les
provinces du midi.
31 J A R J A R
les brûler , pour détruire le puceron, plus d'un côté que d'un autre , ce
Si on les abattoit trop tôt, la faifon qu'on appelle arire épaulé ^ & de
n'étant pas avancée , les nouvelles détacher &c lailTer en liberté le côté
feuilles, qui ne tardent pas à repouf- le plus loible , tju'on lâchera alors ,
fer , feroient encore expofées au n'ayant plus befoin d'ttre contraint,
même accident. 11 faut commencer à ficher les
C'ell: la faifon de faire des inci- échalas au pied dc-s fouches de la
fions longitudinales au corps des ar- vigne.
bres dont la tige eft reftée plus mai- Faire la guerre aux hannetons, en
gre d'un côté que de l'autre , & fe fecouant les arbres le matin (ïc à mi-
trouve arquée, ou bien quand la tige di , parce qu'alors ils font engourdis,
eft reftée en totalité plus maigre que iSc ne prennent pas leur volée comme
la greffe *, ce qui s'exécute avec la le foir.
pointe de la ferpette. en fendant l'é- Chercher far les poiriers de bon-
corce jufqu'au bois. chrétien d'hiver la chenille noire, qui
C'eft aulli le temps en avril ou en gâte fes fruits, & toutes les autres en
mai, lorfque les nouveaux bourgeons général, qui paroilfent à plufieurs re-
çut cinq à î\\ pouces de longueur , de prifes & en diffétentes faifons les plus
courber les branches trop vigoureufes chaudes & feches, comme au temps
de' quelques arbres qui s'emportent du folftice & de la canicule j (i) fer-
rer
(i) Les poiriers de ces provinces j ou plutôt leurs jeunes bourgeons, font attaqués,
vers l'extrcmitc fupcricure , par un infefte c]ui les pique à pliilieurs reprifes & circulai-
rement. Au-deflus de ces piqûres, il dcpofc fon œuf, il fort un petit ver qui fe nourrit
de la moelle & de la fubOance intérieure du bourgeon; il va toujours en defcendant.
Après un certain temps & un long enfoncement, il fe change en crj'falide , enfuite en
infecte parfait , & fait une petite ouverture par laquelle il fort pour aller fe reproduire.
Malgré les foins les plus alfidus , je n'ai pu découvrir l'infedle parfait, mais j'ai tout lieu
de croire qua c'eft un Charanfon : on reconnoit la préfence du ver par les feuilles fupé-
rieurcs qui fe delléclient , ainfî que la partie du bourgeon, (îtuée au-de/Tus des piqûres.
Les boutons inférieurs , ainfi que leurs feuilles , reftent verts pendant toute la faifon , mais
l'année fuivante , à la taille , on trouve une branche creufe comme un chalumeau , &
qui périt; cette cavité a Couvent plus d'un pied de longueur, & même pénétre quelquefois
dans le tronc. Enfin , le ver creufe toujours jufqu'à ce qu'il fe transforme en cryfalide.
Il faut fe hâter , dès qu'on voit les feuilles mortes, de couper la partie du bourgeon
noire & flétrie, & de retrancher du bourgeon qui refte verd, jufqu'a ce qu'on ait trouvé
l'infecle; alors on taille près du premier bon oeil qu'on rencontre au-dellous. Cette vifitc
doit être faite chaque hiver pendant ce mois & le fuivant ; c'eft l'unique moyen de
détruire un infetle qui pullule beaucoup.
Les mouches menufic: es , également très-communes dans ces provinces , s'attaquent au
tronc & aux grolfes branches, dont l'écorce eft encore lilTe; elles foru une très-petite
ouverture avec la tatrière dont la nature les a pourvues, y dépofent un œuf, d'où il
fort enfuite un gros ver. Sa marière de travailler eft toujours en montant, & , avec les
pinces dont la partie antérieure de fa bouche eft garnie , il coupe , mâche , taille la
partie ligneufe du bois, & la rejette en - dehors par l'ouverture placée au bas de fa
galerie ; c'eft une vraie fciurc de bois , & en tout femblable aux débris formés par la
Icie de l'ouvrier, avec cette différence cependant que les brins font, pour ainfi dire,
agglutinés & collés les uns aux auttcs. A mefiirc que le veigrollit, les fjiurcs augraentenc
J A R
rer entre les doigts les feuilles roulées
des arbres, pour écrafer le ver qui s'y
eft logé.
On retourne la douve ou plan-
chette dont on a couvert fes jeunes
pêchers nouvellement plantés , pour
donner plus de place & d'air aux
jeunes poulies qu'ils ont faites.
Mai.
On fera bien d'accoller & de don-
ner le premier lien à la vigne, pour
attacher les branchages longs que le
vent pourroit décoller , & ôter en
même temps quelques bourgeons ,
pour ne lailîer que les plus beaux far-
mens, au nombre de deux, trois ou
quatre, plus ou moins, fuivant l'âge
& la force du cep.
On vifitera les efpaliers , pour
retirer les nouveaux bourgons qui
palfent derrière les treillages ; on at-
tachera les plus longs, & l'on ôtera
les feuilles cloquées & les limaçons.
Il faut pincer ou rompre les jeunes
branche; des grofeillers , élever fes
tiges , que le vent pourroit calTer.
Vous n'oublierez pas les greffes en
éculTbns des châtaigniers , des ceri-
fiers &r des pruniers , lî elles ne font
J A R 5*3
pas encore faites; celles en flûte ou
en llffletdes figuiers j & encore celles
en tente qui relient à faire des pom-
miers & des poiriers. Les greffes fai- .
tes en ce tems-ci poufferont au bout
de quinze jours , fi le temps eft fa-
vorable ; pendant que celles faites en
avril font quelquefois un mois fans
qu'on y apperçoive aucun mouve-
ment.
Vous fumerez , s'il eft befoin , &
labourerez, aufli-tôt que les fruits
feront noués , les arbres qui n'ont pu
l'être dans les terres fortes & humi-
des.
Si on éprouve une grande &: lon-
gue fécherefle en mai , les arbres
manquent de fève, les fruits fe déta^
chent & torîibent ; il fiut alors ver-
fer avec l'arrofoir quelques féaux
d'eau par delfus les feuilles, fi l'on
peut , & au pied de fes arbres , pour
les remettre en fève. Les prunes tom-
bent les premières.
On donne un fécond ratiffage aux
allées, & l'on tond les buis pour la
première fois, afin qu'ils puilfent fe
recouvrir de feuilles avant l'été.
Quand on s'apperçoit par des points
noirs, particulièrement au revers des
feuilles du poirier de bon - chrétien
d'hiver , qu'elles font attaquées du
&; couvrent la terre. Il eft alors aifc de raconnoùre la préfcnce du ver, & l'ouvernire par
lai]iiclle coule la fciure; il fuffit de prendre la perpendicidaire fi une branche cfi: attaquée ,
ou d'examiner le tronc de l'arbre du côte où la fciure s'accumule ; on prend enfuite un
fil de fer que l'on infinue dans la cavité, & on le pouffe jufqu'à ce que la réfiftancc
mette obftacle à fa plus forte introduction. Il eft bon d'obferver cependant que fouvent
les courbures de la galerie .irrêtent le fil de fer avant qu'il foit parvenu jufqu'à l'infedc,
&; on fi; tromperoit grofllèrement fi on s'imaginoir l'avoir tué'. Pour éviter cette méprife ,
on garnit la pointe du fil de fer avec un gros plomb de lièvre , l'arrondillemcnt du
plomb gliffe fur les irrégularités du tube, & permet fon intrcduûion ; enfin on le pouffe
& on le retire à différentes rcprifes, jufqu'à ce qu'on foit bien convaincu d'avoir tué
l'infefte. Si la cavité eft pleine de tours & de détours , fi l'introduftion du fil de fer
jufqu'au bout devient impoffiblc , il faut alors fendre l'écorce, & aller chercher l'animal
ilans fa retraite. On panfcra enfuite la playe avec l'ongueut de S. Fiacre.
Tome FI. E
34 J A R
tigre, on les paflefortemenr entre fes
doigts , pour écrafer l'infede & fes
œuh.
On fort les orangers de la ferre , ( i )
ainfi que les figuiers en cailTes ou en
potsj on les travaille enfuite avec de
l'eau échauffée au foleil j on enlève
toutes les feuilles chancrées, le bois
mort, & l'on donne l'arrondiffement
à la tête en les taillant , car c'eft la
véritable faifon. Les Jardiniers , pour
en tirer plus de fleurs , remettent à
les tailler en feptembre , mais aux
dépens des arbres qui relient trop
chargés & mal formés pendant la
fleur &: tout l'été. Les petits orangers
élevés de pépins Se fur couches n'ont
plus befoin d'abri j on continue d'ar-
rofer ces arbres une fois par femaine,
jufqu'en juin qu'on commence à les
arrofer plus fcuvent. On rencailTe
ceux qui en ont befoin. (z)
Les gelées étant palTées , il eft
temps d'ôter les petits paillaffons
qu'on avoir placés au delTiis de fes
efpaliers en décembre ou en fé-
vrier ; on ne les ôtera que dans un
temps fombre & couvert, ôc non
dans l'ardeur du foleil j on enlève
auflî les petites planchettes qu'on
avoir mifes au-devant de (es arbres.
Les greffes faites en avril com-
mencent à remuer, fi le temps a été
favorable.
L'ébourgeonnement du cerifier
hâcif ou précoce, qui eft en efpalier
au midi , doit précéder celui de tous
J A R
les arbres , fon fruit mûriflant le pre-
mier; on lui ôte peu de bourgeons,
& l'on attache tout ce qu'on peut at-
tacher.
On donne le fécond labour à la
vigne , quand tous les rifques font
paffés.
On donne un léger labour tous les
mois aux orangers avec la houlette,
tant qu'ils font hois de la ferre.
Quand on voit aux pêchers des
branches qui fe difpofent à devenir
gourmandes , dominantes ou mal
placées , on commence à la fin de
mai à les couper à moitié de leur
longueur , près d'un œil , on les re-
coupe en juin & juillet, comme on
le verra; mais on retranche rout-à-
fait ceux qui viennent aux côtés du
pied des principales branches de la
dernière taille, qu'ils arrêteroient en
leur interceptant la nourriture, ou
qui feroient de trop grandes plaies,
f\ on ne les retranchoit qu'au tems
de l'ébourgeonnement.
On commence par attacher les
branches les plus allongées des jeu-
nes arbres , que le vent poutroit
caffer.
Il faut chercher la Iifette, qui
coupe le bourgeon des greffes.
Il ne faut pas attendre la faifon
ordinaire pour ébourgeonner les pê-
chers où les fourmis & les pucerons
fe font jetés , & ont formé au bout
des branches des houpes ou toupil-
lons qu'il faut couper & jeter au feu.
(i ) A la fin de février, fuivant la faifon, on découvre les citroniers en pleine terre ;
les orangers ont moin: befoin de garniture pendant l'hiver , & on fort tous les pieds
de l'orangerie. Attendre jufqu'en mai , par eiemple, à Lyon , à Bordeaux , &:c., ce leroit
trop tard ; on le peut au commencement ou au milieu d'avril.
(z) Les arrofcmcns doivent être relatifs aux climats. Se l'encaiflement avoir lieu à la
fonie de l'orangerie.
J A R
Juin.
Au commencement de juin on
met un fécond lien à la vigne, pour
ralPembler les bras qui fe font allon-
gés , Se on l'ébourgeonne pour la fé-
conde fois.
Quelques-uns ne fe contentent pas
d'avoir en avril taillé leurs figuiers
en cailies ou en pots j ils pincent &
rompent encore , au commencement
de juin , à trois ou quatre yeux ,
les plus forts des nouveaux bour-
geons ou les nouveaux jets les plus
vigoureux , fuivant leur force. Ces
trois ou quatre yeux feront une cou-
ronne de branches à fruit pour l'an-
née fuivante, & le fruir de l'année,
qui profitera de la fève qui s'y feroit
portée, en deviendra plus beau j mais
comme c'eft le temps de l'extravafion
du fuc laiteux que cet arbre rend avec
abondance par l'extrémité des bran-
ches rompues , nous croyons cette
opération plus dommageable qu'u-
tile ; il vaut mieux fe contenter de
raccourcir les branches trop élancées
en avril.
Continuez de palilTer les treilles ,
dont le vent calîeroit les bras les
plus allongés.
On coupe le lien de la greffe en
cculfon , quand on voit que l'éculfon
eft bien repris , afin qu'il n'étrangle
pas la greffe.
Il eft tems de tendre des pièges
aux loirs , avant que ces animaux
commencent à forcir pour manger
les abricots & les pêches , afin qu'ils
voient ces pièges en fortanc , tS: s'y
J A R
35
accoutument , fans en être épouvantés,
comme ils le feroient s'ils ne les
avoientpas vu d'abord. Les meilleurs
pièges font les quatre de chiffres ,
ou les petits affommoirs qu'on tend
à leur paffage fur le chapiteau des
murs, où ils courrent pendant la nuit
pour gagner les efpaliers.
A la mi-juin on recoupe encore
par la moitié les branches gourman-
des dont on avoir retranché la moi-
tic en mai.
On arrofe les fiçruiers en caiffes ou
en pots de deux jours l'un , depuis
cette époque jufqu'a ce que le rruit
Toit cueilli.
On cueille les boutons de câpriers
avant que les fleurs épanouiffent \ les
plus petits boutons & les plus fer-
mes font les meilleurs.
On ne donne plus que des ratif-
fages & menues façons aux pieds des
arbres dans les terres légères j mais
il faut travailler les terres fortes ,
fraîches & argileufes, qu'on ne fau-
roit trop ouvrir &: remuer après
l'hiver.
11 faut donner aux oliviers le pre-
mier labour à la houe , iSc tous les
mois un petit labour avec la hou-
lette aux orangers, (i)
Ebourgeonner les abricotiers , les
pêchers après la Saint-Jean , c'eft-à-
dire après le folftice, temps où le fo-
leil dardant fes rayons plus à plomb,
caufe à la fève une forte fermenta-
tion , iSc fait pouffer une infinité de
bourgeons; en un mot, c'eft le temps
de la grande pouffe des arbres : c'eft
donc une règle certaine, qui i;e fiu-
roit tromper , que de ne le pas pref-
(i) Confultcz, les mots Olivier 5c Oranger pour connoîtrc leur culture dans les
provinces du midi.
3<^ J A R
fer d'cbourgeonner plutôt , pour ne
pas recommencer, comme font ceux
qui manquent de pratique ou d'inf-
truiftion. Les poiriers & les pommiers,
qui font plus tardifs, s'ébourgeon-
nent plus tard au déclin de la cani-
cule, quand le bouton eft formé au
bouc des branches.
On commence Tébourgeonnement
par les abricotiers, enfuite celui des
pêchers à fruits hâtifs , fi les bour-
geons font alfez allongés , comme
d'un pied ou quinze pouces , pour
foutenir l'attache & pouvoir palilfer.
Les jeunes pêchers font toujours ceux
qui preflent le plus, parce qu'ils ont
ordinairement pouffé de fortes bran-
ches fort allongées, que le vent caffe-
roit : V0U3 aurez foin de rélerver en
ébourgeonnant quelques branches fu-
perflues , que vous ne couperez point ,
mais que vous marquerez & attache-
rez au mur, afin d'en tirer des gref-
fes , il vous en avez befoin pour les
écuiïons à œil dormant en août.
11 eft encore temps de couper les
branches attaquées par les fourmis &
par les pucerons, fi on ne l'a pas fait
plutôt.
Les arbres étant éboufCTeonnés, on
couchera en pallll.'.nt les branches les
plus hautes fous le chapiteau des
murs , fans les couper & arrêter, pour
qu'elles ne dépalfent pas le mur , fi
ce n'eft en feptembre , Ibrfque la fève
eft arrêtée.
Le paliffage étant fini, il ne refte
plus qu'à éclaircir les pêches qui font
trop ferrées, qui fe nuifent, & ne
pourroient grollir ni mûrir parfaite-
ment. Les abricots ont été éclair-
as en avril. On éclaircit aulîî les
J A R
poires trop ferrées , mais on n'ôte
rien aux roufielets , ni à la plupart
des fruits d'été.
On retire quelques clous des ar-
bres paliifés au clou & à la loque,
quand les clous fe trouvent trop près
du fruit , & l'on palfe une petite
pierre fous les branches où il fe trou-
ve quelques fruits trop près du mur
qui les endommageroit.
On a l'attention de n'éclaircir les
pêches tardives que huit jours après
les autres , parce qu'il en tombe or-
dinairement après rébourgeonne-
ment. Les prunes des arbres à plein
vent , quand il y en a trop, perdent
beaucoup de leur qualité, fi l'on n'eu
diminue pas le nombre, en coupant
celles qu'on veut ôter par le milieu
de la queue avec des cifeaux. La
reine-cIaude entre autres, quand elle
charge beaucoup, dégénère au point
de n'être pas reconnoilfable.
Ce n'eft qu'en juin que la vigne
défleurit , 3v: que les grains commen-
cent à paroître; (i,) c'eft le temps ,
aufiî-tôc qu'ils font de la groiléur
d'une tête d'épingle , d'éclaircir les
grappes de mufcat , dont les grains
toujours ferrés & enfoncés mûrif-
fent difficilement j on en ôte les deux
tiers ou les trois quarts , avec de pe-
tits cifeaux pointus & bien affilés :
Les plaies fe referment alfez promp-
tement, & les grains qui reftent de-
viennent plus gros, plus croquans,
prennent plus de couleur, & mûrif-
fent mieux.
La féconde opération après l'ébour-
geonnement des arbres, c'eft de dé-
couvrir les fruits qui font trop ca-
chés fous les feuilles , à mefure qu'ils
( i ) Beaucoup plutôt , à mefure qu'on approche du midi.
J A R
en ont befoiii j on n'abat point les
feuilles entières avec leur talon ou
pédicule , ce qui nuiroit à la bran-
che (Se au fruit , qui ne preniiroit
pas autant de nourriture j on les calfe
adcoirement dans le milieu, en les
ferrant entre deux doigts , & les ti-
rant preftement en tournant. On ne
fait cette opération qu'après quelque
petite pluie , &: jamais dans la fé-
chereiïe & la grande ardeur du io-
leil , qui frapperoi: les fruits trop vi-
vement. La tache blanche & lar^e
qu'on apperçoit fur des fruits décou-
verts naturellement, ou qu'on a dé-
couvert mal- à- propos , vient d'un
coup de foleil , dont les pèches, qui
en font couronnées, comme on dit,
ne profitent plus, & fe gâtent. On
attend , pour découvrir les abricots
& les pèches hâtives que ces fruits
commencent à tourner ou prendre de
de la difpofition à mûrir ^ on les dé-
couvre peu-à-peu , à mefure qu'ils
avancent en maturité ^ mais la pê-
che de Magdelène , particulièrement
entre les hâtives, &: toutes les pèches
tardives , s'efreuiUent toutes vertes ,
& ne craignent pas le foleil, parce
qu'elles font plus dures j la'première
en aura plus de couleur, & les der-
nières mûriront plutôt.
On achevé d'èbourgeonner la vi-
gne , & on donne à la fin de juin le
troifième & dernier palilfage des
treilles; on pince, on câfle, à l'en-
droit de quelque nœud , le bout des
branches , pour les arrêter , & on
devance de huit jours cette opération
dans les climats un peu plus chauds
que celui de Patis.
J A R 37
Il faut fe difpofer à la Saint- Jean
à arrofer tous les jeunes arbres nou-
vellement plantés, fi on veut alTurer
leur réullite; vous faites au pied de
vos arbres un petit baflîn d'un pied
de diamètre , en ramenant de la
terre circulairement , & non pas en
creufant au pied de l'arbie, comme
■ le tout mal-adroitement les jardiniers
ignorans , qui découvrent ainfi les
racines qui reftent couvertes de trop
peu de terre , «Se s'éventent quand
la terre , après les arrofen;ens , fe
fend pat l'ardeur du foleil. Vous
couvrirez le ballm , après avoir arrofé
avec de la litière ou du crottin de
cheval , ou du terreau , ou d'une plan-
che , & au défaut de tout, avec de
• la terre feche & émiettée , (i) afin
d'y conferver la fraîcheur , «Se d'em-
pêcher la terre de fe fendre. Vous
continuerez de les arrofer jufqu'à la
fin d'août.
Vous pincerez à fept ou huit pou-
ces , & même à un pied , le maître
jet des greffes en fente , quand il fe
trouve encore feul , & qu'il s'allonee
trop, afin de'le tenir bas , & de lui
faire poulfer des bourgeons qui de-
viendront de bonnes branches que
vous taillerez l'année fuivante , afin
de les avancer & de les faire mettre
à fruit; mais on ne parle que des
greffes des arbres qui font en place ,
& non de celles des pépinières &
autres arbres à replanter , auxquels
on coupe la tête en les tranfplantant;
il n'y faut point toucher.
C'eft le temps , vers la fin de juin ,
de couper à moitié de leur longueur
tous les bourgeons ou nouveaux jets
(i) La baie du bicd, de l'avoine, &c. eA, à mon avis , ce qu'il y a de mieux, de
l'épaLireut de deux à trois pouces.
38 J A R
des excrémités les plus hautes des ar-
bres ftériles , poiriers , pommiers ou
pruniers nains , qu'on veut lallTer
aller fans les tailler, pour les faire
mettre à fruit j ils repoulferont de
nouveaux bourgeons de tous les yeux
reftans , qui auront encore le temps
de s'aoîiter , c'eft-cà-dire de prendre
de la confirtance & de la marurité ,
par la chaleur du mois d'août.
II faut cvider les grofeillers en en-
tonnoir , en les ébourgeonnant au
dedans & au dehors , & pincer tou-
tes les pointes à une égale hauteur,
quand les grofeilles font tout-à-fait
rouges , tant pour faire groffir &
achever de mûrir le fruit , en le dé-
barrafTant de tous les bourgeons , &
lui procurant la vue du foleil , que
pour cueillir plus facilement. Se en
éloigner les moineaux qui fe cachent
dans l'épais feuillage, & détruire en
même temps les pucerons 8c les four-
mis qui s'y logenr. Ces arbrilTeaux
étanr aiiid cbourCTeonnés en ont meil-
leure grâce j & les longs rameaux de
ceux qu'on a élevés fur tiges , feroienr,
faute de cette opération , callés par
le vent, ce qui dérangeroit tout-à-
faic la Kirme de leur tête.
G'eft auili dans le follfice , où il
fe fait un nouvel épanchement de
la fève , qu'il faut prendre garde au
flux de gomme qui en provienr : il
ne parcît d'abord qu'une petire tache
à la branche attaquée \ mais bientôt
lî vous ne la coupez deux doigts au
deiïbus du mal, il gagne prompte-
ment , & fait mourir toute la bran-
che.
Les infectes qui ont attaqué les
J A R
arbres au printemps , fe renouvellent
(k prennent de nouvelles forces dans
ce temps-ci, ainfi que dans la cani-
cule. Ces infedles font les punaifes,
les pucerons , les chenilles.
Le blanc, la rouille, la chute des
feuilles font aulïï des accidens du
temps , qui difparoilfent l'année fui-
vantej mais les chancres, les ulcères
& les excroiiïances , qui viennent de
la même caufe , reftent ordinaire-
ment pour toujours.
Août.
On continue dans ce mois d'arro-
fer les jeunes arbres , & on donne
le rroifième ratiiïaçe aux allées.
Les mêmes foins aux orangers
qu'en juin j ils font en pleine fleur.
On continue d'ébourgeonner les
pêchers.
On découvre l'abricot hiîtif de
quelques feuilles au commencement
de juillet, & le gros abricot quinze
jours après J lorfqu'ils commencent à
jaunir & à s'éclaircir, (i) l'abricot
d'efpalier étant fujet à refter verr du
côté de la queue , qui eft prefque
Toujours ferrée contre le mur ou con-
tre le treillage. La Quintinie, afin
d'y remédier, de les faire mûrir plus
parfairemenr , &c de leur donwer plus
de qualité , détachoit les branches
de l'abricorier, les tiroir en avant,
& les fixoit à certaine diftance du
mur, en les attachant à un pieu. J'ai
pratiqué la même opération , en
éloignant les branches du mur, au
moven de quelques petites fourches
( i) Il ne faut jamais perdre de vue que ces époques font relatives au climat dans lequel
l'auteur écrit; elles doivent être devancées, je le répète, à mefure qu'on approche du
midi , foit par la chaleur que procurent les abris , foit en effet par l'éloigncment du nord.
J A R
on de petites planchettes paffées der-
rière entre le mur &c la branche j je
m'en fuis ailez bien trouvé.
On coupe les branches gourman-
des pour la troifième fois.
On donne quelques binages ou
menues façons , avec la binette , à
tout ce qui en a befoin , pour taire
mourir l'herbe , Se rendre la terre
meuble.
Depuis le 1 5 juillet jufqu'au com-
mencement de feptembre, on peut
faire des greffes en écuifon , à œil
dormanr, fur le prunier & l'aman-
dier , pour y élever des pêchers &
des abricotiers, <Sc le prunier fur fon
propre fauvageon ; on pofe des écuf-
fons fur le pêcher même , & fur l'a-
bricotier , m.iis feulement fur les
branches de l'année, auxquelles on
veut ajouter quelques branches qui
manquent, ou changer d'efpèce , &
fur les poiriers & pommiers de même.
Depuis la mi- juillet jufqu'à la
mi-feptembre , on peut écullonner
les petits orangers de deux ou trois
ans , lorfqu'ils ont acquis la grolTeur
du doigt à deux ou trois pouces au-
delfus du tronc, afin que la tige foie
formée du jet de la greffe , & qu'elle
ne repoulTe pas des bourgeons francs,
mais de la greffe : fi dans la fuite
quelque maladie ou accident obli-
geoit d'étêter l'arbre , on fera encore
mieux d'attendre à les éculTonner au
commencement d'août.
On découvre un peu la pêche pe-
tite mignonne , qui mûrit dans ce
mois-ci.
Les framboifiers , foit en haies ,
foit en builTons , feront tondus à la
hauteur de trois pieds, quand le fruit
fera palTé, tant pour la propreté que
pour donner plus de nourriture aux
Touches.
J A R 39
On ne doit point encore ébour-
geonner les pouiers , pommiers &
pruniers , quoiqu'on le voye faire à
d'autres, arîn que leurs arbres aient
l'air d'être plutôt arrangés. Il n'y faut
pas procéder que le bouton ne foie
formé au bout des branches , ce qui
eft le ligne certain que la fcve elf
arrêtée, & ne produiia plus de faux
bourgeons.
On éboufgeonne de nouveau , on
attache & on laboure la vigne avant
le mois d'août j on détruit en même-
temps les limaçons , les perce -
oreilles , qui font logés dans les
feuilles repliées & dans les liens.
L'écuffon du pêcher doit être ap-
pliqué fur différens fujets , au déclin
de la féconde fève, fur le prunier
de S. Julien à la fin de juillet ; mais
fur le jeune amandier, qui garde fa
fève plus long-temps , ce n'eft que
vers la mi-feptembre.
DUT.
Les arrofemens & les labours fe
continuent aux orangers comme ci-
devant , de même qu'à tous les jeu-
nes arbres de l'année.
On n'ébour^eonne les orangers
que vers le déclin de la canicule ,
comme les autres arbres , après le
renouvellement de la fève d'août ,
quoique plufîeurs jardiniers les ébour-
geonnent en juillet & août, auiîi-tôt
que la fleur eft pafTée ; mais cette
propreté prématurée fait poulTer de
nouveaux bourgeons. Après l'ébour-
geonnement dont nous parlons , on
n'y touche plus. On greffe les oran-
gers en écuffon dormanr.
On découvre la pêche grofTe mi-
gnone, à mefure qu'elle commence
à tourner ou blanchir du côté de la
40 J A R
queue , qui eft le côté oppofc au fo-
leil, & les prunes de reine -claude,
qui font en efpalier au midi.
Pendant le rencuveliement de la
fève de la canicule , appelée fève
d'août, les arbres poudlnt une mul-
titude de nouveaux jets. Le pêcher
principalement , après avoir été ébour-
geonné exadtemenr en juillet, paroît
tout-à-coup hcrille d'un nombre pro-
digieux de bourgeons confus , qui fe
reproduifent jufqu'au-del.à de la ca-
nicule, après quoi cet arbre devient
fagc. Il faut bien fe donner de
garde d'ôrer aucune de ces branches
folles 5 l'expérience apprend qu'il en
repouiferoit de nouvelles en plus grand
nombre. Il faut donc lailTer vos pè-
c'ners jeter leur feu, &: préférer de
les voir long- temps en défordre, que
de les perdre par une propreté mal
entendue j mais on eft alfuré qu'^.u
déclin de la canicule il ne poulfera
plus de ces faux bourgeons, c'eft le
cas alors de les fupprimer , c'eft à-
dire, à la tin du mois 5 on n'épargne
que ceux qui peuvent être paliflc;.
Ce qui démontre qu'il ne faut ébour-
.geonner les poiriers , pruniers Se
pommiers, qui font plus tardifs, que
vers le déclin de la canicule, c'eft-à-
dire vers la mi-aoiit ; le véritable temps
eft quand , le foleil n'ayant pas la
même force , la fève s'arrête , & le
bouton eft formé & parfaitement
arrondi au bout des branches qui
étoient terminées auparavant par
deux feuilles, qui font la fourche,
comme il eft facile de l'obferver. Vos
poiriers , &c. étant ébourgeonnés
plutôt , pendant la force de la cani-
cule, repoulferoient de faux bour-
geons , des yeux & des branches-
crochets que vous auriez fait pour fe
tourner à truit , <^ ces faux bout-
J A R
geons, qui fou: blanchâtres, coton-
neux & tendres , qui ne s'aoûtent ôc
ne miirllfent point avant l'hiver, ref-
teront non-feulement inutiles, mais
même pernicieux, n'étant pas propres
à donner de bonnes branches à bois
ni à fruit dont ils tiennent la place:
on eft obligé de les recouper, ce font
autant d'veux perdus, & le but de
l'ébourgeonnemert, qui eft la véri-
table taille d'été pour faire tourner
les branches à fruit, eft manqué.
On donne le ttoilième labour à la
vigne avant que les vignerons aillent
en moilTon.
Repaflez le long de vos efpaliers,
pour attacher les pointes des branches
qui fe font allongées depuis le pa-
liiTase qu'on a fait en éboutgeonnant.
Découvrez de leurs feuilles après
quelques pluies, comme il a été dit,
en calfant les feuilles par la moitié,
du poirier du bon chrétien d'hiver
& de Ja pomme d'.api , pour leur
donner de la couleur.
On continue de greffer en éculTon
jufqu'au 1 5 feptembre.
Le temps eft venu de fupprimer
aux pêchers tous les faux bourgeons
dont on a parlé précédemment.
Septembre.
On donne quelquefois en feptem-
bre un farclage ou léger labour, pour
détruire l'herbe qui a dû croître dans
les vignes , quand le mois d'août a
été pluvieux j ce travail favorife la
maturité du raifin.
Quand on veut tenir fes arbres
proprement , on fait , au mois de
feptembre , un troifième paliflage ,
pour attacher toutes les branches de
la poulTe du mois d'août , couper
celles qui débordent le chapiteau
quand
J A R
qii.intl on ne peut les coucher en-
delfous^ on ne craint pas qu'elles re-
poulTent de nouveaux bourgeons.
On continue de grefter en ccuiron
jiifqu'au 1 5 feptembre.
11 faut découvrir de quelques feuil-
les les raifins des treilles , quinze jours
feuleinent avant leur maruritc , &
avec précaution , ne découvrant d'a-
bord que ceux qui fe trouvent étouffés
fous un trop épais feuillage, à c]ui
l'on peut procurer plus d'air, fans les
découvrir encore tout à-fait, car le
raifui fur- tout ne mûrit pas lorfqu'il
eft trop tôt dépouillé de fes feuilles j
quand il eft découvert à propos, le
chalfelas prend cette belle couleur
ambrée qu'on eftime.
On découvre auilî de la même
manière la poire de bon chrétien
d'hiver 8c la pomme d'api, fi on ne
l'a pas fait plutôt, afin de leur faire
prendre un rouge vif qui en relève
la beauté.
On donne la quatrième façon ou
ratilfage aux allées , au moyen de
quoi elles referont propres pendant
tout l'hiver.
Les arbres qu'on plantera en no-
vembre , & même au printemps, en
viendront mieux fi on fait les trous
dans ce moment; les imprellions de
l'air en préparent la terre.
On continue de ferfouir ou la-
bourer légèrement les orangers, mais
ils ne feront plus atrofés qu'une fois
par femaine jufqu'au commencement
d'oârobre , huit jours avant de les
rentrer dans la ferre, ainfi que les
figuiers en cailfe &: en pots.
On tond les buis pour la féconde
fois.
On greffe le pêcher fur le jeune
amandier vers la mi- feptembre.
Quelques jardiniers ne taillent
Tome Kl.
J A R 41
leurs orangers qu'en feptembre ,
quand la sève eft arrêtée , pour avoir
plus de fleurs j mais ils (-ont tort î
leurs arbres, & confondent l'ébour-
geonnement avec la taille, car c'eft
le temps de les ébourgeonner en août
^- feptembre , après la fleur. On a
dû les tailler en mai. On lailfe
échapper quelques menues branehes
pour avoir de la fleur en hiver.
On achève de découvrir les chaf-
felas de toutes leurs feuilles •, il n'y
a plus de rifques à préfent, le raifiii
eft clair & dans toute fa grolfeur;
il n'a plus qu'à prendre couleur, c'eft-
à-dire , à devenir blond & doré eu
mûrilfant, ce qui eft la perftétion
du chalfelas. On lailfe en place juf-
qu'en oélobre celui qu'on veut con-
ferver pour l'hiver.
C'eft le temps de gauler les noix;
on les mec en monceau dans un lieu
fec & aéré , où elles achèvent de
s'écaler. On laifle fécher les noix
dépouillées de leur robe à l'ombre
dans le grenier; elles fe conferveront
fè.hes pendant tout l'hiver, mais on
aura foin de mettre dans le fable, à
la cavej celles qu'on deftinera pour
planter en pépinière au printemps.
Pour cueillir tous les fruits en gé-
néral, il faut choifir un temps icCy
afin qu'ils fe ccnfervent mieux; ob-
ferver de ne pas rompre leur queue,
de les peu toucher j &c de les porter
doucement fiins les heurter & les
meurtrir. On a pour cette cueillette
de grandes corbeilles plates à deux
anfes , que deux hommes portent;
on en garnit le fond &: les côtés avec
des feuilles de vigne, on pofe deffus
un feul rang de fruit, jamais deux
l'un fur l'autre, & fur- tout des pê-
ches , plus fujettes à fe meurtrir que
d'autres.
F
41 J A R J A R
Dans les années hâtives , on ra- On plnnte les marcottes c!es gre-
maire déjà des châtaignes. ( roye:^ nadiers qu'on a faites en avril.
ce mot & la manière de les cou- Octobre.
ferver. )
On gardera les pépins des poires 11 eft encore temps de donner le
& des pommes, mettant à part ceux dernier ratiflage aux allées, fi on ne
de doucin & de paradis, pour former l'a déjà fait, & une petite façon à
des pépinières en novembre ou en tout le jardin j afin qu'il refte propre
mars. Le moyen de fe pourvoir d'une pendant tout l'hiver,
quantité fuffifante de pépins de poires Dans les plans de bois & les pé-
ou de pommes J c'eft de ramalfer , pinières qui font dans des fonds hu-
quand il eft fec, le mate de ces fruits mides,où il a cru beaucoup d'herbes,
qui ont été fur le prelToir , on les il faut ramalTer les terres en buttes
frotte entre les" mains & on les &■ par chaînes , pour faire pourrir les
crible j ceux même des fruits pourris herbes retournées pendant l'hiver j
font aulTi bons que d'autres. On ces terres s'égouttent & fe miuilfcnc
étend ces pépins fur le plancher d'un ainli : on les répand au printemps,
grenier , oii ils reftent jufqu'à ce Se c'eft la meilleure façon qu'on
qu'on les feme, ou bien, lorfqu'ils puilfe leur donner,
font fecs , on les conferve à l'abri On cueille tous les raifins , tant
des fouris dans des facs fufpendus chairdats que mufcats & autres , par
au plancher, un beau temps , pour les conferver
Il faut fe tranfporter^ à la fin de dans des armoires ou fur des claies,
feptembre, dans les pépinières , pour à l'abri des gelées & de toute im-
choifir les arbres qu'on veut plantei j prellîon de l'air. ( i )
en les' frappe au pied d'un petit coup II n'y a plus de pêche en célobre
de marteau J pour y lailfer l'em- que la peifique &: la pavie, qui mû-
preinte de deux lettres, afin de les rilîent rarement, La pavie fur tout
reconnoître, & de les lever enfuite ne mûrit guères que dans les pays
quand la feuille fera tombée : les les plus chauds j commeen Provence,
arbres en valent mieux de ne pas où la grande aidtur du foleil, qui
être arrachés plutôt , ce qu'on n'ob- eft contraire dans ce pays aux pêches
ferve point allez. Si on attend plus tendres, n'a que la force nécelfaire
tard à marquer fes arbres, on court pour attendrir la pavie, (Se lui donner
rifque de trouver les plus beaux en- la qualité qu'elle n'acquiert jamais
levés, & de n'avoir que le rebut. ici, (i)
(i) Dans les provinces du midi, cette cueillette demande à être fiite du lo au ^o
feprembre pour le plus tard.
(i) Le fuccès de la pavie n'cft pas réfervc aux feules provinces qui avoifinent la
Méditerranée ; ce fruit nuiriftrès-bien dans l'Agenois , la Guyenne, le Danphiné , le
Lyonnois , Se dans plulicurs de nos provinces du centre du royaume. Si , dans ces climats
chauds, on a la facilité d'arrofer les pieds d'arhres, les pcciies tendres y font très-
bonnes , & infiniment plus parfumées que dans les environs de Paris.
J A R
On cueille les poires de menîre-
Jean , de marquife, de créfaiie , de
bergamote d'nucomne, iSc de S. Ger-
main, vers la S. Denis, les pommes
de calville rouge (Se de calville blanc.
Dans les années peu hâtives, on
achève la récolte des châtaignes &
des amandes , & on met dans la
cave celles qu'on deftine aux pépi-
nières.
Si on a empaillé des grofeliers en
juillet , on a encore des grofeilles
jufqu'aux gelées.
Si votre terrein n'efl: pas trop froid,
ou l'année tardive, vous cueillerez
tous les truits d'hiver vers la S. Denis,
vers le 1 5 , mais dans les deux cas
ci-delfus , vous attendrez jufqu'à la
hii du mois.
Il ne faut donc pas fe ptefler trop
de cueillit ces fruits , quoiqu'il en
tombe même quelcjues-uns j ils ne
fetont pas perdus en les ferrant fè-
chement , s'ils ne font pas meurtris,
ou en les faifant cuire au chaudron
dans l'eau réduire en firop. Les fruits
cueillis trop tôt fe rident, fe fannent
& fe delféchent, il n'y refte que la
peau 5c le cœur pierreux fans jamais
mûrir.
On fera bien de laifTer le bon-
chrétien d'hiver huit jouis plus tard
que les autres fur l'arbre ,' pour le
perfeftionner , -.Se la pomme d'api le
plus long- temps que l'on pourra,
afin qu'elle prenne plus de couleur.
On continue de faire des trous
pour planter les arbres.
On peut encore , dans cette faifon ,
changer de terre les orangers qui en
ont befoin ; on réchauffe avec du
petit fumier de mouton ceux qui font
îanguilîans •, on les ferfouit & on les
mouille tous pour la dernière fois,
huit jours avant de les renfermer.
J A R
43
On emporte ceux qu'on a élevés fur
couche, & on finit par les entrer
tous dans la ferre vers le 15 dti
mois.
On porte les nèfles au grenier fur
de la paille pour les faire mûrir.
A l'égard des coins, il n'y a pas
de rifques d'attendre , pour les cueillir ,
jufqu'aux gelées, qu'ils ne craignent
pas, & julqu'à ce qu'ils aient acquis
une belle couleur d'or; on les efluie
pour en ôter le duvet, & , après les
avoir mis un peu nu foleil , on les
ferre dans un lieu fi:c , ôc féparément,
àcaufedc leur odeur forte, qui feroit
gâter les autres fruits. Malgré toutes
les précautions, ils pourrilfent bien-
tôt , fi l'on n'a pas foin de bonne
heure d'en faire des comportes , de
la matmelade ou du ratahat.
On finit le travail de ce mois par
porter des terres neuves, àcs gazons,
des gravois ou démolitions de murs
faits en terre , des boues de rues
long-temps repofces à l'air, & autres
engrais qu'on répand au pied de fes
arbres, ainfi que les fumiers qu'on ne
fait non plus que répandre fur les
terres froides avant 1 hiver.
Novembre.
On lève dans les pépinières, aufil-
tôt que la feuille eft tombée , les
arbres qu'on a marqués en feptem-
bre. C'elt la faifon de les planter
particulièrement dans les terres légè-
res. (Jur-rout dans les Provinces du
midi) Nos cultivateurs de Montreuil
préfèrent en général la plantation du
printemps ; elle peut être plus favo-
rable dans leur terrein; mais on con-
viendra que d'attendre à planter au
printemps dans les terres légères, fi
la faifon efl fèche , la plantation
manque en plus grande partie, au
F i
44
J A R
lieu qu'étant faite avant Thivet , les
arbres ont déjà poulTé quelques raci-
nes, qui ont pris corps, & fe font
alliées avec la terre ^ de façon qu'ils
craignent moins la féche.rtfTe. Le
pommier & le prunier fur-tout exi-
gent , encore plus que d'autres , d'être
plantes avant l'hiver.
On répand du fumier au pied des
arbres , dans les terres froides qu'on
ne laboure qu'au printemps j mais
pour toutes les terres ufées , trop
fèches , les fables, les terres légères
en général , on les laboure profondé-
ment avec la fourche, aux environs
de ia Toulfaint ; nous difons avec la
fourche, car ia bêche, qui tranche
la racine des arbres , doit être piof-
crite & bannie pour toujours du
jardin fruitier.
Vous n'oublierez pas de planter en
pépinière, dans cette faifon comme
au printemps, toutes les boutures &
rejettons enracinés de pruniers, me-
riliers , poiriers, pommiers, &c. en
ini met, tous les plans, les châtai-
gnes, les amandes, les noyaux, Sec.
On a vu en février la raifon de for-
mer les pépinières de ces noyaux au
piir;temps , en les confervant pen-
dant l'hiver dans du fable à la cave ,
pour les faire germer. On peut tou-
jours, fauf à recommencer, femcr
quelques pépins , qui avanceront plus
que ceux qu'on fcme en février &
mars , s'ils échappent aux rigueurs
de l'hiver.
Quant on veut avoir du plant de
mûriers , on a foin de marcotter des
branches , quand la feuille eft tom-
bée.
L'olivier fe plante en novembre
dans les pays chauds, ( /^ojeç le mot
Olivier.) & en février &; mars dans
les pays tempérés.
J A R
On coupe les ofiers vers la Touf-
faint , quand la feuille eft tombée
après les premières gelées. On ne
coupera qu'en mars ceux qu'on dei-
tine à faire du plant.
On tire les échalas de la vigne,
pour les mettre par chevalet dans le
jardin , pour palier l'hiver ou les fer-
rer à l'abri , s'il y en a peu , & l'on
cure les raies dans les vignes, c'eft-
à-dire qu'on en relève la terre qu'on
jette à droite & à gauche fur les
planches avec la houe , ce qui fait
des fentiers propres j & donne de
l'écoulement aux eaux.
On retire le petit fumier de mou-
ton qu'on a voit mis en oélubre au
pied des orangers languilTans, parce
que ce fumier , s'il v reftoit plus de
fix fetnaines , au lieu de les raviver ,
les brîderoit.
Quand les gelées deviennent trop
fortes , ou les pluies trop fréquentes ,
ôc qu'on ne peut ni labourer ni plan-
ter, on s'occupe à couper des perches,
pour raccomoder des rreillages & faire
des paillalfons; on coupe Se on ai-
guife les échalas, on éhte les oiiersj
on fait des cailTes, &c.
On taille le câprier.
On peut enfin , quand les feuilles
font tombées , éplucher & préparer
la vigne pour la taille , ainli que les
pêchers &: abricotiers, ôtant les chi-
cots, les bois morts, quelques bour-
geons & branches inutiles; c'ell au-
tant d'ouvrage fait avant la taille,
qui n'aura lieu entièrement qu'en
février pour la vigne , ( voyc^ note pre-
mière, page 19. ) pour les pêchers Se
les abricotiers ; mais pour les autres,
aulii tôt que la feuille eft tombée.
On peut commencer à enlever la
moulfe des arbres après quelques
pluies, &: continuer de même pea«
J A R J A R 45
dant l'hiver, mais le mieux c'eft à la raille eu février ou mars, en prenant
fin de l'iiiver. garde que la fève ne foie pas encore
,^ , . en mouvemenr, & qu'elle ne coule
D E C E M B RE. , . r • /
pas par la coupe qu on tait au lar-
On ne railloit autrefois les poiriers ment, par où elle perdroit beaucoup
&: les pommiers qu'en tévritr, coin- fi la fève ctoir encore long-temps eu
me le pêcher après les lorces gelées ; adrivitc. La raille de mars retarde la
on les taille à préfent aulli tôt que pnilfe de la bourre; elle coiut moins
les feuilles font tombées; il eft rare de rifque. L'une & l'autre méthode
que la gelée foit allez forte en ce cli- peuvent réuflir, félon les années & la.
mat pour les endommager. Quelques î'aifon du printemps plus ou moins
curieux cependant qui n'ont jias beau- froide; mais la taille de février ou
coup d'ouvrage , attendent encore à mars nous a paru la plus sûre & la
tailler en février, fur-tout les jeunes meilleure auOi pour planter, (i)
arbres , afin d'être hors de tout rif- Dans les. climats froids on fait
que t]ue la gelée ne faite des gerfurcs, bien d'attacher les figuiers près des
& n'endommage l'œd à l'extrémité murs, afin de les couvrir de pail-
des branches taillées. Les poiriers de InlTcns ou de litière', de fougère ou
roulltlet de Rheims paroilfent les de colles de pois, cju'on arrête def-
plus tendres à la gelée; maison taille fus avec des perches Se des ofiers ,
à préfent , pour avancer l'ouvrage , pour les garantir de la gelée,
quand on en a beaucoup. Il elf boa Quand les figuiers font adolfés à
de réferver à tailler en février ceux des bârimens allez élevés pour les
de ces arbres dont ou veut tirer des mettre à l'abri, ils n'ont befoin ordi-
grefFes , parce qu'en reliant alors nairement d'aucune précaution ; ce
moins de temps dans la cave, félon n'ell que dans les hivers très-rigou-
nocre méthode , elles fe confervent rcux qu'ils font fujets à geler. Les
plus facilement jufqu'à ta fin d'avril, figuiers fe trouvent-ils éloignés àeS'
On palilTe à melure qu'on taille. abris, on les couche dans la terre.
Des agriculteurs modernes pen- A mefure^que les arbres font taillés,
fent qu'on peut tailler la vigne on leur ore la moulfe facilement dan.s
aufli quand la teudle eft tombée; en les temps l-.umides; il eft plus avan-
conféquence quelques perfonnes plan- tageux d'attendre la fiti de Ihiver.
tent en même temps les crolletes , L'inftrumenr le pUis commode pour
à mefure qu'elles taillent; mais d'au- abattre la mouffe dans toutes les
très, &: tous nos vignerons, attendent branches, eft le farder des maraîchers,
à la fin de février ou le commence- avec lequel ils nettoient l'herbe des
ment de mars pour l'une* ou l'autre planches d'oignons,
opération. La vigne taillée en ce En enlevant avec le même inftru-
temps-ci pouffe plutôt au printemps, mène les ccorces galeufes & chan-
'& fe rrouve conféquemmenr plus creiiies , on détruit la retraite d'une
expofce à la gelée ; au lieu que la infinité d'infeCles.
(i) Consultez le mot Vigne , oii cette qucftion fera difcut-Jc
^6
J A R
On continue de charrier & de ra-
malîer au pied des arbres toutes
fortes d'engrais convenables , tels
qu'ils font uidiqucs a la hn d'oclo-
bre.
On raccommode les treillages , les
outils de jardin j on aiguile les échal-
las.
On fait bien de placer au-dellus
des efpaliers de pêchers , de petits
paillalîons de deux pieds de largeur,
pour garantir ces arbres, pendant l'hi-
ver, de la neige & du verglas qui les
gâtent.
Section III.
CataloBuc des meilleurs fruits.
Il ne fsra pas queftion dans cette
lifte de toutes les efpèces de fruits ,
mais fimplement des meilleurs &
des plus utiles. Pour le furplus, con-
fultez ce qui eft dit lous chaque
rnot propre.
§. I. Des fruits à noyaux.
Abricotifr , voyei abricot pré-
coce... gros abricot ou commun...
abricot blanc... abricot mufqué...
abricot d'.'\ngoumois , ou abricot
rouge... abricot de Provence... abriccf
de Hollande... abricot alberge... abri-
cot de Portugal... abricot noir...
abricot pêche ou de N.'iuci... abricot
niont-gamet... .abricot alberge...
Amandier commun , à gros ou
à petit fruit... amandier à coque ten-
dre , ou amandier des dames...
amandier à fruit amer... amandier
pèche, plus curieux qu'utile.
AzEROLiER à fruit blanc ou à
fruit rouçe. Ce fruit n'eft bon que
^aiis les Provinces méridionales.
J A R
Cerzsif.r. Merifier à frui: doux.:;
à gros fruit doux... [ctnÇ\txs guigniers ,
ainfi nomniés à Paris , & cerificrs en
Province. ) Guignier à fruit noir...
guignier à gros fruit blanc... guignier
à gros fruit noir (?<; luifant. .. gui-
gnier à huit rouge tardif j plus cu-
rieux qu'utile.
Bigarreautiers à gros fruit rouge..>
à gros fruit blanc... à petit fruic
hâtif,.
Cerijlers à fruits ronds , à Paris ,
& appelles griotiers en Province...
nain précoce... hâtif... commun .^
fruit rond... cerifier à la feuille... ce-
rifier à trochet... tardif ou de la
Toulfainc, fimplement curieux... de
Montmorenci ou gobber gros & à
courte queue... de villenes à gros
fruit de rouge pâle... de Hollande...
à fruit ambré... griotier de Portu-
gal... d'Allemaçne... la cheri-dukc...
ceiife guigne.
Jujubier. Oiin'en connoît qu'une
feule efpèce dans nos Provinces du
midi.
NoiSETTIER ou AvEtlNIER fraUC 3.
fruit ovoide <Sc la pellicule du fruic
rouge... à fruit rond ou commun.,,
à Iriiit anguleux ou d'Efpagne... à
fruit blanc & ovoide. Le premier
mérite la piéférence.
i
Noyer commun... à très-gros fruit,'
plus agréable qu'utile... à fruit tendre
(Se à écorcè fragile... celui qui donne
deux récoltes , iimplement curieux...
le tardif ou de la Saint-Jean, époque
à laquelle il fleurir. Le premier &: le
dernier font vraiment utiles-, le der-
nier fur-tout dans les pays ou l'on
craint les gelées tardives du prin-
temps.
J A R
P^cHEn.. ( Suivant l'ordre de matu-
rité. ) ( i) Avant-pêche blanche: Ion
feul mcrite eft d'être précoce... avant-
pêche rùuge , ou avant -pèche de
Troye... double de Trôye ou pente
mignonne... magdelèue blanche , bon-
ne dans les Provinces du midi...
chevreufe hâtive... pourprée hâtive..,
çrolfe miononne... taulfe mignonne...
vineufe... magdelène taraive a petites
fleurs... la chanceliere... pêche malte...
belle garde ou galande... petite vio-
lette hâtive... grolTe violette, ou vio-
lette de Courfon.... admirable, ou
belle de Vitry... bourdine ou royale...
teton de Vénus... chevreufe tardive...
brugnon violet... nivette... violette
tardive... pourprée tardive... perfi-
que... pavie rouge... de Pomponne...
pavie jaune... admirable jaune... jau-
ne uire.
Pistachier , cultivé en pleine
terre dans les Provinces du midi.
Prunier. Prune jaune hâtive ou
de Catalogne... gros damas de Tours...
damas mufqué .. perdrigon hâtif...
groife mirabelle... prune de Alon-
fieur... la diaprée... perdrigon blanc...
perdrigon violet. . perdrigon rouge...
impériale... grolFe reine - claude, ou
dauphine,^u abricot vert, ou damas
verr... petite reine-claude... impér.a-
trice blanche... abricotée... diaprée
rouge , ou roche-courbon... diaprée
blanciie... fainte-catherine... damas
de feptembre... impératrice violette,
ou princelTe ou altelTe... prunier du
Canada, non pour Ion huit, mais
pour fes fleurs.
J A R
§. II. Des fruits à pcpins.
47
CoiGNAssiER. Coin commun...
coin de Portugal. Le dernier eft à
préférer.
Epine-vinette , à fruit , à pépins
ou fans pépins. Le dernier feul mé-
rite d'être cultivé dans les jardins.
Figuier, (c/i/war de Paris) Figue
printanniere , ou blanche longue...
blanche ronde d'automne... violette
longue ou angélique... violette ron-
de... [climat du midi) la cordelière ou
fervaniine... figue de Bordeaux...
grolTe blanche longue .. la marfeil-
loife... petite blanche ronde ou de
Lipari... la verte... la grofle jaune...
la groffe violerte longue... la petite
violette... labourjafl^Lteoubarnifore...
la ÇTrallfane... la verte-brune... fitiue
du Saint-Efprit.
Framboisier. Framboifes blan-
ches ou rouges.
Grenadier. Grenade douce...
douce &i acide.
Groseiller non épineux à fruit
rouc;e... à truit blanc... à fruit noir
ou caflîs. Epineux à fruit blanc... à
fruit violet J ou grofeilles à maque-
reaux.
Mûrier à crros fruit noir. Il eft
inutile de parler ici des mûriers dont
la feuille fert à nourrir les vers à
foie. Le fruit en eft fade.
( i) Je n'iniiicjuo aucune époque fi.sc, elle varie fuivant les laifons, & fur- cou: fuivauc
les climats.
4S
J A R
NÉFLIER, fauvage... à gros fruit ou
de Haliaiide... f?.iib noyau.
Olivier. I! eft imuile d'en parler
ici : on ne peut le cultiver dans le
nord fans le fecours de l'orangerie ,
&: dans les Provinces du midi il cou-
vre les champs , év' on ne le cultive
pas dans les jardins,
OiiANGER proprement dit. Orange
douce ou de Portugal... grolfe oran<ze
cil de Gralfe... orange rouge... fans
pépins... de Chine... riche dépouille...
orange bergamotte... bigarade com-
mune... violette... petite bigarade
chinoife... pommier d'Adam... Bou-
quctier.
Limonier. Limon commun... de
Calabre... doux limon poirette... im-
p£rial... balotin... de grenade ou
pomme de paradis ou lime en Pro-
vence... limon de Valence... cédrat
de Floreiice.
.Arbres qui participent de l'Oranger
& du Limonier.
Lime douce.... pompoleum
Scliaiideclioucliadec... pompelmous.
îlla rofa
citronier.
he
erm,i
apnro
dite...
Poirier. ( fuivant l'ordre de ma-
turité relative aux clim?.ts &: aux fai-
fons) Amiré-joanet... petit mufcat ou
fcpt-en geuie... mufcat robert... anra-
tc.magdelèneou citron des carmes...
cuiilè-madame... la belliflime... l'é-
pargne... gros &z petit blanquet...
l'épine rofe ou poire rofe, ou caillot
rolat... l'orange mufquée,.. l'orange
rouge... la robine ou royale d'été...
bon chrétien d'été mufc^ué... gros
J A R
rouiïelet... rouffelec de Rheims... fon-
dante de Breft... Epine d'été... orange
tulipée... bergamotte d'été... berga-
motte rouge... verte longue... angle-
terre ou beurré d'Anglererre... beur-
ré... doyeimé blanc... doyenné gr:s...
bezi de Montigny... bergamotte fuif-
fe... & d'automne... beïlillîme d'au-
tomne... me(Iire-jean... fucrévert. ..
bon chrétien d'Efpagne... merveille
d'hiver... épine d'hiver... la louife
bonne... la marquife... la rrezane...
l'ambrette... l'échafferie... bezy de
Chaumontel... faint-germain... vit-
gouleufe.'.. martinfec... le colmar... la
royale d'hiver... angleterre d'hiver...
angélique de Bordeaux... franc réal....
catillac... bon chrétien d'hiver... rouf-
felet d'hiver... orange d'hiver. . dou-
ble fleur... mufcat l'allemaiiLl... ber-
gamotte de Hollande impériale...
poire livre...
AL de la Breronnerie indique un
choix entre les poiriers qui eft très-
bien vu , & fert à fixer celui des
perfonnes qui, ne connoilfant pas les
fruits , veulent fe procurer les efpèces
les plus eflimées. Si l'étendue du jar-
din eft conlidérabie, on peut planter
les arbres des efpèces que je viens de
citer j m,\is fi l'emplacement ne con-
tient que cinquante poitiets , voici
ceux adoptés par l'auteur cité, i
cuilTe- madame... i blanquette... i
robine ou royale d'été... 4 rouîTelet
de Rheims... 4 beurré... 4 doyenné
gris .. 5 meffire jean... 4 crezane...
4 fainr germain... i chaumontel...
i royale d'hiver... 4 virgouieufe... 4
colmar... 2. bon chrétien d hiver... 2
martinfec... i mufcat l'allemand...
1 betgamutte de Hollande... 1 franc
real.
Pour un jardin où l'on n'auroit que
Z4 places, on choifuoit... 3 rouife-
let
J A R J A R 49
let de Rhelms... j beurre... 1 doyenné quans ; cependant ces deux arbres
gris... 2. crezane... 4 faint-germain... lonc tocalemenc féparés dans l'ordre
2 virgonleiife... 2 chaumontel... 4 de la nature, & on ne doit pas les
colmar... 2 bon chrétien d'hiver. confondre.
Pour un jardin à douze places, il Dans les jard'ins, il ne faut cul-
fiiffit de diminuer fur les nombres tiver que les châtaigniers qui pro-
prccédens. duifent des marons , & fi le pays ne
convient pas à cet arbre , fon fruit
Pommier. ( par ordre de maturité ) fera toujours au-defloas du médiocre.
On prévient que cet arbre rendît mal Si on peut le cultiver dans les champs ,
dans les Provinces du midi, fur-tout il y figurera mieux que dans un jar-
les cantons fortement abrités. din, ou il occuperoit trop d'efpace.
La palfe pomme... la calville d'é-
té... le tambour franc... le poftophe CHAPITRE III.
d'été... calville rouge... calville blan-
che... pomme de châtaigner... court- Du jardin fruitier & légumier en
pendu... fenouillet gris... rouge... même temps,
reinette franche... reinette giife...
drap d'or ou reinette dorée... pomme C'eft le plus commun , parce qu'il
d'or ou reinette d'Angleterre... rei- y a très-peu de propriétaires en état
nette de Canada... reinette d'Efpa- de le féparer. Ce que j'ai dit des deux
gne...groire reinette blanche fouettée premiers s'applique à celui-ci.
de rouge... reinette grife de Cham- Ordinairement on fe contente de
pagne... l'api franc... api gros ou couvrir les murs par des arbres en
pomme rofe... l'haute en bonté... efpalier, foir nains, foit à mi-tige,
rambout d'hiver... la violette... pofto- & les bordures des quarreaux avec
phe d'hiver. des nains , taillés ou en évantail,
ou en buiflon.
Vigne. Il ne s'agit que de celles La diftribution des arbres eft dif-
cultivées dans les jardins. Pour les férente dans les jardins toujours
autres voy&r^ l'article Vigne. Le mo mixtes , & arrofés par irrigation.
rillon hâtitou raifin de la Magdelène, ( Foye\ ce mot. ) Comme ces jardins
non à caufe de la bonté de fon fruit, font divifés en grands quarreaux, &
mais parce qu'il eft mûr à la fin de ces quarreaux en trois , quatre on
juillet... chalfelas doré ou Bar-fur- cinq grandes tables, les arbres font
aube... chalfelas rouge... chalfelas plantés tout autour des allées, mais
mufqué... la Cioutat... mufcat rouge... encore dans la platte-bande qui fé-
mufcat blanc... mufcat d'Alexandtie pare chaque table. Dans les jardins
ou paffe longue... le cornichon... le de maraîchers, tous les arbres font
corinthe blanc. à plein vent; chez les particuliers.
Le châtaignier eft un arbre fruitier ceux de l'intérieur des quarreaux font
hors de rangj & ne peut être com- à plein vent, & ceux des bordures
paré, pour fon fruit, qu'à celui du font taillés en évantail ou en builfon;
maronier d'Inde, recouvert par Une quelques-uns taillent les uns & les
enveloppe coiiace & armée de pi- autres en évantail. Le buiffon eft in-
Tonie VL G
50
J A R
lerdit pour l'intérieur , parce qu'il
gtneroic l'ouvrier qui ouvre & ferme
les rigoles lorfqu'il s'agir d'arrofer.
Un point elTeiitiel à obferver dans
la formation des jardins à irrigation ,
c'eft qu'après en avoir rracé le plan
fur le fol , on doit donner plus de
prolondeiic aux tranchées deftiiiées à
recevoir les arbres , qu'à celles du
refte du jardin. Fouiller & retourner
Ja terre à la profondeur de deux
pieds , eft trcs-fuflSfant pour les lé-
gumes , mais ce n'eft point allez pour
des arbres à plein vent. Sans cette
précaution leurs racines , au lieu de
plonger dans la terre , s'étendront
horifonralement dans le voifinage ,
& nuiront aux légumes.
CHAPITRE IV.
Du jardin dejlïné aux fleurs.
Je ne parlerai pas ici de ce qu'on
appelle /'arre/'/'<rj il eft du relTort des
jardins nommés de propreté ^ dont il
fera queftion dans l'article fuivant.
11 s'agit uniquement du jardin des
amateurs fleuriftes.
Section première.
De fa jiiuatïon , de la préparation
du fol j &c.
I. Defafîtuation. Il doit être placé
dans un lieu un peu élevé, où palTe
un libre courant d'air, mais cepen-
dant abrité contre les vents du nord ,
& des cotés par lefquels foufflent
communément les vents impétueux.
Il eft cependant à fouhaiter qu'il ait,
foit par art , foit naturellement , toutes
les expofirions , afin que l'amateur
puilTe y cultiver les plantes agréables
J A R
qui nailTent foit au midi , foit au
nord; elles ne léuiliirent jamais bien
dans un petit jardin, environné de
maifons trop élevées : la lumière du
foleil y arrive trop tard, ou le quitte
trop tôtj la chaleur s'y concentre, &
elle n'eft pas tempérée par un courant
d'air frais : l'humidité une fois in-
troduite fe diflipe difficilement; les
rofées & le ferein y font plus abon-
dans , &: les gelées fortes ou foibles
y font plus deftrudives.
La féconde condition eft que l'eau
y foit abondante , ou du moins pro-
portionnée aux befoins j fi elle vient
d'une fource, qu'il y ait un réfervoir
fufceptibled'en contenir une certaine
quantité , afin que fon degré de cha-
leur fuive celui de l'armofphère ,
( Voye:^ ce qui a été dit aux mots
Arrosement, Fontaine, Irriga-
tion. )
La troifième, que le jardin ait un
niveau de pente , doux & propor-
tionné à fon étendue , afin que les
eaux pluviales n'y féjournent pas. Si
la pente eft trop rapide, la terre vé-
gétale ou humus J naturellement &
totalement foluble dans l'eau , fera
enrraînée, & il ne reftera plus que
la terre matrice.
1 1, De la qualité du fol. Je fais ,
qu'entre les mains d'un fleurifte, le
fol devient toujours ce qu'il veut
qu'il foit, parce que s'il eft argilleux,
il le fait enlever, & le fupplée par
un terrein préparé ; s'il eft fablonneux ,
il donne le corps &: l'aglut-ination né-
ceffaires à fes molécules ; enfin , la
terre d'un jardin deftinée aux fleurs
n'eft point une terre naturelle j on
n'en trouve aucune femblable , elle
eft créée par l'art. Il eft cependant
très-important, pour un jardin de ce
genre, de trouver dans l'origine un
J A R
bon fond de terre , une terre bien
végécacive, parce qu'elle doit fecvir
de bafc à routes fes préparations, &
cette rencontre tieareufe diminue les
frais, les travaux & l'embarras.
III. De fn préparation. Pour ne
pas fe tromper , on doit confidcrer
les racines de chaque efpèce de plante ;
elles indiquent la protondeur de
bonne terre qu'elles exigent. ( f^oye^
ce qui a été dit au chapitre premier
du jardin légumier. ) Après s'être af-
furé de la profondeur à laquelle une
plante plonge fes racines, il refte à
confidérer comment & quelle eft
la manière d'ctre des racines. Par
exemple , les plantes à oignons ,
comme les jacynthes , les tulipes ,
&c. , à tubercules , comme les renon-
cules , les anémones, &:c. , n'exigent
pas des engrais animaux , à moins
qu'ils ne foient très-vieux , très-con-
fommés & réduits complettemcnt à
l'état de terreau. Si la terre retient
l'eau , fi le tond efl argilleux , les
oignons pourriront , parce qu'ils fe
nourrilfent plus par leurs fleurs que
parleurs racines; ils profpéreront au
contraire dans une terre douce , vé-
gétale , fubft.\ncielle , mêlée en parties
égales avec des feuilles d'arbres bien
pourries. On doit cependant excepter
celles des noyers, des myrthes , &
même des chênes , parce qu'elles
confervent toujours leur aftridion &
leur amertume naturelle , très-pré-
judiciables aux plantes ; celles de
figuiers produifcnc le même effet. La
hauteur de huit pouces de terre pré-
parée leur fuffit. Si on donnoit à des
œillets une terre aufli douce, ils tra-
vailleroient beaucoup en racines , &
peu en fleurs. Les giroflées & autres
plantes analogues y profpéreront ,
mais beaucoup mieux dans une terco
J A R
5«
faite jWmQ aux engrais animaux, fttr-
tout fi elles Trouvent un fond de fem-
blablererre de douze à quinze pouces
de profondeur. Je n'entrerai pas ici
dans de plus grands détails fur l'ef-
pèce de terre préparée, qui convient
à chaque genre de plante en parti-
culier , parce qu'elle eft indiquée à
l'article de toutes les plantes, & ce
fetoit une répétition inutile. J'ai cité
les exemples ci-delfus comme des gé-
néralités, pour indiquer feulement la
néceflité de diverlifier le fol fuivant
le befoin.
Dans le jardin d'un fleurifte , il doit
y avoir un local uniquement confa-
cré à la préparation des terres, & di-
vifé en pkiheurs cafés féparées par
des cloifons. Ces cafés demandent à
êtreéclaitées par les rayons du foieil,
& couvertes foit avec des plamhes,
foit avec de la paille, foit par un toîc
réel , afin que la terre ne foit pas
délavée par les pluies , & qu'expolée
au foleil , elle attire à elle ce fel aé-
rien , le grand combinateur des prin-
cipes. ( F^oye:^ le mot amendement
&c le dernier chapitre dii mot agri-
culture. )
Le temps , .pour commencer !a
préparation des terres, eft après la
chute des feuilles ; on amoncelé
celles-ci ou féparément , ou urdes
avec la. terre, ou mêlées avec la terre
& les engrais animaux , fuivant le
befoin. Si le hangard "recouvre exac-
tement le monceau , h la pluie ne
peut l'imbiber , on le mouillera de
manière que l'humidité pénétre juf-
qu'au fond ; il refte dans cet état juf-
qu'après l'hiver. Au premier prin-
temps Se par un beau jour , on renverfe
le monceau ; on l'étend , & à force
de coups de pelle la raalTe totale eft
mélangée (Se amoncelée de nouveau
G i,
52 J A R
fous le hangard. Si elle fe trouve trop
fèche, on l'imbibe de nouvelle eau,
car fans humidité point de fermenta-
tion, de décompofuion, ni recompo-
iîtion. Au mois de juin ou de juillet
on recommence la même opération ,
ainfi qu'au mois d'oftobre.
Les bons & zélés flcuriftes n'em-
ploient cette terre qu'après deux ans
de travail , & ils ontrailon. Telle eft
la manière de fe procurer un fonds
de terre fuffifnit & relatif à la nature
de chaque plante en particulier j c'efl:
de ce mélange bien fait & bien ap-
proprié, que dépendent non-feulement
la beauté des fleurs, mais encore le
perfectionnement des efpèces. [\'oye\
ce mot) Ils ont encore l'attention,
lorfqu'ils le peuvent, d-e ne pas faire
fervir deux fois la même terre à la
même efpèce de plante j alors cette
terre première eft recombinée avec
d'autres , & fert aux plantes d'une
conftitution différente.
J'ai vu des fleuriftes attacher la
plus grande importance à fe procurer
de la terre des taupinières : je con-
viens qu'elle eft bien divifée, bien
atténuée, mais en eft elle meilleure
pour cela? Si elle eft argilleufe , la
pluie (3c enfuite l'exfication la dur-
ciront tout comme auparavant ^ fi elle
eft fablonneufe, elle reftera toujours
fans adhéfion, & cette terre ne dif-
fère en rien de celle du champ, du
chemin, &c. où l'animal a travaillé.
Sa bonne qualité eft donc (implement
relative , Se non pas eirentielle. 11
n'en eft pas ainfi de celle que l'on
retire de l'intérieur des troncs pourris
des vieux arbres, par^e que c'eft un
vrai débri de fubftances végétales
bien confommées, & excellent pour
les femis des graines fines, délicates
& diiîiàles .i germer.
J A R
Plufieurs amateurs fe font per-
fuadés, qu'en combinantavecces terres
des principes coîorans îfc folubles dans
l'eau , ils parviendroient à colorer
les plantes, par exemple, à fe pro-
curer des œillets noirs , &c. I! n'exifte
aucune fleur noire dans la nature, &
elle ne changera pas fes loix pour
leur faire plailir; d'ailleurs, la sève
ne fe charge jamais d'aucun principe
colorant J elle monte claire dans un
état de vaporifation. Le fleurifte doit
donc fe contenter d'avoir des fleurs
fuperbes , & rien de plus en ce genre.
Une occupation bien digne de fes
foins, feroit défaire des expériences
fur l'hybridicité des fleurs. (Confultez
le mot Hybride, & ce qui eft dit
au mot Abricotier.) Mais toutes ces
tentatives feront en pure perte , s'il
croit opérer fur des fleurs doubles
ou privées des parries organiques de
la génération. 11 n'en fera pas ainfi
des fleurs femi-doubles , parce qu'elles
n'ont plus qu'un pas à faire pour
devenir complettement doubles. Ses
eflais fur les fleurs fimples , vigoii-
reufes , belles & bien nourries , feront
couronnés du fuccès , fi leurs genres
'ne font pas trop difproportionnés.
I V. Des objets néceljaires à un
jardin fleurifte. Si l'amateur embrafle
la fleurimanic dans fa totalité, il lui
faut nécelTairemenr une ferre chaude,
une ferre en manière d'orangerie, des
chaflis vitrés, des amas de fumier de
litières, du ran, des couches , des
cloches, &c. Le limple amateur,:
plus reftreint dans fon goût, fe con-
tente des chaflis, de quelques couches,
& d'un certain nombre de cloches.
Les pots , vafes , cailfes de toutes
srandeurs , font nécelfaires à l'un &
à l'autre , ainfi que beaucoup de
terrines plattes pour les femis j des
J A R
cribles en fil de fer de différent dia-
mètre , des cribles en crin pour net-
toyer les graines , & de quelques
cribles en parchemin , déftmés aux
mêmes ufages; des grilles en fil de
fer, des clayes en bois pour pailer
la terre; des pèles, des bêches", des
râteaux, des tire- fleurs ou houlettes
de différentes grandeurs , des cor-
deaux, des plantoirs, des arrofoirs,
de petites pioches , &c.
Il doit encore avoir un local fpa-
cieux ôc couvert , fec , fufceptible
d'être aéré au befoin , & garni tout
le tour avec des tablettes j fur lef-
quelles il dépofe les oignons , les
griffes , "Sec. ; une partie de ces ta-
'blettes doit être divifée en petits
quarreaux, par destraverfes en bois,
afin que chaque efpèce de griffes de'
renoncule , par exemple , foient fé-
parées des autres efpèces , & ne fe
confondent pas avec elles ; afin d'é-
viter les étiquettes qu'un coup de
vent dérange fouvent. Plufieurs des
petits quarreaux loin peints en jaune j
blancs, violets, rouge, (Sec, en un
mot d'une couleur correfpondante à
celle de la fleur dont il renferme la
griffe &c l'oignon ; alors il n'y a
plus de méprife, & lors de la plan-
tation , l'amateur efl à même de dif-
pofer à fon gré de l'effet que chaque
couleur de la fleur doit produire dans
fon jardin. Les oignons , le- griffes,
êic. peuvent eiicoie être clafTés dans
ces quarreaux , fuivant leur nomen-
clature. La première méthdde cft à
préférer, parce qu'elle parle plus di-
rectement aux yeux.
Le même ordre d'arrangement, la
même diftribution de café peut-avoir
lieu pour les graines. Quant à moi ,
je préféreroisl'ufage des calebaffes ou
courges de pèlerins. Lorfqu'elles font
J A R 55
encore fur la plante, on grave dans
la peau extérieure les noms de chaque
efpèce, ou bien on applique par-def-
fus ôc on colle un papier où chaque
lettre du nom efl découpée, ou bien
encore on colle chaque lettre féparé-
ment, & le foleil les fait reparoître
par le changement de couleur. Lorfque
la caleballe eft mûre, ces caratftères
font ineffaçables, & elle fervira pen-
dant plus de quinze à vingt ans. Les
gtaines s'y confervent mieux que dans
des facs de toile ou de papier, Lhie
ficelle palfée & nouée à leur col , fert
a les arracher à un clou, ou contre
les tablettes , ou contre un mur.
Le jardin du fleurifte exige un
amphithéâtre ou des gradins , afin
d'y placer des vafes , foit pour offrir
le plus beau de tous les coups d'a?ils,
foir pour conferver plus long-temps
la durée d'une fleur. Ces amphi-
théâtres font recouverts par un toit,
ou avec des toiles, afin de garantir
les fleurs de l'adf ivité du foleil ou des
pluies qui les font paffer brufque-
inent, & ne donne pas à l'amateur
le temps de jouir du fruit de fes
travaux.
il eft effentiel que la hauteur des
gradins foit proportionnée à celle des
vafes qu'il doit fupporterj fans cette
précaution , le petit pot à oreilles
d'ours, à prime- vère, &.C., figureroit
très mal fur un gradin dtftiné à des
pots d'œilletSj de reine-marguerite,
d'amaranthes , &cc. ; il faut que le
bois ne paroiffe point à la vue , Se
qu'il n'y ait prefqu'aucune partie du
vafe qui foit vifible, C\ ce n'eft dans
le premier rang; alors la verdure &
les fleurs font dans une progreilion af-
cendanre & continuelle, d'oii dé-
pend la beauté du coup d'œil. Elle
u'exifte plus , cette beauté, fi une
H J A R
fleur eft cachée par une autre, ou (i
l'œil la confond avec elle. La co-
quetterie eft ici nécelFaire , chaque
finit doit être vue fcparcment. C'efl:
dans l'arrangement d'un amphithéâtre
qu'on cennoît le goût de l'amateur;
alîorrir les nuances & les couleurs,
les faire relfortir les unes par les au-
tres, & les marier fi bien, que cha-
que fleur j conhdcrée féparcment ,
paroi ife parfaite : c'eft en quoi l'art
condfte.
On cultive rarement les tulipes, les
jacynthes , les renoncales , les ané-
mones dans des vafes; on les met en
pleine terre , où prefque toujours elles
réulliirent mieux. Le gros foleil &
la pluie font les ennemis des fleurs,
& , pour leur alfurer une certaine
durée , on les couvre avec des toiles
foutenues par des piquets. En gé-
néral ces* piquets font toujours trop
bas, la plante refpire difficilement,
Se on jouit mal du coup d'œil ;
il vaut beaucoup mieux avoir de
grandes tentes de toiles, portées fur
des chaflîs allez élevés pour qu'on
puilfe librement fe promener par def-
fous , & voir fes fleurs à chaque
inftant du jour. Lorfque le foleil eft
couché, on retire ces toiles fur les
côtés, & les plantes jouillent de la
fraîcheur de la nuit; jamais les fleurs
ne paroilfent plus belles, plus bril-
lantes que lorfque le grand jour eft
modéré par ces toiles; elles font aux
fleurs ce que les cadres font aux
tableaux.
Section II.
Enumération des plantes à fleurs
agréables ou odorantes.
I. Des plantes à oignons. Les
arnatillis , <Jc par préférence les lys
J A R
de S. Jacques , &celui de Guernefer...
le pancratium maritime ou narcifle
de mer... le perce neige... les ja-
cynthes... les tulipes... les jonquilles ..
les natciifes... les colchiques... \x
fiitillaire... la couronne impériale...
le lys blanc... le lys martagon... le
muguet ou lys des vallées... la tu-
béreufe.
I I. Des plantes à tubercules. L'el-
lébore à grande fleur blanche... les
anémones... les renoncules... les Iris,
& particulièrement celui de Suze &
celui de Perfe... l'ixia de Chine...
la pivoine mâle & femelle.
III. Dis plantes annuelles à ra-
cines fibreujes. La reine marguerite...
les amaranthes, & fur-tout la crête
de coq & le tricolor... l'œillet d'Inde...
l'œiller d'Inde palfe velour... la belle
de nuit... la balzamine... l'anonis ou
goutte de fang... le réféda... le ba-
filic... la giroflée ou violier quaran-
tain... les grands pavots... les coque-
licots... la penfée... le thalafpi. . le
pois odorant ou mufqué... les bluets
ou centaurées à fleur jaune, blaache
ou violette .. le feneçon du Canada...
les pieds d'alouette... l'immottelle
violette... le xeranthemum ou immor-
telle rayonnée.
l V. Des plantes vivaces à racines
fibreufes. Les prime-vères... l'hépa-
tique... les oricules ou oreilles d'ours...
les giroflées... les violiets jaunes...
les juliennes... les œillets... l'œillet
de Perfe... les juliennes... i'ancolie on
gantelée... les grandes mauves tté-
miaces , celle de Chine... la mauve
en arbre... la piramidale..^ la violette. .
la coque louide ou lychnis,., la croix
de Jérufalem ou de malthe... la fca-
bieufe... le fouci... la camomille à
fleur double... le petir toarnefol à
Heur double... le monatda.
J A R
V. Desarhujîcs odoransou à joues
fiturs. Le tarafplc... la pervenche du
Cap... l'héliotrope du Pérou... le lilas
de Perfe... la rofe ^ueldres... les ro-
(1ers de toutes efpèces .. les jafmins
d'Efpagne , d'Arabie , des açores &
le jafmin jaune très -odorant.. le
laurier thym... le pécher... l'amandier
nain &■ à fleurs doubles... le myrrhe...
la bruyère du Cap... le genêt à fleurs
doubles... le fpirea à feuilles d'obier
&: de faule... le feringa à fleur double...
le leonurus ou queue de lion d'A-
frique... le thym... le ferpolet... la
lavande... la marjolaine... le marum...
le géranium ou bec de grue... l'im-
mortelle jaune.
Je fais qu'on peut ajouter beau-
coup à ce catalogue , mais le grand
fleurimane le trouvera à coup sûr trop
nombreux; il fe contente de cultiver
les prime -vères, les auricules , les
œillets, les tulippes, les renoncules,
les anémones , & enfuite quelques
plantes de fantailîe.
Section III.
Du temps de fcmcr.
Si on n'eft pas riche en fleurs de
diftincStion, il faut abfolument prendre
le parti de femer , à moins qu'on ne
foit dans le cas de fatisfaire fes fan-
taifies à prix d'argent. On jouit plu-
tôt, il eft vrai , mais cette jouif-
fance eft moins précieufe , moim
flateufe que celle d'avoir obtenu par
fes foins , ou une efpcce nouvelle ,
ou une efpcce perfedrionnée. Les
Flamands & les Hollandois font un
commerce de graines qu'ils vendent
allez chèrement , c'eft à eux qu'il
faut s'adrefTer, & ils font en général
de très-bonne foi : c'eft d'eux fur-
tout qu'il faut tirer la graine des
J A R
Î5
prime- véres 5: des oreilles d'ours.
Les femis de c^^ deux plantes ni
leur culture ne rcufllront jamais bien
dans nos provinces du midi; on en
fème la graine anflltôt qu'elle eft
bien mûre, dans des terrines remplies
de terreau confommé , ou avec de la
terre noire que l'on retire du dedans
du tronc des vieux arbres; on peut
attendre à la femer à la lin de l'hiver ;
il en eft ainfi de celle des oreilles
d'ours , des tulipes , des jacinthes ,
des œillets. Quelques amateurs at-
tendent le mois de feptembrepour les
fcmis des graines à oignon , fans
doute diins la crainte des eftlts de la
chaleur de l'été : en plaçant les ter-
rines au nord , on parera à cet in-
convénient, & la jeune plante aura
pris de la conflftance avant l'hiver.
Chacun , fur cet objet , doit confulter
le climat qu'il habite & l'expérience;
il me paroît cependant qu'on ne
rifque jamais rien d'imiter la nature ,
qui confie à la terre le foin des
graines dès qu'elles font mûres. Lorf-
que la plante eft annuelle , lorfque
les gelées la font périr, à coup sûr
elle ne lèvera p.as avant l'hiver ; fi
elles font vivaces, & fi elles bravent le
froid, elles germeront & véî^éteront
dès que l'air ambiant fera au degré
de chaleur qui leur convient. ( f^'ove:^
les belles expériences de M. Du-
hamel, décrites au mot Amandier,
page 45 S. ) Voilà les loix invariables
qui doivent guider les fleuriftes.
Le femis des anémones , des re-
noncules fe fait aux mêmes époques.
Les femis n'ont encore rien ajouté
aux jonquilles , aux narcilTes , ni à
la rubéreufe, on a obtenu des fleurs
doubles, rien de plus. 11 n'en eft pas
ainfi des tulipes, les elpèces fe font
fingulièrement multipliées ; la tulipe
5<J J A R
à "fleur double eft rejecce p.ir les
amateurs, mais elle figure bien dans
les bordures d'un grand jardin.
Si on a des ferres chaudes , des
chafîîs , des couches , vies cloches ,
des paillallons , &c. , rien de plus aifé
alors que d'accélérer l'époque des
femis des fleurs ordinaires , autre-
menc il f.mz fe réfoudre à attendre
la hn de l'hiver, le mois d'avril pour
les provinces du nord , de février
pour celles du midi, «Se de mars pour
celles du centre du royaume. Cette
loi générale fouffre peu d'exceptions;
il vaut beaucoup mieux préparer des
couches &c femer par-delfus quand
elles auront jeté leur premier feu,
que de femer en pleine terre; mais
on doit appréhender que la chaleur
n'attire les courtillières ou taupes-
grillons , ( Voyei ce mot ) & ces in-
fedres malfaifans détruiront toutes
les plantc?s, fi on ne fe hâte de les
fuffoquer avec l'huile , ainfi qu'il fera
dit dans cet atticle. Pour prévenir
cet inconvénient, on garnira le fond
de la couche avec des planches bien
jointes & à languettes , ainfi que le
tour, jufqu'à la hauteur de cinq à
fix pouces; fi on n'a pas les bois né-
ceflaites, on peut employer de larges
quarreaux.
Si on eft privé de ces fecours ,
on fera réduit à femer en pleine
terre, au pied de quelque bon abri,
& on attendra que la ch:ileur foit
bien établie dans l'atmofphère. Les
gelées tardives font 'la ruine totale
des femis précipités; les pavots, les
coquelicots, les pieds d'alouette de-
mandent À être femcs en odobre ,
ils ne font pas fi beaux étant femés
en mars ou çn avril. Si on veut en-
core une règle bien sûre qui fixe l'é-
poque à laquelle chaque graine doit
J A R
être femée, que l'on confidère celle
à laquelle chaque graine tombée dans
le jardm germe & lève; imitons la
nature, elle ne nous trompe jamais.
E c T f G N
I V.
Du temps de planter les oignons , les
renoncules , les anémones.
I. Des Oignons. On a, dans chaque
pays , une régie sûre qui fixe l'é-
poque à laquelle ils doivent être
plantés , de quelque efpèce qu'ils
foient , c'eft lorfque , au centre de
l'oignon , on commence à voir pa-
roître fon dard ou poulie ; fi on
retarde plus long-temps , l'oignon
fouffre : il vaut mieux devancer
l'époque que de la retarder ; quel-
ques exceptions ne décruifent pas
cette loi générale. L'époque de cette
germination n'eft pas la même par-
tout ; elle varie fuivant la chaleur
des climats. Pour les provinces du
nord , le mois d'oélobre eft le
temps où l'on plante les oignons de
jacinthe, de tulipes , & en général
de toutes les efpèces d'oignons qu'on
lève de terre en été après que les
feuilles font lèches ; quant à ceux
qu'on lailfe en terre pendant pki-
lieurs années de fuite, ils demandent
d'être replantés à la même époque ;
cependant, dans le nord du royaume
on peut , cà la rigueur , planter les
oignons jufqu'en février. Il n'en eft
pas ainfi dans les provinces du midi;
l'oignon s'épuife à poufier fes feuilles
fi on ne le plante à la fin de fep-
tembre ou au commencement d'oc-
tobre ; cette époque paffée , la fleur
qu'il donne ef1: chétive , parce que
fa végétation , lors du développement
de la tige, eft trop précipitée par les
chaleurs,
II.
J A R
1 1. Des anémones & des renoncules.
Je ne fliis pourquoi , aux environs
de Paris , on donne la préférence
aux renoncules fémi-doubies fur les
renoncules complectement doubles j
chacun a fi manière de voir, je
préfère les dernières. Dans le nord ,
on plante les griffes à la fin de fé-
vrier, lorfque l'on ne craint plus les
fortes gelées. Dans les provinces du
midi, il faut abfolument les planter
en o6tobre ou au commencement de
novembre, les garantir pendant l'hi-
ver de la neige, ( s'il en furvient )
au moyen des paillaffons ou avec de
la paille longue. Si on plante plus
tard, on court les rifques de perdre
beaucoup de griffes , & à coup sûr
on n'aura que de chctives fleurs. Les
anémones fe plantent comme les re-
noncules.
■ Ces généralités fur le temps de
femer & de planter j doivent fufïire
pour le moment, parce qu'à chaque
article en particulier font indiqués la
manière & le temps convenable aux
différentes plantes.
Il feroit fuperflu de tracer ici le
plan du jardin d'un fleurifle \ tout
planfuppofe la connoifflincedu local,
de ce qui l'accompagne , de fa po-
fition, de fes points de vue, &:c. , &
ces plans feroient trop généraux ,
& pourroient ne convenir à aucune
lituation particulière. Les gens très-
riches font les feuls qui attachent
une certaine irnportance à cette ef-
pèce de jardin. Le fîeurimane ne
voit que Beur , ne parle que fleur ,
le refte lui eft indifférent; la divifion
de fon jardin confifle dans des quar-
reaux placés à côté les uns des autres,
communément bordés par des bri-
ques de champ, &: non par des buis
ou telles autres plantes dont les ra-
Tome FI,
J A R
57
cines affameroient les plantes voifines ,
& qui ferviroient de retraite à une
multitude d'infeftes deftrudeurs. La
devife de fon jardin eft : Argus cfio ,
fed non Briareus ; ou bien ; foyez tous
yeux. Se n'ayez point de mains. En
effet, les fleurs font plus précieufes
pour lui que k richelTe. Chacun a
fa jouilLance & fa marotte.
CHAPITRE V.
Des jardins de propreté ou de
plaifance.
C'eft ici où le luxe s'unit à \x
belle nature, où les arts s'emprelfent
d'étaler leurs plus riches produâiions;
où la main habile du jardinier donne
des formes fymétriques à fes arbres, ..♦
&c en tient captives les branches ,
en un mot, où tout elt décoré, paré,
embelli & fait tableau.
L'ennui naquit un jour de l'uniformité.
Ce vers devroit fervir d'épi-
graphe^ nos jardins. En effet , une
fymétrie monotone y régne de toute
part \ toujours des ligues droites ,
des allées à perte de vue , des bof-
quets maniérés , le feuillage des arbres
fournis aux cifeaux, en tout <?c par-
tout la nature contrariée & forcée.
Nous ne la voyons dans nos jardins
que comme une vielle coquette qui
doit fon faux éclat aux frais immenfes
d'une toilette rahnée. Le premier
coup d.'œil frappe , le fécond efl plus
tranquille , au troifième l'illufion
ceffe, l'art paroît , & le preftige s'é-
vanouit. Cela efl fi vrai , qu'on s'en-
nuye bientôt des jardins artiflement
fymétrifés , leurs propriétaires pré-
fèrent la promenade des champs à
celle de leurs parcs, ils y découvrent
une agréable fimplicité, une variété
H
58 J A R
charmante , un beau défordre , des
beautés toujours nouvelles , enfin la
nature qu'ils ont exilée de leurs
poirtllions. '
Cependant 5 comme ces jardins fy-
mt'triques ont encore leurs partifans,
il eft nécellaire de tracer fommaire-
ment les préceptes généraux ce leur
compofirioiî , tels qu'ils ont été don-
nés par Lcbloni , élève de Lenotre.
Tout le monde fe croit en état de
tracer le plan d'un jardin , &: il n'eft
pas un feul architeéte qui ne fe re-
garde comme un grand homme en
ce genre \ cependant j'ofe dire qu'il
faut un génie particulier , &: que
cet art eft un des plus difEciles ,
parce qu'il ne porte fur aucune bafe
fixe. Le plan total doit dépendre du
■*>jflte, des points de vue, de la po-
fition des eaux, de la nature du fol,
du climat , relativement aux arbres ,
enfin de mille & mille circonftances.
Tracer des quarrés, des ronds, des
pattes d'oyes , des allées , des contre-
allées , des bofquets , des boulingrins ,
des portiques j indiquer la place des
jets d'eau, descafcades, des ftatues,
des vafes , des treillages , &c. , c'eft
moins que rien \ mais faire concourir
chaque objet ifolé avec l'enfemble
général , c'eft le maximum de l'art
auquel peu de perfonnes parviennent,
parce qu'il n'eft pas dans la nature.
Avant Lcnotrc ,cti art étoit inconnu;
il l'a créé dans le fiècle dernier. On
ne fe doutoit pas en France de la
diftribution & du luxe d'un jardin ;
cet homme célèbre a eu un grand
nombre de copiftes , d'imitateurs, &
pas un égal \ il afîujettit tout au
compas, à la ligne droite & à la
froide fymétrie du cordeau. Les eaux
furent emprifonnées par des murs ,
la vue boince par des malîifs, &c..
J A R
enfin on appela grand, majeftueux,
fublime, ce qui dans le fond n'étoit
que beautés fadices, difficultés vain-
cues, & monotone fymétrie.
Section première.
Obfervatïons préliminaires avant de
former un jardin.
Le local de l'habitation décide
communément de celui du parc; on
tient à ce qui exifte , on veut le lailTer
exifter, & fouvent, pour conferver
un bâtiment déjà fait, on multiplie
les dépenfes au double de ce qu'il
en auroit coûté fi on avoit tout abattu.
Avant de fongei au plan d'un jar-
din , il faut examiner fi l'emplace-
ment qu'on lui deftine eft à une
expofition faine, bien aérée; fi le
fol eft bon & fertile , fi l'eau eft
abondante & heureufement placée
pour la diftribution générale; s'il eft
poOible de fe procurer une vue
agréable, de jolis payfages, l'afpeét
d'une ville ou de plufieurs villages,
enfin fi on peuts'y rendre facilement;
fi une de ces conditions manque ,
il faut renoncer à l'enrreprife.
Les plans en" plaine "font plus
faciles à delfiner que ceux placés fur
des coteaux , mais ils font privés
d'un des plus beaux ornemens, celui
qui embellit tous les autres, de la
vue. De grandes & belles prome-
nades de plein pied , & tout le luxe
& la magnificence polfibles , ne ra-
chètent jamais cette privation. L'air
eft Toujours plus pur fur les coteaux
fitués du levant au midi, la pofition
en eft riante, & tous les objets fe
deflinent à la vue; au lieu que dans
la plaine l'œil ne s'étend pas au-
delà des allées & des paliftades, en
J A R
nu mot, on eft comme enfevelî dans
fes ph.itations \ la chaleur y eft plus
étoLiftante , &: le ferein dangereux.
On veur conftruire un parc , on
fait venir un oidonateur de jardins,
ou un arclnte<2:e. Il examine le local,
fair arpenter, lève le plan, retourne
chez lui & defTîne. Ce n'eft pas ainfi
qu'on doir fe '.âter; les petites mé-
prifes tirent dansla fuite à de grandes
conféqueuLes : je dcfiierois que l'or-
donatetir p.illa huit jours de fuite fur
les lieux dans chaque laifon de l'année,
afin qu'il eût le temps de connoître
Je local fous tous fes afpeds, d'exami-
ner , de remanier de nouveau fon
delTein général, & d'établir une con-
cordance exa(5te entre chaque partie,
je ne dis pas fymétrique^ mais une
concordance de goût , une concor-
dan.e d'enfemble. Le plan général
une fois drefTé , je le communique-
rois à des connoijfeurs , non pas à la
foule de ce qu'on nomme ama-
teurs; j'irois avec eux fur les lieux,
le plan à la main , j'en ferois Une
efpèce d'application au local, avec
le fecours d'un nombre proportionné
de jalons; j'écoutetois leurs critiques,
faifirois leurs idées , & j'en confer-
verois une note fidèle. Un fécond &
un troifième examen , fait par d'autres
connoifleurs, ferviroient de contrôle
au premier plan & aux vues des
féconds, il eft clair que fur un grand
nombre d'objets de détails, il y aura
des contradictions fans nombre , mais
il eft clair aulli que ce qui fera réel-
lement beau , naturel êc bien vu ,
fera généralement adopté. Malgré ces
examens Se ces vifites réitérées , je
laifterai encore mûrir ce plan entre
les mains du premier archireéte, &
je lui communiquerai fuccellîvement
les corrections indiquées, non fous
J A R
59
le titre de correétions , crainte d«
bleffer fon amour - propre , mais
comme des doutes , des vues , des
probabilités qu'on foumct à fon exa-
men , avec prière d'y réfléchir. Quant
aux objets qui auront été générale-
ment critiqués, ils font, à coup sûr,
mauvais, & doivent être fupprimés
6i fuppléés par d'autres de meilleur
goût. C'cft un point fur lequel le
propriétaire doit infifter.
Le plan une fois arrêté , il doit
demander un devis eftimatif des dc-
peiifes J foit pour la fouille Se le
tranfport des terres , foit pour les
bâtimens , les morceaux d'architec-
ture , l'achat des arbres , des arbiiftes ,.
leurs plantaMons,&c. &c. Je fuppofe
que la dépenfe totale foit poriée ,
par exemple , à trente mille livres ,
le propriétaire dqjt s'attendre qu'elle
fera doublée avant que tout foit
fini , & peut-être encore excédera-
t-elle le double. C'eft à lui actuelle-
ment à calculer s'il peut faire cette
dépenfe fans fe déranger , fans fe
gêner , fans nuire à fon bien-être ;
autrement c'eft un fou , & un fou à
lier, s'il a des enfans. Si ce pro-
priétaire ne veut pas être trompé
dans fon attente , il doit demander
à l'ordonnateur un devis eftimatif de
chaqiie objet en particulier , & dans
lequel feront ftipulés l'épaiiïeur &: la
hauteur des murs, les déblais «Se les
remblais des terres , les plantations,
&c. ôcc. &c. Tous ces points bien
circonftanciés, il donnera le prix fait
de l'exécution à l'ordonateur, & il
veillera de très-près à ce que toutes
les conditions du traité foient ftric-
tement remplies dans la pratique.
C'eft le feul moyen de ne pas excéder
la dépenfe qu'on s'crt propofé de
faire.
H *
éo J A R
Section II.
Des difpojitïons générales d'un jardin.
Le célèbre Lchlond , dans fon ou-
vrage intitulé Théorie & pratique des
jardins , va nous fervir de guide.
11 vaut mieux fe contenter d'une
étendue raifonnable bien cultivée ,
que d'ambitionner ces parcs d'une
fi grande étendue , dont les trois
quarts font ordinairement négligés.
La vraie grandeur d'un beau jardm ne
doit guères palfer trente à quarante
arpens. ( Vcyey^^ ce mot) Le bâtiment
doit être proportionné à l'étendue
du jardin, & i! eft aufli. peu conve-
nable de voir un magnifique bâti-
ment dans un petit jardin , qu'une
petite maifcn dans un jardin d'une
vafte étendue.
L'art de bien difpofer un jardin
a pour bafe quatre maximes fonda-
mentales. La première, de faire céder
l'att A la nature; la féconde, de- ne
point trop oflufquer un jardin \ la
troifième , de ne point trop le dé-
couvrir; & la quatrième, de le faire
paroître toujouis plus grand qu'il ne
î'efl: cfïcét'vement. Tout homme de
bon feus voit, du premier coup d'œil,
les réfultats de ces quatre maximes;
leurs commentaires deviendroient
inutiles & mèneroient trop loin.
La proportion générale des jardins,
eft dètre un tiers plus loogs que
larges , Se même de la moitié , afin
que les pièces en deviennent plus
gracieufes à la vue; une fois ou deux
plus long que large , le jardin eft
manqué.
Voici, à peu près, les autres régies
l^énérales. Il faut toujours defcendre
d'un bâtiment dans un jardin par un
J A R
perron de trois marches au moins ,
cela rend le bâtiment plus fec, plus
fain , & on découvre .de defliis ce
perron toute la vue générale, ou une
bonne partie.
Un parterre eft la première chofe
qui doit fe préfenter à la vue ; il
occupera les places les plus proches du
bâtiment , foit en face ou fur les
côtés , tant parce qu'il met le bâ-
timent à découvert , que par rapport
à fa richeffe & fa beauté, qui font
fans ceiïe fous les yeux , & qu'on
découvre de toutes les fenêtres de la
maifon. On doit accompagner l«;s
côtés d'un parterre de morceaux qui
le fartent valoir, comme c'eft une
pièce platte, il demande du relief;
tels font les bofquets, les paliffades,
placés fuivant la fituation du lieu.
L'on remarquera , avant de les
planter, Ç\ on jouit d'une belle vue
de ce côté-là , alors on doit tenir
ct% côtés tous découverts , en y pra-
tiquant des boulingrins & autres
pièces plattes, afin de profiter de la
belle vue. Il faut fur-tout éviter de
la boucher par des bofquets, à moins
que ce ne foit des quinconces, des
bofquets découverts avec des palif-
fades baffes, qui n'empêchent point
l'œil de fe promener entre les tiges
des arbres, & de découvrir la belle
vue de tous les côtés.
Si au contraire il n'y a pomt d'af-
peél riant , il convient alors de bor-
der le parterre avec des palilTades &
des bofquets , afin de cacher des ob-
jets défagréftbles.
Les bofquets [^Voye\. et mot)
font le capital des jardins; ils font
valoir toures les autres parties , &:
l'on n'en peut jamais trop planter,
pourvu que les places qu'on leur def-
tine n'occupent point celles ;des poir
J A R
tagers de des fruitiers , qu'on doit
toujours placer près des bâties cours.
On choifir, pour accompagner les
parterres, les deilîns de bois les plus
ngréabies , comme bofquets décou-
verts à comparrimens, quinconces ,
fiilles vertes, avec des boulingrins,
des treillages & des fontaines dans
le milieu. Ces petits bofquets font
d'autant plus prétieux près du bâ-
timent, que l'on trouve tout-à-coup
de l'ombre fans l'aller chercher loui ,
ainfi que la fraîcheur, fi délicieufe
en été.
Il feroit bon de planter quelques
petits bofquets d'arbres verts j ils fe-
ront plaifir dans l'hiver , & leur ver-
dure contrallera très-bien avec les
arbres dépouillés de leurs feuilles.
On décore la tète d'un parterre
avec des baffins ou pièces d'eau , &
au-delà , une palilfade en forme
circulaire , percée en patte d'oie ,
tjui conduit dans de grandes allées.
L'on remplit l'efpaoe , depuis le
balîin jufqu'à la palilfade , avec des
pièces de broderies ou de gazon ,
ornées de califes & de pots de
fleurs.
Dans les jardins en teiralfe , foit
de prohl ou en face d'un bâtiment
où l'on a une belle vue, comme on ne
peut pas boucher la tète d'un par-
terre par une deini-lune de palif-
fades , il faut alors, pour continuer
cette belle vue , pratiquer plufieurs
pièces de parterre tout de fuite ,
foit de broderies ^ de comparrimens
à. l'angloife , ou par des pièces cou-
pées , qu'on fépaiera d'efpace en ef-
pace par des allées de travcrfe, en
obfervanr que les parterres de bro-
derie foient toujours près du bàti-
menr, comme étant les plus riches.
On fera la principale allée eu face
J A R
6l
du bâtiment, <:<c une autre grande
de traveife, d'équerre à fon aligne-
ment \ bien entendu qu'elles feront
doubles & très-larges. Au bout de
ces allées on percera les murs par
des grilles qui prolongeront la vue.
On tâchera de faire fervir les galles
& les percées à plufieurs allées, en
les difpofant en parte «d'oie , en
étoile, &:c.
S'il y avoit quelqu'enôroit où le
terrein fût bas & marécageux , &
qu'on ne voulût pas faire la dépenfe
de le remplir , on y prariquera des
boulingrins, des pièces d'eau, &
même des bofquets , en relevant feu-
lement les allées pour les mettre de
niveau avec celles qui en font pro-
ches &C qui y conduifent.
Apiès avoir difpofc les maîtreffes
allées & les principaux illigncftiens ,
&c avoir placé les parterres & les
pièces qui accompagnent fes cotés
& fa tète , fuivant ce qui convient
au terrein , on pratinuera dans le
haut & le refte du jardin , plufieurs
différens deilîns , comme bois de
haure futaie , quinconces , cloîtres,
gnlerieSj falles verres, cabinet, la-
byrinthe , boulingiins , amphithéâ-
ties ornés de fontaines, can.nix ,
figuresj, &c. : routes ces pièces di!-
tinguent forr un j.vrdin du commun,
de ne conrribuent pas peu à le ren-
dre magnifique.
On doit obferver en plaçant &:
en diftribuant les différentes parties
d'un jardin, de les oppufer toujours
Tune à l'autre : par exemple , un
bois courre un parrerre ou un bou-
lingrin , & ne pas metxre tous les
parterres d'un côté, &; tous les bois
d'un autrej comme auflî un boulin-
grin contre un ba/lîn, ce qui feroit
viiide contre vuide.
ëi J A R
U faucde la variéré non-feulement
dans le dedin général , mais encore
dans chaque pièce féparée ; fi deux
bofquets , par exemple, font à côté
l'un de l'autre j quoique leur forme
extérieure & leur grandeur foient
égales , il ne faut pas pour cela ré-
péter le même delîln dans tous les
deux , mais en varier le dedans. Cette
variété doit s'étendre jufques dans
les parties fcparces; par exemple,
fi un badin eft circulaire, l'allée du
tour doit être odogone. Il en eft
de même d'un boulingrin & des
pièces de gazon qui font au mi-
lieu des bolquets.
On ne doit répéter les mêmes
piè.es des deux côtés, que dans les
lieux découverts , où l'œil , en les
comparant enfemble , peut juger de
leur" conformité , comme dans les
parterres , &:c.
En fait de deflîns ,. évitez les ma-
nières mefquines , donnez toujours
dans le grand & dans le beau , en
ne faifant point, de petits cabinets
de retour , des allées fi étroites , qu'à
peine de_ux perfonnes peuvent s'y pro-
mener de Iront : il vaut mieux n'a-
voir que deux ou trois pièces un peu
grandes , qu'une douzaine de petites ,
qui font de vrais colifichets.
Avant de planter un jardin , on
doit attentivement confidérer ce qu'il
deviendra., vingt ou trente ans après
quand les arbres feront groflis , & les
paliflades élevées. Un dcllin paroît
quelquefois beau & d'une belle pro-
portion dans le commencement que
le jardin eft planté, qui dans la fuite
devient trop petit &: ridicule.
Après toutes ces règles générales ,
il faut diftinguer les différentes for-
res de jardins ; elles fe rédutfent à
trois -y le jardin de niveau paifait ,
J A R
le jardin en pente douce , & le jaf-
din dont le niveau & le terrein font
entrecoupés par des chûtes de ter-
raflfe , de glacis, de talus, de ram-
pes, &c.
Les jardins de niveaux parfaits
font les plus beaux, foit à caufe de
la commodité de la promenade ,
foit par rapport aux longues allées
& enfilades où il n'y a point du
tout à defcendre ni à monter ; cela
les rend d'un entretien moins dif-
pendieux que les autres.
Les jardins en pente douce ne font
pas lî agréables & (i commodes : quoi-
que leur pente foit imperceptible ,
elle ne lailfe pas de fatiguer & de
lalTer exttaordinairement , puifque
Ton monte ou que l'on defcend tou-
jours. Les pentes font fort fujettes
à êtte gâtées par des ravines , & font
d'un entretien continuel.
Les jardins en tetraffes ont leur
mérite &c leur beauté particulière ,
en ce que du haut d'une terrafie ,
vous découvrez tout le bas d'un jar-
din; & les pièces des autres terraf-
fes , qui forment autant de diffé-
rens jardins, qui fe fuccèdent l'un
à l'autre j caufent un afped fort
agréab'e & des fcènes différentes.
Ces jardins le difputent en beauté
à ceux de niveau ^ fi toutefois ils
ne font pas coupés pat des terrafles
trop fréquentes j & fi on y trouve
de longs plein-pieds. Ils font fore
avantageux pour les eaux qui fe ré-
pètent de l'une à l'autre \ mais ils
font d'un grand entretien & d'une
grande dépenfe.
C'eft d'après ces différentes fitua-
tions que l'on doit inventer la dif-
pofition générale d'un jardin , &: la
diftriburion de fes parties. Tels font
les préceptes de M. le Blond. Si on
/ll/u
J A R
délire déplus grands détails, il faut
coiiiulter fou ouvrage , enrichi d'un
très-grand nombre de gravures qui
repréfencent des plans fuivanc les dit-
férentes ficuations , les modèles des
parterres en tous genres , des bois ,
des bofquets, des boulingrins, des
paliiïades ; des rampes , des glacis ,
des tapis de gazon , des portiques,
des berceaux , des treillages, des ton-
taines, des baffins, des jets d'eau,
&c. &c. Ces objets font étrangers
à cet ouvrage : cependant , pour
avoir une idée précife de ces dé-
tails , il fuffit de confidérer la pîan-
che I , qui repréfente un magnifique
jardin en ce genre , dont le fol ell:
uni & de niveau.
Je ne crois pas pouvoir mieux ter-
miner ce chapitre , qu'en rapportant
les paroles de Michel de Montaigne,
quoique de fon temps l'art des jar-
dins de plaifance fût pour ainfi dire
inconnu. «< Ce n'eft pas raifon , dit
« ce philofophe , que l'art gaigne
» le point d'honneut fur notre grande
n & puiffante mère nature. Nous
» avons tant rechargé la beauté in-
" ttinfeque de ces ouvrages par nos
» innovations, que nous l'avons du
J5 tout étouffée. Si eft ce que par-
« tout fa pureté reluit j elle fait mer-
» veilleufe honte à nos vaines & fri-
» voles entreprifes ».
Je fuis bien éloigné de blâmer
cette fomptuofité , cette magnifi-
cence dans le? jardins publics j par
exemple , aux Thuileries , modèle
unique en ce genre j dans les jar-
dins des princes & des grands fei-
gneurs : ces jardins en impofent par
kur air de grandeur & de majefié ,
fi toutefois on doit les qualifier de
ces épithètes , & fi la belle nature
ne leur eft pas préférable j mais que
J A R 63
de fimples particuliers facrifient une
étendue coniidérable de terrein à des
objets purement de luxe , & où ils
ne promeneronr jamais, c'eftle com-
ble du ridicule. Palle encore que ces
particuliers décorent les parties voi-
iines de leur habitation par des par-
rerres , des boulingrins, «Sec. «Sec. ;
c'eil dans l'ordre reçu : il faut que
tout ce qui avoifîi'.e l'habitation aie
un air de propreté & d'arrangement;
pour tout le refte , on doit tout au
plus un peu aider à la nature , &
jamais ne s'écarter du narnrel. C'eft
fur ces parcs que devroient pefer les
impôrs puis qu'ils dérobent à l'a-
griculture les terreins les plus pré-
cieux iSc devenus inutiles; mais mal-
heureufement leurs polTelîeuts font
ceux qui en paient le moins. Une
paroifle ell: écrafée parce qu'un finan-
cier s'eft mis dans la tête d'acheter tous
les champs qui l'environnenr , d'en
former un parc, &; de faire refluer les
impolitions que ces champs payoient
auparavant fur le refte de la commu-
nauté. 11 en réfulte que la mifère eft
identifiée avec les villages peu éloi-
gnés des grandes villes , parce que
la moitié, & fouvent les trois quarts
du territoire font occupés par des
gens exempts de tailles, &c. Heu-
reufes font les ptovinces où les im-
pofitions font réelles & non perfon-
nelles , alors les parcs ne font pas
les detlrudeurs & les fang-fues du
voifinage.
CHAPITRE VI.
Des Jardins Anglais.
Qu'eft-ce qu'un jardin anglois ?
C'eft une campagne , belle par fon
flte J riche par fa végétation, boif^e
64
J A R
convenablement, coupée par des ca-
naux ou pav des rivières , par des
ruilleaux, variée dans fes produits,
embellie par des malles dont on a lu
profiter ; en un mot , c'efl: la belle
ôc fimple nature pâtée de toutes fes
grâces. Si l'arc vient à fon fecours ,
il ne doit pas fe faire remarquer dans
l'enfemble , mais feulement dans
quelques détails de bon goût.
Les Chinois, les Japonois font les
premiers invenreurs de ces jardins.
Kœmpfer, dans ion Hïfloire du Ja-
pon j dit que ce peuple a toujours
dans Ion jardin , entr'autres orne-
mens, un petit rocher ou une col-
line artificielle, fur laquelle il élève
quelquefois le modèle d'un têtn-
ple 5 que fquvent on y voit un ruif-
feau qui fe précipire du haut d'un
rocher avec un agréable murmure,
&c que l'un des côtés de la colline eft
orné d'un petit bois, &.C.
On imprima à Londres, en 1757 ,
xm ouvrage intitulé de l'Art de dij-
trïbuer Us jardins juïvant l'ufage. des
Chinois , où l'auteur s'explique ainfî :
j) Les jardins que j'ai vus à la Chine
étoienc très-petits j leur ordonnance
cependant, & ce que j'ai pu recueil-
lir des diverfes converfations que
j'ai eues fur ce fujer avec un fa-
meux peintre chinois , nommé le
Pepqua , m'ont donné , fi je ne
me trompe , une connollfance de ces
peuples fur ce fujet. » ■
" La nature eft leur-modèle , Si leur
but eft de l'imiter dans routes tes ir-
régularités. D'abord ils examinent
la forme du terrein ; s'il eft uni ou
en pente ; s'il y a des collines ou
des montagnes j s'il eft étendu ou ref-
ferré, fec ou marécageux j s'il abonde
en rivières ou en fources, ou fi le
manque d'eau s'y fait fentir. Ils font
J A R
une très-grande attention à ces di-
verfes circonftances , & choifilfent
les arrangemens qui conviennent le
mieux avec la nature du terrein, qui
exigent le moins de frais , cachent
fes défauts, <Sc mettent dans le plus
grand jour tous fes avantages. »
» Comme les Chinois n'aiment pas
la promenade , on trouve rarement
chez eux les avenues ou les allées
fpacieufes des jardins de l'Europe.
Tout le terrein eft diftribué en une
variété de fcènes ; des pafTages tour-
nans & ouverts .au milieu des bof-
quets, vous font arriver aux diffé-
rens points de vue , chacun defquels
eft indiqué par un fiége, par un édi-
fice ou par un autre objet ».
«' La perfection de leurs jardins
confifte dans la beauté & dans la di-
verfité de cts fcènes. Les jardins chi-
nois, comme les peinrres de l'Eu-
rope J raflemblent les objets les plus
agréables de la nature , &: tâchent de
les combiner de manière que non-
feulement ils paroilfent avec plus d'é-
clat, mais même que par leur union
ils forment un tout agréable & frap-
panr. »
» Leurs artiftes diftinguent trois
différenres. efpèces de fcènes, aux-
quelles ils donnent lès noms de rian-
tes , d'/xrrihies &: à' enchantées. Cette
dernière dénomination répond à ce
qu'on nomme fcènc de roman , &
nos chinois fe fervent de divers arti-
fices pour y exciter la^urprife. Quel-
quefois ils font palfer fous terre une
rivière ou un torrent tapide , qui, par
fon bruit turbulent , frappe l'oreille
fans qu'on puille comprendre d'où
il vienr ; d'autres fois ils d'.fpofcnt
les rocs & les bâtimens, & les au-
tres objets qui entrent dans la com-
pofition , de manière que le venc
pafl'auc
J A R
paflanc à travers des intetftices &
des concavités qui y font ménagées
pour cet etFet , forme des Ions étran-
ges & finguliers : ils mettent dans ces
compolitions les efpèces les plus ex-
traordinaires d'arbres , de plantes &
de fleurs j ils y forment des échos
artificiels & compliqués, & y tien-
nent diftérentes efpèces d'oifeaux Se
d'animaux monftrueux. u
» Les fcènes d'horreur préfentent
des rocs fufpendus ^ des cavernes
obfcures , d'mipétueufes catara(5les
qui le précipitent de tous les côtés du
haut des montagnes; les arbres font
difFotmes , & femblent brifés par la
violence des vents & des tempêtes.
Ici on en voit de renverfés qui in-
terceptent le cours du torrent, <Sc pa-
roilfent avoir été emportés par la fu-
reur des eaux; làj il feinble que,
frappés de la foudre , ils ont été brû-
lés & fendus en pièces; quelques-
uns des édifices font en ruines , quel-
ques-autres confumés à demi par le
tcu : quelques chétives cabannes dif-
petfées çà & là, fur les montagnes ,
femblent indiquer à la fois l'exlf-
tence & la niifète des habitans. A
ces fcènes , il en fuccède commu-
nément de riantes. Les artiftes chi-
nois favent avec quelle force l'ame
eft affedée par les contraftes, & ils
ne manquent jamais de ménager des
tranfitions fubites , ôc de frappan-
tes oppofitions de formes , de cou-
leurs 6c d'ombres. Aufli , des vues
bornées, ils vous font paiTer à des
perfpeétives étendues ; des objets
d'horreur à des fcènes agréables , &
des lacs S: des rivières, aux plaines,
aux coteaux & aux bois : aux cou-
leurs fombres & triftes , ils en expo-
fent de brillantes, & des formes fim-
ples aux compliquées, diftribuant, ■
Tome FI.
J A R
^5
par un arrangement judicieux. , les
diverfes malles d'ombre & de lu-
mière , de telle forte que la compo-
fiiion paroît diftinéte dans fes par-
ties , & frappante dans fon tout. »
» Loïfque le terrein eft étendu ,
& qu'on peut y faire entrer une mul-
titude de fcènes, chacune eft ordi-
nairement appropriée à un feul point
de vue ; mais lorfque l'efpace eft
borné , &: qu'il ne permet pas aflez
de variété , on tâche de remédier à
ce défaut , en difpofant les objets
de manière qu'ils produifent des ce-
préfentations différentes , fuivant les
divers points de vue ; & fouvenc
l'artifice eft pouftc au point que ces
repréfenrations n'ont entr'elles au-
cune relTemblance. »
» Dans les grands jardins les chi-
nois fe ménagent des fcènes dilfé-
rentes pour le matin, le midi & le
foir, & ils élèvent, aux points de
vue convenables , des édifices pro-
pres aux divertiifemens de chaque
partie du jour. Les petits jardins ,
où, comme nous l'avons vu, un feul
arrangement produit plufieurs repré-
fenrations , préfentent de la même
manière aux divers points de vue , des
bâtimens qui, par leur ufage , indi-
quent le temps du jour le plus pro-
pre à jouit de la fcène dans fa per-
fection. "
» Comme le climat de Chine eft
extrêmement chaud, les habitans em-
ploient beaucoup d'eau dans leurs jar-
dins. Lorfqu'ils font petits , & que
la fituation le permet, fouvent tout
le terrein eft mis fous l'eau , &. il
ne refte qu'un petit nombre d'îles
& de rocs. On fait entrer dans les
jardins fpacieux des lacs étendus ,
des rivières & des canaux. On imite
la natute , en diverlîfiant , à fon
1
GC
J A R
exemple , les bords des rivières &
des lacs. Tantôt ces bords font ari-
des & graveleux , tantôt ils font cou-
verts de bois jiirqii'au bord de Teauj
plats dans quelques endroits , & or-
nés d'arbrifleaux & de fleurs ; dans
d'autres ils fe changent en rocs ef-
carpés , qui forment des cavernes où
une partie de l'eau fe jette avec au-
tant de bruit que de violence : quel-
quct^ois vous voyez des prairies rem-
plies de bétail , ou des champs de
riz qui s'avancent dans les lacs , &
qui laiirent entr'eux des palTages pour
des vaiffeaux : d'autres fois, ce font
des bofquets pénétrés en divers en-
droits par des rivières & des ruif-
feaux capables de porter des barques.
Les rivages font couverts d'arbres ,
dont les branches s'étendent , fe joi-
gnent, & forment en quelques en-
droits des berceaux , fous lefquels les
batteaux palTent. »
»> Vous êtes ordinairement con-
duit à quelqu'objet intérelfant , à
un fuperbe bâtiment placé au fom-
met d'une montagne coupée en ter-
ralTes , cà un calln fitué au milieu
d'un lac, à une cafcade, à une grotte
divifée en divers appartemens, à un
rocher artificiel , ou à quelqu'autre
compolition femblable. "
15 Les rivières fuivent rarement la
ligne droire ; elles ferpentent , &
font interrompues par diverfes irré-
gularités 5 tantôt elles font étroites,
bruyantes & rapides , tantôt lentes ,
larges & profondes. Des rofeaux &
d'autres plantes & fleurs aquatiques ,
entre lefquelles fe dillingue le Lien-
hoa, qu'on eftime le plus, fe voient
& dans les rivières & dans les lacs.
Les Chinois y conftruifent fouvent
des moulins 3c d'autres machines
hydrauliques , dont le mouvement
ier: à animer la fcène. Us ont aufll
J A R
un grand nombre de batteaux de
formes & de grandeurs différentes.
Leurs lacs font femés d'îles ; les
unes ftériles &: entourées de rochers
& d'écueils; les autres enrichies de
tour ce que la nature &; l'art peu-
vent fournir de pkis parfair. Us y in-
rroduifent aufli des rocs artificiels, &
ils furpatTent toutes les autres na-
tions dans ce genre de compuiition.
Ces ouvraîies forment chez eux une
perfedion diftincte : on trouve à Can-
ton , &: probablement dans la plu-
parr des autres villes de Chine, un
grand nombre d'artifans uniquement
occupée à ce métier. La pierre dont
ils le ferveur pour cet ufage , vient
des côtes méridionales de l'empire j
elle eft bleuâtre , & ufée par l'aétion
des ondes , en formes irrégulières.
On pouffe la délicatelFe fort loin dans
le choix de cette pierre. J'ai donné
plufieurs taë's pour un morceau de
la grofleur du poing, lorfque la figure
en étoit belle (?c la couleur vive. Ces
morceaux choilis s'emploient pour
les payfages des appartemens. Les
plus groflîers fervent aux jardins j &
étant joints parle moyen d'un ciment
bleuâtre , ils forment des rocs d'une
grandeur confidérable : j'en ai vu qui
étoient extrêmement beaux, & qui
montroienr dans l'artifle une élé-
gance de goût peu commune. Lorf-
que ces rocs font grands, on y creule
des cavernes (S: des grottes avec des
ouvertures, au travers defquelles on
apperçoit des lointains. On y voit
en divers endroits des arbres, des
arbriiTeaux , des ronces lîs; des mouf-
fes , & fur le fommet on place' de
petits temples & d'autres bâtimens,
oii l'on monte par le moyen de de-
erés raboteux , irréauliers & taillés
' dans le roc. "
>5 Lorfqu'il fe trouve aflez d'eau &
J A R
que le ceireln eft convenable, les chi-
nois ne nunqiieii: point de tonner
des cafcades-"cians leurs jaidins. Us
V évitenc toute forte de régularités ,
imitant les opérations de la nature
dans ces pays montagneux. Les eaux
jailUllent des cavernes , des finuofités ,
des rochers. Ici paroît une grande Se
impétueufe cataracte \ là c'ell: une
multitude de petites chûtes. Quel-
quefois la vue de la cafcade eft in-
terceptée par des arbres dont les
Veuilles & les branches ne permet-
tent que par intervalle de voir les
eaux qui tombent le long des côtés
de la montagne ; d'autres fois au-
delTus de la partie la plus rapide
de la cafcade , font jetés, d'un roc
à l'autre , des ponts de bois grof-
llèrement faits , Se fouvent le cou-
rant des eaux eft interrompu par des
arbres & des monceaux de pierre ,
que la violence du torrent femble
y avoir tranlportés. »
» Dans les bolquets , les chinois
varient toujours les {ormes Se les
couleurs des arbres , joignant ceux
dont les branches font grandes &
touffues, avec ceux qui s'élèvent en
pyramide, & les verds foncés avec
les verds gais. Us y entremêlent des
arbres qui portent des fleurs, parmi
lefquels il y en a piufieurs qui fleurif-
fent pendant la plus grande partie
de l'année. Entte leurs arbres favoris
eft une efpèce de faule (i) : on le
trouve toujours parmi ceux qui bor-
dent les rivières & les lacs , Se ils
font plantés de manière que leurs
branches pendent fur l'eau. Les chi-
nois introduifent aufli des troncs
J A R
^7
d'arbres , tantôt debout , tantôt cou-
chés fur la terre , & ils pouffent fort
loin la délicateffe fur leurs formes ,
fur la couleur de leur écorce , &
même fur leur mouffe. .>
» Rien de plus varié que les moyens
employés pour exciter la furprife :
ils vous conduifent quelquefois au
travers de cavernes & d'allées fom-
bres , au fortir defquelles vous vous
trouvez fubitement frappé de la vue
d'un payfage délicieux , enrichi de
ce que la nature peut fournir de plus
beau : d'autres fois on vous mène
par des avenues 8e par des allées qui
diminuent Se qui deviennent rabo-
teufes peu à peu j le paffage eft enfin
tout à fait interrompu. Des huilions,
des ronces , des pierres le rendent
impraticable, lorfque tout-d'un-coup
s'ouvre à vos yeux une perfpeclive
riante «Se étendue , qui vous plaît
d'autant .plus que vous vous y étiez
moins attendu.
» Un autre artifice de ces peuples,
c'eft de cacher une partie de la com-
polîtion par le moyen d'arbres &
d'autres objets intermédiaires. Ceci
excite la curiofîté du fpeélateur ; il
veut voir de près, & fe trouve, en
approchant, agréablement furpris par
quelque fcêne inattendue , ou par
quelque repréfentation totalement op-
pofée à ce qu'il cherchoit. La termi-
naifon des lacs eft toujours cachée,
pour laiffer à l'imagination de quoi
s'exercer : la même règle s'obferve,
autant qu'il eft poffible, dans toutes
les autres compofitions chinoifes. »
n Quoique ces peuples ne foienr
pas fort habiles en optique , l'expé-
( I ) Note de l'Éditeur. Je crois cjue le faule dont il eft ici qiieftion eft celui que nous
Aç^^dons fuulc pleureur on faule de Babylone. Salix Babiio^ica. Liir. ( Fbycj le
mot Saule.)
I X
es
J A R
rience leur a cependant appris que
la grandeur apparente des objets di-
minue , & que leurs couleurs s'af-
foibliflentà mefure qu'ils s'éloignent
de l'œil du fpeftateur. Ces cbferva-
tions ont donné lieu à un artifice
qu'ils mettent en pratique. Us font
des vues en perfpedtive , en intro-
duifant des bâcimens, des vaifîeaux
& d'autres objets diminués à pro-
portion de la diftance du point de
vue : pour rendre l'illufion plus frap-
pante 5 ils donnent des routes grifà-
tres aux parties éloignées de la com-
pofition, & ils plantent dans le loin-
tain des arbres d'une couleur moins
vive, & d'une hauteur plus petite que
ceux qui paroilTent fur le devant : de
cette manière, ce qui en foi - même
efl: borné & peu confiàérable , de-
vient en apparence grand &érendu. >>
» Ordinairement les Chinois évi-
tent les lignes droites, mais ils ne
les rejettent pas toujours, lis prati-
quent quelquefois des avenues , lorf-
qu'ils ont quelqu'ohjet intérelfant à
mettre en vue. Les chemins font
conftamment taillés en ligne droite,
à moins que l'inégalité du terrein
ou quelqu'obftacle ne fournllfe au
moins un prétexte pour agir autre-
ment. Lorfque le terrein eft entière-
ment uni , il leur paroît abfurde
de faire une route qui ferpente :
car, difent-ils, c'eft ou l'art ou le
paffage conftant des voyageurs qui
l'a faite , & , dans l'un ou l'autre
cas, il ntft pas naturel de fuppofer
que les hommes vouluffent choifîr
la ligne courbe, quand ils peuvent
aller par la droite. »
3> Ce que les Anglols nomment
■ dump j c'eft-à-dire peloton d'arbres,
n'eft point inconnu aux Chinois ,
mais ils le mettent rarement eu
J A R
œuvre; jamais ils n'en occupent tout
le terrein. Leurs jardiniers confidé-
rent un jardin comme nos peintres
confidérent un tableau , & les pre-
miers grouppent leurs arbres de la
même manière que les derniers
grouppent leurs figures , les uns &
les autres ayant leurs mafles prin-
cipales & fecondaires. n
Tel eft le précis , continue l'auteur,
de ce que m'ont apptis , pendant
mon fèjour en Chine, en partie mes
propres obfervations , mais princi-
palement les leçons de Lepquj. , &
l'on peut conclure de ce qui vient
d'être dit, que l'art de diftribuer les
jardins dans le goût chinois, eft ex-
trêmement difficile, & tout -à -fait
impraticable aux gens qui n'ont que
des talens bornés. Quo:que les pré-
cepres en foienr fimples. Se qu'ils fe
prcfentent naturellement à l'efprit,
leur exécution demande du génie .
du jugement & de l'expérience, une
imagination forte , & une connoif-
fance parfaite de l'efprit humain ,
cette méthode n'étant alFujettie à au-
cune règle fixe , mais fufceptible
d''autant de variations qu'il y a d'ar-
rangemens diftérens dans les ouvrages
de la création.
On ne fauroit fixer l'époque ni
l'origine de ces jardins , elle paroît
fort ancienne en C?hine, &: les pre-
miers papiers peints, apportés de ces
contrées, ont fans "doute fait ima-
giner de les imiter en Europe. On
lit, dans le recueil des lettres édi-
fiantes des miftionnaires de Chine,
&: fur-tout dans celles du F. A t tiret ,
jéfuite & peintre de l'Empereur, des
détails fort intérelfans; mais ce qu'on
vient de dire fuffit pour donner une
idée alfez exacle de la compofitiou
de ces jardins.
J A R
Pendant que Lenotre foumettoît
tout au cordeau, à l'éqiierre în: à la fy-
métnque coiTefpondance , le célèbre
Dufrefny s'écoit déjà ouvert une route
nouvelle , & d'une main hardie, mais ,
ami du beau naturel j il traçoit les
jardins de Mignaux , prèsPoilîy ,ceux
de l'abbé Pajot ^ près de Vincennes,
& préfentoit à Louis XIV deux plans
de jardins pour Verfailles. Les idées
neuves de Dufrcfny furent envifa-
gées comme ridicules par les uns ,
& leur exécution comme trop dif-
pendieufe par les autres. Leur lîngu-
larité empêcha qu'on fentît le mérite
de ce j^ente nouveau \ le plan de Le-
notre fut préféré à ceux de Dufrefny ,
& bientôt , à force de dépenfes ,
furent tracés les froids , monotones
ik. magnihques jardins qui exiftent
aujourd'hui. On y cherche en vain la
belle (S: fimple nature, à fa place on
voit l'art régner d'un bout à l'autre ,
ëc la figure des arbres attefte l'efcla-
vage fous lequel ils gémiirenr.
Il eft conftant qu'au commence-
ment de ce fiècle, les jardins en An-
gleterre ne diftéroient en rien de
ceux de l'Europe; ou plutôt l'art des
jardins, mêmes iymétriques , y étoit
inconnu avant Lenotre. Environ l'an
1710, parut Kent , homme de génie,
artille plein de goût; il préfenta à
l'AngloiSjCe peuple ami de la nature,
la nature elle-même dans la com-
pofition des jardins , &: {on entre-
prife des jardins à'Esher^ maifon de
campagne du miniftre Pelham ^ pro-
duifit une revo!utic<n totale.
Le goût des jarduis appelles an-
gloh j & qu'on dtvroit plutôt nom-
mer chinois , s'étend aujourd huidans
toutes les parties du continent; mais
on a la fureur , (ur un cfpace très-
circonfcritj d'entalTer objets fur ob-
J A R
Ce,
jets; tout y tft mefquin ^ rétréci,
petit , parce que les compofiteurs de
ces jardins n'ont pas encore des yeux
exercés à contempler la nature, ni
alfez de génie poiu" l'imiter dans fa
implicite & dans fes champêtres dé-
corations.
11 a paru, depuis quelques années,
plufieurs ouvrages lur la compofiîioa
de ces jardins. En 177 i , l'art défor-
mer les jardins modernes , ou l'art des
jardins anglais J, à Paris, chez Jombert,
I vol. in- 8°. En 1774, M. Watelet
publia /(i;? ejfai fur les jardins ^ im-
primé à Paris chez Saillanr. En \j-j6 ,
Théorie des jardins ■, chez Piflbt. En
\j-j-j , de la compofltion des payfaaes ,
ou des moyens d'embiUir la nature,
autour des habitations , en joignant
l' agréable a l'uti'.e , par M. Gerardin ,
à Paris , chez Delaguette. En 1779,
fur la jormation des jardins ^ par
l'auteur des confidéraiions fur le jar-
dinage, Paris, chez Pilfot. Enfin le
Poème des jardins de l'abbé de Lille.
Ces ouvrages font-ils vraiement !<»*■-
celfaires? Je ne le crois pas. Dufrefny
& Kent ne connurent que leur génie,
& fe frayèrent une route qu'on foup-
çonnoit peut-être, mais inconnue
avant eux. Mon but n'cft certaine-
ment pas de déprifer les ouvrages que
je viens de citer , & j'en ai parlé
exprès, afin que ceux qui défireronc
travailler en grand, les lifent , les
méditent, & fur-tout évitent, en
appliquant les préceptes à la nature,
quelques défauts qu'on a reprochés
aux pi emiers inventeurs. Preft]ue rous
les jardins, nouvellement plantés dans
les environs de Paris, ne doive.nt pas
être pris pour des modèles en ce
genre ; ces jolis colifichets font plutôt
la' caricatute d'im grand jardin. Je
dirai aux amateurs : allez àErmenon-
70 J A R
ville, voilà le jardin , le parc, rendu
à la nature par les foins de M. Ge-
rardin, fon propriétaire & fon coni-
pofiteur; là, une ccude de quelques
jours vous inftruira plus que les livres ,
parce que tout y eft faïUant & dé-
montre par l'exemple. La fcience ,
les beaux, profonds & métaphyfiques
raifonnemens fur les fîtes, les eaux^
les rochers, les bois, «Sec. font plus
qu'inutiles, fi le goût manque, li
l'homme qui étudie n'a pas en lui
une propeniion décidée pour le beau
naturel, qu'on appelle D'Otto j enfin s'il
ne fait pas voir la nature.
Je n'entreprendrai pas de tracer
ici les préceptes répandus dans les
ouvrages déjà cités, la forme de ce
cours d'agriculture, fes bornes & fon
but ne le permettent pas , mais la
defcription des jardins deStowe, &c
la gravure qui l'accompagne , fuf-
firont pour donner une idée de ce qui
mérite le nom de jardin nature/. Il
en exifte aujourd'hui de plus parfaits
en Angletetre, mais je n'en ai pas
la repréfentation ni celle du parc
d'Ermenonville en France.
Stowe ell à foixante milles de
Londres , & à un mille & demi de
la ville de Buckingham, il appartient
à Richard Grenville , lord Temple
& baron de Cobham; le terrein com-
pris dans l'enceinte des jardins eft
d'environ quatre cents arpens.
Le château i ( f'oye:[ PUnche ^ )
eft fitué fur le fommet applati d'une
colline plus élevée que toutes celles
des environs \ La perfpeclive qui
s'offre de la grande porte d'entrée i,
& fous la colonnade qui orne le centre
de la façade méridionale , eft une
des plus belles de ftowe. Vous plon-
gez de tous côtés fur les jardins , &
vous découvrez l'immenfe prairie j.
J A R
è: la belle porte qui eft au-delà du
parc , vers Buckingham , avec un
Icinrain qui eft une partie du Buc-
kinghamfhire. De-là vous defcendez
lur la terralfe 4, dont la longueur
é^ale celle de la façade du château;
elle eft couvette de gtavier très-fin,
& domine une vafte pièce de gazon
5 , qui , en fe rétrécilfant , forme
une larîje avenue 6 bien alignée
6 bien unie jufqu'à une grande pièce
d'eau 7, très irrégulière, où deux
rivières viennent fe réunir en fer-
pentant. Cette pièce écoit autrefois
un grand ballin exagone, au milieu
duquel s'élevoit un obélifque qui a
été tranfporté dans le parc. Cette
avenue & la pièce de gafon foiment
un des plus beaux tapis vetd animé
par toutes fortes de troupeaux ; il
préfente une pente douce depuis la
terralfe jufqu'à la pièce d'eau j aux
deux bouts de la terraffe font deux
jardins potagers is , 9 , entièrement
environnés de bois.
En tournant à droite, vous trou-
vez l'orangerie 10, qui fait partie
de l'aile gauche, & a plus de vingt
pieds de longueur. Outre les oran-
gers, il y a des ferres pour les plantes
étrangères ; le devant de l'orangerie
eft orné d'un joli parterre 1 1 .
De ce même côté, à l'extrémité
du foffé d'enceinte , eft le fallon de
I^elfon II, portique quarré, dont le
plafond & les murs font ornés de
peintures à frefque j médiocres &
gâtées, avec des infcriptions latines,
une fur l'arc de Conftantin à fa
louange , & à gauche , une fur la
nomination de M.irc-Auréleà l'em-
pire du monde. Deux colonnes &
deux pilaftres ornent la façade de ce
fallon. De chaque côté, & à peu de
diftance, font deux grands vafes de
r
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J A R
plomb doré. Ce repofoir , oiiviage
de Vanbrugh , eft environné d'arbres
verds , & d'arbres qui quittent leurs
feuilles. Ceux qui bordent les allées
font plus conlidérables.
A l'extrémité de ce bofquet efi:
le temple de Bacchus 1 5 , qui confiée
en un immenfe tapis verd, terminé
par un grand lac , au-delà duquel eft
le temple de Vénus & un lointain.
Le temple de Bacchus eft d'ordre
dorique j on y monte par trois mar-
ches ornées de fphinx. Les peintures,
qui font de NoUikins, repréfentenc
le réveil de Bacchus &: des Bacchantes.
Aux deux côtés du temple font deux
ftatues , l'une de la poclie lyrique ,
& l'autre de la poéfie fatyrique.
Eu quittant ce temple &; fon beau
point de vue, fi vous vous enfoncez
dans le bois, à droite, vous arrivez
dans une cabane des plus ruftiques ,
appelée Vhermicage de S. Auguftin 1 4 ;
elle eft faite de racines & de troncs
d'arbres en leur état naturel, entre-
lacés avec beaucoup d'art , & fur-
montée de deux croix. L'intérieur re-
préfente parfaitement une cellule àcs
pères de la Thébaïdej ce font des
planches couvertes de foin & de far-
ment , des racines faillantes fans
ordre &c chargées de moufte , des
bancs aux encoignures , & des fe-
nêtres à trappe fur lefquelles on lie
desinfcriptions , peu décentes envers
Léoniens , dans le goût des fiècles
barbares : cet hermitage eft dans un
lieu fott obfcur, Hc tout- à-fait caché
par des bois.
En fuivant le fentier, on arrive à
une ftatue qui repréfente une Dryade
danfante 1 5. Là étoit autrefois l'obé-
lifque de Coucher^ mais ce nom,
ainfi que ceux de quelques autres
amis de feu lord Cobham , ont dif-
J A R 71
paru des Jardins. Si vous continuez
la longue terrafte , appellée la prome-
nade de Neifon , & qui eft bordée à
gauche par un joli bofquec peu pro-
fond , elle vous conduit à deux pa-
villons \6 , qui terminent cet an-^Ie
des jardins, ils font d'ordre dorique
& à voûte unie; le dôme extérieur
eft orné de quatre buftes, (Se furmontc
d'une petite roioiule ouverte à huit
colonnes; l'un de ces deux pavillons
eft hors du parc, & fert de ferme.
Au milieu de l'intervalle eft une
belle grille de fer 1 7 , du dcilein de
Kenr , laquelle donne palfage dans
les immenies peloufes & les bois qui
compofent le parc. A peu de diftance
des pavillons, hors des jardins & fur
la même rivière qui vient de les ar-
rofer, on voit un tort beau pont.
Dans le coin de la terrafte & au
travers des arbres, on entrevoit une
piramide iS fort noire. Les gens qui
aiment ce qui leur retrace l'antiquirc,
verront toujours ce bâtiment avec
plaihr; il eft d'une élégante fimpli-
cité, & conftruit précifémenc comme
les pyramides d'Egypte. On y peut
monter extérieuremenr jufqu'au foni-
met par les quatre faces , fur des
marches de trois pouces de largeur
& de quatorze pouces de hauteur ;
il y a deux portes fort baltes iSc d'un
dorique très- niaiTif ; l'intérieur eft
une voûte à fix coupes j la hauteur
de cette pyramide eft de foixanre
pieds : cette pyramide eft confacrce
à Vanbrugh , conftruéleur de ces jar-
dins. Dans l'intérieur de la pyramide
& fur im des côtés des murs, on lie
des vers d'Horace, qui commencent
par ces mots : lujlfti Jatis , &c. , i.<.
fur l'autre : lïnquenda tcllus ^ &cc.
De la pyramide on découvre un
beau tableau , la grande peloufe où
72 , J A R
domine la rotonde, une partie du
lac , Se de fiiperbes allées d'arbres
toujours verts à droite & à gauche.
Entrez dans le labyrinthe, qui cfl;
à droite, & fuivez-en les détours,
vous y trouverez de jolies falles ôc
des lits de verdure fort agréables. Au
milieu de l'allés qui eft vis-à-vis de
l'angle des pavillons , eft une ftatue
de iMercure volanc. Cette allée vous
conduit à une éminence ornée de
cyprès, & fur laquelle eft le monu-
ment de la reine Caroline 19 , dont
la ftatue eft élevée fur quatre colon-
nes ioniques. Comme ce monument
eft prefque environné de bois , le
principal objet qui irappe de ce point
de vuCj eft la rotonde à l'autre bout
de la prairie.
En continuant votre route après
avoir traverfé quelques groupes d'ar-
bres, vous arrivez à l'extrémité d'un
grand lac 10 , dont l'afpctt eft déli-
cieux. Ses bords font des promenades
de gazon, ombragées des plus beaux
arbres : d'un côté eft le vafte tapis
verd , dont l'inégale furface eft cou-
verte de troupeaux de toute efpèce ;
de l'autre , un bois touffu , où l'on
diftin^ue confufément des grottes ,
des fentiers , des ftatues. L'extrémité
oppofée du lac vous frappe agréa-
blement par une fupeibe caj'cade 1 1 ,
dont les eaux fe précipitent à travers
des rochers , «S: des ruines artificielles
bien imitées. Le pied des ro:hers fe
divife en plufieurs grottes remplies
de dieux marins. C'eft à mon gré de
toutes les fcènes de Scowe la plus
piquante & la plus animée. Les ci-
guës nombreux dont le lac eft cou-
vert , les polllons qui jouent à la
furface , l'éclat des eaux & de celles
de la cafcade , quand elles font frap-
pées des rayons du foleilj ces bois
J A R
dont les teintes font fi variées ; cette
prairie couverte de, troupeaux , ces
temples qui s'offrent de toutes parts j
ces petites îles ornées de grouppes
d'aibres \ les images des arbres &c
des rochers réfléchies dans l'eau ,
tous ces objets forment une perf-
pective qui tient du romanefque.
En vous promenant le long du lac,
vous vous trouvez infenlîblement le
long de la terralfe du couchant, dont
l'angle forme une efpèce de baftion
rempli par un petit bocage d'arbres
verts, & par le remple de Fenus 22.
Ce bâtiment eft compofé de trois
pavillons , unis par fix arcades , &
il repréfente un demi-cercle. La porte
du pavillon du milieu eft ornée de
deux colonnes ioniques , & fupporte
une demi-coupole fculptée en petits
lozanges. Le refte de la façade eft
rempli par quatre niches ornées par
quatre buftes : l'intérieur eft orné de
peintures dont le fujet eft pris de la
Reine Fée de Spenfer. C'eft la belle
Hellinore qui , dégoûtée de fon vieux
mari Malbecco , s'eft enhiie dans
les bois , où elle vit avec les faty-
res. Malbecco, après l'avoir long-
temps cherchée , la trouve enfin, &
veut lui perfuader de le fuivre; mais
elle le repoufte avec mépris-, & le
menace de le livrer aux fatyres , s'il
ne fe retiie promptement. Le vieil-
lard obéit, mais avec les marqr.es du
défefpoir. Le plafond eft orné d'une
Venus : fur la frife on lit ces vers
de Catulle :
NuKc amet qui nundum amdvic ,
Quique amavit nunc amet.
Ce temple eft appelle le bâtiment
de Kent , parce que cet architecte
a été le vtai créateur de Stowe, iSc
en a donné les deftiixs.
Du
J A R
Du temple de Vénus , revenez
fur vos pas jufqu'à l'allée qui croife
la terralfe, &c rraverfez le vafte tapis
verd , pour voir enhn de plus près ce
que c'eft que cette rotonde zj , qui
vous a toujours frappe de tous les
points de vue, ôc où l'on monte infen-
fiblement de tous côtés. Elle eft formée
de dix colonnes ioniques , qui fouticn-
nent un dôme couvert de plomb , fous
lequel eft une Vénus de Médicls , de
bronze , fur un piédeftal noir. Le
contrafte de cette couleur & du
bronze de la ftatue avec le blanc
des colonnes , produit de loin un
bel effet. Cette rotonde eft de Van-
bruch , perfeélionnée par Bora : fa
fituation eft admirable ; on ne fau-
roit imaginer une fccne plus riche
ni plus majeftueufe que celle où do-
mine cet élégant édifice.
Allez vers le nord , & percez dans
les feuillages , vous découvrirez la
caverne de Didon 14, petit repofoir
fort fimple, où l'on a peint Enée &
Didon avec ces vers de Virgile '.Spe-
luncam Dido ^ &c. De -là, p.ir un
fentier fort court & fort fombre ,
vous venez au pied d'un monticule ,
fur lequel eft érigée une colonne 25
J A R 73
corinthienne, qui fupporte la ftatue
du Roi Georges II .• elle eft envi-
ronnée de fapins. On voit d'ici le
lac , la maifon , la colonne Cobham ,
le temple des, grands hommes (i),
la grande porte du côté de Bucking-
ham , le temple de Vénus , & la-
rotonde. vVi-S'
En defcendant à "auche , vous vous
trouvez au bout d'une vafte avenue
de gazon, bordée de plantations ir-
régulières. Cette extrémité , qui n'eft
éloignée que de quelques pas de la
grande avenue , forme une cfpèce
de terraffe ornée de deux urnes : on
l'appelle le théâtre de la Reine 16.
Le fond de cette avenue étoit au-
trefois rempli par une belle pièce
d'eau.
Continuez votre route à gauche ,
& traverfez ce charmant bofquet,
dont les allées bordées de fleurs &
d'arbtilfeaux de toute efpèce, vien-
nent en ferpentant aboutir à un cen-
tre 27 commun. Là étoit autrefois
un joli bâtiment ionique j appelle
Sallon du repos.
Après avoir traverfé une autre
belle falle régulière, un fentier vous
conduit à une petite allée d'arbres
(i) t^ote de l'Editeur. M. de Gcrardin .i quelque chofe d'approchant dans Ton parc
d'Ermenonville, &: par un feul mot, pour dcvifc , il caradc'iife les perfonnages :
Newton, Montesquieu,
Lucem. Jufliciam.
Descartes, Rousseau,
Nilinjeh/isinane, Naturam,
Voltaire, Joseph Priestley,
Ridicalum. Aerem.
W. PiNN, B E N I. F R A N K L I N,
Humanitatem. Fulmcn.
Et au bas de la colonne CKlTce i
'* ■ . ' • Quis hoc perficiet.
Tome ru %
74 J A R
yerts t8, fous laquelle, par le moyen
de plufieurs canaux , la pièce d'eau
fe précipite dans le lac , & forme
cerce cafcade z i li pirtorefque dont
on a déjà parlé.
De-là vous defcendez fur le bord
du lac , qui eft tapilfé d'un beau ga-
zon , & s'élève doucement. Tout fe
réunit ici pour rappelier à votre ima-
gination les idées poétiques j les ar-
bres , les plantes & le gazon dont
vous êtes environné \ le lac, le vafte
tapis verd qui eft au-delà , dont vous
mefurez l'étendue j l'afpeél des ruines
couvertes de lière & d'arbres verts \
les tritons & les naïades qui s'of-
frent fous diverfes attitudes dans
leurs grottes humides ; le chant de
iBille oifeaux&: lebêlement des trou-
peaux , mêlés au bruit des feuilles
agitées & à celui de l'eau de la caf-
cade j produifent le plus beau <5c le
plus agtéable enfemble. Tout près
eft une grotte ruftique de l'inven-
tion de Kent zp , appellée VHcrml-
tage ou la Grotte du Berger : elle
eft couverte de lierre, & au-devant
d'un boccage qui s'élève jufqu'à la
terralTe ou l'allée du midi j le dedans
eft voûté. On y trouve une infcrip-
tion angioife prefque effacée , à la
mémoire d'un lévrier d'Italie , ap-
pelle le Signor Fido.
Si vous remonrez en traverfant le
boccage jufqu'à l'allée méridionale,
nommée la Terrtijfe de Pegs , vous
trouvez deux pavillons 50 en forme
de pcriftiles , placés aux deux côtés
de l'entrée la plus ordinaire des jar-
dins. La porte de fer ne s'élève qu'au
niveau de la terralfe, ainfi que toutes
les autres portes d'entrée , pour ne
pas marquer les bornes des jardins,
& afin que rien n'empêche qu'elles
ne s'uniftent en apparence ^vec le
J A R
refte de la campagne. On monte fous
chaque pavillon par fix marches ; le
plafond ftulpté en hexagone , avec
une rofe au centre , eft fupporté par
fîx colonnes doriques. La perfpec-
tive eft ici de la plus grande beauté.
Les maflîfs bordés d'arbres verts qui
régnent le long de la terralfe , s'ou-
vrent pour laifter voir la pièce d'eau
& ce beau tapis de verdure & de bois
qui s'élève continuellement jufqu'i
la maifon , & il devient aftez large
pour que la façade foit pleinement
découverte. A droite & à gauche on
apperçoic au travers des arbres &
des percés , d'autres objets, tels que
le lac, les rivières, &c.
Continuez votre promenade à
droite, le long de la terralfe,. vous
arriverez à une efpece de demi lune
décorée par le Temple de l'Amitié 3 1 .
C'eft un bâtiment d'ordre dorique ,
& diftingué par la jufteiTe de fes
proportions. La façade préfente un
portique à quatre colonnes & deux
niches , & les côtés font compofés
chacun de trois arcades qui forment
deux autres portiques. Le delTus de
la porte eft orné de l'emblème de
l'amitié, & fur la frife eft cette inf-
cripcion: Amiciti^ facrum. L'intérieur
du temple offre ime fuite de dix
buftes de marbre blanc, fur des pieds-
deftaux de marbre noir , rous bien
exécutés ; chaque bufte eft le por-
trait d'un ami du lord Temple. Le
plafond préfente la Grande-Bretagne
afîife , & à fes côtés les emblèmes
des règnes qu'elle regarde comme
les plus glorieux ou les plus hon-
teux de iti annales. Tels font d'une
part ceux d'Elifabeth & d'Edouard
III , & de Taurre, celui de Jacques
fécond , qu'elle femble vouloir cou-
vrir de fon manteau , & rejecei avec
J A R
dédain. De ce temple, la vue fe porte
immédiatement fut un charmant val-
lon traverfé par une rivière , dont le
côté le plus éloigné eft un vafte capis
verd j2 triangulaire, en plan incliné,
coupé très-irrégulièremenr , parfemé
de quelques arbres, couvert de trou-
peaux , & terminé au fommet pat
le Temple des Dames. Les princi-
paux objets de ce point de vue font
d'ailleufs le temple gothique, le pont
de Palladio , la colonne Cobham ,
& le château antique qui eft dans
le parc. L'angle des jardins, qui eft
peu éloigné du temple de l'Amitié,
eft marqué par une belle gril/e de
fer j 5 , élevée de route fa hauteur au-
deffiis de la terralFe : cette porte eft
le paflage pour aller à l'ancien châ-
teau.
Defcendez dans le vallon, le long
de la rerraffe du levant , qui eft la
plus irréguUère , & vous trouverez
bientôt un très-beau pont , appelle
le Pont de Pembroch 54, ou le pont
de Palladio , parce qu'il eft conftruit
félon la manière de ce dernier. Ses
deux extrémités offrent deux élégan-
tes baluftrades qui fe continuent dans
les entre-colonnes : le plafond foutenu
par des colonnes ioniques , eft divifé
en quatre ceintresfculptés en grands
hexagones : les quatre coins intérieurs
font ornés de vafes de plomb dorés.
On voit de deftus ce pont la prin-
cipale rivière ferpenter dans les jar-
dins & dans le parc , & fes bords
couverts de troupeaux qui viennent
s'y défakérer. Les autres points de
vue font une ferme, le château go-
tique , le temple de Vénus , l'arc
d'Amélie , & le temple de l'Amitié.
Après avoir traverfé le pont, con-
tinuez la même allée 3 5 le long
du tapis verd , don( l'élcvaciou eft
J A a
'5
très - fenfible , jufqu'à ce que vous
arriviez à un temple ^6 rougeâcre,
qui fe voit de très- loin , parce qu'ii
eft fitué fur une éminence : il eft
bâti d'un grès fort tendre & fort
rouge , & fa forme imite parfaite-
ment'celle des anciens temples du trei-
zième & du quatorzième fiècle. Ou
l'appelle le Temple Gothique. Tout
eft dans le goût antique , les portes ,
les vîcreaux, les tours , lesornemens.
On monte par un efcalier fort ufé à
une galerie qui forme un fécond
érage, & de-là jufqu'au haut d'une
grolfe tour , d'où l'on découvre tout
le pays d'alentour à la diftance de
plufieurs milles. Ce temple a foixante-
dix pieds de haut. Le dôme eft orné
des armes de la famille des Gren-
ville. Qn lifoit autrefois fur la porte
d'entrée , ce vers de Corneille :
Je rends grâces aux Dieux de n'être pas
Romain.
L'extérieur a trois faces femblables,
& chaque angle a une tour penta-
gone , dont celle qui eft tournée au
levant eft la plus élevée , & furmon-
tée de cinq petites flèches avec des
croix : les autres ont de petits don-
jons à cinq fenêtres ; chaque façade
a fept pottes & autant de fenêtres
vitrées. Au levant & à quelques toi-
fes du temple , on a placé en demi-
cercle fur le gazon les fept divini-
tés /axones , qui ont donné leurs
noms aux jours de la femaine chez
les Anglois. Ces ftatues font en pierre
& du cifeau de Risbrack , célèbre
fculpteur. Le lord Cobham les avoit
placées dms le boccage 1 5 autour
d'un autel ruftique : c'éroit obferver
le coftume , & ne pas mêler le facré
avec le profane. Derrière ces ftatues,
il y a luie porte d'encrée qui s'ouvre
7<f J«A R
dans le parc fur de vaftes prairies.
De tous les côcés du temple gothi-
que , on a de beaux points de vue :
le vallon qui paroît ici très-profond,
couvert de troupeaux & d'arbres ;
la maifon qui s'élève au-delîus des
aibres , le temple de Myladi , la co-
lonne Cobham au bout d'une longue
allée y la rivière &c le pont , d'im-
menfes prairies & des lointains.
Suivez toujours la terraife , ou fi
vous l'aimez mieux , la route irré-
gulière j7, qui lui eft à-peu- près pa-
rallèle, & quitraverfe de vaftes maf-
fifs diverlement grouppés , dont l'en-
femble préfen'te une forme triangu-
laire. Vous trouvez à l'extrémité de
cette route une fuperbe colonne 5 8
canelce & otl:ogone , dont le fom-
met ell; furmonré d'une rotonde ou-
verte fur huit petites colonnes quar-
rées. Sur cette rotonde eft placée la
ftatue du lord Cohham , habillé à la
romaine & en attitude de Jules-
Céfar. On monte jufqu'au fommet
par cent quarante-fept marches fort
rudes , autour de laquelle on lit ces
mots en gros caractères : Ut L. Lu-
cuUï fummï viri quis ? at quam muld
yïllarum magnïficentïam imïtati funtl
Cette colonne eftapperçue de pref-
que tous les coins du jardin , dont
elle ell un des objets les plus remar-
quables. Indépendamment des payfa-
ges & des champs du côté du parc ,
elle domine dans les jardins, fur une
belle peloufe qui fe termine de cha-
que côté par des bois, & vient fe
perdre dans un profond vallon , au-
delà duquel eft le luperbe temple de
la Concorde \ à gauche on voit le
temple gothique , la grande arcade
vers Buckingham , & au - delà un
agréable payfage.
Achevez de parcourir la terraife
J A R
Jufqu'à cette grande demi-lune j 9 qui
la termine , & n'eft ornée que de quel-
ques grouppés d'aibres plantés fans
ordre : j'excepte toujours ceux qui
régnent le lonij du mur & du folfé
d'enceinre dans tout le circuit des
jardins. M. Whalely a déjà obfeivé
que c'étoit là prefque les feules traces
de fymétrie qui eulTenr été confervées
à Stowe.
La terrajfe du nord 40 eft entière-
ment bordée de bofquets & de bo-
cages percés très-irrégulièrement. En
général les arbres , les arbnlfeaux
toujours verds , tels que les cyprès,
les ifs , les fabines , les thuya , les
lauriers de toute efpèce, les houx,
les magnolia, &c. régnent principa-
lement le long des bordures dans
toutes les plantations de Stov/e, &
les arbres qui fe dépouillent de leur
verdure remplilfent l'intérieur des
bois , quoiqu'ils foient également
mêlés d'arbres toujours verds. Le
commencement des bofquets de la
terraife du nord , eft orné d'un pa-
villon oélogone 41 ouverr, orné de
quatre thermes en - dehors & de
quatre tètes de bélier en -dedans,
avec une voûte qui le termine en
pointe j on l'appelle le temple de la
poéjïe pajiorale. A quelques pas du
pavillon, vers l'angle de la terraife,
eft une ftatue qui repréfente la poéfie
paftorale 40 5 elle tient dans fa main
une toile déroulée, fur laquelle on
lit ces mots : Pajlorum carmin j canta.
En fe promenant le long de la
terralTejOn a pour perfpeclives d'im-
menfes peloufes, couvertes de bêtes
fauves & de toutes fortes de trou-
peaux, des champs, des villages, de
vaftes forêts percées d'allées à perte
de vue, &c de l'obélifque de Wolfi
Quand vous êtes parvenu au boui
J A R
de la termlfe , vous êtes arrêté par
une porte de fer qui ne s'élève qu'à
la hauteur de l'allée. Tournez à siauche
& percez quelques grouppes d arbres,
vous ferez agréablement frappé de
l'afped du bâtiment le plus fuperbe
de ces jardins : c'eft le temple Grec ^i ,
dont la forme reétangulaire porte en-
viron quatre-vingt-huit pieds de lon-
gueur; il eft de l'ordre ionique, &:
conlkuit jexaélemenc fur le niodèle
du temple de Minerve à Athènes.
On monte par quinze marches fous
un luperbe périftile de vingt- huit
colonnes, qui régne tout autour du
temple, &: dont le plafond ell fculpté
en ipetlts quarrés ornés d& rofes. Le
fronton préfente en demi -relief les
quatre parties du monde, qui ap-
portent à la Grande Bretagne les
principales produélions qui les ca-
jraétérilent ; c'elf l'ouvrage du fculp-
teur Scheèmaker, Le fommet du
ftonton eft orné, de trois ftatues ,
plus grandes que le naturel, & celui
du fronton oppofé en a autant. Sur
la frife du portique, eft .gravée cette
infcription : .,,i> 3^o■,f;^■i a\~,
. , ., '
Concordia. 6f vicloria. ' .
••,■••■ .'1
Sur lé mut- de f^ace aux deux côtés de
la porte, qui eft peinte en bleu & or,
font deux grands médaillons , fur
l'ur^ defquels font écrits ces mots :
concordia jœderatorum ; & fur l'autre :
concordia civium. Sur la porte on a
gravé ce palfage de Valère-Maxirne :
quo tempore falus eorum in ultinia.s
ang-ujlias deducla , nullum amhiûohi
locum relinquebat. L'intérieur du
temple eft d'une grande fimplicité;
on y voit quatorze niches vuides, in-
dépendamment d'une autre niche où
eft placée une ftatue avec cette inf-
cription •.Itbçrcas^.pubUça. Au-defllis
J A R
77
de ces niches font autant de mé-
daillons où font repréfentées, en bas
reliefs , les conquêtes des Anglois
fur les François.
Le temple Grec eft admirablement
bien litué, <k domine une magni-
fique perlpeétive prefqu'entièrement
compofée de bois & de peloufes. La
vue le porte immédiatement fur un
profond vallon, de traverfe 45 , en-
;ièrement couvert de gazon , dont les
côtés ont depuis deux cent cinquante
jufqu'à:deux cent quatre-vingt pieds
de talus. Au-delà du vallon , la fcène
fe divife en trois ouvertures, qui,
en partant du temple, forment en-
core -trois rayons divergens ; celle
qui eft à gauche eft une clarière alTez
.étroite , au bout de laquelle on ap-
perçoit l'obélifque qui eft dans le
parc; celle de la droite conlifte eu
un beau tapis verd , terminé par la
colonne Cobham 3 S \ enfin la divifion
du milieu, qui eft fans comparailon
la plus fuperbe, ptéfente, dans toute
ix longueur , un large & profond
vallon, marqué par de petits mon-
ticules & de légers enfoncemens, &
dont les bords font couionnés de
beaux maflits , d'où fe décachent
quelques grouppes d'arbres iufques
dans. J le. fond. Le long de ces bords
ont été placés quelques grouppes de
ftatues de plomb blanchi , dont les
plus belles font celles ^Hercule Se
àiAntée^ de Cain & lïAhel^ inor-
ceaiix pleins de vigueur. Ce terrein
couvert de gazon , & ces bois où l'on
diftingue toutes les nuances de verd,
ces bàtimens , ces ftatues, tous ce«
objets placés à une jufte diftance ,
compofentunpointde vue qui étonne
<5c attache le fpeélate'ur ; vous ne
pouvez quitter ce bâtiment , cm règne
taiu . de- goût & de iunplicité ,
7l J A R
qu'après en avoir fait le tour plus
d'une fois.
Si Je-là vous traverfez le vallon à
droire , & enfuite la premièfe allée
i^i fe préfente, vous découvrez un
édifice lîtué entre deux beaux tapis
de verdure Se de vaftes bofquets \ c'eft
le temple des Dames 44. Vous entrez
de plein pied fous trois rangs d'ar-
cades qui fe croifent quarrément &
forment neuf voûtes à fix coupes ,
dont les points d'interfection font
marqués par une rofe. Le pavé ell
cQtnpofé de petits cailloux, &c varié
par des delleins de pierre plate, cir-
culaires & exagones; un efcalier allez
joli conduit à un fallon dont les murs
font ornés de peintures de Sleter ,
aflez médiocres; elles repréfentent
plufieurs dames, occupées, les unes
a des ouvrages à l'éguille , les autres
à peindre , les autres à jouer des
inftrumens. Ce fallon eft encore dé-
coré de huit colonnes & quatre pi-
laftres d'ordre ionique, ôc de marbre
veiné de rouge Se de blanc. Ce bâ-
timent a, d'un côté, pour perfpec-
tive le magnifique tapis verd ou
vallon triangulaire 3 1 , avec tous les
objers qui l'accompagnent, tels que
la rivière , le pont , le temple Go-
thique & le temple de l'Amitié; &
de l'autre côté une belle peloufe de
niveau , la colonne Cobham & la
colonne Roftrale.
Defcendez le vallon au midi, en
côtoyant le bois à droite, jufqu'à ce
que vous trouviez , à la féconde allée
ie traverfe , un petit coteau rapide ^^ j
defcendez ce coteau , Se vous ne trou-
verez plus , en vous promenant le
long des trois pièces d'eau qui fe
fuccèdent jufqu'à la livière & rem-
plirent le fond d'un grand vallon ,
qu'une alternative délicieufe de boc-
J A R
cages fombres , de pièces de gazon &
de petits lieux de repos.
Le premier objet qui fe préfente
au bas du coteau & au milieu d'un
ombrage épais, eft une Jolie grotte
4^, dont la furface extérieure eft
couverte de petits filex ou pierres i
fufil , Se de plaques de porcelaine.
L'intérieur eft divifé en trois com-
partimens , dont les murs font in-
cruftés de coquillages & de filex. La
voûte du milieu eft ornée de glaces
dont la forme repréfente un foleil;
les murs des autres divifions font
auill couverts de glaces comme des
cheminées , mais le plus bel orne-
ment de cette crotte eft une admi-
rable ftatue de marbre , qu'on dit re-
prcfenter une Vénus , quoique fon
air modefte annonce le contraire ;
elle eft repréfentée toute nue , quoi-
que de grandeur plus qu'humaine ,
portant une main fur fon fein , Se
jetant de l'autre une légère draperie
qui ne la couvre que très-foiblemenr.
Immédiatement derrière la grotte,
le terrein s'élève à pic , & il eft en-
tièrement couvert d'atbrifTeaux , de
lierres Se de ronces.
A la diftance de trois ou quatre
pas de l'entrée de la grotte , font
placées deux jolies rotondes , l'une
dorique, l'autre ionique, compofées
chacune de fix colonnes , qui fou-
tieiinent une coupole ; les colonnes
ioniques font torfes. Ces rotondes
font entièrement incruftées de petits
filex Se de nacres, leurs centres of-
frent des grouppes de quatre enfans
qui fe tiennent par la main.
Tournez à gauche, en vous écar-
tant un peu du bord de l'eau, gagnea
le bois, & vous trouverez un bâti-
ment fort fimple, appelle cold-bath
ou les bains fr-oids ^ il contient uu
J A R
rcfetvoir plein d'eau courante, def-
tinée aux bains , & il n'eft orné que
de quelques médaillons où font des
têtes d'Empereurs Romains.
Entre les deux rotondes , com-
mence la première pièce d'eau, ap-
pellée la rivière des aulnes 47 ^ parce
que cette efpèce d'arbre abonde fur
fes bords : elle contient une petite
ifle remplie d'arbrifleaux. Les eaux
fe dégorgent dans la féconde pièce
d'eau fous un pont de rocaïiks 48,
couvert de lierre & d'autres plantes
rampantes, & fotment plufieurs jolies
cafcades. Sur le bord de cette pièce
d'eau, à côté du pont, étoit aAurefois
un petit pavillon chinois.
En partant du pont de rocailles ,
fuivez le bord du canal à gauche ,
vous trouverez une efpèce de petit
amphithéâtre de gazon , couronné
par le temple des illujlres Bretons ^'f),
ou des hommes les plus célèbtes
d'Angleterre j c'eft une fuite, à peu
près demi-circulaire de feize niches ,
dans chacune defquelles a éré placé
le bufte de quelque Anglois fameux;
le milieu de la courbe eft orné d'une
pyramide remplie par un fort beau
bufte de Mercure, au-delTus duquel
eft cet émiftiche de Virgile : campos
û'//£:iri7flf£'/)'jfc)j^& plus bas une plaque
de marbre noir, où font gravés ces
vers de Virgile : hïc manus ob pa-
triam y Sic. Les illuftres Anglois ici
repréfentés font... Alexandre Pope...
Thomas Gresham... Ignace Jones...
Jean Milton... Guillaume Shakef-
pear... Jean Locke... Ifaar Newton...
François Bacon... Le roi Alhed...
Edouard, prince de Galles... La reine
Elifabeth,.. Le roi Guillaume IIL..
Walter Raleigh... François Drake...
Jean Hampden... Jean Barnard...
Cette fuite de niches eft terminée
J A R 79
en- bas par trois grandes marches,
& s'enfonce dans un boccage de
lauriers , dont les branches , tombant
naturellement fur les frontons, for-
ment une couronne à chaque bufte.
Le terrein compris entre le bâtiment
& les eaux forme une pente douce,
de la largeur de deux à trois toifes,
& couverte de gazon.
Le temple des illuftres Bretons eft
l'objet le plus intéreftant des champs
elifees. On appelle ainfi tout le
vallon compris entre la grande ave-
nue 5,6, & la peloufe triangu-
laire 3 1 , & dont le fond eft rempli
par les uoxs pièces d'eau 47 , 5 0 , 5 1 j
mais la fcène , divifée par la pièce
d'eau du milieu, a reçu plus parti-
culièrement le nom de champs élifées.
Pour achever de les parcourir , re-
venez fur vos pas , hc traverfez le
pont de rocailles 48 , enfuite montez
adroite, & percez quelques grouppes
d'arbres verds fort touffus , vous verrez
une églife paroiffiale 52 j entourrée
d'un cimetière, terminé par un mur,
& rempli d'épitaphes; cette églife,
quoique tout-à-fait cachée par des
bois , n'eft pas un objet digne des
champs élifées , & des jardins char-
mans paroilîent peu faits pour ren-
fermer un cimetière.
Vous quittez bien vue ce trifte
féjour pour examiner un monument
plus digne de votre attention , &
qui s'offre à vos yeux en fortant du
cimetière ; c'eft une colonne rojlrale
5 } , en l'honneur du capitaine Gren-
ville \ fur le fommet eft une ftatue
qui repréfente la poéfie héroïque,
tenant un rouleau déployé où font
ces mots : non nifî grandia canto ; fur
la plinthe & fur le piedeftal font
gravées plufieurs infcripcions.
A quinze ou feize coifes de la
2o J A R
colonne Grenville, vous appercevez,
fur un monticule, & dans une heu-
reufe firuation , le temple de l'an-
cienne Vertu 54. C'eft une très- jolie
rotonde qui n'eft^pas ouverte de
toutes parts, comme celle de Vénus,
mais feulement entourrée d'un pé-
riftile compofé de feize colonnes
d'ordre ionique. On y entre par deux
portes tournées au midi & au levant,
à chacune] defquelles on arrive par
uh efcalier de douze marches. On
lit au-delllis de chaque porte : prifcs,
virtuv. L'intérieur du dôme eft fort
bien fculpté , & les murs font dé-
corés de quatre niches, ou font placées
hs ftatues un peu gigantefques d'Ho-
mère, de Lycurgue, de Socrates &
d'Epaminondas, au-delFous defquelles
fonr gravées des infcriptions.
Chaque ouverture de périftile entre
lescolonnes,préfente quelques points
de vue agréables. De la porte du
levant , on voit la colonne de Gren-
ville, le temple des fameux Bretons,
le pont de Pembrokc & la rivière.
De la porte du midi on découvre les
colonniis du roi George & de là reine
Caroline, & le château antique.
A coté de ce temple eft celui de
la moderne vertu j qui n'eft qu'un
monceau de ruines, avec une arcade
& une ftatue brifée , le tout couvert
de ronces' i?i de lierre.
Marchez le long du bofquet à
droite, vous trouvez une route tor-
tueufe & ornée-, qui vous mène à
une arcade 5 ^,'d'6tdre dorique, 'érigée
en l'honneur de la princefle Amélie y
tante du roi. Ce monument; eft fut
le fommet du vallon àts champs
ciifées , prefque fur le bord de la
grande prairie d'avenue , & au mi-
lieu d'ini joli bofquet. Une clarière
étroite qui s'ouvre dans les bois, laiife
J A R
voir fur la même ligne, mais fort éloi-
gnés l'un de l'autre , le pont de Palladio
& le château gothique j le ceintre de
l'arcade, orné d'exagones remplis par
une belle fleur finement fculpcée, eft
fupporté par des pillaftres canne-
lés j on lit fur l'attique du coté de
l'avenue : Ameiia Sophia aug. j & du
coté du vallon on voit fon médaillon
avec cette exergue, prife d'Homère :
O colenda femper & culta !
Aux deux côtés de cette arcade
font placées en demi-cercle les ftatues
d'AppoUon & des neuf Mufes, qui
ouvrent de ce côté là la fcène des
champs élifées.
Entre l'arcade & l'avenue, on ad-
mire un beau grouppe àe gladiateurs ^
entrelacés & renverfés l'un fur l'autre.
Le rerte des maffifs ou bofquets vient
fe terminer près de la grande pièce
d'eau 7 , où des fentiers tortueux
conduifent à une cabane ^6 , entiè-
rement cachée par des arbres.
En defcendant de l'arcade d'A-
mélie iSc du temple des Vertus, on
fe promène fur un charmant tapis
verd 5 7 , parfemé de quelques arbres ,
& qui préfente une pente douce
jufqu'à la pièce d'eau j il eft toujours
couvert de troupeaux-, & dès le com-
mencement du printemps les rofîî-
gnols &; les autres oifeaux y font
entendre leurs ramages. Allîs fous
un orme antique &: touffu qui ré-
pand au loin fon ombre fur le tapis
verd, & au pied duquel 'en 'a placé
un banc des plus (irriples, vous voyez
devant vous la pièce d'eau jo, oc au-
delà, cette fuite des grands hommes
d'Angleterre, environnés de lauriers
de de myrthes , qui fe réfléchilTent
dans l'eau. Quoique cette perfpeétive
foit véritablemeiit clvfienne à beau-
coup d'égards, elle feroit encore plus
agréable
J A R
agréable fi on y voyoic moins cîe
bâtimens.
Des champs élifées, vous naverfez
un ponc 48, borde d'arbres, pour
entrer dans la grande pelouje trian-
gulaire 5 1 ; ce pont fépare la pièce
d'eau du milieu de la troifième ,
qu'on appelle rivière inférieure 51.
Pour la diftinguer de la principale
rivière, appellée \dL rivière Jupéricure
5 8 , le point de réunion de ces deux
rivières eft marqué par un fimple
poiit de pierre 5 9 , que vous traverfcz
en fortant de la peloufe pour achever
de parcourir les derniers bofquets
qui vous reftent à voir dans l'enceinte
des jardins.
Le premier bâtiment qui vous
frappe quand vous marchez à gauche
fur le bord de la rivière , eft le mo-
nument Congrève 60 \ c'ed: une pira-
mide tronquée , fur le fommet de
laquelle eft un finge affis qui fe re-
garde dans un miroir : le refte de la
piramide eft orné d'un vafe fur lequel
font fculptés les attributs du genre
dramatique , propre à Congrève j au
bas du monument font deux mor-
ceaux féparés & appuyés contre le
piédeftal, obliquement & d'une ma-
nière fort néçliirée ; c'«ft d'un côté
le bufte du poète en demi- relief &
en forme de mafque comique , &
de l'autre une pièce de marbre fur
laquelle eft gravée une infcription en
l'honneur de Congrève.
Si vous vous enfoncez dans le
bofquet, vous voyez encore un petit
bâtiment , appelle la grotte de cail-
loux 6 1 ;, c'eft une demi-coupole qui
telTemble à une coquille \ le fond
en eft compofé d'un gravier très-«îii
6 de petits cailloux , de manière
qu'ils imitent des fleurs , & préfen-
teuî dans le fond les armoiries du
Tome VI.
JAR 8x
lordCobhamou des Grenvilles, dont
la devife eft : templa quàm dilecîa ?
On voit que les jardins répondent à
la devif.'.
De la grotte des cailloux vous re-
montez par la première allée qui fe
préfente jufqu'i la terraffe du midi,
!k vous revenez aux deux pavillons 30,
qui répondent à l'avenue, après avoir
parcouru &: examiné tous les objets
renfermés dans l'enceinte de Stowe.
Au-delà des jardins, il refte en-
core dans le parc; quelques objets que
j'ai indiqués, en parlant de certaines
perfpedives , & qu'il faut confidérer
de plus près, mais ils ne font pas
repréfentés dans le plan, parce ou'ils
fonr trop éloignés.
A un mille & demi ou environ
de l'angle oriental de la terralfe ,
vous trouvez, au milieu des champs
& des prés , une ferme conftruite
comme les forts du XIV fiècle ,
avec des créneaux au fommet des
murs. On l'appelle le château; ii eft
environné de petits bofquets de bois
du côté oppofé au jardin ; là eft une
laiterie qui fournit d'excellentes crè-
mes & de bons laitages.
De ce château , en allant dired:e-
ment au nord, vous arrivez à Vobé-
lifque que le lord Temple a érigé en
1759, à la mémoire du major gé-
néral Wolfe ; cet cbélifque , qui a
plus de cent pieds de hauteur, eft
fitué fur une éminence, au milieu
d'une immenfe peloufe peuplée de
troupeaux, & fur-tout de bîtes fau-
ves. La perfpefti ve ici eft fort étendue ,
& du côté oppofé aux jardins, c'eft-
àdire vers le Northamptcnshire, eft
une vafte forêt , percée d'allées à perre
de vue , & terminée par des loin-
tains.
De l'obélifque, vous revenez à k
îi J A R
terrafle du nord, pour voir hjfûtue
équejlre de Georges P' 61; elle eft
placée hors des jardins, quoique fur
la même ligne que la terrafle & à
l'excrcmité d'un tapis verd (^5 , fort
vafte &c parfaitement uni, qui règne
dans toute la loniiueur de la façade
du nord; cette ftatue eft très- mé-
diocre dansibn genre.
A peu de dillance de la ftatue
commence une vallée, dont le bord
règne parallèlement à la terralTe ;
depuis ce bord jufqu'au fond de la
vallée , la pente oblique eft environ
de fept à huit cent pieds. Le terrein ,
extrêmement diveififié & couvert de
toutes fortes de troupeaux , tant dans
la vallée que dans les campagnes qui
font au-delà, offre une perfpeilive
des plus agréables & des plus cham-
pêtres.
Faites entièrement le tour de ces
belles allées qui environnent les jar-
dins de toutes parts , excepté au
levant, &c terminez le petit voyage
de Stowe par la fuperbe porte ou ar-
cade qui eft au midi des jardins ,
fur le bord du chemin qui conduit
à Buckingham ; elle eft conftruite
dans le goût de la porte S. Martin
de Paris, quoique moins vafte, &
fans figures ni trophées. Cette façade
eft ornée de quarre belles colonnes
corinthiennes; Tinférieur de la voûte,
■qui eft très -large, eft fculpté en
grands quarrés creux, &. l'entable-
ment eft furmonté d'une très -belle
balluftrade. Cette porte de décora-
tion répond exaétement à la grande
avenue des jardins , au fommet de
laquelle eft placé le château. On le
voit tout entier s'élever au milieu
des bois , ainfi que plufieurs autres
bârimens , tels que le temple go-
thique , la rotonde , les colonnes ,
J A R
Sic. , ce qui forme un tableau ma-
gnifique.
Tels font les jardins de Stowe, où
vous roye^ j dit Pope , l'ordre dans
la variété i oh tous les objets ^ quoique
différens j fe rapportent à un feul
tout : ouvrage admirable de l'art &
de la nature ^ que le temps perfec-
tionnera.
On auroit tort de fe figurer que ces
temples , ces rotondes , ces obélifques,
&;c. contribuent à la vraie beauté des
jardins de Stowe; tous ces objets font
purement accelToires <S: de décoration ,
& jofe dire que s'ils étoient fup-
primés , ces jardins feroient toujours
beaux & très-beaux , parce qu'ils font
dans la belle nature , que rien n'y
préfente l'idée de gêne , de con-
trainte, de travail, &: l'on croiroit
qu'ils ne doivent rien à l'art , tant
l'arr a foin de s'y cacher. Le grand
mérite, le mérite capital eft d'avoir
tiré le parti le plus avanrageux des
fonds, des élévations, des plateaux,
& d'avoir confervé aux points de
vue différens leur étendue & leur
agrément ; enfin on peut dire que
c'eft le local lui-même qui a décidé
le plan de ces jardins, tandis que,
pour l'ordinaire , il faut que le local
foit fournis au plan de l'archiredte.
Il eft impoflîble , dans ce dernier
cas , d'avoir un jardin naturel. Cette
vérité exigeroit des commentaires,
des dilTertations ; mais comme j'ai
cité les ouvrages qui la démontrent,
il eft inutile que j'entre dans de plus
grands détails; d'ailleurs, ils feront
toujours fuperflus pour l'homme né
avec le goût qui lui fait diftinguer le
be^u naturel du prétendu beau fadtice.
Les règles fonr utiles aux imagina-
tions froides, lorfqu'il s'agit d'objets
de conventions; mais dans les jardins
J A R
appelles anglois, il ne peut exîfter
d'objets (Je convencion , puilqiie tout
doit y être naturel , fubordonnc au
iîte , à fes accidens & aux objets
qui l'environnent.
Le ledeur peut à préfent com-
parer les diftcrentes efpèces de jar-
dins, & choilîr celle qui fera le plus
conforme à fon goût.
JARDINAGE. Terme colledif,
par lequel on délîgne pluiteurs jar-
dins placés dans un même lieu. Il
fe dit encore de l'art de cultiver les
jardins; & dans plufieurs, on appelle
jardinage la malfe des légumes qu'on
porte aux marchés.
JARDINIER. Homme qui cul-
tive & fûigne les plantes d'un jar-
din. Cette déhnitionfuftifoit au temps
paiïé j mais elle eft trop générale au-
jourd'hui. On doit diftinguer le jardi-
nier maraîcher , ou celui qui ne s'oc-
cupe que de la culture des légumes j
le jardinier-tailleur d'arbres fruitiers,
le jardinier pépiniérifte , le jardi-
nier décorateur , ou qui eft fpécia-
lement chargé de l'entretien des bof-
quets, des boulingrins, de la route,
des palilfades , & enfin du jardinier
parterrilte oufleurifte. Rien de fi com-
mun que les jardiniers en tous les
genres, & cependant rien de h rare
qu'un bon jardinier. En effet, où
peut- il avoir appris fon métier ? chez
fon père , chez fon maître ? Mais fi
l'un & l'autre n'ont pour guide que
la routine , l'élève ne {^lura rien de
plus, s'il a de l'imagination, s'il
fait obferver , combien d'années ne
s'écouleront pas avant qu'il ait ac-
quis une pratique fi^ire ! en attendant ,
J A R
^3
vos arbres feront mutilés, votre po-
tager ruiné, & vos bofquers détruits.
Un garçon fe marie, le voilà aulli-
tÔ€ jardmier de protelîîon, & il cher-
che à fe placer, & croie fa voir fou
métier. Nous avons des écoles juf-
ques pour l'art de la frifure , & au-
cun maître pour l'agriculture & pour
les jardins. Un attifte s'inftruit eu
voyageant J le jardinier eft fédentaire
& s'écarte peu du lieu qui l'a vu
naître : ce font donc toujours les mê-
mes exemples , les mêmes routines
qu'il a fous les yeux. Si , à l'imita-
tion des artifans , il veut voyager &
parcourir les différentes provinces de
France, il n'eft guère plus avancé à
fon retour qu'à fon départ , parce
que les bons exemples lui manquent,
parce qu'il ne trouve pour inftituteur
que des hommes pauvres , qui cher-
chent moins la perfection de leur
état, qu'à vivre de leur travail. Les
environs de Paris pour les légumiers ,
Montreuil & les villages voifins pour
les arbres fruitiers , Ermenonville
pour les jardins naturels ou à l'an-
gloife , font les feules écoles à fré-
quenter. Quant aux parterres , bof-
quets & autres genres faélices, on
en voit par-tout \ c'eft la partie oïi
les jardiniers réuffillént le moins mal ,
parce que tout y eft foumis à la règle
& au cordeau.
Un jardinier , quel que foir fon
genre, doit être fort, adroit, intelli-
gent, actif, ami de la propreté, de l'or-
dre & de l'arrangement; aimer fon
jardin comme on aime fa maîtrelfe;
admirer fes produélions , fe com-
plaire dans fon travail , être toujours
à la tête des ouvriers , le premier
au jardin & le dernier au logis , faire
faire chaque foir la revue des ou-
L»
§4
J A R
tils, pour voir fi ceux donc on s'eft
fervi dans la jouinée fontrrfngés à
leur place, lî rien ne traîne d: li tout
eft dans l'ordre. Heureux celui qui
pollcde un homme pareil ! on ne fau-
roic trop le payer , puifque le tra-
vail, l'eau & lui font l'ame d'un jar-
din quelconque. Ce n'eft pas alFez
qu'il foit inftruic , qu'il foie vigilant,
il doit encore être fidèle & nulle-
ment ivrogne.
En général les jardiniers marai-
chcrs qui demeurent chez les bour-
geois, font un commerce clandeftin
très- préjudiciable aux intérêts du
maître j c'eft celui des graines, des
primeurs, &c. Communément on
iaille les plus belles plantes monter
en graine : un ou deux pieds fufE-
roient pour l'entretien d'un jardin ;
ils en lailfenc dix & vingt , fous le
fpécieux prétexte que fi les uns man-
quent , les autres réuflîront. C'eft
de cette manière que font pourvues
les boutiques des marchands de grai-
nes des environs. Combien de fois
les propriétaires ne font-ils pas forcés
de racheter leurs graines chez ces
receleurs ?
L'objet des primeurs eft d'une
grande conféquence. Si le proprié-
taire aime à jouir, leur fouftraétion
le prive du feul plaifir qu'il fe pro-
met de fon jardin ; fi au contraire il
veut fe dédommager de fes dépen-
fes, & avoir un bénéfice fur le pro-
duit des ventes de fes légumes , le
jardinier infidèle lui enlève la partie
la plus claire. Enfin fi ce jardinier
eft chargé des ventes , s'il trompe
fur ces ventes , & les tourne à fon
profit , le bénéfice eft zéro , i5c la
perte feule eft réelle : de là eft venu
une autre maxime , qui dit que le
J A R
jardin du bourgeois lui coûte plus
qu'il ne lui rend. Enfin , laffé de
beaucoup dépenfer fans jouir, il finit
par affermer & par n'être plus le
maître chez lui.
Admettons qu'on foit dans la ferme
perfuafion que fon jardinier eft fidèle j
fur quoi eft- elle fondée? Sur une
phifionomie heureufe , un air de
bonne foi , & même de défintéref-
fement. Je croirai à fes bonnes qua-
lités, quand l'expérience les aura prou-
vées. Il faut , pour fa tranquillité ,
une certitude réelle & non pas idéale.
A cet effet on choifira un ou deux
jours de marché par mois, & l'on
fera acheter par des perfonnes affi-
dées & fûres tous les légumes qu'il
y aura portées ; alors , certain fur
le montant de la vente, on vetra fi
la balance fera exaéte avec la recette
donc il reijdra compte. Cette ex-
périence , plufîeurs fois répétée par
des perfonnes & à des reprifes dif-
férentes, fera la vraie pierre de tou-
che : il en eft ainfi pour les fruits;
&c. Les feigneurs , les perfonnes opu-
lences trouveronc peut-être ces pré-
cautions mefquines ; mais le particu-
lier qui vit fur un revenu modéré y
qui ell: chargé d'enfans , n'eft pas
dans le cas de fe lai (fer voler im-
punément. Si ee dernier eft affez
heureux pour avoir un jardinier inf-
truit, laborieux & fidèle, qu'il aug-
mente fes gages, lui accorde des gra-
tifications ; enfin qu'il fe l'attache par
fes bienfaits j Se le conferve avec
le plus grand foin.
11 eft bon de faire connoître un«
autre manière de friponner des jar-
diniers chez les bourgeois. Sous pré-
texte que la faifon prelfe , que les
travaux fout arriéfés, iScc. ils demau-
J A R
dent des journaliers , multiplient le
nombre des journées bien au-delà
des befoins réels , &. fouvent ils en
comptent qui n'ont pas été faites.
Ce n'efl: pas tour, ils retiennent pour
eux une partie de leur falaire. Le
propriétaire qui . paile une grande
partie de Tannée à la ville , eft à
coup fiir trompé : quant à celui qui
vit à la campagne, s'il l'eft, c'eft
fa faute j les paiemens doivent être
ifaits par fes mains à la tin de cha-
que femaine, & chaque jour le matin
& le foir, il doit compter le nombre
d'ouvriers employés , & en tenir
une note : enhn , queftionner les
ouvriers pour favoir fi le jardinier
n'exige pas d'eux une certame rétri-
bution. Je parle d'après ce que j'ai
vu , & les ouvriers me répondirent :
Nous travaillons en conféquence du
■falaire qui nous refis. D'après cela,
l'ouvrage étoit très - longuement &
très -mal fait.
Lorfqu'un jardinier fe préfente ,
méfiez -vous Ç\ vous le voyez trop
recherché dans fa parure \ ce fera un
jardinier petit maître, un damoifeau
& rien de plus. Si la mifère eft em-
preinte fur fes habits , c'efl: un dé-
bauché , un dilfipateur ; fi fes habil-
lemens font malpropres & trop né-
gligés , votre jardin fera traité de
même j fi c'eft un beau parleur &
plein de jaétance , c'eft un ouvrier
au-delfous du médiocre : Thomme
à talens, interrogé , répond : voyez,
examinez comme je renois & tra-
vaillois le 'jardin que je quitte pour
prendre le vôtre. Ne vous lallfez
pas féduire par ce propos ; prenez
moi à l'elTai j quand vous m'aurez
vu travailler pendant quinze jours ,
vous fixerez mes gages. Il faut une
année ruvolue pour conclure fur les
J A R
S5
talens, fur la conduite & la fidélité
d'un jardinier.
JARDON , JARDE. Médecine
VErEiciN AiKE.^Xumeur dureiqfti oc-
cupe la partie po'aérieure &:inférieure
de l'os du- jarret , jufqu'à la |>arti.e
fupérieure & poftérieure de l'os du
canon , à l'endroit du tendon flé-
chilleur du pied : elle eft quelquefois
d'une nature phlégmoneufe [^Foyâ^
Phlegmon ) dans le commencement^,
& fait affez fouvent boiter le cheval.
Une ex tendon de Tun des tendons
dont nous venons de parler , eft la
vraie caufe de cette maladie.
On y remédie dans le commen-
cement par des fomentations émo-
lientes , & par des cataplafmes de
même nature , auxquels on fait fuc-
céder les frictions réfolutives & fpi-
ritucufes, telle que l'eau-de-vie cam-
phrée J &c. , tandis qu'il faut avoir
recours à l'application du feu avec les
pointes , fi la tumeur eft ancienne.
JARRET. MÉDECINE VÉTÉRI-
NAIRE. Les jarrets du cheval exigent
l'attention la plus férieufej quelques lé-
gers en effet qu'en foient les défauts,
ils font toujours très-nuifibles. Le
mouvement progreffif de l'animal
n'eft opéré que par la voie de la
percuffion \ la machine ne peut être
mue & portée en avant , qu'autant
qite les parties de l'arrière - main ,
chaflant continuellement celles de
devant , l'y déterminent j or, toute
imperfeétion qui tendra à les affoi-
blir , & principalement à diminuer
la force & le jeu du jarret, qui d'ail-
leurs par fa propre ftruéture eft tou-
jours plus fortement &: plus vivement
occupé que les autres parties, ne fera
?<î
J A R
jamais raifonnablement eiivifagce
comme médiocre & d'une petite
confcquence. ÎVlais palToiis à l'exa-
inen de cette partie.
1°. La iituation : le jarret eft fitué
entre le tibia ou la jambe, & le ca-
non de l'extrémité poftérieure.
2''. Le volume : il doit être pro-
portionné au tout dont il fait une
portion : des petits jarrets font tou-
jours toibles.
5°. La forme : les jarrets doivent
être larges & plats.
4*'. La force : des jarrets qui tour-
nent, qui balancent, qui fe jetient
en dedans quand le cheval chemine,
font ce que nous appelions des jar-
rets mous; il eft encore des chevaux
qui en cheminant portent les jarrets
en dehors; ni les uns , ni les autres
ne peuvent être facilement unis ,
parce que dès que cette partie eft
hors de la ligne , cette faulle direc-
tion la met hors d'état de fuffire
au poids même de l'animal.
5 " . La diftance de l'un & de l'autre :
des jarrets ferrés , Se dont la pointe
ou la tête eft très -rapprochée ou
fe touche , conftituent les chevaux
que nous nommons jarres ou cro-
chus , ou clos du derrière. Ils ne peu-
venr s'afTeoir que très-difficiiement ;
à la moindre dcfcente , leurs jarrers
fe lient, s'entreprennent l'un & l'au-
tre , de le derrière en eux ne peut
jtvoir aucune force.
6°. Le plis :-s'il eft trop ccnfidé-
rable , fi la flexion de cette patrie
eft telle naturellement que dans le
repos, le canon fe trouve fort en
avant i?c fous l'animal , nous difons
que les jarrers font coudés , & il en
réfulte une féconde efpèce de che-
vaux crochus. La courbure extrême
J A S
de ceux-ci met l'animal hors d'état
de mouvoir la partie avec aifance ;
l'un & l'autre de fes pieds font trop
près du centre dç gravité, & pour
peu que le derrière foit palTé , ils
outre-palTent ce point , de manière
que le cheval ainfi conformé , ne
peut conferver le jufte équilibre d'où
dépend la mefure & la facilité de
fon aélion. Ainfi, telle eft la fourcs
de la foibleffe commune à ces fortes
de chevaux , & le vice eft bien plus
grand encore , fi , par une erreur de
la nature , il fe trouve joint à celui
des reins trop longs, des hanches
trop étendues, &;c. &c.
7°. La fubftance : elle doit être
fèche ; nous difons alors que l'a-
nimal a les jarrets bien évidés : des
jarrets charnus , des jarrets pleins ou
gras font toujours chargés d'humeurs, •
& fujets par conféquent à une mul-
titude de maux.
Ces maux , outre les enfrorCTemen?
& les enflures qu'un travail exceftîr
peut y produire , & que dans les
jeunes chevaux le foin & le repos
peuvent garantir, font le capelet ou
palfe-campane, la falandre , le veflï-
gon , la varice, la courbe , l'épar-
vin , le jardon. ( ^oye^ tous ces
mots, fuivant l'ordre du diétionnaire,
quant au traitement ). On doit bien
comprendre que tous ces maux dif-
férens , furvenant à une partie char-
gée des plus grands efforts à faire j
font toujours fort à craindre , fans
parler de ceux auxquels elle peur erre
fujette , conféquemment à ces mê-
mes eftorrs , & qui n'ont point en»
core reçu de dénominations propres
& particulières.
JASMIN BLANC COMMUN.
Touraefort le place dans la première
J A s ^
fedlion de la vingtième claffe àef-
tinée aux arbres dont le piftil de-
vient un fruit mou, à femences du-
res j ôc il l'appelle jafmïnum vulga-,
tiùs flore albo ; Von Linné le nomme
jajmînum officinale , & le clalfe dans
la Diandrie Monogynie.
Fleur , d'une feule pièce, divifée
en cinq folioles , ayant pour bafe
un tube cylindrique, un calice à cinq
dentelures \ le tout renferme deux
ctamines & un piftil.
Fruit jy baie molle, ovalle liîîe,
à deux loïes, renfermant deux fe-
mences , enveloppées d'une mem-
brane.
Feuilles , ailées : les folioles ovales,
en forme de fer de lance , terminé
par une impaire plus longue cjue les
autres.
Racine , rameufe , ligneufe.
Porc _, arbrilfeau à tiges farmen-
teufes , cju'on élève en pabifade. L'é-
corce des troncs eft brune , celle des
rameaux verdâtre ; le bois jaune &
dur; les fleurs à l'extrémité des tiges;
feuilles oppofces.
Lieu j originaire des Indes , nata-
ralifé fur -tout dans nos provinces
méridionales , ou les plus grands
froids peuvent faire périr les tiges ,
& non pas les racines.
Ce jafmin prouve ce que j'ai dit
■au mot efpccc & ailleurs , qu'avec
le temps & des foins , il eft poflible
de naturalifer en France les plantes
les plus indigènes. On le cultiva
d' .abord dans des vafes qui furent ren-
fermés avec foin dans les ferres pen-
dant l'hiver \ quelques drageons fu-
rent enfuite confiés à la pleine terre,
& bien abrités ; enfin on voit aujour-
d'hui ce chatmant arbrilfeau fervlr
aux palilTades , aux tonnelles dans
prefque tous les jardins des provin-
J A S
87
ces du midi & du centre du royaume :
on le multiplie par marcottes , par
drageons; ils reprennent facilement.
On greffe fur cet arbufle les autres
jafmins.
Jasmin d'Espagne ou de Cata-
logne ,0« A GRANDES FLEURS. C'eft
le jafminum grandiflorum de Von
Linné; lejafhiinum Hifpanicum flore
majore externe ruhente de Tourneforr.
Quelques curieux ont un jafmin d'Ef-
pagne à fleurs femi-doubles, ce qui
établit une jolie variété à multiplier
par la greffe : il diffère du premier
par fa fleur du triple plus large , &
dont les folioles font moins allon-
gées au fommet : par le delfous de
ces folioles, qui eft rouge; par fes
feuilles plus larges, plus ovales. Von
Linné obferve que les trois dernières
proviennent de la dilatation de leur
queue ou pétiole ; de forte qu'elles
tombent toutes à la fois. Le tronc
de cet arbrilfeau ne s'élève pas ; Îq%
rameaux font courts & non farmen-
teux. 11 fleurit pendant l'automne &
même dans la ferre , (1 on a foin de
lui donner de l'air. On le greffe en
fente fur le jafmin commun. Un
auteur dit que ce jafmin grefîé eft
moins délicat que celui qu'on élève
de graines : fans doute des graines
apportées du Malabar, d'où il ert ori-
ginaire ; car il eft on ne peut plus
rare de le voir grainer . même dans
nos provinces méridionales. Les ha-
bitans de Nice & des bords de la
rivière de Gènes , font un commerce
de ces arbufles ; ils nous les appor-
tent tou'; greffés : la tige & le tronc
font couverts de moulTe , qu'ils ont
le foin de tenir fraîche. la première
chofe .à examiner en les achetant ,
eft de voir fi la greffe eft verte ;
88
J A S
fi elle efl: brune ou flétrie , il ne faut
pas acheter le pied.
Dans les provinces du midi ?c du
centre du royaume , on les plante
dans des vafes avec une terre bien
fabftantielle , telle que la terre fran-
che mêlée avec moitié de terreau, &
on recouvre le deffus du vafe avec
du fumier bien confommé. Le grand
point eft de faire en forte que les
racines foient bien étendues & tou-
chent de tous leurs points les mo-
lécules de la terre. On donne une
petite mouillure , afin de faire taffer
la terre ; enfin l'arbre eft planté , de
manière qu'après le tafiemenr de la
terre , le colet des racines refte au
niveau de la furface du vafe. La par-
tie devenue vuide , eft remplie de
nouvelle terre. Si le colet des racines
eft enterré , il en fort des branches
qui font fauvageonnées , &c qui ab-
forbenr la fève, au grand détriment
de la greffe. Le jafmin planté , h
c'eft dans l'hiver , on place le vafe
dans un lieu à l'abri des gelées , qui
ait beaucoup d'air Se ne foie pas hu-
mide. Si le foleil y donne , un peu
de moufte tout autour du pied em-
pêchera que fes rayons ne le def-
féchent : la greffe ne doit point être
recouverte.
Dans les provinces du nord , on
fera très - bien d'enterrer les vafes
dans une couche vitrée , & de l'ou-
vrir autar.'t de fois & pendant aufTi
lonj^-temps que la faifon le permet-
tra. La couche les rend délicars , (en-
fîbles au froid , &: on ne les en retire
que lorfque la faifon eft a-tfurée , &
qu'ils font en pleine végétation : Thi-
ver fuivant on les reporte dans l'o-
rangerie.
Ce jafmin eft en culture réglée ,
ç'éft à^dire cultivé en pleine terre à
J A S
GralTe, Vence, Antibes, Nice Se
toute la rivière de Gènes ; la fleur fe
vend aux parfumeurs. L'arbre com-
mence deux mois plutôt à y fleurir
que dans le nord ; les gelées feules
arrêtent fa fleuraifon : fi le froid de-
vient âpre ( relativement à ces cli-
mats ) , on leur fait des efpèces de
cabannes ; les cannes ou rofeaux de
jardins fervent de charpente j par-
defluson étend un lit de paille , main-
tenu fupérieurement par d'autres can-
nes qu'on aftiijettit de diftance en
diftance avec les inférieures , afin
que les vents n'enlèvent pas la paille.
Les côtés de ces efpèces de tables
font , dans les cas urgens , garnis
avec de la paille longue , que Ton
enlève dès que le danger cefle, parce
que cet arbre craint lîngulièremenc
l'humidité. Le fumier n'eft pas épar-
gné fur la furface de la terre, &
il eft enfoui au premier labour après
l'hiver : la culture du jafmin en exige
beaucoup.
Dans les provinces du nord , oh
ne peut le cultiver en pleine terre ,
que derrière de bons abris , & encore
faut-il multiplier les paillalTons qui
les garantiffent rarement des grands
froids, & les font fur-tout pourir
par l'humidité qui fe concentre en-
deflous. Je conviens que ceux qui
palfent ainlî l'hiver j donnent plus de
fleur en automne : mais cet excédent
peut-il être mis en comparaifon avec le
danger que l'arbre court ? Il vaut beau-
coup mieux le conferver dans des
pots , & les enterrer contre àes murs
pendant la belle fiifon , & les ren-
termer à l'approche des grandes ge-
lées. Les jardiniers fleuriftes des en-
virons de Paris ont des fleurs pen-
dant prefque tout Ihiver, par le fe-
coufs des couches vitrées.
Dans
J A S
D.'.iis les provinces du midi , clia-
qiie année ou tous les deux ans &
à la fin de l'hiver, on coupe raz la
tête de l'arbre contre les bourgeons ,
& il en repoulFe de nouveaux qui
ont fouvent jufqu'à fept ou huit pieds
de longueur. Comme les- poullces
dans le nord font beaucoup plus
courtes , il n'eft pas nécelFaire de
les raccourcir aulli fouvent. Dans le
midi les bourgeons fe diviient dès
la première année en petites bran-
ches à fleurs , & c'eft de leur mul-
tiplicité que dépend l'abondance de
de leurs récoltes. Les bourgeons de
la première année qu'on lailîe fub-
lîfter pendant la féconde, multiplient
ces branches fécondaires ; les fleurs
font nombreufes & moins belles : il
vaut beaucoup mieux rafer chaque
année ; fans cette précaution , la con-
fuiion règne dans les bourgeons j ils
occupent un grand efpace , & fe nui-
fent entr'eux.
Jasmin des Açores. Jasminum
AzoRiCUM. Lin. & Tourn. Ainfi
nommé , parce qu'il nous a été ap-
porré de ces ifles. Ses tiges (ont grê-
les, longues, blanches, fufceptibles
de s'élever très -haut, fi on leur donne
des appuis : elles font Garnies de feuil-
les oppolees, trois a trois, grandes ,
rondes, veinées, du même verd de
chaque côté, &c confervent leur cou-
leur pendant toute l'année. Les fleurs
font grandes, blanches, renfermées
dans des calices profondément décou-
pés : elles paroillent dès que la chaleur
commence à être un peu force , &: fe
fuccodent jufqu'aux froids. Ce joli
arbrilFeau fe cultive comme le jaf-
main d'Efpagne j il eft moins déli-
cat que lui , & par conféquent palle
plus facilement l'hiver en pleine terre.
Tome FL
J A S
89
Le parfum de Tes fleurs eft de beau-
coup fupérieur à celui des deux jaf-
mins ci-dcllus. On le multiplie par
la grefl^e fur le jafmin ordinaire &
par boutures.
Jasmin a îleurs jaunes. Jùf-
m'inum fr^icans. Lin. Jafnùnutn lu-
te uni j vulgb d.clum baccijcrum.To u R.
Arbrilfeau très- commun en Pro-
vence , en Languedoc îk. dans les
pays chauds. Ses feuilles font alter-
nativement placées trois .à trois , &
fimples, portées fur des tiges angu-
leufes iSc rameufes; à la bafe du pé-
tiole qui porte les feuilles , s'élèvent
deux éminences linéaires qui s'éten-
dent fur les tiges. Ses fleurs font jau-
nes , &: des baies noires dans leur
maturité leur fuccèdent. La tleur .i
peu d'odeur. Il n'exige aucune cul-
ture particulière. 11 fleurit deux fois,
fur l'arrière - printemps 6; en au-
tomne. On le multiplie par boutu-
res & par drageons.
Jasmain nAit^. Jafmin um humile.
LiN. HumiU lutcum. TouRN. 11 h.a-
bite les mêmes provinces que le pré-
cédent. Ses tiges ne s'élèvent guère
plus de II à 15 pouces; elles font
flexibles , un peu anguleufes ; fes
feuilles font placées alternativement,
quelquefois trois à trois, quelquefois
ailées. Une petite baie rouge dans fa
maturité , fuccède à une petite fleur
jaune.
Jasmin très-odorant a fleurs
JAUNES. Jafminum odoratijjlmum.
LiN. La tige s'élève à la hauteur de
plufieurs pieds , ferme & droite, à
rameaux cylindriques. Les feuilles va-
rient j elles font trois à trois ou ai-
lées j l'aile eft compofée par fept fo-
M
f>o
J A s
lioles lifles, ovales 6: pointues. La
fleur eft petite & lépand une odeur
dclicieufe : ii eft originaire des Indes,
£c fleurit pendant tout l'été &C juf-
qu'aux froids.
L'orangerie lui fuffxt pendant l'hi-
ver dans les provinces méridionales ;
il demande plus de foins ^ans celles
du nord.
On pourroit réunir à la famille
des jafmins le Sambac, & particu-
lièrement celui qu'on appelle Jasmin
d'Arabie. Niclantes Sambac, Lin.
Syringa Arabica fo'iis mali auranài.
Bauh. Pin. Joli arbrifleau toujours
verd , à tiges flexibles , à feuilles op-
pofées j Imiples , très- entières , les
inférieures en forme de cœur & ob-
tufes; les fupérieures ovales aiguës j
les fleurs nailfent au fommet des ra-
meaux , & font très-odorantes.
La creffe fur le jafmin commun
eftune manière fùrc de les multiplier.
Les raarcctes faites comme celles
des œillets, rcufTiiTenc toujours pour
peu qu'on en ait foin.
JASMINOIDES.Quoiquece genre
foit aiïez nombreux , je ne parlerai
que de deux de fes efpèces \ la pre-
mière très-utile pour les haies , &
la féconde pour couvrir les murs
de verdure : ces deux qualités méri-
tent qu'on en prenne foin dans les
provinces du midi. V^on-Linné les
défigne fous la dénomination de ly-
clum , & les clalfe dans la Pentan-
drie Monogynie. Toarnefort les nom ■
me rhamnus , & les place dans la
même clafie que les jafmins.
Jasminoide d'Europe. LyciumEu-
rop&um Lin. Rhamnus fpin'is oblon
gis flore candïcanic, Bauh. Pin.
J A S
Fleur ; calice d'une feule pièce ,
dans lequel s'impl-aite le tube de
la fleur en forme de cloche décou-
pée en cinq parties égales à ion
fommet ; on voit au milieu cinq
étamines &: un piftil. La fleur eft
d'un blanc légèrement violet , plus
foncé dans le centre , &; repréfen-
tant une efpèce d'étoile.
Fruic ; baie charnue, de couleur
jaune , renfermant des fem.ences eu
forme de rein.
Feuilles ; adhérentes aux tiges ,
fimples très-entières, alfez épailfes &
roides en forme de coinj celles des"
tiges plus grandes que celles des r<a-
meaux \ celles des rameaux inégales ,
grouppées au nombre de deux à
c]uacre.
Port; arbriffeau nèî-rameux, ar-
mé de longues épines à la bafe de
chaque rameac.x \ il peut s'élever à
la hauteur de dix pieds. Des ailfelies
des feuilles fortent les fleurs , ordi-
nairement feules, quelquefois deux
à deux i il fleurit au printemps &
en automne.
Lieu; l'Efpagne , l'Italie, nos pro-
vinces méridionales.
Cet arbriffeau n'exige aucune cul-
turejilell: précieux pour les pro\'inces
où l'aubépiujle prunelier réuflîflènc
peu. On feroit avec ce jafminoide
des haies impénétrables, fi on prenoit
la peine de les tondre ou de les
tailler. Ses épines longues & roides
fervent à fiire fécher les figues au
folcil ; fes fe;.i!les fe développent
dès q:i'il ne gèle plus , fe fèchent
& tombent pendant les fécherelTes
de l'été : il en repouffe de nouvelles
en automne. Cet arbre mérite peu
d'être cultivé dans nos provinces du
noidj il y périroit par le froid.
J A s
Jasminoide de Barbarie ou de
Chine. Lycium Barbarum. Lin. U
diffère du précédent par fes fleurs
plus gr.indes, purpurines j par fes cta-
mines très-faillantes; par fes feuilles,
plus grandes , ovales , oblongues ;
celles des rameaux ont à leur bafe
deux petites folioles : fes tiges font
très- flexibles , furchargées de petits
rameaux d'un Joli effet pendant la
fleur , à laquelle fuccède une baie
d'un rou^e oranger & éclatant.
On doit foutenir &■ treillager les
tiges & les rameaux qui font chaqtia
année des pouffes vigoureufes & quel-
quefois furprenantes par leur lon-
gueur ; fans cette précaution elles
rampent fur terre, & prcfentent un
grouppe informe. Cet arbufte réfifte
aux grands froids , & il n'exige abfo-
lament aucune culture j cependant li
on le travaille au pied, s'il efi: fumé
& arrofé dans le befoin j on eft sur
de lui taire tapiffer & couvtir, en
moins de trois ans, un mur de huit
à dix pieds d'élévation. Dans les pro-
vinces du midi, les charmilles , les
faux , ou fayards, ou hêtres, réufùffent
très mal \ on peut les fuppléer par ce
jafminoi'de, & jouir bien prompte-
ment. Comme le rofeau des jardins
eft très-commun dans ces provinces ,
on s'en fert pour faire les treillages
contre les nnus. Des doux <Sc du hl
de fer fufSfent pour fixer les tiges.
Lorfque les feuilles font tombées ,
c'eft le moment de tondre la palif-
fade ; on la tond une féconde fuis au
printemps, après la chute des feuilles.
Des rameaux farvienncnt,s"élancent,
retombent de toutes parts, & flcu-
rident de nouveau en août , fep-
tembre & oétobre; comme les fleurs
font multipliées à l'infini, elles de-
viennent une reffource précieafe pour
J A V
91
les abeilles qui accourrent de toute
part. De femblables paliffades font
grand plaifir dans ftn pays où li
verdure en maffe eft fi rare.
On multiplie cet arbriffeau par
couchées, par boutures fimples, ou
avec les drageons qu'il pouffe de
toute part.
JA'VART, MÉDECINE vétéri-
NA!?vE. Le javart en général n'efi:
autre chofe qu'un petit bourbillon ,
ou une portion de peau qui tombe
en gangrène , & qui fe détache eu
produifant une légère férofitc.
Dans le cheval , on a donné .au'
javart dilïcrens noms , relativement à
fa fuuation; on l'a appelle javart ten-
dineux , lorfqa'il étoit litué fur le
tendon j javart encorné , quand il
occupoit la couronne près du fabot;
mais cette dénomination n'étant pas
fuflSfmte , nous le diftinguerons ,
d'après M. Lafoffe , à raifon des
parties qu'il attaque , en javart hmple ,
en javart nerveux, en javart encorné
proprement dit,&: en javart encorné
improprement dit.
Les principes qui donnent naif-
fance à ces différentes efpèces de
javart , font les contufions , les meur-
niffures , les atteintes négligées, l'â-
creté des boues , la cralîe accumulée,
i'épailîiffement & l'acrimonie de l'in-
fenlîble tranfpiration & d'auttes hu-
meurs, de.
Le javart auquel le boeuf & le
mouton fe trouvent quelquefois ex-
pofés, s'appelle fourcher : n<ius n'en
parlerons feulement qu'après avoir
donné la defcripticn des fignes & du
traitement de chaque eipèce de javart
en particulier que l'on obferve dans
le cheval.
M 1
Cjl
J A V
Du javiirc Jimpk. Cq.\\\~cï u'eft
accompagné d'aucun danger, il at-
taque feulen->eBC la peau & une par-
tie du tilfii cellulaire du paturon,
plus communément aux pieds de der-
rière qu'à ceux du devant. Cette ef-
pcce de javart eft quelquefois 11 peu
apparente , qu'en ne s'en apperçoit
que parce que le cheval boite , &z
qu'en touchant le paturon, on fent
une tumeur plus ou moins dure &
douloureufe,d'oLi fuinte une matière
d'une odeur fœcide.
Faire détacher le bourbillon , fa-
ciliter la fuppuration, voili les in-
dications curatives que cette efpèce
de javart offre à l'article vétéri-
naire.
Après avoir donc reconnu que les
tégumens du paturon font les feules
parties affectées, coupez- en les poils,
■&: appliquez fur la rumeur un cata-
plafme de mie de pain & de lait.
Lecataplafme lait avec le levain , les
gculTes d'ail «Se le vinaigre, recom-
mandé par M. de Soleyfel , m'a
rcufli plufieurs fois; continuez -le
jufqu'à ce que l'abcès s'ouvre, & que
le bourbillon foit forti , enfuite panfez
la plaie avec l'onguent bafilicum , &
terminez la cure en employant l'on-
guent égyptiac. On doit bien com-
prendre que il l'ouverrure de l'abcès
eft trop petite , qu'il elt important
de la dilater avec le biftouri , dans
la vue de fîire pénétrer mieux les
remèdes dans le fond de l'ulcère, de
faire fortir le bourbillon avec plus •
de facilité , & d'opérer une plus
prompte cicatrifation.
Du javarc nerveux. On donne ce
nom à celui qui attaque la gaine du
tendon. Cette efpèce de javart fixe
ordinairement fon (lège dans le pa-
turon , & reconnoît pour caufe la
J A V
matière du javart fimple, qui a fafc
ou pénétré juiqu'à la gaine du tendon.
Il eft aifé de s'en appercevoir, lorf-
qu'après la fortie du bourbillon il
fuinte de la plaie une férofité fa-
nieufe, tandis qu'il refte encore une
petite ouverture & un fond qu'on
découvre par le moyen de la fonde.
Avez-vous reconnu ce fond ? avez-
vous découvert la route que tiennent
les matières purulentes? introduifez-
y une fonde cannelée, fur laquelle
vous ferez ghifer le biftouri , faites
une incifion longitudinale, que vous
prolongerez jufqu'au foyer du mal,
en prenant garde de ne pas inté-
relTer les parties tendineufes : mettez
enfuite dans la cavité de l'ulcère âss
plumaceaux mollets, chargés de di-
geftif fimple, à moins que le tendon
ne foit léfé ; s'il eft affecté, fubf-
tituez des petits plumaceaux , im-
bibés d'onguent diseftif, animé avec
l'eau- de-vie ou la teinture d'alocs ,
pour accélérer la chute de la partie
iéfée; panfez enfuite le refte de l'ul-
cère avec le fimple digeftif, & ter-
minez la cure par l'application des
plumaceaux fecs.
La fiftule fe trouve quelquefois
en-dedans du paturon & vers la
fourchette; dans ce cas, faites une
incifion en tirant vers le milieu de
la fourchette : c'eft le vrai moyen de
ne pas toucher au cartilage latéral de
l'os du pied, dont la carie conftirue
le javart encorné improprement dit.
Du javart encorné proprement dit.
On l'appelle ainfi, parce qu'il établit
toujours fon fiège fur la couronne ,
ou au commencement du fabor.
Une atteinte négligée , un coup
que le cheval fe fera donné ou qu'il
aura reçu dans certe partie, en font
les principes ordinaires.
J A V
La contufion eft elle récente? ap-
pliquez-y un léger rcfolutif, tel que
la térébenthine de Venife. La fup-
puration ell-elle établie ? favorilcz-
la par l'application de l'onguent ba-
lîlicum. Appercevez- vous un bour-
billon ? faites-le luppurer, afin de le
faire détacher plus promprement.
Mais la contulîon paroîr elle fur la
pointe du raton ? le bourbilion tarde-
t-il à fê détacher ? après quatre ou
cinq jours de panlemenr, taitcs un
peu marcher 1 animal ^ il eft prouvé
par l'expérience de M. Latoile &
par la nôtre, que le mouvement fa-
cilite (Se favoriîe la fortie de la ma-
tière dont le féjaur pourroit léfer les
parties voifînes; le bourbillon étant
forti, paniez la plaie comme un ul-
cère (impie, jufqu'à parfaite guérifon.
Il arrive quelquefois qu'après la
fortie du bourbillon , la plaie tournit
une matière liquide ; & qu'on y dé-
couvre un fond au moyen delà fonde;
c'eft une preuve que la matière a
attaqué le cartilage placé fur la partie
latérale & fupérieure de l'os du pied,
d'où réfulte le javart encorné impro-
prement dit, dont nous allons parler.
Du javart encorné improprement
dit. Celui-ci eft une carie du carti-
lage dont nous avons déjà décrit la
Situation , avec un fuintement fa-
nieux , & un engorgement dans la
partie poftérieure du pied , à l'en-
droit même du cartilage; ce n'efldonc
plus un javart, puifque c'eft une ma-
ladie particulière du cartilage : mais
pour nous conformer à l'ufage reçu ,
nous avons cru devoir lui laifler ce
nom, en y ajoutant les deux mots,
improprement dit , pour le faire dif-
tinguer du véritable javart encorné,
dont le fiège eft fixé à la couronne ,
proche le fabot.
J A V 93
Ce mal reconnoîtponr caufes l'hu-
meur du javart encorné, la inanère
d'une bleime, d'une feime , d'une
atteinte , «Sec. , dont l'humeur aura
■fufé jufqu'au cartilage, &: qui l'aura
carié. ( ^'oye^ Carie. )
On eft affuré de la carie du carti-
lage par le fuintement continuel que
Ton obferve à cet endroir, par l'en-
i-Lire du pied, de par le fond qu'on
y lent avec la fonde.
Cette efpcce de javart eft un mal
fort grave & très-difficile à guérir j
on peut ajourer même qu'il eft in-
curable, fi l'on ignore la ftruclure
du pied. Pour le guérir, coupez en-
tièrement tout le cartilage; l'expé-
rience prouvant que ,lorfqu'ileft carié
feulement; dans un de fes ponus, il
eft peu-à-peu gagné par la carie dans
route fon étendue ; cette opération
demande donc un artifte habile Se
éclairé. Un maréchal de village, or-
dinairement dépourvu de notions
claires Se diftinéles fur la ftruéture
du p'ed, fans force, fans adrelTe ,
auroit donc tort de l'entreprendre.
L'extirpation faite , mettez fur la
plaie àes petits plumaceaux imbibés
dans la teinture de térébenthine ,
que vous contiendrez avec de larges
plumaceaux <Sc une bande qui les
comprimera doucement contre le
fond delaplaye? Y a-t-il hémorragie,
appliquez fur l'ouverture de l'artère,
de l'amadou ou de la poudre de ly-
coperdon, dont nous avons déjà parlé
à l'article Hémorrhagie. ( Voye^cQ
mot ) ou bien faites compreffion , &c.
Au bout de quatre ou cinq jours ,
levez l'appareil ; en attendant plus
tard, on s'expofe à faire naître des
ulcères finueux, qu'il eft eiïentiel de
dilater, pour donner illue à la ma-
tière. A chaque panfement , ne faites
94 J A V J A V
pas lever trop haut le pied de l'a- Se la corne; craignez alors la chute
nimal , crainte de rhemotihagic ; de la corne; évitez-la en faifant une
évitez de le hiire marcher; n'appli- controuverture, ou bien en ouvrant
quez les premiers jours, après avoir la corne avec la cornière du boutoir
levé le premier appareil, que des dans toute la longueur de l'abcès;
plumaceaux imbus de teinture d'aîocs enfuite appliquez fur route la plaie
ou de térébenthine, enfuite du di- des plumaceaux imbus de ceinture de
geftif animé avec plus ou moins térébenthine que vous renouvellerez
d'eiu de-vie; dilatez tous les hnus toutes les vingt-quatre heures; ré-
qui pourront fe former pendant le primez les chairs fcn2;i!eufes , molles
traitement, tenez la foie de corne & baveufes par l'ufage de l'onguent
toujours humeélée avec l'onguent de égyptiac; les chairs étant d'un bon
pied, nourriiFez l'animal avec peu caractère, maintenez-les dans leurs
de toin , beaucoup de paille & de fon juftes bornes par des plumaceaux
mouillé, faites-lui boire fouvent de foutenus par un bandage conve-
l'eau blanchie, & donnez -lui de nable. M. T.
remps-en-temps quelques lavemens
émoUiens. JAVELLE. JAVELLER. C'eft
Du fciurchet. NoiiS' avons dit, au mettre les bleds en poignées, & les
commencement de cet article, que lailfer couchés fur les filions , afin
le bœuf & le mouton étoient quel- que les grains féchent & jaunilTenr.
quetois fujets à une efpèce de javart, Trois ou quatre javelles forment la
appelle fourcheti gerbe. On dit que Vavoine a été ja-
Le pied de ces deux animaux , velUe , lorfqu'elle eft devenue noire
dont la conftruclion eft fi différente par l'eftet de la pluie,
de celle du cheval, n'eft aflecté que
du fourchet fimple & du fourchet JAUGE. JAUJ AGE. JAUGEUR.
encorné. La jauge eft une verge de bois ou
Le fourchet fimple n'eft accom- de fer, divifée en travers par pieds,
pagné d'aucun danger; mais le four- pouces &: lignes^ avec laquelle on
cher encorné , que l'on obferve entre prend la longueur & la largeur de
la dernière phalange du pied & la la futaille. Ji^::gcc;gc eft l'action de
corne, mérite un traitement parti- jauger les tonneaux, les futailles,
culier. Dilatez l'abcès formé par le ^ l'art de connoître combien ils
pus, jufqu'au commencement de la contiennent de fluides , Sec. Jau-
corne. L'ulcère ne pénétre- t-il que geur eft l'officier dont l'emploi eft
dans la partie poftérieure du pied , de jauger.
fans gagner la corne & l'os du pied Développer ici l'arr de jauger feroit
de l'un ou l'autre ongle? la feule di- trop long, il taudroir encore rapporter
latation de l'uîrère, avec l'application la méthode employée dans chaqua
de la teinture d'aîocs & le digeftif province, ce qui excéderoit les bor-
iimple, fiifiifent pour conduire l'ul- nés prefcrites à cqz ouvrage, & m'é-
cère à parfaite guérifon. Mais il n'en carteroit de mon but. Dailleurs, dans
eft pas de même lorfque l'ulcère a toutes les villes, dans tous les vil-
fait des progrès entre l'os du pied lages, îly a des tonneliers qui font
J A U
jaugenrs nu beroin. Si on tléfive ce
plus gt.indi renfeignemens à ce fiijet,
on peut confulter le Dictionnaire
cconoiniquedeOo.Tze/au mot Jauge,
les Mémoires de l'Académie des
Sciences, année 1716, pag. 74...
1741 , P'ig- 100... 1741 ,pag. 585.
JAUNISSE. C'eft un cpanchement
de bi'e fur toute l'habitude du corps,
qui change en jaune fa couleur na-
turelle.
Cette maladie fe reconnoît d'a-
bord au blanc des yeux, qui fe teint
infenfiblemenc en jaune; cette cou-
leur fe répand bientôt fur toute l'ha-
bitude du corps. Les urines que les
malades rendent font très -jaunes,
&: impriment au linge une couleur
fafFranée; les excrémens font au con-
traire pâles; le pouls eft foible , lent
& quelquefois fébrile; la peau eft fc-
che Se âpre au toucher ; les malades
éprouvent une démangeaifon allez
Vive , qui reflemble parfaitement
bien à celle des piqûres d'épingles
fur le corps; ils ont la bouche amcre
ainfi que la falive; les alimens qu'ils
prennent acquièrent de l'amertume
dans la maftication ; quelquefois ce
goût eft fi piquant, qu'il leur femble
avaler de l'abfynthe , ou le fiel le
plus amer; les ol-jr.ts qu'ils regardent
leurs paroilfent jaunes, A tous ces
fymptômes fe joignent le dégoût,
<ies rapports , une fombre triftefte
qui participe de la mélancolie , une
douleur mordicanre au creux de l'cf-
tomac , une difficulté de refpirer ,
une tendon aux hypocondres , une
preffion & une péfanteur à la région
du foie.
Elle dégénère quelquefois en iftère
noir , Cl la bile qui en eft la princi-
pale caufe, contraéte une efpcce de
J A U 95
purridué acide. Les mcmcs fymptô-
mes le caraétérifeat ; la feule diffé-
rence eft dans la couleur du malade,
qui tire fur le bleu , le veraâtre ,
le livide, l'obfcur ou le plombé; la
conjonctive des yeux eft d'un jaune
plus foncé ; fc les urines ont la
couleur de caffé brûlé.
La jauniiïe reconnoît une infinité
ds caufes ; elle dépend le plus fou-
vent de l'obftrudion du foie, d'un
engorgement de la bile dans fes
propres couloirs. Les ouvertures des
cadavres des perfonnes mortes de
cette maladie ont toujours démontré
des vices dans le foie.
Elle eft quelquefois produite par
des pierres trouvées dans la propre
fubrtance de ce vifcère ; elle vient
aulli fouvent à la fuite des fatigues
exceflives , d'un travail forcé , d'une
longue expofition aux ardeurs du
foleil.
Une vie trop molle d<. oifive, les
paftions vives, un régime dévie trop
échauffant, l'ufige des liqueurs Se
des vins qui n'ont point fermenté ,
les alimens de haut goût , l'inHatn-
mation du foie, une méiancolie très-
longue, un amour malheureux, dés
dcfirs effrénés & rendus vains, font
autant de caufes éloignées qui pcu-
vent déterminer la jauniile.
Elle paroît quelquefois à la fuite
de quelque maladie aiguë ^ & des
fièvres intermittentes trop tôt arrê-
tées , (^ conféqucmment mal guéries,
fur- tout lorfqu'ons'eft liâtéde donner
du quinquina &: des aftringcnts. Elle
eft alors très-opiniâtte, & cède diffici-
lement aux remèdes qu'on luioppofe.
I! n'eft pas rare de la voir dégénérer
en hydropifie.
La fuppreftion des règles, des hé-
morrhoïdes , d'un cautère ; la ré-
9^
J A U
perculîîon des erruptions cutanées ,
comme les darrres , la gale , peu-
vent encore lui donner naifFance.
La j^iunilfe , qui paroîc avant le
feptième jour d'une maladie ai^ue ,
eft tpujours fymptomatique; celle qui
vient beaucoup plus tard, & qui ter-
mine la maladie eft toujours critique.
La- dureté de l'hypocondre droit
eft toujours d'un mauvais augure dans
la jaunilfej la démangeaifon qui fur-
vient à la peau eft un bon ligne, &
annonce toujours la guérifon pro-
chaine du malade, fur -tout fi les
urines font chargées, épailfes, & dé-
pofent un fédiment. La jaunille ne
doit pas être regardée comme une
maladie dangereuse j il eft rare,lorI-
.qu'elle eftlimple, d'y voirluccombcr
les malades : lorfqu'il va du danger,
il eft toujours prodiùt par des caufes
accidentelles & particulières qui ont
déterminé la jaunille.
Refondre les obftruétions du foie,
.évacuer la bile furabondante , & for-
tifier la conftitution énetvée par le
vice de la bile, font les feules indi-
cations curatives que l'on doit fe pio-
pofer dans cette maladie.
On parviendra à fondre & à ré-
foudre les embarras du foie, en don-
ixant des apéritifs & des réfolutits
propres à l'organe affecté j mais il
faut plutôt faire précéder les émol-
liens & les bains. Ce n'eft que dans
la détente qu'on donnera les fondans.
Le favon eft un remède très-efiicace 5
la gomme ammoniac, diffoute dans
l'oximel, a très-bien réullij mais je
ne connois pas de meilleur remède,
dont les eftets foient plus falutaires
& plus prompts , que le fuc des
plantes chicoracées, de pifTenlit, &
autres plantes laclelcentes qui font
4e vrais favons naturels. Quand leur
J A U
action eft trop lente, on y combine
le fel de glauber à la dofe d'une
drachme pour chaque verre, Ik de
dix grains de terre foliée de tartre.
L'intufion des feuilles de chélidoine
dans du vin blanc fec , le petit-lait,
bien clarifié & mêlé au fuc de quelque
cloporte , méritent les plus grands
éloges. Les eaux minérales, galeufes,
aiguifées avec le fel de glauber, font
fouveraiives dans leur effet contre
l'iclière chaud j mais on ne doit pas
trop fe preffer de faire ufage des apé-
ritifs iSc des fondans, en caufant une
fonte trop précipitée des humeuts,
ils peuvent occafionner les accidens
les plus graves.
L'émctique doit être donné de
très-bonne heure, pour enlever les
matières muqueufes & glutineufes
qui obftruent les conduits biliaires.
On doit même le répéter, s'il a déjà
produit de bons effets.
On doit s'en abftenir lorfqu'il y
a conftriclion fpafmodique & éré-
tifme dans les canaux biliaires, quoi-
qu'il femble indiqué par les naufées
& le défit des malades; il porteroic
à l'excès la crifpation &c l'inflam-
mation.
Il eft encore contr'indiqué par la
préfence des pierres dans la véficule
du. fiel, parce qu'il pourrci: les faire
paffer dans le conduit choledocque,
par les diverfes fecouffes qu'il pro-
cure.
Les purgatifs ne doivent jamais
être donnés dans le principe, ils fe-
roient dangereux, & augmenteroient
l'inflammation ; il faut attendre que
la bile ait acquis une certaine flui-
dité ; ils doivent être pris dans la
claffe des minorants. On pourra pur-
ger les malades avec le tamarin, le
fel policrefte de Glafer, la crème de
tartre
J A U J A U 97
taitre & la rlnibavbe ; celle-ci pour- le torrent de la circulation , & de
roit ctre nuifible, fi elle ccoit donnée pafler en partie par les vaiffeaux
feule; mais, en la combinant avec exhalans qui fe terminent à la fur-
ie nitre & le fel de Glauber , elle face extérieure des tégumens , & en
ne peut qu'être très-utile, en hvoii- partie par les autres conduits excré-
fant une plus grande évacuation de toires.
bile. Nous diftinguons trois efpcces
On appliquera fur la région du foie, de jaunifle; nous allons les décrire,
des emplâtres réfolutifs , tels que Première efpèce. Jaunille avec cha-
celui de fa von camphré & -celui de leur.
ciguë; on y fera quelques fridions Elle fe manifefte par les fignes
fèches, ou bien avec l'huile de rhue fuivans. L'animal eft pefant , trifte,
ou de camomille. accablé; la chaleur de la fuperhcie
U eft encore très-avanrageux de du corps eft confidérable, les veines
faire brolfer la peau des malades , qu'on apperçoit fur les tégumens , Se
afin de déterminer une tranfpiration principalement fur la cornée opaque ,
plus abondante. Les martiaux , le quin- font gonflées, la langue eft trcs-chauoe,
«juina, l'extrair de gentiane, propres à l'animal témoigne beaucoup de défit
fortifier la conftitution énervée , font de boire frais dans les premiers jours
aulTi dangereux quand ils font donnés de la maladie, enfuite la fièvre aug-
trop tôt, fur-tout quand il y a fur- mente, l'appétit diminue , la ref-
abondance de bile. La perite cen- piration eft plus laborieufe, les oreilles
taurée produit de bons effets dans deviennent froides , le poil fe hé-
l'iétère , lorfque l'obftruclion com- rifie, la conjonélive, la commilTure
mence à fe réfoudre. M. Ami. des lèvres prennent une couleur
jaune, les urines fe colorent & font
Jaunissk. Médecine vétérinaire, plus ou moins troubles , en tirant
Si, dans un animal quelconque, la ordinairement fur le brun obfcur, &
langue, les lèvres, l'intérieur des les excrémens font plus fouvent durs ,
nafeaux, & principalement la cou- fecs &: noirs, que fluides & de cou-
jonétivepréfententunecouleur jaune, leur jaune.
fi les urines dépofent un fédiment Les principes les plus frcquens de
jaunâtre, les fonétions Aqs organes la jaunitTe avec chaleur, font l'eau
de la digeftion font dérangées, en un impure & marécageufe , la longue
mot, fi l'animal rend ordinairement expcfition aux ardeurs du foleil , le
par l'anus des excrémens jaunes & paflage fubit d'un air chaud dans une
fluides , quelquefois durs Se fecs , atmofphère froide , un bain pris
nous difons qu'il eft atteint de l'ic- lorfque l'animal eft couvert de fueur,
tère ou de la j-umllfe. tnhw l'ufage immodéré des plantes
Cecce maladie arrive toutes les acres & trop nutritives, &c.
fois que la bile, préparée dans le Le bœuf & le moutcMi font plus
toie, & reçue par les conduits bili- fujets à cette efpèce de jauniffe que
ftres , au lieu de palier continuel- le cheval & l'âne ; le bouc & le
lement de ce vifcère dans les petits cochon échappent rarement à cette
inreftins, eft obligée de rentrer dans maladie, s'ils font foibles & âgés;
Tome FI. N
çS
J A U
mais s'ils font jeunes , & le mal
récent , on peut compter fur une
parfaite guérifon par l'ufage des re-
mècles que nous allons indiquer.
Dès l'apparition des premiers
fympccmes, tels que la perte d'ap-
pccit , la chaleur , la couleur jaune
de la conjondive, & la difficulté de
refpirer, faignez l'animal à la veine
jugulaire j ik. réitérez la faignée félon
la plénitude des vaiffeaux , l'âge ,
J'efpèce du fujet, & la conftitution
de l'air; donnez quelques lavemens
compofés de décodrion d'orge & de
fel de nitre -, adminiftrez des breu-
vages de petit lait, de l'infufion des
ftuilles d'aigremoine aiguifée avec
du nitre ou du vinaigre; mettez l'a-
nimal dans une écurie fèclie & bien
aérée, &: donnez lui pour nourriture
du fon liumeéléavec de l'eau nitrce,
quant au bœuf & au cheval, (?c de
fel marin pour le mouton. Si, cinq
à fix jours après ce traitement , la
couleur jaune de la conjonctive fe
foutient, fi l'appétit ne revient pas,
fi les excrémens deviennent jaunes &
fluides , fi la chaleur des régumicns
& celle de la langue difparoiifenr ,
adminiftrez les remèdes que nous
allons prefcrire dans la jaunifle de
l'efpèce fuivante.
Deuxième efpèce. JaunilFe froide.
Celle-ci s'annonce par la diminu-
tion des forces , la triftelfe de l'a-
nimal , la perte de l'appétit, la cou-
leur jaune des yeux , les vailleaux de
l'œil variqueux, la langue jaunâtre,
la difficulté de refpirer , la contrac-
tion plus ou moins forte des mufcles
du bas ventre , la froidure des tégu-
mens, la petiteiïe desvaifleaux fuper-
ficiels, la fluidité & la couleur jaune
des matières fécales, la répugnance
de la boiiïon , & les battemens de
J A U
l'artère maxillaire plus petits que
dans l'état naturel.
Le bœuf, &c encore plus le mou-
ton, font plus expofés à cette efpèce
de jauniffe que les autres animaux.
Nous rangeons parmi les caufes
les plus connues de la jaunifle froide,
le pafl^age fubit du chaud au froid,
les bains, la pluie après une courfe
violente, la fuppreflion de la tranf-
piration, ou une fueur tout-à-coup
arrêtée, une diarrhée fufpendue par
l'ufage des remèdes aftringens , les
eaux impures & ftagnantes pour
boifTon , les pâturages marécageux ,
la boilIon trop copieufe , fur - tout
chez le mouton , le long féjour dans
les écuries humides & mal difpofées,
ôc les concrétions pierreufes dans le
foie.
Loin de prefcrire ici la même mé-
thode de la jauniiTè avec chaleur,
nous recommandons au contraire
l'ufage du fuc exprimé des feuilles
de chclidoine, incorporé avec parties
égales de miel , le favon incorporé
avec fiiffifanre quantité d'extrait de
genièvre , de ciguë , à la dofe de
demi-drachme pour le cheval , dé-
layé dans une décoction de pariétaire,
ou de garance, ou d'afperges , con-
tinués pendant neuf à dix jours, fans
oublier les lavemens indiqués dans
la jaunifle précédente.
Troifième efpèce. Jaunifle par les
vers.
Le foie du cheval, du bœuf, du
mouton, contient des vers dont la
figure & la grandeur varient félon
l'efpèce de l'individu. Leur multipli-
cation efl: fouvent fi dangereufe, que
la fécrétion de la bile fe trouvant
dérangée, fon tranfport dans les vaif-
feaux bilifères efl: gêné , de - là le
reflux de cette humeur dans le ter-
J A U ■
rent de la ciLculanon , & la jau-
ni iTe.
On doit bien comprendre que
cette efpèce de jaunille n'étant qu'ac-
cidentelle, on ne peut parvenir à la
faire celFer^fic à rétablir l'animal ^
qu'en ôtant ou détruifant les vers
par les remèdes appropriés. ( /'oyf^
l'arcicle Ver s, maladies vermineufes)
où nous nous propofons de traiter au
long des efpèces des vers qui affec-
tent les animaux , de ce qui les pro-
duit , de leurs défordres , des difté-
rentes maladies qu'ils occafionnenr ,
& de la préparation de l'huile em-
pyreumatique pour les détruire. M. T.
Jaunisse. ( Maladies des plantes
& des arbres). Elle eft quelquefois
fubite , & plus fouvent elle le pré-
pare de loin.
La jaunilfe fubite ell: plus fré-
quente dans le printemps, que dans
le refte de l'année. Elle tient .1 un
paiïage trop prompt duchaud au froid ,
& par conféquent à une fupprefilon
ou diminution de tranfpiration. La
fève regorge dans toutes les parties
fupérieures de l'arbre , redefcend avec
peine & lenteur vers les racines ,
&c refte confondue avec la matière
excrétoire de cet engorgement <Sc de
ce mélange; la fève le détériore ;
&: Il la chaleur ne rétablit prompte-
ment le cours de l'excrétion , en un
mot, C\ la fève tarde à fiiivre fa route
naturelle, le mal-êtiv devient géné-
ral dans toutes les parties de la plante.
Le parenchyme des feuilles eft vicié ,
&c de vert qu'il étoit auparavant, il
palTe à la couleur jaune , plus ou
moins claire , fuivant le degré de
fon altération.
La greffe trop enterrée , & fur-
rou: dans les fols naturellement çras
J A U 99
& humides, eft une des caufes de
la jaunilfe lente.
L'arbre furchargé de lichen & de
moulfe eft fujet à cette maladie.
Si l'amandier, par exemple, a (as
racines chargées de nodus, d'exofto-
fes , la jaunifte fait de grands pro-
grès &: fait périr l'arbre , fi avant
l'hiver on n'a pas le foin de fouil-
ler tout autour de fes racines , & de
fupprimer ces excroiftances contre
nature qui vicient la fève du mo-
ment qu'elle s'introduit dans la
plante.
On voit fouvent des arbres forts
&: vigoureux pendant plufieurs an-
nées depuis leurs plantations , com-
mencer à jaunir. Si on fouille juf-
qu'à la plus grande profondeur des
maîtrenfes racines , on trouvera 011
que leurs extrémités plongent dans
l'eau ftagnante , ou qu'elles ne peu-
vent pénétrer un tuf par couche, 011
enfin que les vers âw hanneton ( P'oye^
ce mot ) fe font acharnés à ronger
les maîtrelîes racines. Enfin fi l'arbre
eft trop vieux & tend à fa fin , il
n'eft pas furprenant que fes feuil-
les jauniftent & tombent avant le
temps.
Les arbres plantés dans des ter-
reins arides , fablonneux , & qu'on
ne peut arroler pendant les grandes
chaleurs , jauniffent. LTn mélange d'ar-
gille bien fèche , divifée en pouf-
licre , mêlée avec ces fables , leur
donnera du corps, parce qu'à la pre-
mière pluie elle fe mêlera avec eux ,
laillera moins évaporer Thumidiré
de la terre, & retiendra plus long-
temps l'humidité occafionnée par les
eaux pluviales. S'il n'eft pas facile de
fe procurer de l'argille , on la fup-
- pléera par une couche entre deux
terres , flûte avec des feuilles d'ar-
N 2.
^
BIBLiOTHECA
îoo J A U
brcs, &c fur -tout avec la bâie des
blés, orge , avoine iScc. Si on cft privé
de ces iecours , le dernier parti à
prendre , e(t de couvrir le pied de
l'arbre , à une circonférence de trois
à quatre pieds , avec des cailloux , des
pierres, qu'on enlèvera dès que les
grandes chaleurs ne feront plus à
redouter.
Si le fond du fol eO: trop humide
naturellement , c'eft un grand mal-
heur pour un jardin fruitier 5 le feul
remède eft d'ouvrir de grands folfés
d'écoulement dans la partie la plus
baffe du jardin , ou non loin des
arbres (Se à une profondeur au-deifous
de leurs racines dont on remplira le
fond avec des pierrailles & des cail-
loux.
Si l'arbre jaunit par vieillelTe, il
faut le fuppléer par un autre , & fi
la terre eft épuifée , changer iSc tranf-
porter l'ancienne , enfin remplir le
grand creu avec de la nouvelle. Les
gazonnées produifent de très- bons
effets.
L'arbre dont on a étronçonné ,
mutilé les racines avant de le plan-
ter , eft tiès-fujet à la jaunilfe, parce
qu'il ne peut plus produire que des
racines latérales , peu profondes , &c
par conféquent fujettes à éprouver
les effets de la féchereffe. Les pom-
miers & poiriers greffés fur coignaf-
fiers , font dans le même cas par la
même raifon.
Les jeunes arbres expofés au gros
midi contre un grand mur, éprou-
vent trop de chaleur dans leur tronc,
&c leurs feuilles jauniffent. Une plan-
che , une douve , dont on recouvrira
ie tronc, préviendra la maladie.
Lorfqu'on découvre les racinespour
connoître lacaufe du mal, produit foit
par ks inXedes , foit par la moifiiTure
JET
& noirceur des racines , &c. il fiiut
commencer par viiîttr celles d'un
côté , S< procéder ainfi de fuite ;
mais à chaque fouille remettre de
la terre neuve & bonne. LorfqueTon
trouve l'origine du mal , il faut tuer
les vers avec la ferpette , enlever les
parties mâchées , Si cerner jufqu'au
vif; enfin fupprimer jufqu'au vit les
racines chancies , noires, Sec. On
doit bien le donner de garde de dé-
couvrir toutes les racines à la fois.
Après ces opérations , on donne un
bouillon à l'arbre (/^oye^ ce mot),
afin de lui aider à réparer fes forces.
JET. C'efl la pouffe perpendicu-
laire d'un arbre pendant une année.
JETER. C'eft un mot fynonyme
de celui ejfj'aimer. [f'oye^ ce mot),
J EUNE. Faire JEUNER UN ar-
bre. Expreilion nouvelle, introduite
dans la pratique du jardinage par
M. l'abbé de Schabol. "V^oici comme
il s'explique : " C'eft une invention
nouvelle pour empêcher qu'un arbre
ne s'emporte tout d'un coté , tandis
que l'autre côté ne profite point , &
au contraire dépérit. On y remédie
en étant toute la nourriture & la
bonne terre au côté trop en embon-
point, mettant à la place de la terre
maigre ou du fable de ravine, pen-
dant qu'on fume & qu'on engraiffe
bien le côté rfiaigre : de plus , on
courbe un peu fortement toutes les
branches du côté trop gras , & on
laifle en liberté entière le côté mai-
gre. Voilà ce qu'on appelle faire
jeûner les arbres , & leur faire pra-
tiquer l'abftinence & la diète ; c'eft
ainfi que fans tourmenter les arbres
qui ne fe mettent pas à fruit , fans
J O N
en couper les racines, & les miiii-
1er en cent façons , fiiivan: l'ufage , on
parvient à leur faire porter du fruit ».
JONQUILLE. Tournefort la place
dans la première feilion de la neu-
vième claiie des liliacées, d'une feule
pièce; divifée en fix parties, & dont
le calice devient le fruit, & il l'ap-
pelle narc/ffi/s junci fo/ius luicus. Non
Linné la claire dans l'Hexandrie Mo-
nogynie, & la nomme narciJJ'us jun-
quilla.
Fleur ; phifîeurs & rarement une
feule , renfer)iiées dans le fpathe ou
feuille membraneule, qui fert de ca-
lice avant le développement \ la co-
rolle eft divifée en fix parties inlé-
rées fur la bafe du tube du nettaire,
qui eft d'une feule pièce cylindrique ;
les étamines au nombre de fix, dont
ordinairement trois plus longues &
trois plus courtes.
Fruit ; capfule longue, à trois cô-
tés, à trois loges , à trois valvulvcs ;
les femences nombreules , prefque
rondes.
Feuilles ; fimples , très-entières ;
partant de la racine, elles font en
forme d'alêne.
Racine; oignon étroit, allongé,
recouvert d'une pellicule brime.
Porc j du centre de l'oignon s'é-
lève une hampe ou rige , au fom-
met de laquelle les fleurs font por-
tées ; elles font d'une couleur jaune ,
qui a fixé la dénomination de cou-
leur jonquille.
Lieu ; originaire d'Efpagne , de
l'Orient : on la trouve encore dans
le bas Languedoc.
Culiure ; je ne connois que deux
efpèces jardinières , bien caradléri-
fées; la jonquille à fleur fimple &
À fleur double j les unes &: les au-
J O N loi
très à plus ou moins grandes fleurs.
Quelques fleuriftes mettent au nom-
bre des jonquilles des individus qui
appartienneiuà l'efpèce nommée nar-
ajie.
La terre légère & fubftantielle
convient à la jonquille j elle craint
l'humidité comme prelque routes les
plantes bulbeufes. L'oignon demande
à être enterré peu profondément ,
parce qu'il s'entonce beaucoup j &
alors il ne fleurit pas. La profondeur
de trois pouces eft plus que fuffi-
fante , & on fera bien d'incliner
l'oignon fur le côté , afin qu'il s'en-
fonce moins. 11 eft inutile & très-
inutile d'arrofer aptes la plantation ,
pourvu que la terre foit un peu hu-
mide. Dans tous les pays quelcon-
ques , l'époque à laquelle on doit
planter eft indiquée par l'oignon
lui-même. On peut différer jufqu'à
ce que fon dard ou jer commence
à paroître au fommet de l'oignon.
Si on attend que ce jet ait une cer-
taine longueur , l'oignon fouftre. 11
fuffit de confidérer le lieu natal ,
pour voir que' cette plante ne craint
pas la chaleur; cependant elle la
craint dans nos provinces du nord ,
parce que fa première végétation eft
lente , retardée par la longueur des
hivers, & la chaleur la furprend trop
vire. Dans les pays chauds elle vé-
gète pendant Ihiver, & fleurit lorf-
que la chaleur eft au point qui lui
convient. On ne fait point aflez d'at-
tention aux différences manières d'ê-
tre des climats, & à l'époque natu-
relle de fleuraifon du pays natal.
Comme les feuilles de la jon-
quille reffemblent affez pour leur
forme & en petit à celles des joncs;
comme ces feuilles font peu nom-
breufes , & occupent peu d'efpace ;
lot J O U
enfin , comme l'oignon a peu de
largeur fur fa hauteur, on peut plan-
ter à trois pouces de diftance. Dans
les provinces du nord , il eft prudent
de couvrir la terre avec de la paille
pendant les grandes gelées.
On lève de terre l'oignon tous les
trois a quatre ans, & on en fépare
les cayeuxj ils doivent être confer-
vés dans un lieu fec &: bien acre j
places dans un endroit humide , la
iiioihirure s'en empare , & ils pour-
rilTent. L'oignon ne doit être déplanté
que lorfque les feuilles font fechces.
La jonquille hgure très-bien dans
les vafes j dans les cailles , & c'eft
fa véritable place j car en platte-
bande , en carreaux , l'effet eft trop
nud à l'œil.
Des fleuriftes prétendent que l'oi-
gnon Se les caycux doivent être re-
mis en terre aufli-tôt que leur fé-
paration eft faite , ou ne pas atten-
dre au-delà de huit jours, je réponds
d'après l'expérience que cette précau-
tion eft inutile , & qu'ils font dans
le cas d'attendre autant de temps
que les hyacinthes, les tulipes, ôcc.
pourvu qu'ils foient tenus dans un
lieu bien ùc.
Des jonquilles placées dans des
vafes peuvent fleurir deux fois. On
les plante à la fin de l'été, Se au
commencement de l'hiver on les
porte dans des ferres chaudes. Auftl-
tot après leur fleuraifon , ces mêmes
pots font mis en terre dans le jar-
din, & au remps ordintire il parcît
de nouvelles tiges j de nouvelle?
fleurs.
JOUBARBE. ( royc^ pi. III. )
Tournefort la place dans la fixième
feclion de la fixième clafte qui com-
prend les fleurs en rofe , dont le
J O U
piftil devient un fruit compofé de
plulîeurs capfales, & il l'appelle yè-
dum majus vulgarè. Von Linné la
nomme fcmper vivum tectorum , &C
la clafle dans la Dodécandrie Dodé-
caginie.
Fleur; ordinairement compofée
de douze pétales B ovales, pointus ,
velus , portant chacun une étamine.
Le piftil C eft compofé de douze à
quinze ovaires; il repofe fur le pla-
centa qui eft au centre du calice D,
dont le nombre des divifions égale
celui des pétales.
Fruic ; le piftil ne change point
de forme en miiriirant. Les ovaires
fe changent chacun en une capfule
E à une feule loge remplie de fe-
menées F.
Feuilles ; oblongues , charnues ,
fucculentes, convexes en dehors, ap-
platies en dedans, couvertes de poils
fur leurs bords , implanrées fur la
racine, rafl^mblées par leur bafe en
forme hémifphérique.
Racine A, petite, fibreufe.
Port ; la tige s'élève du centre
des feuilles , droite , rougeâtre , pleine
de moelle, revêtue de feuilles plus
étroires que celles des racines. Les
fleurs nailTent au fommet difpofées
en bouquet. Les tiges fèchent dès
que la lemence eft mûre.
Lieu j les vieux murs , les rochers.
La plante eft vivace , fleurit depuis
juillet jufqu'à la fin de fcptembre,
fuivant les climats.
Proprie'te's ; le fuc des fleurs a une
odeur légèrement nauiéabonde , &
une laveur un peu acre. La plante
eft aqueufe, raftaîchiflante (S: aftrin-
gente.
V/'^ge j le fuc exprimé des feuil-
les récentes , fe donne depuis une
ouce jufc|u'à quatre , leul ou mêlé avec
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J o u
parties égales d'eau dans les fièvres
intermittentes , qui n'ont point de
froid marqué.
Les feuilles dépouillées de la peau,
macérées dans l'eau, lont employées
dans les fièvres ardentes, & les inflam-
mations qui menacent degangrenne.
Pour les animaux , la dofe de ce fuc
eft de demi-livre.
Joubarbe des vignes. ( J'''oye-:i
ORPIN ).
JOUG. Pièce de bois traverfantpar
delTus la tête des bœufs, avec laquelle
ils font attelés pour tirer ou pour la-
bourer : on en trouve de tour faits
dans les foires & chez les marchands.
Il faut en ellayer trente & quarante
avant d'en trouver un exademenc
proportionné à la tête d'un bœuh Ne
vaudroit-il pas infiniment mieux taire
venir chez foi les conltruéteurs ? ils
prendroient leurs mefures fur l'ani-
mal même, & dès-lors il ne feroit
point gêné ou blelfé. Au lieu d'un
joug par paire, il faudroit en avoir
au moins deux &: même trois , afin
qu'en cas de rupture , les bœufs ne
reftaffent pas pendant plufieurs jours
de fuite dans l'écurie fans travailler.
L'orme , le frêne & le hêtre , bien fc es ,
font le meilleur bois pour en faire.
Celui de hêtre prend riiieux le poli,
mais il eft plus cafianc que les deux
premiers. On doit tenir dans un lieu
fec & à l'ombre ceux que l'on garde
en réferve ; les étendre fur le plan-
cher, &: non pas les placer perpen-
diculairement, parce que le bois tra-
vaille & f e déjette, fi l'atmofphère
eft long-temps humide.
JOURNAL DE TERRE. Efpace
de terrein qu'on peut labourer dans
J U C 103
un jour. Cette dénomination, ainfi
que celle de fecérée, d'ouvrd'e de vi-
gne ^ &c. ne préfente aucune idée
exaéte , puifque telle paire de bœufs ,
de chevaux ou de mules peuvent la-
bourer dans un jour un tiers plus de
terrein que telle autre paire. Le
grain de terre plus oci moins tenace,
fait encore varier le rravail, ainfi que
la circonftance de la faifon. Il arrive
de là que les mefures, quoique fous
la même dénomination, varient d'une
province à une autre , & fouvenc
de villasre à village dans la même
province. Quand verrons - nous en
France une feule loi , un feul poids
oc une feule mefure !
JUCHOIR A POULES. Endroit
où les poules palfent la nuit. C'eft
un alîemblage de traverfes qui fe
tiennent enfemble , mais alfez éloi-
gnées pour que les poules d'un rang
ne touchent pas celles du rang voi-
fin. II doir être placé dans un lieu
fec , expofé au midi , & fi on le
peut , près de l'endroit où le fouc
eft placé. Si le lieu eft humide Se
froid , les poules feront peu d'œufs
pendant l'hiver , fe mettront à cou-
ver très-tard j dès- lors on fera privé
des premiers petits poulets qui fe
vendent toujours bien ; les petits de
l'arrière - faifon réuflîflent mal , &
palTent difficilement l'hiver. La proxi-
mité du four répand une chaleur
douce & foutenue, qui fait le plus
grand bien aux petits & aux poules.
Si l'endroit eft trop chaud pendant
l'été , il convient alors d'ouvrir une
fenêrre au nord, & d'établir un cou-
rant d'air.
La perfonne chargée du foin des
poules doit de temps en temps , Sz
pendant la nuit , entrer dans le ju-
104 J U G
choir, faire forcir celles qui fe cou-
chent dans les paniiiers , & les for-
cer à rerourner fur le juchoir :. elles
les remplillent d'ordures, & les pou-
les abandonnent &: vont pondre leurs
œufs fouvent dans des lieux écar-
tés; alors ils font prefque toujours
perdus pour le maître.
Le juchoir pour les dindes pendant
l'été , eu ordinairement une vieille
roue de chatrette, implantée fur un
pied droit au milieu de la baiTe-
cour.
JUGEREE. Mefure de terre en
ufage chez les Romains ; elle dcfi-
gnoit, comme le mot journal , l'é-
tendue de terrein labourable dans un
jour par une charrue.
JUJUBE. JUJUBIER. ( F"c.j^j
pi. Illjpûge loz). Tournefortclafle
cet aibre dans la feptième feétion
de la vingt-unième clalfe des arbres
à fleur en rofe, dont le piftil de-
vient un fruit à noyau, Se il l'appelle
^l:iiphus. Von Linné le nomme rhii-
mus ^ii^iphus , Se le claiïe dans la
Pentandrie Alonoçynie.
Fleur ; en rofe , compofée de cinq
pétales très-petits, attachés par leur
bafe fur le bord du tube du calice,
de manière qu'ils font fort éloignés
de l'ovaire , comme on le voit en
A , où la fleur efl: repréfentce de
face. Les étamines au nombre de
cinq; le piftil au centre de la fleur;
B repréfente le calice vu en-delîous.
f^r-r/r
uic C; baie ovale, verte avant
fa matuiicé , d'un rouî^e orangé
lorfqu'elle eft mure. D la repréfente
coupée tranfverf.ilement , pour laif-
fcj: voir l'efpace qu'occupe le noyeau
E , lequel eft coupé en F , &: ren-
ferme l'amende G.
J U J
Feuilles j allées , à queues cour-
tes , portées fur une queue longue
ou pétiole commun ; elles font ova-
les, oblongues , limples , à trois ner-
vures principales , dentées en ma-
nières de fcie , luifautes , unies ,
d'un verd clair.
Port\ je ne fais pourquoi tous les
écrivains le placent parmi les grands
arbriffeaux ; fans doute que dans
nos provinces du nord il n'y excède
pas la grandeur ordinaire. 11 n'en
eft pas amfi dans celles du midi , où
l'on voit des troncs de douze à quinze
pouces de diamètre , s'élevér auflî
haut que les plus grands poiriers ,
«Se fe charger de branches aufl^ for-
tes. L'écorce de cet arbre eft rude ,
gercée; les jeunes branches pliantes,
"amies à leur infertion de deux ai-
guillons durs , piquans j prefque
égaux. Les fleurs très-petites , pref-
que blanches , nailfent des aifelles
des feuilles, foutenues par de courts
pédicules ; les feuilles font alterna-
tivement placées fur leur pétiole com-
mun.
Lieu ; nos provinces méridionales,
où il fleurit en mai & en juin. .
Propriétés ; le fruit eft nourrif-
fant , doux , agréable , quoiqu'un
peu fade. Il eft expeéloranr , adou-
ci ifant , légèrement diurétique. U eft
indiqué dans la toux eiïentielle, la
toux catharale , l'afthme convullîf,
dans les efpèces de maladies où il
faut aider & foutenir l'expectora-
tion, Se dans la colique néphréti-
que par des graviers.
Ufages ; le fruit defleché dans les
tifanes & apozèmes peéloraux.
Culture ; on le plante, dans les
provinces du midi , avec les arbres
fruitiers ordinaires. Il n'exige au-
cune culture patticulièiç. Sa végera-
tioii
J U L J U L 105
tion eft lente; mais comme fes ra- ingrcdiens, unis à une certaine quan-
meaux fegamillent d'un grand nom- tiré de firop quelconque; par exem-
bre de feuilles, on peut en couvrir pie d'une once fur fix onces d'eau,
des tonnelles , en s'y prenant de Je crois les juleps plus avantageux
bonne heure : ils n'auront pas dans la aux apothicaires qu'aux malades. Les
fuite befoin de foutien. juleps fe confervent peu; on doit
On ne s'amufe pas à le multi- les faire au moment de les donner,
plier par les noyaux; cette voie eft
trop lente : il vaut mieux déraciner Julep cordial. Mêlez une once
les jeunes pieds qui fortent de terre de firop d'écorce de citron avec les
au-tour du tronc. eaux diftillées de fcorfonère , de chi-
Si on eft curieux de fe procurer corée fauvage ^ de chardon béni &
cet arbre dans le nord , où le fruit de méliire , de chacun une once.
ne mûrira jamais bien, quelle que Ajoutez -y deux de canelle orgée.
foit la chaleur de l'année , il eft Les trois premières eaux n'ont pas
plus expéditif de tirer du midi de plus d'efficacité que l'eau de rivière.
jeunes pieds bien enracinés , & de Une infufion de canelle dans l'eau
les planter dans des vafes de gran- commune avec le firop , produiroit
deur convenable, qu'on renfermera le même effet, ainfi que de fimples
dans l'orangerie pendant l'hiver. Si infufions de plantes aromatiques,
on veut le multiplier par femenccs,
on prend des noyaux qu'on met dans Julep rafraîchissant. Sans ra-
des vafes remplis de terre douce, courir aux mélanges, un peu de vi-
& qu'on enfonce dans une couche, naigre étendu dans l'eau commune.
Si le noyeau a trempé dans l'eau pen- jufqu'à agréable acidité; la limo-
dant douze à vingt - quatre heures nade , le fuc de grofeilles , d'épine
avant de le femer , il germera plus vinette, avec un peu de firop ou du
facilement. Chaque année on acli- fucre.
mate peu-à-peu l'arbre ; enfin on
le plante en pleine rerre derrière un JULIENE ou Juliane des jar-
bon abri. Pendant les premières an- bins. Tournefort la place dans la
nées , on aura foin de garnir tout le quatrième feûion de la cinquième
tour du tronc avec du fumier de clafte des herbes à fleur en croix, dont
litière, & d'envelopper le tronc & le piftil devient une filique à deux
les branches avec de la paille, feu- loges féparées , & il l'appelle hef-
lement pendant les fortes gelées. péris hortcnjis. Von Linné la nomme
En plantant près & en inclinant hefperis matronalis , & la claiïe dans
les jeunes branches , on feroit des la Tétradynamie filiqueufe.
haies impénétrables avec cet arbre. F/car ; en croix, les pétales oblongs,
{yoye-^ le mot Haie). terminés par des onglets de la lon-
gueur du calice , dont les folioles
JULEP. Potion médicinale , faite font linéaires, excepte deux qui font
avec une eau diftillée, ou avec de renflés; les étamines au nombre de
l'eau commune , ou avec une dé- fix , dont quatre plus longues , &
codion légère de plantes & d'autres deux plus courtes.
Tome FI. O
loC. J U M
Fruit ; filique longue , canelée ,
fcparée.par une cloifon membraneiife
de la lengLieur des battans \ les fe-
mences ovales , aplaties , rouffes.
Feuilles ; ovales, en forme de
lance, à légères dentelures, avec de
courts pétioles.
Racine ^ petite, en forme de na-
vet , blanche.
Port; tiges de deux pieds de hau-
teur environ, rondes , velues j rem-
plies de moëles , droites, funples,
ou ramenfes. Les rameaux nailfent
des aifelles des feuilles. Les fleurs
naiiTenr au fommec des tiges , &
les feuilles font alternativement pla-
cées fur les tiges.
Lieu ; originaire d'Italie ; cultivé
dans nos jardins. La plante dure deux
ans.
Cette plante varie dans nos jar-
dins pour la couleur de fa fleur; fur
des pieds elle eft blanche, & vio-
lette fur d'autres. A force de foins ,
on eft parvenu .à la rendre double
& très-double. Elle produit alors un
très -bel effet dans les platte-bandes
d'un jardin d' dans des vafes. Ces
plantes n'exigent aucune culture par-
ticulière ; elles aiment la terre-meu-
ble & très-fabftancielle : on en fème
la graine après l'hiver.
JUMART. On trouve dans Car-
dan pluheurs particularités fur cet
animal , qui tiennent prefque toutes
de la fable. Nous nous bornerons
feiilement à dire que le jumart naît
toujours d'un accouplement entre les
races du bœuf & du cheval , c'efl-
à-dire , du taureau & de l'ânelfe,
ou bien de lâne & de la vache ;
qu'A n'a ni corne j ni on^le fendu ,
ni quatre efl:omacs ; que fa queue
eft plus grofle que celle de l'âne j
J U M
Se qu'on en exige le même travail.
Cet animal devant donc être re-
gardé comme un véritable âne, con-
fultez cet article J relativement aux
ufages auxquels il eft deftiné , à la
manière de le nourrir, &; à fes ma-
ladies. Il eft extrêmement fort. ( l^oy.
ANE ). M. T.
M. de Buffon nie la po/fibilitc
de l'exiftence de cet animal , à
caufe de la trop grande ligne de
démarcation qui fépare fes généra-
teurs , & il regarde le jumart comme
un être chimérique. On convient qu'il
n'eft pas comsnun , parce qu'on ne
s'occupe point aflez du foin de croifer
les efpèces. Cependant , malgré la dé-
cifion du Pline françois , on peut &
on doit erre très-perfuadé de l'exif-
tence des jumarts. Pendant très-long-
temps il en a exiftc un à Lyon, qui
trainoit la charrette dans toute la
ville, & , fi je ne me trompe, on en
voit encore un à l'école vétérinaire
d'Alforr.
Je fais & je conviens que l'autcr-
rite de M. de BufFon doit être d'un
grand poids 5 mais ce célèbre nam-
ralifte n'a pas été dans le cas de
tout voir J de tout examiner par lui-
même. Cependant, fi on doute en-
core de l'exiftence des jumarts , on
peutconfulter les lettres de M. Bour-
gelat , inférées page 54(î du tome
troifième des Conjidérations fur les
corps organifes , par le célèbre &
exa6t obfervateur M. Charles Bon-
net, de Genève. Dans la vallée de
Barcelonnette , les jumarts ne font
pas rares , & on les y appelle ju-
merre. Tous ces animaux ne font
pas égaux ; ils tiennent quelquefois
plus du bœuf que de l'âne, &ainfi
tour-à-tour. Cette diverfité dans la
conformation , a été l'origine de l'ef-
J U M
pèce de contradidtion qu'on rencon-
tre dans les defcripcions de cet ani-
ma!.
JUMENT. ( Voyci Chhval.
JUSQUIAME ou Haneb.ane po-
telée. ( Voyc\pl. lit j pas,c loi ).
Tourneforc la range dans la première
feâion de la première clafTe des her-
bes à fleur en entonnoir, donc le
piftil devient le fruir, & il l'appelle
hyofcïamus vulgarls vel nigcr. Von
Linné la nomme hyofciamus niger ,
& la clalfe dans la Pencendrie Mo-
no^ynie.
Fleur ; d'une feule pièce en forme
de tube B , évafc 8c divifé en cinq
fegmens obtus. Dans la figure C elle
eft reprcfentée ouverte , & laifTe voir
les cinq ctamines donc elle elt pour-
vue. Le piftil eft placé au fond du
calice D à cinq fegmens ovales &
pointus.
Fruit E ; il refte caché au fond du
calice : c'eft une capfule de la forme
d'un petit vafe couvert : elle eft par-
tagée en deux loges par une cloilon ,
comme on le voit dans la ht^ure F ,
où le couvercle eft repréfenté ren-
verfé. Cette capfule renferme des
femences G inégales , aplaties , ridées.
Feuilles ; amples , molles , coto-
neufes , découpées profondément fur
leurs bords, & elles embralfent la
tige par leur bafe.
Racine A; épailfe, ridée, en forme
de navet , brune en dehors, blanche
en dedans.
Port; tiges hautes d'une coudée,
branchues , épaiftes , cylindriques ,
couvertes d'un duvet épais : les fleurs
JUS 107
font entourées de feuilles j les feuil-
les placées alternativement fur les
tiges, & quelquefois fans ordre.
Lieu ; les endroits pierreux , le
long des chemins : la plante eft an-
nuelle, (Se fleurit en mai & en juin.
Propriétés ; toute la plante a une
odeur forte, défagréable , puante^
fa faveur eft naufcabonde & acre.
L'odeur des femences récentes eft
virulente , d'une faveur fade & nau-
féabonde. Toute la plante eft alTou-
pilfante, vénéneufe , anodine, réfo-
lutive.
L'extrait des feuilles pris à haute
dofe , caufe des anxiétés , des maux
de cœur , une efpèce d'ivrelTe , un
fommeil inquiet , le vomillement ,
& quelquefois des convulfions. . . .
A dofe médiocre , il rend la tète
lourde , le ventre libre, «.^ fouvenc
excire l'appétit , fans faire éprouver
de vives douleurs dans la région épi-
gaftrique. Il a réufli plufieurs fois dans
la folie (?c dans les maladies con-
vulfives. Les autres qualités qu'on
lui fuppofe , ne font pas bien conf-
tatées. Il faut beaucoup de prudence
pour prefcrire un tel remède \ on
donne l'extrait depuis un grain juf-
qu'à vingt , exaétement mêlé avec
trois parties de fucre. On regarde
fon fuc mêlé avec du lait comme
nn bon gargarifme contre les au-
gmes.
La feule infpeiftion d'une plante
en fleur , annonce en général fes
propriétés : on doit fe méfier de
toutes celles dont l'odeur eft naufca-
bonde, de celles donc la fleur a une
couleur mal prononcée , trifte 5c
brune.
O2;
IC^
K A L
KaLI. ( Foyei Soude. )
KERMES oa Graine d'écarlate.
Jiijl. Nût, Il ne faut pas confondre
le kermès de Provence & de Lan-
guedoc , avec la cochenille que l'on
ramalTe dans l'Amérique efpagnole
fur une efpèce de carcus ou figuier
d'Inde , qui s'élève en arbre. L'in-
fede dont il s'agit vit , s'accouple ,
pond & meurt fur le petit chêne-
vert. {Voyeicemoi). Le kermès eft
un gaile - injecie. { F'oyei ^^ rnot).
Je vais tirer ce qui fuit du Diclion-
«aire d'Hiftoire Naturelle de M. Val-
mont de Bomarre.
KeRM-ES aut ChERMES ,au[COC-
eus TIKCTORIUS ILICIS J eft la
plus renommée des galle - infectes
(d'Europe) 5 fa figure approche de
celle d'une boule dont on auroit
retranché un affez petit fegment. Cet
infecte vit fur les feuilles du périt
chêne vert , & fur fes bourgeons en-
core tendres. Les femelles font plus
aifées à trouver que les mâles : elles
reflemblent dans leur jeunefle à de
petits cloportes ; elles pompent leur
nourriture en enfonçant profondé-
ment leur trompe dans l'écorce des
bourgeons i alors elles courent avec
agilité. Lorfque l'infedre a acquis
toute fa croiflance, il paroît comme
une petite coque fphérique membra-
neufe, attachée contre le bourgeon j
c'eft-là qu'il doit fe nourrir , muer ,
pondre, & terminer enfuite fa vie.
Les habitans de Provence & de Lan-
guedoc ne font la récolte du kermès
que dans la fiifon convenable , Sc
K E R
ils confidèrent cet animal en trois
états difFérens d'accroilfement. Vers
le commencement du mois de mars,
ils difent que le ver couve , alors il
eft moins gros qu'un grain de mil-
1er.... Au mois d'avril , ils difent qu'il
commence à éclore , c'eft-à-dire que
lever a pris tout fon accroilTement...
Enfin , vers la fin de mai on trouve
fous le ventre de l'infeéte 1800 ou
2C00 petits grains ronds. Ce font
des oeufs qui , venant enfuite à
éclore , donnent autant d'animaux
femblables à celui dont ils font for-
tis. Ces Œufs font plus petits que la
graine de pavot ; ils font remplis d'une
liqueur d'un rouge pâle j vus au mi-
crofcope, ils femblent parfemés de
points brillans couleur d'or : il y en
a de blanchâtres & de rouges. Les
petits qui fortent des œufs blancs
font d'un blanc fale ; leur dos eft
plus écrafé que celui des autres : les
points qui brillent iur leur corps ,
font de couleur d'argent; les gens du
pays les appellent /a n:ère du kermès.
Les petits œufs étant fecoucs, il
en fort autant de petits animaux en-
tièrement femblables à l'infeifte qui
les produit. Ils fe difperfent fur le
chêne jufqu'au printemps fuivant; ils
fe fixent dans la divifion du tronc &
des rameaux pour faire leurs petits.
On doit obferver que lorfque le ker-
mès acquiert une grolfeur convena-
ble , alors la partie inférieure du
ventre s'élève & fe retire vers le dos,
en formant une cavité , & de cette
manière , il devient femblable à un
cloporte roulé. C'eft dans cet efpace
vuide qu'il dépofe fes œufs ; aprt^s
K E R
quoi il meurt & fe delTcche. Ce
cadavre informe ne conferve poinc,
comme la cochenille , l'extérieur ani-
mal : fes traits s'etiacent ^ difparoif-
fenr. On ne voit plus qu'une efpèce
de galle , trille berceau des petits œufs
qui doivent cclorre. A peine les œufs
font ils éclos, que les petits animaux
veulent fortir de delfous le cadavre de
leur mère, pour chercher leur nourri-
ture fur les feuilles du petit ciiêne , non
en les rongeant comme les chenilles,
mais en les fuçant avec leur trompe.
Le mâle du kermès reffemble dans
le commencement à la femelle ; mais
bientôt après s'êcre fixé comme elle,
il fe transforme delfous fa coque en
une nymphe qui , devenue infeéte
parfait, foulève la coque. i?c en fort
Je derrière le premier : alors c'eft une
petite mouche qui relîcmble en
quelque manière au couini j fon corps
eft couvert de deux grandes ailes
tranfparentes ; il faute brulquement
comme les puces , & cherche en
volant fes femelles immobiles, qui
l'attendent patiemment pour être
fécondées. Les a-t-il trouvées , il fe
promène plufieurs fois fur quelqu'une
d'elles , va de fa tète à fa queue ,
pour l'exciter; alors la femelle, hdelle
Se foumife au vœu de la nature ,
répond aux carelFes de fon mâle , (Se
l'aéle de fécondation a lieu.
La récolte du kermès eft plus ou
moins abondante félon que l'hiver a
été plus ou moms doux. On a re-
marqué que la n.-^.ture du fol con-
tribue beaucoup à la grofleur & à
la vivacité du kermès; celui qui vienr
fur des arbrideaux le long de la mer,
eft plus gros & d'une couleur plus
vive que les autres. Des femmes ar-
r.achent avec leurs ongles le kermès
avant le lever du foleil.Il faut veiller.
K £ R
109
dans ce temps de récolte, à deux
chofes; 1°. aux pigeons, parce qu'ils
aiment beaucoup le kermès, quoique
ce loir pour eux une alTez mauvaife
nourriture ; 1°. on doit arrofer de
vinaigre le kermès que l'on deftine
pour la teinture, &: le faire fécher ;
cette opération lui donne une couleur
rougeâtre ; fans cette précaution ,
l'inleéte, une fois métamorphofé en
mouche, s'envole & emporte la tein-
ture. Lorfqu'on a ôté la pulpe, ou
poudte rouge , on lave ces grains
dans du vin , on les fait fécher au
foleil, on les frotte dans un fac pour
les rendre luftrés, enfuite on les en-
terme dans des fachets 011 l'on a mis,
fuivant la quantité qu'en a produit
le grain, dix à douze livres de cette
poudre rouge par quintal. Les tein-
turiers acliettent plus ou moins le
kermès , félon que le grain produit
plus ou moins de cette poudre. La
première poudre qui paroît fort d'un
trou qui fe trouve du côré par oii le
grain renoir à l'arbre : ce qui paroît
s'attacher au grain vient d'un ani-
malcule qui vit fous cette enveloppe,
(Se qui l'a percée , quoique le trou
ne foit pas vifible. Les coques de
kermès font la matrice de cet infeéèe j
c'eft ce qu'on appelle graine d'écar-
latte , dont on tire une belle couleur
rouge, la plus eftimée autrefois, avant
qu'on fe fervît de la cochenille.
On connoît encore un kermès ap-
pelle de Pologne j & qui donne une
très-belle reinture rouge avec les pré-
parations précédentes. L'infeéte vit
fur les racines de la renouée ou irai-
iJûJJej poUgonum aviculure. Lin. Les
perfonnes propofées à cette récolte
font forr foigneufes d'examiner, veis
le folftice d'été , fi ces grains font
parvenus .à leur m.-ituritc, &: s'ils font
no K E R
pleins d'un fuc rouge 5 alors , avec
une efpèce de truelle , ils foulèvenc
la racine de la plante, cueillent les
grains , & mettent la planté dans le
même trou dont elles l'ont tirée. On
fépare enfuite toutes les impuretés
mêlées avec ces grains, pat le moyen
d'un crible dcftiné à cet ufage. Lorf-
qu'on voit que les vetmilFeaux font
piêts à fortir de ces grains, on arrofe
avec du vinaigre ou avec de Teau
très-froide jufqu'à ce qu'ils foient
morts; après cela on les fait fécher
dans une étuve ou au foleil , mais
lentement ; car i'i on les deflechoit
trop Se tfop Vite , ils psrdroient ce
beau pourpre qui fait tout leur prix.
Quelquefois les ouvriers tirent les
vermiiTeaux de la coque, ils les en-
talfent & en font une matfe. Cette
préparation exige encore beaucoup
de précaution , cnt (i on prelToit trop
ces vers , on en exprimeroit le fuc ,
qui en eft la partie la plus précieufe.
Les teinturiers font plus de cas de
cette malTe de vers entaffes , que des
coques en entier, auflî fe vend-t-elle
beaucoup plus cher.
Je fuis très - perfuadé que fi on
vouloir, en France, prendre la peine
de vifiter les racines des renouées ,
plantes fi communes fur nos grands
chemins &c fur le bord des champs ,
on y récolteroit tout autant de ker-
mès qu'en Pologne .... Celui qui vit
fut la vigne, ne donnetoit-il pas une
femblable couleur ? Ce fait mérite
d'être vérifié.
Kermès animal. Préparation
pharmaceutique j avec la fubftance ap-
pellée graine de kermès _, n'efl: autre
chofe que l'animal dont nous venons
de parle/... ces graines s'oppofent
quelquefois au vomillement par foi-
K E R
blefie... à la diarrhée par foibleiïe
d'eftomac & des inteftins, & à la
diarrhée féreufe ... à la dilfenterie ,
quand les forces vitales font abbatues,
lorfque l'inflammation & la douleur
font diminuées... à la difpofition
pouf l'avortement par foiblelfe des
parties contenantes... aux hémor-
rhagies internes qu'il eft efientiel de
fufpendre par degrés infenfibles. Le
firop de kermès eft indiqué dans les
mêmes maladies \ la dofe des graines
eft depuis qumze grains jufqu'à deux
drachmes, incorporées avec un firop,
ou délayées dans quatre onces d'eau. . .
lagraine concaiïee depuis une drachme
jufqu'à une once, en macération au
bain- marie dans cinq onces d'eau.
Le firop fe prefcrit depuis une once
jufqu'à trois , feul ou étendu dans
cinq onces d'eau.
On a. dit dans l'article précédent,
que les pigeons fe jetoient fur le
kermès j cette nourriture, très- mal
faine pour eux , communique une
teinte rouge à leurs excrémens; lorf-
qu'on s'en apperçoit, il faut mettre
dans le pigeonnier plufieurs pains
d'argille , imbibés d'eau nitrée , &
enfuite bien paîtrie.
Kermès minéral. Préparation
pharmaceutique. A petite dofe j il
excite desnaufées, purge légèrement
fins colique ni foibleffe confidérablej
il f-avorife l'expeéloration & la ré-
folution des maladies inflammatoires
de la poitrine, & il y eft employé
avec fuccès. On a fouvent obfeivé
qu'il aidoit à la détorfion & à la ci-
cattice de plufieurs efpèces d'ulcères
internes & externes , exempts de vices
fcrophuleux , fcotbatiques & véné-
riens. A dofe médiocre , il procure un
vomifiement très- rarement accom-
K I L
pagne de mauvais ertccs, excepté chez
les malades dont la poitrine eft dé-
licate ou difpofce à cracher du fang.
Après avoir fait vomir, il lailFe pour
l'ordinaire un mal-aife univerfel, une
anxiété qui ne tarde pas à fe difliper
il le fujet eft robufi:e....A haute
dofe , il produit de violens efforts
pour vomir , il purge confidérable-
ment, caufe un vomiirementexcelîit,
des maux de cœur, des coliques,
des convulfions , un froid prefque
général , 6z quelquefois la mort.
On le prefcrit comme altérant de-
puis un quart de grain jufqu'à un
grain , délayé dans un véhicule aqueux,
ou incorporé avec un firop j comme
vomitif, depuis deux grains jufqu 'à (îx.
KILOOGG ou KLIYOOGG. J'ai
fait coimoître la fociété utile des
Bousbots j & la juridiélion qu'ils
exercent en Franche- Comté; il eft
jufte que je paie ici le tribut de
louange dû au mérite de Jacques
GouYER, natif de Wermetfchv/el ,
dans la patoiffe d'Ufter en Suilfe ,
plus connu f-ous le nom de Kliyoogg ,
qui veut dire Petit-Jacques ^ que fous
fon nom propre. Pour le peindre en
deux mots , fa morale & fa conduite
lui ont mérité le nom de Socrate
RUSTIQUE. Je dois au zèle empreiïe
de M. le chevalier de Bourg, le précis
fuivant de fa vie Se de fes maximes,
& je ne crains pas de propofer ce
Socrate moderne pour modèle à tous
les cultivateurs : heureux fi je pcuvois
lui reffembler en tous les points.
Vie du Socrati.
Pour l'avantage de l'agriculture ,
l'on fe jette avec trop d'ardeur dans
les nouveautés , & avant d'avoir ap-
pris à bien connoîcre les méthodes
K I L m
anciennes \ les uns croient avoir at-
teint au but, lorfqu'ils ont fait cou-
noître aux cultivateurs , des plantes
& des graines d'une efpèce nou-
velle y d'autres , lorfqu'ils ont pro-
pofé des inftrumens de labourage
d'une invention récente, ou une autre
manière de labourer , îs;c. Je penfe
au contraire qu'il faudroit , avant
tout , commencer à connoître par-
faitement la nature du fonds j les
moyens mis en ufage pp.r les plus la-
borieux &: les plus induftrieux éco-
nomes du pays , & alors fans pré-
jugés lîv" fans entêtement pour la nou-
veauté, fe décider en faveur du pins
utile , &c. Enfin , il fcroit à délirer
de trouver un moyen d'exciter une
noble émulation parmi les habitans
de la campagne.
Ce feroit , félon moi , la voie la
plus facile pour ramener les beaux
jours de l'agricuitute : le génie le plus
borné peut fuivre l'exemple , fans
qu'aucun obftacle l'atrcte j tandis que
les difficultés fe préfentent en foule
lorfqu'il s'agit d'inventions nouvelles.
Les- uns croiroient en les adoptant ,
infulter à la mémoire de leurs an-
cêtres , en ne fuivant pas en tous
points leur exemple j d'autres con-
viendront que ces inventions peuvent
être bonnes pour certains pays , mais
ne conviennent pas du tout à la na-
ture du notre; d'autres enfin, objec-
teront que toutes ces méthodes ont
des avançâmes à certains égards ; mais
que leur fupérioriré , fur la méthode
ordinaire , tfl: fi équivoque , qu'on
peut les regarder au moins comme
inutiles.
Au lieu qu'en propofant la ma-
nière dont ces économes laborieux
cultivent leurs champs, chacun pourra
fe, convaincre de fon utilité par le
112 K I L
témoignage de fes propres fens. Au
refte , les inventions nouvelles , quel-
ques bonnes qu'elles foient , font tou-
jours lentes à produire de grands
effets , & pour y parvenir , il faut
de toute néceflité qu'elles aient tourné
en coutume.
Maximes.
Pour convaincre le payfan des avan-
tages qu'on lui propofe , pour le
faire renoncer à fes anciens préjugés ,
& changer la routine dont il a hérité
de fes pères , c'eft l'affaire du temps
&: de la perfuafion. Je ne puis m'em-
pêcher de citer le confeil donné par
Socrate dans Xénophon. » J'ai em-
» ployé, dit -il, une attention toute
M particulière, pour connoître à fond
M ceux qui palfoient pout les plus
n fages & les plus prudens dans chaque
» senre de profelîîon. Etonné de voir
»> parmi les gens qui s occupoient des
« mêmes chofes , que les uns reftoient
jî dans la mifère , tandis que les
« autres s'enrichilfoientconfidérable-
« ment, js trouvai cette obfervation
» digne des recherches les plus exaftes,
» & de l'examen le plus rigoureux.
n Les foins que je me donnai m'éclai-
3> rèrent fur la véritable caufe de
n cette différence j je vis que ceux
» qui travailloient fans réflexion , &
-* comme au jour la journée , ne de-
» voient s'en prendre qu'à eux de leur
» mifère ^ ceux au contraire qui , ap-
» puyés fut des principes ftables &
» réfléchis , & guidés par des vues
j> faines & déterminées , joignoient
j> dans leur travail , l'aflîduité à l'at-
» tention , & l'ordre à l'exa^bitude ,
» fe rendoient ce même travail plus
» facile, plus prompt, & infiniment
» plus profitable. Quiconque voudra
M aller .à l'école de ces derniers , aug-
K I L
» mentera fon bien , fans que rien
» puiife jamais le rebuter, & il amaf-
)) fera des tréfors , quand même une
» divinité ennemie fe déclareroic
» contre lui. » Ce qui vient d'êrre
dit , fert de préliminaire au précis de
la vie & des maximes du Socrate ruf-
tique , connu dans fa contrée fous
le nomdeKliyoogg.Cet homme rare,
ce vrai philofophe , doit toutes fes
connoiflances à fes réflexions. Sans
ambition , il n'a d'autre but que l'uti-
lité , aufli il prêche avec force de pa-
role & d'adion , ce qu'il croit être le
plus avantageux.
11 vit avec l'un de fes frères ; ces
deux familles ne forment qu'un feul
ménage. Kliyoogg a fix enfans , & fon
frère en a cinq. Leur fortune étoit des
plus médiocres , à caufe des liquida-
tions qu'il falloit faire , & les diffi-
cultés paroilfoient infurmontables.
Tant d'obftacles réunis , réveillèrenc
le zèle du célèbre cultivateur , & l'ani-
mèrent à redoubler d'ardeur & d'ap-
plication , afin de patvenir à les fur-
monter. Il fongea bien férieufemenc
à remettre fon héritage en valeur, Sc
fe porta gaiement , & fans délai, à
exécuter fes projets.
Notre Socrate ruftique obligé de
fpéculer fur tout , trouve d'abord que
fon cheval eft plus dommageable que
utile , aufll il eft déterminé .t s'en dé-
faire , & augmenter du produit de
cette vente le nombre de fes bœufs.
L'entretien d'un cheval eft , dit-il ,
très - difpendieux ; cet animal con-
fomme autant de foin qu'une vache,
& outte l'avoine qu'il lui faut de plus ,
nous devons compter au moins une
piftole par an , pour le ferrage. De
plus , le cheval diminue de prix en
vieilliffant , au lieu qu'un bœuf qui
vieillit , fe met à l'engrais , & fe
revend
K I L
revend encore avec quelque bénéfice.
Il a calculé qu'on pouvoir enrrerenii
deux bœufs avec ce qu'il en coûroir
pour un cheval , à quoi on peur en-
core ajourer que le fumier de cheval
n'efl pas à beaucoup près d'un auiïï
bon engrais pour les rerres , que le
fumier des bcces à corne. ( i )
Notre fage économe ne tienrqu'au-
tanr de beftiaux , qu'il peut en nourrir
largemenr pendant route l'année ,
avec le foin & l'herbe qu'il recueille j
fa paille eft ménagée avec le plus grand
foin, pour rout autre chofe que pour
la litière , qui efl: tellement prodiguée
dans fon étable , qu'on y enfonce juf-
qu'aux genoux.
Il a foin de ramaffer dans l'éten-
due de fes polfellions , routes les ma-
tières propres à la litière, relies que
des feuilles d'arbre, de la moulTe, des
feuilles de jonc, &c. Les branches les
plus minces, & les piquans des pins
Ôc des fapins, lui fournilTein fur-tout
une ample provilion de ces marières.
Voici fa mérhode par rapporr aux
fumiers j il lailfe toujours la même
lirière fous fes beftiaux pendant huit
jours, & chaque jour il en répand de
fraîche par-deOus, de forte que cette
litière fe trouve bien imbibée par les
excrémens, 5c elle a déjà acquis un
degré de fermentation avant d'être
tranfporrée fur le ras de fumier ; au
refte , cer ufage ne lui a pas paru mal-
fain pour fes beftiaux. ( i )
K I L
ÏÏ3
Quand à ce qui concerne l'adnil-
niftiation du fumier , voici comment
il s'y prend j il apporre la plus grande
attention à empêcher que fon fumier
ne fe defïéche pas, de crainte que la
fermentation ne vienne à fe fuppri-
mer rout-à-coup , ce qu'il prévient par
de fréquens arrofeniens j il a fait
creufer pour cet effet , fept grands
trous quartés &: àpoitée , dans lel'quels
il laide corrompre l'eau néceifaire à
les différentes opérations. Après avoic
couvert le fond de ces trous de fu-
mier de vache bien fermenté, de jeté
par-deiTus une affez grande quantité
d'eau bouillante , il achevé de les rem-
plir avec de l'eau fraîche fortant dii
puit.
Cer ufage lui procure d'excellens
fumiers, parfaitement corrompus dans
un très-court efpace de tems. Cette eau
ainh préparée , ne fert pas feulement
pour le fumier, Kliyoogg l'emploie en-
core à l'amélioration de fes terres Se
de fes prés ; mais il faut avoir l'eau
à portée , & du bois affez aifément
pour que la dépenfe ne foit pas ex-
ceflive.
Kliyoogg eft fî fort convaincu de
l'utilité de la chaleur pour opérer la
fermentation putride, qu'il croit que
tout tei rein , même le plus ftérile , eft
fufceptlble d'îrre fertdifé en y met-
tant le feu. il le fonde fur les mêmes
principes, pour conclure qu'une an-
née, dont l'été aura été fort chaud Sc
( I ) Note du Rédalieur. Cela dcpeiid de la qualitc du fol qu'on doit enricliir; le fumier
produit par les animaux ruminans , contient moins de parties falines que celui des non
ruminans. C Koyf^ les mots Engrais , Amendemens. )
(2) Il faut coiifidérer qu'il s'agit ici de la Suille , pays froid, & que la litière eft
très - cpailTe. Dans les p.iys plus chauds, dans les provinces méridionales, ce procédé
fcroit funefte; il vaut beaucoup mieux pour le fnraier , que fa fermentation mvî fois
ccramencce ne foit pas interrompue.
Tome VL P
114 K T L
bien lec, fera fuivie d'une abondante
récolte. ( i )
Ce font les engrais qui procurent
la «grande fertilité ; aiilli notre éco-
nome s'en procure de toutes manières :
il fe fert utilement de cendres de
tourbe. A fon grand regret , il n'a pu
trouver chez lui de marne j mais fon
indultrie lui a fait découvrir un ef-
pèce de f.ible ou menu gravier , qui
lui donne à peu-près le même engrais
que feroit la marne. Il rrouve encore
dans les gazons enlevés de delfus la
furface des pâtures ou jachères qui ont
pouiïe beaucoup d'herbe , une matière
très-propre , lorfqu'elle eft bien prépa-
rée , à fervir d'engrais. Cette prépa-
ration confifte à lailfer ces gazons pen-
dant deux ans en plein air , expofés
ainfi à fes influences & aux intem-
péries des faifons ; au bout de ce
temps- là ils font bien pourris, & ils
font très -propres à être rranfportés
avec fuccès , tant fur les prairies , que
fur les champs que l'on veut amender.
Jamais aucun préjugé ne lui a fait
rejeter de nouvelles ouvertutes \ il
les juge toutes dignes d'être appro-
fondies , Se témoigne fa reconnoif-
fance à ceux qui les lui commu-
niquent. Il penfe qu'en général ,
tout mélange de deux terres diffé-
rentes peut tenir lieu d'engrais , quand
même elles nedirt:creroient que parla
couleur. 11 croiroit donc avoiramendé
un champ lorfqu'il auroit pu y ttanf-
K I L
porter, fans beaucoup de frais, de la
terre d'un autre champ. C'cft ainfi ,
félon lui, qu'une terre légère eft amé-
liorée par une terre pefante; une terre
fabloneufe, par une terre-glaife; une
terre - glaife bleue , par une terre-
glaife rouge , &c. ( i )
C'eft dans ces différens moyens de
fe procurer des engrais, que norre ju-
dicieux laboureur fait confifter la bafe
fondamentale de l'açriculrure.
Un arpent de pré exige félon lui ,
pour être fuffifamment amendé , de
deiiX en deux ans , dix charois de fu=
mier, ou vingt tonneaux de cendres
de tourbe; il penfe que cette dernière
matière cil: le meilleur engrais pour
les prés que l'on peut arrofer. ( 3 )
Les arrofemens lui fourniffent une
féconde manière d'amender un pré,
qui n'eft pas moins avanrageufe , de
lorte qu'il fait très-peu de différence
d'un pré bien arrofé , à un pré bien
fumé , fur tout fi la qualité de l'eau
eft bonne pour cet objet.
Un grand principe de Kliyoogg eft
qu'il ne faut point fonger à aug-
menter le nombre de fes poiTeffions ,
avant d'avoir porté celles que l'on
poflede à leur plus haut degré de per-
fection : l'on en fenr ailément la
raifon; car, dit- il, fi un cultivateur
n'a pu encore parvenir à donner à fon
champ la meilleure culrure poflîble,
combien moins en viendr.i-t-il à bout
fi , augmentant l'étendue de fon do-
( I ) Je fuis fâché de n'ccre pas de l'avis de Socrate rnftic]\ie ; ( Voye^ ce oui a été dit
au mot EcOBUER & au met Dîfrichemint.) mais fa remarque fut la chaleur de l'été
eft tfès-bonne , fur-tout fi on n'a pas excité trop d'cvaporation des principes pat la
fréquence des labours. ( Voye^ ce mot. )
(1) En fait d'arçillc, la couleur importe peu; la bonification vient de ce que l'une
contient plus de fubftance calcaire que l'autre, & fur-tout de ce que la nouvelle, n'ayant
pas eu le temps de s'as^glutincr avec l'ancienne, elle en tient les molécules plus féparées.
(5) ( yoyc'i ce qui a été dit au mot Cendre. )
K I L
maiiie , il fe met dans le cas de par-
tager, & fou attention , & fes tra-
vaux ?
Nous finirons ce qui a rapport aux
prairies , par une circonftance qui peut
ruiner un pré j t'eft lorfque le plan-
tain y prend trop le delTus ; fes feuilles
larges o>; ferrées contre la terre , la
couvrent entièrement , & empêchent
les bonnes plantes de poulTer, ce qui
rend un pré tout-à-tait ftérile; le feul
remède à employer dans pareille cir-
conllance , c'eft de labourer cette prai-
rie, Se après lui avoir fait porter du
bled pendant quelques années, il £iu-
dra la remettre en pré.
Nous allons conlidérer à préfent la
manière dont notre judicieirx cultiva-
teur adminiftre fes terres à bled.
Les terres de fa communauté font,
fuivant l'ufage général , affolées en
tiers. Kliyooggdeftine toujours la pre-
mière foie pour le froment ou l'é-
pautre , ce dernier grain eft celui qu'il
préfère pour l'ordinaire. La féconde
foie eft enfemencée en feigle , ou
avoine , ou pois , ou fèves. La rroi-
fième foie refte en jachère ; les champs
clos font enfemencés toutes les an-
nées ^ mais en outre , il a grande at-
tention d'y variet les efpèces de grains.
Il fume ces champs deux fois en trois
ans, «Se leur donne des foins tout par-
ticuliers.
Il compte pour labourer un arpent,
la journée complettededeux hommes
& de quatre bœuft. ( i ) il donne ,
fuivant l'uTage ordinaire , trois labours
à la première foie. Le premier , au
piintems ; le fécond, d'abord après
la fenaifon j & le troifième , après la
K I L 1 1 5
récolte; II donne, autant qu'il lui eft
podible , deux labouts à la féconde
lole. Le premier , immédiatement
après la récolte; le fécond , immé-
diatement avant que d'enfemencer.
On doit fur-tout obfeiver de ne don-
ner que de légers labours dans les
terres légères , &: d'en donner au con-
traire de très-profonds dans les terres
pefantes & argilleufes.
Kliyooggaobfervéque pour fepro-
curer d'abondantes récoltes , il eft très-
eflentiel de varier fouvent les efpèces
de grains dans le même terrein ; auHî
marque-t'il le plus grand emprelFe-
nient lorfqu'on lui indique quelque
nouvelle efpèce de grains. Il eft tel-
lement convaincu de l'utilité de cette
méthode , qu'il trouve un avantage
fenfible lorfqu'il acheté feulement fa
femence à quatre lieues de diftance
de chez lui.
Un des engrais dont il fe fert avec
beaucoup de fuccès pour fertilifer fes
champs les plus ftériles , de manière
qu'ils portent d'abondantes récoltes
en bled, eft ce même fable ou petit
gravier dont j'ai parlé rapidement au
fujet des engrais pour les prés ; il
mêle ce petit gravier avec la rerre de
fes champs. Le gravier dont il fe fert
eftbleuàtre& marneux ; Kliyoogg le
prend le long de quelques coteaux
arides de fon voifinnge ; il a foin
d'en ôter les gros cailloux.
Voici encore unnouveau genre d'a-
méliorarion que notre Kliyoogg em-
pk'ie dans fes terres labourées. Ayant
obfervéque les filions deltinés à l'écou-
Itment des eaux enlevoient plufieurs
toifes de terrein qui devenoit par-là
( 1 ) Nom. Ce calcul (loir varier félon la qualité du terrein , & la facilité plus oa
moins grande que procure la l.;ifcn. ;
Pi
i\3 K I L
inutile , il avoic remarqué de pins
que le bled qui venoit fur les deux
côtés de ces lillons réuiîinoit allez
mal ; pour obvier à cet inconvénient,
il a changé fes filions ou fangfues ,
ou rigoles, en fofles couverts. 11 creufe
à cet effet , dans le lieu convenable,
& à la place de ces filions, un {oCCé
de deux pieds de profondeur qu'il rem-
plit de ca:iIoux jufqu'à moitié ; il
met par defTus des branches de fapin,
& achève enfin de remplir fun fo/Ié
avec la terre qu'il en avoir fortie , de
manière que tout fe laboure fans au-
cun inconvénient.
Les pâtures n'ont rien de parti-
culier j ce font de mauvailes terres
anciennement couvertes de bois ra-
bougris par la dent du bétail , lorf-
que les arbres faifoient leur première
poulfe j aulll ces friches font peu pro-
fitables au bérail , puifqu'elles ne pro-
duifent que quelques plantes de mille-
pertuis, de thithimale ou de fougère.
Je paiïerai à l'efpèce de culture
qu'il donne à fes bois. Son premier
objet eft la multiplication de fes fu-
miers , comme nous l'avons dit plus
haut j il nettoie très-exattement fes
bois & même fes arbres , ce qui fait
que tout le terrein eft couvert de
jeunes rejettons qu'il recueille exac-
tement pour l'augmentation de fes
fumiers , & pour la litière de fes
étables j il évalue à deux chatrois par
an, ce qu'il retire par chaque arpent
de bois.
Après avoir donné un détail très-
raccourci des moyens employés pat
Kliyooggpouraméliorerfon domaine,
il ne ftra pas inutile de faire part de
fa fai^on de penfer par rapport à l'agri-
culture en général. Un philofophe ,
( & celui-ci en mérite le nom ) , ne
borne pas le bien , il n'a rien tant à
K I L
cœur que de le voir propager ; telle
eft l'ambition de notre Socrate ruf-
tique. Il penfe que fi on veut par-
venir à perfeélionner l'agriculture
d'un canton, il faut commenter pat
réf-ormer les mœurs de fes habirans ;
alors ces hommes feront fufceptibles
de prendre une véritable ardeur pour
les travaux de la campagne. L'on
pourra fonger à améliorer les terres
par des moyens phyfiques , & à chan-
ger des pratiques qui n'ont en leur
faveur que l'ancienneté, contre d'au-
tres dont un examen fuffifamment ré-
fléchi aura démontré la fupériorité.
Notre fage prétend qu'un moyen de
redrelTer bien des abus , feroit que le
gouvernement & l'habitant de la cam-
pagne fe prêtalTent mutuellement la
main , afin de concourir au bien «vé-
nérai ; alors l'intelligence viendroit
diriger les mains laborieufes de l'ha-
bitant de la campagne 5 il y auroic
bien peu de pays qui ne fuffife &
au-delà , à la nourriture de fes ha-
bitans. Il voudroit aufli que les paf-
teurs , au lieu d'être fi favans dans
leurs fermons, où le payfan n'entend
rien , s'arrêtalfent un peu plus à ex-
pliquer , d'une manière alfez claire
& affez fiinple , comment il faut fe
conduire, & que l'elTence de la piété
confifte à remplir exaftement envers
le prochain les devoirs de la Juftice.
Enfin , il n'y a que celui qui , tou-
jours fidèle à la probité, & conftant
dans fon travail , mange fon pain à
la fueur de fon fronr, qui puilfe fe
promettre la bénédidion du Tout-
Puiilant. Un cultivateur laborieux ne
connoît point de mauvaife année, &
rien ne fauroit troubler le contente-
ment dont il jouit. Un fainéant au con-
traire attend tour du ciel , & s'en prend
à l'injuftice du fort, lorfqu'il recueille
K I L
moins que celui qui a érc plus aiTioa
à Ion travail. 11 faudroi: que le gou-
vernemen: envoyât des députes char-
gés de donner des diftindions à ceux
des habitans de la campagne dont
les biens annonceroienc l'alliduité au
travail, tandis qu'ils traiteroieiit avec
la dernière rigueur les lâches 5^: les
fainéans. Il vaudroit mieux ne point
faire de loi , que de lailfer entrevoir
au payfan qu'on n'en exige pas l'exé-
cution à la rigueur. Le payfan recon-
noît tôt ou tard que c'eft pour fon
bien qu'on fe fert de la force pour
lui faire exécuter ce qui eft avanta-
geux. Ne craignez pas l'imptobation
du public j douterions-nous que ce
qui eft honnête & utile n'entraîne pas
à la longue fon fuffrage ! il eft cer-
tain qu'il y a quelque chofe au-dedans
de nous qui dit oui , lorfqu'on nous
prêche la vérité , lors même qu'elle
nous eft défagréable. La fatisfadèion
qu'on éprouvera au-dedans de foi-
même , lorfqu'on pourra du moins
fe rendre témoignage qu'on a rempli
tout ce à quoi l'on croyoit être obligé,
n'eft-elle pas déjà une récompenfe ,
& la plus belle qu'on puilTe éprou-
ver? Fiez-vous-en à la Providence di-
vine fur la réuflîte d'une entreprife
utile; quand même elle viendroit à
échouer , elle peut encore produire
des effets falutaires dans un autre
temps. Souvent lorfque le défordre des
faifons & des élémens fembloient
m'a voir enlevé rout efpoir , le ciel
me favorifoit encore d'une récolte
affiz bonne & honnête.
En entrant dans l'intérieur de la
m ai fon de Kliyoogg, nous nous con-
firmerons dans la vérité de cette Sen-
tence de Socrare ; de toutes les pro-
feflions, l'agriculture eft celle qui nous
K î L 11-7
enfeigne le mieux la juftice &: ia
fcience du gouvernement.
C'eft lui qui exerce dans le mé-
nage les foiidl.uns de père de famille ;
il^ eft cependant le cadet ; mais fon
aîné a eu alfez de lumière & de fa-
gefle pour reconnoître ia fupériorité
que le génie & les talens de fon
frère lui donnoient fur lui ; il eft en
conféquence chargé de toute l'admi-
niftration du travail j il fe contente
de l'y féconder avec ardeur. En ad-
mettant le fyftême que KliyoogcT s'eft
formé fur les devoirs d'un père de
famille, on trouveroit au refte peu
de perfonnes qui ne lui en cédalîent
très-volontiers l'honneur; il faut, fui-
vaut lui , que Je père de famille fe
trouve toujours le premier & le der-
nier à tous les ouvrages , & l'elTence
de fon autorité confîfte à prêcher
d'exemple aux autres individus de la
famille , fans cela, tous les efforts que
l'on fait , tous les foins q.ue l'on fe
donne , deviennent inutiles.
Le père de famille eft la racine qui
donne à l'arbre entier la force & la
la vie ; Ci la racine périt, l'arbre, quel-
que vigoureux qu'il foit, périra avec
elle. De quel front le maître pourra-
t-il exiger de fes gens qu'ils ne fe
rebutent pas dans leur travail , lorf-
qu'il fera le premier à fe rebuter ?
Avec quelle autorité pourra-t-il ré-
gler & ordonner tout ce qui devra fe
faire , lorfque le valet fera mieux que
lui au fait de la befogne ? au lieu
qu'un maître intelligent, & qui don-
nera l'exemple du travail , aura tou-
jours des valets foumis & laborieux.
Lorfque Kliyoogg a formé une fois
une bonne & faine réfolution , il fait
forcer , avec une fermeté inébran-
lable j tout fon ménage à concourir à
1 1 s K I L
fou exécution; & lorfqu'il regarde une
cKofe comme nuidble, ou feulement
iiuicile , il lait pareillement obliger
tout fon monde à la rejeter , ou à
s'en abftenir. C'eft encore une de fes
grandes maximes , qu'il faut com-
niencer par extirper tout ce qui eft
nuilible î<.: inutile , avant de fonger
à la moindre amélioration. Tant qu'on
n'a pas arraché les mauvaifes herbes
d'un champ, tout engrais , bien loin
d'être avantageux, ne fert qu'à fjire
multiplier ces plantes parafites , qui
enlèvent à la bonne femence toute fa
nourriture.
Kliyooggtenoit le feul cabaretqu'il
y eut dans le village ; il en refultoit
en apparence un profit affez conli-
dérable pour le ménage : un examen
plus réfléchi l'eut bientôt convaincu
du contraire ; il frémit à la feule
penfée des funefles impreOions que
l'exemple dangereux des gens qui tré-
quentoient fon cabaret, teroit fur fes
enfanç.
Il découvrit un autre fource de la
ruine du ménage dans la coutume où
l'on eft de hiire de petits préfcns aux
enfans jàl'occalion d'un baprème, ou
pour les étrennes, &:c. Ces fortes de
préfens , dit-il , font que les enfins
s'accoutument de bonne heure à fe
faire de petits revenans bons par
daurres voies que par leur travail, ce
qui devient un germe de fainéantife
qui eft la racine de tous les maux.
11 ne veut pas que dans fon mé-
ra^e, aucun jour de l'année joui'.Te
■d'aucune diftinclion par rappoit à la
table. Chez lui , les dimanches Se
fètcs , la clôture des fenaifons de la
récolte , la fête du village , les bap-
têmes de fes enfans , &c. n'or.t au-
cune préférence, quant à la bonne
K I L
chère. II penfe qu'il eft abfolument
contre le bon fens de donner plus de
nourriture au corps dans les jours def-
tincs au repos, que dans les jours ou-
vrables où les forces épuilées, par un
travail pénible , ont befoin de beau-
coup plus de réparations. C'eft pour-
quoi il a foin de régler les repas fui-
vant la nature du travail. Ainfi, c'eft
lors des grandes fatigues, que l'ordi-
naire fe trouve le plus abondanr. Il
ne boit pas de vin à fes repas, mais
il en prend fa melure réglée avec lui
dans les champs; là, il lui rient lieu
de confortatif , lorfqu'il fent que fon
corps s'épaife par la fatigue C'eft le
feul ufage auquel l'ait dcftiné la pro-
vidence.
L'objet que notre Sage regarde
comme le plus important, iSc fur le-
quel il porte le plus d'attention , eft
l'éducation de Ces enfans , qu'il en-
vilage comme le plus facré de tous
fes devoirs. Il confidère fes enfans ,
comme autant de bienfaits de la Di-
vinité à laquelle il ne peut marquer
fa reconnoilfance qu'en leur appla-
nilT.uu le chemin qui conduit à la
vraie félicité , perfuadé qu'ils ciie-
roient vengeance contre lui , s'il les
mettoit dans la mauvaife voie. Son
grand principe à cet égard , eft de
tout mettre en ufage pour empêcher
qu'il ne fe glilTe des idées faulfes 6c
des déûrs déréglés dans ces âmes
tendres. Il avoir obfervé que toutes
les opinions & les manières d'agir
des enfans prenoient leur fource dans
ce qu'ils en tendoienr dire & voyoient
faire aux perlonnes plus âgées ; c'eft
pourquoi il veut qu'ils fo-ent con-
tinuellement fous fes yeux ; il fe
fait ( autant qu'il eft poflible) accom-
p.agner par fes eulans dans fes tra-
K I L
vaux , afin de les accoutumer de bonne
heure à la vie adive :, il proportionne
à leurs forces , le travail qu'il leur
donne; il tâche ainfi de les habituer
de bonne heure à fon genre de vie,
de leur firire adopter fes mœurs , &
de leur infpirer ce vrai contentement ,
qu'il regarde comme l'unique moyen
d'arriver au bonheur ; confcquem-
ment à ces principes, il s'eft chargé
du foin d'inltruire fes enfans , & il
deftine à cette occupation , le repos
du dimanche ; ik par une fuite des
mêmes motifs , les deux frères ne fe
rendent jamais cà l'églife tous deux
à-la-fois. L'un d'eux refte toujours à
la maifon, tant pour contenir les en-
fans dans la règle, que pour leur en-
feigner leur catéchifme & les exercer
à la lecture & à l'écriture.
La manière dont Kliyoogg s'y prend
pour exciter fes enfans au travail ,
mérite d'être rapportée. Tant que les
plus jeunes ne font pas encore en
état de travailler la terre , il leur fait
prendre leur repas fur le plancher. Ce
n'eft que du moment qu'ils ont com-
mencé à lui être de quelques fecours
dans la culture de fes champs, qu'il
les admet à fa table avec les plus âgés.
Il leur fait comprendre par là , que
tant que l'homme ne travaille pas &
n'eft d'aucun fecours à la focic:é , il
ne fauroit être conlidéré que comme
un animal qui peut avoir droit à fa
fublîftance , mais non à l'honneur
d'être traire comme un membre de la
famille. Du refte , il fe tient fort en
garde pour ne faire aucune diftinc-
tion entre eux ] il aime également
ceux de fon frère comme les fiens ;
il les conduit tous vers le bien avec
le même zèle &c la même confiance.
Ce n'eft qu'en fe montrant obéif-
fans Se en taifant bien , qu'ils peuvent
K I L 115
gagner fon amitié, &: s'attirer fes ca-
relies ; fon approbation eft la feule
rccompenfe à laquelle ils afpitent.
Enfin , il a fu trouver le moyen de
fe faire également chérir & craindre.
Il les accoutume de bonne heure aux
mets grodiers dont il fait ufage , &
leur en donne autant qu'il leur en
faut pour être pleinement raflafiés j
mais il fe garde bien foigneufement
d'exciter leur gourmandife , en leur
offrant , fuivant la pernicieufe cou-
tume de prefque tous les parens, des
friandifes en guife de récompenfe.
Auili ces enfans n'ont aucune efpèce
de paflion pour tout ce qui s'appelle
mangeaille, & ne connoiifent d'autre
félicité , à l'égard du manger , que
le plaifir d'appaifer leur faim. Cela
fait auili que l'on peut , avec toute
sûreté _, lailfer ouvertes les armoi-
res & les chambres où font les provi-
(ions.
U en ufe de même à l'égard de la
cailfe où il tient l'argent ; elle eft
également ouverte à tous les mem-
bres de la famille , qui font en âge
de raifon ; tous y ont les mêmes
droits. Comme tout le bien eft en
commun, on évite avec le plus grand
foin jufqu'à la moindre apparence de
profit perfonnel, & par ce moyen,
tout amour immodéré pour l'argent
eft banni de fa maifon. On n'y en-
vifage exaélement l'argent que com-
me un moyen de fe procurer les chofes
nécelfaires aux befoins du ménage,
ôi chacun des membres de fa fa-
mille fe trouvant abondamment
pourvu du nécelfaire , il ne s'élève
jamais chez eux le moindre défit de
s'en pourvoir ailleurs.
L'un des grands plaifirs qu'ait ref^
fenti notre philofophe, ( Se qui dé-
cèle la beauté de fon ame ) eft lorf-
113 K I L
que fon frère fut nommé par la
Communauté maîcre d'école de fon
village; Kliyoogg regarda cet événe-
ment comme un des plus heureux
dont Dieu pût le favorifer. 11 conçut
dès ce moment l'efpoir de pouvoir
rendre déformais fes principes d'un
ufage plus étendu, & de procurer à
fes concitoyens un bonheur pareil à
celui que le bon ordre , qu'il avoir
fu introduire dans fon adminiftration
domeftique , lui faifoit éprouver. L'on
ne fauroit croire , à ce qu'il dit ,
combien l'autorité influe fur le bien
qu'on fe propofe, quand on fait l'em-
ployer à propos. 11 fuivit avec fer-
meté, par rapport à (es écoliers, les
mêmes principes qui lui avoient fi
bien réulîi chez lui, Se pour mieux
affurer l'obfervation des règles qu'il
introduifoit dans fon école, il réfolut
dès le commencement de fe borner
au très-modique falaire qui lui étoit
afligné , & de ne pas accepter le
moindre préfent de qui que ce fût.
C'eft là ptécifément, dit-il, ce qui
affoiblit le maintien des meilleurs
réglemens : on offre aux fupérieurs
l'amorce flateufe des préfens ; du
moment qu'ils ont tendu les mains
pour les recevoir, ces mains devien-
nent impuilfantes pour arrêter les
progrès du mal.
Son grand principe dans fes opé-
rations , c'efl: d'aller toujours à fon
but par la voie la plus courte , & fa
fagacité naturelle la lui fait faifir
aifément; de-là vient que l'ordre le
plus exa£t règne dans toute fa mai-
ion , & que chaque uftenfile fe
trouve à portée du lieu où l'on peut
en avoir befoin.
Ce principe n'eft pas feulement la
bafe de (on fyftême économique, il
lui fert encore de guide dans toute
K I L
fa conduite morale ; rien ne lui paroîc
plus précis & plus clair que les idées
que nous devons nous former du
jufte & de l'honnête. Nous pouvons
lire , dit-il, au-dedans de nous-mêmes
ce que nous devons faire ou omettre
dans chaque circonftance ; il n'y a
qu'à fe demander , lorfqu'on agit
vis-à-vis d'autrui , ce que nous fou-
haiterions qu'on fît à notre égard en
pareil cas , & obferver G. , pendant
tout le temps qu'on agit, le coeur eft
fatisfait & tranquille. C'eft dans le
témoignage qu'on peut fe rendre à
foi-même d'avoir rempli tous fes
devoirs , & dans la paix intérieure
qui en réfulte, que Kliyoogg renferme
l'idée du bonheur; il découvre, dans
les fuites que nos aétions entraînent
naturellement après elles, les récom-
compenfes ou les punitions de là
Juftice divine. Tout comme la fer-
tilité devient le prix d'une culture
laborieufe iScaiTidue, la paix de l'ame
& la tranquillité d'efprit font la ré-
compenfe d'une conduite vertueufe.
Lorfqu'il a fait quelque bonne dé-
couverte, il n'a rien de plus preffé
que d'en faire part à d'autres; il fe
donne même alors toutes les peines
imaginables pour les convaincre de
l'utilité de ce qu'il propofe , & com-
battre les préjugés ; il n'eft jamais
plus fatisfait que lorfqu'il peut aflîfter
à quelque conférence , où l'on dif-
cute avec cette chaleur qu'infpire
un véritable intérêt pour tout ce qui
a pour objet le bien public. C'eft là
qu'il préfente Cas idées avec cette
noble franchife qui annonce la pu-
reté de fon intention , & qu'il pref-
crit à chaque éi:^z fes devoirs avec
une juftede d'efprit étonnante , fe
fervant à cet effet de comparaifons
tirées de l'économie champêrre. 11
attaque
Kl L
attaque les vices qui le blefTent avec
beaucoup de liberté , mais d'une ma-
nière qui ne fenr pas la rulHcite. ^
C'ed ainlî qu'il fait^s'attirer l'ef-
time de tous les honnêtes gens qui
favent apprécier fon mérite.
Nous terminerons cet article en
rapportant ce qui , félon notre So-
crate ruftique, donneroi: à l'agricul-
ture toute l'activité dont elle ell; Aii-
ceptible. Il faudroit exciter l'ardeur
du travail parmi nos cultivateurs , au
moyen des rccompenfes & de certains
honneurs; il faudroit mettre l'atten-
tion la plus exacte à en faire une
jufte diftribution. Ce moyen exigeroit
l'établiffement d'une fociété choifie
d'hommes refpedables , qui,réunif-
fant à la probité la plus inébranlable
une connoilFance approfondie de tout
ce qui concerne l'économie ruftique,
jouiroient de l'eftime générale. Lorf-
que cette fociété aucoit acquis les
connollfances nécelTaires à fa mif-
fion , il faudroit qu'elle fe tranfportât
dans les divers villages qui devioient
être vifités , & qu'elle donnât des
idées faines fur les travaux des di-
vers objets de la récolte du pays. Il
faudroit enfuite faire affembler les
habitans , & donner aux économes
qui auroient été les plus attentifs,
éc qui fe feroienr le plus diftingués
dans la culture de leurs terres , les
éloges qui leur feroient dus , en les
propofant comme modèle aux autres,
& comme de véritables bientai-
teurs de l'humanité. Enfin, on leur
donnerolt, en témoignage de l'ap-
probation publique , les prix qu'on
auroit établis. Je chéifirois pour cet
effet une médaille frappée exprès ;
elle pourroit repréfenter d'un côté
un laboureur conduifanc Hi charrue ,
un génie viendroic lui pofer fur la
Tome FI,
K I O , _ lii
tête une couronne compofée des dif-
férens fruits de la terre , entrelaces
les uns aux autres , avec ces mots :
pour le meilleur cultivaceur.
De pareilles rccompenfes influe-
roient infiniment plus fur une amé-
lioration générale dans la culture des
terres, que la méthode ordinaire d'é-
tablir un prix pour la meilleure dif-
fertation fur un fujet propofé ; eu
fui vaut mon idée, on parvient im-
médiatement à l'exécution j dont les
plus beaux piojets font encore bien
éloignés.
Tel eft en abrégé le précis de \x
morale & de la conduite de ce fimple
cultivateur, qui fixe avec raifon l'ad-
miration de la république helvétique ,
& qu'elle confulte fouvent. Il leroic
à délirer que dans chaque village il y
eût un Jacques Gouyer^ cc l'on ver-
roit bientôt les mœurs reprendre leur
antique pureté , fc la culture des
champs conduite, non par la routine,
par le préjugé , mais par de bons
principes fondés fur l'expérience.
Heureux Kliyoogg , reçois ici !e rribut
de mon admiration, de tes vertus ^
de ton favoir !
KIOSQUE. Mot emprunté du
turc, qui défigne un petit pavillon
ifolé (Se ouvert de tous côtés, où l'on
va prendre le frais & jouir de quel-
que vue agréable. Les kiofques des
riches de Conftantinople font peints,
dorés, pavés de carreaux de porcelaine,
&: ont vue pour la plupart fur le
canal de la mer Noire &C fur la Pro-
pontide.On a établi ce genre de dé-
. cotation pour nos jardins appelles .an-
glois; mais on a fupprimé avec rai-
fon ces dorures, qui annoncent plus
l'opulence que le bon coût.
121 K I s
KISTE. Médecine VkTÉRiNAiRF.
C'efl: aiiifi qu'on appelle une tumeur
infenfible , contenan: un fac mem-
braneux, dans lequel fe trouve quel-
quefois une matière purulente, mais
le plus fouvent huileufe & jaunâtre.
La différence qu'il y a entre le
Kifte & )e fquirre , c'eft que celui-
ci efl: dur dans fon centre, tandis
que l'autre eft mou.
K I S
Lorfqu'on foupçonne de la ma-
tière dans le kifte , on l'incife comme
l'abfcès , on fait fortir le pus, Se on
termine la cure avec le digeftif ani-
mé j &: dans les cas où l'on doit en-
lever le kifte comme le fquirre eit
totalité ou en partie , confultez le
mot Squirrhe , où il fera traité de
la manière d'y procéder. M. T.
L A B
L
ADDANUM ou Ladanum.
( Planche IF) Tournefort le place
dans la cinquième feétion de laclalTe
fixième , confacrée aux fleurs à plu-
fieurs pièces régulières & en rofe ,
dont le piftil devient un fruit qui ,
dans fon épailTeur, renferme plufieurs
femences , &■ il l'appelle cijlus lada-
nifera , cretïca flore pupureo. Von
Linné le nomme cijius creticus , &c
le claiïe dans la Polyandrie Mono-
gynie.
Fleur A \ à cinq pétales égaux ,
difpofés en rofej B la Heur vue par-
derrière ^ C pérale féparée de la fleur.
Elle eft de couleur jaune , mais
marquée par-derrière d'une tache pur-
purine. Les étamines D très-nom-
breufes. Le piftil E feul & unique.
Toutes les parties de la fleur re-
pofent dans le calice F à cinq fo-
lioles.
Fruit G ; capfule partagée en plu-
fieurs loges , difpofées , comme on
le voit en H , où la capfule eft cou-
pée dans fa longueur. 1 repréfente
une des valves , & les femences
menues , anguleufes K , font renfer-
mées dans chaque loge.
Feuilles ; {impies , oblongues ,
L A B
pointues', épalfles , couvertes d'un
lue gluant & embraflant les tiges par
leur bafe.
Racine ; ligneufe.
Port ; arbrilfeau de deux à trois
pieds de hauteur, branchu; les feuil-
les oppofées j les fleurs au fommet
des tiges , ou feules , ou plufieurs
réunies enfemble.
Lieu; l'Italie, les provinces mé-
ridionales du Royaume.
Propriétés ; naturellement &' par
incifionil découle du tronc & des bran-
ches une réfine gommeufe, appellée
lahdanum , molle lorfqu'elle eft cueil-
lie depuis peu de remps , & d'une cou-
leur noirâtre. Son odeur eft douce,
aromatique ; fa faveur acre , amère ,
aromatique. Cette fubftance eft plus
folubledans l'efprit-de-vin que dans
l'eau; elle l'eft également dans les
jaunes d'œufs , les huiles , le firop
& le miel.
UJages ; on ordonne le labdanum
depuis demi-gros jufqu'à un gros dans
la gelée de coin , contre les cours de
ventre & la dyffenterie. L'emplâtre
fait avec le labdanum eft regardé
comme réfolutif.
;,• y/
7'/J^7i^722. f
/■-<î*i' .'■'ii;r''1m
,1'
v-^y
T^a/xuij
7jC J^tz/n/i'/^f ûii Û/'//c /'^i/ir/ic ^ -
LiT///'iVi //v/.i-
7.tii/ife Jt/rfih7i^f
^.
L A B
• LAB11:E. (5cv.) M. Toiirnefort
a ainll nommé une Heur donc la co-
rolle monopécale offre deux lèvres.
(yoye^ au mot Meur la defcripcion
& le deflln d'une corolle labiée. ) MM,
Labiée. {FUur. )
LABOUR. LABOURAGE. Ceft
l'aûion de remuer la terre , ou avec
la charrue , on avec la bêche , ou
avec la houe, ou enfin avec un inf-
trumenc quelconque. Quoique tout
travail qui remue la terre foit un vrai
labour , cependant on entend plus
communément par ces mots le tra-
vail en grand, fait avec la charrue ,
& il n3 s'.igira que de celui-là dans
cet article. Au mot bêche , on eft
entré dans de grands détails fur cet
inftrumenc & fur la manière de s'en
fervir. ( J^oy€\ ce mot , afin d'éviter
les répétitions. ) Quand doit-on labou-
let? comment doit-on labourer? font
les points à examiner.
Plan du Travail.
CHAP. I. Quand dalr-on labourer,
CHAP. II. Comment fuut'il labourer.
SiCT. I. Quelle doit être la profondeur du '
labour , relativement à la qualité de la
terre.
SiCT. II. Dans quelles circonflanees doit-on
labourer,
StCT. III. Comment doit-on labourer.
CHAP, III. Ejl-il plus avantageux de la-
bourer avee des bœufs, ou avec des che"
vaux , ou avec des mules.
CHAPITRE PREMIER.
Quand doic-on labourer.
Le premier but du labourage eft
de foulever une couche de terre ,
d'amener iis parties inférieures fur
L A B
1 1
la furface, de celles de la furface
de les retourner en- deflous. Le fé-
cond ell de divifer & féparer les mo-
lécules de la terte les unes des au-
tres, afin qu'un plus grand nom-
bre foi: expofé aux effets de la
chaleur , de la lumière du foleil ,
delà pluie, des rofées, enfin de toas
les météores. Lifez l'article Amendc~
ment , dans lequel l'aftion des mé-
téores eft mife en évidence : il efl: ef-
fentiel à l'objet prêtent.
Quand faut-il labourer? Indiquer
des jours , des mois pour tout le
royaume , ceferoit le comble de l'er-
reur. L'époque des labours dépend
de la polîrion locale des champs &
de la manière d'être des faifons ,
objet qu'on ne doit jamais perdre
de vue.
J'ai déjà dit plufieurs fois dans le
cours de cet ouvrage, que le meilleur
labour étoic celui qu'on donne à la
terre auOi-tôc que la récolte eft levée,
i". parce qu'il enterre le chaume ,
les grains tombés des épis; z^. qu'il
détruit les mauvaifes herbes pouiîées
avec le bled, & les empêche de grai-
ner; 3**. qu'il enterre égalemenî: les
graines mûres des différences plantes
appellées mauvaifes hsibes. Si h. terre
doit refter tn jachère (^cjye^ ce mot } ,
il eft clair qu'une très-grande partie
de ces graines germera , foit pendant
le refte de la faifon de l'été , foit
pendant l'automne , & elles produi-
ronc beaucoup d'herbes , beaucoup
de plajites ou vivaces , ou annuelles.
Toute cette verdure encense par un
fécond labour donné avant l'hiver ,
périra , pourrira , &c rendra à la terre
plus de principes qu'elle n'en a perdu.
Voilà déjà les matériaux tous for-
més de la fèvç. Lifez le dernier cha-
pitre du mot Culture j & même cet
124 L A B L A B
article en entier, afin de connoître qui n'a pas été labourée. Dès-lors^
les opinions des ditïérens auteurs fur à la première gelée , chaque goute-
la manière de labourer & fur les effets lette d'eau glacée & interpofée entre
réfultans de ce travail. Lifez égale- chaque molécule , fera l'office de
ment l'article Engrais. levier , & de proche en proche, fou-
Par le premier labour, celui d'été , lèvera de plufieurs pouces la terre
une plus grande fuperhcie de rerre déjà remuée j & lorfque le dégel
eft expofée à la chaleur , à la lu- viendra , elle reliera dans cet état
mière du foleil , &. à l'aélion des jufqu'à ce qu'une pluie , & à la Ion-
météores. Pour peu que la terre foit gue fon propre poids , la falTen: af-
Inimide, la fermentation s'établit dans failfer. Si la neige a recouvert ces
toutes le fubftances végétales & ani- filions pendant un temps alTez con-
males qui ont été enterrées j de cette fidérable ou à plufieurs reprifes , cette
fetmentation réfulte nécelfairement neige a retenu les principes qui s'é-
leur décompofition , corruption & pu- vaporoient de la terre, & fur-tou"
trélaction ^ & dès-lors le mélange in- Vair fixe ( Voye\ ce mot ) , qui s'en
rime de leurs principes avec ceux de échappe , & qui eft fourni par les
la terre végétale ou humus cjui refte, corps, foit végétaux, foit animaux,
^j avec la terre matrice du champ, qui fe décompcfent & fe putréfient
Par le fécond labour ou hivernage , dans fon fein. Lorfque la neige fond,
la terre du champ eft préparée mé- elle rend à la terre les principes
caniquemenr, mais d'une manière combinés avec fon eau. 11 réfulte
différente; i°. les graines enterrées donc du labourage avant l'hiver,
^' donr les plantes ne craignent pas \°. la germination d'une certaine
le froid, germent, pouflent & vé- quantité de plantes; i". une divilion
gètent dès que la chaleur ambiante confidérable des molécules de la terre
2e l'atmofphère eft au degré qui leur des filions \ 3°. la confervation par
convient. (Foye^ les belles expérien- la neige de Y air fixe qui fe fercic
ces de M. Duhamel au mot Amen- évaporé. ( /'o)'e:^ ce met ). Voilà pour-
dier). Voilà encore de nouvelles her- quoi on dit que la neige engraijje la
tes pour l'hiver , & par conféquent terre. Ce n'eft pas par elle même ,
de nouveaux engrais & de nouveaux puifqu'elle eft un fimple compofé
matériaux de la levé, qui feront aqueux, une eau très -pure & infini-
enterrés par le premier labour après ment moins chargée de fel que l'eau
l'hiver ; z". les frimats, la neige , de pluie. Cette eau a été rendue
la qlace , £.:c. font les meilleurs la- neige ou criftallifée par l'air fixe de
boureurs que je connoifTe. Jamais l'atmofphère; elle a retenu celui qui
charrue la mieux montée ne divifera s'échappoit de la terre , fe l'eft en-
& ne féparera les molécules de la core approprié ; enfin elle rend le
terre auffi-bien qu'eux. La terre gelée tout à la terre foulevée lorfque le
occupe beaucoup plus d'efpace que dégel furvient. Cet agent actif &
lorfqu'elle ne l'eft pas. La terre fou- puilTant , V air fixe ^ n'a point été
levée par la charrue, & déjà en partie connu àes cultivateurs : M Fabroni,
divifée , fera donc plus fufceptible dans fes Reflexions fur l'état aciuel
de s'imprégner d'eau , que la terre ds l'JgricuUure j eft le feul qui ait
L A B
examiné fes effets. Si on place fous
un rc^ipien: lempli d'air fixe , un
peticvafe quelconque avec de laterre,
6c nouvellemen: enfemencce , l'air
fixe , cet air mortel fera abforbé par les
graines à mefure qu'elles germeront,
&: rendu pur & refpirable : celui de la
neige, &c celui qui fe feroit échappé
de la terre fans la neige , pro-
duit le même effet fur les plantes
du champ. Elles ne travaillent pas
en-delfus , puilque l'air ambiant eft
trop frais ; mais leurs racines pouf-
fent avec force , Se infiniment plus
à cette époque que dans toute autre :
vérité palpable, qui démontre juf-
qu'à l'évidence la néceffité du labour
avant l'hiver, Se du labour aufli-tôt
après l'hiver , afin de mélanger cette
couche fupérieure de terre avec l'in-
férieure, & l'enrichir.
J'ai conleillé un troifième labour
après l'hiver, c'eft-à dire à l'époque
que la plus grande partie des grai-
nes qu'on appelle rtiauvaifes herbes ,
aura germé , fera fortie de terre ,
& même avancée en végétation juf-
qu'au point d'être fleurie , parce qu'a-
lors ces herbes font dans leur plus
grande force, rendent infiniment plus
de principes à la terre qu'elles ne
lui en ont dérobé. On ne doit ja-
mais perdre de vue que la terre vé-
gétale ou humus , ou terre foluble
dans l'eau , enfin cette terre précieufe,
l'ame de la végétation , n'eft autre
chofe que la terre qui a déjà fervi
à la charpente des végétaux & des
animaux; que c'eft la feule qui fubf-
tente la végétation , Se la feule qui
entre dans la compcfuion de la fèvej
car la terre - matrice n'eft que fon
réceptacle, & n'tft rien par elle-même.
J'appelle ces trois labours prépa-
ratoires j parce que , -fuivciuc moi , ils
L A B 115
n'ont pour but que d'empêcher,
1 0. les mauvaifes herbes de grainer j
10. (le les enfouir, afin de créer de
leurs débris la terre végétale ; 5 c pour
mettre la terre dans une difpofition
de s'imprégner des effets des météo-
res. Les labours dont il va être quef-
tion méritent d'être appelles labours
de dlvi/ion j c'ed-à- àïïe , propres à
divifer k terre déjà foulcvie par les
travaux précédens , à en brifer les
motes, en un mot, à la rendre affez
meuble & affez atténuée pour que
la radicule du grain qui fera femé,
puiffe pivoter avec facilité & promp-
tement à cinq à dx pouces de pro-
fondeur ; enfin , pour que les racines
latérales & chevelues ne trouvent
aucun obftacle à s'étendre & à fe
multiplier.
Les labours de divijion doivent être
faits coup fur coup , c'eft-à-dire , qu'il
faut labourer, croifer Se recroifer eu
tout fens jufqu'à ce que la terre foie
allez ameublie. Se femeraudî-tètpar-
deilus. Si les trois premiers labours , Se
fur- tout le fécond Se le troifième , ont
été donnés à la profondeur convena-
ble y s'ils ont été donnés, non en
croix, mais fur des lignes très-obli-
ques les unes à l'égard des autres ,
il cft clair que toute la malfe de
terre aura été foulevée «Se bien fou-
levée , puifqu'on aura eu le choix du
temps où la terre n'aura été ni trop
fèche, ni trop humide, & par con-
féquent elle ne fera ni trop dure ,
ni foulevée en mottes. Si au con-
traire, d'après lefyffême de plufieurs
auteurs modernes, qui font confif-
ter toute l'agriculture en labours mul-
tipliés , on n'a ceffé de labourer le
même champ à intervalles très-rap-
prochés , il réfultera de ces labours
naultipliés , i". le ûérangemeuc de
Il<î
L A B
certe fermentation inteftine qui dc-
compofe les lunllances animales &
végétales, & qui de leur décompo-
fition prépare \x terre végétale , &
la combine avec les matériaux de
la fève ; i". ils cauferont une évapo-
ration lenfibîe , iSc ttès-fenfible, des
principes de la terre.
On niera peut-être cette féconde
alTertion ; mais que répondre à ces
points de fait ? Le dépôt de rofée
eft plus abondant fur un cliamp bien
labouré , que fur celui qui ne l'eft
pas (toute circonftance égale de ciiamp
à champ, ce dernierfuppofé dépouillé
d'herbes ). Or , la rofée efl: plus for-
tement attirée par ce premier champ.
11 y aura donc au lever du foleil,
& pendant fa vive aétion dans la
journée, une plus forte évaporation?
La preuve en efl: que tous les fluides
doivent fe mettre en équilibre , &
que l'eau contenue entre les molé-
cules de la terre, doit fe fublimec
en raifon de la chaleur qui l'attire ;
& cette attradion de l'air fixe &
de l'humidité intérieure, ell encore
aiguillonnée par l'évaporation de la
rofée qui donne , fi je puis m'es-
primer ainlî , des ailes aux deux au-
tres. En effet, une terre labourée fe-
che bien plus vîte qu'une terre qui
ne l'eft pas ; & fa ficcité dépend de
la plus grande évaporation. Voici
une preuve plus forre encore : dans
un jour très-chaud d'été, & lorfque
le foleil eft près du milieu de Ion
cours , placez-vous de manière qu'une
grande partie du champ, fortement
labouré, foit horifontale à votre vue,
& vous appercevrez à la hauteur de
deux à trois pieds au-delfus de la fur-
face du fo! , une fcintillation très-
vive , très-fémillante : mettez - vous
dans la même pofuion vers ua champ
L A B
non labouré ou anciennement la-
bouré , l'activité de cette fcintïHa-
tion fera bien moins forte. (Quelle
eft donc la matière de cette fv;in-
tiilation , linon celle des vapeurs qui
fe fubliment ? Dira- 1- on qu'elle
tient hmplement à la réverbération
des rayons du foleil ? Si cela ctoit ,
un champ non labouré les réfléchi-
ro't beaucoup mieux. En effet, il les
réfléchit mieux, ainfi que tous les
corps durs ; mais on n'y remarque
pas la même fcintillation. La terre
nouvellement labourée eft plus brune
que celle qui l'eft depuis long temps,
elle doit donc abforber beaucoup plus
de rayons folaires , s'échauffer da-
vantage [f"oye:[\e mot chaleur), Se
produire moins de fcintillementi &
c'eft précifément tout le contraire,
ils y font plus hauts Si plus abon-
dans.... Les labours faits pendant les
groffes chaleurs font plus nuifibles
qu'utiles, fur-tout s'ils font fouvenc
répétés. Ces principes paroiflent en
contradiction avec ce vieux & utile
proverbe : labour d'été vaut jumier.
Mais il s'agit de s'entendre : les
proverbes ne feroient pas devenus
tels, s'ils n'étoient fondés fur l'ex-
périence. Ce labour vaut fumier ,
parcequ'il accélère la décompofuiou
des fubftances animales & végétales,
& fur-tout parce qu'il enfouit beaucoup
d'herbes prêtes à grainer , & qui au-
ront le temps de pourrir avant les
femailles 5 mais fi on laboure à plu-
fieurs reprifes confécutives , afin de
rendre la terre du champ meu-
ble comme celle d'un jardin , on
épuife cette terre , & le mal ne
peut fe réparer que par les engrais,
11 n'ert pas encore temps de fonger
à cette grande divilion. On ne doit
jufqu'à ce moment avoir en vue ,
L A B
ï*. que (î'enterrer le plus d'iierbe"!
qu'il eft poOlble. Or, Ci on laboure
coup fur coup , il n'y aura point d'her-
bes &• beaucoup d'évaporation inu-
rile. J'ai dit & je dirai fans ceife
que ces herbes rendent plus à la terre
qu'elles n'en ont reçu , &: c)ue par
leurs décompcfitions elles deviennent
un des premiers élémens de la fève
& de la charpente des plantes à venir.
i°. De ramener la terre de delluus
audeilus, ahn de lui donner, non le
tems de fe cuire j fuivant l'expreflion
triviale, mais de s'imprégner des ef-
fets des météores , de la chaleur &c
de la lumière du foleil. Or , par les
labours répétés <Sc multipliés, ces opé-
rations ne peuvent avoir lieu , fur-
tout la dernière^ & par la première,
la terre , il eft vrai , eft bien remuée ,
mais celle de delfous y revient trop
vite , 8c ne refte pas allez long temps
expofée à l'air. Ces faits font fi vrais ,
que les plus grands parnfans des fré-
quens labours ont vu & font convain-
cus par l'expérience , que leurs terres ,
après plufieurs années , ont été plus
cpuifées, qu'en fuivant les méthodes
ordinaires. On échaffaude des fyf-
têmes , on prend pour leur bafe un
objet de comparaifon quelconque ;
par exemple , la fécondité du fol d'un
jardin; on conclut du petit au grand;
tout l'édifice s'écroule enfin , après
avoir ruiné le zélateur du fydême,
Perfonne n'a jamais douté de la
bonne qualité des terres des jardins;
mais vouloir rendre celles des champs
égales , la chofe eft , moralement
parlant, plus qu'impoflible. Si on le
tente , la dépenfe excédera la valeur
de l'achat du champ, & on l'épui-
fera à coup sûr à la longue, à moins
«^u'oii n'y multiplie les engrais; eux
L A B 117
feuls peuvent réparer les pertes eau-
fées par l'évaporation. jNc voit -on
pas que, dans un jardin, les engrais
animaux font très-multipliés, ^- que
chaque quarceau eft fumé au moins
une tois par année ; que les débris
des feuilles , des tiges , 6cc. fourni f-
fent perpétuellement les matériaux
de la fève , & qu'il en eft de ces
herbes, relativement au jardin, com-
me des herbes pour un pré. 11 n'y a
qu'une feule méthode capable de
faire, très à la longue, reflembler Is
fol d'un champ à celui d'un jardin
ou d'un pré , c'eft d'aàer/ier ce champ ,
( Fo\e~ ce mot ) c'eft d'y créer , d'y
multiplier des plantes, (Se de les y
enterrer.
Les groffes chaleurs paftces, cha-
cun fuivant fon climat, il eft temps
alors de commencer les labours de
dïvifwns y c'eft-à-dire, ceux qui doi-
vent émietter la terre. On fuppofe
que les trois premiers auront été don-
nés à une profondeur convenable ;
dès - lors ces derniers s'exécuteront
fans peine, C'eft le cas de croifer &
de recroifer les premiers; mais après
ce premier labour, de palier la herje,
( / t))'e^ ce mot ) qui divifera les
mottes , par conféquent le fécond
croifage n'en foulévera plus, & s'il
en fouléve encore un grand nombre,
on herfera de nouveau. Si la terre eft
alTez ameublie, ces deux labours fuf-
firont, «Se la terre recevra la fcmence
fur un troifième labour, ou fur un
quatrième, fi le befoin l'exige, ce
que je ne crois pas. L'avantage de
palfer la herfe fur chaque labour, ex-
cepté fur le dernier avant de fcmer,
ne confifte pas feulement à biifer les
mottes , il empêche que l'évapora-
tion ne foit aufli forte que fi le Sillon
iiS
L A B
écoit refté inr.'.â:, ce qui eft un grand
& an très-grand point.
De toutes les pratiques, la plus
abfui.de elT: de femer fur des labours
anciennement faits j on dit pour rai-
fon ou pour excufe, qu'on refroidit
la terre, que le grain germe moins
bien. Que l'onfème tard ou de bonne
heure , l'excufe eft pitoyable , à
moins qu'on iie fème pendant la
gelée, &; je ne crois aucun cultiva-
teur affez dépourvu de bon fens pour
agir de la force. Dans les pays où la
lemence eft enterrée par la herfe ,
comment la herfe, quelques longues
que foient fes dents, pourra-t-elle
enterrer & recouvrir le grain ? à peine
les dents s'enfonceront- elles dans la
terre , & le grain fera enfeveli fous
une morte de terre , ou nullement
enterré. Dans ceux où l'on recouvre
le grain avec la charrue , appellée
araire j on avec la petite charrue à
oreille ou verfoir, ce fera encore des
mottes que l'on foulévera , & le grain
qu'elles recouvriront ne germera pas;
au lieu que dans tous ces cas, fi la terre
avoir été fraîchement remuée avant
les femailles, & le grain recouvert à
la herfe ou par un léger labour , il fe
feroit trouvé dans une terre meuble,
&Ies racines l'auroient promptement
pénétrée 5 enfin aucun grain n'auroit
été perdu.
Eft-il poflible de fuivre la méthode
de~labourer que je propofe dans toute
l'étendue du royaume? Elle l'eft jaf-
qii'à un certain point pour tous les
climats j & louffre peu de modihca-
trons. Dans toutes nos provinces on
éprouve les quatre faifons , quoi-
qu'elles commencent ou finilTent plus
tard, fuivant les lieux; ainfi dans
chacjue endroit on a la libeité <Sc le
L A B
choix du temps pour donner un la-
bour avant Thiver; on a le même
choix après l'hiver &c à la fin du prin-
temps ; ainfi nulle difficidté quant aux
labours préparatoires. Quant à ceux
de divifi'ons y on objedlera qu'on n'a
pas a (lez d'animaux, qu'il y a trop
peu de temps, & enfin que î\ on
attend l'approche de l'époque des fe-
mailles, il fera impoffible de bien
divifer la terre de tous les champs;
que prouvent ces exceptions ? Rien
du tout, finon que le travail eft tou-
jours au-delfus des forces , qu'on la-
boure beaucoup & qu'on laboure mal ,
enfin que tout fe fiit à la hâte. Je
prefcris ici la méthode de labourer
qui me paroît & que l'expétience
me prouve la plus avanrageufe; cha-
cun s'y conformera autant que fa vo-
lonté ou fes moyens le permettront.
On objectera encore (S: on dira :
A quoi employera-t-on les animaux
pendant l'intervalle des labours pré-
paratoires ^ ou pendant l'intervalle de
ceux-ci à ceux de divijions. L'occupa-
tion ne manque jamais dans une
grande métairie lorfqu'elle eft bien
conduite; c'eft le temps qui manque,
parce qu'on n'eft jamais alfez fort en
beftiaux, en valets, ^'c. N'a-t-on pas,
à ces époques , les fumiers à tranf-
porter ainlî que les terres, pour en-
richir les champs pauvres;' n'eft- ce
pas encore la faifon de charier les
bois, les fiibles , les pierres nécefiaires
aux réparations , &c. Si tous ces tra-
vaux font inutiles , ce que je ne crois
pas, aidez vos voifinsà labourer leurs
champs fuivant leur fantaifie , mettez-
les en avance pour le travaili mais à
condition qu'ils vous rendront, lors
des labours de divijicns j journées pour
journées, d'hommes & de beftiaux,
alors
L A B
alors tout fera fait à l'aife , fans prc-
cipitation &:par conféquenc coiic lera
bien fait.
Je connois pliifieurs cantons dans
le royaume, où l'an ne laboure les
terres, très-boniies à la vérité , qi;e
pendant le mois ou les fix femaints
qui précédent l'époque des femailles ,
c< où cependant les bleds font de la
plus grande beauté. Ce genre de cul-
ture me furprit, isrj'obfervai i°. que,
depuisunerécoltejufqu'aux femailles
fuivantes, ces champs fervoient de
parcours au.\ troupeaux , t*^ que les
propriétaires avoient grand foin de
détruire les berbes que les moutons
dédaignoienr& reKifoient démanger.
2°. Qu'ils y conduifoient leurs trou-
peSftx à des époques éloignées, afih
que l'herbe broutée eut le temps de
"repoulfer. 3°. Que les enfans arra-
choient les coque! icos & autres her-
bes (que les moutons ne mangent
pas) lorfqu'ils éuoienten pleine fleur,
ôc ils laifioient la plante furie champ
fe confommer. 4". Si , lors des pre-
miers labours, la terre éroit dure,
fèche , ils atteloient à la charrue
quatre bœufs au lieu de deux, & la
charrue palToit deux fois dans la
même raye , afin d'ouvrir un fdlon
de fix pouces au moins , ou de huit
pouces au plus de prol-ondeur. 5°.
•Que des enfrns , des femmes , ar-
més de petits maillets de bois, lon-
guement emmanchés, frappoient fur
les mottes & les brifoient , de ma-
nière qu'en fix femaines de temps
la terre croit parfaitement labourée,
& fes molécules bien divifées. J'avoue
n'avoir pas mis en pratique cette mé-
thode de cultiver; malgré cela elle
me paroit mériter d'être examinée
& fuivie de près dans plufieurs can-
tons, fur- tout dans ceux où les bras
Tome FI.
L A B
119
S.< les animaux ne manquent pas.
Cette méthode confirme ce que
j'ai dit plus haur au fujet de l'éva-
poration.Ces labours, dans ce cas,
donnés coup fur coup, détruifent &c
enfouiflent les racines des plantes,
mêlent le crorin des moutons avec
les molécules de la terre, &c celles
du delfous comme du deiïlis fe
trouvent bien mélangées. Le crotin
fert d'engrais , il facilire ia geimi-
nation & Çon développement , Se
cà mefure que les herbes pourrilfent,
le nombre & l'extenfion des racines
augmente. Je penfe qu'une pareille
méthode feroit très-utile fur un fol
de médiocre qualité ; la grande at-
tention à avoir eft de détruire les
herbes dédaignées par les troupeaux,
afin de les empêcher de fe reproduire
par la graine. ' ; ', \
Les principes que j*ai établis font
en conrradiélion formelle avec ceux
des fyftêmes de culture qui furent fi
fort à la mode il y a vingt à trente
ans, c\' rapportés au mot Culture;
je crois les miens fondés en théorie,
&: j'ai l'expérience de leur réiifllte.
Je ne demande pas qu'on les adopte,
mais qu'on ait la complaifance de les
mettre en pratique fur un champ
quelconque, & fui-tour que l'on juçe
par comparaifon , en rendant les clr-
conftances égales : alors on pronon-
cera d'une manière sûre fi j'ai tort
ou fi j'ai raifon. L'expérience doit
être le feul guide en agriculture, Se
l'art de préparer les terres n'admet
point d'hypothèfe. Je n'attache au-
cune prétention à ma manière d'é-
crire, je dis ce que je vois, ce que
j'exécute & ce qui me réufiir; je ferai
trcs-reconnoiiïant envers celui qui
me fera connoître un meilleur plan
de labour.
R
ijo L A B
CHAPITRE II.
Comment faut-il labourer ?
Jufqu'à préfent, tout a été, pour
aiufi dire, fpéciilation pour le cul-
tivateur & objet de méditation : il
s'agit actuellement de la pratique ,
& cette pratique fuppofe l'examen
d, trois queflionsj \° . quelle doit
être la profondeur du labour rela-
tivement à un champ? i*' . Dans
quelle circojiftance doit -on labou-
rer? 3°. Comment faut-il labourer?
S E
CTION PREMIERE.
Quelle doit être la profondeur du
labour relativement à la qualité de
la terre ?
Le cultivateur , avant de labou-
rer, doit avoir étudié & connoître,
i*". quelle eft la profondeur de la
couche fupérieure du champ, & fa
qualité ? z". Dans la fuppoiuion
qu'elle foit mince , de quelle nature
eft celle dé delTous ? 3". Quel eft
le parallèlifme ou l'inclinaifon de
fon champ ? enfin les avantages qu'il
peut retirer, ou ce qu'il doit craindre
de l'inclinaifon?
I. De la profondeur de la couche
fupérieure , & de fa qualité. Toute
plaine en général eft primordialement
l'ancien lit des eaux lorfqu'elles cou-
vrirent la furface de la terre \ par-
conféquent elle eft toujours formée
par un dépôt : ce dépôt eft fertile ,
ou de médiocre qualité, ou mauvais,
fuivant les matériaux dont il eft
compofé. On doit les appeller dé-
pôts de première formation. Pour
nvoir une idée générale de la ma-
jiièredont ils fe font établis, il fufRt
de jeter un coup-d'ceil fur la carte
L A B
géographicfue des badins de Franc*-,
& lur leurs defcriptions , inférées au
mot Agriculture. Tel eft, par exem-
ple , le banc de craie qui traverfe
toute la France de l'eft au nord-oueft,
& qui fe prolonge jufqu'à l'extrémité
de l'Angleterre \ tels font les faluns
de Tourraine, (Sic. &:c. Ces premiers
dépôts dans la plaine ont été enfuite
améliorés oudérériorés par des caufes
accidentelles ; tels font les dépôts des
rivières, des fleuves , qui dans leurs dé-
bordemens exhaulTent les plaines avec
les terres ou fables , ou pierres qu'ils
charrient : enfin , pat leur change-
ment de lits fucceffifs, attirés tantôt
par une montagne, tantôt par une
autre. De ces différentes circonftaa-
ces préfentées ici très en abr^é ,
dépend la qualiré de la couche &
fa profondeur. On peut encore ajou-
ter quCj pour l'ordinaire, la couche
de terre de la plaine eft toujouts de
même nature que celle des pierres
des montagnes voihnes , 6c que le
grain de terre n'eft que le débris de
ces pierres. Ainfi, en fuppofant les
montagnes circonvoifines calcaires,
les terres de la plaine feront bonnes.
Si les montagnes font de granit ,
ou d'autres fubftances vitrefcibles. ,
le fol fera maigre , pauvre & ttès-
fablonneux, &c. On doit encore con-
fidérer fi le courant des fleuves &:
des rivières eft rapide ou lent j dans
le premier cas , la bonne terre en-
traînée & dilfoute par l'eau , eft por-
tée au loin, & le fable vif fait la
moitié du dépôt ou fa totalité. Si
le cours eft lent , la terre dilfoute a
le temps de fe dépofer , & le fol de-
vient fertile. Il réfulte de ces circonf-
tances foit éloignées , foit nouvel-
les , que les couches de terre font
en raifon d'^s caufes qui les ont fot-;
L A B
Bîées. Cette origine importe peu au
commun des culcivateurs 5 mais
elle devient inftrudive, curieufe «Se
amufiinte pour celui qui étudie le
grand livre de la nature.
Pour connoître la profondeur &
la qualité de la couche fupcneure, il
■faut, avec unebcche , une pioche, &c.
faire ouvrir des tranchées à diftcreiis
endroits du champ, & fouillera la
profondeur de deux pieds. Heureux
celui qui trouvera une terre homo-
gène & de bonne qualité. Des re-
cherches poftérieures font inutiles ,
ou du moins de pure curiofité , tant
qu'il ne s'agira que de la culture des •
grains j mais s'il eft queftion d'un
jardin fruitier ( J^oye~ ce mot ) , cette
couche fiipérieure ne fera pas fuffi-
fante. Ce n'eft point ici le cas d'en-
trer dans de plus grands détails.
II. De la couche inférieure. Si la
couche fiipérieure porte fur une cou-
che épaille d'argille, la première fera
naturellement humide , parce que
les eaux n'auront pas la facilité de
s'écouler. 11 en fera ainh ii la cou-
che inférieure eft ferrugineufe & par
lit, comme dans les landes de Bor-
deaux, delà Hollande, de la Flandre
Autrichienne près d'Anvers , ou s'il
fe trouve des bancs calcaires à gran-
des couches \ h au contraire la partie
inférieure eft fabloneufe, caillouteufe,
la fupérieurc fera toujours fèche, à
caufe de la facile inhltratiou des
eaux.
Dans le premier cas , les labours,
même les plus profonds, font muti-
les; il vaut beaucoup mieux ouvrir
des tranchées d'écoulement qui tra-
verferont le champ j & pour ne point
perdre de terrein , les remplir de
cailloux , de groffes pierres , 3c re-
couvrir le tout avec deux pieds de
L A B 131
bonne terre. Ce moyen aiïainit le
champ , & rend la terre labourable
à la profondeur qu'on exige. Dans
le fécond , on peut fouiller proton-
dément par les labours préparatoires ;
mais on a à craindre dans la fuite
les eftets de la fécherelTe , fur-tout dans
les pays méridionaux , à caufe de la"
grande évaporation.
Si la couche fnpérieure eftargilleufe
ou créracée , les labours , foit de prépa-
ration , foit de divilion , ne fauroient
être rrop profonds, parce que cette
terre rebelle a malheureufement une
forte tendance au rapprochement de
fes molécules extrcmemenr déliées
dès qu'il furvienr de la pluie.
Si au-delîous d'une couche mince
d'argille ou de craie, il fe trouve de
la terre végétale ou du fable, ou du
petit cailloutage , c'eft le cas de ne
rien épargner, ahn de percer cette
première couche. Alors, du mélange
de ces fubftances de différens lits ,
il en réfulrera une terre très-pro-
dud:ive en bled. Défoncer le fol à
la bêche ou à la noue ( f'^oye'^ ces
mots ) , vaudroit beaucoup mieux que
les labours , &: feroit plus coûteux ,
mais le produit dédommageroit de
la dépenfe.
Si au contraire la couche fiipé-
rieure eft caillouteufe, & l'inférieure
tenace , c'eft encore le cas des dé-
foncemens ou des labours très-pro-
fonds : fi la première eft fabloneufe
ou caillouteufe , ou maigre & rou-
geâtre par le fer qui la colore, &
la couche inférieure une bonne rerre
végérale j on ne doit rien épargner
pour ramener celle-ci à la furface ,
& la bien mélanger avec le refte.
Si la couche fupérieure eft bonne,
mais de peu d'épaifteur, (?c que l'infé-
rieure foie maigre (Se mauvaife , il faut
R 1
132 L A B L A B
fe contenter de labours légers 5 & ce- lité eft beaucoup fupérieure à celle
pendantchaque année foulever un tra- des blés de la plaine, ou venus dans
vers de doigc ou deux de l'inférieure de bons fonds,
(fuivanc l'épaiireur de la couche fu- On doit conclure que la profon-
périeure) , ahn de la inétamorpho- deur des labours fagemenc fairs , dé-
1er petit à petit en bonne terre. Trop pend de la qualité de la couche
hâter ce défoncement, c'eft nuire à fupérieure & de celle de la couche
la inaiïe du champ. Cette terre ché- inférieure ; que fans cette attention,
tive appauvriroit trop la bonne tout on cultivera toujours mal ^ enfin,
a la foisj & n'auroit pas le temps que chaque champ demande un !a-
de s'imprégner des effets des mé- bout particulier , dès que les circonf-
téores , & de s'amalgamer avec les tances ne font plus les mêmes,
débris des fubftances animales & vé- III. Des labours relatifs au paral~
gétales, & de compofer \ humus qw lèlifme , ou à l'inclinaifûii du champ,
terre végétale principe. 1°. Du parallèlifmc.W t9i^x(:ic^v.Q
Si fous la couche fupérieure & moralement impolfible que le fol
mince fe trouvent des rochers, des d'un champ foit parfaitement de ni-
liancs de pierres , il n'cft pas nécef- veau, & qu'il n'y ait une pente
faire de prévenir que les labours pro- quelconque vers un ou plulieurs de
fonds font inutiles , puifqu'ils font fes côtés. Dans ce cas , il eft aifé
jmpofllbles. Mais fi ces rochers, fi de donner ilfue aux eaux furabon-
ces bancs font calcaires , & fur-tout dantes , &c par conféquent de labou-
s'ils le lèvent par feuillets minces , rer comme on le jugera à propos ,
comme dans le grand banc de cette après avoir auparavant bien étudié la
nature j qui s'entend depuis Blois nature du terrein. La coutume eft ,
julqu'à l'extrémité de l'Angoumois, lorfque le fol eft goutteux & qu'il
Se dans plufieurs autres endroits du retient l'humidité , de labourer on
royaume , on fera ttès-bien de fou- en planche, ou en bïllons {Voye\ ce
lever ces feuillets, de les divifer mot ) ou enfin à plat; mais en ou-
à fotce de palTer la charrue , parce vrant de grandes rigoles de diftan-
qu'ils font tendres , qu'ils fe décompo- ces en diftances , plus ou moins mul-
fent 6c fe réduilent en terre, lorf- tipliées , fuivant le befoin. 11 con-
qu'ils font expofés à l'air. Quoique vient de relire l'article liillon j afin
de tels champs n'offrent à l'œil que de fuivre ce qui a été dit telative-
l'afpeét d'un débris de pierrailles , ment au parallèlifme du foi. Pour
ils donnent des blés fuperbes. Les peu qu'il air de pente , je préfère à
pierres, les cailloux empêchent la tous égards le laboura plat, coupé
grande évanoration de l'humidité, & par des fang fues ou rigoles, parce
cependant ils augmentent la ihaleut qu'on n'a pas à craindre la ftagna-
du fol par celle qu'ils s'appropiient tion des eaux , & fur-rout parce qu'il
en raifon de leur dureté. Cela eft iî n'y a point de terrein perdu ou de
vrai , que dans nos provinces même grain fubmergé comme dans les la-
ies plus méridionales , ces terrcins pro- bours à planches ou à billons.
duifent d'excellens bleds , pour peu Le climat que l'on habite, la ra-
que la faifon les favorife , «Se leur qua- reté ou la fréquence des pluies , a
L A B
décidé ( en général ) la manière c!ô
labourer fuivie dans le pays; l'ex-
périence a même démontré qu'elle
éroit à certains égards préférable à
toutes autres; mais a-t-on bien exa
miné fi, en ouvrant un folié masif-
tral , d'une toife de largeur fur au-
tant de profondeur , &; le condui-
fant vers une extrémité du champ ,
où des fondes auront appris que la
terre eft perméable à l'eau , cette
vafte faignée ne fuffiroit pas pour
aflTainir le fol ? Ne pourroit-on pas
faire correfpondre à ce foflé magif-
rral ,plufieurs foliés latéraux qui cou-
peroient le champ dans toutes fes
parties? Je conviens que ces travaux
entraînent à de grandes dépenfes ;
qu'elles font encore multipliées par
le tranfporr des pierrailles qui doi-
vent remplir aux deux tiers le fond
de ces folfés ; qu'il en coûtera beau-
coup pour finir de les remplir avec
la terre qu'on en aura retirée ; enfin ,
pour égaler la terre fuperflue fur ce
champ ; mais ici c'eft une affaire
de calcul. Tout propriétaire peut
voir , en remontant aux fix ou dix
récoltes précédentes , combien il a
perdu de grains par la ftagnation des
eaux^eftimer fur la totalité du champ,
la portion de terre non couverte par
l'eau , qui a produit du grain; enfin
comparer cette produétion avec celle
qu'auroit donné le même champ , Ci
tout le fol avoir été couvert d'épis.
De cette comparaifon première, il
doit en faire une féconde ; eftimer
ce que lui couccront les travaux de
recreufement , de tranfports, &;c. &:
les mettre en balance avec le fur-
plus des récoltes qu'il eft en droit
d'attendre après le deirèchcmenr. Si
le produit net eft complètement in-
férieur, il doit y renoncer; mais fi
L A B
•13:3
les frais font couverts par l'excèdent
de trois ou quatre récoltes , c'eft met-
tre (on argent à gros intérêts j & le
champ doublera de valeur. 11 faudra
moins de travaux, Cs: la recette fera
de beaucoup plus forte par la fuite.
J'mfifte fur cette manière d'opérer ,
parce que j'en ai vu des effets fur-
prenans. Le pauvre cultivateur n'eft
pas en état de faire ces premières
avances; je le plains; cependant,
s'il le vouloir bien, il en viendroit
à bout avec de la patience. L'hiver
eft fi long dans plufieurs de nos pro-
vinces ! il y a un grand nombre de
journées pendant lefquelles il ne peut
pas laboiûer; qu'il emploie ce temps à
ramaffer ou .à charrier les pierrailles,
à ouvrir ai:tanc qu'il le pourra & à
prolonger le foffé magiftral : ce qu'il
jie fera pas dans uriC année, il l'exé-
cutera dans une autre; enfin petit à
petit il parviendra à defiécherfa pof-
fellion.
Si ces débris de pierres ou groffes '
pierres que je préfère aux cailloux',
enfin fi les cailloux font rares, comme
dans plufieurs de nos provinces , il
ne refte plus que la petite reffource
d'ouvrir de larges foflès de ceinture,
afin d'y dégorger les eaux du champ.
On peut à la longue parvenir à
détruire le parallèlifme du champ pat
les labours continués fur le même
plan : ceci demande une explication.
Ayez une charrue armée d'un fort
verfoir ou oreille, <?>: capable de fou-
lever la terre de fix à huit pouces;
commencez à ouvrir le premier fillon
fur le bord du champ, év' l'oreille
tournée contre le champ : continuez
de labourer ainfi, en fuivant le con-
tour du champ entier. Lcilqne la
charrue fera arrivée au point dont
elle eft partie , faites entrer le foc
^34
L A B
fous l'endroit où la rené eft déjà fou-
levée ; labourez de manière que ce
fécond fillon reporre encore plus en
ded.'.ns la rerre qui fera foulevce ,
ik une parcie de celle qui l'a déjà
été. Continuez le fillon tout pics du
premier j c'eft à-dire , labourez ferré,
év' ainfi de fuite , en contournant
toujours le champ, comme dans les
deux premiers filions. Il faut avoir
grande attention que -la terre ne re-
tombe pas dans le iillon qui ei^ déjà
lait. Vouloir tout à la fois renverfer
beaucoup de terre contre l'intérieur
du champ , ce feroit faire des amon-
celemens préjudiciables, & il feroit
impoffible d'aller jufqu'au centie de
ce champ. Ce déplacemenr de terre
eft l'ouvrage du temps; mais comme
il ne coûte pas plus de labourer d'ane
façon que d'une autre, je prétcre celle-
ci. On convient cependant que le
milieu du champ fera mal labouré ,
parce que les fpiraies feront trop
courtes, & une partie reftera plus
baife que le refte. Comme perfonne
ne pollède un champ partairement
rond , il fera poflible de porter fur
ce milieu une partie de la terre des
angles qu'on n'aura pas pu labourer
de la manière que je propofe.
Les valets s'oppoferont à cette mé-
thode : ce n'ejl pas la coutume dif
pays ^\ov\s diront-ils; le grand point
efl: de leur en faire naître l'idée ,
& de leur perfuader qu'elle vient
d'eux. Lorfqu'ils font ralfemblés ,
ayez l'îir de les confulter ; propo-
fez-leur plufieurs expédiens, bons
ou mauvais \ engagez les à les dif-
Ttuter entr'eux ; lailfez-leiir apperce-
voir celui auquel vous voulez venir ,
& dès que l'un d'entr'eux aura ap-
proché du but, louez-le, paroillez
laikr fon idée, & commejicez - l.i
L A B
avec eux tous ; enfin échauffez leur
imagination fans avoir l'air de trop
vous en occuper. Rccommar.dez-leur
d'y réfléchir, & allurez-les bien que
vous ferez ce qu'ils voudront. La
réullîte alors eft aflurée. Si au con-
traire vous agilfez d'autorité , ils abî-
meront vos bêtes par un travail inu-
tilej (^c la befogne fera mal faite,
très-mal faite (k manquée pour tou-
jours.
Le premier point eft de chercher
tous les moyens poilibles &: les moins
coûteux, afin que le parallèlifme du
champ celle d'être préjudiciable; une
fois obtenu , abandonnez les labours
à planches & à billons; labourez à
plat , & multipliez les rigoles ou
iang-fues.
i". De l'inclinalfon du champ.
Avant d'entrer dans aucun détail , il
convient de parler des rigoles on
fang-fues.
La rigole eft un petit foffé d'é-
coulement , creufé par le (oc de la
charrue , & dont la terre eft foule-
vée fur le bord par fon oreille. Com-
munément on le fert d'une charrue
à deux oreilles ; mais dans tous les
cas, on palfe deux fois, afin de ren-
dre le fillon plus large & plus pro-
fond.
La difpofition Se la direélion des
fang-Jues (ce mot eft également reçu
dans plulieurs de nos provinces) , ne
peuvent être ici déterminées ; elles
dépendent entièrement du local 6c
de fon niveau de pente.
Cette opération en général eft
toujours tiès - mal faite. On com-
mence par ouvrir une rigole princi-
pale fur toute la longueur du champ,
& on difpofe les autres en manière
de patte d'oie , qui y viennent abou-
L A B L A B 135
tir ; de toures les méthodes c'ell la rehauiTé , piiirqu'il eft cc-nfc que le
plus défectiieufe , à moins que la (îllon eft allez large & zlTez profond
nacure du lotal ne la décide irrévo- pour contenir l'eau. S'il ne l'eft pas ,
cablement : il eft aifé de prévoir qu'à ce peu de terre n'eft pas allez fore
la moindre pluie d'orage , cette ri- pour empêcher que l'eau ne s'échappa
gole Ce métamorphofera en torrent, à travers le champ. Il vaut beau-
ik par conféquenc qu'elle formera coup mieux faire luivre la charrue
une ravine j enfin petit à petit elle par un valet armé d'une pèle, & lui
doublera d: quadruplera fon niveau taire jeter la terre de l'intcrieuc
de pente au grand dctrimenr des ter- fur le bord fupcrieur de la rigole. Ce
les voifines. Le vice provient 1°. de petit rehauiremenc formera une ef-
ce qu'on a donné une ligne trop pèce de petite digue qui retiendra la
droite à la rigole ^ 2'"\ de fa pente terre entraînée du haut j ce il l'eau
trop rapide; 5*^. de la trop grande eft trop abondante, comme cela ar-
quantité d'eau qui s'y rend. rive par fois , elle fera fa trouée dans
L'œil accoutumé à juger des ni- l'endroit le plus foible de cet:e pe-
veaux, doit parcourir le champ; on tite chauffée, & la terre ne fera en-
doit fixer par de petits piquets les en- traînée que fur les bords de la trouée,
droits à fillonner par la charrue, & tandis qu'elle fera retenue par le
leur faire fuivre les plus grands Con- refte.
tours podibles qui modéreront la Auilî - tôt après la première pluie
rapidité de l'eau , & la forcerc\,nt à un peu forte, le propriétaire, accom-
s'écouler avec tranquillité. P-'^g"^ "^^ ^'=s gens avec leur pèle.
Il eft encore très - important de fuivra routes les rigoles, les fera creu-
multiplier les fang-fues capitales , & fer dans les places où la terre a été
d'écarter les points de leur dégorge- dépofée; ou encore mieux, il fera re-
ment ; par habitude ou par ignorance haLilfer les deux bords, puifque les
ces points font chaque année placés atternircmens prouvent que le niveau
dans le même endroit, & pendant de pente eft en détaut. Il vifitera avec
cinq ou llx récoltes confécutives ; le même foin les bords fupérieurs
les terres voifines ont été entraînées; de la rigole, &: fera boucher les
le niveau de pente s'eft formé bien au- trouées , Se les fortihera. On traitera
delà, & les rerres feront encore plus de minutieufe la précaution quej'jn-
enrraînées à l'avenir : au lieu que fi dique ; mais c'eft le cas de citer cet
à chaque récolte , le point de dé- aàa^e , prinàpiis oèj'a. Plus des trois
gorgement avoit été changé, la fur- quarts du fol en pente, jadis culti-
face du champ n'auroit point va- vcs & aujourd'hui décharnés , ne fé-
rié , ik on en auroit confervé la roicnt pas dans cet état déplorable ,
terre. fi leurs propriétaires avoient eu cette
Un autre défrut à éviter dans la légère attention. ^
formation des rigoles par la char- Plus le champ a d'inclinaifon , &
rue, eft de jeter la terre fur un plus on doit augmeiîter les rigoles
bord en montant , & fur l'autre générales & les rigoles partielles. C'eft:
bord en defcendant. La partie infé- d'eux & de leur entretien continuel
rieure n'a pas befoin d'avoir fon bord que dépend fa fertilité , fut-tout dans
13^
L A B
les pays fujecs aux longues ou fré-
quenres pluies d'orage. Sans leur fe-
cour;, il n'y reftera bientôt plus que
le tut, & ce fera un champ perdu
pour toujours.
En fuivanc les bonnes règles de
culture , un champ incliné , donc
la pente s'écarre de l'angle de qua-
rante-cinq degrés , ne d(.m3nde pas
à être cultivé en grain, puifque cha-
que année la couche de terre remuée
par la charrue , eft à peu de chofe
près entraînée par les pluies. Si l'on
habite un climat tempéré , il vaut
mieux le convertir en prairies, fur-
tout fi on peut lui donner de l'eau.
Dans l'es provinces du midi , l'inré-
tèc bien entendu follicite le proprié-
taire à le couvrir de bois. Je n'in-
lifte pas fur cette dernière alFertion
démontrée par l'expérience , Se fur-
tout par le befuin de bois de tous
sentes , donc on eft à la vc-ille de
manquer dans tour le royaume , Se
qui elt déjà fi rare & fi cher dans
fes provinces du midi.
Cependant fi on a la manie de
vouloir encore le mettre en culture
réglée, ou de la continuer, voici les
procédés diélés par le bon fens. Le pre-
mier travail confifte à ouvrir un folFé
dans la partie fupérieure du champ,
s'il eft dominé par des terrêins plus
élevés j lailfer d'efp.rce en efpace des
féparations dans le toile, d'une épaif-
feur de douze à dix -huit pouces,
mais moins élevées de quelques pou-
ces feulement que les bords du folTé
général. Les creux fe rempliront in-
fenfiblement de la terre entraînée
par la p.artie fupérieure au champ ;
chaque année on les fouillera une ou
deux fois , fuivant le befoin , & leur
terre fera jetée fur le champ , &
L A B
étendue autant que faire fe pourra.
Avec cette précaution, on redonnera
chaque fois autant de terre nouvelle
qu'il en aura été entraînée par les
pluies , & le champ fe confervera
à- peu-près de même valeur.
Le folié de ceinrure fupérieure fera
dirigé fur les deux côtés du champ ,
où l'on formera & multipUera au-
tant que l'on pourra des creux fem-
blables à ceux- du foffe. Ils diminue-
ront la rapidiré de la chute, & de-
viendront également des réfervoirs à
terre , qui feront nettoyés au befoin ;
enfin, au bas du champ, on ouvrira
un vafte folfé qui achèvera de rete-
nir les terres , & en fournira fans
cefie de nouvelles au champ.
L'inclinaifon du fol , plus ou moins
grande, diète quelle doit être la profon-
deur des labours, même abftraclion
faire de la qualité du fol & du climat :
plus la couche fupérieure de terre fou-
levée fera force, & plus il y en aura
d'entraînée par une pluie dorage ,
& plus enfin la fuperficie fera fuc-
ceflivement abaiftce. Si on laboure
fur un forr maflif de terre végétale
& tenace , le danger fera moins à
craindre; mais il le fera toujours. On
doir d'ailleurs conhdérer que la cou-
che inférieure a beau être de bonne
qualité , elle ne le fera jamais au-
tant que la fupérieure , parce qu'elle
n'aura pas été élaborée par les mé-
téores {f^'oyc^ le mot Amendement).
Règle générale, plus la pente eft ra-
pide, & moins les labours doivent
être profonds. Les folfés de ceinture
ferviront à recevoir les eaux des ri-
goles , qu'on ne fruroic trop multi-
plier fur de rels champs.
Si au conrraire la pente eft douce,
le folié fupérieur produira toujours
d'excellens
L A B
3'excel!ens effets, & les rigoles ne
demancien: ni le même nombre, ni
la mênie protondeur. Daii:> l'un Se
dans l'autre cas, pour peu que le champ
aie une- certaine étendue , on tera
très-bien d'avoir des ricroles générales
à demeure , c'eft à-dire qu'on ne les
changera pas , mais feulement les
rigoles partielles. Si on le fème en
gazon, Il on forme une platte bande
de chaque côté oc de lix à huit
pouces de largeur, on doit être afïurc
qu'il ne fe formera jamiis des trouées
ni des ravins , à moins d'un cas
extraordinaire. 11 eft bon cependant
d'en nettoyer le fond au befoin ,
parce que l'herbe retient la terre
charriée par les eaux ; ce fond s'élève,
& bientôt il fe trouve de niveau
avec les côtés j alors ces rigoles ne
font plus d'aucune utilité : elles de-
mandent à être fouvenc vifitées, afin
de prévenir les engorgemens , & la
terre qu'on en retire, doit être jetée
fur le bord du côté fupéneur.
Les champs à plan incliné , foie
du côté du levant, foit du côté du
midi, font moins fujets aux mau-
vaifes heibes que ceux inclinés des
deux autres côtés ( toute circonftance
égale), ils demandent à être labou-
rés ôc femés de bonne heure , parce
qu'ils craignent beaucoup la féche-
relfe & la chaleur , relativement au
climat ôc en raifon de leur inclinai-
fon , qui les met dans le cas de re-
cevoir plus perpendiculairement les
rayons du foleil.
Il ne rerte plus qu'une feule ob-
fervation à faire , relarive aux champs
inclinés , &c elle eft de conféquence.
Après que tout le champ eft labouré
en plein , foit après le premier , le
fécond , enfin , après chaque labour ,
pn cloir tracer &c ouvrir les rigoles
Tome FI,
L A B 137
comme s'il venoit d'être femé. Il eft
aifé de fentir que fur cette terre fraî-
chement retournée , s'il furvient une
grolfe pluie, une pluie d'orage , elle
fera promptement entraînée du haut
en bas j au lieu que les rigoles dé-
tourneronr les eaux, &: préviendront
les dégradations. C'eft une mauvaife
nature de bien que celle des champs
amli inclinés, à moins qu'ils ne fuient
convertis en prairies ou en bois j- &
encore, pendant les premières an-
nées , la prudence exige qu'on ait le
plus grand foin des rigoles.... Règle
générale, plus un terrein eft incliné,
plus le fol en eft maigre , moins il
doit être labouré fouvent. Dans le
le premier cas , la terre eft empor-
tée , & dans le fécond , on l'appau-
vrit encore , & l'on diminue fa qua-
lité végétative par la grande évapo-
ration de fes principes , & fur-roue
de fon air fixi ( Foyc'^ ce mot ). ' '
Section II.
Dans quelles cbxonjlances doit -on
labourer ?
Les méthodes ordinaires -Se admi-
fes dans prefque rout le roy.aume,
lailfent rarement le choix des circonf-
tances , à caufe que l'on n'eft jamais
afl'ez fort en beftiaux & en valets :
on laboure , quand on peut , pendant
toute l'année , & l'on eft forcé de
travailler pendant les grandes cha-
leurs. Celle que j'ai propofée précé-
demment , allure une liberté entière.
En effet , il m'importe peu avant
l'hiver que la terre foit mouillée
(elle ne peut-être trop fèche dans
cette faifon) , que la ch.arrue la fou-
lève par bandes tenaces dans un
fol fore ou argilleuxj n'ai-je pas U
S
13S L A B L A B
reirource précieufe des gelées, qui ou trois premiers prépararoires ont été
les divifera & les émiettera plus que exécutés avec foin & à une profon-
deux ou trois coups de charrue dans deur requife.
toute autre faifon ! 11 {"ufïit que ce Je conviens qu'il eft des faifons
labour préparatoire foit protond & à capables de déranger tous les rai-
iillons féparés dz larges , afin qu'une fonnemens les mieux fuivis. S'il fur-
grande furface foit expofée à l'action vient des pluies longues & fréquen-
des' météores , puifque dans cette tes avant les femailles , alors le champ
laifon l'évaporation , h redoutable cultivé fuivant la méthode décrire ci-
dans les autres, ne l'eft aucune- delfus , eft dans le cas de tous les au-
ment. très champs , puifqu'il a eu autant de
Il n'en eft pas ainfi du labour pré- labours qu'eux, à la feule différence
paratoire. Dès qu'on ne craint plus des intervalles. Dans l'un & dans
les rigueurs de l'hiver, il convient l'autre cas, on fait comme l'on peut j
d'attendre , autant qu'on le peut , & au lieu de donner trois à quatre
que la terre foit fuftilamment ref- labours confécunfs , on n'en donne
fuyce , c'eft-à-dire, moins imbibée qu'un ou deux, afin de ne pas dé-
d'eau que dans l'hiver, afin qu'elle palfer l'époque des femailles; épo-
foit peu tallée par le piétinement que très - intérelfante , & de la-
des animaux qui labourent. Comme quelle dépend fouvent le fuccès de
on a beaucoup d'efpace de temps de- la récolte. D'ailleurs , fi , comme
vaut foi , on eft donc libre de choifir je l'ai dit, le propriétaire a eu la
un moment 5»: des jours favorables, fage précaution d'aider fes voifins
Si on a degrandes polTellions , c'eft le pendant la difcontinuation de fes
cas de fe iaire aider par Ces voifins , travaux , il trouvera alors des fe-
&de leur rendre enfuite travail pour cours alfurés , & qui le mettiont au
travail. courant de fes opérations.
Le troihème labour préparatoire , On objeélera contre le confeil que
ou à la hn du printemps, eft moins je donne de labourer le champ auffi-
utile que les premiers, &: je le fup- tôt que la récolte eft levée, 1°. que
primerois totalement, fi je ne crai- j'occafionne une très-grande évapo-
gnois la fruétification des mauvaifes ration ; 1°. que fouvent la terre eft
herbes , & fur-tout fi les champs ne fi fèche , que la charrue ne peut la
fourniAment que des herbes utiles fiUonner. Ces objedions font fpé-
-S^' faines pour la nourriture des trou- cieufes.
peaux. Ce labour trop voifin de l'été, 1°. Il eft clair qu'on augmente
occafionnera beaucoup d'évaporation, l'évaporation & la perte des princi-
& ce mal ne peut être compenfé que pes ^ mais en même temps on lui
par l'engrais des moutons, & par celui rend le chaume, on enfouit les her-
des mauvaifes herbes que l'on en- bes , les graines de bonnes ou de
fouit. mauvaifes plantes qui repoulTeront
Quant aux labouts de grandes di- dès que l'air fera .à la Température qui
vifions, ceux quidoivenr, coup fur leur convienr. J'augmente l'évapo-
coup , précéder les femailles , ils fe- ration jufqu'à ce que l'herbe ait re-
ront faits avec facilité. Ci les deux pouffé, la graine germée, £cc. mais
L A B
alors ces herbes s'imprègnent , fe
noiirrilTent & s'approprient l'air fixe
qui fort de la terre , comme les grai-
nes mifes à germer fous un réci-
pient rempli d'air fixe , comme il
a été die plus haut. Ainfi le petit
mal eft compenfé par un grand bien ,
par la végccation des herbes qui pro-
duiront dans la fuite Vhumus ou terre
végétale.
D'ailleurs tout propriétaire intel-
ligent doit faifir cette époque pour
femer fur ce même champ des ra-
ves , des navets , du farrafin , des
carottes , &c. qui ferviront de nour-
riture au bétail pendant l'hiver lui-
vant, & qui feront enfuice entouies
au commencement du printemps, par
deux forts labours. Cette manière
d'opérer vivifie les terres mêmes les
plus maigres ( f^oye\ le mot Al-
terner ).
2". La fécherefTe , j'en conviens ,
eft un grand obftacle à ce labour fur
le chaume , & fur tout dans les pro-
vinces du midi j mais comme &n a
du temps devant foi , quatre bœufs,
ou mules, ou chevaux , laboureront
avec la charrue le fol qui ne peut
l'être avec deux. Il ne s'agit pas ici
de détfuire le chaume au moment
même qu'il eft coupé : ce n'eft ni un
befoin urgent , ni de première nécef-
fité ; & prendre ce confeil à la vi-
gueur , feroit un abus. Si on ne
peut faire autrement , on attendra
qu'une pluie bienhifante vienne ou-
vrir les pores de la terre , & on pro-
fitera de cet heureux moment.
On voit , en fuivant cette méthode ,
que dans tous les cas, il eft pofli-
ble de labourer , de bien labourer
^ de labourer frudueufemenr.
Les méthodes ordinaires lailfent
moins la liberté dans le choix ^ ce-
L A B
139
pendant , dans tout état ce caufe ,
fi on laboure les terres fortes , ar-
gilleufes, crayoufes,marneufes, lorf-
qu'elles font pénétrées par l'eau ,
les pieds du bétail les paîtrllfenr, le
dellous de la charrue les prefle, Se
l'un de fes côtés les ferre , &: celui
du verfoir retourne des tranches tou-
tes d'une pièce j qui fe durciront en
fechant , à moins que le labour ne
foit donné avant l'hiver. Ces tran-
ches , une fois fechées , feront dif-
ficilement dilToutes par la pluie, à
caufe de leur ténacité ; Ik les la-
bours fur les labours les déplaceront,
les porteront plus haut ou plus bas
fans les divifer , ainfi qu'il convienr.
Cependant ce labour lera compté
pour un , &: il ne produira prefque
aucun eftcr.
Si au contraire cette terre eft
trop fèche, le bétail fera excédé de
hitigue , la charrue entrera peu, &*
la terre foulevée fera en mottes, &c.
Le point i choifir d'où dépendent les
bons labours , eft celui où la terre
n'eft ni trop ni trop peu hamedtée;
mais dans les cantons où les pluies
font fréquentes , &; dans quelques-
uns où elles font prefque journal-
lières, cette difpofition heureufe du
fol n'eft pas de longue durée, & on
doir fe dépêcher d'en profiter , en
fe fervant de tous les movens pof-
fibles.
Dans les cantons, au contraire,
où les pluies font rares, & où les
chaleurs furviennent de bonne heure,
la nécefiîté eft encore plus urgente
de faifir le moment, parce qu'une
fois pafié , il eft rare de le retrouver
penclant l'été. Mais (\ on avoit donné
un fort labour avant & après l'hi-
ver, & au point convenable, on ne
feroit pas embarraffé pour les' laboura
Sa
140 L A B
déré. On feue donc de quelle im-
portance il eft que les deux premiers
labours foient profonds & donnes
dans des circonftances fa,vorables ,
puifque c'eft d'eux que dépend la
iacilité de ceux qui doivent leur fuc-
céder. Cette néceffitc eft moins ur-
gente pour les terreins légers & fa-
bloneux, la charrue les hllonne fans
peine dans tous les temps j mais pen-
dant l'été , les labours y excitent une
évaporation très-nuiûble.
E C T I G N
I 1 I.
Comment doit-on labourer ?
L'a<ftion mécanique du labourage
a pour but, i"^. de divifer la terre;
i*-". de ramener à la furface une
portion plus ou moins forte de la
couche inférieure , qu'on pourroit
'appeller terre vierge.
i'^. Pour divifer la terre, on ou-
vre le premier fillon fur une ligne
droite , &: le fécond coupe le pre-
mier à angle droit, ce qui lotme
la croix. Telle eft la coutume géné-
rale : eft-elle la meilleure ? Je ne
le crois pas. 11 n'y a déterre vraiment
remuée que celle du fillon \ mais
celle de l'intérieur du quarré refte
intafte; tandis que fi on avoit donné
le fécond labour en lozange, même
allongé , toute la terre auroit été
foulevée par ces deux labours , ou
du moins plus d'un grand tiers en
fus que dans les deux autres labours.
On dira : mais en donnant les la-
bours poftérieurs , le quarré eft tra-
verfé de nouveau par fes angles : cela
eft vrai; mais enfuppofant une dou-
ble fettion par les angles du lozange,
n'y auroit-il pas plus de terre fou-
levée ? Cette vérité eft trop palpa-
L A B
b!e , pour s'appefantir fur fa démonf^
tration. 11 convient donc d'abandon-
ner les labours par quarrés , & d'a-
dopter ceux par lozanges.
i''. Dans la main du laboureur ^
dit le ptoverbe, ejî la clef du grenier
du propriétaire : c'eft -à -dire, que
du labourage plus ou moins bien fait,
dépend la bonne ou la chétive ré-
colte , toutes circonftances égales.
La couche fupérieure du fol s'ap-
pauvrit par l'évapoiation & par les
principes enlevés par la végcration
des blés , puifqu'on fcme & l'on
récolte fans ce(Te, fans rendre à la
terre les matières premières de la
végétation.
On fait aulfi que l'eau des pluies
diflout V humus , les fels, les fubf-
tances favonneufes , ^ qu'elle les
entraîne vers la couche inférieure ;
enfin qu'elle les en pénètre : c'eft
donc la portion la plus rapprochée
de cette couche inférieure j qu'il con-
vient de ramener en-deffus &c de
mélanger avec la fupérieure. Aiifll le
bon laboureur, celui qui n'eft pas un
automate , ne fuit pas machinalement
fes bcEufs ; il fonde fon terrein; il
examine fi la chanue amène à la
furface une partie de la couche du
deffous , toujours de couleur diffé-
rente de celle du delfus ; il pique plus
profondément , ou foulève moins ,
fuivanr la circonftance. C'eft la na-
ture du fol , la qualité de la couche
inférieure qui l'indiquent de rappro-
cher ou d'allonger la flèche de la
charrue, fuivant qu'il vient trop oit
trop peu de terre du delfous, & fur-
tout fuivant fa qualité bonne ou
médiocre , ou mauvaife. Dans un bon
fol, les labours profonds font mer-
veille ; dans les mauvais , ils font très-
pernicieux. Un bon laboureur , un
L A B
inbourenr intelligent eft un liomme
eirentiel , ^ que l'on doit ménager
&' bien payer.
Pour éviter la peine , les labou-
reurs ordinaires ne manqueront pas
de dire au propriétaire peu inftruit :
La couche de delTous elt aigre , elle
n'aura pas le temps de fe cuire , la
récolte fera perdue , &c. ; tous ces
propos font ceux de la fainéantife
ou de l'ignorance. LallFez dire , &c
ramenez toujours plus ou moins une
portion de la terre intérieure , &
qui n'a pas encore travaillé. Sa qua-
lité , comme je l'ai déjà dit, décide
de la quantité. On peut augmenter
cette quantité, i\ dans le temps con-
venable on a porté des engrais fur
le champ, c'eft-à-dire , avant le pre-
mier labour d'hiver, ou au fécond,
au plus tard.
L'exécution de ce renouvellement
de la couche fupérieure, efl: morale-
ment impolîiblej ou du moins très-
diflicile , tant qu'on fe fervira de la
charrue nommée araire , ou de la
petite charrue à verfoir. La première,
dans quelques endroits , ell appellée
dentel , & la féconde , moujje. Ce font
prefque les feules dont on fe ferve
dans le Bas- D.mphiné , le Comtat
d'Avignon, la Provence , le Langue-
doc. Elles îrrattent la terre à trois ou
quatre pouces au plus de profondeur
réelle : ce n'eftpas labourer. Le liUon
cependant paroît profond , à caufe
de l'élévation de la terre poiiflée fur
fes bords; mais ce labour n'elt qu'ap-
parent; il peut erre & il eft même
fuftifant fur un fol maigre , & dont
la couche fupérieure repofe fur une
couche encore plus mauvaife. Dans
tout autre terrein , c'eft du travail
perdu ou prefqu'inutile. Dans ces
provinces dévorées par la chaleur ,
L A B
Ï4Ï
on fc plaint de la fécherefle , de ce
que les bleds font trop tôt furpris
par le chaud , &c. ces plaintes, ces
lamentations perpétuelles ne font pas
ouvrir les yeux aux cultivateurs , &c
ils ne voient pas que (i les labours
avoientéré plus protonds, les racines
fe feroient enfoncées dans la terre, &
auroient moins promptement été pri-
vées de cette humidité qui conftitue
la bonne végétation Si la contrariété
des faifons, fi le peu de beftiaux de
labour que l'on nourrit, ont retard»
les labours, enfin fi le travail prelTe,
on loue des paires de labours, d' ou
les paie à tant par jour ou par me-
fures du pays ; les propriétaires des
mules , des bœufs ou des chevaux ,
veulent être bien payés , & rien n'eft.
plus Julie ; mais pour ménager leurs
bêtes, le travail eft mal fait, ils in-
clinent la charrue à verfoir ; la terre
paroît très-foulevée fur le côté du
fillon , & elle l'tft en eflct, & le
iiUon n'a point de profondeur réelle.
Si on les paie par tache , le labour
eft encore plus mauvais. J'ai fouvenc
offert à ces laboureurs à journées de
prendre leurs bctes, à condition qu'ils
fe fervirnient de mes charrues qui
piquent bien en terre, & aucun n'a
jamais voulu s'en fervir , quoique
j'ofrrilfe de payer leurs journées au-
delà du prix courant. Les faifons, j'en
conviens, diminuent ou perdent quel-
quefois les récoltes ; mais leur perte
habituelle vient i". de ce que l'on
laboure mal ; i". de ce que l'on la-
boure à contre temps.
Les partifans des labeurs multi-
pliés, fyflcme jadis ii accrédité par
M. Tull , & mis à contribution par
pluiieurs auteurs qui l'oin fuivi , ne
manqueront pas de fiiire une lon-
gue énumération des principes de
i4t L A B
de leur maîcre , rapportés au mot
culture , & de finir par dire : com-
parez un ch.imp labouré d'après votre
méthode, <Sc comparez la récolte que
l'on obtiendra d'après la nôtre : je
conviendrai avec ces Meilleurs que
dans l'oriçiine ils auront un grand
avantage fur moi \ c'eft-à-dire que Ci
MOUS prenons tous deux un champ
quelconque, & parhaitfiment égal
dans toutes les circonftances , ils
auront la première année une récolte
bien fupcrieure à la mienne , parce
que leurs labours réitérés & multi-
pliés au point de rendre la teire
meuble comme celle d'un jardin ,
ont forcé , ont aclionné tout-à-la-
fois , (î je puis m'exprimer ainfi,
jufqu'aux dernières molécules du fol;
il n'eft donc pas étonnant li la ré-
colte efl: belle. Voilà le beau côté
du tableau ; voyons actuellement le
revers ; comptons combien il a tallu
de labours pour faire acquérir à cette
terre cette foupleife , cette divifion
forcée. Eftimons la valeur ou le prix
qu'on aura payé pour chaque labour, &
du tout faifons-en un total. Aéluel-
ment, il faut ellimer la valeur du
produit de la récolte , & faire le
tableau de comparailon de dépenfe
&: de recette. La même opétation
doit être répétée pour le champ la-
bouré à grands intervalles , mais dans
les tirconftances couvenables, & on
verra que le produit réel , déduébioii
faite de toutes dépenfes , fera au
moins au pair par les deux métho-
des. Admettons que celui de la pre-
mière foit fupérieur & très-fupérieur,
il ne prouvera tien , finon que la
terre de ce champ a été forcée , Se
que la végétation des bleds l'a épui-
fée. Il eft .lifé de le prouver , en ré-
pétant plulîeurs années de fuite les
L A B
mêmes opérations fur chaque champ,
& l'on verra que peu-à-peu le pre-
mier s'appauvrira & le fécond s'en-
richira : cela eft h vrai , que les par-
ti fans les plus zélés du fyftème de
M. TuU , ont ouvert les yeux , &
qu'ils ont vu enfin que la dépenfe ex-
cédoit le produit. Il n'eft donc pas fur-
prenant d'entendre dire que la terre
s'appauvrit : cela eft vrai , loifque
l'on travaille mal, lorfque l'on force
fon évaporation , & fur tout quand
on croit fuppléer les engrais par des
labours multipliés. Les avantages
rcels des engrais, conliftent dans la
fiibftance huileufe & grailleufe qu'ils
fûurnilfent à la teite , & qui devient
favoneufe, en s'uniilant avec Iïs fels
& l'eau; dans cet état^ elle forme
la matière de la fève , ainfi qu'il a
déjà été dit fi fouvent dans le cours
de cet ouvrage. Mais un avantage bien
réel encore que la terre tire d'eux ,
c'eft l'abforption de leur air fixe ,
furabondant, qui fe dégage lors de
leur décompolition , ou lors de leur
converfion en matériaux de la fève.
Une partie de cet air eft pompé par
les racines avec la fève , & l'autte
eft réabforbée par les feuilles à me-
fure qu'elle s'échappe de la terre.
L'exemple du vafe mis fous le réci-
pient dont on a parlé, fuffit pour le.
prouver. [I^oye^ encore les trois ex-
périences citées tome I, page 481 ,
au mot Amendement ). 11 me paroît
bien difficile de fe refufer à ce genre
de preuves.
Il ne me refte plus qu'à exami-
ner fi les labours profonds & très-
profonds, méritent les éloges que leur
ont donné plufieurs auteurs.
On a déjà vu que le bon agricul-
teur proportionnoit la profondeur des
labours, fuivant l'épallfeur de la cou-
L A B
che lupérieure & fa qualité , 8c fuivant
celle de rinférieure , &c. ôcc. Si la
rerre eft bonne j à quoi ferviront
des labours plus profonds que le point
auquel doit s'étendre l'extrémité des
racines? A rien quant au befoin
réel, & à beaucoup quant à la perte
des principes par l'évaporation. Si le
fol eft depuis long -temps fimple-
ment égratigné par de petits labours,
il eft clair que cette couche de terre,
fans ceffe remuée , eft appauvrie , &
qu'il convient de la mélanger avec l'in-
férieure, mais non pas en une quan-
tité difproportionnée ,• excepté dans
les labours d'hivernage. Pendant les
labours de divilîon ou les derniers ,
elle n'auroit pas le temps de s'im-
prégner des effets des météores. Les
protonds, Se très- profonds labours
écrafent les bêtes de fatigue , don-
nent de belles récoltes pendant quel-
que temps , & hnilFent par ruiner
le fol , à moins qu'on ne répare fes
pertes en multipliant les engrais. Dans
un champ mal travaillé de longue
main , un labour de fix à huit pou-
ces de profondeur réelle, eft plus
que fuftifant. S'il furvient de gref-
fes pluies , pour peu que ce champ
ait de pente, une grande partie de
la terre eft entraînée : voilà comment
s'abaiflentfuccelTîvement les coteaux,
& les plaines s'eniichilTent à leurs
dépens. Dans ce cas , on appauvrie
la terre matrice , c'eft une perte
réelle , puifque Vhuwus qui a été
diflout & entraîné par l'eau , fournie
lui feul la charpente des plantes.
Dans un terrein de qualité mé-
diocre , ou fabloneux , ces profonds
labours font défaftreux ; ils facilitent
l'évaporation du peu d'air fixe qu'ils
contiennent.
L A B
'43
Les terreins tenaces , argilleux ,
crayeux , font les ieuls qui exigent
de protonds labours j mais on ne
doit venir à une grande profond ;ur
que petit à petit. En effet , à quoi
ferviraune mafle d'argilleou de craie
qu'on amènera à la furface , & dont
le volume fera du double de celui
de la terre que les météores , les
labours & les engrais ont rendue vé-
gétale? Ici , toute proportion eft rom-
pue , le mauvais domine fur le mé-
diocre, le médiocre fut le bon-, une
chétive récolte fera la récompenfe
d'un travail fait à contre-fens. Je con-
viens cependant qu'à la longue, &
en foutenant toujours la même pro-
fondeur des labours , on parviendra
à améliorer la maffe de terre fou-
levée. Il auroit mieux valu le faire
petit à petit , on auroit eu chaque
tois des récoltes pallables.
On auroit tort de conclure que Je
fuis ennemi des profonds labours;
au contraire , je perfifte à dire qu'ils
font excellens ou trcs-nuifibles , fui-
vant les circonftances; enfin, que les
labours avant & après l'hiver doivenc
nécelTairement être de iîx à huit pou-
ces de protondeur, lorfque le local
le permet. Cette profondeur ramène,
à une jufte proportion , la terre neu-
ve fur la fuperficie; elle a le temps
de fe combiner intimement avec
l'ancienne , de s'imprégner du fel
aérien , de la lumière du foleil , dcc.
enfin la profondeur de ces premiers
labours , facilite le travail des der-
niers.
Des écrivains engagent à fiire des
labours francs , d'un pied de profon-
deur, d'un feul coup , & ils en par-
lent comme d'une chofe très-facile.
Je fuis fâché de ne pas avoir leurs
144
L A B
yeux , & d'ignorer leurs moyens.
Mes charrues lonc fortes j bien mon-
tées , tirées par de bons bœuis, Sc
malgré cela, j'ai vainement tenté,
même en mettant trois paires de
bœufs , de parvenir à cette profon-
deur, je ne dis pas dans des terreins
tenaces, comme l'argille , &c. mais
dans de bons fonds ordinaires. L'on
peut dire que leur plume fillonne
mieux que leur charrue. Si on prend
pour un pied de profondeur depuis
le fommet de la terre remuée &
montée fur le bord du lîllon , juf-
qu'à fa bafe réelle , il n'eft pas éton-
nant que l'on compte un pied; mais
ce n'eft pas ainfî qu'on doit calculer ,
il s'agit de la profondeur réelle &
intrinféque du fiUon , non comprife
la hauteur de fes bords , puifque
cette hauteur dépend du plus ou du
moins, i ''. d'e la manière dont le la-
boureur tient fa charrue j 2.0. de l'é-
cartenient ou du rapprochement de
l'oreille au verfoir contre le corps
de la charrue; 5°. enfin de la lon-
gueur (?c hauteur que l'on donne à
ce verfoir. Je regarde donc toujours
comme trcs-difEcile ou comme im-
poffible l'exécution de ces labours
frimes de douze pouces de profon-
deur. Admettons les poflîbles; à quoi
ferviront-ils ? À trop ramener de
rerre-vierge fur la fuperfîcie, & à la
longue , à épuifer le champ. Des
exceptions particulières ne dctruifent
pas cette allertion générale. Afin d'é-
viter les répétitions , voyez ce qui
eft dit dans le premier chapitre de
la quatrième partie de l'article Char-
rue , fur leur attelage , la manière
de les conduire , (Se d'exécuter les
diffcrens labours pour lefquels on
les emploie. Tome JIl , page 131.
L A B
CHAPITRE III.
EJl-'d plus "avantageux de labourer
avec des bxufs j ou avec des che-
vaux, ou avec des mules,
La folution de ce problème eft
facile , Il on fe dépouille de boime
foi de toute ptévention contraétée
par l'habitude , ou 11 l'on voit (?c l'on
examine les chofes fans partialité.
Il eft démontré en mécanique que
l'homme ou l'animal quelconque ,
ne tire qu'en raifon de fon poids
ou de fa malfe : premier principe.
11 eft encore démontré que la force
de l'animal diminue, s'il n'eft pas
bien proportionné , & que plus il
feia monté haut fur fes jambes, moins
fa maffe aura de force , attendu la foi-
blelfe ou la dilprcportion des points
d'appui : fécond principe ; d'où il
feroit aifé d'en déduire plufieurs au-
tres, & que le leéteur peut aifcment
fuppofer.
Prenons acluellement un bœuf &
un cheval bien conformés, &c de poids
égaux; je dis que le bœuf tirera plus
que le cheval, parce qu'il eft moins
monté haut en jambes , parce que
que fes membres font plus ramaiïés,
enfin parce qu'il tire du poids de
tout fon corps , puifque le joug eft
attaché à fes cornes, tandis que le
cheval ne tire que par les épaules,
foit avec un collier, foit avec un poi-
trail.
Il y a deux manières de faire cette
expérience ; la première, de mettre
l'un après l'autre chaque animal , pat
exemple, dans la grande roue d'une
machine appellée^^r.7t: .- on verra alors
qu'ils foulèveront le même fardeau ,
parce
L A B
parce qu'ici ils n'agillent que comme
malle. Dans la féconde, attelez-les
fiicceiîivement à une corde attachée
à une poutre ou à un fardeau quel-
conque à tirer. Ici le bœut "jiura l'a-
vantage furie cheval, parce qu'il eft
plus ramallc dans fes membres , plus
court jointe , & fes points d'appui
plus forts. Cependanton doit oblerver
que les bœuh font accoutumés à tirer
deux à deux, au lieu que le cheval
tire fouvent feul ; il faut donc, pour
rendre l'expérience concluante , iup-
pofer deux bœufs & deux chevaux
égaux de bien proportionnes dans leur
genre. Ce que je dis du ba-uf- &
du cheval s'applique aux mules Se aux
mulets.
Voyons aétuellement quels font
les animaux les moins coûteux pour
l'achat & pour l'entretien.
On a dans tout le royaume en gé-
nérai une belle paire de bœuh de
5 à <î ans pour 400 liv.5 une paire de
mules de même âge, fans être de qua-
lité première, coûte 1000 à 1200 1.
Le prix d'une paire de chevaux cft
à-peu-près le même : donc pour la
.piême fomme j'aurai trois paires de
bœufs.
Il faut à préfent eftimer le prix
d'achat des harnoisdes chevaux, &
leur entretien , & le comparer avec
celui d'un joug & de la longue cour-
roi qui fert à l'alfujettir aux cornes
de l'animal. Je demande de'quel
côté eil l'économie ?
. Le cheval, le mulet, démandent
à être ferrés ; nouvelle dépenfe. Le
bœuf n'a pas befoin du' maréchal.
Je fais cependant que dans certai-
nes provinces du royaume , on ferre
les bœufs. Cette précaution eft tout
au moins inutile. Par- tout ailleurs
l'animal eft fans fer; &• oii objec-
Tome VI,
L A B ^ Hî
teroit en vain k dift'éteihcé des fols;
des climats, &c. '''• ^"^
La nourriture du bœuf eft peU
ccûtéufe ; de là paille & quelque
peu de toin lui fuftifcnt chaque jour
vers le midi, & les' jours fériés it
va pâturer dans lés prés , dans les
champs , & cette nourriture accef-
foire économife les providons de la
maifon. Le mulet, le cheval au con-
traire .exigent des repas réglés , tou-
jours du fourrage, de la paille, &
fur-tout de l'avoine. Il eft donc clair
que la dépenfe pour la nourriture,
eft d'un tiers plus forte pour ces ani-
maiix que pour le bœuh Voilà trois
économies réunies", maréchal, bour-
relier &: nourriture ; que l'on calcule
actuellement à combien elles mon-
tent à la fin'de l'année dans une gtande
métairie !
Si j'avûis à choifir entre le che-
val & le mulet ou la mule, je pré-
féretois ces derniers , parce qu'ils font
moins fujets à de grandes maladies,
(S; demandent rarement les foins du
maréchal : de là eft venu le proverbe , il
cjl coûteux comme un cheval à l'ccurie.
Je connois les objeélions que l'on
fait communément contre le fervice
des bœufs , & je les réduis à deux
principales. Ils font moins expéditifs
au travail , & on rifque de les per-
dre par une épizootie.
Je conviens en général que les
bœufs ont un pas tardif & lent; mais
eft-'ee leur t-aute ? Non, fans doute;;
elle tient plus à la pirelîe du pre<
mier condudeur , xju'à i'impuilfance
de l'animal : ceci paroîtra peut-être
un paradoxe; un leul point de fait
prouve ce que j'avance. Au Pérou.
&: au Brélîl , où l'on a tranfporté cette
race de l'Europe , d< où elle eft fi mul-
T
144 L A B
tipl.iée aujourd'hui , que fouvent on
tue un bauf pour le feul plaitir
d'en nifiD^er la langue , on y fait des
courfes de rrois ou quatre lieues ,
monté far ces animaux j aullî vite &z
en aulTi peu de temps, qu'avec les
chevaux de porte en France. Il ne s'a-
git pas ici d'examiner fi ces bœuts
au galop ont les allures & la fou-
plelie du cheval, il fuiïît de prouver
qu'ils font fufceptibles d'aller vite.
Se très-vîte j Se j'ajoute que j'en ai
depuis deux ans une paire qui mar-
che aufiTi vîte qu'une paire de che-
vaux ou de mules , fans être plus
fatigués que ceux qui vont plus len-
tement. Tout dépend du premier
conduéleur que l'on a donné à l'ani-
mal, &: je réponds du fiit d'après
mon expérience. Le cultivateur peu:
donc acheter des bœufs qui n'aient
pas encore labouré, & les mettre peu
à peu au pas qu'il défire. 11 ne fera
pas difficile d'y parvenir ; mais la
difficulté extrême fera de foumettre
à cette marche prefte, le laboureur,
fur-touc dans les pays où la coutume
eft établie de labourer avec des bœufs.
Dans les provinces où la culture fe
fait avec des chevaux , la chofe eft
facile , parce que le valet eft accou-
tumé à marcher plus vîte.
J'ai voulu me convaincre par mes
propres yeux de la différence qu'il y
a entre la marche des mules avec
celle des bœufs dans les premiers
labours, ou labours de défoncemenr ,
& j'ai vu que fur un flllon d'un
quart-d'heure de marche, il n'y avoit
pas fix toifes de différence. Je con-
viens qu'elle feroit plus confidérable
au troifième ou au quarrième labour,
parce que les mules doivent avoir
moins de peine que dans les pre-
tniets, attendu cpe leuc mafTe eA
L A B
moins forte que celle des bœufs , &
que c'eft en raifon des maffes que
rélîde la force pour tirer. J'invite le
cultivateur , amateur de l'ouvrage
bien fait, de comparer le fiUon tracé
par des bœufs , à celui fait avec
des mules ou avec des chevaux j il
verra combien le premier eft net ,
droit, fans inégalité, ôc plus pro-
fond que les autres. J'ai des chevaux,
des mules & des bœufs , & je trouve
une très-grande économie à me fer-
vit des derniers , fans parler de la
fupériorité de leur travail.
Un point elfentiel àobfetverlorfque
l'on achette des bœufs , eitde s'aflurer
de l'endroit où ils ont été élevés. Par
exemple , des bœufs nés &; nourris
fur les montagnes & dans les lieux
élevés de l'Auvergne , du Limolin ,
dcc. font en général très-peu propres
aux pays de plaine , & ils ont beau-
coup de peine <à s'y accoutumer,
foit à caufe du changement de nour-
riture , foit à caufe de la différence
du climat , &c. S'ils ont été élevés
dans des endroits fecs naturellement,
6c par le fol , & par le climat , ils
dégénéreront dans les lieux bas &
humides, ainfi de fuite, lorfqu'il fe
trouve une difproportion marquée.
Peut-on fe figurer que les bœufs vi-
goureux , par exemple de la Ca-
margue , fulTent d'un grand fecours
dans nos provinces du nord ? Ils pâ-
tiront, languiront, & fouffriront juf-
qu'à ce qu'ils foient acclimatés. On
ne fait point affez ces réflexions ,
lorfque l'on achette le bétail dans
les foires. On fe contente d'obferver
s'il eft en bon état , jeune & bien
proportionné j & on eft tout étonné
enfuite de le voir chez foi dépérir
à vue d'œil ! On doit, autant qu'on
le peut , fe procurer le bétail ué dans
L A B
le voifinage : changeant d'écurie , il
retrouve le même climat & la même
nourriture. On dit que les bœufs ne
réufllirent pas dans nos provinces mé-
ridionales ; c'eft une erreur : il y fait
moins chaud qu'au Pérou, qu'au Bré-
fil , qu'au Cap de Bonne-Efpérance ,
où ces animaux ont fi bien téuffi.
11 fuffit de les faire boire trois fois
par jour , & de les tenir à l'orge ou
à l'avoine verte pendant deux femai-
nes.au printems. La cherté des che-
vaux & des mules commence à for-
cer les cultivateurs à revenir à la cul-
ture exécutée par les bœufs , ainfi
qu'elle l'a été autrefois dans tout le
royaume, fans exception d'aucune de
fes provinces. C'eft un point de fait
qu'on ne fauroit nier.
Un auteur , très - eftimable dans
fon ouvrage intitulé : Manuel d'A-
griculture pour le Laboureur j dit :
« 11 y a une raifon qui rend le che-
» val préférable au bœuf, c'eft que ,
«pour une charrue, il ne faut qu'un
» attelage de chevaux ; au lieu qu'il
» en faut deux de bœufs , dont l'un
M foit pour le travail de la matinée,
j> & l'autre pour celui de l'après-midi ,
» toujours ainfi alternativement , afin
»> que l'un des deux fe repofe : au-
9s trement le même attelage qui ne
n difcontinueroit pas fon travail ,
3> iroit extrêmement lentement , ce
» qui obligeroit d'en avoir deux pour
>> bien faire aller une charrue ».
Je ne nie pas que cette méthode
exifte dans certains cantons du royau-
me , puifque M. de la Salle de l'Etang
en fait mention; mais quoique j'aie
parcouru prefque l'étendue du royau-
me dans tous fes points , j'ofe avan-
cer que je ne l'ai vu fuivie nulle part,
& que par -tout les mêmes bœufs
travaillenc trois à quatre heures d^us
L A B ii^
la matinée , fuivant la faifon , &
autant dans l'après-midi. On ne les
feroit travailler qu'une heure par jour ,
qu'ils n'en iront pas plus vite, &
qu'ils marcheront toujours du même
pas auquel leurs premiers condudteurs*
les auront accoutumés.
Il eft bien démontré à mes yeux , &
par ma propre expérience, que la dé-
penfe, foit pour l'entretien , foit pour
la nourriture de deux paires de che-
vaux , équivaut , à uhs-peu de chofc
près y à celle de quatre paires de
bœufs, & beaucoup au-delà à celle de
trois paires; fut-tout fi l'on compte
l'intérêt de la mife d'argent pour 1 a-
chat, & fi l'on y ajoure la perte &
la non-valeur que le temps amène fur
le prix des chevaux, à mefure qu'ils
vieillifient. Les bœufs au contraire,
hors de fervice, font misa l'engrais,
& on les vend enfuite prefqu'aufll
cher qu'ils ont coûté. Je ne crois
pas qu'on puilTe nier ces points de
fait. Admettons aduellement que
le travail de deux paires de che-
vaux égale celui de trois paires de
bœufs , à caufe de leur lenteur , il
n'en fera pas moins vrai que le
travail aura moins coûté , & qu'il
fera mieux, & plus folidement, &
plus profondément fait. Je demande
encore de quel côté doit pencher la
balance? fur-tout fi l'habitude & le
préjugé n'ont aucune part dans la
décilion.
Les bœufs font attaqués par les
épï\ooties ( Voye\ ce mot ) , & fou-
vent ces terribles maladies enlèvent
tout le bétail d'un canton & d'une
province. Telle eft la féconde objec-
tion que l'on fait contre l'ufage des
bœufs. Laclavellée ou petite-vérole,
ou picotte , n'eft-elle pas une mala-
die contagieufe pour les troupeaux ?
T 2,
}^^
L A B
La morve , le farcin , Sec. nefpnt-ils
p_.1s.,épizootiques pour les chevaux,
pour les mules & les mulets ? Ce-
pendant )ie fe ferc-on pas des uns &
des; autçps^? ,iSç j'objedioii ; n'fft'-elîe
• pas la m,ême dans tous les cas? Si
le culciviceur a lu iSc médite atte^-
tivenient ce qui eft die au mot Epi-
^Ootié j il vetra que rien n'eHr.pIus
aifé.que de, garantir foii bétail de
la .contagion .générale , .foit par dçi
foins & des remèdes de précaution ,
foit^par une rigoureufe féparation
des^nimaux fain's, .d'avec lesy.nimaux
malades, &z en empêchant que les
perfonnes qui fervent les uns , n'ap'
prochent des autres dans aucun cas.
Les maréchaux font, à l'égard du
bétail, lorfqu'il règne une épizootip,
ce que les méc^ecins & leschiriii-
giens font à l'égard de la petite-vé-
role. Ils fortent devifiterun malade,
aprçs l'avoir touché , ou (es vête-
iTiens^ ils s'imprègnent du venin con-
tagieux , & le répandent par-tout où
ils vont. Cela eft fi vrai que lorf
C[ue toute communication- quelcon-
que a été interdite , la maladie relie
.circonfcrite dans le lieu même , Se
le voifinage en eft exempt. Il en eft
■ainfi de la pefte , <3cc.
Perfonne n'ignore que le cheval
( l-^oje:^ ce mot ) eft fujet à un trcs-
grand nombre de maladies, tant in-
térieures qu'extérieures , tandis que
le bœuf en eft très - rarement atta-
qué, fur-tout pour les maladies exté-
rieures. Il eft donc clair que le bœuf
mérite à rous égards la préférence fur
le cheval , lorfqu'il s'agit de l'éco-
jdomie rurale. Il eft également dé-
montré, par l'expérience journalière,
qu'il réfifte beaucoup plus à la fati-
.gcie. J'aurai peine à convaincre de
-ces vérités un Flamand , un Pi-
L A B
card , &'c. parce qu'ils font dans Tu-
fage de fe feivir des chevaux j mais
je les invite à fiire des expériences
comparatives : elles prouveront plus
que les difcours , & c'eft le feul
moyen de djlîiper l'illufion.
LABOUREUR. C'eft celui qui
laboure ou fait profefllon de faire la-
bourer & cultiver" des terres. Con-
d,ulre .une charrue paroît une aflion
bien facile j cependant, fur vingt la-
boureurs , on en trouve à peine' un
excellent, deux paftables, & le refte
au-deftbus du médiocre. On recon-
roît un bon laboureur à la manière
aifée dont il conduit ce mani£ fa
charrue j à la facilité que l'habitude
lui a donnée de la faire enfoncer
ou foulever à volonté ; à l'art d'ou-
vrir des (liions égaux & droits ; au
verfement des terres fur le bord du
fillon , &c. Enfin , un bon laboureur
eft celui qui ne fatigue pas fes bê-
t;es , & qui fait proportionner la pro-
fondeur du lillon à la qualité de la
terre. Quant aux laboureurs ordinai-
res , tout fol à leurs yeux eft le même;
ce font autant de machines traînées
plutôt pat les bêtes confiées à leurs
foins. Un bon laboureur s'affetirionne
à fes animaux; il les aime, les ca-
relfe, les bat rarement, &z ils obéif-
fent à fa voix. Si la fatigue eft con-
fidérable , il fait ce qu'il peut pour
la dnninuer , en redoublant fes ef-
forts. A peine le bérail eft-il rentré
dans l'écurie , qu'il le bouchonne,
s'ileft enfueur , le couvre aubefoin ,
veille à lui procurer une bonne li-
tière , le panfe & l'étrille plufieurs
fois chaque jour , & fon zèle fouvenc
trop emprelfé , le porte à procurer
à l'animal beaucoup plus de four-
rage qu'il ne doit en confommer :
L A B
l'eii ai vu qui parugeoient avec lu:
le p.iin de leur dcjeûiiCr. L'on ob-
ferve prefque toujours que les labcu-
reurs qui ne favent pas travailler,
s'attachent rarement à leurs bêtes ;
elles font fales, crottées, mal foi-
gnces , mal nourries j & cette né-
gligence vient de ce qu'ils labourent
lans le délir de bien faire , en un
mot, parce qu'ils font obligés de tra-
vailler pour vivre. De ce peu d'ap-
titude , de cette inditrérence , naît
l'infouciance où ils iont de la con-
fervation du bétail. Il eft battu, mal
nourri Se mal foi^né. Des c]ue vous
connoîtrez un bon laboureur dans le
canton , n'épargnez ni foin ni argent
pour vous le procurer , & tâcl\ez
de vous l'affeélionner par de bons
procédés, & fur -tout par de bons
gages ; votre argent fera placé à gros
intérêt.
LABYRINTHE. Lieu coupé par
plulieurs chemins ou allées, & où il
y a beaucoup de détours, en forte
qu'il ell diflicile d'en trouver l'ilTue.
On a introduit ce genre de décora-
tion dans les grands parcs , & il pro-
duit un eftet agréable, s'il eft bien
delliné. 11 fuppofe nécelTairement
beaucoup d'efpace, fans quoi les al-
lées font les unes fur les autres ,
trop étroites , & les plantations pri-
vées du grand air , sccioUnt ( Voye'^
ce rnot). Le local doit décider de la
forme du labyrinthe ; le grand point
eft d'éviter la confufion, Se de maf-
quer avec art la véritable route qui
conduit à l'ilTue, afin de caufer une
légère inquiétude à celui qui s'eft
engagé dans les routes. Communé-
ment le centre du labyrinthe eft dé-
coré par uu pavillon ou par tel autre
LAC
149
objet, qui dédommage de la peine
que l'on a eu à y parvenir.
LACRYMALE {Flftulc). Méde-
cine vÉTEr;.iNAiRE. Elle s'annonce
au grand angle de iœil du cheval ,
par une tumeur phlegmoneufe , qui,
en s'abcédant , produit du pus qui
s'écoule le long de cette partie. Les
points lacrymaux font engorgés Sz
fouvent ulcérés \ mais , pour l'ordi-
naire , on obferve un ulcère entre les
paupières , à l'endroit de la caron-
cule lacrymale. ( J'oycr ce jnot).
Luette maladie reconnoît pour caule
l'âcreté des larmes , le grand fioid ,
Se quelquefois une caufe interne,
telle que le virus de la morve , dit
farcin , &c. fyFoyc-^ ces mots). -
Traitement. Dès que'^■ous appcr-
cevrez de la tumeur , appliquez fur
la partie A^'i comprelfes imbibées
dans une décoftion émolliente , réi-
térez-en l'application fçpt à huit
fois le jour. Mais la maladie eft -elle
avancée? Y a-t-il écoulement de
matière purulente ? Tentez d'abord
de déterger l'ulcère avec des injec-
tions faites par le canal lacrymal ,
dont vous trouverez l'ouverture an
bord àt% narrines, au haut de la lè-
vre poftérieure j &: fi les points lacry-
maux font engorgés de manière à ne
pas permettre à la liqueur de palfer,
injeclez de bas en haut.
Il eft des cas néanmoins où il faut
incifer cv ouvrir le facj on y pro-
cède de la manière fuivante : faites
contenir les paupières par un aide,
inrroduifez la fonde cannelée , êc
faites une incifion avec le biftoury ;
■cela fait , lavez la partie avec du
vin chaud, appliquez enfuite des pe-
tites tentes de digeftif fimple , &
I50 LAD LAD
continuez ce panfement jufqu'à ce vage ne fe remplifTant point defem-
que iafuppuiation nefoit plusliabon- blables ordures, & vivant communé-
dante, & que la plaie foit belle, & ment de grains, de fruits, de glands
terminez la cure par l'ufage du beau- & de racines. Voilà pourquoi auHi
me de Copahu ou du Pérou. le jeune cochon domeftique n'y eft
On doit bien comprendre que ce po:nt expofé, tant qu'il tette.
traitement local ne fuffiroit point L'expérience prouve que cette mala»
pour remédier à la fiftule lacrymale , die n'eft point contagieufe , & qu'elle
qui reconnoît pour caufe le virus de ne fe communique pas d'un porc ma-
la morve , du farcin , Sec. ( Foye^ lade à un porc fain. Elle eft très-
ces mots). M. T. difficile à guérir dans le commence-
ment, & lorfqu'elle eft parvenue vers
LADRERIE. Médecine vétéri- fon dernier degré d'accroiflement ,
NAiRE. La ladrerie eft une maladie elle eft incurable,
familière aux cochons domeftiques : Traitement. Pour guérir l'animal
elle a beaucoLip de rapport avec la dans le principe de la maladie , met-
lèpre de l'homme. C'eft fans doute tez-le fous un hangar exaélement
pour cette raifon que Moïfe en dé- pavé , propre & bien aéré : étrillez-
fendit autrefois l'ufage à fon peuple, le deux fois par jourj faites -le bai-
Symptôines. Les tégumens font gnet tous les jours dans une eau
infenfibles , l'animal fe remue avec courante & pure; au fortir du bais,
peinel, & paroît trifte \ les bords bouchonnez-le exadement, enfuite
& la partie inférieure de la langue, ramenez-le à l'étable , où vous chan-
quelquefois le palais , font chargés gérez de litière deux fois par jour ;
de petits grains & de tubercules blan- faites-le promener une heure le ma-
châtres, rarement noirâtres, fouvent tin , autant le foir, fans lui permet-
remplis d'une humeur épailfe. Lorf- tre de manger aucune fubftance in-
que la maladie eft avancée, la ra- fede; nourrifTez-le de grains de fro-
cine des poils eft pour l'ordinaire en- ment , & de fon humedté d'eau ai-
fanglantée , l'animal fe foutient à guifée de fel de nître; tenez -le à
peine fur le train de derrière. Nous cette nourriture , mais à une dofe
avons vu des cas où cette maladie modérée, & dans des temps réglés,
ne feconnoiflbit qu'après avoir égorgé Prenez de fleur de fouffre trois on-
l'animal, & l'avoir mis en pièces, ces j de fon environ une livre; mê-
Alorsnous avons trouvé letiflu cellu- lez exadlement, & humeftez le mê-
laire des mufdes, parfemé de grains lange avec de l'eau fimple; réitérez
blanchârres. ce breuvage tous les jours à jeun ,
Caufes. La ladrerie vient ordinal- pendant l'efpace d'un mois , ou en-
rement de la malpropreté où on aban- viron; parfumez le malade une fois
donne le cochon ,& de la corruption le matin, autant le foir, avec les
des fubftances infedes dont il a cou- vapeurs de deux parties de fouffre 8c
tume de fe nouirir. Voilà pourquoi d'une partie d'encens ; donnez tous
le fanglier n'eft point fujet à cette les jours avec le grain de froment,
maladie j cetce efpèce de cochon fau- la racine de patience pulvérifée , à
LAI
la dofe de quatre onces. M. Vite:
confeille ce dernier remède ; quel-
ques-autres auteurs ont propofé l'u-
fage interne des préparations mercu-
rielles & antimoniales ; mais dans
ce cas , la chair de l'animal eft très-
fufpede. M. T.
LAINE. Efpèce de poil qui cou-
vre la peau des moutons , des bre-
bis, des agneaux, & de quelques
autres bêtes. Il ne fera queftion dans
cet article que de celle des trois pre-
miers. La maiïe de laine qui fe lève
tout d'une pièce lorfque l'on tond l'a-
nimal , fe nomme toifon.
La laine eft une matière fouple
& folide , qui nous procure la plus
fûre défenfe contre les injures de
l'air. Les poils qui la compofent, of-
frent des filets très-déliés , flexibles
& moelleux. Vus au microfcope, ils
font autant de tiges implantées dans
la peau par des radicules. Ces petites
racines qui vont en divergeant, for-
ment autant de canaux qui leur por-
tent un fuc nourricier que la circu-
lation dépofe dans des follicules ova-
les , compofées de deux membranes j
Tune externe , d'un tiflu alTez ferme
& comme tendineux; l'autre interne,
enveloppant la bulbe. Dans ces cap-
fules bulbeufes , on apperçoit les raci-
nes des poils, baignées d'une liqueur
qui s'y filtre continuellement, outre
une fubftance mocUeufe qui fournie
amplement la nourriture. Comme
ces poils tiennent aux houpes ner-
veufes, ils font vafculeux, & pren-
nent dans des pores toitueux la con-
figutation frifée que nous leur voyons
fur l'animal.
Avant l'invention des toiles de
fil , dont l'ufage habituel remonte peu
L A î 151
au-delà avant Jules-Céfar, les étoffes
de laine étoient plus recherchées ,
parce que rien ne pouvoir les fup-
pléer ; mais aujourd'hui les étoffes de
foie & de coton en ont finguliére-
ment diminué la confommation. La
qualité de ces objets , plutôt de luxe
que d'utilité réelle, ne défendra jamais
aufli-bien l'homme contre les inju-
res des faifons , que la laine. De
toutes les matières connues , elle eft
celle qui tient le plus chaud, Se l'é-
toffe qu'on en fabrique, eft celle qui
dure le plus. La beauté & la bonté
de la laine tient à l'efpèce du trou-
peau , au pâturage qui le nourrit , au
climat qu'il habite , & à la manière
dont il eft foigné & conduit : c'eft
ce qu'il faut démontrer.
Plan du Travail.
CHAP. I. Précis kiftorique du perfecîion—
nement des laines.
CHAP. II. Des moyens de perfectionner les
laines.
SïcT. I. Du climat.
Sect. II. Du croifement des races de qua-
lité fupérieure , avec celles de qualité
inférieure,
CHAP. m. Eft-il poftble de perfectionner
les laines en France , & quelles font
les qualités des laines actuelles.
Sect. I. De la pojfibilité de perfelîionner
les laines en France.
Sect. II. Des qualités des laines actuelles ,
des troupeaux & des pâturages dans le
royaume,
CHAPITE PREMIER.
Précis hijlorique du perfeclionner
ment des laines.
Il eft inutile de remonter au temps
des patriarches, quoique leurrichefîe
coniiftàt dans les troupeaux j de par-
ijz LAI
1er de l'empire des Elamltes, le peu-
ple le plus ancien donc 1 hiftoire fait
mention, des Moabices , des Juifs,
&c. nous favons feulemenc qu'ils
pofl'édoienc de nombreux troupeaux ,
& nous ignorons s'ils fe font occu-
pés de perfectionner les efpèces , &
par confcquent les laines.
Les Phéniciens , peuple toujours
actif & vigilant, ie livrèrent au tra-
vail des manufactures , & les colo-
nies qu'ils érablirenc dans prefque
toutes les parties du monde , alors
connues , y portèrent le fruit de leurs
obfervations & de leur indulirie. Les
champs del'Arcadieétoient déjà cou-
verts, mille ans avant l'Ere -Chré-
tienne, d'un nombre prodigieux de
troupeaux : la laine y étoit tellement
eftimée , de même que dans l'Afri-
que ,\qu'il n'étoit permis d'égorger
que les vieilles brebis , & après les
avjîir tondues.- Les Phéniciens tranf-
portèrenc leurs manufaétures dans
l'ifle de Malthe, où, fuivant Dio-
dore de Sicile , on fabriquoit des
étoffes de laine fins , vingt-un ans
avant Jéfus-Chrill. On peut raifon-
uablement penfer que les Efpagnols
&c les Portuguais doivent aux Phéni-
ciens fart de préparer les laines.
Rome eut à peine élevé fes murs,
& nommé fes rois , que fes premiers
foins fe tournèrent du côté des ber-
geries 5 & les troupeaux y furent en
il grande conlîdératiort , qu'on exploit
le crime d'homicide par l'amende
d'im bélier. Peuble féroce , la vie
d'un citoyen n'étoit pas plus priiee
chez vous que celle d'un animal!
Çolumelle, contemporain de i'em:
perèur Claiidè , avoif en grande re-
ppmmàiîdation les brebis; aufli il re-
L A I
proche fans cefle aux dames Romai-
nes , énervées par la moleiïe afia-
tique , introduite dans Rome , de ne
plus donner aucun foin aux bêtes à
laine, 6c d'avoir perdu de vue l'exem-
ple que Tanaquil , époufe de Lucius
Tarquïnus Pnjius ^ leur avoir donné,
en filant & lilfant elle-même la laine
pour l'habit royal de Servi/us Tul-
lius. Ces habits furent dépofés après
fa mort dans le temple de la For-
tune , & fon fufeau dans celui de
Sancus. Les Romains ordonnèrent
en fon honneur , qu'une fiancée fe
préfenteroit , avec fon fufeau à la
main , devant celui qu'elle dévoie
époufer, & qu'elle orneroit de fef-
tons de laine la porte de la maifon
de fon futur,
Columelle dont on vient de par-
ler, & natif de Cadix , eft peut-
être le premier qui fe foit imaginé
de croifer les races : la narion Efpa-
gnole lui doit fes belles laines. Ce
grand homme , frappé de la blan-
cheur & de l'éclat de quelques mou-
tons fauvages , amenés d Afrique à
Cadix pour les fpectacles , apperçut
qu'il étoit poffible d'apprivoifer ces
animaux , & d'en établir la race dans
fa patrie. Il exécuta fon projet, &
accoupla des béliers africains avec
àss brebis efpagnoles. Les moutons
qu'il obtint avoient le moelleux &
le délicat de la toifon de leur mère,
réclat S<. la blancheur de la laine
de leur père.
La nation Efpagnole touchoit au
moment d'être une des pliis puif-
fantes de l'Europe , par le feul avan-
tage de fes laines , lorfque les dé-
couvertes de Chriftophe Colomb la
plongèrent dans une efpèce de lé-
thargie j elle préféra l'or du Alexi-
qiiQ
L A I
]
L A I
Mî
que à fes laines , ou du moins les lai-
nes ne furent plus le premier objet de
fes foins & de fon ambition : l'Efpa-
gnol embralfa le ligne pour la réalité.
Vers l'an Sic, Charlemagne re-
leva la fplendeur des laines & des
manufactures de France par des éta-
blilfemens à Lyon , à Arles , à Tours.
Bientôt après , forcé de traverfer les
Alpes pour fe rendre en Italie, il en
forma de nouvelles à Rome & à
Ravenne. Les premières fe font main-
tenues jufqu'à ce qu'elles ont été
transtormées en manufactures de
foie, mais à peine s'elU-on fouvenu
en Italie des foins & des encoura-
gemens accordés par l'Empereur.
Les villes de l'ancien royaume de
Bourgogne, fur-tout celles du Bra-
bant & de Flandres, goûtèrent un re-
pos dont ne jouirent pas celles de
France ôc d'Italie. Comme les arts
aiment la tranquillité , les manufac-
tures de Flandres attiroient déjà les
regards en 9(^0. Leur plus haut degré
de confidération fut en ii6y , &
l'époque de leur décadence en 1505.
La ville de Louvain polfédoic feule
quatre mille maîtres &: cent cinquante
mille ouvriers. Les maîtres difpu-
lèrenc le falaire aux ouvriers , & ceux-
ci, après s'être livrés à d'horribles
excès , abandonnèrent le pays , afin
de fe fouftraire aux punitions qu'ils
méritoient. Les Anglois & les Hol-
landois tendirent les bras aux fugitifs,
& quelques autres paffèrent dans les
différens états d'Allemagne.
Les étoffes de laine ne tardèrent
pas à acquérir de la célébrité en Hol-
lande. En 16Z4 ce peuple fabriquoit
vingt-cinq mille pièces de drap de
qualité fupérieure , que l'on diftin-
Tome yi.
guoit par la beauté de leur couleur,
& par leur finelfe. En 1650 la fabri-
cation annuelle d'une feule province
méridionale de Hollande, monta i
deux mille fix cens pièces de drap.
Si les Anglois &: les Suédois ont
été jufqu'au feizième ficelé allez peu
inftruits dans la culture des jardins
potagers , pour avoir fait venir de
l'étranger de la falade , des choux ,
des navets & autres légumes fem-
blables , il faut convenir que ces
nations penfantes ont beaucoup fur-
palfé leurs rivales dans la perfeftioii
des laines. Les Anf^lois, à l'exemrle
des Romains , attribuent leurs progrès
à une de leurs reines , époufe d'E-
douard le vieux ; elle éleva les prin-
celTes fes filles dans l'exercice de l'art
qu'elle avoir elle même appris à la
campagne avant fon mariage avec
le roi en 518; depuis cette époque
les manufaétures fe multiplièrent ,
& on forma en 1080 des commu-
nautés à Lincolk, à Ycrck , à Win-
chefter.Ce fut en 1 3 5 1 que les Flam-
mands exilés apportèrent en Angle-
terre leurs talens & leur induftrie ,
attirés par les privilèges qu'on leur
accorda. C'eft à cette époque à la-
quelle il faut remonter pour la cé-
lébrité des draps de l'Angleterre.
Vers l'an 1582, on exportoit annuel-
lement deux cent mille pièces de
drap; en 1600 , on en exporta poui:
la valeur d'un million; en 1695,
pour deux millions neuf cent trente-
deux mille deux cent quatre-vingt-
douze livres fterlings, dont la valeur
faifoit la cinquième partie de tous les
effets exportés pendant cette année.
La liberté & la protedion fpéciale
du Gouvernement n'ont pas peu
contribué à augmenter & à perfec-
V
M4
L A r
tionner cette branche de commerce.
Cette liberté & cette protedlion
ont été accordées en Hollande , &
cependant certains draps d'Angleterre
l'emportent en beauté fur ceux de
Hollande, deFrance, de Venife, &:c.
il faut en chercher la raifon dans la
produ^ion des matières premières ,
fournies par le pays même.
Le premier trafic de laine dont
l'hilloire fait mention, fut en 711 &
7i7 , fous le roi Ina, à qui la nation
doit de fages loix concernant la
multiplication de la bonne race de
brebis. Le roi Alfred, en 885 , ht
encore plus que fes prédécelteurs :
enfin la viçrilance du gouvernement
anglois alla fi loin, qu'en 961, le
roi Edgard entreprit d'exterminer les
loups dans toute l'étendue de fon
royaume ; les récompenfes furent
prodiguées , &: dans l'efpace de
quatre années ce projet fut entière-
ment exécuté. Depuis cette époque,
la race de brebis à laine fine s'accrut
de telle forte , que le roi Henri II
défendit, en 1172, la fabrication
des draps faits avec la laine d'Efpa-
•gne mêlée avec celle d'Angleterre.
Vers l'an 1357, les Anglois vendirer.t
par an à l'étranger cent mille facs
de laine j ils en exporccient chaque
année , fous le règne de Henri IV ,
cent trente mille facs , & on fup-
pute aujourd'hui en Angleterre la
valeur de la laine brute à deux mil-
lions fterlings , & à huit millions
fterlings celle qui a été manufac-
turée.
L'émulation devint fi forte , que
plufieurs habitans de la campagne
négligèrent l'agriculture pour entre-
tenir au-delà de vingt-quatre mille
brebis ; mais Henri VIII défendit en
1534a tout colon d'en entretenir plus
L A I
de deux mille. Ce règlement a fouffert
depuis quelques exceptions.
L'Angleterre, jaloufe de conferver
la race précieufe de fes brebis, ne
permit pas l'exportation des béliers.
Edouard III fut le premier qui dé-
fendit , en 1(538, leut fortie du
royaume, afin, dit-il, que la laine
angloife ne bailfe pas de prix , Se
que la lame étrangère ne foit pas
améliorée au défavantage évident de
la nation. Henri VI renouvella la
même défenk en 1414, & la reine
Elifabeth , par fon édit de 1^66^
ajoute à la rigueur des édits précé-
dens; elle fhtue que quiconque ex-
portera des béliers , fera puni pour
la première fois de la perte de fes
biens, mais qu'il fera puni de mort
s'il retombe une féconde fois : ces
loix rigoureufes exiftent encore au-
jourd'hui, mais la cupidité a fouvenc
furmonté les obftacles.
Tout le monde convient que les
laines d'Elpagne furpalTent en finelTe
celles d'Angleterre, & que leur prix
eft bien fupérieur. Cette qualité eft-
elle due au climat, ou aux foins qu'on
y prend des brebis ? Le climat y
contribue fans doute ; mais celui
d'Efpagne ne lui eft pas tellement
particulier, qu'on ne puilTe en trouver
un fcmblablej c'eft donc plutôt x
l'attention continuelle, & prefquepa-
rriarchale, que les Efpagnols ont eu
de leurs troupeaux depuis des temps
très- reculés, que l'on doit atttibuer
cette perfeétion.
De toutes les nations , il n'en eft
point qui ait plus encouragé le foin
des troupeaux : les polTelfeurs des
bergeries ont formé de tout temps
en Efpagne une fociété dont les dé-
putés s'alfemb'oient dans des lieux
indiqués , afin de difpofer la marche.
L A I
Se pourvoir aux befoins des trou-
peaux ambulaus , mais fur- roue pour
rendre aux propriéraires les brtbis mê-
lées avec celles d'un autre troupeau.
Ces airemblées furent ordonnées dans
la première loi écrite , connue en
Efpagne en ^66 par Enrico IX,
roi des Goths.... Le roi bifnando ,
au quatrième concile de Tolède en
(jj 3 , changea le nom de député en
celui de confeiller, & peu après les
députés devinrent des officiers , des
juges royaux , dont les fondions
étoient d'examiner & de prononcer
d'après les loix.
On eft por:é à penfer que ce
confeil avoir beaucoup d'autorité ,
puifqueLéonore, reine douairière de
Portugal, fir en 1499, par fon am-
balfadeur, propofer à ces bergers de
pader les limites d'Efpagne , & de
venir taire paître leurs troupeaux fur
le territoire de fon royaume , où
elle leur promettoit les fecours les
plus efficaces. Le confeil accepta les
propolitions de l'ambatladeur , tk de-
puis ce temps les brebis efpagnoles
palTenc en Portugal dans un certain
temps de l'année , moyennant une
légère rétribution. Il eft détendu aux
bergers d'y tondre les brebis & de
les vendre hors de l'Efpagne. L'auto-
rité royale vint à l'appui du décret
des bergers ; le roi Ferdinand & la
reine Elifabeth ordonnèrent en 1 500
qu'un confeiller du roi préfideroit à
ces alTemblées.
Les brebis à laine fine font l'objet
fpécial des loix & des privilèges.
Les pâturages deftinés à cette race
privilégiée , font différens fuivanr les
faifons de l'année j elles palTetit l'hi-
ver dans les provinces baffes & mé-
ridionales d'Efpagne , comme l'Ef-
tramadure, l'Andalcufie, la nouvelle
LAI 155
Caftille, ou dans celles de Portugal,
& on les conduit en été fur les hau-
teurs & les montagnes de la vieille
Caftille & du royaume de Léon.
Ces troupeaux ambulans ont une
liberté pleine & entière pour pâturer
fur les endroits par où ils palfent,
fans payer la plus légère redevance j les
polTciFeurs du terrein ne peuvent s'y
oppofer. Les champs labourés , les
prairies, les vignes, les jardins po-
tagers même doivent leur être livrés;
les feuls terreins fermes par des murs
font exempts. Comme ces tranfmi-
çrations fe font au commencement
& à la fin de l'hiver, les troupeaux,
dit- on , caufent peu de dommages.
La bonne race de brebis à laine
fine étoit beaucoup diminuée avant
l'avènement de Philippe IV au trône
d'Efpagne j ce monarque n'oublia
rien pour l'augmenter & pour en-
courager les propriéraires à la mul-
tiplier-, il publia à cet effet un édir
en 1635 , dont voici les articles in-
térelfans.
i''. Pour prévenir les défordres ,
alfurer l'abondance des pâturages, ik
les avoir à un prix modéré , il fera
fait un cadaftre général dans tout
le royaume , dans lequel on fpéci-
fiera l'étendue & les bornes de cha-
que pâturage particulier. 1". Il fera
défendu d'enclore ou de labourer, ou
cultiver aucun endroit lans une per-
milîion fpéciale qui ne fera accordée
qu'en cas de nécellité. ^°. La planta-
tion de nouvelles vignes fera prof-
crite comme nuifible .à l'asriculture ,
& principalement aux troupeaux.
4^. Si un berger fe plaint que le
propriétaire d'un champ veut lui
vendre trop cher le pâturage, le pof-
felfeur & le berger nommeront cha-
cun un député pour régler le pri.-c ;
V 2à.
1^6 LAI LAI
fi ces arbitres ne s'accordenr pas , pays à un autre , de fe répandre 1
un troificme fera nommé par le tri- leur gré fur les champs incultes Se
bunal le plus prochain, pourvu ce- dans les champs cultivés le long des
pendant que le pâturage dont il s'agit chemins par où ils patTent. Les prô-
ne foit pas foui la jurifditlion de ce priétaires doivent laifTer une efpace
tribunal. de terre de quatre-vingt-dix var^jj
Cet édic abolit plufieurs redevances afin que les troupeaux trouvent de
payées auparavant par les troupeaux, quoi vivre dans leur marche,
ïorfqu'on les conduifoit d'un pays à Les bergers jouifTent de l'exemp-
un autre j il défendit aux bergers de tion de plulieurs impôts , comme
céder leurs prétentions aux pâturages ceux pour l'entretien des ponts, des
qui leur appartenoient par l'ufage in- chemins, des jurifdiétions , &c. Si
contefté d'une faifon, parce que le un berger a trouvé une brebis égarée,
pâturage n'eft point à eux , mais aux & s'il la perd de nouveau , il eft obligé
troupeaux. Perfonne ne pouvoit en- d'affirmer par ferment à celui qui la,
chérir fur un bail , ni le pofTelleuraf- demamie , qu'elle a été perdue de
fermer fon terrein par la voie de nouveau, & non par fa faute, fans
l'enchère ; il étoit défendu à celui quoi il doit dédommager le deman-
qui n'avoit point de troupeaux de deur.
prendre des pâturages à bail, & s'il Le fel eft fort cher en Efpagne;
en avoir, de ne contraéler que pour mais comme il eft important d'en
rétendue dont il avoit réellement donner aux brebis, les bergers vont
befoin. Les communes ne pouvoient en prendre à un prix plus modéré
être affermées fous quelques prétextes dans les magafins du roi, fans ob-
que ce fût. Si un propriétaire ne ferver les formalités mentionnées &
payoit pas fes dettes, les créanciers gênantes pour l'achat & le tranf-
n'avoient le droir de faire faifîr que port du fel. La diminution du prix
]e nombre des brebis excédant celui eft d'un quart, & on délivre dans ces
de cent , &: ce nombre devoir toujours magafins un fanega pour chaque cent
lui refter. Le pofTelTeur d'un fonds de brebis j le fanega contient deux
ne peut le vendre ni l'aliéner fans mille deux cent quatre-vingt-un pou-
céder en même-temps le troupeau, ces cubiques de France.
êc il n'eft en droit de renvoyer fon Les bergers ont droit de demander
fermier que lorfqu'il s'eft procuré un fur leur route, foit en temps depaix,
nombre fuffifant de brebis. Afin de foit en temps de guerre, une efcorte
prévenir le haudement du prix des militaire pour les garantir de toute
pâturages, il fut fixé & défendu de violence j ils peuvent, par-tout où ils
l'augmenter. Le droit de demander palfent , abattre du bois pour leur
la fixation du pâturage n'appartenoit ufage fans en demander la permif-
qu'aux pofTefTeurs de troupeaux , & fion , &- on eft obligé de leur procurer
les champs dépendans du domaine des pârurages féparés pour les brebis
de la couronne, furent fournis comme attaquées du claveau ou ce quel-
les autres à la même taxe. qu'autre maladie contagieufe. Si la
Les troupeaux onc en Efpagne la marche des troupeaux eft fufpendue
liberté, durant leur marche d'un parle débordement de quelque fleuve
LAI
«u de quelque ruilleau , les officiers
du Heji font fpécialemenc charges de
procurer des pâturages à un prix très-
modique.
De tous les privilèges accordes ,
foit par le roi Sifnando en 635, foit
par les rois fes fuccelfeurs, le plus
remarquable, fans contredit, eft ce-
lui que le roi Alphonfe XI donna à
Villa-Real , le 17 janvier 1355 ou
1347 , par lequel il prit fous fa pro-
tedion fpéciale les troupeaux du
royaume fous le titre de troupeau
royal. Le roi s'exprime ainli en s'a-
dreflTant aux tribunaux fupcrieurs :
j> Sachez qu'à caufe des grands maux ,
»' torts, brigandages & violences aux-
3> quels les bergers de notre royaume
» font expofcs de la part des hommes
»> riches & puilfants, nous trouve-
" rons bon de prendre fous notre
>' protection, garde &: puillance, tous
» les troupeaux , tant les vaches que
>' les juments , les poujins , mâles &
» femelles , les porcs & les truyes ,
3' les béliers &: les brebis, les chèvres
»' & les boucs , afin qu'ils foient notre
»' troupeau , & qu'il n'y ait point
» d'autres troupeaux dans notre
L A I
57
" royaume. » Les brebis obtinrent
bientôt la préférence fur tour autre
bétail; elles font aujourd hui la vé-
ritable (^' première richelTe de l'Ef-
pagne.
Cette nation a, pour ainfi dire,
négligé prefque toutes les branches
de l'économie ; cependant on doit lui
rendre juftice, & convenir que dans
tout ce qui a des rapports à cette
partie, elle fert de modèle aux autres
nations. ( i )
Les foins que l'on prend en Efpa-
gne de ces brebis à laine fine, con-
liftent 1°. A les conduire en été dans
les pays montagneux (!<c froids, rela-
tivement au rerte de lEfpagne, &
en hiver dans les plaines , de forte
qu'ils font prefque toujours expofcs à
la même température.
1" . Les troupeaux n'entrent qu'une
fois l'année dans des endroits cou-
verts, & c'eft au temps de la tonte,
dans le mois de mai. Quand imitera-
t-on cet exemple en France!
5 ". Les bergers rallemblent chaque
foir le troupeiu, au moment que la
rofée commence à tomber, &, à l'aide
des chiens, ils réunillent les ^brebis
(l ) l^ote de l'Editeur. En n'envifageant que le bien-être & la profpL'ritc des troupeaux,
les loix clpagnoles lonc admirables ; mais ne peut -on pas diic que des loix qui atraqucnc
& s;cncnt les propriétés des particuliers, qui mettent le prix des pâturages dans les mains
des bergers, &c, , font des loix dcftru<flivcs de l'agriculture, qui, ainli que les arts, ne;
demandent que liberté & protcilion. L'état de langueur de l'agriculture en Efpagne n'eft il
pas plutôt dû à ces loix décourageantes pour le cultivateur, qu'àlexpulfion des Maures, ou à
l'expatriation qui eut lieu lors de la découverte de rAmcriquc. Pourquoi ce peuple s'expatrioit-
il en fi grand nombre? c'eft qu'il étoit rtiallieureux dans fon pays , & vexé par les loix.
L'Elpagne a un beau problême à réfo-udre : lui eft-il plus avantageux de réduire le nombre
prodigieux de fes troupeaux , & d'encourager toutes les branches de l'agriculture , ou de
laifFer les ciiofes fur le pied où elles font aujourd'liui? En France, par exemple, ks
troupeaux y lont moins nombreux , la laine moins belle ; excepté dans quelques-unes de
nos provinces , ils voyagent peu d'un canton dans un autre; mais prefque tout y cft cultivé,
&, à coup sûr , le produit des récolres en tout génie excède infiniment celui que l'on
retireroit en admettant la méthode & la léçriflation cfpagnole fur les troupeaux. On doit
dire cependant qu'iil cft pofiibk d'améliorer nos l.iiiKs j coirunc on le verra ci-après.
158
L A I
très-prcs les unes des autres, & ne
les laillenc difperfer le lendemain,
que lorfque la rofce eft enùètemenc
dillîpce.
4'-'. Les troupeaux font divifés
en plufieurs clalFes; la première com-
prend les vieilles brebis ôc les béliers
qui doivent les couvrir j la féconde,
les jeunes brebis Se les jeunes béliers;
la troihème enhn les plus jeunes bre-
bis. Le temps de l'accouplement fini ,
ou ne les fépare plus qu'en deux
clalTes ; favoir celle des béliers Se celle
des brebis.
5°. On fait abreuver les troupeaux
dans les ruilTeaux d'eau claire &:• cou-
lante , & on les lailfe boire autant
qu'ils le défirent.
6". Dq trois jours l'un, le fel ell
diftribué à tout le troupeau , & quel-
ques propriétaires donnent par an
jufqu'à quinze fa/iegu pour mille
btÊbis.
Les propriétaires des troupeaux ont
le- plus grand foin de fe procurer la
race de brebis dont la laine efl: la
plus belle & la plus fine, & ils n'é-
parcfnenr nen pour y réuilir. Ils choi-
filfent A cet effet les meilleurs béliers,
&z les accouplent avec des brebis dont
la laine eft auffi belle que celle du
mâle. Le temps de l'accouplement elt
fixé fur le temps de la tranfmigra-
ïion d'un pays à un autre ; il fe fait
ordinairement en juin , & cent cin-
quante jours après les agneaux naif-
fenc; on les lailfe téter autant qu'ils-
défirent , Se on ne trait jamais les
brebis. Un bélier ne couvre jamais
plus de quinze à vingt brebis , &
encore , fi on a un nombre fuffifant
de béliers , on diminue celui des
brebis. Les béliers ni les brebis ne
s'accouplent jamais qu'à la ttoifième
année, Se la brebis ne l'efi: plus à la
L A I
feptième , temps auquel elle com-
mence à perdre les dents de devant.
Ceux qui défirent fe procurer des
brebis Se des béliers vigoureux pour
l'accouplement , égorgent quelques
agneaux , afin que les mâles fur-touc
puillent téter deux brebis. On recon-
noît un bon bélier aux marques fui-
vantes : s'il efl; grand , fort & ner-
veux ; s'il a beaucoup de laine fur
les jambes, furies joues, furie front j
fi la laine efl par-tout fine , ferrée,
blanche ; fi le dedans de la bouche
Se de la langue n'a point de taches
noires. On fcie les cornes dans la fai-
(on de l'accouplement, aufii près qu'il
efl polfible de la tête , en obfervanc
cependant de ne point faire faigner
l'animal. Un bon bélier efl toujours
payé à très-haut pri.x.
7°. Les agneaux naififent dans le
temps que les brebis font aux pâturages
d'hiver. Si quelqu'agneau vient à
mourir , le berger a foin d'accou-
tumer un autre agneau à téter la
brebis qui a perdu le lien. On coupe
la queue à chaque agneau dès l'âge
de deux mois , Se on ne lui lailTe que
trois pouces de longueur , afin que
certe partie , qui efl ordinairement
fale, ne gâte point la laine des cuilfes,
& ne gêne pas dans l'accouplement.
8°. Le propriétaire des troupeaux
les divife en petites troupes de mille
chacune , Se chaque troupe à un
nombre fuffifant de parteurs pour la
conduire. Le premier berger fe nom-
me pajlor majorai j & il a l'inten-
dance du troupeau entier. Pour cha-
que troupe de mille brebis, il y a
un ravadan jUn adjudant Se un pajlcur
adjudant ; enfin un ^^igat. On donne
au berger un ou deux gros mâtins,
pour garder les brebis contre le loup,
un âne, ou un mulet, ou un cheval
LAI
pour porter les vivres, (Se vingt clic-
vres pour traire j mais dans la faifon
des agneaux , comme leurs travaux
font plus multipliés, de même que
dans celle de la tonte , on leur permet
alors de prendre deux gardiens ex-
traordinaires. On compte encore deux
perfonnes occupées à faire le paiji,
la cuiline, & à pourvoir aux befoins
ncceflaires pendant la marche.
9°. Lorfque le temps de la tonte
eft venu, on conduit les brebis dans
des maifons particulières , difpofées
pour cet ufage. Cette opération com-
mence à Ségovie dans les premiers
jours de mai, ou au commencement
de juin ; G le temps eft pluvieux, on
diffère de quelques jours , parce que
la laine eft endommagée li elle eft
mouillée quand on la tond, & l'a-
nimal fouftre beaucoup s'il pleut fur
lui quand il eft nouvellement toi:du j
il en meurt quelquefois. Les jours
deftinés à cette opération font des
jours de têtes & d'allégrelfe; ils dif-
férent bien peu des folemnités ob-
fervées chez les Juits. Il eft bon de
remarquer que les Efpagnols , avant
de tondre les brebis , les tiennent
étroitement ferrées dans un endroit
fermé, afin de les y faire fuer , ce
'qui augmente le poids de la laine ,
^' peut-être en facilite la tonte. Le
tondeur, après avoir lié les pieds de
la brebis ou bélier, fe tient debout
pendant le travail; il commence le
long d'un côté du ventre , avance
jufqu'au dos , aux cuifles , au col , &
continue également de l'autre côte,
de forte que toute la toifon tient
enfemble. La laine du ventre, de la
queue & des jambes eft mife à part,
& eft nommée dichet ; elle fert dans
le pays comme bourre aux ufages
grolïïers. Auflî;6: que la brebis eft
L A I
M9
tondue , on recouvre les incifions
faites dans la chair par les cifeaux,
avec ces petites lames très-minces ,
qui fe féparent du fer quand on le
bat fur une enclume. Un tondeur
peut dans un jour lever dix roifons.
Des que la toifon eft levée &z fé-
patée de la mauvaife laine , on la
porte dans un magafin humide, afin
qu'elle ne perde pas de fon poids;
c'eft dans ce même endroit qu'on
détache les laines des peaux de mou-
tons morts dans les pâturages , ou
tués pour les befoins de la vie ; cette
laine eft appelée pclada : voici la
manièredonton s'y prendpour l'avoir.
On mouille les peaux , & on les
amoncelé les unes fur les autres, afin
qu'elles s'échauffent & commencent
à acquérir un petit mouvement de
putrétaction : alors les peaux, prifes
chacune fcparément, détendues, fonc
raclées avec une efpèce de couteau ,
dont le côté tranchant, armé de dents,
reftembleàun peigne. Celles qui fonc
trop fèches & qui n'ont pu être hu-
meélées, font tondues au cifeau. Les
peaux fraîches font enduites, du côté
de la chair, d'un mélange de chaux
6<: d'eau, après quoi elles font plices
du même côté, laillées pendant vingr»
quatre heures dans cet état , & la
laine s'en détache enfuite facilement,
L'alfortillement des laines fe fait
auftîtôt après la rente; l'ouvrier place
la laine fur une table formée par des
claies, dont les ouvertures font allez
efpacées pour lailTer tomber la pouf-
ficre & les ordures. La laine eft di-
vifée en trois parties; la plus fine ,
marquée R, eft celle du dos &; des
côtés ; la féconde, moins fine , mar-
quée G, eft celle des cuilfes & du
col; la tioifième , marquée S, eft
celle de dellous le col , é^^s pattits
i<?o LAI
inférieures des ciiifiTes & des épaules.
On fair encore aiïez communément
une quatrième dividon, formée de
la laine du delFous du ventre, de la
queue & du derrière des cuilfes,
inarquée F, c'eft: la plus mauvaife de
toutes. Ces laines l'ont mifes dans
dis facs. On fait, dans les environs
de Ségovie , une clalfe à part des
laines des agneaux j cerre efpèce eft
moins chère que celle des brebis (S^
des béliers, &c il eft défendu d'en fa-
briquer des draps. Dans quelques
endroits de la vieille Caftille , on
mêle la laine des agneaux à la laine
la plus fine R j à Soria, on mêle la
Jaine là plus fine des agneaux avec
celle G , &: le relte avec S. On fup-
pure en Efpagne que la laine des
agneaux fait la dixième partie de la
laine d'un troupeau , &c celui qui
achette la laine avant la tonte, fait
fon calcul en confcquence.
On a pour laver les laines des
canaux ou des réfervoirs conftruits
en maçonnerie, & une grande chau-
dière de cuivre, montée furfon four.
L'ouvrier fait tremper la laine pen-
dant deux heures dans l'eau chaude,
il la remue &: la foule pendant ce
temps & la nettoie; de-là elle eft
portée dans l'eau claire & courante,
& enfuite laiiTée en monceau fur le
pré, jufqu'au lendemain. L'eau s'é-
coule, la laine fe fèche en partie, &
pour la fccher entièrement, elle eli
étendue fur le gazon. Les gens em-
ployés au lavage, laiftent dans le ré-
fervoir au moins une partie des or-
dures produites par la laine qui vient
d'être lavée , parce qu'ils penfent
qu'elles font l'effet du favon , ôc
qu'elles fervent à dégtaifter celles
qu'on y met enfuite. La diminution
Ifiu poids de la laine n'eft pas la même
L A I
dans toutes les contrées de l'Efpagnej
à Ségovie, elle eft à peu près de cin-
quante-quatre pour cent, ailleurs
de quarante-huit, &c. ; cela dépend
de la chaleur de l'eau dans laquelle
le premier lavage a été fait.
11 eft conftant que la laine des
brebis efpagnoles eft la plus fine de
toutes les laines connues , & que
depuis un temps immémorial , les
troupeaux ont été très- nombreux Sc
ttès-foiçnés dans ce rovaume.
Les Suédois , peuple adif & la-
borieux, à l'exemple des Anglois Sc
des Efpagnols , ont cherché à perfec-
tionner la laine de leurs troupeaux,
& la rigueur & l'âpreté de leur cli-
mat ne les ont point empêché de
venir à leur but. 11 eft certain que la
reine Chriftine fit venir, foit d'An-
gleterre, foit d'Efpagne, diverfes ef-
pèces de béliers & de brebis; ces ef-
pèces précieufes s'abbatardirent infcn-
fiblement par le peu de foins qu'on
leur donna; celles tranfportées d'Al-
lemagne en Suède réuflîrent beaucoup
mieux , & furpafsèrent de beaucoup
l'ancienne race Suédoife , mais la
laine qu'elles fourniftoient étoit grof-
fière , peu ferrée & peu propre à la
fabrication des étoffes fines, ce qui
forçoit la nation à tirer de l'étrangec-
la matière première des draps.
M. Alftroemer le père, zèle pour
le bien public, entreprit, non fans
beaucoup de rifques, d'être utile à fa
patrie en parcourant l'Efpagne, en y
examinant les foins qu'on prenoit des
troupeaux , enfin en faifant venir
d'Angleterte , en 1 7 1 5 , trente béliers
qu'il diftribua à. [es amis, auxquels il
donna en même temps les documens
néceflaires. Depuis cette époque il
s'eft procuré chaque année des brebis
de tous les pays où la beauté , la
qualité
L A I
qualité & la fineffe de la Wme font
reiiommées. Les environs '.e la ville
d'Alinyfas , la terre royale d'Hogen-
trop , les environs de Herga furent
les dépôts où il plaça fii;ci;(li/c:nent
des brebis d'Angleterre , c'Efpagne,
de Portugal, de Sardaig:ie, du Texel,
& même d'Afie & d'Afrique , afin
de s'alïïirer quelle feroit l'eipèce qui
s'accoutumetoit le mieux à la rif^ueur
du climat de Suède, & à laquelle les
pâturages conviendroient le mieux.
Ces elfais réulîîretit parfaitement.
Les brebis Angloifes furent intro-
duites en 171 5, les Efpagnoles de-
puis 1723, celles d'Eyderftadt depuis
I7i(>, les chèvres d'Angola en 1742J
ces animaux n'ont point foufFert du
changement de climat, & ils ne de-
mandent que des foins continués pour
profpérer & fe maintenir. Il eftconf-
rant que le produit des laines fines
fournit aujourd'hui la moitié de celle
que l'on y confomme dans la ma-
nufacture des draps, & que bientôt
la Suède fe palTera des laines fines
étrangères. 11 feroit important de
favoir fi le changement de climat,
&c. n'a apporté aucun changement
dans la laine , car l'expérience a prouvé
que celle des bêtes Efpagnoles , tranf-
portées en Angleterre , eft devenue
plus longue, un peu moins fine que
la laine d'Efpagne, mais qu'elle eft
plus blanche. Le gouvernement de
Stockohn a fait publier & diftribuer
dans chaque paroilfe des inftrudlions
pour les bergers , & des commiffaires
veillent cà ce qu'elles foient mifes en
pratique.
Après avoir fait connoître le pcr-
feétionnement des laines dans les
diiférens royaumes d'Europe , il eft
temps de prouver que le même per-
feélionnemetit peut avoir lieu en
Tome FI,
LAI i(fc
France. Columelle, bon juge en cette
partie, difoit que de fon temps les
moutons & les laines de la Gaule
l'emportoient en bonté fur toutes les
efpèces connues. Les autres nations
fe font occupées de leurs troupeaux,
& nos ancêtres les Gaulois & les
François, qui leur ont fuccédé, font
reftés bien au-delfous d'elles à cet
égard pendant un grand nombre de
fiècies. Ce n'eft guère que fous Louis
XIV que le gouvernement fit at-
tention au dépérifiement des laines
de France.
Le Rouiïillon & nos autres provin-
ces méridionales ont toujours fourni
des laines fines, & bien fupcrieures
.à toutes celles du refte du royaume ;
elles doivent leur qualité fans doute
au renouvellement des efpèces , fa-
cilité par le voifinagederEfnngne,&;
à. leur climat, mais non pas à la ma-
nière d'y conduire & d'y foigner les
troupeaux , qui , en certains endroits ,
eft peut-être la plus abfurde de toutes
celles fuivies en France.
Colbert , fous Louis XIV, à qui la
nation doit de la reconnoilfancepour
la proteélion fpéciale qu'il fit accor-
der à nos manufnâures, & qui né=
gligea un peu trop les progrès de
l'agriculture , porta un œil attentif
fur le perfeftionnement des laine?.
Il fit venir un grand nombre de brebis
& de béliers Efpagnols &: Anglois ,
& les diftribua dans nos différentes
provinces. Les encouragemens furent
multipliés, &: chaque polfelTeur de
ces races fines eut la liberté de fuivre
la méthode qu'il jugeroit la plus avan-
tageufe au bien-être de fon ttoupeau.
De tels foins méritoient d'être cou-
ronnés pas le fuccèsj mais bientôt,
& peu -à- peu, ces bêtes précieufes
dégénérèrent (Se périrent. Colbef
X
iCi LAI
manqua le but auquel il vouloit at-
teindre, parce qu'en dilhùbuant les
béliers &: les brebis, il n'apprit pas
aux propriétaires de quelle manière
ils dévoient les foigner & les con-
duire. Les brebis, fans celFe expofces
au grand air dans leur pays natal,
n'entrant jamais dans les maifons
, qu'au jour de la tonte, palîant l'hiver
dans les plaines tempérées, & l'été
fur les montagnes , trouvèrent une
fî grande différence dans le climat ,
dans les pâturages, & fur-tout dans
l'air étouffé & cotrompu qu'elles ref-
piroient dans les bergeries où elles
furent entaflées , qu'il leur fut im-
pofiible de réfifter à une tranlinon
aufli fubite & auiïi peu proportion-
née à leur tempéramment^ cependant
elles réufîirenr mieux dans nos pro-
vinces méridionales que par-tout ail-
leurs. Dans la gaule Narbonoife on a
confervé le nom de majorai au pre-
mierberger, & à'adjudancz\x(Qconà,
preuve allez évidente de la commu-
nicarion qu'il y a eu de ce pays avec
l'Efpagne.
Après lamortdeColbert,en 16S2,
le fyftème du gouvernement, relatit
aux laines &c aux manuhiétures de
draps, changea tout-à coup; la liberté
fut anéantie, &c la contrainte & les
extorfions qui en iont une fuite né-
ceffaire, prirent fa place. L'exportation
de nos laines fines fut défendue avec
févérité, parce qu'on fe figura que
celles des provinces méridionales dé-
voient fuffire à la confommation de
i>os manufactures. Les propriétaires
furent obligés de vendre leurs laines
aux manufacturiers , & dès-lors ceux-
ci devinrent les maîtres du prix.
Enfin on contraignit ces malheureux
à conduire leurs troupeaux dans le
local des manufatlures pour y être
L A I
tondus , ou d'appeller chez eux un
commllfaire lors d-e la tonte , ou enfin
de faire une déclaration exacfte du
nombre des toifons j le tout fous pei-
nes de punitions, d'amendes, &c.
Ces gènes, ces entraves , ces dé-
coi'.ragemens accumulés les uns fur
les autres , portèrent la confternation
dans l'ame du poIlefTeur des troupeaux;
bientôt ils les négligèrent, enfin lea
vendirent aux bouchers pour fe fouf-
trnire à la contrainte. Le gouvernement
eut beau donner des interprétations,
ajouter des modifications à fon pre-
mier édit, le mal étoit fait; ces pal-
liatifs ne difîîpèrent pas la crainte ,
ô< toute émulation fut éteinte. Tanc
il eft vrai que le gouvernement ne
doit s'occuper qu'à alîurer la liberté
des propriétés, & à multiplier les en-
couragemens. Le bien s'opère lente-
ment, &: le mal très-vîte;le premier,
enfant de la liberté, relfemble au
grain qui végére & mûrit peu-à-peu,
&; le fécond, ou la contrainte, ptoduit
les effets de la grêle, qui anéantit eu
im inftant les douces efpérances du
cultivateur, d' qui le ruine.
Sous le dernier règne , le gouver-
nement fit venir de temps à autre
des races à laine fine; elles ont un
peu perfeétionné nos laines ; mais
comme ces opérations ont été par-
tielles, la maffe générale n'en a retiré
aucun avantage.
Nous touchons à linllant heureux
de voir un changement lotal dans
cette partie , & cette révolution fera
due à la patience, au zèle & aux lu-
mières de M. Daubenton de l'Aca-
démie Royale des Sciences. Il y a
environ quinze ans que cet excel-
lent & modefte patriote s'occupe en
filence du perleétionnement de nos
efpèces de bêtes à Irane. Le Gouver-
L A I
itement lui en a procuré de toutes
les provinces de France , &: de cha-
que pays étranger où les brebis &
les béliers ont de la réputation. Peu
à peu il a enrichi les races médio-
cres, ennobli celles déjà liches \ enfin
il eft parvenu à avoir des laines fu-
perfines , qui le difputent en beauté,
en qualité, aux plus parfaites d'Ef-
pagne ou d'Angleterre. Les draps fa-
briqués avec ces laines , font de la
qualité la plus fupérieure. O homme
précieux à la nation ^ recevez ici le
tribut de louanges que vous méritez,
& que votre modeftie refufe ! Votre
nom immortel fera placé avec ceux
des bienfaiteurs de la patrie.
M. Daubenton a confidéré que
le perfeétionnement àçs laines ne
feroit général en France qu'autant
que les bergers feroient inftruits. A
cet efFet, il vient d'établir une école
pour eux, & il leur apprend , l'expé-
rience fous les yeux , que les ber-
geries font la première caufe de l'ap-
pauvriiTement de la laine. Son école
eft établie près de Mont-Bard en
Bourgogne , & fa bergerie eft: une
vafte enceinte fermée de murs. On
lui doit déj.à un excellent ouvrage ,
par demandes & par réponfes , in-
titulé : Injlruciion pour Us bergers
& pour les propriétaires des trou-
peaux, à Paris, chez Pierres, rue
Saint- Jacques. Il promet encore plu-
fieurs traités en ce genre. Il feroit
à défiler que cet ouvrage précieux ,
écrit avec la plus grande (implicite
. & clarté, fût répandu aux frais du
Gouvernement dans toutes les pa-
roilfes du Royaume : c'cft le feul (Se
unique moyen d'étendre promptement
les connoilTances. 11 ne refte plus qu'à
diftribuer de bons béliers dans les
provinces du royaume aux proprié-
L A I
i^y
raires qui auront des bergers à l'é-
cole de M. Daubenton.
CHAPITRE IL
Des moyens de perfecîionner l&s
laines.
La France eft peut-être de tons
les royaumes celui où il eft le plus
facile d'élever un grand nombre de
troupeaux, & de qualité fupérieure,
fans nuire à l'agriculture : ce qui
fera prouvé dans le chapitre fuivant
par rénumération de la qualité des
troupeaux dans nos diftérentes pro-
vinces, & par celle de leur laine. Le
particulier n'y aura pas , il eft vrai ,
un troupeau de looo bêtes; mais la
multiplicité des petits troupeaux ,
chacun fuivant l'étendue de fes pof-
feftions , équivaudra au grand nom-
bre réuni en malle. Deux chofes con-
courrent au perfeélionnement des
laines, i°. le climat & l'habitude
des bêtes d'être fans cefte expofées
au grand airj i". le croifement des
races fupérieures en qualité , avec
les races inférieures.
Section première.
Du climat.
lettons un coup-d'œil rapide fur
la policion des provinces de France.
La Provence a deux climats bien
ditférens , celui de l'hiver le plus
tempéré dans le pays bas , 5c les^
montagnes de la haute Provence ,
fourniront pendant l'été des pâturages
abondans & fains. La partie du Lan-
guedoc, qui avoifine la mer, eft dans
le même cas que la Provence. Les
montns'nes du Vêlai , des Cevènes,
X 2
I 64 L A î
la grande chaîne qui ciaverfe de
l'eft à l'oueft le Laiiijuedoc, Sec. of-
frent des relfources auili précieufes.
Le Rouliillon a dans fes parties baf-
fes un climat femblable à celui d'Ef-
pagne , iSc les Pyrénées , qui , à mefure
que la neige fond , appelle fes trou-
peaux. Le Comté de Foix , la Gaf-
eogne , le Béarn , la Navarre, font
dans la même pofition. La Guienne ,
dans fa partie du nord , touche au
Limofiii , & à l'Auvergne par l'eft.
La Saintonge, l'Angoumois , trouve-
ront dans ces pays montagneux des
pâturages d'été. Le Dauphiné a éga-
lement fa partie bafle & fa partie
haute j ainfi que le Lionnois , le Fo-
rez (Se le Beaujolois. Le Bourbonnois,
la Bourgogne, la Franche- Comté,
l'Alface, la Lorraine, font dans le
même cas. Par- tout on trouve de
grandes plaines & de très - hautes
montagnes. Ces montagnes s'abbaif-
fent, ou plutôt fe métamorpholent
en coteaux, loifqu'on s'appioche du
nord du royaume Se du voilinage de
l'Océan, foit au nord, foit à l'uucft.
II eft donc démontré , par la pofi-
tion géographique de la France, que
dans la m.ijjure partie de la France
méridionale , il tftpoflible d'établir les
tranfmigrrtions des troupeaux, fans
les faire autant & fi longuement voya-
ger que ceux d'Efpigne. î. es expé-
riences & les fuccès de AI. Dauben-
ton démontrent encore que les laines
acquerront dans le notd de la France
une qualité fupérieure , fans avoir
recours à ces voyages. Ainfi , dans
les deux fuppofitions , la poffibilité
du perfectionnement des laines, eft
d'une facile exécution.
Il y aura beaucoup de préjugés à
vaincre, d'obftacles à furmoiiper, de
vieux abus à détruite & à faire ou-
L A I
uiier. C'eft l'affaire du temps vc de
l'exemple; mais il ne faut pas que
le Gouvernement s'en mêle , finoa
pour protéger Se pour encoutager;
oc même le peuple eft fi prévenu
contre les encouragemens qu'il pro-
pofe , que je lui ai vu dans plufieurs
endroits , refufer les mûriers qu'il
lui donnoit gratuitement pour plan-
ter.
M. Daubenton ^ quoique fon mr-
rite fût certainement bien connu ,
a fûtement été , pendant plufieurs
années , l'objet des farcafmes & des
pkifanteries de fes voifins , parce
qu'il fuivoir une méthode nouvelle;
mais à coup fCir fon exemple va pro-
duire une révolution dans fon canton ,
&■ un mot de lui fera un oracle.
Voilà comme nous fommes extiêmes
pour le bien comme pour le mal !
Il faut que l'exemple & le fuccès
forcent la confiance ■, &c une fois éta-
blie, elle furmonte les plus grands
obftacles. Qui peut donc établir &
propager cette confiance dans toute
l'étendue du royaume? Sont- ce les
livres ? le paylan ne lit pas ; &. le
cultivateur a fi fouvenr été trompé,
& il eft fi peu en état de' diftinguer
le bon du mauvais , que cette ref-
fource précieufe dans l'origine , eft
aujourd hui de nul effet. Ce feront
les bergers fortis de l'école de Mont-
hard, qui parieront aux yeux & a la
raifon , par l'exemple qu'ils donne-
ront dans les provinces : eux feuls
doivent produire une révolution géné-
rale , & eux feuls peuvent l'efteéluer.
La France ne pofsède aucune pro-
vince plus approchante de l'Efpagne,
& plus propre à élever des troupeaux
à laine fine, que la Corfe. La mé-
thode du parcoure & des voyages à
l'Efpagnole , y eft déjà introdui« j
. /- LAI
aiuu nuls préjugés à vaincre fur ce
point. Les troupeaux y pâlfent l'hiver
dans le pays plat ôi voihn de la metj
& à mekire que les chaleurs appro-
chent , ils montent dans le Nlolo &
le Nébio, pays de montagnes allez
élevées pour être couvertes de neige
pendant neuf à dix mois de l'année.
Comme les Arts font encore dans
l'enfance dans cette île , dont les
deux tiers au moins font incultes ,
les Corfes préfèrent les brebis & les
béliers à laine noire , brune ou roulTe ,
aux bêtes à laine blanche , parce
qu'elles font naturellement teintes
pour la fabrication de leurs étoftes
groffières. Jamais les unes ni les au-
tres n'entrent dans les habitations,
pas même pour la tonte ; il n'y a
donc rien à changer de ce côté-là j
mais la laine y eft courte , groflière,
jarreufe& ttès-maltraitée, parce que
l'on conduit les troupeaux dans les
maquis ou bois taillis très-fourrés ,
qui déchirent les poils fur le dos
de l'animal. Cette île , prefque en
tout femblable à TEfpagne , relati-
vement à fes deux climats , &: par
conféquent à fes pâturages, demande
que l'efpèce de fes béliers & de fes
brebis foit entièrement changée ou
peu à peu perfeûionnée j attendu
qu'ils font d'une ftature bien au-
deflbus de la médiocre. 11 faudroit
encore défendre aux bergers de les
conduire dans les maquis , de traire
les brebis, dont le lait converti en
fromage , fait leur unique nourri-
ture & la principale des propriétai-
res des troupeaux. 11 vaudroit mieux,
à l'exemple des Efpagnols , donner
quelques chèvres aux bergers , îk les
obliger à laifler tetter les agneaux
autant de temps que leurs mères au-
roienc du lait. La dégénéreftence ou
L A I 165
la petiteiïe de chaque efpèce d'ani-
maux , dépend-elle dans ce pays du
climat ou du peu de foin qu'on leur
donne? La grolleur & la grandeur
des renards, des cerfs , des biches,
des fangliers , font de moitié moin-
dre que celle des mêmes animaux
en France. Il en eft ainfi de la race
des chevaux qui y vivent dans un
état fauvagc. Les bœufs ftuls & les
vaches ont confervé à-peu-ptcs le vo-
lume ordinaire des petites races. Mais
quand il feroit démontré que le cli-
mat nécellite la petitefTe des béliers
& des brebis , il n'en eft pas moins
vrai qu'en croifant les races du pays
avec des béliers efpagnols ou afri-
cains , on remonteroit infenfibitmeiit
la race, &; on auroit des laines très-
fines j mais il faudroit complètement
immoler toute brebis à laine brune,
ou noire, ou tigrée. 11 y a grande
apparence que la race aéluclle eft
la même , <Sc s'eft perpétuée fans
mélange depuis le temps des Romains.
Revenons aux provinces du Conti-
nent.
L'exemple Se les tentatives qui
ont été faites par le palfé , font une
leçon bien inftruârive pour l'avenir.
Les races étrangères , tranfportces
à grands frais en France , y font dé-
générées ou perles , non à caufe du
changement fubit du climat , mais
par le régime infenfé auquel on
les a foumifes. Ces animaux , accou-
tumés & vivant perpétuellement au
grand air , ont été entalfésdans des ber-
geries prefqu'entièrement fermées ,
où du moins la lumière du jour ne
pénèrre que par un petit nombre de
larmiers j qu'on a encore grand foin
de fermer pendant l'hiver , comme
il la nature n'avoir pas donné à l'a-
nimal une fourrure capable de ga-
i66 LAI
rancir fon corps de la pluie Se de
la froidure des faifons.
M. Daubeiuon fait à ce fujet une
remarque bien judicieufe ; la voici :
« La laine préferve du froid & des
M fortes gelées toutes les parties du
„ corps des moutons qui en font
" couvertes j mais le grand fioid pour-
j> roit faire du mal aux jambes , aux
» pieds, au mufeau & aux oreilles ,
« lî ces animaux ne favoient les te-
3> nir chauds. Etant couchés fur la li-
» tière, ils ralfemblenc leurs jambes
M fous leur corps , en fe ferrant plu-
3> fieurs les uns contre les autres \ ils
S) mettent leurs tètes & leurs oreilles
" à l'abri du froid dans les petits
« intervalles qui reftent entt'eux, &
5j ils enfoncent le bout de leur mu-
« feau dans la laine. Les temps où
» il fait des vents froids & humides,
» font les plus pénibles pout les mou-
» tons expofés à l'air; les plus foi-
« blés tremblent & ferrent les jam-
j>bes, c'eft-à-dire, qu'étant debout,
3j ils approchent leurs jambes plus
>3 près les unes des autres qu'à l'or-
j> dinaire, pour empêcher que le froid
» ne gagne les aines (Se les aifelles ,
» où il n'y a ni laine ni poil ; mais
w dès que l'animal prend du mou-
3> vement ou qu'il mange, il fe ré-
3> chauffe, & le tremblement celfe».
La chaleur & l'adion directe des
rayons du foleil, font le fléau le plus
redoutable pour les troupeaux. La
première , dans les bergeries ( T-^oye-^
ce mot ) jointe à l'humidité &z à
l'air acre & prefquê méphitique qui
y règne, leur caufe des maladies pu-
trides & inflammatoires. Cet air eft
fiâcrCj que la majeure partie des ber-
gers des provinces du midi , ont la
peau des mains & du vifage par-
femés de dartres. La féconde fait
l. A I
parter le fang à la tète de l'animal ,
il chancelle , tourne , tombe &: périt ,
s'il n'elt promptement fecouru par
la faignée. Dans les provinces du
midi, l'ombrage y efi: fort rare. Où
faut - il donc conduire les troupeaux
pendant la chaleur du midi , lorf-
qu'on n'a pas la facilité de les faire
voyager fur les hautes montagnes ?
Un olivier devient le feul abri con-
tre la violence du foleil; ciiaque bre-
bis fe poulfe, fe prelfe , fe joint con-
tre la brebis voifine , & palfe fa tète
fous fon ventre : tel eft l'état forcé
& pénible dans lequel refte un trou-
peau pendant près de quatre heures.
Afin de remédier à un abus auflî
meurtrier & aulîî détetlable, il fau-
droitque chaque propriétaire eût une
bergerie d'été, ainfi que je l'ai décrit
page m du Tome II , avec cette
différence cependant que je la vou-
drois environnée de grands arbres à
rameaux touffus , & que toute la cir-
conférence fût fermée pardescloifons
faites comme des abats-jours. Si on
trouve cetteclôture trop difpendieufe,
on peut la fuppléer par des fagots peu
ferrés , traverfés par des piquets que
l'on fichera en terre. 11 en réfulte i "'.
une efpèce d'obfcurité qui éloignera
les mouches & les tans , animaux
très-incommodes & vrais perfécuteurs
des troupeaux; 2°. un courrant d'air
fans celfe agiffant, & par conféquenc
une agréable fraîcheur; j". enfin,,
comme je fuppofe cette bergerie très-
vafte , les animaux ne feront pas ferrés
Se prelfés les uns contre les autres.
Cependant j'aimerois mieux les voir
paître fur les hautes montagnes, &
employer toutes les parties du jour,
dès que la rofée eft diOîpée & avant
qu'elle tombe , à brouter 6c à fe
nourrir.
LAI
Nous r.Vûiis faic voir jufqu'à quel
point la polition de la France per-
niectoic les voyages des troupeaux \
examinons comment il eft pollible de
les eft'eâuer de gré à gré j fans que
le gouvernement s'en mêle; car La
foUicitude révcilleroit peut-être en-
core les anciens foupçons , les an-
ciennes allarmes du temps palfé.
Suppofons qu'un propriétaire du pays
bas ait un troupeau de cent brebis;
fuppofons un pareil troupeau chez le
proptiécaite habitant les pays élevés:
ils feront d'un grand lecours l'un A
l'autre s'ils veulent s'entendre & for-
mer entr'eux une lociéré, dont la
bafe fera que l'un nourrira les deux
cent brebis pendant l'hiver, & l'autre
pendant l'été ; enhii que ces trou-
peaux n'entreront jamais dans les
bergeries. Cette alFociation eft hmple
à établir, il ne s'agit plus que d'avoir
de bons bergers. Les deux proprié-
taires y trouveront d'abord le même
avantage quant au fumier , puifqu'ils
feront parquer , & que le parcage
de deux cent moutons pendant fix
mois, équivaut à celui de cent pen-
dant une année. Un fécond avantacre
pour tous les deux, eft d'avoir l'en-
grais tout tranfporté fur les lieux ,
aulieu qu'il auroit fallu le charier de
la bergerie aux champs , opération
très -longue, qui occupe beaucoup
ci'hommes & d'animaux. Les champs
les plus éloignés de la métairie font
par- tout & toujours les plus mal
fumés, ou, pour mieux dire, ne le
font jamais, foit à caufe de la dif-
ficulté , foit par l'éloignement des
charrois , tandis que les claies qui
forment le parc font tranfportées fans
peine fur les lieux. Le parcage offre
encore la manière de répandre plus
unilormémen: 1 engrais , &; dans la
L A [
167
failon la plus convenable, chacua
fuivant ion climat. La conftruétion
&: les trais d'entietien d'une bergerie
doivent être comptés pour quelque
chofej leur fupprellion eft donc bé-
néfice réel pour le propriétaire , Se
les bergeries exiftantes deviennent un
débarras &.' un objet d'aifancede plus
dans fa maitairie. ( F'oye^ le mot
Parc.) U eft donc pollible & très-
pollible de former des aftociations ,
& elles font en général plus fiiciles
que la location des pâturages fur les
endroits élevés , quoiqu'elles foient
connues & pratiquées dans quelques
unes de nos provinces , telles que la
Provence, le Rouflillon , le Comté
de Foix, le Béarn, la Navarre , 6cc.
On doit , autant qu'il eft poftible ,
éviter les tranlîtions tropfubites lorf-
que l'on fait venir des béliers & des
brebis de l'étranger, foit en raifoa
du climat , foit en raifon du pâturage j
il eft conftant que les bêtes à laines
Angloifes, HoUandoifes, &c. réuf-
firont mieux dans les provinces àa
nord du royaume que dans celles du
midi ; de même les béliers de les
brebis efpagnoles & africaines prof-
péreront beaucoup plus dans celles
du midi que dans celles du nord, à
.caufe de l'efpèce d'analogie des cli-
mats & des pâturages, fur-tout fi on
ne ferme pas les animaux dans les
bergeries lorfqu'ils font accoutumés
au grand air; tels font ceux d'An-
gleterre, d'Efpagne, ôcc.
Comment fera-t-il poftible de dé-
raciner un préjugé peut-être auili an-
cien que la monarchie ; comment faire
comprendre aux propriéraires «.'s: aux
bergers que les bergeries font la ruine
de leurs troupeaux, qu'ils fe portent
infiniment nieux à l'air lib.re pendant
toute l'année, enliii que ce grand air.
i68 LAI
ies rofces , les pluies , la ptoprecé 8z
la lumière du foleil blanchiirenr, af-
fouplilFenc les bines , & leur donnent
une qualicé fupérieure en finelTe &
en moelleux. Une longue diirercarion,
quoique très-bien raifonnée, gliire-
roit lur leur efprit j propofons leur
donc des exemples _, & répondons à
leurs objections.
Perfonne ne contefte la qualité fu-
périeure des laines d'Efpagne , d'An-
gleterre, de Hollande & de Suède:
voilà à peu près les extrêmes pour les
climats; pourquoi n'aurions- nous
donc pas en France , pays tempéré,
ce que l'art -^ les foins ont créé &
multiplié avec le plus grand fuccès
au nord & au midi de l'Europe? c'eft
donc vouloir s'aveugler lur fes propres
intérêts, que de rehifer d'imiter des
exemples couronnés par les fuccès les
plus décidés. En Angleterre les trou-
peaux parquent pendant toutes les
faifons de l'année , quelque temps
qu'il f-alFe ; on y eft même obligé
d'aller les chercher au milieu de la
neige, 5c de leur porter à manger,
ou dans ces cas de les retirer fous des
hanoars. Combien de fois n'a- 1- on
pas lu dans les papiers publics les
plus authentiques , que les neiges
abondantes , fubites &: imprévues ,
avoient enfeveli des troupeaux en-
tiers pendant un mois & jufqu'à fix
femaines ; on a toujours remarqué
qu'ils ont peu ou point fouflert; leur
chaleur naturelle la fond graduelle-
menr, i5c ils font toujours fur la terre,
où ils trouvent quelques plantes qui
aident à les foutenir. Mais pourquoi
emprunter des exemples chez les
étrangers, tandis que nous en avons
de lî convaincans en France! M. le
maréchal de Saxe fit jeter dans le
parc de Chambort un certain nombre
L A I
de béliers Sz de brebis de Sologne ;
ils furent livrés à eux-mêmes, ils s'y
mulriplièrent, leut laine acquit une
fupériorité très-décidée. La bergerie
de M. Daubenton , fituée dans un
p.iys naturellement froid, n'eft qu'une
vafte cour ou enclos, fermé par des
murailles , où les troupeaux paflent
tout le temps qu'ils ne peuvent par-
quer dans les champs; cependant ils
font compofés de races Efpagnoles,
Angloifes, du Tibet, de toutes ef-
pcces des différenres provinces du
royaume. Que répondre à da points
de fait de cette évidence, dont cha-
cun peut fe convaincre par fes pro-
pres yeux ; il faut nier l'évidence, fi
on s'y refufe. Souvent les mères
mettent bas au milieu de la neige
& des glaçons, & leurs agneaux font
par la fuite les plus vigoureux du
troupeau. \'^enez & voyez, vous dira
M. Daubenton , je n'ai pas de meil-
leure preuve à vous donner.
Ce feroit le comble de l'erreur de
penfer qu'on doive tout-a-coup ren-
verfer les bergeries, & faire parquer
les troupeaux pendant toute l'année;
la chofe conçue ainfi eft impoffible,
on leroit prefqu'alluré d'en perdre la
majeure partie. En effet , comment
concevoir qu'une brebis, qu'un mou-
ton , tout en fueur , & accoutumé
dans une betgerie à refpirer un air
dont la chaleur eft preique toujours,
& même en hiver, de vingt à trente
degrés, puifTent tout à-coup fuppor-
ter de ilx à dix degrés de froid. Il
faut àonc les y accoutumer infenfi-
blement, & s'y prendre de bonne
heure. Pendant toute la belle faifon
les laifTer coucher à l'air; à l'époque
des neiges & des gelées, fe conrenter
de les tenir fous des hangars bien
aérés, &: dès eus le rroid fe radoucit,
les
I A I
Jes faire parquer. C'efl: ainfi que
peu â peu on les accoucuniera à
toutes les rigueurs des faifoiis , &
l'hiver fuivant , ou le fécond hiver,
les pères , les mères & les petits
n'auront plus beloiii d'aucun ména-
gement.
Il eft reconnu , dira-t-on , que l'hu-
midité eft le llcau le plus crue! pour
les bêtes à laine. La propofition eft
vraie dans toute fon étendue , mais
c'eft l'humidité jointe à la chaleur ,
telle que celle d'une bergerie bien
fermée, dans laquelle on Liille amon-
celer le fumier , & d'oii on ne le
fort qu'une à deux fois l'année. On
ne niera pas que du fumier qui fer-
mente, il ne s'élève beauLOun d'hu-
midité , & qu'elle ne foit fublimée
ou réduite en vapeurs par la chaleur.
On ne niera pas que cette humidité
ne foit acre , pulfqu'elle produit des
cuilfons aux yeux & des irritations
dans le gofier. Se par conféquent la
toux à ceux qui y entrent, iSc qui ne
font pas accoutumés à refpirer l'air
vicié qui remplit la bergerie; enfin
on ne niera pas que la chaleur n'y foit
très forte, puifque j'ai vu des ber-
geries où la neige fondoit fur les
tuiles à mefure qu'elle tomboir, tan-
dis que le toit voilln en étoit fur-
chargé.
Si on mène paître des troupeaux
dans des pâturages humides , s'ils
font expofés à la pluie, enfin ii on
les ramène enfuite dans les bergeries
dont on vient de parler, il tft certain
que la chaleur du lieu & celle de l'a-
nimal chafferont l'humidité de la
laine, mais cette humidité s'évapo-
rera, reftera dilfoute dans l'air de fi
bfrgerie, & comme on ne lui laiife
aucune illue pour sYchapper, elle aug-
mentera encore & viciera l'air, U
Tome VI,
L A I
\C<>)
n'efl: donc pas étonnant que l'animal
foulfre, patilfe, dégénère & péiilTe;
m.iis au contraire s'il relie expoie à
l'air libre, l'évaporation de la toiion
fe dilîipera , & il refpirtia un air
pur. Des troupeaux entiers (ont fu-
jets à être galeux ; la clavelée ou
claveau , ( Voye\ ces mots ) ou pi-
cotte ou petite vérole des moutojis,
eft pour eux une maladie très-dan-
geteafe, parce que cette maladie de
la peau eft répercutée pat la chaleur
dans la malTe des humeurs. La "aie
eft infiniment rate dans les troupeaux
fans bergerie, & le claveau eft pour
eux une maladie fans danger ni fuite
fàcheufe.
Un troupeau parqué fur un io\
humide , ajoutera-t-on encore , ou
expolé aux grandes pluies, fera né-
celLiirement expofé à l'humidité, &
des-lors fujet à un grand nombre de
maladies. U s'agit ici de s'entendre;
jamais on n'a confeillé de faire par-
quer les troupeaux dans des lieux bas
ou aquatiques; on doit au contrana
réferver les lieux élevés & en pente
pour le parcage, dans les temps hu-
mides. Les prairies fèches font ex-
cellentes dans ce cas \ mais comme
chaque jour on change les claies
du parc , le piétinement de l'animal
n'a pas le teinps de convertir la terre
en bourbier, «Se quand même il feroic
dans cette ef)'èce de bourbier, cette
humidité lui leroit moins funefteque
celle de la bergerie.... Les pluies lon-
gues 6i- fréquentes imbiberont La
toifon jufqu'à la peau de l'animal ,
& l'expérience prouve que lorfqu'elle
eft mouillée l'animal fouffre. Je nie
décidément la première fuppofî-
îion \ fi on prenoit la peine d'exanr-
ner , o\\ ne l'avanceroit pas comme
une alTertion démontrée. Expofe/. un
170 LAI LAI
mouton, un bélier, une brebis à la pendant la règle de leur conauîte?
plus grande pluie battante d'ctc, ou
aux loi:(;ues pluies d'hiver, & vous Section II.
verrez toute la furface de fa toifon
imbibée & trempée j mais la bafe Du cro'ifcmcnt des races de qual'ué
fera toujours fèche , parce que le fupcrleure avec celles de qualité
fui nt que l'animal tranfpire, immif- inférieure.
cible à l'eau , forme une efpèce de
vernis fur lequel elle glilTe; d'ailleurs. Le climat n'influe pas abfolument
les poils très-ferrés, très-rapprochés éc en général fur la qualité de !a laine,
&c couchés les uns fur les autres, re- mais feulement fur le tempérammenc
préfentent les thuiles qui couvrent de l'anima! ; il en eft ainfi de fa
les toits , & garantilfent l'intérieur nourriture. Cette alfertion foufFre
de la maifon. Il y a plus j lorfque quelques modifications , comme on
l'animal fent fa toifon trop chargée le verra dans le chapitie fuivanr. La
d'eau, il procure, à l'aide des mufcles preuve en eft que les brebis de Bar-
peaufliers, un trémoulfement général barie, les chèvres & les chats d'An-
à la peau, & parconféquent à la laine, gola, tranfportés en France , confer-
qui fait tomber la majeure partie de vent la finelTe , la blancheur (Se le
l'eau dont elle eft chargée j ce tré- moelleux de leurs poils. Si l'on tranf-
moulfement de la peau dans le mou- porteenAtrique,&c.nosbr£bis&nos
ton, relfemble aifczàcelui du cheval béliers à laines chétives, elles refteronc
lorfqu'il veut fe débarralTer des mou- ce qu'elles font, & leur laine n'y dé-
dies qui le piquent. viendra pas plus belle. Les voyages
Etudions donc la nature, & nous des troupeaux, à l'exemple des Ef-
verrons qu'elle n'a rien épargné pour pagnols, ne changent pas les laines
la confervation des animaux deftinés mauvaiies en médiocres, ni les mé-
à vivre au grrnd air-, nous nous diocres en hnes,puifque les trou-
écartons de fes loix,&'nos animaux peaux voyagent perpétuellement en
domeftiques font la vidtime de notre Corfe, &r ils y iont prefque toute
prérendue fageiïe. Voit-on dans les l'année dans une égale température
villes les vendeufes fur les places, & d'air; cependant leur laine eft détef-
les payfans dans les champs s'enrhu- table. On voit en Efpagne des trou-
mer, tandis que les habirans cafa- peai.x .à laine commune, voyager
niers for.t afFedtés du moindre froid? comme ceux à laine fine , & leur
C'eft que les uns font plus près de laine n'acquérir aucune qualité, quoi-
la nature que les autres, & l'habitude que le climar & la nourriture foienc
d'èrre au grand air foutient la force les mêmes. La maigreur ou l'em-
de leur corps, & les préferve d'une bonpoinc de l'animal, caufés ou par
infinité de maux qui affligent les ci- le climat ou par la nourriture, in-
tadins. La fanté des troupeaux, leur fluenr fur la plus ou mo.uis grande
profpéritc & leur perfeftionnement, quantité de laine, & non pas fur fa
dépendent de l'homme ; une faufle groffiéreté ou fur fa fineffe. Si les
fagcffe, une faufle prudence, fondées laines des provinces méridionales de
fur des préjuges abfurdes, font ce- France font fines, elles doivent cette
L A î
qualiré aux brtbi5 efpagnoles qui y
ont et- jadis 6: '".ui y Ion: encore
quelquefois incrociuites, ik. pas aufiî
fouvent que le bufoin l'exige, par la
mauvaife renue des troupeaux.
Dans tour le cours de cec ouvrage,
on n'a celTé de faire remarquer l'a-
nalogie frappante qui fe trouve entre
le règne végétal ëc le règne animal ;
elle fe préfente ici fous un nouveau
jour également dimonftratif. Des
circonftances qu'on ne peut prévoir
font que dans un feniis, par exemple,
de pépins, de pommes, de graines,
de renoncules, de jacynthe, &c. , on
trouve , ce que les jardmiers appel-
lent des efpèces nouvelles j ou des ef-
pèces déjà exiftantes , mais perfec-
tionnées ; c'eft à ces heureux hafards
que Ton doit les pommes de reinette ,
de Calville, &c. , & fur-tout le bezi
de Montigné, venude lui même fans
foins & fans cultute au milieu des
forêts de M. de Trudaine. Il feroit
aifé de citer une foule d'exemples
femblables relativement aux arbres,
6c plus encore parmi les fleurs des
parterres. 11 en eft de même parmi
les animaux. On peut confulter à ce
fujet les ouvrages du Pline françois,
&c l'on y verra avec quelle diverfité
la nature a multiplié, par exemple,
la famille des chiens, &c. Qu'avec
<les yeux exercés , un amateur examine
un troupeau , il trouvera sûrement
dans le nombre quelques individus
dont la laine fera un peu plus fine,
plus longue & plus étoffée que celle
des autres ; cependant il elî prouvé
qu'ils ont tous eu un père &: une
mère à peu près égaux en qualité.
Suppof Mis aduellement que cet ama-
teur fépare le bélier ^ la brebis du
plus beau corfage, & à laine moins
gfolïïère , du refte du troupeau , &
17Ï
LAI
qu'il les falTe foigner & accoupler ,
il en réfultera, à coup sûr, un indi-
vidu qui tiendra du père ce de la
mère, & qui lera fupérieur en cor-
fage &: en laine au refte du troupeau.
Si le hafard fait qu'il rencontre chez
lui un bélier plus beau que le pre-
mier, &: qu'il croife fa rate avic la
brebis choifie, il eft encore démontré
par l'expérience que l'animal réfultant
de cet accouplement, fera beaucoup
plus grand que la mère , & fouvent
plus beau que le père. Or , en con-
tinuant les mêmes foins, les mêmes
attentions & les mêmes accouple-
mens , on parviendra petit-à-petit à
remonter l'efpèce de fon troupeau.
Certe progreilîcn n'eft-elle pas dans
tous les points la même que celle qu3
la nature fuit dans le perfedionne-
ment des efpèces végétales , fait en
formant des ej'pèces hybrides , ( J^'oye^
ces deux mots) foit en couronnant les
foins du fleurifte qui'métamorphcie
fucceflîvement en fleurs doubles les
fleurs fimples d'une plante, & qu'il
perpétue enfuite par la greffe , par les
caïeux , ou par les boutures. Mais
fi à une brebis déjà perfedionnée par
le corfage Se par la qualité de la
laine, vous donnez un bélier à laine
grofl^ère & de petite ftature , l'rHimal
qui proviendra fera très-inférieur à
la mère, & peut-être au père 11 faut,
dans les accouplemens, employer tou-
jours les individus les plus beaux.
H eft à -peu -près démontré que
les petits reffemblent à leur mère
par leurs parries intérieures, mais
à leur père par i'exrérieur, & prin-
cipalement par Itur fitrface & par
leurs poils. En voici la preuve : fi t;n
bouc d'Angola , à poils fi fins , ù
doux, fi blancs &i fi longs, couvre une
chèvre d'Europe , à poils greffiers &
y i
i7i LAI
variés en couleurs , il tranfmet à
fon petit l'éclat & la nobielîe de
fa coiron. Si au contraire un bouc
d'Europe couvre une chèvre d'An-
gola, l'iiiûividu qui en naîtra aura
Je poil de fon père. Lorfqu'un che-
val couvre une ânefle, le mulet ref-
femble plus au père qu'à la mère par
.les oreilles, le crin, la queue, la
couleur & le port. Au contraire, lorf-
qu'une jument eft couverte par un
âne , l'efpèce qui en fort tient du
mâle par les longues oreilles , par
une queue de vache très-courre, par
une couleur fouvenr grife , & une
croix noire fur le dos. Les béliers
anglois font fouvent , & pour la plu-
part, fans cornes, parce que, dans
le principe, on a choilî par préfc-
lence les pères qui n'en avoient pas,
& cette privation s'eft perpétuée de
race en race. La railon a déterminé ce
choix : l'animal fans cornes a la tête
moins grofle; Ha mère le met plus
facilement bas , &: il ne peut pas
blefler les autres. C'eft par de fem-
blables accouplemens que l'on par-
vient à avoir des troupeaux entiers ,
ou à laine blanche , ou à laine brune,
noire , roulle, ^'c. , tout dépend des
premiers accouplemens , (Se des foins
que Ton donne aux fuivans.
Il fuivroit de ce qui vient d être
dit, qu'une belle race une fois éta-
blie, foit en mâles, foir en femel-
les, ne doit jamais fe détériorer. Cela
eft vrai , jufqu'à un certain point,
& tant que les animaux fe trouve-
ront dans les mêmes circonjlances ;
mais fi au lieu de les tenir Toujours
en plein air, on prelTe & on enralfe
les troupeaux dans une étouffante
bergerie j les maladies de la peau
affectent la qualité de la laine qui
s'y implante iSc qui y prend fa nout-
L A I
riture j une fois viciée chez le père oa
chez la mère , les circonftances ne font
plus égales, & la laine perd de fa qua-
lité. La mauvaife nourriture , l'air
étouffé & rendu acre & prefque mé-
phitique, agiffent fortement fur la
conftitution de l'animal, 5c la laine
eft moins épailTe, & diminue de lon-
gueur, parce qu'elle ne rrouve plus
dans la peau de quoi fe fubftanter,
C'eft donc toujours la faute du pro-
priétaire , fi le troupeau dégénère j
mais en revanche , avec des attentions •
fùutenues, & qui font plutôt un amu-
fement qu'un travail, il peut remon-
ter {q\\ troLipeau prefque fans fortic
de fa province; & lorfqu'il aura at-
teint un certain genre de perfection,
il doit alors , fuivant le climat qu'il
habite , faire venir des béliers an-
glois ou efpagnols , leur donner à
couvrit les plus belles brebis , & con-
ferver aux nouveaux nés la même
manière de vivre que fuivoient les
béliers dans le pays d'où on les a
tirés. Si avec ces béliers il peut faire
venir de belles brebis, le perfection*
nement de fon troupeau fera plus
rapide , & un produit alfuré le dé-
dommagera dans peu de fes premières
avances. Les peuples amateurs & con-
fervareurs des troupeaux, font plei-
nement convaincus de la néceflité
d'avoir de beaux & d'excellens béliers;
& un François feroit étonné du haut
prix auquel on vend ceux qui font
fupétieurs. On a vu en 1758, chez;
Guillaume Stori , cultivateur Anglois ,
un bélier de j ans , qui pefoit 39S
livres d'Angleterre , & qu'il vendit
à M. Banks de Harsworth quatorze
guinées. Les agneaux qui naquirent
des brebis couvertes par ce bélier,
relTembloient fi fort au père, qu'on
payoit au polleiTeur de cet animal
L A I
Une demi-galnée pour chaque brebis
qu'il lui f.iifoic couvrir, c'cll-à-dire,
un peu plus de i z liv. argent de
France. M. Robert Gilfon avoir un
bclier delà même race, & en 1765,
ou payoit une guinée entière pour
chaque accouplement. En tondant
un agneau venu du premier de ces
béliers , on tira vingt-deux livres an-
gioifes de laine hne. En Efpagne on
paie encore aujourd'hui un excellent
bélier jufqu'à loo ducats. C'eft ainli
qu'en croifant fans celFe les races
par des béliers forts & vigoureux ,
on eft parvenu en Angleterre à avoir
des laines de vinçr, vingt un à vingt-
deux pouces ds longueur, & un bé-
lier à laine de vingt-trois pouces de
longueur, a été vendu en Angleterre
jufqu'à I 200 liv. De ces exemples
on doit conclure,, i*'. que le premier
point & le plus elfentiel , confille dans
la qualité fupérieure du bélier ; que
c'eft lui qui propage la bonne qualité
de la laine. Se que fans lui elle dé-
génère, i"'. Qu'on ne doit lui don-
ner à couvrir que des brebis recon-
nues très-faines, jeunes, c'eft-à-dire,
de trois ans, & jamais après fept ans.
Le mâle ou la femelle , rrop jeu-
nes ou trop vieux , aftoiblilTent le
troupeau , au lieu de le perfeélion-
ner : douze à quinze brebis fuffifent
à un bélier qui , dans le temps de
l'accouplement , exige d'être large-
ment nourri.
Si on peut faire teter deux mères
au même agneau, il eft certain qu'il
deviendra plus fort que celui qui té-
tera une feule m.cre, fur-tour l'i (on
père & fi fa mère étoient fains Se
dans l'âge convenable. L'accouple-
ment bien ménagé , perfeftionne donc
ôc la charpente de l'animal , & la
L A I ry^
qualité de fa laine. Des expériences
journalières ont prouve que des béliers
de 2 S pouces de hauteur, accouplés
avec des brebis de 20 pouces , ont
produit des agneaux qui dans la fuite
ont eu 27 pouces de hauteur. Les
mêmes expériences démontrent que
de l'union des béliers dont la laine
avoit 6 pouces de longueur, avec des
brebis dont la laine n'avoit que 5
pouces , il réfuiroit des individus
qui avoient une laine de cinq pouces
à cinq pouces & demi de longueur.
i,es mêmes expériences répétées fur
des brebis à laine commune Se
grollière , ^' couverres par des bé-
liers à laine fuperfine , il en ell
réfulté des agneaux à laine hne ôc
quelquefois de qualitt fupcrleure à
celle du père. C'eft par de pareils
procédés &: par des foins ailitlus,que
M. Daubenton a amélioré près de
Montbard , un troupeau de trois
cents bêtes , dont la laine étoit au-
paravant courte, jarreufeiS: mauvaife» '
ôc fur-tout en le laillant jour & nuit
& pendant toute l'année expofé au
grand air.
La manière de conduire le trou-
peau , iSc le choix des mâles pour
l'accouplement, contribuenr, comme
on vient de le voir, à la forte conf-
titution de l'animal , à l'augmenta-
tion de fon volume , à la longueur
& à la fînelTe de la laine , mais en-
core augmentent la quantité de la
laine. En voici la preuve : un bélier
de Flandres , dont la toifon pefoir ,
cinq livres dix onces , allié à une
brebis du Roullillon , qui n'avoit que
deux livres deux onces de laine, a
produit un agneau m.ile , qui dans
fa troiiième année en portoit cinq
livres quatre onces fix gros.
174 LAI
CHAPITRE III.
Est-il possible de per-
fectionner LES LAlNES EN
France ^ et quelles sont
les qualités des laines
actuelles ?
Section première.
De la pofflbUké de perfeclionner les
Lunes en France,
La première partie de cette quef-
tion elî décidée par ce qui a été dit
dans les chapitres précédens , & je
répète que l'école des bergers élevés
par M. d'Aubenton, donnera la pre-
mière &c la plus fùre impuliîon à
une révolution générale , parce que
l'expérience eft le terme & Ja conhr-
mation des leçons <?c des principes
que l'élève reçoit. II ne lui faut que
des yeux ; & la nature eft le livre
qu'il étudie & où il s'inftruit. Il eft
encore démontré que la France eft
le royaume le mieux fitué de toute
l'Europe. Elle eft modérément froide
dans fes provinces du nord, tempé-
rée dans celles du centre , & alîez
chaude dans celles du midi. Il réfulte
de cette fituation la pollîbilité d'é-
lever & d'entretenir de nombreux
troupeaux , de quelque pays , de
quelque contrée du monde qu'on
tire les efpèces j il fuffit de les pla-
cer d'une manière convenable. La
rranstormation des troupeaux à laine
commune , s'exécuteroit fans peine
& plus facilement qu'on ne détruira
les préjugés : toutes les inftruétions
publiées, fou par le Gouvernement,
foit par des particuliers , produiront
peu d'effets j la conviélion dépend
L A I
de l'exemple mis fous les yeux , con-
templé chaque jour , & non pas cou-
lldéré dans l'éloigné ment.
Par qui doit commencer la révo-
lution ? par les grands propriétaires
de fonds j ils doivent envoyer un de
leurs bergers à l'école deMont-Bard,
<Sc choifir celui qui paroîtra le plus
intelligent. A fon retour, il exécu-
tera chez fon maître ce qu'il a vu
mettre en pratique , & l'exemple
de ce berger influera fur toutes les
paroilfes voiiines. Les payfans &c les
hommes du peuple diront : Il n'eft
pas furprenant que de tels troupeaux
profpèrent , que la laine en fait de-
venue fine, (Sec. le propriétaire eft un
homme riche , qui peut faire de la
dépenfe : il en fait cependant moins
qu'eux, puifqu'une cour & les champs
lui ferviront de bergerie, & même
fans fortir de fa province , il perfec-
tionne fes efpèces, en accouplant les
meilleures.
Il feroïc cependant fort à défirer
que l'homme riche fît venir de l'é-
tranger des brebis & des béliers j Se
lorfque fon troupeau feroit monté,
qu'il permît &: accordât gratuitement
l'accouplement de fes béliers avec
les brebis des petits particuliers , à
la charge par eux de foigner leurs
troupeaux de la même façon qu'il
foigne les liens. C'eft par cette voie
que le bien fe fera , que l'inftruélion
s'étendra de proche en proche , &
qu'enfin on parviendra à une révolu-
tion générale.
Les communautés d'habitans , un
peu numbreufes , devroient fe coti-
fer pour avoir un berger, & faire
les frais pour fe procurer des béliers
de qualité. Si plufieurs communaii-
rés fe réunillenc, les frais feront
L A I
moins confidérables^ il ne refterapliis
qu'à s'arrangera à convenir entr'elles
du parcage, du pâturage, <Sc. un
berser avec (on chien conduit aullî-
bien un troupeau de deux cents bc-
tcs , qu'un de cent.
La multiplicité des troupeaux nuira
à l'agriculture : cette objeélion ne
manquera pas d'ctre mife en avant.
Il ne s'agit pas de couvrir de trou-
peaux tout le fol du royaume ; mais
de perfeilionner la laine & les ef-
pèces de bètes qui y exiftent. 11 efl:
plus que probable que cli.ique pro-
priétaire nourrir autant de bctes que
les moyens & fes pollellions le per-
mettent; ainfi on ne fauroit en raie-
menter le nombre 5 mais la valeur
du produit doublera par la qualué.
C'eft une erreur de peniev que
les communaux & les landes foient
néceiïaires à la profpérité des trou-
peaux. A force d'ctre broutés , piéti-
nes, dégradés, l'animal n'y trouve
qu'une maigre (Se très-rare nourri-
ture j les mauvailes herbes qu'il dé-
daigne, gagnent bientôt le dellus ,
& étouffent à la longue les plantes
utiles. Enfin , i! ell: prouvé que dans
les pays où il n'y a point de com-
munes , ( Voyc-^ ce mot ) on élève
& on nourrit un plus grand nombre
de bctes, que dans ceux qui en ont
de trcs-ctendues.
I! n'en eft pas tout-à fait ainli chez
les particuliers qui ont des friches ou
des terreins incultes. Si leur berger
n'a pas dans le troupeau des bre-
bis qui lui appartiennent, il ména-
gera l'heibe ; & après avoir fiit brou-
ter une partie du terrcin, il n'y re-
viendra pas de quelque temps, :Xm\
de lui donner le temps de noudcr.
Les troupeaux au contraire ne quir-
£enc pas les communes d'un foieil
L A I
75
à un autre , 6c pendant toute l'année.
Que l'on compare aéluellemen.t les
terres labourées ou en chaume, fur-
tout h on fuit ce qui eft dit au mot
labour , avec les landes & les friches,
& l'on verra h le mouron ne trou-
vera pas dans ces premières une nour-
riture plus abondante, des herbes
plus tendres, plus délicates que fur
les fécondes. Dès-lors il faur con-
clure qu'une culture bien entendue
vaut infiniment mieux pour les trou-
peaux, «S: qu'il efl: pofiîble d'en aug-
menter le r.ombre jiifc^u'à un cer-
tain point, fins nuire .1 l'abondance
des récoltes ordinaires. Les tiiches ,
les landes, les lieux incultes, ne
font vraiment utiles aux troupeaux ,
que parce qu'ils les forcent à mar-
cher & à parcourir un grand efpace ,
afin de fe procurer leur nourriture.
D'ailleurs (1 elles convienncnr aux
petites efpèces , elles font luiilibles,
ou tlu moins peu profitables aux
moyennes , & fur-rout aux grofies.
Le propriétaire inrelligent propor-
tionne la quaTitité de fes troupeaux à
l'abondance &c à la qualité des plan-
tes qui doivent le nourrir. Enfin,
l'entretien d'un troupeau quelcon-
que de brebis .à laine fine , ne lui
coûte pas plus à errretenir que celui
pas p
à laine con-,mane & grollière. Si on
a un reproche à faire à la rnnjeure
partie des teranciers^ c'eft de con-
ferver ur.e p'us grande qnanrité de
bctes blanches que leurs pofieflions
ou leurs moyens ne peuvent en nour-
rir; alors tour le troupeau eft maigre
ou étique,& ils fontobligésde lui faite
parcourir les champs des voifins, ce
qui eft un vol manifcfte. Dix brebis
bien nourries, bien foignées, rendent
plus que quinze à dix-huit brebis affa-
mées y objet ellentiel que ne doit
17^ LAI LAI
jamais perdre de vue un bon culti- La Salanque eft auiïi nn bas ter-
vateur. rein, mais qui règne le long de la
liefl donc démontré que même fans mer.
faire voyager les troupeaux fuivant Les Afpres & la plaine font un
la méthode efpagnoie , il eft de la p^ys haut & {^z , garni d'herbes fines
plus grande facilité d'avoir en France ^ odoriférantes.
lies troupeaux à laine fine. Il eft en- n j m • i j^
■ , ' , r 1 Fendant 1 hiver . les troupeaux de
core démontre que li on peut les , ■ j ■ ■ f ' ~.
•i. ^ . , r , , ,. ces trois endroits vivent leparement
taire voyager , ainu qu il a ete ait j , • • ' ,- n'r n ^n
, , ',f . ' , ,\ II- dans leurs territoires re'pettirs. 11 elt
dans le cnapitte picccdent , la lame j r -r i
r ■ '■i <t T- r . .V r^re que pendant cette iailon , la
en lera plus belle. Lnhn on n a qu a ■ ^ ■ '^ m \ „ .-
, . r , . ^ neiçe tienne allez loncr-temps pour
vouloir pour obrenir. - u ] u j J ^.,
' empêcher les bergers de mener en
Section II. pleine campagne. Dans le cas de
longues pluies , on nourrit les bêtes
Des qualités des laims acluellts , à la bergerie avec du fourrage isc.
des troupeaux & des pâturages Lorfque les gelées ou les contre-
^ dans le Royaume, temps détruifent les prairies artifi-
Tout ce qui fera dit dans cette nielles , ou qu'il y a difette de bons
feftion , eft le précis de l'excellent fourrages , on fait palier les brebis
onvtagc de M. Carlier , incitulé : au Riverai.
Truite des l'êtes à laine , en deux Aux approches des grandes cha-
voîumes i;2 -4^. Paris, 1770, chez leurs de l'été, & lorfque les herbes de
'Vallat-la-Chapelle, au Palais. L'au- la plaine commencent à fe defftcher,
têur a parcouru tout le royaume j & qu'il y a dilette d'eau, &c. on con-
il parle de ce qu'il a vu & examiné duit les troupeaux aux montagnes du
3vec le plus grand foin. Il commence haut Confiant &; Capfir. Ils y paf-
par les provinces méridionales. fent fix mois dans les pafquiers
i". Le Rou[fdion. Cette province royaux , au nombre de fix à fepc
avoifine l'Efpagne j elle eft remplie milles. Ceux qui ne vont pas à la
de hautes montagnes , de coteaux montagne , fe réfugient au Riverai
& de vallons couverts de gras pâtura- & en Salanque, dans les cantons
ges : dans certains cantons les laines où les chaleurs font moins vives &
y font aufti belles qu'en Efpagne. les herbes plus fraîches que dans la
Le Roallilion proprement dit fe di- plaine & aux Afpres.
vife en trois cantons principaux , le Les moutons des Afpres ne font
Riverai , la Salanque , les Afpres ou ni aulli forts , ni aulîi corfés que ceux
la plairie. On donne les noms de du Riverai & de la Salanque. La
iiiyeralS<. de terres arrofables , à une longueur des premiers eft de trente
ttendue de lieux bas, dans lelquels pouces, & la hauteur en proportion,
on conduit l'eau des rivières & des Tous, jufqu'aux ferntlles , ont le
ruiifeaux par des rigoles & par des détaut de porter des cornes. On re-
canaux , pour arrofei les rerres & les jerte les bêtes à toifon noire,
rendre plus [ertiles dan^. le genre de Le mouton de Salanque ne palfe
prpdijdiyn qui leur tft propre, guère l'âge de cinq ans fans dépérir î
celui
LAI LAI
celui des Afpres & de la plaine vît plaine , mais encore pour ceux des
trois ans de plus , & demeure fain mor.c.ignes pendant quatre mois & .
jufqu'à huit ans «Se au-deli. Le pre- demi.
mier eft fujec à la pourriture. Les autres cantons du Rouffillon
La toifon du mouron des Afpres (onth Fa/fpir j[q Confiant Se Capjirj
eft tîue , lerrée , foyeufe , légère & la Cerdagne.
douce au toucher j les mèches font Les moutons de Valfpir tiennent
courtes & frifées , d'un pouce à un beaucoup de ceux du Riverai & de
pouce iSc demi de long ; elles allon- la Salangue par le corfage &: par la
gent fans rien perdre de leur qualité toifon j ils en diftèrenc en ce que les
quand la nourriture a été -bonne. derniers palTent toute l'année dans
Les belles toifons des Afpres «Se leurs gras pâturages, au lieuque ceux
d'une partie de la Salangue fur- du Valfpir vont pendant l'été à la
pafTent en fineire les laines d'Efpa- montagne.
gne, dites Arragons, Garcies, And:.- Le Gonflant fe divife en deux
loufie, & le cèdent peu auxSégovies, parties , le haut qui eft montueux ,
lorfqu'elles font pures & fans mê- & le bas qui eft un pays de plaine,
langes. On les vend dix à douze fols à peu près comme le Roullillon &c le
la livre en fuint, & trente-fix à qua- Valfpir. Le Gapfir eft rempli de mou-
rante fols lavées \ elles ne font pas tagnes , de même que le haut Con-
d'un blanc parfait , elles tirent un flant.
peu fur le jaune , ce que les fabri- Les propriétaires des troupeaux du
quans regardent comme une per- bas Gonflant imitent ceux de la
feétion. plaine du Rouflilloi:; ils les gardent
Une toifon fine pèfe trois livres chez eux pendant l'hiver «Se une bonne
& demi, & quelquefois quatre livres partie du printemps \ aux premières
en furge, & cinq quarts étant lavée, chaleurs ils les conduifent à la mon-
Le Roullillon peut produire , année tagne.
commune, huit mille quintaux fur- La branche du bas Gonflant,
ges de laine fine, &c quatre mille quoiqu'intérieure à celle des Afpres,
d'inférieures. vaut mieux que celle du Valfpir j on
Les troupeaux des gros tenanciers y voit peu de toifons noires,
vont de dix-huit cens à deux mille Les neiges abondantes qui com-
bêces , & ils les partagent en trois mencent à tomber vers le mois de
bandes égales. Pendant l'hiver un novembre, &: qui couvrent pendant
propriétaire de quatre cens bêtes les cinq ou fix mois la furface des mon-
divife en trois lots, qu'il fait garder tagnes du haut Gonflant & du Gap-
féparément. Après la tonte, on raf- fir, ne permettent pas aux habitans
femble plufieurs troupeaux pour en de conferver chez eux leurs trou-
compofer un feul , lorfqu'on eft fur peaux ^ ils vont tous les ans chercher
le poinr de palfer à la montagne. ailleurs des afyles contre la rigueur de
Les pâturages artificiels des terres la faifon qui les prive des pâturages,
arrofables du Riverai, &^ des exccllens Les ménagers du haurGonflanr,
fonds des Afpres, fufïifent non-feu- après avoir doimé pendant lix mois
lement pour les troupeaux de la l'hofpitalicé aux bergers des Afpres,
Tome VI. Z
178 LAI
Sec, viennent à leur tout laciemanJer
à ceux-ci pendant l'hiver.
Aux approches des premières nei-
ges, les bergers du haut Gonflant &
du Capfir font un choix des Dc-tes
qu'ils fe propofent de garder chez eux ,
éc marquent celles qui doivent def-
cendre dans la plaine. C'elt un ufage
reçu de ne retenir que les moutons,
■ & d'envoyer les brebis portières ;
quand leurs moyens & les circonf-
tances locales le permettent, ils mê-
lent des lots de moutons avec les
brebis , mais ils gardent les béliers.
Comme ces pays ne foiU pas aifcz
étendus pour contenir le nombre pro-
digieux de bétail qui arrive de la
montagne, ce qui refte, traverfe la
Cerdagne cfpagnole & françoife, &
va s'établir dans les environs d'Urgel
en Catalogne. Dès que les neiges font
fondues, les troupeaux retournent à
leur montagne.
Les bêtes à laiue du haut Confiant
& du Capfir , l'emportent en poids
& en longueur de corfage fur celles
du Valfpir & du bas Confiant. Les
moutons du haut Confiant ont la
tête & les pieds d'une couleur dif-
férente de la toifon ; tantôt ces par-
ties font entièrement roulTes, tantôt
mouchetées ou tachetées de noir ou
de rouge. La moitié porte des toi-
fons grifes ou noires , de l'autre moitié
une laine blanche fans mélange; une
partie a le ventre chauve, tandis que
l'autre l'a garni de laine.
Dans /a Cerdagne on gouverne les
troupeaux comme dans le Valfpir ëc
le bas Confiant ; l'efpèce en eft la
même, fi ce n'eft que les bêtes ont
L A I
la taille longue de quarante pouces
environ , & qu'elles péfent quelques
livres de plus. On fait plus de cas
des ventres pelés que des ventics
garnis.
Les laines de Cerdagne , du haut
Confiant , du Valfpir , différent de
celles dubasCcnfiant& decellesdela
plaine du Rouflillon , en ce que leurs
mèches ont plus de longueur & moins
de hnelfe'; elles valent quelques fous
de moins par livre , & ne perdent
au lavage que la moitié de leur poids.
II. Le Languedoc a de cominuii
"avec le Roufiillon d'avoir pluheurs
fortes de troupeaux , les uns à laine
fine, & les autres à laine médiocre;
il eft coupé fur toute fa longueur par
une chaîne de montagnes allez éle-
vées. La Clappe de Narbonne & les
baffes Corbièies font au refte du
Languedoc , par rapport aux pâtu-
rages , ce que font Iss Afpres au refte
du Roufiîiloa. Il en eft ainfi d'une
partie du territoire de Béziers ; les
bêtes de ces cantons prennent plus
d'accroifiement en corfage &; en laine,
elles ont la taille plus haute & la
laine plus longue. \Jn bon mouton ,
long de trois pieds , péfera , gras ,
trente-fix à quarante livres , au lieu
qu'un mouton hn des Afpres ne pé-
fera pas plus de trente livres.
Les bêtes à laine y pâturent pendant
toute l'année j excepté dans les temps
de pluie , de neige ou de gelées ;
alors on les nourrit dans les bergeries.
Les hautes mont.\gnes du Gévaudan
& des Cevennes , fervent comme
celles du haut Confiant pendant les
mois de juin , de juillet ^ d'août. ( i )
(i ) Note de l'Éditeur. Cette affertion eft malheureurci.ient trop générale pour ce qtâ
■'concerne les diecèfcs de Narbonne & de Béziers^ il Icroitbkn à louliaiter c^ue la niéthoûe
LAI
La manière d'engraifTer dépend
des pâturages : ici on fépare des trou-
peaux, en divers temps de l'année,
les bêres qui ont pris grailTe natu-
rellement dans les vaines pâtures ,
Sec. ; là on retranche des troupeaux
d'élèves , les moutons qui font fur le
point de dépérir, ainll que les vieilles
brebis, pour les placer dans des pâ-
turages abondans ; elles y prennent
de l'embonpoint en un mois ou iix
femaines au plus; la qualité de la
chair dépend beaucoup du canton.
Année commune , les ménagers du
Languedoc font alfez d'élèves pour
remplacer les moutons que l'on vend
ou qui meurent, & dans les cas de cala-
mité , ils vont fe recruter en Rouergue
ou en Auvergne ( i ). Dans philieurs
territoires , le long de la côte du
Rhône, où la difficulté de faire des
élèves eft habituelle , on vend les
agneaux à cinq mois , Se on aciiette
des brebis en Provence pour les rem-
placer.
Le gros mouton du Gévaudan ,
remarquable par fon corps ramalfé,
péfe,gras, de cinquante à fpixante
livres; celui des diocèfes deNarbonne
& de Béziers, de trente à quarante
livres ; il eft auffi mieux membre &
plus râblé; il a le cou long & la tète
grolTe , les jambes de même , les
oreilles longues & larges ; fa forte
L A I
ï79
complexion le met à l'abri de bien
des maladies. Toutes les efpèces du
Languedoc fe rapportent à trois
clalfes; la moindre, longue de vingt
&c quelques pouces, eft du poids de
vingt à vingt-deux livres; la moyenne,
de trente pouces , eft du poids de
vingt-huit à trente livres; lagrolTe,
pefant quarante , cinquante & foi-
xanre livres , eft longue de trois
pieds.
Il n'eft pas poiîible d'afleoir un jur
gement invariable fur le prix, fur la
hnefte, fur la longueur ôc fur la cou-
leur des laines d'un canton , parce
que ks efpèces varient beaucoup, &
que l'on prend très-peu de foin des ac-
couplemens. Les belles laines de Nar-
bonnej des Corbières, (S^.' du diocèfe
de Béziers, palfent , àphis jufte titre,
pour être les plus fines du bas Lan-
guedoc, & elles égaleroient en fi-
nefte celles de Ségovie , fi les pro-
priétaires adoptoient la méthode ef-
pagnole, & étoient plus foigneux de
leurs troupeaux, & fut- tout fi les
bètes reftoient expofées au grand air
pendant toute l'année. Les laines font
achetées par les fabriquans de draps
pour les échelles du Levant , fur le
pied de treize ou quatorze fols la livre
• en fuint. Les laines communes por-
tent entre deux & trois pouces de
longueut; elles valent neuf à dix fols
cfpagnole fût p'us générale, & que les troupeaux ne reftaflent pas expofc's au plein midi
de l'été au milieu d'un champ à l'ombre d'un olivier; l'animal fe prcffe & fe (erre contre
fon voifin , afin de glifler fa tête fous fon ventre, & Ja garantir de l'ardenr du folcil ;
dans cet état de gêne & de contradion , fa tranfpiration eft très-confîdcrable, & elle l'énervé.
On ne doit donc pas être étonne du grand nombre de bêtes que l'on perd chaque année ;
la chaleur étouffante des bergeries , & la grande adivité du foleil , en font la caufc première
& infaillible. Si la dixième partie des troupeaux de la plaine gravifioient les hautes montat^nes,
le local ne fourniroit pas alfcz de nourriture, parce que les habicans des mcntaçnes & des
plaines tiennent autant de bètes, & trop fouvent au-delà de ce qu'ils peuvent en nourrir.
(i) Il vaudrôit beaucoup mieux aller en Kouiïillon, & encore mieux en Efpao-ne ; il
n'eft pas rare, année commune, de voir périr de fcp: à dix bêtes fur cent.
Zx
i8o I A I
la livre en fninc, mais elles percîent
peu de leur poids au lavage.
m. Du Dauphiné & de la Pro~
vence. Ces deux provinces ont ceci
de commun , que leurs meilleures
bêces à laines occupent les territoires
vojfms de la côte orientale du Rhône.
En Provence, en Dauphiné, ainfique
dans le Rouffillon & le Languedoc,'
on diftingue deux clalîes générales de
pâturages, ceux d'hiver à la plaine,
& ceux d'été à la montagne.
Le climat du Dauphiné, plus tem-
péré que celui d'Efpagne , eft en
même- temps plus avantageux que
celui du RoulîiUon. La plupatt de ces
montagnes font couvertes d'une heibe
fine & faine, & dont on ne peut tirer
parti que pour la dépailfance des
troupeaux.
Les Provençaux connoinent très-
bien la propriété de ces montagnes,
ils y conduifent tous les ans plus de
deux cens mille bêtes, qui y palïent
fept mois de l'année. Le Gapençois
eft la partie du Dauphiné la plus
abondante en herbe.
Les pâturages des plaines l'empor-
tent en fineffe fc en qualité fur ceux
des montagnes. Les cultivateurs de
la province s'accoident à donner le
premier rang aux herbes de la plaine
de Bayonne 6c du nord de Valence.
La plaine de Valoire, le coteau du
Viennois , le long du Rhône & juf-
qu'àlacôtedefaint André, produifent
des herbes prefqu'auffi faines.
Les pâturages de Provence ne va-
lent pas ceux du Dauphiné , l'herbe
en eft trop fèche. Il faut en excepter
la Crau & la Camargue. La plaine
de la Crau eft de fept à huit lieues ,
& elle commence au deffousd'Arles j
fon fol eft couvert de cailloux , entre
iefquels il croît de très-bonnes herbes.
LAI
Les moutons en profitent par préfé-
rence au gros bétail, parce qu'ils ont
rinftmtt de détourner avec leurs
pieds èc de lever avec le nez les
pierres qui les empêchent de pincer
l'herbe.
La Camargue eft un petit pays
htué au-dellous des deux villes de
Tarafcon & d'Arles; fa bafe eft bai-
gnée des eaux de la mer & des eaux
qui s'y déchargent par les fept bou-
ches du Rhône. Ce territoire, meil-
leur encore que celui de la Salangue
& du Riverai du Rouflîllon , con-
ferve en été un air frais &c des pâ-
tutages abondans, & les troupeaux
n'y fouftrent pas de la chaleur.
Les bêtes qui vivent habituelle-
ment dans ce pays , portent des toi-
fons très- nettes, très - blanches, au
lieu que celles de la Crau les ont
fales & chargées de fuint. Le bon
mouton de la Crau, engraiflé en Ca-
margue, a la viande prefque aulli re-
cherchée que celle du mouton de
Gange en Languedoc.
Tant que les chaleurs ne font pas
accablantes , & que la fanté des bêtes
nefoufFrepaSjOn les laiffe à laplkine,
mais enfuite on les conduit aux mon-
tagnes de la haute Provence , du
Dauphiné & du Piémont.
Les meilleurs troupeaux de la Pro-
vence &c du Dauphiné rentrent dans
les deux clalFes de moyenne & de pe-
tite taille , depuis vingt deux jufqu'à
trente & trente- lix pouces. •
Un mouton de la Crau &: de la
Camargue , de taille ordinaire , eft
long de trente à trente trois pouces,
& pèfe , gras , trente & trente - fix
livres , dépouillé ^ vuide. Les bêtes
de petite taille , de vingt à vingt deux
pouces, pèfent ordinairement vingt-
cinq livres.
L A I
Toutes les efpèces de la Provence
fe rcdiiifenc à lîx braïuhes princi-
pales, qu'on retrouve fans lorcir des
territoires de Cuers ôc de Saint-Ma-
ximin.
La preaiière comprend les moutons
du pays qui ont vingt- fept pouces,
& ont un corfage bien proportionné j
la laine en eft fine par comparaifon
avec celle des autres branches....
Les raigues Se les bigourets appar-
tiennent plus particulièrement au
Dauphiné , & viennent enfulte ....
Les ravats de Piémont tiennent le
quatrième rang, la chnir en efl peu
délicate Se la laine en efl: grollîère ....
Les motys , autre race du Piémont,
& les canu5S d'Auvergne font feule-
ment reçus dans les années ingrates;
il eft défendu d'en. acheter &: d'en
faire palier dans la province en tout
autre temps. Le moty a le corps gros ,
le nez crochu & la tête femblable a
celle du cheval d'Efpagne ; il s'en
trouve dans le nombre qui ont de
belles toifons. Les canins d'Auvergne
tirent ce nom de leur corps bas &'
court.
On remarque parmi les troupeaux
qui garnilfent les territoires des en-
virons de Vence , une race de mou-
tons farouches qu'on nomme fuilaire j
ils portent des toifuns noires, s'en-
graiirent naturellement , & pèlent
alors trente-cinq à quarante livres.
Les moutons du Dauphiné fe ré-
fluifent à trois races principales , la
bayanne y la raigues & les ravats. La
première relTèmole beaucoup à celle
du Barrois , de Champagne &: du
Berry ; on la croit originaire d'Ef-
pagne. Autrefois elle fournilToit une
laine aulll belle , auHl fine , aulîi
courte que celle de prime de Sé-
govie j la race s'eft abâtardie en
L A I tSi
faifant les remplacemens du Vi-
varais.
Les raigues habitent l'étendue du
pays au midi de Valence ; leur laine,
plus longue & plus propre au peigne
que celle du mouton de Bayanne ,
approche allez des qualités de Hol-
lande Se d'Angleterre ; les toifons
pèfent en fuir.t de fept à neuf livres ,
& fe vendent à raifon de lept fols la
livre. Les remplacemens fe tirent de
la foire d'Arles.
Les ravats donnent huit livres de
laine en fuint, &; habitent les mon-
tagnes du Briançonnois. Le mouton
bigouret eft un diminutif des efpèces
précédentes.
IV. L'Auvergne eft de tous les
pays le plus commode & le mieux
pourvu : les élèves qu'on y fait ne lui
fuffifent pas. Elle tire du Quercy &
du Rouergue des moutons grands Ôc
moyens , qui font diftribués dans ceux
de fes pâturages qui demeureroient
vacans fans ce furcroît. La première
eft la haute Auvergne & très-mon-
tueufe i la féconde la balte ou plaine
de Limagne. On donne le nom de
mi-cote a pludeurs territoires mi-
toyens qui participent de la montagne
& de la plaine.
On nourrit dans cette" province
trois races principales , celle du
Quercy & des moutons de Sagala ,
canton du bas Rouergue. Le mélange
des efpèces donne beaucoup de métis,
provenant des trois races croifées.
Le mouton d'Auvergne , propre-
ment dit, eft long de trente pouces,
& du poids de trente livres, gras &
vuidé; il vit dans la plaine, & cède
.1 celui du Quercy qui eft plus gros &
plus fort, étant élevé dans les pâtu-
rages abondans de la montagne. Il a
la corne petite, le nez uni & plat.
i82 LAI
Le dixième des toifons eft à laine
noire ou brune ; le mouton de la
plaine vi: moins que celui de la mon-
tagne, &: fa chair n'a pas aulîi bon
On diftingue trois fortes de pâtu-
rages, ceux delà montagne, qui fout
plus nourrifTans , ceux de la plaine
& des terres en chaume, ceux de la
mi-côte qui pouflent des bruyères &
des herbes courtes. Le mouton de la
plaine profite à la montagne, lorf-
qu'on l'y conduit , ce qui arrive ra-
rement, & celui de la montagne
dépérit dans la plaine. Les pâturages
des mi-côtes font réputés les meil-
leurs i le fel eft regardé comme très-
falutaire^à la montagne & nuilîble
dans la plaine.
V. Le Quercy & le Rouergue. Leurs
moutons font longs de trois pieds ,
gros & râblés, à laines groflières, à
cornes longues <?: applaties ; celui de
CaufTé, de race moyenne, eft eftimé.
Près de Rhodes, le mouton a la laine
plus courte & plus foyeufe^ il eft al-
longé, menu de corps &: bien pris
dans fa taille; on en voit peu dont
la tête foit chargée de cornes; tous
ont le front garni d'un toupet de
laine.
La branche de Sagala diffère peu
de celle de la Limagne en longueur
& en poids; la laine en eft un peu
plus fine.
Le nombre des élèves que l'on fait
tous les ans dans ces deux provinces
eft fort grand; fi on vouloir les con-
ferver tous dans le pays, on ne pour-
roit les nourrir : on les fait palTer
ailleurs par peuplades, & fur- tout
pour les boucheries de Paris.
Ces troupeaux font nourris dans
les pâturages des particuliers du pays,
& dans les communaux ; quelques-
L A I
uns y reftent pendant toute l'année ,
ik les autres gagnent les montagnes
d'Auvergne pendant l'été. Il y monte
annuellement plus de vingt mille
bctes des divers cantons du Qne-Tcy,
&: près de rrente mille du Languedoc
& du Rouergue.
On règle l'ufage du fel dans ces
montagnes fur les raifons qui déter-
minent à y conduire; les troupeaux
qui n'y demeurent que cinq à fix
femaines pour fe rafraîchi/ , en font
privés.
VI. Béarn j Bigorre ■, Gafcogne j
Guyenne ôc Pm^orc/. Les landes, qui
tiennent au Béatn d'un côté, & à
la Guyenne de l'autre , offrent une
variété fingulière de pâturages , fui-
vant la qualité du loi. Les landes
arides font inutiles aux troupeaux ,
mais fur les autres les troupeaux y
pailfent pendant toute l'année.
En Béarn on diftingue trois fortes
de pâturages, ceux de la montagne
ou des Pyrénées, ceux de la plaine &
ceux des landes.
Le Bigorre , fitué au pied des Py-
rénées comme le Béarn , a les mêmes
pâturages, de même que l'Armagnac,
le Condomois & le Bazadois qui con-
finenr à la Guyenne.
Les pâturages de la Guyenne con-
fiftent en bords de rivières , en champs
en partie cultivés , en partie vacans,
&C en quelques cantons de landes.
Il y a une parfaite conformité entre
le corfage & la qualité des toifons
du mouton de rivière en Guyenne ,
8c ceux de la grande branche axa
Quercy , du Gévaudan & des Pyré-
nées, tant pour le Béarn que pour le
Bigorre; les moyennes de les petites
branches de la lande & des plaines,
fe rapprochent , à quelques diffé-
rences près, Feu M. d'Etigny, inten-
L A I
dant de Bcarn , ayant remarqué l'a-
nalogie entre les pâturages di: "éarn
& ceux d'Efpagiie , fe détermina
à faire l'acquifkion de plufieurs bé-
liers à toifon fine, qu'il tira de l'Ef-
tremadure j il les accoupla avec àcs
brebis béarnoifes, plus fortes de cor-
fage, mais inférieures en qualité de
laine ; ces brebis lui donnèrent des
agneaux qui participoient de la taille
du père & de la mère, Se qui croient
couverts d'une laine peu intérieure à
celle des étalons étrangers.
VII. Lu Marche & le .Lïmofin. La
première province eft peuplée de
bctes à laine , originaires ^t% Bois-
Chaux j de Brenne en Berry , (Sj de
la petite efpèce du Bourbonnois. Nous
renvoyons à ce qui fera du ci-après
de ces races. On y voit aiillî, par
cantons, de la grande race du Limohn
& de l'Auvergne.
La féconde eft du petit nombre
des pays où les pâturages ne re-
çoivent pas autant de bètes qu'on
pourroif en élever. La grande. & la
moyenne branche du Limofin , ne
diffèrent pas de celle d'Auvergne. La
petite , qui eft aufli la plus fine pour
a toifon , tient beaucoup de celle
de Cauifé en Rouergue. On affure
même que dans le nombre des toi-
fons abattues à la tonte , il s'en
trouve de comparables à celles d'Ef-
pagne, qui étant employées en bon-
neterie , donnent des ouvrages qui
vont de pair avec les bonnets &
les bas de Ségovic. Il eft rare qu'oia
fouffre des bètes à toilon noire dans
les troupeaux de cette dernière ef-
pèce. On les rélègue dans les vallées.
Les territoires du Limofin diftèrent
de ceux d'Auvergne , en ce que la
petite efpèce à toifon fine, pâture fur
les montagnes, au lieu que les bètes
L A I
1S3
à laine grôlTière & à grand corfage ,
cherchent la nourriture dans les val- *
Ions (Se dans les pays plats.
Abandonnons les pays montueux
de France , pour envif.iger le pays
plat, c'tft-à-dire , la France fepten-
ttionale.
Vlll. Le Poitou. C'eft de cette pro-
vince c]u'on tire tous les ans des
troupeaux confidérables pour repeu-
pler, améliorer & renouveller tes
troupeaux des cantons d'alentour. Le
pays eft partagé en vignobles &
eu pays de Cafi'me , qui comprend
les terres cultivées , t^ les friches,
fur-tout du coté de la Bretagne &c
de la mer. Les pâturages du bas Poi-
tou valent mieux que ceux du rcfte
de la province. Plufieurs territoires
de l'Eleélion deThouars, fourniffent
des pâturages variés j lains & abon-
dans : on réferve les meilleurs pour
les haras. Le Po.itûU a fes landes ,
& elles forment en quelque forte
la jonétion des brandes du Berry &
des friches de Guyenne.
Les bètes à laine ont dans le Poi-
tou une efpèce de patrimoine & de
pays héréditaire : elles font en plus
grand nombre , & réafliffent mieux
qu'ailleurs , dans toute la plaine qui
s'étend de Niort à Fontenay , & de
Fontenay à Luçon.
On diftingue les mourons de Poi-
tou par les noms génériques des ter-
ritoires qu'ils occupent. On en fait
deux claffes , dont l'une comprend
les mçutons de plaine , &: l'autre les
moutons de marais. Ceux-ci ,plu-;gros
& plus forts, pèlent gras, de foixante
à quatre-vingts livres , & les pre-
miers de quarante -cinq .à cinquante
livres au plus. La longueur des mou-
tons de marais excède de quelques
pouces lalongeur de trois pieds j celle
i34 LAI
des autres va en diminuant depuis
trente jufqu a vingr-cinq pouces.
Le mouton de Poitou ell bien pris
dans fa taille ; il n'elt ni court, ni
élancé ; il a la tête longue ik fine.
On en voit peu qui aient des cornesj
■ les bergers les coupent aux agneaux,
lorfqu'U leur en poulfe. C'eft une
opinion dans ce pays qu'il faut châtier
de bonne heure pour empêcher les
cornes de pouffer.
La bonne laine du Poitou étant
courte &: frifée , rend peu d'étaim.
Les bêtes à toifons noires font au-
jourd'hui rejetées. Les bonnes bre-
bis portières , bien nourries & bien
foignées , vivent huit à neuf ans , &
on vend à la quatrième ou à la cin-
quième année les moutons à l'engrais.
La méthode de parquer pendant
l'été a feulement lieu à la plaine.
Dans les marais, on a l'artention de
féparer les jeunes bêres qui n'ont pas
encore trois ans , d'avec celles d'un
âge plus avancé. On réferve aux pre-
mières les plus Uns pâturages.
11 arrive dans le Maine, aux bêtes
tranfplantées, la même chofe qu'aux
moutons d'Elpagne à toifons rines ,
lorfqu'on les fait pafler en Angle-
terre. Les mèches des toifons s'a-
longent (Se deviennent propres au
peigne.
On diftingue en Poitou deux efpè-
ces de laine, celle du marais & celle
de la plaine. La laine de marais ,
groflière & longue de trois à (juatre
pouces , efl: de moindre valeur que
celle de la plaine, qui, en général a
le mérite d^être fine, courte, frifée &
rarement mêlée de jarre. Ses mèches
ont depuis deux jufqu'à deux pouces
& demi lors de la tonte : elles ap-
prochent de celles de Champagne &
du Berry. On en tire fi peu d'étaim,
L A I
qu'à peine trouve-t-on dans dix bal-
les de quoi en compofer une de
laine propre au peigne
IX. Saintonge & P<^y^ d'Aunis,
L'afpeâ: du pays eft agréable par la
variété des colunes , des plaines cou-
pées de ruliïeaux , & par des riviè-
res qui traverfenr & qui arrofenc
les prairies des vallons. Les bords
de la mer font plats & coupés d'une
infinité de canaux, pour deffécher
les marais à eau douce , ou pour
fournir l'eau de la mer aux marais
falans. Les troupeaux y trouvent
toutes fortes de pâtures & un cli-
mat tempéré.
Les troupeaux fe partagent en
deux clalfes générales , les uns fe
nomment moutons de grois , & fe
rapportent à ceux de la p'aine du
Poitou, & les autres s'appellent mou-
tons de marais. Le g^ois eft long de
vingt-deux à trente pouces, & pèfe
vingt-deux, vingt-cinq & trente li-
vres: celui de marais t{\. un peu moins
long que celui de Poitou j & pèfe de
quarante-cinq à cinquante livres au
plus.
Les laines de la Saintonge & du
Rochelois ne difïerent pas de celles
du Poitou. On vend les toifons l'une
dans l'autre à ration de dix fols la
livre furge , &: de vinot fols la laine
lavée. Celles de l'iflede Rhé, Icngues
d'un pouce & demi , & même de deux
pouces , ont la réputation d'être plus
fines & plus foyeufes : elles fe veir-
dent quatre à cinq fols de plus par
livre , & rendent plus d'étaim que
celles de Poitou.
Les troupeaux font en trop petite
quantité dans l'Angoumois, pour en
parler.
X. La Bretagne. En général , les
Bretons n'ont aucun foin de leurs
troupeaux ,
LAI
troupeaux; ils vivent comme ils peu-
vent : on doit cependant en excepter
le Comté de Nantes. On y élève trois
fortes de bètes à laine ; le mouton
rochelois, celui d'Anjou & de Poitou.
Les deux premiers n'ont point de
cornes, & ceux d'Anjou font blancs
à un quinzième près des bêtes à
toifons noires. Ceux que l'on dif-
tingue par le nom de Poitou, noirs
ou gris , font moins forts que les
précédens ; ils n'ont guère que vingt
pouces de longueur , & peuvent paf-
fer pour une race dégénérée. Le
mouton de plaine peut avoir deux
pieds 6c demi , & celui d'Anjou trois
pieds.
On voit du côté de MilTillac ,
dans les troupeaux qui pâturent fur
les landes , des brebis dont la tête
fifl: chargée de cornes.
Il y a 2c ans environ que M. Grou,
Négociant de Nantes, fit venir de Hol-
lande un troupeau, qu'il établit fur les
bords de la Loire, du côté d'Ancenis.
Les bêtes étoient longues de trente-
fix à quarante pouces, la tète grolle
& longue , les yeux grands j la queue
platte , de cinq à fix pouces & couverte
«de poils raz. Leurs toifons compo-
fées de mèches de huit à neuf pouces ,
foyeufes , fans mélange de jarre, pe-
foienti^ à 8 livres en fuint,& nedimi-
nuoient pas d'un quart au lavage. Les
b;ebis portoient deux agneaux. Ces
animaux , vigoureux & d'une forte
complexion, fupportoient l'humidité
& le foid pendant l'hiver, fans autre
couvert qu'un fmiple appentis. La
chair du mouton gras, pefant depuis
quatre-vingt jufqu'à cent livres, étoit
beaucoup plus tendre &c plus fuccu-
lente que celle des meilleurs moutons
du pays. Lesbrebis qui n'avoient qu'un
agneau rendoient par jour une pinte
Tome n.
LAI 1S5
de lait. Ce troupeau n'exigeoit au-
cun foin extraordinaire j mais il lui
falloir beaucoup de nourriture.
11 y a dans le diocèfe de Léon
des veines de terrein , où les bêces
à laine réudilfent , tandis qu'elles
langLUlfent plus loin, &: qu'elles font
chctives.
Tous les troupeaux de cette par-
tie de la Bretagne fe rcduifent à deux
efpèces principales; lune, des gros
moutons de marais, qui paillent dans
les gras pâturages des bords de la
mer; & l'autre, des moutons de
plaine & de montagne. La chair des
premiers eft dure & d'un goût peu
agréable, & leur laine eftgroÀière. Les
autres font bons fuivant les cantons.
A mefure qu'on quitte les côtes
de cette partie de la Bretagne pour
s'avancer dans la plaine, on ne trouve
que des races dégénérées.
X. Maine Se Anjou. Il y a dans
le Maine peu de plaines découvertes
6c nues. Le pays eft coupé de haies,
rempli de landes & de vaines pâ-
tures. Le haut Maine eft plus précoce
&: plus tempéré que le bas Maine :
fes plaines arides & fabloneufes pour
la plupart j ne produifcnt tpe des
bruyères aifez propres à la nourri-
ture des bêtes à laine. Cette partie
eft plus fpécialement deftinée aux
bêtes à corne qu'aux troupeaux ; oa
en voit feulement dans les grands
domaines , (Se encore ils y font peu
nombreux. La race eft foible & dé-
générée , & fes toifons détectueufes
& de peu de poids.
Le climat du bas Maine eft plus rude
à mefure qu'on approche de l'extré-
mité de cette province. Le fol en eft
allez généralement ingrat , fi ce n'eft
dans le canton qu'on nomme Cham-
pagne du Maine , où l'on recueille pour
A a
lU
L A I
l'ordinaire du blé & d'autres srains.
Les terres pour le uuplus rtftent
communément en jachères pendant
trois , fix & quelquefois douze ans j
ce qai ficilire l'éducation des che-
vaux , des bœufs & de beaucoup de
moutons.
Les bètes s'y foutiennent mieux
que dans le haut Marne, parce que
tous les deux ou trois ans on les re-
nouvelle par celles du Berry Se du
Poitou. La laine de ces régénéra-
teurs , après un féjour d'un an ou
de dix-huit mois dans le bas Maine,
acquiert une qualité de laine haute,
nerveufe , longue & foyeufe , d'où
on tire le bel étaim , avec lequel on
fabrique les étoffes fi connues 6c ii
recherchées fous le nom à'etamine
du Mans.
Le mouton de bonne race eft
ordinairement long de vingt -fix à
vingt-fept pouces , comme celui de
plaine de la Bretagne & du Poitou.
Les troupeaux ne parquent point ,
& leur laine chargée de toute ef-
pèce de faleté dans la bergerie , en
eft beaucoup altérée par le mélange
avec le fuint : elle donne au lavage,
un déchet confidérable.
L'Anjou eft plus uni que montueux.
11 y a deux fortes de moutons ; les
uns viennent du Poitou , & les au-
tres de la Sologne. Les bètes qui
arrivent dans ces deux provinces pour
compléter les troupeaux , produifent
des toifons compofées de mèches
plus longues , à mefure qu'elles fe
haturalifent dans les pâturages du
pays. Les moutons du Poitou fe fou-
tiennenr à tous égards ; mais ceux
de la Sologne perdent quelque chofe
du prix de leur laine j qui devient
plus ferme & plus ïonde en s'allon-
geant.
L A I
XL Le Berry Si la Tourraine. La
Champagne du Berry eft une plaine
de quarante lieues de tour. Les terres
cultivées ou fans culture fe parta-
gent en guérets , en jachères &: en
friches , dans lefquels on conduit
les troupeaux, & en terres enfemen-
cées , dont on a foin de les écarter.
Les herbes tendres des guérets, pri-
fes en petite quantité, font bonnes
& nournlîaïues : elles caufent la
pourriture ou les maladies de fang
aux bèces qui en mangent outre me-
fure , pour peu que la rofée les ait
humeétée^.
On donne le nom de Bois-Chaud
au rtfte du Berry , qui confifte en
pays couvert de bois entremêlé de
brandes ou landes, & de quelques
prairies. Les herbes qui y croiffenr,
forment mie féconde branche de pâ-
turage ; ils font bien intérieurs aux
précédens en finelfe & en goût. Les
bonnes landes font une reflource habi-
tuelle pour les troupeaux de bonne
qualité, & la lande maigre eft le par-
tage du mouton de petite taille ,
nommé de brandes ou de Bois Chaud.
Le Berry réunit à la faveur de fes
pâturages variés , les différentes efpè-
ces de bètes à laine. Les territoires
de certaines parties ne font propres
qu'à former des élèves jufqu a l'âge
d'antenois ; dans d'autres ils ne font
propres qu'aux engrais.
Les troupeaux confidérés fous le
rapport de leurs toifons, fe divifenc
en fins, mi - fins & g^os- Ou ap-
pelle moutons fins ou de Champa-
gne , ceux qui paiffent habituelle-
ment dans la plaine de ce nom. Les
bètes de cette première branche, lon-
gues de deux pieds neuf pouces à
trois pieds , portent une laine fine
& blanche , courte , ferrée & ftifée ,
L A I
d'une qualité équivalente à celle des
laines de Ségovie Elles ont le cou
allongé , la tête fans cornes (?c lainée
furie fommet jufqu'aux yeux, roiiire
ou blanche de même que les pieds.
Le tront un peu relevé en belle j le
nez long & camus j le ventre des
mâles elt garni de laine jufqu'à quatre
ans : les femelles perdent la laine de
cette partie, la première ou la deuxiè-
me fois qu'elles mettent bas.
Une bête de Champagne - Berry
pèle, grade, trente quatre à trente-
fix livres, dépouillée & vuidée. Le
mouton fin de Berty a pkiheurs traits
de conformité avec le mouton des
Afpres & de la plaine du RcniiîiU
lon , aux cornes près & à la laine
que ces derniers ont plus fine.
On croit que le mouton brion, qui
tire fon nom de la paroi ife où on
l'élève , eft originaire d'Efpagne. Il
eft plus gros que le mouton de Cham-
pagne , fans lui être intérieur du
côté de la toifon^ il fe reconncît à
une touffe de laine qu'il a fur le
froïK. Les meilleures bêtes de cette
branche , rendent jufqu'i fix livres
de laine très-fine.
Un quart des troupeaux de Cham-
pagne porte une laine plus précieufe
que le reUe. Les propriétaires font
en forte que le nombre des féconds
prévale fur celui des premiers, parce
que ces derniers prennent le gras plus
facilement , (3c qu'ils les vendent qua-
rante fols de plus par paire»
■ Le mouton mi-fin de Bois-Chaud
eft de même figure que celui de
Champagne \ fa laine moins fine
- & moins corfée que celle du pre-
mier , eft ordinairement molle &
fans Herf On y diftingue deux fortes
de troupeaux , les uns grands & de
même cailie que teux de la plaine j
LAI 1S7
les autres plus petits & de ditfé-
rentes couleurs. Us tiennent des lieux
où on les mène pacager. Longs de
vingt à vingt-quatre pouces , leur
poids n'excède pas dix-huit à vingt
livres , gras & chair nette.
Le mouton de Faux , nourri ou
engrailfé en Bois -Chaud, plus gros
& plus long de trois à quatre pou-
ces que celui de Champagne, a la
laine grofiîère , jarreufe , & varie da
couleur comme le bocager des bran-
des. Quelques-uns ont le mufeau &
les pieds tachetés de noir \ d'autres
portent des cornes. Us font originai-
res de la Marche &: du Limofin y où
ils retournent après qu'ils ont pus
de l'embonpoint,
La bonne laine de Champagne fe
vend en Berry quinze .à dix huit fols
la livre en fiiint, trente-fix à quarante
fols étant lavée. La laine de Bois-
Chaud vaut communément huiï à
douze fols furge , & le double après
le lavage.
La Tourraine élève peu de trou-
peaux. L'efpèce qui y domine efl îi
même que celle desbrandes en Bois-
Chaud. Cependant la Touriaine le
difputoic autrefois au Berry pouï le
nombre de fes bêtes à laine.
XII. La Sologne &: le Gâtinois. La
Sologne eft un pays fabloneux , ingrat»
quoique traveric par des rivières ;on
donne le nom de mouton de Solo-
gne aux efpcces de l'Orbanois » du
Blaifois Ik du Gâtinois , parce qud
eifeétivement elles ont toutes des
rapports entr'elles. Dans ces derniers
pays , l'air y eft pur & fain , 6c le
terrein par-tout uni & cultivé. Le
bétail bl.mc y eft d'un très- bon rap
port , tant pour la laine que pout
U gras.
Aa i
ï88 L A I
Les pàrnrages de la Sologne pro-
pre confifteiu en bruyères, en frit lies
& en herbes qui pouffent dans les
terres de labour qu'on lailFe repofer.
La taille ordinaire du mouton Solo-
gneau , eft de trente à trente-trois
pouces. 11 a la tête fine , effilée , me-
nue , blanche & quelquefois roulTe ,
fans cornes , à l'exception de quel-
ques béliers. Les marchands prêtè-
rent les ventres garnis aux ventres
chauves. Le mouton fin de Solo-
gne , comparé à celui de la Cham-
pagne-Berry, eft plus petit, fa chair
plus délicate, fa laine plus courte,
plus fine & moins ferrée.
Les bctes de Sologne vieilliirent
& perdent leurs dents de bonne heure
à caufe de la dureté de la bruyère,
Si fur- tout des cailloux auxquels elles
touchenr pour pincer l'herbe tjiii elt
à côté. On élève dans ce pays plus
de b cbi"; que de moutons , à caiife
de la diffi ultc de la fubfift ince. On
fait deux clalfes de pâturages, les
plus fins font pour les agneaux , 3c
les autres pour les mères. Les brebis
porrières fe confervent jufqu'à fepc i
huir ans.
La laine de Sologne a reci de par-
ticulier , qu'elle eti frifée à l'extré-
mité de fes mèches : elle eft aulli
fine que celle de la Champagne-
Berry j mais elle n'a pas autant de
corps, & ne porte que dix huit à
vingt lignes de longueur j celle qui
pafle deux pouces eft de moindre
valeur. On la vent en fuinr quinze
à dix- huit fols la livre j elle perd
huit à neuf onces de fon poids au
lavage, qui eft d'une livre & demie.
Le Gdtinois eft une continuation
de la So'ogne ; il fe divife en pâtu-
rages de nourriture & en pâturages
d'engrais. La race de Sologne fe fou-
L A I
tient très-bien en certains endroits,
& dégénère dans d'autres , ce que
l'on reconnoît à la to;lon , qui eft
moins fine.
11 y a une race de moutons Gâti-
nois à grand corfage , originaire du
pays. Elle eft mife par pluheurs dans
la dalle des moutons de Faux. Ea
fait de troupeaux , le commerce le
p'us lucratif du Gâtinois, confifte en
bêtes à laines vieilles, maigres ou
chcnves , qu'on achette pour en-
grailfer & pour revendre. Le mouton
Sologneau , qui a pris grailfe en Ga-
rinois , eft un manger tendre & ex-
quis.
XI IL La Beauce 6^ le Perche. Dans
la Beauce propre , les b^tes à laine
reçoivent une éducation complette.
Ses plaines immenfes & cultivées
produifent des herbes très- faines j
les teries y retiennent peu l'eau, &
par -tout elles lont dépourvues de
bois, d'aibres, de haies & de buif-
fons.
La Beauce fe divife en deux par-
ties , la haute & la petite Beauce. La
petite & le Perche ont ceci de com-^
mun, que le pays change fouvent de
face, tant en pâturages qu'en afpeâs.
Les pâturages de la haute Bauce
nourrilfentune efpèce de bêtes à laine
pareille à cel'e des gros moutons de
Cerdagne , de Gafcogne & du Querci,
excepté qu'elles n'ont point de cor-
nes , & que leurs couleurs noires &
grifes détériorent moins de toifons
en Beauce que dans les pays prece-
dens. Leur laine ronde, plus droite
que frifée , pafTe pour être molle ,
creufe , fur - tout pendant les an-
nées fèches, lorfque faure d'une fuf-
fifante quantité d'herbages , elles ont
foufFert la faim. Cette première ef-
pèce de moutoR eft nommée Bcau",
L A I
eeron , & celle de la petire Beauce ,
Percheron , parce qu'Élle ert efttdiive-
ment répandue dans une grande par-
lie de la province du Perche.
C'eft une fuire néccllaire de la di-
verfité qui règne dans les pâturages
de la petite JBcauce i<i du Perche ,
qu'il y ait beaucoup de mélange
dans les troupeaux , tiSc on a la mal-
adceire en général de ne point laire
parquer les troupeaux. Cependant
l'exemple donné par MM. Guerier,
auroit dû faire changer cette pré-
judiciable coutume. Ils ont fait palFer
d'Angleterre en France un troupea-U
de bêtes à laine à grand corfage : ils
l'ont établi auprès de Saint -Martin
de Belefme , & continuent encore
de le gouverner fuivanc la méthode
angloife. Ils les tiennent continuel-
lement expofés au grand air en hiver
& en été ; & dans la crainte que
les pluies abondantes , les neiges &
les frimats, ne leur occafioiniallent
des maladies, ils ont fait drelfer des
appentis , à l'abri defquels ces ani-
maux peuvent fepréferverdu mauvais
temps. Ce troupeau furpalTe en beauté
& en force, tout ce qu'un choix fcru-
puleux pourroit trouver de plus par-
fait dans la grande branche du pays.
La laine de la haute Beauce, lon-
gue de quatre à cinq pouces , tft
ordinairement laie , gralfe & luzer-
neufe, à caufe de la malpropreté des
bergeries. On la vend huit fols en
fuint, & le double lavée. Le poids
commun de la toifon d'une bête, eft
de quatre livres à deux ans, & de
huit à quatre ans.
XIV. Champagne 6c Brie. Les plai-
nes de la Champagne occupent le
milieu de fon arrondifTement ; (es
bordures font remplies de bois &
de collines. On diAingue dans ces
LAI 189
deux provinces plufieurs efpèces de
bctes à lame, dont la dominante eft
celle qui porte le nom de chaque pro-
vince. Le mouton champenois ref-
femble au bauceron de grande bran-
che , à la laine près, que ce der-
nier a ordinairement plus fèche &c
plus creufe Le moyen mouton
de Chainpagne eft un diminutif de
la grande branche , eu égard à la lon-
gueur de la taille & à la groffeur du
corfage feulemenr. La petite bran-
che n'eft pas une race indigène j elle
y eft introduite de la Bourgogne &c
du Bourbonnois. La toifon qui la
couvre eft compofée d'une laine
courte, f'.ifée <?>: fine pour l'ordi-
naire, à -peu -près comme celle du
petit mouton bigoret du Dauphinc.
On élève trois fortes de moutons
dans l'Eleftion de Troye , le cham-
penois de grande branche, le fo!o-
gneau & le mouton de Bourgogne :
ce qu'on nomme menton de plaine
& mouton de montagne dans l'é-
leftion de Rheims, fe rapporte à la
grande & à la moyenne branche de
Champagne.
Les troupeaux qu'on élève dans la
Brie Françoile , font une race pi-
carde j ceux de la Brie Champei.oife
viennent de diftérens cantons de la
province de Champagne. Les pâtu-
rages de la Etie ont la propriété d'a-
doucir la rudfclle de la laine du mou-
ton picard, de rendre plus ferme &
pluscorfée celle du mouron de C ham-
pagne. Le changement dev.ent fen-
iîble après un an ou dix -huit mois
de féjour. On amène auflî dans la
la Brie Champencife beaucoup de
bétail de la Sologne , du Gatinois &
de la Beauté. Les meilleurs moutons
briards fe trouvent dans les environs
de Ciéci & de Coulommiers.
150
L A I
Les laines de Champagne , telles
qu'on les rccolte fur les lieux, font
de médiocre qualité , molles & creu-
fes. Les toifons fines & courtes qui
fe trouvent dans le nombre, provien-
nenc des moutons de Li Bouriiogne &
du Bourbonnois, qui ne font , a pro-
prement parler, que des races d'em-
prunt. La laine de Brie eft préféra-
ble à celle de Champagne.
XV. Breffe , Franche-Comté^ Bour-
gogne , Bourbonnois , Lorraine ik.
Alface.
Brejj'e & Bugey. La première eft
divifée en deux parties par la rivière
qui fe jette dans le Rhône. La moi-
tic, (îaiée du côré de la Saône , re-
tient le nom de Brelfe , & l'autre
qui regarde la Savoie , prend le nom
de Bugey. La BrelTe eft un pays uni
& fertde en p.uur.iges. Le Bugey eft
montueux , & les habitans tirent plus
de profit de leurs pârurages , que de
leurs récoltes , quoique celles- ci y fuf-
fifent aux befoins de la vie. La vraie
richelle y confifte dans les troupeaux.
Ils palTent l'hiver dans la plaine & l'été
à la monragne. Cette trinfmigra-
tion n'eft pas occafionnée par l'excès
des chaleurs, comme en Provence &
en Rouilillon : ce font les pârurages
qui invitent à la faire. Le départ de
la plaine pour aller à la montagne fe
fait ordinairement vers le temps de
Pàque, & le retour a lieu vers la fin
de Septembre.
Boursc^ne ôc Franche-ComtJ. La
première eftappellée le Duché jy Se la
féconde le Comté de Bourgogne. On
remarque dans l'une & dans l'autre les
mêmes propriétés , la même divifion
des territoires, la même nature de pâ-
turages, &: par uneconféquencenécef-
laire, la même efpêce de bétail blanc,
La Funche-Conué fe divife, cora-
L A I
me la Brelfe, en pays plat & en pays
de montagne j fes plaines peuvent
être comparées à celles de la Beauce
pour les récolres, mais on n'y élevé
pas autant de bêtes .à laine que les
pâturages en peuvent nourrir. Les
pâturages des collines offrent une ref-
lour.e précieufe pour l'éducation du
gros & du menu bérail , & dont on
tire le meilleur parti.
Le pays plat de la Bourgogne
fournit d'excellentes récokes fans
amen-lemens. 11 n'en eft pas ainfi
dans les bailliages d'Autun , d'Au-
xone, de Châcillon fur Seine, dans
le Brionnois & dans le Charolois ,
& même dans une parrie du Ma-
connois j mais les parcours &c les pâ-
turages y font multipliés.
Le Bourbonnois , placé entre le
Berry &; la Bourgogne, parricipe aux
propriétés & à la température qui
diftinguent ces deux provinces ; fes
rapports avec le Berry font un peu
plus marqués qu'avec la Bourgogne,
tant à l'égard de la culture & àts
fonds de terre , que relativement au
nombre & au gouvernement des
troupeaux.
La Lorraine & l'Alface font tel-
lement une conrinuiré de la Bout*
gogne & de la Franche-Comté, qu'eu
y rrouve par- tout les mêmes traces
des opérations de la nature , en partant
de la plaine à la montagne » & des
coteaux aux vallées.
Les Vofges, qui traverfent la Lor-
raine depuis l'Aliace jufqu'à la Cham»
pagne, fournilfent d'excellens pâtu-»
rages pendant huit mois de l'année ,
& dans la Lorraine allemande ou
parque environ pendant (îx mois.
L'Alface eft traverfée par le Rhîn
&z l'Ul, coupée par une infiiiité de
petits luifl'eaux , & arrofce de plu»
L A î
Jîeurs petites rivières. La hante Al-
face elt remplie de montagnes \ le
terrein entre l'IU & le Kliin efl bas,
très-humide & fouvenc inonde , il
ne convient point aux moutons ^ le
centre de la province fourni: pour
leur nourriture des jachères , des
communes & des bois. Ce n'eit pns
l'ufage en Alface de conduire les
bctes à laine fur les plattes formes
des montagnes , ces lieux font ré-
fervés au gros bétail. En Alface comme
en Dauphiné, l'élévation des mon-
tagnes n'eft pas uniforme, il y en a de
irès-haures , dont la furface eft cou-
verte d'une grande étendue de gras
pâturages, qu'on abandonne à l'en-
grais des bœufs & des vaches pendant
huit mois de Tannée , depuis la fonte
des neiges jufqu'à ce qu'elles recom-
mencent. Les bergers ont la liberté
de faire pâturer leurs ouailles fur les
monticules & fur les côreaux.
Les pâturages propres à ce bétail
font audi fort communs dans la partie
occidentale de la balle Alface; ils
confiftent en herbes qui croillent fur
des haureurs, fur des landes & dans
des terreins plus fablonneuxque gras.
Il luit de cette expolîtion , qu'à
partir de la BrelFe , on retrouve par-
tout fucceffivement les mêmes af-
pedts , les mêmes expofiiions , les
mêmes natures de rerrein , & par
conféquent les mêmes facilités de
pourvoir aux befoins des troupeaux.
On vient d'obferver <^ue toutes les
efpèces de bêtes à laine du pays ,
contenues entre le Dauphiné, le Rhin
Si l'Allemagne d'une parr, la Cham-
pagne de l'autre , fe partagent en
moutons de Faux , auxquels les
grandes branches de Champagne &
d'Allemagne fe rapportent j en mou-
tons Barrois Se en moutons de So-
L A 1 içf
logne. 11 ne faut p;sen conclure, que
tout ce qui exifte de bêtes à lame
dans ces quartiers, foit habituelle-
ment renouvelle par des elfainis du
dehors; il n'y a pas de cantons cù
on ne falledes élèves, pour peu qu oa
ait des pâturages &; des fourrages;
mais au défaut d'un nombre fiiflifint
de bêtes indigents, c'cfl une coutume
fondée fur l'économie, d'avoirre;ours
à des efpèces homogènes des auties
pays. Ces trois races' font celles qui
y réullilfent le mieux ; elles engen-
drent des méris, tels que les mou-
tons d'Auxois , qui eft une branche
dont les individus onr de vinct-fent
a trenre pouces, tenant de celle du
Berry &: de la Sologne par h toifon,
&: dont on efiiime la chair autant qi;e
celle du mouton de Sologne.
La Brede nourrit une grande quan-
tité de bêtes à laine , & principale-
ment dans le Bugey , du côté de
Nantua ; on en compte jufqu'à cinq
à fix mille dans le feul territoire de "^
Valbonne. La plupart des bêtes font
longues de vingt- fepr à trente-trois
pouces , elles ont la tête garnie de
cornes en volures, & font une race
moyenne de Faux , partie blanche ,
&: partie noire ou brune.
Le mouton originaire de Berry
fait race dans le Boutbonnois.
La petite efpèce , connue en
Champagne fous le nom de mouron
Bourguignon , n'efl: autre chofe que
le mouron du Bourbonnois.
La race dominante dans le Ni-
vernois eft plus haure de corfige , &
a beaucoup de rellembiance avec U
grande branche du Gâtinois Se du
Limolin.
Le mouton d'Auxois doit être re-
gardé comme la race priiKipale de
la Franche -Comté & de la Bour-
191 LAI
gogne ; toutes les ancres s'y rappor-
reiit pour la longueur tk pour la qua-
lité, (î ce n'eft du côté de l'Auxer-
rois , où le mouton elt plus gros &
d'une toifon plus commune.
Les autres efpèces vont en dimi-
nuant de vingt- huit à vingt -quatre
pouces; les laines tiennent beaucoup
de celles du Dauphiné.
Il y a en Lorraine «Se dans les Trois-
Evcchés quatre branches principales
de bêces à laine j une petite, connue
fous le nom,à\4rden7:oije 3 portant une
laine fine iS: peu garnie; elle elt très-
répandue dans les Vofges.Lafeconde,
appellée petite Allemande , qui eft
plus grolTe, & a le double de laine
de la première. La troilième, qui eft
celle du pays , furpalTe en poids les
précédentes. La quatrième , qu'on
jiomme crrande^/.ewa«(/f, originaire
du pays d'Hanovre , eft plus forte
que les trois autres en poids & en
lame. Les bètes à toifon noire font
rares dans les Trois-Evéchcs.
La plus grande partie des moutons
de la Lorraine eft pareille en corlage
au mouton de Vallage de la Champa-
gne ,mais leur laine eft plus moclleufe
<:<: plus recherchée ; le refte eft inté-
rieur à cette efpèce du coté de la
raille, (Si a beaucoup de rapport avec
les petits moutons bocagers des Ar-
<lennes.
L'-Alface j auttefois renommée par
la quantité de fes troupeaux & par
leur bonne qualité, n'en auroit pas
iiujourd'hui pour fa confommacion
fans la Suifte & la Lorraine \ la mé-
thode de parquer eft prefque fans
exemple dans cette province.
XVL' ijle de France j Normandie ,
Picardie Se Flandres.
La Flandre, dont on confidére le
Hainaulc comme une partie , lur-
L A I
pafTe tous les autres pays par la force
& par la grandeur des bêtes à lame
qui s'élèvenr dans les meilleurs can-
tons j cette race , qui c.^ufe de la fur-
prife à ceux qui la voient pour la
première fois , fe foutient à la faveur
des gras pàrurages qui font , à tous
égards , les plus fubftantiels de tout
le refte du royaume. La Picardie &
la Normandie font de5 pays très-
propres à l'éducation du bétail. L'Hle
de France fe fuftiroit .à elle-même, iî
elle n'avoit d'autres befoins à remplir
que ceux des villes du fécond ordre,
mais Paris eft un gouffre pour la
confommation.
ISTjle de France. Les troupeaux
y accourent de tous les environs ,
la confommation de la capitale les
y appelle, & l'on peut dire en gé-
néral que les propriétaires font peu
attentifs auxremplacemens. L'efpèce
dominante fe rapporte à la branche
picarde du Beauvoifis \ les autres font
des moutons Bricads , des Bauce-
rons , des Sologneaux , du Barrois, du
Cauchois, des Normands, même des
Liégeois & des moutons de Faux.
Les beigers de l'Hic de France fe
conduifent , dans le gouvernement
des troupeaux , comme ceux de la
Picardie.
La Normandie , dans fa partie
haute, eft abondante en excellens pâ-
turages. La balfeeftune continuation
de la Bretagne , & a beaucoup de
rapports avec elle.
Les pâturages de la haute Nor-
mandie fe partagent niturellemenc
en deux clalîes. Les herbages des
prairies & les pâtures vaines &; va-
gues, auxquelles il hiut joindre celles
des jachères &C des plauies cultivées
après la moilfon. Cette divifion en
auK'ue une autre, qui eft celle des
pâturages
L A I
pâturages d'engrais & des pâturages
de nourriture. Les principaux cantons
de nourriture fe remarquent dans le
pays de Caux , qui eft le premier de
toute la Normandie, & d'où le mou-
ton cauchois prend fon nom. Les
deuxVexins participent l'un & l'autre
de la propriété des territoires de l'Hle
de France & de la Picardie qui les
avoiiinent. Le pajs d'Auge eil fans
■difficulté fupérieur à tous les autres
cantons de Normandie par l'abon-
dance de les herbages \ il n'eft pas le
ieul en Normandie où l'on travaille
à l'engrais , mais les pâturages def-
tinés à cet effet y font plus ralfemblés
que par-tout ailleurs.
La variété des efpèces de bêtes à
laine eft très-grande en Normandie,
tant par la diftcrence des noms, que
par la figure <Sc la proportion du cor-
fage. Elles peuvent cependant fe ré-
duire à trois branches principales : les
cauchois , les moutons vexins Se les
moutons bocagers ou bifquains. Les
deux premières variétés, plus grandes
6c plus fortes que la troifième , fe
trouvent fréquemment dans la haute
Normandie j cette dernière fe ren-
contre plus communément dans la
balTe Normandie.
Le mouton cauchois eft une race
de Poitou & de Bcrry à laine frifce,
affez ordinairement ronde , longue
de trente-fix à quarante pouces, forte
Se médiocre à raifon des lieux où cette
race eft élevée. 11 y en a de deux
fortes, le franc & le bâtard cauchois.
Ce dernier n'a pas d'état certain, il
dépend des lieux où il vit, î?c des
efpèces avec lefquelles on croife le
franc cauchois. Celui-ci a la tète
roufteou blanche, les pieds de même,
fa toifon eft blanche, quelle que foit
la couleur de la tête & des pieds. On
Jome f^I,
L A ï
1-99
préfère le cauchois des parties ma-
ritimes à celui de ''intérieur des terres;
les moutons de Pré -Salé, du côté de
Dieppe, fi renommés par le goût dé-
licieux de leur chair, ne font autre
chofe que des cauchois , dont les
quatre quartiers pèfent cinquante à
loixante livres.
La race cauchoife, confidérée du
côté de la toifon, fe divife en plu-
fieurs branches , favoir en celles qui
ont la laine longue , celles qui l'ont
courte , celles qui l'ont groffe ou fine :
ces modifications dépendent des pa-
tutages.
Nous avons parlé, à l'occafion du
mouton fin de Champagne- Berry,
de la préférence qu'on donne aux
bêtes à toifon moins ptécieufe fur
les fuperfines , c'eft la même chofe
en Normandie ; on y fait moins de cas
des troupeaux à laine juine ou fine ,*
que de ceux qui l'ont rude & ferme.'
La quantité d'élèves qu'on iorme
dans les deux Vexins, eft inférieiue
à celle du pays de Caux &c des
lieux voifins ; les habitans athettenc
beaucoup de troupeaux des provinces
voifines, & les bêtes tranfportées ,
profitent & y deviennent meilleures,
après un féjour de deux à trois ans ,
que fi elles étoient reftces dans leur
lieu natal. La toifon du mouton Vexin
proprement dit , eft ordinairement
compofée de mèches plus droites &:
plus longues que celles du mouton
cauchois.
Le bifquain de Normandie eft une
petite efpèce de vingt d ux vingt-
quatre &: vingt- huit pouces, pareille
à celle des moutons de Varrèi^e en
Berry \ ils font de deux ferres , par
rapporr à leurs toifons, que le5 uns
ont fii!ts i\ les autres riidts &■ ccm-
munes: la chair en eft délicate, après
Bb
194
L A I
qu'ils ont cré engraillés di\)S cies
pâturages convenables.
Les moutons normands ci' Alençoii,
cîu Cotcentin , de Valogne , ikc. ,
quoique qualifies par les noms des
territoires qu'ils occupent , fe rap-
portent chacun à l'une des trois ef-
pèces précédentes, Se principalement
aux cauchois & aux bilquauis. Les
excellens moutons de Condé fur
Ncraut proviennent de la race cau-
choife. Le prix ordinaire de la laine
eft de vingt fols lavée; la dernière
qualité fe vend quinze fols, & la
tcte vaut trente folsj la laine juine
eft toujours achetée quelque chofe
de plus.
La Picardie eft comme de plein
pied avec la haute Normandie \ toutes
les races de bêtes à laine ^ répandues
dans la Picardie, fe rapportent i". à
la branche du Vermandois, qui eft
la plus foire; 2°. à celle du mouron
picard proprement dit , qui eft une
race moyenne & commune dans le
Beiuvuifis; i'^. à celle du mouton de
Thiérai-he , qui eft la moindre des
trois.
Le mouton Vermandois , ainlî
nommé de la partie orientale de la
Picardie, où il eft plus nombreux,
a la tète grolfe, l'oreille longue &
lariJ^e . le col gros & lonti la jambe
grolfe ; il eft long de trente- lix a
quarante pouces. La torce de fa com-
plexiou exigeant qu'on lui donne
une nourriture abondante, il profite
dans les vallées, &c fe plaît dans les
gras pâturages ; il n.\ point de canton
atitré, on le retrouve dans tous les
lieux où les fourrages, où les her-
bages ne manquent point, depuis les
confins de la Thiérache jufques dans
le Boulonnois & dans le Ponthieu.
Les moutons picards lont de deux
L A I
fortes ; on diftingue les uns par un
toupet de laine qu'ils ont au front,
iSc qui ne fe trouve point dans les
autres; les derniers engraiffent plus
promptemenr, ont la laine plus fine
Ôc la chair meilleure.
Les moutons de la Thiérache ont
trente pouces , cette race eft commune
du côté de Guife & de Vervins , elle eft
balfe de taille , ayanr la tcte grolîe ,
l'oreille large & courte, ainli que le
nez. La plus commune de ces rrois
races eft celle du mouton picard. Les
laboureurs, peu attentifs, achetrent
aux foires les bètes de remplacement,
& prennent indiftinétemcnt toutes les
efpècesqni le prélen te nt, comme dans
riUe de France : de là vient le mé-
lange des efpèces.
Les bergers en picardie , comme
dans prelque routes les autres pro-
vinces , or.t la manie de boucher tel-
lement les ouvertures des bergeries
pendant l'hiver, -que l'air extérieur
ne fauroit y pénétrer , &: ils font
fuer excellivement l'animal avant
l'opération de la tonte. Ces deux vices
déducarion font la fource des ma-
ladies &: des pertes qui découragent
par la fuite les laboureurs, le routpar
entêtement & ignorance fur leurs
véritables intérêts.
La chair de ces animaux eft alfez
fouvent ferme & peu délicate. Lx
Picardie n',!. pas de lieux deftinés aux
entrais comme la Normandie ; une
partie des bètes s'engralifent natu-
rellemenr.
La laine du gros mouton verman-
dois eft dure : les toifons du Santerre
font eftimces à caufe de la netterc
& de la tranfparence des filets qui
les rendent propres à recevoir les
apprêts du lavage 5: tontes fortes de
teintures. La laine du Beauvoifis eft
L A I
plus rude que celle du Santerre, mais
on prétend que les eaux de la perite
rivière du Terrein onc la propriété
d'adoucir cetre rudelTe ; celles de
Soilîbns & de Noyon onc le mérite
d'être plus douces que les toifons du
Laoaoïs & de la Tiiiérache. Le poids
commun des toifons eft: de quatre à
cinq livres non lavées, & la longueur
des mèches de cinq à fix pouces : ces
laines font plus droites que frifées.
Artois j HainauU & Flandres.
L'Artois eft prefque par-tout uni &
plat , & c'eft ici que commencent les
P.iys-bas. La température de l'Artois
eft par- tout allez égale : il y a peu de
bois , peu de foms j les pâturages y font
médiocres dans le pays plat, le fut plus
fe rapporte à ce qu'on voit en Flan-
dres. Plufieurs donnent le nom de
mouton d'Artois à une branche de
bètes à laine à oreilles pendantes ,
plus groffe que le mouton Verman-
dois, & moins forte que le mouton
Flamand, parce qu'elles font alkz
communes en Attois; mais, attendu
qu'on trouve dans bien d'autres pays
de ces oreilles pendantes , il fullit
d'obferver qu'on en voit dans l'Artois.
Les bètes blanches qu'on élevé dans
le Hainault font des branches de
l'efpèce de Thiérache & de la petite
race de Vermandois , longue de trente
pouces.
La Flandres eft une partie des Pays-
bas, fupérieure au refte de la France
en bétail & en pâturages. Les pre-
miers moutons qu'on fit pafler des
Indes en Flandres par la Hollande ,
furent regardés comme un effort de
la nature, qui s'étoit furpafiee dans
ce gente de production. Ces bètes
parurent d'abord un objet de cu-
riolué. L'on ne foupçonna pas qu'il
fût poffible de lesmultiplier au point
L A I
Î9Î
d'en peupler la plus grande partie de
la Flandres. Ces brebis donnoient
alors fept agneaux j cette fécondité
diminua à mefure que l'efpèce fe
perfedionna. Les brebis flandvines ne
donnent plus qu'un agneau, deux au
plus , & dans ce cas on prend le parti
d'enlever le moindre, afin que celui
qui refte profite mieux , &: que le
tempérammentde la mère ne foitpas
afFùibli. Lorfque les femelles don-
noient cinq agneaux , leur laine étoic
moins belle, les élèves moins forts
de corfage, moins robuftes , &: plus
fujets aux maladies. Le mouton fla-
mand, foigné & tenu proprement,
réunit dans fon état aéluel toutes les
perfeftions des autres, fans en avoir
les défauts. Une démarche libre &
ferme, un port avantageux, un cor-
fage bien proportionné dans toutes
fes parties , annoncent une bonne
conftitution, un tempéramment ro-
bufte, exempt des maladies fi com-
munes aux efpèces plus délicates ou
plus foibles.
Les autres races fe diftinguent par
un corfage allongé, menu, efflanqué j
d'autres par une taille ramallée : ceux-
ci par un large collier, de longues
foies, ou par un toupet de laine au-
delfus du front : ceux-là par une cou-
leur roulfe de la tète Si des pieds , par
des taches noires ou griles qui dé-
tériorent leurs toifons \ par des cornes
ou par une qualité de laine rouffe &
jarreufc, ou enfin par un naturel fau»
vage ou timide qui les rend difficiles
à garder. Le mouton flamand ne porte
aucun figne qui le défigure , tout eft
allorti dans les parties' qui le confti-
tuent ; fa laine eft non -feulement
blanche &c fans tache , mais cette
blancheur eft aulli d'un bel éclat.
Les plus grands montons de Flan-
Bbi
1^6 LAI
dres peuvent avoir depuis quatre juf-
qu'à cinq pieds & demi de la tête à
la queue ; la hauteur & la grolTeur
font en proportion.
On diftingue cinq branches de
moutons flamands. On nomme mou-
tons/r^/c'j, ceux de la première ef-
^èce, moutons grenésoagrenetés ceux
de la féconde j la troifième porte une
laine frifée comme la première ,
mais cette qualité de laine eft peu
longue & moins fine. On appelle
mouton de Dunkerijue ceux de la
quatrième qualicé, parce qu'ils font
communs aux environs de cette ville.
La cinquième efpèce eft celle des
moutons rtj^ij j que Ton nomme ainfl
à caufe que la toifon en eft courte &
retapée. Les bêtes de ces cinq efpèces
ont, à-peu près, le même corfage,
elles diftérent feulement par la qua-
lité de leur laine , ce qui fait , qu'im-
médiatement après la tonte , leur prix
eft à peu près le même, le mouton
à laine fuperfine ou frifée le cède peu
à ceux d'Angleterre & de Hollande,
mais les cultivateurs imitent ceux du
Berry, c'eft-à-dire qu'ils ne confer-
ventdans leurs troupeaux qu'une très-
petite quantité de bêtes de cette
branche, qui n'eft guère que le Cï-
xième du total. En Flandres , c'eft
une mauvaife combinaifon de l'in-
térêt public &: particulier; les maîtres
des troupeaux ne demanderoienr pas
mieux que de multiplier cetre bran-
che, mais ils fe plaignent de n'avoir
pas un débit aullî réglé de la laine
fine que de la laine commune.
Les herbages de Flandres ont une
vertu merveilleufe , qu'on ne retrouve
pas dans les autres pays. Cette pro-
priété fait auflî que le mouton flarn-
mand ne peut guère réufîîr que dans
cette province. La race de Flandres a
L A I
ceci d'avantageux pour la propagation,
que les brebis & les béliers font pro-
pres <à l'accouplementune année plutôt
que les efpèces ordinaires. Quant au
prix des bêtes faites , un mouton razis
coûte iS liv. , s'il eft en bon état,
de même qu'un mouton à laine fri-
fée. Le prix change & augmente à
mefure qu'on s'éloigne ou qu'on ap-
proche du temps de la tonte. Dans le
dernier cas , le mouton frifé augmente
de 8 livres, année commune : celui
grené de 6 livres , & les autres de
5 livres. La valeur des bêtes varie
félon les années.
Nous n'enrrerons pas dans de plus
grands détails fur les laines en gé-
néral, ni lur le temps auquel on doit
tondre les bêtes à laine, fur la ma-
nière de les tondre , de féparer les
l.iines; ces objets feront examinés à
l'article Ivlouiojj.
LAIT. Liqueur blanche qui fe
forme dans les mamelles de la fem-
me & àss femelles des animaux vi-
vipares, pour la nourriture de leurs
petits. . . . C'eft de routes les fubf-
tances animales celle qui fe rap-
proche le plus du règne végétal ,
(Se qui a fouffert le moins d'altéra-
tion. En effet , le lait ne diffère du
chyle quepar quelques légers chan-
gemens , éprouvés dans le torrent
de la circulation, &: qui le rendent
plus fluide & plus délié. On peur
regarder ce fluide comme une vé-
ritable émulfion.... [Foye^ ce mot).
D.ins les animaux herbivores , il fenc
encore les plantes dont l'anima! a
été nouiri. Les vaches , dont la prin-
cip.ile nourriture a été la luzerne ,
le treftle à fleur jaune. Sec. donnent
un lait dont le beurre eft toiyiurs
haut en couleur. On pourroit à ce
LAI
fujet varier les expériences, afin de
connoître au jufte les plantes qui in-
fluent le plus fur la quantité &c fur
la qualité du lait ; fi chaque année
& dans chaque faifon elles ont la
mêmeaftion; enfin quelle différence
fenfible il reluire de la fituation de
tel ou tel pâturage. 11 faut convenir
que fur ces points , on a feulement
des apperçus généraux , &: non des
expériences bien conftatées. 11 s'agit
aduellement d'examiner quelles font
les parties conftituantes du lait, de
la manière de le retirer des mamel-
les des animaux; du petit lait, &
de la qualité & des ufiiges auxquels
on peut employer le lait des difté-
rens animaux. On ne répétera pas
ici ce qui, a été dit aux mocs Beurre
&: Fromage. ( f'^'oye:^ ces mots. )
I. Des parties conftituantes du lait.
Le lait, abandonné à lui-même,
fe fépare en trois fubftances; la bu-
tireufe , qui efl; la crème ou Ihuile
du lait , eft celle qui rend mate fa
couleur j la partie cafeufe ou le corps
muqueux , qui tient en fufpenfion le
corps huileux ou butireux ; enfin
la férolité ou petit lait j quiconcou-
roir à l'union des deux premiers prin-
cipes. Ce petit-lait efl: véritablement
un acide végétal qui fe développe
par le progrès de la fermentation 5
mais il cft tellement combiné dans
le lait , (]u'il ne s'y maniicfte par
aucune de fes qualités. Cet acide eft
dans le lait à- peu-près dans le même
état que le tartre ( ï^oye^ ce mot )
l'eft dans le vin, & il lui eft ana-
logue, c'eft-.à-dire, qu'il eft, comme
le tartre, uni à une huile 6': à une
terre. La partie butireufe, qui n'eft
autre chofe qu'une huile végétale ,
a aufiî fon acide. Cette décompo-
iliion du lait abandonne à lui-mcme,
L A I
197
peut être regardée comme le pre-
mier temps d'une fermentation très-
prompte, parce que les principes du
lait ont peu de liaifons entr'eux.
Après cette première fermentation ,
le lait pafte à la putréfadion , & dans
cet état il donne beaucoup d'alkali
volatil.
On peut regarder le lait comme
une véritable ému.fwn animale. 11 eft
opaque, ainfi que toutes les liqueurs
fur-compofées, en quoi il reflemble
encore aux émulfions qui ne font
que l'huile du corps muqueux, flo-
tante dans un liquide : il en eft de
même du lait.Lorfque le lait eft frais,
les alkalis ou les acides qu'on jette
dt'llus, ne produifent aucune efter-
vufcence ; mais ils le coagulent , &
unllfent enfemble la partie buti-
reufe & cafeufe , iSj en féparant la
partie féreufe ou petit - lait , qui
demeure unie & imprégnée d'acide.
Il y a cependant une dificrence entre
la coagulation produite 'par les fels
acides ou par les fels alkalis fixes ou
volatils; ces derniers défunllfent la
mafle , au lieu que l'acide produit
un Cûûoulum.
Si on examine le lait avec le fe-
cours d'un microfcope , on y .apper-
çoit une multitude de globules très-
inégaux pour la grolTeur& pour leur
forme, qui nagent dans une liqueur
diaphane. 11 eft aifé de reconnoitre
que les uns appartiennent à la partie
butireufe, & les auttes .à la paitie
cafeufe ; enfin que le fluide diaphane
eft ce qui forme dans la fuite !e petit-
lait ou fcruni. Cette obfervaiion
prouve encore que les deux premiers
principes font fimnlement étendus,
interpofés dans le fluide, mais non
pas didous par lui ; & combien leur
défagrégation eft facile .lorfqu'on
198 L A I
emploie la chaleur, ou les acides ,
ou les alkalis.
1 1. De la manière de retirer le
laie des mamelles des animaux. Les
détails dans lefqueis je vais encrer,
font minucieux en apparence , &
non pas dans la réalité, ptiifque l'a-
bondance ou l'ex^cation du lait tient
à plufieurs caufes.
Lorfqu'on a privé la mère de fon
petit quelque temps après qu'elle a
mis bas , les tétines fe rempliirent ,
fe çorgen: , & deviennent doulon-
reufes , fi on ne trait pas l'animal :
livré à lui-même, il foufifre, & peu
à peu le lait tarir , ce qui détruit
le profit que le propriétaire eft en
droit d'en attendre & d'en retirer ;
mais fi l'animal eft bien foigné , il
donnera du lait jufqu'à ce qu'on le
falFe couvrir de -nouveau, iouvent
même prefque jufcju'au moment de
mettre bas. Quoique ce cas ne foit
pas rare , il vaut beaucoup mieux ne
pas demander à l'animal une liqueur
peu laine alors , & dont la fouftrac-
tion nuit à la mère & au petit.
Si on veut qu'une vache, qu'une
ânelFe, &c. donne du lait en abon-
dance & pendant long - temps , on
doit la traire à des heures réglées ,
à des diftances égales, deux fois par
jour, & non pas trois fois, comme
on le pratique en certains endroits ,
ou un peu chaque fois à diverfes re-
prifes dans la journée. Il taur cepen-
danr convenir que lorfque l'animal
a mis bas deptus peu de temps ,
& lorfque le lait eft bien abondant,
il eft néceiïaire de rraire trois fois
par jour; mais cerre exception ne
détruit pas la règle générale; elle dé-
pend beaucoup de la qualité de l'in-
dividu particulier de l'animal , & des
herbages donc il eft nourri.
L A I
Il réfulte du premier régime que
la natute dans la formation du lait,
fuit une marche téglée , & elle en
fournit en plus grande quantité. Par
les auttes an contraire elle eft fans
cefte contrariée, & infenfiblement le
lait tarir.
Le fécond avantage tient à Ten-
vie & au befoin où l'animal fe trouve
de donner fon lait. Lorfqu'il eft ré-
glé , il attend avec inquiétude le
moment du trait, afin d'crre foulage
du poids qui fatigue fes tétines ;
alors il fe préfente de lui-même au
feau ou baquet deftiné à recevoir le
lait, fur-tout fi après l'opération , la
trayeufe a la coutume de lui don-
ner à manger. Une perfoime mal
habile fatigue fouvent l'animal; elle
le brufque ou le bat. Ces mauvais
traitemens le rendent revêihe , dif-
ficile à gouverner ; il redoure un mo-
ment quidevroit être pour lui plutôt
fenfuel que pénible, puifque le traie
eft un befoin réel.
La trayeufe doit manier doucement
les tettines , les carelfer, les prefter
du haut en bas, &c traire jufqu'à ce
qu'elles aient donné tout leur lait j
mais elle ne commencera réellement
à traire que lorfqu'elle verra l'ani-
mal tranquille. Sans cette petite pré-
caution , le feau feroit bientôt ren-
verfé & le lait petdu.
Si on néglige de traire jufqu'à la
dernière goutte , fi on trait à diffé-
rentes reprifes dans le jour, & tan-
tôt à une heure ou à une autre , on
verra infenfiblement diminuer la quan-
tité du lait , l'c enfin les mammelles
devenir fè^hes. Le propriétaire qui
ne voit rien , ou cjui s'en rapporte
trop facilement à fes valets ou aux
pcrfonnes chargées de la laiterie , fe
plaint du peu de produit de l'ani-
L A T
ma! , le condamne à être vendu à
la toire, tandis que le vice réel pro-
vien: prefqus toujours de la négli-
gence de la trayeufe.
Après avoir trait Kanimal , on palTe
le lait à travers un linge bien blanc,
bien lavé , afin de retenir & féparer
du lait toute efpèce d'ordure qui
peut ctre tombée dans le leau pen-
dant l'opiracion. La manière de con-
ferver le lait, de l'écrémer, dcc. fera
détaillée au mot Laiterie; & il en
-a déjà été parlé à l'article Bf.urue ,
■ Fromage ( P'oye^ ces mots ).
111. Du petit-lait & des proce'd-.-'s
pour l'obtenir. On a vu dans les ar-
ticles déjà cirés, de quelle manière
on ("aie cailler le lait , l'oit avec la
préfure, foit avec les fleurs du caille-
lait, blan.hcs ou jaunes , fv)it avec
celles d'arri.hands , de cardons d'£f-
pagne , &c, ainh il eft inutile de
revenir fur ces articles. Le petit- lait
eft la partie féreufe qui fe fépare du
lait lorfqu'il eft caillé , & elle eft
plus o.i moins acide , fuivant la fubf-
tance employée à le taire cailler ; (1
on fe fert tles acides végétaux, tels
que le vinaigre , la crcme de tartre
[/'^oyei ce mot) , il conferve plus
d'acidité que lorfqu'il eft tait, par
exemple, avec les fleurs.
Dans les grands atteliers à beurre
&c à fromage , la même opération qui
coagule le lait, en fépare le petit-lait;
mais pour les ufiges d'une pharmacie
ou de l'intérieur d'une maifon, quoi-
que la pratique foit à -peu- près la
mjme, elle exige cependant plus d'at-
tentions. Chaque particulier luit un
procédé différent , quoique tendant
toujours au même but. Cependant la
manière de préparer le petit- lait de-
vroît varier fuivant l'indication de la
maladie que l'on fe propofe de com-
L A I 199
battre. Par exemple , fi on fe fert
d'un acide trop développé , comme
celui du vinaigre ou de la crème de
tartre, le petit -lait conferve un
gain aigrek-t. 11 en eft ainfi avec la
levure de bierre , &:c. Ce petit-lait,
avec une pointe d'acide , convient
dans tous les cas où il
y a putri-
dité. Les fleurs du caille lait blanc ou
jaune, communiquent un léger goût
mielleux, & qui n'efl pas dcfagréa-
ble : celles du cardon d'Efpagne n'en
donnent point, îk elles doivent être
préférées.
Choifllfez le meilleur lait & de l'a-
nimal le plus la;n , faites le un peu
chauffer, & verlez enfuite une infu-
fion de lîrur de cardon d'Efpagne.
Lorlque le lait fera coagulé, placez-le
fur une étaminc , afin de le lailfer
égoiuter. Ce qui a coulé e 11: le petit- lait,
& demande à être clarifié- A cet effet y
prenez des blancs d'œufs , fouettez-
les avec le petit lait, laillcz repofer,
filtrez quand il fera clair , «Se limpide
comme l'eau. On obtient , par ce
procédé, une liqueur qui aune lé-
gère teinte jaunâtre, iSc qui a le goCic
de lait.
V^oici un autre procédé : prenez
bon lait de vache, quatre livres;
préfure délayée dans une cuillerée
d'eau, demidracme; mêlez le tout
dans une terrine de fayance , que
vous expoferez à une douce chaleur
fur les cendres chaudes ; dès que le
lait fera coagulé , verfez - le fur un
tamis de foie ou de crin ; recevez
le petit-lait qui en découlera, dans
un vaiffeau de tavance ou de "tes ;
ajourez fur chaque livre de petit-
lait, un blanc d'œuf; mêlez exac-
tement ; faites bouillir le tout juf-
qu'à ce que les blancs d'œufs foienc
coagulés. Pendant le temps de l'ébul-
2O0 LAI
licion , jettez-y crème de tartre pul-
vérifée , huic grains ; palfez le ir.ê-
lange à travers un linge fin & pro-
pre, fans exprimer; filtrez la coU-
ture à travers le papier gris, & vous
aurez le petit-lait clarifie.
Ce travail demande la propreté la
plus rigoureufe , parce que de toutes
les fi.rbftances , le petit-lait eft une
de celles qui fermentent le plus ailé-
ment, & par confequent qui fe dé-
tériorent avec la plus grande facilité.
On doit donc chaque jour laver dans
une lelîive faite de cendres , tous
les vailTeaux en bois deftinés à cet
ufage; Se à plufieurs reprifes dans
l'eau commune , les vailleaux en
verre ou en layance , & les tenir ren-
verfés, afin qu'il n'y reile aucune hu-
midité, L'étamine ou le filtre exige
les mêmes précautions.
IV. Des différentes qualités de lait.
Celui de femme eft le plus nutritif
& le plus agréable de toutes les el-
pèces de lait ; il mérite la préfé-
rence dans la plupart des maladies
où cette liqueur eft recommandée ,
à caufe de fon analogie avec la conf-
titution de l'homme. Il fe digère fa-
cilement , reftaure promptement les
forces vitales & mufculaires ; mais
dans un très grand nombre de mala-
dies auxquelles ce lait convient, il eft
dangereux & très -dangereux de faire
tetter une nourrice; elle rifque d'être
bientôt attaquée de la rraladie de
celui qui la tette. Cet inconvénient
a fait recourir à plufieurs autres laits.
Le tau d'ûnejje eft moins abon-
dant en fromage & en beurre , que
celui de femme, &• il conrient une
plus grande quantité de petit-lait.
Le lait de jument eft plus lucre
que celui d'âneffe : on y trouve moins
de beutie &: de fromage.
LAI
Le lait de vache eft très -chargé
de beurre & de fromage , relarive-
ment à la quantité de petit-lair.
Le lait de chèvre fournit plus de
fromage, moins de beurre & de petit-
lait.
Le lait de hrehis contient plus
de fromage , moins de beurre &i de
petit-lait que les préccdens. Tel eft
en fubftance le réfultat des expérien-
ces faites par M. Vitet , célèbre Mé-
decin de Lyon. Ceux qui les répé-
teront après lui, trouveront ces allér-
tions, prifes en général , très-vraies ,
mais elles varieront fuivant la ma-
nière de nourrir les animaux, & fui-
vant la qualité de l'herbe qu'on leur
donne ou qu'elles pâturenr.
11 eft bien reconnu aujourd'hui que
le lait dânefTe fe digère facilement,
qu'il ne fatigue pas l'eftomac , qu'il
nourrit peu \ c'eft pourquoi on doit
le donner à plus grande dofe que les
autres. 11 calme fenfiblement l'irrira-
tion des branches pulmonaires , &
tient le ventre libre.
Le lait de jument nourrit davan-
tage : il paroit produire le même
effet que le précédent.
Le lait de vache donne fouvent
une douleur çravative aux eftomacs
foibles , conftipe & fe digère mal.
Son ufage caule des coliques , la
diarrhée , & quelquefois le vomilTe-
ment.
Le lait de chèvre , affez analo-
gue à celui de vache , le fupplée
dans les provinces où les vaches font
peu communes : il en eft ainfi de
celui de brebis.
Avant de parler du lait de femme ,
il eft important de combattre une
faulTe opinion dans laquelle on eft ,
lorfqiie le lait ne palfe pas. On dit
Lp'il fe caille dans l'eftomac , &
que
LAI
que de là naît la difficulté de le di-
ocrer.
Le lait fe coagule en paffant dans
l'ertomac; c'eft la liqueur gaftnque
qui produit cet effet : c'eft une ii-
queurlégère,tranfparente,ccumeuie,
favoneufe, faline^ qui découle con-
tinuellement des glandes de l'efto-
mac , & dont rufa^e eft de fervir à
la dilTolution !k au mélange des
alimeus.... On trouve jufque dans le
gofier des poulets une femblable li-
■queur , Se tous les animaux le vo-
miffènt caillé. Cette coagulation eft
il eirentiélle à la digeftion de cet
aliment , qu'on ne le trouve jamais
que coagulé dans l'eftomac -, & elle
■eft fi prompte, que malgré la plus
-grande célérité à ouvrir le ventri-
cule d'un animal vivant , auquel
■on vient de donner du lait, on le
trouve toujours coagulé. C'eft donc
à tort que l'on craint la coagulation
du lait dans l'eftomac, puifque cette
coagulation eft àbfolument eflentielle
à la digeftion. Pour la faciliter , on
donne du fucre avec le lait , Se , fans
le favoir, on augmente les moyens
<ie le faire coaguler plus vite. Il
eft vrai que dans les eftomacs foi-
bles , & qui ne peuvent pas le di-
•gérer,il fermente & s'aigrit au point
qu'il caufe des tranchées , des dé-
voiemens ordinaires aux enfans à la
mammelle , & qu'on fait difparoître
avec les alkalis ou avec les abfor-
bans. Le lait qui a été coagulé dans
l'eftomac , fe diftbut enfuite dans le
duodénum , s'y change en chyle, en
fe mêlant avec les autres liqueurs
digeftivesj mais il y en a toujours
une partie qui pafte avec les excré-
-mens , fans être décompofée. De-là
*ient que les femelles des animaux
Tome VI.
LAI 201
qui allaitent , mangent fi avidement
les excrémens de leurs petits , ce
qu'elles ceffent de faire, dès qu'ils
ont commencé à manger de quel-
qu'autre aliment que du lait.
Le laït de femme, [cet article ejl
de M. Amilhon ) C'eft la nourriture
naturelle des enfans. Il fe fépare du
fang , & fe filtre dans les mamel-
les. Il mérite la préférence fur tou-
tes les autres efpèces de lait, comme
étant plus analogue à nos humeurs.
Il n'eft pas employé à la feule
nourriture des enfans. Les hommes
font forcés quelquefois d'y avoir re-
cours dans certaines maladies. D'a-
près cette obfervation , M. de La-
mure, célèbre profefteur de l'Uni-
verliré de Montpellier, dit qu'on doit
le préférer à toutes les autres efpèces
de lait, dans lapthyfie, la confomp-
tion.le marafme, &: dans les ulccres
cancéreux.
La meilleure façon de le donner,
eft de faire fucer le lait , immédia-
tement à la mammelle de la femme.
Si on le falfoit traire dans un vaif-
feau, dans le temps qu'on mettroic
à en ramaffer une fuffifante quan- •
tité, il perdroit & exhaleroit plufieurs
parties volatiles qui font très-utiles
aux malades. L^ne infinité d'obfer-
vations prouvent les bons effets de
cette façon de prendre le lait de
femme dans des pthyfies défefpé-
rées. Ce lait fe donne ordinaire-
ment deux fois par jour. Le malade
peut le prendre pour toute nourri-
ture ; il eft quelquefois employé
à l'extérieur, comme remède adou-
ciffant , & on s'en fert affez fou-
vent pour calmer les douleurs aux
dents & aux oreilles. Le lait de fem-
me , pour être bon , doir être blanc ,
Ce
zoz LAI
ôi avoir un goût doux Se fucré ; il
ne doit être ni trop aqueux , ni
trop épais, il doit avoir une certaine
confiftance , ou , pour mieux dire ,
une ceiTaine crade. Pour qu'il ait
toutes ces qualités , on doir fe pro-
curer une bonne nourrice, { l'^oyc^ ce
mot )
Le lait des animaux peut rempla-
cer celui des femmes dans prelque
toutes les circonftances, & fur-tout
pour la nourriture des enfans. Mais
la manière d'élever les enfans en
France , ôc de les nourrir de lait de
femme , eft fi générale , qu'elle for-
me dans les efprits- un préjugé qui
les porre à fe révolrer contre la pro-
pofition de s'en palier, & de leur
faire ufer du lait de vache ou de
chèvre.
L'exemple de tous les pays du nord,
où les .entans font nourris avec du
lait de vaches , quelques exemples
particuliers qu'on a eu en France de
cette nourriture , doivent raffurer
fur une méthode qui effraie d'abord,
&c qui , bien combinée par les exem-
ples Si les avantages qui en réful-
tent , fera adoptée par les perfonnes
capables de réflexion.
En Ruflie & en Mofcovie tous
les enfans font nourris avec du lait
de vache , tant ceux des princes que
ceux du peuple. L'ufage de nourrir
les enfans avec le lait de femme ,
y eft pour ainfi dire inconnu ; les
hommes y font forts &: robuftes j ils
y vivent longtemps , &: foutiennent
très-bien les fatigues du travail &
celles de la guerre.
Perfonne n'ignore le fameux exem-
ple d'une chèvre , dont L'inftin(ft la
conduifoit tous les jours à différen-
L A I
tes heures au berceau d'un enfant
pour l'a'aiter, <Sc l'enfant fuçoit avec
avidité le lait que cet animal lui
fournilfoit. La nature, en donnant
du lait aux femelks des animaux ,
ne l'a pas réfervé feulement pour
leurs petits , elle a voulu encore don-
ner aux hommes un fecours dans les
befoins les plus urgens.
Pourquoi n'en profiteroit-on pas?-
M faut cependant convenir que le
lait de la mèie doit être la nour-
riture la plus analogue au tempéra-
ment & à la foiblcfie de l'enfant.
En convenant de ces principes ,
on doit avouer aurtl qu'ils ne font
pas fuivis en France. On y élève ,
il eft vrai , les enfans avec du Lit
de femme; mais ce font des fem-
mes étrangères , des nourrices mer-
cenaires , dont le tempérament ne
fe rapporte aucunement à celui de
l'enfant.
On devroit adopter ce fyftème :
il tariroit une fourceinépuifable d'in-
convéniens auxquels les enfans font
expofés. Nourris d'un lait pur en lui-
même , ils deviendroient forts &
robuftes ; ils ne participeroient ni aux
vices du tempérament, ni à ctux
du caraûère qu'ils fucent avec le
lait des nourrices. Les maladies du
corps 5 les pallions de l'ame , tout
palTe dans le fang; & le lait qui
en eft la partie la plus eflentielle,
eft reçu par l'enfant, qui reçoit en
même temps le germe des infirmités
& des partions de fa nourrice.
Parmi les gens du peuple & ceux
de la campagne, dont l'intérêt eft la
mefure & la règle de leur conduite,
la même nourrice allaite fouvent
plufieurs enfans : elle commence par
le fien; mais bientôt entraînée par
L A I
l'appât du gain , elle fe perfuade que
{on eiitaiK eft en état d'être fevrc ;
elle le prive de fon lait , qui lui
feroit encore néceflaire, pour le ven-
dre à un étranger. Cet infortuné
devient foible , languilfant & fuc-
combe; mais elle n'impute point à
fa cupidité la perte de Ion enfant ,
qui tout au moins auroit traîne une
vie foible & languilfante , s'il ciiz
furvécu.
L'intîdclité des nourrices, qui ne
veulent pomt découvrir leur état, dans
Ja crainte de perdre le falaire qu'elles
tirent de la nourriture d'un autre
enfant, eft un des inconvcniens qui
demandent l'attention la plus fcrieufe
Se la plus rértcchie. Si elles devien-
nent enceintes, elles perdent le lait,
ou la qualité en eft altérée. Il en eft
de même fi elles tombent malades,
elles donnent à l'enfant un lait per-
nicieux , ou fans ufer de prudence" &
de circonfpeftion, elles le remettent
Se le confient à une voilmeoftîcieufe,
pour le nourrir, en attendant une
ptompte guérilon.
On doit encore compter pour beau-
coup le rifque que court l'enfant,
fi la nourrice a été dérangée dans fa
conduite, ou Ci fon mari a vécu ou
vit encore dans la débauche. L'u-
fage du laie de chèvre ou de va-
che remédie à tout , & n'a d'autre
inconvénient que celui du préjugé ,
iju'on nomme , avec juftice , l'çn-
nenii de la faine raifon. M. AMI.
Toutes les efpèces de lait dont
on vient de parler , produifcnt de
bons effets dans les différentes efpè-
ces de toux , dans les différentes hé-
mophtyfies & pthyfies ; mais leur
iifage ell: dangereux aux perfonnes
attaquées de la fièvte , de maux de
I A I 205
tète ; dont le foie , la rate ou le
méfentère font obffrués j dont les
hypocondres four tuméfiés j à celles
qui font tourmentées de la foif fé-
brile, atïeélées d'une maladie aigiie ,
infiammatoire , ou d'une violente hé-
morragie, de la diarrhée, de la difien- -
tetie; aux fcorbutiques, aux véroles,
aux ftrophuleux , aux afthmatiques ,
aux pituiteux & aux mélancoliques.
Le petit-lait rafFraîchit, poulfe par
les urines, rarement par les felles :
quelquefois il affoiblit l'eftomac, Sc
le rend moins propre à la digeftion. Il
tempère la chaleur excelTive de la poi-
trine, il calme la foif dans la fièvre ar-
dente & dans la fièvre inflammatoire ,
lorfque les premières voies ne con-
tiennent point d'humeur acide. Il
diminue la chaleur & la douleur
qui accompagnent les maladies in-
flammatoires des voies urinaircs. Il
eft même préférable aux émul fions
dans ce dernier genre de maladies.
Il eft: encore crès-utile dans le fcor-
but , la vérole , le cancer oculte 8c
la difpofition aux maladies fopo- .
reufes.
V. Du fel ou du fucre de lait.
Cette dernière dénomination lui ell:
donnée à caufe de fon goût doux ,
agréable Sc fucré. Ce n'eft point dans
la boutique des apothicaires qu'on
le prépare, mais fur les hautes mon-
tagnes de Sullfe , de Franche-Comté ,
de Lorraine , &c. c'eft l'ouvrage
des pâtres , Sc leur manipulation a.
été pendant long - temps un fecrer.
11 y a environ quarante ans que, pour
la première fois , on ne parloir à Pa-
ris que du fucre de lair. 11 étoit forr
cher , Se il eut une vogue prodi-
gieufe. M. Prince , apothicaire de
Berne, en étoit le grand promoteur j
maisl'enthoufiafme diminua bientôt,
C c i
204 LAI LAI
des que le nombre des fabrîcareurs l'eau très-pure , il y ajontoit de la
eut augmenté. crème de tartre , de faifoir évaporen
Après avoir retiré du lait toutes lentement jufqu'à pellicule. Au fond
les parties propres au fromage , il de la chaudière étoit un fédimenc
refte le petit-lait^ & dans ce petit- blanc, qu'on enlevoit & qu'on cou-
lait, le fera o\x feret eu: encore fé- poic en tablettes^ mais il fiut que
paré, de forte qu'il ne refte plus que la liqueur foit tenue dans un lieii
le petit lait proprement dit, que l'on frais pendant fix. femaines ou deux
donneauxcochonsj ou que l'on jette, mois, afin que la cryftallifation s'o-
à moins qu'on ne veuille en retirer père. Ce fucre de lait vaut 24 fols
le fel. Dans ce cas, on jette le petit- la livre de Suilfe, un peu plus forts
lait dans un vaiffeau , on le fait que celle du poids de marc,
bouillir à petit feu, jufqu'à ce qu'il Toute cette opération peut être
foit évaporé au moins aux trois quarts, fimplitiée ^ il fuffit de ne pas faire
On porte le tout dans un lieu frais , évaporer jufq^ii'à liccité, alin que les
&: tout autour dii vafe j il fe forme parties falines ou fucrées ne foient
des cryftaux. On verfe doucement pas calcinées dans le fond de la chau-
& pat inclinaifon l'eau reftante ; & diète. Lorfqu'on a retiré les premiers
lorfque les cryftaux font tirés du cryftaux, ilfautlesfairedilloudredans
vafe, on les met fécher fur du papier de l'eau de rivière , & recommencer
gris j enfin on les conferve dans des l'évaporation jufqu'à pellicule j fi une
boëtes. Si l'cvaporation a été trop fois ne fuflit pas, on procède à une fe-
forte , les cryftaux font beaucoup plus conde &: même à une troiûème j lorlr
colorés que lorfqu'elle a été lente, que ce fcl eft fuSilamment blanc, on
Cette première opération ne fuflit pas le fait fécher à. l'étuve , & on le cou-
peur les rendre parfaitement blancs &: ferve dans des boëtes garnies de pa-
purs ; il en faut une féconde , dont pier blanc : cent-vingt livres de cryf-
on parlera ci-après. Les montagnards taux jaunes fe réduifent à vingt livres
de l'Emmenthal en Suifte , font éva- de cryftaux blancs & commerçables.
porer jufqu'à ficcité, & il refte au Le fel ou fucre, ou fel eflentief
fond de la chaudière une poudre du lait , ne produit pas les mêmes
brune; ils portent cette poudre aux effets que le petit-liiit, à quelque
apodiicaires des villes voifmes , & dofe & de quelque manière qu'il foie
la leur vendent fix liards la livre, prefcrit. Dans le temps de l'ènthou-
Le fameux Michel SJiuppak , plus fiafme pour cette nouveauté, on le
connu fous le nom de Micheli ou regardoit comme un grand remède
Mcdecin de la montagne ^ non loin dans les maladies pulmonaires, can-
de Berne, traité de charlatan infigne céreufes, dans la goutte, enfin dans
par les uns , & de Médecin par ex- toutes les maladies où il falloit cor-
cellence par les autres, préparoit cette riger l'acrimonie &: renouveller les
poudre brune, & la réduifoit en un pùncipes du fang. Ce remède , It
vrai fucre de lait ou en tablettes. 11 prôné, a eu le fort de beaucoup d'au-
expofoit CÇ.X.XQ poudre brune à l'air, très : on le prefcritdepuis une drachme
& la faifoir blanchir à la rofée , il jufqu'à demi-once, en foiurion dans
la faifoir dilToudre eiifuice dans de huit onces d'eau, ou bien ou le mange
L A î
en tablette-, il eft peu foluble dans
la bouche.
Lait des plantes. Le figuier,
les tithymales , les laitues , &C. , lors-
qu'on fcpare les feuilles de la tige,
ou loiTque l'on coupe la tige , laif-
feut fuinter une liqueur blanche ,
femblable, pour la couleur l?c pour la
conliftance , au lait des animaux -, d'au-
tres plantes fournifTent un lait jau-
ne, ^'c. ; en général, ces efpcces de
lait font acres & cauftiques.
LAITERIE. Lieu defiiné à len-
fermér le lait des vaches, des chèvres,
des brebis , &c. , où l'on fut la
crème, le beurre, les fromages , &c.
Dans les pays où l'on fait beau-
coup de beurre Se de fromage , le
choix de l'emplacement d'une bon-
ne laiterie eft au(Ti important que
celui d'une bonne cavi: ( Foye'^ ce
mot) dans les grands pays de vigno-
bles pour y conferver le vinj fans
l'une & l'autre , on ne peut efpcrer
aucune perfeftion dans ces deux gen-
res. C'efl: à la quahté du local de la
laiterie que font dues les qualités
fi différentes des crèmes renommées
de Blois , des petits fromages d'An-
gelot en Normandie , de Roquefort
fur les confins du Rouersue Se du Lan-
guedoc , de Sallenage , &c. ( ^oye^
ce qui a été dit en parlant de ces
fromages , ôc à. l'article Beurre. )
Il eft démontré que la meilleure lai-
terie eft celle où les variations de
l'atmolphère font peu fenlrbles ; ce
n'eft pas tout , la laiterie doit être
éloignée de tout fumier, de tout en-
droit infeéle, & tenue dans la plus
rigoureufe propreté.
On aura rarement une boniie lai-
terie li on la place au niveau du fol>
LAI Ï05
Ci la porte par laquelle on y entre
donne à l'extérieur; fi l'eau néceiïaire
au lavage , ou l'eau des laits n'a pas
un endroit pour s'écouler au loin, ou
dans un puits perdu, ou puifard , Sc
fur-tout fi cepuifatd exhale une mau-
vaife odeut.
Tout ouvrage en bois , &: même les
vaifTeaux de bois , doivent être bannis
du fervice de la laiterie; on a beau
les laver avec foin , ils contradtent à.
la longue une odeur aigre qui fe
communique au lait. Il eft important
que des fabots, ou telles autres chauf-
fures à femelles en bois, foient auprès
de la poite d'entiée en nombre pio-
poitionné à celui des perfonnes em-
ployées au fervice de la laiterie; elles
doivent quitter ces chaulfures en for-
tant , & prendre celles qu'elles avoienc
auparavant.
Une bonne laiterie doit être fouter-
raine, voûtée, carrelée avec un niveau
de pente deftiné à l'écoulement des
eaux. Quelques foupiraux , dirigés
vers le nord, ferviront à établir un
courant d'air frais , qui dillipera l'hu-
midité. Ces foupitanx feront fermés
pendant les grandes gelées, pendant
les grandes chaleurs, tant que le foleil
eft fur l'horifon , & fur- tout lorfque
l'on craint quelqu'orage. Il eft inutile
de dite que le pavé doit être balayé
autant de fois par jour que le befoin
l'exigera, qu'on ne doit laifter aucune
ordure fe former dans les foupiraux,
contre les murs , contre la voûte , 6cc. ,
en un mot qu'il faut la plus fcriipuleufe
propreté. Tout autour de la laiterie
feront conftruites des banquettes ea
maçonneiie , & recouveites par des-
dales ou pierres platces polies , ou de
grands carreaux , le tout jointe exac-
tement, & chaque joint revêtu de
ciment, afin que le coup de. balai ea
zo<; LAI
enlève fans peine jiifqu'l la plus lé-
gère malpropreté. Que de leifteurs
traiteiont de minuties ces précau-
tions, cette continuité de vigilance
& de foins î Je leur répondiai : la
coutume une fois bien établie dans
l'intérieur de votre métairie, fe con-
tinuera fans peine fi vous veillez à
fon exécution. Si le propriétaire com-
pare enfuite la crème, le beurre, le
fromage qu'il fabriquera dans une
bonne laiterie, avec la qualité des pro-
duits qu'il retiroit auparavant, il lera
forcé de convenir que la perteélion
tient à de très-petits détails, êc qui
ne fout ni plus coûteux , ni plus
gènans que ceux qu'ils remplacent.
Li meilleure laiterie, je le répète,
eu. celle qui efl: fraîche fans être
humide , celle où la température de
l'air varie le moins, enfin celle qui
eft moins fujette aux imprelîîons
fuccellives de pelanteur ou de légè-
reté de l'atmofphère. J'ai dit plus
haut qu'on devoir profcrire l'ufige
des vaiifeaux de bois deftinés à conte-
nir le lait : cette profcription eft jufte,
mais trop générale, parce que dans
beaucoup de nos provinces, il n'eftpas
facile de fe procurer des vailfeaux de
faïence ou de rerre vernlifée \ lorf-
qu'on le peut, on doit les préférer à
tous égards ; ils ne s'imprégnenc pas,
comme le bois , de l'odeur aigre , & il
eft plus facile de les laver & de les
tenir propres : fraîcheur Se propreté
recherchées , font les deux grands con-
fervateurs du lair, de la crème, du
beurre & du fromage. Le nombre des
terrines ou vailTeaux de terre ver-
nilféejdoit ètreproporrionné aux be-
foins du fervice journalier , & il con-
vient d'avoir plulieurs terrines de ré-
ferve,ahn de fuppléer celles que l'on
cafle , ou dont le vernis fe détache.
L A I
Lorfiue l'argile cuite , qui fait le
corps de ces vaiifeaux , fe trouve à
nud , car le vernis n'en eft que la
couverte rrès- mince, elle s'imprègne
d'un goût & d'une odeur a igre,& dans
cet état elle vaut moins que les vaif-
feai:x de bois.
Quelques auteurs ont confeillé
l'ufage des vailfeaux d'étaim ou de
plomb , comme moins difpendieux
que les premiers. A p.irité,ils ieront
plus chers que des vailfeaux de terre
vernilfésj mais comme ils dureront
beaucoup plus, à la longue la parité
de dépenfe deviendra égale. Je regarde
cependant l'ufage des vailfeaux de
plomb & d'éraim comme dangereux,
&: bien plus encore celui des vailfeaux
en cuivre. On fait que le lait contient
un acide, mafqué,à la vérité, quand
il eftnouvellement tiré j que cet acide
fe manifefte aifément , & qu'il eft
ttès-fenlible dans le petit-lait. Cet
acide agit fur le plomb & fur le perit-
lait , change en chaux les parties
qu'il corrode \ enfin , l'expérience a
prouvé combien cette chaux étoit dan-
gereufe j comment elle occafionnoit
la terrible maladie appellée colique
d^s peintres. On dira que cette chaux
eft un inhnimenr périt j mais rous
ces infiniment petits accumulés de
jour en jour dans le corps, forment
une ma (Te qui produit des effets fu-
neftes & certains , quoique lents.
Une chétive économie l'emporte ici
fur la fantéiSc fur la vie des ciroyens.
Quanr au cuivre , il eft inutile d'in-
fifter fut cet article ; perfonne n'ignore
avec quelle facilité il fe convertit en
verd-de-gris. Se combien il eft dan-
gereux. Les vailTeaux d'une laiterie
doivenr être larges & peu profonds j
on retire une plus grande quanriré de
crème de ceux-ci , que lorfqu'ils onc
V
L A I
plus de profondeur : c'efl: un point de
tm flicile à vériher.
Après avoir pafTé par le tamis , ou
par un linge ferié , le lait qu'on vient
de traire , on le porte à la laiterie,
pour le vuiJer dans les terrines pla-
cées lut les hauteurs d'appui dont
on a parlé, ou par- terre fur le fol
carrelé. Le peu de profondeur du
vaifleau lui fera perdre plus facile-
ment la chaleur qui lui aura été
communiquée par le lart , £>: la
crème montera plus vite. L'afuerî-
fîon de la crème dépend de la f.iifon
& du climat : huit à drx heures lui
fufïîfent ordinairement. Si on la lève
trop tôt , on en perd beaucoup qui
refte mêlée avec le lait; trop tard,
elle commence à travailler , & le
beurre en efE moins bon j & plus
fort au goût. Plus la crème eft nou-
velle, meilleur eft le beurre. ( Foye^
ce qui a été dit au mot Beurre, fur
la manière de le faire. )
LAlTRON DOUX ou ÉPINEUX.
{[ f^oye:;^ planche IV ^ f^ë^ '^- )
Tournefort le place dans la première
fcétion de la treizième clalle des
herbes à fleurs à demi-fleurons, dont
les femences font aigretées , & l'ap-
pelle fonchus /itvis j lacïniatus j la-
tifolius. Von Linné le nomme fon-
chus oleraccus , & le clafle dans la
fîngérréfie polygamie égale.
Fleur à demi-fleurons , ordinaire-
ment jaunes , quelques fois blancs ,
hermaphrodites. B repréfente le demi-
fleuron ; C , le filet qui fort du demi»
fleuron ^ D , le fruit fur lequel il
porte j E , le placenta montré .à dé-
couvert dans le calice fur lequel il
porte. Les écailles du calice font li-
néaires , inégales , lifles & placées
L A I
107
en recouvremer.t les unes fur les
aunes.
Fruit. Semences folitaires, un peu
oblongues , couronnées d'une aigiette
fimple \ le réceptacle eft nud.
FeuUle. Sans pétiole , embralTanc
la tige par la bafe, plus large que le
refte de la feuille , terminée en pointe y,
& qui eft plus ou moins découpée,,
&: épineufe fuivant les variétés.
Racine A. grêle, longue, hbreufe»,
blanche.
Port. Tige creufe , haute d'un à
deux pieds , cannelée , rameufe ,.
pleine d'un fuc laiteux & blanc; les
fleurs naiftent au fommet , foutenues
d'un péduncule velu ; les feuilles al-
ternativement placées fur les tiges^
Lieux. 7 rès commun dans les fols
cultivés , dans les bons terreins , le
long des chemins ; la plante eft an-
nuelle , (Je fleurir pendant tout l'été.
Lorfque la plante végète dans un fol
riche & travaillé, elle perd fes épines.
Propriétés. Cette plante a un goûc
amer. Elle eft raftraîchiffante , apé-
ritive , adoucilfante. Son plus grand
ufage eft en décodion pour les ca-
taplafmes. Comme elle devient pa-
rafue dans nos champs , qu'elle s'y
multiplie beaucoup , il faut l'arra-
cher & la détruire, fcparer la partie
fijpérieure de celle qui eft terreufe ,
6: la porter dans le latelierdes bœufs ,
des vaches , des cochons. C'eft une
très-bonne nouruture pour ces ani-
maux. Quelques auteurs ont piétendu:
que l'infiifion ou la détoétion de
cette plante augmentoic le lait des-
nourrices , mais c'eft une erreur.
LAITUE SAUVAGE. ( Voye-^ plar:-
che IV 3 page izi. ) Tournefort &.
Von Linné la placent dans la même;
claiïe que la plante précédente. Le;
îoS LAI
premier la nomme laciuca Jîlvejlrls
cofla fpïnofa , & le fécond lacluca.
virofa.
Fleur B. Offre un des demi- fleu-
rons dont la fleur rorale eftcompofc-e.
Ces demi - fleurons hermaphrodites
repofent fur un réceptacle nud , au
tond d'une enveloppe commune ,
repréfentée en D. Le piftil C oc-
cupe le centre du tube ^ il eft com-
pofé d'un ovaire , d'un ftile , dont
la longueur égaie celle du tube ,
comme on le voit en B, & de deux
ftigmates recourbés en arc.
Fruit £. Succède à chaque demi-
fleuron j l'aigrette qui le couronne
eft foutenue par un pédicule allez
long, qui adhère à la femence, fans
faire corps avec elle. Les femences
F font reprélentées dépouillées de
leurs aigrettes j elles font ovales ,
comprimées & pointues.
Feuilles. Oblongues , étroites , gar-
aiies de poils , armées d'épines le long
de leur côte qui eft blanchâtre. 11 y a
une variété, à feuilles très-découpées.
Racine A. Plus courte , plus pe-
tite que celle des laitues cultivées.
Port. Tige rameufe , blanchâtre,
plus grêle , plus sèche que celle de
la laitue cultivée , fouvent épineufe ;
les fleurs fontraflemblées aufommet,
&: les feuilles alternativement placées
fur les nges.
Lieu. Le bord des chemins , les
murailles j fleurit en mai ou juin,
fuivant les climats. La plante eft an-
jiuelle.
Propriété'. Elle eft très-Iaiteufe , un
peu amère , plus apéritive & plus dé-
terfive que la laitue cultivée, & fes
propriétés font les mêmes. Je vais
îes décf ire , afin de ne pas y revenir lorf-
que je traiterai des laitues cultivées.
J^s feuilles appaifeni la foif fébrile.
L A I
dit M. Vîtet, la foif occafionnée par
de violens exercices j elles tempèrent
la chaleur de tout le corps , particu-
lièrement des inteftins, des voies uri-
naires (?>;• des ardeurs d'urine. Les
feuilles apprêtées en falade , offrent
une nourriture agréable, raffraichif-
fmte &L capable de s'oppofer à la ten-
dance des humeurs vers la putridité.
Les cataplafmes de laitues cuites font
très-èmolliens. L'eau diftillée de la
plante, que l'on conferve & que l'on
vend dans les boutiques , n'a pas
plus d'efficacité que l'eau fimple de
rivière ou de fontaine.
Un métayer économe fait raffem-
bler avec foin les feuilles de laitues
qu'on enlève , en nettoyant la plante
deftmée à devenir fon aliment & celui
des valets de la métairie. Il arrofe ces
feuilles avec un peu de vinaigre, les
faupoudre légèrement de fel , & les
donne, pendant les grandes chaleurs,
à fes bœufs & à fes chevaux qui en
font ttès-friands. 11 peut encore y
ajouter de l'huile ; cette préparation
réveille l'appétir de ces animaux, les
lafFraîchit & prévient la putridité,
CHAPITRE PREMIER.
Des laitues cultivées.
Le nombre des variétés de cette
plante eft prodigieux & s'accroît
chaque jour , parce que les laitues
ne lonr point des efpèces premières,
mais des efpèces jardinières, ( Voye-:ç^
ce mot ) fufceptibles de perfection
ou de détérioration , fuivant le cli-
mat , le fol & la culture qu'on leur
donne. La plus grande partie eft
compofée d'eipèces hybrides. ( Foye:^^
ce mot , ) & leur mélange tient
à d'autres mélanges antérieurs des
éuimines, ( Foye:^ ce mot. ) Ainfi ,
plus
L A I
pins on ira & plus on multipliera
encore les efpèces jardinières , fur-
tour Il on n'a pas le plus grand foin
de planter à part, ôc dans des planches
éloignées ,. chaque efpèce jardinière.
Je crois c]Lie l'on pourroit avancer,
fans commettre une hcréfie botani-
que , que la laitue fauvage eft le
type premier des laitues cultivées,
6c qu'elle doivent leur perteélion
fimplement à la culture. Les bota-
niftes , Von Linné , par exemple,
qui eft celui qui a réduit les efpèces
à un plus petit nombre, diftingue la
laitue cultivée par fes feuilles arron-
dies , & par fes Beurs dilpofées en
corymbe , tandis que celles de la
laitue fauvage font pointues &c pref-
que placées horifontalement. Je de-
mande fi ces caraélères font allez conf-
tans , & s'ils fuffifent pour déterminer
les efpèces. On n'étudie point alFez
la dégénérefcence de nos efpèces jar-
dinières. On va en juger. Sur un mur
fort épais , le vent ou les oifeaux por-
tèrent une graine de laitue pommée j
elle y végéta , produifit une plante,
6c des fleurs, dont la graine venue en
maturité fe fema d'elle - même fur
ce mur. Afin d'empêcher les oifeaux
& fur - tout les chardonnerets , qui
en font très-friands , de la dévorer ,
j'aidai la chute de la graine , déjà
beaucoup plus petite que celle de
la première , & je la fis recouvrir de
terre à la hauteur de deux ou trois
lignes. L'année fuivante , nouvelles
plantes, fleurs , graines, & la même
opération ; mais à cette féconde an-
née toutes les parties de la plante
ctoient finguhèrement dégénérées j &
la fécherelfe y contribua beaucoup ;
enfin , à la troifième année , les feuilles
s'allongèrent , devinrent pointues &
chargées de cils ou poils très-appro-
Tome FL
LAI Î09
chans de ceux de la laitue fauvaee ;
les feuilles perditent leur forme de
coquille ou de nacelle , devinrent
plates &c prefque hotifontales. Je ne
fçais ce qu'il en fera cette année. Ce
fait eft de peu d'importance pour le
cultivateur ou pour le jardinier j mais
je le rapporte afin de mettre les ama-
teurs dans le cas d'étudier & de fuivre
le perteétionnement i^ la dégénéref-
fence des efpèces jardinières.
Je ne puis décidément affurer
de quelle elpèce pommée étoit la
graine qui a produit la laitue donc
je viens de parler , parce que le lieu
où elle végéta, & la chaleur du pays
lui firent bientôt perdre fa forme.
Cependanr je crois qu'elle apparte-
noit à la Gênes,
Les botaniftes réduifent .à une
ïeule efpèce la laitue cultivée des jar-
dins , qu'ils appellent lacluca fativa y
& ils regardent comme de fimples
variétés les laitues pommées & les
laitues crépues. Ils ont raifon dans le
fond , puifque fi leur culture eft né-
gligée pendant plufieurs années de
fuite, & fi le fol eft mauvais, elles dé-
généreront & redeviendront ce qu'elles
étoient dans leur première origine.
Leur perfeébionnement eft donc l'ou-
vrage de l'induftrie, de la patience,
des foins, dufoleil & du climat. On
peut s'allurer de ce fait en Hollande,
où les laitues font monftrueufes pour
la grofleur , &: prefque toutes les ef-
pèces de pommées , beaucoup plus
grolfes qu'en France.
On ne connoît pas le pays natal
d'où on a tiré la première laitue des
jardins ^ ce qui me porte encore à
penfer que fon véritable type eft la
laitue fauvage, que j'ai décrite 8c
fait graver exprès. Au furplus , je
propofc cette idée comme un fimple
Dd
/
2!5 I A 1
problème à réfoudre. Ce qu'il y a de
conftaiu, c'ell que la graine des lai-
tues , traiifpurcce dans les qu.itre
parties du monde , y réulHt très-bien ,
ik que même certaines efpèces s'y
perfectionnent. L'expérience prouve
que les unes réiiffiirent mieux que les
autres, fuivant les climats de notre
royaume. La vraie richelfe du culti-
vateur confifte aies connoître &àchoi-
fn les nîeilleures Se celles qui exigent
le moins de foin. L'amateur , au
contraire , aime le nombre Se la di-
verfiié'j il peur contenter fon goût ,
cat aucune phnte des jardins n'a plus
muuiplié fes efpèces jardinières que
la laitue.
On peut divifer ces efpèces fuivant
le temps où elles doivent être femées ,
parconfcquenten laitues d'hiver, & en
laitues d "été. Le fécond çrenre de divi-
fion , eft dé partir des efpèces pre-
mières , & déplacer enfuite celles qui
s'en rapprochent. Cette méthode feroic
plus curieufe qu'utile , Se lallferoit
beaucoup d'incertitude lut la filiation
de ces' efpèces. Enfin j la troilîcme ,
qui eft à préférer, ellladivillon lunple
en laitues pommées Se en laitues à
longues feuilles ou chicons , vulgaire-
ment appcllées laitues romaines.
Section première.
Des laitues pommées.
Il cft difficile d'établir un ordre
bien méthodique pour clailer les lai-
tues ; cependant les voici rappro-
chées par leur, couleur. La lettre B
indique que la graine eft blanche ;
LAI
la couleur noire de la graine eft dé-
lignée par une N.
Laitues pommées ci'un verd foncé.
Impériale ou laitue d'Autriche ^
ou grolle allemande B .... La co-
caireB...La Verfailles B. . . Pomme
de Berlin N . . . Grcfie rouge N . .'. .
jeune rouge ou petite rci'ge N . . . Co-
quille N . . . Pafùon B . . .
Laitues blondes ou mouchetées de jaune,
GrofTe blonde B . . . George blonde
B . . . Bapaume N . . . Gènes blonde
B. . . Italie N . . . Hollande ou laitue
brune N . . . Parefleufe B . . . Royale
B . . . Perpignane B . . . Petite crèps
ou petite noire N . . . Grofïe crêpe
ou crêpe blanche B . . . Aubervilliers
B . . . Gotte B . . . Dauphine N . ..,
Ba^nolet B . . . La villée N.
Laitues flagellées ou tachées de rouge.
Sanguine ou flagellée N . . . Berg-
op-zoom . . . N . . . Palatine N . .
Sans-pareille B . . . LamoufTeronneB.
Laitues curïeufes.
Frifée à feuille de chicorée N . . ;
Laitue-épinardB. .Laitue-épinardN.
Laitues allongées ou chicons.
Romaine rouge N . . . Romaine fla-
gellée N . . . Chicon vert N . . . Chi-
ccn gris B . . . Chicon blanc B . . .
Chicon hatif B . . . Alfange B.
VuTipériale ou laitue d'Autriche ou
gro[Je allemande Lacluca am-
plijjimo folio glabro pallide viridi _,
capite flavo maximo , femine alho (i).
( 1 ) x{ote de l'Editeur. Je prcvicns que ces citations latircs font emprontce? de lOuvrcge
înticuîc Je Aourfcu Laquintiiùe , & £]ue je vais me fctvir de cet Ouvrage & de celui
intitule -Éco/^ du jard'm potager, peur déciuc Ja cuituic dcs Isjtucs dans nos provinces du
sati, trÈs-difrércncc de celle du midi,
L A î
r.I. Defcombes l'appelle la reine ^es
laitues : elle mérite ce nom par fa
groireur monftrueufe , fur-roiit en
Hollande; fa pomme eft tfès-ferice ,
&c fa faveur eft douce & fucrce lorf-
que le terrein Se le climat lui con-
viennent. Dans les provinces du nonl
elle demande à êtrefemce de botme-
heure & fur couche , fi on veut en
recueillir la graine qui eft blanche ,
en forme de navette, hllonnée, poin-
tue à fon extrémité , & légèrement
tronquée à fa bafe. Cette laitue relie
longtemps à faire fa pomme , tl^;
monte très-difficilement. On peut la
replanter jufqu'à la fin de juillet dans
les provinces méridionales ; après ce
temps elle ne pomme plus", &: dans
celles du nord , le commencement
de juin eft la dernière époque de la
replanration. Les premières feuilles
batTes & extérieures de cette laitue
font très-grandes, lifles, d'un vcrd
pâle & terne, & fouvent il fort de
leurs ailTelles des drageons qu'il faut
tetrancher. Sa pomme eft de couleur
jaune , & le véritable temps de la
manger eft le printemps. On la re-
plante à quatorze ou quinze pouces
de diftance , en tout fens. Pendant
les grandes chaleurs i\ on arrofe trop
jouvcnt, la plante fe fond. Déroutes
ks efpèces de laitues j c'eft celle que
l'on doit préférer dans les provinces
méridionales , parce qu'elle craint
moins la fécherede que les autres ,
&c fur-tout parce qu'elle monte diffi-
cilement (i).
L A I -.11
I.a îahue cocajfc . . . Lacluca mulà
folia c viridi fub rufefcenie , tumide
cnfpatiij cap'ue majore jfcmine allwr
Sa graine eft blanche, plus alongée,
plus poinrue que celle de la -précé-'
dente , ^ fes filions moins caraclé-^
rifés. Elle aime un terrein léger, fubf-
tantiel & bien terrauté, & beaucoup
d'arrofemens. Elle eft un peu amère <
<?c médiocrement tendre ; cependant
les jardiniers paroiffent la préférer K
toute autre pour l'été, parce que fe
ponnne eft grofle & fe foutient long-
temps en cet état avant de monter
en graine ; il faut même fendre la
pomme afin que la tige s'élance d'en-
tre les feuilles découpées , fieurilTe 5c
graine. Ses feuilles extérieures font
de couleur verre - fincée , luifantes
& très-cloquetées. Si on la feme ert
août elle pafle rrès-bien l'hiver eu
pleine rerre , fur- tout dans les pro-
vinces méridionales. Elle réufllt mal
dans les terreins forts & tenaces.
Dans les provinces du nord , fi oi*.
veut en avoir la graine , on doit l'é-
lever fur couche.
Laver faïlks paroîtêtre, au rapport
de l'auteur du nouveau la Quintinie,
une variété de la cocalTe ; elle eft , .
ûjoute-t-il , de même grandeur & à-
peu-près de même qualité; la tête
eft un peu applatie, moins anière ^
moins garnie de Veuilles , fe foute-
nant auffi long-temps dans les cha*
leurs, <?c montanr aulli difficilement
en graines; elle eft blanche. Ses feuilles
font d'un verd plus clair fans mélange-
( I ) Lorfque j'indique une époque, par exemple, un moi? pour femer , c'eft en c;cncr?I;
5e l'ai dcj.i dit & je le répète, il n'cfl pi'i pofiible d'établir une loi invariable; chacun doit
faire dcsciTais, étudier (on climar , fa pofition; enfin, pour avoir une certitude, femer le*
mêmes jrraines à chaque i-.'ois de l'année, H obf;rver attentivement li jiianière d'être de-
raimofphèrc. A la fin ce février ou au commencement du mois de mars, on doit fcàicr
da.!S les provinces d'j midi toutes les laitues d'été,
Ddi
xiz LAI LAI
de roux. Elle demande le même terrein une des trois plus grolTes. Ses feuilles
de la même culture; elle liipporte un peu alongées font très - frilces ,
mieux les forces gelées. M. Def- très - grandes , d'un verd très- clair,
combes , auteur très-eftimé de Véco/e prefque btend , un peu teintes de
du Jardin potager , regarde la ver- rouge fur les bords qui font très-
failles comme une efpèce bien dif- dentelés ou légèrement découpés. Sa
férente de la cocaffe. La feuille de la graine eft blanche. Il faut la placer i
premièie eft d'un verd plus clair fans quinze ou feize pouces de diftance.
aucune teinte de roulTeur ; fa pomme Elle a une variété qu'on nomme /ai-
plus applatie ; fes feuilles moins en- tue-choux de Batavia , ou mieux ta-
taflees les unes fut les autres. Sans tavia hrune , qui n'en diffère que par
vouloir décicier la qucftion , je crois fa couleur de verd- foncé. Elle eft ex-
qu'on doit la regarder comme une va- cellente , elle s'accommode de tous
riété de la précéi'e.ite , & que le fol , la les terreins , pomme mieux Se eft plus
culture, l'expufition & (oiwcntïky- fetme. Elle mérite la préférence fur la
brïdiché des femences , ( l'^oye-^ ce batavia & fur la plupart des laitues,
mot 3 ) doivent fingulièrement mé- M. Defcombes , dans l'Ecole du
tamorphofer les ^/)icej. jardinières, jardin potager , dit que la première
( yoye:[ te mot. ) Il faut la femet eft grofle comme un petit choux. Il
en février dans les provinces du midi, a été affez heureux fans doute pour
laitue batavia oulaitue de Siléjie..., trouver le terrein qui lui convient.
Lacluca amphjjimo folio crifpo j Ute Elle réuflît très- bien dans le climat
viridi 3 per lymhos rubefcente , capite que j'habite. 11 faut la femet dans le
maxime j femine albo. ' Dans les pro- mois de janvier , derrière un bon abri,
vinces du midi , on donne mal-à- La laitue-pomme de Berlin ....
propos le nom àt filéjie i la laitue Lacluca ampUjfimo folio dilutè viridi ^
fanguine. Ce n'eft pas celle dont il per lymhos fub rufefcente j capite
s'agit dans cet article. Voici ce que maximo j, femine nigro. On peut la
l'eftimable auteur de la nouvelle wrti- regarder comme inconnue dans les
fon rujlique dit de cette efpèce. Cette provinces du midi, & on ne la trouve
laitue, pour laquelle on n'a pas encore que chez les amateurs. On doit la
ttouvé de teirci.n propre , demande femer dès les premiers jours de jan-
àêtrefouvent& abondamment mouil- vier , afin de l'avoir dans fa perfec-
Ice le foir & le matin , & jamnis tion au printemps , parce qu'elle
dans les heures de la grande chaleur, monte facilement. De toutes les lai-
Elle pomme rarement après le mois tues , c'eft la plus volumineufe quand
d'août , parce que les faifons fraîches elle fe trouve dans un fol convenable.
lui font contraires. Quoique fa pom- Sa pomme n'eft jamais bien ferrée,
me, qui fe forme en deux mois & mais elle blanchit très-bien. Elle eft
demi, ne foit pas très - pleine , ni douce, tendre & caiTante; un verd
très-blanche , & qu'elle foit un peu tendre coloie fes feuilles , & de lé-
amère quand elle a cru dans les terres gères teintes de rouge décorent leurs
fortes, elle eft fi tendre, fi cafl'ante, bords. Sa graine eft noire, ou plutôt
fi délicate, qu'elle peur pafter pour d'un brun-foncé , petite, pointue par
une des meilleures laitues. Elle eft les deux bouts, mais beaucoup plus
LAI
par le fupérieur. Dans les provinces
du nord on peut la cueillir au prin-
temps & en ancômne.
Laitue grojfe rouge .... Laciuca
rotundifolia nlgra vïrïili atro-rubente
colore ohfoUta , majore capite aureo j
fernine nigro. Sa graine noire, renem-
ble beaucoup à la précédente j ce-
pendant elle eft un peu plus étroite ,
plus alongée (?c un peu moins grolFe.
Il faut convenir que les exprellions
manquent lorfqu'il s'agit de décrire &
de fpécilier des différences fenliblesà
l'œil armé d'une loupe , & qu'il eft
très-diffi.ile d'alTigner àlavuefunple j
c'eft pourquoi le cultivateur doit eue
très-attentif à mettre des étiquettes
fixes fur les graines qu'il renferme.
La moindre confufion le met dans
l'impollibilité de reconnoître les ef-
pèces d'une manière pofitive.
Elle fe plaît dans les terreins gras
& fertiles , y pomme très-bien &; y
dure longtemps. Si le fol ne lui con-
vient pas, c'ell-à-dire, s'il eft maigre,
fabloneux jclle eft dure Scréuftit mal.
Elle demande , dans les provinces du
midi , à être femée en février. Sa fe-
mence eft noire , fes feuilles arron-
dies j très-peu frifées , d'un verd rem-
bruni , d'un gros rouge. Sa pomme eft
grolfe, d'un jaune orangé & tendre.
Cette laitue demande à être multi-
pliée dans les provinces du midi ,
elle eft cependant regardée par - tout
comme une des meilleures.
Jeune rouge oa petite rouge. Laciuca
rotundijoha dilute viridis e rubro va-
ria yflavo capite parvo , Jemine nigro.
A femer en lévrier ou plus tard dans les
provinces du midi , & fe cueille au
printemps, & en automne dans celle
du nord , ou l'on doit l'avancer par le
fecours des couches , attendu qu'elle
LAI ii3
pomme lentement , & refte long-
temps dans cet état avant de monter.
Elle eft douce & tendre, jaune dans
le cœur. Les feuilles extérieures font
d'un verd rendre , fouettées de rouge ,
rondes, & prelqu'unies. Sa graine eft
noire.
Laitue coquille. Laciuca rotundi-
folia è viridi fuhflava , capite parvo j
femme alho. De toutes les laitues ,
celle-ci réfifte le mieux aux rigueurs
de l'hiver, ainfique la fuivante. C'eft
un mérite, j'en conviens, mais il eft
bien diminué par fa qualité dure &
amcre : comme tous les jardiniers
n'ont pas la facilité ou les moyens de
fe procurer des couches , des cloches ,
&:c. elle ne doit pas être rejetée.
Dans les provinces du midi elle de-
mande à être femée en janvier , &
dans celles du nord , dans le cou-
rant du mois d'août , afin de la re-
planter en oélobre, derrière de bons
abris. Sa pomme eft petite, fes feuilles
un peu jaunes , bien arrondies , gran-
des , peu frifées j unies par leur bord ;
la graine eft blanche. Il y a une va-
riété de celle-ci qui ne diffère que
par la graine qui eft noire.
Laitue-paffion, Laciuca folio crifpo
viridi j capite parvo j fernine albo.
Même mérire & mêmes défauts que
la précédente ; fa pomme un peu
moindre dans le nord, plus grolFe au
midi. Sa feuille verte , cloquetée j
fa graine blanche.
Groffe blonde .... Laciuca flava ,
capite majore , fernine albo. Son nom
indique fa couleur & fon volume. Sa
feui lie eft grande, très-cloquetée, unie
p.ir les bords. Sa tête fe forme promp-
tement, elle eft affez ferrée, & dure
peu, parce qu'elle monte vite. Sa graine
eft blanche. Dans les provinces du
midi il faut la femer une des première?.
2 14 LAI
Dans le nord on la cueille au prin-
temps & à l'auromiie, S<. on la leme
À deux cpuques différentes. M. Thoin ,
da jardin du Roi, à Paris, a eu la bonté
de me faire parvenir une coliectioa
très-étendue de graines de laitues Se
de plulîeurs antres plantes potagères.
Je fuis charmé de trouver ici l'occalioa
de lui témoigner publiquement ma
reconnoillance. 11 s'eft trouvé dans le
nombre des paquets de laitue , un
intitulé : grojj'e blondi j de l'ifle de
Rhé. J'en ai femé la graine qui eft
noire j j'oie croire que les plantes qui
en font provenues , font une fimple
variété de la groflfe blonde ordinaire.
La gçorge - blonde . , . Lacluca è
v'iridi flava , paululùm crîfpa ^ capite
majore 3 fcmïm alho , exige d'être fe-
mée en janvier dans les provinces du
midi, parce qu'elle monte très-vîte
à l'approche des grandes chaleurs de
ces climats. On la cueille au prin-
temps , & en automne dans le ::ord.
Elle demande une rerre meuble &
fubltantiellc. Fouilles grandes , un
peu frifées , d un verd-blond , &
calfantes. Pomme grolle, ferrée, un
peu applatie \ fa graine blanche.
Quoique dans le nord on puilfe la
fcmer fur couche , elle ne pomme
que lorfqu'elle ctl; repiquée.
La grojj'e gcorge , bonne variété de
la précédente. Elle en diffère , en
ee que dans le nord on la feme fur
couche & lous cloche où elle pomme
très-bien. Elle ^inie l'air &c les frc-
quïns arrofeniens. Sa pomme efi un
peu plus grolîe que celle de lageorge-
blonde , (Se comme celle-ci, elle
monte facilement. Dans le midi, il
faut la fçmer comme la précédente.
La kapaumc. Laciuca fl^va j ca-
vité magno .tfcmiie n'igro. Sans doute
♦Infi nommée du lieu dont qu l'a ti-
LAI
rée, très- peu connue dans le mîdî ,'
finon par quelques amateuis. On l'y
feme en janvier, février & mars. On
rilque dans ce dernier mois de la voir
monter. Le grand mérite de cette
laitue pour le nord , eft de venir dans
toutes h s iiiifons. Feuilles blondes ;
pomme grolTe , un peu vuide au fom-
met, ferrée par le basj graine noire \
elle eft de médiocre qualité.
La gênes blonde. Lacluca è vlridi
flava j parvo capite alho leviter tur-
bïnato j femïne alho. Dans le midi
on la feme en janvier, ainfi que fes
deux variétés dont on parlera ci-après,
Feuille lilTe , blonde \ pomme blan-
che , pointue, de médiocre gtofteurj
fans amertume ; femence blanche j
monte facilement.
La gènes verte. Feuille verte , fri-
fée ; pomme dure & jaune , plus
groileque la précédente; graine blan-
che. Semée en janvier au midi, on
la cueille au printemps, & à l'au-
tomne au nord. Elle demande peu
d'eau 8c d'être fonvent ferfouie.
La gênes rouffe. Feuille frifée i
roufle, marquetée en brun ; pomme
jaune, tendre Z-c bien remplie j fe-
mence noire. Palfe fort bien l'hiver
au midi ^ où on la feme en août Se
en janvier \ réaflît dans toutes les fai-
fons dans le nord , excepté en été.
L' Italie . . . Lacluca tcnui fouo di'-
lutè viridi per lyir.kos ruhra , parvo
capite flavo ^ fetnine n'igro. Cette ef-
pèce eft tiès-avantageufe pour les pro-
vinces du midi , parce qu'elle exiee
peu d'eau peur les arrofemens. L»
fécond avanrage eft de ne pas êtr©
difficile pour le choix du terrein, &
defublifter longtemps pommée avant
de monter. On l'v feme au mois de
janvier. Elle réuiiit en toutes faifons
dans les provinces du nord. Feuil.k?
L A T
îines , unies fur Iti bords , colorées en
roage , u'uu verd tendre ; [:ioinme
ferrée j de médiocre grulfeur, jaune,
tendre , d'un goûc parfait j femence
noire. Il y a peu de meilleures laitues.
De 'Hollande ^ ou laitue brune . . .
Laciuca fufco vtridis j ma^no capïu
fiavo ^fcmine n:gro. On lui reproche
d'être un peu duie. Elle ell utile pour
les provinces ca midi où on la leme
en tévrier ; elle y louîieni allez bien
les chaieurs j pomme très-bien &
monte tard. F'/iiilles litles , unies ,
d'un verd-brim èc mat à l'extérieur.
Pomme grolièj terme 5 bien pleine
Se jaune j femence noire-
La parc£'euje . . . Laciuca multi fo-
lïa cnfpajaturè virldis , cap'uem.Tgno ;
femcii alkum ; maiurare p/gra. D'une
grande relfource dans les provinces
du midi. On lui donne le nom de
parelfeufe, parce qu'elle monte diffi-
cilement (?c tard. On l'y feme en fé-
vrier , elle réfifte très-bien aux chaleurs
& à la iécherelfe. Elle eft amcre &
un peu dure. Dans le nord on doit
l'avancer lur couclie , pour la faire
grainer. Feuilles unies fur les bords,
très -nombreufes , crifpées , les ex-
tétieures d'un p;ros verd ; pomme
groliè, t-erme, bien pleine j femence
blanche.
La royale . . . LaUuca pulchrè &
fplendidè viridis , ccpize magna , fc-
in'ine alho. Excellente laitue, prefque
inconnue au midi du royaume, doit y
ctre (emée en janvier : elle demande
beaucoup d'eau. Feuilles extérieures
d'un beau verd, un peu cloquctées &
luiiantes, plus blondes que celles de
l'italie j pomme bien formée, tendre,
douce , (Se dure longtemps j Itmence
blanche.
la perplgnane ou laitue à groJJ'es
■sôces. Laciuca piano Jolio viridi , crajfo
LAI ÎI5
pediculo 5 fiavo capite majors j fernine
alho. Originaire du pied des Pyren-
nées où elle réulîit très-bien , ainlî
que dans les autres provinces du
midi. On l'y ieme en janvier ; elle
craint les terreins humides , réfifte
aux chaleiu's & à la fécherelib, mûrit
difficilement dans les provinces du
nord , fi on n'aide les femences &
fi on ne les avance f)ar la couche. On
en diftingae deuxel'pèces, l'une verte
6c l'autre mouchetée de taches jau-
nes. La perpignane verte cfc facile à
diftmguer des autres laitues par fes
feuilles unies, liiies &; à srolîes côtes;
par fa pomme qui eft très-grolîe &
jaune, tendre & douce; fa graine eft
blanche ... La mouchetée de jaune eft
la variété de la première. La côte ds
fes feuilles eil un peu moins forte,
La petite crêpe ou pet te noire . . ,
Laciuca crlfpa è viridi fujjlava , ca~
pite minimo i [cmine nigro. Dans les
provinces du midi on peut la fcmer
en janvier, février (?c mars. Les der-
nières femées courent grand rifque de
monter, li les chaleurs fonr précoces;
mais cette laitue paile très-bien l'hi-
ver. Dans le nord elle n'efl: réellement
bonne à cueillir qu'au pnntemps; car
cellecjui vient fur couche pendant l'hi-
ver, n'a prefqu'aucun goûr. C'eft waQ
très-petite laitue .1 feuilles d'an verd-
jaunâtre, frifées, dentelées iSc arron-
'dies; pomme petite; femence noire.
Dans le nordon lalemeaumoisd'aoùc
en pleine terre c^ contre des abris ;
au commencement d'ocftobre fut cou-
che; enfin , également fur couche em
décembre jufqu'en mars.
La gro[lc crêpe ... eft une variera
delà précédente, mais une variété
perfc'étionnée; fa pomme a prefque !e
double de grolTeur. Il y a encore une
variété de (rcpe , appeUctj U ronde ^
iiô LAI
ou crêpe blanche , ou prlntanlère , ou
courte , don: la pomme eft un peu plus
grolTe que celles des deux précéden-
tes. Feuille blonde , prefque lilTe. On
préfère celle-ci pour mettre fous clo-
che j elle a peu befoin d'ràr j &
elle monte facilement en graine.
On choifit par préférence la graine
de la première & de la féconde crêpe
pour les petites laitues à couper : pom-
mées dans les provinces de l'intérieur
du royaume. Salade de carême , dont
on entoure le thon &i le faumon.
Laubervilliers , inconnue dans les
provinces du midi. Très-petite lai-
tue , fes feuilles bafles , liffes , d'un
gros verd ; fa pomme très-petite ,
jaune & fort tendre 5 fa graine blan-
che. Elle réulîk très-bien dans le nord
pendant le printemps & dans Tété 5 fa
pomme fe foutient alfez long-temps.
La gotte , caraétérifée par fa graine
blanche & fort courte \ c'eft une des
meilleures à femer fous challis dans
le nord , depuis octobre jufqu'en fé-
vrier ; les moindres chaleurs la font
monter : inconnue au midi de la
France.
La dauphine ou laitue princanlère ,
& une des meilleures laitues. On la
reconnoît aifément aux drageons qui
s'élancent d'entre les ailTelles de fes
baffes feuilles , & qu'on doit févére-
ment retrancher. Elle demande beau-
coup d'eau & fouvent, & réulfit dans
toute forte de fols . . . Elle eft hâtive,
groile ; fa pomme plate , ferrée ; fa
femence noire j inconnue dans les
provinces du midi. On devroit l'y
femer à la fin de décembre ou au
commencement de janvier.
La fanguine ou la flagellée. Très-
agréable pour la vue, pas aullî recher-
chée pour le goût. Feuilles unies par
leuts bords , d'un gros verd , tiquetées
L A I
ou fîllonnées par des veines rouges ,'
& quelquefois entièrement rouges.
Le coeur eft blond , veiné d'un beau
rouge j fa pomme de médiocre grof-
feur ; fa femence noire. Il y a une
variété à femence blanche, dont tou-
tes les couleurs font plus claires. Elle
monte dès qu'elle fent les fortescha-
leurs, & ne réuftit qu'au printemps.
Elle demande une terre douce , & doit
être femée en décembre & janvier
dans les provinces du midi.
La herg-op-^oom , peu connue an
midi de la France , où elle réuflîroïc
bien , parce qu'elle vient vite, monte
difficilement , & ne craint pas l'hiver.
Feuilles rondes, unies par le bord,
d'un verd-brun, fortement lavées de
rouge- brun fur tous les endroits frap-
pés du foleil; pomme petite, ferme,
bien arrondie j femence noire.
La palatine difïere de la précédente
par fes teintes de touge moins fortes ,
& par fa pomme un tiers plus groife.
La fans-pareille , feuilles d'un verd
très-clair tirant fur le blond , fine-
ment dentelées , lavées de rouge fut
les bords \ de moyenne groffeurj fe-
mence blanche.
La moujferonne. Feuilles très-fri-
fées, crifpées , dentelées , d'un verd-
clair , fortement teintes de rouge fur
les bords ; pomme petite & tendre j
femence blanche.
Laitue frifée à feuille de ckicoree.
Je l'ai femée , je ne la connois pas
encore : fa graine eft noire.
Laitue - epinard. Il y en a deux
efpèces , l'une à graine blanche &
l'autre à graine noire. L'une &
l'autre ont les feuilles lâches , peu fer-
rées , peu cloquées, arrondies; pouf-
fent des drageons entre les aiftelles
des feuilles. Elles font peu volumi-
neufes. On ne conferve ces efpèces
daas
LAI
dans le nord que par fimple ciuiofité,
ou comme laitues à couper , parce
qu'en auromne on en a beaucoup
d'autres. 11 n'en eft pas ainfi dans les
provinces du midi , j'avoue qu'elles
me font grand plailîr après la Touf-
fainc & au premier prnitemps ^ j'ai
alors une efpèce qui a l'air de petite
laitue pommée, ou plutôt qui com-
mence à faire fa pomme : elle eft
affez agréable ; on l'appelle laitue
épinardj parce qu'on la coupe comme
des épinards , elle repoulTe jufqu'à ce
qu'elle monte. L'impériale, la dau-
phine & ces deux dernières font, je
penfe , les feules qui poulfenc des
drageons. A ces laitues blondes on
peut réunir les deux laitues fuivantes:
la hagnoUt & la. petite courte ; feuilles
blondes, lifles, pomme gtofle, jaune
Se ferme; femence blanche, hâtive,
elle pomme & monte facilement ; fous
cloche, elle a moins befoin d'air que
beaucoup d'autres , elle réuffit bien
en pleine terre, graine peu.
La vijfée , laitue originaire d'Italie ,
en forme de vis, & ce cjui l'a fait ap-
peler viffc'e par M. Decombes , qui,
le premier , a cultivé cette efpèce en
France. Feuilles extérieures d'un verd
jaunâtre, frifées , caffantes; l'enfem-
ble des intérieures a la forme alon-
gée d'un pain de fucre , terminé en
pointe avec des enfoncemens Ôc des
élévations, qui tournent de bas en
haut à la manière des vis de prelfoir j
fa graine eft noire d: peu abondante.
Cette laitue eft douce & tendre ,
c'eft une bonne efpèce à femer en
janvier, février & mars, dans nos
provinces du midi.
Je n'ai pas parlé de la laitue com-
mune, & que j'aurois dû pl;icerapiès
la laitue fauvage ; elle eft rrop mé-
diocre en qualité, & cette médiocrité
Tome FI.
LAI 117
la fait exclure de: jardins. Je penfe
cependant que li la laitue fauvage eft
le type de toutes les efpèces cultivées-
dans les jardins, la laitue commune
tient le premier degré de perfeélion-
nement : un amateur devroic s'oc-
cuper de cette tîliation.
J'ai employé les dénominations
reçues & adoptées par les meilleurs
écrivains fur le jardinage. Il auroit
été de la dernière impoiîibilité d'é-
tablir une fynonimie pour les noms
ufités dans les provinces.
SEGTiON II.
Des laitues alonge'es j vulgairement
nommées Chicons.
M. l'abbé NoUin afl^gne trois ca-
raélères particuliers aux laitues ro-
maines ou chicons , & qui les dif-
tinguent des laitues dont on vient de
parler. i°. La feuille eft alongée ,
étroire à la bafe , large & ordinaire-
menr arrondie à fon extrémité , pref-
que lifte , n'étant frifée, ni froncée,
ni cloquée, ou du moins l'étant peu.
2°. Aucune de ces feuilles ne s'étend
horizontalement, mais toutes fe fou-
tiennent droires , fe rapprochent les
unes des autres, fans cependant fe
ferrer ni former de tête compaétej
de forte que la plupart des variétés
ont befoin d'être liées comme la fca-
riole , parce que les feuilles blan-
chilfenr & s'attendriftcnt. 3°. Elle
eft parfaitement douce , au lieu que
les laitues pommées, les plus douces,
ont une pointe d'amertume Les chi-
cons réulliffent beaucoup mitux dans
les provinces du midi que dans celles
du nord; ils y font bien plus doux,
«S: n'ont befoin ni de cloches, ni de
couches.
Ee
2lS
L A I
Romaine ronge ou chicon rouge. ...
Lacîuca romana ruhra ., feminc n'igro.
Feuilles extérieures ceintes de rouge,
les intérieures d'un beau jaune, &
tendres \ la grnine noire •, il craint
l'humidité, & fi la féchereiïe eft trop
forte lorfqu'il eft lié, il faut arrofcr
la terre fans que l'eau aille fur la
plante. On ne craint pas cet incon-
vénient, lorfqu'on arrofe par irriga-
tion. La terre forte eft celle qui lui
convient le mieux. On le feme en
juillet & août dans le nord , derrière
des abris j il blanchit fans être lié, &
fournit jufqu'aux premières gelées.
Dans les provinces du midi on le
feme en novembre, décembre, jan-
vier, février &: mars.
Chicon panaché , romaine flagel-
lée .... Lacîuca romana rulro n:a-
culata j fcmine nigro. A femer de
très-bonne heure dans les provinces
du midi, afin de l'avoir au premier
printemps , en avril & en mai ; Its
grandes chaleurs le font monter trop
vite. La fin du printemps eft fa faifoiî
dans le nord, & on doit l'y femer
fur couche. Ses feuilles extérieures font
tachées de rouge, les intérieures jau-
"hes , moins panachées en rouge j les
femences font noires.
On doit regarder comme une
fimple variété de celui-ci, le chicon
dont le coeur eft encore plus tacheté
de rouge j mais il a l'avantage de fe
fermer & de blanchir fans le fecours
des liens ; fa graine eft blanche. Cette
variété tire fon origine d'Angleterre;
elle craint les chaleurs de l'été & les
fraîcheurs de l'automne; fa faifon eft
le printemps , &z elle demande les
mêmes foins que la précédente.
Chicon verd,... Lacîuca romana
viridis j femine nigro. Feuilles plus
L A I
longues que celles des autres chicons,
bien arrondies & concaves à leur
extrémité; un peu froncées; leur cou-
leur eft d'un verd foncé, la côte eft
blanche, la femence noire : cette ef-
pcce eft la moins tendre, mais la plus
grofte 6c la moins difficile fur le choix
du fol & far les faifons. On la feme
dans les provinces du midi dans les
mois de janvier, février & de mars,
Se à la fin d'août, pour la repiquer
avant l'hiver à de bonnes exportions.
11 en eft de même dans le nord, à
l'exception des couches pour les fe-
mailles d'hiver. Ordinairement il
n'eft pas nécelfaire de la lier pour la
faire blanchir. La bonne efpèce doit
être applatie fur fon fommet; d elle
fe termine en pointe, c'eft un chi-
con dégénéré.
Chicon gris ou romaine grife. . . .
Lacîuca romana fature viridis , femine
clho. Hâtive au printemps, fupporte
Ihiver , plus douce que la précé-
dente, &: moins verte; difficile fur
le choix du terreiu ; réuflit mal en
été & en automne dans le nord ;
fcmence blanche : à femer de bonne
heure dans les provinces du midi.
Chicon blond , on romaine blonde..,
Lacîuca romana , fubflava , femine
alla ; feuilles minces, unies, un peu
pointues , d'un verd tirant fur le
jaune; côte blanche; l'intérieur plein j
le fommet des feuilles obtus ; fe-
menceb!anche;chicon délicat, monte
& fond facilement : il n'aime pas
l'humidité. A femer comme les pré-
cédens.
Chicon hâtifs ou romaine hâtive.,.,
Lacîuca romana fubflava , prœcox ,
femine albo. Sa forme femblable à
celle du précédent , & fes feuilles
un peu pointues. La couleur des
feuilles eft moins lavée de jaune :
LAI
femence blanche. Il s'élève & fe
ferme bien fous cloche ; femé fur
couche en odlobre, il vient à fon
point en avril. Dans les provinces
du midi, à femer en janvier.
Alfange j chicon , li on peut l'ap-
peller ainlî , tendre & délicat \ .-i
feuilles lilTes, fines, alongées, poin-
tues , terminées en torme de langue
de ferpent; leur couleur eft d'un verd
pâle, avec quelques ombres de taches
rouges au fommet j femence blanche j
monte & pourrit facilement.
La pourriture n'eft pas à craindre
pour les laitues pommées ni pour
les chicons dans les provinces du
midi, foit à raifon de la fécherelTe
du climat, foit parce qu'on arrofe par
iri'igation. Si les pluies cependant y
font très-abondantes <!- continues, ce
qui eft fort rare , ces laitues y pour-
rilfent plutôt que dans le nord.
CHAPITRE II.
Di la culture des laitues.
I. Provinces du mid:. On a dû re-
marquer , en fuivant l'énumération
des efpcces , l'époque à laquelle on
doit les femer : on choifit à cet effet
un lieu bien abrité ou par des murs,
ou par des claies faites exprès ; la terre
doit être fine, bien terrautée Ik tra-
vaillée j ainfi préparée elle eft prête
à recevoir les femences des laitues à
manger au printemps. S'il croit pof-
fible de fe procurer dans ces provinces
des couches & des cloches , il con-
viendroit alors de femer en décembre,
& même en novembre-, dans ce cas,
on auroit des plans à lever & à mettre
en pleine terre dès les mois de janvier
& février. On courroit alors les rif-
ques d'en perdre beaucoup , moins
LAI i\()
par la rigueur du froid, que par l'im-
pétuofité des vents qui occafionnenc
une forte cvaporation dans la plante ,
& produifent fur elle le même effec
que les fortes gelées. 11 y a, ainfî
qu'on l'a vu, des efpèces qui réfiftent
mieux les unes que les autres^ & qui,
par cette raifon , ont été nommées
laitues d'hiver \ ces efpèces doivent
être femées à la fin d'août , en fep-
tembre & au commencement du mois
d'oâobre : peu à peu elles s'accou-
tument aux matinées fraîches, & font
déjà endurcies contre la rigueur de
la faifon lorfqu'on les replante à de-
meure pour palfer l'hiver. Les autres,
au contraire, ont été élevées délica-
tement , & la tranfition d'un lieu à
un autre eft plus ou moins funefte, à
raifon de la diverfitc de température ;
cependanr, à force de foins & avec
de la paille longue, on garantit ces
laitues d'été des intempéries de l'air,
^' on en jouit beaucoup plus tôt. Les
cultivateurs ordinaires ne prendront
pas ces peines trop minutieufes, & la
vente de leurs primeurs ne les dédom-
mageroitpas du temps qu'ils auroient
perdu \ il vaut mieux attendre d'avoir
chaque chofe dans fa faifon ; la faveur
de la plante eft délicate & à fon point ,
(Se la dépenfe eft alors moins confidé-
rable. Les amateurs &c les gens riches
peuvent latisfaire leur fantaifie. Si la
faifon devient âpre, de la paille lon-
gue, jetée fur les femis, les préferve
du froid. Quelques jardiniers , afin
de conferver la fraîcheur & d'em-
pêcher l'évaporation de la terre, cou-*
vrent le fol, dès qu'il eft femé , avec
des feuilles d'artichaux , de choux ,
& la graine germe plus vite, & n'eft
pas enlevée par les chardonnerers ,
les pinçons & autres oifeaux qui en
font très -friands. Cette précaution
E e 2
210 LAI
tft plus utile dans les femail'es d'au-
tomiie que dans celles d'hiver, parce
que, dans le premier cas, cette faifon
a encore des jours fort chauds , de
fur- tout parce qu'il feroit dangereux
d'arrofer trop tôt par irrigation j alors
l'eau afl.iilfe trop la terre du fiUon ,
quoiqu'elle ne le furmonte pas.
Les femailles d'hiver peuvent être
faites en tables, en pl.uiches, at-
tendu que dans cette faifon la terre
a très-rarement befoin d'être arrofce ,
on feme à la volée, en recouvrant
le tout d'un peu de terre. Les fe-
mailles d'automne, au contraire, exi-
gent que la terre foit déjà difpofée
en lillon tronqué ^ c'eft-à-dire, que
fa partie fupérieure ne foit pas en-
tièrement terminée- par la terre tirée
du folfé. ( P'oyc-^ la gravure du mot
Irrigation. ) Sur ce lillon plat, «Se
à la partie où monte l'eau de l'irri-
gation , on feme à la volée, «Se avec la
terre qu'on enlevé du folfé , on re-
couvre lagraine, &on achève d'élever
le lillon j alors le folié fe trouve net ,
&: alfez profond pour recevoir l'eau
lorfque le befoin le demande. Quel-
ques jardiniers , le lillon une fois
tout formé, fe contentent, de chaque
côté & à la hauteur où montera l'eau,
de tracer avec le manche du râteau,
ou tel autre morceau de bois, une
ligne d'un pouce de profondeur, de
la femer & de la recouvrir. Cette
méthode eft défeélueufe, en ce que
les graines (ont alors trop accumu-
lées &: fenuifent; d'ailleurs, H deux
filions, femés à la volée, fuffifent ,
il eu faudroit près de fix , afin d'a-
voir le même nombre & la même
quantité de bonnes laitues.
La graine de laitue germe alTez
facilement, celle de deux ans moins
Vite que celle de la première année j
L A I
il en eft ainfi de la graine de troîî
ans , c'eft à peu près le dernier terme
jufqu'auquel on puilTe la conferver.
Plulieurs auteurs propofent différen-
tes intafions pour la faite germer
plus vite j ces intufions font inutiles.
Ayez un tertein bien préparc, femez
dans un temps convenable, voilà la
meilleure recerte.
La difpofition des jardins par fil-
ions feroit perdre beaucoup de terrein
fi on ne profitoit des deux côtés de
l'ados du lillon j le jardinier attentif
plante d'un côté des laitues , tandis
que de l'autre il a feme ou planté
un autre herbage qui ne parviendra
à fon point de grolTeur ou de ma-
turité , que lorfque les laitues fe-
ronr coupées. C'eft ainfi que font
difpofés les filions entre les rangées
des pois , dans les tables de cardons,
d'oignons, declioux, decéléris,&c.
Si on le pouvoir, il vaudroit beau-
coup mieux femer à demeure qu'eu
pépinière; la tranlplantation retarde
les progrès de la plante, qui en eft
moins belle. De toutes les erreurs, la
plus abfurde c'eft le retranchement
des racines ; je dis , au contraire : levez
avec le plus grand nombre de racines
poftibles, oc même avec la terre lî
elle eft un peu mouillée, & planrez
fans la déranger. Si vous avez beau-
coup de laitues à tranfporter, fi elles
font trop ferrées dans les pépinières,
6c fi la terre s'en détache, ayez un
plat , un vafe peu profond , plein
d'eau , (Se rangez dans ce yafe les
laitues près les unes des autres, afin
que les racines y trempent, &: t]ue la
plante conferve fa fraîcheur; replan-
tez après le foleil couché, faites venir
l'eau , & le lendemain , avant le foleil
levé , couvrez chaque laitue avec une
feuille qui fera enlevée le foir à la
L A I
fraîcheur , cc une autre fera cgaie-
iTieiu remife Se enlevée le lendemain.
Ces précautions paroîtronc minu-
tieufes aux jardinier" qui malTacrent
l'ouvraee ; mais en fuivanc leur mé-
ihode ordinaire , en plantant au gros
foleil un pl.uit déjà tané , en ne le
couvrant pas les jours (uivans , les
feuilles languilTent , féchent , & les
racines n'ont efFedivement repris
qu'après fix ou huit jours; tandis que
par la manipulation que je propofe ,
à peine fe refTentent - elles de la
tranfplantation : j'en réponds, d'après
mon expérience.
Dans les provinces du midi , les
laitues exigent d'être plus fouvenc
ferfouies que dans celles du nord,
parce que l'irrigation afFaifFe trop
promptement la terre & la durcit.
Un petit travail donné tous les
quinze jours leur f.wz un grand bien,
ôc encore plus G. on remue toute la
terre du fillon, comme il a été dit
au mot Irrigation ; mais il faut
pour lors que le fillon foit des deux
côtés planté en laitues , car ce boule-
verfement de terre dérangeroit la
plante voifine. Le meilleur arrofe-
inenr dans l'été, eft au foleil cou-
chant.
Comme toutes les efpèces de lai-
tues ne donnent pas autant de graines
les unes que les autres, & que plu-
fieurs en donnent fort peu, le jar-
dinier prévoyant deftine un plus grand
nombre de pieds à grainer; dans cha-
que efpèce il choifit & conferve les
plus beaux pieds : c'eft le feul moyen
de n'avoir pas des femences dégé-
nérées. Les efpèces qui donnent le
moins de graine font la bapaume...
i'italie ... les crêpes. . . l'aubervillers. . .
la vilfée . . la bagnolet.
Si on. défire ne pas voir confondre
L A I 211
ces efpèces , ni devenir hybrides _,
( Foyt-^ ce mot ) il faut avoir l'at-
tention la plus fcrupuleufe de tenir
éloignés, autant qu'il fera pojfibie ^
les pieds des efpèies dtftinées pour
la graine. C'eft par le mélange de la
poufhère des étamines d'une plante,
portées fur une autre , que chaque
année on voit naître cette multitude
de variétés, prefque auflî nombreufes
qu'il exifte de jardins.
II. Y)es provinces du nord. Ici le
travail eft plus afîidu , plus minu-
tieux, parce qu'il eft mieux récom-
penfé , & le prix des primeurs dé-
dommage des peines & des foins ,
du moins à la proximité des grandes
villes. Dans les campagnes , le fumier
eft trop cher , tiop précieux, & mieux
employé qu'à faire des couches. Se
la mifère eft trop grande pour faire
les avances des cloches de veiTe. On
en voir dans les jardins des Seigneurs,
des gens aifés, èc cet attirail n'obftruc
pas l'étroite demeure du pauvre ma-
raîcher ; il attend le retour de la belle
faifon , & profite des premiers beaux
jours de mars ou d'avril , fuivant le
climat , pour femer fes laitues d'été.
Après avoir préparé fon terrein avec
foin, il le feme de quinze en quinze
jours \ il feme pendant tout le prin-
temps & pendant tout l'été, fuivanc
fes befoins & fuivant les efpèces.
S'il devance le retouc de la cha-
leur,il prend ui.e peine inutile, l'air
n'eft pas aflez chaud pour que la
plante profite; c'eft perdre du temps,
infruftueufemenr. Lorfque les plans
ont quatre ou cinq feuilles , il les
enlève de la pépinière , les replante
dans wnQ terre bien préparée , à la
diftance proportionnée au volume
que la plante acquerra, & il arrofe
auill-côt, & dans la fuite aiifli fouvent
211 LAI
que les plantes l'exigenr. Les arrofe-
mens d'avril & du printemps fe fout
le marin & à midi, ceux de l'écé à
trois ou quatre heures de l'aprcsmidi
de le foir; on employé les entans
à détruire les mauvaifes herbes des
tables, & à en ferfouir la terre.
» Pour avoir de bonne heure des
laitues au printemps, du premier au
quinze mai, il faut, dit M. Nollin,
dès le milieu du mois d'août, femer
en bonne expofition les variétés qui
paffcnt l'hiver , telles que les crêpes,
l'icalie , la cocalf^, la coquille, la
paillon, la romaine hâtive .... A la
fin d'oétobreouau commencement de
novembre, on doit repiquer les plans
fur des plartes bandes des efpaliers au
midi & au levant j dans les fortes
gelées, les couvtir de litière, pail-
lalîbns ôc autres matières propres à
les détendre, & qu'on retire dès que
le temps s'adoucit. On laille en pé-
pinière le plant le plus toible ; s'il
réfifte à l'hiver , il fournit une autre
plantation en mars. »
)j Eu feptembre Se en oétobre, on
peut femerces mêmesvariécésfous clo-
che , fur des ados de terreau ou de terre
meuble , mêlée avec du crotin ; trois
femaines après, on repique le plant
plus à l'aife fur d'autres ados pour y re-
paffer l'hiver en pépinière, on couvre
les cloches de litière dans les fortes
gelées, & on les découvre dans le mi-
lieu du jour, & même on leur donne
un peu d'air, à moins que le temps
ne foit exceifivement rude. Au com-
mencement de février , on leur donne
chaque jour plus d'air, on ôte entiè- '
rement les cloches pendant le jour &
même pendant la nuit, lî les gelées
ne font pas trop fortes , afin d'en-
durcir le plant. Lorfqu'il aura paffé
huit à dix jours fans cloches , ôc qu'il
L A I
fera accoutumé au plein air, on le
repiquera en plant en bonne expofi-
tion, entre le 15 février & le pre-
mier mars , fi la température de la
fiifon le permet. »
» Depuis la fin de feptembre juf-
qu'au temps des premières laitues
pommées, on feme tous les quinze
jours de la graine de laitues crêpes, de
verfailles , de george-blonde, &c. ,
afin d'avoir pendant toute la failon ri-
goureufe de la petite laitue ou laitue à
couoer. ... Sur des couches de chaleur
tempérée & couvertes de quatre à
cinq pouces de terreau , on feme la
graine aifez claire & en petits rayons
ou à la volée ; on la recouvre de très-
peu de terreau , & on la pre(fe for-
tementavec la main fur le terreau fans
l'enterrer; on couvre de c'oches....
Environ quinze jours après , lorfque
le plant a deux bonnes feuilles, outre
fes colyledons, on coupe la plante, n
Pour avoir des laitues pommées
pendant l'hiver, il faut , .à la fin d'août,
femer fur un ados de terreau , bien
expofc, de la graine de petite crêpe j
de crêpe ronde ou autre variété , qui
réhfte au froid & pomme fous cloche.
Lorfque le plant eft aflez forr , on le
repique en place fur des couches qui
n'ont pas befoin d'être fort hautes j
il y pomme fous cloche en décembre.
A la fin d'odtobre ou au commen-
cement de novembre , on tait un au-
tre femis fur couche. Lorfque le plant
fait fa première feuille, on le repique
plus à l'aife , & lorfqu'il eft alfezforc
on le repique en place fur une couche
neuve, pour qu'il pomme en janvier
fous cloches ou fous chaffis. Ce fécond
femis & les fuivans, ne font ordinai-
rement que des laitues -crêpes.
En décembre , janvier & février ,
on fait de nouveaux femis des mêmes
L A I
laicuesjmais 1; rigueur de CQitc faifon
exige plus de foin. 11 faut femeria
graine fore clair fur une couche de
chaleur tempérée , chargée de quatre
pouces feulement de terreau. Dès que
le plant commence fa première feuil-
le, on doit le repiquer à un pouce de
diftance l'un de l'autre , fur une nou-
velle couche , ou fur la même fi elle
conferve encore affez de chaleur. Lorf-
que fa quatrième ou cinquième cou-
che eft formée, il faut le tranfplanter
fur une couche neuye , chargée de fix
bons pouces de terreau , ou mieux , de
terre meuble & mêlée de terreau. Si
c'eft fous un chaflîs , on pique les pieds
à cinq ou fix pouces de diftance en tout
fens. Si c'cft fous cloche , on peut en
mettre fous chacune jufqu'à cjuinze
pieds , & lorfqu'ils fe ferreront , on
n'en laiflTera que quatre ou cinq , Se
le furplus fera repiqué fous d'autres
cloches, //ç/? reconnu que les cloches
neuves font périr le plant. Depuis que
les graines font femces Jufqu'à ce que
les laitues foienc pommées, on ne
p;ut être trop artentif à couvrir les
cloches de grande litière; à les borner
pendant la nuit j à augmenter les cou-
vertures dans les grands froids \ à ajou-
ter des paillalTons par-deffiis pendant
les neiges & les grandes pluies; à don-
ner de l'air aux cloches ou aux chaflîs
le plus fouvent qu'il eft pofljble > &
toujours du côté oppofé au vent \ à
foutenir dans les couches , que l'on fait
fort étroites dans cette faifon, ( T^oyei
le mot Couche ) une chaleur mo-
dérée , &: non un grand feu qui feroit
fondre le plant. Lorfque les laitues
commencent à tourner , c'eft-à-dire
à pommer, on doit retrancher les
feuilles balTes qui font jaunes. , &
plomber, approcher (Se prefter le ter-
reau contre le pied.
D.ms les plants de laitue, faits
L A M
1 1'
dri!is l'hiver cc dans le prh)tenips , il
tant choifir les pieds les plus gros &
les plus pommés pour grainer ; il eft
néctlfaire de h.hcrau pieddecliacim,
u\\ échallas pour le marquer, <?: dans
la fuite pour foutenir la tige contre les
vents \ on doit dégager le pied , fur-
tout des groifes variétés , des feuilles
jaunes, fanées , pourries , ou même
trop nombreufes. Lorfque les aigret-
tes des graines commencent à paroî-
tre à l'extrémité des rameaux , il faut
couper ou arracher les riges; les ex-
pofer pendant quelques jours au fo-
leil , liir des draps ou dans un van ,
enfuite les fecouer ou les battre Icgc-
rement , &■ ramaller la graine qui s'eft
détachée ; remettre les tiges au foleil
pendant quelques jours , Ov les battre.
La graine qui s'en détache eft bien
inférieure à la première, & ne doit
être employée que pour faire de la
laitue à couper. La graine de laitue
peut fe conferver quatre ans \ mais
elle n'eft très-bonne que la féconde
année \ femée la première année , le
plant monte facilement; la troifième
année une partie ne lève point , &
la quatrième il ne lève que les graines
parfaitement aoûtées, pourvu encore
que la graine ait été tenue bien ren-
fe
rmce.
LAMBOURDE. M. Roger de
Chabol la définit ainfi. Les lambour-
des font de petites branches maigres ,
longuettes , communes aux arbres à
pépins (Se à ceux à noyaux; ayant des
yeux plus gros & plus près que les
branches à bois , &i qui jamais dans
les arbres de fruit à pcpin ne s'é-
lèvent verticalement comme elles ^
mais qui naiffent d'ordinaire fur les cô-
tés , «Se font placés comme en dardant»
Celles des fruits à noyaux don-
nent du fruit dans la même année j
224 L A M
les lambourJes des arbres fruitiers à
pépin font trois ans à fe préparer à
donner du fruit. Elles font plus cour-
tes fur le pccher que fur les autres
arbres. Outre les caradères ailîgncs
plus haut, en voici encore quelques-
uns propres à les faire reconnoître.
Elles nailfent vers le bas & à travers
l'écorce du vieux bois , & même des
yeux des branches de l'année précé-
dente. Leurs yeux font de couleur
noirâtre j leur écorce eft dun verd
luifanr , 6c l'extrémité fupérieure de
la lambourde eft terminée par un
grouppe de boutons , dont un feul
à bois. Telles font particulièrement
celles du pécher ; elles ne durent qu'un
an : on les retranche à la taille de
l'année fuivante. Ondiftingue encore
la lambourde de la brindille ( f'^oye:^
ce mot , ) fur les arbres à fruits à pépins,
en ce que celle-là eft lilfe, randis que
celle-ci eft plus courte & chargée de
rides circulaires.
Les lambourdes bien conduites &
bien ménagées , alfurent l'abondance
des fruits pour les années fuivanres.
On ne doit jamais les abattre. Si
elles font trop longues, on les rac-
courcit en lescalTant : fi elles poulfent
dans un endroit dégarni de branches
à bois , en les taillant pendant deux
à trois ans confécutifç à ijn feul œil ,
elles fe changent en branches à bois ,
&z dès-lors elles font traitées comme
les autres.
LAMBRUCHE ouLAMBRUS-
QUE. On donne ce nom à la vigne
devenue fmvage , & qui croît dans
les builTons. On appelle encore ainiî
une efpèce-de vigne de l'Acadie &
de quelques autres contrées de l'Amé-
rique feptentrionale , qui donne un
railin d'alltz bon goru ^ mais donc
L A M
l'écorce eft coriace : je ne le connoîs
pas. Ces eipèces de vignes qu'on voie
grimper fur les builfons , s'attacher
& atteindre à la hauteur des plus
grands , offrent une reffource avanta-
geufe dans bien des cas. Leurs ceps
trcs-longs , très-flexibles , ainfi que
leurs longues pouffes annuelles , tien-
nent lieu de cordes, de liens, fervent
à amarer les bateaux , & durent même
aifez longtemps. On les noue & on
les alonge comme les cordes.
LAME ( bois ). Ce mot a deux
fignifications , ou plutôt il eft employé
pourdcfigner deux parties différentes
de la plante : l'une qui appartient à
la fleur & l'autre au fruit. La partie
fupérieure de chaque pétale prend le
nom d'épanouiffementoa de lame. La
lame peut être dentelée comme dans
r œillet \ fendue en deux comme dans
le lichnis \ tronquée , dans le behen
hlanc\ obcufe, dans la nielle des bleds ,
creufe , frangée , &:c.
Dans les Iruits, les lames font des
féparationsdes réceptacles, herbacées
d'abord , qui acquièrent dans la fuite
de la confiftance au point d'êtte pref-
que ligneufes. Ces lames font pla-
cées dans l'intérieur du réceptacle ,
& forment les loges dont ils font
compofés. Le fruit du pavor offre
un exemple de réceptacle à lames,'
MM.
LAMIERouORTIEBLANCHE,
ou ARCHANGELIQUE. ( Foye^
planche If^ , page iiz ). Tourne-
fort le place dans la fe.onde feftion
de la quatrième claffe deftinée aux
fleurs d'une feule pièce , irrégulière Sc
en lèvre, dont la partie fupérieure efl
creufce en cuiller. 11 l'appelle .'t?.'?.'/';-/?:
yulgare album Jive archangelica ) flore
albo.
To/» 7^1
-// 7^ 7'a</.22à.
y^u////^j'ff/u' ^ ■
T^fiyme e/t- Ji>/i ■
-^ '"A .,
•Vc
-Lii/it/j/f r/r J'iY/uv//^-
2,ti//Ji't>/i' /mi/i- i'/ /<y//f//i' ' ■
L A M
■elho. Von Linnc la nomme lamlum
album , & la clalFe dans la didynamie
gymnofpermie.
Fleur. Blanche , la lèvre fupérieure
obtufe , entière , en forme de cuiller,
l'inférieure plus courte , échancrée,
& en forme de cœur. B repréfence
la lèvre fupérieure de la fleur, & fait
voir le piftil & les quatre étamines ,
dont deux plus grandes & deux plus
courtes . . . C repréfente le calice
fermé & de profil ...Die fait voit
ouvert & terminé en filets aigus.
Fruit. Quatre femences triangulai-
res, tronquées , placées dans l'inté-
rieur du calice.
J'cuilks. En forme de cœur, poin-
tues & portées fut de longs pétioles,
couvet tes d'un duvet ou amas de petits
poils _, qui ne caufent à la peau de
celui qui les touche , ni démangeai-
fon , ni cuifTon comme les autres or-
ties. Ainfi, le nom èH ortie , qui vient
de briller, de cuire, efl: ici mal ap-
pliqué.
Racine. A. Rameufe , fibreufe ,
rampante , la plante eft vivace.
Port. Tiges hautes d'un pied en-
viron , carrées , grêles , creufes , un
peu velues , noueufes. Les fleurs pla-
cées en manière d'anneau tout-autour
& prefque adhérentes aux tiges. Les
feuilles florales , éparfes , entières ,
quelques-unes en forme d'alêne au
milieu des bouquets ; les autres feuilles
oppofées , deux à deux.
Lieu. Les haies , les buiflons ,
l'ombre j fleurit en mai , juin &c juillet.
Propriétés. Saveur des feuilles ,
auftère &: légèrement amère ; elles
font fans odeur. Celle des fleurs eft
douce , aromatique , & leur faveur
médiocrement acre.
Tome yi.
L A M 115
Vfige. Celui des feuilles, nul. On
prefcrit très-inutilement l'mhifion des
fleurs pour arrêter les hémorragies
internes , puifqu'elles échauffent &
augmentent fenliblement les forces
vitales. Les fleurs macérées au fo-
leil , dans l'huile d'olive , font recom-
mandées comme un baume excellent
pour les blelFures des tendons. L'ac-
tion de la chaleur du foleil doit avoir
rendu cette huile rance, par confé-
quent acre & cauftiqae. La caufticité
doit encore être augmentée par la
chaleur & l'inflammation de la peau.
LAMPAS. Médecine vétéri-
naire. Si le tilTu dont font formées
les gencives dans la mâchoire anté-
rieure du cheval , accroît confidéra-
blement en condftance , s'il fe pro-
longe contre nature, 8c de manière
à anticiper fur les dents incilives on
les pinces , alors nous difons que l'a-
nimal a la têve ou le lampas. Cet
accidenr eft alTez tréquent dans les
jeunes chevaux , ou pour mieux dire,
dans les poulains, & très-rare dans
les vieux chevaux.
Nous voyons journellement à la
campagne , que pour ôter cette pré-
tendue fève ou lampas , on a cou-
tume de brûler cette partie avec un
fer rouge. Cette opération n'ôte cer-
tainement pas à l'animal le dégoût
qu'on lui fuppofe, mais elle lui caufe
un mal réel. Ne vaudroit-il pas mieux,
au contraire , pour guérir cette pré-
tendue maladie , laver fouvent cette
partie avec une infuhon réfolutive,
ou avec des aulx piles & du fel jeté
dans du vinaigre, ou bien avec l'oxy-
mel fimple. M. T.
LAMPSANEou CHICORÉE DE
ZANTE. Tournefort h place dans U
F f
2i6 LAN
première fe(5tloii delà troifième claffe ,
comme les laitues , &c. , 6c il l'appelle
\acintha five cïchonum verrucarium.
Von Linné la nomme lapfana ^a~
cincka , &i la clafle dans la fîngénélîe
poligamie égale.
Fleur. Compofée de quinze à feize
demi-fleurons hermaphrodites , égaux.
B repréfente un de ces fleurons j
le p>ill:il C eft terminé par deux
ftigmates égaux \ il eft enveloppé d'un
tube repréfente ouvert en D . . . Tous
les demi-fleurons font ralTemblés dans
l'enveloppe ou calice E , garni d'en-
viron huit écailles membraneufes.
Fruit, Semences raflemblces en
faifceau F fans aigrettes ^ G oblon-
gues , cylindriques , à trois côtés.
Feuilles. Simples; les radicales dé-
coupées , prefque ailées , terminées
par une foliole en forme de cœur ;
celles des tiges oblongues , étroites,
pointues.
Racine. A. En forme de fafeau ,
fimple , ligneufe, blanche , fibreufe^
Port. Tige de deux à trois pieds,
cannelée , rameufe , un peu velue ,
Tougeâtre , creufe. Les fleurs nailfent
au fommet fur des péduncules épais ;
les feuilles font placées alternative-
ment fur les tiges.
Lieux. Les haies , les bords des
chemins , les jachères; la plante efl
annuelle.
Propriétés, Raffraîchirtante, émol-
liente , déterfive.
Ufages. En décoélion , en lave-
mens ; pilce & appliquée extérieu-
rement , elle déterge les ulcères , &
fon fuc eft ttès-utile pour laver le
bourdes mammelles ulcéré. Chomel
la dit très-bonne contre les dartres
farineufes»
LAN
LANDE. Grande partie de cerrs:
où il ne croît que des genêts , des
bruyères, 6i une herbe coriace , maigre
& courte. Tous les pays à, landes
que j'ai parcouru , m'ont oftert le
même fpectacle & la même caufe
d'infertilité , c'eft- à-dire , un tuf fer-
rugineux à un ou deux pieds de pro-
fondeur, (Se quelquefois en manièrç
de table , de banc àfa furface. Comme
ce minerai ne s'étend pas par-tout ^
& à une aullî petite profondeur , il
y a plufieurs endroits lufceptibles de
culture^. Il on les défriche , iSc fi on
a le foin d'empêcher les troupeaux,
d'y entrer. La féconde caufe d'in-
fertilité eft le défaut de niveau. Les
eaux s'accumulent dans diftéreiis
points , y font ftagnantes , ne le
diffipent que par l'évaporation , &
intcétent l'air du voifinage. Je penfe
encore que toutes les landes ont été
formées par des dépôts de la mer „
d'où proviennenr l'inégaliré de leur
furface , leurs bas- fonds 8c leurs élé-
vations en certains endroits. Si la cou-
che ferrugineufe n'eft pas épailfe , il
eft poffible de rendre les landes fertiles
en la brifant, parce qu'on rencontre
fouvent au-dellbus une couche de
bonne terre. Chaque pairiculier peut
défricher & cultiver dans fes poflef-
fions ; mais le travail ne fera véritable-
ment utile qu'autant qu'il fera fait en
grand ou par une conipagnie, ou par
la Province, ou par le Roi. Le premiec
foin doit être d'ouvrir des canaux d'é-
coulement, après avoir pris un ou plu-
fieurs niveaux de pente , fuivant les
inégalités du fol ou fes débouchés..
A ces canaux généraux doivent abou-
tir ceux des polFellions des particu-
liers, & la terre que l'on en retirera
fetvira à combler les endroits bas..
Le canal général,, fuivant l'abondance.
LAN
des eaux, peut devenir d'une grande
ucilité j il lervici à craiirporier les
denrées, les bois >^c. d'une extrémité
des landes à un; autre, ou aupiès
d'une ville ou jufqu'à un chemin.
Les couches intérieures d'argille ,
êc recouvertes iupérieurement par
des couches de fable , font les fécondes
caufes de l'infertilité iSc de la ft.isina-
tion des eaux. Il eft pollîble de tirer
meilleur parti de celles-ci que des
fols ferrugineux. L'écoulement une
fois donné, l'eauqui traverfe les fables
ne s'arrêtera plus à l'argille , & s'écou-
lera dans les canaux particuliers ,
& de ceux ci dans le canal général.
Le fable mêlé enfuite avec l'argille ,
donnera une terre végétale. Il n'eil
pas douteux que les fols qui ont été
pendant longtemps couverts d'eau ,
ou quiont fervi d'étangs, ne devien-
nent tfès-riches en véeétacion , pulf-
que les eaux qui y affluent , y ont
fans celTe apporté &: accumulé l'hu-
mus ou terre végétale. ( f'^oyci ce
mot ) qu'elles tenoient en dilfolu-
lution, & qu'elles y ont dépofé.
En admettant le plan <?e l'exécu-
tion d'un travail général , à-peu près
tel qu'il vient d'être indiqué , «Se fui-
vant les circonftances, convient- il de
mettre tout de fuite le fol en cul-
ture réglée ? ( P^oye^ ce qui a été
dit au mot Défrichement)
je répète que je tiens pour la néga-
tive ; quelques endroits , de tene-
mensj font exception à la règle , &
la nature du fol le décide pour tout
le refte. Il vaut beaucoup mieux femer
des pins maritimes, des chênes dont
les efpèces font les plus communes
dans le pays , parce qu'à la longue
ils formeront , par leurs débris , l'hu-
mus qui manque à cette terre , fim-
plement terre matrice, & dépourvue
LAN 117
des principes de la (eve. ( Fbjr^ le
dernier chapitre du mot Culture ).
Il n'eil que trop ordinaire, dans ces
cas, de vouloir promptement jouir du
fruit de fesdépenfes & de fe= travaux.
On feme, la récolte efc chctive , ou
médiocre tout au plus ; on laboure Se
on feme de nouveau , ôc la récolte
efl: nulle ou prefque nulle j le grain a
abforbé le peu de terre végétale que
la terre matrice contenoit. Au con-
traire fi , par exemple , on a femé le
pin maritime qui vient trcs-vîte , S<
dont la vente du bois & de laraifine
eft fi avantaeeufe , on retardera, il
eft vrai, la rentrée des fonds; mais
ces rentrées dédommageront enfuite
amplement, de la mife de fonds, 6c
de l'attente ; enfin , on auroit à la
longue un fol propre à toute efpèce
de grains.
On ne manquera pas d'objeéler ,
qu'en détruifant les landes, qu'en les
plantant en bois , qu'en les mettant
en culture réglée, on anéantit le pâ-
turage d'un çrand nombre de bêtes
à cornes , de nombreux troupeaux ,
£<c. Mais le problème à réfoudre eft ,
1 ". Vaut-il mieux rendre l'air falubre ,
&: par conféquent couferver la fanté
des habitans? 2''. Vaut-il mieux avoir
de grandes forêts de chênes, &c., que
d'avoir des bœufs, des vaches maigres
& étiques , & des troupeaux exté-
nués ? 3°. D'amples récoltes ne dé-
dommageront-elles pas de la dimi-
nution des troupeaux ? Je penfe, de
je ne crains pas d'avancer , 1 ". que
plus il y a de terres cultivées, & plus
les troupeaux peuvent être multipliés.
1" Que la fanté des troupeaux eft
toujours en raifon de la qualité de
l'herbe qu'ils mangent; & du lieu qui
la produit. Or, quelle comparaifoiï
peut-on faire , foit pour la qualité ,
Ff 2
2zS LAN
foie pour la qiianticé de l'herbe d'un
champ culcivé avec celle d'un terrein
inculte & fabloneux , ou maréca-
geux. Si on douce de cette vérité, il
convient de lire l'article Commune,
CoMMUNAUx,& on verra, d'après un
tableau authentique , qu'on nourrit
plus de boeufs, de vaches, & de trou-
peaux dans les villages qui n'ont point
de communaux , que dans ceux qui
en ont, (.S: que la différence efténorme,
quant à la qualité du bétail. Les
abeilles ftules perdent à ces échanges
de landes en champs cultivés.
LANGUE. Médecine vÉtzri-
NAIK.E. La langue eft logée dans l'ef-
pa.e que laiHent Ultérieurement en-
tr'elles les deux branches de l'os de
la mÛLhoire pollérieure : on appelle
aufli cet efpace , le canal.
Dans le cheval , Te trop d'épaif-
feur de la langue doit néceilairemenc
rendre la bouche dure , les barres,
( (^oye\ ce mot ) étant alors à l'abri
de l'effet de l'embouchure \ il en eft
de même, fi le canal qui la reçoit
n'a ni affez de largeur , ni affez de
profondeur.
Il eft encore des tangues qu'on
appelle langues pendantes , langues
ferpentines.
Une langue pendante efttrès-dc-"-
fagréable à la vue ; une langue fer-
pentine remue fans cefTe , elle rentre
& fort à tour moment , elle s'aiTcte
for: peu dedans &: dehors , & elle
eft fort incommode. Nous voyons
encore des chevaux qui étant em-
bouchés y replient leur langue & la
doublent; d'autres la paffent par-
deffus le mors : ces fortes de che-
vaux tiennent toujours la bouche oa-
vette. Il eft poffible de remédier
LAN
à ces imperfections par la tournure
S<. le choix des embouchures.
Maladies de la langue, La langue
eft quelquefois ébréchée par une trop
forte compreffion du mors , & cou-
pée par celle du filet , ou le plus fou-
vent par les cordes ou par les longea
du licol que de très-mauvais valets
ou palfreniers auront paffé trcs-indif-
crètement dans la bouche pour retenir
le chev.-.l. La langue peut auffi être
attaquée d'une tumeur chancreufe ,
qui la rongeant en très-peu de temps ,
fans qu'on s'en apperçoive, en caufe
quelquefois la chute. ( /^oyg:^ Chan-
cre A LA Langue ) C'eftcette même
tumeur qui arrive dans les maladies
épizootiques , non - feulement aux
chevaux , mais aux bêtes à corne >
dont nous avons déjà traité à l'article
Charbon a la Langue. ( f'^oye-^ç^
ce mot ). Quant aux excroiffances on
aux alongemens en forme de na-
geoires de poiffons , que l'on remar-
que fous la langue , connus fous le
nom de barbes ou de barbillons , le
lecteur peuc confulter cet article..
M. T.
Langue de Cerf. ( Voyci Sco-
lotendre).
Langue de Chien. ( Voye':^ Cy-
noglosse).
LANGUE DE SERPENT. ( Voye-^
planche /''_, page 125 ). Tourneforc
la place dans la féconde fed:ion de la
feizième clalle qui renferme les plan-
tes fans fleurs apparentes , & donc
les fruits ne nailTenr pas fur les
feuilles , mais en épis , ou dans des
capfules ; il l'appelle cphioglofjum
vulgatum. Von Linné lui conferve
la même dénomination , & la claiTe
L A P
dans la cryptogamie, dans la famille
des fougères,
truitijkaûon. C'eft un cpi articulé,
reprcfencc au haut de la tige A , qui
s'ouvre dans toute fa longueur par un
mouvement naturel de contraction.
Voyc-{ la tige B qui répand les femen-
ces C ovoïdes &: lilfes. Elles iowz
repréfentces augmentées à la loupe ,
car à la vue iimple elles paroillenc
n'être que de la poulîière.
Feuille. Une feule, ovale, fimple ,
entière , fans nervure , portée fur un
pétiole qui part de la racine.
Racine. Compofée de fibres ra-
malTées en faifceaux.
Port. La tige de l'épi part de la
racine , s'élève à la hauteur de deux
ou trois pouces ^ lilfe , cylindrique. La
feuille erabralFe la tige par fa bafe ,
& s'élève moins haut que l'épi.
Lieu. Les prés inondés , les marais j
la plante eft vivace & fleuri: en mai
ou juin.
Propriété. La faveur de la feuille
eft douceâtre , vifqueufe , légèrement
auftère & virulenre. Elle eft vulné-
raire , prife intérieurement ou ap-
pliquée à l'extérieur.
Ufage. Les feuilles infufées dans
l'huile d'olive récente, palTent pour
un vulnéraire aulîi puilfant , aulîl
utile pout les plaies, que l'huile de
mdUpenuis. ( Voye\ ce mot ) Les
feuilles tendent à répercuter les lufla-
mations éryfipélateufes.
LAPEREAU. LAPIN. LAPINE.
I-e premier eft le petit, le fécond le
mâle adulte , & le troificme la fe-
melle égidement adulte. Je ne dé
crirai point cet animal , il n'eft mal-
hcureufement que trop connu des
cultivateurs. Après la grêle , c'eft w\\
de leurs plus terribles fléaux. Je puis
L A P zzj
affurer , d'après ma propre expérience ,
que dix lapms domeftiques confom-
menc autant dherbe qu'une feule
vache. Quelle doit donc être la con-
fommation? quels doivent donc être
les dégâts qu'ils tout dans les champs
voihns d'une garenne ? Cet animal
ronge , coupe , brife , plutôt pour
avoir le plaiiir de ronger , d'exercer
fes dents, que de pourvoir à fa fubfif-
tance. J'ai vérifié le fait. Après avoir
donné à des lapins , 6c en grande
quantité, du fon, de l'herbe fraî..he ,
du foin itz, & trois fois plus qu'ils
n'en auroient mangé dans la journée j
enhn , après qu'ils lurent raflTafiés
outre melure, je leur jetai un mor-
ceau d'une vieille poutre de fapin ,
& ils fe mirent à la ronger. Le lapin
détruit donc pour le plaidr de dé-
truire. En efler, fi on examine le
local où les lapins fuivages établif-
fent leurs terriers , on voit l'écorce
de tous les jeunes arbres, rongée , &
peu à peu ce local fe dégarnit de
bois. Que l'on examine également les
champs des environs, & on les verra
dévaftés. En un mot, ces animaux
font un vrai fléau pour les campagnes»
Combien d'auteurs cependant écrif
vent pour apprendre à multiplier les
garennes, à entretenir les lapins, &
à leur procurer une nouuiture abon-
dante aux dépens des cultivateurs 'y
fans doute qu'en prenant la plume
ils n'ont coivdJéré que le plaifir des
feigneurs , &: non les calamités des
campagnes. Quanta moi, le vœu le
plus ardent que je fais eft de les
voir détruire tour. ( Voye-^ ce qui eft
dit au mot G/\rde-Chasse , h on
veut les multiplier , & au mot Ga-
renne, fî on veut les détruire. ) Cet
animal eft iujet à la clavelée ou pe-
tite vérole , ainfi que le die M, Af-
130 L A R
truc. Il fuffit qu'il vienne pendant
'la nuit manger l'herbe déjà broutée
par un troupeau attaqué de cette ma-
ladie. Puilîe cette maladie , & plu-
fieurs autres accumulées fur les lapins,
en détruire l'eTpcce !
LARD. Partie graffe qui eft entre
la couenne Se la chair du porc. Cette
partie forme autour du corps de l'a-
nimal , ce qu'on nomme le manteau ,
parce qu'elle l'enveloppe. On pourroit
l'enlever d'une feule pièce , mais elle
feroit embarralfanre. On la divife en
deux , & on la fale pour la conferver ,
comme on fale les autres parties du
cochon. Après qu'il a pris le fel qui
lui convient , on traverfe chaque
manteau par un ofier , & on le luf-
pend communément au plancher de
la culfnie ou dans le faloir. Ceux qui
en font commerce, léfinent fur la
quantité de fel, & celui qui l'achète
eft dans le cas d'avoir un lard qui
rancit promptement. Il faut donc lui
donner un nouveau fel, 8c dans la
quantité qu'il exige, ce que l'on con-
noît en le goûtant de temps à autre.
Si on le tient dans un lieu chaud &
humide, c'eft un moyen sûr d'accé-
lérer fa rancidité; il vaut beaucoup
mieux le fufpendre dans un lieu fec,
où règne un bon courant d'air.
On lit dans le journal économique
de mai 1765 , la méthode fuivante
pour le conferver. " Après que le
lard a été quinze jours dans le fel ,
il faut avoir une cailTe où il puilfe y
en entrer trois pièces ; on mettra du
foin au fond, on enveloppera chaque
pièce de lard avec du même foin ,
& on en mettra une couche entre
deux; cela l'empêche de rancir, &
on le trouve au bout de l'an auflii
frais que le premier jour. 11 faut feu-
L A R
lement avoir foin de le garantît des
rats, des fouris Se des infedes qui
peuvent fe couler dans la cailfe. »
Je n'ai point répété ce procédé,
qui me paroît bon, en ce qu'il met
le lard à couvert des alternatives Se
des viciflitudes de l'air extérieur , l^
c'eft Toujours par elles & par leuc
contact immédiat que les corps fe
décompcfent. Je croirois cependant
qu'il convient d'attendre que le lard
falé foir bien fec, Se il l'eft peu or-
dinairement quand il eft au fel , à
moins que l'ait ne foit très -fec &
très-froid dans cette faifon. Si l'air
eft humide, le fel attirefon humidité.
Se augmente celle qui eft inhérente
au lard; dès lors, cette humidité fur-
abondante fe communique au foin,
de-là la moififfure, la décompofition
du lard & fa rancidité. Il eft aifé de
répéter ce procédé pour s'aflurer de
fa valeur.
Le lard eft un aliment très-indi-
gefte , qui n'eft propre qu'aux ef-
tomacs robuftes des gens de la cam-
pagne. Chez les perfonnes plus dé-
licates, il rancit dans l'cftomac avant
d'être digéré, & leur caufc des rap-
ports défagréables : plus il eft vieux
& plus il eftindigefte. En général c'eft
une nourriture mal faine, que le fel
ne parvient pas à corriger.
Dans les provinces qui bordent la
Méditerranée , il fubfifte un préjugé
dont les médecins mêmes ne font
pas exempts ; on y croit fetmement
que le bœuf échauffe, &: on ne mange
que du mouton ; le pot au feu eft fait
avec du mouton , ce qui donne un
bouillon fade Se relâchant. Pour en
relever le goût , on ajoute une pièce
de lard dans le pot ; ce bouillon eft
plus favoureux à la vérité, mais il eft
beaucoup plus indigefte. Cependai:r
I A R
c'eft le feul bouillon que dans les
hôpitaux on donne aux malades donc
fouvenc l'eftomac a été abattu pat les
maladies, & par les remèdes qu'on
leur prodigue : il en réfulte que les
convalefcences font longues iSc labo-
rieufes. Un bouillon fait avec le
bœuf eft bien plus reftauranc. Enfin,
pour un hôpital comme pour un gros
ménage , il y a une grande économie
à manger du bœuf, & la nourriture
en eft plus lucculente & plus faine :
mais le préjugé exifte, il eft enraciné,
comment le détruire ! Telle eft la
coujume du pays que j'habite. Ce-
pendant le bœut fournit un bouillon
quife corrompt moins prompcement
que celui du mouton, & ime livre
de bœuf feroic plus de foupe Se
meilleure, que deux livres de mou-
ton , même en y ajoutant du lard.
LARIX. ( Foye:^ Mélèze. >
LARME DE JOB. ( Fojc:^ Plan-
che Fj page 225.) Tournefort la
place dans la cinquième feciion de
la quinzième clalfe des herbes à éta-
mines féparées des fruits , mais fur
le même pied , & il l'appelle lachrynm
joh's. Von Linné la claire dans la
monorie triandrie , & la nomme
coix lachryma jobi.
Fleur B. Compofée d'une balle
contenant deux fleurs formées de
deux valvules oblongues & faus barbe»
Les fleurs mâles font féparées des
fleurs femelles , mais fur le même
pied.... C repréfente une fleur fe-
melle . . . . D fon piftil. Les fleurs
mâles ont trois étamines.
Frair.. La fleur femelle devient par
fa maturité une graine E, de la forme
d'une larme , caraétère qui a fervi à
afiîgnet le nom de la plante 5 cette
L A R 231
graine eft dure, polie. La balle fait
partie du fruit , elle ne celTe pas
d'envelopper l'embrion, même après
fa maturité. F la repréfente coupée
tranfverfalement, pour faire voir la
place que l'embrion G occupe.
Feuilles. Simples , entières , poin-
tues, embrairanc la tige par le bas.
Racine. Rameufe , fibreufe.
Lieu. Originaire des Indes, cul-
tivée dans les jardins , où elle eft
vivace li on la préferve des gelées,
fleurit en juillet, août.
Port. Tige d'un pied & demi;
efpèce de chaume articulé & plein ;
les fleurs nailfent au fommet , dif-
pofées en panicules lâches; les feuil-
les , avant de fe développer , fonc
roulées en cornet en -dedans fur un
feul côté , 6c enfuite elles s'élèvenc
droites.
Propriétés. On la cultive en Ef-
pagne &■ en Portugal ; on la feme
au printemps fur une couche mé-
diocrement chaude ; les jeunes plants
font tranfplantés dès qu'ils ont quel-
ques feuilles; les femences font mû-
res à la fin de feptembre. Cette plante
n'exige d'autre culture que d'être
fardée ; la graine , moulue comme
le bled, lournit une farine donc on
prépare un pain groflier. Les femmes
de la côte de Malabar enfilent ces
graines pour leur fervir de colier :
de cette pratique eft venue fans doute
l'idée de les enfiler & d'en prépares:
des chapelets.
LARMOIEMENT. Médecine
RURALE. Le larmoiement eft un
écoulement involontaire des larmes.
Plufieurs caufes peuvent le déter-
miner : dans ce nombre , on doit
comprendre l'inflammation de l'œil,
l'obftrudion & l'oblitération da iac
i3i L A R
lacrymal , une fiftule dans la glande
lacrymale , des embarras dans les
conduits lacrymaux , une obftruction
dans les parties voifines des yeux ; il
peut auili être produit par la foiblelFe
& le relâchement des glandes des
yeux , par une fétodté trop abon-
dante dans le corps.
La réperculîion des dartres, de la
goutte, ou de quelqu'autre humeur,
peut encore lui donner naiflance.
Le larmoiement n'eft pas toujours
une maladie elfentielle, il eft très-
fouvent un fymptôme qui caradlérife
l'arrivée de certaines maladies, telles
<]ue la rougeole & la petite vérole.
On l'obferve alFez fouvent dans les
maladies aigiiesj pour l'ordinaire il
eft de mauvais augure, &: annonce
toujours une mort prochaine , fur-
tout quand il eft l'effet d'un relâche-
ment des folides , & d'une atonie
univerfelle. Il eft quelquefois falu-
taire quand il paroit aux jours cri-
tiques, fur- tout s'il eft accompagné
du prurit du nez, de la rougeur de
la tête & delà conjon6tive des yeux,
& du délire ; il eft alors l'avant-
coureur & le fitrne d'une hémorrha^ie
de nez , qui ne tarde pas long-temps
à paroître,
La curation de cette maladie eft
relative aux caufes qui la produifent j
fi elle dépend de la foiblelfe natu-
relle des yeux, on la combattra par
des remèdes forrifîants , on lavera
fouvent la partie malade avec une
eau bien fraîche, à laquelle on ajou-
tera une portion d'eau-de-vie & d'eau
de lavande. L'eau de fenouil, celle
de frêne &: de fureau , l'eau végéto-
minérale de Goulard , peuvent ap-
porter quelque foulagemeut extérieu-
rement , mais il faut alors donner
les forrihans intérieurement, tels que
L A R
les martiaux combinés avec le quîii'
quina , Sec.
Mais fi elle tient à une férofité trop
abondante dans le corps, à la réper-
culîion de i]uelqu'humeur hétérogène
& viciée, on aura recours à l'appli-
cation des véfîcatoires à la nuque ,
aux bains de jambes aiguifés avec la
moutarde en poudre. Si le larmoie-
ment dépend au contraire de l'inflam-
mation de l'œil , on employera la
faignée, les bains locaux, les fomen-
tations émollientes; l'application des
pommes réduites en pulpe eft un ex-
cellent remède , qui manque rare-
ment d'opérer les effets les plus falu-
taires. Mais le larmoiement caufé
par une fiftule , par l'oblitération du
fac, ne peut pas être traité par des
moyens aullî (impies; il faut nécef-
fairement recourir aux fecours que la
chirurgie fournit. Dans ces circonf-
tances , on confultera ceux qui fe
font dévoués à l'étude & à la connoif-
fancc des maladies des yeux, & dont
l'intelligence, la dextérité & une ex-
périence confommée ont établi la ré-?
putation , & mérité la confiance pu-
blique. M. AMI.
Larmoiement. Mc'decine vétéri-
naire. C'eft une maladie dans laquelle
l'humeur lacrymale coule continuel-
lement & involontairement des yeux
des animaux. Cet écoulement a lieu
ordinairement dans les grandes in-
flammations de l'œil , commeà la fuite
d'un coup de pierre , de fouet , Sec. Il
reconnoît auiîî pour caufe une tu-
meur ou excroiiïance, qui comprime
les points lacrymaux.
Pour remédier au larmoiement, il
faut combattre la caufe qui l'occa-
fioime. L'écoulement étant donc lo
produit de l'inflammation , on doit
commencet
\
L A R ^
commencer par les lemcdesanalogiiesr
( Voyci^ Inflammation ) L'inflam-
mation diflipée, on peut mettre de
temps en temps quelques gouttes du
collyre fuivant dans le grand angle
de l'œil.
Prenez de vitriol blanc un fcru-
pulej de fucre candi un demi-gros j
eau de rivière quatre onces j faites
dilîoudre le vitriol & le fucre dans
l'eau, & injeftez dans l'œil. Ce to-
pique nous a réufli à merveille fur
une mule, pour arrêter l'écoulement
des larmes , à la fuite d'un violent
coup de fouet. M. T.
LARVE. On a donne ce nom à
l'état de l'infeéte lorfqu'il eft forri
de fon œuf. Par exemple, la chenille
eft la larve du papillon , c'eft à-dire^
qu'elle en eft le mafque, tout comme
le ver à foie , dans fon état de chenille ,
eft la larve de laquelle proviendra un
petit papillon blanc , qui pondra des
œufs , d'où fortiront de nouvelles
larves, & ainfi de fuire. C'eft dans
leur état de larve que les infedres font
de grands dégâts, par exemple, le ver
du hanneton, ( Voye-^ ce mot) vit
pendant plufieurs années fous terre,
& trouve fa nourriture en rongeant
les racines des plantes , qu'il fait
périr. C'eft ce même ver & celui
du fcarabé , ou moine , qui détrui-
fent circuiairemenr les lufernes , en
tournant toujours pour chercher de
nouvelles racines. Lorfqu'il fera qaef-
tion du ver à foie , on fera connoîrre
les diftérentes mcramorphofes des in-
feétes , en décrivant les fîennes.
LATRINE. {Voye-^ Aisance
Tome VI.
L A V 113
LAVANDE. Tournefort la p4ace
dans la troificme feétion de la qua-
trième ^'laire des herbes à fleur d'une
feule pièce, diviféeen lèvres, dont la
fupérieure eft retroulfée , & il l'ap-
pelle lavandula angujiifoliu. Von
Linné la nomms lavanduLz fpica ^ 6c
la clalTe dans la didynamie gymno-
ipermie.
Fleur. Formée par un tube cylin-
drique plus long que le calice j la lèvre
fupérieure relevée , étendue, parta-
gée en deux , l'inférieure en trois
parties arrondies, & à-peu-près égales.
Fruits. Quatre femences arrondies
dans un calice renflé par le haut.
Feuilles. En forme de lame , en-
tières. La lavande à larges feuilles
n'eft qu'une variété de' celle-ci.
Racine. Ligneufe, fibreufe.
Port. Petlr arbrilTeau qui varie
beaucoup pour fa hauteur , fuivant
les climats , le fol & la culture. Ses ti-
ges s'élèvent ordinairement de quinze
à dix-huit pouces , elles font qua-
drangulaires. Les feuilles florales font
plus courtes que les calices, qui font
roueeârres. Les feuilles des tiges
font adhérentes & fans pétiole , elles
font oppofées ; les fleurs nailfent au
fommetdes tiges, elles font difpofées
par anneaux & en manière d'épi.
Lieu. Très-commune dans les terres
incultes des provinces méridionales ,
fleurit en juin & juillet.
Propriétés. Les fleurs ont une
odeur agréable & une faveur amère.
Les fleurs & les feuilles font cor-
diales, céphaliques , emménagogues,
mafticatoires, fternutatoires, carmi-
natives , elles échauffent , altèrent ,
conftipent Se augmentent fenfibleç
234 L A V
ment la vélocité & la force du poiilî.
On les prefcrit avec avantage dans
les maladies foporeufes , contre les
pâles couleurs, le rachitifme, la fup-
prelîîon du flux menftruel occalionnce
par impreffion d'un corps froid. L'eau
diftillce de lavande réveille médiocre-
ment les forces vitales, même donnée
à haute dofe. La teinture de lavande
agit plus fortement fur le gente ner-
veux que l'infulion aqueule.
Voici le procédé pour faire la tein-
ture de lavande. Prenez les foinmités
fleuries & récentes de lavande, rem-
plilfez-en la moitié d'un matras ,
verfez par-defuis de l'efprit-de-vin ,
en quantité fufEfante pour qu'il les
furpalîe d'un travers de doigt j bou-
chez exactement le matras que vous
mettrez dans'nne étuve pendant qua-
rante-huit heures. Si on diftile cette
préparation, on aura une très torce
eau-de-vie de lavande.
Dans les provinces du nord, la la-
vande eft employée à former Iss
bordures des plartes - bandes , ce
qui produit un joli effet quand la
plante eft en fieur. On doit couper les
tiges aullî-tôt que la fleur eft palFce,
& ne pas lui donner le temps de
grainer. C'eft le moyen d'avoir de
nouvelles fleurs julqu'à l'automne :
fans cette précaution , les tiges fe
deiféchent & font défagréables à la
vue. La plante fouffre la tonte com-
me le buis, mais fa couleur, d'un
verd blanchâtre, n'eft pas agréable.
On doit exclure de femblables bor-
dures de tout jardin potager , parce
qu'elles fervent de retraites sûres &
commodes aux limaces & aux efcar-
gots de toutes les efpèces j ils en
lortent pendant la nui: & d la fraî-
cheur , Lx vont dévûtwr les femis»
L A V
Cet arbrifteau craint l'humidité;
on le multiplie par boutures, par des
plans enracinés, & en éclatant les
vieux pieds. La faifon pour le replan-
ter en, le printemps & l'automne : la
première eft à préférer. Il n'eft pas
délicat fur le choix du terreiii , puif-
qu'il végète fur les terreins incultes
de la Provence Se du Languedoc ;
mais un bon fol augmente le verd de
fes feuilles, lui fait poufler des tiges
nombreufes & bien nourries. Cepen-
dant , fi on compare dans le nord
l'odeur de fes fleurs avec celle des
provinces du midi, on y trouve une
grande différence. L'odorat eft plus
fatisfait dans le midi; mais combien
ce petit avantage eft réparé dans le
nord par la beauté de la verdure ôc
la douce fraîcheur qui y règne !
Les provinces du midi fourniflent
encore la lavande à feuilles décou-
pées , celle à feuilles dentelées &
crépues , & la lavande ou ftichas j.
mais la botanique n'étant pas le but
de cet ouvrage, il fufïit d'indiquer les.
efpèces fans les décrire.
Les parfumeurs préparent avec les
fommités fleuries de la lavande, des
fachets à odeur , des eaux diftillées
odorantes, & une huile eflentielle. ,
LAVEMENT, ou CLYSTERE^
ou REMEDE. Subftance fluide qu'on
injeébe dans les inteftins par le fon-
dement, au moyen d'une feringue-
Les laverhensfont Amples ou com-
pofés, & leur dofe doit être propor-
tionnée à l'âge du fujec auquel on les
donne.
La dofe ordinaire pour l'homme
eft d'une demi- bouteille de pinte,
mefure de Paris , d'un <^uart ou d'uu
I A V L A V 255
tiers de cette mefure pour un enfant , îl le rendroit tout de fuite. Si l'aiii-
d'uiie pinte & demi ou deux pintes mal eft trop malade pour couiriv, 011
pour un bœuf & pour un cheval. donnera deux lavemens de luitej le
On compofe ces remèdes fuivant fécond dès que le premier fera rendu,
l'indication de la maladie , foit afin & même un trciiième s'il ne garde
de tenir fimplement le ventre libre, pas allez longremps le fécond,
foit pour redonner du ton aux mtef- Comme fouvent dans les campa-
tins , foit pour calmer leur trop gnes il n'eft pas facile de fe procurer
grande rigidité, caufée par finflam- une feringue proportionnée au vo-
mation intérieure, &c. Si on donne lume de l'animal, voici le moyeu
le lavement rrop chaud, le malade d'en fabriquer une promptement & à
le rend prefqu'aulîi-tôt^ limplement peu de frais. Prenez un morceau de
tiède, il féjourne ttop long- temps jofeau des jardins. ( /^oye:^ ce mot )
dans les inteltins, & devient quel- ou un morceau de fureau dont vous
quetois nuifible. On connoît le de- ôterez la moelle, long de iix à huit
gré de chaleur convenable, lorf- pouces; adaptez à une de fes extrémi-
qu'on applique la feringue courre la tésune veflie, & fixez-la par plufieurs
joue, & qu'on en peut luppottei la tours de corde. Elle formera une vafte
chaleur. On fait en général trop peu poche dans le bas du tuyau. A l'extré-
d'ufage de ce médicament : dans mité fupt'rieure du fureau, placez tout
nombre de cas il peut fuppléet tous autour de la filalTe ou du chanvre pel-
les autres , & fouvent il efl unique gné,ou du coton, ou bien encore un
dans fon efpèce. morceau d'étoffe que vous alfujettirez
Souvent l'idée ridicule de vouloir avec du fil , afin de former dans cet
palFer pour un fivant compofiteur de endroit une efpèce de bourreler qui
remèdes, a fait multiplier les dro- empêchera que l'intefti'i ne foit blelfé
gués qui entrent dans la préparation par l'introduction & le frottement du
de ce remède; les plus fimples & les bois qui ferr de canule. Le tout ainfi
moins compofés font toujours les plus préparé, vuidez par le haut du tuyau
efB.aces, c<j l'on juge beaucoup mieux la matière du lavement qui ie préci-
de leur manière d'agir. pitera dans la vellie ; introduifez
Avant de donner un lavement aux cette efpèce de canulle dans le
bœufs & aux chevaux, il faut que fondement de l'animal ; de la main
le valet d'écurie frotte fa main &c gauche foutenez la vefîie, & de la
fon bras avec de l'huile; qu'il inlunie droite , prelTez fortement de bas en
fa main dans le fondement de l'ani- haut cette veille. La preilion forcera
mal, qu'il en retire les excrémens qui l'eau à pénétrer dans l'inteftiii de
y font endurcis ; qu'il recommence l'animal.
cette opétation en enfonçant le bras Le mèmeinfttumentpeutaubefoin
aulîi avant qu'il le pourra. Sans cette fcrvir pour l'homme ; il fufîit de di-
précaution préliminaire &: indifpen- minuer la longueur Si la groffeur de
fable , le remède ne produira aucun la canule. On peut encore mettre
effet. Dès que l'animal aura reçu le ladofe convenable du lavement dans
lavement , on le fera trotter afin qu'il la veffie, & ralkijettir enfuite centre
le garde plus longtemps ; autrement le fureau.
Ggi
15^ L A V
Lavcmens ruffrauhijfans & anti-
putrides.
Le lavemenr le plus commun eft
celui qui cH: fait avec l'eau fimple. Il
fufHc dans les couftipations & les iu-
ftammadons Ictères. On peut fup-
pléer à l'eau fimple par la àécoclion de
mauve ou de pariécaire , ou de mer-
curiale , &c. Si la faifon empêche de
cueillir ces plantes, ou fi on ne les
connoîc pas , on ftra dilloudre dans
l'eau un peu de gomme arabique ou
de cerifier, d'abricotier, de pêcher,
&c. \ ou on fera bouillir de la graine
de lin. C'eft en raifon de leur mu-
cilages que ces fubftances agillent &
rendent l'expullion des excrémens plus
facile. L'eau relâche Tinteftin, & le
mucilage le tapilTe. Prenez une once
de graine de Un, ou demi-once de
gomme, ou une poignée des plantes
indiquées , faites les ditToudre dans
i'eau chaude, ou f.iites-en une décoc-
tion , & vous aurez un lavemene
adoucilTanr.
Si on délire qu'il calme davantage
l'irritation des inteftins , il fuffit d'a-
jouter un peu de vinaigre , jufqu'à
ce que l'eau acquierre une agréable
acidité. On ne peut trop recomman-
der ce remède, foit pour les hommes,
loit pour les animaux , dans routes
les maladies putrides & inflamma-
toires , & il peut fuppléer tous les
autres de ce genre.
L'eau de poulet en lavement eft
irès-rafFraîchiiraJue ainfi que l'eau de
ion.
Bien des gens regardent l'huile
d'amande douce comme très-adou-
cillante; elle ne l'eft pas plus que
celle d'olive nouvelle. C'eft en raifon
de leur mucilage que l'une & l'autre
agiirejit y & elles le dépofent en vielliP
L A V
faut. Cette perte du mucilage eft
la première caufe de leur rancidité ,
& en été l'huile d'amandes eft rance
fouvent après quinze jours. Toute
huile dont la faveur eft déjà force ,
eft acre & irritante. Ainfi , cette
fubftance devient , dans cet état ,
acre, irritante, & produit un effet
tout oppofé à celui que l'on atten-
doit, &r la prudence exige que l'on
s'alfure de la qualité de Ihuile avant
de l'employer.
Les lavemens , même fimplement
compofés d'eau , produifent de très-
bons effets, dans les ardeurs & les
rétentions d'urine; leur action eft en-
core plus marquée il on y ajoute un
peu de vinaigre. On le répète , le vi-
naigre feul & uni à l'eau d'une dc=.
coélion mucilagineufe , eft de tous les
remèdes de ce genre , celui que l'on
doit préférer , foit pour raftraîchir ,
foit pour s'oppofer aux effets de \z
putridité & de rinflammarion.
Les maladies épïzootiques qui fe
manifeftent pendant l'été , font routes
putrides ou inflammatoires , &c fou-
vent l'une eft effet de l'autre. Dans
ces cas , donnez ces lavemens au nom-
bre de cinq ou fix par jour ; con-
tinuez & ne diminuez enfuite leur
nombre qu'en raifon de la diminu-
tion des fymptomes de la maladie j
mais n'employez jamais les huileux,
mettez à leur place les décoctions
des plantes mucilagineufes ou les
fubftances gommeufes. Dans plufieurs
épizooties j'ai fouvent du, prefque-
aux feuls lavemens, la guérifon des
animaux. On peur ajouter le miel ert
décoétion , & fupprimer les plantes
mucilagineufes . . . Les graines de
concombics, de courges, démêlons,
les amandes pilées ; en un mot, leur
émuUIoii feivent aiu" lavemens rafrai~
L A V
chiiTans & anti-putrides. Mais , pour-
quoi recourir à toutes ces préparations
longues, lorfque l'eau, le vinaigre ôc
le miel iuttifent ? C'eft qu'on croie
augmenter l'efficacité du remède par
la multiplication Se la préparation
des drogues.
Une des plus heureufes découver-
tes de ce ficelé , eft fans contredit
celle des différentes efpèces d'air.
( P^oyc-^ ce mot ) Ici la phyfique eft
venue aa fecours de la médecine, &c
lui a fourni un des plus grands re-
mèdes contre la putridité. On donne
aujourd'hui des lavemens d'air fixe,
qui produifent les plus grands effets.
Il eft fâcheux que l'appareil pour ob-
tenir cet air, ne foit pas à la portée
des habitans de la campagne. Cet ait
s'unit très-bien avec l'eau iimple , &
cette eau , imprégnée d'air , donnée
foit en boiffon , foit en lavement ,
eft le remède le plus efficace dans
les maladies putrides, même inflam-
matoires. Le fuccès a furpafté mes
efpérances fur les hommes comme
iur les animaux,.
_ Des layemens toniques,-
Toutes les plantes odoriférantes ,
comme le thini , le romarin , le fer-
polet , la lavande, la camomille ro-
maine, &c. peuvent fervir à la dé-
coâion du lavement. Si on veut le
rendre purgatif , on y ajoutera du>
fucre rofat , ou une déccârion de
{èné, ou des fels neutres, ou même
du fel de cuifine.
On appelle \ciVtvc\ent earminafif y
©u propre à expulfer les vents , celui
que l'on compofeavec la décoétiondc-
€amomille, demélilot, de coriandre,
d'anis , de baies de genièvres , &c. ,
avec le miel commun. Ce lavemeuc
L A X; Î37
eft tonique , &: il fait rendre beau?»
coup de vents \ mais n'eft-ce pas en
augmentant encore leur nombre? J'ai
toujours vu que des lavemens émo-
liens diminuoicnt beaucoup l'irrita-
tion des inteftms, &: que l'air y étant
moins raréfié par la chaieur , les vents
fortoienc fans peine. U eft trèsprudenc
de faire rarement ufage des remèdes
incendiaires. U eft des cas cependant
où les lavemens aétifs font d'un grand
fecours. Par exemple , dans l'apo-
plexie d'humeur, alors prenez icnc ,
coloquinte , de chacun une once ;
ajoutez .1 la colature deux onces vir-
émétique trouble. Comme il eftpof-
lible qu'on n'ait pas fous la main ,
& dans une circonftance où les mo-
mens font précieux , -les fubftances
dont on vient de parler ,, on peut les-
fuppléer par une décodion de deux
onces det.abac,fûit en feuilles sèches,
foit en corde, foit en poudre, & en-
core mieux par un lavement de fu-
mée de tabac , dont il fera queftion
à l'article Noyé.
Dans les fièvres, on donne des la-
vemens avec la décoélion du q^uiu-
quina.
LAI3RÉ0LE AULE. ( Foyei
planche V ., P'^g^ ^^5 )• Tournefort"
la place dans la première fec^ion de
là vingtième clalfe, deftinse aux ar-
bres à fleurs d'une feule pièce , &■
dont le piftil devient un fruit mou y
rempli defemences dures; ilTappelle
Th\melca lauri-folio femver virens ,
feulaureola mas. Von Linné la nom-
me Daphne laureola,S<. la claife dans
l-'oélandrie monogynie.
Fleur. Le n°. i repréfente une
branche de la lauréole mâle. La fleur:
eft d'une feule pièce, fans calice; Haco-
Eolle eft prefqu'en forme d'entonnoir»
155 L A U
Elle eft repréfentée ouverte en A ,
afin de faire voir l'arrangemeiK des
huit étaniines. Le piftil B, eft placé
ail centre de la corolle, qui eft dé-
coupée en quatre parties ovales Se
algues.
• Fruit. C. Baie obronde , à une
feule loge , renfermant une feule
femence ovale & charnue.
Feuilles. Adhérentes aux tiges ,
cpailTes, en forme de lance, gralFes,
iifles & lulfantes.
Racine. Ligneufe & fibreufe.
Port. Arbnlleau toujours verd ,
qui s'élève à la hauteur de dix- huit à
vingt-quatre pouces; les fleurs naif-
fent en grappe des allfcUes des feuil-
les 5 les feuilles font éparfes, raflem-
blées au fommet, &i toujours vertes.
Lieu. Les montagnes , à l'ombre
dans les forêts \ fleurit en mai & en
juin , & la fleur eft d'un verd-terne.
Lauréoie Femelle j ou Mese-
REUM , ou Bois Gentil. ( T^oye-:^
planche V ^ P^g^ 2,2.5 , ""• ^•) -^'\y~
mclcj. folio deciduo.T ovK^. Daphne
mefertum. Linn.
Fleur ii fruit. Les mcmes caractè-
res que les préçédens. En D la co-
rolle eft repréfentée ouverte. E fait
voir la di^érence qui fe trouve dans
le piftil. F repréfente le ftuit ,
& G le fruit coupé tranfverfalement.
Feuille s. ^\wi peEices,plus molles»
moins luifantes.
Port. ArbrilTeau .à tiges brunes ,
en quoi elles diffèrent des précédentes
qui font vertes j pliantes , cylindri-
ques, hantes de deux à trois cou-
dées , dont les feuilles tombent à
l'entrée de l'hiver. \\ a une double
ccorce, l'extérieure verte & Tinté-
L A U
rieure blanche. Les fleurs font rouges;
adhérentes aux tiges , ralTemblées
trois à trois.
Lieu. Les Alpes , les Pyrennées ,
les montagnes élevées de l'intérieur
du royaume.
Lauréole-Garou, ou Trinta-
kelle. Thymeka jolds Uni. Tourn.
Daphne gnidium. Lin. Il diffère des
préçédens par le grand nombre de
tiges qui s'élèvent de fes racines ,
hautes d'un à trois pieds , droites,
feulement garnies de rameaux au
fommet ; l'écorce des tiges eft brune j
les feuilles font linéaires , en forme
de lance aiguc, étroites à leur bafej
les fleurs naillent au fommet des ti-
ges, au lieu que dans les efpèces pré-
cédentes, elles naiffent des aifielles;
les fleurs font d'un blanc couleur de
cire , auxquelles fuccèdent des baies
d'un joli rouge.
U y a plufieurs autres efpèces de
lauréoie que je ne décrirai pas , parce
que cet ouvrage n'eft pas un diction-
naire de botanique \ d'ailleurs , les
trois efpèces indiquées (uffifent pour
l'agrément & pour l'utilité.
Cette plante eft nés- multipliée
dans les terreins incultes de nos pro-
vinces du midi : mêlée avec les autres
broiiffailles, on s'enfert pour chauffer
les fours.
Propriétés d'agrément. La lauréoie
mâle , quoique petit aibufte , mérite
de tenir une place furie devant, dans
les bofquets toujours verts : on peut
même en faire des bordures. Le temps
d'en tiire des plantations eft fixé par
la cluite des graines ; mais il eft plus
sûr de les femer tout de fuite dans
une terre lét^ère , ombragée par de
grands arbres. A la féconde , ou à
la troiiîème année , fuivanc leur force.
L A U
on les plantera dans le fol deftinc a
les recevoir. Leur reprife fera ail iitce,
ù on a eu la précaution de les fcmer
dans des pots, parce que les racines
ne feront poinc endommagciis dans
le dépotement , &: la plante ne s'ap-
percevra pas du changement. Si la
terre ell nop sèche lors de ropéi\uioa
qui doit fe faire au premier prin-
temps , on arrofera un peu la terre
des pocs , afin qu'elle flilfe prile.
Le l^ois gentil eft un des arhiiftes
les plus agréables au premier prin-
temps. Ses fleurs couvrent fes tiges ,
{ts rameaux , &' les feuilles ne pa-
roiiïent qu'après les fleurs. Cet ar-
biifte ne le plaît réellement bien que
fur les montagnes où il produit le plus
joli efter. Dans la plaine &: dans les
provinces où la chaleur ell vive , il
végète pendant deux ou trois ans, &
y périt de langueur, On peut le trani-
planter pendant tout l'hiver. Il vaut
mieux le faire dès le commencement,
à caufe de fa grande tendance à fleu-
rir dès que la chaleur fe renouvelle.
Il a une jolie variété à fleurs blanches.
Le ^^ro« eft joli par la malTe touffue
de fes tiges qui s'arrondiffent d'elles-
mêmes à leur f'ommct , & forment une
furface unie. Lorfque l'arbufte eft
chargé de fes petits fruits rouges , il
eft très agréable à la vue. L'époque
à laquelle on peut tranfporter cette
plante de fon lieu natal dans les jar-
dins , etl: à la fin de l'automne. Elle
demande un terrein fec & aride. Les
arrofemens lui font contraires.
Propriétés médicinales. Les feuil-
les, l'écorce, la racine & la plante
entière font très-âcres & cauftiques^
elles offrent un purgatif des plus vio-
lens y dont la prudence interdit l'u-
fage, même à la plus petite dofe.
L A U
f9
L'ufis^e ordinaire de ces olaïuts,
& fur-tout du garo'u plus actif que les
autres, eft de détourner les hunieurs,
foit employées en féton fur les ani-
maux , loit en manière de cautère
lur l'homme. On applique l'écorce
moyenne fur la portion du tcgumenc
qu'on veut enflammer, afin d'y déter-
miner un écoulement des humeurs fé-
reufes. Dans les maladies qui deman-
deur un prompt fecours, il vaut mieux
appliquer les véficatoires, parce qu'ils
agilfent plus vîce ; mids comme les
mouches cantandes poftcnt fur la
veflie , c'eft une obfervation à faire
avant de s'en feivir , fur-tout s'il y
a déjà quelques difpofitions à l'in-
flammation.
On tait macérer dans le vinaigre
& dans l'eau tiède , pendant cinq à
fix heures , des petites branches. Fen-
dez la branche , féparez 1 écorce , &
rejetez la partie ligneufe. Appliquez
un morceau de l'écorce de la lon-
gueur d'un pouce ou deux , & de li
largeur de fîx lignes environ, fuivanc
la portion des tégumens où vous dé-
ferez établir la déviation \ recouvrez
l'écorce avec unecompiefle, affujet-
tie par une bande : au bout de douze
heures, levez l'appareil ; renouveliez
l'application foir & marin , jufqu'.i
ce qu'il s'écoule une grande quan-
tité d'humeurs r alors ne changez
l'écorce que toutes les vingt-quatre
heures, & même toutes les crente-lix
heures. Si l'inflammation eft trop
vive, fubflituez des feuilles àe poiree^
( f'^oye'^ ce mot ) ou du beurre très-
frais , & ne recommencez l'applica-
tion de l'écorce que lorfque la peau
ne fournit plus, ou très-peu d'hu-
meurs.
Très-fouvent il s'établit derrière
les oreilles des enf.ms un ccoulemeac
i40
L A U
^i'humeurs qui eft falucaîre; un peu
d'écorce de garou fervira à rencreteinr
aiiffi longtemps qu'on le dcfirera, &
même à l'augmenrer.
Pour entrerenir un cautère toujours
ouvert , on fe fert d'un pois ou d'une
petite boule de cire blanche que l'on
y introduit , 6-: que l'on y maintient,
loit avec une comprelTe , foit en la
recouvrant avec un morceau de toile
de diapalme. J'aitrès-fouventobfervc
que le cautère s'enfonçoit infenfi-
blenient dans les chairs, & parvenoir
jufqu'au périolte. Il me paroît beau-
coup plus prudent de fupprimer le
pois ou la cire , & d'appliquer fur
l'endroit cautcrifé un morceau d'é-
corce de garou j il empêchera la
réunion des chairs, maintiendra la
petite inflammation à la luperhcie
des tégumens , & on n'aura plus lieu
de craindre l'excavation de la plaie.
Ufage économique. Toutes les ef-
pèces de lauréoles peuvent fervir à
la teinture en jaune.
LAURIER ORDINAIRE ^ ou
LAURIER FRANC. Tournefort le
place dans la même clalFe que les
lauréoles de l'article ci-deirus,& l'ap-
pelle Laurus vulgiiris. Von Linné le
nomme Laurus nobiiis ^ de le clalFe
dans l'cnéandrie monogynie.
Fleur. D'une feule pièce , dont la
corolle eft découpée en quatre ou
cinq parties ovales j elle n'a pas de
calice : neuf étamines &unpiftil gar-
nilfent le centre de la fleur. On y
découvre un nectaire compofé de trois
tubercules col. .es , .ligus , qui en-
tourent le germ - & fe terminent par
deux efpèces c.z poils.
Fruit. A noy a , ovale , pointu , à
une feule loge, entouré de la corolle ,
eoncenanc un noyau ovale, & aigu.
L A U
Feuilles. Fermes , dures , fuppor-
tées par un pétiole , Amples , très-
entières , en forme de fer de lance,
veinées , d'un verd luifant.
Racine. Ligneufe , épaille , iné-
gale.
Port. Arbre qui poulfe de terre
une ou plulîeurs tiges fort hautes 6c
fort droites , & dont les branches
fe reflîerrent contre le tronc ; fon
écorce eft mince , verdâtre ; fon bois
eft fort & pliant \ les fleurs naifient
des ailfelles des feuilles , plulîeurs
enfemble, portées fur un péduncule ;
les feuilles toujours font vertes , &
alternativement placées fur les tiges.
Lieu. Originaire d'Efpagne & d'I'-
talie , prefque devenu ijidiçène en
Provence, en Languedoc d' en Rouf-
fiilon ; il y fleurit en mars , & fes
fruirs font mûrs en automne. Le
laurier a plufieurs variétés. La pre-
mière à feuilles larges ; la féconde à
feuilles ondées \ la troifième à feuilles
étroites. La chaleur du climat déter-
mine la hauteur de cet arbre.
Propriétés médicinales. Les feuilles
ont une faveur .îcre, aromatique j les
femences font odorantes, acres & un
peu amères \ les feuilles Se les baies
font ftomachiques , nervines , cor-
diales , déterfives , anti-feptiques.
Les feuilles & les baies font utiles
en médecine. Des feuilles fraîches
on fait une décoâtion ; des feuilles
sèches , une poudre qu'on donne à
la dofe d'une dragme j la décoâion
des feuilles fe donne en lavemenr.
On tire du laurier quatre efpèces
d'huile. La première eft fournie par
\qs baies macérées dans l'eau , & dif-
tilées j elle a toutes les vertus des
huiles aromatiques. Prife intérieure-
ment, elle challe les vents, à la dofe
de
L A U
àe trois jufqu'à quarre gouttes. Pour
avoir la féconde efpèce d'iiuile , on
fait bouillir les baies dans l'eau; lors-
que cette eau eft froide, elle eft fur-
nagce par une huile verdâtre , moins
fpccihque que la précédente. Latroi-
fièine le tire des baies feulement ,
Se elle eft: moins aétive que les deux
autres. La quatrième fe tait avec les
baies & les feuilles j & on s'en fert
à l'extérieur , comme linimenr , alîn
de donner de la force &: de la fenfi-
bilité aux parties relâchées & pref-
que infenfibles.
Les maréchaux font un grand ufage
de l'huile de laurier, par expreflion ,
qui eft à tous égards préférable à
l'onguent de laurier , fur-tout à celui
préparé avec les feuilles. Pour faire
cet onguent , prenez partie égale de
graifte de porc mondée, &■ d'huile
de baies de laurier; faites fondre au
hain-marie , & vous aurez l'onguent
de laïuier , de couleur verte &c d'une
odeur aromatique douce.
Le genre du laurier comprend plu-
fieurs efpèces précieufes , originaires
des grandes Indes , & qui ne peuvent
réfifter aux hivers , même de l'Europe
tempérée , à moins qu'on ne les ren-
ferme dans des ferres chaudes. Tels
font :
Le laurisr canellc. Laurus clnnamo-
mum. Lin. que les Hollandois fe font
efforcés de détruire , excepté dans
leurs polTenions. On doit au zèle de
M. Poivre , ancien Intendant de l'ifle
de France , de l'y avoir multiplié ,
ainfi que le giroflier. Ce citoyen phi-
lofophe a rendu aux îles de France &
de Buurbon le même fervice que M.
Declieux à celle de la Martinique ,
& aduellement à toutes les îles voi-
sines , en y portant le café. ( Foyc:^
Tome VI,
L A U
^\^
ce mot) La mémoire d'un tel bien-
fait ne mérireroit-elle pas d'être con-
fervée dans un monument, qui tranf-
mettroit à la poftérité le nom de ceux
à qui on en eft led-vable.
Le laurier-ca£e. Laurus cajfia. I .in.
dont on tire une écorce qui a prefque
les mêmes propriétés que la canelle.
Le laurier-camphre. Laurus cam~
pkora. Lin. Toutes les parties de cet
arbre précieux founnlFent par incifion
la réfme fi connue en médecine &
dans les arts, fous le nom as camphre
( Voye':^ ce mot )
Le /aurier-culihan. Laurus culiban.
Lin. dont on fefert dans les Moluques
pour la préparation des alimens.
Le laurier- canelierfauvage d'Amé-
rique. Laurus indica. Lin. 1 1 feroit peut-
être polTible , à force de feniis ré-
pétés , d'en introduire l'efpèce dans
nos provinces du midi. Ce feroit un
arbre de plus , il eft vrai ; mais quelle
feroit fon utilité réelle ?
Le laurier de Perfe , oa poirier d'a-
vocat. Laurus Perfea. h'in. dont le fruit
eft très-eftimé en Amérique.
Le laurier de Bourbon , ou laurier
rouse. Laurus Borbonia. Lin. dont le
bois fcié & poli repréfenteun fatia
moiré , & qui eft fort eftimé pour la
marqueterie Se la conftruélion des
meubles.
Le Laurier-fa ffafras. Laurus faffa-
fras. Lin. Très-utile en médecine ,
comme bois fudorifique. ( T'oyez le
mot Sassafras ) On peut le cul-
tiver en pleine terre dans nos pro-
vinces du miJi, t?c d.ins de bonnes ex-
po(itions, on l'y multip'ieroit comme
le miirier , pat des femis réitérés.
H h
242 L A U
{ P^oye^ ce qui a été dit au mot Es-
pèce ) ( I )
Cul'ure. Le laurier ordinaire , &
toutes fes variétés , fe multiplient par
femis t^ par marcotte. L'époque du fe-
niis eftaullltot que la graine eft mûre
& tombe. 11 convient de femer cha-
que graine dans un pot , deux tout
au plus , & fi elles germent toutes
les deux, on détruira un pied, dès
qu'il fera hors de terre. Cette mé-
thode etl la plus silre pour la tranf-
plantation. L'année d'après la germi-
nation on renverfe le vafe , & fans
déranger les racines & la terre qui les
environne , on les met dans une petite
folfe deftinée à les recevoir. Cette
opération doit avoir lieu du momeiU
où l'on ne craint plus le retour des
gelées. Dans les provinces du nord ,
il fera utile de couvrir les jeunes tiges
avec de la paille , pendant les pre-
miers hivers , fur-tout fi l'arbre n'eft
pas dans une bonne expofition. Il eft
encore avantageux d'entourer le pied
avec du himier. Si le froid fait périr
les tiges , il en pouiïera de nouvelles
des racines , à moins qu'il n'ait été
excelîif, & qu'on n'ait pris aucune pré-
caution pour les garantir. Cet arbre
demande une terre fubûancielle , &
quelques arrofemens au befoin.
Comme cet arbre poulTe beaucoup
de rejectons , on peut les détacher des
racinesdès qu'ils feront garnis de che-
velus , & les planter. C'eft le moyen
le plus prompt pour les multiplier ,
mais moins sûr que les femis qui
acclimatent mieux les arffres.
L A U
On peut encore coucher les bran-
ches , au défaut de rejettons enra-
cinés , & les marcotter comme des
œillets. Dans les provinces du midi
elles prennent de racines fans cette
précaution. Cet arbre pyramide joli-
ment, & figure bien dans les bofquets
d'arbres verds. Dans les provinces du
nord on ambitionne la vtrdure per-
pétuelle àes arbres du midi , S: dans
celles-ci on regrette de ne pas avoir
la verdure moirée des gazons, celle
du tilleul , de la charmille, évc. Si
les arbres touj^mrs verds font quel-
que plaifir en hiver , combien leur
verd-foncé & monotone eft ttifte en
été !
La fuperftition des anciens a per-
pétué une erreur jufqu'à nos jours.
On a fans cclTe répété que la foudre
refpeétoit le laurier. Le fait eft faux.
Paillent toutes les erreurs n'erre pas
d'une conféquence plus dangereufe !'
Laurier -CERISE. Tournefort le
place dans la feptième fection de
la vingt- unième clalfe deftinée aux
arbres à fleurs en rofe, dont le piftil
devient un fruit à noyau , & l'ap-
pelle lauro ccrafus. Von Linné le:
clalTe dans l'icofandrie monogynie ,
& le nomme prunus Lnuro ccralls.
Ce n'eft donc point un laurier.
Fleur. En rofe i cinq pétales ,
obronds, concaves , iittachés au ca-
lice par des onglets; calice d'une feule-
pièce , à cinq découpures obtufes &
concaves.
Fru'u. Baie ovale , prefque ronde ,
( I ) Je viens d'indiquer ces efpèces de lauriers , non à caufe de l'utilité par rapprrr à
notre agriculture , mais umquement à caufe des reproches que l'on ine fait de ne pa-; parler
ds toutes les plantes. Le but de cet Ouvrage n'efi pas pour l'inflruclion des feuls Eotaniftes
ou de quelques amateurs ; s'ils défirent de plus grands détails , ils pourront coiifulter le
Diftionnairc encyclopédique, l'Hiftoire du rtpie végétal de M. Bûches, le Diclionnaire
anglois de Miller , &c. Je jie veux pas multiplier inutilement ic nombre des volumes..
L A U
charnue , dans laquelle clt un noyau
ovale 5 pointu &: lillonné.
FeuiL'es. Simples , entières , ob-
longues, fermes, épailTes, kiifantes,
portées par des pétioles , avec deux
glandes fur le dos.
Racine. Rameufe &: li'^neufe.
.Porc. Arbre qui s'élève alTez haut,
faivant le climar qu'il habite ; fon
écorce eft lilfe & d'un verdbrun ;
les fleurs font difpofées en grappes
pyramidales , plus courtes que les
feuilles, & nailfentde leurs aillclles;
les feuilles font toujours vertes &
placées alternativement fur les tiges.
Lieu. Apporté de Trébilonde en
1576, aujourd'hui naturalifé dans les
jardins , & fur-tout dans ceux des pro-
vinces méridionales. Fleurit en mai
& juin.
Propriétés. Les fleurs i?c les feuilles
ont le goùc & l'odeur de l'amande
amère. Communément on met fur
une pinte de lait deux ou trois feuil-
les , pour lui donner un goût amande.
Cette petite fenfualité peut devenir
très-funefte fi on augmente la dofe.
Ces feuilles alors caufent des coliques ,
des convullîons, & fouvent la mort.
L'eau diftillée des feuilles , eft un
poifon décidé, foit pour les hommes,
foit pour les animaux. Il efl: beaucoup
plus prudent de ne jamais employer
ni feuilles , ni fleurs , ni fruits de cet
arbre.
Culture. Il a deux variétés, l'une
à feuilles panachées en jaune, & l'au-
tre panachées en blanc. On multiplie
ces arbres par femences , par mar-
cottes, &: on greffe les variétés pan.i-
chces fur le laurier-eerife ordinaire.
On fcme les graines aulîitôt qu'el-
les tombent de l'arbre , & elles ger-
ment facilement au printemps fui-
vant. Cet arbre n'exige aucune cul-
L A U
z4f
ture particulière, il demande feu-
lement de bons abris dans nos pro-
vinces du nord. Le froid y fait fou-
vent périr les tiges, mais il en re-
poulfe de nou\t.Iles des racines. Dans
les provinces du midi on en fait des
berceaux, les branches four flexibles,
& fe prêtent à la diredion qu'on
veut leur faire prendre. Ces cabi-
nets , ces berceaux de laurier-ee-
rife font agréables , parce que les
feuilles font toujours vertes & en aflez
grand nombre pour procurer un om-
brage agréable. D'ailleurs leur cou-
leur d'un verd gai leur mérite la pré-
férence fur prefque tous les autres
arbres toujours vords, ordinairement
d'une couleur verre trifte & brune.
Je crois m'ètre apperçu qu'il n'eft pas
très-fainde demeurer longtemps, &c
pendant les grolfes chaleurs de l'été
dans ces cabinets. Il s'en exhale une
odeur forte , qui porte fouvent à la
tête,(Si: même provoque les naufées.
Je ne fçais fi dans le nord on éprouve le
même effet par la rranfpiration de la
plante.
Laurier - ROSE. Von Linné le
claffe dans la pentandrie monogynie ,
& le nomme Nerium Oleander. Tour-
neforc le place dans la cinquième
fedlion de la vingtième clalîe def-
tinée aux arbres à fleur d'uiie feule
piècCj & dont le piftil devient une-
efpèce de filique ; il le nomme Ne-
rion flùrïbus rubefcentihus.
Fleur ; grande , en forme d'enton-
noir , le tube cylindrique, les bords
de la fleur divifés en cinq décou-
pures larges. On remarque un nec-
tar à l'ouverture du tube , formant
une couronne frangée : le calice très-
petit,divifé en cinq parties égales.
Fruit. Efpèce de lilique , compofc
H h 1
2-44 L A U
de deux foli.ules cylindriques, lon-
gues , s'ouvrent du fommec à la bafe ,
renferment beaucoup de femences
oblonc;ues , couronnées d'une aigrette,
tk rangées les unes fur les autres en
manière de thuile.
Feuulcs. Entières , en forme de
lance , pointues , marquées en del-
fous d'une côte faillante.
Racine. Ligneufe , jaunâtre.
Lieu. Originaire des Indes, cul-
tivé dans les jarduis.
Propriétés. Saveur très -acre. Les
fleurs font fternutacoires , déterfives &
vivement purgatives. Il eft très-im-
prudent de s'en fervir pour l'intérieur.
Pour peu que la dofe foie forte, c'eft
un poifon pour l'homme & pour
les animaux.
Les feuilles réduites en poudre
font un fternutatoire fort j mais que
l'on donne avec le plus grand fuc-
cès dans les maux d'yeux , occa-
fîonnés par une abondance d'humeurs.
J'en ai vu de très-bons effets. On la
prefcrit encore contre les maux de
tête & les migraines. Des feuilles,
on fait encore des cataplafmes, des
décotbions : on en compofe avec du
beurre , un onguent pour la gale &
a-utres affections cutanées.
Culture. 11 y a une variété de ce
laurier , de nom feulement , à fleur
blanche , dont les propriétés font en-
core plus actives que celles de l'autre,
& une autre variété à fleur double.
Dans le nord on tient ces arbres
en cailTes comme les orangers ; &
à l'approche du froid, on les en-
ferme dans la ferre. Le laurier rofe à
fleur double , craint beaucoup plus le
L A U
froid que les deux autres. Dans les
provinces du midi , le long de la Mé-
diterranée , on le cultive en pleine
terre. Quoique cet arbre foit regardé
comme originaire des Indes , je l'ai ce-
pendant trouvé naturalifé en Corfe ,
dans un lieu où fùrement il n'a pas été
planté de main d'homme. ( i ) On peut
le multiplier par femence;mais il
ell plus court de féparer les drageons
qui poulfent des racines, ou de cou-
cher Çqs branches en terre , même
fans les marcotter. Je crois que Ii on
multiplioit lesfemis,on parviendroit
à l'acclimater dans nos provinces du
nord. On rifqueroit , dans les froids
âpres, de perdre les tiges j mais il en
repoufferoit des racines, fi on avoir
le foin de couvrir le pied pendant
l'hiver, avec quatre ou cinq pouces
de fumier.
La multiplicité des fleurs dont cet
arbre fe charge, leur couleur &: leur
forme gracieufe, méritent les foins
du jardinier. Comme il poulfe beau-
coup de racines fibreufes, il épuife
promptement la terre dans laquelle
elles s'étendent. Elle demande donc
à être renouvellée , fumée de temps
à autre. H ne faut pas le lailTèr languir
par la fécherefle. Pour avoir plus
long temps des fleurs , il faut les cou-
per dès qu'elles font palTées, 8c ne
pas leur îaifTer le temps de faire la
graine.
On tenteroit vainement de faire
des berceaux avec cet arbre , quoi-
que fes branches foienttiès-flexibles,
parce qu'il fe dégarnit de feuilles
par le bas , à mefure qu'il s'élève : il
figure très-bien dans les bofquets d'été.
( I ) On le trouve aiiffl très - communcmenr en Provence , dans les montagnes dites
Us Maures , entre Hières & Bcrmes.
L A U
Laurier-Alexandrin, {^'^oyei
Houx )
Laurikr -TniN. Von -Linné le
clalFe dans la pentandiie trigynic: ,
& le nomme Fiburnum Tinus, Tour-
nefort le place dans la fixième (ec-
tion de la vini^tième tlaiîe des arbres
à fleur d'une leule pièce, donc le ca-
lice devient une baie : &: il lappelle
Tinus Prior.
Fleur. En rofette , à cinq décou-
pures obtufes \ le calice petit & à cinq
dentelures j cinq ctamines, trois pif-
tils , quelques fleurs ftériles, les au-
tres hermaphrodites.
Fruit. Petites baies , arrondies ,
d'un noir bleuâtre , luifantes, renter-
manr une leule femence , ofleufej
applatie,obronde, en torme de cœur.
Feuilles. Smiples , calicées , ova-
les , fermes j terminées en pointes
dures, toujours vertes, luifantes,
d'un vert brun.^^
Racine. Ligneufe, rameufe, très-
fibreufe.
Port. Arbrilfeau dans les provin-
ces du nord , mais qui s'élève à dix
à douze pi'Cds dans celles du midi.
U jette beaucoup de drageons par
les racines. Son écorce eflliire, blan-
châtre j celle des jeunes pieds, rou-
geâtre. Les Heurs difpofées au haut
des tiges en efpèce de grappes, rou-
ges avant leur cpanoullfement, blan-
ches lorfqu'elles font épanouies ; les
feuilles oppofées. Il fleurit en hiver
& en été.
Lieu. Originaire d'Efpagne _, d'I-
talie , cultivé dans les jardins.
Propriétés. Cet arbrifieau efl: peu
employé en médecine , quoique fes
baies foient très purgatives.
Culture. On compte plufieurs va-
liétés , l'une à feuilles alongées &
L E G 145
veinées , fc à fleurs purpurines; l'au-
tre à feuilles panachées de blanc ,
ou panachées de jaune , enfin un
laurier- thiiî, nain, à petites feuilles.
Cetarbufle, comme le précédent,
pourroit être accHmaté dans nos pro-
vinces du nord , par des femis réi-
térés , & avec les mêmes précautions.
On le multiplie par marcottes, &
fur-rout par fes drageons, D.ms celle
du midi du Royaume , on le cul-
tive en pleine terre ; en en forme
de très-jolies palifl^ades, des tonnelles
très-agiéables. Si fur trente années il
y en a une oii la rigueur du hoid fait
périr fes tiges , en moins de deux à
trois ans le mal efl: réparé par les
nouvelles qu'il poulfe de fes racines.
Si on le cultive dans des pots , il
foufire la taille comme l'oranger. II
figure très -bien dans les boiquets
toujours vetts.
Laurier-Tulipier. ( f^oye^cQ
mot)
LEGUME. Proprement dit , cft
la graine des fleurs en papillon ;
tels font les pois , les fèves , les
haricots ; d'où efl venue la dénomi-
nation de plantes légumineujes. Ces
graines font renfermées entre deux
battans ou cloilons , qui ferment la
goufle à laquelle les graines tiennent
par un cordon ombilical. A Paris &:
dans fes environs , on a généralifé l'i-
dée attachée à ce mot légume , (Se on
lui adonné uneextenfion fur toutes les
plantes d'un potager , de forte qu'un
melon, un chou, un potiron , une af-
perge, font appelles mal-à-propos A--
aumes \ ce qui fait une confuflon dans
les idées. Ce Hom ne devroit être con-
facré qu'aux plantes vraiment legu-
mineufes. Il efl inutile d'entrer ici
14^ L E N
dans de plus grands deMiIs, parce
qu'en parlant de chacune de ces plan-
tes féparémenc , on traire de leur
culrure & de la manière de les con-
ferver.
LENITÎF. Médecine Ruraie.
Remède donc on fait ufage pour
adou:ir les hameucs Se les douleurs.
Lénitif en médecine eft un purga-
tif, très-ufité anciennement, & com-
pofé de pluheurs purgatifs doux, rels
que la manne , le tamarin , le féné ,
les prumux , auxquels on ajoute dif-
férentes lubllances émollientes j on
pourra s'en convaince par la formule
fuivanre. Prenez féné bien mondé,
polipode de chêne, orse bien mon-
dé & des railïns fecs , de chacun
deux onces; des jujubes , des tama-
rins , des prunes douces, defquelles
on aura extrait le noyau , de cha-
cun un gros; mercuriale, une once
& demie; violettes fraîchemenccueil-
lies, (Si du capillaire de Montpel-
lier, de chacun une poignée ; demi-
once de régUlfe. Faites bouillir le
tout dans neuf livres d'eau ; puis
ayant coulé & exprimé les matières,
vous dilToudrez dans leur colature
deux livres de bon fucre, qu'il faut
faire cuire en confiftance d'élecluaire
mol; mais ayant ôté le tout du feu ,
ajourez -y des pulpes de cafTe, de
tamarins , des prunes douces , de
la conferve de violette , & de la
poudre de (éné, de chacun fix on-
ces ; de bonne rhubarbe , & de la
femence d'anis en poudre , de cha-
cune une once ; faites un élecluaire
régulier de toutes ces drogues. Telle
eft la compofition de l'électuaire lé-
nitif, décric dans la Pharmacopée de
Charras : il eft aifé de voir que ce
remède eft tombé en caducité , &
L E N
qu'on ne s'en fett plus aujourd'hui ,
ou du moins très-rarement.
La dofe à laquelle on le donne ,
eft depuis une once jufqu'à une once
& demie, il eft encore aifé de voir
que c'eft principalement le féné qui
rend cet électuaire purgatih
On fe fert aujourd'hui en méde-
cine de remèdes plus limples , 6c
dont les fuccès font plus allures Se
plus rapides. M. Ami.
LENTILLE. Toumefort la nomme
Lt:r?s Mj'or , &: la place dans la
première feôtion de la dixième claffe
des plantes à fleurs en papillon , &
dont le piftil devient une petite goufte
à une feule loge. Von Linné la nom-
me Ervum Lens , Se la clalîe dans
la diadelphie décandrie.
Fleur. En papillon ; étendard plane,
un peu recourbé , arrondi , grand ;
les aîles plus courtes que l'étendart;
la carenne pointue , plus courte que
les aîles ; le calice divifc en cinq
découpures, étroites , pointues, à-peu-
près de la longueur de la corolle.
Fruit. Légume , obrond , obtus ,
cylindrique , contenant des femen-
ces comprimées, convexes, arron-
dies.
Feuilles. En manière d'aîle , les
folioles ovales , entières , adhérences
aux tiges.
Racine. Fibreufe , rameufe.
Fort. Tige herbacée , de huit à
douze pouces de hauteur, fuivanc
les climats , velue , anguleufe ; les
fleurs nailfent des aiftelles; les pé-
doncules portent ordinairement qua-
tre fleurs : les vrilles font fimples ,
les ftipules deux à deux , en forme
de fer de flèche.
Lieu. Les champs, les jardins po-
tagers : la plante eft annuelle.
t E N
Propriété. La farine des Icnrillcs
eft une des quatre tannes réfoliui-
ves. On fe feic de ce légume bien
plus comme nourriture , que comme
médicament.
Cultun. Cette plante réulllt trcs-
»nal da:ns les pays chauds; comme
elle craint les gelées, on eft forcé
de la fcmer après l'hiver; & s'il ne
furvient pas de pluies au printemps ^
elle eft furprife par la chaleur &: par
la fécherelie , & à peine récohe-
t-on la femence. Elle réuflit aulli
fort mal dans les terreins gras, lui-
iTiides & tenaces ; elle aime une
terre légère , & réudît alTez bien fur
un fol de médiocre qualité.
Sa principale culture eft en plein
champ; & femée dans un potager,
elle ne rendroit pas autant qu'un
autre légume. Après avoir labouré la
terre, dans un temps convenable où
la terre ne forme aucune motte , on
fème la lentille à la volée, comme
le bled , 6c on tait paffer deux ou
trois lois la herfe par deifus, alin de
bien égalifer le terrein, & recouvrir
le grain. Le climat décide le mo-
ment de la femer, & la meilleure
époque eft celle où l'on ne craint
plus le funefte effet des gelées tar-
dives.
Dans les cantons où la femence eft
à bon marché & le foin cher , on
peut femer la lentille pour fourrage;
c'eft le cas alors de femer plus épais
que fi on devoir récolter le grain.
Lorfque la plante eft en pleine Heur,
on la fauche. Si on attend fa matu-
rité à caufe du gtain , on la fau-
chera lorfque les feuilles , dans leur
totalité, commenceront à fecher , &
on n'attendra pas qu'elles foient très-
feches,fans quoi ou perdroit beau-
coup de grains.
L E N
M7
Dans quelques cantons du royaume,
on féme l'avoine & les lentilles dans
le même temps, parce qu'elles mû-
rirent & font fauchées à la même
époque. Cette métiioile me paroîc
mauvaife, & je me fonde fur l'e.xem-
ple des pois , des vtfces , dont les
vrilles s'attachent au chaun.c des blés»
fégles , iSi. s'y eiuortillent, les ferrent
& les étranglent. La ligature formée
par la vrille de la lentille, ne ferre
pas autant, j'en conviens, que celle
des pois , (^^[c. mais c'eft toujours
une ligature ; & chaque plante de-
mande à végéter en liberté. Cette
méthode n'cft avantageufe qu'autant
qu'il tft queftion de fourrage , à
l'exemple des Flamands , qui ïément
tout- à -la-fois des vefces, des pois,
des fives , des lentilles , de l'oroe,
de l'avoine , &'c. pour faire ce qu'ils
appellent /j dragée ; aucun fourraoe
ne lui eft comparable.
Si on récolte dans fa maturité Is
lentille mêlée avec l'avoine ou avec
l'orge, on fépare ces grains , en les
jetant en l'air comme pour vanner.
Cette fcparation eft une fuite nécef-
faire de leur pefanteur fpécifique.
Il y a deux efpèces de lentilles,
ou plutôt l'une eft une variété de
l'autre. La première eft appellée
groffe lentille, & la féconde, plus
petite, lentille à la Reine. Cette der-
nière eftplus délicate. Cespetits grains
font une reffource précieufe ,^ lorf-
que les pluies ont empêché les fe-
mailles de blés hyvernaux , ou lorf-
qu'ils ont péri par les gelées oii
relie autre intempérie des'faifons.
Dans les Mémoires de la Société
d'Agriculture de Rouen , il eft quef-
tion d'une lentille appellée du Ca-
nada ^ qui eft une efpèce de vefte
248
L E N
à grain blanc, tirant fur le jaune,
6c dont il cft tait un très-grand éloge j
mais tomme il n'ell pas pollible de
reconnoirre cette plante par le peu
de caracières qu'on lui alîigne , je
n'en parle pas. Les lentilles du Puy-
en-Velai font très - renommées , &
en effet elles méritent de l'ctre.
On bat les lentilles comme le
blé , les pois, iScc. Les tiges fervent
de nourriture aux animaux.
LEI^TISQUE. {royeipLmcke FI)
Von Linné le clalfe dans la dioécie
pentandrie , & le nomme Pijlacia
Lendjlus. Tournefort l'appelle Len-
tij'cus vulgaris, & le clalle dans la
féconde feôbion de la dix-huitième
clalfe dertinée aux arbres à fleurs
mâles & femelles, qui nailFent fur
des pieds dificrens.
Fleur. On n'a repréfenté ici que
la fleur mâle. La temelle n'en dif-
fère que par la fuppreflion des éta-
minesj le piftil occupe le milieu.
A fleur mâle , à cinq étamines. B
ctamine vue par la tace interne. C
vue par le dos. Ces étamines font
rafl"emblées dans uri calice D qui
tient lieu de pétales j c'ell: un tube
à cinq parties égales.
Le calice de la fleur femelle n'a
que trois divifions.
Fruit. Après la fécondation , l'o-
vaire devient un fruit vert , enftiite
longe E, puis noirâtre après la matu-
rité F. Il perd de fon volume à me-
fure qu'il mûrit ; il eft fphcrique ,
marqué d'un ombilic, fec , renfer-
mant une feule amande G , fphéri-
que comme lui.
Feuilles. Ailées, fans impaire,
les folioles en forme de lance , très-
entières , au nombre de cinq ou de
ûx dt; chaque côté.
L E N
Racine, Ligneufe , rameufe.
Pjrr. Cet arbrifleau s'élève à huit
ou dix pieds dans les provinces du
midi. Les chatons des fleurs mâles
forcent deux à deux des tL-uillesj les
fruits r.ailîent de leurs aitlejles, dif-
pofés en grappes : les feuilles font
alternativement placées fur les bran-
ches , ont des rebords , tSc font tou-
jours vertes.
Lieu. La Grèce, l'Italie, la balTe-
Provence Se le Bas-Languedoc.
Propriétés. Le bois eft d'une odeur
agréable j la réline d'une odeur aro-
matique , & d'une faveur amère.
La réfine , qu'on appelle majlic en
larmes , fe tire de cet arbre dans
l'ifle de Chio. Le bois a une qua-
lité aftringente ; les fommités , les
baies & la réfine , font deliicatives ,
allringentes & ftomachiques. Le maf-
tic eft quelquefois indiqué dans
l'ahftme humide, la toux catarhale ,
la diarrhée par humeur féreufe ,
les fleurs blanches , les pâ'es cou-
leurs j en parfum dans les maladies
de la poitrine, où il faut rendre l'ex-
pcéforation facile , & oîi il n'exifte
aucune difpofition inflammatoire 3
dans les douleurs rhumatifmales par
férofités; en folution , dans l'efprit-
devin pour les ulcères des tendons
& la carie des os. Ce maftic mâché,
détermine une plus grande fécrétion
de la falive , blanchit les dents ,
rend l'haleine d'une odeur agréable,
ce que favent tiès-bien les Turcs &
les dames du fcrrail. Ce maftic eft
folubledans l'efprit-de-vin , les jau-
nes d'œuf i5l' les huiles , mais non
pas dans l'eau. Les larmes blanches
font à préférer à toutes les autres.
Pour obtenir ce maftic , on fait ,
dans les mois de juillet , août &
feptembre , des incifions à l'aibre ,
d'où
■-•A- n.
/y. yi /î^V'*-'.
'•"9-
Lwr/'c /('//vi»//y .
////^///V liV/WU//ii'
LEO
d'où la {eve s'exrravafe , & forme
far l'écorce , en fe durcilTanr , des
efpèces de larmes. Ce maftic entre
dans la compofuion de plutieurs
vernis.
Culture. Il feroit poflible , par
des femis réitérés , de naturalifer le
lentifque dans plufieurs de nos pro-
vinces [Voyc\ le mot Espèce) : il
eft indigène dans L Baire-Provcnce
& dans le Languedoc. Comme cet
arbre eft toujours vert , il ferviroit
très-bien à former des bofquets &
des tonnelles à ombre épaiffe \ mais
on le lailFe fans culture végéter dans
les haies, le long des chemins, pour
fournir un peu de bois de chauffage;
on le multiplie facilement par fe-
mences & par couches \ fi on le cul-
tive, fi on donne à fon pied quelque
labour , il végète fortement. Je ne
doute pas, je le répète, qu'avec des
foins ou n'en forme de jolies palif-
fades ; le point efïentiel eft de di-
minuer la multiplicité des rameaux
qui s'élèvent de fes racines, &: de ne
lui lailfer que la quantité fuffifance
de tiges dont o\\ a befoin pour garnir.
LÉONURUS ou QUEUE DE
LION. Tournefort le nomme Ico-
nurus perennis Africanus _, Jldcrït'is
folio j flore phœniceo majore j & le
place dans la féconde fedion de la
quatrième clafTe des herbes à flfur
d'une feule pièce irrégulière, dont la
lèvre fupérieure eft creufée en cuiller.
Von Linné V.ip^-^Qllephlomis leonwus ,
ôc le clalTc dans la dydinamie gym-
nofpermie.
Fleur. Labiée & d'une feule pièce,
la fupérieure beaucoup plus longue
que l'inférieure , divifée en trois ;
quatre étamines , dont deux plus
grandes & deux plus courtes, un feul
Tome FI,
LEO 149
piftil; le calice .à découpures, alter-
nativement plus longues & plus
courtes , & au nombre de dix.
Fruïc. Quatre femences oblongues
a trois côtés , renfermées dans le
calice.
Feuilles. Entières , en forme de
lance, dentées en manière de fcie.
Racines. Très-fibreufes.
Port. Arbriiïeau de deux à trois
pieds de hauteur, à tiges quarrées ,
branchues ; les fleurs rangées autour
des tiges comme celles de l'ortie
bljnche ou lamier , raflemblées; ces
touffes diminuent de grandeur , à
mefure que la tige s'élève; fes fleurs
font de la couleur du tabac d'Efpagne,
mais un peu plus rougeâtres , plus
veloutées.
Lieu. L'Afrique, le Cap de Bon-
ne-Efpérance. L'arbufte fleurit deux
fois l'année, au printemps & en au-
tomne , & refte en fleurs pendant
long-temps.
Propriétés. D'aucun ufage en mé-
decine , mais cet arbufte eft des plus
pittorefques , & pare finguhèrement
un jardin. L'orangerie lui fuffit dans
les provinces du midi, & même il
pafte bien l'hiver dnns une chambre,
pourvu qu'il ne gcle point; il craint
finaulièrement l'humidité dans cette
failon.
Culture. Chaque année l'arbufte
doit être changé de pot, parce que
fes racines en occupent bientôt tonte
la capacité; il demande une terre fubf-
tantielle, forte, Se mêlée au terreau:
fi on ne lui donn.e que du terreau,
il faut l'arrofer trop fouvent. Chaque
rameau détaché du tronc ^ mis en
terre à l'ombre , arrofé au befoin ,
poufle promptement des racines; de
manière qu'un tameau mis en bou-
li
N
250 L E P
ture à la fortie de l'orangerie, eft,
dans les provinces du midi, en étac
d'être lève de terre en juin ou juillet,
& de fleurir dans la même année li
on l'a planté un peu fort. Ses graines
niûriirent difficilement, même dans
nos provinces du midi j on l'a appelle
^ueue de lion à caufe de fa couleur
& à caufe de la difpofition de fes
âeurs.
LEPRE. MioEciNE rurale.
La lèpre eft une maladie conragieufe,
accompagnée de ftupeur & d'infenfi-
bilité de la peau.
On en diftingue ordinairement
deux efpèces , qui , à proprement
parler, font les deux degrés de cette
maladie affreufe.
Le premier degré eft connu fous
le nom de lèpre des Grecs ; le fécond
eft appelle lèpre des Arabes ou élé-
phantiafe.
La defcripricn de la lèpre préfente
à l'humanité le tableau le plus hi-
deux & le plus affligeant. Ceux qui
en font attaqués ont la peau dure j
fèche & âpre au toucher j ils y reffen-
tent une démangeaifon & un prurit des
plus incommodes. La lèpre eft quel-
quefois partielle , & n'attaque que
certaines parties du corps , telles que
le front, les pieds & les mains : le
plus fouvent elle eft univerfelle, is:
recouvre toute la peau.
Elle eft toujours moins mauvaife
& moins dangereufe quand elle s'an-
nonce comme la gale; c'eft-à-dire,
lorfque la peau devient rouge &: rrcs-
dure , & qu'elle excite une vive dé-
mangeaifon.
11 fe fait une éruption de puftules
rouges, plus ou moins multipliées,
quelquefois folitaires , le plus fou-
vent entaftcés hs unes fur les autres
L E P
dans différentes parties du corps ,
fur- tout aux bras & aux jambes. A la
baie de ces premières puftules il en
nait bientôt d'autres , qui fe mv\-
tiplient & s'étendent beaucoup' en
forme de grappes; leur furface de-
vient en peu de temps rude, blan-
c!iâtre&: écailleufe; les écailles au'on
détache en fe gratant, reftemblent à
celles des poiifons, & dès qu'on les
a enlevées , on apperçoit un léger
fuintement d'une famé ichoreufe ,
qui occafionne un picotement dé-
fagréable.
Si l'on abandonne cette maladie à
elle-même, ou qu'on ne fe hâte pas
de la combattre par des remèdes ap-
propriés, elle fait les progrès les plus
rapides , & les humeurs fe vicient â un
tel point, que les puftules deviennent
noires &: livides , de blanches ou jaunes
qu'elles étoient auparavant. La peau
devient encore plus rude , & auflî
épaiire&: ridée que celle d'un éléphanr.
La refpiration devient auffi plus
difficile, l'haleine eft puante, la voix
perd fa force <Sc devient rauque ; les
joues fe recouvrent d'une forte de
crafle , l'urine que les malades ren-
denr eft épaifte , &: auffi trouble que
celle des juments. A tous fes fymp-
tomes fe joint l'alToupiiïement ou
l'infomnie, ainfi que la maigreur de
tout le corps, & une odeur infou-
tenable qui s'en exhale. C'eft alors
qu'il furvient des boutons & des ul-
cères malins par tout le corps; les
poils Tombent avec le peau; celle du
vifage tombe aullî par lambeaux ;
l'enflure des lèvres & des extrémités
eft (1 prodigieufe, qu'on ne peut fou-
vent appercevoir qu'avec beaucoup
de peine les doigts enfoncés & ca-
chés dans la tumeur. Dans cette
cruelle polîtion , une efpècc de glace
L E P
s'empare des malades ; ils ne font
^ptes ni propres à faire le moindre
mouvement ; ils tombent dans un
engoLirdilIement & une nonchalance
attreufe ; furvient cnûn une hèvre
lente, qui confume en peu de temps
le malade.
Heureufes les contrées fur lef-
quelles cette maladie n'étend point
fes ravages ! elle étoit très- commune
autrefois dans les pays chauds , dans
la Syrie & en Egypte.
S'il faut en croire certains auteurs,
on obferve aifez fouvent cette ma-
ladie en Efpagne Se dans l'Amérique
méridionale ; elle eft très-rare en
France. Je fuis perfuadé néanmoins
que c'eft faute de n'avoir pas donné
toute l'attention convenable à la def-
cription de la lèpre , qu'il s'eft palTé
plus d'un lîècle fans qu'on air pu
î'obferver.
Par le détail de fy mptomes où nous
femmes entrés pour bien faire con-
noître cette maladie , il eft aifé de '
voir' que fa caufe tient à une âcrecé
des htimeurs, portée à un degré ex-
trême.
Lacaufed'un vice au(îi acre prend
fa fource dans l'abus d'un régime
échauffanc & des alimens falés , épicés
& de haut goût • tout ce qui peut in-
cendier le fang, tel que les liqueurs
échauffantes & trop fpiritueufes , ainfi
que les viandes enf-umées, peuvent
exciter cette âcreté. Dans le nombre
de ces caufes, on doit admettre une
dirpoficion naturelle à contrafter cette
maladie, Se y comprendre la boilfon
des eaux impures , la mal -propreté
fur-tout , les excès de débauche en
tout genre, la fuppreflion des éva-
cuations ordinaires , & notamment
celle de latranfpiration; les trop vives
pallions de l'ame, & enfin tout ce
L E P
iji
qui peut imprimer au fang & à la
lymphe une âcreté corrofive.
Nous avons déjà dit que la lèpte
étoit une maladie contagieufe ; d'après
cela, on ne doit point lailfer comr
muniquet ceux qui en font infedés
avec les perfonnes faines, de peur
d'étendre la contagion j on doit les
reléguer dans des endroits ifolés &
éloignés du commerce des hommes.
Ceux qui , par état , font forcés de
leurdonner des foins, tant pour ce qui
concerne leur traitement , que pour
leur régime, doivent redoubler d'at-
tention & de précaution pour fe
mettre à l'abri de cette cruelle ma-
ladie.
La lèpre, dans fon principe, eftfuf-
ceptible de guérifon. On a vu des
lépreux vivre pendanr plufieurs an-
nées , fans autre défagrément que
d'avoir la peau défigurée. Elle eft
incurable, lorfqu'elle eft parvenue à
fon dernier degré. C'eft aulîi d'après
ce fait d'obfcrvation que Celfe avoir
raifon de dire, que dans ce cas il
ne falloir point fatiguer le malade par
des remèdes qui n'étoient d'aucune
utilité.
Adoucir r.âcreté des humeurs ,"
combattre leur cpailTiffement, inviter
& porter la nature à opérer une crife
falutalre par les émoncftoires naturels
de la peau, font les vues curatives
que l'on doit avoir pour parvenir à
guérir cette maladie dans fon pre-
mier degré.
S'il y a pléthore , tenfion de du-
reté dans le pouls, on commencera
par faigner le malade une ou deux
fois, fur-tout fi les boutons qui com-
mencent à conftituer rcriiprion, font
d'un rouge afftz vif ^ le relâchement
que cette évacuation amène, facilite
beaucoup l'aâdon des remèdes.
li i
ip. L E P
S'il exifte des fignes c3e piuridité ,
on purgera le malade de manière
à ne point exciter d'irritation dans
l'eftomâch , mais néanmoins allez
énergique pour pouvoir débarralTer
les premières voies de la faburre qui
peut les furcharger.
Cela faitj, on combattra l'âcreté
des humeurs par un long ufage des
bains domeftiques , par beaucoup de
boiiïons adouciflantes , telles que le
petit-lait nitré, ou coupé avec la fu-
meterre , les bouillons adoucllfants
faits avec les plantes chicoracées &
les efcargors de vigne, l'eau de veau
feule ou nitrce , une décoition lé-
gère de racines de falep , le fuc des
plantes antifcorbutiques , les eaux
acidulés , prifes feules , ou coupées
avec une partie de lait bien écrémé.
Le mercure a été regardé de tout
temps comme le vrai fpécifique de
cette maladie j il peut produire de
bons effets , mais il doit être adminiftré
avec prudence & ménagement. On
ne doit y avoir recours qu'après avoir
bien détrempé, délayé & adouci la
ma(fe des humeurs. On l'employé or-
dinairemenc fous forme de fruftion ;
cette nianière de le donner n'exclud
pas celle de le prendre par la voie de
la diseftion : on le combine alors avec
quelque conferve agréable au gour.
Ce remède , Ci vanté par les au-
teurs qui ont le mieux écrit fur cette
maladie, répond très -rarement au
fuccès qu'on fe croit en droit d'en
attendre ; il eft très-ordinaire de voir
reparoître fur la peau une nouvelle
éruption de boutons, quelque temps
après avoir infifté fur fon adminif-
iration j il faut alors fe retourner ,
L E P
& inviter la nature à fe débarrafTer
par les couloirs de la peau , du refte
de ce virus qui infefte la malle des
humeurs , en prefcrivant au malade
l'ufage de certains fudontiques, dont
les fuccès ont été reconnus & con-
firmés par l'obfervation.
Perfonne n'ignore que c'eft le ha-
fard qui a fait connoître les vertus de
la vipère. Galien nous apprend que
quelques perfonnes , touchées de
compaflion envers un miférable lé-
preux, & fe croyant dans l'impof-
fibilité de le guérir , réfolurent de
mettre fin à fes fouftrances en l'em-
poifonnant; l'effet ne répondit point
à leur attente , & le remède , loin
de hâter la mort, opéra une parfaite
guérifon( i ).
Je ne faurois alfez recommander
l'ufage de la vipère dans le traitement
de la lèpre j les bons eflets qu'elle a
produits dans les maladies de la peau,
font conftatés par les obfervations les
plus cxaéles. Lieutaud nous apprend
qu'on prépare avec le tronc entier
d'une vipère, à laquelle on a ôté la
tête & la peau , ou avec une moitié
feulement , un bouillon que l'on re-
garde comme un excellent médica-
ment propre à purifier le fang & à aug-
menter la tranipiration. Ces vertus,
ajoute ce grand médecin, la rendent
très - efficace dans les maladies de
la peau , & tort utile à ceux qui ont
le fcorbut , maladie qui diftére très-
peu de la lèpre.
Les autres fudorifiques, tels que
le gayac , le faflafras , la fquine &
la falfepareille, quoique rrès- éner-
giques ne font point aulli efficaces
que la vipère.
( I ) Diftionnaire des Sciences , mot L â p r e , p^S^ ^S^-
m
LES
Mais les bains (impies, ou d'eaux
minérales fulphureufes de Barège ,
de Banières , de Coterets , de Bour-
bonne, fur-tout ceux de la Malou
& d'Avefue, fi connus en Languedoc ,
font les remèdes les plus appropries,
foit pour opérer la guérilon , foit
pour la rendre parfaite , en ren-
dant à la peau fa couleur & fa fou-
pleife naturelle. Ces mêmes eaux,
ptifes intérieurement , ne peuvent
au(îi qu'être très avantageufes Mais
tous ces diffcrens remèdes ne pro-
duiront de bons effets , qu'autant
que les malades s'abfliendtont des
alimens grolliers, échauffans & de
difficile digeftion.
Quant au fécond degré de la lèpre ,
uous avons déjà dit qu'elle réfilloit
opiniâtrement à toutes fortes de re-
mèdes j il eft inutile de s'y arrêter.
M. AMI.
LESSIVE DU LINGE. Eau ren-
due déterfive des grailles , des huiles,
par l'addition d'un fel alkali. Cette
opération, fi nniverfelle & fi nécef-
faire, exige que j'entre dans quel-
ques détails.
La tranfpiration eft une humeur
graffe Se huileufe, qui s'attache à nos
linges, &: elle eft peu mifcible à l'eau
feule i mais fion ajoute un fel alkali j,
( F'oye:(^CQ mot) la matière huileufe
ou graiireufe s'unit alors à l'eau par
l'intermède du fel, &; de cette union
il réfulte un vrai favon, mifcible à
Teau , & qui la rend par confcquent
mifcible aux grailfes, beurre, huile,
&c , Se permet que ces fubftances
foient féparées du linge des vcte-
mens, (Sec. 6c entraînées par le cou-
rant de l'eau. Voilà la bafe & la ma-
nière d'agir de toutes les lefllves.
Perfonne n'ignore que l'on met le
Les 153
linge dans un cuvier, qu'il eft recou-
vert d'un grand drap, & chargé de
quelques pouces de cendres ordinai-
res, ou d'un peu de potalfe ou de
cendres clavellées , ( Vo\e\ ce mot )
& fouvent le tout enfemble ou fépa-
rément, aiguifé avec de la chaux : on
prend enfuite de l'eau bouillante que
l'on verfe par-defTus. Comme le fond
du cuvier eft percé d'un petit trou
garni de paille , cette eau , après avoir
traverfé toutes les couches de linge
comme à travers un filtre , s'écoule
peuà-peu dans un baquet placé fous
le cuvier, & cette même eau, remife
dans la chaudière , & verfée perpé-
tuellement fur le cuvier pendant toute
la journée j s'imprègne de la partie
grailfeufe & huileufe du linge. En
effet, lorfque l'on trempe fes doigts
dans cette lefTive, on la trouve onc-
tueufe &c favonneufe. L'addition de la
potafTe , de la chaux , de la cendre gra-
vellée , augmentent l'aélivité de la lef-
five, mais ces matières altèrent beau-
coup le linge fi leur fel ne trouve pas
adez de matière huileufe ou grailfeufe
à détruire, parce qu'elle agit alors
dirediement fur lui. Il faut donc être
très-circonfpeét dans leur emploi. Le
linge , ainfi préparé & forti du cuvier ,
eft porté à la fontaine , à la rivière ,
pour êtte lavé & favonné à grande
eau. L'effet du favon eft de s'appro-
prier le furplus de la matière graif-
fcufe, enforte que le linge eft dans
le cas d'en être entièrement dépouillé.
Telle eft à-peu-près la manière gé-
nérale d'opérer j mais eft-elle la meil-
leure, la plus économique quant à la
dépenfe Se quant à la durée , à la
beauté & à la blancheur du linge?
Je ne le crois pas.
On dira peut-être que ces détails
ne doivent pas occuper un homme ,
254 LES
& qu'ils font du relTort des femmes;
auflî je ne prétends pas qu'un culti-
vateur, qu'un homme qui vit dans
fon domaine, s'occupe à couler une
leffivc ; mais qu'il veille à la confer-
vation de fon linge & à fa blancheur,
c'ert: autre chofe , ôc la plus petite
opération du ménage des champs doit
fixer l'attention de l'amateur de l'or-
dre & de l'obfervateur.
En partant du principe chymique
qui ferc debjfe à cette manipulation,
je dis qu'il vaut infiniment mieux fa-
vonner le linge Se le faire tremper un
jour entier dans une eau favonneufe ,
avant de le jeter dans le envier pour
le lelïïver ; enfin de le faire preirer
6c tordre à difFcrentes reprifes dans
cette eau, parce qu'elle a une affinité
réelle avec les matières gralfes qu'elle
détache du linge, qu'elle dilfout &
qu'elle s'approprie. Le linge ainfi pré-
paré , mis dans le cuviet avec l'eau
favonneufe , leiîivé enfuite d'après
les procédés ordinaires , &: porté à la
rivière , n'a phis befoin d'y être fa-
vonnc, mais tordu & lavé à plufieurs
reprifes à grande eau courante. La
trop grande quantité d'alkali, ou de
cendres , ou de chaux , n'eft pas alors
tant à red.iuter, le nerf du linge
n'efl: plus fi fort attaqué , enfin toute
fa craflTe eft rendue mifcible à l'eau,
& dès-lors fuf:eptib!e d'être entière-
ment- entraînée par re.au courante.
Caprocédé n'eft pas plus coûteux que
celui employé journellement , & je
puis répondre , d'après mon expé-
rience, que le linge eft beaucoup plus
blanc, plus ferme & mieux confervé
que par tout autre procédé; il eft
facile de la répéter.
L'ufage de trotter le linge avec des
broftes à poils rudes, a été introduit
par l'avarice , afin d'économifer le
LES
favon; îl eft plus gâté en deux blan-
chilTages , qu'il ne le feroit en vingt ,
en fuivant le procédé ordinaire.
Lessive des grains. Je ne répé-
terai pas ce ici qui eft dit au mot
CHiiuLAGE «Se au mot Froment,
je rappellerai feulement que tous ces
arcanes , ces préparations , qui de
temps à autre reparoiilent dans les
papiers publics, & qu'on donne com-
me des nouveautés, font le plus fou-
vent ou déjà connus , ou du moins
inutiles. La renommée de l'arcane
fe foutient pendant un an ou deux,
& la recette retombe enfuite dans
l'oubli d'où on l'avoir tirée. Eii ad-
mettant même que la préparation ,
ou lellîve du grain, hâte fa germina-
tion, il n'en réfulteroit aucun avan-
tage quant à fa végétation pofté-
rieure, puifque dès que les deux pre-
mières feuilles du grain ont poufte,
les deux lobes de la femence, impré-
gnés de préparation, font complète-
ment détruits. L'homme aime le mer-
veilleux, & la cherté d'une denrée eft
fouvent une raifon de plus pour la lui
faire acheter.
Lessive des arbres. C'eft en-
core ici où le charlatan triomphe. Que
de promeftes magnifiques , que de
prétendus faits conftatés dans les pa-
piers publics , que de faulletés im-
primées , revues , corrigées & au(^-
mentces, pour détruire les chenilles,
les papillons , les pucerons , les galles-
infeétes qui dévorent les arbres. De
l'eau fimple ou aiguifce avec du vi-
naigre, une broffe, ou le dos de la
lame d'un couteau , produifent les
mêmes effets que les leliives les plus
vantées, telles que celles où l'on fait
entrer les corps grailFeux , huileux
L E T
ou favonneux. La pairie aqueufe s'é-
vapore , & la fiibftance graideufe ,
refte collée fur les branches comme
un vernis iiifoluble à l'eau qui bou-
che les pores, arrête la tranfpiration
pendant le jour,& empêche pendant
la nuit l'abforption des principes ré-
pandus dans l'atmofphère. ( Voye-^ le
mot Amendement ) Il faut conclure
que toutes les préparations fi vantées,
foit pour les grains, foit pour les ar-
bres , font de pures charlatanneries \
on en convient alfez généralement ,
mais exiile-t-il un feul charlatan fans
dupes? Tel eft le fort de l'homme.
LÉTHARGIE. Médecine vété-
rinaire. On a obfervé que le bœuf
& le cochon font plus fujets à cette
affection comateufe , que le mouton
& le cheval. L'animal qui en eft at-
teint eft comme plongé dans un pro-
fond fommeil , la refpiration eft
grande, ordinairement accompagnée
de rontiemenc, ou de ralement , ou
de foupirs. Le mouvement du cœur
eft fort & fréquent; en irritant l'a-
nimal avec l'aiguillo» ou avec le
fouet, il eft inienfible, quelquefois
il fe remue & fe lève , mais un inftant
après il fe couche & retombe dans
fon premier état; fouvenc il marche
en chancelant , & il ne tarde pas à
tomber à terre comme une malfe.
Cetre maladie répondant à peu-
près à l'affoupiirement, nous croyons
devoir renvoyer le LeÛeur à cet arti-
cle, quant aux caufes&r au traitement.
( Voye^ Assoupissement ) M. T.
LEVAIN. ( Foyei l'article Pain )
LEVER. Terme de jardinage. On
dit qu'une graine a levé lorfque la
radicule s'eft eiifojicée dans terre, &
L E V 255
que 'es deux lobes de la graine font
hors de terre , c'eft-à-dire qu'elle a
germé , & que les feuilles quelcon-
ques paroilTent en-dehors .... On dit
lever un arbre, lorfqu'on le déplante
pour le planter en un autre endroit ....
Lever en motte , lorfqu'on le déplante
avec toutes fes' racines & avec la
terre qui leur eft adhérente .... Levtr
en wanequin y c'eft le déchaulfer tout
autour , & retenir la terre qui l'en-
vironne, avec des claies ou un mane-
quin, fuivant le volume des racines.
Ces deux dernières opérations ont
pour but de conferver les racines fans
les châtrer, racourcir ou rafraîchir ,
à la manière des jardiniers, mais dans
leur enrier ; la nature ne les avoir pas
faites pour fubir ces fuppreftions , qui
forment autant de plaies qu'il y a
eu de racines coupées.
LEVRE, {hot. ) Nom que les bo-
taniftes ont donné aux limbes de cer-
raines corolles , qui font recourbées
de l'intérieur à l'extérieur , (Je qui
imitent en quelque fotte les lèvres des
animaux. Dans les fleurs peifonnées
& labiées , les pétales couronnées ont
la forme & portent le nom de lèvres.
( f'''oye:i le mot Flhvk , ) où l'on trou-
vera le dellin de fes parties. M M.
LEVUB E. ( Foyei Pain )
LIE. Sédiment des liqueurs com-
pofées, qui fe précipite par le repos; ,
Ce n'eft pas le cas de parler ici de
toutes les efpèces de fédiment. II
fuffit d'examiner la lie du vin , la
feule utile. Dans les années sèches,
6c pendant lefquelles la chaleur fe
foutient depuis le commencement
de la maturité du rai (in jufqu'.à fa ré-
colte, la lie eft abondante j elle l'eft
25^ LIE
beaucoup moins dans les années plu-
vieufes & froides , parce que le muci-
lage , & fur-tout la partie fucrée , font
moins rapprochés dans le raifm, &
que fous une même quantité de fluide
les principes font moins abondans &
moins rapprochés que dans les années
fèches & chaudes. 11 y a plus de vé-
liicuie aqueux. Voici un point de fait
qui paroîtra contradiétoire avec ce
que je viens de dire. Les vins des
provinces méridionales dépofenc
moins de lie que ceux des provinces
du centre du royaume ; cependant il
y a une plus grande maturité dans les
premiers , & par conféquent plus de
principes rapprochés dans une mafTe
donnée de fluide. Cette différence
très fenlible , provient de la qualité
du raifm que l'on cultive : telle ef-
pèce en fournit beaucoup plus qu'une
autre. Un vin qu'on lailfe longtemps
cuver , & qu'on ne tire que lorfque
la fermentation , ( ^oye^ ce mot )
elt complettement celTée , & lorfqu'il
eft clair tk lympide, fuivant la mau-
vaife coutume de la majeure partie
des vignerons de Provence Se de Lan-
guedoc , (Sjc. donne très-pçu de lie;
elle a refté adhérente aux grappes ou
aijx pellicules. Ainfi , pour conclure
de la qualité des vins par les lies, il
faudroit connoître Fefpèce de railîn
qui les a faits ; le pays d'où il vient ;
quelle a été la conftitution de l'été &
de l'automne ; mais toutes les fois
que des lies on tetircra beaucoup
de tartre , on peut aflurer que le vin
étoit généreux , qu'il contenoit beau-
coup d'efprit ardent , parce que le
tartre , inloluble dans l'eau , ne (e
fép.ue du vin qu'autant qu'il fe forme
d'efprit ardent. Les lies des vins nou-
veaux en contiennent très- peu.
J^es principes conftituans les lies ,
LIE
font une terre calcaire, extrêmement
fine «Scdivi fée , une partie du mucilage
dd vin, & plus ou moins de la partie
colorante du raifin , fuivant fon ef-
pèce; enfin, la portion du tartre qui
ne s'eft point criiïallifée contre les dou-
ves du vaiiïeau qui a contenu le vin.
La matière terreufe eft le vrai
humus , la terre végétale & foluble
dans l'eau ; c'eft l'excédent de celle
qui a fervi à la végétation du cep , &
à la charpente du raifin ; enfin, celle
qui eft montée avec l'eau de végé-
tation , dès que cette dernière a été
dans l'état favoiineux. ( f'^oye^ le mot
Amendement, & le dernier chapitre
du mot Culture. )
La matière mucilagineufe eft éga-
lement le furplus du principe mu-
queux contenu dans le vin. C'eft ce
mucilage qui donne à la liqueur le
moelleux &c l'amiable : trop de mu-
cilage la rend liquoreufe , & quel-
quefois pâteufe. Tels font les vins
mufcats qui n'ont pas été collés. Ce
muqueux eft également monté avec
la fève dans fon état favonneux j enfin,
c'eft la partie la moins élaborée du,
mucilage qu'on retrouve dans la lie.
La parrie colorante qu'on y voit , eft
celle qui n'a pas été dilfoute pat l'efprit
ardent; elle a fimplementété étendue
dans la liqueur, & non difloute. Par
exemple, fi on prelfe du raifin rouge,
tel qu'on l'apport; de la vigne , fans
qu'il ait fermenré , on aura une li-
queur rouge, mais la partie colorante-
y fera feulement étendue & non dif-
foute ; elle fera comme le cinabre dé-
layé dans un verre d'eau , fans addi-
tion de gomme, & cette eau reftera
rougie tant qu'elle fera agitée ; Se
enfin reprendra fa couleur naturelle
après avoir précipité h. terre minérale.
Il en eft ainfi du moùi , il y a cx-
tenûon.
LIE-
tenrion , divifion des principes co!o-
rans , «Se non pas dilTolution , ce qui
eft très - différent. Je n'examinerai
pas ici fi cette partie colorante eft
iimplement réfineufe, ou une réline
unie avec un extrait 5 cet article eft
renvoyé au mot Raisin. Ainii ,
quand il feroit démontré qu'une par-
lie eft diffoute par l'eau , ( l'extrac-
tive . ) &: l'autre par l'efprit ardent , ( la
rélineufe ) il n'en eft pas moins vrai
ijué la réfineufe eft la plus abondante ,
ëc par conféquent celle qui exige la
converfion du principe fucré en ef-
prit ardent , pour la diffoudre & la
combiner avec la liqueur.
Les lies des vins qui ont peu fer-
menté , font beaucoup plus colorées
que celles des vins fermentes con-
venablement. Cette propofition géné-
rale fouffre des modifications. Ptenez ,
par exemple , le raifin de la famille
des pinneaux , appelle le teint-eau ou
feinrarier, dénomination qu'il mérite,
à caufe de la grande quantité de fa
fiartie colorante, il eft certain que les
ies du vin de ce raifin feront beaucoup
plus colorées que celles de tout autre.
Ainfi, fa couleur &fonintenfité dans
les lies, tient également à la plus ou
moins longue fermentation , à la
qualité de l'cfpèce de raifin , au cli-
mat , à la conftitution de l'année ,
au grain de terre de la vigne , & à
fon expofition.
Le tartre eft le felelfentiel delà vi-
gne, d'où il paffe dans le railin , & du
raifin dans le vin. Plus un vin eft gé-
néreux , plus il précipite de tattre.
Les vins des provinces du midi en
contiennent fort peuj il abonde dans
leurs lies & contre les parois des
vailfeaux où il fe cryftallife en couche
dure & épaiffe. Au contraire , dans
les provinces du nord, la Bourgogne,
Tome FI.
I I t
^57
la Champagne , &:c. les vins retien-
nent cette agréable acidité du tartre:
acidité dont on ne s'apperçoit en
aucune manière dans les vins des pro-
vinces du midi. Cet acide eft encore
un des dilfolvans de la partie colo-
rante.
La lie eft compofée de ces quatre
principes; mais elle retient encore une
portion de vin & de fpiritueux. Elle
relîemble à une gelée j elle eft épaiffe
& tremblante, comme elle. La pref-
fion ne fauroit en extraire le vin fans
le fecours d'une chaleur artificielle.
La lie eft-elle utile au vin, c'eft-à-
dire à fa qualité & à fa confetvation ?
Les fentimens font partagés fur ce
problême j ils ne devroient pas l'être:
c'eft ce que nous examinerons au mot
Vin.
De la lie on retire du vin , qui
fert à faire le vinaiçrre. En diftillanc
les lies, on obtient un efprit ardent.
( Voyei^ le mot Distillation, page
54 ) On calcine le réfidu àcs diftil-
lations , ou les lies dans leur érat
naturel , pour en obtenir l'alkal'n
( Voyc\ le mot Cendre Grave-
lée , & le mot Tartre )
LIEGE. ( Voyei planche VI ,
paae 248 ) J'ai déjà parlé fommai-
rement du liège , à l'arricle Chêne ,
parce qu'effeétivement c'eft un chê-
ne; mais il mérite qu'on s'en occupe
d'une manière particulière. Les'fleurs
mâles font iéparées des fleurs fe-
melles , & difpofées comme celles
du chine ordinaire. ( J^oyc\ ce mot )
A en repréfente une avec les éta-
mines réunies ■, qui fe féparent ,
comme on le voit en B. Elles font
raffemblées dans un calice d'une feule
pièce C à cinq divihons. D fait voie
une étamine examinée en-delfus , Si,
Kk
ijS LIE
E vue en-deTous. Les fleurs femel-
les n'ont qu'un piftil , & font ren-
fermées dans un calice rond, à peine
vifible avanr la formation du fruit.
F le repréfente dans l'état ce matu-
rité , dans lequel repofe le fruit G.
H le fait voir coupé longitudinale-
nient. I fait voir la fenience exté-
rieurement , & K vue à l'intérieur.
Le refte de la defcription comme à
l'article Ckéke-Liege : fa culture ne
diffère pas de celle du chêne ordi-
naire.
Le chène-liége craint le froid juf-
qu'à un certain point ; je crois ce-
pendant que par des femis répétés
de proche en proche , on parviendroit
à lenaturalifer dans beaucoup de pro-
vinces du centre du royaume. Ce
n'eft pas en faifant venir les glands
de Perpignan , par exemple , & en
les femant en Bourgogne, qu'on réuf-
fîra ; la diftance eft auOi difpropor-
tionnée que le climat. Mais fi , par
exemple , on les feme au Pont-du-
Saint-Efprit , & que les glands des
arbres qui en proviendront , foient
enfuite femés à Valence, .5c ainfi de
fuite en remontant vers le nord , il
eft plus que probable que la natu-
ralifation aura lieu. ( /^oye| ce qui
a été dit au mot Espèce )
Le cWène-licge aime les terrains
légers , & craint les fols humides.
Il eft très-commun près de Bayonne,
dans quelques cantons de la Guyenne,
du Roullillcn , de la balfe Provence
& du Languedoc. L'Italie & l'Efpague
en produifent beaucoup.
L'écorce de ce chêne eftprécieufe,
c'eft pourquoi on s'attache à lui don-
ner le plus de qui'le qu'il eftpofllble j
cepeiidant en ménageant fa tête ,
afin d'avoir àe plus longues pièces
d'écorce. Lorfque cet arbre a acquis.
L I E
après quinze ou vingt ans, une cer-
taine confiftance , & le pied un cer-
tain diamètre , on enlève fon écorce
qui, cetre fois , n'eft bonne qu'à brû-
ler, ou pour les tannées. L'opération
s'exécute en coupant cette écorce cir-
culairement au haut & au deflTous âts
branches. On la coupe également au-
delTus des racines, enfuite on la fend
du haut en-bas , en un , deux ou
trois endroirs différents , fuivant le
diamètre du tronc. Dans l'efpace de
fept , huit à dix ans, cette écorce fe
régénère; mais elle n'a pas encore la
perfeétion qu'on délire : elle fert aux.
pêcheurs , pour foutenir leurs filets à
fieur-d'eau. Huit ou dix ans après on
recommence l'opération , & à cette
époque l'écorce a ordinairement ac-
quis répailfeur convenable à la fabri-
cation des bouchons. ( f^oye^ ce mot)
L'incifion de l'écorce s'exécute avec
le tranchant d'une hache , dont l'ex-
trêmiré inférieure du manche eft ter-
minée en coin, qu'on enfonce peu-
à-peu entre l'écorce ôc le bois. lî
faut éviter avec grand foin de meur-
trir une peau ou écorce qui fixe, qui
recouvre la partie ligneufe, paice
que c'eft elle qui régénère l'écorce
fupérieure. Après avoir enlevé ces
écorces , on les coupe fur une lon-
gueur Sz largeur donnée ; l'excédent
fert fut les lieux à la fabtique des^
bouchons. Si la fuperficie n'eft pas
unie , on enlève avec la plaire les
parties raboteufes. Aufluôt après ces
planches de liège font flambées des
deux côtés , de manière que la flam-
me les pénétre à-peu-près de l'épaif-
feur d'une ligne. Cette opération ref-
ferre les pores, & donne plus de nerf
au lié^e. Le blanc, celui qui n'a peint
été flambé, eft moins eftimé que l'au-
tre. Les qualités t^ui conftituent un
L I E
bon liège, font d'être fouple, pliant
fous le doigt , claftique , point ligneux
ni poreux , de couleur rougeâtre. Le
jaune eft moins bon, le blanc eft le plus
mauvais. Quant aux proportions qui
conftituent un bon bouchon . voj'e:^
ce qui eft dit au mot Bouchon.
On lit dans le journal économique ,
du mois de juin i 77 i , une obferva-
tion de Al. Ruden Schueold , con-
feiller de commerce en Suède j qui
mérite d'être rapportée. Il dit que la
cire vierge , & blanchie au foleil ,
mêlée avec du fuif de bœuf, bien
nertoyé, ( deux tiers de cire & un de
fuif ) communique au liège trempé
deux ou trois fois dans ce mélange ,
la propriété néceffaire pour ne lailfer
aucun palTage aux parties les plus
fubtiles des liquides les plus forts &
les plus fpiritueux. Chaque fois qu'on
aura trempé le bouchon dans ce mé-
lange , il faudra le mettre , le côté
le plus large en - bas , fur une
pierre , ou fur une plaque de ftr j &
le tenir aind dans un four chaud, juf-
qu'à ce qu'il foit parfiitement fec.
Si on fait bouillir le liège dans cette
mixtion , il acquiert plutôt la vertu
<ionr il s'agit -, mais il perd une partie
de fa flexibilité & de fon élafticité.
Au moyen de cette préparation, le
liège ne laifiTe échapper aucune partie
volatile de quelque liqueur que ce foir.
II eft vrai qu'à la longue l'eau-forte
le ronge 5 mais il rèfifte beaucoup
plus longtemps. Les bouchons ainh
préparés ne donnent aucune odeur
au vin , au lieu que les bouchons
d'Angleterre qu'on fait bouillir dans
l'huile, lui en communique une dé-
fagrèable.
LIENTERIE. Médecine Ru-
iiALE. La lienterie eft une efpèce
L r E
M9
de flux de ventre , dans lequel ou-
rend les alimens cruds , immédia-^ •
temenr après les avoir mangés. -
D'après cette définition , il eft*
aifé de connoître cette maladie {
outre que ceux qui en font attaqués ,
rendent, par dévoiement , les ali-;
mens tels qu'ils les ont pris , ils font
extrêmement dégoûtés , quelquefois
même ils éprouvent une faim ca-
nine , &■ une chaleur inrérieure ; ils
reftentent à la région de l'eftomac ,
desépreintes, qui les jettent fouvenc
dans des défaillances : à cet état fuc-
cède allez ordinairement un acca-
blement général , un grand abatte-
ment des forces, qui réduit les ma-
lades à un état extrême de féche-
relfe j enfin , au marafme. Par les
fympcomes dont on vient de parler,
on peut croire que la lienterie a fon
fiège dans l'eftomac; il paroît même
qu'il eft feul affeélé; ce qui le prou-
ve , c'eft la qualité & la nature des ma-
tières alimenteufes que les malades
rendent par les felles , & qui n'ont
fubi aucun changement.
Urje infinité de caufes concourent
à produire cerre maladie; de ce iiom-
bre font la foiblefie des fibres de
l'eftomac, leur inaétion, le relâche-
ment extrême de ce vifcère; fon irri-
tation portée au dernier degré ; le
défaut de redort & de faculté réten-
trice. Des poifons reçus dans fa ca-
vité, <Sc l'âcteté des fucs gaftriques
peuvent encore cccafionner la lien-
terie; elle peut dépendre auflî d'une
diaihèfe fcorbutique , &: venir à la
fuite d'un ulcère de l'eftomac , & de
quelque autre longue maladie , telle
que la dillenrerie Se une diarrhée.
On ne doit pas oublier dans l'énu-
mération des caufes de cette maladie ,
l'ufage des alimens groffiers Se de
Kk i
a/îo LIE
difficile dîgeftion , & une cicatrice
très-cpaitTe qui peut s'être faite dans
quelque parcie du tube inteftinal.
Cette dernière caufe a é:s ohfervée &c
adinife par Actius&c Celfe y elle paraît
néanmoins cnimérique, & ne paroît
pas pouvcir contribuer à la lienterie ,
puifque le liège uc celle-ci eft dans
l'eftomac & non dans les inteftins.
. Buchan i:ous appiend que lorlque
la lienterie fuccède à la dilfenterie ,
elle a les fuites les plus funeftes.
Si les felles font très - fréquentes ,
ajoute ce médecin , fi les déjettions
font abfûkunent crues , c'eft-à-dire
compofées d'alimens peu ou point
changés , h la foif eft confidérable ,
les urines en petite qu:\ntité , la
bouche ulcérée, le vifage parfemé de
taches de différentes couleuts, le ma-
lade eft en un très-grand danger.
Le traitement de la lienterie dif-
- fère peu de celui de la dilfenterie.
Pour la combattre avec fuccès, il ne
faut jamais perdre de vue la caufe
véritable qui l'a produite \ on com-
mencera par faire vomir les malades
avec ripécacnana , il l'eftomac &: le
refte des premières voies font em-
bouibésdes fucs putrides. On infifteia
enfuite fur les purgatits , avec lefquels
on combinera toujours l'ipécacuana à
petite dofe.
Mais ces remèdes feroient danse-
reux , ou tout au moins inutiles, fi
la lienterie dépendoit d'un relâche-
ment extrême de l'eftomac, ou de
fa trop grande irritation. Dans le
premier cas ,les toniques alïez aclifs^
tels que l'ipécacuana en poudre , donné
toutes les heures à la dofe d'un grain ,
l'infufion des feuilles d'i;ranger, de
petit-chêne, le quinquina donné en
poudre , les martiaux , les bains froids,
leroient le plus gtandbien. Ik feroienc
L I E
au contraire ttèsnuifibles, fi l'eftomac
étoit irrité ; ils augmenteroient encore
plus la tenfion de fes fibres j il vaut
mieux alors ^mployer les adoucilfans
& les relàchans , tels que la faignée,
les bams tièdes , l'eau de veau, celle
de guimauve , lés bouillons adou-
cillans & les narcotiques.
Si la lienterie reconnoît pour caufe
un ulcère de l'eftomac , on donnera
alors les vulnéraires déterfifs , comme
les intufions de feuilles de véronique,
de hèrre terreftre , de mille-feuille,
adoucies avec le miel de Narbonne j
& les diffcrens baumes naturels. Enfin,
on oppofera à chaque caufe un trai-
tement approptié.
Jufqu'ici en n'avoit pas connu de
remède fpécihque contre la lienterie.
Depuis environ dix ans , on fe fert
en Europe de la racine de Colombo ,
qui produit les plus heureux effets dans
la lienterie lapins invétérée. Pringle ^
Percivalj Gaubius , Tronchin & Bu~
chan la recommandent comme le
plus excellent remède qu'on puiffe
employer contre cette maladie \ ce
dernier en rapporte deux exemples
frappnns, comme on peut s'en con-
vaincre dans fa médecine domeftique.
M. Duplanil , célèbre médecin, à.
qui nous fommes redevables de la
traduélion de cet excellent ouvrage,
remarque que cette raciiie nous eft
apportée de la ville de Colombo dans
l'île de Ceyian. Cueillie récemment,
elle purge par haut «Se pat bas \ fè-
chée, on l'emploie dans ces contrées
comme ftomat hique \ dans les fièvres
intermittentes e*^ les diarrhées , à la
dofe d un demi-gros, trois ou quatre
fois par jour.
Buchan veut qu'on la donne plii-
fieurs fois dans la journée, fous forme
de bol, à une plus petite dofe, c'eic-
y
LIE
i-dlre à quatre grains , & qu'on l'in-
corpore dans un iyrop aftringenc , tel
que celui de grofeilles ou de coins.
Enfin ,Jes ancifpafmoaiques feront
employés , fi la caufe de la lienterie
tient à l'aftection des ntiis. M. AMI.
LIERRE. Tournefort le place dans
la féconde fedtion de la vingt-unième
clalTe deftinée aux arbres à Heurs en
rofe , dont le double piftil devient
une baie , & il l'appelé hedcra ar-
borea. Von Linné le nomme hedcra.
hélix 5 il le clalle dans la pentandrie
monogynie.
Fleurs. RafTemblées en manière
d'ombelle , dont l'enveloppe eft den-
telée ; les Heurs compofces de cinq
pétales difpofés en rofe , oblongs ,
ouverts , courbes à leur fommet j
renfermés dans un calice très-petit,
à cinq dentelures pofées fur le germe.
Fruit. Baie noire dans fa mârarité,
ronde , à une feule loge renfermant
cinq groifes femences arrondies d'un
côté, ajiguleufes de l'autre.
Feuilles. Portées fur de longs pé-
tioles , fermes , luifantes , ovales ;
celles de l'extrémité des branches
quelquefois abfolament ovales , les in-
férieures prefquetrian2;ulaires: toutes
varient beaucoup dans leur forme.
Racine. Ligneufe , irbreufe , &
prefque traçante.
Port. Grand abriiïeau qui s'élève
à (les hauteurs conlîdérablcs, dont le
bois efl: tendre & poreux j fes tiges
font farmenteufes & grimpantes ;
elles s'attachent aux atbres , aux vielles
murailles , par des vrilles rameufes
qui s'y implantent comme des ra-
cines, & abfotbent la fubftance des
arbres j les fleurs vertes , ralTemblées
à l'extrémité des tiges , & difpofées
€nefpèces degtappes rondes j les feuil-
LIE, iGi
les alternativement placées fur les
tiges, quelquefois {Panachées j ce qui
conlhcue des variécés.
Lieu. Toute l'Europe ; fleurit e«
juin , juillet , août , luivant lès clL^,
mats. . ,:
Propriétés. Les feuilles ont une
faveur un peu acre j les baies un goûc
acidulé. Il découle du bois un fuc
qui s'épaiflit , qu'on nomme gomme
de lierre j dont la faveur elt âpre &c
acre. Les feuilles font aftringentes èc
déterllvesj les baies purgatives par le
haut & par le bas ; la racine trè^-dé-
terfive & réfolutive.
Uj'dges. Avec les feuilles, on fait
des décoélions & des cataplafmes ;
avec les baies , des infufions dans du
vin. L'ufige intérieur de cette plante
eft dangeteux.
Culture. Les lierres panachés en
jaune ou en blanc, ne font que des va-
riétés. Les amateurs peuvent les greffer
fur le lierre ordmaire. On multiplie
celui ci par femences , & encore mieux
par drageons enracinés. Il fuffit de
coucher une branche en terre , elle y
prend auflitôt racine. Le lierre épuife
les arbres qui lui fervent d'appui ;
cependant dans les bofquets toujours
verds, on peut en facriher quelques-
uns , ahn d'avoir des effets pittoref-
ques. Les lierres tapilfent très bien
les vieux murs, & figurent agréable-
ment fur ces prétendues vieilles ma-
fures , faites depuis peu , dont on dé-
core ce qu'on appelle les jardins an-
glois.
LIERRE TERRESTRE. ( Foye^
planche FI , page 24S ) Tournefort
le place dans la rroifième fedion de
la quatrième clafle delUnée aux her-
bes à fleurs , d'une feule pièce , en
lèvre , dûiu la partie fupéiieur* eft
2.(}i LIE
retroUdée, & il l'appelle calatnhuha
humUïùr rotundiore folio j ou d'après
Baiihin , hedera terrejliis vulgaris.
Von Linné le nommé gkchoma he-
deracea , & le clalle dans la didy-
namie gymnûfpermie.
Fleur. En lèvres ; le tube compri-
mé j la lèvre fupérieiue dtoite , ob-
rufe , prefque divifée en deux 5 l'in-
férieure grande , ouverre , obtufe ,
divifée en trois j la partie moyenne
évafée. A fait voir la forme de la
corolle ; elle eft repréfentce ouverte
en B , & on y voit les quatre éta-
niines , dont deux plus grandes &:
deux plus courtes. C défigne le piftil,
i^ D le calice.
Fruit. Quatre femences E , ovales,
renfermées dans le calice cyUndrique.
- Feuilles. Simples, en forme de reins,
crénelées , portées fur des pétioles.
Racine. Horizontale , rampante ,
pouiTant & fe multipliant par dra-
geons, repréfentée en F.
Lieu, Les champs , les haies \ la
plante eft vivace , & Heurit en juin ,
juillet & août , fuivant les climats.
PropmVtf'j. Les feuilles font amères,
im peu aromatiques \ toute la plante
eft aftringente , vulnéraire , expeélo-
rante , & foiblement incifive.
' Ufages. Les feuilles font très-utiles
dans la toux elfentielle, lorfque l'ex-
pecloration commence à fe montrer j
dans la toux catarrhale , l'afthme pi-
ruiteux, dans les comniencemens de
la phtifie pulmonaire. On emploie
riierbe fraîche oufèche , ou les lom-
mités fleuries de l'herbe fraîche \ on
en fait des décodtions , des extraits, des
bouillons; on en tire un fuc , on en
prépare un fvrop , qui a la même pro-
priété que la décoction d«s plantes.
L I G
LIGNEUX, f 5or.) Ceft par cet
cpithèteque les botaniftes ontdéfignc
les parties folides& dures des plantes
& des arbres. Comme elles font le ré-
fultar de l'endurcilfement des fibres li-
gneufesjouvailfeauxlimphatiquesjou
peu: confulter , pour en comprendre la
théorie, les mots Couches Ligneu-
ses , Fibre Végétale et Vais-
seaux LiMPHATIQUES. M M.
LILAS ou LILAC. Tournefort le
place dans la feétion quatrième de la
vingtième claiïe des arbres à fleurs
d'une feule pièce, dont le piftil pro-
duit un fruit à plufieurs loges, & il
l'appelle lilac. Von Linné le nomme
Jyringa vulgaris, & le clalIe dans la
diandrie monogynie.
Fleur. D'une feule pièce \ le tube
cylindrique, très-long , le limbe ou-
vert, à quatre dentelures ; le calice
d'une feule pièce , petit , divifé pac
fes bords , à quatre dentelures \ les
écamines au nombre de deux, & un
feul piftil.
F/-//ir. Capfule oblongue , applatie,
terminée en pointe , à deux loges ,
renfermant des femences folitaires j
applaties, pointues des deux côtés,
bordées d'une aile membraneufe.
Feuilles, Portées fur de longs pé-
tioles , fimples , ovales , en forme de
cœur , lilfes.
Racine. Ligneufe , rameufe.
Porc. Grand arbrilTeau , dont la
tige s'élève alfez droite, & rameufe;
l'écorce d'un gris-veidâtre , le bois
tendre \ les fleurs de couleur lilas ,
dilpolées au haut des tiges en pyra-
mides ovales ou grappes.
Lieu. Originaire des Indes , de
Peife, cultivé dans les jardins, fouvent
I I L
dans les liaies. C'eft un des premiers
arbres qui fleuriireut au printemps.
Culture, Le lilas ordinaire fourni:
plufieurs variétés. La première,à fleurs
blanches \ la féconde à fleurs tirant
fur le bleu j à feuilles panachées en
blanc ou en jaune , fur-touc celui à
fleurs blanches.
On connoît encore le lilas de Perfi ,
fyringa Perjica. Lin. Lilac ligujlcr
folio. TouRN. Il diftcre du premier
par fes feuilles , femblables à celles
du troène , ( Voye:^ ce mot ) par fes
tiges qui ne s'élèvent ordinairement
qu'à trois pieds ^ par ks grappes de
fleurs j beaucoup plus petites. Il y a
une variété à fleurs blanclres.
Von Linné regarde comme une (Tm-
ple variété du petit lilas de Petfe, celui
qui elt à f-euilles découpées comme
le perfil ^ .Se il le nomme fyrinoa laf-
cinidta , & il s'élève à la même hau-
teur. Ces deux jolis petits arbrilî'eaux ,
l'ornement des bofquets de printemps,
reçoivent la tonte comme les buis ,
& fe chargent de fleurs. On peut à
volonté varier leur forme. On doit,
à caufe de leur peu de hauteur , les
placer fur le devant des majlifs.
Le lilas ordinaire ne doit occuper
que le fécond & même le troifième
rang dans les malTifs, & on doit garder
pour le centre les arbres qui montent
plus haut. De cette manier; les mallifs
pyramident & font un très- bel effet.
Mais (îon plante les arbres pèle-mèle,
fans avoir ég«ird au remps de leur
fleuraifon , & à la hauteur de leurs
tiges , tout devient confufion , les
plus élevés étouffent les plus bas, de
le coup-d'œil n'eft plus agréable.
Les lilas à feuilles de trocne , ou à
feuilles découpées , forment de jolies
palilfadcs , tapilfent bien les murs.
L I L
aéî
fi on a foin de les tailler. Le lilas
ordinaire n'aime pas la gêne , &c il
fe venge de la main du jardinier, par
la quantité de tiges qu'il poufle de fes
racmes; d'ailleurs les bourgeons de
ces tiges périlfent à mefure qu'ils
s'élèvent , & ne fubfiflent plus que
vers le fommer.
On peut former les haies de clôture
avec le lilas ordinaire, & au temps
de la fleur elles font charmantes -, mais
le lilas veut être feul , fes branches
doivent être tirées prefque horizonta-
lement, &■ croifées les unes fur les
autres en lozange, de certe manière
elles ne s'emportent pas vers le haur.
( ^ojr^ au mot Haie, la defcription
de ce travail. ) Je n'ai pas ellayé de
grefter par approche les tiges les urtes
contre les autres. Je préfume que
la c'nofe eft très-polfible.
Ces arbuftes fupportent les froids
rigoureux de nos hivers, comme s'ils
étoient indigènes. Ce fait prouve com-
bien il efl: facile de naturalifer de
proche en proche les arbres des
pays méridionaux. Confultez le moc
EspicE.
Le lilas ordinaire vient par-tout,
jufques fur les vieux murs. Les petits
à feuilles de trocne, ou à feuilles de-
coupées, fontplus délicats, ils aiment
une terre fubftancielle.
On peut multiplier ces efpèces par
le femis j c'eft le moyen de fe pro-
curer une grande quantité de pieds;
(?c comme leur végétation eft prompte,
on eft amplement dédommagé de fes
foins. Mais toutes ces efpèces de lilas
poulîent beaucoup de drageons enra-
cinés, qui foarnilfent des fujets à re-
planter ; on les prétére communément
au femis. Si on veut avoir beaucoup
de drageons , il faut rafet toutes les
2<?4 L I L
tiges près du fol , & recouvrir le pied
avec cinqàHx pouces de terre On
peut encore cou:her des branches ,
comme des marcortes. On ième la
graine auflicoc qu'elle eft mûre.
■- •LILIACÉE. Plante à fleur
en lis. Ces fleurs font de plufieurs
pièces , régulières , compofées ordi-
pairemeut de llx pétales , quelquefois
;de trois , ou même d'un feul divifé
en (ix portions par les bords. Elles
.imitent le lis d'où elles ont pris
leur dénomination. Leurs femences
font toujours rentermées dans une
capfule à trois loges. Enfin, on donne
en général le nom de Vdiacéis à toutes
plantes qui fortent d'un oignon.
LIMACE. LIMAÇON. La pre-
mière eft un reptile nud, c'ell-à-dire
fans robe ou coquille ; & le fécond
fe renferme dans une coquille qui
prend le même accroiirement que
lui. Lorfque la faifon froide com-
mence à fe faire fentir , il fe retire
dans fa coquille , & la bouche avec
une matière glutineufe , qui durcit
bc le met à l'abri du froid & de l'hu-
midité , lorfqu'il a creulé fa retraite
fous terre , ou fous des pierres , ou
dans les crevalTes des murs. La limace
fe replie également fur elle-même , &
la partie de iow col ou coqueluchon
lui tient lieu de coquille. La limace
&c le limaçon font hermaphrodites ,
c'ell-à-dire que chaque individu a les
parties fexuelles miles & femelles ;
mais il faut l'accouplement des deux
êtres pour féconder, & ils ont beau-
-cûup de peine à s'accoupler. Je n'en-
trerai pas dans de plus grands détails
fur la ftruélure & fur les efpèces de
limaces & de limaçons; ils font plus
utiles aux naturaliftes qu'aux cultiva-
L I M
teurs. Ceux qui défireront de plus
grands éclaircilfemens, peuvent con-
fulter les ouvrages de M. de Réaumur,
de Swa^ierdam, le dictionnaire d'hif-
toire naturelle de M. Valmont de
Bomare, &c.
Ces deux infeftes font de très-
grands dégâts dans les jardins pora-
gers , dans les vergers & dans les
champs \ ils attaquent indiftincle-
ment les fruits , les jeunes bourgeons
des arbres, & les plantes lorfqu'elles
font encore tendres. C'eft véritable-
ment un fléau , & cette engeance
maudite fe multiplie à l'excès , fi on
ne fe hâte pas de la détruire. Que
d'arcanes , que de recettes on a publié
fur cet objet, toutes plus merveilleu-
fes les unes que les autres \ & toutes,
au m.oins très-inutiles , fi elles ne fonc
pas nuifibles! La feule bonne recette
confifte dans la perfévérance & le»
foins , pour trouver, & enfuiteécrafer
ces infedes. Le limaçon & la limace
marquent les endroits par où ils onc
palfé avec une humeur vifqueufe ,
gluante & brillante ; ainfi on peut les
fuivre à la trace jufques dans leur re-
traite. On dit que ces animaux n'ont
point d'yeux ; mais que font donc
ces deux points noirs , qui brillent
à l'extrémité de leurs cornes ? Com-
ment vont-ils fi bien en ligne droite
fur le fruit ? Sont-ils fimplement at-
tirés par l'odorat ? Quoi qu'il en foit,
il n'eft pas moins vrai qu'ils caufent
beaucoup de dégâts.
Les limaces & les limaçons fe reti-
rent pendant le jour fous les feuilles
des arbres , dans les haies , fous les
bancs, fous les pierres, & courent
pendant la nuit ; s'il furvient une pluie
chaude pendant le jour, iisfe mettent
également en marche, & vont ma-
rauder. C'ell alors le cas de vifiter fes
efpalieis
L I M
efpaliers & fes arbres , ils ne font plus
cachés fous les feuilles ; mais ils
courent par-delîus ou contre les bran-
ches. Il eftdonc facile de les prendre
& de les tuer, ou de les jeter dans un
fac j afin de les manger enfuite. Dans
plufieurs de nos provinces, les lima-
çons font un excellent mets pour les
paylans , & dans d'autres ils ne man-
gent les limaçons que pendant l'hiver,
lorfque leur coquille eft fermée par
l'oppercule. On peut garder les lima-
ces , & les donner aux poules , aux
dindes, aux canards , qui en font très-
fciands. Le jardinier vigilant ira , cha-
que foir , une lumière à la main, vi-
fiter fes efpaliers , les tables de (on
jardin , & ramalfer tous les limaçons
qu'il trouvera. A force de foins il
parviendra à les détruire. ... Il peut
encore , de diftance en diftance ,
placer des planches élevées d'un pou-
ce , fur un côté , & touchant terre
de l'autre 5 les limaces &: les lima-
çons s'y retireront , & ils les tuera :
ce qui eft plus fût que les petits cor-
nets faits avec des cartes, que les pa-
piers publics ont, dans le temps, pro-
pofé comme une recette fûre. Je
conviens que l'odeur de la colle qui
unit les feuilles de papiers , dont la
carte eft compofée, attire les lima-
çons, qu'ils la rongent avec plaifir, &
qu'ils fe cachent dans cette efpèce
d'entonnoir j mais ce repaire n'eft pas
aufti fur que celui offert pat les plan-
ches, par les pierres, par les vafes de
terre, de fayance, à demi-caftcs &
renverfés , &c. ; on les vifite fans
peine le matin 6c le foir.
Dans une feule nuit, les limaces
fur- tout, dévaftent les femis fur
couche ou dans les tables , lorfque
les plantes commencent à poindre.
Si la limace eft aveugle , comme ou
Tome yi.
L I M i<Î5
le dit, au moins elle n'eft pas mal-
adroite , car elle fçait très - bien
choifir les herbes les plus tendres ,
& elle n'y manque jamais. Le feul
moyen de préferver les femis , eft de
couvrir la terre avec des cendres , ou
avec de la chaux pulvérifée, ou fim-
plement avec du fable très fin. Ces
fubftances aglifenr mécaniquement
fur l'animal , iSc non par quelques
propriétés qui leurfoientparticulieres.
Ces particules fixes &: déliées s'atta-
chent au gluten de l'animal , em-
pâtent tout le delfous de fon ven-
tre & fes cotés , de manière que fes
mouvemens font arrêtés , il ne peut
plus fe traîner en avant , «Se fouvent
il meurt fur la place. Mais fî on
laifle durcir cette couche de fable ,
de chaux , Sec, elle ne produit plus
aucun effet. Il faut donc de temps
à autre la pulvérifer , en divifer les
molécules , la rendre le plus meuble
poffible , & même la renouveller au
befoin.
Ces petits moyens fuffifent dans un
jardin , pour quelques tables feale-
ment. Mais , y a-t-il beaucoup de
cultivateurs en état de les employer
en grand pour les vignes , pour les
champs , &c. ?
Les limaces des jardins , jaunes ,
brunes ou noires , quelle que foit leur
couleur, font plus groffes, plus volii-
mineufes que celles des champs : ces
dernières n'ont que quelques lignes
de diamètie , fur fix , huit à dix de
longueur, fuivant leur âge. Elles font
communément de couleur grife , quel-
quefois verdâtres , ^^ quelquefois une
partie de leur corps eft noire <Sc l'au-
tre grife. Ces couleurs tiennent- elles
à leur degré d'accroiffement, ou conf-
tituent-elles des efpèces différentes?
Les naturaliftes rcfoudront ce pro-
Ll
i66 L I M
hlême. Mais ce qu'il importeroic de
fçavoir nu cultivateur , ce feroit un
moyeu fur & peu coûteux de les
détruire. Lorfque l'automne eft un
peu chaude , lorfque les bleds font
hors de terre ; enfin j lorfque les
froids ne furviennenr pas de bonne
heure, ces infedes fe multiplient à
on tel point qu'ils dévorent tous les
bleds, &: laiiîent la terre nue. Enfin ,
on eft fouvent obligé de refemer. On
a confeillé de conduire la volaille fur
ces champs j & elle détruit beaucoup
d'infecles. Cette volaille endomma-
gera le bled tendre , en le becque-
tant , en le déterrant , &c. L'objec-
tion eft vraie jufqa'à un certain point;
mais il vaut encore mieux perdre
quelques grains de bleds , & détruire
les limaces , qui ne reparoîtront pas
dans les années fuivantes. Cette opé-
ration , utile pour de petits champs ,
eft prefque impoflible lorfqu'ils font
d'une vafte étendue; il refte encore
la difliculté de conduire la volaille de
la métairie fur ces champs , fur-tout
s'ils font éloignés. Un troupeau de
dindes eft conduit plus facilement ,
& encore faut-il avoir ces dindes à
fa difpofition ! Tout paroît facile à
l'homme qui voit la culture, & qui
en parle au coin de fon feu. Qu'il
y a loin de fes difcours à l'exécu-
tion ! Lorfqu'un champ eft dévafté
par les limaces , je ne vois d'autre
expédient que celui d'un fort labour.
L'animal enterré , petit; & il refte
la relFource de femer dans le temps
les bleds marfais.
On a encore propofé de conduire
fur ces champs ravagés , une troupe
d'enfans , afin d'écrafer les limaces.
Le moyen eft fur , mais il eft coû-
teux ; & les enfans ne peuvent les
chercher que le foirou le matin : du-
L I M
tant le Jour elles font cachées fous
les motes de terre , à moins que la
journée ne foit humide ou pluvieufe.
Ces petits moyens font des palliatifs ;
il n'en eft pas de meilleurs que la,
charrue.
On a beaucoup vanté la chair de
la limace & du limaçon dans les
bouillons préparés contre la toux ef-
fentielle ou convullive ; contre les ma-
ladies de poitrine. Sic. L'expérience
n'a point encore démontré leurs bons
effets. La chair de la lima<:e & da
limaçon eft peu nutritive, & fe di-
gère difticilemenc par les eftomacs
toibles.
LIMBE. C'eft le bord fupérieur
de la feuille d'une fleur quelconque.
Ce limbe peut être entier, ou den-
telé , ou crénelé, ou cartilagineux,
ou bordé de poils , tS^c.
LLMITE, BORNE, ou BODU-
LE. Ces dénominations admifes dans
nos diftérentes provinces, défignent
la pierre placée à l'extrémité des pof-
felfions des particuliers , & entre la
pofTelîion du voifm; c'eft- à-dire que
la limite eft plantée moitié fur un
champ & moitié fur l'autre.
La limite eft communément un
bloc de pierre , de deux à trois pieds
de hauteur, fur un pied environ d'é-
paifteur. Si elle fert de point de dé-
marcation pour quatre champs , fes
angles doivent correfpondre aux coins
de ces champs ; «Se on la taille trian-
gulaire fi elle fert à trois champs. Il
eft elTentiel de choifir la pierre à
grain le plus dur & le plus ferré ,
afin qu'elle foit moins promptement
attaquée par le temps.
" Les Romains, dit M. Dumont
dans fes recherches fur l'adminiftta^
L I M L I M 2<Ç7
tîon de ce peuple , avoient une at- tions , Se menacés de tous les mal-
tention extrcme pour tout ce qui heurs ».
concernoic les limites des poirefllons C'eft d'après cette cérémonie re-
des particuliers. Les régler & les re- ligieufe & ces malédidions, que s'eft
connoître, étoitchez eux, jufque fous perpétuée jufqu'à nos jours l'erreur pô-
les derniers Empereurs , une fcience pulaire des revenans dans les champs :
recommandée, dont les maîtres te- c'efl: toujours l'ame de celui qui a
noient le rang des perfonnages diftin- déplacé les limites , qui eft cenfée
gués ; fcience , dont on ne pouvoit, paroitre fous la forme d'un fantôme:
fous peine de mort , faire profellion mais fi on voit réellement un fan-
fans avoir été examiné , & fans en tome , le peuple doit être perfuadc
avoir été reconnu capable. >» qu'il apparoir ainfi pour exciter la
« Lorfque deux propriétaires voi- frayeur, écarter les gens, & favo-
fins pofoient une limite , ils prati- rifer par-là ou la contrebande , ou
quoient les cérémonies les plus im- des vols, ou des rendez-vous particu-
pofantes , & ils prenoient les pré- liers. 11 n'y a point, de méthodes plus
cautions les plus recherchées , pour fûtes d'écarter ces revenans , que des
faire reconnoître à jamais , malgré coups de fufils chargés à grenailles.
les injures du remps, le lieu où ils Dès qu'ils voient qu'on n'ell pas leur
la plaçoient. Ils apportoient la pierre dupe, la fupercherie difparoît bientôt.
près de la foffe où ils dévoient la La méthode des Romains dans le
planter : là, ils la couronnoient de placement des limites, mérite d'être
fleurs, l'arrofoient d'huile parfumée , admife par-tout, parce que la cendre,
& la couvroient d'un voile; enfuite, les charbons, les traces du bûcher,
environnés de flambeaux allumés, ils fLibfifteront pendant des fîécles. Les
offroient en facrifice une hoftie fans facrifices , les offrandes & les hba-
tache. Après l'avoir égorgée, ils s'en- tions fervoient feulement à rendre
veloppoient la tête myftérieufemeut, l'opération plus folennelle; Se, mar-
& égouttoient le fang de la viétime quée du fceau de la religion , elle
dans la folfe ; ils y jettoient de l'en- en impofoit davantage au peuple. Ce
cens , des fruits de la terre , des rayons mélange de politique & de Religion
de miel , du vin , & d'autres chofes n'étoit pas mal-à-droit,
qu'il étoit d'ufage de confacrer aux Dans les pays cadaftrés , les limi-
dieux Termes. Ils mettoient le feu tes font un peu moins nécerfaires
à toutes ces matières; quand elles qu'ailleurs, parce que le cadaftre af-
étoient confumées , ils plaçoient la fure & défigne la propriété de chaque
pierre fur les cendres chaudes, (?c ré- individu; mais il faut que l'arpen-
pandoient du charbon auront , parce tement ait été fait avec exadlitude.
que le charbon eft incorruptible. C'eft; Eh comment atteindre à cette exaéli-
pour cette raifon que le légiflateur rude, à cette précifîon dans une opé-
avoit prefcrit que l'holocaufte fe fît ration qui fe crie au rabais, & qui
dans la fofle. Ceux qui empiétoient fouvent eft faite par des gens fans
furie terreinde leurs voifms, étoient connoilTances ! Malgré lecad.-îftre, les
chargés des plus atfreufes malédic- limites bien établies éviteront par la
Ll 1
i6S L I M
fuite un très-grand nombre de pro-
cès, toujours ttès-difpendieux par les
delcences & les vérifications des com-
nllfaires. Un bon père de famille ne
doit jamais laifler l'es polfellions fans
erre déterminées par des limites, fur-
tout fi elles confinent celles des gens
de main-morte, des grands chemins,
les bords des rivières , «Sec. Les gens de
main-morte ne meurent jamais , leurs
biens font entretenus avec foin , &
fouvenc ceux des particuliers ne le
font pas , ou changent de maîtres.
Eux ou leurs fermiers profitent de
cette efpèce d'abandon , du peu de
connoillance des nouveaux proprié-
taires, & ils empiètent fourdement,
& peu-à-peu, fur leurs polTelfions :
ces exemples ne font pas rares. Il faut
enfuiteinrenterdes procès pourrentrer
dans fon bien, & ils écrafent en frais
le malheureux cultivateur qui n'ell
pas affez riche pour lutter contr'eux.
La féconde manière de placer les
limites , eft lorfque la fofie eft ou-
verte dans l'endroit convenu , d'y
jeter la pierre, & de mettre de
chaque côté ce qu'on appelle les tc'-
moins. On prend à cet effet une
piètre dure, dans le genre des cail-
loux j que l'on partage en deux, &
après avoir examiné Çi les deux mor-
ceaux féparés font dans le cas d'être
rejoints, & s'ils repréfentent la pierre
primitive, alors on les fcpare, & on
les range un de chaque côté du
champ que la limite divife. Cette
méthode eft très-bonne, ainfi que
celle dans laquelle on fe fert d'une
brique également divifée; mais pour
plus gtande sûreté , je défirerois qu'on
ajoutât du charbon fur l'un & fur
l'autie côté.
On ne doit jamais planter des li-
L I M
mites fans en drefl'er un procès-verbal ,
fait double & figné par les parties
intérelfces, &: joindre au procès-ver-
bal le plan figure du champ , & la
fpécification exade de fon étendue.
La plus grande précifion, fans doute,
exigeroit de melurer la diftance qui
fe trouve, par exemple, entre un
pont, une églife, &c. & la limite
qu'on a plantée ^ il eft impofîible
qu'avec de femblables précautions il
furvienne des procès.
Dans les plaines & dans tous les
lieux fujets auxatterrilfemens, il con-
vient de placer des limites qui s'élè-
vent au-delfus du fol d'un à deux
pieds, & dès qu'on s'apperçoit que
la furface du tetrein s'élève iSc com-
mence à couvrir la partie fupérieure
de la limite, appeler les voifins in-
térelTés, & en planter de nc>uvelles.
Sur les montagnes, au contraire, &:fur
les plans très-inclinés, il convient de
planter profondément les limites ,
parce que la terre, fans ceiîe entraî-
née par les eaux pluviales, lailTe bien-
tôt leur bâfe à nud fi elle eft peu pro-
fonde. Un père de famille ne peut
être tranquille, ni à l'abri deschicanes
&: desextorfionsde fes voifins, qu'au-
tant que fes po(Telîîons font exadle-
ment détetminées par des limites.
LIMON. LIMONEUX. Terre
graffe , onclueufe , communément
très-végétale, dépofée pat les eaux.
L'eau de pluie précipire un limon, &
celui de la rofée eft plus abondant. Les
terres qu'on retire des fortes, des
étangs , en un mot des endroits où
les eaux ont féjourné, fonr fralTes,
limoneufes , & contiennent beaucoup
de cet humus 3 de cette terre végétale
foluble dans l'eau dont j'ai fi fouvent
L I M
pnrlc, i?: qui diffère en rour point de
de la terre matrice. ( f'^oye:^ le mot
Amendement, &: le dernier chapitre
du mot Culture. )
Dans les forêts, la couche fiipé-
rieiire eft un véritable limon , parce
qu'elle eft entièrement compofce de
végétaux de d'animaux décompofés
par la putrcfaétion. Or, comme la
charpente des plantes & des ani-
maux eft cette piécieufe terre végé-
tale , cet humus j, il n'eft donc pas
furprenant qu'il s'y en foit accumulé
beaucoup , & que le fol devienne
très-productif après le défrichement.
La terre qu'on retire des marres ,
des folfés , &c. agit peu fur les
champs lorfqu'on l'y répand auilitôt
après l'avoir retirée j il convient de
la laiffer amonceler fur les bords du
champ, afin que les principes qu'elle
contient foient combinés par l'effet
de la fermentation intérieure , &
fur-tout par les rayons du foleil &
par ce fel aérien, fi bien démontré par
M. Bergman , qu'elle attire avec force,
& dont elle s'imprégne.
Le mot limoneux dédgne un en-
droit boueux, fangeux, & où l'eau
c- » o '
lejourne.
Limon. Limonier. ( Voye\ le mot
Oranger )
LIMONADE. Liqueur préparée
avec le fuc de citron ou de limon ,
l'eau & le fucre. Un citron ordinaire
fuffit fur une livre d'eau & trois on-
ces de fucre blanc j ces dofes varient
fuivant le goût des perfonnes d<. fui-
vant leurs befoins, en ajoutant plus
de fucre & plus de fuc de citron. La
bonne limonade doit être modéré-
ment fucrée , & l'eau avoir une
agréable acidité.
L ï M
'.S^
. -<
Coupez le citron par le milieu,
exprimez-en le fuc dans un linge net,
placé fur un vafe quelconque , afin
que la pulpe Se les pépins qui fe dé-
tacheront, reftent lut le filtre j ajoutez
enluite l'eau de le fucre. Cette li-
queur rafraîchit beaucoup plus que
l'orangeat , que l'on prépare de la
même manière 5 elle elt ttès-agréable
& très- utile pendant les grandes cha-
leurs , dans les fièvres putrides, ar-
dentes, ou inflammatoires, dans le
fcorbut, les atdeurs d'urine, l'abon-
dance des humeurs &; leur raréfac-
tion. La limonade préparée avec le
fuc de citron eft moins aétive que fi
on employé celui d^ limon.
Si on veut aromatifcr & parfumer
la limonade , on frotte avec des mor-
ceaux de fucre l'écorce du citron, &
ils s'imprègnent de l'huile elfentielle
qu'elle contient j plus il y a de cette
huile effentielle, & plus la limonade
devient échaufiante.
La cupidité a fait imaginer de fubf-
tituer de l'acide vitriolique au fuc
de citron , & même dans ce qu'on
appelle tablettes de limonade ; terre
préparation peut devenir nès-nai-
fible lorfqu'il y a tenfion 6xs fibres,
aftfiélion dçs organes fécrétoires, &c
cpaiffiffement lymphatique, M. Ma-
rat , fécrétaire perpétuel de l'acadé-
mie de Dijon, iSc i\ connu par l'é-
tendue de fes travaux de de fes lu-
mières, a fourni les moyens de dé-
mafquer la fupercherie 5 c'eft lui qui
va parler.
Le premier & le plus fimple , eft
de verfer dans de la limonade quel-
ques gouttes de la diffolution du fel
marin ii bafe de terre pefante- fi la
limonade ne contient que de l'acide
citronien , la liqueur reftera limpide ;
on verra fur-Ie-champ s'y former un
,1-yo L I N
précipité blanc & lourd, s'il y a de
l'acide virriolique, & la quantité du
précipité indiquera celle de cet ac:de.
Le fécond ell: de faire tomber dans
la limonade du vinaigre de Saturne;
la liqueur blanchira fur-le-champ, il
y aura un précipité blanc; mais en
verfant enfuite quelques gouttes d'a-
cide nitreux , le précipité difparoîtra
ëc la liqueur reprendra fa limpidité,
fa diaphanéité, s'il n'y a point d'a-
cide vitriolique : elle reftera plus ou
moins blanche Se louche , s'il y en a,
& il fe formera un précipité blanc
& infoluble, qui fera du vitriol de
plomb.
Une remarque importante à faire
eft que, dans les limonades les plus
pures, ces fels & ces acides , en fé-
parant l'huile eirentielle du citron,
donneront un œil blanchâtre à ces
liqueurs ; mais cette huile ne tardera
pas à s'élever à leur furface, (Se la li-
queur reftera limpide & fans précipité.
LIN COMMUN. Von Linné le
clafle dans la pentandrie penragynie,
& il le nomme Linum lîjîiaûjjinmm.
Tournefort le place dans la première
feélion de la huitième clafTe des fleurs
en œillet , dont le piftil devient le
fruit; il l'appelle Lïnum fatïvum.
Fleur. Prefqu'en entonnoir, com-
pofée de cinq grands pétales, larges,
crénelées à leur fommet , le calice
formé de cinq pièces droites & ai-
guës , les étamines & les pilVils au
nombre de cinq.
Fruit. Capfule ronde , à cinq côtés,
à dix loges, à cinq valvules , dix fe-
mcnces lilles, luifantes, pointues.
Feuilles. En forme de fer de lance ,
adhérentes aux tiges, hmples, très-
entières.
Port. Tiges ordinairement de la
L I N
hauteur d'un pied & demi , cylindri-
ques, grêles, Hlfes; les fleurs, d'une
jolie couleur bleu -clair, nailfent au
fommet en pannicules lâches •, les
feuilles font altetnativement placées
fur les tiges.
Lieu. On ignore fon pays natal ,
mais il efl aujourdhui cultivé depuis
le nord jufqu'au midi de l'Europe,
6: il ell annuel.
Lin vivace. Linum perenne. Lin."
lldiftcre du précédent, que je prends
ici pour tipe de ce genre, par fa tige
deux fois plus élevée & plus rameufe ,
par (qs fleurs plus grandes , à corolles
très-entières, par les folioles de leur
calice plus obtufes, ainli que la cap-
fule qui renferme les graines, & fur-
tout par fa racine qui eft vivace ; les
tiges meurent chaque année; il eft
indigène dans les pays du nord , &
fur-tout dans la Sibérie, ce qui lui
a fait donner le nom de lin de Si-
bérie.
Von Linné compte vingt- deux ef-
pèces de lin, dont il efl: inutile de
donner l'énumération , puifqu'il ne
s'agit pas ici d'un dictionnaire bota-
nique; d'ailleurs, ces efpèces ne font
d'aucune utilité réelle, & ne peuvent
même pas fervir à la décoration des
jardins. Il y a cependant l'efpèce que
Von Linné appelle Zin:^/;: Kurbonenfe^
ou lin de Narhonne ^ parce qu'il croît
dans le bas Languedoc & dans la
Provence. 11 diffère des deux précé-
dens par fa tige cylindrique, rameufe
à fa bafe, par fes feuilles difperfées
fur les tiges, raboteufes, pointues;
par Ces fleurs très -grandes, ainfi que
leur calice membraneux fur les côtés,
très-pointus à leur bafe, & terminés
au fommet pat une pointe. J'en ai
trouvé quelques pieds que j'ai faic
L ï N
rouir comme ceux du lin commun ,
& dont j'ai retiré une écorce ou filafTe
à-peu-près femblable à celle du lin ;
mais l'expérience n'a pas été faite
aiïez exaàement, ni allez en gtand,
pour décider ici d'une manière po-
îitive de (on degré d'utilité. Comme
la racine de cette plante eft vivace ,
elle feroic d'un grand fecours dans
nos provinces vraiment méridionales
par leurs abris j ( f^oye^ ce mot )
puifqu'elle ne craindroit pas les cha-
leurs & la fccherelfe de l'été. Il feroit
abfurde d'y tenter la culture du chan-
vre j fur vingt années il y réullîroit
tout au plus une fois, & quelques
cantons , en petit nombre & très-
abrités , peuvent recevoir la culture
du lin commun , puifquil faut le fe-
mer de bonne heure, comme il fera
dit ci -après. Je tâcherai de me pro-
curer de la grame du lin de Nar-
bonne , & je verrai s'il eft poflible
d'en tirer un bon parti.
je n'ai jamais cultivé ni vu cul-
tiver le Un vivace ou de Sibérie-^ ce
que je vais dire eft copié mot pour
mot de l'ouvrage intitulé : Hijioire
univerfelle du règne vègctal , publié
par M. Buchoz; il n'indique pas la
fource de laquelle il a tiré cet ar-
ticle. Je pafterai enfuite à la culture
du /in commun ^ pratiquée foit au
midi , foit au nord du royaume de
France.
§. I. De la culture du lin de Sibérie.
Ce lin s'élève à une très-belle hau-
teur ; on n'en connoît même point
parmi les autres lins , qui monte
aufli haut. Les frimars de l'hiver ne
lui font pas préjudiciables j fes nou-
veaux rejets qui reparoilTent , après
qu'on l'a coupé, dans le mois d'août ,
LIN 271
fe confervent parfaitement bien pen-
dant 1 hiver \ ils font auili verds fous
la neige & fous la glace , que dans
les beaux jours d'été. Von Linné eft
le premier qui a découvert ce lin ,
Se qui en a donné la defcription
dans fon ouvrage, intitulé //jr/^i Up-
falienfis. 11 ne l'a pas plutôt faic
connoître , que M. Dielke , grand
cultivateur de Suède , & vrai ama-
teur , en a introduit la culture dans
ce royaume , ou cette plante réuflit
parhitement. On a fait l'ellai de fa
culture dans l'éleèlorat d'Hannovre,
où elle a eu le même fuccès qu'en
Suède.
Pour cultiver ce lin , il fiiut com-
mencer par choifir un rerrein mclc
de fable : on prépare enfuire la terre
par deux bons labours, après quoi on
fème , à la volée , ce Im au mois
d'avril , en obfervant d'employer un
tiers de femence de moins que lî on
femoic le lin ordinaire. On palfe en-
fuite légèrement la hetfe fur la rerre;
après quoi on la retourne , & on l'y
repalfe de nouveau. Ce lin refte en
terre environ trois femaines avant de
lever 5 quand il commence .à croître ,
il but farder riiioureufement les
mauvaifes herbes , de même que pour
le lin ordinaire. Voilà toute la façon
qu'il exige au temps de fa maturité.
Pour lors, cjuand il eft bien mûr: ce
que l'on reconnoîr facilement par
fa tige qui jaunit, & par {t% feuilles
qui commencent à tomber , on le
coupe à la ftulx , au lieu de l'arra-
cher. Il repoude du pied pour l'an-
née fuivante.On réitère pour lors dans
cette année le même farclage , qui
n'eftpas à beaucoup près aufti difficile
que celui de la précédente , parce
que le lin devient alfez fort pour
prédominer fut les autres plantes.
271 L î N
Ce lin n'exige pas d'aurre culrure
dans cette année & pendant les fiii-
vances : il faut fur- tout prendre garde
que la terre où on l'a iemc foit bien
meuble j fans aucune motte ou ga-
zon que l'on brifera s'il s'en trouve.
Si la terre eft abfoiument fèclie &z
maigre , on pourra y mettre du fu-
mier , mais en petite quantité.
Pour mieux faire concevoir l'avan-
tage que procure cette plante , il
iuffit d'en faire le parallèle avec le
lin ordinaire. Celui-ci fe feme pen-
dant deux mois , avril & mai. La
première femence eft fujette à être
gâtée pendant le mois de mai : il ne
refte qu'onze jours en terre avant de
lever j celui de Sibérie peut être femc
dès la fin de mars ; il ne lève qu'au
commencement de la huitième fe-
maine ( i ), & on n'a pas à redouter
pour lui les gelées printanières. On
n'a pas befoin , pour en avoir , d'en
femer du nouveau , comme le lin an-
nuel , qui peut erre totalement gelé.
Le Im annuel demande une bonne
terre gralfe «Se bien fumée. Le lin
vivace , au contraire , vient dans une
terre fabloneufe & prefque fans fu-
mier , & il faut moins de femences.
La racine du hn annuel eft fimple
& ne porte qu'une feule tige; celle
du lin vivace , au contraire, produit
toutes les années de nouveaux jets.
Il eft plus facile de farder le lin de
Sibérie que l'autre , fans craindre de
l'arracher.
Les tiges des feuilles du lin vivace
font d'un verd foncé 5 celles du lin
commun, venu dans un terrein fa-
bloneux , font d'un verd-clair , &
dans un terrein gras , d'un verd plus
L î N
foncé ; mais moins cependant que
celui de Sibérie. Quand la plante
de lin commun eft vigoureufe , Se
lorfquelle a les feuilles bien larges,
on a tout lieu de s'attendre à une
bonne récolte j c'eft le même indice
dans le lin de Sibérie ; il palfe d'un
tiers en hauteur le plus beau lin
commun. Ils mûrilTent tous deux
dans la onzième ou douzième fe-
maine j à compter de la germina-
tion. La filalfe de l'un ôz de l'autre
a une égale blancheur.
Quand le lin de Sibérie eft coupé ,
& qu'il a été un peu de temps fur
le terrein, pour le faire fécher, on le
ramalTe par petites poignées; on fépare
la graine de la tige avec un peigne
de fer nommé communémenr gruge.
Lorfque cette opération eft faite, on
ramalfe la graine fur de gros draps pour
la faire fécher ; enfuite on la bat ,
on la vanne, & on la met dans le
lieu qu'on lui deftine, ayant cepen-
dant foin de la remuer fouvent , de
peur qu'elle ne moifilTe & qu'elle
ne s'échauffe; ce qui pourroit arriver
fi elle n'étoit pas bien feche. Quant
à la tii^e , on la fait de nouveau fé-
cher au foleil ; & lorfqu'elle eft bien
fèche , on la met en botte : on prend
fur-rout garde de mettre toutes les
parties fupérieures des tiges du même
côté. On tranfpofte ainfl ces tiges
dans les endroits où on veut les faire
rouir. ( P^oye^ ce mor &: ce qui a été
dit à l'article Chanvre ) Comme
elles font exttcmement fèches , elles
rouiffcnt facilement. On les met
dans l'eau pendant quelques jours,
«Se on choifit la plus claire; celle de
fontaine eft prérétée. Lorfque les tiges
( I ) Note de l'Editeur. Ceci paioît contradiftoirc aycc ce cjui eft dit plus haut far le
temps de fa germination.
font
LIN
font aiïez rouies , on les retire de
l'eau , & on les met en tas pendant
trois jours , avec des planches par-
delTus , pour achever le louiirement.
Enfuite on les fait fécher , & on les
prépare pour les mettre en filalfe ,
comme le lin ordinaire , comme le
chanvre. Si on ne veut pas faire rouir
à l'eau, le rouilfemenr s'exécute aullî
bien au foleil ; il fuffit de retourner
de temps en temps les paquets comme
ceux du chanvre.
Le fil & la toile qu'on retire du
lin de Sibérie font moins fins que
ceux du lin ordinaire. Voilà en quoi
il en diffère , & fon feul côté défa-
vantageux. Peut être que fi on le na-
turalifoit en France j le changement
de climat , la nature du fol change-
roient & amélioreroient fa texture.
C'eft à l'expérience à décider la quef-
tion.
§. II. De la culture du lin ordinaire.
I. Du fol qui lui convient. Pour
bien connoître la qualité de la terre
nécelTaire à cette culture , on doit
diftinguer non-feulement les climats ,
mais encore fi on fe propofe d'avoir
une graine bonne , & en quantité;
ou bien fi l'on défire du lin haut en
tige , & qui donne beaucoup de filalfe ;
ou enfin , (\ on veut fe procurer du
lin à tiges moyennes &C à filafie
éne.
Lorfque la graine eft ce qu'on fe
propole fur-tout de recueillir , foit
pour la vendre , comme les HoUan-
dois, foit pour en extraire l'huile;
un fol un peu argllleux, bien fubftan-
tiel , ou naturellement , ou par des
engrais, & fur-tout bien préparé, &
émietté par des labours , donne une
graine parfaite. Dans un fembl.ible
Tome FI.
L I N" 173
fol (Se avec des foins convenables ,
nous aurions en France de très-bonnes
graines pour femer, fans êtte obliges
d'avoir recours aux Hollàndois , qui
nous fourniflent celle de la province
de Zélande , ôc qu'ils vendent pour
celle de Riga.
Plus la terre eft légère , moins la
tige s'élève , & plus la filaffe eft fine.
L'époque des femailles contribue
encore beaucoup à cette précieufe
qualité , ainfi que nous le dirons
tout-.à-l'heure. Il ne faut pas que la
terre conferve l'eau , ni qu'elle la
lailîe trop promptement filtrer. Ces
deux extrêmes font très à redouter»
fuivant les climats; le premier, dans
les provinces du nord ; & le fécond,
dans celles du midi : le meilleur fol eft
celui qui retient une humidité con-
venable, & peu d'aquofité.
1 1. Des labours & des engrais.
Dans quelque pays que ce foit , on
ne fauroit trop les multiplier , ainfi
que les engrais ; le point elfentiel eft
de rendre la terre meuble , bien me-
nuifée & fans motte , afin que la
femence ne foit pas étouffée par-def-
fous , qu'elle germe , qu'elle lève
& enfonce promptement fa racine
pivotante.
Dans les provinces méridionales ,
où il pleut rarement pendant l'été,
labourer la terre après la récolte des
bleds, c'eft la foulever avec peine & en
gros morceaux : autant vaut-il la lailTer
telle qu'elle eft; mais , au contraire, fi
en feptembre , ou dans les premiers
jours d'odtobre , il furvient une pluie
favorable, on doit alors labourer coup
fur coup , jufqu'à ce que les molécules
terreufes fo'ient bien divifées j «Se prê-
res à recevoir la femence. Les lins-
qu'on doit femer après l'hiver , laif-
fcnt le temps & le choix des circouf-
M m
174 i' ï N
tances propres aux labours. [Foye^ ce
mot )
Toute efpcce d'engrais convient au
lin , pourvu qu'il foit bien confommé.
L'engrais encore pailleux , & nou-
vellement fait, eft bien peu utile,
& fouvent il s'oppofe à la herfe qui
doit unir la furface du champ. D'ail-
leurs la combinaifon favonneufe des
principes grailFeux, huileux & falins
de l'engrais, n'eil pas établie, & ne
peut qu'à la longue s'établir avec les
principes du fol , tandis que le lin exi-
ge une prompte & fucculente nourri-
ture. Pour juger de la néceflité de cette
combinaifon favonneufe, lifez les ar-
ticles Amendemens , Engrais. Si
on a le choix des engrais, les excré-
mens humains , les urines conler-
vées dans des marres , font à préfé-
rer à tous les autres. Au défaut de
ceux-ci , ceux de moutons , de chè-
vres, tiennent le fécond rang , &c
après eux , celui du cheval , du mulet ;
enfin, celui de vache. La colombine ,
réduite en poulîière , & femée à la
volée fur le champ , eft excellente :
on peut même la réferver pour la fe-
iTier fur les lins hivernaux, en janvier
ou en février , lorfque le temps eft
difpofé à la pluie.
La chaux, la marne j les cendres,
les deux premiers fur-tout, fournllfent
de bons amendemens dans les terres
fortes , tenaces ; le fable , dans ce
cas , n'eft pas à négliger. La chaux
& la marne doivent être jetées en
terre avant le premier labour d'hiver ,
afin qu'il enterre ces fubftances j
afin que les pluies les dilfolvent j
enfin , pour que la combinaifon fa-
vonneufe foit faite au moment où
l'on confie la femence à la terre. Les
effets de la marne font plus tardifs
que ceux de la chaux.
L I N
J'infifte fortement fur la ncceffitc
des engrais j mais les meilleurs &
les plus abondans produiront peu
d'effets , fi le fol n'eft profondément
défoncé avant de femer. Combien
doit-on donner de labours ? Il n'efi
pas poffible d'en prefcrire le nom-
bre ; c'eft la ténacité du grain de
terre qui le décide. Il faut que la
terre foit émiettée comme celle d'un
jardin. Cela feul doit décider du
nombre des labours. Ceux qu'on
donnera avant l'hiver, pour les lins
à femer au printemps , prépareront
cette divifion , & amélioreront le
fol. ( P'oyei l'article Labour )
Les Flamands , les Artifiens font
dans l'habitude de divifer leurs
champs par tables , Se tout autour
d'ouvrir une efpèce de petit folié ;
la terre qu'ils en retirent eft rejetée
fur le fo! de ces râbles. Ces foliés
fervent à deux fins ; à écouler l'eau
lorfqu'elle eft trop abondante , ou à
la retenir j en fermant la bouche
du folié , après les pluies du printemps
ou de l'été. De cette manière il fe
trouve toujours aftez d'humidité
pour les racines. Cette méthode peut
être très -utile dans les provinces
du centre du royaume , & défec-
tueufe dans celles du midi , puifque
les pluies y font exceilivement rares
depuis le mois de mai jufqu'à l'au-
tomne.
III. Du choix de la graine. L'ex-
périence la plus confiante a démon-
tré que la graine de lin , femée trois
fois de fuite dans le même fol , ou
dans le même canton , dégénère \
enfin , qu'il eft indifpenfable de la
renouveller. Les habitans des côtes
maritimes s'en procurent facilement
par le moyen des Hollandois qui la
tranfportent dans tous uos ports. La
LIN
Zclande leur en fournit beaucoup, &
ils la mêlent avec celle qu'ils tirent
de Riga en Livonie , ou de Liban
en Courlande. Quand elle eft bien
choilîe , qu'importe le pays où elle
a été récoltée. Cela elt fi vrai , que
nos graines de lin de France fervent
à régénérer l'efpèce de celles du nord
de l'Europe , & qu'elle réuflît aufli
bien en Livonie , &c. que celle de
Livonie dans notre pays. Le point
effentiel eft la qualité de la femence,
& fa tranfplantation d'un pays dans
un autre. 11 eft à préfumer que cette
graine nous eft fournie par une com-
pagnie qui s'eft appropriée ce com-
merce exclulîvement dans le nord. Si
les hommes étoient moins efclaves
de l'habitude, s'ils fcavoient ou vou-
loient s'écarter des fentiers battus ,
nous aurions en France de quoi fa-
tisfaire nos befoins fans recourir à
l'étranger. La Provence, le Languedoc
fourniroient , à peu de frais, la Nor-
mandie, la Bretagne & toutes nos
côtes de l'Océan; celles-ci l'intérieur
du royaume , & l'échange de femence
d'une province à une autre , fuffiroit
pour l'amélioration du lin. Cette
manière de voir s'éloigne des idées
reçues j maigre cela , j'ofe avancer
que la graine récoltée au midi , &
femée au nord, doit y profpérer plus
que celle du nord femée au midi.
L'expérience a prouvé que le lin a
très-bien réuiîi au Sénégal & en Amé-
tique , il ne redoute donc pas les
grandes chaleurs, pourvu que l'on
donne à la terre le degré d'humidité
qui lui eft nécelTaire. Le lin craint
l'effet des grandes gelées d'hiver; les
gelées tardives du printemps lui font
tuneftcs : donc , il y a lieu de pré-
fumer qu'il eft originaire des pays
chauds. Si la plante ctoit indigène à
LIN Z7Î
nos provinces , fon tilfu ne feroit pas
détruit par la gelée.
Si on n'eft pas à portée de renou-
veller fes femences , on peut con-
ferver celles de la dernière récolte ,
mêlée dans des facs , avec de la paille
hachée très-menu, &: le tout mêlé in-
timement : les facs doivent être tenus
dans un lieu fec oii il y ait peu de
courant d'air. On çrarde ainfi la graine
pendant un an ou deux, & par ce
moyen elle reprend un peu de qualité.
Cet expédient n'équivaut pouttant pas
au changement de femences.
11 y a plufieurs manières de juger
de la qualité des graines. L'habitude
de les voir ôc de les comparer eft la
meilleure , Se un Hollandois ne s'y
trompe jamais. On prend une poi-
gnée, c'eft-à-dire autant que la main
peut en contenir , en ferrant les
doigts ; à mefure qu'on les ferre , les
graines s'échappent par en - haut &
par les pointes. Si elles font poin-
tues &c minces , la graine eft pareil-
ment mince & maigre ; fi, au con-
traire elles font arrondies & bien
fournies, toute la graine a la même
qualité. Elle doit aufli être ferme Sc
unie. Si fes bords font rudes, inégaux
ou rongés , la graine eft défeétueufe.
Si fa couleur n'eft pas bien foncée &
luifante , c'eft une preuve que la
graine eft peu nourrie. Si on jette une
petite poignée de graines dans un vafe
rempli d'eau , les bonnes iront à fond,
& les mauvaifes furnageront. Pour
juger de la quantité d'iiuile qu'elles
contiennent , il fufïit de jeter une
poignée de graine fur des charbons
ardens , la bonne pétille &: s'enflam-
me auflîtôt. De la qualité de la
graine , dépend en très-grande partie
r.ibondance de la récolte.
IV. -De la quantité de femence à
Mm i
r-](> LIN
répandre fur un efpace donné. Elle
dépend du bur que fe propofe le
culcivareur. S'il défire avoir un lin
long, fort , vigoureux , & qui pro-
duifede bonne graine, il fème moitié
moins que lorfqu'il s'attache à la
JinelTe , & à la qualité dont doit être
la filaire. Le proverbe dit : Llnfemé
clair fait graine de commerce , & toile
de ménage ; Jemé dru fait linge fin.
Cette règle générale foufFre peu d'ex-
ception j cependant la nature du fol
mérite d'être comptée pour quelque
chofe. Vingt-cinq livres , poids de
marc, fuffifent pourfemerun champ
de dix mille pieds de fuperficie , (on
parle ici du pied - roi ) & cinquante
livres , fi on veut avoir un lin bien
fin. Chacun peut faire l'application
de ces mefures à fes champs , parce
qu'il fçait combien un arpent on une
fepterée , ou une bicherée , &:c, con-
tiennent de pieds, tandis que le nom
de ces mefures eft inconnu à plus des
deux tiers des habitans du royaume.
Dans plufieurs cantons , à la fé-
conde , ou à la troifîcme récolte de lin ,
la coutume ell établie de femer dans
le même temps, c'eft-àdire an prin-
temps , la graine de lin mêlée avec
celle du grand treffle. Comme cette
dernière plante prend très-peu d'ac-
croifTement , tandis que l'autre eft
fur pied, elle nuit bien peu à fa vé-
gétation. Cette refTource eft interdite
à nos provinces vraiment méridiona-
les, & deviendroit aulll urile à celles
du centre du royaume , qu'elle l'eft
pour les provinces du nord.
V. Des époques de femailles. On
les divife en deux principales. On
appelle , lin d'hiver ^ celui qui a éré
femé en feptembre ou en oélobre \
lia d'été y lorfqu'il a été femé en mars
L I N
ou en avril , même en mai ou en
juin , fuivant le climat &c la faifon.
Plus le lin refte longtemps en terre,
& plus fa fîlalfe eft fine , & meilleure
en fera la graine. Ces avantages mé-
ritent une grande confidération rela-
tivement à l'époque des femailles.
Ni fête de faint , ni telle autre épo-
que de la rubrique des cultivateurs
ne doivent la déterminer. Cependanc
les femailles d'été ont lieu en général
dans le courant de mars ou d'avril ,
au plus tard , & il eft bien certain
qu'en mars ou avril de l'année 1785 ,
les femailles n'ont pu avoir lieu , à
caufe de la durée exceffive des gelées.
11 vaut mieux différer le moment
des femailles, lorfque la terre eft trop
humide & le temps pluvieux. La terre
feroit paîtrie par la charrue , com-
primée par les herfes ou par les rou-
leaux que l'on palfe & repalfe fur les
filions , après avoir femé , foit pour
enterrer la graine, foit pour niveler
la furface du champ. II faut donc ,
autant qu'on le peut, choifir un temps
fec.
Dans les provinces du midi ,où l'on
fème en feptembre ou enoétobre, on
ne craint pas la trop grande humidité;
mais , en revanche , on a à redouter la
fécherefte & à lutter contre la dureté
de la terre , qui .^été foulevée en mot-
tes par la charrue. Le parti à prendre
dans ce cas , eft de faire fuivre la
charrue par des femmes ou par des
enfans , armés d'ini petit maillet
de bois , longuement emmanché ,
avec lequel ils briferont les mottes ,
ôc les réduiront en pouffière.
Un autre moyen eft de labourer
près-à-près, c'eft-à-dire que celui qui
conduit la charrue , doit lever très-
peu de terre à la fois ; alors les
bêtes auront moins de peiae , pour..
L I N
ront labourer plus profondément, &
il y aura moins de grumeaux j m.iis il
y en aura toujours allez pour nccel-
litec l'opération du maillet.
Le champ bien labouré , avant de
femer, il ne refte plus qu'à le divifer
en planches d'une longueur indéter-
minée, fur une largeur de fix à huit
pieds , pour qu'on puilîe les farder
avec facilité , & ramer le lin au be-
foin, comme il fera dit ci-après.
Dès que les grandes chaleurs font
venues , le lin cefle de croître. Alors
tous les fucs fe portent à la formation
& à la nourriture de la graine. Ce
point de fait doit fervir de règle dans
chaque pays , Se par conféquent fixer
à-peu-près à quelle époque doivent
êtrehaites lesfemailles. C'eftun grand
avaritaçre de femer de bonne heure,
lorfque le climat &: la faifon le pet-
mettenr.
Lorfque le grain efl; jeté en terre ,
on herfe plufieurs fois de fuite, les
dents en bas , & on retourne la herfe
fur fon pLit, afin de mieux régaler
& applanir la furface.
Plufieurs particuliers confervent
une certaine quantité de paille hachée
très-menu , & ils la répandent légè-
rement fur la tetre nouvellement
femée. Le but de cette opération eft
d'empêcher que la première pluie qui
furviendra ne frappe trop la terre.
Cette précaution , peu difpendieufe
& peu gênante, eft très bonne , elle
alfure à la plante la facilité de plon-
ger prompte ment le pivot de fa ra-
cine à une certaine profondeur; ce
qui la met dans le cas de moins
craindre la fécherelTe dans la fuite,
& ce qui prouve l'avantage d'avoir
donné de protonds labours. En Suède
on couvre la linière, nouvellement fe-
xnéejavecdejeunesbranchçsdefapin,
LIN 277
afin de ménager la paille , & produire
le même effet.
J'ai dit plus haut , qu'on pourroit
femer le même champ pendant deux
à trois années confé^utives; mais cela
n'a lieu que pour les terreins nou-
vellement défrichés & dans les bons
fonds de terre. Dans tout autre cas,
il vaut beaucoup mieux ne femet eu
lin le même champ que dans un in-
tervalle de cinq ou fix ans. Une teirc
alternée , ( ^ojq ce mot ) par des
prairies naturelles ou artificielles , p.ic
des bleds , &c. gagne beaucoup , &
devient par ce mélange de culture,
très-propre à celle du lin.
VL JDes effèccs jardinières du lin.
On en compte trois : le lin chaud ,
nommé têtard ià:\.ns plufieurs de nos
provinces. Son caraélère eft de végéter
rapidement, mais de s'arrêter bientôt
après. Il eft nommé têtard, à caufe
de la multitude de fes têtes. Il eft plus
btanchu que les autres lins. Comme
il graine beaucoup , on devroit le
femer quand on fe propofe de récoltée
de la graine deftinée à fournir de
l'huile. Ce lin & les fuivans font des
efpèccs ( f^oyei ce mot ) jardinières
du premier ordre , puifqu'elles fe re-
produifent les mêmes par les femis,
& ne varient point ou du moins ttès-
peu. Le lin têtatd refte plus bas que les
autres , il eft bien difficile de le travail-
ler fans caller fes rameaux; alors il fe
rabougrit. Ce lin mûiit le premier.
Le lin froid ^ ou le grand lin , eft ,
à ce que je crois , l'efpèce naturelle,
ou première, d'où dérive l'efpèce jar-
dinière du lin têtard 5c du fuivant.
Sa végétation eft très-lente dans le
commencement, m.ais elle eft rapide
dans les fuites; fes tiges font hautes,
peu chargées de femences. Ce lira
mûrit plus tatd que les autres Siiis,
178
L I N
Le l'in moyen mûrit le fécond, ne
croîcpas fi vue que le lin chaud, mais
plus vite que le lin froid; il eft peu
chargé de graine ; il s'élève plus que
le premier, & moins que le fécond.
Parun abus impardonnable, toutes
les graines de ces trois efpèces font
communément confondues & femées
enfemble. Dès-lors le lin têtard nuit
à la végétation du lin moyen , & à
celle du lin élevé ; tout comme celle-
ci dérange celle du têtard. 11 vaudroit
beaucoup mieux les féparer exaéte-
ment, lors de la cueillette, pour les
femer enfuite dans des champs fé-
parés. Les vues du cultivateur feroicnt
remplies, puifque dans une partie du
champ il auroi: le lin dont la graine
eft deftinée à l'extradlion de l'huile j
dans l'autre j le lin propre à la toile
fine , & dans la dernière , le lin con-
facré à la fabrication des toiles de
ménage. On dira, peut-être, qu'on
fépare les pieds de ces lins , fuivant
l'ordre de leur maturité. Mais, peut-
on lever de terre une plante mûre ,
fans nuire à la voifine cjui ne l'ell:
pas , fur-tout dans les lins femés épais ?
C'eft beaucoup détériorer fa récolte,
Se multiplier le travail en pure perte.
Il eft difficile de ne pas être réduit à
cette fàcheufe extrémité , lorfqu'on
achète la graine telle qu'elle eft ap-
portée par les Hollandois. Neferoit-
il pas poflible qu'un cultivateur Fla-
mand, par exemple , s'entendît avec
un cultivateur Provençal , Langue-
docien , &c. \ Se qu'après avoir , l'un
ôc l'autre , féparé leurs graines , ils
fifTent un échange. Je le répète , il
eft inutile de recourir à la graine de
Livonie , lorfqu'on peut s'en procu-
rer d'.aufli bonne dans le royaume ,
Si fur-tout fans mélange.
VII, De lu conduite du Unfeméy
L I N
jufqu'à fa maturité. Les mauvalfes
herbes caufent la deftrudion du lin.
C'eft afin d'avoir la facilité de les
arracher , que le champ a dû être di-
vifc en planches de fix pieds de lar-
geur, fur une longueur quelconque.
Le farclage eft l'occupation des
femmes «Se des enfans, & il eft im-
portant de choifir, pour cette opéra-
tion , le jour qui fuit la pluie \ l'herbe
eft mieux arrachée , o: le lin ren-
verfé pendant le farclage fe relève
plus facilement. Ce travail exige
d'être répété aulli fouvent que le be-
foin l'exige , fur-tout dans le commen-
cement. Lorfque le lin eft parvenu
à ime certaine hauteur , il ne permet
plus la fortie des mauvaifes plantes.
Si on a femé dru , dans l'intentioii
de fe procurer de la filalfe longue &
fine, il eft à craindre que les plantes
ne fe foutiennent contre les efforts des
vents ou de la pluie, fans verfer. Le
rapprochement des tiges les oblige
à s'élancer , à devenir fluettes, .à avoir
peu de confiftance j enfin , à fléchir, è
ie couder & à fe plier fur la terre j dès-
lors la plante ne fe relève plus, finit
triftement fa végétation j & la filafle
fe réduit enfuite prefque toute en
étoupe. Afin de prévenir ces fâcheux
inconvéniens , on rame les lins , non
pas comme les pois, les haricots, &c.,
mais en croifant les tafleaux. Voici
la manière d'opérer.
La finefle & le rapprochement des
pieds les uns contre les autres, déci-
dent du nombre de rames dont chaque
table doit être pourvue. Il vaudroit
mieux les trop multiplier que d'en
mettre trop peu. L'habitude de voir,
de juger de la faifon , inftruifent le
cultivateur de la hauteur à laquelle
la planre s'élèvera , à peu de chofe
près. 11 fe procurera un grand nombre
L I N
de pettts piquets, de dix-huit à vingt
pouces de hauteur , fur fix , huit , dix
d douze lignes d'épaiireur, & il les
enfoncera en terre , à la profondeur
de quatre à fix pouces.
Siippofons qu'une table ou planche
ait fix pieds de largeur, il faudra fept
piquets, àladiftanced'unpied les uns
des autres, & il en plantera de fem-
blablesfurla même ligne que les pre-
miers , à la diltance de deux à trois
pieds , en fuivant la longueur de la
planche. Le nombre des talleaux, ou
traverfes de bois léger Se mince, doit
être proportion né aux befoins. Chaque
tafleau fera airujetti contre tous les pi-
quets qu'il rencontre dans fon éten-
due, de manière qu'ils femblent for-
mer autant de petites allées , de pe-
tites féparations , de petites pallillades,
qu'il y a de piquets à la tète &: au bout
de la planche. Voilà le lin alfuré lur
cette dire6tion ; mais ce n'eft pas en-
core aiïez. Il faut enfuite placer de
nouveaux tafleaux en fens contraire
des premiers , & à angles droits , de
manière que lorfqu'ils feront attachés
ils préfenteront de petits quarrés.
Ainfi les talfeauxcSc les piquets feront
multipliés en raifon de l'impétuolué
des vents ou des pluies qu'on a à
craindre dans le pays que l'on habite.
Les ligatures feront faites avec des
joncs, ou avec de la paille , ou avec
de l'ofier.
Les lins femés clair , ou pour la
graine , ou pour la toile de ménage,
n'ont pas befoin de ces fecours. La
finefTe de la filalTe du lin femé dru ,
dédommage des peines que l'on prend
pour la rendre parfaite. Si on a la
facilité de conduire l'eau fur la li-
nière , on doit en profiter fuivant le
befoin; mais jamais lorfque le lin ell
£11 fleur, lorfque l'on vife à la graine.
L I N if^
C'eft le contraire pour le lin fin & le
grolfier , la tige profite de la fubftance
qui auroit fervi à la formation de la
graine. L'arrofemenc empêche les
fleurs de nouer.
VI II. De i' époque à laquelle on doit
arracher le lin. Chaque pays a , pour
ainfi dire , une coutume différente ;
il eft à préfumer qu'elle eft fondée
fur l'expérience & fur l'obfetvation ;
mais il refle le droit de demander fi
on a fait des expériences compara-
tives, afin de déterminer la méthode
d'une manière précife ? Les coutumes ,
en général , tiennent plus à la rou-
tine qu'au difcernement. Ne feroit-
ce pas une des caufes qui rend le lin de
tel canton inférieur à tel autre , ou
dont la filaiïe donne plus ou moins
d'étoupes. Je fçais du moins que ces
variations tiennent beaucoup à la cul-
ture, à la manière d'être des faifons ,
au grain de terre , ôcc. ; mais ces
caules ne font pas uniques.
On dit communément que le lin
doit être arraché lorfque les tiges ont
acquis une couleur jaune. Ce point
de couleur eft bien vague ; car du
jaune foncé , ou du jaune tirant fut
le veid ou fur la paille , combien
n'exifte-t-il pas de nuances intermé-
diaires ? Le lin qui a végété fur un
fol naturellement humide , eft cou-
leur de paille dans fa maturité , &
il acquiert cette couleur beaucoup
plus vite que le lin provenant d'un
bon fonds , &C non trop humide , quoi-
qu'il ne foit pas encore bien mûr.
Dans ce cas , la couleur paille cfl
l'indice d'une végétation qui a été
languilfante. La couleur n'eft donc
pas un indicateur rigoureux, mais feu-
lement elle met fur la voie de juger,
Plulieurs auteurs annoncent qu'on
jie doit arracher le lin que lorfque
280
L I N
la capfule,qui leiiterme les femen-
ces , s ouvre
d'elle
même
parce
qu'alors la graine efl: mûre. D'autres
prétendent qu'il faut arracher le lin
encore verdj quelques-uns enrin, an-
noncent la chute des feuilles comme
un fii'ne confiant de la maturité de
la graine. C'eft la méthode de Livo-
nie. Tous ont peut-être raifon : il ne
feroic pas bien difficile de concilier
ces opinions.
Le premier point à examiner par
le cultivateur, eft la conftitution de
fon climat , & la nature de fon fol j
& s'il veut juger avec connoiflance
de caule, il doit , toute circonllance
égale , cueillir fon lin à plufieurs
reprifes , & examiner, i°. lequel
rouira le mieux & le plus vite; z".
lequel donnera la hlaffe la plus lon-
gue, la plus fine & la plus forte;
3". lequel de ces lins produira moins
d'étoupes , ou moins de déchets ,
lorfqu'on pafTera lahlafle par le peigne;
4'-'. lequel fournira la meilleure roile
&c de plus grande durée. D'après un
pareil examen il prononcera d'une
manière alTurée , fur-tout s'il répète
fes expériences de comparaifon pen-
dant pluiîeurs années confécutives.
Plufieurs ledeurs trouveront cette
marche longue , ou ennuyeufe , (Je
auroient peut-être mieux aimé que
j'eufle défigné une époque fixe , un
figne certain, &c. Je leur répondrai
que toute alTertion générale en ce
genre eftabufive, par cela feul qu'elle
eft générale, & que je l'induirois en
erreur li je lui eu donnois une. D'a-
près cet aveu, il eft aifé de conclure
que ce que je vais dire ne préfente que
de fimplesapperçus , qui doivent varier
fuivant les circonftances & les climats.
Lorlque l'on travaille principale-
ment pour la graine , c'eft le cas de
L I N
récolter le lin quand les capfules font
prêres à s'ouvrir, fans attendre qu'elles
loient ouvertes , parce qu'on perdroic
la majeure partie des graines.
Si on travaille pour la toile de mé-
nage & la graine, cette époque fera
un peu devancée ; mais fi on a pour
but la filaffe fine, on n'attendra pas
l'époque à laquelle la capfule froilîée
dans les doigts , s'ouvre & répande
fa graine.
Jetons encore un coup d'oeil fur
la planre. La feule partie utile du lin,
la femence exceptée , eft la filafte ;
l'intérieur de la tige eft un tilTu li-
gneux dans fon genre, comme celui
du chanvre, & à fibres peu ferrés ,
le rout revêtu par l'écorce ; & entre
l'écorce & la partie ligneufe , on
trouve un mucilage dépofé par l'af-
cenfion & la defcenfion de la fève.
Dans toutes les plantes en général
la fève eft très-abondante julqu'au
moment où le fruit noue , Aoute.
( f^cye-^ ce mot ) A mefure qu'il mûrit ,
la fève a moins d'aquofité, elle eft
moins abondante & plus élaborée ;
enfin , lorfque le fruit eft mûr, la
plante annuelle fe defleche, & la
plante vivace fe conferve jufqu'à l'hi-
ver, ne fait plus de progrès, & il eft
très-rare de la voir fleurir de nouveau,
parce que le but de la nature eft rem-
pli ; c'étoit la reproduction de l'in-
dividu par fes femences.
D'après ces principes généraux, &
qui ne peuvent être conreftés par
quelques exceptioiis particulières , if
eft clair que tant que la fève aqueufe,
peu élaborée , monrera avec abon-
dance dans le lin , fa fibre fera molle,
& aucune de fes parties n'aura en-
core la confiftance que l'on demande ;
enfin , que la filalfe fe défagrcgera
dans 1r fuite enpalTant par le peigne ,
&
L I N
Se qu'elle fournira une immenfe quan-
ticc d'érouper.
Si on attend la maturité complète
de la graine , la fève fera très-rare ,
très-vifqucufe ou colante , &c le mu-
cilage liera li fort l'ccorce contre la
partie ligneufe ou chenevotte , que
malgré le rouillage, la filaife callera
net avec la chenevotte.
Entre ces deux extrêmes il y a donc
un terme moyen , celui où il rcfte
une certaine aquolué dans la plante 5
alors l'écorce tient moins au bois, dont
la fibre efi: alors moins ferrée & moins
delféchée j Se après le rouidage cette
écorce fe détache, fans peine, d'un
bout à l'autre , fins calTer. Si une
alfertion Douvoit être générale en a^ri-
culture , celle-ci le feroit relative-
ment au lin, & au moment auquel
on doit l'arracher.
Cette efpèce d'incertitude far l'é-
poque fixe à laquelle on doit arracher
le lin, prouve, de la manière ia plus
claire , combien il eft nécelTaire de
femer à part le lin qu'on deftme à
porter la graine , & de choifir à cet
effet le meilleur fol & la meilleure
expofiùon. Cette méthode elt fuivie
dans le Levant , & la graine qu'on y
récolte vaut, pour le moins, autant
que celle de Riga , l\ vantée. La
bonne qualité de la graine dépend de
la bonne végétation de la plante , &
d'une bonne maturité.
IX. Dii la manière d'arracher le
lin. Dans la graine que l'on achète ,
les trois efpèces jardinières de lin font
pour l'ordinaire confondues enfeni-
b!e. De ce mélange il rcfulte plus
de peine & plus d'embarras pour le
cultivateur : une efpèce s'élève plus
que l'autre , ou mûrit plutôt; il faut
revenir à la cueillette à plufieurs re-
prifes différentes ; il faut donc fcpi-
Tome FI.
LIN z8i
rer le lin fin du lin grcflîer , &c.
Ces opérations, cette perce de temps,
feroient évitées fi on avoit femé fé-
parément chaque efpèce , & dans un
feul jour le champ entier aurait été
récolté.
Les momens font précieux pour
cette récolte, quelques jours de pluies
fuffifent pour la retarder ou pour
gâter le lin cou.hé fur terre , lorfqu'il
a été arraché. S'il eft mouillé , s'il
furvient du folcil , les gouttes de pluies
impriment au lin des taches noires
qui ne s'effacent prefque plus •, tandis
qu'une des premières qualités du lin
fin , eft d'avoir une filalle d'une grande
blancheur, quand elle a été peignée.
Il réfulte encore du mélange du
lin têtard & du moyen , 1 inégalité
dans la grolTeur & la longueur des
tiges, de manière que la chenevotte
de l'une eft plus écrafée au moulin ,
ou par le ferançoir , que l'autre ;
que la filalfe longue & courte , dé-
barralTée de la chenevotte , perd beau-»
coup en partant par le peigne , &c
qu'elle eft plus difficile à être bien
filée , que fi les brins confervoient
entr'eux une grandeur &: une fineffe
à peu près égales. L'inégalité de ma-
turité & de qualité obligent de ré-
colter à plufieurs reprifes diff^érentes,
lorlcju'on veut fe procurer une belle
(ïc bonne filaff'e ; enfin , elle mul-
tiplie les frais , & fait perdre beau-
coup de temps. Malgré cela, il vaut
mieux faire ce facrifice que de s'ex-
pofet à avoir un mauvais mélange ; &
à CQZ effet on léparera les pieds fui-
vant leur groffeur , leur lonc^ueur &C
leur maturité , fi la récolte fe fait tout-
•à la-fois , ou bien on les récoltera
chacune féparément, & à l'époque
où elles devront l'ctte j ce qui vaut
beaucoup mieux.
Nn
aCz
L r N
La manière d'arracher le lin , eft
par poignces , que l'on étend fur le fol ,
écartées les unes des autres, les tètes
du même côté , & tournées vers le
midi , afin que la chaleur du foleil
les frappe mieux. Si on peut fe pro-
curer facilement pour ce travail des
enfans ou des femmes , on les char-
gera de retourner ces plantes chaque -
jour, & ils fe fetviront, pour cette
opération, de fourches de bois, dont
les fourchons foient rapprochés. Le
but de cette opération eft de deilécher
également la plante des deux côtés ,
& de lui faire perdre une partie de
fa couleur, par l'aélion du ioleil qui
agit fur l'écorce comme fur la eue
lors de fon blanchiffage.
Cette méthode n'efi: pas fuivle
par tout. Dans quekpes-unes de nos
provinces , on place un certain nom-
bre de poignées de lin les unes contre
les autres, les racines en en -bas &
écartées , ahn que la mafle réunie
forme une efpèce de cône. Cette ma-
nière de delféchert fi: fort bonne, parce
qu'il s'établit un courant d'air entre
chaque pied de lin. Si la faifon eft
favorable , il ne faut que trois ou
quatre jours pour mettre les capfules
dans le cas de s^ouvrir & de lâcher
leurs graines ; mais des paquets trop
épais , trop ferrés , nuiroient à la
deflication des plantes de l'intérieur.
Si le pays eft fujet à des coups de
vents, à des rafFales, il faut recourir
à la première de ces méthodes , (Se
abandoner celle - ci , parce que la
moindre agitation de l'air renverferoic
ces efpè.es de petites meules , & en
raifon de leur dellîcation , feroit ré-
pandre la graine fur le fol. Dans les
provinces méridionales il vaut beau-
coup mieux étendre fur terre & clair,
les poignées que Ton vient d'arracher.
LIN
la chaleur eft allez forte pour diffiper
leur air & leur eau j furabondans de
végétation & de compolicion. Dans
celles du nord, l'opération eft beau-
coup plus longue, & le retournement
fréquent des tiges beaucoup plus né-
cedaire.
Après l'exfication , il vaut beaucoup
mieux égrainsr les tiges fur le lieu
même, que les tranfporter entières ,
ou à la métairie, ou prèsdurouilfoir,
afin d'éviter la perte de celles qui
tomberoient en chemin. A cet effet,
on étend de grands draps fur le fol ,
& fur ces draps on place une efpèce
de banc d'une longueur propornonnée
au nombre des ouvriers deftmés à
féparerles graines : c'eft encore l'ou-
vrage des femmes & des enfans. De
la main gauche ils faiiilfent une poi-
gnée de lin , du côté des racines , ils po-
fent les tètes de la plante fur le banc,
& avec un battoir de blanchiflage, ils
frappent fur les capfules , qui s'ouvrent
& lailfent tomber leurs graines fut
les draps. D'autres femmes, ou d'au-
tres enfans préfentent de nouvelles
poignées aux batteurs , & ceux-ci
rendent les poignées battues à d'au-
tres qui les ralfemblent & les lient
en bottes , de manière qu'on peut
tout de fuite les porter au rouilfoir.
L'opération, ou la journée finie , oit
vanne la grau-ie , afin de la féparer
des débris des capfules , <Sj on la porte
aulTitôt fur les lieux où elle doit être
coufervée. Il eft prudent, fuivant les
cantons, d'expofer les tiges pendant
quelques jours à l'ardeur du gros fo-
leil, afin de dilliper un refte d'humi-
dité qui feroit fermenter le monceau,
& nuiroit beaucoup à la qualité de la
graine. Chaque foir on la renferme,
afin de la fouftraire à l'humidité de
la nuit ; au ferein , à la rofée , &c..
L I 1^
Si la faifon s'oppofe au deiïeche-
ment des tiges & à la féparation des
graines, on tranfporte au logis les plan-
tes, après les avoir bottelées; là on les
délie , on les arrange en petites meu-
les , comme il a été dit plus haut j
€n un mot , on cherche les expédiens
les plus propres à accélérer leur defli-
cation. Dans d'autres cantons , on
porte fous des hangards les tiges
avec leurs capfules , fans les battre,
elles y achèvent leur deflication ,
quoique amoncelées jufqu'à un cer-
tain point. On prérend dans ces pays,
que la graine & que la filafle fe
perfedionne fous ces hangards ; ce
qui me paroît douteux. S'il refte
un peu trop d'humidité, la fermen-
tation s'excite , fait réagir le mu-
cilage , il s'échauffe , & cette cha-
leut diminue la quantité de l'huile
contenue dajis la graine , &'en dé-
tériore fingulièrement la qualité.
( J^^oye^ ce qui a été dit au mot
Huile) Ces monceaux de lin , non
égrainés , attirent les rats , & ils y
accourent en foule. Après avoir dé-
voré la graine , ils attaquent l'é-
corce , la rongent, la brifent en petits
morceaux, & ces débris leur fervent
à former leurs nids. J'ai vu plus de
demi-aune de toile fuffire à peine à
la texture d'un nid artillement &
commodément rangé. Que l'on juge
donc du dégât que les rats & les fouris
doivent caufer dans un pareil mon-
ceau !
X. Du rouiffijge. En traitant du
chanvre , j'ai rapporté les différentes
méthodes employées à cet effet, &
jai fait voir combien elles étoient
difparâtes & fautives j enfin , qu'au-
cune n'étoit fondée fur un principe
conftant Se uniforme. Une circonf-
taiice particulière m'a mis dans le cas
LIN 2§3
de tenter de nouvelles expériences à
ce fujet, dont je rendrai compte aux
mots Rouir , Rouissage , RouioiR.
XI. Dds Joins que demandt le /in
au fortir du routoir. On connoît que
la plante eft alTez rouie , lorfqu'après
avoir pris plufieurs brins de différen-
tes bottes j on effaie de les caffer
vers l'endroit où étoient les graines.
Si la chenevùtte fe caffe fec , fi la
filatfe fe détache aifcment, depuis la
racine jufqu'au fommet de la plante »
c'eft une preuve que le chanvre eft
atfez roui.
Après l'avoir tiré de la foffe , il
demande à être lavé à grande eau
courante , afin de détacher & entraî-
ner la portion du mucilage , difloute
par l'eau de la foife , & qui refteroit
collée contre l'écorce, fans cette pré-
caution. Si l'eau de la folfe n'eft pas
courante, fi elle ne fe renouvelle pas
perpétuellement en grande quantité,
le poilTon meurt , parce que l'eau
fe charge du mucilage qu'elle diffout,
elle devient gluante , <Sc le poilToii
ne peut plus refpirer. On le voit alors
venir à la furface chercher à refpiret
l'air de l'atmofphère, tandis qu'au-
paravant l'air contenu dans l'eau fuf-
iifoit à fa refpiration.
Après ce forr lavage, on érend le
lin fur terre , on le laifTe expofc à toute
l'ardeur du foleil, & on le retourne de
temps à autre. Sa dcllication eft plus
ou moins prompte, fuivant le climat,
fuivant la faifon, & fa manière d'être
à cette époque. Dans les provinces
du midi, l'opération eft promptement
achevée. Il n'en eft pas ainfi dans
celles du nord, où l'art doit venir au
fecoursde la nature^ on y eft fouvent
forcé de porter le lin au halloir.
Le halloir eft un lieu voûté , dans
lequel on a pratiqué une che minée |.
Nnz
2S4 L I N
afin d'actirer la fumée , & pour l'em-
pêcher de noircir les lins. On fait dans
ce halloir un feu clair , avec le bois
le plus Cec , ou avec des clienevotces ,
qui donneur peu de fumée. Les lins
y font placés fur claies, & on les en
retire dès qu'ils font bien fecs, pour
leur en fubilituer de mouillés.
Dès que le lin eft (ec , on le porte
dans des greniers bien aires , lî on
eft dans l'intention de réferver pour
l'hiver un genre d'occupation aux
femmes & aux enfans , luion , l'on
travaille tout de fuite à féparsr la
filafle de la chenevotte.
On teille le chanvre ; mais il feroit
très-difficile de teiller le lin , à caufe
de l'exiguité de fes tiges. Les mé-
thodes de féparer les chenevotres de
l'écorce ou de la filalfe , varient fui vaut
les cantons.
Dans quelques endroits on fe fert
d'un banc de bois , bien lilîe & bien
uni , fur lequel on étend le lin que
l'on tient de la main gauche , & de
la main droite on frappe avec un
battoir de blanchilTeufe,alin de brifer
la chenevorre. Lorfqu'elle l'cfl: au
point convenable , l'ouvrier mec fur
le banc la partie qu'il tenojt dans la
main, & la bat également. Enfuite,
faififfant avec fes deux mains les ex-
trémités de la filalFe , il la palîe &
repafle fur l'angle du banc qui achève
de brifer la chenevotte , & il fecoue
lafil.4(re,ne la tenant que d'une main,
& les reftes des chenevottes tom-
bent fur la terre.
Dans d'autres cantons on employé
unù h roye. ( f'oye^ figure II , plan-
che VII, ) Cet inllrument eft beau-
coup plus expéditifque le premier,
& mérite la préférence (\ l'ouvrier
f^aic bien le conduire. 11 a l'inconvé-
L I N
nient de caflTer les fils : cela eft vrai,
lorfque les bois ne lont pas bien unis ,
& loifque leurs arrêtes font trop
vives. Ici , au lieu du batroir donc
on a parlé plus haut , on fe fert d'un
couteau de bois arrondi, nommé ef-
padoti j avec lequel on frappe fur le.
lin ; il a un pouce d'épailléur. Là ^
cet efpadon eft de trois pouces d'é-
pailfeur. Toutes ces méthodes ne me
paroilTent pas auffi utiles que celle
dont on fe fert en Livonie, & donc
je vais tirer la defcription des mé-
moires de la Société d'Agriculture de
Bretagne. On doit à M. Dubois de Do-
nilac de nous l'avoir fait connoître.^
La broyé des Livoniens eft fem-
blable à la nôtre, ( P^oyc-^ figure II)
depuis l'axe jufqu'à la longueur des
mâchoires y l'autre moitié de la lon-
gueur, depuis l'axe jufqu'au manche,,
eft pleine & taillée en goutières cor-
refpondantes , enforce que la mâ-
choire de defiiis s'applique fur celle
de deffous , & qu'elles fe touchent
dans toutes leurs parties, parce que
les angles faillans des goutières d'une
des mâchoires, repondent aux angles
lentrans de l'autre. Ces angles font
à-peu-près de foixance degrés, Se l'ar-
rête en eft moufle.
La différence de la broyé des Li-
voniens d'avec la nôtre, n'auroir-elle
pas pour but deux opérations féparécs?
La première confifte à broyer la fi-
lalTe lorfqu'elle tient encoïc à la che-
nevotte , <Sw la partie des deux ma -
choires , qui eft vuide , paroît âc(-
tinée à cet ufage. Comme cecte opé-
ration demande évidemment plus de
force que celles qui fuivent , auftî
la partie qui lui eft dtftinée , eft-elle
du coté de l'axe qui réunit les deux
mâchoires; c'eft là qu'avec un moin-
dre eftort laprctllon a inhnimentplus
I /VW //
/y /'// /■,, ji'./
Se//h'f Sr/t^'.
L I N
de puiiïance, & que le coup qui pour-
loic détruire le filament, en a infi-
niment moins. C'eft donc là qu'il
faut engager le lin, dans le temps où
l'on veut brifer la chénevotte, lans
que le fi.lament foit attaqué.
Lorfque la clienevotte eft brifée,
ôc que la filalfe en eil prefqu'entit—
rement féparée, il relie à l'en purger
tour-à-fair, & à l'aflouplir. Pour cet
ellet , on engage la filalle entre les
goutières correfpondantes des mâ-
choires inférieures &l fupérieures j elle
ne peut y éprouver qu'un frotte-
ment alTez léger, puifqu'alors elle
eft près du manche que tient l'ou-
vrier, ôc loin de l'axe. Ainfi, en la
faifant glilfer entre les goutières ,
tandis que les mâchoires font un peu
preffées l'une contre l'autre, la filalfe
doit ttre alTouplie dans toute {.\ lon-
gueur, fans être expofée à ces rup-
tures continuelles qu'elle éprouve
lorfqu'on l'alfouplit d'une autre ma-
nière, ou par la broyé ordinaire.
La Livonie eft d'une fi grande
étendue , qu'il n'eft pas furprenant
qu'on y employé des moyens difié-
rens pour la préparation àes lins &
des chanvres. M. Dubois de Donilac
y a vu exécuter , en très - peu de
temps, un travail qui eft très -long
&: très-difpendieux en France. Ce font
des moulins qui broyent le lin îk
les chanvres, &: on prétend que les
lins 5c chanvres préparés par eux , fe
vendent quinze à vingt pour cent
plus chers que ceux qui ont été
broyés ou teilles. Ces machines, ou
en bois eu en pierre, £c plus fou-
vent en pierres , font mues ou par
l'eau , ou par le vent , ou par un
cheval j ainfi on peut en faire ufage
dans toutes les pofitions.
C'eft en général une aire circu-
L I N
laire , terminée par un rebord de
dix-huit pouces de hauteur. Cette
aire eft un plan incliné d'environ fix
pouces du centre à la circonférence;
une pierre un peu élevée & percée
dans Ion milieu occupe le centre j elle
eft deftinée à recevoir une pièce de
bois pofée verticalement. On afiem-
ble à cette pièce de bois une barre
de fer, qui traverfe une pierre qui
a la forme d'un cône tronqué; cette
pierre doit être non- feulement unie,
mais adoucie, afin qu'en brifant par
fon poids la chénevotte fur laquelle
on la fait rouler , la filafle ne foie
ni coupée , ni altérée par les angles
multipliés d'une furface raboteufe.
Le chanvre ou le lin eft étendu fur
l'aire circulaire, en plaçant le gros
bout des tiges du coté de la circon-
férence, & le petit bout du côté du
centre. Si c'eft du lin qu'on veut
broyer, on en étend deux rangs l'un
au bout de l'autre , afin que toure la
furface de l'aire en foit couverte. Une
épaifteur de trois , quatre ou cinq
pouces fuffit d'abord. On lait tourner
la pierre , qu'on peut regarder ici
comme une meule. Après une dou-
zaine de tours , la couche de chanvre
ou de lin s'affaiife fenfiblement; on
arrête le moulin pour mettre uns
féconde couche fur la première , Sc
enfin une troifième.
Pendant l'afFaiftement qui fe fait
à chaque couche, un ouvrier, armé
d'une fourche cà trois branches, fuit
la meule j 6c retourne les brins de lin
ou ce chanvre. L'opération de tour-
ner & de retourner fe continue juf-
qu'à ce que la chénevotte foit brifée,.
& que les particules qui en reftent
foient peu adhérentes au filaments
On les retire alors de delfus l'aire ,.
& il fuffit de les fecouer par poigace&
28^ LIN
d'une médiocre grofleiir , pour faire
tomber toute la chenevotte.
La tilafle dans cet état n'a be-
foin que dette peignée pour être
poftée à fa perfection. Il eft d'nfage
en Livonie de la faire un peu fccher
dans le four, pour que le travail du
peigne n'en diminue pas la longueur.
Il eft eOentiel de ne l'expo fer qu'à
une chaleur très-douce. On arrange
la filaffe dans le four fur des claies
de bois , & à plat.
L'ufage des Livoniens eft de com-
mencer à broyer à cinq heures du
matin Se de finit à minuit. Pendant
ce temps on broyé ordinairement ,
dans un moulin qu'un cheval peut
mouvoir , quatre ou cinq pierres de
chanvre ou de lin. M. de Donilac
penfe que chaque pierre répond à-
peu-près à trois cens livres de France,
poids de marc. Ce travail ne[demande
chaque jour que deux à trois che-
vaux, qui font fucceifivement attelés.
Deux hommes fufEfent pour gou-
verner la machine j ils s'employent
alternativement à retourner le lin &
à faire marcher le cheval.
Il eft aifé de fentir quelle épargne
on feroit fur la main d'oeuvre avec
ces moulins^ nos meilleurs ouvriers
broyent & broyent mal environ douze
livres de chanvre par jour ; ain(i il
faudroit en employer cent douze pour
que leur travail fournît treize cens
cinquante livres de filaife, qui font
la quantité moyenne entre douze &■
quinze cent livres pefant, que broyent
les moulins des Livoniens.
J'ai vu dans plufieurs endroits du
royaume, par exemple, à Vienne en
Dauphiné , des moulins à - peu - près
femblables ; mais on ne s'en fert que
pour broyer le çhauvre après qu'il a
L I N
été taillé. Ce broyement fait élever
une pouffière très fine, qui fe répand
dans tout le moulin, qui caufe de
violens picotemens à la gorge & à la
poitrme : dans ce cas , il y a donc une
opération de trop dans cette méthode ,
celle de teiller le chanvre & de broyer
le lin avec la broyé ordinaire , ou avec
l'efpadon ou le battant fut une pièce
de bois.
Pour mieux connoître les détails
des préparations du lin après qu'il a
été roui , f'^oye^ la Planche Fil j
page 284J que j'ai prife dans la pre-
mière édition de l'Encyclopédie,
Cette planche repréfente l'attelier
des efpadeurs, dont le mur du fond
eft fuppofé abbatu , pour lailfer voir
dans le lointain les premières prépa-
rations, jîg. I. Routoir Q où l'on a
mis le chanvie ou le lin. Plufieurs
hommes font occupés à le couvrir de
planches & à charger ces planches
de pierres , pour tenit le chanvre au
fond de l'eau 6c l'empêcher de fur-
nager.
2. Ouvrier qui pafte le lin fur l'é-
grugeoir R, pour détacher le grain
qui y refte attaché.
3. Le haloir T. C'eftune efpècede
cabanne, où l'on fait fécher le chan-
vre en le pofant fur des bâtons au-
deffus d'un feu de chenevottes. Com-
me la blancheur du lin eft un de (es
principaux mérites , on doit préféier
le haloir dont nous avons patlé.
4. Une femme S qui teille le chan-
vre, c'eft-à-dire qui, en rompant le
brin, fépare l'écorce du bois.
5. Ouvrier qui rompt la chene-
votte avec les deux mâchoires de la
broyé U.
6. Quvrier qui efpade ^ c'eft-à-djre^
L I N
t[ui frappe avec l'efpadon Z fur la
poignée de chanvre ou de lin N qu'il
tient dans l'entaille demi-circulaire
de la planche verticale du chevalet Y.
7. Ouvrier qui, pourfairq tomber
les chenevottes , fecouc contre la plan-
che M du chevalet la poignée de lin
qu'il a efpadée.
S. Autre efpadeur qui fric la
iTiême opération fur l'autre planche
verticale du chevalet.
5. Bas de la P/a/zc/ze. L'égrugeoir
dont fe fert l'ouvrier de la figure z j
l'extrémité de cet inftrumenc , qui
pofe à terre, eft chargée de pierres
pour l'empêcher de fe renverler.
10. Mâchoire fupérieure de la
broyCjVuepar-defTous. On voit qu'elle
eft fendue dans toute fa lonç;ueur
pour recevoir la languette du milieu
de la mâchoire inférieure , i^ former
avec celle-ci deux languettes ou tran-
chans moulfes , propres à rompre &
à brifer la chêne votre.
11. La broya route montée; la
mâchoire fupérieure eft rerenue dans
l'inférieure par une cheville qui tra-
verfe tous les tranchans.
iz. Chevalet fimple X, le même
que celui cotté X dans la vignette.
1 3. Chevaletdoiible Y Y, le même
que ceux cottes M Y dans la vi-
gnette.
14. Elévation d'une des planches
du chevalet, foit fimple, foit double.
15. Elévation & profil d'un efpa-
don , vu de face en A & de côté
en B.
Au mot Chanvre, j'ai donné le
procédé du prmce de Saint -Sévère
pour le préparer & le rendre auflî
beau que celui de Perfe 3 je crois
LIN 287
qu'on pourroit faire ufage de ce pro-
cédé pour le lin ; cependant j'avoue
que je ne l'ai pas ellayé. On trouve
dans les Mémoires de l'Académie
de Srockolm un procédé pour rendre
le lin aulîi beau que le coton ; je
vais le rafTporter, il eft de M. Palm-
quift, & il revient à-peu- près , quant
au fond, à celui du prince de Saint-
Sevèie.
On prend une chaudière de fer
fondu ou de cuivre étamé, on y mec
un peu d'eau de mer ; on répand fur
le tond de la chaudière parties égales
de chaux & de cendres de bouleau
ou d'aune. ( Toute autre cendre de
bois qui n'aura pas floté fera aulîi
bonne ) Après avoir bien tamifé cha-
cune de ces matières, on étend par-
delfus une couche de lin , qui cou-
vrira tout le fond de la chaudière.
On mettra par-delfus alfez de chaux
& de cendres pour que le lin foie
entièrement couvert ; on fera une
nouvelle couche de lin , & on con-
tinuera de faire ces couches alterna-
tives jufqu'à ce que la chaudière foie
remplie à un pied près, pour que le
tout puille bouillonner. Alors on
mettra le feu fous la chaudière ,
on y remettra de nouvelle eau de
mer, &: on fera bouillir le mélange
pendant dix heures, fans cependanc
qu'il lèche; c'tft pourquoi on y re-
mettra de nouvelle eau de mer à
mefure qu'elle s'évaporera. Lorfque
la cuilfon fera achevée , on portera
le lin ainfi préparé à la mer, &c on
le lavera dans un panier , où on
le remuera avec un bâton de bois
bien uni & bien lilfe. Lorfque le
tout fera refroidi au point de pou-
voir le toucher avec la main, on fa-
vonnera ce lin doucement, comme
on fait pour laver le linge ordinaire ,
iSS LIN
Se on l'expofera'à l'air pour qu'il fe fc-
clie, en obfervanc de le mouiller & de
le retourner fouven:, fur-tout lorfque
le temps eft fec : on le battra , ou
le lavera de nouveau, -k on le fera
fccher. Alors on le tardera avec pré-
caution , comme cela fe pratique pour
le coton , enfuira on le mettra, en
prelfe entre deux planches, fur lef-
quelles on placera des pierres pe-
fantes. Au bout de deux fois vingt-
quatre heures , ce lin fera propre à
être employé comme du coton.
§. III. De la graine de lin , relati-
vement au commerce.
On a vu, par ce qui a été dit,
comment la graine de lin devient un
objet intéreffrint pour le commerce^
comme on l'a fair circuler du nord
au midi &: du midi au nord , par
rapport à la nécelllté où l'on eft de
changer les femences deftinées à fe-
mer. Quoique cet objet foit très-im-
portant, on peut fe paflfet du fecours
intéreffe des Hollandois , en échan-
geant les femences d'une de nos pro-
vinces du midi avec celles d'une de
nos provinces du nord , & ainfi tour-à-
tour j i! ne s'agit dans chaque endroit
que de bien cultiver la linière def-
tinée à la graine.
Le fécond objet de commerce efl:
l'huile qu'on retire du lin, objet bien
plus important que le premier , &
dont la préparation femble être pref-
que confinée dans nos provinces de
Flandres & d'Artois. Les Hollandois
achettent la graine dans nos provinces
maritimes , en retirent l'huile chez
eux, & nous revendent enfijite cette
huile. D'où peut provenir fur ce fujet
une pareille inàiiférence de notre part?.
L I N
J'en ai cherché pendant long-tempî
les motifs , & j'ai cru appercevoir
que ce vice anti-économique teiioit
au peu de force, au peu d'énergie
des machines que nous employons
pour extraire l'huile des graines. En
eHer , li on compare nos prefloirs ,
nos moulins à ceux des Hollandois,
il eft ficile de voir que d'une mafi'e
donnée de graine, les Artéfiens, les
Flamands & les Hollandois fur- tout,
retireront une plus grande quantité
d'huile , & à beaucoup moins de
frais 5 dès-lors notre main d'œuvre
n'a pu fourenir la concurrence , &
nous avons mieux aimé leur vendre
nos graines , que de fonger à perfec-
tionner nos machines. A l'article
Moulin , je donnerai la defcription
de celui employé par les Hollandois,
bien plus exprelîif & expéditif que
celui des Flamands & des Artéfiens.
Je ne répéterai pas ici ce que j'ai
déjà dit fur la fabrication de Vhuile.
( ^o>'e:j ce mot ) Je me contente de re-
marquer que la coutume de la retirer
au moyen de deux plaques échauffées
par l'eau bouillante, eftvicieufe, &
que cette chaleur fait réagir fur
l'huile gralFe l'huile elTentielle; enfin
qu'elle contraéte promptement une
odeur & un goût tores. Cette qualité
défeclueufe eft: indifférente lorfque
l'huile doit être employée d.ms les
arts, mais il n'en eft pas ainfi lorf-
qu'elle doir fervir aux apprêts des
alimens. La difficulté d'extraire l'huile
avec de mauvais prelFoirs , fait re-
courir à l'ufage des plaques chaudes.
La graine de lin ne doit être
renfermée dans des facs, ou amon-
celée , que lorfqu'elle eft parfaite-
ment fèthe; elle demande encore à
être tenue dans un lieu bien {ec &
expofé à un courant d'air. Si on la
ferme
LIN LIN 2S9
ferme humide , elle fermente, s'é- efTemielIe, dans l'afthmecoiivulfif &:
chauffe , &c Vhuiie quelle renferme fe la roux cacarrhale ; plufieurs médecins
vici'^ ( rv\e-{ le mor Huile ) & di- préfèrent la décoélion édulcorée avec
minueeii qumnté. L'ecorce qui revêt le miel blanc .. Extérieurement, le
l'amande de la graine eft remplie de mucilage appaife les douleurs hémoc-
mu;ila(;e; on peut s'en convaincre rhoidales; il eft nuifiblc fur les tu-
en jetant quelques graines dans l'eau, meurs inflammatoires & fur les btû-
& on verra bientôt fe former tout- lûtes récentes. L'huile de lin par ex-
autour une efpèce de gelée, & li l'on prcdion, en onétion , relâche les re-
met beaucoup de granies , l'eau de- gumens , mais elle ne guérit pomt les
viendra mucilagineufe & gluante, douleurs des articulations , les mou-
Or, fi l'eau a la faculté de détruire vemens convulfifs , ni les raches de la
ce mucilage , l'humidité de l'arniûf- peau.... Intérieurement, elle fait
phère a donc en partie fut lui la quelquefois mourir les vers afcarides,
même aélion; de-là réfulte la nécef cucurbitins & lombricaux ; elle calme
fîté de tenir la graine dans un lieu les coliques caulées par des fubftances
fec (!k expofé .n un courant d'air qui vénéneufes , comme la plupart des
dilîîpe rhumidité. D'ailleurs, l'état huiles par expieiiion.
alternatif de ficcité & d'humidité On piefcrit les femences du lin
qu'éprouveroit la graine, nuit à façon- depuis demi- dragme jufqu'à demi-
fervation, à la qualité & à la quan- once, en décoéèion dans huit onces
tiré de l'huile. d'eau; l'huile fe prend intérieurement
depuis deux jufqu'à quatre onces, &
§. IV. De la graine de lin ^ relad- ^^ lavement à la dofc de huit onces.
V , ' / • 11 eft très-eftcntiel de fe fervir de
vement a la médecine. i-i m ■ - • »" uii
1 huile tirce tout récemment.
. Pour l'animal, la dofe de l'huila
La grame eft la feule partie du lin , j^ n^ gft j^ ^^^^^^^^ ^^^^^ . ^^n^ j^^
employéeenmédecine,elledonneune graines eft d'une à deux onces fuc
huile , un fuc gluant , mucilagmeux l^^\^ Hyres de décuélion ou de boiiroa.
&fade; elle eft émolliente par ex- La graine moulue f^ réduite en
cellence,bechique,antiphlogiftique. f^ji^g eft cmolliente & macér.itive,
La décodion des femences dimi- & on s'en fert pour les cataplafmes.
nue fenfiblemeiu l'ardeur d'urine quel-
quefois occafionnce par l'application LIN A IRE COMMUNE, ou LIN
des mouches cantharides; & le pilfe- SAUVAGE. ( P'(nc^ Pianche FI ^
ment de fang,caufé par les mouches page 148. ) Von Linné la claiïe dans
cantharides prifes intérieurement; la dydinamie angiofpermie , & la
l'ardeur d'urine par l'inflammation du nomme anthirrinum Lnaria. Tour-
col de la vellie ou de l'urètre ; l'ardeur nefort la place dr.ns la troifième clalfe
d'urine par âcreté des urines; elle qui renferme les herbes à fleur d'une
augmente le cours de ce fluide, fuf- feule pièce , irrégulière & terminée
pendu par un état inflammatoire. Le par un mufle à deux mâchoires, &
mucilage des femences foulage quel- il l'appelle linaria vulgaris lutea j
quefois dans la phtifie pulmonaire flore majore.
Tome VI, Q o
190 LIN
Fleur. Jaune, formée par un mufle
à deux mâclioires , & dont le fond
eft terminé par un éperon ou queue
femblable à la poinre d'un capuchon.
B repréfente le piftil forçant du mi-
lieu du calice, entre la partie fupé-
rieure de la fleur C &: l'intérieure D,
dans chacune defquelles fe trouvent
deux étamines ; en tout quatre éta-
mines , donc deux plus longues &
deux plus courtes.
Fruit. E Coque partagée en deux
loges F , remplies de femences plates
G, qui ont la figure d'un petit rein,
entourées à leur bord d'un feuillet
membraneux, & elles font noires.
Feuilles. En forme de lance , li-
néaires, ferrées contre la tige.
iîflci^e. A Blanche, dure, ligneufe,
rampante , traçante.
Porc. De la même racine, s'élè-
vent à la hauteur d'un pied, & quel-
quefois davantage , plufieurs tiges
cylindriques & branchues à leur fom-
met, où naiflent des fleurs en épi ,
portées par de courts péduncules qui
naiflent de l'aiflelle des feuilles.
Lieu. Les terreins incultes 5 la
plante eft vivare & fleurit pendant
les grandes chaleurs.
Propriétés. Son odeur eft fétide ,
& fa faveur légèrement falée &
amère \ elle eft fortement réfolutive,
émolliente & diurétique.
Ufjges. On ernploie toute la
plante ; on s'en fert rarement pour
l'intérieur; appliquée en cataplafme,
elle eft anti-hémorrhoïdale j fon fuc,
employée contre les ulcères, a peu
de vertu.
LINIMENT. Efpèce de médica-
ment qui s'applique à l'extérieur, &
dont on frotte légèrement la partie
LIS
malade. Le liniment , proprement dir,
doit être d'une conliftance moyenne
entre l'huile par expreflion , le bau-
me artificiel & l'onguent.
LIS BLANC ou LIS COMMUN.
\^on Linné le clalTe dans l'hexandrie
monogynie, & le nomme lïLium can-
didum. Tournefort l'appelle lilium
album vulgare j & le place dans la
quatrième feébion des herbes à fleur
régulière en lis , compofée de fix
pétales , & dont le piftil devient le
fruit.
Fleur. Blanche & fans calice, en
forme de cloche étroite à fa bafe ,
compofée de fix pétales droits , éva-
fés , recourbés , & chaque pétale a
un nectaire à fa bafe 5 les étamines
au nombre de fix & un piftil.
Fruit. Capfule formée par le ren-
flement du piftil , marquée de fix
filions , à trois loges, à trois valvules,
renfermant des femences plates , en
recouvrement les unes fur les autres.
Feuilles. Eparfes , fimpies , très-
entières ; celles qui partent des ra-
cines font larges, longues &: poin-
tues; celles des tiges plus étroites &:
plus petites, à mefure qu'elles ap-
prochent du fom.met.
Racine. Bulbeufe & formée d'é-
cailles appliquées les unes fur les
autres.
Port. La tige s'élève depuis deux
jufqu'à quatre pieds, fuivant la na-
ture du fol , du climat & de la cul-
ture ; cette tige eft herbacée , feuillée ,
très-fimple; les fleurs nailfent au
fommet , & elles ont une ou deux
ftipules au bas de chaque péduncule.
Lieu. LaPaleftine, la Syrie, cul-
tivé dans nos jardins , où il n'cft pas
LIS
fenfible aux froids ; il fleurit en juin,
juillet & aoûtj fuivant le climat.
Culture. Cette plante eft telle-
ment devenue indigène en France ,
qu'elle n'exige aucun foin particulier j
elle demande tout au plus que la
plate- bande dans laquelle elle eft
plantée, foit travaillée au printemps,
& débarraffée des mauvaifes herbes.
Cependant une bonne culture & un
bon fol augmentent la hauteur de fa
tige & le volume de fes fleurs. J'i-
gnore s'il exifte des lis blancs à fleurs
doubles j je n'en ai jamais vu.
On peut multiplier ce lis par les
femences, mais cette voie eft lon-
gue j il eft plus fimple de fe fervir
des caïeux , qui font en très-grand
nombre ; une feule écaille, mife
en terre & foignée, produira dans la
fuite un oignon parfait. Le temps
convenable à la féparation des caïeux,
eft marqué par le delTéchement com-
plet des tiges &c des feuilles ; les
amateurs font cette opération tous
les trois ans. L'habitant des campa-
gnes lailfe l'oignon livré à lui-même,
ne le déhlente jamais , & il en fort
des malTes de tisjes. Le lis s'accom-
mode aftez bien de toutes fortes de
terreins : on dit, & je ne l'ai pas
éprouvé, qu'en plantant les oignons
à différentes protondeurs , on avance
ou l'on retarde leur flenraifon. Les
lis font très -bien dans les grandes
plates - bandes des jardins j leurs
•fleurs , le grouppe des feuilles & des
tiges font très-parans.
On a cherché en vain à donner ar-
tificiellement une autre couleur aux
fleurs du lis , foit par des arrofemens
d'eau colorée , foit en plaçant des
couleurs fous l'écorce des tiges. Nous
ignorons quels font les moyens que
LIS 291
la nature a pour décorer d'un blanc
éclatant, le lys; d'un jaune agréable,
la jonquille; d'un bleu raviffant, le
bluet, &c. Lailfons-là agir, elle eft
bien au-deffus de l'arr , S>c toutes fes
opérations font merveilleufes, & ma-
niteftent la fageffe de celui qui a
donné la vie à l'univers.
Propriétés médicinales. La racine
eft onôtueufe & grafte ; l'odeur de
la fleur eft agréable , mais forte ,
fûuvent très-nuifible dans les appar-
temens , & fur-tout dans la chambre
où l'on couche, donr elle vicie l'air
qu'elle rend méphitique. La racine
eft maturative & anodine ; les fleurs
anodines & échaufl^antes,
Ufages. L'oignon broyé ou cuir
avec la mie de pain , accélère la
maturité des abfcès , &: change en
abfcès une tumeur inflammaroire.
L'oignon cuit fous les cendres chau-
des , & mis enfuite, depuis demi-
once jufqu'à deux onces , en macéra-
tion dans cinq onces d'eau ou de vin
blanc, eft un urinaire adtif; il eft
employé utilement dans l'hydropifie
de poitrine j & dans l'afthme pitui-.
teux.
On fait beaucoup de cas de l'huile
dans laquelle on a fait macéret des
fleurs de lis : l'huile feule nouvelle ,
ou bonne , produiroit le même effet.
L'eau diftiUée des fleurs eft prefque
entièrement femblable à l'eau de ri-
vière : fon efficacité ne vaut pas la
peine qu'on employé à cette opé-
ration. Cette eau eft réputée cofmé-
tique , c'eft-à-dire propre à adoucir
&:à embellir la peau; on ajoute même
qu'elle diflipe les rides & les fignes
de la vieillefl^e. Si cette affertion étoir
vraie , on verroic des champs entiers
plantés en lis.
O02
i^z LIS
Le Lis Bulbeux, ou Lis Jaune.
Lilium bulbiferum. Lin. Il diffère du
premier , par la couleur jaune de fa
fleur , par la difpofuion de fes pé-
tales qui font droits , & non pas
liifés en-dedans 5 mais fur-tout par
i^^ tiges. On voit aux aiffelles des
feuilles , aux péduncules des fleurs ,
de petites bulbes qui s'ouvrent en-
deffus par écailles. Ils font noirs
quand ils font mùts , tombent &
prennent racine en terre. On peut
facilement multiplier cette efpcce par
ces bulbes , qui , étant fecs , ont une
odeut de violette. La culture de cette
efpèce n'eft pas plus difficile que celle
de la précédente j mais elle a fourni
lin grand nombre de variétés , dont
voici les prin:ipales.
Le lis bulbeux à fleurs d'un pour-
pre jaune.
Le même & la même couleur , à
fleurs doubles.
Le même , à fleurs plus petires.
Le même , à flcurs blanches.
Le lis bulbeux eft indigène en
Sibérie , en Autriche & en Italie.
Lis be PoMroNE , on Lis rouge ,
ou Le Rouge vermeil, ii/ii^/n Pom-
ponium. Lm. Son caractère eft d'avoir
les feuilles éparfes , linéaires , aiguës ,
à trois côtés , formant une efpèce de
gouttière ; fes fleurs réfléchies , &
fes pétales roulés , & comme peints
avec du vermillon. U a fourni deux
variétés principales, celui à odeur &
celui à feuilles courtes & graminées.
Cette plante qui fleurit plutôt que les
autres lis, produit un joli effet. Elle
eft , ainfi que fes variétés, originaire
de la Sibérie & des Pyrennées , Se
fupporte difficilement les fortes cha-
leurs des provinces du midi.
L I S
Lis de Calcédoine. Lilium cal-
cedonicum. Lin. Feuilles éparfes , en
forme de fer de lance \ la tige eft
recouverte de feuilles jufqu'au fom-
met; les Heurs font renverfées contre
terre , &: leurs pétales roulés. Cette
plante varie fuivant les lieux ^ la tige
ne porte quelquefois qu'une feule
fleur , & l'onglet qui réunit fes pé-
tales eft fouvent velu. Elle eft oii-
ginaire de Calcédoine. La plante ne
craint pas les rigueurs de l'hiver des
provinces méridionales j elle fournit
deux variétés : dans l'une la tige porte
plufieurs fleurs , & dans l'autre , la
couleur des fleurs eft d'an pourpre-
fan^uin.
Lis Superbe. Lilium fuperhum.
Lin. Il eft originaire de l'Amérique
feptentrionale. Ses feuilles font épar-
fes fur la tige , lancéolées , étroites,
pointues. Du même point du fommec
de la tige, qui s'élève cjuelquefois à
fix pieds de hauteur , partent les pé-
duncules des fleurs qui femblenc
rendre la tige rameufe ; les fleurs s'in-
clinent contre terre, & leurs pétales
font roulés. Cette plante n'exige pas
plus de culture que le lis blanc , &
elle fait l'ornement des jardins.
Lis M ART AGON. ii/iaOT managon'.
Lin. Il diffère des autres lis par fa
racine bulbeufe , qui eft jaunâtre j fa
tige cylindrique , liffe , & fouvent par-
femée de points rouges \ fes feuilles
font rangées tout autour de la tige '
comme les rayons d'une roue le font
contre l'effieu , & elles font à deux
rangs, chaque rang compofé de fix à
fept feuilles. Au haut de la tige naif-
fent les fleurs , portées fur de longs pé-
duncules; les pétales de la fleur font
purpurins , tachetés de rouge j les
Toni. VI.
. VJ/J.J:,.
^uza/ie-' ■
PefifJ^ i.rrfnn ■
Ji-l/ui- Jl-f/f. SiTacâo/i.oii Perj-i/ J,: Jifacejoùie.
JjIipilL ■
L I S
étamines font de la longueur du piftil ;
à la bafe de chaque péduncule on
remarque deux feuilles Horales , Tune
plus glande , &c l'autre plus petue.
Dans les parties inférieures, la feuille
florale la plus grande, eft à gauche,
& à droite dans les fupcrieures. On
le trouve dans la Hongrie, la Suiife,
Ja Sibérie.
Toutes efpèces de lis ornent très-
bien un jardin ; on peut même en
garnir les lifières desbofquets ; mais
elles doivent y être plantces fans or-
dre , afin qu'elles aient l'air d'être
naturelles au fol. Ce que je dis des
bofquets , s'applique également aux
bordures des prairies , &:c.
Il feroit à défirer qu'on pur en-
core multiplier dans les jardins /c
lis du Canada , à fleurs jaunes , par-
femées de taches noires ; celui de
Philadelphie, à fleurs droites, & à
feuilles verticillées comme celui du
Canada , & du Canifchalca, à fleurs
pourpres , à tige cylindrique, lilFe ,
haute d'un pied.
Lis des Valées. ( l^^oye^ M u-
GU IT )
Lis des Étangs. ( Foyei'i^fMV-
JPHARD )
LISERON DES CHAMPS , ou
LISET. {Planche FIJI) Von Linné
le nomme convolvulus arvenjis , & le
claiïe dans la pentandrie monogynie.
Tournefort le place dans la troificme
feftion de la première claflTe des her-
bes à fleurs , d'uHe feule pièce , en
forme de cloche , dont le piftil fe
change en un fruit fec , & à capfules j
il l'appelle convolvulus arvenjis minor ,
fiore rofeo.
Fleur. Formée par un tube coure,
LIS icj3
^vafé à l'extrémité fupérieure,à cinq
divihons , variant beaucoup pour la
couleur , quelquefois pourpre , ^' le
plus fouvent couleur de rofe , quel-
quefois blanche. B repréfente les
cinq étamines attachées au pétale j
repréfente ouvert en C. Le piftil D
s'attache , au fond du calice E a
cinq divifions.
Fruit. F Capfule à deux loges , re-
préfente en G coupé tranfverfalc-
ment , pour Irdfler voir de quelle
manière les graines fphériques , an-
guleufes H, s'attachent au placenta 1.
Feuilles. Lilfes , en forme de fer
de flèche , aigu de tous côtés ; les
pétioles plus courts que les feuilles.
Racine. A. Longue, menue, ram-
pante, peu fibreule.
Lieu. Le bord des grands cheminSp
les champs , les jardins. A'Ialheureu-
fement la plante eft vivace.
Porc. Tiges grêles , foibles , cou-
chées circulairementfur terre, fi elles
ne trouvent point de fupport ; les
fleurs naiffent des ailTelles des feuil-
les , & leur péduncrile eft prefque
égal à la longueur des feuilles.
Propriétés, M. Tournefort Ja re-
garde comme un àts meilleurs vul-
néraires employés en médecine. Les
gens de la campagne brifenr les feuil-
les &c les ti^es entre deux cailloux ,
& les appliquent fur les plaies ....
La dénomination de convolvulus vient
de convolvere , c'eftà-dire entourer.
Les jardiniers difent que fa racine
vient des enfers j parce qu'elle s'en-
fonce fi profondément^qu'on ne peuc
en trouver le bout. Si on la divife en
morceaux , en fouillant la terre ,
chaque morceau produit une nouvelle
plante , & on la propage ainfi à l'in-
fini. Le feul moyen de la détruire eft
254 LIS
de l'épiiifer , en cbiipanc fans ceflê
les tiges qu'elle poLilfe , & ce n'eft
qu'avec le temps & la patience qu'on
en vient à bout. Cette plante fleurit
pendant l'été , & bien avant .en-
core dans l'automne ; fes eraines
germent par -tout, même dans les
gerfures des pierres. Outre que cette
plante épuife la terre , elle détruit
toutes les plantes de fon voifinage;
elle s'entortille à elles par un mou-
venient oppofé à la courfe du fo-
leil, les ferre > les étrangle, &: les
tait périr.
Le Grand Liseron, ou Liseron
DES Haies. Convolvu'usfepium. Lin.
11 diflère du précédent par fa fleur
blanche , Se du double plus grande;
pir ks feuilles en forme de fer de
flèche , mais tronquées par derrière ;
par les péduncules des fleurs de la
longueur des pétioles des fleurs ; par
deux feuilles florales , en forme de
cœur , &: plus longues que le calice.
On lui attribue les mêmes propriétés
qu'au piécédent ; la plante eft vi-
vace.-
Eft;-ce à cette efpèce qu'on doit
rapporter le charmant hferon cultivé
dans les jardins , & qui s'élève lin-
gulièrement haut , lorfqu'on lui donne
des tuteurs ? Sa fleur eft d'une belle
couleur bleue , tirant par nuance fur
le pourpre violet. On en forme des
tonnelles qui font bientôt couvertes ,
des colonnes , des port'ques chargés
de fleurs qui s'épanouiflent le foir,
& reftent ouvertes jufqu'au lende-
main vers les dix heures du matin ,
& pendant toute la journée li le temps
eft couvert. Plus le fonds de terre eft
riche , & plus la plante s'élève; elle
demande de fréquens arrofemens ,
& la première petite gelée la détruit.
Le Liseron Tricolor , ou a
TROIS COULEURS. Convolvulus trl-
coior. Lin. Ce Hferon mérite d'être
, cultivé dans les jatdins où on lui a
donné le nom de Bïlle-de-Jour ,
parce que la fleur épanouit le matin
& fe ferme le foir. Ses fleurs ont
trois couleurs, le fond en eft bleu&
blanc, avec des zones jaunes. Le tube
de la fleur eft alongé , il eft feule-
ment bleu à l'extérieur. La fleur eft
portée par un très-long péduncule,
qui s'élance des aiflelles des feuilles;
fes tiges rampent fur terre ; fes feuilles
ont la forme d'une fpatulc, &: n'ont
point de pétioles. La culture les fait
fouvent varier. La plante eft annuelle
6c fleurit pendant l'été.
On la feme fur place , dans les pre-
miers jours du printemps. Lorfque le
fol eft bien préparé , on met trois à
quatre graines dans le même trou.
Si toutes végètent , on n'en lailfe
qu'une ou deux, & elles fleuriflenc
en juin & juillet. On peut égale-
ment les femer en automne, alors
la planre fleurit au prinremps. Cette
plante ne demande aucun foin par-
ticulier. La vivaciré des couleurs de
fes fleurs , off^re un joli coup-d'œil.
On peut en garnir des plates bandes
entières. Cette plante eft originaire
d'Efpagne , &; elle eft annuelle.
La Soldanelle eft encore une
efpèce de Hferon. ( f^oye^ le mot
Soldanelle ) Il en eft ainfi pour
le liferon-jALAB , leliferon-BATAXE,
le liferon-ScAMMONHE. ( f^oye-^ ces
mots. ) De plus grands détails fur
les liferons , nous meneroient trop
loin; car Von Linné en compte cin-
quante-trois efpèces , dont la con-
noilTance de la plupart eft très-inutile
aux cultivateurs , ou aux fîeuriftes.
L I T
Il ne s'agir point ici d'un didloniuire
de botanique.
LITHARGE. Mélange du plomb
& de récume qui fort de l'argent ou
de tout autre métal raffiné par le
plomb fondu. Il y en a de deux cou-
leurs : la li charge appellée d'argent ,
& celle appellée d'or.On peut réduire
la litharge en plomb, en la fondant
à travers les charbons. Elleeftfouvent
employée en médecine dans la compo-
ficion des emplâtres & des onguents j
en peinture , comme deflîcative de
l'hude, 8c par les frelateurs des vins
& des cidres. Au mot Vin, nous in-
diquerons le moyen de reconnoître
leurs fraudes , irès-préjudiciables à
la fanté.
LITIÈRE. Paille qu'on répand
dans les écuries , dans les érables ,
fous les chevaux , les bœufs , les mou-
tons , & fur laquelle couchent les
animaux. Dans beaucoup d'endroits
la paille, même de feigle, eft trop
sèche & trop rare; par exemple , fur
les monragnes , pour la facrifier à
cet ufage, on la fupplée par de jeu-
nes poulies de pins , de fapins, de
mélèze , par la bruyère ^ les genêts,
la fougère , le chaume des bleds , les
tiges du farrazin , ou bled noir , du
maïs , ou bled de Turquie , des buis ,
des feuilles de noyer, de châreignier,
celles des arbres forelliers, des vignes
mêmes , dans le befoin \ enfin , de ce
que l'on trouve de plus abondant ,
de moins coûteux , & de plus fufcep-
tible de s'imprégner de l'urine des
animaux.
Dans les villes , on a la fage cou-
tume de lever chaque jour la litière,
de poulfer fous l'auge la paille qui
n'eil pas humectée. Se de tranfporter
LIT 195
au dehors celle qui l'eft. Le foir, ou
étend de nouveau la paille mife en
réferve, & on en ajoute de nouvelle j
& ainli de fuite chaque jour. Cette
méthode eft très-bonne; mais eft-elle
praticable dans les campagnes où ,
par une parcimonie mal entendue,
le nombre des valets eft Toujours au-
dellous de l'ouvrage que l'on doit
faire ; & quand ce nombre feroit
augmenté en proportion du travail,
auroit-on alTez de paille à facrifier à la
litière? Cela eft bon dans quelques
provinces à grains, mais très-difficile'
ou prelqu'impollible dans beaucoup
d'aurres. De-là eft venue la déreftable
manie de ne lever la litière qu'une,
ou deux, ou trois fois l'année tout au
plus , & chaque jour , ou tous les
deux jours , on ajoute un peu de paille
ou un peu de feuilles , (5cc. fur celles
de delfous ; il en réfulte que l'animal
eft complètement toute l'année dans
un bourbier. Pour juger du mal qui ré-
fulte de cette méthode, T'^oye^ ce qui
a été dit au mot BhRctRiE. Le cul-
tivateur attentif à fes intérêrs, qui fait
le prix des enarc.ïs j ( Voye-:^ ce mot )
qui fait que les engrais fonr la bafe
fondamentale de l'agriculture , fera
enlever toute la litière au moins une
fois par femaine pendant l'hiver, &
deux fois pendant le refte de l'année.
11 fe procurera ainfi le double & le
quadruple de fumier; car, avec une
bralTee de paille, le valet, toujours
négligent , fait la litière pour toute
une écurif". C'eft un point fur lequel
ne veillent pas alTez les cultivateurs;
ils doivent de temps en temps venir
dans la nuit vifiter leurs écuries , &z
faire lever tous les valets pour voir fi
la litière manque, ou fi elle n'eft pas
allez abondamment fournie. Lorf-
cjuils auront été ainfi dérangés plu-
1C)S
L I T
fleurs fois, la litière , à coup sûr, fera
bonne, par la crainte qu'auront les
valets de ces fortes de vifites : les
exhortations , les menaces fervent
trci-p.ni; il faut des punitions prifes
dans la chofemême.
LITRON. Mefare dont on fe
fert pour niefurer les cliofes fèclies,
comme pois, fèves, lentilles, &:c. ,
Se qui contient la feizièmc partie d'un
èuijcJu de Paris, ( Foyt^ ce mot )
ou trente-hx pouces cubes,
LIVRE. Poids contenant certain
nombre d'onces , plus ou moins , fui-
vant le différent ufage des lieux.
A Pa'.is, & dans pluheurs contrées
du royaume , la livre eft de feize
onces, poid de marc ^ Si tout ce qui
eft vendu au nom du roi doit l'être
avec ce poids \ tels font le fel , le
tabac, la poudre, &c. Cette livre fe
divife en deux marcs ou demi-livre ;
le marc eft de huit onces, l'once fe
divife en huit gros, le gros en trois de-
niers, le denier en vingt q-iatre grains,
pefaiit chacun un grain de froment.
A Lyon, la livre eft de quatorze
onces. Cent livres de Paris font cent
feize livres de Lyon; dans cette ville
la livre de foie n'eft que de douze
onces. Dans plufieurs villes du Lan-
guedoc, par exemple, la livre eft de
feize onces diftincles, maii ces feize
onces fe réJ.uifunt à quatorze onces
poids de marc. Les petits poids font
appelés poids de table j pciii mar-
chdfids, qui varient "non -feulement
d'une ptovince à l'autre, mais encore
dans la même province. Il en eft ainli
des meCures des folides & des me-
fures d'étendue. Quind viendra le
temps cù l'on n'aura qu'un feul poids,
une feule mefure! De plus grands
L I V
détails fur ces fortes de variations qui
exiftent d'une ville , d'une province
ou d'un royaume à un autre, feraient
déplacés dans cet ouvrage; ceux qui
délirent une inftruébion particulière
fur ce fujet , peuvent confulter le
dictionnaire de commerce de Savary.
La livre dont on fe fert en mé-
de.:ine n'eft que de douze onces ef-
fecilves du poids de marc , mais di-
vifée en feize onces; ainfi la demi-
livre médicinale eft de lîx onces, le
quarteron de trois onces. On marque
ainfi la livre Ib.j. deux livres tb:j. &
ainfi de fuite; une demi-livn. fcs.
L'once eft compofée de huit gfos
ou drachmes ^j. deux onces ^j. deux
onces & demi ^ijs.
Le gros ou drachme contient
trois f^rupules gj, deux gros jij. une
draJime & demie T^js.
Le fcrupule contient vingt quatre
grains 9.j. deux fctupules 9ij. deux
fcrupules & demi 9ijs. le grain fe
marque pat g'.
Il eft beaucoup plus prudent d'é-
crire en toutes lettres le poids du mé-
dicament, que d'employer ces figues,
qui fouvenr ont caufé de dangereufes
méprifes, foit par ignorance, &: en-
core plus par diftradlion , foit de la
part de celui qui tait l'ordonnance ,
foit de celui qui l'exécute, foit enfin
par !a mauvaife configuration qu'on a
donné au figne en letraçant fur le pa-
pier. Il eft fiaifé de fe méprendre entre
le fi,;ne de l'once Se celui de la drach-
me, qui n'eft que fa huitième partie?
De ces erreurs naiffent ce qu'on a ap-
pelle le auiproquo , avec railon fi re-
douté lorfque le médicament eft adtif.
LOB F. (Bot.) Ce font les parties
de la eraine qui renferment & en-
veloppent iainiédiatement le germe
L O C
(& la radicule. On leur donne encore
le nom de cotylédons. ( Voye-:^ ce
mot) M. M.
LOCHIE. ( Voyei A r k i è r e-
f A JX.
LOK, cuLOOK.ou LOCK.
Mot tiré de l'arabe , pour dcligner
un éledluaire plus liquide que mou,
& dont voici la préparation.
Prenez amandes douces récentes ,
defléchées & blanchies, demi-once,
que vous pilerez dans un mortier de
marbre j ajourez peu-à-peu d'eau de
rivière filtrée, quarre onces, dans la-
quelle vous aurez fait dilToudre une
once de fucre ; paflez à travers une
étamine, & vous aurez une émulfion.
Broyez dans un mortier de marbre
bien fec , gomme adragantpulvérifée
&: tamifée, feize grains ; délayez- la
avec une cuillerée d'émulfion jufqu'à
ce qu'elle foit réduite en -nucilage ;
incorporez- y huile d'amande récente ,
«ne oncej agitez ces fubftances; dès
que le mucilage paroîtra exacT:ement
fait & fans grumeaux, verfez-y un
peu d'émulfion, avec la précaution de
tenir toutes ces efpèces de fluides
dans un mouvement continuel .5c ra-
pide ^ ajoutez-y eau de fleur d'orange
une drachme , vous aurez le lock
blanc ^ à prendre par cuillerée dans
le jour j en été renouveliez- le deux
fois par jour. Si vous fubftituez des
piftaches aux amandes douces , avec
fyrop de violettes, deux onces , vous
aurez le lock verd.
Ce remède diminue la fccherefle
de la bouche & de l'arrière- bouche ,
nourrit médiocrement , & pèfe fou-
vent fur l'eftomach j quelquefois il
calme la toux elfentielle & la toux
convulfive , cV favorife l'expeaoration
Tome FI.
L O Q 157
lorfqu'll n'exifte point d'inflamma-
tion , ou qu'elle tft fur fa fin. 11 eft
nuidble pendant l'accroiirement des
maladies inflammatoires de la poi-
trme, au commencement de la toux
eflentielle , de la toux catarrhale ; dans
les maladies où les premières voies
contiennent des humeurs acides, oii
qui tendent à la putridité.
L'eau miellée ou l'eau fucrée ne
feroit elle pas auflî falutaire qu'au
lock? Elle coûteroit moins cher, &
on l'auroit toujours fous la maki.
LOQUE. LOQUETTE. Mor-
ceau d'étoffe avec lequel on fixe cha-
que branche, chaque bourgeon d'un
arbre contre un mur, en retenant la
loque à l'aide d'un clou qu'on plant©
dans le mur.
Quoique cette manière de difpofer
les branches Se les bourgeons , foit ,
fans contredit, la plus avantageufe
& la plus commode, puifqu'on les
place dans la direftion qu'on dcfire,
elle n'eft cependant pas praticable
par-tout^ elle exige des murs conf-
truits en plâtre on enpiftiïj ( Foye^
ce mot ) ik dans plus des trois quarts
du royaume, le plârre eft très- cher
& très- .ire j en le fuppofant même
commu. , il deviendroir inutile pour
les muii extérieurs dans les provinces
marin n^s, parce que l'acide marin j
décompofe bientôt le plâtre. Dans les
murs à chaux, à morrier c^c à pierres,
on n'eft pas le maître de choifir la
place du clou; il ne refte donc plus
que la relTource des treillages appli-
qués courre les murs , & avec un
peu d'niduftrie de la part du jardi-
nier , ces treillages permettent de
bien palifTer les bourgeons, fur- tout
fi on a eu le foin d'éloignet peu les
198 L O U
bois , ÔC d'en former de petits quar-
reaux.
Les clous entrent à volonté dans
]es murs de pilaï, mais comme ils
font conftruits en terre, & qu'on eft
oblige de les revêtir à l'extérieur d'une
couche de mortier à chaux & fable,
ces clous détachent une partie de
cette couche, & peu-à-peu dégradent
complètement le mur. U faut donc,
pour les murs en pierres ou en pifaï ,
recourir également aux treillages.
La loque a l'avantage de ne point
étrangler la branche ou le bour-
geon à mefnre qu'il grolîîc, au lieu
que l'ofier ne prcre pas, & établit
une forte comprellion , s'implante
dans l'écorce, y foime un tourrciet ^
( f^oye^ ce mot ) enfin dérange ^:
nuit beaucoup à la végétation de
l'arbre,
L013CHET ou LUCHET. Outil
de jardinage pour fouiller la terre.
( Foyci le mot BâcHE. )
LOUP. LOUVE. Animal mal-
heureufcment trop connu dans les
campagnes pour qu'il foit nécelfaire
de le décrire ici \ il attaque les bœufs ,
les chevaux , les ânes; il les l'aitit par
la queue , & à force de les faire tour-
ner fur eux-mêmes, il les étourdit,
les fait tomber, & leur faute anffi-
tôt à la .^orge ; en'kn l'animal expire,
6c il le dépièce jufqu'à ce qu'il foit
ç-^ ralfahé à l'excès. U emporte le mou-
ton en le jetant fur fon co\-^ la chèvre,
les chiens fo^nt fes viftimes-, il atta-
que m.ême les enfans & les femmes,
îorfqu'il eft preffé parla faim. Quand
il a une fois goûté à la chair hu-
maine , il la recherche enfuite avec
avidité, Lorfque la. vigilance des bes-
L O U
gers , & les foins ou les mauvaifes
laifons , lui dérobent la proie , plutôt
que de mourir de faim , il lefte fon
eftomac en mangeant de la glaife.
Les fens de cet animal font très-
exercés , il a l'oreille fenfible au bruit
le plus léger, & l'odorat très-délicat;
il va toujours le nez au vent pour cher-
cher fa proie; la vue eft perçante,
& fa courfe prompte & foutenue. Sans
celte en défiance , il fe cache dans le
fourré des bois, d'où il ne fort que
lorfque les ombres de la nuit in-
vitent au repos les hommes & les
animaux. La défiance guide fes pas,
5c fon odorat lui indique les pièges
qu'on lui tend. Attirer & furprendre
un vieux loup, eft une chofe hier»
difficile. Si on délire de plus grands
détails fut fon hiftoire nannelle , 011
peut confulter l'ouvrage de M. de
BufFon; comme il eft entre les mains
de tout le monde, il feroit fuperfiii
de le copier ici.
Ou ainventépluneurs moyens pour
exterminer ce fléau des campagnes;
les Anglois ont mis la tête des loups
à prix , & ils ont doublé, triplé, dé-
cuplé tC centuplé les récompenfes à
mefure que l'efpèce devenoit plus»
rare. Enfin il n'en exifte plus dans
cette île , alTfcz éloignée du continent
pour empêcher l'aniaial- de travcrfer
le bras de mer qui l'en fcpare. On ne
peut pas en France prendre le même
parti , parce quece royaume , en grands
partie environiié par la chaîne des
Pyrénées & àss Alpes, par la chaîne
des Vofges & des Pays-Bas Autri-
chiens , ne peur fe garantir de l'en-
trée de ces snimaux ; le roi donne
trente livres par têre de lonp, maii
dans quelques cantons cette ré-
compenfe eft inconnue. Ce moyeu
s'oppofe jufqu'à uii certain poiai à
L O U
l'excellive mulcipiicarion de ces ani-
maux, mais produit peu d'effets. Si
les loups font trop nombreux , les
communautés s'adcelFent à leur in-
tendant, & demandent !a permillîon
de fiure une battue à leurs frais ,
Se rarement elle leur eft refufée. Plus
la battue efl: nombreufe, & moins
elle a de fuccès , parce que le loup
s'enfuit dès qu'il entend le bruit des
chalTeurs , & ils ont beau fe porter
avantageufement, l'animal fe dérobe
aux embufcades, & il eft rare de
compter trois ou quatre loups tués ou
blelfés dans ces battues.
Les battues fe réduifent à un (im-
pie déplacement des loups, d'un lieu
à un autre y (i elles font faites au
compte du roi , il en coûte immen-
fément ou à la province ou au trélor
royal, & le réfultat n'eft guères plus
avantageux que celui des battues dts
communautés.
La louveterie eft prefque devenue
une fcience qui coniîfte à former des
équipages de chiens, foit pour courir
après le loup, foit pour l'obliger à
forcir de fa retraite , &cc. Malgré
toutes ces précautions , a-t-on moins
de loups dans les provinces éloignées
de la Capitale ? N'a-t-on pas vu , en
1761 ou 17^1 , les femmes & les
enfans être attaqués par ces animaux ,
devenus redoutables pour tous ces
cantons? Dans une battue, compofée
de plus de quatre mille perfonnes ,
on tua cinq louvetaux , quelques re-
nards , & on vit le loup carnaflîer ,
fuir, traverfer le Rhône, & aller
exercer fes ravages dans le Vivarais,
où il fut tué quelques années après.
Le loup eft fi fin , fi rufé , fi adroit ,
qu'on téufiit très-peu aie détruire par
la force ouverte. Il a donc fallu re-
couiii aux pièges. Je vais rapporter
L O U 299
les defcriptlons des principaux , co-
piées du diftionnaire encyclopécique
& économique , & j'indiquerai en-
fuite un moyen que je regarde comme
infaillible.
Le meilleur piège eft le traquenard.
{ yoyei ce mot ) Avant de le tendre,
^1 commence par traîner un cheval
ou quelqu'autre animal mort dans une
plaine que les loups ont coutume de
traverfer; on le lailfedans un guéretj
on pafie le râteau fur la terre des en-
virons pourreconnoître plus aifément
le pas de l'animal , & d'ailleurs le
fimiliarifer avec la rerre égalée qui
doit couvrir le piège. Pendant quel-
ques nuits le loup rode autour de cet
appât, fans ofer en approcher ; il s'en-
hardit enfin : il faut le laiifer s'y ren-
dre plufieurs fois. Alors on tend plu-
fieurs pièges autour, & on les couvre
de trois pouces de terre , pour en
dérober la connoillance à ce défiant
animal. Le remuement de la terre
que cela occafionne, ou peuc-ctre les
particules odorantes, exhalées du corps
des hommes , réveillent toute l'in-
quiétude du loup , & il ne faut pas
efpcrer de le prendre les premières
nuits ; mais enfin l'habitude lui fait
perdre fa défiance, & lui donne une
fécurité qui le trahit.
Il eft un appât qui attire bien plus
puiffamment les loups , & dont les
gens du métier font communément
un myftère; il faut tâcher de fe pro-
curer la matrice d'une louve en cha-
leur ; on la fait fécher au four , &
on la garde dans un lieu fec. On
place enfuite à plufieurs endroits ,
foit dans le bois , foit dans la plaine,
des pierres , autour defquelles on
répand du fable ; on frotte les fe-
melles de fes fouliers avec cette ma-
ïiice , & on en frotte bien fur^
Pp *
300 L O U
tout les différences pierres qu'on a
plaeées; l'odeur s'y coiiferve pendanc
plufieurs jours, & les loups mâles
êc femelles l'éveutent de très-loin ;
elle les attire & les occupe fortement;
lorfqu'ils font accoutumés à venir
gratter quelqu'une de ces pierres ; on
y tend le piège, & rarement fans
fuccès , lorfqu'il eft bien tendu &
bien couvert. Dicx. Encyc.
Dans les pays des forêts Se grands
bois où il y a nombre de loups , on
peut fe fervir d'une folTe avec une
trappe, laquelle étant chargée d'un
bouc, renverfe fa charge dans la
foffe , & fe referme d'elle-même.
Cette invention ne doit fe pratiquer
que dans les chemins écartés , qui
font les endroits ordinaires où paflent
les loups ; & afin de ne pas travailler
inutilement, il faut, avant d'y faire
la fofle , vous promener quelque
matin après la pluie, ou bien quand
la terre eft molle ik qu'il a neigé,
& regarder à terre pour y découvrir
les empreintes du loup. On place fur
la partie du milieu de la trappe ou
bafcule , une bête morte , & on l'y
accache; dès que le loup a les quacre
pieds fur la bafcule , elle s'abailfe ,
& l'animal combe dans la folTe.
Plufieurs perfonnes fe fervent d'un
mouton ou d'une oie, pour attirer le
loup ôc autres animaux carnaciers ,
parce que ces deux animaux crant
feuls , ne celTent de crier ; leurs cris
«ttirent les loups & les renards , qui
penfant fe jeter fur eux, ne peuvent
éviter les effecs de h bafcule. Lorfque
le loup eit pris, le mieux eft de lui
pa(fer au col un las coulanr pour le
tirer de la folfe, &: le donner enfuice
aux diiens à écrangler loin de - là ,
car fi le fang de l'animal eft répandu
fax la place, on peur compter qu'au-
L O U
cun autre loup n'en approchera de
long-temps, quelques appâts qu'on
mette dans le piège. Dict. économ.
Les chafles , ainfi qu'il a été dit,
ptoduifent peu d'effets, les folfes font
fouvent dangereufes pour les hom-
mes qui ignorent où elles font placées,
ce que l'exemple a prouvé plufieurs
fois ; mais il exifte un moyen moins
coûteux, plus sûr, & donc je certifie
avoir fait ou avoir fait faire plufieurs
fois l'expérience avec le plus grand
fuccès. Je n'en ai pas le mérite de
l'invention, & j'avoue de bonne-foi
que le procédé fut indiqué en 17(34
ou I7<î5 dans les papiers publics; il
me parut fi fimple , fi naturel , que
je le copiai alors ; mais j'oubliai de
rranfcrire le nom de fon auteur , &:
de la feuille publique où il étoic
inféré.
Prenez un ou plufieurs chiens , oiï
plufieurs vieilles brebis ou chèvres que
vous faites étrangler; ayez de la noix
vomique râpée fraîchement ; ( on
trouve cette drogue chez rous les apo-
thicaires ) faites une quinzaine ou
vingtaine de trous avec un couteau
dans la chair, fuivant la grolfeur de
l'animal , comme au rable , aux cuifles,
aux épaules, &c. Dans chaque trou,
qui doit être profond , vous mettrez un
quart ou demi-once de noix vomique,
le pîus avant qu'il fera polfible; vous
boucherez enfuite l'ouverture avec
quelque graiiïe , & encore mieux,
vous rapprocherez par une couture
les deux bords de la plaie, afin que
la noix vomique ne puitfe pas s'é-
chapper; liez enfuite l'animal par les
quatre pattes avec un ofier, & non
avec des cordes , qui coiifervent trop
long-temps l'odeur de l'homme : en-
terrez l'animal ou les animaux ainfi
préparés dans un fumier qui travaille^
L O U
c'eft-à-dire dans lequel les parties
animales fe développent par la fer-
mentation j il doit y refter en hiver
pendant trois jours & trois nuits ,
iuivant le degré de chaleur du tu-
mier, & vingt-quatre heures pendant
l'été. Cette féconde opération a pour
but d'accélérer le commencement de
putréfadion du chien, & de détruire
fur - tout toute odeur que l'attou-
chement de l'homme peut lui avoir
communiquée i attachez une corde à
l'ofier qui lie les quatre pattes , &
traînez cet animal par de très-longs
circuits jufqu'à l'endroit le plus fré-
quenté par les loups \ alors fufpendez-
le à une branche d'arbre , & aflez
haut pour que le loup foit obligé d'at-
taquer le chien par le rable.
Le loup eft un animal vorace qui
ne fe donne pas la peine de mâcher
le morceau qu'il arrache, il l'avale
tout- de-fuite, & le poifon ne tarde
pas à produire fon effet : on eft sûr
de le trouver mort le lendemain , &
fouventiln'a pas le temps de gagner
fa tanière.
Si on confeille de fe fervir d'un
chien, ce n'eft pas que cet animal
ait une vertu particulière Se plus
capable d'attirer les loups que les
autres animaux, mais comme le chien
ne mange pas de la chair de chien,
on ne craint pas que ceux du voifi-
nage , pour l'ordinaire aflez mal
nourris , viennent dévorer l'appât ,
comme ils le feroient fi on avoir
placé une brebis ou une chèvre , &c.
On peut , comme on le voit ,
mettre ce procédé en pratique dans
toutes les faifons & dans rous les
jours de l'année , dès que l'on eft in-
commodé par le voifînage des loups,
cependant la meilleure faifon pour
L O U 301
l'employer eft l'hiver , lorfqu'il gèle
bien , parce que les animaux domef-
tiques font alors renfermés , êz les
animaux fauvages retirés dans leurs
tanières , d'où ils ne fortent pas :
ainfi le loup trouve très-difficilement
de quoi aflbuvir fon appétit dévorant,
toujours augmenté par la facilité avec
laquelle il digère^ alors l'animal eft
moins défiant, Se, prefle par la loi
tyrannique du befoin , il fe jette in-
diftinélement fur tout ce qu'il trouve.
11 eftprefque impoflible, ainfi qu'il
a été dit, de détruire complcttemenc
la race des loups en France , à caufe
du voifinage avec les autres pays ;
mais il eft bien facile d'en diminuer
le nombre, & même de le réduire
aux fimples loups venant de l'é-
tranger. A cet effet, l'argent que les
intendans donnent pour chaque tète
de loup pourroit être employé à l'a-
chat de la noixvomique, qui feroit
diftribuée gratuitement dans toutes
les paroifles ; chaque communauté
feroit tenue de fournir les vieilles
brebis ou les chiens , & le feigneur
ou le curé du lieu feroient chargés
de faire exécuter l'opération , & de
la repérer plufieurs fois dans un même
hiver. Je ne crains pas d'avancer que
fi l'opération étoit générale dans tout
le royaume , & fuivie .ivec foin Se
zèle pendant plufieurs années confé-
cutives, on ne vînt à bout d'anéantir
tous les loups.
On employé quelquefois dans la
Camargue une méthode particulière
pour prendre les loups, &: qui mérite
de trouver place ici. On forme avec
des pieux de quatre à cinq pieds de
long , qu'on plante folidemeiit en
terre, à ladiftance chacun d'un demi
pied , une enceinte circulaire d'ei\-
302 L O U
viron une toife de diamètre , & au
milieu de laquelle on attache une
brebis vivante, ayant une ou plu-
fîeurs fonnettes au colj on plante en-
fuice des pieux, également éloignés
entf'eux , pour former extérieure-
ment une féconde enceinte , éloi-
gnée de la première d'environ deux
pieds ; on lailTe à cette enceinte une
Guverrure avec une porte , ouverre
du côté gauche , qui permette au
loup d'entrer feulement à droite :
une fois que l'animal eft entré cntte
les deux enceintes, il va toujours en
avant , comptant pouvoir faifir la
brebis , & quand il eft parvenu à
l'endroit par où il étoit entré , ne
pouvant fe retourner, les mouvemens
qu'il fait pour aller en avant, font
fermer la porte.
LOUe- GAROU. Homme que le
peuple fuppofe être forcier, & courir
les rues & les champs, transformé en
loup. Cette erreur eft très -ancienne
& très accréditée; il n'cft guère pof-
fible de remonter àla fable qui lui
a donné lieu. Sur la fin du feizième
fiècle,plu(îeurs tribunaux ne la regar-
doient pas comme telle; la Roche
Flavia rapporte un arrêt du parlement
de Franche - Comté ^ du i 8 janvier
1574, qui condamne au feu Giles
Garnier, lequel ayant renoncé à Dieu,
Se s'étant obligé par ferment de ne
plus fervir que le diable, avoir été
changé en loup-garou.
De pareilles extravagances ont mis
plufieurs citoyens très-honnêtes dans
le cas d'être maltraités par le peuple,
& traduits en prifon.
^ LOUPE. ( Bot. ) ExcroifTance vé-
gétale qui fe forme fur la tige des
L O U
arbres , &: qui naît ordinairement dans
les endroits endommagés par quel-
ques blellures; un accident oblitérant
les vailfeaux , ils s'obftruenr infen-
fiblement, & il fe forme quelquefois
des dépôts vers l'écorce ; ces dépôts
forcenr les couches, foir corticales,
foit ligneufes , qui les recouvrent ,
de fe dilater , de fe contourner &
de prendre une forme arrondie &
faillante. Infenfiblement la fève &
les autres humeurs s'y accumulenr, y
fermenrent , & vicient nécelTairemenc
routes les parties voillnes; aulîi lorf-
que l'on coupe une de ces loupes ,
on trouve toujours les couches qui
les forment d'une couleur brunâtre ,
qui annonce l'état de maladie où elles
font; ces loupes acquièrenr quelque-
fois une grolTeur monftrueufe , comme
on peut le remarquer fur quelques
vieux arbres dans les forêts ; mais
une obfervation alTez confiante que
j'ai faite , c'eft que ces loupes font
prefque Toujours vers la partie infé-
rieure du tronc, ce qui indique aflez
que c'eft plus à des accidens extérieurs
qu'à des vices intérieurs qu'il faut
attribuer la caufe des loupes. Con-
fultez les mots Excroissance, pour
voir le moyen d'exrirper ces loupes,
& BouRLET, pour connoître la ma-
nière dont les couches ligneufes fe
dilatent & prennenr une forme ar-
rondie. M. M.
Loupe. Médecine rurale. Nom
que l'on donne à une rumeur plus
ou moins grolfe , fans douleur, fans
inflanimarion, & fans aucun chan-
gement de couleur à la peau.
Les loupes ont toujours été com-
prifes dans la clalTe des tumeurs en-
kiftées; elles fe fixent fur toutes les
L O U
patries du corps j leur fiège ordinaire
eft prefque toujours fous la peau;
quelquefois elles vont plus profon-
dément , & s'établilTent dans l'in-
terftice des fibres mufculaires.
Les loupes on t reçu difiérens noms ,
relativement à la couleur des ma-
tières qu'elles contiennent , & aux
parties qu'elles occupent. La loupe
efl: appelée 7?e'rtro/icej lorfque la ma-
tière qu'elle renferme rellemble au
fuif; quelquefois cette matière eft
liquide & jaune, & a beaucoup de
relfemblance avec le miel, elle prend
alors le nom de meluceris : elle eft
enfin connue fous le nom de goetrc ,
( Voyeii ce mot ) lorfqu'elle eft for-
mée de chair, & qu'elle paroîtau col.
La loupe, dans fon origine, eft
d'un volume très-petit , & n'excède
jamais la grofteur d'un pois , mais
elle augmente infenfiblement, & de-
vient très-grolfe, & pour mieux dire,
monftrueufe. La loupe cède facile-
lement à la comprelîion par laquelle
on fent une fliiduation quelquefois
fenfiblî , & quelquefois très-obfcure,
& quoiqu'elle foit fans douleur par
fa nature , néanmoins elle s'enflamme
quelquefois , & alors elle devient
rrès-douloureufe \ on y apperçoit de
la rougeur , de la chaleur , & une dé-
man^ealfon affez piquante.
La loupe fe forme , comme nous
Pavons déjà dit, dans les interftices
des mufcles, mais ce n'eft que par
la dilatation variqueufe des gros
vaifteaux lymphatiques qui y ram-
pent; elle eft le plus fouvent unique
&c folitaire, mais -il n'eft pas rare
d'en voir plufieurs enfemble , & for-
mer, tantôt une d^èce de grappe,
lorfqu'il y a plufreurs vaifteaux lini-
phatiques voiGns qui font affe<flés-
L O U 303
à-la-foîs, & tantôt ime efpèce de
chaîne , lorfqu'un même vaiiTeau lim-
phatique devient variqueux en plu-
îieurs endroits de fa longueur.
Tout ce qui peut relâcher la peau,"
épaiflir la lymphe & en ralentir le
cours, peut contribuer à la formation
de la loupe; le défaut d'exercice, une
vie molle & trop fédencaiie, l'ufage
des alimens grofîiers & de difficile
digeftion , l'abus des liqueurs fpiri-
tueufes , la fuppreflion des évacua-
tions habituelles , comme le flux
hémorrhoïdal dans les hommes, & le
flux menftruel dans les femmes; la
tranfpiration fupprimée , la réper-
cuflion de quelqu'humeur dartreufe ,
des évacuations immodérées peuvent
produire des loupes. 11 eft encore d'au-
tres caufes auffi efficaces que celles
dont nous venons de faire mention,
telles que les coups violents , les chû-
tes, les contufions, les piqûres, les
meurtriiTures, une compreiîion trop
forte, faite &pro]ongée fur quelque
partie du corps ; enfin la morfure
de diffétens animaux. La loupe tft;
itne tumeur plus ou moins incom-
mode, & le mal qu'elle peut caufer
eft relatif à fon volume 6c aux par-
ties qu'elle occupe. Pour l'ordinaire
elle n'a aucune mauvaife fuite; on
en a vu cependant qui foin deve-
imes cancéreufes, très-dangeteufes &
même mortelles»
Le pronoftic des loupes doit dé-
river de leur volume, de leur nature y
de leurs attaches à un certain nerf,
.à certains rendons & à ceitains vaLf-
feaux, de leur profondeur & d-e l'é-
pailfeur du kifte ou de la poche.
La loupe eft un mal opiniâtre &
difficile à guérir ; lorfqu'elle n'incom-
mode point 5 le meilleur parti efi d*
304 L O U
ne pas entreprendre de la guérir. Dans
le principe , il faut s'oppofer à {es
progrès ; pour cet effet, on a recours
aune comprelTion graduée, qu'on fait
avec une plaque de plomb battu,
qu'on ouvre des deux côtés pour avoir
deux anfes , à travers lefquelles on
paffe un ruban qu'on peut ferrer au
degré qu'on veut. Ce moyen eft trop
utile pour être négligé j fa lanplicité
le rend recommandable ; je l'ai vu
réuiïir, mais il n'opère pas de grands
effers quand on l'emploie fur une
loupe qui a acquis un certain volume.
Il eft alors inutile; il vaut mieux
lui préférer des remèdes fondans ,
dont l'application eft plus propre à
donner de la fluidité à la matière
renfermée dans la poche de la loupe ,
& à en procurer plus aifément la ré-
folution. Dans cette vue , on re-
commande certains emplâtres fon-
dans, comme ceux de vigo cum mer-
curio , de ciguë, de diabotanum, de
diachylum gommé ; l'application des
linges imbibés d'urine, dans laquelle
on a fait dilfoudre du fel ammoniac ,
eft un fondant très-énergique : je l'ai
vu réuftîr. La terre cimolée des cou-
teliers, les quatre farines réfolutives,
l'oignon de fcille , les boues d'eaux
Thermales, précédés des frictions fé-
ches fur la loupe , font des remèdes
trop énergiques pour qu'on n'obtienne
pas de bons effets de leur emploi.
y^y?racrecommandebeaucoup la chaux
vive paîtrie avec le miel & le favon ,
& appliquée en forme de cataplafme;
il prévient que ce remède caufe des
cloches qui incommodent beaucoup.
L'emplâtre de tabac peut aulTi très-
bien convenir ; il eft trop vanté par
les auteurs pour ne pas y avoir re-
cours.
L O U
Malgré l'application de tous ces
fondans , on n'obtient pas la fonte
ou la réfolution de la loupe j cette
terminaifon eft allez rare j il faut alors
en venir à la cauiérifcr , ou i l'ex-
tirper.
Rien de plus aifé que de caurérifer
une loupe i cette opération eft fi fim-
ple, que, dans les provinces méri-
dionales, il y a plulieurs guériffeurs
de loupes qui réulliffent fort bien , &
qui appliquent le remède convenable
avec toute la dextérité polTible, quoi-
qu'ils foient payfans d'origine & de
profellion ; pourquoi ne pas faire parc
aux gens de la campagne de leur fe-
cret ? Plus fujets que les autres claffes
de citoyens à avoir des loupes, pour-
quoi ne protîceroient-ils pas des mê-
mes moyens ? Hâtons-nous de le leur
indiquer , puifqu'ils peuvenr l'em-
ployer d'eux-mêmes , & fe le procurer
à peu de frais. Pour cela, on applique
fur la loupe un emplâtre qui la couvre
dans fon entier, & ouvert dans le
milieu, de manière qu'on puiffe pla-
cer dans ce vuide une ou plufieurs
pierres à cautère de moyenne grof-
feur , qu'on recouvre d'un nouvel
emplâtre, & qu'on fixe avec une li-
garure , de telle forre que la pierre
à cautère puilfe ronger «Se brûler la
peau & le kifte de la loupe. Après
avoir laiffé agir cet efcarrotique pen-
dant quelques heures , fi le malade
reffenc une douleur très-vive, une ir-
ritation forte, vous enlevez l'appareil ,
& vous panfez la plaie avec l'onguent
de la mère , matin & foir , jufqu'à
ce que l'efcarre & la loupe ayenc
entièremenr dif^arus. Parvenu à ce
point, ( ce qu'on n'obtient qu'après
une & même deux femaines , ou
quelquefois plus tard ) on penfe la
plaie
L O U
plaie avec de la charpie cliargéo d'un
digeftif crès-lîmple , fait avec la tlié-
rcbenthine, le jaune d'œiif & l'huile
d'hypéricum, jufqu'àceque les chairs
fe foienc bien dccergées, ëi la fuppu-
ration bien diminuée ; les chairs ne
tardenc pas à pouirer de touc côté
des bourgeons charnus , qui , en fe
réunifTanc, opèren: une cicatrice par-
faire.
Quoique cette opération foit bien
fimple , & aifée dans fon exécution ,
elle entraîne cependant quelquefois
après elle la fièvre, des maux de tête ,
des infomnies , des agitations quel-
quefois allarmantes. Pour éviter ces
inconvéniens , ou du moins pour en
diminuer la violence , on doit au-
paravant préparer les malades par des
bouillons adoucilTans & des boilTons
rafraîchilfantes j on doitaulli prévenir
la fenhbilité du fujet , & calmer l'ir-
ritation de fes nerfs par quelques bains
tiédes j la faignée fera mife en ufage
s'il eft fanguin &c trop pléthorique ;
s'il y a de l'embarras dans les pre-
mières voies on le purgera, afin de
prévenir une maladie putride, que la
fièvre accidentelle pourroit déter-
piiner.
L'extirpation eft une opération que
les gens de la campagne ne peuvent
pas pratiquer j ell^ pourroit avoir les
plus grands inconvéniens entre leurs
mains, fur-tout fi la loupe étoit fixée
fur quelque nerf, artère, veine ou
tendon ; on aura recours aux gens de
l'art. M. Ami.
Loupe. Médecine vétérinaire. La
loupe eft une tumeur charnue, graif-
feufe, formée non-feulement par le
féjour des humeurs dans une partie,
mais encore par l'accroillement iSn: la
'Tome VI,
L O U 305
multiplication des fibtes &: des vaif-
feaux de cette partie.
On appelle lipome la loupe qui
occupe le tiflu grailfeux , tandis que
celle qui dépend de l'engorgement
des glandes porte le nom de fquirthe.
( Vùye-[ ce mot )
La chirurgie vétérinaire nous offre
plufisurs reffources pour la guérifoti
de ces fortes de tumeurs : la réfolu-
tion , l'extirpation , la corrofion èc
l'amputation.
Ce dernier moyen nous paroît pré-
férable à tous les autres, & l'on pro-
cède .à l'opération de la manière fui-
vante : on prend la loupe à pleine
main pour la détacher, le plusqu'ileft
poftible, du corps qu'elle occcupe, &
avec un biftouri, on fait à la bafe de
la tumeur une fection circulaire ou
demi- circulaire j on conrinue d'incifer
entre la peau & les parties voifines ,
jufqu'à ce qu'on l'ait entièrement
fcparée, & on emporte la loupe.
La tumeur emportée , il ne refte
qu'une playe large i?; platte, t]u'il
fuffir de panfer avec des étoupes car-
dées, que l'on contiendra par dçs
cordons paiTés dans les bords de la
peauj le lendemain de l'opération ou
panfera la plaie avec le digeftii animé,
&z on la cicatrifcra comme un ulcère
ordinaire. ( Voye\ Ulcère )
S'il furvient quelqu'accident à U
fuite de l'amputation , tel que l'hé-
morrhagie , on peut l'arrêter par la
comprellion & par tous les autres
moyens indiqués à cet article. (''^ t^J^^
HÉMORRHAGIE )
La loupe, que l'on remarque affez
fouvent au coude du cheval, vient
de ce que cet animal fe couche en
vache, c'eft-à-dire, lorfqu'étanc coH-.
3c<? L O U
ché , Je couie repofe fur l'cponge
du fer en-dedans, lacompreflîon con-
tinuelle de l'éponge fur le coude y
fait venir une loupe, qui groffit tou-
jours peu-à-peu , fi l'on n'y remédie
dans le principe , par les fridions
réfolutives avec l'eau marinée , & par
la ferrure courte. [F'oyei Ferrure)
Quant aux loupes qui arrivent au
poitrail, & que les maréchaux de la
campagne prennent très-mal à propos
pour un avant-cxur , ( f^oys^ ce mot )
on ne doit les regarder que comme
un véritable kifte, de les traiter à-
peu-près de même. ( F'oyei Kiste )
M. T.
LOUTRE. Quadrupède qui a la
tête plate, le mufeau fort large, la
mâchoire du deiïbus plus étroire &
moins longue que celle de defTus ,
le col gros & courr, les jambes cour-
tfes , la queue grotte à l'origine ,
pointue à l'extrcmiré ; chaque coté
du mufeau garni de moullaches for-
mées par des poils rudes; le corps
couvert de deux efpèces de poils, les
uns foieux, de couleur grife blanchâ-
tre , les autres de couleur brune &
luifante; les doigts tiennent les uns
aux autres par une membrane plus
érendue dans les pieds de derrière \
cinq doigts à chaque pieds , ceux de
derrière armés de petits ongles cro-
chus.
Animal vorace , plus avide de
poillon que de chair, qui vit fur les
bords des rivières , des lacs & des
érangs , & finit par dépeupler ceux-ci
de poltrons ; il mange également
les écrevitfes , les rats & les gre-
nouilles. Cet animal eft réputé viande
maigre, & c'eft un mauvais manger.
Avec fa peau on fait des fourrures j
L O U
les chapeliers fe fervent de fon poil
pour fabriquer des chapeaux.
La loutre ne creufe point de ter-
rier, mais elle fe retire dans les trous
formés par les' racines, ou fous les
racines des arbres qui bordent les ri-
vières. Cet animal eft fin & défiant,
comme tous les animaux qui vivent
de rapines.
On reconnoît la préfence des lou-
tres dans le voifinage des étangs, par
leurs excrémens mal digérés , rem-
plis d'écaillés, d'arrêtés; cet animal
paffe toujours dans le même endroit,
& lorfqu'on a reconnu (tl pajfée ^ on
égalife le terrein , on le remue avec
un rareau, afin que la terre prenne
l'empreinte de fes pieds ; on s'en af-
fûte plufieurs jours de fuite par le
même moyen, & enfuite on tend un
traquenard ( Voy£\ ce mot ) fur fon
patfage , & la chaîne du traquenard
doit être fortement aflujettie à un
pieux ou 1 un arbre.
L'affût pendant la nuit eft le fécond
moyen qu'on employé pour prendre
cet animal. La loutre a pour ha-
bitude d'aller fienter fur une pierre
blanche lorfqu'elle en renconrre près
de l'étang : fi cette pierre manque,
on peut en tranfporter une , ou un
bloc de plâtre blanc ou de craye, ou
même une pierr^ de couleur quel-
conque blanchie à la craye & à l'huile
ficarive, car blanchie à la chaux la
couleur riendroir moins : la chaux
cependant peut être utile au défaut
de tout autre moyen. Lorfque le
chatTeur connoît l'habitude contrac-
tée, il fe porte près de la pierre, at-
tend l'animal & le tire de très-près.
Un autre moyen d'écarter les lou-
tres , c'eft d'entretenir pendant plu-
fieurs nuits de fuite une lumière ou
L O U L O U 307
du feu fur le bord de l'étang ; ce les lieux frais j il porte la tcte baiïe
moyen eft purement palliatif, elles & lesoreilles pendantes; il eft trifte ,
ne tardent pas à revenir dès qu'on fes yeux font rouges & larmoyans ,
celle d'entietenir la lumière. fa peau eft fort cliaude & fèche ; (x
M. Jean Lots adonné un mémoire rafpiraticn eft fréquente & difficile,
fur la manière avantageufe de drelfer Loifque le mal a fait beaucoup de
la loutre pour prendre du poillon. U progrès , la refpiratiou eft toujours
faut qu'elle foit jeune : on la nourrit luivie d'un battement des flancs ; il
pendant quelques jours avec du poif- toulfe fréquemment , l'haleine eft
fon &: de l'eau, enfuite on mêle de d'une odeur fétide : en appliquant la
plus en plus dans cette eau du lait, de main le long des côtes , on fent que
la foupe, des choux & des herbes. Dès le cœur & les artères battent avec
que l'on s'apperçôit que l'animal s'ha- force; la langue & le palais font
bitue à cette efpèce d'aliment , on lui arides & deviennent noirâtres; il
retranchefuccefîîvement prelque tout perd l'appétit, & celfe de ruminer;
le poiflon , & à fa place on fubftitue la foif eft conlidérable ; il urine très-
du pain , dont elle fe nourrit très- rarement & fort peu à la fois ; les
bien; enfin il ne faut plus lui donner urines font rougeâtres ; les excré-
iii poiflbns entiers ni inteftins , mais mens durs îk noirâtres dans le com-
feulement des têtes. On drelTè en- mencemenr, quelquefois liquides &
fuite l'animal à rapporter, comme en fanguinolents : les vaches perdent
dreife un chien ; lorfqu'il rapporte leur lait. Dans les uns il fe forme
tout ce qu'on veut, on le mène fur des tumeurs inflammatoires, tantôt
le bord d'un ruilfeau clair, on lui jette vers le poitrail, tantôt aux vertèbres
du poilfon qu'il a bientôt joint Se ducol & du ventre ; tantôt aux mam-
qu'on lui fait rapporter; la tête de melles & aux parties naturelles : dans
ce poilfon lui eft donnée en récom- les autres , il paroît dans toute la fu-
penfe de fa docilité. Un homme de perficie du corps des boutons comme
la Savoie, par le fecours d'une loutre de la gale <Sc des furoncles. 11 eft
ainiî dredée , prenoit journellemene rare de voir tous les fymptômes at-
autant de poiftons qu'il lui en falloir taquet en même temps le même fu-
pour nourrir toute fa famille. Cette jet; mais l'expérience prouve, que
méthode eft fort ancienne en Suède, plus ils font nombreux , plus pronip-
tement l'animal périt : ordinairement
LOUVET, ou LOVAT. Méde- il meurt ou guérit le quatrième jour,
CINE VÉTÉaiNAiRE.C'eft ainli qu'on lorfque les fymptômes font violens:
appelle, en Suilfe, une maladie in- s'il palfe le quatrième jour, & que
flammatoire, contagieufe , qui atta- le fcptième foit heureux, la gucrlfon
que ccmmunémeni; les baufs «Je les eft certaine , quoique la convalef-
chevaux. cence n'arrive fouvent que le quin-
Auflitôr que l'animal en eft at- zième jour,
teint, il perd fes forces, il tremble y L'abondance des urines troubles ,
il veut fe tenir couché, il ne fe lève dépofant un fédiment blanchâtre ;
que pour fe raffraîchir , & rechercher les excrémens plus abondans que dans
Q4^
3o8 L O U
1 eut naturel , humedlés , & dépour-
vus de beaucoup d'odeur ; la peau
noire & lâche ; les boutons pleins
d'un pus blanchâtre j la foif fuppri-
mée ; le retour de l'appétit ; les jam-
bes enflées j la rumination &: la defli-
cation , font les figues avant-coureurs
d'une parfaite guérifon j tandis que
la tuméfaftion du ventre, les mugif-
femens, les déhiil'ances , la débilité,
les tremblemens , les convulfions ,
la rétention d'urine , la diarrhée &
la dilfenterie, n'annoncent rien c^ue
de fâcheux.
Cette maladie eft plus fréquente
en été qu'en hiver, & elle eft moins
meurtrière au printemps qu'en au-
tomne. Les cantons qui abondent en
pâturages marécageux , font beau-
coup plus expofés que les autres.
M. Reynier admet pour caufe pro-
chaine de cette épizootie , un alkali
fixe , provenant , i". de la mauvaife
qualité des eaux , dont le bétail eft
abreuvé; i°. du fourrage corrompu ;
3*. des fatigues exceflives ; 4". des
écuries trop baftes & mal aérées ;
f/'. du défaut de boilTon j 6*. de
l'intempérie de l'air.
L'exiftence de l'alkali fixe, déve-
loppé dans les humeurs de l'animal,
fain ou malade, eft, félon M. Vitet,
une chimère qu'aucune expérience
ne peut maintenir dans l'efprit d'un
obfervateur exaét.
Sans nous arrètet ici à toutes ces
caufes , nous nous bornerons feule-
ment à décrire les indications géné-
rales que préfente cette maladie. Elles
fe réduifent à prévenir l'inflamma-
tion & la putridité , à en arrêter les
progrès , à les combattre , fi les fym-
ptômes en font déjà déclarés , & à
L O U
empêcher la gangrène de fe manî-
feftec dans les tumeurs inflamma-
toires.
Pour remplir la première indica-
tion , il faut d'abord chercher à abat-
tre la violence de la fièvre, la cha-
leur , l'altération & les auttes fym-
ptômes qui en font les fuites, II
femble , au premier coup d'œil , que
la faignée devroit être indiquée j
mai?, en faifant attention que dans
la Suifie j le bétail du payfan manque
de fang plutôt que d'en avoir de
furabondant, attendu la difette d'ali-
ment , dont il a fort fouvent à fouf-
frir , on verra clairement , que la
faignée ne corrigeroit en rien la na-
rure du fang , & que fon effet con -
fifteroit uniquement à produire une
révolution dans le cours des fluides.
Il s'agit donc plutôt de combattre la
mauvaife qualité des humeurs , que
la pléthore. ( F'oye-:^ ce mot ) Pour
cet efFet , ayez recours à l'eau pure ,
plutôt fraîche que tiède, aupetitlait ,
aux fucs de laitues , de berle , de
blette , aux décodlions d'orge , de
femences de courges ©u concombres,
adminiftréesfous forme de breuvage,
ou de lavement ; ajoutez-y , fi le mal
eft urgent, du fel de nitie, du cryftal
minerai , &c. Le vinaigre, mêlé avec
fuffifante quantité de miel , & étendu
dans une décoétion de feuilles de
mauve ou de pariétaire , mérite la pré-
férence fur tous les autres médica-
mens , foit qu'on le donne en breu-
vage , foit qu'on l'adminiftre en la-
vement. Lorfque la diarrhée eft con-
fidérable , & que la dilTenterie com-
mence à paroîcre, diminuez la quan-
tité du vinaigte, & ajoutez au petit-
lait deux onces de quinquina , ou
quatie onces d'écorce de frêne en
LUC
poudre. Si vous unllfez les acides &
le camphre avec le quinquina, vous
le rendez plus efficace ; de même
que fi vous délayez le quinquina pul-
vérifc dans l'eau, il agit mieux que
la fimple dccodlion de l'écorce de
frêne. Palfez un /<;'iûn ( f^oye:^ ce
moc ) au poitrail, ou au bas-ventre :
c'eft ordinairement dans ces parties
que les tumeurs fe forment , d'ail-
leurs , ces endroits étant éloignés des
articulations &c des grands vailfeaux,
on n'a rien à craindre dans l'opération.
Parfumez les écuries & les animaux
avec le vinaigre , évitez les fudori-
fiques , les purgatifs & les diuréti-
ques ; ils augmentent toujours les
fymptômes de la maladie.
Quant aux tumeurs inflammatoi-
res , qui fe forment à l'extérieur ,
ouvrez - les avec un billouri ou un
rafoir; fcarifiez à J'entour; enfuite,
appliquez fur toute l'étendue, un ca-
taplafme fait avec les feuilles d'abiin-
the , la rhue , la menthe , la centaurée ,
la ciguë, l'écorce de quinquina j de
frêne , le fel ammoniac & le vin.
Changez-le dès qu'il commence à fe
fécher j enfin, panfez i'ulcère avec
l'onguent égyptiac , après l'avoir re-
couvert du cataplafme précédent , &
continuez ce panfement jufqu'à par-
faite guérifon. M. T.
LUCE. ( Eau de ) Confultez le
mot Eau phamarcie.
LUCIE ( Bois deSre. ) Confultez
le mot Mahaleb.
LUETTE. Médecine rurale.
Winflow , célèbre anatomifte, nous
apprend que la cloifon , qu'on peut
audî appeller le voile , & même la
valvule du palais , eft terminée en-
■^ LUE 309
bas , par un bord libre & flottant , qui
reprélente une arcade particulière ,
fituée tranfverfalement au-delfus de
la bafe , ou racine de la langue. La
portion la plus élevée, ou corps glan-
duleux, mo!a(re,& irrégulièrement
conique, dont la bafe elî attachée à
l'arcade, &dont la pointe pend libre-
ment en ■ bas , eft ce qu'on appelle
communément luette.
Cette partie eft fujette à l'inflam-
mation , rarement eft-el!e enflammée
eflentiellement ; pour l'ordinaire elle
participe de celle qui attaque les
amigdales , &c les parties voiimes de
la gorge.
Les fignes qui nous font connoître
cette maladie , font la tumeut & la
rougeur qu'on apperçoit à la luette,
en failant bien ouvrir la bouche à
celui qui en eft attaqué. En outre,
la refpiration eft plus gênée & beau-
coup plus difficile; le malade ne peut
refpirer que par les narrines ; la dé-
glutition eft aufli très-douloureufe ; il
crache fans ceiïe, & relient une dou-
leur vive dans l'intérieur de l'oreille.
Tous ces fymptômes ne font ef-
frayans , qu'autant que la fièvre qui
furvient eft très-forte. Si au contraire,
l'inflammation de la luette n'eft point
accompagnée de fièvre , elle cède
bientôt aux gargarifmes adoucilfans
& raffraîchilfans , au repos, &: à un
régime de vie approprié. La faignée
eft tout au moins inutile ; il faudroit ,
au contraire , y avoir recours , fi la
fièvre furvenoit, & même la répéter
plufieurs fois h elle acquetroit un cer-
tain degré de force &: de violence.
Il eft très-rare que la luette foit
feule attaquée d'inflammation , in-
dépendamment des autres parties
voiimes; mais fa chute arrive plus
communément. Cet accident eft bien-
^10 LUE ^
tôt connu , fi on fait ouvrir la bouche
à ceux qui en font atraqués , & li
l'on comprime la bafe de la langue
avec le bout d'une cuiller ; il ell
toujours caufé par le relâchement
de fes hbres. On pare à cette légère
incommodité d'une manière très-
prompte & très-efficace. Pour y par-
venir avec facilité , on comprime
la langue à fa racine , & avec l'ex-
l'extrémitc d'une cuiller qu'on en-
duit d'un corps gras ou huileux , Se
qu'on a le foin de faupoudrer de
poivre commun, grolTiérement con-
tairé ; on va toucher la luette qui
fe contracte fur le champ , & revient
à fon point naturel , par l'impreflion
que le poivre fait fur elle.
Ce remède, tout fimple qu'il elt,
feroit très-nuifible , & ne devroit pas
être employé, fi la luette venoit à s'a-
battre par in flammation.il vaut mieux
alors s'en abftenir, & employer des
moyens plus doux , tels que les gar-
garifmes raffraîchilfans , avec lefqucls
on peur combiner les aftringents lui-
vans, la racine de grande conioude ,
les feuilles de plantin, les balauftes ,
l'eau rofe.
La luette ell: quelquefois recou-
verte de boutons qui ont un caratftère
malin, & qui donnent aiiiliuneluppu-
ration de mauvais caractère : une pa-
reille maladie tient prelque Toujours
à l'infeétion générale de la malfe des
humeurs j on l'tibferve alfez fonvent
dans les maladies vénériennes invé-
térées , après des gonorrhées dont on
a trop tôt arrêté l'écoulement. U faut
alors s'occuper de la maladie prmii-
tive^ regarder l'éruption de ces bou-
tons comme fymptômatique. Si on
applique un traitement convenable
à la maladie eilentielle, on les voit
bientôt difpaioître. AI. AMI.
L U M
LUMIÈRE. Physique et phy-
siologie VÉGÉTALE.
Plan du Travail.
Sect I. Coup d'ceil général fur la lumière.
Sect. II. De la lumière confidérée par rap^
port a fes qualités phyfiques.
§. I. Qu'eji-ce que la lumière.
§. II, Elle a toutes les propriétés di la.
matière.
§. III. Du mouvement de la lumière.
Sect. III. Aciion de la lumière fur les corps
du règne animal & végétal,
§. I. Sur ceux du règne animal,
§. II. Sur ceux du règne végétal.
Section première.
Coup d'œil général fur la lumière.
Quoique engénéral la phyfique pro-
prement dite ne l'oit pas du relFort
de cet ouvrage j cependant, fuivant
le plan que nous nous fommes pro-
polé , il eft nécclTaire fouvent d'y
avoir recours , & d'en établir quel-
ques piincipes, parce qu'ils doivent
fervirde bafe .à l'explication des phé-
nomènes les plus frappans de l'éco-
nomie végétale j c'eft ce qui nous
oblige dans ce moment à entrer dr.ns
quelques détails fur la lumière, con-
fidérée phyfiquement. Cet élément
eft l'agent univcrfel de la nature, il
femble tout animer , tout mouvoir.
Mais , (ï nous coniîdérons la lu-
mière fous un rapporrpius immédiat
avec nous; fi nous réfléchilTons que
c'ell à elle que nous devons le fpec-
tade brillant de lunivers, cette jouif-
fance qui fe renouvelle fans celle ,
& fans laquelle la terre entière
feroit le féjour des ténèbres & de la
mort , quel eft l'efprit allez apathique,
pour ne pas défirer de Lonnoître le
principe de les propriétés de l'ame de
l'univers ! Quel plus maxiifique fpec-
L U M
tâde que celui qui fe développe à
nos yeux au moment où la lumière ,
diflTéminée autour de nous , va s'a-
nimer par la préfence du foleil , que
les ténèbres de la nuit font diflipées ,
que nos yeux, longtemps fermés par
un fommeil bienfaifant , s'ouvrent in-
fenfiblement & fe promènent fur tout
ce qui nous environne j on diroit
alors qu'il fe fait une nouvelle créa-
tion pour nous, à mefure que nous
diftinguons de nouveaux objets ; ils
paroident renaître; déjà l'éclat de la
lumière augmente , les objets les
plus éloignés femblent fe rapprocher,
parce qu'ils deviennent plus vifibles;
notre domaine s'étend , nos jouif-
fances font plus multipliées, notre
exiftance fe multiplie avec elles. La
terre fe pare de couleurs éclatantes ,
fa beauté va frapper nos yeux à l'inf-
tant où l'aftre de lumière qui anime
toute la nature, s'élance rapidement
de l'horifon , & s'élève au-delfus de
notre féjour. Quelle majefté dans fon
afcenfion ! quelle vivacité dans ces
flots de lumière qu'il lance de tous
côtés \ nos yeux éblouis n'en peuvent
fupporter l'éclat ; ils aiment bien
mieux repofer leurs regards, tantôt
fur les cimes dorées des montagnes,
tantôt fur l'azur qui colore le vague
des airs , ou fur ces tapis verdoyans
dont mille ôi mille fleurs naiflantes
marquent les différentes parties, îk
deflment les contours.
La lumière a paru , tout a repris
lexiftence , tout revit pat fes bien-
faits j l'homme, fortifié & renouvelle
pour alnfi dire par un repos faUiraire,
retourne gaiement à fon travail; les
animaux fortent de leurs retraites
pour jouir de fes premières influences ;
les oifeaux , portés fur leurs aîles lé-
gères , s'élèvent en chantant dans les
L U M 511
airs, & femblent vouloir ia prévenir
& célébrer par leurs hymnes mélo-
dieufes fon heureux retour; les plan-
tes , plongées auparavant dans tin vrai
fommeil, s'éveillent, leurs tiges fe
redreflent , les feuilles & leurs fleurs
s'épanouiflent, & déjà elles exhalent
autour d'elles cet atmofphète d'air
pur & vivifiant qui purifie l'air.
La matière qui vit dans les ani-
maux & les végétaux n'efl: pas la
feule qui reflente les bienfaits de la
lumière, la matière morte & inerte en
reçoit une efpèce d'exiftance par les
diverfes combinaifons qu'elle eÙ. fuf-
ceptible de prendre avec elle. La lu-
mière ayant la faculté de pénétrer les
corps qu'elle touche, de produire en
eux la chaleuf, de développer celle
qui croit engourdie dans leur fein ,
que de phénomènes fe reproduifent
alors par ce nouvel agenr! on peut
même dire qu'il exifte dans la nature
une aètion & une réaétion perpétuelle
entre tous les corps qui font fournis
à fon impreflion.
Si donc route la nature éprouve
une aétion fi marquée de la part de la
lumière, de quel intérêt n'eft-il pas
que nous cherchions à nous inftruire
plus particulièrementdefes proptiétés
(St de fes effets.
Section II.
De la lumière conjldérce phyjlquement,
§. I. Quejî-ce que la lumière.
La lumière eft une matière , un
fluide infiniment délié , qui en af-
feârant notre œil de cette imprefljon
vive qu'on nomme clarté , rend les
objets vifibles; ce fluide dilféminé
dans tout l'efpace, réfide nécelfaire-
ment entre le corps vu (?c notre oeil,
puifque c'eft lui qui nous avertit de
3IZ L U M
{on exiftence , & qui f,ùc naîrre
d.iiis notre ame la fenfacion par le
mcchanifme de l'organe de l'œil.
Mais qu'eft-ce que cette matière?
comment agit -elle fur notre œil ,
& y tait-elle naître le fentiment de
la vue ? Ces deux queftions impor-
tantes ont été longtemps difcutées ,
fur-tout la première, «Se les pliyfi-
ciens , tant anciens que modernes ,
ne font point d'accord fur la na-
ture de la lumière. Le fentiment le
plus généralement reçu , & que nous
adoptons ici fans entrer dans de
longues dilculîions, qui n'appartien-
nent qu'à des traités de phyfique ,
celui qui paroît expliquer le mieux
Se le plus Jiaturellement tous les phé-
nomènes qui dépendent de la lumière,
c'elt que la lumière eft un fluide dont
les parties font extraordinairement
tenues , dlflcminées , & rempUlfant
tous les efpaces vuides de l'univers.
Parfaitement élaftique par lui-même,
il ei\ fufceptible de toutes fortes de
mouvemens & dans tous les fens ;
mais ce fluide n'eft pas lumineux par
lui-même, pour le devenir il a be-
loin d'éprouver certain degré de
mouvement de vibration dans lequel
confifte la lumière proprement dite,
ou, pour mieux dire encore, duquel
réfulte la fcnfation de lumière dans
notre ame.
§. 1 1. La lumière a toutes les pro-
priétés de la m.iticre.
Si la lumière eft un fluide, une
matière, elle doit en avoir toutes
les propriétés \ elle cil divifiblc ; le
prifme de tous les corps diaphanes
qu'elle traverfe en fe reportant fous
lin angle connu, la décompofe, la
d:vife & la fépare pour ainh dire
çn fept atomes colorés , dont la réu-
L U M
nion faifoit auparavant la lumière
blanche, z". Elle eft pefante 5 elle
change de direétion lorfqu'elle eft à
portée de la fphère d'attradioii de
quelques corps. 3°. Les molécules
qui la compofent ne font ni limples
ni homogènes , mais chacune eft
compofée de plufieurs autres qui pa-
roiflent de nature différente j ainfi le
rayon rouge eft bien plus pefant que
le rayon violet j & entre ces deux
on remarque une infinité de rayons
intermédiaires, qui approchent plus
ou moins de la pefanteur du rayon
rouge & de la légèreté du violet.
4°. Elle eft malfive, & fait mouvoir
des corps qu'elle frappe ; elfe fait
tourner fur fou pivot une aiguille,
placée au foyer d'un miroir ardent.
5°. Elle eft élaftique , & fans
doute le plus élaftique de tous les
corps de la nature; ce qu'on peut ef-
timer facilemeht, parce qu'elle fe ré-
fléchit exadlement fous le même
angle fous lequel elle a frappé le
corps qui le réfléchit. 6°. Enfin, elle
tend, comme tous les corps, à fe mou-
voir en ligne directe, (Se elle s'y meut
effeélivement tant qu'il ne fe trouve
point d'obftacles fur fon paifage. S'il
s'en trouve un, elle eft foumife encore
comme eux aux mêmes loix ; l'obf-
tacle eft-il perméable, ôc la lumière
le pénétre-t-e!Ie obliquement ? elle
fourtre aIoi"s , en le pénétrant & en
fortant, un changement dans fa di-
rcétion , par lequel elle s'approche
plus ou moins de la perpendiculaire:
c'eft ce que l'on nomme en phyfique
rcfraélion. L'cbllacle eft-il imper-
méable , alors elle fe réfléchit , &
c'eft ce mouvement de réflexion qui,
fe propageant jufqu'à notre œil, pro-
duit en nous la fcnfation de la vus
des corps.
Ea
L U M
En général , de > que la lumière en
mouvemenc vient à frapper un corps
par fes parties folides , intérieures
comme extérieures, car la lumièie
eft Cl fubtile qu'elle pénétre tous les
corps , & qu'elle s'y fixe en partie , alors
le mouvement de vibration qu'elle lui
imprime fait naître dans ce corps un
certain degré de mouvement qui peut
aller juCqu'd la chaleur Se même l'i-
gnition. Ce mouvement interne pro-
duit par la lumière, cette nouvelle
modification, eft, comme nous le
verrons plus bas, le principe dire£t
des phénomènes qui nailfent par fa
préfence ou fon abfence, fur - tout
dans le règne végétal.
§. III. Du mouvemenc de la lumière.
Toute caufe qui peut déterminer
le mouvement de vibration dans le
fluide lumineux, & le propager jufqu'à
notre œil, produira l'éclat lumineux.
Le foleil eft ce qui , jufqu'à préfent,
a le plus d'aétion dans la produétion
de la lumière, foit que cet aftre foit
un réfervoir immenfe de ce fluide,
& qu'à chaque inllant il en verfe des
torrens qui ne s'épuifenr jamais, foit
feulement qu'il ne falTe qu'imprimer
le mouvement néceffaire au fiuide
lumineux, dilféniiné dans tout l'ef-
pace.
Ce mouvement s'affoiblit de lui-
même, & finit parcelfer totalement,
fi la caufe agilTante eft afFoiblie. Ainfi ,
le jour paroît dès que le foleil vient
fur notre horifon mettre en vibration
le fluide lumineux ; le jour dure tant
que cet effet a lieu; le jour celTe & la
nuit arrive lorfque, par l'abfence du
foleil , le fluide lumineux perd fon
mouvement, & retombe dans un de-
gré de motion prefque infenfible. La
Tome FI.
L U M
313
lumière réfléchie par la lune & par les
afties répandus dans les cieux , foii-
tient jufqu'à un certain point ce toible
mouvement , ce qui entretient une
efpèce de lueur au milieu des ténè-
bres de la nuit, qui fuflit à quelques
efpèces d'animaux pour y voir iSs fe
diriger. L'œil même de l'homme y de-
vient fenfible à la longue, & l'on par-
vient alors à diftinguer quelques objets
très-proches , lorfque la prunelle de
l'œil s'eft alfez dilatée pour ramafler,
pour ainfi dire, le plus de rayons de
lumière polTible. Dans ce cas , leur
multiplicité équivaut en quelque
forte à leur vivaciré. Mais fi le fluide
lumineux eft abfolument privé de
toute efpèce de mouvement , alors
plus d'éclat lumineux , plus de fenfa-
tion dans l'organe de la vue; des té-
nèbres épailfes nous environnent; rien
n'eft fenfible, parce que rien n'a de
mouvement. Obfervons toujours que
la fenfibilité de la vue étant, comme
celle de tout autre fens , différente
dans les divers êtres , ce qui eft invi-
fible pour nous , l'eft aulli pour cer-
tains animaux, qui eux-mêmes font
plongés dans la nuit la plus obfcure,
.tandis que quelques infeétes jouiflfenc
encore d'une efpèce de jour.
Le mouvement du fluide lumi-
neux fe propageant dans tous les fens,
la plus petite étincelle de lumière fe
voit par tous les points de fa fuper-
ficie; il faut donc la regarder comme
un centte d'une fphère qui lance de
toutes parts des rayons lumineux; ces
rayons partant d'un centre commun,
fe propagent en s'écartant les uns des
autres; leur éclar qui venoit de leur
réunion s'affoiblit donc à mefure
qu'ils s'éloignent &. fe féparent , Se
leur mouvement de vibration dimi-
nue en proportion , & pareillement
R r
314 L U M
il augmente à mefure qu'ils fe rap-
prochenc & fe rcunifTent. Telle eft la
caufe qui fait que plus nous nous
éloignons d'un objet, 6c moins nous
le diftinguons , 6' vice versa. Plus
nous fommes près d'un objet, Se plus
notre œil reçoit de fes rayons, ou,
ce qui revient au même , il eft frappé
d'un mouvement plus vif de vibra-
tion. Ce mouvement, qui nous pa-
roît inftantané, puifque nous apper-
cevons les objets à l'inftant même
que nous les regardons, eft cependant
fucceffif lorfque la diftance qui nous
fépare eft très confidérable. Les rayons
lumineux qui partent du foleil, ou
la propagation du mouvement de cet
aftre à nous, employent, fuivant les
obfervations de Bradley , huit minutes
treize fécondes à parcourir trente-
quatre millions de lieues , diftance
du foleil à la terre. Suivant celles
d'Hughens, quand les fatellites de
Jupiter fortent de l'ombre de cet
aftre , la lumière de ces fatellites nous
parvient d'autant plus tard que Ju-
piter eft plus éloigné de notre globe,
& la différence qu'on remarque d<ins
cette vîtefte va à dix minutes au
moins, lorfque Jupiter eft à fa plus
grande & à fa plus petite diftance.
Les molécules lumineufes font Ci
tenues Se fi déliées, qu'elles peuvent
fe croifer & fe pénétrer , pour ainlî
dire , fans fe confondre ^ c'eft à cette
propriété qu'eft dû l'avantage le plus
précieux de la lumière , par lequel
une infinité de rayons, partant des
objets qui font placés au-delà de nous ,
pénètrent le globe de notre œil , s'y
croifent néanmoins fans fe confon-
dre , & vont peindre chacun diftinc-
tement , au fond de cet organe, l'image
de chaque partie de l'objet qui les
réfléchit.
L U M
Nous avons déjà obfervé plus haut
que lorfque la lumière frappe un
corps, une partie étoit réfléchie ou
réfrangée, & l'autre abforbée par ce
corps j cette dernière portion s'y fixe au
point qu'elle devient, pour ainfi dire,
partie conftituante de ce corps; fi elle
peut y conferver fon mouvement de
vibration , cette portion communi-
quera au corps une portion de fon
éclat lumineux, ou plutôt la portion
abforbée reftant toujours lumineufe,
illuminera le corps qui l'a abforbée.
Certains cuips font plus fufceptibles
de conferver cet éclat que les autres.
Se lorfqu'ils ont été expofés long-
temps au foleil, fî on les tranfporte
tout-d'un-coup dans un endroit très-
obfcur , ils paroiflent pendant quel-
ques inftans lumineux Se phofpho-
lefcens. En général les corps blancs
comme le papier , font plus fufcep-
tibles que les autres de cette pro-
priété. Si le mouvement de vibration
s'éteint trop vite, le corps refte obf-
cur, mais il n'en éprouve pas moins
une nouvelle modification, qui dans
les uns eft une altération , (î^: dans les
autres au contraire eft une efpèce de
vivification. Les propriétés phyfiques
de la lumière bien connues, il en
refte une chymique, que tous les fa-
vans s'accordent à reconnoître aéluel-
lement dans la lumière, & dont la
démonftration nous mèneroit trop
loin j nous la regarderons cependant
comme démontrée pour l'explication
que nous avons à donner de divers
phénomènes; c'eft une qualité acide
ou phlogiftiquante , qui a fait que
quelques chymiftes l'ont regardée
comme le vrai phlogiftique; comme '
telle , la lumière joue un rôle rrès-
intérelfant dans le règne animal &
végétal, alnfi que nous allons le voir.
L U M
E C T I O N
I I I.
Aclion de la lumière dans le rèone
végétal & animal.
§. I. Action de la lumière fur le
règne animal.
Tout ce qui a un principe de vie
paroîc avoir un befoin abfolu de Ja
préfence de la lumière, pour exifter
en état de fancé, & remplir toutes les
fondions néceffaires à la viej & tous
les êtres vivans qui en font prives ,
éprouvent bientôt une altération fen-
iible. Les animaux, dont la nature
eft de vivre dans l'obfcurité & loin
de la lumière, n'y font pas autant
iu]Qts à la vérité, mais dans leur port
&c leur couleur ils annoncent qu'ils
ont été condamnés à une nuit éter-
nelle; l'éclat du jour les fatigue, un
air trifte, un caraétère fauvage, une
robe nuancée de couleurs fombres ,
femblent leur attirer avec juftice la
haine des autres animaux, & ils font
pour eux comme pour l'homme d'un
mauvais augure. Ceux au contraire
qui font nés pout jouir de la lu-
mière, viennent-ils à en être privés
quelque temps , la langueur s'empare
de tout leur être, la circulation des
humeurs fe ralentit, le principe de
vie s'airère, une maladie, femblable
à celle que l'on appelle étioleuient
dans le règne végétal, achève enfin
le défordre commencé. Comme la
vie ell plus courte dans ce dernier
règne , l'altération eft plus prompte
& plus fenfible, comme nous le ver-
rons bientôt. Mais ne peut-on pas
attribuer autant à la privation de la
lumière qu'à l'humidité & au mau-
vais air , les maladies que les pri-
fonniers contradent au fond des ca-
L U M 315
chots ? Pouffons plus loin nos obfer-
vations, & peut-être ferons -nous
étonnés des traces frappantes de l'in-
fluence de la lumière fur les ani-
maux qui nous environnent, comme
fur nous-mêmes, fans que nous y
ayons jamais réfléchi.
La peau de l'homme, ce tiflii fi
délicat , qui n'eft: recouvert que par
une légère pellicule nommée épi.,
dame , ( Voye:^ ce mot ) paroît très-
fufceptible de s'altérer lotfqu'elle eft
longtemps expofée à la lumière, '^w
effet, ne voyons -nous pas que la
peau de nos mains , de notre vifage ,
& de routes les parties du corps qui
ne font point habituellement cou-
vertes, prennent une nuance foncée
& brunâtre , &: perdent infenfible-
ment cette blancheur & cette dou-
ceur qui en faifoit tout le prix dans
la fleur de la jeunefTe. Cette altéra-
tion ne s'arrête pas à l'épiderme, elle
pénètre plus avant , & affede mêm.e
le réfeau de Malpighi , comme ja
m'en fuis afluré au microfcope; j'ai
trouvé en effet qu'il n'y avoit pas une
grande différence entre l'épiderme
de la peau la plus blanche, & celui
d'une peau très-hâlée par le foleil ,
feulement la dernière étoit plus ra-
boteufe, mais la couleur & la tranf-
pavence étoient prefque les mêmes :
au contraire la différence entre le
réfeau de l'une & de l'autre étoit
très-fenfible , & l'altération étoit frap-
pante. Les perfonnesqui reflent long-
temps expofées à un grand éclat de lu-
mière , au foleil, par exemple, les
gens de la campagne, les payfans ,
les laboureurs , les chaffeurs , les
voyageurs ont le teint & les mains
prefque brunes <?^' comme brûlées ;
les Européens qui quittent ces climats
tempérés pour aller habiter les zones
Rr 1
3IC,' LUM
brûlantes de l'Inde ou de l'Améri-
que, perdent bientô: leur blancheur j
cette dégradation non-leulement fe
perpétue, mais elle augmente encore
de race en racej & qui fait Ci ce n'eft
pas la feule caufe originelle de la
couleur noire de certains peuples?
En réfléchiflant fur les idées que
nous avons données de la manière dont
les plantes fe coloroient , ( f'^oye^ le
mot Couleur des plantes ) on
veira qu'on peut en faire ziTez faci-
lement l'application à la coloration
accidentelle de la peau de l'homme j
& la lumière, comme principe acide,
pénétrant à travers l'épiderme dans
le rcfeau de Malpighi &c dans le pa-
renchime, fait entrer en fermenta-
tion le fuc dont il eft imbibé ; du
degré de fermentation réfulte le de-
gré d'altérarion, & de ce dernier la
jiouvelle couleur qui paroît à travers
l'épiderme. Que les amateurs des
beautés de la figure , fe confolent ,
cette blancheur de lys, cet éclat de
franheur qu'ils regrettent tant lorf-
que la lumière l'a fait difparoître ,
n'eft pas perdu pour jamais ; la na-
ture, trop bonne, travaille à chaque
inftant à leur rendre ce qui excite
leur regret. Que l'habitant efféminé
de la ville, qui, pour varier fes en-
nuis, a fui un inftant dans la cam-
pagne , & a ofé expofer au grand jour
fa peau délicate, ne fe défefpère pas fi
elle s'eft hâlée un peu ; qu'il rentre
dans fes murs, la privation du plus
grand des biens, de la lumière, lui
rendra bientôt fa blancheur. Vil ef-
clave d'une beauté palfagère, que de
plaifirs, que de jouilfances dont il fe
prive pour la conferver!
Nous n'avons que très- peu d'ob-
fervations far l'influence de la lu-
mière fur les animaux , cependant
LUM
nous en citerons quelques-unes, qui
nous ferviront à nous mettre fut la
voie pour en faire de nouvelles.
Il eft conftant que les climats où la
robe des animaux, Se le plumage des
oifeaux , font peints des plus riantes
&: des plus vives couleurs, font ceux
qui font éclairés plus conftamment
par un foleil faiis nuage , comme les
régions renfermées fous la zone tor-
ride j plus nous nous éloignons de
ces climats , plus nous approchons
des régions polaires, où de longues
nuits privent la terre de la bénigne
influence de la lumière , & plus l'a-
nimal prend une teinte pâle, lavée,
gtife £c blanche j les ténèbres d'un
hiver de fix mois affectent tellement
certains animaux , qu'ils changent
abfolument de couleur, & qu'ils de-
viennent blancs durant cette faifou
rigoureufe, pour reprendre leur pre-
mière parure fi- tôt que le foleil re-
paroît fur l'horifon. M. Scheele cite
un trait plus frappant encore & plus
direél de l'effet de la lumière fur la
nercis palujiris J qui , dit-il, eft rouge
lorfqu'elle vit au foleil, & blanche
dans l'obfcurité.
Les produétions animales ncu»
étant fouvent plus utiles que les ani-
maux mêmes , ont été beaucoup plus
étudiées. Se on s'eft apperçu bientôt
que la lumière les affeéioit fenfible-
ment ; l'induftrie humaine a fu en
tirer parti , les Chinois blanchilFent
leur foie en l'expofantau foleil : nous
en faifons autant pour la cire , le
fuif , les toiles de chanvre ou de lin.
La liqueur de certains animaux ,
blanche quand elle circule dans leurs
vailîeaux, rougit auflicôt qu'elle eft en
concadlavec la lumière; telle eft celle
de certains coquillages que l'on trouve
au bord de la mer, & dont les an-
L U M
cierrs habitans de Tyr fe fervoïent
pour teindre leurs étoffes en pourpre.
§. II. Aclion de la lumière dans le
règne végétal.
Ce n'efc que depuis quelques an-
nées que les favans fe font occupes
férieulement des effets de la lumière
fur les individus du lègne végétal j
leur maladie , connue fous le nom
d'étiolement, en a été la principale
caufe j nous fonimcs entrés dans quel-
ques détails fur cette fingulière ma-
ladie au mot Étiolementj ( T^oyei^
ce mot ) nous en avons cherché l'o-
rigine, & nous l'avons trouvée avec
M. Méefe & Bonnet dans la priva-
tion de la lumière. Nous ne répéte-
rons donc pas ici ce que nous avons
déjà dit, mais nous nous occuperons
feulement de l'influence de la lu-
mière fur la croiffance des plantes,
fur la coloration des pétales , des
fruits & des autres patries de la
plante , en un mot fur toute I'oeco-
nomie végétale.
Depuis MM. Duhamel, Bonnet
& Méefe, deux i'Iuftres obfetvateurs
ontfuivi la marche de la lumière, &
fes effets fur les plantes. Le premier
eft M. l'abbé Te(îier, fi avantageu-
fement connu par fes divers travaux
fur les grains & leur maladie \ l'autre
M. Senebier de Genève, à qui la
phyfique &: la chymie doivent quan-
tité d'obfervations importantes; c'eft
l'extrait de leurs travaux que nous
allons préfenter ici.
M. l'abbé Teffier voulant s'affurcr
jufqu'à quel degré les plantes re-
cherchoienr la lumière , fi leur pen-
chant vers elle avoir lieu à la furrace
de la tetre &: dans des apparremens
plus ou moins éclairés, comme dans les
L U M
3^7
lieux obfcurs, où le jour ne pénètre
que par un feul endroit j II cette incli-
naifon varieroit fuivant la manière
dont les plantes fetoient élevées , Z<.
fuivant les époques de leur végétation ;
enfin fi cette inclinaifon fetoit la
même, & quelle modification elle
éprouveroit par une lumière direéle
ou réfléchie , par la lumière du jotic
ou d'un flambeau allumé \ M. l'abbé
Teffier, dis-je , a fiiit un très grand
nombre d'expériences qu'il a variées
de mille manières,' en expofant des
tiges de bled femé dans des pots,
tantôt plus ou moins oblitjuement à
ime fenêtre , tantôt fur une che-
minée, devant une glace ou devant
les pilaftres de la cheminée ; tantôt
en coupant les tiges déjà inclinées,
pour voir fi les nouvelles pouffes fc
pancheroient de même ; tantôt en
éclairant des plantes renfermées dans
une cave , par la lumière réfléchie
des miroirs, ou par une lampe. Le
détail de ces expériences nous mè-
neroit trop loin , il en réAiIte feu-
lement que plus les tiges des plantes
font près de leur iiaiffance, plus elles
s'inclinent vers la lumière. Mais ie
fortifient- elles par la végétation ? Leur
tige fe folidifie, & l'inclinaifon di-
minue. Cette inclinaifon femble aug-
menter encore, toutes chofes égales
d'ailleurs , en proportion de l'éloi-
gnement de la plante vers la lumière.
La narure & la couleur des corps de-
vant lefquels les plantes font placées,
influent encore fur leur inclinaifon j
s'ils font de nature à abforber ou à ne
réfléchir que trè;-peu de rayons, l'in-
clinaifon fera confidérable. La facilité
avec laquelle les tiges poulfi'iu (ï^: fe
développent, augmente aufli la facilité
avec laquelle elles s'inclinent vers la
lumière. « Enfin on peur conclure.
Ib
L U M
» dit M. l'abbé TelHer, que l'incli-
n naifon des plantes vers la lumière,
„ eft en railbn compofée de leur
» jeunefle, de la diftance où elles
» fon: de la lumière , de la manière,
jj donc leurs germes ont été pofcs,
M de la couleur des corps devant lef-
» quels elles croilTent , & du plus ou
» moins de facilité que leurs tiges
» trouvent à fortir de terre , ou des
» autres matières fur lefquelles onles
)) avoir femées. »
Ne foyons donc pas étonnés, d'a-
près ces expériences , que les plantes
ôc les arbres fe portent toujours vers
l'endroit où la lumière aftlue avec
le plus d'abondance, & que fur les
bords des allées , des clarières &
des bois, nous voyons les grands ar-
bres s'incliner en-dehors, & leurs
voifuis fe diriger dans le même fens;
que ceux qui fe trouvent environnés
d'autres, cherchent fans ceiïe à s'é-
lever au-delïïis d'eux, afin de jouir
du bienfait de la lumière dont ils
ont tant befoin. Nous voyons auflî
toutes les plantes renfermées dans
une ferre , fe porter naturellement
du côté d'où leur vient le jour.
Si la lumière influe à ce point fur
la direiftion des tiges des plantes ,
elle a une aétion encore plus éner-
gique fur la coloration des tiges ,
des feuilles, en un mor de toutes les
parties de la fleur. M. l'abbé Teflier
a fait encore un grand nombre d'ex-
périences pour s'alfurer fi les difté-
rentes modifications de la lumière
agiroienc fur la couleur des plantes
comme la couleur directe. Pour cet
effet , il plaça des plantes dans une
cave qui n'étoic éclairée que par deux
foupiraux , & il difpofa les pots dans
lefquels ctoient femés du bled , les
uns diredtemenc lous les foupiraux.
L U M
les autres dans des endroits où ils
ne pouvoient recevoir la lumière de
ces foupiraux , que réfléchie par des
miroirs. Tantôt il fie coïncider eu
un feul point la lumière réfléchie par
des miroirs placés au bas des deux
foupiraux , & à ce point de réunion
il mit des pots dans lefquels il avoir
femé du bled j tantôt il s'eft fervi ,
pour les éclairer, de la lumière d'une
lampe; dans d'autres expériences il
s'eft fervi de la lumière de la lune ,
& dans d'autres de la lumière qui
avoir traverfé des verres diverfement
colorés.
Le réfultat de fes expériences eft:
» que les plantes élevées dans des
» fouterreins loin de l'éclat du jour,
15 font d'autant moins vertes qu'il s'y
» introduit moins de lumière , ou
)j que la cave étant profonde , la lu-
)j mièie eft portée plus loin ; celles
,> qui reçoivent la lumière du jour
)> ont une couleur verte plus foncée
j) que celles qui ne reçoivent que la
15 lumière de réflexion, & plus les
,j réflexions fe multiplient , Se plus
,> la couleur verte diminue , parce
,-, que la lumière s'affoiblir davantage.
» La lumière d'une lampe conferye
» aux plantes leur verdure avec moins
,) d'intenlité que la lumière direde
« ou réfléchie j à la réflexion de la
» lumière d'une lampe , la couleur
JJ s'affoiblit encore, mais cependant
» jamais jufqu'à fe détruire comme
» dans l'obfcutité. Pour qu'une plante
» foit décolorée , il n'eft pas nécef-
jj faite qu'elle foit très-éloignée de
u la lumière*, pourvu que la lumière
» ne tombe pas fur elle, elle n'aura
)) pas de couleur .... Enfin , on ne
)> peut douter que la lumière de la
» lune , celle des étoiles fixes , des
» planètes, ôi celle des crépufcules.
L U M
» n'entretiennent dans les végétaux
n la couleur verte qu'ils reçoivent du
» jour ou du foleil , pairque les
» plantes qui paffent les nuits dans
"des lieux parfaitement obfcurs ,
»> font moins vertes que celles qui
» font jour & nuit expofées à l'in-
» fluence des différens corps lumi-
j> neux. »
De ces obfervations que la nature
confirme en grand , naît une difficulté
que M. l'abbé Telîier ne s'eft pas
cachée, & de laquelle il adonné une
folution qui nous paroit très-jufte.
Si toutes chofes égales d'ailleurs, les
plantes les plus expofées à la lumière
font celles qui font les plus vertes ,
comment fe fait - il que celles qui
font au nord, ou abritées par des bois ,
font quelquefois plus vertes que
celles qui font expofées au grand
fo'.eil & fans abris ? «< C'eft que , ré-
>5 pond très-ingénieufement M. l'abbé
» Telîier , dans le premier cas elles
» font ordinairement plus fraîche-
» ment, au lieu que dans le fécond
» cas, étant plus expofées aux évapo-
j) rations & à l'ardeur du foleil qui
M les delTéche, elles ne peuvent con-
ï: ferver leur couleur verte, qui de-
3J mande , outre la lumière, une cer-
» raine humidité , fans laquelle elle
3) ne fe foutient pas. )i
M. Senebier s'eft occupé, pendant
plufieurs années, de l'effet de l'in-
fluence de la lumière fur les planres ,
& il a obfervé qu'elle étoir non-fcu-
lement une caufe immédiate de leur
coloration, mais encore que c'croir
à fon aélion qu'ctoit due la décom-
pofîtion de l'air fixe dans les feuilles,
^-c le développement de l'air déphlo-
giftiqué. Nous ne citerons encore ici
que le rcfulrat de fes ingénieufes
expériences, dont on peut lire le dé-
L U M
3'9
tail dans fon recueil d'excellens mé-
moires phyfico- chymiques fur l'in-
fluence de la lumière folaire , pour
modifier les êtres , & fur-tout ceux
du règne végétal.
L'allongement des tiges , la blan-
cheur des feuilles , la foiblefTe & la
longueur de toutes les plantes , font
d'autant plus grands , que la priva-
tion de la lumière a été plus com-
plète'& de plus longue durée. Cette
vérité a été démontrée, & parce que
nous avons dit jufqu'à préfent , &
par les détails que nous avons déve-
loppés au mot Etiolement. Com-
ment donc la lumière agit-elle dans
la coloration des végétaux ? C'eft le
problème que Ivî. Senebier a cherché
à réfoudre j <Sj en lifant fon ouvrage ,
on voit , avec plaifir , que la nature
lui a dévoilé fon fecret, pour le ré-
compenfer du zèle & de l'efpèce
d'acharnement qu'il a mis à. la con-
fulter. 11 a découvert qu'il exifte une
matière colorante, qui rcfide dans le
parenchyme de la plante j que cette
matière colorante eft une réfine fixe
dans l'^jdroit où elle fe trouve }
qu'elle s'y forme, qu'elle y fubfifte,
fans circuler avec le refte des fluides
de la plante ; que c'eft fur cette ré-
fine que la lumière a fon action di-
reéte , & que c'eft par la combinal-
fon de la lumière avec elle, que les
parties qui la contiennent & qui en
éprouvent les efFets , fe colorent en
verd. Quelques faits que nous allons
rapporter , vont mettre en évidence
cette ingénieufe théorie. Si l'on met
dans l'obfcurité une branche, un bou-
ton , il n'y a d'étiolé que les nouvelles
feuilles qui pouffent depuis la privation
de la lumière ; fi même l'on couvre avec
quelque chofe une portion de feuille
attachée à fa tige , expofée à la lu-
Sio L U M
mièce, toute la feuille reftera varie,
e;{cepté ce qui avoi: été couvert ;
enjin , fi l'on expofe de nouveau i
l'aclionde la lumière, des parties de
plantes étiolées , elles reprendront
bientôt leurs premières couleurs j ce
qui démontre évidemment que la
matière colorante ne circule pas , &
cjue la lumière agit direcl:ement, par
la préfence ou fon abrince , fur la
partie de la plante alcéréçj qu'elle
uaverfe l'épiderme, qui efl: tranfpa-
rent , pour aller agir, comme acide
phlo^iilliquant , fur la matière paren-
chymateuie, luidonner la teinte verte
qu'elle doit avoir. La lumière , au
contraire, vient-elle à lui manquer,
privée alors de ce principe elfentiel ,
cette matière s'altère & blanchit.
Si l'on pouffe plus loin l'obferva-
tion , Se que l'analyfe chymique
vienne apporter fon flambeau pour
éclairer nos pas incertains dans ce
labyrinthe , nous trouverons que les
plantes vertes contiennent beaucoup
plus de principes , qui annoncent la
prélen.e du ph.logiftique, que les plan-
tes étiolées. On peut aller encwe plus
loin ; ces dernières ont infiniment
moins d'odeur 5i de faveur , & l'on
fçait que le phlogiftique eft j pour
ainli dire , l'ame de ces deux qua-
lités. Ce que nous difons des tiges
Se des feuilles des plantes , s'appli-
que naturellement aux fruits qui ont
beaucoup plus dégoût, en propor-
tion de la lumière qu'ils déçoivent.
Cette obfervarion eft conftante.
Quelle différence n'y a-t-il pas entre
la faveur des fruits des pays perpé-
tuellement expofés à l'ardeur du fo-
leil , & ceux des climats tempérés ,
où le foleil ei\ rarement fans nuage !
Non content des nombreufes ex-
périences qu'il avoit faites fur les
L U M
plantes vivantes j M. Senebier afuîvî
l'influence de la lumière fur elles
jufqu'après leur mort, en examinant
fon effcr fur les bois , 5c fur les tein«
tures des plantes dans ref[>rit de vin.
Rien n'eft plus curieux que les réful-
tats de ces expériences , & ils nous
donnent la raifon de ces changemens
Imguliers que nous voyons arriver
tous les jours aux différens bois que
nous employons dans les arts. Tous
les bois ne changent pas autli vîte
ni aullî fort , & leur variation dépend ,
comme on peut le croire , de leur
nature, de leur âge, & du degré de
deffication. Les tables fuivantes of-
frent le tableau des expériences de
M. Senebier.
Le bois d'épinevinette commence
à changer au bout de 3 à 4 minut.
D'acacia . ... 4^5.
De larze,oularix 415.
De fapin blanc .... 40
D'abricotier, de i h. 1 5 minut»
De faule ... 4
De fernambouc . 4
D'érable . . 4
De cerifier . . 4
De houx . . 4
D'if .... 4
De poirier . . 4
De falfaftras . 4
De gayac . . 4
De mahogony . 4
De rofe . . 5
De tremble . . 5
De prunier . . 5
De rilleul . . 9
De palefandre clair <j
De qualïi .■ . Il
De fayard, ou lière 1 4
De chêne . . 14
De noyer . . 1 3
De verne . . 19
De
L U M
De palefandre noir 20
De fantal rouge 25
De violette . . 24
D'ormeau . . 29
D'amandier . 29
D'ébène . . 30
Les bois qui ont le plus changé
de façon , qui ont prefque perdu leur
couleur première , & qui ont bruni
confidérablement , font :
Le gayac.
Le cohenpo blanc.
Le cornouiller.
Le plane.
Le bois rouge.
Le châtaignier.
Le pin.
L'ormeau,
L'alizier.
Le bois néphrétique.
Le fantal rouge.
Le fantal citrin.
Le mûrier blanc.
Le fufain.
Le coudrier.
Le faux acacia.
Le charme.
Le laurier.
Le maronnier.
Le pommier.
Le faule.
L'épinevinette.
L'abricotier.
Le larhe.
Les bois qui , dans le même temps,
y ont beaucoup moins changé , quoi-
qu'ils aient été légèrement brunis ,
font :
Le mahogony.
Le ferpentin.
Le quaflîîe.
Le lierre.
L'if.
L'olivier.
Le buis.
Tome Fï^
Le faflfafras.
L'oranger.
Le bois de rofe. ■
Le fantal blanc:
L'aloes.
Le cèdre.
La fquiiae.
Le lilas.
L'amandier.
L'ébène verd.
Enfin , ceux qui n'ont point éprouvé
d'effet dans le même efpace de temps,
ou qui , dans ifn temps plus long , n'ont
éprouvé qu'un très-léger changement »
font :
Le guy.
L& fureau.
Le bois de vigne.
Le regliffe.
Quelques bois prennent à la lu-.
mière des nuances remarquables «
& changent diverfement dans leurs
divers état.
Le gayac y verdit.
Le cèdre & le chêne blanchiffent.
Le bois néphrétique brunit dan«
fa partie blanche j mais fa partie
brune brunit plus encore que la pre-
mière.
Le bois de pêcher brunit plus dans
fes veines ferrées que dans le bord
fur lequel elles rampent.
Le noyer brun, tiré du cœur de
l'arbre , change très-peu j mais la
partie blanche , près de l'écorce ,
change beaucoup.
Le noyer , fraîchement coupé ;
brunit beaucoup plus que le fec , Ôc
fur-tout celui qui eft près de l'écorce.
Le fapin jaune , près de l'écorce,
a moins bruni que le fapin blanc du
CŒur de l'arbre ; le fapin vieux &
lec brunit beaucoup plus que le fapin
jeune & frais.
Sf
521 L U N
Le faux acacia frais , brunit moins
que le (ec.
Eu général, les bois blancs fe do-
rent , les bois bruns blanchllfent ,
les bois rouges & violets jaunilfent
& noircilTent.
Nous ne fuivrons pas cet intéref-
faut auteur dans fes expériences fur
les teintures des plantes expofées à
la lumière du foleil , & fur l'altéra-
tion qu'elles y éprouvent. Notre objet
étoif de fuivre fes influences dans
les objets naturels , & en tant qu'elles
pourroient nous donner la folution,
ou du moins nous mettre fur la voie
de trouver celle de la plupart des phé-
nomènes qui lui font dûs , & qui fe
paffent fous nos yeux, f^oye:^ encore
Corolle, Couleur des Plantes,
Panaches, &c. M. M.
LUNATIQUE. Médecine
VÉTÉRINAIRE. Cc mot doit fon
exiftence à ceux qui ont imaginé ,
que fur le déclin de la lune, il dé-
couloit de cet .iftre une vertu fecrète ,
qui troubloit & chargeoit la vue du
cheval ^ c'eft à l'époque de cette
opinion, qu'on a furnommé les iiidi-
vidus , d'encre ces animaux , qui ont
été atteints de cette maladie , che-
vaux lunatiques.
11 eft néanmoins des médecins
vétérinaires, qui ne font pas venir
cette maladie des infliienc es occultes
de la lune; mais ils l'.utribuc-.u à dif-
férentes caufes , dont les unes ff>nt
aifées à détruire , les autres font plus
tenaces , iSc d'autres rcfiftent à tous
les remèdes qu'on emploie pout les
combattre.
Celles qui proviennent de quelque
coup , de quelque bleffure , ou de
quelque froilTementpeu confidérable ,
font aifées à guérir.
L U N
Celles qui afftctent la conjonftive
& les paupières , de manière que la
douleur que le cheval relfent, le dé-
termine à mettre l'œil qui en eft
atteint , à l'abri des rayons lumineux ,
font plus cifficiles à guérir. Elles dé-
pendent , ou de l'âcreré de la lym-
phe, ou d'une fuppreflion confidéra-
ble des excrétions , ôcc.
Celles qui pénétrent jufqu'au fond
de l'œil , & dans fes tuniques inté-
rieures, font incurables; elles fe ma-
nifeftent par des fympiômes plus vio-
lens que les pré. édeutes , par des dou-
leurs plus cruelles j Se par la fièvre ,
qui eft quelquefois accompagnée du
délire. Elles caufent une fuppuration
& un écoulement des humeurs con-
tenues dans le globe , qui ne fe ter-
minent que par la perte de l'œil. Un
pareil ravage eft l'effet d'un coup vio-
lent, ou de la gale , ou du roux- vieux ,
dont on aura fupprimé, fans précau-
tion , le fuintement des humeurs qui
fe portoient à la peau, ou d'un ancien
ulcère qu'on aura cicatrifé ineonfidé-
rémentj ëcc.
11 rcfulce de ce qui vient d'être
dit , que les diverfes maladies qui
affectent l'œil du cheval , font l'effet
d'une caufe interne , ou d'une caufe
externe. On en diftingue de plufieurs
efpèces , qui font lafeche , V humide ^
C épï-[ootique Scia périodique. Toutes
ces maladies' des yeux font dcfignées
par le mot ophtjlmie , qui fignifie in-
flammation de l'œil , accompagnée
de rougeur , de chaleur, & de dou-
leur , avec, ou fans écoulement de
larmes.
L'ophtalmie fiche , fans écoule-
ment de larmes, eft l'effet de la ftigna-
tion du fang fl.ms les petits vaiffeaux.
Les chevaux d'un tempéramment
colérique, dont les fibres tenues ont
L U N
une grande rigidité , & en qui la
marche du fang eft impétueufe, font
fujet à l'opchalmie fèche , fur-rout
fi on les foumet à des exercices
longs , violens , & à des rravaux pé-
nibles. Elle s'annonce par l'afFaif-
fement du globe , par une diminu-
tion confidérable de fon volume ,
par fon enfoncement dans la cavité
orbitère , par l'indammation de la con-
jon6live, qui fe communique à toutes
les parties de l'œil , & à celles qui
l'environnent. Tous ces fymptômes
font communément violens.
Les chevaux phlegmatiques , na-
turellement engourdis & parelTeux ,
font fujets à l'ophtalmie humide 5
les paupières s'enflent , fe collent ,
il en fort une grande quantité de
férofité , dont la qualité eft il acre
qu'elle ronge quelquefois le bord de
la paupière intérieure , du côté du
grand angle , & enlève le poil le
long du chamtrin , fur lequel elle
coule .... L'ophtalmie épi^oociquc
règne dans certain temps de l'année j
elle dépend de la conftitution froide
& humide de l'air , ce qui tait qu'elle
attaque indifféremment toutes fortes
de chevaux.
L'ophtalmie périodique eft celle
qui revient toujours dans le même
temps j parce que fon cours fe fait
d'une manière régulière. Il eft des
chevaux qui en font attaqués tous
les ans, d'autres tous les lîx mois,
&: d'autres tous les mois. C'eft par l'a-
nalogie de la régularité de fon mou-
vement ou de fa révolution , com-
parée avec le cours de la lune ,
fans doute , qu'on a fuppofé que
l'ophtalmie périodique dépendoit de
l'influence de cet aftre.
J'ai vu un cheval , d'un tem-
pérament pléthorique , qui avoit
L U N 5M
les parotides gorgées, dures & en-
flammées , dont l'inflammation fe
portoit jufqu'à l'œil du même côté.
La tète de cet animal étoit bafle ,
il nepouvoitfupporter la lumière \ il
découloit de fon œil une férofité fort
abondante; le ventre écoit parelleux,
& la fécrérion des urines languif-
fante. Pour difliper le mal,& réta-
blir les fondions des vif^ères , le
régime , les boiflons délayantes &
apéritives , la faignée, les purgatifs
& les collyres furent mis en ufage.
Le cheval parut guéri ; mais au bout
de lîx mois, l'ophtalmie attaqua l'œil
de nouveau. On ajouta à ce premier
traitement, le féton , & un régime
plus long; ce qui n'empêcha pas que
l'ophralmie ne revint périodiquement
de fix mois en fix mois , pendant
l'efpace de deux ans. Tandis que
les partifans des quahtés occultes ,
attribuoient cette fluxion aux in-
fluences de la lune , on reconnut
qu'elle n'y avoit aucune part , &
qu'elle provenoit de la foiblelfe de
l'eftomac & du relâchement des in-
teftins. On prefcrivit , pour la boifloii
ordinaire du cheval , l'eau teinte
avec la houle de mars \ ce qui fut
exécuté pendant près d'un mois. Le
ventre devint plus libre , les reir.s
firent mieux leurs fondions, & l'oph-
talmie ne reparur plus.
Il fuit de-là,que toutes les différen-
tes efpèces d'ophtalmie, qui provien-
nenr d'une caufe inconnue à l'artifte,
ou toures celles qui ont déjà caufé une
certaine foiblefle. à l'organe delà vue,
produifent Vo^\-ïXa\m\Q périodique ,q\.\
y difpofent, & qu'on ne parviendra
jamais à les guérir, qu'on n'air guéri
les maladies dont elles font les Jy/K-
tomes. En conféquence , ce ne fera
qu'après avoir adminiftré les re€nède<:
Sfz
314 LUN
des maladies principales , qu'on en
viendra an traicemenc de ces efpèces
d'ophtalmies.
Outre les caufes particulières à
chacune de ces efpèces d'ophtalmie j
fi on lailFe le cheval expofé à l'air
de la nuit, fur-tout quand il règne
un vent froid du nord 5 s'il éprouve
f^nelque/upprejjïon fubite de la tranf-
^irarion, principalement après avoir
eu très-chaud \ s'il refte longtemps
expofé à la blancheur éblouiffante
de la neige j (\ on le fait pa^Ter fubi-
tement, d'une profonde obfcurité , à
une lumière éclatante 5 fi on le loge
dans une écurie bafle , humide , ou
s'il eft expofé aux exhalaifons du fu-
mier, que les propriétaires négligens,
ou peu éclairés , entairent dans fa
demeure, &c. chacune de ces cir-
conftances peut encore occafionner
l'ophtalmie.
Quant au dlagnoflic de l'ophtal-
mie périodique , l'âcreté des larmes
qui découlent, fend la paupière in-
férieure, l'œil qui eft attaqué eft plus
petit que l'autre, l'humeur aqueufe
qu'il contient eft trouble, la conjonc-
tive eft enflammée , l'enflure attaque
les deux paupières, Se principalement
l'infc-rieurej l'écoulement de-; larmes
eft continuel , robfcurciirement de
l'œil préfenre une couleur de feiulle
morte ; le délire , les adions effré-
nées s'emparent quelquefois de l'a-
nimal.
Pro^-';q/?ic. Si l'ophtalmie eft légère,
elle eft facile à guérir , fur-tout lorf-
qu'elie provient d'une caufe externe \
mais fi elle eft violente , & qu'elle
dure longtemps , elle lailfe commu-
nément des taches fur la cornée lu-
cide j elle obfcurcit l'éclat des yeux ,
elle rend les humeurs troubles , elle
épaiflTu la cornée , 2c elle la rend
L U N
moins tranfparente , & quelquefois
fe termine par la perte de la vue.
Lorfque le cheval a un cours de
ventre, & que l'ophtalmie pafle d'un
œil à l'autre , ce fonr des fignes qui
ne font pas défavorables ; mais fi elle
eft accompagnée d'une fièvre violente
& opiniâtre , le cheval eft en danger
de perdre la vue.
Remèdes. \.z faignée eft toujours
indiquée dans une violente ophtal-
mie \ on peut même la répéter, félon
l'urgence des fymptomes j on doit la
faire, le plus près qu'il eft poflible,
de la partie malade.
L'application des fangfues aux
tempes & aux paupières inférieures ,
ne peut produire qu'un bon effet.
Les breuvages &c les lavemens dé-
layans , ainfi que les laxatifs , ne
doivtnt pas être négligés.
On pourra faire avaler au cheval ,'
à jeun , de quatre en quatre jours ,
une décoétion de tamarin & Aq féné\
on aura foin qu'il ne manque pas
d'eau blanchie avec le ion de fro-
ment, ou d'eau d'orge, ou de perit-
lait. On lui donnera tous les foirs
une demi-bouteille de racine de
ftneha , ou une bouteille de décoc-
tion de celle de bardane^
On lui fera prendre, trois fois par
jour , un bain d'eau tiède, dans le-
quel on placera les deux extrémités
antérieures jufqu'aux genoux : chaque
bain fera au moins de trois quarts-
d'heure.
On broftera la têre du cheval, de
manière à en enlever toute la pouf-
fiètfe & la craffe , & l'on profitera du
moment que fes jambes feront dans
le bain, pour lui faire tomber, d'une
certaine hauteur , une douche d'eau
froide fur la tête, 6: pendant qu'elle
L U N
tombera , un palfrenier frottera légé-
remenc & continuellement la partie
douchée.
Si l'ophtalmie ne cède pas à ces
premiers foins , on appliquera les
véficatoïrcs aux tempes , ou derrière
les oreilles , &c on entretiendra l'é-
coulement pendant quelques femai-
nes , au moyen de l'onguent véfi-
catoire , adouci avec l'onguent baji-
licum.
Le féton fait au cou , ouvert de
haut en bas , produit aufli de bons
effets lorfqu'il donne abondamment.
Si l'infl.immation des yeux eft très-
confidérable, il ell: bon d'appliquer
fur ces organes un cataplafme de mie
de pain & de lait , adouci avec du
beurre frais ou de la très- bonne huile.
Lorfque l'inflammation eft dilhpée,
on fortifie les yeux, en les étuvant
foir & matin avec une partie d'eau-
de-vie dansfix parties d'eau , ou avec
une partie de vinaigre dans huit d'eau ;
ou avec deux gros de vinaigre de
plomb , & autant d'eau-de-vie que
l'on met dans quatre livres d'eau de
fontaine.
Mais fi l'ophtalmie eft fympto-
matique , il faut d'abord traiter la
maladie dont elle eft un fympcome j
autrement , tous les remèdes qu'on
vient de prefcrue, ne parviendront
jamais à guérir l'inflammation des
yeux. M. B. R.
LUNE. ( Physique rurale ) Il
n'entre certamement point dans le
plan de cet Ouvrage , de parler
aftronomie & hauce phylîquej mais
nous nous fommes impofés la loi
de ne rien omettre de ce qui pour-
roit fervir .à l'inftruâiion des cultiva-
teurs. Non-feulement le peuple , le
L U N 515
fimple habitant de la campagne a de
faulles idées fur la lune , &: aban-
donne fon efprit à une foule de pré-
jugés fur cet aftre. Mais , combien
de gens encore , qui , d'après leur
fortune, ou leur naiifance , devroient
être inftruits , le font peu à cet
égard ? L'influence extraordinaire
que l'on attribue à la lune fur pref-
que toutes les opérations rurales , en-
traîna fouvent dans de faulTes ope-
rations; mais cette influence n'en eft
pas moins réelle dans certaines cir-
conftances, & la même loi qui fou-
lève périodiquement les flots de la
mer , doit néceffairement agir fut
notre atntofphère, & l'on fait com-
bien prefque toutes ces opérations
dépendent de l'état naturel de l'at-
mofphère. On peut voir au mot Al-
MANA CH , que les points lunaires ont
une très-grande influence fur les chan-
gemens de temps. Cette influence
fera encore plus fenfible lorfque nous
aurons fait une plus grande fuite
d'obfervations météorologiques , ôc
que nous les aurons comparées avec
les ditférens mouvemens de la lune.
Il eft donc très-intérelfant d'avoir
une idée , au moins générale , de cet
aftre. Nous allons tâcher de la don-
ner d'une manière claire & précife.
La lune eft une planète fecon-
daire, qui fait fa révolution autour
de la terre comm.e fon centre. Les
aftronomes ont donné le nom de
fatellites aux corps planétaires , dont
la révolution fe fait autour d'une
autre planète. Il eft de tons les corps
céleftes celui qui eft le plus proche
de la terre , & il fait fa révolution
dans l'efpace de vingt-fept jours
fepthcures & quarante trois minutes.
La route que la lune parcourt , ou
fon orbite , eft incliné au plan de
,31^
L U N
l'ccliptique d'environ cinq degrés ;
ce qui eft caufe qu'elle le coupe
iiécenairemenc en deux poincs oppo-
fés qu'on appelle nœuds ^ & comme
cet aftre palîe fur un de ces points
toutes les fois qu'il va de la partie
méridionale de fon orbite à la partie
feptentrionale, on a nommé ce nœud
ajcendant j & l'autre defccniant j
lorfqu'il retourne de la partie fep-
tentrionale à la méridionale.
Dans la révolution fur le plan de
l'écliptique, la lune s'approche de la
terre , tantôt plus , tantôt moins ;
mais la diftance moyenne eft de foi-
jcante demi-diamètres de la terre j &
comme le diamètre de la terre a en-
viron trois mille lieues, & par con-
féquent le demi-diamètre mille cinq
cens, la diftance moyenne de la lune
à la terre eft de quatre-vingt-dix
mille lieues.
La lune eft beaucoup plus petite
que la terre ^ & on regarde commu-
nément fon volume comme cinquante
fois pluspetir. Les aftronomes croyent
que fa denficé eft beaucoup plus
grande, mais ils ne font pas d'accord
fur la proportion de cette différence.
La lune , en qualité de planète , ne
jouit que d'une lumière empruntée j
elle la reçoit du foleil & nous la ren-
voie. On fent bien que (I la lune n'eft
éclairée que comme la terre, il n'y
en a qu'une partie d'éclairée à-la-fois,
celle qui fe trouve en face du foleil 5
mais comme elle a un mouvement
propre fur fon axe en parcourant fon
orbe, elle doit nous offrir des va-
riétés d'apparences relatives à fa po-
fîtion , par rapport à la terre & au
foleil. Ce font ces apparences que
l'on a nommé phafes \ elles feront
très-intelligibles fl l'on jette les yeux
fur la^^. 1^ J PL VII 3 page 184.
L U N
5 repréfente le foleil , T la terre qui
touroe autour de lui, L L L l'orbe
de la lune autour de la terre. Si la
lune fe trouve en C entre le foleil
6 la terre, un fpedtateur, placé fur
la terre, n'appercevra que la partie
obfcure de la lune , & ne verra rien
de la partie éclairée D. La lune dans
cette pofîtion eft en conjonâiion ,
parce qu'elle eft fur la même ligne
que le foleil , & on lui a donné le
nom de nouvelle lune. La lune com-
mençant fon cours, & avançant de
C en E par fon double mouvement
autour de la tetie &: fur fon axe ,
parvient en E \ alors on commence
à appercevoir un quart de fa partie
illuminée G F 5 eft -elle arrivée au
point H , qui eft la quadrature ou la
fin de fon premier quartier, alors on
diftingue la moitié de fa furface
éclairée I Kj au point M on en voit
les trois quarts , &: parvenue au point
N , qui eft celui de l'oppofition au
foleil, elle nous offre alors toute fa
partie éclairée , & on a ce qu'on
appelle pleine lune. En remontant
au point C par les points O P Q , la
partie éclairée pour nous diminue
dans la même proportion , & nous
n'en voyons qu'une partie jufqu'à ce
qu'elle foit totalement cachée pour
nous, quand elle eft revenue au point
de conjonction. Ces portions éclai-
rées de la lune nous paroillent fous
la forme de croifTant ou de cornes
plus ou moins longues , fuivant les
jours de la lune , qui regardent l'o-
rient lorfque la lune va de la con-
jonéiion à l'oppofition par la ligne
C H N, & au contraire elles regar-
dent l'occident , lorfqu'elle remonte
par la ligne O Q. Telle eft l'expli-
cation très-fimple è.Q% phafes de la
lune.
L U N
Nous avons die plus haut que le
mouvement périodique de la lune
autour de la terre s'achevoit en vingt-
fept jours , fept heures ôc quarante-
trois minutes j cependant comme la
terre continue de fe mouvoir autour
du foleil pendant ce temps , & qu'elle
parcourt près d'un des douze lignes,
la luue ne peut fe retrouver exaéte-
ment en conjon6tion ou nouvelle ,
que lorfqu'elle a parcouru le figne
que la terre a parcouru, «Se il lui faut,
pour achever cette révolution , deux
jours, cinq heures & une minute,
ce qui fait que l'on compte vingt-
neuf jours , douze heures & quarante-
quatre minutes d'une nouvelle lune
à l'autre. On a diftingué ces deux
efpèces de mois en aftronomie , & on
a nommé le premier mois lunaire pé-
riodique ^ Se le fécond mois lunaire
fynodique.
Quand on jette les yeux fur la
lune dans fon plein , on y apper-
çoit des points brillans & des taches
obfcures ; 3c il eft vraifemblable ,
que ce font différens endroits qui
réfléchilfent ou abforbent les rayons
lumineux. Parmi les taches obf-
cures , on en a remarqué de chan-
geantes, relativement à la pofitiôn
du foleil , qui étoient projetées du
côté de l'otient, lorfque le foleil eft
occidental par rapport à l'hémifphère
éclairé de la lune, (Se qu'elles deve-
noient occlden raies lorfque le foleil
fe trouvoir cà l'orient , ce qui indi-
queroit alTez de grandes ombres ,
produites par des corps élevés comme
des montagnes.
Non-feulement la lune a un mou-
vemeîir périodique autour de la rerre
dans l'fcfpace de près d'un mois ,
mais elle met un cettain efpace de
temps pour achever toutes fes révo-
L U N 317
lutions , t:im périodiques j par rap-
port au point du zodiaque d'où elle
eft partie , quanoma/ijfes j par rap-
port à fon apogée , & que draconi-
tLque j par rapport aux nœuds j de
façon qu'au bout de ce temps la lune
fe retrouve au même endroit , Se
qu'elle recommence une nouvelle
révolution complette. Ce temps em-
brafle le cours de deux cens vingt-
trois lunaifons, .S»; ramène les éclipfas
de lune affez également \ les deux
cens vingt -trois lunaifons forment
l'intervalle de fix mille cinq cent
quatre-vingt-cinq jours & un tiers,
ou bien dix-huit années, (quatorze
communes & quatre bilTextiles ) onze
jours, fept heures, quarante- trois à
quarante-quatre minutes. Cette pé-
riode ou ce retour exaét a été nommé
faros , ôc les aftronomes Chaldéens en
faifoient un très -grand ufage pour
la prédiftion des éclipfes^ les mo-
dernes en tirent auïïl un très-grand
parti.
Mais rien ne prouve mieux l'in-
fluence de la lune fur notre atmof-
phère, Se par conféquent fut la terre,
que la belle application que M. l'abbé
Toaldo a fait de cetre période de
dix -huit ans à la météorologie : il
a découvert , en comparant les ob-
fervations météorologiques , faites
durant l'efpace de trois Jaros , que
le retour des faifons «Se de leurs mé-
téores étoient prefque les mêmes ,
& qu'on peut prefque annoncer leurs
révolurions, c'eft-à-dire la tempéra-
ture, le (hangement de temps , les
pluies, l'abondance ou la ftérilité ,
Sic. &rc. , en comparant les années
cnfemble de dix- huit en dix -huit
ans. Cette obfervation ingénieufe
peut être d'un grand fecours pour la
campagne, lorfqu'après une longue
3i
L U N
fiike d'années elle aura été confirmée.
( f^oye-^ Météorologie ) M. M.
Aux obfervations générales de M.
Mongez , il convient d'en ajouter
quelques-unes plus particulières , ou
plutôt de rapporter quelques erreurs ,
afin d'en rappeler la faulleté.
L'opinion que tel quantième de
la lune influe beaucoup fur la qua-
lité du bois que l'on doit couper, de
la forêt que l'on fe propole d'a-
battre , ell a(Tez généralement ré-
pandue; mais, malheureufement pour
les partifans de cette opinion , ils ne
font pas d'accord entr'eux fur un
quantième décidé; les uns prétendent
qu'on doit abattre en nouvelle lune,
les autres lorfqu'elle eftdans fon plein ,
&: quelques-uns tiennent pour le der-
nier quartier. Cette diveifité prouve
feule combien peu font décifives les
prétendues expériences que certains
obfervateurs difent avoir faites pen-
dant trente ou quarante ans. Tous
affirmeront que le bois coupé à telle ou
telle époque ne chironne jamais , c'eft-
à-dire qu'il n'eft pas attaqué par les
vers. Ce qu'il y a de certain , c'eft
que les bois plantés au nord, & ceux
qui n'ont qu'alfez tard le foleil de
l'après-midi ou du foir, fonr & feront
toujours plus fujets à être chironnés,
que les autres plantés au levant ou
au midi, quel que foit le quantième
auquel on les abatte. Choifirfez, autant
que vous le pourrez, un temps (ec ,
un vent du nord qui ait régné depuis
quelque temps , &c qui ait relTerré la
fibre du bois, je réponds que, toutes
circonftances égales , il chironnera
moins que tel autre bois coupé en
nouvelle , pleine ou vielle lune, iî
le temps eft mou, humide ou plu-
vieux.
Je ne répéterai pas ce que j'ai dit
L U N
au mot Giroflée fur le quantième
de la lune, qui, dit-on, procure les
plantes à fleurs doubles ou fimples :
ce n'eft pas une opinion , mais une
erreur.
Toujours dans le même efprit, le
vm devoit être foumis au defpotifme
de la lune , & l'idée généralement
adoptée dans tous les pays de vigno-
bles, eft qu'on doit \q fbutirer dans
la pleine lune de mars. Je pourrois ,'
à la rigueur, admettre pour un inf-
tant la poflîbilité, ou même, fi l'on
veut, l'avantage de cette pratique, fi
tous les vignobles duToyaume étoient
fitués dans le même climat, en un
mot, fi la chaleur de l'atmofphère
ou fa température étoit égale par-
tout; mais quelle différence énorme
ne fe trouve-t-il pas entre le climat
du Vexin françois & de la Picardie
près de Beauvais , avec celui de
Bayonne, de Perpignan, de Mont-
pellier & de Toulon ! Que de nuances
intermédiaires entre les deux extrê-
mes des vignobles de France ! S'il y
a des nuances, des difparités frap-
pantes , le même point lunaire ne
peut donc pas être un figne , une
époque certaine pour des climats fi
difparates par la difproportion de
chaleur. Comme on appelle lune de
mars celle qui fixe la fête de pâques^
qui eft toujours le premier dimanche
après la pleine lune & après l'équi-
noxe, la même règle ne peut donc
pas être utile en même -temps aux
extrêmes & à tous les points qui les
divifent.
Si cette pleine lune, en crédit &
en vénération , étoit chaque année
à la même époque , l'illufion feroit
plus réelle, mais en 1598 pâques
fe trouva le ii mars, & le 15 avril
en 1734, & eu 1796 ii fe trouvera
le
L U P
le 22 avril. Voilà dans ces exemples,
dont j'ai pris les premiers qui fe
fon: préfentés , une différence de
trente-trois jours. Je demande a6tuel-
lement à un homme fenfé , fi dans
ces trente- trois jours de printemps il
ne doit pas y avoir une très-grande dit-
férence entre la chaleur d'un climat
à un autre , & entre la chaleur du
même climat, depuis le 22 mars
jufqu'au 3 5 avril ? Dès qu'on ad-
mettra cette graduation de chaleur,
on verra donc clairement combien
il eft abfurde de choifir , puifque le
vin , renfermé dans le tonneau , re-
nouvelle fa fermentation aux pre-
mières chaleurs. Or, toutes les fois
que le vin commence à travailler j
on détériore fa qualité fi on le fou-
tire. Son travail tient à de nouvelles
combinaifons qui s'améliorent , &
les combinaifons de fes principes ne
peuvent avoir lieu fans le dévelop-
pement de fon air de combinaifon
ou air fixe ( Voye\ ce mot ) qui eft
le lien des corps, leur pacificateur &
leur confervateur. ( Voye\ à ce fujet
le mot Fermentation , afin d'éviter
ici les répétitions ) Soutirez les vins
en hiver lorfque le vent du nord &
le froid régnent, fans taire attention
au quantième de la lune , & vous
aurez une liqueur qui fe confervera ,
&: qui perdra très-peu de fes prin-
cipes. ( Confulte^ le mot Vin )
11 faudroit écrire des volumes en-
tiers fi on vouloir rapporter toutes les
idées faulTes ou les opérations que
l'on foumet à la marche de la lune^
mais de tels détails m'écarteroient
trop de mon fujet.
LUPIN. ( Voyei Planche FUI ,
page 293 ) Nommé par Von Linné
iupinus albus ^ & clalfé dans la dia-
Tome VI.
LUP 3^9
delphie décandrie. Tournefort le
place dans la féconde feétion de la
dixième claffe compofée des herbes
à fleurs de plufieurs pièces itrégu-
llères, & en papillon dont le piftil
devient une goulTe légumlneufe.
Fleur. Papillonnée, blanche , lé-
gèrement purpurine , compofée d'un
étendard B, des ailes C, réunies à
leurs extrémités ; de la carène D »
divifée à fa bafe en deux onglets qui
s'attachent au fond du calice E; ce
calice, d'une feule pièce, eft partagé
en deux lèvres; les parties fexuelles
font enveloppées par la carène & les
ailes; le falfceau des dix étamines ,
réunies à leur bafe par une mem-
brane , repréfenté ouvert en F , & le
piftil fécondé en G; une des étamines
eft iéparée des autres à fa bafe.
Fruit. Le piftil devient par fa ma-,
turité un légume oblong , pointu ,
applati , coriace, à une feule loge,
compofée de deux valvules qui s'ou-
vrent longitudinalement, comme on
le voit en H ; ces valvules renferment
plufieurs graines 1, prefque rondes
& applaries.
Feuilles. Velues en-deftous , co-^
tonneufes en-deflus, divifées en fept
fegmens étroits &z oblon^rs.
Racine. A Rameufe , ligneufe ,"
fibreufe.
Porc. Tige branchue , haute de
deux pieds environ , droite, cylin-
drique , un peu velue , communé-
ment à trois rameaux. Les fleurs
nailTènt au fommet, alternativement
placées fur les tiges ainh que les
feuilles ; les folioles fe replient fur
elles-mêmes au coucher du foleil.
( Foyc^ Sommeil des plantes )
Ceçte propriété lui eft commune avec
Tt
3 30 L U P
prefque toutes les plantes Icguini-
neufes , & avec beaucoup d'autres
plantes.
Lieu. On ignore fon pays natal j
dans plufieurs pays on le feme dans
les champs.
Culture, Avant de parler de fon
utilité , il convient de faire con-
noître les autres efpèces qui peu-
vent entrer dans la décoration des
jardins. Von Linné en compte fix ,
outre celle qui vient d'être décrite ; fa-
voir le lupin vivace, lupinus percvrds y
originaire de Virginie. Ses feuilles
font compofées de huit folioles très-
longues, en forme de fer de lance &
liffesj fes fleuts font raflemblées en
grappes, & leur couleur eft bleue-, la
racine eft traçante : on peut le cul-
tiver dans les jardins, mais fa racine
s'empare bientôt d'un très-grand ef-
pace. On doit femer cette plante à
demeure; elle foufFre difficilement
la tranfplantation, à caufe de la lon-
gueur de fa racine pivotante \ une
fois endommagée, la reptife eft très-
difficile.
Le lupin à femence panachée. Lu-
p'mus varias. Lin. Eft annuel, & on
le fème au printemps. On le diftin-
gue des précédens par ion calice à
deux lèvres , la fupérieure partagée
en deux lobes , l'inférieure fendue en
ttois avec des appendices de chaque
côté ; fa fleur eft pourpre , fa fe-
mence eft ronde & panachée.
Le lupin hérijfé. Lupinus hirfutus.
Lin. Originaire d'Arabie , d'Efpa-
gne, & de l'Archipel. Fleurs bleues,
grandes , leur calice verticillé &• avec
des appendices \ les lèvres fupérieures
&: inférieures font rrès-enrières ; il
demande dans le nord d'être femé
ou fur couche , ou contre un bon
L U P
abri , de le garantir des matinées
froides du printemps. On peut le
femer en automne, & le fermer dans
l'oranger ; pendant l'hiver ; il fuffic
au midi de la France de le femer ea
mars ou en avril.
Le lupin poileux. Lupinus pilofus.
Lin. Toute la plante eft couverte
ce poils ; fes fleurs font blanches
& de couleur incarn*t , leur éten-
dard eft rouge. Les feuilles font en
foi me de fet de lance, mais un peu
obtufes par le bout ; il reffemble
aflèz au précédent ; mais ce qui le
diftingue particulièrement, c'eft d'a-
voir la lèvre fupérieure du calice
divifée en deux parties , & l'inférieure
trèicntière. Plufieurs auteurs le con-
fondent avec le lupin hérifle. Il eft
très- parant dans un jardin , & de-
mande les mêmes foins que le pré-
cèdent.
Le lupin à feuilles étroites. Lupinus
angufti folius. Lin. Ses fleurs font
bleues , & Ion ptincipal caraâère eft
d'avoir les feuilles étroites & linéaires.
11 eft originaire d'Efpagne & de l'I-
talie méridionale. Ln culture lui
donne une certaine confiftence.
Le lupin jaune. Lupinus luteui. Lin.
Sa fleur a une odeur agréable , & fa
couleur eft jaune. La lèvre Aipé-
rieure du calice eft divifée en -. eux,
& l'inférieure eft à trois denteiure^ ;
la femence tft applatie , & quelques
fois bigarte dans fa couleur; les feuil-
les florales font ovales, Ik les fleurs
prefque adhérentes aux tiges. On
peut le femer depuis les premiers
jours du printemps , & fuccdîîve-
ment jufqu'au milieu de l'été, pour
jouir de fes fleurs. Tous les lupins ,
excepté celui qu'on appelle vivace ,
font annuels. -
L U P
Je ne fçais fi la femence de toutes
les efpèces de lupins peut fervir
de nourriture à l'homme; mais celle
du lupin blanc devient une relTource
dans le befoin. Dans certains cantons
du Piémont , & en Corfe, fon ufage
eft fréquent. Dans cette ifle on fait
macérer la femence dans l'eau de
mer que l'on change deux ou trois
fois; on réduit enfuite cette femence
en pare , à laquelle on ajoute un
peu d'huile , & on fait cuire le tout
dans un four comme un gâteau. Si
l'huile avoir été moins puante , j'au-
rois trouvé certe préparation aflez
bonne. L'eau douce produiroit le
même effet fans doute , & enleveroit
l'amertume de l'écorce de la graine,
fi on avoir la précaution de la faire
macérer dans une eau alkaline,par
exemple, dans une lelîive faite avec
des cendres , & aiguifée par un peu
de chaux , à peu-près de la même ma-
•nière qu'on enlève l'amertume de
l'olive. En fortanr ces graines de la
leffive , on doit les laver à grande
eau courante. Toute l'amertume ré-
fide dans l'écorce. Les Corfes cher-
chent moins de façon , & les Pié-
montois fe contentent de faire ma-
cérer la graine dans l'eau commune
qu'ils changent plufieurs fois.
Cet aliment etoit connu des an-
ciens , & Pline rapporte que Proto-
genen'avoit vécu que de lupins, pen-
dant qu'il étoit occupé à peindre un
célèbre rableau.
Columellej en parlant des légu-
mes , dit : le lupin eft celui qui mé-
rite la ptemière attention , parce
qu'il confomme le moins de jour-
LUP 55f
nées, qu'il coûte très-peu, & que de
toutes les femences , c'eû celle qui
eft la plus utile pour la terre ; car le
lupin fournit un excellent fumier poyf
les vignes maigres, pour les terres la-
bourables, outre qu'il vient dans les
terreins épuifés, & que lorfqu'il eft
ferré dans un grenier, il dure éternel-
lement. On donne le grain à manger
aux beftiaux pendant l'hiver, cuit ôc
détrempé , & il leur eft très-bon. Il
peut être £emé au fortir de l'aire, ôC
il eft le feul de tous les légumes qui
n'ait pas befoin d'avoir été gardé préa-
lablement dans le grenier. On peuc
le femer, ou dans le mois de fep-
tembre , avant l'équinoxe, ou incon-
tinent après les calendes d'odobre ,
dans les terres qu'on lailTe repofer,
fans les labourer ; & de telle façon
qu'on le feme , la négligence du co-
lon ne lui fait jamais tort. Cepen-
dant les chaleurs modérées de l'au-
tomne lui fontnéceffaires , afin qu'il
prenne promptement de la force; car
lorfqu'il n'a pas pris de confiftance
avant l'hiver, les froids lui font pré-
judiciables. Le mieux eft d'étendre
le lupin qu'on a de refte après qu'on
l'a femé , fur un plancher dont la
fumée puiife approcher , parce que
fi l'humidité le gagnoit , il feroit
piqué des vers ( i ) , & que dès que
ces infeftes en auroient rongé les
germes, les reftes ne pourroient plus
poulfer. U fe plaît, comme je l'ai
dit , dans une terre maigre , &c fur-
tout dans la terre rouge. Il craint l'ar-
gille, & ne vient pas dans un terrein
limoneux. Col. Liv. II. Chap. X.
Les Romains, pendant leurféjour
( I ) Note du Rédadeur. Les lupins font également piques des infedcs , quoique tenus
«3ans des endroits très-fecs.
Tt 1
331 L U P
dans les Gaules, y ont laiiré plufieurs
procédés utiles. L'art de bâtir en
pifai; ( Faye-^ ce mot) de conftruire
les caves & les citernes en béton ;
( yoye^ ce mot ) la culture du lupin ,
&c. Columelle voyoit bien , éc il
lailTe peu à dire après lui. Je regarde
le lupin comme une des plantes pré-
cieufes pour les pays dont le fol eft
pauvre , maigre , caillouteux ou fa-
bloneux. 11 ne s'agit pas de confidérer
la récolte de fon grain comme d'une
grande utilité, fli qualité elfentielle
cft d'être d'une grande relfource pour
enrichir ces terreins , & leur tournir
par fa décompofition cette terre vé-
gétale , cet humus qui fert à former
la charpente des plantes. ( yoye:^ le
mot Amendement , & le dernier
chapitre du mot Culture. )
Le lupin s'élève depuis dix huit
pouces jufqu'à deux pieds , &c fe charge
d'un grand nombre de feuilles. U
abforbe de l'atmofphère la plus grande
partie de fa nourriture , & rend par-
conféquent à la terre qui l'a produit,
beaucoup plus de principes qu'il nen
a reçu : dès-lors il devient un ex-
cellent engrais. Il eft furprenant ,
qu'à l'exemple du Dauphiné , du
Lyonnois , &c de quelques autres pro-
vinces , fa culture ne fe foit pas plus
étendue.
L'époque des femailles , indiquée
par Columelle , pouvoit être bonne
à Rome , & l'eft de même pour nos
provinces méridionales ; mais dans
celles du centre & du nord du royau-
me , il eft plus prudent de le femer
lorfqu'on ne craint plus les gelées.
Les froids de l'hiver font fouvent
périr le lupin femé en automne, &
il faut le femer de nouveau au prin-
temps.
Les auteurs qui ont écrit fur la cul-
L U P
turedulupin, s'accordent prefque tous
à dire qu'il fe contente de légers la-
bours , & même n'en confeillent pas
d'autres. Je ne fuis point de leur avis ,
parce que l'on manque le vrai but
que l'on dédre : celui de produire un
bon engrais. Il y a une différence
très-marquée entre la vigueur de la
végétation du lupin qui croît dans
un champ profondément fillonné ,
& celui d'un champ fimplement égra-
tigné. Le premier double & triple le
produit du fécond.
Je confeille de donner deux bons
labours croifés avant l'hiver, i ". afin
d'enterrer le chaume de la récolte pré-
cédente , & lui donner le temps de
pourrir ; z°. afin que le fol foit à
même de jouir des bienfaits de l'hiver ;
d'ailleurs , on aura moins de peine à
foulever la terre après Thi ver. En fé-
vrier ou en mars j fuivant le climat,
c'eft le temps de fiUonner profondé-
ment la terre , & de multiplier les
labours coup fur coup , afin d'ctte
prêt à femer dès que le moment fera
venu. On femera toujours fur un la-
bour frais , & le grain fera couvert
avec la herfe pallée à plufieurs re-
prifes. Lorfque toutes les plantes du
champ font en pleine fleur, c'eft le
moment de labourer avec la charrue
à vecfûir , & de faire un fort fillon.
Les filions doivent être ferrés & près
les uns des autres. Mais , afin de mieux
enterrer routes les plantes que le foc
déracine, que le verfoir couche, il
faut que deux charrues, à la fuite l'une
de l'autre, palfent dans la même raie.
Les plantes font mieux enfouies, &
le labour eft plus profond; deux avan-
tages réunis par la même opération.
Comme à cette époque la plante eft
très-herbacée, qu'elle n'a point en-
coie acquis la qu.alité ligneufe, fa pu-
L U P
tréfadionen: affez prompte , & elle eft
accéléixe pac la chaleur ordinaiie de
la faifon.
Après les prairies artificielles , le
lupin eft la meilleure planre pour
alterner les champs ; ( J^oyc^ le mot
Alterner ) parce c]uec'eft la plante,
qui occupant le moins longtemps la
terre, permet de donner les labours
convenables avant de femer les bleds ,
& fur- tout , parce qu'elle fe charge
d'une grande quantité de feuilles , de
fleurs &c de rameaux j c'eft par ces
raifons , que le lupin eft préférable ,
pour alterner, aux raves & aux navets.
Au lieu de lailTer un champ en ja-
chères, pourquoi ne pas l'alterner ?
Pourquoi, au lieu à'écohuer les ter-
res, ne pas les femer en lupins? puif-
que l'écobuage ne produit que peu
d'effets , qu'il laifle une cendre bientôt
dépouillée de fou fel _, la chaleur du
fourneau ayant diflipé les principes
huileux, inHammables , & ayant fait
évaporer l'air fixe que les plantes con-
tenoient. Au lieu qu'en femant le
lupin, & l'enterrant, tous les prin-
cipes reftent en dépôt dans la terre ,
S<. les bleds que l'on feme enfuite
en profitent. Si le fol eft fi maigre ,
que, de deux années l'une, il ne puille
produire une récolte , ou de feigle ,
ou d'avoine, femez des lupins pen-
dant deux Se même trois années de
fuite. 11 en coûtera moins que d'é-
cobuer , &: on aura une meilleure
récolte. Peu-à-peu , &c en alternant
fans cefte, on enrichira fon champ,
& on parviendra enfin à le faire pro-
duire rous les deux ans.
Un des grands avantages du lupin
eft de détruire complettement les
mauvaifes herbes. Comme il croît
très-ferré par fes rameaux 5 comme
fes feuilles multipliées , occupent
L U P
333
tout l'efpace d'un pied à l'autre ,
l'heibe qui fort de terre en même
temps , eft gagnée de vîtelfe , elle
s'étiole , ( t^oye-[ ce mot ) pour
aller chercher la lumière , ( Voye^
ce mot ) languit & périt enfin , pri-
vée des bienfaits de l'air. On feme,
fur fix cents toifes quarrces , environ
cent cinquante livres pefant de orai-
nes. Si le fol eft bon , il rend com-
munément vingt pour un , & de dix
à quinze dans un terrein plus maigre.
On doit mettre à part , dans un
champ, les plantes qu'on deftine à
grainer j lors de leur maturité, on les
attache commeles pois, les haricots,
S< on les bat de même. La tige defte-
chée fournit à la litière des animaux,"
on la brûle, & on en chauffe le four
dans les pays où le bois eft rare.
Cette récolte ne détourne point des
autres. La graine fe conferve très-
bien fur pied dans fa gouiTe , (Si elle
attend , fans craindre les pluies ou
les frimats, qu'on vienne la récolter.
Cette culture ne détourne donc pas
des travaux de la campagne , objec
qui la rend encore plus recomman-
dable. Il faut femer le lupin, herfer
fa graine : voilà le feul excédent
de travail ; car on n'en auroit pas
moins donné à la terre les labours
ordinaires.
Lorfqu'après une récolte de bled
dans un bon fonds, on veut en avoir
une de même qualité , ou de feigle ,
dans l'année fiiivante , il convient
de labourer fortement dès que la
première récolte eft levée, de femer
& herfer auilitôt. Le lupin végétera
palfablement bien jufqu'en feptem-
bre , & alors on l'enterrera; enfuite
on femera à l'époque ordinaire. U
feroit à défirer que les climats per-
milfcnt de fuivre cette excellente
334 LUP
méthode dans tou: le royaume ; mais
elle ne peiic avoir lieu que dans les
pays où la récolte des bleds eft lînie
à la fin de juin ou au commen-
cement de juillet j elle eft interdite
dans les provinces méridionales ,
parce que la fécherelTe de l'été , la
difficulté de foulever les terres par
le labour , font des obftacles qu'on
ne fauroic vaincre. Il y arriveroit
fouvent que la graine femée en juin ,
ne germetoit qu'en feptembre, par le
défaut d'humidité convenable à fon
développement. Dans les provinces
du nord, le bled n'eft fouvent récolté
que dans le mois d'août , Se il ne
vaudroit pas la peine de le femer.
Chacun doit donc fe régler d'après
la connoilTance de la conftitution de
l'atmofphère du pays qu'il habite j
mais par-tout on aura l'époque fixe
de femer au premier printemps , dès
que l'on ne craindra plus les gelées.
Les cent-cinquante livres de lupin
coûtent , fur les lieux , à-peu-près
<j livres.
Cette manière d'alterner eft bien
fîmple , bien commode , & nulle-
ment difpendieufe. Le lupin enterré,
tient lieu d'engrais , & c'eft un en-
grais ' végétal excellent. De quelle
reflburce ne fera donc pas cette plante
dans tous les cantons où les engrais
& les pailles font rares, où le fol eft
maigre , fabloneux ou caillouteux !
mais les terreins tenaces , glaifeux,
ergilleux , plâtreux & craieux,n'en
retireront aucun avantage.
Les bœufs , les chevaux ne man-
gent pas les feuilles , ni les tiges du
lupin j mais en revanche les moutons
en font très-avides, fur-tout lorfque
la plante eft jeune : il eft elTentiel de
garantir le champ de la dent du trou-
peau.
L U P
La meilleure manière de donner
la "graine du lupin aux bœufs , aux
chevaux , aux moutons , &c. eft de la
faire moudre, & de leur en donner
une certaine quantité foir & matin.
Cette nouriture les tient fermes en
chair, & les engraifle promptement.
Quelques cultivateurs fontinfufer les
graines dans plufieurs eaux, les delTé-
chent enfuite au four , & les font
moudre. Cette dernière méthode me
paroît préférable à la première, parce
que l'amertume de l'écorce doit beau-
coup échauffer l'animal, donner trop
de ton à fon eftomac &c. &c. Ce-
pendant , dans tous les cas de relâ-
chement, la première eft plus utile,
puifqu'elle tient lieu , en même
temps , & de nourriture & de médi-
cament.
Si on étoit curieux de faire la com-
paraifon de la fomme nécelTaire pour
l'achat des engrais animaux , capa-
bles de fumer un champ _, & de ce
que coûte l'achat de la graine de lupin,
& les petits frais de culture excé-
dens de la culture ordinaire , on ver-
roit du premier coup d'œil, que tout
l'avantage eft pour le lupin , puif-
qu'il coûte très-peu , & que l'engrais
fe trouve à fa place, fur le champ
même , & diftribué également. On
objeétera que l'engrais animal fera
plus actif, & durera beaucoup plus.
Soit 1 Mais quel eft le particulier
alfez riche en engrais , pour fumer
tous fes champs , & fur-tout ceux qui
font éloignés de la métairie. U n'en
eft pas moins vrai que l'engrais du
lupin eft excellent, qu'il détruit les
mauvaifes herbes , tandis que les
fumiers les multiplient dans les
champs. Je ne connois aucune niante
dont la culture foit moins coûteufe,
ni plus avantageufe dans les pays
LUX
pauvres , Se même dans les bons
fonds , dès qu'on les laiffe en jachè-
res. Je prie ceux qui trouveronc ou-
tres les éloges que je donne aux
lupins , de ne les blâmer qu'après
avoir fait ufage de cette plante pen-
dant plufieurs annnées de fuite.
Propriétés médicinales. Lafemence
a une faveur amère & dcfagréable.
Réduite en farine, c'eft une des quatre
appeliées réfolutives. On s'en fert en
cataplafme pour faire mûrir les abcès.
Plufieurs auteurs lui ont attribué
beaucoup d'autres pcopriétcs ; mais
elles ne font pas encore aflez con-
firmées par l'expérience , pour y ajou-
ter foi,
LUXATION. MÉDECINE Vété-
rinaire. On appelle luxation , le
déplacement d'un ou de plufieurs os
mobiles , hors de leur cavité.
II y a des luxations complettes
& incomplectes. Elle eft complette ,
lorfque la furface d'un os eft tota-
lement féparée de celle d'un autre
os , fur lequel il porte en avant, en
arrière , ou fur les côtés. Elle eft
incomplette , lorfqu'il y a extenfion
de ligament , ou qu'un os fe porte
en -dehors de la cavité, ou s'écarte
du centre de l'os dont il eft voifin.
La luxation de la première efpèce a
rarement lieu dans les animaux , à
moins cju'il n'y .ùt une rupture de
figamenc,& quelquefois des tendons.
Les cauTes des luxations , font les
coups , les chûtes , les effcirts violens ,
les mouvemens extraordinaires , &c.
On connoît qu'il y a luxation dans
une partie , par b .Iculeur vive qui
fe fait fentir à l'anicubtion ; par
la àitïicuîté qu'a l'animal de mouvoir
la partie j par la tumeur qui paroît
LUZ ^ 335
à l'endroit où l'os s'efl: Jeté , & par
une dcprelîion à l'endruit où l'os s'eft
déplacé.
Manière d'y remédier. Si la luxa-
tion eft complette, la rédudion s"o-
père par l'extenfion , la contre-exten-
fion,&: laconduitedel'os en fa place j
ou applique enfuite fut la partie, des
comprelles imbibées d'eau -de -vie
camphrée , & on atfujettit l'appareil
avec un bandage , fait de manière
à contenir les os en fituation. Au
contraire , fi elle eft incomplette ,
il fuffit de la traiter fimplement par
les embrocations avec les aromatiques
& vulnéraires j tel que le vin aroma-
tique , la lie de vin , &c. Le repos
fur-tout , contribue à la guérifon de
cette dernière efpèce de luxation ^
qui arrive le plus fouvent aux articu-
lations du boulet , avec le paturon.
Il eft des cas où la luxation fe
trouve compliquée avec la fraûure ,
&: que l'inflammation, l'enflure, &
quelquefois l'hémorragie s'oppofent
à la rédu(5tion. Alors, le parti qu'il
yaà prendre, fi l'os eft fraduré loi»
de l'articulation , c'eft d'en tenter la
réduction ; mais fi la fraélure eft
près de l'articulation , il faut atten-
dre que les os foient fondés. On em-
ployé à cet effet les émoliens & les
réfolutifs ; on a attention de prévenir
l'endurciflement des ligamens , &
l'épanchement de l'humeur fynoviale
dans l'articulation j & quand le cal
fe trouve formé, ( / ^ye^:^ Calus )
on procède à la réduéVion. Elle fe
fait de la manière indiquée au mot
Fracture. ( Voye-{ Fracture )
M. T.
LUZERNE. ( Voyen^planche FUI,
pag. 193. ) Von Linné la clafle dans
la diadelphie décandrie , & la nomme
33<î LUZ
Medicagofativa: Tournefort la place
dans la quatrième fe6tion de la
dixième clalfe , deftinée aux herbes
à fleurs de pkilieiirs pièces irrégu-
lières, en papillon, qui portent trois
feuilles fur le même pétiole. Il l'ap-
pelle Medicago major ^ erecïior , Jïo-
ribus purpuras.
Fleurs. En papillon ^ compofée de
de cinq pétales. B reptéfente le fu-
périeur ou l'crendard. C les latéraux ,
ou aî'es , mais un feul eft deflîné ;
l'inférieur D, ou la carène, eft re-
préfenté ouvert. Les étamines E ,
réunies à la bafe de leur filet , un
feul excepté. Cette réunion , par la
bafe , forme une efpèce de membra-
ne , & en F elle eft repréfentée
ouverte. C'eft cette membrane qui
compofe le tube E. Le piftil eft fi-
guré en G ; le calice H eft divifé
en cinq dents égales & pointues.
Fruh. \. Légume contourné en
fpirale comme les lillons de la co-
quille d'un limaçon. Cette fpirale
s'ouvre en deux battans , fur toute
fa longueur, «Se dans fa parfaite ma-
turité iailfe échapper les femences K
qui font attachées à la nervure de
cette goulfe qui leur fert de placenta.
Feuilles. Trois à trois fur un pé-
tiol-e j les folioles ovales, ou en forme
de fer de lance; dentées à leur fom-
mer.
Racine. A. Blanche , ligneufe ,
profondément pivotante.
Port. Ti'^e d'un pied au moins
de h.iuteur , & fouvent de deux ,
faivant les faifons ; fans poil , lilTe,
droite ; les fteurs portées par des pé-
duncules , font difpofées en grappes
deux fois plus longues que les feuilles.
Les péduncules' font terminés par
un€let j 'leE''feliîlle's' font placées al-
LUZ
terr,ativement fur les tiges; elles cm
des ftipules au bas de la pétiole.
Lieu. Naturelle à l'Efpagne Se a
la France méridionale. La plante eft
vivace.
Von Linné compte huit efpèces
de luzerne , que je ne décrirai pas ,
à caufe de. leur peu de qualité rela-
tivement à celle dont on a parlé , ôc
parce qu'elle ne fait pas d'ailleurs
l'ornement des jardins. La luzerne
en arbre fait exception à cette lé-,
gle. Comme elle eft toujours verte &
fleurie pendant toute l'année, à l'ex-
ception du temps des gelées , fes
feuilles font toujours vertes , ôc on.
peut placer la plante far le devant
des bofquets. Elle eft originaire des
ifles de la Méditerranée, & dans nos'
provinces du nord elle demande l'o-
rangerie pendant l'hiver , ou du moins
de bons abris. Elle diftère de la pré-
cédente par fa tige en arbre , par (es
légumes en forme de croiifant. Von
Linné la nomme Medicago arborea.
Elle aime les terres qui ont beaucoup
de fond; mais pour l'ufage ordinaire ,
on doit préférer la luzerne.
§. \. Du fol qui convient à la luzerne".
Plufîeurs auteurs avancent qu'elle
réuflit dans toutes fortes de terreins.
Cette aftertion eft vraie quant à fa
généralité, & très-fauffe dans le par-
ticulier. J'ai dit très-fouvent dans le
cours de cet ouvrage , que l'on pouvoir
établir wnt règle fûre en agriculture,
quant à la nature du fol que deman-
dent les plantes , par la feule inf-
peélion de leurs racines. Celle de la
luzerne eft pivotante, peu fibreufé,
& plonge tant qu'elle trouve la terre
qui lui eft propre. 11 u'eft pas rare
L U Z
de trouver des luzeines dont la ra-
cine a fix & même jufqu'à dix pieds
de longueur. 11 eft clair , d'après ce
fait que je certifie , que cette plante
réullira mal dans un terrein pure-
ment caillouteux ou fiibloneux , dans
un terrein gras& argilleux, craieux,
ou entièrement plâtreux ; dans celui
où la couche de terre végétale de lix
à douze pouces d'épailleur , recou-
vrira un fonds de gravier ou d'argille,
&c. La racine alors ceile de pivoter,
& à la moindre fécherelfe elle fouf-
fre, languit & enfuite périt. Le point
eiïentiel elt de chercher une terre qui
ait beaucoup de tond.
La meilleure terre, fans contredit,
eft celle qui eft légère &: fubftancielle.
Les anciens dépôts formés par les
rivières , ont communément cette
qualité , parce qu'ils font remplis
i^humiis ou terre végétale , dilîoute ,
entraînée & dépofée par l'eau ^ les
fables gras , les terres tourbeufes vien-
nent enluite, & alkz généralement
tous les terreins lîtués au pied des
montagnes j parce qu'ils font fans
celFe enricliis par les terres qu'entraî-
nent les pluies.
De la qualité du fol dépend la
durée & la beauté de la luzerne.
Lorfc^ju'd lui convient , lorfque des
accidens particuliers , dont on par-
lera dans la fuite , ne la détruifent
pas , une luzerne dure , dans les
provinces méridionnales , depuis dix
jufqu'à vingt ans. Sa durée diminue
en raifun du fol , - S: fuivant fa
qualité, elle eft épuifée après quatre
ou cinq ans , & même moins. U
ne valoir pas la peine de la femer ,
à moins qu'on ne veuille alterner ,
{ Foye^ ce mot ) ou remettre un
champ fatigué par des récoltes fiic-
celîivcs de bled.
Tornç yî.
LU Z
337
§. IL Du choix de la graine & du
temps de la femer.
\, Du choix de la graine. On ne
cueille communément la graine que
fur de vieilles luzernes qu'on veut
détruire , & on la lailfe pour ainli
dire fécher fur pied, c'eft-à-dire
qu'on attend, pour la cueillir, l'ap-
proche des premiers froids. Dans les
provinces du midi , après avoir fait
la première coupe en avril ou en
mai, fuivant la faifon & le climat,
on ne la coupe plus, & la graine eft
mûre en oétobre ou en novembre.
Comme le légume qui contient la
graine, eft tourné en fpirale, & cjue
fes valvules s'ouvrent difficilement,
on n'eft pas ptefte pour le moment de
la récolte. Dans les provinces du nord,
on ne doit point couper la luzerne
pendant la dernière année, fi on dé-
lire que la femence acquierre une
parfaire marurité. Cette maturité eft
bien elTentielle j la graine qui n'eft
pas mûre , & qui n'a pas acquis uiie
couleur brune, ne lève pas, (Se fans
cette précaution la luzerne lève trop
clair, de ne garnit pas allez le champ.
Le délaut de la graine, récoltée fur
une luzernière à détiiiire , eft d'être
mêlée avec routes fortes de mauv.iifes
graines , & fur tout avec celles des
roquettes dans les provinces du midi,
& ailleurs avec celles des graminées
des prairies. On obvteroit à cet in-
convénient, fi on confervoit une place
à part dans le champ, & dans la partie
la mieux garnie de luzerne, parce que
les tiges, placées pres-à-près 5c très-"
feuillées , étouffent les mriuvaifes
herbes , Si les empêchent par con-
féquent de grainer : c'eft le feul
moyen d'avoir une graine nette &
Vv
3i8 L U Z
pure. La bonne graine eft laifante ,
brune & pefiinte.
Lorfqii'on juge que la plante eft
bien mûre, on la fauche par un temps
fec, on la lailfe expofée à l'ardeur du
foleilpendantplufieurs jours de fuite;
enfin elle eft portée fous un hangard
dans un lieu fec, afin d'être battue
pendant l'hiver par un temps fec.
J'ai dit que le légume s'ouvroic
diflScilement, &: que la femence avoit
beaucoup de peine à s'échapper ; il
faut donc ne pas fe lalfer de battre
avec les fléaux , d'enlever les gros
débris , de vanner fouvent, & de bat-
tre de nouveau ce qui vient d'être
vanné j en un mot, il faut de la pa-
tience pour féparer la graine , c'eft
pourquoi l'on choifira pour cette opé-
ration la faifon de l'hiver où l'on cft
le moins occupé. On doit bien ie
garder de porter au fumier les petits
débris, ils retiennent encote trop de
graines , & le fumier tranfporté fur
les champs, elles germeroient , &
donneroienteiifuite beaucoup de peine
à détruire.
Plufieurs auteurs avancent que la
graine cueillie depuis plus d'une an-
née ne lève pas ; cela leur eft peut-être
arrivé, puifqu'ils le dilent, mais je
réponds , qu'ayant fait arracher des mû-
riers dans une luzernière, &: n'avant
pas de graine fraîche , j'en hafardai une
de quatre ans, qui a très-bien réufîij
cependant , dans le doute S< pour
prendre le parti le plus fur, il vaut
mieux choifir de nouvelle graine , mais
dans le befoin ne pas négliger l'an-
cienne. Ne pourtoit-on pas attribuer
cette diverfité d'opinions aux effets de
la diverfîté des climats fur la plante ;
la luzerne eft indigène aux provinces
du midi du royaume , & exotique à
celles du nord, où on la naturalife
L U Z
de plus en plus, fi toutefois l'alTer-
tion des auteurs à cet égard eft vraie.
1 1. Du temps de la Jemer. Indi-
quer une époque fixe feroit induire
en erreur; elle dépend &: du climat,
& de la laifon. Dans les provinces
du midi il y a deux faifons, l'une
dans le courant de feptembre , &
l'autre à la fin de février, de mars,
& au plus tard, à moins que les cir-
conftances accidentelles ne s'y oppo-
fent, jufqu'au milieu d'avril. Les fe-
mailles faites en feptembre, gagnent
une année; dans la luivante on coupe
cette luzerne comme les autres; ilfauc
cependant obferver qu'elle fleurit plus
tard, & qu'ordinairement on a une
coupe de moins. Dans celles du nord ,
on doit femer dès qu'on ne craint
plus l'effet des gelées; c'eft le point
d'après lequel on doit fe conduire,
& lailfer de côté l'époque de la fête
de tel ou tel faint, ou bien ne l'ad-
mettre que comme une généralité
pour le canton. La longueur de l'hiver
de 1785a fingulièrement mis en dé-
faut cttte efpèce de calendrier. Une
gelée un peu fcrte détruit la luzerne
lorfqu'elle fort de terre. 11 fera pru-
dent de ne pas fe hâter de jouir, &
de ne fe permettre d'abord qu'une
feule coupe, afin de ne pas épuifer
la plante, & fur- tout pour que fon
ombre ait le temps de faire périr
les mauvaifes plantes.
A l'époque où l'on ne parloir en
France que de nouveaux lemoirs, de
nouvelles machines, totalement ou-
bliées aujourd'hui, leurs partifcns s'en
fervoient, & trouvoient admirable de
voir les tiges de luzerne bien alli-
gnées, peu ferrées , &c. , enfin de
les entretenir telles à l'aide d'une
charrue j ( Voye:^ ce mot ) nommée
cultivateur. Ces opérations font très»
L U Z
inutiles ; une fois que la luzerne a
pris pied dans un champ, qu'elle eft
bien fortie , elle ne demande pas
d'autre foin : à force de vouloir per-
fedtionner les cultures (Impies ôc bon-
nes, on multiplie les frais fans aug-
menter les produits dans la même pro-
portion. Ces mêmes cultivateurs re-
commandent encore de femer rrès-
clair, afin que de la racine il forte
un grand nombre de tiges ; fpécu-
lation encore inutile. Je recommande
au contraire de femer épais , parce
que toutes les graines ne germeront
pas , & parce que les plantes les
plus fortes détruiront peu - à - peu
les pieds les plus foibles , &. qui les
incommodent. C'eft un point de fait
que j'ai fans ceffe (ous les yeux ; il
faut convenir cependant que le trop
d'épailTeur , fuppofé égal , nuit au
. champ entier.
Je crois , mais je ne l'ai pas ef-
fuyé , qu'on pourroit femer la luzerne
comme les creffles fur les bleds ,
C yoyei ce mot ) «Se fur- tout au mo-
ment que la neige commence .1 fon-
cïre, parce qu'alors l'eau enterreroit
la graine, lln'eftpas poflible d'évaluer
au jufte la quantité de graine confi-
dérée par le poids , relativement à
une furface de terrein donnée ; cette
quantité dépend de la nature du fol
éc de l'époque des femaïUes. On doit
femer plus dru en feprembre ou en
od:obre qu'au renouvellement de la
chaleur. A la première époque la
graine a à redouter les fourmis, les
oifeaux, les pluies trop abondantes,
les eaux ftagnantes pendant l'hiver j
au renouvellement de la chaleur ,
elle eft fujerte à moins d'accidens. On
peut cependant dire que fur une fu-
perficie de quatrecent toifes quavrées ,
on doit femer un peu plus de la fei-
L U Z
359
zième pattie d'un quintal de graine,
poids de marc, & au plus la dou-
zième , parce que la femence eft très-
menue & garnit beaucoup. Si on peut
fe procurer une graine bonne & bien
choifie , d'une province un peu éloi-
gnée , la plante gagnera par le chan-
gement de climat j H des cbrtacles
s'oppofent à l'échange, celle du pays
fuftira. On a été longtemps perfuadé
dans le noid qu'on devoir abfolument
frire venir la graine des provinces dtl
midi, iS: on avoir raifon alors, parce
que la plante n'éroit pas encore aifez
acclimatée , mais aujourd'hui ces
longs rranfports , quoiqu'utiles, ne
font plus indifpenfables j je ctois
même qu'il y aurait dans ce moment
plus d'avantage de tiier la graine du
nord, &i de la femer au midi, parce
qu'ici elle n'a jamais été renouvellée.
Je le répète, l'éihange eft avanta-
geux pour la luzerne, mais pas auilî
elTentiel que pour le froment, &:c,
§. III. Des préparations que la terre
demande avant d'être emftmencée ^
& de la manière de femer.
A quelqu'époque que l'on feme,
la terre doit être extrêmement di-
vifée, puifque toute graine enfouie
fous une motte ne germe pas ; dès
lors on fent la néccilité de divifer
la terre par de fréquens labours
multipliés coup - fur - coup. Si on
herfe après chaque labour , l'opéra-
tion fera moins longue. Il eft donc
difficile de prefcrire le nombre des
labours nécelfaires , il dépend de la
qualité de la terre, dont le grain eft
plus ou moins tenace , <!^' dont les
molécules font plus ou moins faciles
à être divifées.
Vv t
J4o L U Z
La forme de la racine indique la
nécellité abfoîiie où l'on eft de donner
les labours les plus profonds j ici on
jie doit épargner ni temps ni peine,
& mettre plutôt deux, ou trois paires
de bœufs à la charrue , que de la-
bourer avec un feul. La durée Ôc
la bonté d'une luzernière dépend ,
en grande partie , de fes fuccès
dans la première année ; fi la graine
germe mal , fi elle eft femce trop
clair , la mauvaife herbe prend le
deiïus. Si on n'eft pas dans la cou-
rume de fe fervir de fortes charrues,
il convient alors de faire pafler les
peritcs deux fois dans le même fillon,
au moins pour les deux premiers la-
bours croifés d- de défoncemenr.
Si on feme après l'hiver, on a le
temps néceffaire à la préparation du
fol; deux labours donnés avant l'hi-
ver facilireront beaucoup la fouille
profonde de la terre par la charrue,
d'ailleurs la terre fera bien émiettée
par les gelées : l'hiver eft un excellent
laboureur.
Lorfque la terre eft bien divifée
& prête à recevoir la fcmence, il eft
bon , fi les filions font un peu pro-
fonds , de faire pafter la herfe & de
femer enfuire. Sur le femis, on p-^lfe
aulîitôt la herfe , foit du côté des
dents en terre, foit du côté du plat,
^- ainfi tour-à-tour, afin que la graine
foit enterrée , mais pas trop profon-
dément. Il eft bon encore d'arracher
derrière ta herfe des fagots d'épine,
chargés de quelques pierres ou de
pièces de bois, ils régaleront la terre,
&: contribueront à mieux enfouir la
femence : cette pratique n'eft pas à
négliger. En général , le point ef-
fentiel eft de bien divifer la rerre,
de la divifer profondément , de ne
pas trop enfouir la graine & de la
L U Z
bien recouvrir; fi après les femailîes
il furvient une pluie chaude, chaque
graine germera, & on ne tardera pas
à voir les plantes pulluler de toute
paits.
§. IV. Des foins que demande la.
iu^erne après avoir étéfcmée.
Lorfque le fond de terre lui con-
vient, lorfqu'elle a été bien femée,
enfin lorfqu'elle a bien germé, elle
n'exige aucuns foins. Certe affertion
ne s'accorde pas avec celle des au-
teurs qui prefcrivent , comme une
condition nécelTaire à la réuflîte , de
farder le champ de routes les maii-
vaifes herbes , Se autant de fois
qu'elles reparoiftent : préc.iution inu-
tile, dépenfe fupeiflue, toutes les fois
que la luzerne n'a pas été trop claire.
Dans ce cas, qui dépend ou de la
mauvaife qualiré Je la graine, ou de
la faute du femeur, ou de l'effet de
la faifon , il vaut mieux faucher les
mauvaifes herbes, les laifler pourrir
fur le champ, & refemerdenouveauà
l'époque convenable au climar. Dans
les p.iys où les chaleurs fonr modé-
rées , «Se où l'on eft fur de la pluie
en été, on peut elTayer de refemer
jufqu'à la fin du moij, d'août; mais
cette relfource eft interdite dans les
provinces du midi dans les mois de
juillet & d'.aoûr , la fécherclfe & la
chaleur y mettent obftacle.
A peine eus-je choifi le Langue-
doc pour le lieu de ma rerraite, que
je fii femer de la luzerne , & , plein
des écrits que j'avois lus autrefois, &
des prariques que je connoilfois , je fis
farder rigoureufemenr une partie d'un
champ que je venois de convertir en
luzerne. Les paylans plaifantoient en-
tr'eux de ma follicitude; je leur en
L U Z
demandai la raifon : la luzerne, me
diient-ils , en fai: plus que vous ,
lailfez-la faire , elle tuera les mau-
vaifes herbes fans votre feconrs. Pour
cette fois ils eurent raifon : la partie
du champ qui n'avoit pas été fardée,
fut, l'année fuivante, auiïi belle que
celle qui l'avoir été. Depuis ce temps-
là je n'ai pas eu la fantaihe de facri-
fier de l'argent en pure perce.
On ne manquera pas d'objeéterque
les luzernes périlTent à la longue ,
parce que les mauvaifes herbes ou
les plantes graminées les gagnent j
je réponds que ces plantes graminées,
&c. &c. ne végètent que dans les
places où les pieds font déjà morrs ,
& que rant que les pieds confervent
de la vigueur, ils fe détendent contre
les mauvaifes herbes , fur-tout s'ils font
encore allez rapprochés les ims des
autres. Un feul coup d'œil jeté fur
une luzetnerie dans fes diftérens états,
prouvera plus que tout ce que je
pourrois dire.
Le grand deftruéteur & le plus
terrible pour la luzerne, avant que
l'âge la dégrade , c'eft le ver du han-
ntton ( Foye\ ce mot & planche
XXni , page 6yS du Tome FI y
lettre D , fig. 6 ) ainfi que celui de
l'infedte nommé moine ou rhinocéros ;
c'eft le Scarabaus Rhinocéros. Lin.
J'avois chargé le graveur de le re-
préfenter dans la même planche que
celle du hanneton , & il l'a oublié. U
cft aifé de reconnoîrre ce fcarabé , plus
gros que le hanneton, à une corne
unique qu'il porte fur la tète , & qui
l'a fait nommer Rhinocéros; fon cor-
felet n'eft pas moins fmgulier &z ir-
régulierj il s'élève fur le derrière, ôc
forme une éminence tranfverfe , à.
trois angles , & qui relfemble à une
efpèce de capuchon , d'où on lui
L U Z 341
a donné le nom de moine ; cette
éminence el^ bien moins conddérable
dans la femelle , qui n'a point non
plus decorne fur la tête. Tout le corps
de l'animal eft d'un brun châtain, fes
étuis font lilles, & fon ventre eft un
peu velu j on le trouve en grande
quantité dans les couches, dans les
jardins potagers & dans les bois
pourris j fa larve reflemble entière-
ment à celle du hanneton. Telle eil:
la defcription que M. GeofFroi donne
de cet infeéle.
J'ignore fi fa larve ou ver demeure
aulîi longtemps en terre, avant de
paffer à l'état de cryfalide, que celle
du hanneton ; je le croirois cepen-
dant, parce que j'en ai trouvé, à la
m.cme époque, de grolleur très-dif-
patate, pour parvenir dans la même
année au même volume j je trouve
que fa larve diffère de celle du han-
neton , non par la forme , mais un
peu par la couleur. Celle du rhino-
céros eft d'un gris bien plus foncé,
& les petits points placés lur les côtés
des anneaux , d'une couleur alTez
noire. Quoi qu'il en foit de ces dit-
férences, peut-être accidentelles , il
n'ell pas moins vrai que les larves
de ces deux infeéïes parviennent en
peu d'années à détruire une luzer-.
nière , fur-tout fi elles font mul-
tipliées.
J'ai fuivlde près la marche de ces
vers deftructeurs , & j'ai toujours
obfervé que le hanneton, dans fon
état d'infeéle parfait , choifiiïbit ,
lorfqu'il vouloir s'enterrer pour dé-
pofer fes œufs , l'endroit qui étoic
recouvert par l'excrément des bœufs,
ou des chevaux , ou des mules , donc
on s'étoit fervi pour enlever la lu-
zerne du champ. Ces excrémens en
malfe empêchent l'évaporation de
34^ L U Z
riiuinidicé de la terre, Ini confervent
fa fraîcheur , & la rendent moins dif-
ficile à être pénétiée pat l'inlcite :
c'eft ce qui fe palfe dans les provinces
du midi j la terre y eft quelquefois fi
dure, fi fcvhe à fa fuperhcie , que
rinfede eft obligé de recourir à ce
petit , mais ingénieux ftratagême. Je
ne penfe pas qu'il en foit ainfi dans
les provinces du nord, plus favorifées
par les pluies, la terie y eft par con-
féquent plus perméable à l'animal;
cependant au befoin le même inftinâ:
doit le conduire.
Ce fait paroîtra peut-être extraor-
dinaire, mais je m'en fuis convaincu
d'une manière fi pofitive, que je ne
puis aujourd'hui le révoquer en doute :
voici ce qui a donné lieu à cette vé-
rification. Une boufe de bœuf, après
s'être defféchée au foleil , étoit fou-
levée dans toutes fes parties par la
nouvelle luzerne qui repoulToit par-
delfous j d'un coup de pied je jetai
au loin cette croûte : je vis , à la place
qu'elle occupoit auparavant, la terre
beaucoup plus humide que dans les
environs , & elle étoit ctiblée de
trous ronds. Je crus d'abord qu'ils
avoient été faits par le fcarabé jayet ,
Scdrab&us totus nsger capite ïnermï ,
le fcarabé gris, fcarab&us pillularïus ,
enfin par les ditférens infectes nom-
més houfters j & copris en latin ,
qui vivent fur les boufes. Je retour-
nai au logis fans y faire plus d'atten-
tion, parce que mon efprit étoit pré-
venu d'une idée naturelle; mais che-
min faifant la largeur de l'orifice des
trous me frappa, & me fit naître
des doutes. Le hanneton ne pouvoit
pas palTer par des trous ouverrs par
les autres fcarabés , dont on vient de
parler ; ils auroient été plus larges
s'ils euflfent été l'ouvrage des cigales
L U Z
au moment qu'elles s'enterrent. Dans
cette incertitude , je pris le parti
de revenir lur mes pas, de fane ou-
vrir la terre, & après l'avoir enlevée
à huit à dix pou.es de profondeur,
je trouvai les hannetons , mais non
pas en nombre égal à celui des trous
que j'avois vus ; les autres avoient
déjà pénétré au- deflous delà fouille
que j avois faite. Quelque temps
après j'eus occafion de faire encore la
même opération, & au lieu de han-
netons, je trouvai le fcarabé rhino-
céros. Ces deux places furent anlfitôt
marquées , chacune par un piquet
fiché en terre, prefque jufqu'à foa
fommet, afin qu'il ne pût être en-
levé.
J'étois fort content de mon obfer-
vation, & que l'on juge de mon éton-
nement , loifque , l'année Suivante,
je ne vis aucune trace des dégâts
caufés par les larves de ces inftdlesj
mais il ntn fut pas ainfi à la féconde
année, parce que leurs vers ou larves
n'éroient pas alfez forts pendant la pre-
mière année pour attaquer les racines
pivotantes de la luzerne. A la féconde
année je vis des pieds de luzerne bien
verds la veille , fe flérrir le lendemain,
& être deiféchés trois ou quarre jours
après; alors, faififfant ces tiges avec
la main , je les arrachai fans peine
de terre, ainfi que la partie fupérieure
de leurs racines qui étoit cernée ,
rongée & coupée. Je ne doutai plus
que ce ravage ne dut ctre attribue au
hanneton &: au rhinocéros , & une
fouille m'en convainquit auffitôt. U
feroit trop long de décrire mes re-
cherches poftérieures, mais en voici
le réfultat :
Ces vers ou larves marchent tou-
jours entre deux terres fur une ligne
circulaire, & forment à la longue ce
L U Z
que l'on appelle des tonfures y ou ef-
paces vides de luzerne, & donc peu-
à-peu l'herbe s'empare. Le ver com-
mence par le premier pied qu'il ren-
contre , pafTe au lecond , &c vient
enfuice au plus voifin du premier ,
& peu- à-peu il établie la galerie , &
ainfi de fuite; on diroit que la place
qu'il a dévorée a été rracée avec la
faulx. Si dans cette efpèce de cercle
on voit des crochets, des proéminen-
ces , c'eft que plulîeurs vers rravail-
lent en même temps fur ditîérentes
lignes , & quelquefois deux tonfures
fe joignent, & ne font féparées que
par une feule rangée de pieds de lu-
zerne ; fouvenc même, dans le mi-
lieu de ces tonfures, il refte deux à
quatre plantes qui ont été épargnées.
Le dégât continue jufqu'à ce que
la larve devienne infeéle parfait, c'eft-
à-dire hanneton. Dans cet état il fort
de terre pour s'accoupler, & s'enterrer
enfuite. ( Cûnfuke\ le mot Han-
neton ) Ce qui m'a fait prélumer
que le rhinocéros reftoit auflî long-
temps dans fon état de larve que le
hanneton, c'eft que fes excurfions &
fes dégâts duroient autant d'années.
Les tonfures ne font plus agrandies
lorfque l'infeéteeft devenu hanneton.
Si dans cet intervalle d'autres hanne-
tons fe font enterrés dans leur voi-
finage, on peut s'attendre à de nou-
veaux dégâts, & qui dureront autant
que les premiers , &c ainfi de fuite.
La fource du mal eft connue , com-
ment la tarir?
J'ai toujours obfervé que les lu-
zernières, placées près des bois, près
des arbres, & des peupliers fur- tout,
étoient plus endommagées que les au-
tres ; la raifon en eft lîmple : ces ar-
bres fervent de retraite aux hannetons ,
lors de leur fortie de terre , ils fe nour-
L U Z
343
riftent de leurs feuilles , ils y font à
couvert de l'ardeur du foleil ; raftem-
blés pour ainfi dire en famille , ils y
trouvent fans peine leurs compagnes,
& l'époque de s'en terrer étant une fois
venue, ils trouvent dans le voillnaee
de quoi remplir le but de leur con-
iervation & de leur reprodudion.
De la théorie, pafTons à la pratique.
I ". Faire enlever avec foin de def-
fus le fol de la luzernière, tout le
crotin de cheval, d'àne , de mulet,
&c. , & toutes les boufes de vaches
& de bœufs; ces excrémens y fonc
fur -tout multipliés lorfqu'on y met
ces animaux pendant l'hiver. Faire
emporter également ces excrémens
lorfqu'après les coupes on voiture la
luzerne. Ceux-ci font encore plus
dangereux que les premiers , puifqu'ils
confervent l'humidité de la terre qu'ils
recouvrent , à l'époque affez ordinaire
où le hanneton s'enterre.
z°. Auftitôt qu'on s'apperçoit qu'un
pied de luzerne fèche , il faut faire
ouvrir une tranchée tout autour , y
découvrir la larve & la tuer. Le
maître vigilant ne s'en rapportera
qu'à lui - même pour la vilite de
fa luzernière, & il ne quittera l'o-
pération que lorfqu'elle fsra com-
plettement finie ; il fera très - bien
encore d'avoir avec lui un petit fac
rempli de graine de luzerne , & il
en répandra fur la terre nouvellement
remuée , & la fera enterrer , n'im-
porte à quelle époque du printemps
ou de l'été qu'il fe trouve ;. le pire
c'eft de perdre un peu de graine.
Cette première vifite faite, il doit la
recommencer fouvent, & ne pas fe
laffer; ce petit travail confervera fa
luzernière : cependant ces femis par-
tiels feront peu utiles fi la luzernière
eft vieille , parce que l'intérieur du
344
L U Z
loi eft rempli de racines qui ont ab-
forbé \ humus ou terre végérale , &
les racines des nouvelles plantes ne
trouveroient pas de quoi s'y nourrir :
dans ce cas, on agira ainfi qu'il fera
dit ci-après.
§. V. Des différentes récoltes
de la lu\erne.
Si on en croit l'alTertion de M.
Hall , Anglois , & d'ailleurs auteur
d'un grand mérite, les provinces mé-
ridionales de France ont l'avantaiie
de faire jufqu'à fept coupes par an ;
jnalheureufement pour elles il n'en
eft rien, quelques avantageufes que
foient les laifons , même quand on
auroit les élémens à fa difpofition ,
& l'eau nécelfaire pour arrofer le
champ à volonté. Si on coupe la plante
avant qu'elle foit en pleine fleur, on
n'obtient qu'une herbe aqueufe, de
peu de confiftance , & qui perd les
trois quarts de fon poids par la def-
ficationj elle eft en outre peu nour-
rilfante. En fuppofant que la pre-
mière coupe foit faite du commen-
cement au milieu d'avril , ce qui eft
le plutôt, eft-il poflible de concevoir
que la luzerne air eu le temps de fleu-
rir fept fois avant les premiers froids?
Il eft rare qu'on puifle faire plus de
cinq coupes. L'ordinaire , dans les pro-
vinces dont parle M. Hall, eft quatre
coupes j fi la faifon a été favorable ,
c'eft une belle & très-riche produc-
tion. Aucun champ ne rend numé-
riquement autant qu'une bonne lu-
zernière , c'cft un revenu clair & net
pendant dix ans , qui ne demande
aucune culture , aucune avance, ex-
cepté cellede bien préparer le champ,
l'achat de la graine, & la paye des
coupeurs. Quatre cent coifes quarrées
L U Z
de fuperficie font communément af-
fermées , dans le pays que j'habite,
de cinquante & foizante livres par
année. Heureux le propriétaire qui a
beaucoup de champs propres à la
luzerne.
Beaucoup d'auteurs prétendent ,
ainfi qu'il a été déjà dit, que la lu-
zerne vient pai-tout ; fi cette alTertion
ctoit aufli vraie qu'elle eft fai.lle, une
grande partie de la Provence &: du
Languedoc feroit couverte de lu-
zerne, puifque les prairies naturelles
y lont rares par le manque prefque
abfolu d'irrigation; mais l'expérience
a prouvé , de la manière la plus tran-
chante , que dans ces provmces fur-
tout, la luzerne demande un terrein
qui ait beaucoup de fond , qui ne
foit pas argilleux , & que le grain
de terre ne loit ni trop tenace ni
trop fablonneux.
Si dans tout le courant de l'an-
née on a la commodité d'arrofer les
luzernières , les plantes s'élèveront
fort haut, feront très -aqueufes, &
ne donneront qu'un fourrage de bien
médiocre qualiré j il vaudroit beau-
coup mieux convertir ce champ en
prairie naturelle , le foin en feroit
meilleur.
Dans les champs trop fablon-
neux, ou qui n'ont pas aflez de fonds,
la luzerne fouifre beaucoup de la
chaleur &: de la féchereffe de l'été,
mais s'il furvient une pluie , elle
regagne en quelque forte le temps
perdu ; l'humidité développe bien
vite une végétation qui étoit con-
centrée.
Dans les provinces du centre du
royaume, on fait trois coupes dans les
années ordinaires, & quatre dans les
années les plus favorables \ deux à trois ,
au plus , dans les provinces du nord.
Règle
L U Z
Règle générale , on ne doit fau-
cher que lorfqiie la plante eft en
pîeine fleur. Avant cette époque la
plante eft trop aqueufe, & fes fucs
mal élaborés. Cette époque palTée , elle
devient trop icche & trop iigneufe.
11 en eft de lafauchaifon des luzer-
nes, à-peu-près comme de celle des
foins. On la donne à prix fait, ou on
fait le prix à journées. Ce dernier
parti eft bien plus difpendieuxj mais
le travail en vaut mieux. Les ouvriers
à prix tait n'ont d'autte but que de
vite gagner leut argent ; alors , pour
expédier le travail , ils coupent trop
haut. Se laillent des chicorsqui nui-
fent ed'entiellement au collet de la
racine, par où doivent fortir les nou-
velles ticres. Le collet de la racine eft
recouvert de mammelons qui devien-
nent fuceflîvement des yeux & enfuite
des bourgeons. I es chicots fe delfé-
chent, 8c font périr les mammelons
qui les environnent; c'eft pourquoi il
eft delà plus grande importance, lorf-
qu'on a femé la graine , de faire ré-
galer exactement la fapetficie de la lu-
zernière , de n'y pas lailTer parcourir
le gros bétail après la dernière coupe
ôc pendant l'hiver , lorfque la terre
eft trop humide ; le fommet de la
racine , ou la tête de la plante cède
à la pefanteutjà la preflion de leurs
corps , & leurs pieds les enfonifl~ent
avec la terre qu'ils compriment. On
fent bien que la faulx palTant fur
ces petites foffes, ne peut aller cher-
cher le collet des tiges , & qu'ainfi
il doit refter beaucoup de chicots, &
que la luzernière doit en fouffrir. Si
ces foffes font très- mulripliées , il
convient, à la fin de l'hiver, de faire
paflTer plufieurs fois confécutives , la
herfe à dent de fer , fur le champ,
afin de les combler, & encore de la-
Tome FI.
L U Z 345
bourer légèrement la fupeificie, Se de
herler enfuite. Ce petit travail a bien
fon mérite , & la beauté de la luzerne
dédommage amplement , dans la pre-
mière coupe, des frais de labourage.
Si la faifon le permet , fi on a à fa
difpofition le nombre de faucheuis
convenable, les charrettes & les ani-
maux néceftaires , il faut ciioilir un
bon venr du nord , un jour clair Se
ferein , enfin , un temps alfuré , & fe
hâter de couper pour en profiter. Il
vaut mieux payer quelques fols de
plus par journées, ou par prix fait ,
afin d'être fervi ieftement. La luzerne
coupée & mouillée par les pluies ,
perd , en grande partie , ou totale-
ment fa couleur verte , fur-tout , s'il
y a eu des alternatives de pluies &
de foleil ; elle perd alors réellement
en qualité intrinsèque j &c plus en-
core en valeur aux yeux de l'acheteur.
En admettant qu'elle ait été cou-
pée dans les circonftances les plus
favorables , & qu'elle paroilfe bien
fèche, on ne doit jamais la lever de
delfus le champ, pour la mettre fur
la charrette & l'enfermer , qu'après
que le foleil aura, pendanr quelques
heures , diflîpé la rofée. Si la chaleur
eft trop vive , Se la luzerne trop fèche ,
on court le rifque de lailfer fur le
champ une grande partie de fes feuil-
les, & de n'emporter que des tiges;
cependanr labontédece fourrage tient
beaucoup à fes feuilles. Ainfi, autant
que les circonftances pourront le per-
mettre , on ne doit pas manier ou
botteler la luzerne dans le milieu du
jour, fur- tout pendant les grandes
chaleurs de l'été. Cette exception efl:
plus ou moins effentielle, &: relative
au climat que l'on habite.
Un autre point , non moins ef-
fentiel , & qui entraîne après lui
34<J L U Z
les effets les plus fâcheux , c'eft de
ne jamais fermer dans le fénil la luzer-
ne qui n'eft pas bien fèche. Elle fo-
menre , s'échauffe , prend feu , & bien-
tô: l'incendie devient général.
La luzerne qui a fermenté , qui efl
échauffée, devient une très-mauvaife
nourriture. Elle perd fa couleur verte
ou paille , fuivant les circonftances
qui ont fuivi fa déification j elle prend
alors une couleur plus ou moins
brune , proportionnée au degré d'al-
tération qu'elle a éprouvé. Lorfque
l'altération efl parvenue à un certain
point , il eft prudent , fi on ne veut
pas perdre fon bétail , de ne l'em-
ployer que pour la litiète.
Je n'entre ici dans aucun détail fur
les moyens d'accélérer fa deflîcation
fur le champ , de conferver fa cou-
leur. Lifez l'article Foin où ces
moyens font décrits.
II faut obferver que la première
coupe eft la moins bonne de toutes ,
parce que la luzerne eft mêlée avec
beaucoup d'autres plantes qui ont
végété avec elle. La féconde coupe
eft la meilleure; la ttoifième eft or-
dinairement encore très-bonne \ les
fucs de la plante, dans la quatrième,
font appauvris , & la luzerne elle-
même fe relfent de (es végétations
précédentes.
§. VI. Des moyens Je rajeunir
une lutiernière.
Le temps & les infectes font les
deftruCteurs de la luzerne. Avec de
petites attentions , on prévient , ou
on arrête les dégâts caufés par les
animaux ; mais tout cède & doit
céder à la loi impérieufe du temps.
Il ne refte donc aucune reflburce
contre la dégradation caufce par fa
L U Z
vétufté ; mais on peut retarder cette
époque par àitïérens engrais.
Le premier , qui leroic le plus
prompt , le plus commode . & nul-
lement difpendieux, feroit de faire
parquer les moutons fur la luzernière
aulfuôt après que la dernière coupe
eft levée , & même pendant une
partie de l'hiver.
Cette affertion paroîtra ridicule à
un très-grand nombre de leéteurs ,
puifqu'aux époques indiquées , ils
ont grand foin de renfermer les trou-
peaux dans des bergeries rigoureu-
fement fermées & calfeutrées; afin
d'intetdire toute communication en-
tre l'air extérieur, & l'air étouffé,
&L prefque méphitique du dedans.
Confultezles mots BtRCERiE, Laine.
11 fe prépare une heureufe révolution
en France , & nous la devons au
zèle & aux lumières de M. d'Auben-
ton , qui a démontré , par une ex-
périence de quatorze années , dans
l'endroit le plus froid de la Bour-
gogne , que les troupeaux y peuvenc
palTer toute l'année en plein air ,
même pendanr les pluies, la neige
& les froids. Les bergers , inftruiis
à fon école , &: qui retourneront dans
leurs provinces , prouveront le faic
par leur exemple , & cet exemple
prouvera plus démonftrativement que
le livre le mieux écrit & le mieux
raifonné. Aux expériences de M.
d'Aubenron , on peut ajouter celles
de M. Quatremere-Disjonval , fur des
troupeaux nombreux, tirés de la So-
logne, accoutumés à être renfermés,
& qui tout-à-coup ont paffé, en plein
air, les hivers de 1784 & 1785. Il
ne peut donc plus exifter aucun doute
fur la pofTibilicé du paccage habituel.
Peu- à- peu la vérité percera , &C
l'intérêt particulier des propriétaires
L U Z
les forcera à la reconnoîcre. D'après
les faits cités , & depuis un temps
immémorial, confirmés par l'exemple
des troupeaux auglois & efpagiiols ,
qui n'entrent jamais dans la berge-
rie que pour y être tondus , je per-
fjûe à dire que le paccage eft le
moyen le plus fur & le plus écono-
mique , quand on veut ranimer les
forces d'une luzerne, & j'ajoute qu'on
doit faire parquer à l'entrée de l'hi-
ver , afin que les pluies ou les neiges
de cette lailon , aient le temps de
délayer les crotinî du mouton , &
de pénétrer, chargés de leurs princi-
pes , jufqu'à une certaine profondeur
du fol.
On objedera que pendant l'hiver,
les troupeaux font fréquemment con-
duits fur la luzernière , & qu'ils l'en-
grailfent. Cela eft vrai jufqu'à un
certain point. Mais, quelle diffé-
rence n'y a-t-il pas entre la fomme
des urines & des crotins d'un trou-
peau qui a parqué pendant plufieurs
nuits de fuite à la même place, &
celle d'un ttoupeau qui y paffe rapi-
dement , afin de chercher fa nour-
riture ? Perfonne de bon fens ne
peut mettre en problème , laquelle
des deux manières eft la plus avan-
tageufe.
M. Meyer propofa , en lytîS , le
gyps , ou plâtre , pour rajeunir les
luzernes , & fit part à la Société éco-
nomique de Berne , de diverfes ex-
périences qu'il avoir faites dans les
années précédentes. M. Kirchberguer
les a répétées avec foin j & en voici
le réfultat fommaire.
1°. Il eft démontré par ces expé-
riences j qu'une mefure de gyps cal-
ciné , égale à celle de l'avoine , fuftit
pour la fuperficie de terre que la me-
fure d'avoine doit enfemencer.
L U Z
347
i". Que le gyps réuflit mieux fur
hs bonnes terres en luzernière, que
fur celles dont le fol eft maigre Se
fabloneux.
î". Qu'il produit un plus grand
effet à la première qu'à la féconde
année.
4°. Qu'il eft moins aftif dans ut»
terrein humide, & qu'il l'eft davan-
tage fur un fol fec.
5°. Si on répand le plâtre auflitôt
après l'hiver , la première coupe fe
reffent de cet engrais. Si on attend
après cette coupe pour le femer , 1»
féconde en profite.
Je conviens , d'après ma propre
expérience , que le plâtre eft très-
avantageux fur les luzernières qui com-
mencent à dépérir; qu'il favorife fin-
gulièrement la végétation du grand
treffie (f^oyei ce mot ) -, qu'il eft très-
• utile fur les prairies chargées de
mouffe ; mais peut-on employer le
plâtredans tous les climats , & feroit-
il auffi avantageux ? La folution de
ce problême tient à deux objets. An
prix du plâtre, Se à la manière d'être
de l'atmofphcre dans le pays que l'on
habite.
L'engrais du plâtre eft moralement
impoffible à être employé dans plus
de la moitié du royaume, à caufe de
fon trop haut prix ; mais par-tout où
il eft commun & à bon compte , on
fera très-bien de s'en fervir. Cepen-
dant j'eftime que la chaux éteinte à
l'air , & réduite ainfi en pouiïière ,
inériteroit la préférence , & feroir
bien fupérieure au plâtre. L'une &
l'autre de ces fubftances n'agiffent
que par leurs fels , & l'alkali de I*
chaux eft en plus grande quantité ,
de plus développé que celui du plâtre;
dès-lors la conibinaifon fwonneufe,
X x i
3 4^
1 u z
qui réunit & nffimile les parties conf-
tituantes des plantes , eft plutôt &
mieux faite. Lifez le dernier chapitre
du mot Culture , les articles Amen-
dement & Chaux. Veut on encore
que la grande atténuation de ces
deux lubftancesferve mécaniquement
d'engrais , en procurant une plus
grande divifion entre les molécules
»'u fol? Soit! Mais la chaux éteinte
à l'air , eft bien plus divifce , ik ré-
duite en pouflicre plus hne que ne
fera jainais le plâtre le mieux battu
ou' le mieux pulvérifé par le mou-
lin. Ainli , la chaux mérite la pré-
férence , fur- tout lorfqu'elle cil à
bas-prix, (Se on fe fervira du plâtre,
s'il eft beaucoup moins cher que la
chaux.
Dans les provinces maritimes ilu
royaume, l'engrais du plâtre ou de
la chaux y fera de peu d'utilité , &
même nuilible , à mekire qu'on s'ap-
proche de la mer , parce que la terre
ne manque pas de lt\ , mais bien
plutôt de fublb.nccs E^raitleufes &
huileufes ; & lorfque le fel fura-
bonde , la plante fouffre , à moins que
de fréquentes pluies ne l'euttaînent.
Ces pluies font exceflivement rares
au printemps & en été dans les pro-
vinces du midi. D'après ce fimple ex-
pofé , il eft clair que fi on veut y faire
ufirge du plâtre ou de la chaux, on
doit les répandre avant l'hiver, &: à
dîlfcrentes époques de l'hiver, à ms-
iure qu'on s'éloigne de la mer. Enfin ,
l'avantage de ces deux engrais aug-
mente à mefure qu'oii s'approche
du nord. Dans tous les climats du
royaume , je préfère le paccage du
rvonpeai': fur la hizemière pendant
l'hiver. Quand oiivrira-t-on les yeux
fur un fait aulli important, aulîi pea
CQÛceux , & il utile pour la pertec-
L U Z
rion des laines & la faute d^s trou-
peaux ?
Quelques auteurs ont ptopofé de
tran(planter les luzernes, au lieu de
les femer , & M. de Châteauvieux ,
fort pattifan de cette méthode, con-
feille d'en couper le pivot , afin de
forcer la plante à poufier des racines
latérales. Je fuis très-mortifié de ne
pas erre de l'avis de cet agriculteur,
& de plufieurs auteurs qui ont ré-
pété la même chofe d'après lui. Je
ne crains pas de le dire , c'eft ouver-
tement contrarier la loi naturelle de
la plante, dont la force de la vé-
gétation tient à fon pivot j la lu-
zerne ne réullit jamais mieux qus
lorfqu'elle peut enfoncer profondé-
ment ce pivot ; & cette plante ne
tire il fubdftance que par lui, fans
lui elle deirécheroit fur pied dans
les provinces méridionales. Je ne
crois pas que dans I&s provinces da
nord, la plante qui a fubi cette opé-
ration , doive fabiifter en bon état
pendaut plalieurs années. Les travaux
de l'agronome ont pour but d'aider
les eftorts de la nature , & de ne la
jam^iis contrarier. Si ce pivot , énor-
me par fa longueur dans le fol qivi
lui convient, étoit fuperflu à la plan-
te 5 la nature ii'auroit pas été ii:uti-
lement prodigue en fa faveur. Je l'ai
déjà dit , &: je le répéterai fouvenr ,
l'infpeélion feule des racines d'une
plante , décide l'homme inftruit fur
la culture qu'elle exige. Cette théo-
rie ne porte pas fur des données ,
fur des problèmes , mais fur une loi
immuable. Ayons des yeux, &: fçar-
chcHis voir !
Le même auteur atouce aue le re-
plantement des luzernes n'eft pas plus
difpendieux que la deftruAion des
pieds furnuméra.ires qui ont été femés.
I u z
à la volce. lime paroît difficile dV tablir
la parité dans les dcpenfes j d'ailleurs
la dcpenfe de i'exrracflicn des pieds
funuiméraires eft iinitile , parce que
petit-à-petic le pied le plus fort affame
Ôc fait périr le plus foible , & à la
longue il ne refte que les pieds qui
pcuvenc fe défendre les uns des au-
tres. Je n'ai jamais vu de luzernière,
avoir à fa quatrième année, un nom-
bre de pieds inutiles. Ces raffinemens
d'agriculture font très-jolis dans le
cabinet , & rien de plus.
fvl. Duliamel propofe , pour re-
garnir les places vides, de taire ^es
boutures avec les plantes voifines. Je
n'ai pas fait cette expérience , mais
je crois ce procédé avantageux , fur-
tout pour repeupler ce qu'on appelle
les ronfures. Je ne doute point de
l'aurcnticitédufait , puifqu'un auteur
aullî eftimable l'avance ; il en coi^ue
fi peu de l'elFayer au rèmps de la
première coupe , en ouvrant lUie
folle de huit à dix pouces de profon-
deur fur l'endroit qu'on veut regar-
nir. On couche alors la tige , on la
recouvre de terre , à l'exception de
l'extrémité qui doit déborder la foiïe.
11 me paroît elTentiel d'en couper les
rieurs , ahn de forcer les fuis à fe
concentrer dans les tiges enterrées ,
S<. les obliger à donner des racines :
c'eît du moins le parti quejeprenarois.
M. Duhamel dit encore avoir
fait tirer de tetre de vieux pieds de
luzerne , ménager avec grand foin
les racines latérales , couper le pivot
à huit pouces , les avoir fait planter
dans une rerre neuve , & avant l'hi-
Ysr •, & qu'enfin tous avoient repris
au printemps fuivanr. 11 auroit neut-
être du nous ap-prendre combien d'aiv
nées cette luzernière avoir refté en
feon état.
L U Z
349
^, Yll. Des qualités alimentaires de
la lu'^erne.
La luzerne perd de fa qualité à
mefure qu'elle s'éloigne de fon pays
natal ; c'eft à-dire qu'elle n'eft plus
aulli nourrilHinte, parce que les fucs
qui la forment font trop aqueux , & ne
font pas allez élaborés. Malgré cela,
aucun fourrage ne peut lui être com-
paré pour la qualité, aucim n'entre-
tient les animaux dans une aufli bonne
graille, & n'augmente autant l'aboi:»
dance du lait dans les vaches , S<.ci
Ces éloges mérités à tous égards ,
exigent cependant des reftnélions.
La luzerne échauffe beaucoup les
animaux ,8c fi on ne modère la quan-
tité qu'on leur en doime , pendant
les chaleurs, & fur-tout dans les pro-
vinces méridionales , les bœufs ne
tardent pas à piller le fang , par une
fuite d'irritation générale. Si on s'en
rapporre aux valets d'écurie , ils
faoulcnt de ce fourrage les bêtes
confiées à leurs foins, ils s'enorgueil-
Hlfent de les voir bien portantes ,
ne pouvant fe perfuader que la ma-
ladie dangercufe qui farv;ent , foit
l'eflet d'une fi bonne nourriture. Dès
qu'on s'apperçoit que les crotins de
cheval , de mulet _, (Sv,c. ; que les
fientes de bœufs & de vaches , de-
viennent ferres , compaffes , fur-
tout ces dernières, on doit être biea
convaincu que l'animal eft échauffe
par la furabondance du fourrage. C'sft:
le cas d'en retrancher anffitôt irne
partie proportionnée au beloin , de
mettre l'animal à l'eau blanche , lé-
gèrement nitrée; de doimer des lave-
mens avec l'eau & le vinaigre ■■, enfin ,.
de mener les bœufs 6c les vaches
paître l'herbe verte. Si on n'a pas cette-
^5o L U Z
rellource, comme cela arrive fouvent
pendant l"é:é , dans les provinces du
midi , il faut cueillir les rameaux
inutiles des vignes , & leur en laifler
manger à difcrétion pendant quelques
jours , & jufqu'à ce que les excré-
mens aient repris leur fouplefTe or-
dinaire.
Je ne connois qu'un feul moyen
de prévenir la déperdition fuperflue
de luzerne , faite par les valets , &
jiuiûble aux animaux j c'eft de mé-
langer , par parties égales , ce four-
rage avec la paille de froment ou
d'avoine , non pas par lit ou par cou-
che, mais parconfufion. La paille con-
trade l'odeur de la luzerne, l'animal
la mange avec plus de plaifir , & n'eft
plus incommodé. Cet expédient fup-
pofe que le fénil eft fermé à clef,
& que l'on a un homme de confiance,
qui diftribue chaque jour le fourrage
dans une proportion convenable. Si
l'animal voit qu'il a du fourrage au-
delà de fes befoins, il lailfe la paille
décote, &: ne mange que la luzerne.
S'il n'a que ce qu'il lui faut, il ne
lailTe rien perdre.
La luzerne , donnée en verd aux
chevaux , mulets , & aux bêtes à
cornes, les relâche, & les fait fientet
clair : on appelle cela les purger, i ^'.
On ne doit doniier cette herbe fraî-
che que vingr quatre heures après
qu'elle a été coupée, afin qu'elle ait
eu le temps de perdre une partie de
fon air de végétation. z°. On doit
très-peu en donner à la fois , dans la
crainte d'occalîonner la maladie dan-
gereufe dont on va parler. Tout bien
confidéré , cette manière de donner le
vert , ne vaut rien. U faut préférer
de le faire prendre avec l'orge qu'on
feme exprès ^ après l'orge vient l'a-
voine 5 mais dès que ces plantes ont
L U Z
padé fleur , que le grain commence
à fe f^ormer , elles deviennent très-
dangereufes.
Si , par négligence, ignorance , oit
autrement , on lailfe aller un cheval ,
une mule , un bœuf, &c. dans une
luzerne fur pied , il fe prelTe d'en man-
ger. La chaleur de 1 eftomac fépare
promptement l'air de la plante , chez
les bêtes à corne fur tout y cet air
enfle leur eftomac comme un ballon ;
ce volume monftrueux comprime les
gros vallfeaux , arrête la circulation
du fang , & l'animal meurt au bout de
quelques heures , s'il n'eft pas fecouru
promptement. La luzerne ne produit
pas cet effet , à l'exception de toute
autre plante. La même chofe arrive,
un peu moins vîre il eft vrai , lorf-
que l'animal fe gorge de bled , d'i-
voine, &c. encore fur pied, & lorf-
que la plante n'eft encore compofée
que de feuilles. Tout pâturage trop
fucculent eft dangereux.
Les procédés ordinaires, pour pré-
venir ces funeftes effets , font de faire
de longues incifions dans le cuir & fur
le dos de l'animal. Elles font inutiles ,
quoiqu'elles dégagent un peu d'air Se
fadent fortir un peu de fang, lî elles
ont été un peu ptofondes j enfuite
on force cet animal à courrir; ce qui
vaut mieux , parce que la courfe &
le mouvement rétablilfent la circu-
lation. Ce moyen ne fuffit pas tou-
jours , il vaur beaucoup mieux com-
mencer à fe frotter le bras avec de
l'huile, on l'enfonce enfuite dans le
fondement de l'animal, afin d'en re-
tirer les gros excrémens , & donne:
une ilTue facile à ceux qui font dans
la partie fupérieure des inteftins ,
ainfi qu'à l'air qui diftend ces parties;
dans le bœuf les eftomacs en font
quelquefois pleins, mais le livre eft
L Y C
celui qui fe durcit le plus j faites fur-
tout courir l'animal. L'expédient qui
ne m'a jamais manqué dans un pareil
accident , c'eft de lui faire avaler ,
aufli promptement qu'on le peut ,
une once de nitre dans un verre d'eau-
de-vie j de vider l'animal comme il
a été dit , & de le faire courir.
LYCHNIS , ou CROIX DE
MALTHE , ou DE JERUSALEM,
ou FLEUR DE CONSTANTINO-
PLE. Toutnefort la place dans la
première fedion de la huitième
clalTe des fleurs en œillet , dont le
piftil devient le fiuit, & il l'appelle
lychnis hïrfuta , flore coccïneo major.
Von Linné la clafle dans la décan-
drie pentagynie , la nomme lychnis
calcedonica.
Fleur, En œillet, de couleur écar-
late vive, à cinq pétales j l'onglet
de la longueur du calice , qui eft
renflé & divifé en cinq parties. Les
bords du calice foutiennent les péta-
les qui fe couciienr horizontalement j
dix étamines & cinq piftils occupent
le centre de la fleur.
Fruit. Capfule prefque ovale , à
une feule loge , à cinq valvules ,
contenant des femences en grand
nombre, roulTes, & prefque rondes.
Feuilles. Oblongues , vertes, ve-
lues , embraffent la tige pat leur
bafe.
Racine. Fibreufe.
Port. Suivant la culture & le cli-
mat , les tiges s'élèvent à deux ou
trois pieds, & font cylindriques ; les
fleurs naiffent au fommet , difpofées
en grouppes.
Lieu. Originaire de la Tartarie ;
la plante efl; vivace, & elle eft cul-
tivée dans les jardins.
L Y C 351
Culture. On en connoît plufieurs
variétés; la plus recherchée eft celle
à fleur écarlate & double \ celle à
fleur blanche, foit double, foit fim-
pie , eft moins parante. 11 y en a en-
core à fleur blanche , fouettée d'in-
carnat. Cette plante fe multiplie par
fes femences & par fes drageons. Ou
la feme au premier printemps , dans
une terre douce , légère , fubftan-
cielle,ou rendue telle par le terreau,
&' on la replante à demeure, dans une
terre femblable, dès que la plante eft
alfez forte. Un peu avant l'hiver on
fait très-bien d'enlever la rerre qui
environne fon pied , & lui en fubfti-
tuer de nouvelle : c'eft le moyen
d'avoir de plus belles fleurs. Quoi-
que le lychnis craigne l'humidité ha-
bituelle du fol, il demande, pendant
l'été , de petits & fréquens arrofe-
mens.
Pour le multiplier par drageons ,
on détache des tiges qui partent du
collet de la racine , les petits re-
jetions enracinés ou non , & on en
fait des boutures dans des vafes ou
des caifles , qui demandent d'être à
l'ombre , ou du moins de ne recevoir
que le foleil du matin. L'époque de
cette opération eft au commence-
ment de l'automne & du premier
printemps. Lorfqu'on eft affuré que
les boutures ont pris racine , on les
lève de la pépinière, pour les trans-
porter à demeure dans le parterre ou
dans les plates-bandes du jardin, ayant
foin de les couvrir avec des feuilles,
ou avec des vafes renverfés , pendant
la plus forte chaleur du jour , afin de
faciliter leur reprife; &: on enlève ces
vafes pendant la nuit. Cette fleur,
dont la couleur eft C\ tranchante ,
fubdfte pendant long-temps , &: pro-
duit un très-bel eftet dans les jardins.
3îî L Y C
LyCHNIS , COQUELOURDE DES
Jardiniers. Quoique Von Linné
la regarde comme une efpèce à parc
de celle des lychnis , elle en eft cepen-
dant fi rapprochée, que je crois pou-
voir ici les réunir j fans commettre
une bien grande erreur botanique.
Tourneforc la nomme lychnis coro-
naria dlofcoridts jfaùva. Von Linné
l'appelé agrejiema ceronaria , & tous
deux la placent dans la clalîe indi-
quée ci-deirus.
Fleur. En œillet , d'une belle cou-
'leur pourpre , à cinq pétales nuds ,
couronnés à leur bafe de cinq nec-
taires j le calice eft â dix angles ,
dont cinq alcernativemeni plus petits.
Fruit. Capfule prefque anguleufe,
fermée , à une feule loge , à cinq
valvules , renfermant àss femences
noires , rudes, & en forme de rein.
Feuilles. Adhérentes aux tiges ,
©vales , fimples , entières , coton-
neufes , blanchâtres.
Racine. Menue fimple.
Port. Tige de douze à dix -huit
pouces de hauteur, herbacée , coton-
neufe , articulée , cylindrique, ra-
meufe; les fleurs font feules à feules
au fommet, portées fur des pédun-
cules qui partent des ailfelles des
feuilles.
Lieu, Originaire d'Italie; cultivée
flans les jardins; la plante eft vivace.
'■ Culture. Comme celle de la précé-
dente, & elle eft moins délicate fur
le choix du terrein.
LYMPHE. Médecine Rurale.
De touce.s les humeurs qui dérivent
de la malTe du fang , il n'en eft au-
cune qui mérite plus d'éloges que
telle -ci. Renfermée dans des vaif-
L Y M
féaux très-petits, très-minces ic tranf-
parens, connus fous le nom de v •{/-
jeaux lymphatiques , elle joue un
des principaux rôles dans l'économie
animale.
C'eft à Thomas Bartholin & Rud-
hec _, qu'on doit la découverte des
vailfeaux lymphatiques. Ce fut eu
kj)! qu'ils les obfervèrent. Cepen-
dant quelques Anglois , & notam-
ment Glijfon, en attribuent l'inven-
tion à Jolivius. Avant eux , perfonne
n'en avoir fait mention. Et en effet,
il paroît bien que les anciens n'ont
pas connu la nature & les propriétés
de la lymphe; les modernes, au con-
traire, en ont bien fenti l'exiftence ,
& reconnu l'utilité. Aufli l'ont- i s re-
gardée , avec jufte raifon, comme le
fuc naturel de la nutrition.
En effet , la lymphe féparée du
fang, eft un fuc très-délié, limpide,
aquéogélatineux , dont la circulation
eft toujours dirigée de la furface du
corps, vers les gros vaiffeaux & vers
fon propre réfervoir. Soumife à l'a-
nalyîe chymique, elle fournit une
quantité d'eau aïfez abondante, une
matière gélatineufe, affez graffe, &
une quantité de fel beaucoup moiu'-
dre , relativement à fes autres prin-
cipes. Elle doit fa fineffe & fa fluidité
aux particules aqueufes qu'elle con-
tient , de qu'elle communique ju
fang : fcs parties gélatineufes fervent
à la nutriiion, & fes parties faillies
favorlfent leur mélange.
La lymphe peut auili exciter uns
infinité de maladies : fon épaifilfe-
ment , fi lenteur à couler dans le
calibre des vaideaux ; fon épanche-
ment dans certaines cavités , font
autant de caufes très-puiifantes , qui
déterminent quelquefois des affec-
tions trèsférieufes , & très-fouvenc
incurables.
M A C
incurables, telles que l'hydropifie,
des rumeurs froides , des enkiloies,
ôcc.
D'après toutes ces confidcrations ,
on ne doit jamais perdre de vue les
différentes altérations que la lymphe
peut fubir , & les indications cura-
tives que l'on doit le prapofer pour
combattre , avec quelques fuccès , les
différens défordres qui peuvent en
réfuliet. Si la lymphe eft trop àcrej
ce qu'on pourra connoître à une dé-
mangeaifon, & à un fentiment de
prurit à la peau, au défaut de fom-
meil , à une diminution fenfible de
certaines fccrctions, à la rareté des
urines , ou à leur couleur enflam-
mée, on remédiera trcs-prompte-
ment à ce vice d'àcreté, au moyen
d'une eau de veau très -légère , ou
d'une intufion légère de fleurs de gui-
mauve, ou par une boilTon très-abon-
dance d'une dilîolution de gomme
■arabique , combinée avec le nitre pu-
lifié , donnée à la dofe de quinze à
MAC
355
vingt grains , dans un pot d'eau de
pourpier.
Si , au contraire elle pèche par
épaiHillement & par une conliftance
porrée à un certain degré, alors des
appéritifs légers, tels que les racines
de ftailler , de chiendent , de petit
houx, produiront les effets les plus
falutaires.
La lymphe peut s'épaiffir dans cer-
taines cavités , jufqu'à lui point de
concrétion; il faut alors appliquer les
fondans les plus énergiques, tels que
le fel ammoniac , dilTour dans l'u-
rine, les emplâtres de cigiie, de dia-
botanum Se de viso cum mercurio.
Cette application extérieure feroit
peu énergique fi l'on ne prenoit
intérieurement d'autres fondans, qui
doivent concourir à redonner la flui-
dité & la foupleffe aux parties qui
en ont befoin. Nous indiquerons au
mot Tumeur tous ceux quidoivenc
être employés en pareille ciirconf-
tance. M. Ami. - --
MAC
M
.ACERON, ou PERSIL DE
MACÉDOINE. ( P^oyei Planche
Vlll ,page 193 ) Toutnefort le place
dans la troifième fecT:ion de la fep-
tième claffe deftinée aux fleurs en
ombelle, dont le calice devient un
fruit arrondi & un peu épais, & l'ap-
pelle hippofelinum theophrajiï vel
fmyrnïum dïofcorïdïs. Von Linné le
claffe dans la pentandrie digynie ,
6c le nomme Smyrmum elufatrum.
Fleur. En rofe , difpofée en om-
belle. D repréfente une fleur féparée,
compofée de cinq pétales C , re-
courbés par leur foinmec , attachés
Tome FI.
MAC
par leur bafe fur les bords du calice
alrernativement avec les divifions.
B repréfente le calice, contenant le
piftil divifé en deux. Les étamines,
au nombre de cinq, font placées fur
le bord du calice , en oppofition à
chacune de ces divilions , & alterna-
tivement avec les pétales , comme
en le voit en D.
Fruit E. Compofé de deux graines
p en forme de croiffant , convexe
d'un côté , à trois cannelures , ap-
platies de l'autre , & portées par le
même péduncule.
Feuilles, Elles enibraffent la tice
Y7
3 54 MAC
par leur bafe , &c elles font deux fois
trois à crois; celles des tiges, portées
fur des pétioles feulement trois à
trois , font dentées fur leurs bords
en manière de fcie.
Racine. A. En forme de navet ,
brune à l'extérieur , blanche en-
dedans.
Pon. Tiges environ de trois pieds-
de hauteur, rameufes, cannelées, un
peu roLigeâtres -, l'ombelle naît au fom-
met, les rayons de l'ombelle générale
font d'inégale grandeur, & l'ombelle
partielle eft droite; les feuilles font
placées alternativement fur les tiges.
Lieu. Les provinces méridionales
de France, l'Italie; dans les tetreins
naturellement humides, cultivé dans
les jardins; la plante fubfifte deux
années.
Propriétés. La racine eft acre ,
a.mère , ainli que les femences ; toutes
deux font apéritives , carminatives
& diurétiques.
Ufages. On ne fe fert que de la
tàciiié & de la femence, fur -tout
de la racine ; elle entre dans les pti-
fanes & apozèmes pour purifier le
fang; on peut fubftituer les feuilles
à celles du perfil pour l'ufage des
cuiilnes.
MACHE, ou BLANCHETTE,
ou POULE GRASSE, ou SALADE
DE CHANOlNE.Tournefort la place
dans la troifième feétioH de la fé-
conde claiTe deftinée aux fleurs d'une
feule pièce , à entonnoir , dont le
calice devient le fruit, ou l'enve-
loppe du fruit, & il l'appelle va-
leriana arvenfis precoxj femine com-
prejfo. Von Linné la nomme vale-
rlana loculta holiforia j & la clafle
dans la triandriemonogynie.
M A C
Fleur. Calice dentelé , dont la bafé
s'unit à l'embrion, & fubfifte jufqu'à
la maturité du fruit ; la fleur d'une
feule pièce , en entonnoir , & dé-
coupée en cinq parties à fon fommet;
les étamines , au nombre de trois,
furmoncées de fommets mobiles en
tout fens ; les piftils au nombre de
deux.
Fruit. Capfule à plufieurs loges,
renfermant chacune une femence ap-
platie, ridée & blanchâtre.
Feuilles. Oblongues , aflez épailTes ,
molles, tendres, les unes entières,
les autres crénelées & fans pétioles.
Racine. Menue , fibreufe , blan-
châtre.
Port. La tige s'élève du milieu des
feuilles à la hauteur de lix à dix
pouces , foible , ronde , canelée ,
creufe ; les fleurs naifl"ent au fommet
des tiges en ombelle , leurs feuilles
font oppofées deux à deux.
Lieu. Les vignes, les balmés, les
bords des chemins; on la cultive dans
les jardins potagers , la plante eft
annuelle.
Propriétés. La racine a une faveur
douce, ainfi que les feuilles, elles font
rafraîchilfantes & adoucifl^antes ; on
les employé dans les bouillons de
veau; on les mange dans les falades
d'hiver.
Culture. On compte plufieurs va-
riétés , les unes à feuilles plus ou
moii5S larges , les autres à racines en
forme de petits navets; on préfère
ce^ dernières; leurs racines fe man-
gent dans les falades comme les
feuilles.
On multiplie cette plante & (es
variétés par les femis; leur graine fe
conferve bonne à fenier pendaiiK
MAC
plufieiirs années ; dans les provinces
du nord on peur commencer à les
femer depuis le milieu du mois d'août,
jufqu'à la fin du mois d'octobre, en
répétant les femis de quinzaine en
quinzaine. Dans ce4ks du midi, on
fenie en fepcembre , jufqn'au com-
mencement & même au milieu de
novembre , mais ia règle la plus siire
pour chaque climat du royaume, eft
d'obferver l'époque à laquelle elle
fort de terre dans les chimps; celle-
ci eft un peu dure j la bonne culture,
le fol & les foins rendent celle des
jardins très-tendre. On ne doit pas
craindre de femer dru , parce que l'on
coupe raz de terre les pieds furnu-
méraires & les plus gros , <Sc on ar-
rache avec la racine celles qui pi-
votent : de cette maniète on éclaircit
peii-à-peu les tables. Si la femence
eft trop enterrée, elle ne lève pas,
& paroît les années fuivances après
qu'on a remué la terre. 11 eft impor-
tant de veiller fur la plante laillée
pour graine lorfqu'elle approche de
la maturité, parce que la femence
s'en détache facilement \ on la cueil-
lera donc, s'il eft poifible , par un
temps de pluie , ou lorfqu'elle eft
chargée de rofée ; alors , étendue fur
un drap dans un lieu fec ou expofé
au foleil , on ne craindra plus d'en
perdre la grame. Quelques jardiniers
entalfent ces plantes dans un lieu
frais, la fermentation & la chaleur
ne tardent pas à s'y établir , & ils
croyent perfeélionner la graine par
ce procédé. Ce n'eft pas la loi de la
nature , ôc fi elle en avoit eu befoin ,
elle n'auroit pas donné à la graine
une fi grande facilité à s'échapper
de la capfule. Les mâches , qui fe
multiplient d'elles-mêmes dans les
champs , dans les vignes , démon-
]\1 A C
355
trent l'intuilité d'amonceler les plan-
tes , & de les faite fermenter pour
en avoit la graine.
M ACRE. Trapa nutans. Linn.
Cette plante potte une infinité d'au-
tres noms, fuivanl^s cantons; tri~
bule aquatique , falégot j châtaigne-
d'eau ^ truffe d'eau j corniole j &c.
Fleurs. Compofées de quatre pé-
tales, & d'autant d'étamines.
fruit. Semblable à de petites châ-
taignes , hérilfé de quatre pétales
fermées par le calice; il renferme
dans une ftule loge une efpèce de
noyau aufli gros qu'une amande for-
mée en cœur.
Feuilies. Larges , prefque fem-
blables à celles du peuplier ou de
l'orme, mais plus courtes, ayant en
quelque forte une forme rhomboïde,
relevées de plufieurs nervures , cré-
nelées, attachées à des queues lon-
gues & gialTes.
Racine. Longue & fibreufe.
Port. Tige rampante à la furface
de l'eau, &: jettent çà & là quelques
feuilles capillaires qui fe multi-
plient, <Sc forment une belle rofette.
Lieu. Elle croît dans tous les étangs ,
les folfés des villes, &i en général où
il y a des eaux croupilFaiites ou du
limon : la rivière de la Vilenne en
eft couverte.
Propriétés économiques. La macre
a le goût de la châtaigne ; on la vend
à Rennes & à Nantes par mefure
dans les marchés ; les enfans en font
fi friands , qu'ils la mangent crue
comme les noifettes; on la fait cuire
à l'eau ou fous les cendres dans plu-
fieurs de nos provinces, & on la ferc
fur la table avec les autres fruits.
On peut , après l'avoir dépouillée de
Con écorce, la faire fécher , la ré-
Y y 1
7 5^ M A C
àtiire en Ruine, & en compofer une
eipcce de buiiiHie ; car on sV-fl;
trompe en croyan: qu'on en prcparoic
du pain en Suède , en Franche-
Comté & dans le Limofin; elle con-
tient il ell: vrai du fucre &c de l'a-
midon, mais la ((Éfence de ces deux
corps dans les farineux ne fuffir pas
pour y établir la lermentation pa-
naire : la châcaiçae en eil un exemule
trappanc.
Obfervations-^
Il Y ^ f^'it: c^e plantes farineufes
quilemblent deftinées à croître fpon-
tanémenc & fans culture , que la
providence olîre aux hommes comme
une forte de dédommagemc-iic de
l'aridité du fol qu'ils habitent^ qu'on
regrette toujours de ne point les voir
couvrir une étendue immenle de rer-
teins perdus, ou confacrés à récréer
la vue par une abondance Bateufe,
maisablolamentnullepourlesbefoins
réels :, pourquoi ne s'occuperoit-on
point à multiplier dans les fofîés ,
tLms les marais, le long des rivièces
&; des ruilfeaux , celles qui fe plai-
fent dans ces endroits, telles que les
glands de terre , l'orobe tubéreux ,
le fouchec rond, les macres, &c. ,
ces végétaux alimentaires qui ré^
filtent à toute efpèce de culture ,
comme on voit les fauvages réfifter
à: toute efpèce de fociabilité. Les uns
porreiit des bouquets de fleurs fort
agréables, leurs feuilles font un ex-
celienr pâturage , leurs femences ou
leurs racin.es font farineufes j les autres
produifent unbeleifecdans un canal;
e4ifin il y en a encore beaucoup. d'au-
tres qu'on pourroir également dif-
tiîb'.ier dans les bois & dans les par-
tcres; on einbelliroit les taillis avec
M A G
des orchis, qui la plupart portent de?
épis de fleurs très-odorantes ; les al-
lées vertes feroient couvertes &: gar-
nies de fromental & des autres gra-
mincs fauvages ;.les jacijithes , les nar-
cilles , les ornytliogales fotmeroient
nosplattes bandes ; les topinambours^
don: les fleurs relTemblent à celles de
nos foleils vivaces, rigureroient dajus
nos jardins ; on ne conftruiroir les
haies qu'avec des arbrilîeaux à fruits:
c'eiT: ainfi qu'en réunillant l'agréable
à l'utile , on fe ménageroir des ref-
fources poiu: les temps malheureux.-
M. P.
MAGDELEINE. (pêche) ( Foyei
ce mot )
AIagdeleine. ( poire ) ( Voye^ ce-
mot )
MAGNESIE BLANCHE, ou
POUDRE DE SANTNELLY. Pou-
dre blanche, inhpide , inodore, qui;
s'unit aux acides, & forme avec eux
un fel neutre purgatif; elle eft in-
diqué-e dans les efpèces dï maladies
où les premières voies conriennenc
des humeurs acides : fi l'acide eft
furabondanr, la magnéûe purge dou-
cement ; fouveiTt el'e produit cec
effet lors même qu'il n'exifte pas
d'acide, parce qu'elle renferme àes
fels neutres ; fi on la dépouille en-
tièrement de fes fels neutres , & fi~'
en la prefcrir à haïue dofe lorfqu'il
n'y a point d'.îcide dans les premières
voies, aliène purge point, fatigue
beaucoup l'eftomac, &i quelquefois
elle donne de vives coliques. La
dofe, pour purger , eft depuis une-
drachme jufqu'à une demi-once : on,
trouve cette préparation chez. less.
apothicaires,.
M A H
MAHALEB, ou BOIS DE SAIN-
TE-LUCIE. Tournei-orc le place dans
la fepnème fedioii de la vingc-iiniè-
me clalfe delliuée aux arbres à fleur
en rofe , donc le piftil devient un
fruit à noyau, ôc il l'a appelle cerafus
racemoja filvcjiris , fructu non eduli.
Cette dénomination n'eft pas exa(5te j
mais on l'a confervce , malç^ré l'er-
reur. Von Linné le nomme prunus
padus , & il le clalle dans l'icofan-
drie monogynie.
Fleur. Semblable à celle du cerificr-,
( Voyei[^ ce mot ) mais elle cft plus
petite , &; fon truie n'eft pas man-
geable.
Feuilles. Simples , entières , ova-
les , dentées à leurs bords , termi-
nées en point-e , portées fur des pé-
tioles. On trouve des glandes à leiu:
bafe &c fur les pétioles.
Racine. Ligneufe,. raraeafe, tra-
çante.-
Port. Le même à-peu-prcs que ce-
lui du cerifierj mais fon' bois efl:
dur, coloré en brun, veiné, odorant;
les fleurs font difpofées à l'extrémité
des figes , en grappes rameufes \ les
feuilk-s font placées alternativeuîenc
fur les tiges.
Lieu. Les bois de l'Europe tempé-
rée, & particulièrement près du vil-
lage de Sainte-Lucie en Lorraine ,
d'où il a tiré Ion nom.
Cet arbre mérite , à beaucoup
d'égards , qu'on donne plus d'at-
rention à fa culture. Il devient d'une
grande relîource pour retenir les ter-
x<s des coteaux trop inclinés. Dans
les terreins ftériles par l'abondance de
la craie , du plâtre, de 1-argille, &
Eiciiie du fable ,.les débris de fes feuil-
ks j, les infedes qu'il nourrit ,, for-
M A H
3S7
ment, à la longue , de la terre vé-
gétale , & fes racines pénétrent &
ioulèvenc une partie du fol, & don-
nent la facilité aux eaux pluviales
de pénétrer ces terres compactes &
dures ; enfin , peu-à-peu ces places
ne piélenrent plus à l'œil le fpec-
tacle défolant d'une aridité extrême.
L'arbre de Sainte-Lucie fe multiplie
par les femis, &: par la féparation du
pied du tronc , Aqs rejets produits par
fes racinesi.
Si on veut fe procurer une excel-
lente haie de clôture dans un bon
fonds de terre , le femis eft à pré-
férer par celui qui n'aime pas hâter
mal • à - propos fa jouiirance. Si on-
craint la dent des aiîimaux , les
ravages des paflans , il vaut mieux
faire le femis chez foi ; & après la
première , ou la féconde année , tirer
les pieds de la pépinière , fans muti-
ler , couper ou brifer le pivot des ra-
cines. Cetre manière de procéder efl-
nioms expéditive que celle des jardi-
niers ou des pépiniériftcs, qui , d'un
feul coup de bêche coupent l'arbre
en terre, & l'en retirent,, garni de-
quelqLîCs racines latér-ales : autant
vaut-il fe fervir des rejets ; mais le
fuccès eft bien fupérieur dans la pre-
mière îîîéthode , (oit pour la reprife
de l'arbre , foit pour fa durée , foie
pour fa belle végétation. La conftrva-
tion du pivot, exige que la tranchée
qui doit recevoir l'arbre , foit plu?-
profonde que les tranchées faites pour
les haies ordinaires. Après aveiri;
pkntc ces arbres , on- les coupe à uiï
pouce au-delfus de la furface du fol ,,
& on conduit ces haits , afin de les-,
rendre impénétrables niême aux»
chiens , ainfl qu'il a été- dit à l'ar-
ticle Haie. Confultez ce mot.
L.1 conferv.ttioîi àa pivot eftbieai
3s8- M A H
plus effen:ielle encore, lorfqu'il s'agit
de garnir des cerreins crayeux, argiU
leux, &c. , puifque le bue que l'on fe
propofe eft de divifer l'intérieur de ce
fol, &dele forcera recevoir l'eau. A
cet effecon ouvre, à la dillance de huit
à dix pieds, un folFe proportionné à la
longueur du pivot & au diamètre des
racines. S'il eil poiîible de garnir cette
folfe avec une bonne terre , larbre
profitera beaucoup plus. 11 laut le
couper à un pou.e près de terre, ahii
d'avoir plutôt un taillis qu'im arbre....
Si on n'a pas un nombre luffifant de
pieds, on peut femer dans ces tolfes
des noyaux, ils pivoteront infeniible-
ment, ils pénétreront dans le fol. Si
chaque année on veut un peu tra-
vailler les alentours des folles , la
végétation fera plus hâtive. Enfin,
lotique les branches du taillis auront
acquis une certaine hauteur & grof-
feur , on les couchera dans des folTes
profondes qu'on creufera tout autour ;
on ne laillera qu'un feul brui dans le
milieu, & on le ravalera à un pouce
de terre, afin qu'il builFonne de nou-
veau. Ces opérations , ces mains d'œu-
vres font coiueufes , j'en conviens ;
mais elles font indifpenfables , pour
des gens aifés qui ont dans la proxi-
mité de leurs habitations des endroits
arides, où les autres arbres ne peu-
vent venir ; ils proportionneront l'é-
tendue de l'entreprifeàleurs facultés j
& fans fe déranger , ils pourront ,
chaque année, ouvrir un certain nom-
bre de foiles.
Le produit de cet arbre les dédom-
magera , à la longue , de leurs avan-
ces. Ses branches , un peu fortes , font
très-recherchées par les tourneurs &
par les ébéniftes , & le pis aller eft
MAI
d'en faire du bois de chauffage, or-
dinairement très rare dans les p.iys de
craie. On peut citer l'exemple delà
Champagne pouilleufe. A l'ombie de
ces arbres , l'herbe s'y étabbia peu-
à-peu , & on aura par la fuice un
allez bon pâturage d'hiver pour les
troupeaux. L'avantage le plus précieux
eft la lormation de la terre vcgécale
fur la furface du champ , &: la divi-
fion du fol.
Le mahaleb figure très-bien dans
les bofquets de printemps j il fleurit
en même temps que le cerifier , Se
fes grappes de fleurs produifent uii
joli effet.
MAIS. ( I ) Plante gramince, plus
connue en France , fous le nom de h/ed
de Turquie , quoique cette dénomina-
tion ne lui convienne pas plus que
celle de hkd d'Efpagne , de hled de
Guin.e, &C de gros millet des Indes ^
puifqu on en ignoroit l'exifience dans
ces contrées avant la découverte de
l'Amérique.
Les voyageurs les plus célèbres af-
furent en effet , que quand les Euro-
péens abordèrent à Saint-Domingue ,
un des premiers alimens que leur
offrirent les naturels du pays, fut le
maïs; q"ue pendant le cours de leur
navigation ils le retrouvèrent aux
Antilles, dans le Mexique, & au
Pérou, formant par-tout la bafe de la
nourriture des peuples de ces contrées;
que cette plante , dont le port eft
fi impofant & fi majeftueux , faifoit
chez les Licas l'ornement des jardins
de leurs palais; que c'étoit avec fon
fruit que la main des vierges choi-
fies , préparoit le pain des facrifices ,
& que l'on compofoit une boiffon
* ( t) Cet article eft de M. Parmcnticr.
M A r
vîneufe , pour les jours confacrés cà
l'allégrefle publique j qu'il fervoic de
monuoie dans le commerce , pour
fe procurer les autres beloius de la
vie j qu'enfin , la reconnoiflance, ce
fentiment Ci délicieux pour les cœurs
bien nés, avoir déterminé les peuples
même les plus fauvagesdes illes &: du
Continenr de ce nouvel héniifphère ,
à inltituer des fêtes annuelles à l'oc-
cafion de la récolte du maïs.
Ainiî on doit conclure , d'après
les écrivains regardés , avec railon ,
comme les fources les plus originales
ôc les plus authentiques de tout ce
qui a été publié fur les produétions de
l'Amérique , que le maïs y eft in-
digène, & que c'eft delà qu'il a été
tranfporté au midi & au nord des
deux mondes oïi il s'eft h parfaite-
ment naturalifé qu'on le foupçon-
neroit créé pour l'univers enrier ; il
fe ^plaît dans tous les climats , & les
bruyères défrichées de la Pommé-
ranie en font maintenant couvertes ,
comme les plaines de fon ancienne
patrie.
La fécondité du maïs ne fçauroit
être comparée à celle des autres grains
de la même famille ; &: fi la récolte
n'en eft pas toujours aulTî riche , ra-
rement manque t-elle rout-à fait :
fon produit ordinaire eft de deux
épis j par pied , dans les bons terreins ,
& d'un feul dans ceux qui font mé-
diocres j chaque épi contient douze
à treize rangées , & chaque rangée
trente-fix à quarante grains. . Pour
femer un arpenr, il ne faut que la
huitième partie de la femence né-
ceffaire pour l'enfemeiicer en bled ,
& cet arpent rapporte communément
plus que le double de ce grain , fans
compter les haricots , les fèves &
£c autres végétaux , que l'on plante
M A I
3 59
dans les efpaces vides, lailTés entre
chaque pied.
Le maïs eft donc un des plus beaux
préfens que le nouveau monde ait
fait à l'ancien ; car indépendamment
de la nourriture falutaire que les ha-
bitans des campagnes de plufieurs de
nos provinces retirent de cette plante,
il n'y a rien que les animaux de route
efpèce aiment autant , & qui leur
profite davantage ^ elle fournit du
fourrage aux bêtes à corne , la ration
aux chevaux, un engrais aux cochons
& à la volaille j elle a amené , dans
les cantons où on la cultive avec in-
telligence, une population, un com-
merce & une abondance qu'on n'y
connoiiïoit point auparavant , lorf-
qu'on n'y femoir que du fromenr &
du millet : le maïs, en un mot, mé-
rite d'être placé au nombre des pro-
ductions les plus dignes de nos foins
& de nos hommages j formons des
vœux pour que nos concitoyens, plus
éclairés fur leurs vérirables intérêts ,
ouvrent les yeux fur les avantages
de cette culture , <?>; qu'ils veuillent
l'adopter dans tous les endroits qui
conviennent h fa végétation.
Plan du Travail.
CHAP. I. Du maïs conjîdéré depuis le mo-
ment qu'on fi propofi de le fimer , juj-
qu après la récotte.
Sect. I. Defiription du genre.
Sect. II. Defiription des efipeces.
SrcT. III. Defcription des variétés.
Sect. IV. Des accidens qu'éprouve le mats.
Sect. V. De fies maladies.
Sect. VI. Des animaux qui l'attaquent,
Sect. VU. Du terrein & de fia préparation.
Sect. VIII. Du choix de la fiemence & de
fia préparation.
SicT. IX. Du temps & de la manière de
Cerner.
SicT. X. Des labours de culture.
-560 MAI
Sect. XI. Du temps & de la manîert de
récolter.
Sect. XII. Du mdis regain.
5ect. XIII. Du mais fourrage.
-CHAP. II. Du maïs , eonfldcrî relativement
a fa confcrvation If a la nourriture qu'il
fournit à l'homme & aux animaux.
Sect. I. Analyfe du maïs.
Sect. II. Dépouillement des robes du maïs.
Sect. III. De fa confervation en épi.
Sect. IV. Procédé ufiié en Bourgogne pour
fécker le maïs au four.
Sect. V. Manière d'égrener le maïs,
Sect. VI. De fa confcrvation en grain,
Sect. VII. Farine du maïs.
Sect. VIII. Maïs, conjidéré relativement a
la boijjon.
Sect. IX. Maïs , conjidéré relativement à
la nourriture pour les hommes.
Sect. X. Maïs , conftdéré relativcmeru a la
nourriture des animaux.
Sect. XI. Maïs en guife d'avoine.
Sect. XII. Ufagc du maïs comme fourrage.
Sect. XIII. Maïs pour le 'bétail.
Sect. XIW . Maïs pour l'engrais delà volaille.
Sect. XV. De fes propriétés médicinales.
CHAPITRE PRExMIER.
Du Maïs considéré depuis
LE MOMEXT qu'oN SE PRO-
POSE DE LE SEMER j JUSQU'A-
FRES LA RÉCOLTE.
OECTION PREMIERE.
Defcriftion du genre.
Fleurs. Mâles & femelles , qui ,
connues dans la famille des courges
& de beaucoup d'autres plantes ,
naiffent fur le même pied, mais dans
des endroits féparés : les fleurs mâles
forment un bouquet ou pannicule
au fommet de la tige , ayant ordi-
nairement trois éramines renfermées
entre deux écailles : au-deflbus de la
pannicule, & àrailîelle des feuilles,
font placées les fleurs femelles , dont
,îe ftigmaîe, femblable à des hlamens
MAI
longs & chevelus , fe terminent en
honpe foyeufe, diverfemenr colorée.
Fruit. Semence lilfe & arrondie
à fa fuperhcie , angulaire du côté
par où elle tient à l'axe , ferrée &
rangée en ligne droite fur un gros
gland ou fuiée.
Feuilles. Longues d'un pied envi-
roîi , fur deux à trois pouces de large,
pointues à l'extrémité , d'un verd de
mer plus ou moins toncé; rudes fur
les bords , ôc relevées de plufieurs
nervures droites.
Racine. Capillaire & fibreufe.
Port. Tige articulée alfez ordinai-
rement droite , ronde à fon extré-
mité intérieure , & s'applatrillanc
vers le haut , où elle eft garnie &
comprimée par des gaines de feuil-
les qui fe prolongent.
Lieu. Nulle part le maïs ne croît
fpontanément, même dans fon pays
natal , il faut nécelfairement le cul-
tiver , Se fon produit efl: toujours
relatif aux foins qu'on en prend ,
& à la nature du fol lut lequel on
le feme j mais on peut avancer, avec
vérité , que c'eft une plante cofmo-
polite , puifqu'elle vienr , avec un
égal fuccès , dans des climats oppo-
{és,'ôc à des afpefts différens. Pref-
que toutel'Amérique feptentrionale,
une partie de l'Afie & de l'Afrique ,
plufieurs contrées de l'Europe , trou-
vent dans ce grain une nourriture
fubftancielle pour les hommes & les
animaux.
E e T I o N
I I.
Defcrîpiion des efpèces.
Il n'eft guères permis de douter
aétuellement qu'il n'y ait deux ef-
pçces particulières de maïs , bien
diftinctes
MAI
diftindes entr'elles; l'une donc la
maturité n'elt dcterminée que dans
l'efpace de quatre à cinq mois -, l'au-
tre à qui il faut à peine la moitié
de ce temps pour parcourir le cercle
de fa végétation : nous les nomme-
rons , à caufe de cette différence
cataétérillique : maïs précoce , Se maïs
tardif.
Maïs précoce. Cette efpèce eft
connue en Italie , fous le nom de
quarantain , parce qu'en effet elle
croît de mûrit en quarante jours. On
l'appelle, dans l'Américjue , le petit
maïs , où l'on prétend que c'eft une
dégénération de l'autre efpèce , ce
qui n'eft pas vraifemblable , à caufe
des propriétés particulières qui les
diftinguent elfe ntiellemen t. De quelle
utilité ne deviendroit pas le maïs
précoce pour le royaume, s'il y étoit
cultivé : peut-être conviendroit-il à
un terrein Se à une expoluion où le
maïs tardif ne réullîroit pas ; peut-
être obtiendroit-on , par ce moyen ,
dans nos provinces méridionales, deux
récoltes ; & ce grain , dans les par-
ties les plus feptentrionales , attein-
droit-il le même degré de perfec-
tion que celui qui croît dans les
contrées les plus chaudes; peut-être,
enfin , le maïs hâtif ferviroir-il à des
ufages économiques auxquels l'autre
feroit moins propre.
Maïs tardif : c'eft celui que l'on
cultive en France , & dans les autres
parties du globe; il porte des tiges
plus ou moins hautes : on le nomme
le grand maïs dans la Caroline & en
Virginie , où l'on afflire qu'il s'élève
jufqu'à dix-huit pieds ; fa plus grande
élévation dans ces climats , va à peine
à la moitié. On affûte encore qu'il
eft plus fécond & plus vigoureux que
le maïs précoce : peut-être , parce
Tome FI,
MAI 3^1
qu'il demeure plus long-temps fur
terre, & qu'il ell au maïb précoce , ce
qu'efl: le bled d'hiver au bled de
mars. On ne manquera point d'ac-
quérir des lumièies fur ce point in-
térelfant , dès que les deux efpèces
feront également cultivées & compa-
rées entt'ellespar de bons agronomes.
Section III.
Defcriptlon des variétés.
1! exifte plufieurs variétés de maïs;
qu'il faut prendre garde de confondre
avec les efpèces , puifqu'elles ne dif-
fèrent les unes des autres que par la
couleur extérieure du grain; du refte,
elles germent , croilîent & mûriffènc
de la même manière; les parties de
la frudihcationfont entièrement fein-
blables , & ce n'eft guères qu'après
la récolte qu'il eft pofflble de s'ap-
percevoir fi les épis feront rouges ,
jaunes ou blancs : cette variété de
couleur eft plus fréquente , félon les
années, les terreins <?c les afpeds ;
fouvent elle fe rencontre dans le même
champ, fur le même épi , quelque-
fois même un feul grain préfente
cette bigarrure. Nous nous fommes
convaincu par l'expérience, que cette
diverfité de couleur eft héréditaire :
peut-être un concours de circonftau-
ces la raniène-t-elle infenfiblemenc à
une feule nuance.
Maïs rouge. On peut ranger dans
cette variété le maïs pourpre-violet,
ou noir , qui n'en diffère que par
l'intenfité de couleur; mais ce maïs
rouge eft le moins eftimé : on le
regarde même , dans quelques en-
droits , comme le feigle de ce grain:
auffî ne le fème-t-on pas ordinaire-
ment , du moins en Europe , & il
eft purement accidentel , de manière
Zz
3^1 MAI
qu'une pièce de plulîcurs arpens en
produit à peine un épi. Le niaïs
jaune Se le mais blanc font donc
les variétés principales que Ton
cultive.
A/aïs blanc. Il pafTe en Béarn pour
être le plus produdlif , l'épi en eft
auflî plus gros, & la tige plus haute j
mais cette ditFérence ne dépendroit-
elle pas de ce qu'on le fème fur les
meilleurs terreais , bien fumés , tan-
dis que dans cette province on fème
le maïs jaune dans les terres maré-
cageules , qui n'ont pas befoin d'en-
grais ; cependant on préfère allez
coiiftamment l'un à l'autre ; &: lorf-
que les Américains de la nouvelle
Angleterre ne récoltent que du maïs
jaune , ils le vendent pour en acheter
du blanc, dont la galette, félon eux ,
a une meilleure qualité.
Maïs jaune. La couleur primitive
de ce grain paroît être jaune j elle
eft du moins la variété la plus uni-
verfellement répandue. On prétend
que les terres fablonneufes lui con-
viennenr mieux qu'au maïs blanc ,
& qu'elle eft même un peu plus pré-
coce : audi eft-elle choifie de préfé-
rence , lorfqu'on a deftein d'en cou-
vrir des terres qui ont déjà rapporté.
Il feroit à fouhaiter que dans tous
les cantons à maïs on fût attentif à
ces confidétations ; elles n'échappent
point aux Béarnois, ni aux Américains
particulièrement, qui , dans les terres
fablonneufes , ne culrivent que du
maïs jaune , malgré leur prédiledion
pour le maïs blanc.
Section IV.
Des accidens qu'éprouve le maïs.
Quoique le maïs croiffe & mûrille
recouvert d'une enveloppe cpaifle ,
MAI
qui fert à le garantir de l'aétion im-
médiate du foleil , de la pluie , du
froid (Se des animaux deftruéteurs ,
c'eft à tort & contre l'expérience qu'on
l'a préfenté comme exempt de tout
danger. Il ne faut que jeter un coup
d'oeil fur la ftruéture de cette plante ,
pour juger que les intempéries des
faifons influent elTentiellement fur
fa récolte, & que rien n'eft plus im-
portant pour le cultivateur de maïs,
qu'une pluie douce , ou les arrofe-
mens qui y fuppléent , accompagnés
d'une chaleur tempérée.
S'il furvient des chaleurs conti-
nues , fans erre en même temps ac-
compagnées de pluie , la végétation
du maïs languit j c'eft alors qu'il faut
prendre garde de rrop remuer la terre ,
dans la crainte que le pied de la ra-
cine ne fe delléche. Trois femaines
ou un mois au plus de féchereire ,
font capables de diminuer confidé-
rablemenr les récoltes , à moins que
le terrein ne puilTe être atrofé par
des canaux, comme dans quelques
cantons de l'Italie; mais on doit ad-
miniftrer ces arrofages avec prudence ,
&: ne .s'en fervir que quand on s'ap-
perçoit que la plante fouffre vifible-
menr, (5îv; que même les feuilles com-
mencent à fe flétrir.
Le maïs femé dans les terres voi-
fines des rivières, & expofées au dé-
bordement , à l'inftant même où la
plantule fe développe, court les rif-
ques d'être entièrement perdu , parce
que l'e.au échauffée par Taétion du
foleil , en delféche le coeur ou le
cenrre alors forr tendre. Une partie
de la récolte eft encore également
perdue par les pluies abondantes ;
mais cet accident eft moins à crain-
dre dans les terres fèch'es & lé-
gères.
MAI
Le vent ne préjudicie piG moins
au maïs , Se le tore qu'il lui fait eft
d'autant plus capital, que la plante
ell: plus haute, les pieds plus rap-
procliés , & que la femence a été
moins enterrée. Rien n'eft plus com-
mun que de voir des champs de
maïs verfés : quelquefois on eft obligé
de le redrefier avec la main , en
mettant de la terre autour de la tige ,
& la comprimant un peu avec le pied ,
afin que la racine , ptefque à luid ,
ne foit pas expolée à l'ardeur du fo-
leil qui la delFécheroit.
Quant au froid j il eft certain ,
quoi qu'on en aie dit , que le maïs
y eft très-fenhble , & qu'un inftant
fuffit pour faire évanouir les pkis
belles efpérances. Si, par malheur,
Ja gelée a frappé les femailles , il
faut les recommencer; & C\ elle fur-
prend le grain fur pied, il ne vient
plus à maturité ; mais vin pateil acci-
dent fera toujouts fort rare , fi on a
foin d'attendre, pour la plantation j
la fin d'avril , mais jamais plus tard.
E c T I o N
V.
De fcs maladies,
La feule maladie, bien connue ,
du maïs , eft délignée , mais très-
improprement , fous le nom de
charbon. M. Tillet en a donné une
defcription dans les Mémoires de
l'Académie Royale des Sciences ,
pour l'année 1760; & M. Imkoff'
vient de foutenit à Strasbourg, lur
cette matière , une thcfe bien faite ,
dans laquelle l'auteur confirme ., en
partie , ce que ce fçavant Académi-
cien nous a appris touchant la na-
M A 1 3^5
ture , la caufe & les effets de cette
maladie.
Les caraftères auxquels on recon-
noît le charbon de maïs , font une
augmentation confidérablede volume
dans l'épi , dont les feuilles recouvrent
un alTemblage de tumeurs fongueu-
fes, d'un blanc rougeâtreàrcxcérieiir,
qui rendent d'abord une humeur
aqueufe , & fe convertilTent , à mefure
qu'elles fedelîéchent , en une poufficte
noiràcre , femblableà celle que renfer-
me la vefce-de-loup. Ces tumeurs
charnues, qui varient de grandeur 3c
de forme, font quelquefois delagrof-
feur d'un œuf de poule , mais rare-
ment au-delà. La poullière qu'elles
renferment, eft fans odeur èc fans
goût : analyfée à feu nud , elle
fournit des produits fembiables à la
carie des bleds , un acide , de l'huile
& de l'alkali volatil. Mais une obfer-
vation importante , c'eft que cette
poufllcre j de nul eflet pour les ani-
maux , n'eft pas non plus conta-
gieufe pour les femailles.
Comme la maladie du maïs fe
manifefte le plus communément fur
les pieds vigoureux , qui portent
plufieuis épis , il eft allez vrailem-
blable qu'elle dépend , comme l'a
foupçonné M. Tillet , d'une fura-
bondance de fève , qui , dans un fol
favorable, 5c par un temps propice ,
fe porte , avec aftluence , vers cer-
taines parties , occafionne des rup-
tures & des cpanchemens. Le re-
mèdeà cette maladie , confifte à en-
lever à propos ces tumeurs , fans offen-
fer la tige , &: à couper les pannicules
avant que les anthères ne nunïdcnt:
le fuc fèveux , n'étant plus détourné
de fon cours , circule librement ,
aboutit à l'épi , & le nourrit. Ainli
Z z i
3%
M A I
les laboureurs, qui ne font jamais
alarmés de voir régner cette maladie
dans leurs champs, puifqu'elle eft le
Signal de l'abond.uice , ne devroieiit
jamais lailfer luiififter aucune de ces
tumeurs , groiïes ou petites ; parce
que les tiges affedées de charbon ,
ne portent enfuite que des épis mé-
diocres.
E C T I
ON VI.
Des animaux qui l'attaquent.
Ce n'ell abfolument qu'au, mo-
ment où le maïs ie développe , qu'il
devient quelquefois la proie d'un
inftde particulier , de la claife des
fcarabés. que l'on nomme en Béarn ,
laire. Il s'attache aux racines, & ne
les quitte point qu'elles ne foient en-
tièrement rongées : pendant cette opé-
ration la plante languit & meurt.
Le feul moyen de s'en préferver ,
c'eft de travailler la terre auflïtôt, &
de couper le chemin à cet animal.
Le fol humide y eft ordinairement
plus expofé que tout autre.
Les animaux qui fondent fut les
femences , ne refpeétent pas non
plus celles du maïs , &c les champs
qui en font couverts , fe trouvent
également labourés par les taupes.
11 faut fe fervir des moyens indi-
qués à l'article des Semailles, pour
s'en garantir.
Section VIL
Du terrein & de fa préparation.
Toutes les terres , pourvu qu'elles
aient un peu de fond , & qu'elles
foient bien travaillées , conviennent
M A I
en général à la culture du maïs. Ce
grain fe plaît mieux dans un fol lé-
ger & fabionneux , que dans une
terre-forte & argilleufe \ il y vient
néanmoins alfez bien. Les prairies
fituces au bord des rivières , les terres
bafîes , noyées pendant l'hiver , &c
dans lefquelles le froment ne fauroit
réulîîr , font également propres à
cette plante; enfin, quelque aride
que foit le fol du Béarn, il produit
toujours , à la faveur de quelques
engrais , d'amples moilfons, fur-tout
s'il furvient à temps des pluies dou-
ces , accompagnées de chaleur.
Pour préparer la terre à recevoir
la femence qu'on veut lui confier ,
il faut qu'elle foit difpofée par deux
labours au moins; l'un, ou d'abord
après la récolte, ou pendant l'hiver,
fuivant l'ufage du pays. Le fécond
ne doit avoir lieu qu'au commence-
ment d'avril , après quoi on herfe &
on fume. 11 y a des cantons où le
terrein eft fi meuble, qu'un feul la-
bour, donné au moment où il s'agit
d'enfemencer , fuffit ; tandis que
dans d'autres, comme dans la partie
froide & montagneufe du Rouffillon ,
il faut quelquefois porter le nombre
des labours jufqu'à quatre.
Toutes les rerres ne fe prêtent donc
point à la même méthode de culture,
&.' les diftérentes pratiques locales,
ufitces à cet égard, font plus fondées
qu'on ne croît fur l'expérience & l'ob-
fervation. Tantôt on feme le maïs
plufieurs années de fuite dans le
même champ, tantôt on alterne avec
le froment; enfin il y a des cantons
où, dans les terres ordinaires, on
tierce , une année en maïs , une année
en bled; la rroifièmerefte en jachère.
( J^oyc^ le mot Jachère )
MAI
MA I
3(Î5
S E
C T I O N
VIII.
Du choix de la femence & de fa.
préparation,
II faut, autant qu'on le peut, s'at-
tacher i choilir le maïs de la der-
nière récolte, iSc laiirer le grain ad-
hérent à l'épi, jufqu'au moment où
on fe propofe de le femer, afin que
ie germe , prefque à découvert, n'ait
pas le temps d'éprouver un degré de
lécherelfe préjudiciable à fon déve-
loppement. Il faut encore éviter de
prendre les graines qui fe trouvent à
l'extrémité de l'épi ou de la grappe ,
& préférer toujours ceux qui occu-
pent le milieu j parce que c'eft ordi-
nairement là où le maïs eft le plus
beau & le mieux nourri.
Quand on ne devroit laiffer ma-
cérer le maïs dans l'eau que douze
heures avant de le femer , cette pré-
caution fimple auroit toujours fon
utiliré, ne dût- elle fervir qu'à ma-
nifefter les grains légers qui furna-
gent , aies féparer avec l'écumoir,
& à ne pas confier à la terre une fe-
mence nulle pour la récolte, <Sc qui
pourroit fervir encore de nourriture
aux animaux de baiTe-cour j mais en
faifant infufer le maïs de femence
dans des décodions de plantes acres,
dans la faumure, dans l'égout de
fumier , dans les leffives de cendres
animées par la chaux, ce feroit un
moyen de le ramolir , d'appliquer à
fa furface une efpèce d'engrais, &
de le garantir des animaux. Loin
que cette préparation fût capable
de nuire en aucun cas , on devroit
par - tout la mettre en ufagej elle
équivaudroit certainement toutes ces
recettes merveilleufes de poudre ou
de liqueurs, foi-difant prolifiques,
dont nous avons déjà apprécié k
valeur.
Section IX.
Du temps & de la manière de femer.
Il convient toujours d'attendre ,
pour commencer les femailles de
maïs, que la terre ait acquis un certain
degré de chaleur, qui puille mettre
à l'abri du fioid une plante qui eu
eft trcs-fufceptible ; elles doivent fe
faire dans le courant d'avril ou au
commencement de mai au plus tard,
afin que d'une part cette plante ne
germe que quand le danger des gelées
eft paifé, &: que de l'autre les froids
d'automne ne la furprennent pas
avant la maturité.
Quand la terre eft difpofée à re-
cevoir le maïs, on feme le grain par
rayons , l'un après l'autre , à deux
pieds & demi de diftance en tout
fens, & on recouvre à proportion,
au moyen d'une féconde charrue.
Ceux qui n'ont pas de charrue le
plantent au cordeau, à la diftance
d'un pied & demi, en faifant avec le
plantoir un trou, dans lequel on met
un grani , que l'on recouvre de deux
ou trois travers de doigt, afin de le
garantir de la voracité des animaux
deftruéleurs.
Ohfervations fur les femailles.
Le maïs n'eft pas cultivé par- tout
de la même manière ; dans certains
endtoits on feme ce grain à la char-
rue comme le bled ordinaire , & dans
d'autres on le plante : cette dernière
méthode mérite fans contredit la
préférence , parce qu'alors la diftance
l6(^ MAI
entre chaque pied eft mieux obfer-
vée, on ne dillnbue pa^ plus de fe-
mence qu'il n'en eft néctlFaire , &
tous les CTcains fe trouvent également
recouverts & énterirés à des profon-
deurs convenables.
Mais, dira-t on, -en femantlemaïs
à la volée comme en Bourgogne,
les lemailles font plus expéditives ;
on a en outre la reifource de donner
aux pieds de maïs la régularité & l'ef-
pace nécefiTaire, parce qu'en mcme-
temps que l'on farcie, on a foin d'ar-
racher ceux qui font trop près, pour
les replacer dans les endroits plus
clairs 5 mais il eft prouvé que les
pieds arrachés & replantés ne végè-
tent ni avec la même vigueur, ni
avec la même uniformité.
Or, la méthode de femer le maïs
ne doit être adoptée que dans deux
cas particuliers; le premier, lorfqu'on
a delfein d'en confacrer le produit au
fouragc ; alors il faut s'écarter àss
règles ordinaires , & femer le grain
fort près, parce qu'on n'a pas befoin
de ménager des intervalles; une fois
la plante patvenue à fa plus grande
hauteur , on la coupe chaque jour
pour la donner au bétail , dans un
moment où l'herbe ordinaire com-
mence à devenir rare. le fécond cas,
où il faut encore préférer de lemer le
rnaïs , c'eft quand on veut profiter
d'une terre qui a déjà rapporté du
lin, de la navette ou du trèfle; alors
il eft néceffaire de fe feivir cks moyens
les plus expéditifs , femer le grain
macéré préalablement dans Teau ,
parce que fi les chaleurs fe prolon-
gent jufqu'au commencement d'oc-
tobre , le grain nsn eft pas moins
bon. On nomme cette efpèce en
Bourgogne, bleddcTnrqule de regain;
iTJ-^is nous le repetons , a moms de
M A 1
cette double circonftance , il faut
planter le maïs, comme les haricots,
à GC-s diftances de dix-huit à vingt
pouces , & l'avidité de ceux qui vou-
droient le rapprocher davantage fêta
toujours trompée.
Section X.
Des labours de culture.
Rien ne contribue davantage à
fortifier les tiges de maïs & à leur
faire rapporter des épis abondans,
que des travaux donnés à propos , &
répétés trois fois au moins depuis là,
plantation jufqu'.i la récolte : qui-
conque les néglige ou les épargne ,
ignore fans doute le profit qu'il en
peut retirer, foir pour le fourage en
verdure, dont les bêtes à cornes font
très-friandes, foit pour la quantité de
grains qu'on récoite. Les eftets prin-
cipaux de ces labours de culture font :
I ". De rendre la rerre plus meuble
&i plus propre à abforber les prin-
cipes répandus dans l'atmofphère.
2°. De la purger des mauvaifes
herbes qui dérobent à la plante fa
fublîftance, & empêchent fa racine
de refpirer &c de s'étendre.
3". De réchauffer la tige pour lui
conferver de la fraîcheur, & l'affer-
mir contre les fecoulFes àes orages.
Premier labour de culture. On doit
le donner quand le maïs eft levé,
&: qu'il a acquis trois pouces de hau-
teur environ; on travaille la terre,
on la rapproche un peu du pied de la
plante ; des hommes ou des femmes
prennent des hoyaux ou farcliers pour
ôter les mauvaifes herbes , ayant foia
de ne pas trop approcher l'inftrument
de la plante, & de ne lailTer fubfifter
que- la plus belle , de manière à ce
MAI
qu'elle foit toujours erpacceainfi qu'il
a été recommandé.
Second labour de culture. 11 eft
femblable au précédenc; ou attend
pour le donner que le maïs ait un
pied environ ; dans tous les cantons
où la main d'ceuvre n'eft pas chère,
on fç fert pour ces labours de cul-
ture d'une houe ou bêche courbée \
on continue d'arracher les mauvnifes
herbes , & on détache les rejettons
qui partent des racines , & qui ne
produiroient que des épis foibles &
non murs li on les lailfoit lubhRerj
ainfi en les arrachant on augmente
l'abondance du grain & le fourrage
pour les beftiàux.
Troifième labour de culture. Dès
que le grain commence à fe former
dans l'épi, il faut fe hâter de donner
ce travail , parce que c'eft précifc-
ment l'époque où la plante en a le
plus grand befoin : il convient aufii
de bien nettoyer le champ des niau-
vaifes herbes qui ont cru depuis le
dernier travail, &: de bien rechauder
la tige ; ce n'eft , à bien dire , qu'après
ce troifième labour de culture, que
le maïs a acquis aflez de force pour
n'avoir plus rien à appréhender, &
qu'on peut planter dans les efpaces
vides que lailfent les pieds entr'cux ,
difFérens végétaux , tels que les ha-
ricots, les fèves, les courges , c]ui ,
pouvant croître à fon ombrage fans
nuire à la récolte du grain , préfentent
les avantages d'une double moiflon.
E G T I O N
X I.
Du temps & de la manière de faire
la récolte.
Quelque temps avant la récolte du
maïs, il faut fonger à enlever la por-
MA I
tîon de la tige qui eft à fes extrémités
& au-delTous de l'épi, mais prendre
garde de trop fe preffer à faire ce
retranchement. Indépendamment de
l'utilité des feuilles , commune à
toutes les plantes qui végètent, celles
du maïs en ont une particulière, qui
rend leur confervation précieufe juf-
ques à l'époque de la maturité du
grain; elles forment une efpèce d'en-
tonnoir, préfentant une large furface
à l'atmofphère, &l ramalTant pendant
la nuit une provifion de rofée lî abon-
dante , que fi le matin au lever du
foleil on entre dans un champ de
maïs dont le fol foit d'une terre lé-
gère, on apper(^oit le pied de chaque
plante mouillé comme s'il avoit été
urrofé.
Coupe des tiges. Le moment où il
eft poilible de taire cette opération
fans danger, c'eft quand les tilamens,
font fortis des étuis de l'épi, qu'ils
commencent à fécher & à noircir. £a
enlevant les pannicules avant le temps,.
on nuiroit diredlement à la frudiiî-
cation de la plante, puifqu'elles con-
tiennent les fleurs mâles deftinées à
féconder les fleurs femelles j mais il
eft toujours important que la récolte-
de la tige précède celle du grain ,
parce qu'ayant , comme les auttes
parties des végétaux , fon point de
maturité, elle deviendïoit coroneufe,
dure & infipide fi elle continuoitde
demeurer attachée, à la plante; aii
heu qu'en la coupant loriqu'clle eft
encore muqueufe & flexible , elle
conferve, étant féchée en bottes au
foleil , nouées avec les feuilles fur le
corps de la plante, une plus grande
quantité de principes noiirriiraiis, &c
fournit par conféquent un meilleur
fourrage. A moins donc qu'il ne faille
laiiTer la tige fut pied , pour étayer
36S
M A i
les vcgéraux qui croiirent en même-
temps que le maïs , on doit toujours
opérer ce retranchement avant la
moilîon.
De fa maturité. Elle s'annonce par
la couleur & l'ccartemenc des feuilles
ou enveloppes de l'épi • alors le grain
eft dur, fa lurface efl: luifante, & Ç^s
feuilles jaunâtres^ enfin le temps de
taire la moilTon eft indiqué. Le maïs
femé d.ms nos provinces méridionales
en mai , eft mûr dans le courant de
feprembre, & un peu plus rird dans
les contrées moins chaudes.
De fa moijjcn. Lorfque le mo-
ment de récolter le maïs eft venu ,
& qu'il règne un temps fec, les la-
boureurs envoyent leurs gens aux
champs arracher les épis auxquels ils
laillenc une partie de l'enveloppe ,
ils en forment d'efpace en efpace de
petits tas , afin que le grain ne foit
pas expofé à s'échauffer & à fer-
menter ; ils le tranfportent enfuite
à la grange dans des voitures gar-
nies ordinairement de toiles ; c'ell: là
qu'on achève de difpofer le maïs à
entrer au grenier , éc à prolonger 1»
durée de fa confervation.
M A I
moins bon , fur-tout lorfque le can-
ton eft un peu méridional , & que
les chaleurs fc prolongent jufquau
commencement d'octobre j cette ef-
pèce eft connue en Bourgogne fous
le nom de bUd de Turquie de regain.
E C T I G N
XIII.
E C T I O N
X I I.
Maïs regain.
Dans le courant de juin , lorfc]ue
les terres ont déjà rapporté du lin
ou de la navette, on leur donne un
coup de charrue , & auflitoc on y
feme du maïs qu'on a eu loin de
lailfer macérer dans l'eau pendant
vingt-quatre heures , pour accélérer
fa .végétation \ on pourroic même ,
fi la faifon étoit fèche , le femer
tour germé j il arrive plus tard à ma-
turité, mais fouvent il n'en eft pas
Maïs fourrage.
Par-tout où le maïs forme la nour-
riture principale des hommes & des
animaux, quelques portions de ter-
reins font uniquement deftinées à la
culture de ce grain pour en obtenir
un fourrage verd. Dans les cantons qui
font peu riches en pâturage, ou lorf-
que les fubfiftances de ce genre ont
manqué , on feme du maïs immé-
diatement après la récolte, dans des
champs qui ont déjà rapporté du
feigle ou de l'oroe \ enfin, lorfque le
maïs a été femé dès le mois d'avril ,
toujours à delfein de le récoher en
fourrage, on peut faire dans la même
piece julques a trois moiUonsj mais
cette polîibilité fuppofe un climat
dont la température foit chaude, alfez
uniforme & fuflifamment humide \
on ne doit pas' craindre au furplus
que ce fourrage , recueilli trois fois
fur le même champ, puiiTe préjudi-
cier aux récoltes futures, parce que
toute plante dont la végétation eft
aulîl rapide qu'on s'emprelfe de cou-
per avant la fioraifon , ne dégraifle
jamais les fonds où on l'a femée ,
elle y laille au contraire des racines
tendres & humides, qui fe pourrif-
fent aifément, &: rendent à la terre
l'équivalent de ce qu'elles en ont
reçu.
Après avoir donné à la terre un
coup de charrue , le plus profondé-
menc
MAI
ïuenr poffible, on femera le maïs à
la volée, en obfervant que le femeur
s'en remplilTe bien la main, & qu'il
raccouri.iire fon pas; fans ces précau-
tions, le grain , vu fa grolfeur, fe
trouveroic trop clair. On l'enterrera
auffi exaârcmenc qu'on pourra avec
la charrue ôc la hetfe, palîée deux fois
en tout fens. 11 faut environ huit à
neuf bollfeaux de Paris pour un ar-
pent , ce qui forme à-peu-près les
deux tiers de plus de fetnence qu'il
n'eft nécelTaire pour la recoke du
maïs en grain. Une fjis femé & re-
couvert , on abandonne le grain aux
foins de la nature ; il eft inutile de
lui donner les diifcrens travaux de
culture dont il a été queftion. Plus
les pieds fe rrouvent rapprochés , plus
ils lèvent promptemenr, &: plus ils
foifonnenc en herbe , parce qu'ils
s'ombragent réciproquement, &con-
ferven: leur humidité : qu'importe
l'cpi , puifque ce n'eft pas pour l'ob-
tenir qu'on travaille.
Si toutes les circonftances fe font
réunies en faveur du maïs, cui peut
commencer à jouir de fon fourrage
fîx femaines ou deux mois après les
femailles; le moment où la fleur va
forcir de l'écui efl: celui où la plante
cfl: bonne à couper; c'eft alors qu'elle
eft remplie d'un fuc doux , agréable
& très-favoureux; plus tard fon feuil-
l.ige fe fane, &: la tige devient dure,
cotoneufe ,& infîpide.
On coupe le maïs fourrage chaque
jour pour le donner en verd aux bef-
tiaux ; mais quand la fin de l'automne
approche, il ne faut p.as attendre que
le befoin en détermine la coupe , dans
U crainte que les premiers froids ,
venant à furprendre la plante fur
pied, n'altèrent fa qualité; d'ailleurs
il convient de lailfer le temps de
Tome f^I.
M A î
3^9
difpofer les femailles d'hiver, & de
profiter d'un refte de beau temps pour
faire fécher ce fourrage à l'inliat àQS
autres , en l'étendant & le retour-,
uant.
CHAPITRE II.
Du Maïs considéré relati-
VEMENT A SA CONSERVAT lOiiS
ET A LA NOURRITURE Q_U'lL
FOURNIT A l'homme ET AUX
ANIMAUX,
Section p.r e m i â r e.
ApMlyfc du maïs,
La connoiflTance approfondie àss
parties conftituances des grains , peut
fervir à répandre du jour fur l'art de
les conferver longtemps , de les
moudre avec profit , i5c d'en tirer le
meilleur parti. Le maïs contient ,
indépendamment de l'écorce &: du
germe, crois fubftances bien diftinc-
tes entr'elles : fçavoir , une matière
lîiuqueufe, approchant de la gomme,
du fucre «S*: de l'amidon ; mais cette
dernière fubftance y eft trop peu
abondante pour que jamais le maïs
foie capable de remplacer , dans ce
cas , le froment &: l'orge , les deux
feuls grains coufacrés à cet objet j
le lucre ne s'y trouve pas non plus en
quantité alfez confidérable pour de-
venir une relfource. Il faut donc re-
noncer à l'emploi de chacun des prin-
cipes féparés du maïs ; ils font def-
cinés à demeurer lies enferable , &
à fetvir à des ufages plus effenciels,
cv plus économiques.
De l'analyfe du maïs , appliquée
égalemenc aux tiges fraîches de cecte
plante , cueillies Se examinées dans
• A a a
370
MAI
tous les âges , depuis le moment
quelles commencent à prendre de
la conlîftance , jufqu à celui où ,
devenues dures & ligneufes , elles
confervent à peine la faveur fucrée
qu'elles polîèdent Ci éminemment
avant la floraifon, il eft réfulté des
fucs troubles & douceâtres , qui , con-
centrés pat le feu , préfentent bien
des liqueurs épailfes , des extraits ,
mais qui ne feront jamais compara-
bles , comme on Ta dit , aux fyrops ,
aux miels & aux conhtutes, quand
bien même on fuppoferoit que la
plante eft infiniment plus fucculente
en Amérique que parmi nous.
11 fcroit d'ailleurs ridicule de
facriher , à grand frais , le maïs ,
pour n'obtenir que des réfultats dé-
feétueux , & d'une utilité moins gé-
nérale. Lailfons aux abeilles le foin
de courrir la campagne , pour aller
puifer au fond du nedaire des fleurs,
le miel qu'elles nous ramaffent, fans
opérer de dérangement dans les or-
canes des plantes. LailTons également
a l'induftrie de nos colons, retirer de
la canne , Arundo facarifera le fucre
tout formé , que la providence y a
mis en réferve. Confervons à l'hom-
me fa nourriture , aux bêtes à corne
leur fourrage , aux chevaux leur ra-
tion, aux volailles leur engrais j voilà
l'emploi le plus naturel & le plus
raifonnable qu'il foit poffible de faire
du grain & des tiges du maïs. -
M A I
ces épis nne partie de l'enveloppe ',
pour en réunir pluficurs enfemble,
& les fufpendre au plancher , les
auttes en font entièrement dépouillés
&; mis en tas dans le grenier : les
epis qui n ont pas acquis toute leur
maturité font mis à part, & fervent
journellement de nourriture au bé-
tail : quant aux tiges reftées dans les
champs, après la récolte, on les en-
lève auflirôt avec les racines, lorfque
on a delfein de femer du froment^
on les répand fur les grands che-
mins, pour les triturer & les pourrir,
ou bien on les enterre dans les champs
même \ mais ces tiges font trop li-
gneufes pour pouvoir fervir de litière,
& devenir prompuement la matière
d'un engrais; il vaut mieux les brû-
ler, parce qu'indépendamment de la
chaleur qu'on en obtient , elles pro-
duifent beaucoup de cendtes, & ces
cendres une quantité confidérable de
fels alkalis , dont les fabricans de
fdiin titeroient bon parti.
E C T I O N
I I l.
Section
1 I.
Dépouillement des robes du maïs.
Les épis de maïs,tranfportés à la
grange , font encore garnis de leurs
robes ou de leurs feuilles : on lailfe
aux plus beaux & aux plus mûrs de
De la confervation du maïs en épi.
L'air & le feu font les agens de la
confervation ou de la deftrudion des
corps j c'eft par leurs effets, bien di-
rigés , qu'on parvient à donner plus
de perfection au maïs , ou à en pro-
longer la durée. Le premier de ces
agens , le plus narurel &: le moins
coûteux , eft toujours au pouvoir de
l'homme; mais rarement en recueille-
, t il tous les avantages.
Maïs fufp'endu au plancher. On
en entrelafte les épis par les feuilles
qu'on leur lailTe à cet effet , ou
en forme des paquets de huit à â^ni
M A I
épis , & on les fufpend horifonta-
lemenc avec des perches qui tiaver-
lenc la longueur des greniers <Sc de
tous les autres endroits intérieurs &
extérieurs du bâtiment. Par ce moyen
le maïs fe conferve , fans aucuns frais ,
pendant piufieurs années, avec toute
fa bonté Se fa fécondité : il n'a rien
à redouter de la part de la chaleur ,
de l'humidité & des infeéles; chaque
épi fe trouvant comme ifolc , fe relfue
Ôc fe fècheinfenfiblement. Cette mé-
thode de confervation , qu'on peut
comparer à celle de garder les grains
en gerbe j eft pratiquée par tous les
cultivateurs de maïs. Mais, quelque
avantageufe qu'elle foit , il ei\ im-
pofTible de l'appliquer à toute la pro-
vilion , à caufe de l'emplacement
qu'elle exigeroit : auiîi ne l'adopte-t-
on que pour le maïs deftiné aux fe-
mailles, dans les provinces hiéridio-
nales fur-tout , où on en fait des
récoltes abondantes.
Alaïs répandu dans le grenier. Une
fois les épis entièrement dépouillés
de leurs robes, on les étend fur le
plancher, à claire voie , d'un grenier
bien acre , à un pied ou deux au plus
d'épailfeur , afin qu'ils puilTent aifc-
ment exhaler leur humidité & fe
relfuer. On les remue de temps
en temps, pour favorifer ce double
«fFet. II. y a certains cantons où ,
avant de porter les épis au grenier,
on profite des rayons du foleil , pour
les y expofer. Cette déification pré.a-
lable , rend la confervation de maïs
plus fùre & phis facile : fouvent même
il n'eft pas néceifaire d'attendre qu'ils
aient fcjourné au magafin , pour les
égrenner \ mais cette opération ne
fauroit avoir lieu que longtemps
après la récolte : il y a des cantons où
on les palfe au four.
M A-î 37t
Section IV.
Procédtujîtpen Bourgogne ,pourf€cher
le maïs au four.
Pour taire fécher le turqule \ car
c'eft ainfi qu'on s'exprime en Bour-
gogne , lorfqu'on expofe le maïs au
tour , on diftribue les épis , deftinés
à la fournée , dans des corbeilles ,
puis on chaufle le four jufqu'au blanc
parfait j c'tft -à-dire, un peu plus que
pour la cuilTon du pain. Le four, une
fois chauffé , on le nettoyé , on y
jette les épis , que l'on remue avec
un fourgon de fer recourbé j on ferme
le four auflïtôt. Une heure après on
le débouche, &: au moyen de la pèle
de fer , on a foin de remuer le fond
du four , de foulever les épis , de
renverfer ceux qui font pofés fur l'atre.
Après cette opération , on étend,
avec la pèle , une ligne de braife al-
lumée à la bouche du four , que l'on
ferme le plus exadcment poilible ,
dans la crainte que la chaleur ne
s'échappe. On remue les épis une
féconde fois, & c'eft à-peu près l'af-
faire de vingt-quatre heures pour
completter la dellîcation du maïs.
Lorfqu'il s'agit de retirer les épis
du four , on fe fett d'un infttumenc
de fer, de l'épaifTc-ur de deux lignes,
(Se on les met dansun pannier qu.uréj
on les égrené enfuite , afin qu'ils ne
s'ammoHlfent point. On chauffe de
nouveau le four , pour y fé^^^lier d'au-
tres épis de maïs , que l'on laille éga-
lement vingt-quatre heures Dans un
four d'une capacité ordinaire , on
fèche ordinairement environ quatr».
mefures de maïs ; c'eft à-dire, que les
épis, palTés au (our , rendent, après
leur dellkation , enviion quatre me-
A a a i
371 MAI
fures en grains j mais quand les fours
onr une dimcnlion plus confidérable,
telle que celle des fours bannaux ,
on y fèche jufqu'à trente &; quarante
mefures de maïs.
Par cette opération, on enlève au
grain l'eau furabondinte, & on com-
bine plus intimement celle qui lui
efteiTentielIe j enfurce qu'il eft moins
attaquable par les in(ed:es , plus fuf-
ceptible de s'égrener, de fe moudre,
& de fe conferver fans altéc.ition.
Mais tous ces avantages ne fauroient
avoir lieu , fans apporter dans la conf-
titution du grain un dérangement
dont le germe fe reiïent le premier.
11 ne faut donc jamais palfer au four
le m:us dcftiné à la reproduction fu-
ture , rarement celui qui entre dans
le pétrin , ou que Von donne à la
volaille ; parce qu'indépendamment
de cet inconvénient, ce feroit em-
ployer une confommation de bois en
pure perte, &c beaucoup d'autres fiais
de main d'œuvre. La deffication n'eft
donc réellement utile que pour donner
une perfeélion de plus à la bouillie j
car c'eft une vérité démontrée , que la
farine qui fait la meilleure bouillie,
eft la moins propre à la panification.
Section V.
Manière d'égrener le maïs.
Il y a quelques précautions à em-
ployer avant d égrener le maïs. Dans
les p.iys chauds il feroit polfible de
faire cette opération en automne , fi
après la récolte on expofoit lès épis
au foleil \ mais elle s'exécuteroit dif-
ficilement dans les provinces fepten -
trionales , à moins qu'on ne fe fetve
de la chaleur du four ; parce que
dans le premier cas l'humidité eft
moins abondante , & n'adhère point
MAI
tant aux grains. Les différentes ma-
nières d'égrener le maïs font rela-
tives au pays & à la quantité de grain
qu'on iccolte. La plus expéditivfr
conhfte à fe fervir d'une elpèce de.
tombereau, foutenu par quatre petits
pieds , & percé , dans fon intérieur ^
de trous par o\x les grains , détachés,
de leur alvéole, puillent palTer : on
y met une certaine quantité d'épis»
Deux hommes , piarés aux extrémi-
tés , frappent delTus avec des bâtons ,
&• on repa.'feles épis à la main , pour
en féparer les grains qui peuvent y
être reftés. Cette méthode , plus par-
ticulièrement ufitée dans le pays
Navartin , eft femblable à-peu-près
à celle de battre avec le fl^au \ Ôc
c'eft airifi qu'on égrène dans la plu-
part des pruvinces méridionales \ mais
il y a tout lieu de croire que cette
méthode ne peut être applicable qu'air
maïs extrêmement fec; car dans la
citconftance où il le feroit moins,,
l'effort de l'inftrument dur doit être
préféré.
Après régrenage, on porte l'épi,
dépouillé de grain , dans un lieu à
couvert , où il achève de fe féclier.
IJ porte diffcrens noms,& fon iifage
principal eft de favorifer , dans les
campagnes, l'ignition du boisverd,
& même pour remplacer le charbon j
il prend feu aifément , répand une
flimme claire & a^réab'e. Il peut
donc fervir à chaL:îfcr le f^ur , & à
beaucoup d'autres deflinations auiîî
utiles.
Section VL
Confervanon du maïs en grain..
Sans attendre que rabfolue né-
ceffité force d'égrener le m.ïïs , nous
croyons qu'il n'y auroic aucun inr-
U A I
convénîent Aq faire cette opération,
dès qu'elle ellpraciquable. Nuiis ofoiis
même croire qu'elle ne peur être que
trèi-avantagetife , parce que, outre
remplacement qu'elle mciiage , elle
procure la facilité à toutes les parties
du grain de fe delTccher uniformé-
ment. Dès que le mais tll égrené
& vanné, on le porte au grenier, où
il refte jufqu'au moment qu'il s'agit
de l'en voyer au m arche pour le vendre ,
ou au moulin- pour le moudre ; n>ais,
quelle que foit fa féclieteffe natu-
relle, il faut de temps en temps le
remuer avec une pèle , ôc le faire
paflTer fuccelîîvement d'un lieu dans
un autre, en le rafraîchiilant par de
l'air nouveau. Mais les ennemis dont
il faut préferver le maïs , ce font les
infedes, fi redoutables àcaufe de leur
petitelfe , de leur voracité & de leur
prodigieufe multiplication j le moyen
le plus efficace poury parvenir, tilde
tenir le grain renfermé dans des facs
ïfolés , & de placer ces facs dans l'en-
droit de la maifon le plus au nord
&' le plus (ec; parce que là où il n'y
a point de chaleur ni d'humidité ,
on n'a point non plus de fern-jenta-
tion ni d'infeûes à appréhender.
E C T î G N
V 1 I.
Farine de maïs.
Il f,nn que le maïs folt parfaite-
ment fec , pour être converti en fa-
rine, parce qu'autrement il engrap-
peroit les meules , & grailleroit les
bluteaux : il eft bon aulîi de le inoa-
dre à part, quand on auroit l'inten-
tion de le mêler cnfuite avec les au-
tres grain*,. Mais comme le maïs ne
fauroit être moulu en une feule f'is.,
fans que le fon & la farine ne foient
tédaits au u;cine degré de ténuité ,
MAI 373
Se confondus enfemble , il feroit à
fûuhaiter qu'on adoptât, pour le mou-
dre , la pratique de la mouture éco-
nomique , que les meules fufTenc
rayonnées, &;queles bluteaux eutlcnt
plus de fine(îe. Le maïs, bien broyé,
rend alfez ordinairement les trois-
quarts de fon poids en farine, ëc le
relie en fon : le déchet n'excède pas
celui des autres grains.
La farine de maïs jaune conferve
d'autant moins cette couleur , qu'elle
fe trouve plus divifée par les meules:
celle du maïs blanc n'a pas ce coirp
d'œil brillant de la farine de froment j
mais une règle générale à établir y
concernant l'état de divifion où elle
doit être , dépend de l'efpèce de pré-
paration à laquelle on a dcllein de la-
foumettre. 11 convient que le grain
ne foit que concafle j quand il s'agit
de le deftiner à des potages ; plus,
atténué au contraire, dès qu'on veuc
en préparer de la bouillie ; enfin ,
aulli fine qu'il eft poflible j lorfqu'il
eft queftion d'en fabriquer du pain y
mais cette farine , examinée dans
tous les états, ne contient pas la ma-
tière glu tin eu fe a ni ma le ,t]ui fe trouve
dans le froment & dans l'épeautre.
£)e fa confayatlon. Les habitans
des campagnes, qui n'envoyent leus
maïs au moulin que deux fois paï
mois, dans l'opinion où ils font que
le farine ne peut fe conferver plus
longtemps , & que palfé ce terme,
elle contrafte un goût échauffé , la
garderoientbien au-delà, même dans
la f lifon la plus chaude , s'ils la fça-
voient mieux bluter au foi tir du mou-
lin , & qu'ils fîlTent toujours ufage
de la meilleure méthode de la cotr-
ferver. Cette méthode con(;fte à renr
fermer la f irine dans des facs- , ai
éloigner les facs des murs ^. i Lâ^
374 MAI MAI
ifoler de manière A ce qu'ils ne fe que l'on obtient avec les faiineu<
touchent par aucun point de leur ordinaires j il y en a même qui leur
furface , & qu'ils lailFent alTez de font préférables , & qui pourroienc
vuides entr'eux , pour permettre à devenir par la fuite une nouvelle
l'air de circuler librement. Nous en branchede commerce, &unecpargne
expliquerons plus en détail les autres fur les grains deftinés à former l'ali-
avantages, en traitant de la confet- ment principal des citadins ; mais
vation de la farine j puifqu'ils font c'eft particulièrement fous la forme
applicables à tous les grains , & à de bouillie que le maïs fert de nour-
tous les pays. riture, & il porte alors différens noms,
on l'appelé polenta dans les pays
Section VIII- chauds de l'Europe \ milliajje dans
,, .. , . V r ; -/r nos provinces méridionales ,& oai/û'ej
MûLS relativement a la botl on, J i r- - „ n
•" en rranche-Comte & en Bourgogne ;
Puifque le maïs contient des prin- mais c'e(t toujours la farine de ce
cipes analogues à ceux des autres grain, plus ou moins divifée & pur-
grains , on peut , en le foumettant gée de fon , délayée (!k: cuite avec
aux mêmes opérations, obtenir des de l'eau ou du lait, & relevée par
boiffons deftinées à différens ufages. difFérensalfaifonnemens. Cette forme
Il remplace, avec avantage , l'eau eft la plus iimple, la plus naturelle
d'orge , de chien-dent & de riz j & la plus convenable au maïs , &
pourvu qu'on ne néglige point de il feroit à fonhaiter que la bouillie
faire pécéder la décoélion à la tritu- en général ne fut jamais préparée
ration , afin d'enlever d'abord la ma- qu'avec ce grain, & l'on entendroic
tière extradtive de l'écorce, & de la moins fe plaindre contre l'ufage des
rejeter , comme étant moins douce farineux. Oh employé encore le mais
que celle de l'intérieur ; mais une fous forme de galette Se de pain.
des boiffons les plus capitales qu'on Nous traiterons cet objet à l'article
puilFe préparer avec le mais, c'eft la Pain.
bière. M. le marquis de Turgot en
a fait préparer pendant fon féjour à Section X.
Cayenne , en fe fervant d'abfynthe
au lieu de houblon , & M. Long- Mais » relativement à la nourrituri
champ, célèbre Braffeur de Paris, a des animaux.
appliqué , avec un égal fuccès , tous
les procédés de la bralFerie au maïs , Les bons effets du maïs ne fe ma-
&c la bière qu'il en a obtenu, étoit nifeftent pas moins lut les animaux,
légère & excellente. La plupart montrent pour cette nour-
Section IX.
riture une prédilection décidée. On
la leur donne en fourrage, en épis.
,, .. , . , , . en gram , en farine &c en fon : les
Mais , relativement a la nourriture , ^ , , ,- ,
, , chevaux , les bœufs , les moutons ,
pour les nommes. i , , i -n
^ les cochons , la volaille , tous ai-
II eft en état de remplacer prefque ment le maïs Se le préfèrent aux
«outes les préparations alimentaires autres grains j il ne s'agit que d'en
M A I
varier Ia<]uanricc & la forme , pour
foiueiiir les uns au travail , & pour
enç^railfer les autres. Encrons dans
quelques détails.
Section XI.
Maïs en guife d'avoine.
Dans le nombre des grains qui
couvrent la furface du globe , il en
eft un qu'il faudroit profcrire , ou
du moins en reftraindre la confom-
mation , c'eft l'avoine , dont la cul-
ture abforbe beaucoup de bons ter-
reins , & qui ne dédommage pas
fouvent des frais du labour. L'ufage
de ce grain eft déjà remplacé , avec
fuccès , dans quelques cantons de
l'Europe , par l'orge , plante d'une
végétation plus facile , & d'une ré-
colte plus certaine. Ne pourroit-on
pas , dans tous les endroits où le
maïs eft cultivé en grand , nourrir
les chevaux avec le fourrage ëc le
grain que la plante fournit ? Quel-
ques auteurs afiurent que pour les
y accoutumer , il faut concaller le
maïs, le mêler avec leur avoine , &
avoir toujours l'attention de les faire
boire , comme quand on leur donne
du froment. Enfin , une moilfon paf-
fable en maïs , vaut mieux que la
plus belle en avoine , & on obferve
qu'il a plus de fubftance que l'orge.
Section XII.
Ufage du maïs- fourrage.
Parmi les plantes , dont les prai-
ries naturelles ou artifiàelles font
compofées , il n'en eft point qui ren-
ferment jiutanc de principe alimeu-
Al A î
375
taire, & qui plaifent aux animaux
de toute elpèce que le maïs en verd;
c'eft la nourriture la plus laine , la
plus agréable, &: la plus fubftancielle
qu'on puilfe leur préfenter ; ils la
préfèrent à toute autre , &: ce four-
rage feché avec foin , eft encore une
relTource précieufe pour les beftiaux
pendant l'hiver , foir qu'on le leur
donne feul ou mélangé ; mais dans ce
cas il eft à défirer qu'on ait les facilités
nécellaires pour le hacher de la même
manière qu'on le fait pour la paille
deftinéeà la nourriture des animaux ,
ils s'en trouveront mieux, & on éco-
nomifera encore fur la quantité.
Le maïs femé pour le récolrer eu
grain, ofFie aufli, à différentes épo-
ques de la faifon , plufieurs relTources
pour la fubfiftance des beftiaux , &
dont on ne fçait pas profiter également
par-tout pour les befoins de l'hiver:
tels font les pieds enlevés des endroits
où la plante trop rapprochée , con-
trarieroit elle-même ion développe-
ment; les rejetions qu'il faut auili ar-
racher ; la tige coupée au-delTous du
nœud de l'épi quelque temps avant
la récolte ; les feuilles qui reftenr
fur la plante , & celles qui envelop-
pent l'épi. Toutes ces parties étant
retranchées à propos , fechées au fo-
leil , &c mifes en réferve , peuvent
fournir encore un excellent fourrage,
fins nuire i la grofteur &c à l'abon-
dance des épis : enfin , on conçoit
combien une plante qui donne des
récoltes aulli abondantes , eft avanta-
geufe pour les cultivateurs , puif-
qu'elle les mettra à portée d'augmen-
ter leurs troupeaux , d'avoir un plus
grand nombre d'animaux deftinés au
labourage , à fournir du lait , à être '
engrailfés , & qu'ils obtiendront plus
de fumier.
37<^
MAI
MAI
E C T I O N
X I î I.
Maïs pour le bétail.
D.ms l'Amérique feptenrrionale
9X\ ne fe donne pas la peine d'égre-
ner le maïs pour le bétail , on lui
jette les épis entiers \ mais il faijc
convenir , que pour que cette méthode
foie avantageufe, le maïs doit être
nouveau , parce qu'alors la totalité de
la grappe fert de nourriture , tandis
que trop dure , elle n^a plus de fa-
veur. Les fameux cochons de Naples
ne fo!U engraiffes que par ce moyen ,
& l'auteur de l'Ecole du Jardin-po-
tager, alTure , pour les avoir vus,
qu'ils pèfent jufqu'à cinq cens livres,
& que pour les amener à ce volume
énorme, il fuffit de les enfermer
pendant deux mois dans une loge
où il y a une auge toute remplie de
ce grain. On a remarqué en Bour-
gogne , que quand les cochons étoient
un peu gras , 6c qu'ils commençoient
à fe dégôîiter, on leur donnoit tous
les quinze jours du maïs entier non
feché , & bouilli dans l'eau.
Section XIV.
Mais pour l'engrais des volailles.
Les volailles de toute efpèce , pro-
iîtent à vue d'ceil , nourries avec du
iiiaïs cria , ou cuit , en farine , ou
en boulette \ elles prennent beaucoup
de graille , & leur chair acquiert un
goût fin & délicat : au(îî les plus efti-
raées viennent-elles des endroits où
ce grain eft ailtivé en grand. Les
chapons de la Breffe , les ciuiïes
d'oyes , les foies Je canards , fi renom-
jnés dans toute TEurope , doivent
leurs avantages en partie au maïs.
Section XV.
De fes propriétés médicinales'.
Indépejidamment de la nourriture
falutaire que le maïs fournit à l'hom-
me & aux animaux , on lui attribue
encore des propriétés médicinales j
mais ces propriétés font, comme on
le penfe bien , moins fenfibles chez
les perfonnes qui font un ufage jour-
nalier de ce grain , parce que l'habi-
tude le rend bientôt indifférent à l'é-
conomie animale, & que toute nour-
riture ne conferve plus , au bout d'un
certain temps , que l'effet alimen-
taire.
Les potages & les bouillies claires ,
en forme de gruaux , compofés de
farine de maïs , pallent pour être
très-falutaires , & tellement faciles
à digérer , que fouvent les médecins
les prefcrivent comme remèdes aux
malades & aux convalefcens ; mais
un des effets que produit alfez conf-
tamment le maïs, fous quelque forme
qu'on s'en ferve, c'eft de porter aux
urines j & les voyageurs les plus dignes
de foi , prétendent que l-es Indiens,
avant leur conquête , ignoroient les
maladies des reins , de la vtllie , &
particulièrement la pierre : enfin ,
M. Desbiey, dans fon mémoire Ave
les landes, couronné par l'Académie
de Bordejîux , aflure que depuis que
la culture du maïs a été introduire
en Gafcogne , les habitans qui en
font leur nourriture principale , ont
été délivrés des apoplexies auxquelles
ils étoient très-fujets auparavant. Si
cette obfervation eft fondée j elle
fuffit feule pour répondre aux objec-
tions qu'on a faites coiitre la nour-
riture du maïs , en l'accufant d'oc-
cafionnes
M A I
cafionner des plccores humorales &
fangiiiiies. Mais , encore une fois ,
c'eft à l'expérience & à l'obfervarion
qu'il appartient de prononcer. Tout ce
qu'il y a de bien conftaté j c'ell qu'en
.parcourant les campagnes de plufieurs
de nos provinces , on voit que leurs
habitans , qui vivent de maïs, font
portés à donner la préférence à ce
grain, lors même qu'ils en ont d'au-
tres & que leur vigueur & leur po-
pulation fuffifent pour atteller la
faliibrité de cette nourriture.
MAINS ou VRILLES. ( Bo:.) Ce
font ces filets herbacés , dont quel-
ques tiges de plantes font pourvues
pour pouvoir s'accrocher aux corps
qui les avolfinent. La vigne, les pois,
Sic. ont des mains. ( /^oyt^^ le mot
Vrilles) M. M.
MAL D'ANE. Médecine vété-
rinaire. C'efl: une maladie fem-
blable aux peignes, ( f-^.o}<:\ ce mot)
qui fe manifelte par de petites cre-
valfes autour de la couronne de l'àne
& du cheval. L'animal boite con-
tinuellement j la démangeaifon qui
a lieu prefque toujours dans cette
partie , l'incite à y porter la dent ,
ce qui luioccafionne quelquefois non-
feulement un dégoût, mais une ef-
pèce de dartre & des ulcères à la
langue & aux autres parties de la
bouche. ( i^oye:^ Dartre ; Se quant
au traitement de la maladie dont il
s'agit, conJulcc'[ les mots Arrête eu
Queue de rat. Crevasse, Eaux
AUX jambes , Peignes , &:c. ) M. T.
MAL DE CERF. Médecine vé-
tÉrinatre. Le cheval qui eft atteint
de cette maladie, éprouve une tenfion
Tome FI,
MAL 377
fpafmodique dans les mufcles de la
mâchoire poftérieure, dans ceux des
yeux, des oreilles, dans ceux de l'en-
colure du corps , de la croupe , de la
queue, & dans ceux des extrémités.
Ce fpafmen'eft pas toujours général,
il fe borne quelquefois aux mufcles
de la mâchoire poftérieure ; pour lors
on le nomme cic de l'ours ; d'autres
fois il faifit les mufcles du globe de
l'œil , alors on lui donne le nom de
firabifine. ( Voye-{ ces mots )
Lesjîgnes qui cara£bérifent le mal
de cerf ^ ou le fpafme qui attaque gé-
néralement toutes les parties qui
compofent le cheval , s'annoncent
par une roideur qui s'empare rout-à-
coup des mufcles du corps, &: ferre
fi fortement les mâchoires de cet
animal, qu'il n'eft prefque pas pof-
fible de les ouvrir. Il élève d'abord
fa tête & fon nez vers le râtelier,
fes oreilles font droites , fa queue eft
retroulîée, fon regard eft empreft^c
comme celui d'un cheval qui a faim,
& auquel on djnne du foin 5 l'enco-
lure elt fi roide , qu'à peine peut-on
la mouvoir; s'il vit quelques jours
dans cer état, il :.'élève des nœuds fur
les parties cendineufes, tous les muf-
cles de l'avant- main & de l'arrière-
main éprouvent un fpafme fi violent,
qu'on diroit , en voyant lâs jambes
du cheval ouverrcs & écartées , que
fes pieds font cloués au pavé; fa peau
eft fi fortement collée fur toutes les
parties de fon corps, qu'il n'eft pref-
que pas polhble de la pincer ; les
mufcles de fes yeux font fi tendus,
que fi on ne regardoit qu'à l'immobi-
lité de ces organes, on croiroic que
l'animal eft mort : mais il ronfle & il
éternue fouvent, fes flancs font fore
agités, fa refpiration eft très- pénible.
Quaiit à révènema3t:da cette ma-
Bbb
378
MAL
ladie , elle cède ou fait mourir le
cheval en peu de jours.
La çiiufe immédiate du fpafme j
connu parmi les maréchaux fous le
nom de mal de cerf ^ réfide dans la
crifpation des nerfs qui tend la fibre
dont ils font compofés , au point de
les faire réfifter à î'adlion du fens in-
térieur j cette crifpation eft occa-
fionnée par l'âcreté de quelques ma-
tières qui irritent le genre nerveux
en général, ou qui agilîant fur une
feule partie, communique l'irritation
qu'elle y produit à toute la machine,
parce que fes reflorts réagilfant tous
les uns fur les autres , l'un ne fauroit
être vivement ébranlé fans que les
autres y participent.
La blelTure d'un tendon , & prin-
cipalement celle de la dure-mère,
peut produire un fpafme , qui roidit
& rend immobile rout le corps de
l'animal qui en eft atteint, car l'ex-
périence nous apprend , qu'en por-
tant l'extrémité inférieure de la têre
du cheval au poitrail , fi l'on plonge
un poinçon de fer entre l'occipital &
la première vertèbre cervicale, fur le-
champ fon corps & fes membres de-
viennent roides , &; il meurt dans un
vrai état de fpafme, ce qui n'arrive
poinr fi on l'cgorge, & qu'on le lailfe
mourir par la perte de fon fang ; il
périr alors dans des mouvemens con-
vuUifs , parce que raffoibliffement
fucceilif de fes forces rend fes or-
ganes incapables d'une aétion régu-
lière ; tandis que dans le premier cas ,
la caufe qui détruit l'animal eft vio-
lente &C prompte, de forte que le
fpafme eft la fuite de la deftruélion
fubite des forces centrales, parce que
celles delà circonférence n'éprouvant
plus de leur part cette réaftion qui
maintenoit leur équilibre , fe déve-
MAL
loppent autant qu'il eft en elles, ce
qui donne à la fibre nerveufe une
tenfion qui ne lui permet plus aucun
mouvement.
Nous concluons de ce qui vient
d'être dit, que le fpafme univerfel ,
ou le mal de cerf, dépend de deux
caufes prochaines \ l'une, de l'âcreté
de quelques humeurs qui irritent vi-
vement le genre nerveux, & l'autre,
de la bleffurede certaines parties ten-
dineufes ou aponévrotiques , dont l'é-
branlement & l'irritation fe commu-
niquent à toute la machine.
La cure. L'indication que préfente
la première caufe , eft d'adoucir ou
d'expulfer l'humeur irritante ; mais
comme les accidens de cette maladie
menacent le fuiet d'une mort pro-
chaine , on eft fouvent obligé de
travailler à les calmer avant de s'oc-
cuper à en détruire la caufe. Les
bains, les fomentations émoUientes
font pour cela le remède le plus
prompt & le plus fur qu'on puifte
employer^ ils produifent un relâche-
ment qui ne manque jamais de fou-
lager l'animal, & comme fouvent le
premier fiège de l'irriration fe ren-
contre dans la région épygaftrique,
ou à l'eftomac, ou au diaphragme,
& que d'ailleurs ces organes font le
centre de routes les forces animales,
il eft très-intérelfant d'en relâcher les
reftorts qui font alors dans une très-
grande tenfion. L'ufige de l'huile
d'olive , de celle de graine de lin ,
des bollfons émollientes , opère de
très bons effets.
Les faignées, par le relâchement
qu'elles procurent; les narcotiques,
par leur vertu d'engourdir le genre
nerveux & de le rendre moins irri-
table ; font aiifli des remèdes qui
doivent être employés & réitérés fui-
MAL
vant la nature & riiuenfité des ac-
cidens.
Quand on a calmé les fymptômes
les plus prelfans , &c que le danger
eft devenu moins inftanc, on doit tra-
vailler à en détruire la caule, & pour
cela il faut s'affurer de fa nature,
afin de la combattre par des remèdes
convenables.
Sic'eft une tranfpiratîon fupprimée
qui a occafionné le fpafme, connu
fous le nom de mal de cerf , il fiut
employer les diaphorétlques , les fudo-
ritiques, étriller, brolTer & bouchon-
ner fortement l'anisnal pour la ré-
tablir.
Si on a lieu de foupçonner que
quelque humeur acre irrite l'eftomac
& les inteftins, telle qu'une bile éru-
gineufe, & quelques fubftances vé-
néniufes, prifes avec les alimens, il
faut avoir recours aux purgatifs &:
aux lavemens.
Quant à l'indication curative que
prcfente la féconde caufe , il faut
avoir promptement recours à tous les
moyens capables de détruire l'irrita-
tion que fouffre la partie tendineufe
ou aponévrotique blelTée. Si elle eft
caufée par le déchirement ou la fec-
tion imparfaite de quelques nerfs ,
il faut dilater la plaie , & même
couper en entier le tendon ou l'apo-
névrofe , fi une fimple dilatation ne
fuffit pas.
Mais fi l'importance ou la fitua-
tlon de la partie blefTce , demande des
ménagemens dans les incifions qu'on
voudroit faire, il faut avoir recours
aux topiques émollients &: relâchans,
& lorfqu'ils font infuffir.ins , on em-
ployé les dedicatifs qui détruifent
la fenfibilité dans l'endroit blelTé.
L'huile de térébenthine réuflit affez
MAL
379
fouvent à calmer les accidens de la
blelTure des tendons ^ fi elle ne fufiit
pas, il faut fe fervir de l'huile bouil-
lante , &c même du cautère aébuel ou
potentiel.
Et s'il arrive que l'irritation foie
entretenue parla préfence d'un corps
étranger, ou par l'âcreté de quelques
humeurs, qui, n'ayant pas une liFue
facile, féjomnent dans la partie bief-
fée &c s'y corrompent , dans le pre ■
mier cas , il fmt, par tous les moyens
qu'indique la chiiurg:e vétérinaire ,
taire l'extraétion du corps étranger}
dans le fécond, il but donner illue
à la matière , en dilatant la plaie
& en faifant , fi le cas l'exi^^e , des
contre -ouv'crmrts , & cher; hei tn
même -temps à adouCit râcrccé de
l'humeur par des décerfifs adoucil-
fans , onélueux, niucilagineux , tels
que le miel rofat, l'huile d'amande
douce , l'onguent d'althxa , les mu-
cilages de pfilUum , de mauve , Sic.
M. B. R.
MALDEFEU, ou D'ESPAGNE.
Médecine vétérinaire. En hip-
piatrique, nous délignons fous ce
nom une maladie dans laquelle le
cheval a un air trifte , porte la tête
baiïe , ne fé couche que rarement ,
s'éloigne toujours de la mançieoire,
avec fièvre , &c un battement de flancs
confidérable.
Comme l'expérience prouve que
cette maladie n'eft orciinairtinent
qu'un fymptome ti'une m;i!aàie ef-
fentielle, telle que lap!ear.'fit, la pé-
ripneumonie, &c. , nous renvoyons
le leéVeur à ces articles, quant aux
caufes, & au traicemenr.
Nous obferverons feulement ici que
les maréchaux font dans l'erreur de
prendre pour diagnoftic, la chûtedes
B b b 2
38g mal
crins , qui a lieu à la fuite de cette
maladie. Nous fommes bien aife de
leur apprendre que les erins tom-
bent prefque toujours à la fuite des
maladies inflammatoires , & que ce
phénomène n'elt jamais le caradère
du mal de feu. M. T.
MAL DEFEU des brebis. ( Foyei
Brûlure. Tom. II , pag. 477 j
col. I. )
MAL ROUGE. Médecine vé-
térinaire. Cette maladie épizoo-
tique , qui attaque tous les ans les
bêtes à laine de plufieurs provinces ,
porte différens noms. On l'appelle
mal. rouge , maladie rouge , à caufe
du fang que quelques-unes d'elles ren-
dent particulièrement par la voie des
urines. Dans le bas -Languedoc on
l'appelle maladie d'été, parce qu'elle
exerce fes ravages après l'hiver ; &
€nfin , maladie de Sologne , parce
que , d'après les obfervations de M.
l'abbé Telîier , c'eft le pays où elle
cil le plus généralement répandue.
Symptômes & Jîgnes de la maladie
Il eft difficile de s'appercevoir dans
les premiers inftans , quand des bctes
à laine en font attaquées , parce
qu'elles font mêlées à un grand
nombre d'autres bètes , ce qui em-
pêche de diftinguet celles qui font
malades. On- n'en eft alfuré , que
lorfque dans la faifon où règne l'c-
pizootie , on les voit rallentir leur
marche , s'écarter du troupeau , ne
brouter que d'une manière languif-
fante la pointe des hetbes , au lieu
de les dévorer jufqu'à la racine , re-
venir à la bergerie avec le ventre
MAL
applati , l'air trifte, les oreilles baffes
& la queue pendante. Alors , fi on
les examine de près on leur trouve
l'œil terne , larmoyant & prefque
couvert ; le globe & les vaiffeaux qui
s'y diftribuent , les lèvres, les gen-
cives & la langue blanchâtres, ou
livides \ les nafeaux font remplis
d'une humeur épailfe qui les bouche j
les urines font ordinairement rares
& coulent lentement j la tête eft fou-
vent gonflée , ainfi que les jambes de
devant. La foiblelTe des bêtes malades
eft telle , qu'on les fait tomber faci-
lement , li on applique la main fur
leurs reins j elles ne font aucune ré-
fiftance lorfqu'on les faifit par une
jambe de derrière \ la laine , donc
les filamens, à la tête fur-tout, font
drelTés & hérilTés , eft d'une moUelfe
extrême , au point que les hommes,
qui tondent as, animaux, jugent que
ceux dans lefquels ils remarquent
ces lignes , font malades , ou le de-
viendront bientôt. Lorfque les bêtes
à laine font attaquées de cette ma-
ladie , elles cherchent l'ombre, fans
doute pout fe garantir des mouches
qui fe jettent fur elles en grand
nombre , fans qu'elles falTent aucun
efFott pour les chafler. Souvent il
s'en perd au milieu des bruyères , où
elles périlfent & deviennent la proie
des chiens & des oifeaux de proie.
Le plus fouvent elles reftent auprès
des métairies , parce que le berger ne
peut les déterminer à fuivre les autres.
Quand le mal eft dans fa force, elles
portent la tête bafle jufqu'à plonger
le mufeau dans la terre j l'épine du
dos fe courbe ; les quatre pieds fe
rapprochent \ elles reftent immobi-
les , tantôt debout, tantôt couchées,
battant du flanc , & refpirant avec
peine. A cette époque on les fait fuf-
MAL
foquer facilement , fi , en leur exa-
minant rintcrieur de la gueule , on
la tient quelque temps ouverte. On
ne peut guères f-iger de leur poulx j
car les bêtes à laine font fi timides,
que même , dans l'état de fanré, (es
battemens en font accélères & irré-
guliers , lorfqu'on les faifit pour leur
tâter le cœur ou l'artère crurale. La
maladie , parvenue à fon dernier
terme , il fort de la gueule des bêtes
une bave écumeufe^ leurs extrémités
font froides : on en voit beaucoup ,
qui , avec leurs excrémens , tantôt
fluides , tantôt de confiftance moyen-
ne , rendent un fang peu foncé , &
en petite quantité , ou par le nez ,
ou par la voie des urines : circonf-
tance d'où vraifemblablement la ma-
ladie a pris fon nom. Quelques
bêtes ont de longs frilfons ; d'au-
tres font fi altérées , qu'elles boivent
abondamment quelque efpèce de
boifTon qui fe préfente : peu de temps
avant la mort il leur furvient un flux
extraordinaire d'urine. Aucune de
celles qui bavent , ou qui rendent
du fang , ou qui boivent abondam-
ment , ne guérit de la maladie.
La durée de cette maladie eft ordi-
nairement de fix , huit , dix , ou douze
jours, quelquefois plus 5 mais rare-
ment moins , à compter du moment
où les bêtes à laine cefTent de man-
ger & de ruminer , jufqu'à celui de
leur mort. Si elles en reviennent quel-
quefois , leur rétabliffement fe fait
lentement. Nous avons obfetvé, ainfi
que M. l'abbé Teflîer , que les bêtes
les premières frappées de la maladie,
périflent plus prompcement que les
autres.
Caufes, D'après les obfervations
de M. l'abbé Teffier , la maladie rouge
ne parollfant pas contagieufe , ce fça-
MAL
3S1
vant a cru qu'il falloit en chercher
la caufe dans la manière dont on
foignoit en Sologne les bêtes à laine,
& dans la qualité des pâturages. Voici
ce que fes recherches lui ont appris.
Au mois de novembre on forme,
dans chaque métairie, deux troupeaux,
l'un , de brebis pleines , & qui fout
d'un âge plus ou moins avancé; on
y joint de jeunes femelles de l'an-
née d'auparavant , parmi lefquclles
quelques-unes ont des agneaux au
mois de mars fuivant.
Le fécond troupeau eft compofé
d'agneaux nés au mois de mars pré-
cédent.
Chacun eft conduit féparémentaux
champs, quelque temps qu'il fa lie ,
à l'exception des jours de très-grandes
pluies. On ne donne jamais rien aux
bêtes à laine à la bergerie; où il n'y a
pas même des ratelliers ; enforte
qu'elles ne vivent que de ce qu'elles
trouvent aux champs. Si la terie n'tft
pas couverte de neige jufqu'à la mi-
janvier , ou jufqu'après les gelées ,
elle fournit allez de nourriture aux
bêtes à laine ; mais elles en manquent
en février. Lorfqu'il y a de la neige,
on les conduit dans les lieux plantés
de genêt , ou dans les plus hautes
bruyères, ou le long des haies. C'eft
alors qu'elles foufFrent encore la faim.
C'eft à. la fin de février, & dans
le courant de mars , que les brebis
font leurs agneaux. Elles feules , à
certe époque, font conduites dans les
terres où l'on a récolté du feigle, ôc
où il y a de l'herbe qu'on leur a ré-
fervée.
Si la faifon eft favorable, l'herbe
poufte au mois d'avril, & les trou-
peaux en trouvent abond.imment.
Alors , on expofe dans ]es ber-
geries des agneaux de lait, des bran-
38t MAL
chages d'arbres , garnis de feuilles,
& coupés au mois de fepceinbre ,
afin de les accoutumer à brouter.
Dès le commencement de maij ils
font menés indillindement dans
toute efpèce de pâturage , parce que
les liabitans de Sologne font perfua-
dés qu'un agneau , tant qu'il tète ,
ne peut jamais contrader la pourri-
ture. ( f^oye:^ ce mot ) Perfuadés
également que vers la fin du même
mois , ces jeunes animaux n'ont plus
befoin de lait , ils traient les mères
pour faire du beurre, & fouvent ils
commencent à les traire plutôt.
Si les bergères écoutoient les or-
dres de leurs maîtres , elles écarte-
roient prefque toujours les brebis &
les moutons qu'on ne veut pas en-
grailTer, des pâturages humides , qui
leur font funeftes. Mais, fouvent,
malgré les défenfes , elles les y laif-
fent aller , ou par négligence , ou dans
le deffein de leur procurer une nour-
riture plus abondante.
Les brebis , les moutons & les
agneaux paiflent dans les chaumes de
feigle , après la récoire qui s'en eft
faite en juillet; on ne les mène paî-
tre ailleurs qu'à la fin de feprembre.
La Sologne , pays compris entre
la Loire & le Cher , eft prefque per-
pétuellement abreuvée d'eau. Le fol
en eft compofc de fable & d'argile
qu'on trouve à deux pieds ou deux
pieds & demi de protondeur. 11 n'y
a nulle parr un aulli grand nombre
d'étangs. Prefque par-tout on y voit
des plantes aromatiques.
Les bergeries de Sologne , où l'on
renferme les bêtes à laine, font hu-
mides, mal clofes & fans litière j fou-
vent ces animaux font aux champs
par la pluie , & confiés à des jeunes
MAL
filles , incapables d'attention. Que
réfulte-t-il de toute cette conduite ?
i". Que les brebis pleines fouf-
frent de la faim pendant l'hiver , &
fur-tout dans les derniers mois de
leurgeftation, temps où elles auroient
befoin d'une nourriture plus fubftan-
tielle &■ plus abondante que jamais.
2°. Que les agneaux qui en pro-
viennent font foibles, languiflans ,
ôi. remplis d'obftrudtions.
5°. Qu'ils fegorgent d'herbes hu-
mides dans les pâturages où on les
conduir , & avec d'autant plus d'avi-
dité , que leurs mères ont moins de
lait.
4". Qu'étant déjà d'une conftitu-
tion foible & lâche pendant la pre-
mière année , ils ne peuvent fup-
porter , dans l'hiver fuivant , les ef-
fets de la faim, fans être expofés,
au printemps , à une maladie occa-
fionnée par le relâchement.
Plus le mois d'avril eft pluvieux ,
plus la maladie rouge eft confidéra-
ble en Sologne : ( c'eft une obfer-
vation que nous n'avons point faite
dans le bas-Languedoc. ) Les ravages
qu'elle exerce font d'autant plus
grands , que les pâturages font plus
humides.
Plutôt on donne les béliers aux
brebis, ou ce qui eft la même chofe,
plutôt on fait naître les agneaux ,
plus la maladie rouge en enlève.
Dans ce cas , la faifon n'étant pas
encore alTez avancée , les brebis ne
trouvent pas d'herbes aux champs ,
& ne peuvent fournir alfez de lait à
leurs agneaux pour leur fubfiftance.
Cette maladie dépendant donc,
comme on vient de le voir, des foins
qu'on a des bêtes à laine, fur -tout
MAL
des brebis pleines , & de l'humiolité
du fol , on doit bien comprendre
pourquoi elle attaque particulière-
ment les agneaux &c les anthénois ;
pourquoi elle n'eft pas auffi confidé-
rable tous les ans.
S'il arrive fouvent de grandes
mortalités qui dctruifenc la moitié,
ou plus de la moitié des troupeaux ,
on doit chercher la caufe de ces ra-
vages extraordinaires dans les trou-
peaux achetés à des marchands, que
l'on introduit dans les métairies , &
qui viennent des lieux humides.
Prîfervatlf de la maladie rouge.
Quand il feroit poffible de guérir
facilement toutes les maladies des
beftiaux, chaque fois qu'elles repa-
roiflent , il ne feroit pas moins in-
térellant de leur chercher de fûrs
préfervatifs. La multiplicité des occu-
pations des cultivateurs, le peu d'ha-
bitude qu'ils ont d'appliquer des re-
mèdes , les foijis qu'il faut pour les
employer convenablement, tout doit
faire craindre que fi on ne leur pré-
fentoit que des moyens de les guérir,
même aifurés , ils ne perdîlfent en-
cote un grand nombre de leurs bef-
tiaux. Mais ils font bien plus en droit
de défirer qu'on leur enfeigne des
préfervatifs pour une maladie qu'on
n'ofe encore fe fl.uter de combattre
avec fuccès lorfqu'elle eft déclarée,
telle eft la maladie rouge ; on ne
peut en indiquer de ce genre , que
d'après l'examen descirconftances qui
l'accompagnenr , & d'après l'érude
de fes fymptomes & de fes effets.
Voici ceux qui ont paru à M. l'Abbé
TefTier les moins douteux , non pas
pour éteindre entièrement la mala-
die, d'autant plus qu'elle dépend en
MAL 385
partie de la nature du fol de la
Sologne ; mais pour en diminuer ,
autant qu'il eft pollible, les ravages.
Procurer un écoulement aux eaux
ftagnantes de la Sologne , en creu-
fant le lit des rivières & des ruiftèaux ,
& en y pratiquant des canaux, comme
il y a lieu de croire qu'il y en avoir
autrefois , par les traces qu'on en ren-
conrre dans beaucoup d'endroits ; ce
feroit , fans doute , la manière la plus
fine de donner , à la fois , à cette pro-
vince , & la falubrité , & la fertilité
dont elle a le plus grand befoin. Ces
terres, étant alors moins humides,
& les récoltes plus abondantes , ou
préviendroit bien des maux , & par-
ticulièrement la maladie rouge. Mais,
ce font-là de grands moyens , qu'on
ne peut efpérer de voir exécutés de
longtemps, 8c que le Gouvernement
feiil eft en érat d'entreprendre.
Pour corriger le mal , autant qu'il
eft au pouvoir des habitans du pays,
il feroit à défirer , avant tout , que
les métayers de Sologne , en em-
ployant plus de foins & d'adivité ,
veillaftent davantage à la confervation
de leur bétail.
Afin d'éviter les grandes morta-
lités , on n'introduira dans les mé-
tairies qu'on veur garnir de troupeaux ,
que des bêtes à laine, élevées dans des
endroits connus & non fufpefts.
Celles qu'on achètera dans le voifi-
nage , ou dans une autre province ,
dont le fol eft plus Çtc^ feront moins
fujectes à cette maladie.
On diminuera les mortalités ordi-
naires, C\ l'on mène fouvent les trou-
peaux dans des lieux plantés en ge-
nêt \ fi on ne les laiflTe point expofés
à la rofée , à la pluie &c aux orages;
fi on les écarte des prairies humides j
3S4
MAL
ôc enfin , fi on ne les tond qu'après
la mi juillet.
On ne doit pas laider la bête à
laine de Sologne trop longtemps aux
champs; elle a toujours l'œil plus ou
moins gras , & par conféquent elle
eft habituellement menacée de pour-
riture : il fuffit qu'elle pailfe deux fois
par jour, pendant trois heures chaque
fois.
Comme la principale fource du
mal eft dans la manière dont on foi-
gne les brebis pleines & les agneaux,
on nourrira les brebis pleines à la
bergerie , dans la faifon rigoureufe,
& fur-tout vers le temps qu'elles
doivent bientôt mettre bas. On ne
les traira jamais ; parce qu'indépen-
damment de ce que le lait maternel
eft plus convenable à la foible conf-
titution des agneaux , plus ceux-ci en
tèteronr, moins ils feront emprelfés
de brouter des herbes dont les fuçs
trop humides leur caufent des ma-
ladies.
On fe gardera de mener les jeunes
animaux dans les prairies , dont on
écartera encore avec plus de foin leurs
mères &: les moutons, puifqu'ils font
également fufceptibles d'en être in-
commodes. Ilsferoient bien plus fùre-
ment préfervés de la maladie, fi on
leur donnoit à la bergerie quelques
alimens , tels que du fon , de l'a-
voine , &c.
Que l'hiver fuivanr on les entre-
tienne de nourriture, quand ils n'en
trouvent pas aux champs , Se qu'au
printemps on ne les laifTe point brou-
ter des herbes trop aqueufes ; leur
tempéramment fc fortifiera , & on
aura des anchénois bien fains & bien
confticués , que la maladie rouge
épargnera.
MAL
Vers le temps où ce fléau doit conv
mencet à exercer fes ravages , on
brûlera , plufieurs jours de fuite ,
dans les bergeries , des branches de
bois aromatiques , tel que le geniè-
vre , dont on fera avaler de la décoc-
tion aux bêtes les plus languilfantes.
On fe contentera de pendre , dans
leurs bergeries , des fachets de fel
marin qu'elles pourront lécher; puif-
qu'en Soloc^ne la cherté de cette den-
rée , Il utile pour les beftiaux , ne per-
met pas de leur en donner à man-
ger. On peut , au fel ordinaire ,
fubfticuer de lapotalFe ou des cendres
gravelées, ou du fel contenu dans de
la cendre de bois , le plus facile à
obtenit en Sologne. Un gros de cha-
cun de ces derniers fels , par pinte de
boiiïbn , eft une dofe fuflSfante.
Les bergeries feront placées dans
les endroits les plus élevés des mé-
tairies ; on en rendra le fol auffi fec
qu'il fera pollible , Se on y fera de
la litière , qu'il faudra renouveller
de temps en temps ; ces moyens ga-
rantiront les bêtes à laine de l'hu-
midité. On donnera à ces habitations
plus d'étendue qu'elles n'en ont dans
beaucoup de métairies , afin que les
animaux y foient à l'aife.
La fraîcheur des terres de la So-
logne , formera toujours un obftacle
à l'établilTement du parcage dans ce
pays : il demande beaucoup de pré-
caution de la part des perfonnes qui
voudront le tenter. L'humidité , je
le répète encore , eft à redouter pour
les bêtes à laine. On peut , dans les
grandes chaleurs , les faire coucher
en plein air ; mais , dans ce cas ,
on aura foin de ne former le parc
domeftique que fur un endroit où
l'eau ne fcjourne pas , & fous des
arbres qui garantilient les animaux
de
MAL
de l'ardeur du foleil , quand au mi-
lieu du jour , ils font de retour des
champs.
Parmi toutes ces précautions , il
en eft une qu'on regardera comme
difpendieufe , c'eft celle de nourrir d la
bergerie les bêtes à laine pendant
l'hiver; tandis qu'en ne leur donnant
pas à manger , tout eft profit pour
les propriétaires. Il faut convenir
qu'en Sologne , dans l'état où eft ac-
tuellement la province , les habitans
ont peu de reiïburces pour fe procurer
de quoi alimenter leurs bêtes à laine
en hiver ; le fol eft fi ingrat & fi
mal cultivé , qu'on n'y récolte pref-
que que la quantité de feigle nécef-
faire pour les habitans , & du foin
feulement pour la nourriture des
bœufs employés aux travaux de l'agri-
culture.
Malgré ces obftacles apparens , il
y a des moyens de donner des ali-
mens aux bêtes à laine de Sologne ,
quand elles ne trouvent rien aux
champs ; & même d'en augmenter
par-là le nombre , puifqu'il fuffit de
iuppléer , en hiver , à ce que la terre
ne fournit pas alors. On n'en peut
être que convaincu, en adoptant les
réflexions fuivantes de M. l'Abbé
Teflier.
On entretient , dit-il , trop de
bœufs dans cette province , où ils
ne deviennent jamais beaux , & où
parconféquent ils produifent peu aux
métayers , lorfqu'ils les vendent. La
culture des terres n'en exige pas une
grande quantité. Quatre ou fix de
ces animaux , traîneroient jfans peine,
une charrue , à laquelle on en attelle
dix ordinairement. En en diminuant
le nombre , une partie du foin qui
leur eft deftinée , pourroit être don-
née aux bêtes à laine, la feule efpêce
Tome FI.
MAL 385
de bétail fur laquelle on doive por-
ter fes vues en Sologne , dont les pâ-
turages ne conviennent pas aux
autres beftiaux.
On doublera les récoltes de foin ,
fi l'on a l'attention de foigner les
prairies , foit en faifant des foifés
tout autour , pour les empêcher d'être
inondées \ foit en arrachant les plantes
de mauvaife qualité , qui nuifent à
l'accroiffement de celles qui forment
de bon foin.
La Sologne eft couverte d'atbres ;
les métayers ont la permiflion d'en
couper les branches; il y en a très-
peu dont les feuilles ne conviennent
aux bêtes .à laine. On aura foin , dans
le temps où la fève eft encore en vi-
gueur, d'en faire des provifions pro-
portionnées aux befoins des troupeaux.
Dans plufieurs cantons de diverfes
provinces de la France , on donne
aux bêtes à laine des galettes faites
avec le marc de chenevis, donr on a
exprimé l'huile. En Sologne, où l'on
cultive du chanvre , ne pourroit-on
pas en employer la graine à cet ufage ?
Ne poutroit-on pas encore y établir
des cultures de pommes de terre,
de carrottes & de turneps , efpèce de
navets que les bêtes à laine mangent
volontiers, même dans les champs,
& donc on les nourrit pendant l'hiver
dans toute l'Angleterre , où les trou-
peaux font fi multipliés ?
Traitement de la maladie rouge.
''
Pour guérir la maladie rouge , 011"
a imaginé & employé jufqu'iti dif-
férons remèdes qui n'ont eu aucun
fiiccès , ou qui n'en ont eu que de très-
foibles. Parmi ces remèdes , les uns
font enveloppés du voile du myftère;
les autres , qu'on a moins de peine
C c c
38^
M A L
à pénétrer , font des compofés fi bi-
farres , iS: i\ peu convenables à la
maladie , qu'il eft inutile de les rap-
porjfr.
Quelques métayers de la Sologne
ont employé avec luccès , la décoc-
tion de ferpolet Se d'autres plantes
aromatiques. Il y en a qui prétendent
avoir guéri des bêtes malades , en
leur faifant avaler de la décoélion de
fureau , & en les expofant à des fu-
migations d'iebles. Ces moyens nous
paroilfent très-bien indiqués, & mé-
ritent qu'on y ait confiance : ils prou-
vent, d'ailleurs, qu'il exifte une ana-
logie marquée entre la pourriture Se
la mal.-.die rouge.
Malgré ces légers fuccès , on ne
doit pas conclure qu'on pullfe facile-
ment guérir cette maladie. Il ne faut
du moins pas l'efpérer, l'orfqu'elle eft
parvenue à un certain degré, comme
îorfque le foie Se le poumon font
déjà dans un état de putréfaélion.
Vraifemblablement les animaux gué-
ris par M. l'Abbé Tefiier , n'étoient
encore que foiblement attaqués. La
médecine vétérinaire a des bornes
qui limitent fon pouvoir 5 c'eft à
ceux qui l'exercent à. les connoître ,
afin de ne pas employer inutilement,
pour les franchir , un temps qu'on
peut appliquer à des recherches ca-
pables de pro;urer de grands avan-
tages.
Lorfque la mabdie rouge eft dé-
clarée , on doit ellayer, fur les betes
qui ne font pas dans un état défef-
péré , les remèdes que la connoif-
fahce des fyniptomes, (^^ l'ouverture
des corps , indiquent \ c'eft-à-dire , des
apéiitifs , des diurétiques & des to-
niques , tels que ceux que nous allons
indiquer.
On donnera, chaque jour, & dans
MAL
les premiers temps, aux bêtes à laine
malades, plulieurs verres d'une dé-
coction d'écorce moyenne de fu-
reau, on des baies d'alktkenge, ou
coqueret j on remplacera quelques
jours après cette décoélion , par une
autre faite avec la fauge,ou l'hyfope,
ou le pouliot, ou toute autre plante
aromatique , en y joignanr un gros de
fel de nitre, ou deux gros de fel ma-
rin, par pinte d'eau ^ on enfumera les
bergeries avec des branches ou des
baies de genièvre.
11 faut rejeter la faignée ôc les
remèdes raftraîchiiïans.
La nourriture fera , ou du feigle
en gerbe , ou du genêt , ou des plantes
fèches. Four cette raifon on éloignera
les bètes des prairies humides.
Nous ne confeillerons pas de faire
ufage delà thériaque , ni de l'orviétan ,
d'après notre expérience , & celle de
M. Vitet Se de M. d'Aubenton.
On aura grand foin, pendant tour
le temps du traitement, de n'expofer
les troupeaux malades ni au froid
ni à la pluie. M. T.
MAL DE TAUPE. Médecine
Vétérinaire. C'eft une tumeur qui
fe manifefte fur le fommet de l'en-
colure du cheval , ou fur le fommet
de fa tête même ; elle eft un peu
molle , & de figure irrégulière ; le pus
qu'elle contient eft blanc Se épais
comme de la bouillie : ce pus de-
vient quelquefois li acre , qu'il fe
creufe des finus fous le cuir, & carie
fouvent le crâne. Comme la peau
de la tête eft cpaifie , ferme , tendue
Se près des os, la tumeur ne s'élève
pas beaucoup , mais elle s'élargir
à fa bafe. Elle refte ordinairement
longtemps fans faire de grands pro-
grès 5 parce que la lymphe qui la
MAL
caufe e(l vifqaeufe : mais quand cette
humeur devient corrofive, elle longe
le kille qui la renferme , Oc tau des
filions entre la peau & le pcricrâne.
Si elle perce certe dernière mem-
brane, elle agit fur le crâne même;
alors les fuites en font très-dange-
reufes. On a donné à cette tumeur
le nom latin de cu/pj , en françois ,
taupe , parce qu'elle relfemble aux
taupières , ou à ces petites éminen-
ces de terre que la ràupe poulfe
fur la furface de la terre en touil-
lant , & parce que la matière puru-
lente qu'elle contient , creufe &: fait
des trous fous la peau , comme cet
animal en fait fous la terre.
La caufe de cette tumeur eft une
lymphe vifqueufe, arrêtée dans quel-
qu'un de fes vallfeaux, qu'elle dilate
infenfiblement jufqu'à lui faire ac-
quérir un volume coniîdcrable. La
tunique , qui enveloppe la matière de
ces tumeurs , n'eft autre chofe qu'un
vailTeau lymphatique ou adipeux ,
élargi de la même manière que les
vaifleaux fanguins fe dilatent quand
ils forment l'anévrifme & les varices.
Lorfque la lymphe ou la grailTe trouve
quelque obftacle à fon mouvement
progrellif, elle s'accumule peu-à-peu ,
par le féjour qu'elle fait; la férolué,
qui en eft exprimée , abreuve les tibres
du conduit obrtrué , les ramollit &:
les rend propres à recevoir beaucoup
plus de fucs nourriciers qu'aupara-
vant , de forte que le vailfeau lym-
phatique ou grailfeux fe dilate extrê-
mement . & forme un fac qui tait
le kifte de la tumeur. La matière ren-
fermée dans ce kille , s'épaillit de
plus en plus , par la dilîipation de ce
qu'elle a de plus féreux & de plus
fubtil ; mais quoiqu'elle s'épaililfe
à force de croupir & d'éprouver des
MAL
3?7
ofcillations des fibres , &: les batte-
mens des artères voifines , il lui iur-
vient un mouvement inreftln qui la
tait dégénérer en une efpèce de pus
femblable à de la bouillie , ou à du
fuif , fuivant qu'elle eft plus chy-
leufe , plus douce , ou plus gralfe ,
& fuivant la ditîérence des vailfeaux
où elle s'arrête ; car c'eft dans les
vailleaux lymphatiques, ou dans les
vaiiîeaux adipeux que fe forme le
talpa. Ce mouvement inteftin eft
beaucoup plus lent que celui qui fe
tait dans les tumeurs phlegmoneufes.
La lymphe &: la grailfe font plus ho-
mogènes que le fang , elles n'appor-
portent pas tant d'obftacle au palfagC'
de la matière fubtile , & ne fe trou-
vent pas renfermées comme lui dans
des artères qui le broyent continuel'
Icment.
Les caufes qui arrêtent le cours
progre/lîf de la lymphe ou du fuc
adipeux , font leur propre vifcollté
qui les tait circuler lentement , ou
l'obftruc^ion de quelques glandes ,
qui intercepte leur cours ; ou une con-
tuhon , un coup, une chute qui com-
prime leurs vaiifeaux , les rompt on
en change la dire6tion.
Lediagnqfiic. On connoîr que cette
tumeur eft enkiftée , en ce que la
peau roule &: glille delfus. Quand on
l'ouvre , on voit que la matière eft.
renfeimée dans une membrane.
Le prognojlic. Le mal de taupe
n'eft dangereux que lorfqu'il fe trouve
placé fur les futures du crâne , far-
tout quand il eft adhérent : alors il.
a communication avec la dure-mère;
de forte que fi cetre tumeur scn-^
rtamme & fuppure, elle communique
fon inflammation & fa corruption à
cette membrane , ce qui met la vie
de l'animal dans le plus grand danger»
C c c 2.
^n
MAL
La cure. L'indication curative doit
fe borner , i " . à diminuer l'abondance
de la lymphe , & à la rendre plus
fluide. Pour obtenir cet effet, on don-
nera peu à manger au cheval qui
fera atteint du mal de taupe, 5c prin-
cipalement le foir j les fourrages pro-
venans des prairies les plus lèches ,
l'avoine, les eaux les moins pefantes,
l'écurie la plus fèche , & tenue pro-
prement , le panfement de la main ,
& la continuité du travail auquel il
eft habitué , tous ces foins rempli-
ront la première indication. z°. On
en aidera l'efiet , en atténuant les
humeurs , & en enlevant les obftruc-
tions , par l'ufage des ptifanes faites
avec la lalfepareille , l'efquine , le
fallaffras cc les baies de genièvre ,
& par celui des ptifanes faites avec
les racines & les feuilles de chicorée
fauvage , de pimprenelie , de cer-
feuil , de laitue , &c. ; les eaux
minérales , fetrugineufes , ou les eaux
tliermales, conviennent encore beau-
coup en pareil cas ; on purgera en-
fuite {^^oye:^ Méthode purgative)
avec la confection hamech, le j'alap,
l'éthiops minéral & l'aloès fuccotrin:
on ne doit point négliger ces pré-
cautions , parce qu'il furvient très-
fouvenr , après la guérifon , des métaf-
tafes funeftes, qui donnent la mort
à l'animal lorfqu'on s'y attend le
moins.
La cure particulière du ma/ de
taupe s'exécute par la réfolution, par
la fuppuration ou par l'extirpation j
fi la tumeur eft nouvelle & molle ,
elle peut fe réfoudre, en y appli-
quant, après avoir rafé le poil, l'em-
plâtre de vigo-cum-mercurio ; l'on-
guent de ftyrax , mêlé avec les fleurs
de foufre , ou avec l'éthiops minéral ,
&c., peuvent en opérer la réfolution.
MAL
Mais fi la tumeur ne fe réfout
point , & qu'au contraire elle foit dif-
pofée à fuppurer, on peut en faciliter
la fuppuration par les caraplafmes
émoUiens , par l'onguent bafilicum.
La fuppuration s'étant déclarée , il
faut auihtôc ouvrir l'abcès y quand le
pus en eft forti, on détergeia l'ul-
cère, & l'on confumera les chairs
fuperflues & le kifte au moyen de
l'onguenr xgyptiac , de l jlun biûlé,
du précipité rouge, du beune u'an-
timoine ou de la pierre infernale. Il
faut détruire julqu'au bouton rouge
qui fe trouve ordinairement dans le
fond j fans cette précaution la tu-
meur fe renouvtlleroit.
Enfin , fi la tumeur ne prend pas
la voie de la fuppuration , ou qu'on
ne juge pas à propos de l'attendre ,
on en viendra à l'extirpation j la cure
fera plus prompte , pourvu que le
cheval foit bien préparé. Pour faire
cette opération, il faut d'abord ou-
vrir la tumeuf , ou par une incifion
cruciale avec le biftouri , ou par une
traînée de pierres à cautère , qu'on
applique à travers une emplâtre fe-
nêtre , Se qu'on couvre d'une autie
emplâtre. L'ouverture étant faite ,
on fépare par la difteftion la rumeur
d'avec les lèvres de la plaie & des
parties voifines, & on l'emporte toute
entière avec le kifte ; on la confume
par le moyen des cauftiques ci-
deffus rapportés , ce qui prolonge
la guérifon. Il faut avoir l'attention
de confumer auflî le bouton ou la
racine de la tumeur ; la pierre in-
fernale OH le cautère aiffuel y réuf-
firont promptement; enfuite on in-
carnera &: on cicatrifera la plaie a.
l'ordiniire, réprimant les chairs fu-
perflues avec l'alun brûlé, ou quel-
qu'autre cauftique. M. B. R. A.
MAL
MAL DE TETE DE CON-
TAGION. Médecine VETtRiNAiRE.
Cetce maladie épizootiqiic & conca-
gieufe règne quelquefois parmi les
chevaux , ik en bit périr un grand
nombre M. tie la Gurimèie la décrite
dans fou éi.ole de cavalerie.
Lorfqu'elie a lieu , la tête du clie-
val devient extrêmement grolfe , les
yeux fonc enflammés , larmoyans &
trèi-faiilans ; il coule des nafeaux
une matière jmne & corrompue j
elle fe termine bientôt en bien ou
en mal. La ctife la plus lieureufe eft
celle qui fe fait par un tranfport
d'humeurs fur les glandes de la ga-
nache, dont le gonflement & la fup-
piiration alfurent la guérifon de l'a-
nimal.
La couleur jaune des matières qui
fluent par les nafeaux, diftingue cette
maladie de l'étranguillon , ( f^oye-^
ce mot ) dans lequel la matière eft
de couleur verdâtte ; elle diffère de
la morve ( F'oye^ ce met ) par la
fièvre aiguc& l'inflammation extrême
qui l'accompagnent.
Tout l'efpoir de guérifon confiftant
dans le dépôt aux glandes de la ga-
nache, c'eft là aufli où l'on doit por-
ter tous fes foins. Si la tumeur qui
s'y forme, perce d'elle-même, le
cheval eft bientôt guéri. On en ac-
célère la fuppuration avec des oi-
gnons de lys , cuirs fous la cendre ,
qu'on applique chaudement : fi, au
bout de fepc à huit jours , la tumeur
n'a pas percé, on l'ouvre avec un
biftouri , & on la traite comme une
plaie ordinaire. Lorfque cette ma-
ladie règne , on ne fauroit prendre
trop de précaution pour en arrêter
les progrès. ( F'oye:^ Contagion )
M. T.
MAL 389
MALADIE. (Physiologie vegé-
TALL ) l'lu> on compare le rcei'e vé-
gétal avec le lègne animal, phu en
y trouve de l'analugie; nous tn avt)ns
détaillé le parallèle avec allez d'éten-
due au mot Aubre; ( f'^oye:^ ce
mot ) nous y avons cjmparé les ma-
ladies qui aftedent les individus des
deux règnes ; nous ne reprendrons
donc pas ici ce parallèle , (5v; nous
nous contenterons de faire lénuiné-
ration des maladies dont les plaiites
& les arbres peuvent être afttdtcs.
Tout ce qui a vie dans la na-
ture, en doit le foutien au mouve-
ment jc'tft le grand agent dt tous les
phénomènes qui concourent à l'en-
tretien de la vie. Développement &
confolidation des Itilides, circulation
& purification (^t.s fluides , appro-
priation & excrétion des principes
nourriciers, tout dépend de lui, (ans
lui tout fcroit mort. Mais en n ême-
tem^ps qu'il eft le principe de la vie,
il devient le principe de la mort, en
confolidanr les parties molles, encbli-
térant les vailleaux , & en dénaturant
les fluides. Les végétaux font donc
comme les animaux , ils paiïent pat
trois états différens dans le cours de
leur vie, ils fe développent & i roillent,
ils fe foutiennent en état de pnrfiit,
ils décroilfent & meurent. Les deux
premiers états peuvent être confidérés
comme états de fanté, ^' le dernier
comme un état de maladie ^' de
dépéri (Tement habituel &: nécelTaire.
Cette maladie, de tous les jours &
de tous les ii.ftans ^ a fon principe
dans l'organifation même du végétal.
Tout fluide qui circule & qui va
porter un principe nourrillant dans
toutes les parties de la plante , forme
perpétuellement un dépôt qui, dans
la jeunelfe ëc dans I âge fait, fe con-
3 90 . MAL
vertit roue entier en principes conf-
tiiuans; m.iis qui, dans 'a vielIelTe ,
113 fournit que ce qu'il rautpour fou-
tenir l'individii , tandis que le refte
forme un dépôt qui , à la longue ,
donne une rigidité extrême aux (o-
lides , durcit les parties molles , &
obftrue les vailfeaux. Comme cette
maladie eft celle de rorganifatiua
même, l'homme n'a qu'un foi'ole
pouvoir fur elle; il eft incertain fi
fon art peut prolonger la vie, mais
il eft sur qu'il ne peut pas empêcher
de mourir, lorfque la machine eft
dans un état qui nécellîte fa décom-
pofition. Si fon pouvoir eft fi borné
dans le règne animal, combien plus
l'eft-il dans le règne végétal, où fes
connoiirances font bien moindres , Se
fa pratique plus routinière; cela ne
doit pas nous empêcher d'étudier &
de chercher à approfondir les caufes
des maladies des plantes, & l'art de
les guérir, ou du moins de diminuer
Içurs efiets.
Les maladies des plantes, outre
celle générale (k univerfelle qui cou-
dait à la mort , que l'on pourroic
nommer le dépérilTement vital , dont
nous ne parlerons pas, reconnoilfent
deux caufes principales, les caufes in-
ternes &. les caufes externes : c'eft
d'après ces caufes que nous clalTerons
Its maladies.
Maladies des végétaux qui dépendent
des caufes internes,
La carie.
Les chancres.
Le couronnement.
Les dépôts.
Les excroilTances.
La fullomanie.
Les loupes.
MAL
La moififlure.
La mort fubice.
La pourriture.
La fuppuration.
Les tumeurs.
Les ulcères.
Maladies des végétaux qui dépendent
des caufes excernes.
Le blanc.
La brûlure.
Le cadran.
La champlure.
Le charbon.
La chute des feuilles.
L'erçror.
L'ériolemenr.
L'exfoliation.
Les gales.
Le gelis.
La gelivure.
Les gerfures.
Le givre.
La jaunilfe.
La moufle.
La nièle.
La rouille.
La roulure.
Pour achever ce tableau, nous in-
diquerons rapidement les caufes qui
influent fur chaque maladie , ren-
voyant à chacune en particulier les
dérails nécelTaires & les remèdes qui
y font propres.
Maladies produites par des caufes
internes.
1°. La carie ( f^oye\ ce mot ) eft
une moinifure du bois qui le rend
mou, (Se qui l'entraîne à une décom-
pofition femblable à celle des os ;
cette maladie caufée par la tranfpi-
ration arrêtée, ou par une fève char-
gée de principes viciés, qui, circdanî
M A L
dans toutes les parties de la plante,
y produit un ravage d'autant plus
conlidérable , que fon action eft plus
générale.
i°. Le chancre , ( f^oye^ ce mot )
il attaque les arbres fur-tout , & eft
alfez analogue à celui qui attacjue les
animaux. Une humeur acre & corro-
five en eft le principe, elle circule
avec la fève, (^ on la reconnoît en
ce que l'écorce lailFe fuinter de fes
fentes une eau roulFe, corrompue &
très-âcre, qui attaque toutes les par-
ties fur lefquelles elle coule. 11 faut
diftinguer ces ulcères coulans des
abreuvoirs j qui font des trous formes
par la pourriture des chicots ou des
branches coupées , & des goutLeres
oui font des fentes dans le tronc ,
ou les branches par lefquelles l'eau
de pluie coule le long de la tige.
3". Couronnement. Cette maladie
tient à l'aétion même de la vie; les
extrémirés les plus éloignées, comme
celles qui terminent l'arbre , font
celles qui éprouvent les premières
l'effet de l'obftruclion des vaiflTeaux,
du delféchement des folides, en un
mot du dépérilfement de l'arbre j il
meurt bientôt de cette maladie, qui
commence toujours par la fommicé
de l'arbre; on la nomme couronne-
ment , lorfqu'elle a lieu dans cerre
partie , & dccunation j quand elle
afteéte les branches inférieures •, les
plantes herbacées , annuelles, ou vi-
vaces , y font fujettes comme les ar-
bres. ( Foyc^ le mot Arbre,
Tom. I J page 6u )
4°. Dépôts. Ce font des amas de
fuis propres, qui, (n fixant à un en-
droit , obftruent ncceirairemciu les
vailfeaux, les brifenc, arrêtent l.i cir-
culation , & s'extravafeut dins le
tilîu cellulaire, ou dans les vailTcaux
MAL 391
lymphatiques ou féreux. L'efpèce d'in-
flammation qui fe produit bientôt
dans cette partie , altère toutes les
parties voilmes, & fait périr la bran-
che & la tige ou s'eft formé le dépôt.
3°. Excroijj'ances. ( Foye\ce mot)
Producbions ligneufes , beaucoup trop
abondantes & hors des relies com-
munes de la végétation : ce font des
efpcces à'exo/iojes végétales , oica-
fionnées ou par une iurabondance,
ou, ce qui eft plus commun, par
un reflux de la fève, déterminé parla
taille des branches d'un arbre , faite à
contte temps. Ces monfiruolltés ac-
cidentelles ont encore lieu lorfque
l'écorce d'un arbre a été déchirée ik:
mutilée jufqu'à l'aubier, alors, en
fe reproduifant , il fe forme un àour-
let ( Voye-^ ce mot ) tout-au-tour de
la plaie, qui fouvent dégénère en
loupe , tumeur <Sc autre efpèce d'ex-
croilFance ligneufe.
6°. Fullomanie. Abondance pro-
digieufe & furnaturelle de feuilles ,
qui eft déterminée dans une plante
par une trop grande quantité de fuc
propre au développemenr des feuilles ,
aux dépens toujours des fleurs & des
fruits.
7°. Loupe. ( Voye\ ce mot ) Ef-
pèce d'excroiiïî^nce ligneufe d'une
forme globuleufe.
8". Moifijjure. ( Voye^ le mot
Catiie )
9". Mort fuhite. Elle eft ou par-
tielle ou totale, & eft prefque tou-
jours produite par un deflechemcnt
fubit , ou une extravafation très-
abondante du fuc féreux , occafionné
par, un coup de foleil , ou pat la pi-
quûre intérieure de quek}ue infcéte.
10°. Pourriture. Cette maladie
attaque communément l'intérieur de
l'arbre, en commençant par la partie
39i MAL
fiipérieure du tronc , & defcendant
jufqu'aux racines ^ elle creufe toute
la partie ligneufe , & n'épargne que
l'écorce , qu'elle attaque aufîî, lorf-
que tout le bois & l'aubier ont été dif-
fous par ]a pourriture. Les arbres dont
la tête ou quelques grolTes branches
ont été brifées pu coupées, font afTez
fujets à cette maladie, fur-tout lorf-
qu'ils font d'un bois poreux & léger,
comme le faule. J'ai cependant vu
des fapins & des chênes attaqués
de cette maladie, & dans l'intérieur
defquels on pouvoit tenir plufieurs
perfonnes à-la-fois. La pourriture ell:
occafionnée par la partie du bois mife
à nud , que l'humidité de l'air, la
pluie & l'eau qui y féjpurne, com-
mencent à pourrir j la fève ralentie
par cette altération, s'échaufte, fer-
mente , réagit contre les fibres li-
gneufes , Se les décompofe en les
ramenant à l'état de terreau ou
d'humus végétal.
1 1". Suppuration des plaies. Une
plaie faite à un arbre par accident
ou en le taillant, ell une ilfue qu'on
procure aux difFérens fucs qui cir-
culent dans l'arbre, & par laquelle
ils s'exttavafent fi on ne s'y oppofe.
La défunion des fibres & la contrac-
tion des parties occafionnent natu-
rellement le flux des fucs, & établif-
fent une vraie fuppuration^ elle fera
féreufe , gommeufe ou réfuieufe ,
fuivant la nature des fucs des vaif-
feaux que l'on a mis à découvert par
la plaie j cette fuppuration peut dé-
générer en carie & moifilFure, fi on
n'y apporte remède. Le remède eit
bien fimple , il confille à appliquer
fur la plaie de i'onguent de S. Fiacre ^
on tout autre corps qui empêche la
communication de la plaie avec l'air.
Lorfque l'homme a cru que l^s fucs.
MAL
les gommes & les réfines que cer-
tains arbres contenoient, pouvoient
lui être de quelqu'utilité, alors il a
fu tourner cette maladie à fon profit,
& il a fait des plaies à ces arbres ,
afin que la fuppuration naturelle lui
fournît ces produits.
11*^. Tumeurs. ( Voyei^ ce mot )
La tumeur ne diffère de la loupe que
par ce qu'elle afFede toutes fortes de
formes irrégulières, mais elle recon-
noît les mêmes principes, & affefte
la plante où elle fe fotme de la
même manière que la loupe.
15°. Ulcères coulans. ( P''oye^
Chancre )
Maladies produites par des caufes
externes.
1°. Blanc, {yoyei ce mot) taches
blanches que l'on apperçoit fur quel-
ques feuilles & fur quelques tiges de
plantes, qui gagnent infenfiblement
jufqu'au bas des tiges & jufqu'à la
racine; elles font dues à des obftruc-
tions des extrémités.
2", Brûlure. ( f^oye-:^ ce mot ) Ma-
ladie propre aux arbres fruitiers , diie
aux premières gelées du printemps,
qui glacent l'eau & l'humidité dont
les tiges & même les boutons ont
été imprégnés par les brouillards &
le gîvre.
3°. Cadran, (/^ojeç ce mot) Maladie
propre aux troncs des gros arbres ;
elle réunit les fentes circulaires de
la roulure , & les rayons de la ge-
livure.
4°. Champlurc. Cette maladie due
au froid qui , furvenant tout-d'un-
coup après une automne humide ,
furprend &: glace les jeunes tiges her-
bacées de l'année, qui n'ont pas eu
le temoi de fe fortifier & de fe durcir.
Les
MAL
Les arbres des pays chauds, & tranf-
portés dans des i.limats rempérés ou
froids , foin fiijers 1 cette maladie ,
qui en enlève un très-grand nombre.
5°. Churbc :. ( Voyc^^ Froment ,
article maladie )
6". Chute des u-r'.'.s. Nous ne
confidérerons pis ici la chiite des
feuilles dans l'automne i parce qu'é-
tant un effet néceflaire de la vég'^ta-
tion , & devar.r être toniprifo dans
les périodes annuelles que la plante
éprouve , ce n'eft pas ure vraie ma-
ladie ; ( >'tn^'î Feuille ) miis lorf
qu'elle arrive fubitenient dans le cou-
rant de l'année, c'tft alors une caufe
étrangère qui produit cette vraie ma-
ladie , & cette caufe peut être éga-
lement ou une gelée matinale , qui
brûle les pédicules des leulUes, &
les détache de leurs tiges, ou un foleil
ballant qui, dardant l'es rayons entre
deux nuages , ac-it comme à travers
un verre brûlant, & deOTéche tout ce
qui fe trouve à fon foyer. Les hu-
meurs, dont la feuille & fa tige font
perpétuellement imbibées, étant ab-
folument évaporées , les fibres ra-
cornies , le parenchime delféché, la
feuille eft un men^bre mort, qui ne
tire plus la vie de l'air, n'exhale plus
les fécrétions de la plante, Se tombe
bientôt.
7°. Ergot. ( f'''oyc^ Froment ôc
fes maladies )
S°. Etloiement. ( Vo\s-[ ce mot ]
La privation de la lumière empêche
la plante de fe décompoftr & de fe dé-
pouiller de l'air & de l'eau dont elle
fe nourri t^ l'air déphlogiftiqué fe fixe
dans l'intérieur, & il en vicie toute
l'économie. L'étiolement efl: donc
une vraie pléthore d'air déphlogifti-
qué, donr les deux principaux effets
fur la plante font l'alongemeut ,
Tome VI.
MAL
3P3
l'excrciffance extraordinaire des tiges,
& la couleur pâle & blanche des
feuille'^ & des tiges. Les nouvelles
ex;-ériencc5 de M. ficrth.-'Iet fur l'tfFet
de l'acule marin, faruré d'air déphlo-
gifaqué, fur les couleurs végétales ,
me font regarder comme démontré
lathc.^rie del'étiolîn-.ent que je viens
d'indiquer en peu de mots, que j'a-
vois déjà indique au mot Etiole-
MENv, mai; que je n'avois pas ofc
afnimer, manquant d'expériences dé-
monftratives.
y°. t'xjoliation. Séparation de la
partie morte de rétorce, du bois, 6cc.
d'avec une partie vive conricruc : elle
peiit être ocialionnce par une humi-
dité à laquelle a luccédc une féche-
relTe de la partie.
lo". Gaies. ( f'''oye:i ce mot ) Afa-
ladie produite par la piquûre des in-
fe(5l:es,quioccafionne une extrav; fipii
du fuc ou de la fève qu elle dénature.
1 1°. Gelis. Cette maladie eft très-
analogue à la chainplui ; , [P^oye:^ ce
mot ) &c elle reconnoît la même
caufe , c'eft-à-dire , les gelées du prin-
temps qui brûlent les jcLines tiges on
pouftes encore trop rendres de l'année.
{■Voye:[ le mot Gelée & fes eifets )
I z". Geli\ur<\ Maladie produite
par la gelée, qui fait fendre les arbres,
&■ même avec bruit. Lorfqu'ils font
ainfi gelés , ils fe trouvent marqués
d'une arête ou éminence formée par
la cicatrice qui a recouvert les ger-
fures, lefquelles ne fe.réunilTent pas
intérieurement. La gélivure ne dé-
pend ni de la qualité du terroir, ni
de l'expofition , mais d'un froid fubit
&c très- vif : elle eft aiïez lave.
1 3°. Gerfures. Fentes longitudinales
que le froid extrême prodiiic dans
les troncs d'arbres en les gelant.
14°. Givre. Cette maladie, qui f«
Dd d
394
MAL
manifefte par une blancheur qui re-
couvre la furtace fupérieure des feuil-
les, & qui les fait paroître plus épailfes
&.' plus pefantes, n'attaque ordinaire-
rjient que les plantes qui croillent dans
des endroits bas & marécageux , où
l'air ne fe renouvelle qu'avec peine. Le
défaut (le rranfpiration en eft la caufe
principale j la fève , parvenue par les
pores excrétoires à la furface fupé-
rieure de la feuille., ne peut s'éva-
porer faute de foleil & de courant
d'air; elle fe deiTéche, fes parties rer-
reufe & huileule n'éranr plus dé-
layées ,, fe dépofenc &. bouchent les
pores; de-là naillenrdes obftruélions,
des pléthores dans les vailîeaux de la
feuille; de-là les maladies qui en dé-
pendent. Les plantes attaquées dg
givre , fuivant l'obfervation de M.
Adanfon , produifenr rarement du
fruit, ou ils font mal formés, rabou-
gris , & d'une crudité défagréabl&.
15°. Jaunijfe. Maladie qui attaque
les feuilles des plantes herbacées, les
décolore, (Se les privant de la nourri-
ture nécelîaire. , ou viciant celle
qu'elles rirent , occafionne fenfible-
ment leur mort Se leur chute; elle
peut avoir pour caufe une extrême
tccherelfe, comme une trop grande
humidité.
16°. Mouffe, ( f^oye^ ce mot )
Ceft plutôt un accident qu'une vé-
citable maladie, Se qu'il eft très -fa-
cile de prévenir ou de réparer quand
on craint des fuites dangereufes , en
émouifant les tiges des arbres frui-
tiers fur-tour, car les arbres de hautes
futaies paroilfent n'éprouver qu'une
très- légère impreifion de la moulTe
qui s'attache à leur écorce.
1 7°. Aie//e, ( f^oyei ce mot Se celui
de Froment )
,i8^. Rouiiïi!. { Foyei ce mot &
M A L
.celui de Froment , à l'article de fes
maladies )
I Ç)°. Roulure. ( V^oye^i^ ce mot )
Maladis qui attaque les feuilles; ells
eft ordinairement occahonnée par des
infeétes ou des chenilles , qui s'en-
veloppent dans ces feuilles.
Telles font les principales maladies
& les plus générales qui peuvent af^
leéler les plantes dans tous les pays j,
il en eft quelques-unes de particu--
Hères , qui femblent dépendre du
local S: du climat; elles ne font que
dos variétés de celles que nous venons
de décrire, mais elles méritent d'être
obferv^es avec !e plus grand foin ,,
afin de pouvoir les reconnoître ai-
fément, les prévenir, ou du moinS"
les traiter fûrement. M, M.
MALANDRE. Médecine Vété-
rinaire. La malandre eft au pli du
genou du cheval , ce que la folandre
sft au pli du jarret. ( ^o_ye:j ce mocj
Ceft' une crevaile d'où il découle
une humeur acre qui corrode la peau.
Le mal eft lonç à guérir, à raifon du
mouvement de l'articulation qui l'ir-
rite fans ceiTe , & qui empêche li.
réunion des parties. La guérifon en
eft encore plus difficile-, lorfqu'il eiî^
entretenu par une humeur galeufe.
( Foyei Gale) Mais fi c'eft une fîm-
ple crsvalfe, de laquelle découle une
férofité noirâtre , il faut tondre \i
parrie , enfuite la frotter jufqu'aa^
fang 3 avec une brolfe rude , &" y
appliquer un petit plnmaceau d'on-
guent égyptiac , par-deffus lequel on
mer une bande en 8 de chifîfe, unie
& ferrée. On continu€ra ce panfemenc
pendant quatre à cinq jours. Quel-
quefois la malandre eft de fi peu de
conféquence , qu'elle fe diftîpe en
la ballinan: feulement avec l'eau.
MAI
.2aliboar , dont voici la formule :
Prenez vitrio-1 blanc ^ deux onces;
YÏtriol de Chypre , une once j fafFran ,
deux drachmes ; camphre , égale
quantité; faites difloudre le camphre
dans fuffifante quantité d'efprit-de-
vin , & mettez le tout dans environ
quatre pintes d'eau , ôc confervez
dans une bouteille pour l'ufage. M. T.
MALIGNE (Fièvre. ) rojq
flÉVRE.
MALVACÉES. ( Bot. ) Plantes ou
fleurs. On a doiuié ce nom à des
plantes dont la fleur eft monopctale,
çampaniforme , évafée & partagée
jufqu'en-bas «n cinq parties , en
forme de queue. Cette claife ren-
ferme la grande mauve , Ja mauve
rofe, la mauve frifée, la mauve en
arbre, la guimauve ordinaire, l'alcée,
ou la mauve alcée, &c. M. M,
MAMALS. Fours a poulets de
l'Egypte. Édifice où , depuis plu-
fîeurs fiècles, les Égyptiens fontéclorre
les œufs des poules & des autres
oifeaux domeftiques. Diodore de
Sicile ( Lib. i ) parle avec admiration
de cet art des Égyptiens; ce qui peut
feire conjeéturer que , du temps de
cet hiftorien , la pratique en étoit très-
perfeétionnée, & peut-être déjà au
point où nous la voyons aujourd'hui.
Nous allons puifer dans un très-
bon ouvrage , & qui a paru depuis
peu, ( Ornithotrophie artificielle , ou
art de faire éclorre , &:c. in-iz. Paris ,
Morin, rue S. Jacques ) tout ce que
nous dirons : i°. de la conftrudion
des mamals , on fours à poulets de
r£gypte; i°. de la manière dont on
y conduit les nombreufes couvées
(|u'on y entreprend. Nous ne faurioas
M A M
39Î
prendre un guide plus sûr & plus
fidèle que l'auteur du livre que nous
venons de citer.
Conjlructions des mamals ou fourS
■à poulets de l'Egypte.
Les mamals , ou fours à poulets de
T'Egypte, font des bâtimens en bri-
que, qui ont peu d'élévation, & qui
font prefque entièrement enfouis
dans la terre, comme on le voit par
la ligne de terre S S , Planche IX
figure 2. Le détail de leur conftcuc-
non & de leurs diftérentes dimen-
fions fe comprendra facilement, en
fuivanc l'explication àss figures i , 2>,
hoi figure i repréfente le plan d'un
marnai ou four à poulets de l'Egypte,
pris dans la ligne x .v de l'élévation,
figure 2.
A. Chambre circulaire , fervant
aux ufages des condudleurs ou direc-
teurs des fours.
fi B. Autres chambres extérieures,"
ou magafin des œufs.
C C. Conduit aboutiffanc à l'en-
trée du mamal ; ce conduit va en def-
cendant par une pente d'environ fix
pieds en terre, à l'endroit où il fe
joint à la galerie.
D D. Galerie ou corridor qui fc*
pare les deux rangées parallèles des
fours à droite & à gauche , &: qui
donne entrée dans ces mêmes fours.
dd. Petites élévations en brique,
où les condudeurs des fours pofent
les pieds , pour ne pas écrafer les
poulets nouvellement éclos , qu'ils
élèvent pout leur compte dans la ga-
lerie D D.
E. Autre chambre circulaire , où
l'on dcpofe les étoupes dont on a.
befoin pour boucher les diftérentes
ouvertures du mamal , quand il eu
ncceffaire.
D ddz
3î>^ M A M
//. Entrée Je la galerie dans les
chambres du rez-de- chauffée.
F F. Chambres du rez-de-chaufTce
où l'on place les oeufs.
hz figure z ne reprcfente que trois
de ces chambres de chaque côté de la
galerie D D.
De Thévenot affare ( Relation d'un
voyage fa.t au Levarit , in-^". Bi-
laine, 1675 ) avoir vu v,n marnai qui
n'avoir effectivement que trois cham-
bres ou fours de chaque côté, mais
il n'y a prefque pas de marnai qui
n'en ait un plus grand nombre. Les
marnais que Veflingaobfervés, con-
tenoient huit de ces chambres de
ch .que côté : ceux au contraire que
le P. Sicard a vus, n'en avoienr que
quatre ou cinq j celui dont M. Nie-
buhr donne le pian , en avoir fix.
Le nombre de ces chambres eft donc
alfez a'bitraire ; il n'eft pas nécef-
faire de le déterminer pour fe former
une idée jufte des mamals & de leur
fervice : voilà pourquoi nous nous
fommes contentés de repréfenter trois
de ces chambres dans la figure i ; il
eft facile d'en imaginer telle fuite
qu'on voudra. Nous devons encore
obferver que le P. Sicard donne juf-
qu'à quinze pieds de longueur à ces
chambres.
La fig'^re 2 repréfente la coupe
verticale d'un marnai ou four à pou-
lets de l'Egypte, prife dans la ligne
ç ^ du plan, figure i.
S S. Ligue de terre qui marque
comment les mamals font enfouis
dans la terre, & jufqu'à quelle partie
de leur hauteur ils le font.
D D. Galerie fervant, comme il
a été dit plus haut, de communica-
tion aux deux rangées de chambres
ou fours parallèles , tant inférieurs
que fupérieurs.
M A M
n n. Endroits où l'on place des
lampes pour éclairer la galerie.
H. Ouverture au fommet de la
voûte de la galerie, par le moyen de
laquelle elle communique avec l'air
extérieur. Il y a autant de ces ou-
vertures dans la longueur de la ga-
lerie , que de fours correfpondans à
droite & à gauche dans chaque
mamal.
//. Entrées de la galerie dans les
chambres inférieures F F.
F F. Chambres inférieures ou du
rez-de- chaulTéfc , où l'on dépofe les
œufs. ( Voye-{ F ^ ^ fig. i )
g g. Entrées de la galerie dans les
chambres fupérieures : ces trous ou
entrées ont environ deux pieds de
large.
G G. Chambres fupérieures & cor-
refpondantes à chacune des inférieu-
res FF.
T T. Ouvertures formant la com-
munication des chambres fupérieures
G G, avec les chambres inférieures
F F.
R R. Canaux ou rigoles prolongées
le long du plancher des chambres fu-
périeures G G , & où l'on fait le feu.
I I. Trous pratiqués au haut de la
voûte des chambtes fupérieures G G,
au moyen defquels ces chambres
communiquent, quand on veut, avec
l'air extérieur.
L L. Portes ou ouverrures qui font
la communication d'une chambte fu-
périeure avec celle qui l'avoifine.
e. Porte de la chambre E, fituée
au fond de la galerie \ cette porte eft
vue dans l'éloignement.
Pour ne pas multiplier les planches
fans néctflité , nous nous fommes
abftenus de donner le plan des cham-
bres fupérieures du majnal , lefquelles
M A M
en forment le premier étage. Le plan
du rez-de-chaullée ou des chambres
infcrieures futfit pour fe former du
tout une idée exacte ; ce que le
plan de ce premier étage otFiiio;t de
particulier , le trouve inuiqué fur
celui de la figure i .
Ainfi t,fia. I. repréfente par les
lignes ponâruées , l'ouverture T, qui
fait la communication d'une cham-
bre fupcrieure G [fig. 2) avec une
intérieure correfpondante F. [figures
I 3 2) Le P. Sicard dit que cette
ouverture eft ronde , comme toutes
celles qui fervent d'entrée dans les
chambres tant fupérieures qu'infé-
rieures : cela pouvoit être dans les
mamals qu'il a vus. On comprend
que la forme de ces ouvertures eft
abfolument indifférente ; l'eirentitl
eft qu'elles foient les plus petites
pollîbles : en ce cas , les ouvertures
rondes ponrroient avoir quelqu'avati-
tage fur les ouvertures carrées.
r r défunient les rigoles ou canaux
qui font pris dans l'épailTeur du plan-
cher des chambres fupérieures G G,
{fig. 2 ) où l'on allume du feu.
Ainfi l'efpace compris entre les
lignes ponéluées / l , dénote les ou-
vertures latérales par où ks cham-
bres fupérieures communiquent en-
tr'elles. ( yoye-{ LL,jf^. 2) Nous
avons jugé qu'il fuffifoit d'indiquer
ces particularités à l'une des cham-
bres du plan j on conçoit qu'elles fe
trouvent dans toutes les chambres
femblablei.
On voit donc qu'il faut fur- tout
s'attacher à bien comprendre la dif-
pofition d'une chambre inférieure -Sir
de fa fupérieure correfpondante : c'eft
la réunion de ces deux pièces qui
forme, à proprement parler, le four
à poulet de l'Egypte j tout ce que
AI A M 397
préfenterolt le mamal ou l'éJifije
entier , ne ftrt-it que la répétition
d'un plus ou niuius grand nombre
de ces fours , réunis à droite iS, à
gauche par leur rapprochement , &
pjt une galène commune.
Qu'on fe repréfente donc bien
nettement , à laide de la figure 2 j
une première ihambre à rcz-de-
chaullée F, de luiit pieds de longueur
environ , fur cinq de large , U au
plus de trois pieds de h.iut , com-
muniquant avec une lecoiide cham-
bre G, qui lui eft fupérieure par une
ouverture T du plancher qui les fé-
pare^ qu'on fe figure cette chambre
fupérieure de la même lon;jueur &
largeur que la chambre inférieure ,
ayant environ quatre pieds de haut
fous le fommet de fa voûte , & un
trou 1 de huit à neuf pouces dans cette
même voûte; qu'on fe repréfente des
canaux ou rigoles R R , de quatre à
cinq pouces d'ouverture & de deux
de profondeur, rampant fur le plan-
cher le long des quatre murailles de
cette même chambre; qu'on fe re-
préfente enfin ces deux chambres
avec des ouvertures très-petites/ , ^j
par lefquelles elles cominuniquent
à la galerie commune D D, & par
où un homme ne peut entrer qu'en
fe gliffant la tête la première : on
faura tout ce qu'il faut favoir d'ef-
fentiel fur les mamals égyptiens ,
& tout ce qui eft néceffaire pour en
bien comprendre le fervice que nous
allons expliquer.
Service des mamals ou fours à
poulets de l'Egypte.
Le fervice des fours à poulets fe
fait de la manière fuivante :
1*. On dépofe cinq à fix mille
5-98 M A M
C£ufs , félon le P. Sicard , & fept
mille, félon Velling, dans la cham-
bre inférieure F ; on les met fur de
la paille ou fur des nates : mais on
a l'attention de lailTer une place vide
au-delfous de l'ouverture T du plan-
cher de la chambre fupérieure G ,
afin qu'un homme puifle entrer ,
quand il en eft befoin, dans la cham-
bre inférieure, par cette ouverture.
i"*. Cet arangement tait, on al-
l.ume du teu dans les rigoles RR, rr
(Jig. I , 2) de la chambre fupé-
rieure. Pendant qu'il brûle , on bou-
che avec des tampons de paille ou
d'étoupes le ttou F, aulli bien que
celui I de la voûte de la chambre fu-
périeure G \ mais on lailTè ouvert le
trou latéral g j faifant l'entrée de
cette même chambre. C'eft par ce
trou que la fumée palfe & fe dé-
charge dans la galerie D D, où elle
enfile les trous H H de fa voûre ,
qu'on tient aulli ouverts dans le temps
qu'on bit du feu.
La matière qu'on brûle dans les
rigoles eft de la bouze de vache &
de la fiente , foit de chameau , foie
de cheval , mêlée avec de la paille :
on en forme des efpèces de mottes
qu'on fait fécher au foleil : c'eft le
chauffage ordinaire du pays.
La chaleur de la chambre fupé-
rieure reflue dans l'inférieure où font
les œufs, par le trouT, qui bit la
communication des deux chambres.
Cette chaleur feroit trop forte ,
par rapport au climat de l'Egypte,
il on entretenoit continuellement du
feu dans les rigoles j on n'en allum.e
que pendant deux, trois ou quatre
heures par jour, en différens temps,
félon la faifon , & même vers le
huitième ou le dixième jour de la
couvée , on cefle abfolume;it d'en
M A M
faire , parce qu'à cette époque la
maiïe entière du marnai a acquis un
degré de chaljeur convenable, & qu'il
eit po/lîble de le lui conferver pen-
dant plufieurs jours fans une dimi-
nution trop fenfible, en donnant au
mamal moins de communication
avec l'air extérieur. Pour cet effet ,
on bouche habituellement toutes les
ouvertures de la galerie & des cham-
bres ; on ne ferme cependant qu'à
demi les ouvertures 1 1 des voûtes
des chambres fupérieures , afin d'y
ménager une petite circulation d'air.
3", La conduire du feu eft fans
doute le principal objet de l'induftrie
des direéieurs des fours, mais ils ont
encore d'autres foins à prendre durant
le temps de la couvée; tous les jours,
& même quatre ou cinq fois par jour,
ils remuent les œufs , pour établit
entr'eux tous la plus jufte répartition
de chaleur qu'il eft poffible.
4°. Vers le huitième ou le di-
xième jour de la couvée , temps où,
comme il a déjà été dit , on celfe de
faire du feu, les ouvriers exécutent
une grande opération dans les fours;
ils retirent les œufs qu'ils trouvent
clairs & qu'ils reconnollfent alors très-
aifément enles regardantàla lumière,
puis ils tranfportent fut le plancher
de la chambre fupérieure une partie
des œufs qui, jufque là, avoienttous
été placés dans la chambre inférieure,
ce qui les met plus àl'aife, & facilite
fur-tout le remuement des œufs &
l'examen de ceux qui fe tr.ouveroient
gares.
5°. Enfin arrivent le vingtième &
vingt-unième jours, qui récompen-
fent les direfteurs de leurs peines. Se
qui mettent fin aux travaux de la
couvée. En eftet , auilîtôt que les
poulets font éclos, les condufteurs
M A M
Ses fours n'ont prefque plus rien à
faire ; les poulers vivenc fort bien
deux jours fans avoir befoin de nour-
riture; ce temps fuffit pour les livrer
aux perfonnes qui ont tourni les œufs , -
eu pour les vendre à ceux qui en
veulent acheter.
Le climat heureux de l'Egypte dif-
penfede prendre des précautions bien
pénibles pour élever les poulets nou-
vellement éclos ; le plus grand foin
qu'ils exigent , c'eft celui de leur
fournir une nourriture convenable.
Paul Lucas ( Tome II ^ page 9 ) pré-
tend qu'on les nourrit dans les com-
mcncemens avec de la. farine de
iniliet.
Les conduéleurs des fours, comme
il a déjà été obfervé , mettent dans
la galerie D D (_/%. / ) les pouflîns
qui leur appartiennent, & qu'ils veu-
lent élever dans le premier âge avec
plus de foin ; la chaleur douce qu'ils
y éproavent doit contribuer à les for-
tifier en peu de temps-
Tels font les procédés au moyen
defquels les Egyptiens favent mul-
tiplier, à leur gré, une efpèce aulîl
tjtile que celle des oifeaux de balfe-
cour : on comprend que leur art doit
également réuffir fur toutes les fortes
d'oifeaux dont elles font fournies,
comme oies, canards, dindons, (Sec.
Selon le P: Sicard , les feuls ha-
bîrans d'un village nommé Bermé ^
fitué dans le Delta , ont linduftrie
de conduire les fours .à poulets 5 ils
fe tranfmettent les uns aux autres
la pratique de cet art, & en font un
myftère à tous ceux qui ne font pas
du village : la chofe eft d'autanr plus
croyable , que , ne connoilfant pas
i'ufage du thermomètre, le raét feul
& une longue habitude peuvent les-
M A Aï
39?
ginder fûremenc dans leurs opéra-
tions.
Lors donc que la faifon eft favo^
rable, c'eft-à-dire vers le commen-
cement de l'automne , trois ou quatre
cens Bermécns quittent leur village,
& fe mettent en chemin pour allei
prendre la conduite des fours à pou-
lets , conftruits dans les différentes
contrées de l'Egypte; ils reçoivent
pout leur falaire la valeur de qua-
rante ou cinquante écus de notre
monnoie , & font nourris par les^
propriétaires des fours où ils tra-
vaillent.
L'ouvrier ou directeur des fours-
eft chargé de faire le choix des œufs ,.
pour ne conferver que ceux qu'il
croir propres à être couvés : il ne
répond que des deux riers de ceux:
qu'on lui confie. Ainiî le propriétaire
remettant , par exemple , quarante-
cinq mille œufs entre les mains du
Berméen, diredeur de fon marnai ,
n'exige de lui que trente mille pouf-
fins à la fin de la couvée ; mais
comme il arrive prefque toujours que
les œufs réufiilfent au-del.vdes deux
tiers , tout le profit n'elt pas pour
le direéleur, le propriétaire y a fa
bonne part; il tachette de fon four-
nier pour fix médins ( environ neuf
fous de notre monnoie ) chaque rukba^.
ou trentaine de pouffins éclos au-
delà des deux tiers, & il les vencî
tout au moins vingt médins ou trente-
fols de notre monnoie.
Chaque mamal a vingt ou vingt-
cinq villages qui lui font annexés; les
habirans de ces villages font obligés
d'apporter leurs œufs à leur mamaE
refpeélif; il leur eft défendu, par
l'autorité publique, de les porter ail-
leurs , ou de les vendre à d'autres>
qu'au feigneur du lieu ;i ou aux-pass-
400
M A M
ticLiliers des villages de leur diftriél.
Au moyen de ces précautions , les
marnais on: toujours des œufs en
fuffifante (Quantité. ( ^^oyei Incuba-
tion ) M. l'abbé Copineau.
MAMELLES. Médecine ru-
rale. Le nombre, la lituation i!s: la
figure des mamelles font trop con-
nues pour nous y arrêter, elles va-
rient en volume 3c en ferme , félon
l'àj^e & le fexe.
Le volume des mamelles eft très-
petit chez les jeunes hlles , il augmente
à lage de puberté, & devient alfcz
conlidcrable chez les femmes encein-
tes (Se les nourrices. Ce même volume
diminue dans la vieillelTe. H y a des
pays où les mamelles fe trouvent
alongées kun tel point, que les fem-
mes peuvent les jeter par-deilus l'é-
paule. Les mamelles des femmes de
la terre de Papous & de la nouvelle
Guinée, font h longues, qu'elles tom-
bent fur leur nombril. On fait que les
femmes des déferts de Zara font con-
filter la beauté de ces parties dans leur
longueur- auiîi, d'aptes cette idée, à
peine ont-elles atteint l'âge de douze
ans, qu'elles fe ferrent les mamelles
avec des cotdons pour les faire âc(-
cendre le plus bas qu'elles peuvent.
Les mamelles font deflinces non-
feulement à iàltrer le lait, mais en-
core à le tranfmettre de la mère à
l'enfant par le mamelon , qui cft
cette émii:ence arrondie & un peu
alongée , placée au milieu de la ma-
melle, & qui fe trouve percée de plu-
ileurs petits trous , correfpondans à
autant de conduits par où le lait s'é-
chappe.
Pour que les mamelles d'une nour-
rice ayent toutes les conditions &c
les qualités requifes , elles doivent
M A N
être médio -rement fermes, &c d'un
volume allez conlidérable , bien dif-
tindtes & féparées l'une de l'autre;
elles ne doivent pas être trcn atta-
chées à la poitrine, il faut au con-
traire qii'clles s'avancent en-dehors
en ferme de poire; le mamelon ne
doit p.as être enfoncé, mais faillanc,
(Se refft.'mbler pour la figure & pour
le volume à une noifette , & les
trous dont il cft parfemé doivent
être libres, pour qu'une prelTion afTez
médiocre de la main de la nourrice,
ou de la bouche de l'enfant , foit fuf-
filante pour en faire fortir le lai: en
manière d'arrofoir.
Malgré toutes ces conditions & les
importantes fondions que la nature
exerce fur les mamelles, elle les a
foumifes à éprouver quelquefois des
maux terribles , dont nous ne ferons
pas le détail", nous nous contenterons
feulement de faire obferver qu'elles
font très-expo fées, par leur ftruéture,
à des engorgemens de toute efpèce ,
qui produifent fouvent des maux
incurables , tels que le cancer ^ le
fquirrhe j & des ulcères , des ger-
çures au mamelon , & des dépôts
laiteux qui font fouffrir les plus
vives douleurs. ( Voye-^ Cancer ,
SquirrhEjGerçure DE mamelles)
M. Ami.
MANDRAGORE. {.Foye^ plan-
che X j pao. 4C0. ) Tournefort la
place dans la première feélion de
la première clalle , qui renferme les
herbes à fleur en cloche, dont le piflil
devient un fruit mou , & il l'appelle
mandragora fruclu rotundo. Von
Linné la nomme mandragora qffici-
narum , & la clafTe dans la pentaii-
drie monoginie.
Fleur. B. Calice d'une feule pièce
à
ri
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.yti/'i>ii/i' . i'tt l\iuii'f/if//c /'tfa/;/f~
J/il//i//-,///i>/i
M A N
X cinq découpures pointues ; la fleur
eft d'un violcc-pâle ; c'eft un tube
menu à la bafe, renflé dans fon mi-
lieu, évafé & à cinq découpures j las
étainiiies au nombre de cinq Cj <Sc un
pillil occupant le centre de la fleur.
fruicD. Mou, rond, fucculunt. E
le reprélente oupé tranfverfalemenr,
afin de montrer l'arrangement des
graines F qui font blanches, appla-
ties , de la forme d'un rein.
Feuilles. Grandes, ovales, & par-
tant du collet de la racine^ elles lont
rudes au toucher.
Racine A. Grofle , pivotante , quel-
quefois divifée en deux ou en quatre.
Port. Il s'élève d'entre les feuilles
plufieurs petites tiges, chacune porte
une fleur.
Lieu. Indigène en Italie ; cultivée
dans nos jardins , la plante efl vivace.
Propriétés. L'odeur des racines eft
force & puante j l'écorce étant def-
féchée, a une faveur acre & amcre \
les feuilles font deflicatives , atté-
nuantes , réfolutives j l'écorce eft un
violent purgatif par le haut & par
le bas. On obferve aufli qu'elle eft
narcotique & alToupilTante. L'extrait
de la racine à haute dofe , purge à
l'excès , il excite le vomilfement , il
rend le fommeil agité, & il abat les
forces vitales &: mufculaires. A petite
dofe, il tient le ventte libre, & dif-
pofe au fommeil. Quoique cette
plante doive être regardée comme un
poifon , donnée par des perfonnes peu
inftruites , elle peut être employée
utilement dans plufieurs cas j les mé-
decins de Vienne en Autriche, don-
nent la racine en infuflon , à la dofe
d'un demi-fcrupule à un fcrupuie,
dans les maladies caucéreufes.
Culture. Elle vient très-bien dans
un terrein léger & fubftantiel. On.
Tome VI.
M A N 401
fcaie la graine dès qu'elle eft mûre ,
ou au premier printemps , contre de
bons abris, ou fous chaflis , fuiv.mc
le climat. Les pots font néceîfaires
au femis , afin de mettre en terre la
plante lorfqu'elle a acquis une cer-
taine grolfeur , afin de ne pas en-
dommager fon pivot. Dans le nord ,
on la garantit de la rigueur des hi-
vers , foit en la remettant dans l'o-
rangerie, (oit en la couvrant avec de
la paille de litière.
11 eft étonnant combien les char-
latans ont abufé de la crédulité du
peuple , en lui montrant ce qu'ils
appelloient des mandragores mâles
ou temelles , auxquels ils attribuoient
des propricccsmeiveilleufes. 11 lalloit
avoir le viiage voilé , & ne jamais
regarder la plante pendant tout le
temps qu'on mettoità la tirer de terre,
crainte de mourir j il falloir l'enlever
lotfque la lune étoit dans tel figne
du zodiaque , & dans tel de it%
quartiers , &c. J'ai vu des mendra-
gores qui reprclentoient aflez bien
les parties de l'homme ou de la
femme , & cette relfemblance tient
à uu tour de main. On choifit à cet
effet une mandragore à forte racine ,
laquelle , après quelques pouces d'é-
tendue , fe bifurque en deux branches.
Comme cette racine eft molle , elle
prend aifémenc l'empreinte qu'on
veut lui donner, & elle la conferve
en fe deiféchant. Je ne détaillerai pas
un procédé que tout le monde doit
concevoir j je dirai feulement , que
pour repréfenter les poils qui ac-
compagnent les parties de la géné-
ration , on implante près-à-près des
grains de bled , jufqu'à ce que le
grain foit enfoui , mais le germe en-
dehors. L'humidité de la racine fe
communique au grain, il germe, &
E e e
401 M A N
lorfque le germe eft afiez grand, on
met la racine dans un four modc-
rémenc chaud , afin de deiïecher le
germe , & le grain ne paroîc plus ,
parce qu'il eft recouvert par le ref-
ierremenc de la racine. Notre but en
donnant ces détails eft uniquement
de détruire une erreur fort acctéditée
dans les campagnes , & de fournir le
moyen de démafquer la charlatanerie
lorfque Foccafion s'en préfente. Ces
mêmes batteleurs font encore voir
de prétendus bojilïcs , avec des yeux
bleus , & dont le feul regard tue
l'homme, (1 le bafilic le voit le pre-
mier. C'eft avec une jeune raye ,
( poilfon de mer, ) qu'on fabrique ce
monftre fabuleux.
MANIE. MÉDECINE Rur;(le.
On appelle de ce nom un délire per-
pétuel , fans fièvre j avec fureur &
audace.
Cette maîadie a toujours quelque
fymptome précurfeur. Pour l'ordi-
naire , ceux qui en font menacés
éprouvent de fréquens maux de tcte,
font agités par des veilles prefque
continuelles j leur fommeil eft entre-
coupé par des fonges fatiguans , qui
■ les jettent dans un état violent de
fouftrance \ ils fe fentent plus lourds
6c plus afFailfés immédiatement après
leurs repas ; la digeftion chez eux
eft pénible & laborieufe ; ils rendent
beaucoup de vents par la bouche j
leurs hippochondres font comme tu-
méfiés j de plus , ils font rêveurs ,
penfifs , & naturellement inquiets \
ils fe dégoûtent facilement de ce
qu'ils recherchoient avec avidité j le
fûuci , la trifteffe , & la peur s'em-
parent de leur ame, & bientôt après
leurs yeux font frappés & éblouis par
des traits de lumière , des efpcces
M A N
d'éclairs ; c'eft alors que leur regard
eft audacieux, leurs yeux enflammés,
le vifage pâle , & qu'ils font tou-
jours prêts à faire du mal aux autres ;
ils éprouvent un bourdonnement &
un tintement d'oreilles j ils font in-
fenfibles à la faim , aux froids les
plus aigus , & aux veilles continuel-
les \ ils font d'une chaleur & d'une
force fi grande , qu'ils brifent tout
ce qui les environne , &; fe débarraf-
feroient de l'homme le plus fort &
le plus vigoureux. Dans cet état ils
aiment les femmes avec fureut ; ils
défirent ardemment le Cfït j les pol-
lutions noéturnes font fréquentes j ils
s'emportent contre les afliltans , dé-
chirent leurs habits, ôc fe découvrent
indécemment tout le corps : quel-
quefois ils fixent les yeux fur un ob-
jet, & ce n'eft que très- difficilement
qu'on parvient à en détourner leurs
regards. Quelquefois auffi ils rient,
contre leur coutume , ils parlent beau-
coup à tort & à travers. 11 y en a qui
ne celfent de chanter, de parler, de
rire ou de pleurer. Ils changent de
propos à chaque inftant ; ils oublient
ce qu'ils viennent de dire, & le répè-
tent fans celTe.
Tantôt le délire eft continuel , &
tantôt périodique. Les malades fem-
blent, pendant quelque temps, jouir
de leur raifon : ils étonnent , par leur
fagefTe , ceux qui les traitent de fous;
mais au bout de quelques heures, de
quelques jours, & même de quelques
mois, ils retombent dans leur manie.
Les hommes vifs, ardens & colé-
riques , & dont la fenfibilité eft ex-
trême, font les plus fujets à la ma-
nie. J'ai obfervé que ceux qui y
étoient difpofés , avoient les yeux
faïences : je puis même afTurer que ce
fymptome ne m'a jamais trompé , &
M A N
certaines perfonnes de l'art auxquelles
j'avois communiqué cette obferva-
tioii, ont été à même de lobferver,
Se lent témoignac;e eft digne de toi.
11 patoîc cjae la difFirence ellen-
tielle entte la manie , &z la mélan-
colie , confifte en ce que la manie
cft le plus fouvent produite pat une
cznù idiopathique du cerveau , ou de
ce qu'on appelle ame penlante. Au
lien que la mélanculic dépi^nd d'ime
afteétion fympathique des organes
digeftifs , & autres vifcères du bas-
ventre , avec vice de conftiturion.
11 n'eft pas furprenant que le mou-
vement des maniaques foit vif, fé-
roce . quelquefois phténétique , vu
que l'ame eft primitivement affec-
tée ; tandis que dans la mélancolie
on ne voit, le plus fouvent, que des
idées fombres , triftes , des aliéna-
tions d'efprit, moins actives; ce qui
tient au vice qui eft placé dans des
organes moins fenfibles Se moins ac-
tifs , & à la dominance de l'humeur
attrabilaire qui s'y complique le plus
fouvent.
Parmi les caufes qui produifent
cette maladie , on peut compter les
vives pallions , les mouvemcns vio-
lens de l'ame, la contention d'efprit,
une étude ttop longtemps fuivie , &
trop réfléchie , un amour malheu-
reux , des défiis effrénés , 3c rendus
vains, ou fatisfaits avec trop d'aban-
don j des méditations ttop profon-
des; des idées révoltantes, qui peu-
vent agiter vivement les nerfs , dé-
ranger l'ordre de leuts fonctions ,
troubler celles de l'ame. Mais dans
les caufes prochaines , on doit com-
prendre une fenfibilité extraordinaire
dans la conftitution , une difpofuion
héréditaite , la fupptellion des menf-
irues j des lochies & du flux hémor-
M A N
403
roïdal ; la répercuflîcn de quelques
humeurs dartreufes , écrouelleufes ;
les excès dans les plaifirs de l'amour ,
l'ufage abufif des liqueurs fortes &:
fpiritueufes.
La manie peut être fympathique ,
& teconnoître pour caui un amas
de vers contenus dans l'eftomac &
les premières voies; im engorgement
dans les conduits de la véfnule du
fiel, & la préfence d'une bile très-
âcre , de couleur d'un verd foncé j
& très-exaltée dans cette même po-
che; la manie a lieu quelquefois à la.
fuite des hîvres intermittentes, dont
on a trop tôt atrêté les paroxifmes ,
par l'ufjge précipité du quinquina.
Les fièvres aigucs , ardentes 6c in-
flammatoires j dont la crife a été
imparfaite , lailTènt quelquefois ,
après elles, cette maladie. Hippocrate
remarque que la ceflation d'un ul-
cère, d'une varice, la difpofition des
tumeurs qui font dans les ulcètes ,
font fouvent fuivies de manie.
Mais l'ouverture du crâne des ma-
niaques, nous fait voir, que le plus
ordinairement la caufe eft idiopathi-
que, &.' a fou fiége dans le cerveau.
0\\ a trouvé dans les uns , la fubftance
du cerveau très-ferme & compadie ;
les gros vailFeaux &c ceux qui ram-
pent fur la furface de ce vifcère ,
gorgés d'un fang très- noir. Dans d'au-
tres , un épanchement aqueux , qui
inondoit tous les replis du cerveau ;
des hydatides folitaires , & d'autres
très-rapprochées, & ramalfées en for-
me de peloton; des varices au plexus
chorroïde ; les ménfnges enflammées,
&: très-dures ; l'avancement de la
faulx oflifié ; des vers dans les funis
trontaux.
La manie eft une maladie lon-
gue ; pour l'ordinaire , peu dange-
E e e i
404
M A N
reufe. Ceux qui en font art iqués, font
forts , robuftes, & à leur ctat près,
bien portans. Ils vivent afftz long-
temps. Il eft prouvé qu'ils ne con-
tractent jaa:ais de maladie cpidémi-
que. Mais un protond fomnieil , qui
fuccède à un délire continuel , &
l'infenfibilité des malades au froid le
plus aigu , & à l'adtion des purga-
•tifs , font des fîgnes de mauvais au-
gure ; &: fi les torces font épuifées
par l'ablVinence , & que le malade
tombe dans l'épilepfie , ou dans quel-
que maladie foporeufe ^ la mort ne
tarde pas à terminer fa vie.
Perfonne n'iguore que la manie
ne foie difficile à guérir, fur-tout lotf-
qu'elle tlt invétérée , & que cette
maladie eft incurable lorfqu'elle eft
héréditaire.
La nature opère très - rarement
d'elle-même la guérifon de cette ma
ladie \ néanmoins on a vu la manie
guérie par de fortes hémorragies du
nez , ou par d'autres évacuations ; mais
ces cas font fi rares, qu'on iie fauroit
toujours attendre des crifes aufli falu-
taires , fans expofer les maniaques aux
dangers les plus évidens; on eft donc
forcé d'avoir recours à d'autres mé-
thodes de traitement , relatives, i ".
à l'état de foiblelTe , d'épuifement ,
de démence , produite ou entrete-
nue par des évacuations immodérées,
ou au vice général de la conftitution ;
2". à l'état nerveux, idiopathique du
cerveau & des nerfs.
I*. Dans cette efpèce de manie
qui fuccède aux fièvres intermitten-
tes mal traitées , &z fur-tout à la fièvre
quarte , que Sydinham a fort bien
obfervée , il eft très - dangereux de
faire faigtier iî^c de donner des éva-
cuans ; il faut , au contraire , la com-
battre par des remèdes analeptiques.
M A N
fortifians & toniques : la thériaque,
dans ce cas , eft un excellent remède.
iocAer, quia rrèsbien traité de cette
maladie , a obfervé que les faignées Se
les purgatifs étoient nuifibles dans
le cas de foiblelfe naturelle & ef-
fentielle, & d'épuifement des foices.
Au lieu que dans la manie entretenue
par une fluxion chronique , ou par
une con^eftion à la tête , à la fuite
des pallions vives , de remèdes échauf-
fans , i5c d'autres abus de cette ef-
pèce; les évacuans & la faignée, en
aft'oibHllant le malade , produifent
les plus heureux effets.
Les véficatoires conviennent fur-
tout à la manie qui reconnoît pour
caufe la répercuflion des exanthèmes ,
des dartres Se autres maladies de la
peau. Mais , ce n'eft pas comme ir-
ritans qu'il faut les employer, mais
comme aftoiblilTans j pour cet effet
il faut les maintenir pendant long-
temps. Après les évacuans convena-
bles, les raftVaîchiftans, tels que l'eau
froide , les bains , & autres fembla-
bles font très-avantageux. Il eft très-
utile de prendre un bain tiède des ex-
trémités , en arrofant en même temps
la tête d'eau glacée, & de donner inté-
rieurement de la limonade nitrée. Le
vinaigre diftillé, paroît fur-tout con-
venir dans la manie , avec congeftioa
à la tête , dans des fujets pléthoriques.
Les femmes hiftériques peuvent
être facilement attaquées de manie,
& fur-tout les femmes en couche ,
par des pafllons violentes , par Li
fupprefiion des vuidanges , par des
dépôts laiteux , Si autres caufes pu-
rement nerveufes , fans congeftion à
la tête. On eft autorifé à foupçonner
cetre affeétion fympathique , lorfqu'il
s'annonce rout- à-coup un délire , fans
caufe de congeftion , précédé de vie-
M A N
Jentes affections de l'amc. Les re-
mèdes nervins , tels que la myrrhe ,
lecaftoreitm, l'afTa-fcEtida , foiic très-
appropriés ; ik les martiaux , dont
Mead a peut-être trop étendu l'u-
fage , rcullilfent fîngulièrement.
L'opium eft le remède le plus con-
venable à la manie qui eft pioduite
par des pallions vives , des terreurs
extrêmes fans cons^eftion , ni pléthore.
Un célèbre médecin l'a donné , avec
fuccès, à la dofe de huit grains. Mais
il faut plutôt entretenir le ventre libre,
au moyen de l'émétique , pour pré-
venir la conqeftion , qui ne pourroit
être que défavantageufe. Dans le cas
de veilles opiniâtres , l'opium , gradué
à propos „ procure un fommeil doux
& très-avantageux. Mais il arrive quel-
quefois auiïi , qu'il augmerre les
fymptomes, tk qu'il produit des in-
terruptions dans le fommeil, des ag:-
t.Ttions 6c des fonges très-hlcheux j il
faut alors s'en abftenir , de peur qu'il
ne rende la maladie incurable. 11 vaut
mieux lui préférer des raffraîchilfans
& d'autres caïmans , tels que le fy-
rop de diacode , & le camphre cor-
rigé avec le nitre donné à très grande
dofe. Zoc/ieralTure avoir foulage, avec
le mufc , beaucoup de maniaques ,
& en avoir guéri un radicalement.
On a vu des maniaques guéris par
certaines opérations. C'eftainfi qu'un
homme , auquel on creva les yeux ,
parce qu'il faifoit le loup - garou ,
( yoyc-;^ ce mot ) fut entièrement
exempt d'attaque. Le hafard a plus
fouvent opéré de pareilles cures , que
la main du chirureien. On n'en fau-
roit confeiller l'imitation.
Vanhelmont a propofé l'inimerfion
du malade dans l'eau froide. II eft
très-vrai qu'en a obtenu de bons ef-
fets des bains froids, & de pareilles
• MA N 405
itnmerfions. Les anciens faifjien: un
grand ufage de l'ellébore blanc; mais,
comme ce remède eft corrolif , il ne
peut être employé que comme fter-
nutatoire. Le vinaigre diftillé , peut
être regardé comme un vrai fpccih-
que dans cette maladie , &: comme
corre6tif de l'attrabile qui domine
dans les aft'edions maniaques & hyp-
po^hondriaques. iot/it'; faifoit pren-
dre chaque jour, une livre d'mlufioii
teftacce d'hypericum , & après dîner,
il donnoit de quart-d'heure en quart-
d'heure , quelques cuillerées de vi-
naitrre diftillé. Il alTure avoir guéri ,
par cette méthode, un grand nom-
bre de malades ; mais il veut qu'on
continue ce traitement pendant deux
ou trois mois. Il a vu que l'ufage
du vinaigre faifoit difparoîcre l'état
étrange des yeux, & ce regard foi ce ,
qui eft un fymptome primitif de cetce
maladie. Il a encore obfervé que ce
remède poufle , par les fueurs , !k
les autres excrétions ; mais que ces
crifes étoient indépendantes de la
"uérifon , puifqu'elles n'arrivoienr
qu après que la maladie avoit celle,
de même que la fupprtiîlon des rè-
gles & des hémorragies qu'il faifoit
dilparoître \ ce qui étoit un indice
d'un entier rétablillement. M. Ami.
MANIHOC ou MAGNOC,
Comme je n'ai jamais cultivé , ni
vu cultiver cette plante, je vais em-
prunter cet article de l'hijloire des
plantes de la Guiane françoife, de
M. Aublet. Von Linné le clalfe dans
la monoctie monadelphie , & le
nomme jatropka manihot. 11 a été
connu par Gafpard Bauhin, fous la
dénomination à' arbor fucco venenatOj
radiée efeulentà.
On en connoîc à Cayenne plulîeurs
40(5 Aï A V
eipèces. La première eft celle dont
la racine eft bonne à manger fix mois
après que la plante a été mife en
terre , c'ell: le magnoc-maïs. Cette
racine eil courte , grolfe , dure à
rapper ; fori écorce s'enlève difficile-
ment \ étant rappée &: preffee , elle
rend peu de (\ic\ les tiges font balFes,
branchues & rameufes \ elles ont au
moins douze pieds de hau:, &c leur
ccorce elt griiâtre.
La féconde efpèce fe nomme ma-
gnoc-cachiriy elle diffère de la pre-
mière par fes racines , qui ont un
pied & demi , ou plus , de longneut ,
environ fept à huit pouces de dia-
mètre ; par les tiges, grolTes à-peu-
près comme le poignet, branchues,
hautes de fix à iep: pieds. Les natu-
rels du pays ne l'atrachent qu'après
dix mois de culture ; ils l'employent
principalement à la fabrication d'une
boilfon qu'ils nomment cachiri.
La troilième efpèce eft le magnoc-
boLs-hlanc. Elle diffère de la précé-
dente par fes racines qui ont beaucoup
de rapport , par leur forme & par
leur grolfeur, avec celle du magnoc-
maic. Ses tiges ont hx à fept pieds
de haut , elles font terminées par de
rrès-pe:its rameaux courts , chargés
de feuilles \ leur écorce eft d'un gris-
cendré. Pour employer fa racine , il
faut qu'elle foit âgée de quinze mois.
On fait avec cette efpèce de magnoc
une caffùve très-blanche, & agréable
au goût.
La quatrième efpèce eft le magnoc-
maï-pourri-rouoc. Ses tiges font rou-
geâtres , branchues , rameufes &
noueufes \ fes nœads font très-rap-
prochés \ la tige eft haute de fix à
fept pieds j fes racines ont la peau
brune ^ elles font plus ou moins gref-
fes , falvant U qualité du terrein j
M A N
on ne les arrache qu'après quinze
mois. La calfave qu'on en fait eft
excellente. Si ce magnoc eft cultivé
dans les champs où les eaux de pluie
ne croupiffent pas , fes racines fe con-
fervent en terre l'efpace de trois
années fans fe pourrir ni fe durcir.
Le magnoc-mai-pourn-noir forme
la cinquième efpèce. Elle ne diffère
de la précédente que par fes tiges ,
dont l'écorce eft brune; d'ailleurs fa
racine a les mêmes propriétés que
celles de la quatrième efpèce , & ces
deux plantes font tout- à-lait fembla-
bles.
Nous mettrons , peur la fixième
efpèce, le <:j/«t7^/?c)c. Celui-ci diffère
de tous les autres magnocs par fes
racines , qui font bonnes à manger
fans c:re rappées , preffées ni rédui-
tes en latine : on peut les faire cuire
fous la cendre ou dans un four , on
les faire bouillir. De quelque manière
qu'on les cuife , elles font bonnes
à manger , & tiennent lieu de pain.
Elles n'empâtent pas la bouche ,
comme les cambars ou ignam.s \ fes
racines font longues d'environ un
pied fur trois à quatre pieds de dia-
mètre. On les arrache au bout de
dix mois j les tiges font hautes de
cinq à fix pieds \ leur écorce eft rou-
geâtre-j les feuilles font également
rougeâtres en-deftbus , & fujettes à
être piquées par les infeéles ; l'ex-
trémité des tiges eft chargée de
feuilles; les vaches, les chèvres & les
chevaux les mangent avec plaifir. Les
racines coupées par rouelle , font du
goût des vaches , des chevaux &
des cabris. Quand les faifons font fe-
chesi, lorfque le fourrage manque ,
cette plante peut être d'un grand fe-
cours pour nourrir & pour engraiffer
les troupeaux. On peut nourrir avec fes
M A N
feuilles un grand nombre de cochons.
Les racines peuvent avoir la même
utilité. Il y a encore beaucoup d'au-
tres variétés de magnoc , qu'il feroit
trop long de décrire , il fuftîc de con-
noître les fix principales.
Des différentes préparations du
magnoc en farine j caffave j galette,
couaque , cipipa.
Lorfque j'arrivai dans la Gaiane
françoife , continue M. Aubier , les
habitans de lifle de Cayenne & de
la Guiane n'avoient point d'autre mé-
thode pour râper la racine de magnoc,
que celle qui leur avoir été indiquée
par les naturels du pays. Ils fe itr-
voient d'une râpe faite avec la plan-
che d'un bois blanc &c peu compaîîîe.
Dans cette planche on implantoit de
petits morceaux irréguliers de lave
ou pierre de volcan , nommée à
Cayenne ^ri/o^. Alors les pores delà
planche étant imbibés d'eau , fe gon-
floient , & par ce moyen les petits
éclats de lave fe trouvoient ferrés.
On promenoir cette racine fur la
râpe en prelfant fortemenr. Les nè-
gres étant obligés d'appuyer la poi-
trine contre la planche , pour la fou-
tenir, leur fueur pouvoir communi-
guet des maux à ceux qui mangeoient
de cette farine. Je fis exécuter la roue
à râper le magnoc, que M. de la Bour-
donnaye avoir donnée aux habitans
des ides de France &: de Bourbon ,
& donr on trouve la defcription &:
la figure dans l'hiftoire naturelle du
B ré fil y par Pifon. L'on reconnut que
trois perfonnes faifoient , au moyen
de cette roue, le travail de douze. On
pourroit encore renfermer cette roue
dans une cailTe, à la partie fupérieare
de laquelle on conftruirok une bocte
M A N 407
qu'on rempliroit de racines; on y em-
boîteroit un madrier alfez pcfant pour
faire avancer le magnoc fur la râpe ,
à mefure que la roue tourneroit j &
par -là' on économileroit encore le
temps du nègre qui préf^nte la racine
à la râpe , & on éviteroit le danger
qu'il court de s'écorcher les doigts
à la râpe, lorfqu'il veut l'employer
toute entière. Comme cette opération
n'exige pas une force fupéiieure , le
courant d'un ruiiTeau pourroit faire
tourner la roue , 6c on gagneroir par
ce moyen le temps du négie.
De la farine du magnoc.
Pour faire cette farine , on ratifTe
la racine, on la lave eiifuite pour en
féparer la terre; d'aurres perfonnes
ôtent toute l'écorce , & par-là font
difpenfées de laver la racine. Celle-
ci étant râpée , on en renferme une
certaine quantité dans une grolîe
toile ou natte propre .1 la retenir, &
à laiffer palTer le fuc , puis on la mec
fous une prelle pour en extraire le fuc.
Les mottes, plus ou moins grolfes ,
qu'on retire de la prefie, font placées
fur une efpcce de claie élevée de terre ,
fous laquelle on fait du feu pour
delTécher ou boucaner ces parties , au
point qu'on puilfe , foit avec les mains ,
foit avec un rareau , étendre cette
farine, la remuer, fans qu'elle s'a-
moncèle; car, fi elle s'amonceloir ,
la déification ne feroir pas égale, il
s'y trouveroir des grumeaux , & il
feroit à craindre que cts grumeaux
ne fe moifilfent intérieurement. On
prend donc la racine de magnoc
râpée , prelfée & boucanée , cv on
lafaicfécher aufoleil le plusprompte-
ment poifible , de crainte qu'elle ne
prenne un goût acide, lorfqu'elle tft
ainfi delféchèe, on peut la conferver
4o8 M A N
quinze années , renfermée dins un
lieu fec , fans craindre qu'aucune
force d'inf.'cte l'altère. Je ne dis pas
un plus grand nombre d'années j
parce que mon expérience n'eft en-
core qu'à ce terme aujourd'luii.
11 y a des habitansqui ne prennent
pas ces prccaurions \ ils remplillenc
leulemeut de cette farine râpée, une
auge creufée dans le corps d'un arbre j
elle eft percée de pluiîeurs trous , pour
que le fuc de la racine s'écoule hors
de ceprelfoir j fe bornant à cette feule
préparation , fans la faire boucaner.
On réduit enfuice , fî on veut, ce
magnoc en farine fine avec un pilon
ou au moulin , & on la pafle au
tamis , comme toure autre matière
qu'on veut avoir fine.
On hut du pain pafTable, en mê-
lant un quart de latine de froment ,
avec trois-quarts de magnoc. Quand
on mange, fans en être ptévenu, du
pain fait avec du magnoc & du fro-
ment, mêlés par égale portion , ou
ne trouve point de différence de ce
pain au nckie , le goût en eft même
plus favoureux que celui du pain qui
ell: rout de froment , &: il eit plus
blanc. Ainil , félon les circonftan-
çes , on peut faire le mélange diver-
femenr , & à proportion de ce qu'on a
de farine de froment.
On fait auffi , par le même mé-
lange, du bifcuit très-bon àêtte em-
barqué , & je ne doute pas que ce
bifcuit ne fut, pour cette deftination,
d'une qualité fupérieure à celui qu'on
employé ordinairement, parce qu'il
ne fe trouveroit jamais m.oifi, ni at-
taqué des vers , en prenant foin de
l'embarquer dans àes cailfes ou des
barriques bien conditionnées, placées
dans les fonces du navire. Ce bifcuit
pompe , avec moins d'avidicé, l'hii-
M A N
midiré de l'air , que le bifcuit de fro-
ment, parce que cette farine a un glu-
tin qui téhfte plus à l'humidité que
la mucohcé de la farine du froment.
De la cajfcive.
Pour faite la cafTave , on a des
plaques de fer fondu, polies avec du
grès. On les met fur des fourneaux,
dont le foyer eft éloigné de la pla-
que \ parce qu'il fufRt qu'elle foir
feulement bien chaude. Les perfonnes
qui n'en font que pour leur ufage ,
comme les Caraïbes & les nègres , Se
qui changent fouvent d'habicacion ,
fe contentent de pofet les plaques fuc
trois pierres qui peuvent avoir fept
à huit pouces de hauteut, & avec de
petit bois ils échauffent leurs pla-
ques. Ceux qui veulent vendre la caf-
fave, font obligés, par la loi du pays,
de la livrer à un certain poids dé-
terminé j ils ont une mefure qui fait
leur poids , ils la remplilfent de ra-
cines de magnoc , râpées 6c prellées ,
qu'ils renverfent fur la plaque chaude,
(Se avec les mains ils l'étendent, & lui
donnent une forme de gâteau rond.
Celui qui fait ce travail eft muni
d'un petit battoir , en forme de pèle , &
avec lequel il appuyé fur cette farine
gfumelée , de manière que toutes les
petites portions s'unilîent à la faveur
du mucilage que la chaleur en fait
fumter. Lorfque l'ouvrier s'apperçoit
que toutes les patties font réunies &
tiennent enfemble, il pafle la pèle au-
dclfous J (Se traverfe la forme ou me-
fure fur la plaque. Cette opération eft
facile , (Se fe fait en peu de temps.
Plus la calTave eft mince , Se plus
elle eft délicate & devient croquante.
Lorfqu'on lui laiife prendre une cou-
leur roulfe , elle eft plus favoureufe;
ce qui tait que bien des perfonnes
l'aimeac
M A N
î'aiment mieux telle. Les dames créo-
les en mangent de préférence au pain
de froment quand elle eft fèche ,
mince 6c bien unie. Cette efpèce de
caiïave efl: de la plus grande blan-
cheur, & cette préparation faite avec
foin , eft préférable à toutes celles
dont nous allons parler 5 elle fe con-
ferve quinze ans & plus ; elle peut
être mife en farine pour faire du
pain.
De la galette.
La g.\!ette eft la plus mauvaife
préparation de magnoc j elle devroit
ctre abfûiument défendue aux habi-
tans , & il f^iudroit les empêcher d'en
donner pour nourriture aux nègres.
Pour mettre la racine en galette ,
on a des formes en cuivre ou en fer-
blanc , qui contiennent un poids dé-
terminé de la racine râpée & pref-
fée. On en remplit ces formes ; on
y appuie la main, pour que la ra-
cine s'uniiïe 6c fafle malle ; on place
ces formes dans le tour , d'où on
les tire aufiitôt que la fupertîcie de
ja racine commence à roulîîr, & on
en retire les galettes , pour remplir
de nouveau les formes. Il réfulte de
ce procédé une mauvaife galette ,
dont à peine les bords font cuits \
l'intérieur s'eft ramolli par la chaleur,
& s'eft mis en pâte : cette pâte , après
deux fois vingt-quatre heures , eft
fujette à fe moifir intérieurement 5
& alors , non-feulemenr les nègres
«'en peuvent nianger , mais les co
chons même la refufent. Cette ga-
lette eft mauvaife quoique nouvel-
lement faite , parce que l'intérieur
s'aigrit en douze heures i (Sciorfqu'elle
n'eft pas aigre, c'eft une pâte dégoû-
tante qu'on ne fauroit mâcher ni
uvaler.
Tome J'L
M A N
409
Du
couaauc.
Le couaque eft la racine du magnoc
qu'on defféche Oc qu'on riftole après
qu'elle a été râpée , preffée & bou-
canée. Les voyageuti qui s'embar-
quent fur le fleuve des Amazones
n'ont pas d'autres alimens. Le coua-
que eft inaltérable, & je puis le ga-
rantir tel , pour quinze ans. J'en ai
gardé tout ce temps-là dans une bocte ,
tk quoiqu'elle fut fort mal-clofe , que
les infectes pullent s'y introduire ,
ainfi que l'humidité de l'air, ce coua-
que eft refté aufli fain, aufti bon que
le jour même que je le dépofai dans
la bocte à l'Iile de France. Il eft ellen-
tiel pour apprêter en couaque la ra-
cine du magnoc, qu'elle ait été bou-
canée j enfuite on a une chaudière de
fer de moyenne grandeur, enchalTée
dans un fourneau fous lequel on fait
un feu très- modéré 5 on palfe au tra-
vers d'un crible la racine du magnoc
boucanée pour en divifer toutes les
particules, 6c on i'étend pour qu'elle
fe féche de plus en plus. Cette racine
ainfi préparée eft jetée par jointées
dans la chaudière de fer , 6c une
perfonne agile a foin de la remuer
avec un rouleau ou avec une pèle ,
pour que toutes les parties fe defte-
chent fans s'amonceler. On continus
infenfiblement de jeter de nouvelles
racines râpées , en les mêlant le plus
promptement poflibîe avec la farine
qui eft déjà en partie deftechée. Li
dedication étant au point convenable,
on lailfe la farine fe torréfier légère-
ment, de manière qu'elle foi t tout-
à-fait privée d'humidité 6c un peu
rillolée, puis on la retire 6c on l'é-
rend pour qu'elle fe refroidilfe. Le
m.ignoc eft nommé couaque en for-
tant de la chaudière j on peut en
Fff
410
MA N
remplir des magafins peur fervir d'a-
liment muiid les autres comeftibles
manquent j un voyageur, avec une pio-
vifiou de dix livres, a de quoi vivre
quinze jours , quclqu'appécit qu'il ait j
en temps de guerre , un foldat , un
cavalier peut en porter poui fe nourrir
dans une marche forcée. 11 fufEt,
pour le préparer, d'avoir de l'eau ou
du bouillon, chaud ou froid, que Ion
verfe fur deux onces de couaqi.e , Se
il y a de quoi faire un repas. Le
couaque fe gonfle prodigieufement,
il reprend l'humidué qu'il a perdue j
on peut en nourrir même les chevaux.
Du cip'ipa.
C'eft la fécule de la racine du
raagnoc^ il paffe avec le fuc une fubf-
tance de la plus grande blancheur &
finefTe, c'eft ce qu'on nomme c'ipipa.
\.QS perfonnes qui prefTent beaucoup
de magnoc ont la précaution de met-
tre un vafe fous le preffoir pour en
recevoir tout le fuc , & en même-
temps le cipipa, qui reffemble par-
faitement à l'amidon qu'on retire
du froment.
Après avoir décanté le fuc , on
prend le cipipa qu'on lave dans plu-
îieurs eaux , afin de le rendre pur.
Quelques perfonnes font avec ce cipipa
récent & mouillé, des galettes très-
minces en le pètiilTanti on y met un
peu de fel ; elles les font cuire au
four, enveloppées de feuilles de ba-
naniers ou de balifier \ ces galettes
font bonnes à manger, très-délica-
tes, & blanches comme neige.
Lorfque l'on veut en faire de la
poudre à poudrer, on fait fécher à
l'ombre le cipipa j il forme des ef-
pèces de pains comme l'amidon. Il
M A N
faut les écrafer , & paffer cette poudre
à travers l'ne toile fine j dans cet
état le cipipa eft propre à poudrer les
cheveux j il s'emploie encore, comme
la tarme, à frire le poiffon , à donner
de la liaifon aux fauces , & à en
faire de bonne colle à coller le pa-
pier j mais pour en faire de la colle,
il faut qu'elle foit cuite avec de l'eau
de fontaine.
l)u cahiou.
C'eft un fuc épaiflî ou rob de ma-
gnoc j il faut prendre la quantité
qu'on veut de ce fuc, apiès l'avoir
féparé du cipipa j on le paflTe au tra-
vers d'un linge, & on le fait enfuite
bouillir dans un vafe de terre ou de
fer , <Sc on l'écume continuellement;
on y met quelques bayes de piment.
Lorfque cette liqueur ne rend plus
d'écume , c'eft une preuve que toute
la paitie réfineufe , qui étoit le venin
contenu dans le fuc , eft féparée. On
pafTe cette liqueur à travers un linge ,
& on la fiit bouillir de nouveau ,
jufqu'à ce qu'elle ait acquis la con-
fiftance dufyrop, ou même celle du
rob. On retire le fuc du feu quand
il eft à ce degré d'évaporation; lorf-
qu'il eft refroidi , on le verfe dans
des bouteilles; alors il peut pafter les
mers & fe conferver longtemps. Ce
rob eft excellent pour alTaifonner les
ragoûts, les rôtis, fur-tout les ca^-
nards & les oies; il a un goiit ex-
cellent & aiguife l'appctit-r
Des diverfes boijfons qu'on prépare
avec le magnoc.
Du vicou.
On prend quinze livres de cafTave
avec une livre de machi , ( i ) ou bien ,
( 1 ) C'eft la caflavc mâchée par une indienne , & mife dans la pâte pour fet^ir de levai».
M A N
comme le machi répugne à quelques-
uns, on y fupplée par le nombre de
cinq ou Itx grolfes pataces , qu'on
râpe & qui fonc l'eftec du levain.
L'on pêcrit b caifave avec le machi
ou avec les parares râpées, en y ajou-
tanr l'eau nécelFaire pour former
une maiïe , qu'on laifT'e en fermen-
tation pendant trente - fix heures.
Le vicou fe fait avec cette pâte , à
mefure qu'on dcfire en boire; il fuffit
alors de prendre une quantité de pâte
proportionnée à la quantité de boillon
dont on abefoin, ôc on délaye cette
pâte dans l'eau. Les Galibcs boivent
le vicou fans le paffer au travers d'un
manaret, ( i ) & ajoutent du fucre à
cette liqueur; elle ell: acide, rahaî-
chilTante, très -agréable à boire. Les
peuples de la Guiane n'entrepren-
nent aucun voyage fans être pourvus
d'une provilion de pâte de vicou ,
qu'ils délayent dans un vafe lorfqu'ils
veulent boire Se fe rafraîchir.
Du cachlrl.
On prend environ cinquante livres
de la racine du magnoc cachire ,
récemment râpée, &: fept à huit pa-
tates qu'on râpe ; quelques-uns y
ajoutent une ou deux pintes de fuc
de canne à fucre , ce qui n'eft point
elfentiel. L'on met dans un cannari(i)
les racines râpées, on verfe fur elles
cinquante pots d'eau' & l'on place le
cannari fur trois pierres qui forment
M A N 41 T
le trépied & en même -temps le
fover ; on fait bouillir ce niê!anf;e
en remuant jufqu'au fond , pour que
les racines ne s'y attachent pas , juf-
qu'à ce qu'il fe forme delfus une forte
pellicule, ce qui arrive à -peu -près
à la moitié de l'évaporation ; alors
on retire le feu &c on verfe ce mé-
lange dans un autre vafe, dans le-
quel elle fermente pendant quarante-
huit heures, ou à- peu -près; lorf-
que cette liqueur eft devenue vineufe,
on la pafle à travers un manarer.
Cette boilîon a un goût qui imite
beaucoup le poiré : prife en grande
quantité elle enivre , mais prile avec
modération j elle eft; apéritive, & re-
gardée par les habit.i.ns comme un
puiffant diurétique. L'on fe guérie
par fon ufage de l'hydropilie , lorfque
la maladie n'eft point invétérée.
Du paya.
On prend des caiïaves récemment
cuites , qu'on pofe les unes fur les
autres pour qu'elles fe moifiirenr.
Sur le nombre de trois caiïaves , l'on
râpe trois ou quatre patates , qu'on
pétrit avec les caiïaves. L'on mec
enfuite cette pâte dans un vafe , on
ajoute environ quatre pots d'eau ,
puis on mêle & on délaye la pâte.
On lailfe fermenter te mélange pen-
dant quarante- huit heures; la liqueur
qui en réfulte eft alors potable ; on
la palfe au travers du manaret pour
( 1 ) Efpèce de couloir ou tamis, plus ou moins ferré. C'efl: un cjuarrc fermé par quatre
baguettes, fur leliquelles on natte les tiçcs d'une efpèce d'arouma , fendues en trois oh
<]uatrc portions fuivant leur longueur, <]ui imitent le rotin. C'cft de cette manière que les
Naturels de la Guiane font leurs cribles , leurs couloirs , leurs tamis.
( 1 ) C'cll un vafe de tet'e fabriqué .\ la main par les femmes, cuit en le pofant fur trois
pierres , l'entourant & le rempliUant d'ccorccs d'arbres fèclies. '
rffi
41 1
M A N
la boire ■, fon goûc a du rapport avec
ie viii bLnr.
Du voua paya- vouarou.
Pour faire cette boiiïbn , on pré-
pare la caiïave plus épailfe qu'à l'or-
dinaire, & quand elle eft à moitié
cuite, on en prépare des mottes que
l'on pofe les unes fut les autres ; on
les luilfe ainli ciitallées , julqu'à ce
qu'elles acquièrent un moifi de cou-
leur purpurine.
On prend trois de ces mottes
moifies \ & fept à huit patates que
l'on râpe; on pétrit le tout enfemble,
puis on délaye la pâte avec fix onces
d'eau; l'on met fermenter ce mélange
pendant vingt-quatre heures. Les na-
turels de la Guiane l'agirenr de le
troublent pour en faire ufage; ils ont
le plaifir de boire & manger à-la-fois :
les Européens palTent ce mélange au
travers d'un manarer.
Cette liqueur eft piquante comme
le cidre , & provoque des naufées :
plus elle vieillit , plus elle devient
pefante & plus elle enivre, Lorfque
l'on fe contente de préparer la pâte,
on peut en faire proviiîon pour un
voyage de trois femaines. Les na-
turels du pays, moins délicats que
les Européens , la confervent pendant
cinq femaines; alors elle devient plus
yiolente. On délaye cette pâte comme
le vicou dans un vafe quand oii veut
fe défaltérer.
Le mngnoc eft pour l'Amérique ,
ce que les bleds font pour TEurope ,
& le maïs & le ris pour l'Inde. Le
grand art & l'art etrenciel, confifte à
dépouiller les parties folides de la
plante, du fuc ou fève qu'elle con-
tenoit; ce fuc eft un poifon violent,
car dans l'intervalle de vingt-quatre
minutes, des chiens, des chats , &:<:.
M A N
auxquels on a donné ce fuc à la
dofe d'une once , font péri dans les
horreurs des convulfions, fuivies d'é-
vacuations abondantes, &c. Cepen-
dant, à l'ouverture des cadavres, M.
Firmin n'a trouvé aucun veftige d'in-
flammation , d'altération dans les
vifcères, ni de coagulation dans le
fang ; d'où il conclud que ce poifon
n'eft pas acre ou corrofif , qu'il
n'ag;t que fur le genre nerveux. Se
qu'il fait contrader l'cftomacau point
de rétrécir fa capacité de plus de
moitié. M. Firmin dit avoir guéri un
chat empoifonné par le fuc de ma-
gnoc , avec de l'huile de navette
chaude; ce qu'il y a de certain, c'eft
qu'il eft mortel pour les hommes
comme pour les animaux. Le fuc de
roucou , pris fans délai, eft, dit-on,
le contrepoifon de celui du magnoc.
Combien s'eft-il écoulé de fiècles
avant que les habitans de ces contrées
foient parvenus à tirer leur principale
nourricure d'une plante aulîî dan-
gereufe ? Cependant il a fallu l'au-
torité royale pour forcer les blancs &
tous les maîtres des nègres, à affurer
chaque jour à ces derniers une pe-
tite portion d'une plante qu'ils cul-
tivent & qu'ils arrofent de leur fueur.
Pat l'édit du roi nommé le code noir ^
donné à "Verfailles il y a quelques
années, il eft expreffément ordonné
aux habitans des îles françoifes , de
fournir pour la nourriture de chacun
de leurs efclaves , âgé au moins de
dix ans , la quantité de deux pots &
demi de farine de magnoc par fe-
maine ; le pot contient deux pintes.
Ou bien, au défaut de farine, trois
caffaves, pefant chacune deux livres
&: demie. 11 a fallu des loix pour
taxer la quantité de nourriture qui
de voit être donnée à des homme?.
M A N
& il n'a pas été nécelfaire de recourir
aux loix pour celle des bœufs & des
chevaux, Sic.
MANNE. Suc concret, d'un blanc
jaunâtre, fbluble dans l'eau , d'une
odeur approchant celle du miel , d'une
faveur douce &c un peu nauléabonde.
Telle eft la fubftance fèveufe princi-
palement du/n;'/2Cj n". t. ( l^oye^ce
niot)&de pluiîeurs autres plantes. Il
eft inutile d'examiner ici fi ceque nous
entendons par le nom de manne doit
être appliqué à celle dont il eft parle
dans l'écriture, & qui fer vie de nour-
riture aux Hébreux dans le défert; il
n'exifte à coup si^ir aucun rapport
entr'elle Se la manne du commerce;
les Ifraélites, avec celle-ci, auroient
bien mieux été purgés que nourris.
Dans laCalabre &: dans la Sicile,
dit M. GeofFroi dans fa Matière Mé-
dicale ^ la maime coule d'elle-même
ou par incifion. Pendant les chaleurs
de l'été , à moins qu'il ne tombe de
la pluie, la manne fort des branches
&: des feuilles du frêne; elle fe durcit
par la chaleur du foleil en grain ou en
grumeaux. L 'époque de l'écoulement
naturel, dans la Calabre, eft depuis
le 20 juin julqu'-ila hn de juillet, &
■il a lieu par le tronc & par les bran-
ches. La manne commence à couler
vers midi, & elle tontinue jufquau
ibir fous la forme d'une liqueur très-
ci lire; e!le s'épaillît enfuire peu-à-
peu, &c fe forme en grumeaux, qui
durcilfent & deviennent blancs. On
ne les ramalTe que le lendemain ma-
tin, en les détachant avec des cou-
teaux de bois, pourvu que le temps
ait été ferein pendant la nuit, car
s'il furvient de la pluie ou du broui'-
lard , la manne fe fond & fe perd
enticremenf. Après qu'on a ramairé
M A N
4^5
les grumeaux, on les met dans des
vales de terre non verinlfés, enfuire
on les étend fur du papier blanc ,
& on les expofe au foleil jufqu'à ce
qu'ils ne s'attachent plus aux mains :
c'eft-là ce qu'on appelle la manne
choifie du tronc de l'arbre.
Sur la fin de juillet , lorfque la li-
queur commence .à couler , les payfans
font des incifions dans l'écorce du
frêne jufqu'au corps de l'arbre; alors
la même liqueur découle encore de-
puis midi jufqu'au foir, &; fe tranf-
torme en grumeaux plus gros. Quel-
quefois ce fuc eft 'il abondant, qu'il
coule jufqu'au pied de l'arbre, & y
forme de grandes malles , qui ref-
femblent à delà Cite ou à de la réfine;
on y lailfe ces malfes pendant un ou
deux jours, afin qu'elles fe durcilfent,
enfuire on les coupe par petits mor-
ceaux & on les fait fécher au foleil ;
c'eft ce qu'on appelle la manne tirée
par incifion : elle n'eft pas fi blanche
que la première; elle devient roufte
& fouvent même noire , à caufe des or-
dures (Se de la terre qui y font mêlées.
La troifième efpèce eft celle que
l'on recueille furies feuilles. Au mois
de juillet &c au mois d'août , vers
midi , on la voit paroître d'elle-
même , comme de petites gouttes
d'une liqueur très -claire, fur les
fibres nerveufes des grandes feuilles
&: fur les veines des petites ; la cha-
leur fait fécher ces petites gouttes ,
& elles fe changent en petits grains
blancs de la grolfeur du millet ou du
ftoment; elle eft rare & difficile à
ramaller.
Les Calabrois mettent de la dif-
férence entre la manne tirée par inci-
fion des arbres qui en ont déjà donné
d'eux-mêmes, &~la manne tirée des
tiênes faiivages qui nsn ont jamais
414
M A N
donné d'eux-mêmes. On croit que
cette dctnière ell bien meilleure que
la première , de m.ême que la manne
qui coule d'elle-même du tronc ell:
bien meilleure que les aucres. Quel-
quefois, après &: dans l'incifion faite
àl'ccorce, on y infère des pailles, des
fétus, ou de petites branches. Le lue
qui coule le long de ces corps s'y
■épaidit, & forme de grolles gouttes
pendantes en forme de llalaélite, que
l'on enlève quand elles font allez
grandes;. on en retire la paille, & ou
les fait fécher au foleil. 11 s'en forme
des larmes très-belles , longues , creu-
fes, légères, & comme cannelées en-
dedans, Se tirant quelquefois fur le
rouge j quand elles font lèches on les
renferme bien précieufement dans
des cailles : on en fait grand cas, &:
on a raifon , car elles ne contiennent
aucune ordure; on les appelle manne
en larmes.
La manne eft un purgatif doux,
avantageux dans tous les cas où l'é-
vacuation des matières fécales eft in-
diquée, où il eft elfentiel en même-
temps d'entretenir, ci'augmenter le
cours des urines, d'enlever les gra-
viers Se les mucolités qui embarraf-
■fent les voies urinaires ; où l'on ne
traint point d'augmenter la foif , la
chaleur de l'eftomac, des inteftins, de
la veliîe & de la poitrine; elle calme
la colique néphrétique caufée par des
graviers & par la goutte; elle rend
l'expeéloration plus abondante , &
elle irrite même les bronches ; en con-
féquence elle eft contre-indiquée dans
la phti'.ie pulmonaire elfeiuielle; l'hé-
mophtifie par difpofition naturelle
& par pléthore : chez les phtifîques
elle rend la fièvre lente plus vive,
la toux plus fréquente, l'expeétora-
tiçnplus forte; chez l'hémophtyfique.
■M A N
le crachement de fang plus fréquent
& plus abondant..
La manne en larmes naturelle ou
f.:ctice,efL préférable à toutes les au-
tres elpèces : la dofe eft depuis une
once jufqu'à trois, en folution daiis
cinq onces d'eau.
On vend , dans le commerce, une
efpèce de manne , connue fous le
nom de brij^nçon. Oqs Italiens tra-
verfent les Alpes , & viennent en
faire la récolte dans les environs de
cette ville. Il eft certain que le frêne ,
n^. 2 , on fraxinus oraus. Lin. four-
nit de très-bonne & très-belle manne
dans nos provinces du midi, & fur-
tout près de la Méditerranée. Je
me fuis amufé à en ramalfer quel-
ques onces pour juger de fa qualité ,
& l'expérience m'a prouvé qu'elle
étoir aullî bonne que celle de Ca-
labre. Il eft donc clair que fi l'on
vouloir en prendre la peine , il feroit
poflîble de récolter dans le royaume
celle que l'on y confomme.
MANNE ou MANNEQUIN.
Efpèce de pannier d'olier , plus long
que large , dans lequel ou apporte
les fruits au maiché.
Mannequin. ( arbre en ) Arbre*
tirés de terre , &c mis dans des ma-
nequins ou panniers , que l'on place
en tetre avec leur mannequin , atin
d'avoir , par la fuite , la liberté de
les tranfplanrer.
MARAICHER. Jardinier qui cuU
tive un marais.
MARAIS. Ce mot a plulîeurs ac-
ceptions. Par marais proprement dit ,
on entend une terre abreuvée de
beaucoup d'eau , qui n'a point dé-
M A R
coulement ; il ditfère des lacs Se
des étangs , en ce que ceux-ci font
fubmerocs. La féconde acception eft
particulière à Paris & dans fes envi-
rons , Ôc prefque inconnue dans le
refte du royaume. Un jardin potager
y eft appelle marais, fans doute paice
que les premiers potagers des envi-
rons de la capitale ont été établis fur
un (o\ marécageux , ou fur un fol qu'il
falloir creufer peu profondément pour
fe procurer l'eau nécelîaire aux arro-
femens. De-li l'origine du nom ma-
raîcher ^ pour dcligner l'homme qui
cultive un potager ou un marais. Il
ell certain que les bas-fonds , &
même les marais , réuniffenr de grands
avantages loifqu'on les transforme en
jardin , & qu'on donne un écoule-
ment aux eaux. La terre végétale s'y
accumule d'année en année par la dé-
compoluion perpétuelle & toujours
renailfante des animaux , plantes ,
infeétes, &c. dont le dernier réfultat
eft la création d'un fol de couleur
brune , tirant fur le noir , donc les
principes font déjà combinés & ex-
cellens , & dont les mollécules fe
fcpaient tacilement les unes d'avec les
auttes j enfin , le fol par excellence
pour la culture des légumes. Si on
ajoute à cet avantage celui de pouvoir
fje procurer de l'eau prefque fins peme,
on verra qu'un femblabLe terrein mé-
rite la préférence fur tous les autres.
Chaque année la fuperhcie du fol
s'exhauffe , foit par le débris de végé-
taux, &c. , foit par le tranfport des
terres, fi le fonds eft trop bas &: trop
aqueux.
Quant aux rnarais proprement dits,
confultez les articles Defrichemens,
Dessechemens , Etangs. Il eft im-
pofîible que l'air qui environne ces
murais ne foir . pas infede , & que
M A R 415
les malheureux habitans qui font at-
tachés à la glcbe , dans le voilinage ,
ne foient pas, peu à-peu , confumés
par la hèvrc \ik 3. coup fur les bœufs ,
vaches , chevaux , &c. qu'on y en-
voie paître font de la plus grande
maigreur. Lifez l'article Commune,
Communaux.
^L\RASME. MÉDECINE KURALE.
C'eft le deilechement général , &c
l'amaigrilTement extrême de tout le
corps ^ c'eit le dernier état de la con-;
fomption.
Ceux qui en font attaques , ref-
femblent parfaitement à des fque-
lettes vivans , tant ils iont décharnés
&: deiréchés.Ctt état de maigreur eft
trop fenfible pour n'être pas apperçu,
«S: la feule infpeéiion de ceux qui eu
font atteints, fait mieux reconnoître
cette maladie j que le détail des
fymptomes les plus circonflanciés.
Cette maladie eft pour l'ordinaire
accidenrelle ; prefque toujours elle
vient à la fuite de quelque longue
maladie ; elle dépend fouvent d'un
vice dans les humeurs , de leur dif-
folution, & du défaut de nutrition
de toutes les parties *du corps. On
eft fujet à cette maladie dans tous
les âges de la vie ; le vieillard n'en
eft pas plus à l'abri que le jeune
homme , & les enfans à la mam-
melle \ les pertes de fang extraor-,
dinaires , des lochies trop abondan-
tes , une diflenterie invétérée , le
fcorbut, la vérole, une fuppuration
trop abondante j la paralyfîe , des
embarras dans les glandes du méfen-
tcre , font des caufes qui détermi-
nent auli) cette maladie; mais il n'en
eft point de plus puiifante que la maf-
turbation. Combien de jeunes gens
font tombés dans cec état de dedc-»
41^
M A R
ehement , pour s'erre trop livrés à
ce vice honteux! Combien n'y en
a-t-il pas qui fon: morts, victimes
de cerce horrible p.iflion ! Outre le
marafme des folides & des fluides ,
il en eft encore une autre elpèce ,
qui dépend d'une caufe nerveufe.
On n'y obferve ni toux , ni fièvre
remarquable, ni difficulté de refpirer;
mais il y a un défaut d'appétit & de
digeftion. Au commencement de
cette maladie, le corps devient œdé-
mateux & bouffi; le vifage eft pâle
& déhguré j l'eftomac répugne à
toutes fortes d'alimens, il ne retient
que les liquides , &; les forces du ma-
lade diminuent tellement qu'il eft
réduit à garder le lit , avant que les
chairs foient totalement confumées.
Les caufes qui difpofent à cette
maladie , font les violentes pallions
de l'ame , l'ufage immodéré des li-
queurs fpiritueufes (Se des alimens
cchauffans j la faim , la foif fupportées
trop longtemps ; les exercices vio-
lens, les travaux pénibles, les veilles
continuelles , le défaut de bons ali-
mens 5 enfin , la dépravation du fuc
nourricier.
Quand cette maladie eft produite
chez les enfans par des embarras
dans les glandes &c les vifcères du
bas -ventre, on doit appliqusr des
topiques émoliens «Se réfohitifs fur
le bas-ventre j pour pouvoir réfoudre
ces obftruclions , ou le frotter avec
de l'onguent d'althea \ faire prendre
des bains de lait Se des réfolutifs
internes.
Chez les vieillards, Je traitement
eft plus facile. Il faut employer les
eaux rermales ou acidulés. Le trai-
lement le plus fimple confifte à
donner des évacuans avec des for-
M A R
tîfians. L'émétique feroit nuifible, a
moins qu'on n'eût rendu l'humeur
mobile & le ventrelibre.il vaut mieux
s'en tenif à certains purgatifs , tels
que la rhubarbe ôi le mercure doux
en bol , & dans l'intervalle de ces
purgatifs , donner des gommes réfo-
lunves , comme la teinture volatile
de gayac.
Le fa von combiné avec la myrrhe,
conviennent quand il y a de la mii-
cofité dans les humeurs. On doit en-
core faire faire de l'exercice, & des
friétions aromatiques fur le bas-ven-
tre. Mais avant ces frictions , il fauç
procurer la liberté du ventre , fans
cela elles échaufïent confidérable-
ment, & caufent des étranglemens
faneftes , de la fièvre lente. Le lait
de vache, de chèvre, celui d'ânelfe ,
les crèmes de riz , d'orge , de f^rgou ,
de pomme de terre, les bouillons
mucilagineux, comme ceux de veau,
de tortue, de poulet & de limaçons,
des bonnes gelées à la viande, & les
boilFons adouciirantes , conviennent
en général à tout efpèce de marafme,
furrout à celui qui a pour caufe ua
vice dans les fluides Se dans la rigi-
dité des folides. Il ne faut jamais
perdre de vue l'eftomac j c'eft de
tous les vifcères celui auquel il con-
vienr de s'attacher. Pour cela on doir
le fortifier & le raffermir; le quin-
quina , la gentiane , la camomille ,
font des remèdes trop énergiques
pour en négliger l'emploi. Mais, un
remède éprouvé en Angleterre , &
t]ui eft très-propre à rétablir fingu-
lièrenient les digeftions , eft l'élixic
de vitriol pris à la dofe de vingt
goutres deux fois par jour , dans un
verre d'eau ou de vin.
Buchan recommande beaucoup le
vin calibé. H fortifie les folides , &
aide
M A R
aide fingulièienient la nature dans
la conteârioM d'un bon lang. Selon
lui , le malade doi: en prendre une
cueillerée à bouche deux ou trois fois
par jour.
Mais les amufemens agréables ,
ajoute ce médecin , la fociété des
perfonnes gaies &c enjouées , l'exer-
cice du cheval , fonc préférables , dans
cette maladie, à tous les médicamens,
Aullj , toutes les fois que la fortune
du malade le lui permettra , nous lui
confeillons d'entreprendre un long
voyage , pour fon plaifir , comme
le moyen le plus propre à lui rendre
fa fanté.
Si la débauche , ou plutôt la maf-
turbation , a produit le mar.ifme ,
le meilleur confeil qu'on pailfe don-
ner , c'eft d'obfevver la continence la
plus ftrié^e. M. Ami.
MARBRE. («//?. nar.) Sous le
nom de marbre , nous entendons
feulement toute pierre calcaire, dont
le grain eft alfez fin & affez dur
pour pouvoir recevoir le poli. Cecre
définition diftingue le marbre des
pierres vitrilîables , comme granit ,
porphire , Hzc. auxquels on a donné
fouvcnt le nom de marbre ; & des
pierres calcaires communes.'
Le royaume de France efl: beau-
coup plus riche en marbre qu'on ne
le penfe , & lorfque l'on aura bien
étudié les Pyrennées fur -tout, on
verra qu'il ne le cède a aucun autre
pays poîfr la quantité , la beauté &
la variété de fes marbres. Les mon-
tagnes qui bordent la vallée d'Afpe ,
renferment dans leur fein des varié-
tés hngulières des plus beaux mar-
bres. On en peut voir une très-belle
fuite d'échantillons , chez M. Leroi ,
fommiifaire de la marine , à Oleron.
Tome FU
M A R
417
Nous allons faire connoître ceux
de France, que l'on emploie le plus
communément , & les endroits où
on les trouve.
On voit dans la vallée d'Oflàn ,"
prefque vis à- vis Lavaux , une car-
rière de marbre blanc femblable à
celui de Carrare j il eft très-blanc,
comme le marbre blanc antique. On
en voit de beaux blocs \ mais on dit
qu'il eft un peu trop tendre , & fujec
à jaunir & à fe tacher. Peut-êtte que
plus on pellettera dans l'intérieur du
filon , & plus on trouvera qu'il aura
acquis de dureré.
Dans la même vallée , en allant
aux eaux chaudes , après avoir pallé
Lavaux , & le monument de la fœur
d'FIenri IV, fut le chemina droite ,
on voit un filon de marbre noir &:
blanc, qui paroît .aulli beau que l'an-
tique.
Le marbre noir , d'une feule cou-
leur , rrès-pur & fans tache, fe trouve
près de la ville de Dinant, d.ins le
pays de Liège.
Le marbre de Namur eft très-com-
mun , & aufti noir que celui de Di-
nant; mais il n'eft pas tout à- fait aulîi
parfait , parce qu'il tire un peu fur le
bleuâtre, & qu'il efttraverféde quel-
ques filons gris. Auprès de Dînant
on trouve encore le marbre de Gau-
chenet , d'un tend rouge-brun , tacheté
& mêlé de quelques veines blanches \
& à l'eft , près de Dinant , le marbre
d'un rouge-pâle , avec de grandes pla-
ques & quelc]ues veines blanches.
A Barbançon , pays du Hainaut ,
on trouve un marbre noir , veiné de
blanc en tout fens.
A Givet, près Charlemont, pays
de Luxembourg, marbre noir, mêlé
de blanc, mais moins brouillé que 1&
précédent.
G (y a
4i8 M A R
Le maibre cîe Champagne cft une
brocatelle mêlée de bleu, par taches
rondes, comme des yeux de perdrix.
On en trouve encore dans la même
Province , nuancé de blanc & de
jaune-pale.
A la Sainte-Beaume, en Provence,
marbre d'un fond blanc & rouge ,
mêlé de jaune , approchant de la
brocatelle.
A Tray, près de la Sainte-Beau-
me, marbre d'un fond jaunâtre , ta-
cheté d'un peu de rouge , de blanc
& de gris mêlé.
Le Languedoc fournit une très-
orande variété de beaux marbres. A
Cofne , marbre d'un fond rouge de
vermillon-fa!e,entre-mêléde grandes
veines & de ta.hes blanches. Auprès
du même endroit , le marbre de griot-
te , dont la couleur approche de celle
des cerlfes qui portent ce nom. A
Narbonne , marbre de couleur blan-
che , grife Se bleuâtre.
A Roquebrune , à fept lieues de
Narbonne , marbre pareil à celui de
Languedoc ou de Cofne , excepté
que fes ra.hts blanches ont la forme
de pommes rondes.
A Caen en Normandie , marbre
femblableàcelui de Languedoc j mais
M A R
Campan , marbres de plufieurs ef-
pèces , de rouge , de verd, d'ifabelle,
mêlés par taches & par veines. Celui
que l'on nomme verd de Campan ,
eft d'un verd très-vif j mêlé feule-
ment de blanc.
La province d'Auvergne fournie
un marbre d'un fond de couleur rofe,
mêlé de violet , de jaune Se de verd.
Le marbre de Bourbon eft d'un
çris-bleuâtre & d'un rouse-fale.
A Sablé , à Mayenne , à Laval en
Anjou , & fur les confins du Maine,
on trouve pluheurs variétés de beaux
marbres , ainfi qu'à Antin , Cerfon-
taine, Montbart ,Merlemont , Saint-
Remy , Sec. Sec.
On emploie le marbre à deux
ufages principaux. A la décoration
des bâtimens, &; à faire de la chaux.
( ^oy^i le mot Chaux. ) Il eft à
remarquer que le plus beau marbre
blanc, comme celui de Carare , ne
fait pas le meilleur mortier , quoi^
qu il fournille la chaux la plus vive
6c la plus at>ive , ii on confidére fa
manière de tuier à l'air ou dans l'eau.
Cela tient fans doute à fon extrême
pureté, car il fe rencontre dans la
pierre à chaux ordinaire une fubf-
tarce intermédiaire qui manque dans
plus brouillé & moins vif en cou- le marbre blanc de Carare, Se qui
leur
Les différentes vallées des Pyren-
nées font très -riches en marbre ,
comme je l'ai dit plus haut , & il
y en a de très belles carrières exploi-
tées à Serancolin , marbre qui en
porte le nom ; fa couleur eft d'un
rouge
de fang , mêlé de
jaune , Se de fpath rranfparent. A
Balvacaire, au bas de Saint-Bertrand,
près Comminges , maibre d'un fond
verdâtre , mêlé de quelques taches
rouges. Si fort peu de blanches. A fin, après qu'il a été preflé. On appelle
fert à laiie adhérer plus intime-
ment la chiux avec le fable. S: con-
court certainement à ce que la crif-
tallifation s'opère de façon que le
lien loir plus érroit & plus ierré. M M,
MARC. Refidu le plus groflîer &
le [>ius terrtftre des fruits , herbes ,
&L. qu'on loumct à la prefIe,pour
en tirer le fuc. La dénomination de
mure déligne plus ftrictement la grap-
pe, les pellicules ■& les pépins du rai-
M A R -
courte j tourteau le réfidii des fruits
ou amandes dont on a extrait l'huile.
Le mire de railîn eft im excellent
engrais pour les oliviers. Les bœufs,
les vaches, les chevaux, le mangent
avec avidité , quand il eft encore trais :
les pépins fervent de nourritur^à tous
les oifeaux de balfe-cour. Le marc a
beau être fournis au prefloir le plus
adif , il retient toujours une certaine
portion vineufe & d'efprit ardent.
Dans plulieurs endroits on le diftille.
( Conluitez le mot Distillation ,
pour en connoître les procédés , &
ceux qui font les plus avantageux au
marc ; confultez également le m,ot
Feicmentation , afin d'apprécier
jufqu'à quel point les grappes font
utiles ou nuifibles à la qualité du vin. )
MARC. ( poids ) dont on fe fert
en France , & dans plulieurs Etats
de l'Europe, pour pefer diverfes for-
tes de marchandifes , entr'autres l'or
& l'araent. Ce fut environ en loSo
qu'on introduilit dans le commerce
& dans les monnoies le poids de marc :
prefque chaque pays avoir le fien j
& enfin ils turent réduits au poids de
marc fur le pied qu'il eft aujourd'hui.
Le marc eft divifé en huit onces
ou foixante- quatre gros, cent-qua-
tre-vingt-douze deniers, ou cent-foi-
xante efterlins , deux cent-vingt mail-
les , ou quatre mille fix cent huit
grains. ( A'oye;j; le mot Livre. ) Deux
marcs font la livre. Tout ce qui fe
vend au nom du Roi, l'eft au poids
de marc j tabac , fel , ôcc.
MARCOTTE. Branche quelcon-
que, tenant au tronc , que l'on cou-
che en terre , afin qu'elle y prenne
racine. Elle diffère de la bouture, en
ce que celle-ci eft féparée du tronc.
M A R 4T9
lorfqu'on la met en terre. Cette opé-
ration peut-être confidérée fous deux
poinrs de vue, ou comme travail en
grand , utile à l'agriculture , ou comme
travail des amateurs , afin de multi-
plier des arbres , des arbiilTeaux ôc
des plantes rares. La bafe de cette
opération porte fur ce principe ; toutes
les parties d'un arbre peuvent être
converties en branches ou en racines.
Ce principe eft confirmé par la fuite
des belles expériences de M. Haies,
& d'un grand nombre d'auteurs qui
les ont faites avant ou après lui.
La majeure partie des arbres , donc
les branches font couchées dans une
folfe , (Se recouvertes de terre , pren-
nent racine , parce que l'écorce de ces
branches eft parfemce de rugofités,
de mammelons d'où partent les nou-
velles racines, ou bien elles auioienc
produit des boutons dans la fuite ,
fi elles eulfent refté expofées à l'air.
Outre ces mammelons , à peine vi-
fibles à l'œil , on découvre fans peine,
fur l'écorce de la branche , les proé-
minences formées par les boutons Sc
par celles de la bafe de la feuille ,
ne cette feuille noutrit chaque bou-
ton pendant la première année , 3c .
à la féconde il devient bourgeon
ou nouvelle branche. ( f'^oye^ le mot
BoURGfON )
Section première.
Des marcottes dss cultivateurs.
Elles font d'un avantage inappré-
ciable lorfqu'il s'agit de regarnir les
claricres faites dans les forêts , dans
les bois, dans les taillis, évc. j &
même c'eft la feule manière de re-
peupler les places vides , à moins que
leur efpace ne foit très-vafte & tiès-
étendu. Dans ce cas ce ferpic une
G z " i
410 M A R •
plantation nouvelle. Si fur le local
vide il exifte quelques pieds d'arbres
allez forts, s'il en exilte également
dans fa circonférence , les marcottes
feules futïiront pour le repla.ement.
On tenreroit vainement de regar-
nir les clanères par des plantations.
Les arbres qu'on y placera réulliiont
pendant deux ou trois ans ; mais
comme les racines des arbres voifins
profitent des efpates vides pour s'é-
tendre, elle? occupent bientô': le fol
de la clarière, & peu-à-peu attirées
par la terre fraîchement fouillée , elles
s'emparent ave: force , arwment &
abforbent la nourriture des foibles
racines des arbres nouvellemenr plan-
tés , & le jeune arbre périt. 11 n'en
eft pas ainfi lorfque l'on repeuple par
les marcottes. Elles difputent le ter-
rein aux racines parafires , parce
qu'elles reçoivent de la mère, ou tronc,
la nourriture pendant tout le temps
qu'elles en ont befoin; & dans cet
intervalle leurs nouvelles racines ac-
quièrent une force proportionnée à
celle du tronc &c à leur étendue.
Si dans l'efpace à regarnir ilexifte
quelques pieds d'arbres , à moins
qu'ils ne foient trop vieux & trop
décrépits, il convient de les couper
au niveau du fol, ôi de charger de
terre , à la hauteur d'un à deux pou-
ces , la partie du tronc qui refte en
terre , afin que l'endroit coupé de
l'écorce, n'étant point expoféà l'air,
la cicatrice ou bourrelet foit plutôt
formé. Dans les provinces du nord ,
cette opération doit être faîte auffitôt
qu'on ne craint plus les grolfes ge-
lées ^ Se dans celles du midi , dans le
courant de novembre , lorfque les
arbres font dépouillés de leurs feuil-
les. La raifon de cette différence eft
prife en ce que dans le premier cas ,
M A R
les pluies habiruellcs & la rigueur
du froid iunt capables d'endommager
la partie ca tronc qui rcfte en terre;
tandis ciue dans le fécond , les racines
des aibres travailleur pendant prefque
tout l'hiver j que la cicatrice de l'é-
coi ce 6ft tv)rmée au premier printemps ,
6: qu'il fcft elTentiel de faire profiter
Ico nouvelles poulfes de laplusgrande
torc£ de la fève, afin de les mertre à
même de ne pas craindre l'effer des
grandes chaleurs; h on ne craint pas
l'effet des eaux ftagnantes , il vaudroic
encore mieux couper le tronc à quel-
ques pouces au-deffus de la fuper-
ficie du fol , parce qu'on aura dans la
fuite plus de facilité pour marcotter
les branches.
Dans l'un comme dans l'autre cli-
mat , on ne doit couper aucun bour-
geon, & on doit laiiTer le tronc pouf-
fer autant de rameaux qu'il voudra.
Lorfque les feuilles font tombées , &
aux époques qui ont été indiquées ,
c'eft le cas d'éclaircir, de fupprimer
les riges furnuméraires , ôc de n'en
lalffer que la quantité convenable -.ce-
pendant on peut en conferver quel-
ques-unes de plus , afin de remplacer
celles ,qui travailleront mal à la fé-
conde annés , ou qui périront.
Si , après la féconde année j la
totalité des branches eft aflez forte
pour être marcottée , on ouvrira des
foliés proportionnés à leur longueur,
fur une profondeur de douze à dix-
huit pouces , «Se maniant doucement
ces branches de peur de les faire éclat-
ter près du tronc , on les couchera
dans la folfe que l'on remplira de terre ,
en commençant près du tronc , afin
d'empêcher leur redreffement, & les
maintenir dans la direârion qu'on leur
deftine. Près de l'autre extrémité de la
foffe, ou courbera doucemenda mar-
M A R
Cotte, on la tedrcireta , on comblera
la fofle j enhn , on coupera, à deux
ou trois pouces au-dellus de terre ,
l'excédent de la marcotte. Une bonne
précaution à prendre, eft de charger
de terre j à la hauteur d'un pied en-
viron , fur un diamètre de cinq à lix
pieds ,1e tronc nourricier. Cette terre
maintiendra la fraîcheur , fera cou-
ler l'eau pluviale fur les foffes, taflera
la terre contre les marcottes ] mais
elle empêchera fur-tout qu'il ne s'é-
lance du tronc quelques nouvelles
tiges qui aftameroient les marcottes ,
parce que la fève a plus d aébivité lorf-
qu'elle trouve une ligne droite, ou un
canal diredl, tandis qu'elle coule plus
lentement dans des canaux incUncs.
Il ert très-prudent de conferver à part
le gazon qui couvroit la place des
folTes , ik d'en garnir le tond à me-
fure qu'on y étend les branches. Cette
herbe fe réduit en terreau en pour-
nifant , ôc les jeunes racines profi-
tent de cet engrais.
Si après la féconde année , les
tiges n'ont pas acquis la longueur né-
celfaire , on doit attendre à la troi-
fîème , mais élaguer ces tiges par le
bas, &; jufqu'à une cerraine hauteur,
afin que les petites branches qu'on
retranche, ne retiennent pas la lève,
& qu'elle fe porte avec force vers le
fommet pour l'alonger. Jufqu'à quel
point doit on fupprimer des branches
inférieures ? C'eA: la force de la tige
qui le décide. Si on élague trop , on
n'aura jamais qu'une tige maigre ,
élancée Se fluette.
Je fuis très convaincu que tous nos ar-
bres-foreftiers font fufceptibles d'être
marcottés , 6c que les marcottes four-
nirent le moyen le plus prompt &c
& le plus fur pour le repeuplement
d'un taillis , d'un bois , d'une forêt.
M A R 4ii
Si les clarières ne font pas d'une trop
vafte étendue, li une torêt eft entiè-
rement dépouillée d'arbres dans le
centre , ou fi les arbres du centte font
propres à être coupés fur pied , ceux
de la circonférence ferviront au rem-
placement; & on opérera ainll qu'il
a été dit. Lorfqu'une certaine quan-
tité des matcottes aura par la fuite
poulTé des tiges alfez forres , on choi-
fira les plus belles, les plus longues
pour les marcotter de nouveau , &
peu- à - peu les clarières feront regar-
nies. Si elles font trop vaftes , il
vaut beaucoup mieux en replanter le
centre , & marcotter tout ce qui fe
trouve fur les bords.
Dans le courant de la première &
de la féconde année , après l'opéra-
tion des marcottes , il convient de
veiller attentivement à ce que , vers
la partie du tronc , la branche cou-
chée ne produiie pas de rejettons; on
les fupprimera dès qu'on les verra
paroître; <Sc li cette partie de la bran-
che elf hors de terre , l'amputation
fera faite au bas de la branche. Si on
y lailfoit un chicot ou un bourrelet ,
il en fortiroit de nouveaux bourgeons.
On aura moins à craindre cette fur-
charge de bourgeons , fl on a recouvert
le tionc de les blanches qui en par-
tent , avec un pied de terre : alors ,
la branche n'ayant plus de communi-
cation avec l'air de l'atmofphère, elle
eft attirée par l'autre bout de la mar-
cotte qui fort déterre, il s'y établit
de nouvelles branches , & toute la
force de la végétation s'y porte. Après
plulieurs années , s'il lortoit du tronc
une ou deux nouvelles tiges , on peut
les lailler croître , parce que les mar-
cottes ont déjà pris racine , & peu-
vent fe fuffire à elles-mêmes j cepen-
dant fl la clarière eft vafte , il v.iut
4t 2 M A R
encore mieux les fiipprimer , afin cîs
laiirer aux marcottes plus de nour-
riture , &c. &c.
Si on eft dans l'intention de fe
procurer, du tronc du gros arbre cou-
pé, un grand nombre de marcottes ,
& lî on les deftine à être enfuite
plantées où le befoin l'exige, on doit
recouvrir le pied du tronc coupé, d'un
à deux pouces de terre , afin que de
ce même pied il forte de nouvelles
tiges. Cette légère couche de terre
fert feulement à garantir la plaie, ou
la partie coupée , des impreilions de
l'air , 8c à favorifer la naillance du
bourrelet ou végétation de l'écorce;
car le bois ne végétera plus. Lorf-
que l'on s'apperçoitque les premières
marcottes font bien enracinées , on
ouvre de nouveau les folfes , en ob-
fervant de bien ménager les racines
des marcottes; on les enlève de terre,
& on fait de nouvelles couchées avec
les tiges qui s'élancent des bords du
tronc. Ainfi le même pied d'arbre
peu: fucceflivemenc produire un grand
ik très-grand nombre de marcottes.
Il eft aifé de concevoir combien les
marcottes Elites avant l'hiver, ont
d'avantages fur celles pratiquées après
cette faifon , fur-tout dans les pro-
vinces du midi , parce t]ue dans le
premier cas les pluies ont eu le temps
de pénétrer jufqu'au fond des fofles ,
d'y former un rélervoir d'humidité ,
de bien taiTer la rerre ; enfin , au
retour de la chaleur , les marcottes
végètent avec beaucoup plus de force.
Si on a la facilité de les arrofer une
ou deux fois, pendant les grolfes cha-
leurs de l'été , on eft alfuré d'avoir,
en peu d'années , de beaux arbres ,
ou après la première ou féconde an-
née , un bon nombre de plans par-
faitement enracinés.
M A R
Dans toutes les opérations de la'
campagne, il y a prelque toujours
deux défauts elFcntiels , une écono-
mie mal entendue de temps ôc d'ar-
gent. Pour avoir plutôt fait , on fe
contente de faire des foffes de fix à
huit pouces de profondeur , & d'y
coucher les branches. Si ces tiges
doivent y refter à demeure , elles
poufferont des racines latérales , qui
refteront prefque toutes en fuperficie;
s'il furvient une fécherelfe , ces ra-
cines font prefque inuriles à la bran-
che couchée , tandis que dans une
bonne fofle, les racines nouvelles bra-
vent la fécherelTe j s'enfoncenr plus
avant dans le fol, & y trouvent une
nourriture que la fuperficie leur refufe.
Je n'entie pas dans déplus grands
détails fur cet article , parce que la
fedion £uivante lui fert de fupplé-
ment.
E C T I O N
1 1.
Des marcottes des amateurs.
Toute efpèce d'arbre & de plantes
à tiges vivaces , peuvent en général
être marcottés ; mais pliifieurs pouf-
fent plus facilement des racines que
d'autres : tels font les arbres dont les
boutons percent plus aifément l'é-
corce , & dans ce cas , ces boutons
quiauroient fait des branches à bois
ou du fruir, s'ils fullent reftés expofés
à l'air , fe convertiifent en racines
lorfqu'ils font enfouis dans la terre.
Il a déjà été dit dans le cours de cet
ouvrage, que M. Haies, & plufieurs
autres avant ou après lui , ont ren-
verfé des arbres , que leurs branches
ont été enterrées , & que la partie
de leurs racines ont formé le fom-
met ; que ces arbres ont parfaite-
ment réuffi malgré la tranfpolîtion de
M A R M A R 425
leurs parties. ( Confuktx le mot Gre- A, nœud fur lequel on a fait , avant
NADiER, (Se vous vcrrcz que les bou- de coucher la tige , la coupure hori-
tures faites ainll avec les branches de zontale ; B coupure perpendiculaire;
cet arbrilleau , reprennent beaucoup D partie féparée par un de fcs bouts,
mieux, ) d'avec le rcfte du nœud , par la cou-
Les plantes à tiges articulées, telles pure perpendiculaire. C'cft précifé-
que celles des œillets, des lofeaux , ment a l'extrémitcD, & fur fa partie
^'c. font marcoctces avec beaucoup de bourreler, que les racines preii-
de facilité. Commençons par les mar- nent nailfance.
cottes, au fuccès defquelles la nature Après que les incifions font faites,
s'oppofe.le moins , tic dont la pofi- on creufe une petite folFe de douze à
tion des tiges favorife encore Topé- vingt-quatre lignes de profondeur :
ration. ( il s'agit ici des œillets dans le vafe
Toute efpèce de marcotte fuppofe ou en pleine terre ) on inclme dou-
qu'on s'ell pourvu, d'avance, d'une cernent la tige dans la foO'e, & près
terre fine , légère &; fubftantielle , d'E on enfonce un petit crochet pour
afin que les racines des plantes puillen: la maintenir dans cerce polition. La
s'étendre fans contrainte , i!k acquérir grande artention à avoir , confifte à
promptement une certaine confil- empêcher le rapprochement des par-
tance, tics A & D; elles doivent, au con-
Les plantes à tiges articulées ont traire, refter féparées, &; former entre
toutes un bourrelet à leur articula- elles un triangle tel qu'on le voit de
tion , cette partie ell: recouverte pat D en A. Cet efpace vide eft oarni
une ou deux feuilles , & leur fert de de terre , afin d'empêcher le rap-
point d'attache. C'eft précifément ce prochement des deux parties. On
bourrelet qui flicilite la foitie iSc l'ex- remplit enfuire la petite folfe avec
tenfion des lacines. L'œillet va fer- la terre dont on a parlé , & on a
vir d'exemple pour la manipulation, giand foin que la tige qui fort de
Dans l'endroit du nœud de la tige, terre , confeivc- une direétion perpen-
qui peut le plus commodément être diculairej ce qui s'exécute facilement
enfoncé en teire , enlevez les deux au moyen de la terre qu'on relève
feuilles avec un canif, ou autre inf- contre : quelques perfonnes plantent
trument tranchant , à lame fine & un fécond crochet en A, afin de mieux
bienéguifée; coix^s^z horizontale ment, alfujettir la marcotte. Il ne refte plus
& fur le nœud , jufqu'à la moitié du qu'à plomber la terre avec la main, à
diamètre de la tige ; après cela , fui- atrofei le tout, & à le tenit à l'ombre
vant la diftance d'un nœud à l'autre , pendant quelques jours,
faites unie incifion perpendiculaire au C'eft une coutume alfez oéncrale
centre de la tige , fur cinq à huit lorfque les marcottes font faites
lignes de hauteur , & qui pénètre de couper toutes les fommités des
julqu'à l'incifion déjà faite horizon- feuilles des œillets. L'expérience a
talement fut le nœud , de manière prouvé que cette fupprenion ne
que pour peu que la tige foit incli- leur eft pas nuifible ; mais eft-elle
née, elle préfente cette figure, (^-^ojêç abfolumenr né. elfaire ? Je ne le
planche JX j figure 11 J ^ page yjj ) crois pas. On fait, pour l'aiîtorilér,
4i4 M A R
le raifonnemenc fuivaiic. La fouf-
traélion du bouc des feuilles em-
pêche qu'elles ne travaillent , & fait
refluet vers le bourrelet D la fève
qu'elles auroient abfotbées ; enrin ,
ces feuilles coupées périment à la
longue , & la place qu'elles occu-
poient fert enfuite à former le pied
de la plante. Dans ce cas , ce lont
donc les fucs feuls de la mère tige, qui
viennent nourrir la marcotte. Les
feuilles ne fervent donc plus , ou
prefque plus à abforber l'humidité
de l'air ^ & les principes qu'il con-
tient. ( f^oyei le mot AMENDtMtNr )
Quoi qu'il en foit de ces doutes ,
l'expérience de tous les pays prouve
<ju'en fuivant cette opération , les
iTiarcottes réuililTent à merveille; ce-
pendant , je puis dire , d'après ma
propre expérience , que celles d'œil-
lets réuflîllent également bien fans
la fouftradion de la partie fupérieure
des feuilles.
On choifit communément, pour
marcotter les œil'ets, le temps où les
fleurs font palTées. Cette époque con-
vient à tous les pays tempérés , où l'on
eft alTuré que les marcottes auront le
temps de s'enraciner avant l'hiver,
parce que dans cette faifon elles pouf-
feront par des racines , fans des pré-
cautions extraordinaires. Dans les
pays très-froids, au contraire, il con-
vient de devancer la fleuraifon , &
on ne marcotte pas les tiges qui s'é-
lancent pour fleurir. Dans les pro-
vinces du midi , on peut ne faire
cette opération qu'un mois après la
fleur , afin d'éviter les grofles cha-
leurs j & comme la végétation fe pro-
page très- longtemps, les marcottes
ont le temps de bien s'enraciner avant
l'hiver.
11 n'y a point d'époque générale &
M A R
fixe , pour le temps de féparer les
marcottes des vieux pieds ; l'opéra-
tion dépend de Tétat des racines
qu'elles ont pouflees. II vaut mieux
attendre à les lever après l'hiver, que
de trop fe hâter. Plus la maicotte
fera enracinée , & plus fa reprife
fera fûre.
On peut employer la même mé-
thode pour les branches d'arbres, qui
ne prennent pas facilement racine par
de fimples couchées; & fi on veut les
fotcer à former le bourrelet , voici la
manière de s'y prendre. On choifit à
la fin de l'hiver , ou avant la fève du
mois d'août , les branches à marcotter ;
on mefure des yeux, ou autrement,
la place de ces branches qui fera en-
terrée j 8c qui formera le coude lorf-
qu'elle fera marcottée. Dans cet en-
droit on fera une ligature aflez ferrée,
ou plufieurs , à la manière de celles
des carottes de tabac, <5c à la même
difiance , ou en fpirale avec la même
corde , fur plufieurs pouces de lon-
gueur ■, mais celle du bas fera tou-
jours circulaire , fixe & plus ferrée
que les autres. On lailfera fubfifter
ces ligatutes pendant la fève du prin-
temps, ëc pendant celle du mois
d'août , fi la première n'a pas fufii à
produire un bon bourreler. Deux ob-
jets contribuent à le former , quoi-
qu'ils dérivent du même principe.
1°. Ce ferrement comprime l'é-
corce fur la partie ligneufe ; la par-
tie ligneufe grofiît ; mais comprimée
dans cet endroit, l'écorce s'implante
dans la cavité du bois qui n'a pu
prendre autant d'exteniion que les
parties voiiines.
t". Ces ligatures n'ont pas pu em-
pêcher l'afcenfion de la fève jufqu'à
la fommité des branches , mais elles
pnc arrêté çn partie la defcenfion de
M A R
cette (eve •, ce qui eft prouve par le
bourrelet établi au-deirui & non au-
deflous de la ligatuie. ( ConfuUc^ l'ar-
ticle Bourrelet , il eft ellentiel. )
Si les bourrelets ne font bien
formés qu'à l'approche de l'hiver ,
il convient d'attendre jufqu'aprcs la
ieve du printemps de l'année fui-
vante; mais s'ils font caraélcrifés, «Se
fur-tout dans les provinces du midi,
on doit faire la marcotte avant l'hi-
ver, par les raifons énoncées ci délais.
C'elt à l'expérience à prouver 11
ce bourrelet fuffit à la nailfance des
racines, ou s'il faut abfolument in-
cifer la branche comme on incife une
tige d'œillet. Il eft impoflible d'éta-
blir ici une rc^le générale. Chaque
arbrCj chaque plante demande, pour
ainli dire , un traitement difterent.
Le bourrelet & l'incifion font deux
méthodes allez fûres , ou féparément ,
ou toutes deux réunies.
Une autre méthode , qui rentre
dans celles dont on vient de parler,
puifqu'elle eft fondée fut la naif-
fance du bourrelet, confifte à choifir
une branche gourmande & bien nour-
rie , ou telle autre \ mais pas trop
vieille. A quelques pouces au-delTus
de cette branche , on cerne l'écorce
fur une largeur de deux à trois li-
gnes, 6.: oi> répète la même opération
deux ou trois pouces plus haut. On
prend enfuite de Vunaucnc de Samt-
Fiacre ( Foyc^ ce mot ) , dont on
recouvre les ph'vcs laites par l'en-
lèvement de lécorce, & on recouvre
le tout avec de la tilafle. Le temps
pour faire cette opération eft à la
hn de la fève du mois d'août. La
branche refte dans le même état
fur l'arbre pendant l'année fuivante.
Se elle donnera du fruit comme les
autres. A la fin d'odobre de la fe-
Tome ri.
M A R
4^5
conde année, cette branche fera cou-
pée à un pouce au-dclfous de la plu5
balfe incilion, & mife en terre, de
manière que le bourrelet fupétieur
ne Toit pas recouvert.
Dans tous les cas , on ne doit ja-
mais féparer une marcotte du tronc
principal, fans être allure auparavant,
par une fouille, qu'elle a pris racines,
& qu'elles font alfez fortes pour fs
paft^er du fecours de leur mère. Il
vaut mieux attendre une année de
plus. Trop de précipitation , un défie
i mmodéré de jouir, font que l'on rifque
fouvent de perdre des aibres précieux.
Toutes les marcottes dont on vient:
de parler , fuppofent néceftaiiemenc
la facilite de plier les branches , de
les coucher en terre , d'y affujettic
la partie qui doit former le coude ,'
& le redrelfement de la tige au-delTus
de la fofte. Mais comme on n'a pas
toujours ces facilités , c'eft à l'att:
à venir au fecours des circonftances.
Suppofons que le tronc d'un arbre
foit élevé de plufieurs pieds au-deftiis
de terre , & que fes branches ne puif-
fent pas être inclinées. On choilit alors
une ou plulieurs branches fur cet ar-.
bre , & on le tire un peu en dehors;
Alors , fixant en terre plufieurs pi-
quets à la hauteur de l'arbre , on
en entourre ces branches , au moins
deux ou trois pour chacune, fuivanc
la force des coups de vent du cli-
mat que l'on habite , & la pefanteur
(^ le volume du vafe qu'ils doivent
foutenn-. Si les branches qui doi-
vent être marcottées , n'ont point de
rameaux , on les fait pafler par le
trou placé au fond du vafe , on af-
fujertit le vafe, & après l'avoir rem-
pli de terre, & l'avoir arrofé, on le
couvre de mouife. Si la branche eft
rameufe , & qu'on ne veuille pas
H h h
4i(J M A R
facrifier fes rameaux , il convient
d'avoir un vafe de fer-blanc ou de
bois , en deux pièces , de manière
que chaque pièce faiTe exaftement la
moiric , & un rout par leur réunion.
La fcule attencion que ces marcottes
exigent, conlillc à tenir la terre des
vafes fouvent arrofée,afin d'y entre-
tenir une humidité convenable :
comme le vafe eft environné par un
grand courant d'air , fon évaporation
eft confidérable.
Si on délire que ces marcottes ,
d'ailleurs très - cafuelles , réuiTilTent,
il convient d'avoir, par avance j fait
la fouftradion circulaire d'une por-
tion de l'écorce , ainfi qu'il a été
dit, ou d'avoir ménagé un bourrelet,
par des ligatures , ou d'avoir fait
une entaille à la branche , ou enfin,
de la traiter comme une marcotte
d'oeillet. 11 eft ttès-difBcile autrement
de rculîir fur des arbres à écorce liiïe ,
& dont les boutons percent difficile-
ment la peaui les marcottes font plus
diffi.'iles encore fur ceux qui font
remplis de moelle, & dont l'écorce
eft fine.
M. le Baron de Tfchoudy fait ,
dans le Supplément du Diiflionnaire
Encyclopédique, des oblervationsqui
méritent d'être rapportées.
« Les auteurs du jardinage n'indi-
quent, dit-il, pour marcotter, que le
printemps & l'automne; cependant
chacune de ces faifons a des inconvé-
niens pour ce qui concerne certains
arbres. 11 en eft de délicats, dont les
branches , très-fatiguées par l'hiver ,
loin d'avoir , au retour du beau temps,
fiffez de vigueur pour produire de
leur écorce des racines furnuméraires ,
ont à peine la force qu'il leur faut
pour fe rétablir. D'autres arbres ,
M A R
moins tendres, mais qui nous vien-
nent des contrées de l'Amérique fep-
tentrionale , où la terre profonde &
humide , & les longues automnes ,
les excitent à poulTer fort tard, con-
fervent cette difpcfirion dans nos
climats ; mais leur végétation vive ,
leurs jets pleins de fève, fe trouvent
brufquement faifis par nos premières
gelées. Que l'on couche leurs bran-
ches en automne , l'humidité de la
terre hâtera leur deftruction. Si on
attend le printemps , on les trouvera
alors mocttes par le bout ] on ne faura
paspréciftment où finit la partie def-
fechée & chancie, & où commence
la partie vive & faine , qui fera d'ail-
leurs le plus fouvenr trop courte pour
fe prêter à la courbure qu'il convient
de lui donner ».
«' On préviendra cesinconvcniens ,
fi l'on fait , au mois de juillet, les
marcottes de ces arbres un peu avant
le fécond clan de la fcve. Dans nos
climats , ( L'auteur écrivoit en Al-
face) les printemps mauiïades &: fan-
tafques, ne laiffent à la première vé-
gétation qu'un mouvement foible &:
intermittent ; fon jet d'été , moins
contrarié , eft ordinairement plus fou-
tenu , plus vigoureux ; ainfi , nos
marcottes ne font guères moins avan-
cées que celles de la première faifon.
En général , elles feront parfaitement
enracinées à la féconde automne ou
nu fécond prinremps , fur-tout, fi aux
foins ordinaires , on ajoute de ré-
pandre fur leur partie enterrée , de
la rognure de buis , ou 'telle autre
couverture capable d'arrêter la moi-
teur qui s'élève du fond du fol , Sc
de conferver le bénéfice des pluies &
l'eau des arrofemens. La baie du bled,
de l'orge, de l'avoine, Sec. produira
le même effet ».
M A R
» Ce ne font pas là les feuls avan-
tages du choix de cette faifon pout
faite les matcottes; il convient fin-
guliètement à ceitains arbres , dont
les branches ne pouffent volontiers
des racines, que lorfqu'elies font en-
core tendres ôc herbacées. En les cou-
chant on aura foin de faire l'onglet ,
autant qu'il fera poflible , au-delfous
du nœud qui fcpare le jet de l'an-
née ptécédente, d'avec le jet récent ;
& Cl l'on eft contraint d'ouvrir dans
ce bourgeon , il faudra s'y prendre
avec beaucoup de dextérité. D'autres
arbrilfeaux, dont les jeunes branches
furvivent rarement à l'hiver, & qui
tiennent de la nature des herbes, ne
peuvent même être marcottés qu'en
été. La marcotte , ayant produit des
racines , périra , à la vérité , jufqu'à
terre , durant le froid ; mais elle de-
meurera vive à fa couronne , 8c pouf-
fera de nouveaux jets au printemps. ■>
Il II eft encore d'autres arbres , dont
les branches mûres font fi fragiles
qu'elles fe rompent fous la main la
plus adroite , lorfqu'on veut les cour-
ber pout les coucher , foit en automne ,
foit au printemps : mais en été, on les
trouvera liantes & dociles. Plufieurs
arbres , toujours verts , dont les bou-
tures ne fe plantent avec fuccès que
dans cette faifon , font aulll , par
une fuite de cette inclination , plus
difpofés à reprendre de marcotte dans
ce même temps qu'en tout autre ;
Se les marcottes de certains arbrif-
feaux, comme le chcvrefeuil , faites
mcme aiïez avant dans l'été , pren-
nent encore alTez de racines , pour
qu'on puiffe les fevrer en automne. »
MARE. Amas des eaux pluviales
& dormantes. L'infouciance & la
pareffe empêchent que les hommes
M A R 417
n'ouvrent les yeux fur leurs befoins
& fur leur fanté , & plus fouvent
encore l'habitude ne leur permet
pas d'examiner s'il eft polîible de
fe paiïer des mares , 6c fi leur fup-
preiîioneft utile. En Normandie, par
exemple, chaque métairie a. fa mare
deftinée .à abreuver les beftiaux , 5c
même fouvent les hommes : elles
font peu dangereufes dans un climat
aufll tempéré , aulfi pluvieux, com-
paré à celui d'un très-grand nombre
d'autres provinces du royaume ; mais
s'il furvient une longue fécherefle ,
les chaleurs y feront nécelTairement
vives, & très- vives : dcs-Iors, man-
que d'eau , corruption de cette eau
à mefure qu'elle diminuera, corrup-
tion dans l'air , épidémie pour les
hommes , épizooties pour les ani-
maux. On a en effet remarqué que
les épizooties putrides , charbon-
neufes , inflainmatoires & gangré-
neufes furvenoient toujours après les
féchereflcs. Plufieurs caufes y con-
courent; mais la plus puiffante efl la
corruption de l'eau dont les animaux
s'abreuvent. Ce qui a lieu quelque-
fois dans le nord du royaume , eft
très-commun dans les provinces da
midi. Si les mares , au lieu d'avoir une
étendue difproportionnée , avoient
une profondeur capable de contenir
la même quantité d'eau, le mal fe-
roit moindre, parce que la putréfac-
tion de l'eau commence par les bords ,
de gagne de proche en proche la tota-
lité : au-lieu que fi la mare, coupée
quarrément ou circulairement , étoit
dans toutes fes parties entourée de
murs , bien corroyés avec de l'argille
en dehors , ou des murs en /yécon ,
( voye^ ce mot ) l'eau feroit contenue
fur une plus grande hauteur ; & lorf-
qu'elle diminueroit , ce feroit per-
H h h 1
428 M A R
pendiculairemcnr. 11 fuffiroit de mé-
nager far un des côtés ( le plus com-
mode pour le fervice de la mérairie )
une pence d'eau qui fe prolongeroic
jufqu'au fond de la mare : enfin , le
tond & la pente feroient pavés. L'eau
ainfi relfetrée ayant m.oins de fur-
face, fe confervera plus frikhej «Se
éprouvera moins d'evaporation , qui
a lieu en raifon des furfaces , &
de leur peu de protondeur. La trai-
cheur de l'eau etl un point elfentiel
à la confervation de la fanté des bef-
tiaux: plus l'eau eft échauftée, moins
elle contient d'air, moins elle ell di-
geftive , & plus elle eft pefante. Pour
s'en convaincre, il fuffit de prendre
un pèfe-liqaeur [vû\e^ fa figure Ik.
fon ufage au mot Distillation )
que l'on plonge dans l'eau que l'on
vient de faire bouillir : placez le
même pèfe- liqueur dans la même
eau, avant de la faire bouillir, &
vous verrez une très-grande différence
dans leur pefanreur fpécifique. Plus
l'eau fe corrompt , (Se plus elle perd
de cet air, principe vivifiant. Doit on
après cela être étonné s'il furvient des
épizooties ?
Si l'on peififte à conferver les ma-
res, qu'elles ioient du moins pavées
& environnées de murs , ainfi qu'il a
été dit j mais qu'elles foient aulfi te-
nues dans le plus grand état de pro-
preté. J'entends , par ce mot propreté,
qu'on n'y l.iinTe croître aucune herbe
dont les débris concourent à la putré-
fadtion de l'eau ; qu'on détruife avec le
plus grand foin les crapauds , les gre-
nouilles , & , s'il eft pofltMe , toute
efpèce d'infeéle. On ne fait p.is aiTez
attention que le frai d'un feul cra-
paud , d'une feule grenouille , après
que les œufs font éclos , fe répand
611 forme de gelée, & qui couvre
M A R
plufieufs pieds de fuperficie ; que cerre
gelée répand au-dehors ce qu'on ap-
pelle odeur marscageufe j ôc qu'elle
infeéte l'eau. Combien de fois n'ai-je
pas vu les aiiimaux forcés de boire
une eau verdâtre, loueufe , remplie
de vers , &c. , & leurs condudeurs
avoir la ftupid.cc de penfer q le cette
eau les engiaiHoit. ( Conju/ccz le moc
AbriiUVOir, iifin de ne pas répéter
ici ce qui a été dit à ce fujer ) Enfin ,
avant l'entrée de l'hiver, on doit
mettre à fec ces mares , & enlever
toute la boue , la cralle & le fédi-
menr qui en tapi^ie le fond. C'eft le
moyen le plus prompt & le plus filr
de détruire les infedes.
En bonne règle ^ & par humanité,
le gouvernemenr eft dans le cas d'or-
donner la fupprelîîon de toutes les
mares, pui!qi;ela fanré des hommes
& des animaux y eft intéreflée, fur-
tout dans les provinces où la chaleur
eft ordinairement force (Se vive. Mais
où mènera- t-on boire les befti'aux ?
comment remplacer ces mares, &c. ?
Il eft ailé de répondre à toutes les
objecflions que l'on peut faire.
Je réponds, i". Il n'eft point, ou
prelque point de pays où l'on ne
puilfe ralîembler les eaux pluviales
dans des citernes. ( Confult£\ ce mot,
ainfi que celui de Béton) i°. II n'eft
point de pays où l'on ne puilfe creufer
des puits : il eft plus commode ,
moins coûteux &c plus expédicif de
pratiquer des mares, cela eft vrai;
mais peur-on comparer cet avantage
avec celui de la fanté des hommes
& des animaux ! De plus , combien
de fois l'eau manquant dans ces ma-
res, eft-on obligé de conduire cha-
que jour, & à plufieurs lieues, les
beftiaux pour les abreuver. Le payfan
ne voit que le moaient préfent j il
M A R
fonge peu à l'avenir, 3^ ne s'imagine
pas que l'eau llagnante & puciéhce,
ibic capable de lui occafionner des
maladies graves ôc fcrieufes. ( / o) ej
le mot Etang )
Il n'exifte aucun endroit dans le
royaume où l'on ne puifle trouver
de l'eau à une certame protondeur.
Peu d'exceptions combattent cette
aflertion générale. Alors fi la dépenfe
qu'exige la conllrutlion d'un puits
très-profond, eft trop forte pour un
feul particulier , c'etl; à la commu-
nauté des habitans à fournir les tonds
nécelFaires , en fe cotifanc tous au
marc la livre de leurs impcfitions.
Mais comme , dans le nombre , il
eft rare qu'il ne fe trouve des pri-
vilégiés , des exempts j ceux ci ne
doivent pas moins y contribuer en
raifon de la valeur de leurs podef-
lions. La première confttuétion une
fois faite , l'entretien eft peu con-
fidérable. Si un projet fi louable
éprouve des oppofitions , ce fera à
coup fur de la part des gros tenan-
ciers. Il en fera ici conime du par-
tage des cofnmunaux. ( Voyt-;^ ce mot)
ils fe coiifidèrent comme des êtres
ifolés qui ne vivent que pour eux ,
& ils ne font pas attention que ,
dans une épizooîie , ils fupportent les
plus groHes pertes, pour avoir mal en-
tendu leurs inrétèts, & fur- tout pour
n'avoir vu que le moment préfent.
M A R G U E R 1 T E. ( Voyc-^ Pa-
QUEK.ETTE )
MARJOLAINE COMMUNE.
[Voy.PLtnckc X , p. 400} Tourne-
forrla place dans la croidème feétion
de la quatrième claife deftinée aux
herbes à fleur d'une feule pièce en
lèvres, Se dont la fupérieute eft re-
M A R 425
trouffée , & il l'appelle majorana
vu/garts. Von-Linné la nomme ori-
ganum majorana , & la clalFe dans
la didynamie gymnafpermic.
fleur. B repréiente une fleur fc-
parée. Elle eft compofée d'un tube
cylindrique, évafé à fon extrémité,
partagé en deux lèvres , dont la fu-
périeure eft découpée en cœur , iSc
l'inférieure divifée en trois parties
prefqu'égales , comme on le voit en
C. Les quatre étamines , dont deux
plus grandes & deux plus courtes ,
lont attachées vers la bafe du tube.
Le piftil D occupe le centre. Toutes
les parties de la fleur font ralfemblées
dans le calice E. Chaque fleur eft
accompagnée à fa bafe d'une feuille
florale F.
fruit. G, compofé de quatre fe-
mences cachées au fond du calice ,
& elles y reftent jufqu'à leur maturité.
feuilles Petites , ovales, obtufes ,
très-entières , prefqu'adhérenres aux
branches , douces au toucher , blan-
chârres.
Racine A. Menue & fibreufe.'
Por[. Tiges hautes de douze à
dix-huit pouces, grêles, ligneufes,
rameufesj fouvent velues j les fleuts
nailFent en épi au fommet , Se les
feuilles font oppofces.
Lieu ; le Languedoc , la Provence.
Cultivée dans les jardins , fleurit
pendant tout l'été.
Propriétés. Toute la plante a une
odeur aromatique, agréable, une fa-
veur acre & amère. Son principal
caraétère eft d'être céphalique. Les
autres vertus qu'on lui attribue font
très-douteufes.
Vfige. On fait fécher les feuilles ,
on les pulvérife «Sj on les tamife ; enfin ,
on inipire cette poudre par le nez.
Elle dillîpe les humeurs muqueufes
450 M A R
qui tapilfenc la membrane picuiraire.
Elle ell indiquée dans le larmoye-
menc par abondance d'huineurs Ic-
reufes ou pituiteufes , dans le catarrhe
hum^de , & l'enchitrenemenc, lorf-
qu'il n'exifte pas de dilpohtjons in-
flammatoires.
Marjolaine sauvage. ( Voye^
Origan )
MARNE, Histoire naturelle.
Economie rurale. C'eil: une terre
calcaire , eftervefcente avec les aci-
des 5 plus ou moins blanche , plus
ou moins compadle , prefque tou-
jours pulvérulente & dépofée dans le
fein de la terre. Les principes conf-
tituans de la marne font la terre cal-
caire , la terre argilleufe, &: la terre
filiL-eufe OH le fable : on y trcmve
aulli de la terre magnéhenne. Quand
les trois premiers principes fe trou-
vent dans une jufte proportion , alors
on a la marne parfaite , cet excellent
engrais, ce tréfor en agriculture.
Ces trois premiers principes in-
fluent nécelfairement fur ces carac-
tères extérieurs. Sa friabilité dépend
de la proportion où eft le fable : plus
il y en a, & plus la marne efl: friable.
Elle attire l'humidité & l'eau , &
s'en imprègne \ Se lorfque le fable
la rend très-poreufe , les interftices
fe trouvent remplis d'air athmof-
phérique , qui s'en dégage avec
abondance , lorfque l'on verfe de
l'eau deffus; ce qui la fait paroître
écumer. Sa renacité Se fon efpèce
de duftilité font en raifon de la terre
argilleufe qu'elle contient : iî la por-
tion argilleufe eft confidérable , la
ductilité aut^mente, la nature de la
marne change Se palle à celle de terre
opifte, dont on peut faire des vafes.
M A R
en apportant beaucoup de précaution
dans leur cuillon. C'eft enfin à la
partie calcaire que la marne doit l'ef-
tervefcence qu'elle fait lorfque l'on
verfe delfus un acide quelconque ,
comme vinaigre, eau forte. Sec. L'a-
cide décompofe la terre calcaire , &c
en chalfe ï air fixe , ( voye^ ce mot )
qui s'échappe en bulles.
D'apr('*s ce que nous venons de
dire , on'connoîtra facilement les ca-
radères de la bonne marne. Elle doit
fe déliter à l'air, Se tomber en pouf-
fière : plongée dans l'eau , elle s'y
divife (Se s'y diflout , en laiflant échap-
per beaucoup de bulles d'air. Elle eft
très-friable. Se en même-tems happe
à la langueaflez fortement. Enfin,
elle fait beaucoup d'effervefcence , Ci
l'on y verfe deifus du vinaigre ou
de l'acide vineux, ou eau forte.
Non- feulement on trouve la marne
fous torme pulvérulente, mais encore
fous forme folide & en pierre. Ces
pierres marneufes , expofées à l'air ,
s'y délitent bientôt. Se y fufent comme
la chaux vive.
La marne fe trouve dépofée dans
beaucoup d'endroits entre les bancs
d'argille ou de fable , fous les cou-
ches de la terre végétale, très-rare-
ment à la fuperficie de la terre, mais
plutôt à vingt, trente Se même juf-
qu'à cent pieds de profondeur.
Il n'efl: pas difficile d'afligner quelle
eft l'origine de la marne. Se fes prin-
cipes conftituans indiquent aflez roue
ce qui a concouru à fa formation.
Elle paroît être le réfultat des décom-
pofitions des pierres calcaires , quar-
tzeuzes Se argilleufes , charriées par les
eaux, &: dépofées dans des bas-fonds.
Ces dépôts étant de nature finguliè-
rement propres à la végétation, ils
ont été bientôt recouverts de plantes
M A R
qui, par leur germination, leur vé-
gccation & leur more fu.cellives, font
venues à bout de changer les couclies
fupérieures de la marne en terre vé-
gétale. Infenfiblemenr le tcrrein i'cft
clevc Se amélioré par la culture, loit
jiatutelle , foit aitihcicUe, & ce dé-
pôt marneux, enfoui profondément,
s'eftperfetlionné, & la nature femble
l'avoir aiiifi mis en réferve pour nos
befoins , S< pour récompenler notre
induftrie. MM.
Les auteurs ne fonr point d'accord
fur l'origine de la marne. Quelques-
uns prétendent qu'elle cft originai-
rement une chaux produite par le
détritus ou brifement des coquilles ,
réduites en molécules très-fines par
leur frottement <?c par le roulement,
& dépofées,ou en malfe ou par cou-
ches , entre les bancs argilleux ou fa-
blonneux. Celle qu'on rencontre fous
les bancs argilleux eft toujours plus
profondément enterrée que l'autre.
Celle des bancs fablonneux eft pour
l'ordinaire à deux ou trois pieds, ou
iilus 5 audeifous de la fuperficie du
)anc fupérieur, &: on prétend qu'at-
tendu la ténuité des particules de
cette chaux , elles fe font infinuées
à travers le fable, 6: ont été entraî-
nées dans le fond du banc par les
eaux pluviales , qui ont pénétré &
traverfé ce fable. Cette explication
eft plus fpécieufe que démonftra-
tive , puifque fouvent fous ce même
fable , & confondues avec la marne,
on trouve des coquilles entières ou
brifées. D'autres prétendent tjue la
marne eft due au fimple débris des
animaux , des végétaux , Si Aqs
pierres calcaires j ce qui n'explique
pas mieux pourquoi on trouve des
marnes en blocs plus ou moins ar-
rondis au milieu des terres, &: don:
M A R
431
la plupart ont pour noyau un ou plu-
fieurs morceaux de coquilles, ou bien
des marnes par couches ou par pla-
ques peu érendues,d'un à deux pou-
ces d'épailfeur , Si répandues entre
des lus, loit de fable ioit d'argille.
Quoi quil en foit, que ia marne ait
été rallcmblee par infiltration ou par
dépôts , la meilleure fera toujours
celle qui contiendra le plus de parties
calcaires , &: les plus atténuées , u'im-
porte la couleur qui eft accidentelle,
iv qui ne contribue en rien à la fer-
tilité y enfin , celle qui fe réduit 1«
plutôt en poullière , lorfqu'elle eft
expofée à l'air comme la chaux. Les
auteurs ne font pas d'accord , en
général , fur les analyfes des mar-
nes ; cependant tous ont raifon , &
leurs analyfes font bien faites : mais
l'on peut dite que la marne d'un can-
ton ne rellemble en rien à celle du
canton voifin , & que coures, li on
peut s'exprimer ainfi , ont un vifage
particulier , des combinaifons ctiiTc-
rentes, quoique le principe vraiment
marneux foit le même. Ainli la plus
ou moins prompte délitefcenceàl'air,
la folubilité dans l'eau, &: l'effervef-
cewcQ avec les acides , caradérifent
les marnes riches ou peu riches en
principes calcaires, que j'ai jufqu'à
préfenc plus particulièrement fpéci-
fiés fous la dénomination à'humus
ou terre véoétale , la feule qui forme
la charpente des plantes^ toute autre
terre doit être appelée terre matrice ^
Si elle fert feulement de réfervoir à
l'humidité que les pluies lui ont com-
muniquées , & de point d'appui aux
plantes Si à leurs racines. ( CûnfiUe:^
le Chapitre VIII du mot Culture ,
où ces principes font développés. )
La marne agit fur la terre dans
laquelle on la mêle, par fes fels, par
431 M A R
l'air fixe qu'elle recèle , par la terre
végétale ou humus qu'elle coiuiencj
enhn , mécaiiiquemen: , par la divi-
fion extrême de les parties. On voit
par ces détails que la marue eft un
excellent engrais qui réunit tous les
matériaux de la fève , à lexception
de la partie huileufe , qui les rend
favonneux, & fufceptibles par con-
féquent d'une diirolution extrême
dans l'eau qui leur fert de véhicule.
Que la marne ne foit j fi l'on
veut, qu'un amas des débris de co-
quilles, qu'une chaux naturelle, ou
fimplement une terre calcaire par
excellence , abftraétion faite des au-
tres terres auxquelles elle eft unie ,
fous quelque forme qu'on la con-
fidère , on ne peut nier qu'elle ne
fuit abondamment pourvue de fels ,
& que ces fels ne foient alkalis.
Ils ont une tendance fingulière à
abforber l'air de l'atmofphcre , à fe
naturahfer par leur combinaifon ayec
le fel nommé aérien par le célèbre
Bergman , enfin , à abforber l'humi-
dité de l'air qui fait déliter la marne,
& la réduit en poudre impalpable ,
de la même manière que la chaux
ordinaire , après qu'on l'a retirée du
four. Or tous les fels fécondent la
terre toutes les fois qu'ils fe trou-
vent proportionnés avec les matières
grailTeufes ou huileufes. ( Voye:^ le
mot AMhNDEMENT , & le demiet
Chapitre du mot Culture ) Si les
fels furabondent , il en réfultera ,
pour un certain temps , le mauvais
effet détaillé au mot Arrofement &
au mot Engrais. Enfin , ces fels n'agi-
ront efljcacement que lorfquela com-
binaifon favonneufe fera achevée.
La préfence de l'air fixe eft dé-
montrée dans la marne par les bulles
d'air qu'elle laifle échapper dans l'eau
M A R
qui fert à la dilToudre , & par l'ef-
fervefcence & par le bouillonnement
qui font excités , lorlqu'on verfe un
acide fur elle. J'ai fait voir cent
& cent fois , dans le cours de cet
Ouvrage , combien cet air influoit
fur la végétation, comment il deve-
noit le lien de toutes les parties des
plantes ^ Se conttibuoit à la foiiditc
de leur charpente ; que les arbres
dont le bois eft le plus dur, en conte-
noient davantage j enfin qu'un vafe,
toutes circonjiances étant égales ^ placé
fur un champ aride , un fécond fur
un champ fertile & labouré , & un
troifième près d une bergerie , of-
froient des différences fenfibles dans
les progrès de la végétation des
plantes qu'ils contenoient, en raifon
de la quantité d'air fixe qu'elles ab-
forboient de l'atmofphère. Or , fl
cette différence eft fi fenfible, fim-
plement en raifon de l'air extérieur,
combien donc doir-elle l'être lorfque
cet air fixe eft concentré dans la terre ,
i5c fur-tout lorique le furplus de celui
qui afervià former la fève, s'échappe
de la reire, & eft abforbé par les
feuilles des plantes. Pour bien faifir
ce qu'on vient de dire en abrégé ,
confultez le mot Air, & particuliè-
rement les chapitres qui traitent de
Vair fixe.
Si, fuivant quelques auteurs , la
marne eft le réfultat de la décompo-
fition des fubftances calcaires & des
végéraux , elle doit néceffairement
renfermer une grande quantité de
terre végétale ou humus , la feule qui
entre <?: qui conftitue la charpente des
plantes. Ainfi _, dès que cette terre
végétale & parfaitement folubie dans
l'eau, fera dilîoute par elle, &: com-
binée avec les aunes matériaux de la
fève , elle doit donc , de toute né-
ceflîté.
M A R
cefllcé , accélérer &: fortifier la végé-
tation des plantes. Il ne relie aucun
doute à ce fujec.
La marne aeic mécaniquement
fur les terres fortes & tenaces , à
raifon de la ténuité de fes parties ;
elle agit fur ces terres, comme le fa-
ble fur t'argille. Chaque molécule fait
l'office d'un petit coin, ou d'un petit
levier qui fe place entre les molécules
de la terre , & les tient féparées. Il
réfulte de cette défunion , plus de
fouplelTe dans la tetre du champ; elle
ell pénétrée plus profondément par
l'eau pluviale, Se elle devient moins
compaéte & moins getfée par la fé-
cnerelfe.
La marne, dit- on , engraijfe U
terre ; cette expcefllon eft tout au
moins impropre , puifqu'elle ne con-
tient aucun principe gçailfeux, mais
feulement des principes falins , ter-
reux & acriformes. Se par conféquent
tous difpofés, tous préparés à s'unir
aux matières grailleufes. On a beau
labourer Se labourer fans ce(re , la
marne ne s'unit ponit avec la terre du
champ , elle refte féparée , S: même
conferve fa couleur j ce n'eft qu'à la
longue , & très à la longue , que s'o-
père la réunion & le changement de
couleur -, ce qui prouve clairement
qu'elle divife les terres. D'où l'on
doit conclure que la marne jetée fur
les fols fablonneux & déjà peu liés ,
cfl: non - feulement inutile , mais
même nuifible. Ceci demande certai-
nes reftticlions, dont il va être quef-
tion. Le laboureur s'apperçoir , dans
un cliamp marné depuis quelt]ues an-
nées, que la charrue enrre plus facile-
ment , & que fes animaux font beau-
coup moins fatigués. Quand la marne
n'auroit d'autres avantages que celui
Tome P'J.
M A R
433
de divifer la tette , de la rendre plus
perméable à l'eau , & moins fufcep-
tible de fe gerfer par la chaleur , elle
feroit bien précieufe.
Il a été dit que la portion vrai-
ment marneufe, étoit mélangée en
partie avec du fable , ou avec de
l'argille. C'eft précifement le mé-
lange de ces fubllances qu'il eft im-
portant de connoître , afin de décider
fur quelle efpèce de champs on doit
répandre la marne , Se en quelle
quantité.
Le vinaigre , l'acide nitreux , ou
eau - forte , noyés dans une quan-
tité égale d'eau commune, l'un eu
l'autre de ces acides diflolvent toute
la partie calcaire , 6c n'attaquent pas
la partie argilleufe : ainfi , ce qui ref-
tera fans être attaqué, incliquera la
proportion de la terre calcaire. Il faut
que l'acide recouvre entièiement la
portion que l'on analife , Se on doit
en ajouter jufqu'à ce que l'eftervef-
cence ne fe manifefte plus. L'argille
Se le fable refteront au rond du vafe.
Alors, remplillez ce petit vafe d'eau
de rivière; remuez le tout, videz- le
fur un filtre de papier-gris. Se ce qui
reliera fur le filtre fera la partie non
marneufe, mais argilleufe (Se fablon-
laeufe. Lailfez fécher ce réfidu ; & û
vous avez pefé le morceau de marne
avant l'expérience , vous connoittez ,
en pefant de nouveau le réfidu, com-
bien il eft refté de parties marneufes
en dilTolution dans l'eau palfée à tra-
vers le filtre.
Le fimple coup-d'œil fuffit pour
faire diftinguer fur le filtre , la partie
fabloHneufe d'avec l'argilleufe , Se la
quantité refpeélive de l'une eu de
l'autre. Cependant, fi vous défirez.
plus d'exadtitude , rejetez le rcfidu
1 i i
434 ^i -^ ^
en hkre clans un vafe alTez granJ ,
ik prefque plein d'eau, & ayez l'ac-
tennon de bien agiter cette eau, afin
de divifer le plus qu'il eft poilîbîe
ce réfidu. Lorfque le tout a cté bien
agité , videz de nouvelle eau dans
ce vafe , &: qu'elle furpatle fes bords :
la première eau s'écoulera fut la fa-
perhcie du vafe , Se entraînera la par-
tie argilleufe , mais la fabloiineufe
gagnera peu- à- peu le tond. Conti-
nuez à ajouter de l'eau jufqu'à ce
qu'elle forte claire , Se qu'il ne refte
plus d'atgille. Lailfez repofer & dé-
cantez enfuite doucement j placez au
foleil , ou fur le feu !a portion f.iblon-
iieufe , i5i vous reconnoîtrez , quand
elle fera fèche , iS: par fon poids ,
qu'elle aura été la quantité d'argille
eiuraînée par l'eau. Enfin , téur.il-
fant les ditJcrens poids , vous aurez
à-peu- près la pefanteur to'.ale du mor-
ceau de marne dont vous avez voulu
connoître la qiulité. Il ne s'agit pas
ici d'avoir une précifion mathéma-
tique : fi elle étolc nécelfaire , je ne
préfenterois pas cette expérience à de
fimplïs agriculteurs j mais on doit
obferver qu'il y aura toujours une
différence dans la totalité des poids ,
puifqu'on n'a pas pu retenir l'air lorf-
qu'il s'échappoit, & le poids de cet
air eft confidérable, proportion gardée.
Ces trois états généraux indiquent
les terres oii telle qualité de marne
eft utile. Se où telle autre feroit nuL-
fible. Si on eft alfez heureux pour avoir
de la marne toute calcaire, il en faut
beaucoup moins , & elle fera im en-
grais excellent pour les terres déjà
bonnes par elles-mêmes , mais un peu
compaéles. Si elle eft plus argilleufe
que calcaire Se fablonneufe, elle pro-
duira de bons effets dans les terres fans
M A R
nerfs , ^ qui lailTent ttop facilement
filtrer les eaux pluviales. Si elle eflr
calcaire Se très-fablonneufe , toutes
les terres compactes Se argilleufes en
retireront d'excellens effets. Sans ces
diftinéfcions , on -court grand rifque
de détériorer fes champs, & elles dé-
montrent combien peu font fondées
ks affertions des écrivains qui géné-
ralifent tout, & qui vont jufqu'à fixer
le nombre de tombereaux de marne
qu'on doit répandre par arpent , Se
combien de temps il convient de la
laifler expofce à l'air , comme fi la.
délitefcence de la marne ne dépendoic
pas du climat, en même temps que
de la plus ou moins grande quantité
d'argille qu'elle contient. Plus elle
fera argilleufe , Se plus elle doit refter
expoféeà l'air ^plus elle fera calcai^^^.
Se plutôt elle fera réduite en pouflière^
Tels font les principes d'après lefquels
on doit fe régler.
Je ne fixerai point le nombre d&
tombereaux de marne à répandre fur
un arpent, parce que leur grandeur
varie d'une province à une autre , Se
qu'il y a une très-grande différence
entre la capaciré d'un tombereau à
vache ou à bccuf , ou à mule , ou à.
cheval, capacité toujours relative à la
force de l'animal , & à la difficulté
du traniport. Enfin, le nombre des
tombereaux dépend de la qualité du
champ que l'on veut marner. On
peut dire, en général, qu'un champ,
fuivant fes befoins Se fuivant la na-
ture de fon fol , eft bien marné,.
lorfqu'il eft recouvert , depuis quatre
liî^nes jufqu'à douze d'cpaifleur, &
qu'une prairie qu'on veut rajeunit
n'en exige que moitié, mais de la
qualité de marne convenable.
Je fçais cj^ue dans pluûeurs provic-
M A R
ees, la marne argilleufe eft employée
pour fettillifer les terres argilleufes
■ou reiiaces. Ce: exemple prouve qu'il
y a des abus par-tou: ; ou bien qu'on
n'a pas le choix dans les qualités de
marne ; ou enfin , qu'on ignore les
diftindions qui fe trouvent entre-
elles. Il vaut encore mieux fe fervir
de'marne argilleufe, que de fe priver
du bénéfice qui en rélulte, fur rour ii
la dépenfe eft trop confidérable pour fe
procurer la qualité que l'on délire, &
il le tranfporr, ou l'extradion de la
marne augnienre beaucoup la dépenfe.
Doit-on tranfporter la marne dans
les champs, &c l'y lailfer par petit tas,
ou la répandre audîtôc après l'avoir
apportée? Les cultivateurs & les écri-
vains ne font pas d'accord fur ces
points, parce que les uns ne voient
que leur canton exclufivement à tout
autre, & penfenr, que par-tout l'on
doit opérer comme chez eux, puif-
qu'ils réuffîlfent : ceux-ci généralifenc
trop la folution du problème , en
partie décidée par la qualité de la
marne. Par exemple, la marne qui
furabonde en parties calcaires n'a pas
befoin de beaucoup de temps pour fe
déliter & fe réduire en poulTière, elle
peut être répandue tout de fuite ,
telle qu'on la fort de la marnicre ,
à moins que les blocs ne foient trop
forts ; il fuftit de faire cette opération
quelques jours avant de labourer. 11
n'en eft pas ainfi de la marne qui
furabonde en parties argilleufes , c'eft
la plus ou moins grande quantité d'ar-
gillequ'elle contient, qui déterminera
le temps qu'elle doit refter à l'air.
Mais doit-elle être ammoncelée , pour
être enfuite répandue , après un laps
de temps quelconque? Je ne le crois
pas. La délitefcence de la marne ne
s'exécute que couche par couche, &
M A R 43 5
par l'humidité de l'atmofphère qu'elle
abforbe. Ainli , plus le monceau fera
confi.iérable , & plus longue fera la
délitefcence totale. Quelle nécellué
y a-t-il donc de perdre du temps ? Il
me paroît qu'il eft bien plus naturel ,
fi les blocs font trop gros , de les
brifer avec la malTe fur le fol , &
d'étendre au foleil la marne, à-peu-
près dans la proportion d'épaiireur
qu'on juge néceifaire j alors elle fe
délite bien plus vite & bien plus effi-
cacement, puifqae chaque morceau eft
environné par l'air atmofphérique ,
& préfente plus de côtés pour l'ab-
forption de l'humidité. Lorfque la
marne eft bien délitée , il ne refte
qu'à faire pafTer la herfe ( f^oye:^ ce
mot ) , armée de branches ou de
fagots d'épines. Cette opération dif-
penfe d'employer des hommes , elle
eft plus expéditive , & diftribue la
marne plus également ; au lieu que
il elle a été amoncelée en petit tas,
il faut néceftaircment que des hom-
mes la répandent avec une pèle -, ce
qui multiplie les frais. Auftitôt qu'elle
eft répandue , on doit l'enterrer par
un bon labour. La marne, portée iur
le champ en feptembre ou en oélo-
bre , lailfe le temps propre à donner
un labour avant l'hiver, qui difpofe
le champ à recevoir les imprellions
météorologiques de cette faifon. Con-
fultez les mots Amendement Se
Labour. En enfoniftant la marne
avant l'hiver, foit qu'on l'air portée
fur le champ auftitôt après la récolte,
foit dans le courant de feptembre »
elle a le temps d'être pénétrée par
les pluies d'hiver; (es fels, fon hu-
mus , (Se fon air fixe ont le temps
de s'unir avec la terre matrice , &
de la divifer. Les labours que l'on
donnera après l'hiver , pendant le
lii*
43^ M A R
printemps & l'été , avant de femer
ce champ , la combineiont encore
mieux avec la terre matrice. Ce-
pendant on ne doit pas s'attendre
que la première , & même la féconde
récolte feront belles , fes bons cliets
ne fe manifefcent qu'à la longue , ëc
lorfqus les principes lalins , terreux &
acntorniés fe font combines avec les
parties grailfeufes contenues dans la
teire , &: font parvenues a former la
matière favonneufe de la levé.
Cette combinaifon eft bien plus
prompte & plus a£live dans les prai-
ries marnées , parce que la partie
grailTeufe , végétale & animale y eft
en plus grande quantité que dans les
champs à bled. Les inleétes , & au-
tres animaux , font toujours en pro-
portion de la quantité de plantes nour-
ries fur un fol : il en ell: ainlî des
débris des végétaux. Tel eft l'avantage
des prairies narurelles ou artitidelles ;
au lieu que dans les champs .à blé on
retire toujouts des récoltes qui dimi-
nuent pen-à-peu l'humus ou terre vé-
gétale • enfin , on les épuife par des
récoltes fucceflives, tandis que 11 on
alternou ces mêmes champs il n'y au-
roit aucun épuifement , ( Foye\ le mot
Alterner ) & au contraire le fonds
feroit bonifié d'une année à l'autre j
ce qui eft prouvé par l'expérience.
Ce qui vient d'être dit prouve que
l'on peut accélérer l'effet de la marne,
en imitant la nature , c'eft-à-dire en
hâtant les combinaifons de la marne
avec les matières animales & graif-
feufes.
A cet effet on raflemble dans la
cour à fumier la quantité de marne
qu'on juge nécelTaire , Si. on l'amon-
cèle dans un coin de cette cour. A
mefure qu'une partie fe délite à l'air,
on en fait un lit far une couche de
M A R
fumier , & ainfi fucceflîvement , à
mefure que la marne fe délite. Si la
pluie tombe fur le monceau de marne ,
on ouvre tout-autour une tranchée ,
& elle eft prolongée jufqu'au creux à
fumier j afin d'y conduire les- eaux
chargées de la marnequ'ellesont dif-
foute^ par ce m,oyen rien n'cft perdu.
Le fumier ainfi préparé , doit être
arroté de temps en temps , pendant
les chaleurs de l'été, fi les pluies font
rares dans le canton , &: fi la chaleur
y eft vive. En Flandres, en Picardie,
par exemple , où les fumiers nagent
toujours dans une grande malTe
d'eau, ces arrofemens font inutiles j
mais cette quantité d'eau , comme
je l'ai déjà dit dans cet ouvrage ,
s'oppofe à la fermentation & à la
bonne décompofition des pailles.
Sans fermentation point de décom-
pofition , fans décompofition point de
recombinaifon , d'appropriations de
principes , or la trop grande quan-
tité d'eau s'y oppofe : il en eft de
même fi le fumier eft trop fec.
Les couches de marne fur celles du
fumier , doivent avoir peu d'épaifleur ,
& il vaudroit même mieux mêler in-
timement la marne avec le fumier,
la décompofition & la recompofition
feroit plus prompte. Ce fumier , ainfi
préparé , doit être porté fur le champ ,
& enterré avant l'hiver , par un boa
labour croifé.
Si les fumiers font rares , il eft pof-
fible de les fuppléer par un mélange
de terre franche avec la marne; on
amoncelé cts matières après les avoir
bien mélangées, on place le tout dans
un coin, & on recouvre la partie fu-
périeure avec de la paille, afin que
les eaux pluviales n'entraînent pas
le fel de nitre qui ne tarde pas à fe
former fur toute la fuperhcie. Une
IVI A II
fois ou deux dans rannce, ce mon-
ceau ell arrofc fuivanc le beloin , après
l'avoir retourné, afin que les parues
qui auparavant ctoieut intéritures,
tieviennent extérieures, & pour que
le tout foit bien mélangé. Si ces terres
rcften: amoncelées plufieurs années
de luite , li chaque année on les re-
tourne deux à trois fois, on obtien-
dra le meilleur, le plus durable & le
plus aélif de tous les engrais , fur-
tout Cl à cette terre on a ajouté une
certaine quantité de fumier j on aura
opéré par l'art <!k en pju de temps ce
que la nature ne produit qu'à la lon-
gue. Enfin, routes les fois qu'on trou-
vera une terre quelconque qui fe
délite à l'air, qu'elle que foit fa cou-
leur, qui fe dilfout dans l'eau , qui
fait efFervefcence avec les acides , &
dont le bouillonnement dégage beau-
coup d'air fixe, on aura une véritable
marne. Ce que j'ai dit au mot Chaux
( article à confulter par fon analogie
avec celui-ci ) s'applique à la marne,
&: me difpenfe d'entrer dans de plus
grands détails j j'ajouterai feulement
que dans toutes autres circonftances,
les labours trop multipliés concourent
au prompt dépéritlement des tetres j
il en eft tout autrement lorfque l'on
marne ou lorfque l'on chaule , puif-
que c'eft de la combinaifon & du
mélange de ces fubftances avec les
molécules du fol du champ, que dé-
pend la plus ou moins prompte bo-
nification, fur-tout fi, entre chaque
labour j le champ a été imbibé de
l'eau des pluies. Dans les provin,:es
du midi , & fur-tout dans ceux de
leurs cantons qui approchent de la
mer, la prudence ne permet pas de
marner fans de grandes précautions ,
parce que c'efl ajouter un fel à une
terre qui eft déjà imprégnée de celui
M A R
437
de la mer, que les vents & les pluies
y dcpofenr. [ t-^oyc^ l'expérience cij^
au mot AlvROSEMLNT )
MARRON , MARRONNIER.
( f^oye:^ Châtaignier )
A'Iarronnier b'Inde. Tourne-
fort le place dans la première fedlion
de la vins^t-uniéme clalfc deftinée aux
arbres à Heurs en rofe , dont le piftil
devient un fruit à une feule loge,
& il l'appelle hiffocajianum vulgare.
Von Linné le nomme <s.fciilus hip-
pocajîanum , & le clalfe dans 1 hep-
tandrie monogynie.
Fleur. En rofe , à cinq pétales ob-
ronds , plilfés à leurs bords , ouverts,
inégalement colorés. Le calice eft
ovale avec cinq divifions; les étami-
nes au nombre de fept , & un piftil.
Fruit. Capfule coriacée, obronde ,
armée de piquans , à trois loges &
à trois battans , contenant ordinaire-
ment une ou deux femences , alfez
femblables à la châtaigne , recou-
vertes comme elle d'une écorce dure,
brune, & nommées Marrons d' Inde.
Feuilles. Portées fur une longue
queue , compofée de cinq ou de fept
grandes folioles qui paftcnt d'un pé-
tiole commun : elles font entières ,
ovales, pointues, denrées à leurs
bords en manière de fcie, fillonnées
en-dellus , nerveufes en-delTous.
Port. Grand arbre rameux , dont
la tige eft droite, la tête belle, le
bois tendre & filandreux ; les flturs
blanches , fouettées de rouge , &
quelquefois de jaune , diipoiées au
haut des tiges en grappes pyrami-
dales.
Lieu. Originaire des Grandes-
Indes. C'eft en 1550 environ , qu on
l'apporta des parties feptîiunonales
438 MA R
de l'Afie. On le reçut à Vienne en
Autriche en 1588, & M. Bachelier,
en 1615 , l'apporta de Conftanti-
nople à Paris, & le planta au jardin
de Soubife. Le fécond fut planté au
jardin royal des plantes. Se le troi-
fîème au Luxembourg. Celui du jar-
din royal fut planté en 16^6, &c il
eft mort en 17^7.
Culture. Tout eft mode en France ,
& par confcquent de peu de durée.
Dans le fiècle dernier , chacun cher-
choit avec empreifement à fe pro-
curer des marronniers d'Inde. L'on ad-
miroit fa croiffance rapide, la beauté
de fa tise , fr manière élctrance dans
la difpolîrion de fes branches, le vo-
lume & la multiplicité de fes feuil-
les, la beauté pittorefque & le nom-
bre de fes fleurs en fuperbes pyra-
mides, enfin, l'ombre délicieufe qu'il
procuroit. Il n'y a pas long-temps en-
core que l'on s'extafioit avec raifon
fur la portée des arbres de l'allée du
palais royal à Paris , qui fembloit plan-
tées & conduites pat la main des iécs.
Aujourd'hui tout le mérite de cet ar-
bre eft éclipfé, parce que la chute de
fes fleurs falit les allées , S< celle de fes
fruits, lors de fa maturité, eft, dit-on,
dan2;ereufe. Enfin, on le fupplée par
le tilleul , & fur-tout par celui appelle
de Hollande, qui eft aufli , il eft vrai,
un fort bel arbre. Tel eft l'empire de
la mode. On pourroit cependant de-
mander fi , dans l'efpace de plus d'un
fiècle que la grande allée du palais
royal a fubfifté, & qu'elle a fait l'ad-
miration de tous les amateurs «Se de
tous les curieux, quelqu'un a été ef-
îropié par la chute des marrons, &
fi un autre arbre , fans excepter le
tilleul de Hollande , procure une
ombre plus délicieufe , & fe prête
glus docilement aux cifeaux du jar-
M A R
dinîer ? Quel eft l'arbre dor.t la dé-
pouille des fleurs , de leurs calices
«Se de leurs fruits , ne falitTent pas
dans un temps donné le fol des al-
lées? Chacun a fa manière de voit :
je ne blâme pas celle des autres ; mais ,
à mon avis , le marronnier d'Inde ,
bien taillé & en fleurs, eft le plus bel
arbre que je connoifle , celui qui flatte
le plus agréablement ma vue , & à
l'ombre duquel je brave plus fure-
ment les rayons brûlans du foleil.
Enfin , c'eft l'arbre dont la rapide
végétation s'accorde le plus avec
notre impatiente envie de jouir. Il
eft prefque de tous les climats & de
tous les pays , tandis que le tilleul
fouffre , languit & périt dans nos
provinces méridionales. Il y a peu
d'exceptions à cette loi.
Les reproches que l'on fait aa
marronnier font bien foibles ; Se
quant à la chute des fleurs , elle s'é-
tend également aux ormeaux & aux
tilleuls : quelques coups de râteaux
&: de balais fuffifent pour les faire
difparoître. La durée de la chute des
fruits eft de quinze jours environ ,
& dans une faifon où l'on recherche
peu un ombrage qui a été Ci nécef-
faire pendant l'été. Les hannetons y
{ voye^ ce mot ) fe jettent par pré-
férence fur le marronnier, & quel-
quefois le dépouillent de fes feuilles:
mais le noyer & tant d'autres arbres
n'ont-ils pas le même inconvénient?
Si on met en comparaifon le miclat j
( voye-[ ce mot ) c]ui découle des
feuilles du tilleul, on verra qu'aucun
arbre n'eft exempt de défauts. Si on
veut jouir du beau fpeftacle des
fleurs du marronnier, & ne pas en
redoutet les fuites, on fera ufage At%
échelles qui fervent à tailler ces ar-
bres , pour couper les fleurs loif-
M A R
qu'elles comm€iiceron: A pAfTer ;
enhn , au dtfaiu d'échelles , on fe
iervira de cifeaux ou torces, fixés au
iommet d'une perche.
Le marromuer fe plaîc dans toute
forte de terrcins, pourvu qu ils con-
fervent un peu d'humidité. Il fe
défeuillc promptenient dans les fols
trop fecs , & il y végète mal. Si le
terrein eft trop humide, le jaune de
fes feuilles annonce fon état de fouf-
france ; dans un bon fonds , fon tronc
s'élance avec grâce, &: s'élève nès-
haut du moment que fes branches
& fes feuilles touchent celles de l'arbre
voifiii , parce qu'elles font obligées
d'aller cherciTer la lumière. Si on
veut hâter fa joullfance, pour ui:e
falle de marronniers , on plante à
vingt pieds de diilance : on doit dans
ce cas fupprimer un arbre entre deux,
lorfqu'on commence à s'appercevoir
que les rameaux séciolcnt j c'eft-à-
dire, s'alongent fans prendre alTez de
conftftance. Dans peu d'années, (i te
fonds eft bon, le vide occahonné pat
la fupprelîion des arbres furnumé-
raires, fera regarni par les branches
des arbres qu'on a laiifé fiibfifter; elles
s'abaiiïeroiK au-lieu de filer comme
auparavant.
Dans les fonds de médiocre qua-
lité , on peut planter depuis quinze
jufqu'à vingt pieds de diftance , 6c
la fupprelîion , dans la fuite , fera
inutile.
L'on taille le marronnier à plufieurs
époques ; aulïïcôt après la chute des
feuilles , & avant la ieve du mois
d'aoiàt. Le marronnier ifolé n'exige
aucun foin de la parc du jardinier
du moment que le tronc a pris la
hauteur qu'on défire : mais dans les
falles, dans les avenues, dans les al-
lées, le jardinier retranche impitoya-
M A R
439
bicment tous les bourgeons qui s'a-
longent & dépaflent l'allignement
qu'il adonné.... Si l'ordre fymé-
trique exige qu'on coupe quelque
mère-branche, elle doit l'être raz du
tronc, fans lailfer aucun chicot, &
il faut auflitôtla couvrir avec Vonauent
de Saint- Fiacre, ( vojc- ce mot) afin
que la partie ligneufe ne pourrifle
pas avant que l'éccirce ait eu le
temps de la recouvrir. Sans cette pré-
caution , il fe forme une gouttière ,
& la pourriture gagne infenfiblemenc
l'intérieur du tronc de l'arbre.
Il vaut beaucoup mieux replanter
le marronnier fort jeune , que d'at-
tendre qu'il aie une haute tige ; fa
reprife dans le premier cas eft plus
aflurée, & fes fuccès plus prompts
par la fuite. Le point elfentiel eft
de conferver, à chaque pied que l'on
arrache de terre , le plus grand nombre
de racines qu'il eft poftible. Jamais cec
arbre ne végète avec autant de force
que Icrfqu'il eft femé en place , parce
qu'il eft alors l'arbre de la nature,
c'eft-à-dire qu'il eft garni de fon
pivot. Dans cet état, il craint moins
la fécherelTe, & pénètre très-avanc
dans la terre, où il trouve une hu-
midité qui allure L\ fraîcheur- au lieu
que l'arbie à racines écourtéesnepeuc
plus en pouffer que de fuperhcielles
& de latérales. Cette obfervation eft
importante pour les terreins (qcs ôc
maigres. Dans les provinces du midi,
on fera très-bien d'arrofer ces arbres
pendant les premières années après la
plantation, dans le courant de juin,
tk un peu avant le renouvellement
de la fève du mois d'août.
Le marronnier fe multiplie par fes
fruits. Auflitôt qu'ils font lombes ,
on les enterre dans du fable pour les
lemer au premier printemps fuivant:
440 M A R
cependant les marrons fe confervent
très-bien fous les feuilles de cet ar-
bre 5 cc ils poulfent de meilleure heure
■que ceux que l'on a confervés dans du
fable , pour les femer enfuite. ... A
la Hn de la première année du femis ,
il convient de lever tous les plants ,
& de les mettre en pépinière à trois
pieds de diftance les uns des autres.
Ils ne réulîiiïent pas lî bien dans un
efpace plus reflefré.
Le marronnier d'Inde ordinaire a
une variété , dont la coque des fruits
n'eft pas épineufe. Ses fleurs paroif-
fent plutôt , & fes fruits tombent
plus vîce ^ la tige de l'arbre s'élève
moins, elle n'eft pas li rameufcj ni
fi feuillce que celle de l'autre.
Propriétés économiques. Le bois
eft de qualité médiocre : cependant
lorfqu'il n'eft pas expofé à l'air ex-
térieur , il fe conferve aufli long-
temps que celui des bois blancs : il
brûle mal , fes cendres font recher-
chées pour les lelîives.
M. Parmentier nous a comm-uni-
qué les obfervations fuivantes.
Il paroît qu'on s'eft beaucoup
exercé fur les marronniers d'Inde &
fur leur fruit. ZanichcUi , Apothi-
caire à Venife , a publié une Dijfer-
tation Italienne concernant les cures
qu'il a opérées avec l'écorce de cet
arbre : il la compare , d'après fes
propres obfervations & l'analyfe chy-
mique , au quir.quina. Plulieufs mé-
decms ont depuis confirmé l'opinion
de ce pharmacien. MM. Ccftc &
Villemet remarquent aufli dans leurs
SJJ'ais Botaniques , que l'écorce du
marronnier d'Inde, en décoftiqn ou
en fubftance, pouvoir remplacer celle
du Pérou.
D'excellens patriotes fe font cga-
Içroent appliqués à travailler le mar^
M A R
ron d'Inde, pour tâcher, s'il étoît
poffible , de le rendre aulTl utile qu'il
eft agréable aux yeux ; ils ont vu à
regret ce fruit , dont la récolte eft
conftamment fûre &: abondante, re-
légué dans la claffe des chofes inu-
tiles , à caufe de fon infupportable
amertume. Chacun a cru être par-
venu au but déliré. M. le préfident
Bon a propofé, dans les Mémoires
de l'Académie Royale des Sciences
de Paris ^ '7^0, de faire macérer
ce fruit, à plufieurs reprifes, dans des
lelîives alkalines , & de le faire bouil-
lir enfuite , pour en former une ef-
pèce de pâte qu'on puilfe donner à
mançrer à la volaille. On a même
cherché , dans quelques cantons ou
il régnoit une difetre de fourrages,
à accoutumer les chevaux & les mou-
tons à s'en nourrir pendant l'hiver.
Mais il paroît que les marrons
d'Inde, dans cet état, ne font pas
une nourriture faine, puifque, juf-
qa'aujourd'hui, la propoution eft de-
meurée fans exécution. Les lotions
& les macérations, en effet , ne fçau-
roient enlever le fuc (?c le parenchyme
dans lefquels réfide l'amertume des
marrons d'Inde^ le changement que
peuvent produire ces opérations, eft
d'en diminuer l'intendté.
D'autres , croyant impoflible à
l'art d'enlever l'amertume du mar-
ron d'Inde, pour en obtenir enfuire
un aliment doux , fe font efforcés
d'appliquer ce fruit à divers iifiiges
économiques. On a cru être parvenu
à en faire ime poudre à poudrer, en
le mettant fécher, & en leréduifant
en poudre : un cordonnier a prépare
avec cette poudre une colie qu'il a
exaltée comme très-utile au papetier,
au tablctier & au relieur. On en a
encore fait des bougies que l'on a
d'abord
M A R
(d'abord beaucoup vantées ; mais ce
n ccoit que du fuit de mouton bien
dépuré , & rendu folide par la fubf-
tance amère du marron d'Inde ; leur
trop grande cherté, les a bientôt fait
abandonner.
Dans un Ouvrage qui a pour titre :
L'Arc de s'enrichir par l'Agriculture ,
l'auteur propofe de râper les marrons
d'Inde dans l'eau , de les y lailfer ma-
cérer pendant quelque temps, & de
laver enfuite avec cette eau les étofFes
de laine. M. Delcu\e indique aulli,
d'après quelques expériences, les mar-
rons comme très-bons pour le roui
du chanvre.
Enfin , il y a des perfonnes qui , per-
fuadées que les marrons d'Inde étoient
moins propres à nous fervir d'aliment ,
ou dans les arts , que de médicament,
les ont envifagés fous ce dernier point
de vue : o\\ les a donc employés en
fumigation &: comme fternutatoire.
On prétend cjue , pris intérieurement,
ils arrêtent le flux de fang. Les maré-
chaux %&\\ fervent pour les chevaux
pouffifs : on a vu un foldat invalide,
fujet à l'épilepfie, manger des mar-
rons d'Inde, dont l'ufage , à ce qu'il
afTura, avoir éloigné fenfiblement les
accès de fon mal. Une religieufe de
l'hôtel-dieu de Paris a auilî été témoin
des bons effets du marron d'Inde dans
un cas femblable \ elle convient à la
vérité que ce remède n'a pas eu une
réullite égale fur tous ceux .à qui elle
l'a adminiftré.
Quoiqu'il en foit, il paroît qu'on
n'a encore découvert , reconnu , ap-
perçu, dans le marron d'Inde, aucune
propriété capable de le faire adopter
pour des ufages conûans & familiers :
audi un particulier a-t-il voulu faire
porter à l'arbre des fleurs doubles ,
ibns le deffein de l'empêcher de pro-
Tome FI.
M A R 441
duire des fruits, dont la chiite in-
commode. Ses expériences faites aux
Thuileries & au Luxembourg , entêté
fans fuccès : cependant on connoit les
prodiges de l'art en ce gen^e , & on
fçait que fi d'une fl>ur blan:he, unie
& fimple, le jardinier parvient à en
faire une fleur double , rouge & pa-
nachée , la plante qui offre ce phé-
nomène n'acquiert l'avantage de ré-
■ r ' ^ j'
créer amli nos yeux , qu aux dépens
de {es organes reprodudifs , fembla-
bles à ces malheureufes viétimes
d'une coutume barbare & meur-
trière , qu'un pontife philofophe a
aboli pour l'honneur de l'humanité.
On a encore effayéd'ôter radicale-
ment aux marrons d'Inde leur amer-
tume ordinaire, & de faire porter à
l'arbre même , fans changer fon ef-
pèce , des fruits d'auffi bon goût que
les marrons de Lyon. On y a d'abord
enté un pêcher, qui a produit âzs
fruits énormes , mais qu'il n'étoic
pas poffible de manger , à caufe
de leur exceflive amertume. AI. de
Francheville a propofé à l'Académie
de Berlin de faire de cette queftion
intérelfante le fujet d'un prix. Ce
favant prétend que la métamorphofe
eft podible, qu'il s'agit de deux con-
ditions effentielles à obferver pour
l'accomplir. La première, de choifir
des maronniers d'Inde de cinq à frx
ans , de les tranfplanter dans une
terre fertile & gralfe. La féconde, de
les greffer d'eux-mêmes & fur eux-
mêmes jufqu'à trois fSis, fuivant les
méthodes ulitées; mais M. Cabarwis ^
dans fon excellent traité fur la Greffe,
prouve combien font chimériques
toutes ces affociatioiis d'arbres à'^Ç-
pèces différentes , ou la tranfmuta-
tion de la même efpèce.
En attendant que l'expérience 5c le
Kkk
442 Tvî A R
temps nous aient ii.llruits fur la pcfTi-
bilité de la méraniorphofe qu'annonce
M. de Fr^ncheville , nous croyons
que ramertume eftaiidl ellenrielle au
marron d'Inde que la faveur iucrée l'cft
à la châraigne; elles dépendent l'une
& l'autre de la matière exttaârive
qui , dans le preuiier de ces deux fruit?,,
eft réfino-gommeufe , Se dans le fé-
cond fimplementmuqueufe. La greffe
cliez celui-ci ne fait que développer
&C augmenter le principe déjà préexif-
rant dans le fauvageon : fi cela eft
auili, cette opération, loin d'adoucir
le marron d'Inde, ne fera qu'accroître
fon amertume.
11 ell cependant certain qu'on peut
retirer du in.iiron d'Inde la partie
farineule & r.utritive qu'elle ren-
terme, en appliquant fur ce truit le
procédé dont fe fervent les Améri-
cains pour retirer du manioc { Voye^
ce mot ) une nourriture falubre ap-
pellée cafjave. On en fépare donc, à
la t.iveur de la râpe ik. des lotions ,
une véritable fécule ou amidon , qui ,
incorporé avec des pulpes, telles que
celles de la pomme de terre, ou avec
d'autres farineux , peut devenir un
pain falutaire & nourritîant lans avoir
aucune amertume.
Mais quels que foient les avan-
tages du marron d'Inde, conddéré
fous fes différens points de vue, il
n'en eft point qui puille balancer
celui de fervir en totalité à la nour-
riture , fans qu'il foit ncceftaire , pour
l'y approprier, 'd'invoquer les fecours
de l'art , toujours embarralfant & très-
coûteux dans ce cas. Les tentatives
de l'efpèce de celles que propofe M.
de Francheville ne font pas moins
dignes d'être elTayés ; pourquoi ne
forceroit-on point quelques-uns de
nos arbres foreftiers à rapporter du
M A R
fruit propre à nourrir? ce ne ferorr
pas un 11 grand malheur que la chair
des bêtes fauves n'eût plus le goût
fauvageon; ne vaut-il pas mieux s'oc-
cuper des moyens de multiplier nos
productions , que d'en tarir la fource :
enfin , fi l'on parvient jamais à en-
richir le règne végétal, ainfi que nos
tables, de ce nouveau fruit, d'autant
plus précieux qu'il s'accommode à
prefque tous les climats , ce feroic
encore un nouveau fervice que les
fciences auroient rendu à l'huma-
nité.
Marronnier d'Inde a fleur.
ÉcARLATE OU PAViA. V on Linné le
nomme dfculus pavia. 11 diftére du
précédent par fes fleurs qui ont huit
étamines, par leur couleur écarlate,.
& elles font plus petites. Cet arbre ,
originaire de l'Amérique feptentrio-
nale, peur s'élever jufqu'à la hau-
teur de vingt pieds, & figurer dans
dans un jardin d'amateur. On le mul-
tiplie par le femis de fes fruits, 5c
pat la greffe fur le maronnier ordi-
naire, ce qui évite l'embarras des
femis, &: accélère la jouitfance : ce-
pendant, comme il n'y a aucune pro-
portion entre la végétation du tronc
du maronnier ordinaire & celle des
branches dupavia,labeautédes grefîes
& des jets qu'elles ont fourni ne fub-
fifte pas longtemps. Dans les climats
froids, lorfque les étés font courts, ou
lorfque les gelées font précoces , les
fruirs du pavia mûrilfent rarement
alfez pour être femés ; lorfqu'ils font
parvenus à une maturité convenable,
on les conferve dans du fable pendant
l'hiver, & au premier printemps on
le feme féparément & dans des pots.
Dans les pays froids on enterre ces
pots dans des couches, afin d'accé-
M A R
iérer la végétation : lorfqiie la cha-
leur de ratmofphère commence à
prendre de l'aclivicé, ces pots font
tranfportés près d'un abri, & mis en
pleine terre , où ils font arrofés de
temps à autre , fuivant le befoin. Les
premières gelées attaquent les pouf-
ies encore trop tendres , fi on n'a le
foin de les garantir avec des pail-
lalTons, ou de les tranfporter dans
une orangerie. A la hn de l'hiver on
dépote chaque pied , on le place en
pépinière, & encore mieux à de-
meure ; on a foin de les garantir des
premières gelées.
Dans les provinces du midi du
royaume, il fuffir de femer les pavia
contre de bons abris, & tout au plus
de les couvrir avec de la paille, à la
fin de la première année. Ci les gelées
font précoces.
MAROUTE ou CAMOMILLE
PUANTE. ( Foyei Planche X ^
p^igi 400 ) Tournefort la place dans
la troifièmefeétion de la quatorzième
clalfe deftinée aux herbes à fleurs en
rayon , dont les femences n'ont ni
aigrette ni chapitenu de feuilles , & il
l'appelle chamAmehim fœtidtun _, Jtve
cotula fœtlda. Von Linné la nomme
anthémis cotula , & la clalle dans la
fingénéfie polygamie fuperfluc.
Fleur. Compofée de fleurons her-
maphrodites dans le difque, & de
plufieurs demi-fleurons à la circon-
férence. Chacun des fleurons B eft un
tube, menu à fa bafe, gonflé vers le
milieu, évafé à fon extrémité, & di-
vifé en cinq dents aiguës. Le demi-
fleuron C eft un tube dont l'extrémité
devient une languette divifée en trois
dentelures. Les fleurons & les demi-
fleurons fe ralfemblent fur le récep-
tacle D, lequel eft conique & garni
M A R
445
de lames extrêmement fines", & qui
font l'office de calice, comme U eft
repréfenté, vu par dehors, dans la
figure E
Fruit, Les graines F repofent fur
le réceptacle , elles font menues &
fans aigrettes.
Feuilles. Adhérentes aux tiges ,
ailées , décompofées , Se les décou-
pures linéaires.
Racine A. Fibreufe.
Porrj. Tige cylindrique, pleine de
fuc , rameufe , diff"ure \ les fleurs ,
foutenues par des péduncules , naif-
fent au fommet, les feuilles font al-
ternativement placées fur les tiges.
Lieu. Les terreins incultes , la
plante eft annuelle.
Propriétés. Toute la plante a une
faveur amère & une odeur forre &
fdtide; elle eft fondante, apéririve ,
antifpafmodique, fébrifuge , &; cai»
minative.
On emploie l'herbe &: les fleurs
dont on fait des décodions pour les
lavemens & bains de vapeurs ; on fe
ferr de toute la plante pour des lo-
menrations , ou en cataplafmes émoi-
liens & réfolutih.
MARRUBE BLANC. ( /V^q
Planche X ^ page 400 ) Tournelotc
le place dans la troifième feétion de
la quarrième clafle des herbes à fleur
d'une feule pièce en lèvre, & donr
la lèvre fupérieure eft retroulfée , &
il l'appelle marrubium album vulgare.
Von Linné le nomme marrubium
vulgare 3 &c le claife dans la didyna-
mie gymnofpermie.
Fleur. Compofée d'une feule pé-
tale B à deux lèvres ; la fupérieure C
eft relevée ^ fendue en deux dans
prefqiie toute fa longueur; l'inférieure
444
M A R
D ed diVifce en rrois parties , dont
la moyenne eft large & découpée en
cœur ; les deux autres font étroites
êc arrondies; les quatre étamines ,
dont deirx plus grandes , & deux plus
courtes , font intérieurement atta-
chées à la corolle , de manière que
chacune des lèvres en porte deux. E
repréfente le piftil qui repofe au fond
du calice F , c'eft un tube repré-
fente en G 5 avec dix dentelures à
fon fommet , recourbée en manière
de hameçon.
Fruit. H compofé de quatre fe-
mences ovoïdes & noirâtres.
Feuilles. Arrondies , cannelées ^
blanchâtres , ridées , portées fur des
pétioles.
Racine A. Fibreufe & noire.
Port. Tiges nombreufes , velues ,
quarrées , branchues , de la hauteur
de douze à dix-huit pouces ; les fleurs
nalifent en manière de rayon , tout
autour des tiges , & y font adhéren-
tes \ les feuilles font appofées deux
à deux fur chaque nœud.
Lieu. Les terreins incultes , les
bords des chemins; la plante eft vi-
vace , fleurit prefque pendant tout
l'été.
Propriete's. L'odeur de cette plante
eft forte & aromatique ; fa faveur
eft acre & amère. C'eft une des meil-
leures plantes médicinales d'Europe.
Les feuilles font expectorer avec aiîez
de force Se de promptitude dans la
toux catarrhale tV' dansl'afthme pitui-
teux. Elles échauffent «?>: raniment
les forces vitales ; dès-lors elles font
très-fouvent nuiûbles dans la phtifie
M A R
pulmonaire , elTentielle , récente ;
avec un peu de fièvre & de toux ,
quoiqu'elles aient été recommandées;
dans ce cas. Elles font indiquées dans
les fuppreflions du flux menftruel &
des lochies , par imprellion des corps-
froids , 6i dans la falivation par le
mercure.
Ufages. On donne les feuilles ré-
centes , depuis deux drachmes jufqu'à
trois onces, en macération ; aubain-
marie , dans cinq onces d'eau. Leur
fuc exprimé , depuis demi-once juf-
qu'à trois , éduîcoré avec du fucre
ou avec du miel : les feuilles lèches »
depuis une drachme jufqu'à demi-
once; en macération, aubain-marie,
dans cinq onces d'eau : feuilles lè-
ches & pulvérifées , depuis quinze
grains jufqu'à une drachme , incor-
porées avec un fyrop , ou délayées-
dans deux onces d'eau.
On donne, pour les animaux, le
fuc à la dofe de quatre onces , ou
l'infiillon, à la dofe de deux poignées
dans une livre d'eau ou de vin.
Marrube noir. ( Voye\ Bal-:
t GTE )
MARTAGON. ( Voye-^ Lys )
M ARUM (le). ( Planche XI ^
page 444 . ) ( i ) Tournefort le place
dans k quatrième feétion de la qua-
trième clalfe des herbes à fleurs d'une
feule pièce , en gueule & à deux lè-
vres ; <?c il l'appelle rnarum Cortujî.
Von Linné le nomme teucrium rna-
rum, & le clafle dans la didanymie
gymnofpermie.
On a mal-à-propos place ici la gravure de l'heràc aux chats pour celle du marum, c'eft
nne cracfpo&ion 3 celle du marum fe trouve à l'article hcrhe aux ckats^
Pi. if /',l,l ^^^
/,■ .v,ù/,>e
/,/ . !/, /i. '.■;■ /la/,// v// •
M A R
Tleur. B reprcfentée de profil ; en
G on la voit de face , & «n appeiçoit
la manière donc les écamines font
ftttachées. Le tube de la fleur eft cy-
lindre & recourbé j la lèvre fupérieure
relevée, arrondie & échancréej l'in-
férieure divifée en crois parties , donc
les deux latérales font en aîle , &
celle du milieu, arrondie & creufée
en cuiller. D hic voir le calice ou-
vert.
Fruit. E embrion formé par les
quacre ovaires réunis; F quatre grai-
nes ovoïdes de couleur jaunâtre.
Feuilles. Entières , oblongues.
Racine. Li^neufe , fibreule.
Porc. Tiges velues , & fortent deux
àdeux oppofées & feuillées. Les fleurs
naiflenc au fonimec des tiges , dif-
pofées en épis ; les feuilles florales font
alternes , & chacune accompagne le
pédicule de la fleur.
Lieu. Originaire d'Efpagne & de
nos provinces méridionales. C'eft un
très-petit arbufte j il fleurit pendant
tout l'été.
Propriétés. Feuilles d'une odeur
aromatique, forte & piquante, d'une
faveur acre &: piquance. Elles échauf-
fenc puilTamment , & réveillent les
forces vitales (Sj mufculaires; elles pro-
duifent fouvent de bons effets dans
les maladies de foible(fe par humeurs
fcreufes , dans l'althme humide , la
fuppreiîion du flux menftruel , par
l'impreflîon des corps froids, les pâles
couleurs , le rachitis , les maladies
foporeufes par humeurs fereufes : pul-
vérifées & infpirées par le nez , elles
font fter'nutatoires.
Ufage. Feuilles feches & pulvé-
rifées depuis dix grains jufqu'à une
drachme , incoporées avec un fyrop,
ou délayées dans cinq onces d'eau :
feuilles feches, depuis un grain juf-
/ MAS 44ç
qu'à demi-once , en macération , au
bain -marie , dans cinq onces d'eau
ou de vin , fuivant l'indication.
Culture. Lorfque l'on veut cultiver
cec arbufte à odeur agréable & fi pé-
nécrance , on eft forcé de le couvrir
d'un grillage de fer , afin d'en éloi-
gner les chacs. Us aimenc cellement
à fe vautrer defTus, qu'ils parviennent
à le déduire en peu de jours.
Dans les provinces du nord cec
arbufte demande à êcre femé fur cou-
che , & renfermé dans l'orangerie
pendanc l'hiver j dans celles du midi ,
les femis exigenc feulemenc un bon-
abri. Cet arbufte aime les fréquens
atrofemens.
MASSIF. Ce mot a deux accep-
tions dans le jardinage. Dans la pre-
mière il fignifie un plein bois , qui
ne laifle point de paifage à' la vue.
Par la féconde , on défigne un arbre
dont on a coupé le fommet , afin de
ne lui lailfer que des branches hori-
zontales , & l'obliget à former une
efpèce de plate - forme. On tond
avec les cifeaux ou avec le croif-
fant, les bourgeons à mefure qu'ils
s'élancent. Dans la première , on
cherche à intercepter la vue ; & dans
la féconde, c'eft afin qu'elle ne fois-
pas arrêtée.
MASTICATOIRE. Médecine
RURALE. C'eft le nom qu'on donne à
des médicamens qui produifent , par
leur âcrecé , une irritation dans la
bouche , (Se excitent, par les excré-
toires de cette même partie, c'eft-à-
dire les glandes falivaires , une éva-
cuation plus abondante que dans l'étac
naturel.
On prefcrit ces remèdes fous plu-
ficurs formes. i°. Sous forme- fo-
44*^
MAS
lidej 1°. eii fumigation , en faifanc
recevoir dans !a bouche , par un tuyau
deftiné à cet uiage , la fumée que
le feu fait élever des parties irri-
tantes qui les compofent. II y en a
qu'on fait mâcher avec fuccès , daus
le même delfein , quoiqu'ils n'aient
point d'àcreté ; reis fjnt la cire & le
iiiaftic. Perfonne n'ignore que le
mercure pris intérieurement , ou
adminiftré fous forme de fridion ,
excite quelquefois la falivation.
Les mafticatoires font indiqués
dans les afteclions foporeufes , &
dans la paralyfie de la langue , dans
les fluxions des dents, dans les maux
de tête , & autres douleurs produites
par une aftlucnce d'humeurs fur ces
parties.
On emploie journellement le poi-
vre , l'alun .5: autres lubflances acres,
contre la chute de la luette. La fu^
niée de la fauge , de la bctoine , celle
du tabac , dilîipent les fluxions &
augmentent racl:ion tonique de la
membrane puuiraire. Enfin, on fait
mâcher les feuilles de fauge , de la-
vande , & de romarin pour donner
du mouvement aux organes de la voix.
On peut encore les employer en gar-
garifme , lorfqu'on veut remédier à
certaines maladies qui ont leur fiège
dans le fjnd de la bouche. M. AMI.
ALISTICATOIRES. Médecine
VÉTÉRINAIRE. Les mafticatoires ou
apophlegmatifans, font des médica-
niens dont l'eflet eft de dégorger le
nlfu des glandes muqueufes de la
bouche , iSc des glandes falivaires des
animaux , en les agaçant, en les ir-
ritant , & en augmentant l'aétion or-
ganique de ces parties.
On compte parmi ces fubftances ,
les racines d'impératoire , d'angéli-
MAT
que , de zédoaire , de pimprenelle
blanche , de galéga , de myrrhe , le
fel commun, les goulfes d'ail , l'alfa-
fcetida, employé plus fréquemment
encore que les autres.
Les maréchaux en font ufage en
nouet ou en billot. En nouet , cçs
remèdes grolîîèrement pulvérifés &
enfermés dans un linge , étant fuf-
pendus à un maftigadour, ou à un
filet. En billot , le linge qui les con-
tient , entouranr un bois qui trancife ,
comme le canon d'un mors de bride,
la bouche , d'un angle à l'autre , ou
le linge étant limplement roulé dans
une certaine conliltance , ik étant
placé de même.
Ces remèdes font indiqués dans des
cas de dégoût (Je d'inapétence , parce
qu'ils débarraflent les houppes ner-
veufesdes humeurs muqueufes qui les
couvrent , & qui fe mêlant aux ali-
mens , peuvent encore en rendre la
faveur dcfagréable, ôc ils réveillent
ainli la fenfrtion , & s'oppofent au
féjour de ces mêmes humeurs , qui
ne pourroient que contraifler une forte
de putridité.
Enfin , ils font très-efficaces & très-
utiles dans les maladies contagieufes
du bétail ; ils éloignent, pour aiuli
dire , les corpufculesmorbihques qui
s'exhalent, fe répandent, nagent 8c
circulent dans l'air que les animaux
refpirent , ils les empêchent de fe
mêler avec la falive , Se de s'intro-
duire avec elle dans les eftomacs j &
en pareille occurrence , les maftica-
toires les plus convenables, font un
mélange de vinaigre , de fel ammo-
niac , de camphre , &c. M. T.
MATRICAIRE. ( roye^ planche
XI j page 444 ). Tournetort la place
Î.Î A T
ènns 1.1 troifième fedlion rie la qua-
torzième clalfe des herbes n fleurs ra-
diées , dont les femeiices n'ont ni
aigrette ni chaiMteau de feuille ; &
il l'appelle matricaria rulgaris Jîve
faciva. Von Linné la nomme ma-
tricaria Parthenium , & la claffe dans
la fingéncfie polygamie fuperflue.
Fleur. Compofée d'un amas de
fleurons hermaphrodites dans le dif-
que, ôc de plufieurs demi -fleurons à
la circonférence. Chacun des fleurons
eft un tube B renflé dans le milieu ^
évafé à fon extrémité , <5L- divifé en
cinq fegmens. Le demi-fleuron C cft
un tube court , menu à fa bafe j ter-
miné par une languette ovale divifée
en trois petites dents a Ion exrrcmitc :
toutes les parties de la fleur font raf-
fcmblées fur un réceptacle hémifphé-
rique qui eft au centre de l'enveloppe
ou calice D.
Fruit. Graines E folitaires, oblon-
gues , fans aigrette.
Feuilles. Compofées, planes, les
folioles ovales , très -découpées.
Port. Tiges nom^eufes , hautes
de deux pieds environ , droites , can-
nelées , lufes , mocleufes ; les fleurs
nailfent au fommet , difpofées en
coquilles j les feuilles nailfent alrer-
nativement fur les tiges.
Racine. A blanche , rameufe, fi-
breufe.
Lieu. Originaire des provinces mé-
ridionales , cultivée dans les jardins
au nord. Elle eft vivace , quelque-
fois bis-annuelle, & elle fleurit pen-
dant tout l'été.
Propriétés. Les feuilles ont une
odeut aromatique , forte, & une fa-
veur amère , médiocreir.er.r acre.
Toute la plante eft emn,énr.i;ogue ,
fiomachique, hiftérique , vermifuge.
M A T 447
Les feuilles échaufi^ent, &r calment
les douleurs d'eftomac , caufées par
des matières pituiteufes , & les co-
liques venteufes ; elles diminuent la
violence des accès hyftcriques ou hy-
pocondriaques , & quelquefois elles
font utiles dans les accès de fièvre.
Sous forme de peflaire , elles favo-
rifent l'action des feuilles prifes in-
térieurement. Le fyrop de matricaire
eft femblable en vertu à celle de
l'infulion des feuilles, édulcorée de
fucre. L'enu diftillée des feuilles eft
inutile , lotfqu'on peut fe procurei"
rinfufion.
U/ages. Avec l'herbe fraîch^ 6c fes
feuilles , on fait des décodlions pour
lavement ; avec l'herbe fèche , des
décoétions & des infuflons. Le fiic de
la plante fraîche ,& clarifié , fe donne
d;.-puis une once jufqu'à deux ; fa dé-
codtion ou infufion à la dofe de qua-
tre onces..
MATRICE. MÉDECINE RURALE,
Vifcère particulier à la femme, finie
dans le petit baflîn , entre la veflie
& le reàum , & deftiné à remplir
une des fondions les plus intéref-
fantes. La matrice eft expofée à une
infinité de maladies , tant pat fa
fituation Se fes attaches, que par fon
oroaniiation.
Hyppocrate nous apprend qu'elle-
eft la caufe d'une infinité de dé-
fordres. En effet, il y a bien peujde
maladies chez les femmes, où la ma-
trice n'ait quelque part. Les caufes de
toutes {es affeétions dépendent tou-
jours , ou de la léfion immédiate ,.
Ik d'un vice apparent dans ce vifcère,
ou de l'impreffion des caules morbi-
fiques qui attaquent d'autres vifcères
qui lui correfpondent : les premières
font toujours plus tàcheufes tpe. celles-
44^
M A T
qui font fubordonnées à une caufe
fympathique ; pour l'ordinaire la cer-
minaifon en eft plus prompte, &: la
crife plus complète & fakuaire.
Parmi celles qui dépendent de fa
lélion , les unes font générales &; font
connues fous les noms particuliers
de fureur , fiiffocations utérines , va-
peurs , paillon hyftérique , &c. Les
autres font locales , le vice qui les
conftitue eCc apparent, &: forme le
fymptome principal. Dans cette claf-
le , nous comprendrons un dérange-
ment dans l'évacuation périodique
des mois, la chute, la hernie, l'hy-
dropilie, l'inflammation, l'ulcère, le
fkirrhe , & le cancer de la matrice.
Nous ne parlerons point de cha-
cune de ces maladies , nous nous con-
tenterons de faire une mention fort
fuccinte de la chute ou dfefcente de
inatrice, de fon inflammation , & de
l'ulcère de ce même vifcère.
Chute ou descente de matrice,
"La chute de matrice eft complète
ou incomplète.
Elle eft incomplète j loifque la ma-
trice eft defcendue dans le vagin. On
peut aifément s'en convaincre par le
toucher. On n'a pas plutôt inttoduit
le doigt dans le vagin , qu'on dif-
tingue très-bien fon orihce interne.
i.a femme fe refufe , pour l'ordi-
naire aux déiirs de fan mari ; le
<levoir & les plaifirs du mariage lui
font à charge, inhpides, douloureux,
-difficiles , & même impollibles à
jemplir. La comprefTion que ce vif-
cère exerce fur la vellie & le rectum ,
produit des difficultés d'uriner , &:
il'aller à la felle , des coliques , &
autres maux très -douloureux. Les
femmes éprouvent ejicore des dou-
MAT
kurs & des tiraillemens aux lombeSj
parties où vont s'implanter les liga-
mens larges.
La chute de matrice complète eft
aifée à connoître : la vue feule fufEt
pour cela ; mais il arrive quelque-
fois que la matrice -, en tombant
ainfi , fe renverfe ; c'eft-à dire que
l'oritice refte en-dedans du vagin ,
tandis que le fond fe préfente au
dehors. Dans cet état on pourroit la
confondre avec quelque tumeur po-
lipeufe ; mais l'on évitera toute er-
reur , fi l'on fait attention que les
tumeurs augmentent infenfiblement,
au lieu que cette chute fe fait fubi-
tement , toujours à la fuite d'un ac-
couchement laborieux , ou par la faute
d'un accoucheur peu habile & peu
expérimenté.
La chute incomplette de matrice
eft une maladie plus incommode
que dangereufe. On a cependant vu
des femmes devenir grolfes , & ac-
coucher dans cet état. Dans la chute
complète , il eft à craindre un étran-
glement qui amène l'inflammation ,
& la gangrèrt^ & dans ces cas la
mort eft ordinairement prochaine.
On remédie à la chute de matrice ,"
par la réduétion. Alais auparavant ,
il faut bien examiner fi ce vifcère eft
fiin, fans inflammation & gangrène.
S'il en eft atteint, il faut, avant de
le faire rentrer & le remettre en place,
y faire quelques légères Icarifications
avec la pointe de la lancette , & le
fomenter avec une décoétion de quin-
quina, de fcordium , d'eau-de-vie cam-
phrée , & d'autres remèdes antifepti-
ques. Il faut encore, avant d'en venir
à la réduâion , faire uriner la femme,
lui procurer la liberté du ventre, pat
des lavemens ; oindre fes parties
dhuile d'amande douce & de beurce.
Oa
MAT
Oii fait coucher la femme fur le dos,
la «te fort balfe, & les feifes éle-
vées. Oji prend la matrice , enve-
loppée d'un linge fort fouple, & l'on
tâche , par de légères fecoulfes , de
côté & d'autre , de la repoulfer en-
dedans : ce moyen eftpkis fur &: plus
facile qu'aucun autre clans l'éxecution j
il n'eft pas de femme a la campagne ,
ui de payfan, qui ne puilfent faire
cette opération , avec un peu d'atten-
tion , de réflexion & de dextérité ,
il eft préférable au fer rougi au feu,
qu'on confeille d'approcher de la ma-
trice , pour la faire rentrer.
La marrice réduite, on la contient ,
& on en prévient la rechute par un
pelfaire percé , qui permette la fortie
de l'urine , l'évacuation périodique
des règles , & l'injeétion de quelque
eau aûringente, telle que la décoc-
tion de plantin, d'écorce de grenades.
On fortifie les reins , par l'appli-
cation de quelque emplâtre fortifiant,
tel que celui à^ pro fraciurls.
Inflammation de matrice.
Les fymptomes qui la caraétéri-
fenr, font des douleurs dans lapartie
inférieure du ventre, qui deviennent
plus fortes & plus aiguës au toucher.
La région du pubis, fes parties voi-
fines font fort tendues , & dans un
état de roideur. Les malades ref-
fentent dans la matrice une chaleur
& une ardeur confidérable \ elles font
tourmentées par une foif vive & brû-
lante j elles éprouvent des foiblefles j
les urines font rares , rouges , en-
flammées , fe filtrent très-difficilement
dans les reins , & font évacuées avec
douleur. Le poulx eft vif , ferré ,
tendu , piquant , le vlfage enflammé ,
les yeux étiacelans. Les friflons , le
Tome FI.
M A T 449
hoquet , le vomiiTement , la con-
vu'lion &: le délire furvienncnt , &
la ceiïation de tous ces fymptomes
eft toujours l'annonce d'une gangrè-
ne &: d'une mort prochaine.
Cette maladie eft en. s plus doulou-
reufes & des plus ciuelles. Sa tet-
minaifon eft très-prompte , & prefque
toujours mortelle : rarement elle va
au-delà du feptième jour. Elle fe ter-
mine auflî très-rarement par la ré-
folution , mais le plus fouvent par
fuppuration & la gangrène.
On n'ooferve guères cette mala-
die qu'après un accouchement labo-
rieux. La fuppreffion des lochies peut
la produire , ainli que les vives paf-
fions , des contufions , & la réten-
tion du placenta dans la matrice.
On combat cette maladie par des
faignées abondantes & fouvent ré-
pétées : on doit les pratiquer dès les
premiers jours j on feroit le plus grand
mal, fion les differoir, & fi on vou-'
loit les ménaget : il ne faut cepen-
dant pas perdre de vue l'état des
forces , l'âge & le tempérammenc
particulier de la malade.
Les boifl!ons délayantes &: adou-
clfTantes, légèrement nitrées, telles
que l'eau de poulet , celle de veau
êc de tiz , doivent venit à l'appui
des faignées. Les lavemens coupés
avec moitié lait, font très -efficaces
dans cet état , ainfi que l'application
des linges imbibés d'une décoétion
de plantes émollientes, ou des veflles
pleines de lait chaud , coupé avec
l'eau commune.
Ulcère de la matrice.
C'eft à l'écoulement du pus par
le vagin j qu'on connoît fûrement
l'ulcère de la matrice. On peut aufli
s'aflTurer de fa ptéfence «Se de la partie
LU
450 MAT
qu'il occupe , par le tadt, & même
par la vue , au moyen à.\x fpcculum ,
ou miroir de matrice.
Cette maladie vient toujours à la
fuite d'une infl.immation fuperfi-
cielle de la matrice , terminée en
fuppuration , qui a dégénéré à fon
tour en ulcère. Elle peut être ex-
citée par une métaftafe d'humeurs
acres , qui peuvent fe fixer fur ce
vifcère ", par un vice vénérien , fcor-
butique-, par une errofion taite peu-
à-peu dans la face intérieure de la
matrice , fans qu'aucun abcès ait
précédé j par une plaie faite dans la
cavité de la matrice , laquelle a fup-
puré , & eft devenue un véritable ul-
cère.
Les femmes malades rapportent
à diftérens endroits la douleur qu'elles
reOentent , fuivant le fiège de l'ul-
cère qui l'a produit : fouvent la vef-
fie & le redum participent de l'ul-
cère. Les temmes cohabitent avec
beaucoup de peine avec leurs maris.
Dans le principe du mal , il n'y a point
de fiévte , ou il y en a bien peu \
mais peu-à-peu lahévre lente s'y joint
par le mélange des parties du pus, à
quoi la douleur que la malade ref-
fent , ne contribue pas peu. Cette
fièvre , qui eft lente de fa nature ,
redouble tous les foirs \ enfin , les
malades , confumés par cette fièvre ,
tombent dans le marafme , &: finif-
fent par la bouffifure des extrémités
inférieures, qui augmente de plus en
plus, ou par la diarrhée colliquative.
Le traitement de cette maladie eft
relatif aux caufes qui la produifentj
mais en général , on ordonne aux
malades les décoftions vulnéraires
balfamiques , les eaux minérales
fulphureufes de Barèges , prifes in-
térieurement 5c injectées avec une
MAT
feringue en arrofoir ilans la matrice.
Perfonne n'ignore les heureux effets
c|u'elles ont produit. 11 vaudroit bien
mieux commencer le ttaitement par
ces eaux, que de fuivre le préjugé,
malheureufement adopté, de donner
aux malades le lait , qui ne réuflic
prefque jamais , & qui , comme l'ob-
lerve fort bien Hotfman , difpofe
plutôt à l'ulcère , qu'il ne le guérit.
11 y a d'autres adoucilfans, pris dans
la claife des végétaux , qui font pré-
férables au lait. Ce font les crèmes
de riz , de fagou , la décoction
aqueufe de racine de falep, le petit-
lait, coupé avec la fumeterre , les
bouillons , où l'on fait entrer la ra-
cine de bardane , les tiges de fume-
terre &: autres plantes dépuratives.
On employera le mercure fous la
forme la plus ufitée , fi l'ulcère tient
à une caufe vérohque j mais en gé-
néral il faut s'abftenir des injeétions
aftringentes , qui feroient dégénérer
l'ulcère en cancer. M. Ami.
MATURATIF. Médecine ru-
RALE. C'efi ainfi qu'on appelle les re-
mèdes propres à aider la formation du
pus dans les plaies & les abcès. Ces
topiques favorifent &: opèrent la fup-
putation , en entretenant dans une
douce chaleur , les parties difpofées
à fuppurer , en relâchant les vaif-
feaux , & en calmant les douleurs.
Les maturatifs font de deux ef-
pèces. Les uns font ftimulans , & les
autres adoucilfans. L'application dé
ces derniers convient principalement
fur les parties douloureufes , trop
tendues , rénitentes & enflammées.
Les premiers , au contraire , agif-
fcnt plus efficacement fur les rumeurs
froides qui fuppurent difficilement ,
ou dont la fuppuration eft trop lente.
MAT- MAT 451
Les maturatifs font fimples , ou lement articulées. Cette aflertion
compofcs. Daus la clalFe des fimples, reçoit fa pleine certitude vers la fin
on doit compter la farine de fèves, de l'automne , quand les arbres fe
de lin , d'orge ; les femences de dépouillent de leur ornement. Les
moutarde , de ftaphifaigre , la mie de cicatrices que les feuilles laiflTent en
pain bouilli , la poix de Bourgogne , fe détachant de l'arbre , prouveront
le miel , le laie , ie beurre , & tous à tout obfervateur , que ces parties
les corps gras. font fimplement conciguesj puifque
Dans celle des compofés , on ne leur féparation fe fait fans aéchirure. »
doit point oublier le baume d'arcéus, " Les vailfeaux de communica-
l'onguent de la mère , celui de fti- tion de l'arbre aux feuilles , & les
rax, l'emplâtre de diachilon gommé, fibres qui fe continuent de l'un à
Se de mucilage. M. Ami. l'autre, ne reçoivent plus les fucs né-
celfaires à leur entretien, par la fup-
MATURE. (Fbye^ les mots Pins, preflîon & l'engourdillement que
Sapins , Mélese. ) . caufe dans le mouvement de la fève
la température froide de l'air. L'en-
MATURITE. Etat où font les gorgement par trop d'humidité , le
feuilles 6c les fruits lorfqu'ils font rellerrement des fibres, l'oblitération
mûrs: peu après ils fe détachent de ou raffailfement des pores des feuilles,
l'arbre &: tom.bent. Newton vit tom- ne permettent plus ni abforption, ni
ber , d'elle-même, une poire de l'ar- tranfpiration ; celles-ci deviennent
bre qui la portoit, & cette chute lui des organes inutiles , & abandonnent
fit imaginer fon fameux fyftcme de leur foutien. C'eft ainfi que le àé::i.-
la gravuation. Cet homme immor- cheroit un membre d'un arimal , fi
tel , Se auquel la bonne phyfique on interceptoit totalement le cours
doit fes éiémens , explique bien pour- des fluides qui y abordent, jufq-u'à
quoi ce fruit eft attiré par la terre ; lui donner la mort , ou fi l'on en
mais perfonne encore , avant M. coupoit les ligamens articulaires ».
Amoreux , n'avoir découvert la vraie « Si on tâche d'enkver les feuilles
caufe particulière qui le féparoit de d'un arbre en vigueur , (Se dans le
l'arbre , ainfi que les feuilles , lors temps qu'il eft en fève, quelque pré-
de leur maturité. L'auteur va parler, caution que l'on prenne, on ne fçau-
» Dans l'homme, comme dans les roit y réuflir, fans calTer le pétiole
animaux , la réunion de deux pièces ou la queue des feuilles , ou même
qui peuvent fe féparer au befoin , foit fans caufer une déchirure dans l'é-
qu'elles adhérent étroitement l'une à corce des branches : ces parties fem-
l'autre , foit qu'elles le meuvent l'une blent en effet ne faire qu'un feul tout,
fur l'autre, à l'aide de quelques liens , Si l'arbre devient, au contraire, lan-
conftituent une articulation. D'après guilfant, on les arrachera fans peine :
ce principe inconteftable , je dis que elless'enféparerontfpontanémerjt,oii
les feuilles qui font implantées fur les par lemoindreeffortextéiieur, comme
branches, fur les rameaux, & fur les par une fecoufle, par le vent, par la
tigesdes plantes , fpécialement des pluie, ou lorfque le froid commence
arbres Se des arbuftes , y font réel- ù ralentir la végétation.... Si les
Ll 1 1
4Ti
^I A T
feiulles écoient continues à l'arbre ,
pourquoi celles-là fe fcpareroient-
elles dans une faifon , pour être re-
ncmvellces dans une autre, tandis que
celles-ci font permanences Se peuvent
erre regardées comme une extendon
del'arbre^ ou plutôt comment s'opé-
reroit cette léparation aulîîtoc que
les feuilles devienr.enc des membres
inutiles aux plantes » ?
" Si on examine l'extrémité des
pétioles des feuilles qui fe font na-
turellement détachées de l'arbre, on
les trouve pour l'ordinaire applaris ,
plus ou moins évafés, formant une
efpèce d'empâtement qui s'adapte à
la branche à laquelle elles adhéroieiit
fortement : quelquefois aufll ils font
taillés en bilan, en cœur, en croif-
fant j d'autres, lonc creufés en gout-
tière, iScc. ".
« Des ftipules & plufieurs glandes
accompagnent communément les
bords de cette coupe ou infertion ,
& fournitrent par-là aux feuilles une
attache plus folide contre les tiges
qui les foutiennent. Ceci fe remarque
liir-tout aux feuilles des arbres frui-
tiers qui partent de l'allfelle d'un
bourrelet ou bouton qui leur fer" de
fupport, & qu'elles défendent elles-
mêmes. C'elt dans l'excavation de
l'extrémité des pétioles que l'on ap-
perçoit des glandes , des mamelons,
fouvent entre-mèlés de légères ca-
vités propres à recevoir les petites
éminences de la branche ,- laquelle
a réciproquement quelques glindules
qui s'adaptent aux cavités périolaire?.
On y voit aufli les aboutilfans des
fibres ligneufes , rantôt au nombre
àe trois , plus ou moins , qui fe rami>-
fient enfuite , Si vont déterminer la
forme de la feuille iÎ'n; le nombre de
fes nervures. Ces faifceaux fibreux
MAT
varient fuivant ia forme & la grofTeuc
du pétiole. Les feuilles du marron-
nier d'Inde, celles du noyer, du faux-
acacia, du mûrier, ôcc, offrent avec
évidence cette ftruclure. La défani-
culation eft encore bien plus fenfib'e
lur le conduit dioïque, fut le cotylé-
don oibiculé , &:c. ».
<■' La plupsn des feuilles étant en-
core vertes , & tenant à l'arbre , y
font fi adhérentes , qu'elles paioifTerit
lui être unies par cette efpèce d'ar^
riculacion immobile que les anaro-
mifles appellent harmonie. On n'ap-
perçoic qu'un léger fillon, une fente.
qui en indique fuperticiellement les
limite?. Si, au contraire, l'on exa-
mine les feuilles féparées de l'arbre,
les éminences & les cavités que pré-
fsntent leurs extrémités péciolaires,
& qui correfpondent à celles des ra-
meaux , elles paroilTent conftituet une
articulation à charnière , ou même
une double arthrodie , mais bornée
à raifon du peu d'érendue du mou-
vement & des cavités fuperficielles
qui reçoivent les mamelons glan-
duleux ^>.
« Prefque toutes les feuilles exé-
cutent divers mouvemens : les unes
fuivent le cours du foleil, fe ferment
à l'entrée de la nuit; ce qu'on a îi^~
psWé fommeil des plantes , { voye\ ce
mot ) & s'épanouillent de nouveau à
certaines heures avant, avec ou après
le foleil levé, Sec. Il en eft de même
de plulîeurs fleurs. Outre les raifons
qu'en ont donné les phyficiens , les
articulations n'auroient-elles pas quel-
que part à cet épancuiirement périodi-
que, iSc ne le favoriferoient-elles pas?
11 n'eft pas jufqu'aux corolles ou pétales
des fleurs, qui ne puilTent fe détacher
du calice ou du réceptacle qui les fou-
tieutj ce que l'on remarque fur- tour
* MAT
fnr les rofes & fur les lys , &:c. Les
fleurs fe faneiu & tombent , lorf-
qu'elles ne font plus d'.uicun ufaga
au genre ou au huit nailTlint, qu'elles
ont défendu & nourri d'un fuc plus
délicat Se plus épuré. Lorfque ce petit
truit eft parvenu na point de recevoir
plus abondamment la fève ordinaire j
te que les jardiniers appellent jruic
noue , les fleurs difparoilfent. N'eft il
pas évident que les fquelettes des
rieurs & des calices feroient au moins
periillans, s'ils avoienc fait corps avec
i'enfemble des parties de la tru6Vih-
cation , ce qu'on obferve rarement?
J'en dis autant des pédicules qui fou-
tiennent les fleurs, les calices & les
fruits ; lis font à cet égard compa-
rables aux pétioles des feuilles, c'elt-
à-diie, qu'ils font tous articulés >n
" Je rangerai encore parmi les
pièces articulées des végétaux , les
fruits & les graines qui le détachent
fpontanément dans leur état de ma-
tuiité j quelques caplules s'ouvrent
avec éclat & une forte d'explohon
qui punit la curiolité de ceux qui y
regardent de trop près. Tels fondes
fruits du concombre fauvage , des pom-
mes de merveille, des balfamir.es 3).
«' Les jointures les plus admirables
font celles qui en ont le moins l'ap-
parence ; je veux dire les valvules
des noyaux, ou les os des fruits à
noyaux , comme la pcche , l'abri-
eot , &c. , qui font il intimement
unies , qu'il haut employer la plus
grande force pour les féparer j en-
. core les cafle-t-on plutôt qu'on ne
ks disjoint , tandis que cette forte
eonnexioii cède naturellemenr au gon-
flement de l'amande, & au dévelop-
pement des cotylédons qui féparent
proprement les deux coques' à len-
droit de leur jointure. Quelle qi'^ foie
M AT 45 >
cette force expanlîve , ces coques
s'ouvrent auflî facilement dans la
terre, qu'une coquille d'huître par
la volonté de l'animal. La même
chofe s'obferve, avec quelque ditlé-
rence cependant , dans les gouifes ,
dans les liliques , dans les légumes :
la déhifcence fe fait fans eftbrt ,
lorfqu'elles font au point de la matu-
rité. Je ne finirois point fur cet ar-
ticle , s'il ne me reftoit à parler de
quelques articulations qui lont plus
vifibles dans les tiges de certaines
plantes, foit annuelles, ioir vivaces,
telles que dans la queue de cheval,
dans les graminées, &c. 11 n'y a pas
de doute fur l'articulation des pre-
miers; c'eft une fuite de gompholes
qui repréfente au mieux les dents en-
chalTées dans leurs alvéoles, h'hip-
puris vulgaris eft à-peu-près articulé
de même : on le défarticr.le avec
bruit. Quant aux tiges des graminées
qui font noueufes, on n'a pas fait de
difficulté de les appeller de touc
temps des pramens aiticuUs : les ro»
leaux le prêtent a la même compa-
rai fon •».
« Enfin, j'ai remarcjriéque la belle-
de-nuit ne femble être formée qu'a-
vec des pièces de rapport. Quand,
cette plante eft fur le point de fe
faner , & qu'elle eft fur-rout touchée
des premières gelées , on en fépare ,
avec la plus grande facilité, les feuilles,,
les branches & les tiges ; on divife
même ces dernières en plufieurs piè-
ces, comme on feroit d'une colonne
vertébrale , ou comme des os de nos
mains. Plufieurs plantes gralTes font
dans le même cas : le guy, en fe fé-
chanr , fe fépare auill pièce i pièce;,
fes feuilles, fes fruits, fes branches,,
fe déboîtent comme une machine
qui ne tient que par artifice »>.
454
MAT
« La cliamplure, maladie particu-
lière à la vigne , défarticule un cep
en autancde pièces qu'il y a de nœuds
dans la nouvelle poulie. La vigne-
viere;e ou de Canada , & mille au-
tres plantes qu'il eft inutile de nommer
ici, offrent le même phénomène ".
" En général , les jointures végé-
tales fervent à donner les différens
degrés d'inclinaifon, à opérer les in-
flexions , les cliangemens de direc-
tion néceflaires aux feuilles pour pré-
fenter alternativement l'une ou l'au-
tre de leur face à l'humidité ou à
la chaleur, félon qu'elles ont befoin
de tranfpirer ou de pomper la nour-
riture dans l'air. Il n'eft pas moins
évident que les feuilles devenant un
poids inutile, incommode aux plantes
vivaces que l'hiver engourdit, la na-
ture les en décharge au moyen des
ruprures naturelles qu'occaiionne le
delféche ment des jointures. Les plan tes
herbacées & les annuelles périllent en
entier après leur frudlification ; audî
leurs feuilles ne font pas articulées ».
«' J'obferverai, en dernier lieu, que
les arbres déracinés dans le temps de
la fève, ou ceux qu'un coup de folei!
delféche promptement fur pied, gar-
dent plus long-temps leurs feuilles
fur les branches raorres , parce que
les liens qui les unilloienr, étoient
encore en vigueur lors de la deftruc-
tion de l'arbre. La mort les a fur-
prifes avant le temps ■'.
Il eft donc démontré, par les ob-
fervations de M. Amoreux, que les
feuilles & les fruits tombent lors
de leur maturité , lorfque leurs arti-
culations ne font plus lubréhées par
la fève. Si on coniidère un fruit, la
cerife , par exemple, on diftinguera
aifémenr l'articulation, au moyen de
laquelle fon pédicule tient à la bran-
MAT
che -y mais il en exifte une autre dans
la partie qui rient au fruit : celle-ci
a lieu avec l'écorce du fruit, beau-
coup plus épaille dans cet endroit
que dans le refte, & qui y forme
bourrelet. Tant que le fruit n'eft
fimplement que mûr , on le détache
avec une efpèce de peine de fon pé-
dicule j & dans fa parfaite maturité,
un coup de vent & le plus léger effort
l'enfépare. Jefçais que fouvent la ce-
rife refte fur l'arbre malgré fa parfaite
maturité, & y fèche. Il n'en eft pas
ainlî de la guigne j auffi l'articula-
tion de celle-ci eft-elle un peu diffé-
rente de celle-là. Prefque tous les
fruits préfentent , du plus au moins,
le même phénomène. C'eft par ces
parties mamelonées des articulations ,
que la fève nourrit les feuilles, que
les teuilles épurent la fève du bouton ,
& une double articulation raffine
celle qui doit former le fruit.
Cette loi eft générale pour les fruits
à noyaux, pour les pommes j quel-
ques efpèces de poires fur-tout font
exception. La partie du pédicule qui
tient au fruir , par exemple , dans le
bon chrétien d'hiver , eft un épanouif-
fement de fibres, dont les unes s'im-
plantent avec la peau, les autres s'in-
llnuent dans l'intérieur, & s'uniffent
avec celles qui logenr les graines j de
manière que l'on ne peut féparet ce pé-
dicule dans la maturité du fruit , fans
brifer une partie de l'écorce , & une
partie de cette efpèce de colonne dans
l.iquelle font nichées les femences,
La nature a pourvu au raffinement,
de la fève par le grand nombre de
mamelons qui fe trouvent à l'articu-
lation qui réunit le fruit à la branche;
enfin , le fruit, le légume le plus par-
fair , le plus exquis, celui dont le fuc
eft le plus délicat , eft celui don: la
MAT
fève a pafTé par un plus grand nom-
bre de filières mamelonées aux arti-
culations.
Rien de plus intéreflanr que les
travaux de la maturité. Le huit ,
après avoir noué, a une faveur âpre,
auftère, acide : peu à peu i'âpretc dif-
paroîc, & l'acide domine; il prépare
le développement de la fubftance fu-
crée. A mefureque celle-ci fe forme,
la partie aromatique fe développe ,
de enfin le frui: fe colore fous l'ad-
mirable pinceau de la nature. Le point
le plus lon^-temps expofé au foleil
eft celui qui change le premier : peu
à peu la couleur s'étend , & gagne
tout le fruit de Tarbr; à plein vent;
car celui des efpaliers appliqués con-
tre des murs , refte fouvent verd ,
ou prefque verd du côté expofé à
l'ombre. Dans cet état, c'eftun fruit
forcé , dont la faveur & l'odeur
font toujours médiocres. Le premier
point mûr eft: celui qui pourrit le
premier , fi rien ne dérange l'ordre
de la nature. C'efl: donc par une fer-
mentation intelHne , excitée par la
chaleur & par la lumière du foleil ,
que la fubftance fucrée & aromati-
que fe développe, & que fa pulpe,
& la pellicule qui la recouvre, chan-
gent de couleur.
On connoît la maturité d'un fruit,
lorfque , preffé doucement près de
fon pédicule , il obéit fous le doigt.
La couleur indique ce changement;
mais les fruits d'hiver n'ont en gé-
néral qu'une feule couleur domi-
nante, & par-rout égale, parce qu'ils
n'ont pu ree«voir fur l'arbre leur point
de maturité, & dans le moment de
cette métamorphofe ils ne font pas
colorés par les rayons du foleil. La
maturité développe l'inrenfité do cou-
leur ; mais l'api, par exemple, qui
M A U
455
aura refté fur l'arbre , recouverte par
des feuilles, ne prendra qu'une fimple
couleur jaune dans le fruitier, de ne
fera jamais décorée de ce beau ver-
millon qui flatte fi agréablement la
vue. La lumière feule du foleil donne
le fard aux fruits & aux légumes.
MAUVE. Tournefort la place
dans la quatrième fcélion de la pre-
mière claife des herbes à fleur en
cloi.he , à filets des étamines réunis
par leur bafe. Il l'appelle rnalva vul-
garis , flore majore , folio finuato.
Von Linné la nomme malva flvef-
tris j & la claife dans la monadel-
phie polyandrie.
Fleur. D'une feule pièce en cloche,
évafée, partagée jufqu'en bas en cinq
parties en forme de cœur ; le calice
double : les étamines tiennent le
pillil comme dans une gaîne. '■
Fruit. Plulieurs capfules prefque
rondes, réunies par articulation, lem-
blables à un bouton enveloppé du ca-
lice extérieur de la fleur, renfermant
des graines en forme de rein ; les cap-
fules membraneufes , placées autour
du même axe fur un plant horizon-
tal, les unes à côté des autres.
Feuilles. Arrondies , velues , dé-
coupées par leurs bords en lobes ob-
tus , portées par de longs pétioles
velus.
Racine. Simple , blanche , peu
fibreufe , pivotante.
Port. De la racine s'élèvent piu-
fieurs tiges de trois à quatre pieds de
hauteur dans les provinces du midi,
âc dont la hauteur diminue à mefure
qu'on approche du nord. Elles font
cylindriques , velues , remplies de
moelle. Les feuilles d'en- bas font
moins crénelées que celles du hnutj
les fleurs naillent des aiflelles des
45<î M A U
feuilles au nombre de llx ou de fepr.
Lieu, Les haies, les champs, les
bords des chemins. La plante cft vi-
vace , S< fleurit pendant tout l'ccc.
Propriétés. Cette plante a une fa-
veur hade , mucilagiaeufe , aqueufe,
tin peu gluame. Elle eft émollisnte,
adouciflante , laxative : c'eft une des
quatre premières herbes cmollientes.
JLes fleurs calment la foif , favori-
fent l'expecloration , nourriflent très-
légèrement , rendent le cours des uri-
nes plus facile , diminuent leur âcretc,
& maintiennent le ventre libre. En
lavement , elles font indiquées dans
la rétention des matières fécales ,
dans les coliques par des matières
acres , dans le tenefme & la dylTen-
terie. Les feuilles de mauve , fous
forme de caraplafme , relâchent la
portion des tégumens fur lefîjuels on
les applique, & calment la douleur,
la chaleur & la dureté des tumeurs
.phlegmoneuTes. La racine efl; recom-
mandée dans les efpèces de maladies
43Ù les fleurs font indiquées.
Ufages. Fleurs récentes , depuis
demi-drachme jufqu'à demi-once en
jnfuflon dans fix onces d'eau j fleurs
fèches , depuis huit grains jufqu'à
deux drachmes dans cinq onces d'eau ;
feuilles récentes, broyées dans fuflS-
fante quantité d'eau , jufqu'à conflf-
tance pulpeufe pour cataplafme ^ ra-
cine fcche , depuis deux drachmes
jufqu'à demi-once, en décoction dans
huit onces d'eau.
En général , toutes les mauves , les
althx'a& les lavatères ont les mêmes
propriétés j elles ne dificrent qu'en
raifon d'un peu pins, ou d'un peu
moms de mucilage.
Mauve-Rose ou d'Outremer ou
Détremier. ou Passe- Rosu. Malya
M A U
rofej 3 folio fubiotundo , flore wiriet
C. B P. Alcea rofea. Lin. Elle eft de
la même claiïe que la précédente.
La corolle elt beaucoup plus grande,
ainlî que le fruit qui eft plus applati.
Les feuilles font finueules , en forme
de coeur, anguleufes , très -larges,
couvertes d'un duvet fin Les
tiges s'élèvent depuis quatre jufqu'à
fix pieds , & même plus j elles font
épailles , folides, veUies. Les feuilles
cl; bas font arrondies , & les autres
anguleufes, à cinq ou fix découpures,
crénelées dans leurs bords.
Aucune fleur ne malfe plus agréa-
blement dans un grand parterre , dans
de larges plattes-bandes , à l'entrée
des bofquets , dans les clarières des
bois, où l'on eft agréablement fur-
pris d'en trouver. Les fleurs varienr
dans toutes les couleurs poflibles : ou
fait peu de cas des pieds à fleurs
fimples.
Cette plante n'exige aucun foin
particulier : on la feme au premier
printemps dans de bon terreau , &
dès qu'elle eft affez forte , on la tranf-
plante à demeure. Elle ne fleurie
pas la première année, mais à la
leconde & à la troifième. Plufieurs
auteurs l'ont reçrardée comme une
plante bienne. Toutes celles que j'ai
fous les yeux dans ce moment, font
plantées depuis quatre ans. Si on
veut la conterver , on ne doit pas
attendre pour couper les tiges , que
les graines foient mûres j il faut
abattre les tiges & les couper près de
terre , dès que les fleurs font paflées,
A l'entrée de l'hiver , il convient
d'enfouir au pied une certaine quantité
de fumier, non pour la garantir du
froid qu'elle ne craint pas, mais afin
de renouveller près d'elle la terre
végétale , fortement absorbée par fa
■irande
M A U*
grande vcgéranoii , &: pendant l'ccé,
elle demande à c:ie fouvent arrofée,
fur-tout dans les provinces du midi.
Cette plante eft originaire d'orient.
La Mauve en arbre. Aiths-a ma-
ricima, arborea , vencta. Tourn. La-
vatera arborea. Lin. Mcme claffe
que les précédentes. Elle en diffère
par fon calice extérieur, découpe en
trois pièces , au lieu que celui des
mauves eft compofé de trois feuilles
diftinéles. Ses feuilles font à fept
angles, veloutées <Sc plilfées. La tige
s'élève en arbre j elle eft brancliue ,
ferme, foiide, blanchâtre; elle eft
originaire d'Italie, Se on la cultive
dans nos jardins , non à caufe de la
beauté de fes fleurs , mais par rap-
port à la forme pittorefque de fes
branches. Elle ne fauroit palfer l'hi-
ver en pleine terre dans les pro-
vinces du nord, & elle réufllt très-
bien dans celles du midi. Sa culture
eft la même que celle de la pré-
cédente.
LaMauveouRosedeCayenne.
Kcrtnia Syrorum quibufdam. Toxjrn.
Hibifcus fyriacus. Lin. Tige en ar-
bre, feuilles ovales, en forme de
lance , dentelées fur leurs bords en
manière de fcie. Elle varie quelque-
fois par fes feuilles découpées en
trois lobes j celui du milieu eft le
plus grand.
Von Linné compte vingt - deux
efpèces de mauves. Commencer Ou-
vrage n'eft point un didionnaire de
botanique , il eft inutile d'en parler :
d'ailleurs ell«s ne font d'aucune uti-
lité pour la décoration d'un parterre.
MAYENNE. [Foyei Auber-
gine )
Tome FI,
MED 457
MÉDICAMENT, Médecine
RURALE. On entend par médicament
toute fubftance qui, prife intérieu-
rement , ou appliquée extérieure-
ment , a la propriété de changer les
difpofuions vicieufes des parties, tant
fluides que folides du corps , en
des meilleures. Les médicamens font
fimples , ou compofés : les lunples
font ceux qu'on emploie fans pré-
paration , 'éz tels que la nature les
offre ; les compofés font toujours
faits par différens mélanges.
On les divife aufli en internes ,
externes & moyens. Les premiers fe
prennent intérieurement ; les externes
s'appliquent extérieurement , &z les
moyens font ceux qu'on introduit
dans quelque cavité , pour les faire
fortir bientôt après qu'Us font reçus,
comme les gargarifmes & les clif-
tères. M. de Z.a/?://rtfj célèbre médecin
de Montpellier , nous apprend que la
connoilfance des médicamens eft ou
empirique , ou rationnelle.
« La connoiflance empirique fe
» borne , félon lui, à leur hiftoire ,
« à leur caractère diftinétif, aux pays
)i d'où on les tire , aux cas où on les
» emploie, aux effets qu'ils ont pro-
» duit, à la manière de les donner,
« & à la dofe cà laquelle on les
» prefcrit.
» Les empiriques fe ^ondoIent en-
o core fur l'analogie; & voyant qu'un
» tel remède avoit opéré de bons ef-
« fets dans une maladie , ils em-
» ployoient le même remède dans
» une autre qui lui étoit analogue ".
La connoilfance rationnelle va plus
loin ; & après avoir adopté tout ce
que les empiriques ont découvert
fur les effets des médicamens, elle
tâche d'en connoître la caufe, pour
pouvoir enfuite les employer dans
M m m
458
M É D
les cas où Ton n'en avoir fait aucun
ufage.
C'elt cette route qu'ont pris les
partifans de la nouvelle médecine ;
& tien loin de fe fonder far la ref-
femblance qu'ils appercevoient dans
certaines plantes, & certaines parties
dn corps humain , ôc de dire que
l'hépatique étoit le fpécifique des
maladies du foie, ils ont, au con-
traire , fournis les médicamens à l'a-
nalyfe chymique j mais on peut dire
que cette méthode n'a pas été plus
iatisfaifante que celle des anciens.
Ces analyfes font prefque toujours
fufpeétes : l'aétion du feu ne peut-
elle pas changer & altérer les qualités
des corps qu'on y foumet , & leur en
donner quelquefois monis qu'ils n'en
avoient dans leur état naturel ? Les
fels alkalins qu'on forme avec certains
corps par l'aétion du feu , & qui
n'exiftoient point auparavant dans
ces mêmes corps , font une preuve
très- complète de cette alfertion.
Outre l'analyfe chymique , n'a-t-on
pas mêlé différentes fubftances avec
du fang extravafé ? ne les a-r-on pas
injedtées dans les vailTeaux des ani-
maux vi vans, pour obferver les effets
qu'elles produiroient ? On n'a pas été
plus heureux : cette dernière méthode
eil aullî vicieufe que la première ,
parce que les effets d'un médicament
font bien différens avec le fang qui
circule; parce qu'une même dofe ,
portée immédiatement dans le fang ,
agit bien différemment que quand
elle palfe par les voies de la digeftion.
D'après cela , on doir conclure qu'il
faut fe contenter d'une phar'maco-
logie expérimentale, jufqu'à ce qu'on
en ait découvert une rationnelle qui
nous contente plus que celles qui
ont paru jufqu'à préfent.
M É D
Nous n'entrerons point dans une
difcuflîon plus longue ; nous nous
contenterons de faire obferver que
les médicamens ne peuvent être uti-
les , que lotfqu'ils font indiqués &
adminilbés avec prudence ; que leur
réullite dépend le plus fouvent du
bon régime des malades : s'il elt né-
gligé, les remèdes ne produifent au-
cun bon effet.
On doit préférer les remèdes
fimples aux compofés; les premiers
font toujours moins dangereux ,
& leurs bons effets font toujours
mieux affurés ; ils enttent plus dans
les vues de la nature , &c fécondent
bien mieux fes efforts : mais , mal-
heureufement pour l'humanité , tout
le monde s'érige en médecin \ il
n'eft pas de bonne femme qui n'ait
chez elle un remède univerfel , &
quoique ce remède foit pour l'or-
dinaire mal adminiftré & produife
de mauvais effets, les perfonnes les
plus conftituées en dignité font celles
qui l'accréditent le plus , & lui don-
nent le plus de vogue; mais aufïï,
peu de temps après qu'elles en ont
fait ufage , elles ne tardent pas à s'en
repentir , en devenant les vidimes
de leur croyance ou de leur opiniâ-
treté.
La nature infpire fouvent le goût
des remèdes convenables à la ma-
ladie ; le médecin doit alors fe
piêter au goût & aux défirs des ma-
lades. C'efl d'après ce principe que
Degner permit à une femme hydio-
pique de manger des fèves de ma-
rais, qui la guérirent de fa maladie.
Cet exemple n'eft pas le fcul qu'on
pourroit citer; on en trouveroir une
infinité d'autres avérés par les gens
de l'art les plus expérimentés.
L'ufacre continu des remèdes en
MED
rend les effets fouvenc nuls; on do'ic
donc les varier quand on les prend
comme prcfervatifs , & dans les ma-
ladies chroniques ils doivent être ad-
miniftrés avec ordre, avec précaution
ôc avec prudence; mais le premier
de tous les médicamens, infpiré par
la nature, eft l'eau, & l'on guériroit
beaucoup de maladies par fon feul
ufage , Il les médecins étoient affez
patiens pour attendre les mouvemens
critiques de la nature, Se les malades
pour fupportet leurs maux. M. Ami.
MÉDECINIER. ( roye^ Riccin )
MÉLÈSE ou LARIX. Tournefort
le place dans la troitième feétion de
la dix-neuvième clafle des arbres à
fleurs mâles féparées des fleurs fe-
melles, mais fur le même pied , 6c
dont le fruit eft en cône, & il l'ap-
pelle Larix folio deciduo y conifera.
Von Linné le clalfe dans la mo-
noécie monodelphie, & l'appelle /7i-
nus larix.
Fleur. A chaton , mâles & fe-
melles fur le même pied ; les fleurs
mâles , difpofées en grappes , com-
pofées de plufieurs étamines réunies
à leur bafe en forme de colonne, &c
de plufieurs écailles qui tiennent lieu
de calice & forment un chaton ccail-
leux. Les fleurs femelles compofées
d'un piftil , raflemblces deux à deux
fous des écailles qui forment un
corps ovale , cylindrique, qu'on nom-
me cône.
Fruits. Cônes , moins alon^cs ,
plus petits, plus pointus que ceux du
fapin ; d'un pourpre violet.
Feuilles. Petites, molles, obtufes,
raffemblées en faifceau.
Port. Grand arbre, l'écorce^de la
?>I EL 45 9
tige lilfe , celle des branches rabo-
teufe , prefqu'écailleufe : les branches
divifées , étendues , pliantes , incli=
nées vers la terre, le bois tendre,
réfineux , les feuilles raffemblées par
houppes fur un rubercule de l'écorce;
elles tombent & fe renouvellent cha-
que année, ce qui le diftingue du
cèdre du Liban ( ^^oye^ ce mot ) qui
eft une efpèce de mélèfe , dont les
cônes font très-gros , ronds & obtus :
les cônes du mélèfe font adhérens
aux tiges, & diftribués le long des
branches.
Lieu. Les Alpes , les montagnes
du Dauphiné , &c.
La féconde efpèce eft le mélèfe
noir à'Amériijue _, à petits cônes lâ-
ches , &c à écorce brune.
La troifième , le mélèfe de Sibe'rie y
à feuilles plus longues & à plus gros
cônes.
La quatrième, le mélèfe nain.
La cinquième, le mélèfe à feuilles
aiguës , ou cèdre du Liban , dont il a
été fait mention au mot Cèdre.
Section premiers.
EJl-d pojjlble de multiplier le mélèfe?
11 eft furprenant qu'on n'ait pas
fongé à multiplier en France un ar-
bre fi précieux , & il eft plus fur-
prenant encore, que dans nos envi-
rons j on ne le trouve que dans les
Alpes, chez les Grifons , en Savoye
&i en Dauphiné. A quoi tient donc
cette localité? pourquoi neviendroit-
il pas aulll bien fur les Pyrénées ?
Une vieille tradition dit que le mc-
lèle ne croît que fur les hautes mon-
tagnes , au • dtffus de la rcqion des
fapins , & au - deffous de celle des
M m m 1
4<îo
M É L
ahiès. ( I ) Eft-ce parce que les Py-
rénées font moins élevées que les
Alpes ? eft-ce à caufe de la qualité du
fol ? Tâchons, par des points de fait,
à jeter quelque jour fur ces queftions.
Dans le Briançonnois , moins
élevé que les Alpes 6c que les Py-
rénées , le mtlèfe eft un des arbres
les plus communs. Dans la vallée du
Rhône, & fort peu au-delTus du ni-
veau du lac de Genève, la graine,
entraînée des montagnes fupérieu-
res, foit par les vents, foit par les
eaux, y a germé, & il en eft pro-
venu des mélèfes qui végèrent tout
audî bien que ceux des plus hautes
montagnes. S'il n'y a point de mélèfe
dans les Pyrénées & fur les hautes
montagnes de l'intérieur du royaume,
c'eft parce qu'il n'y a jamais eu de
femences dans le pays , &. que d'au-
rres arbres fe font emparés du fol ;
il n'eft pas douteux que fi un feul
grain y eût frudifié , le haut des Py-
rénées en feroit couvert aujourd'hui.
Admettons pour un inllant que le
fommet de ces montagnes feroit au-
delTus de la région des fapins; mais
au-delTous de cetterégion les Pyrénées
font couvertes par de fertiles pâtura-
ges, qui ccnviendroient aux mélèles
autant que les Alpes. Il y a dans les
plus hautes Alpes des pays entiers où
l'on ne le connoît pas, & où cepen-
dant la nature eftabfolument fa même
que dans celle où l'on en voit de
grandes forets. Le pays le plus fertile
en Suille eft le Valais , vallée très-
étroite , où coule le Rhône depuis fa
M É L
fource jufqu'au gouvernement d'Ai-
gle, & de-là jufqu'au lac de Genève.
Cette vallée eft au nord, féparée du
canton de Berne , & au fud , de l'Italie ,
par deux chaînes de montagnes qui
font les plus hauts glaciers de l'Eu-
rope. La patrie du mélèfe eft fur ces
deux chaînes de montagnes du côté
de l'Italie; on les retrouve au revers
de cette chaîne au pied des glaciers
de Chamonix, & plus loin dans toute
la Savoye Se dans tout le haut Dau-
phiné. Du côté de Berne on en voit
fur la même montagne, au revers &
au-delTus des fapins; mais plus loin ,
à Grindelvald , à Lautterbruum , Se
au - delà jufqu'à Lucerne , le nom
même eft inconnu; cependant c'eft la
même expofition, le même fol, Sec,
les femences n'y ont dcMic pas été
tranfportées ?
Il eft très-vrai en général que les
mélèfes habitent la région fupérieure
à celle des fapins, mais on ne doit
pas en conclure, ainfi que je l'ai déjà
dit, qu'ils ne peuvent pas en habiter
d'autres; voici la preuve du contraire.
Dans le Valais & fur la côte au-
delfus des vignes , qui, dans ce pays,
font la culture des côtes balfes , oa
voit de grandes forêts qui ne font
pas à une hauteur exceftîve; elles fonc
mêlées de mélèfes & 6' tpicia , ( i )
de fapins Voilà donc le niélèfe déjà
defcendu d'un étatre.
A Bex , dans le gouvernement de
l'Aigle, pays bas, à la ttte du lac
de Genève, on voit des mélèfes crîrs
fpontanément fur une colline, voiCne
( i) C'eft le pinus c'imhn. Lin.
(i) Nous nommoiT; en France vrai fapin celui qu'en Suifle on appelle /apin blanc,
ftnus picea, LiN. & celui qu'en Fr.ince on appelle epicia ,. eft conna eu SuiiTe fous le
eojïi èe fapiti rouge , pinus alfits. Lin.
M É L
d'une châtaigneraie , de M. Veillon ,
à qui elle appartient , encouragé par
le fuccè's , a femé de la graine dans
fa châtaigneraie , & elle y réulht à
tel point que, dans quelques années,
il faudra détruire les châtaigniers pour
conferver les mclèfes. Lorfqu'on abat
les forêts d epicia & de mélèfe,i[ ne
recroît d'abord que des épicia, &
quand on fait enfuite une coupe de cet
arbre, il croît des mélèfes. Le mélèfe
refte longtemps à poulfer j ce n'eft
que lorfque fes racines fe font for-
tifiées en terre, lorfqu'on lui donne
de l'air , que, femblable au chêne,
il s'empare de tout le terrein, & dé-
truit tous les arbres qui l'avoifinenr.
Il faut convenir cependant que les
mélèfes des pays bas font moins hauts,
moins élancés que ceux des hautes
montagnes ; mais en revanche la qua-
lité de leur bois eft non - feulement
égale, mais encore fupérieure.
Dans la vallée de Chamonix, qui
eft à la vérité un pays beaucoup plus
élevé que le dernier , on voit des bois
entièrement de mélèfe j cela eft con-
forme à la règle générale: mais dans
la vallée, même au pied de la fource
de l'Alveron , on traverfe un bois de
mélèfe & d'épicia, & ceci eft encore
une exception à la prétendue règle
générale , fuivant laquelle la région
des mélèfes devroit être au-deflus de
celle des fapins. Dans le Chamonix
comme dans|le Valais, les graines des
mélèfes des montagnes font portées
dans les vallées, & y produifent des
arbres. Enfin fur les bords de l'Arve
on trouve cet arbre mêlé avec les
aulnes 6c autres bais foreftiers , preuve
inconteftableque le terrein fcc ik fort
élevé n'eft pas eiï'entiel à la végéta-
lion du tîiélèfe.
Pour qu'un arbre fe rende maîtne
M E L 4(îi
d'un pays , & qu'il y faffe une forêt , il
ne (uftît pas que le tetrein & le cli-
mat lui fuient favorables, il faut qu'ils
ne conviennent pas à d'autres arbres
ou à d'autres plantes qui excluent ce-
lui-ci j c'eft ce que l'on voit chaque
jour dans une bruyère ou une lande
que l'on défriche, le chêne y vient
bien après le défrichement; par le
moyen de la culture, ce terrein con-
vient au chêne, puifqu'il y réuilit,
mais il convenoit encore mieux à la
bruyère , &c. : voilà pourquoi il a
fallu la détruire, & l'empêcher de
recroître pour que le chêne put y
profpérer.
Dans létat de pure nature, route
la Suilfe, la Savoye, le Briançonnois
étoient une forêt; au-deftus de la
région des fapins éroit celle des hê-
tres, des châtaigniers, des chênes ,
enfin des broullailles , &; dans les
vallées étoit celle des arbres aqua-
tiques, des rofeaux, &c. : il n'eft donc
pas furprenant que dans ces fourrés
le mélèfe ne pût pas fe faire jour,
év' c'eft la raifon pour laquelle il eft
refté depuis tant & tant de fiècles au
haut des montagnes, oi^i il n'a pas
trouvé les mêmes antagoniftes que
dans les parties inférieures. Ce n'eft
donc que depuis que la Suifle eft
défrichée , que les graines empor-
tées par les vents, &c., font tombées
dans un terrein où elles ont eu alTez
d'air & allez d'efpace pour prof-
pérer; mais il faut peut-être bien
des fiècles pour qu'un arbre fe na-
turalife de lui-même dans un nou-
veau pays. ...au furplusjceux qui on
défriché les balfes montagnes & les
vallées, fe font toujours oppofés juf-
qu'à préfent à la croilTance du mélèfe.
Les vignerons du Valais les ont sir-
remenc arrachés avec les maii.vaif<i9.
4^i
M É L
herbes qui miifenc à leurs vignes ,
& ceux qui ont des châtaigneraies
ou des vergers , après avoir décruic
aulîî les mauvaifes herbes pendant la
jeunefTe de leurs arbres , ont fait de-
puis de ces vergers un pâturage où les
vaches font continuellement, (Se les
animaux détruifent le jeune plant en
le piétinant.
Il eft donc bien prouvé , & ce
point eft important, que les mélèfes
végètent très -bien dans des régions
au-dellousde celles des fapins, qu'ils
croilfent à-peu-près dans toutes fortes
de fonds j mais il s'agit de prouver
encore par des faits, que le fuccès
couronne fa culture.
Dans un bailliage du pays de Vaud ,
pays très -éloigné des mélèfes, M.
Engel a fait planrer, il y a quelques
années , un fort grand terrein en
mélèfes, par ordre & pour le compte
de la république de Berne, Se cette
opérarion a fingulièrement bien réullî.
A Bafle, dans le jardin du Marg-
Grave de Baden-Dourlat, on en voit
de fort beaux , également plantés à
main d'homme.
Enfin M. Duhamel , fi connu par
fon zèle patriotique , & fi digne des
regrets de tous les bons citoyens, a
été le premier françois qui ait cul-
tivé le mélèfe ; non-feulement cet
arbre a réufli dans la terre de Vrigny,
mais il s'y reproduit aujourd'hui de
lui-même par fa propre graine. Il n'eft
pas douteux que les bois de Vrigny ,
limitrophes de la forêt d'Orléans, ne
peuplent peu-à-peu cette dernière, fi
le bétail ne piétine pas les jeunes
pieds. Se lion refpefte le jeune plant
lorfque l'on coupera les raillis. Enfin
on a commencé à s'occuper de la
culture du mélèfe dans la haute Al-
facej il ne refte donc plus de doute
M E L
fur la poflibilité de cultiver cet arbre
dans les autres parties montueufes du
royaume, & mêmes dans les plaines
des provinces tempérées.
E C T I o N
I I.
Quelle eji la manière de multiplier
le mélèfe?
Je n'ai jamais été dans le cas de
cultiver le mélèfe j je vais emprun-
ter cet article de M. le Baron de
Tfchoudi.
Quoique les cônes du mélèfe , at-
tachés à l'arbre, ouvrent d'eux-mêmes
leurs écailles vers la fin de mars par
l'adion réitérée des rayons du foleil,
cependant je n'ai pu parvenir, dit
l'Auteur , à les faire ouvrir dans un
four médiocrement échauffé ; on eft
contraint de lever les écailles les imes
après les autres avec la lame d'un cou-
teau, pour en tirer la graine , à moins
que , déjà pourvu de mélèfes fertiles,
on n'attende, pour la femer, le mo-
ment où elle eft près de s'échapper
de fes entraves, moment qui, indique
par la nature , doit être fans doute le
plus propre à leur prompre Se sûre
germination. Il eftplufieurs méthodes
de faire ces femis de mélèfes , qui
font adaptées au but qu'on fe pro-
pofe . .. Ne voulez-vous élever de
ces arbres qu'en petit nombre , & dans
la vue feulement d'en garnir des bof-
quets, d'en former des allées? femez
dans de petites cailfes de fept pouces
de profondeur, remplilfez ces cailTes
de bonne rerre fraîche & onûueufe,
mêlée de fable Se de terreau; unifiez
bien la fuperficie , répandez enfuite
des grains affez épais, couvrez -les
de moins d'un demi-poure de fable
fin , mêlé de terreau tamifé , de bois
pourri & devenu terre j ferrez enfuite
M E L
avec une planchette unie , enterrez
ces caiires dans une couche de fu-
miec récent , arrofez de temps à
autre avec un goupillon , ombragez-
les de paillalfons pendant la chaleur
du jour, diminuez graduellement cet
ombrage vers \z fin de juillet , Se le
fuccès de vos graines fera très -cer-
tain. Si vous voulez multiplier cet
arbre en plus grande quantité, femez
avec les mêmes attentions & dans
de longues cailTes , enterrées au levant
ou au nord , ou fous l'ombre de quel-
ques hauts arbres, ou bien en pleine
terre dans des lieux frais fans être
humides , ayant toujours loin de
procurer un ombrage artihciel lorf-
que des feuillées voilînes n'y fupplé-
ront pas.
L'ombre eft plus elTentielle encore
aux jeunes mélèfes, qu'aux fapins &
aux pins , quoique dans la fuite ils
s'en pairent plus aifément que ceux-ci.
Le troifième printemps , un jour
doux, nébuleux ou pluvieux du com-
inencement d'avril, vous tirerez ces
petits arbres du femis , ayant atten-
tion de garder leurs racines entières
& intaétes, & de les planter dans
une planche de terre commune «Se
bien façonnée, à un pied les uns des
autres en tout fens 5 vous en formerez
trois rangées de fuite, que vous cou-
vrirez de cerceaux, fur lefquelsvous
placerez de la fane de pois 5 vous
ajufterez en plantant , contre la ra-
cine de chacun , un peu de la terre
du femis, vous ferrerez doucement
avec le pouce autour du pied , après
la plantation , & y appliquerez un
peu de mouffe ou de menue litière ,
&: vous arroferez de temps à autre
jufqu'à parfaite reprife. Deux ans
après vos mélèfes auront de deux à
trois pieds de hauteur j c'eft l'inftaiu
M É L
4<Î3
de les planter à demeure , plus forts
ils ne reprendroient pas fi bien , &
ne végcteroient pas , à beaucoup près ,
fi vite. Vous les enlèverez en motte,
6c les placerez là où vous voudrez les
fixer, ayant foin de mettre de menue
litière autour de leurs pieds. Vous
pouvez en garnir des bofquets , en for-
mer des allées ou en planter des bois
entiers fur des coteaux , au bas des
vallons, & même dans des lieux in-
cultes & arides, où peu d'autres arbres
réufliroient aulîi bien que celui ci. La
diftance convenable à mettre entr'eux
eft de douze ou quinze pieds , mais
pour les défendre contre les vents
qui les fatiguent beaucoup & les
font plier jufqu'à terre, vous pouvez
les planter d abord à fix pieds les uns
des autres, fauf à en ôter, de deux
en deux, un dans la fuite, ce qui
vous procurera une coupe de très-
belles perches. La même raifon doit
engager à planter les bois de mélèfe,
tant qu'on pourra, dans les endroits
les plus bas <5c les plus abrités contie
la furie des vents. On fent bien que,
dans les bofquets & les allées , il
faudra foutenir les mélèfes avec des
tuteurs pendant bien des années.
Ce feroit en vain qu'on tenteroit
de grand femis de mélèle , à de-
meure , par les méthodes ordinaires j
la ténacité des terres empècheroit la
graine de lever ; les foibles plantu-
lesqui pourroient paroître , feroient
enfuite étouffées par les mauvaifes
herbes , ou dévorées par les rayons
du foleil. Nous ne connoiflons que
deux moyens praticables. Plantez des
hayes de faule-marfaut , à quatre
pieds les unes des autres, &: dirigées
de manière à parer le midi «?c le cou-
chant : tenez conftamment entt'elles
la terre nette d'herbes. Lorfque les
4^4
M É L
haies auront fix pieds de haut,creii-
fez une rigole au milieu de leur in-
tervalle, que vous remplirez de bonne
terre légère , mêlée de fable hn.
Semez par-dclFus , ct recouvrez les
graines d'un demi- pouce de terre,
encore plus légère , mêlée de ter-
reau. Si l'été eft un peu humide , ce
femis lèvera à merveille , & vous vous
bornerez à le nétoyer avec foin des
mauvaifes herbes. Vous ôterez fuc-
ceilivement , les années fuivantes ,
les petits arbres furabondans. Lorf-
qu'ils pourront fe palTer d'ombre ,
vous arracherez les marfauts. Le
produit de leur coupe payera vos
trais , & voiK aurez un bois de mé-
lèfe.
^utre méthode. C'eft toujours l'au-
teur qui parle. Je fuppofe des landes,
des brouilailles , un terrein en herbe,
ou une côte rafe, il n'importe. Vous
aurez des caifTes de bois , ou des
panniers d'oiier brun , fans fond ,
d'un pied en quarré , vous les plante-
rez à quatre pieds , en tout fens ,
les uns des autres j vous les rem-
plirez d'un mélange de terre conve-
nable , & y femerez une bonne pin-
cée de graine de mélèfe. Il vous fera
facile d'ombrager les panniers avec
deux cerceaux croifés , fur lefquels
vous mettrez des rofeaux , ou telle
3utre couverture légère qui fera le
plus à votre portée. Par les temps
focs , il fera polfible , dans le voi-
finage des eaux , d'arrofer ces pan-
niers, autour defquels vous tiendrez,
ijec d'herbes , un cercle d'un pied de
rayon , à prendre des bords ; vous
en uferez dans la fuite comme il a
<ité ditdans la méthode première.
Lesmélèfes qui viendroijt en bois,
étant d'abord lotr rapprochés les uns
èç$ autres , u'aliront pas du tout be-
M E L
foin d être étnyés ; la privatian du
courant d'air fera périr, dans la fuite,
leurs branches latérales. A l'égard de
ceux plantés à de grandes diftances ,
voici comment il faudra s'y prendre
pour former un tronc nud. Vous les
lallferez durant trois à quatre an-
nées après la plantation, fe livrer a
tout le luxe de la croilfance j les bran-
ches latérales inférieures, en arrêtant
la fève veis le pied , le fortifieront
llngulièremenr j enfuite , au mois
d'oétobre , tandis que la fève rallen-^
tie, ne laillera exuder de thérében-
thine que ce qu'il en faudra pour ga-
rantir les blelîures de l'aélion de la
gelée , vous couperez , près de l'é-
corce , l'étage des branches les plus
inférieures , & vous vous contente-
rez , à l'égard de celui qui eft immé-
diatement au-deflus , de le retrancher
jufqu'à quatre ou cinq pouces du corps
de l'arbre. Ces chicots végéteront
foiblemenr, tandis que les plaies d'en-
bas fe refermeront; l'automne fui-
vant vous les couperez près de l'é-
corce , & formerez de nouveaux chi-
cots au-deflus; vous continuerez ainfi ,
d'année en année , jufqu'à ce que vo-
tre arbre ait (ix pieds de tige nue,
alors vous la lailferez trois ou quatre
ans dans cette proportion. Ce temps
révolu , vous pouvez continuer d'é-
laguer jufqu'à ce que votre arbre ait
la figure que vous voulez lui donner.
Nous avons multiplié , continue
l'auteur , les mélèfes par les marcottes ,
parriculièrement le mélèfe noir d'.A.-
mérique. Nous avons couché des bran-
ches en Juillet , en faifint une coche
à la partie inférieure de la courbure;
ces marcottes , bien foignées , fe font
trouvées très-enracinées à la troifième
automne. Un de mes voilîns a planté,
ce printemps , des cônes de mélèfe ,
M É L
que des branches percent par leur
axe , les branches ont poulfé , de
ctoient alFez vigoureufes b dernière
fois que je les ai vues.
Enrin , les efpèces rares fe greffent
en approche (/''oye^ le mot Greffer)
fur le mélèfe commun. J'ai deux
mélèfes noirs d'Amérique , que j'ai
greffés de cette manière , & qui font
d'une vigueur & d'une beauté éton-
nantes; ils font une fois plus gros &
plus hauts que les individus de cette
efpèce, qui vivent fur leurs propres
racines. Les plus petites efpèces doi-
vent fe greffer fur le mélèfe noir. Je
lie doute pas que les pins Se les fapins
ne puilFent fe multiplier aufli par
cette voie, en faifant un choix con-
venable des efpèces les plus difpofées
à contradler entr'elles cette alliance.
Les mélèfes fe taillent très-bien :
on en forme, fous le cifeau, des py-
ramides fuperbes , & il feroit aifé ,
( fi la mode n'en étoit palTée , ) de leur
donner , comme aux ifs , toutes les
figures qu'on voudroit imaginer. On
en forme des palilfades qu'on peur
élever auili haut que l'on veut. Plan-
tez des mélèfes de trois à quatre pieds
de haut, & à quatre ou cinq pieds de
diftance chacun ; taillez-les fur leurs
deux faces , de bas en haut , bientôt
ils fe joindront par leurs branches
latérales , & formeront une tenture
verte, des plus riches &: des plus agréa-
bles à la vue. Si vous voulez jouir
plus vite , plantez-les plus jeunes ,
à un pied & demi de diftance : il ne
faut les tailler qu'une fois , & choifir
le mois d'odobre , temps où la fève
rabattue , ne fe perd plus par les cou-
pures. Les mélèfes feroient trèî-pro-
pres à couvrir des cabinets &c des ton-
nelles. La terre que ces arbres fem-
blent préférer , quoiqu'ils n'en rebu-
Tome FI.
M É L 4^5
tent aucune j eft une terre douce &
onâiueufe , couleur de noifette , ou
rouge. Tel eft le réfumé des expé-
riences faites en Alface , par M. le
baron de Tfchoudi , qui nous a donné
une excellente traduction de l'ou-
vrage de Miller, intitulé : des Arbres
réjineux. M. Duhamel , dans fon
traité des arbres , dit : fi la forêt eft
expofée au nord , & en bon terrein ,
les mélèfes, qui n'ont que trois pieds
de circonférence par le bas , s'élèvent
d'un à quatre-vingt pieds de hauteur,
après quoi ils grolliifent , & ne s'é-
lèvent plus. Cependant , dans le
Valais on en voit de très-beaux du
côté du midi , & qui confirment ce
que j'ai avancé dans la ptemière fec-
tion.
Section III.
§. \.De l' utilité du Mélcfe , confidcré
comme bois de conjlruclion.
De l'aveu de tous ceux qui con-
noilfent cet arbre , c'eft le meilleur
de tous les bois , foit pour les ou-
vrages de charpente , foit pour ceux
de menuiferie. Sa force égale au moins
celle du chêne, & on ne connoît pas
les bornes de fa durée. Il réfifte à
l'air , & durcit dans l'eau. On lit dans
les Mémoires de la Société - Econo-
mique de Berne , que Witfen , au-
teur Hollandois , alTure que l'on a
trouvé autrefois un vailTeau Numide
dans la Méditerranée, & qu'il étoit
conftruit de bois de mélèfe & de
cyprès ; mais qu'il étoit fi dur , qu'il
réfiftoitau fer le plus tranchant. D'au-
tres alfurent , qu'une pièce de ce bois ,
plongée pendant fix mois dans l'égoût
de fumier , & enfuite dans l'eau ,
devient dur comme de la pierre &
N n n
^66
M É L
du fer, & eft iiiacceffible à la corrup-
tion. On commence fi bien à recon-
noitre la valeur du mélèfe en Suilfe ,
qu'il y eft fort: recherché & payé très-
chèrement. Chez, les Grifons , on en
fait des bardeaux qui durent des gé-
nérations entières , & des tonneaux
qu'on peut appeller éternels , & où
le fpiritueux du vin ne s'évapore
prefque pas.
Dans le territoire de Bex , au gou-
vernement de l'Aigle , on voit aujour-
d'hui un bâtiment conftruit avec le
bois de mélèfe , qui , à préfent eft
une écurie , expofée à toutes les in-
jures de l'air ; cependant elle a été
bâne en 1 5 5 (î , ainfi que le porte la
date gravée fur ce bois.
Dans le haut-Diuphiné , la Savoye ,
le pays de Vaux , on bâtit des maifons
avec des pièces de ce bois, de l'cpaif-
feur d'un pied , pofées horizontale-
ment les unes fur les autres. Il n'eft
pas néceiîaire de recourir à un en-
duit pour les jointer les unes aux
autres , il fe forme naturellement ,
pat la chaleur du foleil , qui fait fortir
la téfme de l'arbre , & cette réfine
bouche tous les vides. Sur les coins
de chaque face , on fait des entailles
à mi-bois , afin de mieux lier les
pièces les unes aux autres; les interfti-
ces & les trous faits pour placer les
chevilles , ne tatdent pas à être remplis
de ce maftic , qui rend tout l'édifice
impénétrable à l'eau ou à l'air. Enfin,
le bâtiment eft entièrement verniflTe
par la réfine. Dans le prmcipe , le
bois eft blanc; mais après quelques
années , le vernis qui le recouvre de-
vient noir comme du charbon.
Dans le Chamonix, on en fait des
lattes ou anfelles , dont on couvre les
maifons, & elles font incorruptibles.
Dans le Briançonnois , tous les
M Ê L
gens de l'art conviennent que la du-
rée de la charpente , faite en mé-
lèfe , eft du double de durée de celle
du meilleur chêne.
Les conduites fouterraines des eaux,
par des mélèfes forés , font encore ,
de l'aveu de rout le monde , incor-
ruptibles. Ainfi donc , dans les dif-
fcrens pays à mélèfe, les opinions
fe réunifient à attefter, que c'eft l'ar-
bre d'Europe dont la durée eft la
plus confidérable , &: que dans beau-
coup de circonftances ce bois eftîn-
corrupcible. Voilà , pour les ufages
fimplement économiques. Voyons
actuellement quels avantages la ma-
rine pourroit en retirer.
On fait avec le mélèfe des mâts
pour naviguer fur le lac de Genève;
ils y durent environ cinquanre ans ,
& prefque tous les bois de bordage
de ces barques font de ce bois, &
durent le double du chêne.
L'expérience a encore prouvé dans
le Valais , que le mélèfe , venu dans
la plaine , au pied des montagnes ,
vaut mieux pour l'ufage , que celui
des hauteurs ; & c'eft précifément le
contraire pour le fapin.
Pierre Serre , maître mâteut , da
dépattement de Rochefort , fut en-
voyé , il y a quelques années , dans
le pays de Vaux, &c autres adjacens,
où il féjourna pendant plufieurs mois,
pour examiner fi on pouvoir y trou-
ver des bois propres à la mâture. Il
y vit en effet. Se en quantité , de
très-belles pièces de fapin ; mais après
les avoir bien vérifiées , il trouva que
ce fapin ne valoit pas mieux que celui
des Pyrennées que la marine réprouve,
parce qu'il n'a pas la pefanteur fpé-
cihque des mars qu'on tire du nord.
Quant au mélèfe , il s'alTura qu'il
avoir plus de pefanteur fpécifique ,
M E L
& plus de dureté que les bois mêmes
du nord ( i ). Mais il craignit d'abord,
que ce grand poids nerendîc les vaif-
feaux fujets à chavirer, ou au moins
ne les courmentâr. Il a été raiTuré fur
cette crainte , par les indruftions qui
lui furent enfuite envoyées de France ,
portant , que puifque le bois écoic plus
dur, on pourroir faire des mâts moins
gros, & auin forts, ce qui ne feroit
que la même pefanteur abfolue . . .
On voit à Chamonix des mélèfes qui
ont jufqu'à feize pieds & demi de
circonférence par le bas j mais pour en
faire ufage dans la marine , il faut
auparavant en enlever l'écorce , qui
eft trèsépaifFe , ainfi que V aubier ,
ou faux bois ( /''o)^^ ce mot ) , ce qui
diminue de beaucoup le diamètre de
l'arbre. Ne pourroit-on pas , un an
ou deux avant d'abattre un de ces
beaux arbres , fuivre l'opération dé-
crite au mot Aubier ; la totalité de
l'arbre feroit plus dure, & on auroit
moins à perdre fur fa circonférence.
J'invite ceux qui font fur les lieux
à faire cette expérience.
D'après ce qui vient d'être dit , il
me paroît démontré que la multipli-
cation de cet arbre intérelfe hnguliè-
rement l'adminiftration. Mais, com-
ment penfer aujourd'hui à un bcné-
h;e réel qu'on ne retirera que dans
cent-cinquante ans? L'exemple donné
par l'immortel Sully , qui fit planter
en ormeaux les bords des grandes
routes du royaume , afin d'avoir les
bois nécelfaires à l'artillerie, n'ell pas
oublié : on voit encore aujourd'hui
quelques-uns de ces arbres refpedables
à la porte des églifes de campagne ,
M É L
4(^7
qui ont bravé les injures du temps ,
& qui atteftent la fage prévoyance
de ce miniftre : on les appelle les
llofrij; ôc dans la fuite on donneroit
aux mélèfes le nom du miniftre qui
en auroit encouragé la culture. Je ne
doute pas un inftant que cet arbre ne
réulHt très-bien fur les Pyrennécs , fur
les hautes montagnes du Languedoc,
de la Provence, de la Franche-Comté,
de la Bourgogne, du Forêt, de l'Au-
vergne , du Limofm , du Périgord ,
&c. Une fois acclimatés fur ces hau-
teurs , ils gasneroient infenfiblement
les régions propres aux hêtres , aux
châtaigniers. Si de proche en proche,
les vallées.
Les pays d'état font ceux qui peu-
vent s'occuper le plus ftuétueufcment
de ces améliorations partielles. Je
fuis bien éloigné de penfer que l'ad-
miniftration générale ne veuille ou
nepuilTe pas le faire ; mais il lui man-
que réellement des hommes enten-
dus , & zélés pour ces objets de dé-
tails. Il fe préfentera cent perfonnes,
pour une , qui demanderont .à être
chargées de l'entreprife , dans la vue
d'y gagner gros 5 & l'homme de mé-
rite, qui ne fera , ni intriguant, ni
foUiciteur , ne fera pas celui à qui
elle fera confiée , uniquement parce
qu'il n'aura pas été connu. Ce n'elb
pas la faute de l'adminiftration géné-
rale , lorfqu'une entreprife de cette
nature coûte très-cher & manque ,
c'eft toujours celle des employés.
Voilà pourquoi je dis que les pays
d'étar , ou les adminiftrations pro-
vinciales , doivent être chargées de
ces détails. Chaque adminiftrateur
( I ) Le pied ctîbe de celui du Valai<; pcfc cirouantc liv. poids ^înarc, ce qui excède d'un
cinquième la péfaiiteiir du bois pour mâture , envoyé de Riga.
N n n 2
4^8
M É L
eft fur les lieux ; il eft animé du
bien public , il y veille comme far
fon propre bien , & fon amour propre
eft flatcé lorfqu il réuirit. Dans ces pro-
vinces, MM. les évcques onr iion-
feulemenr l'adminifcranon fpirituellcj
mais encore beaucoup de part dans
J'adminiftration civile. Chacun fçai:
jufqu'à quel point s'étendent leurs
bienfaits & leur patriotifme j il fuffit
de leur montrer le bien , pour qu'ils
fa furent au'lïtôt les moyens de le faire.
J'oferois donc leur dire, & les prier,
pour le bonheur de leurs diocéfains ,
de faite venir de Suilfe de la graine
de mélèfe , de la diftribuer à MM;
les curés , habitans les montagnes ,
ôc de leur promettre une récompenfe
de la part des états , lorfqu'ils feront
patvenus à multiplier un certain nom-
bre de pieds , foit chez eux , foit
patmi les habitans de leurs commu-
nautés. Outte MM. les curés , il
convient encore de faire diftribuer de
la graine aux particuliers zélés qui
en demanderont. Les femis & la
culture de ces arbres ( lorfqu'une fois
on a la graine ) , exigent dans le com-
mencement plus de petits foins que
de dépenfe , & avec une once de
oraine on peut faire une belle plan-
ration. Puille le vœu que je rais , être
réalifé.
Pline, & plufieurs auteurs anciens,
ont avancé que le bois du mélcfe étoit
inaltérable au feu. Ou ces auteurs n'ont
pas connu cet arbre , ou ils ont voulu
parler de quelqu'autre. Comment un
arbre fi réfineux réfifteroit-il au feu ?
Section IV.
De la manière de retirer fa réjlne
& fa manne.
Dans les pays à mélèfe , on ignore
en certains endroits l'art de tirer la
M É L
refine ; & dans d'autres , on ne fe
doute pas que cet arbre produife du
la manne ; enfin , dans certains can-
tons on retire l'une & l'autre. Dans
le Briançonnois , on fait , avec la
hache, &: au pied de ces arbres, une
entaille de quelques pouces de pro-
fondeur. Par cette ouverture la réfine
coule dans Ans baquets placés au-def-
fous. Dans la vallée de Chamonix ,
ce n'eft ni avec la hache , ni avec
la ferpe , qu'on incife l'arbre; mais
on le perce avec une tanière , juf-
qu'à la profondeur de huit pouces,
& même davantage , «Se on la reçoit
dans un baquet fait avec l'écorce da
mélèfe. On petife dans ce pays, que
la profondeur de ce trou eft eiren-
tielle , parce que fi on n'attaque que
l'écorce , la réfine qui en découle a
très-peu de qualité , & que la bonne
doit fe tirer du cœur même de l'ar-
bre. Si l'arbre eft vigoureux , on le
perce en plufieurs endroits ditrérens ,
& à la même hauteur : l'expofition
du midi eft préférée , ainfi que les
nœuds des anciennes branches cou-
pées. Lorfque ces gouttières ne don-
nent plus , on pratique de nouveaux
trous en-dellus , & ainfi de fuite en
remontant. Cette opération dure
communément depuis la fin de x\\\\.
jufqu'en feptembre, &: jufqu'au com-
mencement d'odobre, fuivant la fai-
fon. Les trous qui cefTent de couler
font bouchés avec des chevilles pen-
dant une quinzaine de jours, «Se font
rouverts enfuite pour donner iftiie à
de nouvelle réfine. On compte qu'un
mélèfe , dans un fol qui lui con-
vient , peut , pendant quarante à
cinquante ans , fournir chaque an-
née , fept à huit livres de réfine ,
connue dans le commerce fous la
dénomination de térébenchine , ou de
M E L
térébenthine de Venife. Si cette tliéré-
bentine eft mêlée de quelques im-
puretés , on la paiïe à travers un ta-
mis de crin.
On faic très bien de tirer la t'ic-
rcbentine dans les pays où les nicièfes
font très-multipliés , & où l'on ne
peiic pas fe procuier lui bon débit de
cet arbre \ car il tft certain que cette
opération l'énervé , & qu'il n'a plus en-
fuite d'autre valeur que celle de fervir
au chauffage , ou à faire du charbon.
Les anciens auteurs qui ont écrie
fur l'hiftoire naturelle du D.iiiphiné ,
& fur-coutfur fes prétenduesyc/^f mer-
veilles , n'ont jamais oublié d'ad-
mettre comme une des premières ,
la manne de Brïancon . . . manna
laricca , ou manne des mclèfes. Elle
n'eft pas plus particulière à ceux de ce
pays qu'à ceux de tous les autres. Ces
auteurs n'ont pas manqué de la com-
parer encore à la manne des Hébreux
dans le défert , qui devoir être re-
cueillie avant le lever du foleil. Il
eft clair que fi les Hébreux n'avoient
pas eu d'autre nourriture , ils au-
roien: été perpétuellement purgés y
puifque celle des mélèfes a la même
propriété que celle du frêne.
Les vieux arbres n'en donnent
point fur leurs tiges , mais fimple-
nient fur les jeunes branches \ les
jeunes arbres en font quelquefois tous
blancs. Les vents froids s'oppofent à
fa formation au printemps & pen-
dant l'été, & elle n'eft jamais plus
abondante que lorfqu'il y a beaucoup
de rofée. Cette manne eft une efpèce
de crème fouettée, par petits grains
blancs & gluans, d'un goût fade &
fucré; dès que le foleil eft levé elle
difparoît de deffus l'arbre. Jufqu'à ce
jous cette manne a été peu employée
en médecine.
M E L 4(^5;
Section V'.
De Vutilhé de la térébenthine dans
Us arcs & en médecine.
En ajoutant de l'eau à la téré-
benthine , & en difàllant ce mélange ,
on en retire ce qu'on appelle Vhuiie
ejfenàelle de térébenthine. Cette hr.i-
le, dont l'ufage dans les arts eil très-
fréquent, foit pour les vernis, foit
pour rendre les couleurs à l'huile plus
liccatives, eft un très-bon diurétique
employé en médecine \ il poulie beau-
coup par les voies urinaires, & plus
vivement que la fimple térében-
thine j mais, prife à haute dofe, elle
caufe une grande foif, une ardeur
vive dans la région épigaft[it]ue , &z
porte fur la poitrine; il vaut mieux
n'employer que la térébenthine hmple.
La colofone j que mal'^à- propos
on nomme colofane ^ eft la térében-
thine privée de la plus grande partie
de fon huile elfentielle ; on s'en ferc
rarement pour l'ufage intérieur : ré-
duite en pûunière& enveloppée dans
de la roiie de coton ou mouliehne ,
& appliquée tout autour du col , on
alfure qu'elle arrête ô: diftipe les dou-
leurs caufées par l'indammation des
amygdales. On l'emploie encore fous
forme de poudre, afin de deifécher
les chairs molles & peu fenfiblcs
des ulcères de bonne qualité , par
exemple , des engelures. Perfonne
n'ignore la ncceftité de la colofone
pour fonder en étain , & de quelle
utilité elle eft aux joueurs de violon ,
& autres inftcuniens à cordes.
la térébenthine, prife intérieu-
rement, communique aux urines une
odeur de violettes, &: les détermine
à fortir en plus grande quantité, pref-
que fans preuve bien démonfttaiive.
47° M É L
On a regardé fon ufage intérieiu
comme avantageux dans les coliques
néphrériques , les ulcères des pou-
mons, du foie, des reins,dela veffie,
de la marrice", du canal de l'urètre 5
elle eft indiquée avec fuccès de à dofe
très-modérée dans la touxcatarrhale
& ancienne, l'afthme pituiteux & la
difficulté d'uriner , caufée par des
humeurs pituiteufes : donnée à haute
dofe, elle purj^e, procure de l'ardeur
dans les premières voies , & caufe
des épreintes.
MÉLILOT. ( Fovei Planche XI ^
page 444 ) Tourneforc le place dans
la quatrième feélion de la dixième
clalfe des herbes à fleur de plufieurs
pièces, irrégulières & en papillon,
qui portent trois feuilles fur un même
pétiole , & il l'appelle melllotus offi-
cinarum germaniit. Von Linné le clafle
dans la diadelphie décandrie , & le
nomme trifolium melllotus qfficinalis.
Fleur. Comme celle des Icgumi-
iieufes , compofée de l'étendard ou
pétale fupérieure B, de deux latéraux
C , ou aile de la carène on pétale in-
férieure D. Le piftil F, eft enveloppé
par le faifceau de dix étamines F j ce
faifceau eft repréfenté ouvert en G \
les dix étamines qui le compofent fe
réunilfent à leur bâfe par une mem-
brane légère qui forme un tube \
toutes les parties de la fleur font
raffemblées dans le calice H à cinq
dentelures.
Fruit. Légume à deux vulves î ,
qui s'ouvrent longitudinalement, re-
préfentées en K, & renferme deux
à quarre graines L ovales & ap-
platies.
Feuilles. Trois à trois, légèrement
dentées, la foliole impaire & portée
fut un pétiole.
M É L
Racine A. Blanche, pliante, me-
nue , garnie de quelques fibres capil-
laires & fort courtes.
Port. Tiges droites, quelquefois
de la hauteur d'un homme ; les fleurs
en grappes, pendantes, & naifTant
ces aideïles des feuilles j elles varient
dans leur couleur \ il y en a de jaunes ,
de blanches , & quelquefois des unes
& des autres fur le même pied. Les
feuilles florales font à peine vifibles ,
celles des tiges font placées alterna-
tivement.
Lieu. Les haies, les buiflbns, la
plante eft bienne , & fleurit en juin
& juillet.
Propriétés. Les feuilles font odo-
rantes , & ont une faveur acre ,
amère , nauféeufe; elles font émol-
lientes, carminatives & légéienienc
réfokuives.
Ufage, On les emploie raremertt
à l'intérieur, maison s'en fert dans
les lavemens émolliens, dans les ca-
tapiafmes, fomentations, bains, &e.
MÉLISSE BATARDE ou DES
BOIS. ( Voye^planche XI,pag. 444 )
Tournefort la place dans la rroifième
feétion de la quatrième clalfe des
heibes .à fleur d'une feule pièce ,
& en lèvre , dont la fupérieure eft
retroulfée, &: il l'appelle melijfa hu-
milis j latifolia , inaximo flore , pur-
purafcente. Von Linné la nomme
mcUttis meliff'ophylum , &: la clalfe
dans la didynamie gymnofpermie.
Fleur. B repréfenté une corolle en-,
tière; c'eft un tube menu à fa bafe ,
renflé vers la moitié de fa longueur ,
divifé en deux lèvres , dont la fupé-
rieure cil: obronde , plane & relevée;
l'inférieure r.abattue , ouverte , par-
tagée comme on le voit en C ^'les
étamines , au nombre de quatre , dont
r.'ui J'j
J'7 27J J>„„r ^.,
,l/t'/i//if 7*i'/t>/i<- o/t .1/t'fif/it' ,/lJ/i,//t-tt'rrc
j}fr//^,.»c l'u i^f/rtf/ir/Zt'
Me^tt/ie à e/n .
jVf'ntit/ite on Trè/ie ti'eau,.
M E L
deux plus longues , fonc en-bas , &
deux , plus courtes , font en- haut j
comme ou 1<; voit en C. Le piftil
D eft placé au fond du calice E,
qui eft d'une feule pièce divifée en
deux lèvres.
Fruit. F quatre femences G pla-
cées au fond du calice , elles Ion:
obrondes , pointues.
Feuilles. Ovales , crénelées , ob-
tufes , portées fur des pétioles.
Racine. A rameufcj fibreufe.
Port, Tiges plus balTes que celles
de la vraie méliUe, quarrées, velues,
llmples, remplies de mocle j les fleurs
naillent des allFelles des feuilles j
feules à feules , foutenues par des
péduncules plus courts qucles calices,
qui font trois fois plus petits que les
corolles ; les feuilles font oppofées.
Lieu, Les mentagnes , les bois j
la plante eft vivace.
Propriétés. Un peu aromatique ,
d'une faveur acre , vulnéraire, apé-
ritive j diurétique.
Ufaoe, On n'emploie que les feuilles,
& on les donne eninfufion théiforme.
MÉLISSE ou CITRONELLE.
( Planche XII , pag. 47 i ) Les deux
auteurs la claffent avec la plante ci-
deftiis. Tourneforr l'appelle meUffii
hortenjïs , & Von Linné la nomme
melijfa officinalis.
Fleur. Les figures B &: D montrent
la fleur de profil , enfermée dans fon
calice. La corolle C eft également
vue de profil : c'eft un tube à deux
lèvres , dont la fupérieure eft courte ,
retrouflee, échaucrée , arrondie j l'in-
férieure divifée en trois parties , donc
la moyenne eft grande , & en forme
de cœur , comme on le voit en E ,
où la fleur eft vue de face^ les éta-
mines , au nombre de quatre , dont
M É L 471
deux plus longues & deux plus corrtes ,
deux à la lèvre fupérieure F , & deux
à l'inférieure C\ le calice eft repré-
fentc ouvert en H , divifé en cinq
fe^mens I.
Fruit. Quatre femences K , pref-
que rondes , placées dans le fond du
calice à deux lèvres , renflé par la
marurité.
Racine A. Ligneiife, longue, ar-
die , profonde , fibreufe.
Lieu. L'Italie , cultivée dans les
jardins. La plante eft vivace, &i fleurie
pendant tout l'été.
Proprittcs. Odeur forte , agréable j
faveur un peu amère (!s; acre. La plante
eft cordiale, céphaliquc. Les feuilles
échauffent, altèrent , conftipent , ré-
veillent les forces vitales j elles font
indiquées dans les pâles couleurs ,
dans la fupprellîon du flux menf-
truel , des lochies, des fleurs blanches ,
par l'impreflîon des corps froids , ^
avec foiblelfej quelquefois elles cal-
ment les accès des affeélions hyfté-
riques & des hypocondriaques : elles
font nuilibles dans la palpitation de
cœur, & dans la plupart des maladies
convulfives.
Uj'ûges. L'eau diftillée de mélifle,
ne doit jamais être fubftituée à l'in-
fufion des feuilles , quelle que foit l'ef-
pèce de maladie : à très-haute dofe ,
cette eau diftillée augmente très peu
la force du pouls. L'extrait de mélilfe
ne vaut pas fon infufion , & cette
même infufion édulcorée avec du
fucre , vaut tout autant , pour ne pas
dire mieux, que le fyrop de mélilîe.
La dofe des feuilles récentes eft depuis
deux drachmes jufqu'à une once, en
infulion dans fix onces d'eau ; les
feuilles fèches , depuis une drachme
jufqu'à demi once , en infufion dans
la même quantité d'eau.
47i M E L
MELON. Toumeforc le place dans
la reptièiiie feéHon de la preniicte
cialîe des fleurs d'une feule pièce en
cloche , donc le calice devient un fruit
charnu , & il 1 appelle mclo vuigaris.
Von Linné le réunit au genre des
concombres 5 il le nomme cucumis
melo , & le clalfe dans la monoécie
lîngénéfie.
fleur. Jaune, en forme de cloche
évafée , découpée en cinq parties ter-
minées en pointe^ les fleurs mâles &
femelles féparées , mais fur le même
pied. Un fimple coup-d'œil fur l'in-
térieur de l'une ou de l'autre les fera
diilinguer j la forme àt% fleurs fe-
melles eft plus en foucoupe, & celle
des mâles plus en entonnoir. Les pif-
tils des premières débordent & fur-
niontent la bafe de la foucoupe \
les étamines des fécondes , nichées
dans le fond de leur entonnoir. Au-
deiïous de la bafe de la foucoupe, on
voit un renflement qui eft le huit, &
tient lieu de calice : au contraire ,
l'extrémité inférieure de l'entonnoir
porte un calice d'une feule pièce , &
ordinairement à cinq dentelures
aigucs. A ces fignes, il eft impofllble
de fe tromper.
Fruït. Renflé, à furface ou unie,
ou raboteufe, ou à côtes, fuivanc les
efpèces jardinières ^ ( voye^ ce mot )
de couleur blanche, verte ou jaune,
dtvifé en trois loges , renfermant des
femences prefque ovales & applaties,
difpofces dans la pulpe du fruit fur
U!i double rang.
Feuilles. Anguleufes, arrondies,
douces au toucher , plus petites que
celles des concombtes , & beaucoup
plus que celles des courges.
Racine. Branchue , fibreufe.
Port, Tiges longues, rampantes ,
farmenteufes , dures au toucher. Les
M E L
fleurs nailfent des aiffelles des feuilles :
les premières qui paroilfent font des
rieurs mâles, & en quantité. La na-
ture produiroit en vaui des fleurs fe-
melles les premières , puifqu'il n'y
auroit point de fleurs mâles pour les
féconder , & la nature ménage les
fecours qu'elle donne.
Lieu. Nos jardins. On ignore fon
pays natal j mais il eft conftant qu'il
doit venir des pays chauds , puifque
la moindre gelée le tait périr; &
fon fruit exige beaucoup de chaleur
pour acquérir une bonne maturité.
Propriétés. La chair eft aqueufe,
macilagineufe , d'une faveur agréa-
ble , fucrée , quelquefois mufquée ;
la femence douce, huileufe , favon-
neufe ; l'une des quatre femences
froides majeures. Le fruit nourrie
peu, fe digère lentement, donne
quelquefois des coliques.
Vjage. La femence eft employée
comme celle des courges , & dans
les mêmes cas.
Section première.
Des efpèces jardinières de Melons.
Je fuis très-perfuadé que nous ne
connoiflbns plus l'efpèce première ,
le type unique de toutes les efpèces
jardinières que nous cultivons. Le
changement de climat, la culture,
& fur - tout des efpèces jardinières
plantées les unes près des autres , ou
confondues enfemble , multiplient les
variétés à l'infini. Les fleurs mâles
font , comme nous l'avons dit ,
féparées des fleurs femelles , quoi-
que fur le même pied. La pouflière
fécondanre des étamines , ( ^(y'eij
ce mot ) doit donc , par le mouve-
ment élaftique qui fait ouvrir les cap-
fules qui la renferment , être portée
fur
M E L
fur le piftll de la fleur femelle , &
la féconder. Mais fi cette poullière
eft portée fur une Heur femelle d'une
elpèce de melon différente , qui fe
trouve dans le voifinage , il eft donc
clair qu'il y aura une fécondation
hybride, ( voye^ ce mot ) de laquelle
il réfultera un fruit qui participera des
qualités du père & de la mère. On
en femera la graine fans s'être douté
de cette alliance, & on fera bien
étonné enfuite de recueillir un fruit
différent de celui fur lequel on avoir
récolté la graine. Que d'exemples
fans nombre il feroit facile de citer
en ce genre ! &: combien de fois les
abeilles , qui vont butinant d'une
fleur à l'autre, n'ont-elles pas porté
très -loin les étamines attachées à
leurs pattes ! De-là cette fécondité
hybride , & qui étonne toujours , lorf-
que l'on ne remonte pas à fon ori-
gine. 11 eft donc probable , & plus
que probable , en admettant cent el-
pèces de melons cultivées en France,
que le nombre fera doublé , fi on le
veut , & en moins de dix ans. Il fut--
hra de mélanger les pieds, ou de pro-
curer des hybridicités parla méthode
indiquée au mot Abricotier, ... Si,
dans le voifinage d'une melonmère ,
des concombres , des courges végè-
tenr , on trouvera fouvenr fur le
même pied un melon excellent &c
iiaturel, & un autre melon, dont la
faveur participera, ou du concombre,
ou de la courge. D'où peut donc
provenir cette fingulière différence
dans la faveur? Le fol, l'expcfition ,
la culture font les mêmes : il y a
donc une caufe étrangère, c'eft l'hy-
bridicité : c'eft un point de tait que
j'ai obfervé cenr & cent fois. Il faut
donc conclu're , i". que tour pied de
melon doit être éloigné des concom-
Tom-e VI.
M EL 475
bres 3c des courges ; z". que chaque
efpèce doit être placée dans un en-
droit Icparé , fi on veut la conierver
franche. La culture des melons dans
I-es pays froids , où l'on fe fert de
couches , de cloches , &c. , rend ces
conchifions un peu moiiis précifes;
mais elles font de rigueur pour les
climats où on les cultive en pleine
terre, fans autre fecours qiie ceux de
la nature.
La nomenclature dïs melons va-
rie non-feulement d'une province .à
l'autre, mais encore de deux en deux
lieues j & fouvent on ne les connoîc
que par le nom du lieu d'où on a tire
cie la graine. Il n'eft donc pas poffible
de dire rien de poficit à ce fujet. Dans
les environs de Paris, au contraire, la
nomenclature eft réglée jufq'.i'à un cer-
tain pointj c'eft pourquoi il convient
de la fuivre. Si les amateurs , dans
les provinces , y trouvent des déno-
minations qui leur foient inconnues,
il leur eft polTible de fe procurer chea
le grainetier, à Paris, lesefpèces qu'ils
défirent. 11 ne faut pas croire être
bien riche en melons , parce qu'on
en a un grand nombre d'efpècesjil
vaut beaucoup mieux choifir dans le
nombre celles qui léufiinent le mieux
dans le pays, & dans le terrein qu'on
cultive. On obferve en efret que plu-
fieurs réufliffent mieux dans tel can-
ton que dans tel autre; cependant,
plus on approche du midi , foit par
fa pofition géograpluque , ou par fa
pofition locale, qui dépend àz%. abris ,
( voye-{ le mot Agriculture, Chapi.
z & 5 ) & plus on peut efpérer èt:e
dans le cas ce cultiver un grand nom-
bre de bonnes efpèces. Les meilleurs
melons de France ne font pas à con -
parer aux melons, m^me médiocres
en qualité, de l'Amérique, d'où l'en
Ooo
474 M E L
doit conclure qu'on ne fauroit trop
chercher à leur procurer une chaleur
forte & foutenue. Je parle de celle tiu
foleil , di non de celle des ferres
chaudes, qui eft humide & nial-faine,
&: d'ailleurs pas alfez renoiivellce par
r.iir extérieur.
Outre les caufes dont on vient de
parler , qui produifent les efpèces hy-
brides , il eu efc encore d'autres qui
agiHenc fur les formes. Par exemple,
la graine d'un melon de forme ronde
cette année, femée de nouve.:a don-
nera un fruit qui s'alongera : c'eft
que cette elpcce n'étoit pas vraiment
ii;ie efpèce jardinière, mais une (impie
variété d'une efpèce jardinière. Il
n'eft pas plus farprenant de voir la
forme changer, que de voir un oignon
fie tulipe, &c. donner une fleur dune
feule couleur, & le même oignon
produire une fleur panachée l'année
d'après. Quant aux melons de for-
mes defedueufcs ou contrefaites ,
cela tient àdesaccidens particuliers;
comme à des meurtrillures , des pi-
qûres faites par les infedtes, &c. On
doit rigoureufement enlever ces me-
lons de la melounière , parce qu'il
eft infiniment rare qu'ils aient de la
qualité -, de dans les piays où les clo-
ches font en uf.ige , ils occuperoient
inutilement un efpace précieux.
On divife, en général, les melons
en deux clalfcs. La première efl: def-
tinée aux melons qu'on appelle /ra«-
cois, & la féconde aux melons étran-
gers j quoiqu'ils foient tous étran-
gers à la France; mais on les appelle
français, parce qu'ils font naruralifés
M E L
311 pays , & qu'ils y téuflllTent mieux
que les autres, c'eft-àclire , aux en-
virons de Paris. On fent combien
cette définition eft vague.
§. I. £)es Melons françois.
I. Melon commun ou Melon ma-
raîcher ( I ). Ce melon eft le plus
généralement recherché par le peuple
de Paris. Il n'a point de cote fen-
fible; elle efl: très-brodce; fa chair
eft épaille , aqueufe & rouge. Sa
broderie relfemble à un réfeau , à un
filet dont les maiHes font un peu
confufes. J'ai obfervé , pendant que
je demeurois à Paris , que lorfque ,
fous la grolfe broderie, on en voyoit
une autre plus fine, & pas aulîi ca-;
radlétifée , ce qui fembloit former
deux rcfeaux l'un fous l'autre, la qua-
lité du melon étoit bonne. Sur plus de
cent, je ne me fuis pas trompé deux
fois. 11 en efl: à-peu près ainfi de tous
les melons brodés, foit à côtes, foit
fans côres : cependant je donne cette
obfervation fans la garantir. Ce me-
lon varie beaucoup dans fa forme :
il y en a de plus ou moins brodés,
de plus ou moins ronds ou alongés,
de plus ou moins gros; ce qui tient
beaucoup , quant à la grolfeur , aux
fréquens arrofemens qui augmentent
leur volume aux dépens de leur qua-
lité; mais elle importe peu au ma-»
raicher qui vend fon melon en raifon
de fa grofleur. Il varie encore par
fes feuilles plus ou moins découpées,
& par fa maturité plus hâtive ou plus
tardive. Ainli la forme des feuilles ,
( I ) On appelle les jardins potagers des environs de Parfs marais, fans doute parce
ôue le fol en étoit originairement marécageux ; on appelle maraîcher, mareché , marayer
les prrfonncs qui les cultivent ; je crois la première ctuomiaation préférable aui fuivantes,
d'ailleurs elle efl confacrée par l'habitude.
M E L
celle du fruit, fa broderie, & l'épo-
que de fa maturicc , ne conftituent
pas des efpcccs jardinières propre-
ment dites , ( voyc\ ce mot ) mais
de fimples variétés d'une efpèce jar-
dinière.
2. Melon morïn on gros mara'i-
ther. Sa grofleur efl: plus con(idcrab!e
que celle du précédent : il ell plus
hâtif , fon écorce plus brodée , Se
l'endroit ou la fleur étoit attachée,
cft marqué par une efpèce d 'étoile.
L'écorce au-delfus de la broderie eft
d'une couleur verre , tirant fur le
noir; fa chair eft rouge & ferme; fon
goût eft fucré Se vineux. C'eft un bon
M E L
475
melon
3. Melon des carmes. Il y en a
de deux efpèces \ \c^ong & le rond :
on pourroit ajouter encore de blancs
à l'extérieur. Il eft originaire de Sau-
mur, dit M. Defcombes ; il fut ap-
porté au potager du Roi , d'où il palla
cîiezles carmes, qui le cultivèrent avec
fiin, le firent connoître pins qu'il ne
l'éroit , & il a confervé leur nom. De
moyenne grolfeur, de forme ovale;
fans côtes , ou à côtes très-peu fen-
fibles; fon écorce légèrement brodée;
jaunit lorfque le fruit approche de fa
maturité ; fa chair plus ou moins
rouge, pleine, quelquefois blonde,
fort fucrée, d'un goût relevé; mais il
faut le prendre à temps, fins quoi la
chair devient pâceufe, pour peu qu'il
foie trop mûr. Il eft hâtif.
Le melon des cannes , rond , ne
diffère de l'autre que par fa forme.
Le melon des carmes j blanc, de
forftie plus alongée ; écorce fans bro-
derie, unie &; blanchâtre, d'un goût
plus fin ôc plus délicat que les deux
précédens.
Le melon Romain y ordm^àvemein
boii Se hâtif, & de forme très- ronde.
ne feroit-il pas encore une variété
du melon des carmes ?
4. Melon à graine blanche. Forme
ovale ; peau verte & fans broderie ;
chair fucrée , aqueufe , peu aroma-
tifée ; graines blanches ; fort hâtif.
On peut le rapporter à l'efpèce de
melon des carmes ; il eft délicat pour
la culture : en tout il leur eft infé-
rieur pour la qualité,
5 . Melon de St.-Nicolas-de-la-Grave.
Nom du lieu, diocèfe de Lombez, d'où
ce melon a été apporté; qualité fupé-
rieure à tous les précédens; de grof-
feur moyenne ; forme alongée ; à
côtes régulières ; écorce verdâtre Se
mince; chair ferme, rouge, pleine
d'eau, iucrée, vineufe. On connoît
une variété fans côte, à écorce fine-
menr brodée , de forme plus alon-
gée. Il cft très-bon. Celui-ci eft en-
core connu fous le nom de melon
d' Avignon.
6. Melon Langeai. Long - temps
inconnu par-tout ailleurs que dans
ce village près de Tours, d'où il a été
tranfporré dans les enviro'ns de Paris.
Forme alongée, à côtes; de couleur
d'un verd foncé après que la (leur efl
nouée , & d'un jaune doré à mefure
qu'il approche de fa maturité. Elle
tftquek]uefois avec ou fans broderie j
chair ferme, rouge , d'un goût fucré,
vineux, il donne beaucoup d'eau.
7. Melon-fucrtn. On le divife en
trois efpèces; la grollê, la pctice Se
l'alongée.
Gros fucrin de Tours. Son écorce
eft ordinairement plus brodée que
celle de toute autre efpèce de me-
lons ; jaunit en mûrilfant ; forme
inégalement tonde; côres très -peu
fenhbles; chair ferme, rouge, pleine
d'eau , d'un goût fucré & aromatifé.
O o o 2
47^
M E L
11 mûrit tard en compamron des
deux variétés fuivantes.
Petit fucrin de Toz/rj. Très-petit ,
comme une groffe orange, rond, ap-
platipar les extrémités j écorce verte ,
clmiige peu en mûrilTant, quelquefois
lifle j quelquefois brodée ; chair rem-
plifTaiït prefque toute la capacité ,
très-acrréab'e , atùmacifée & très-
fucrée.
Sucrin de Tours lor.g. Egal en qua-
lité au précédent : il n'en diffère que
par fa forme.
§. II. Des Melons étrangers.
I. Melon de Malthc. On en compte
pluiîeurs efpcces ; celui à chair blan-
che , celui à chair rouge, &: le melon
d'hiver.
Melon de Malthe a chair hlanzhe.
Il efl: très- hâtif dans nos provinces
du midi : quelquefois avec une bro-
derie très-fine , & quelquefois fans
broderie; affez gros , de forme alon-
gée par les deux_bouts \ chair fondante
& fucrée.
Melon de Malthe à ch^iir rouge.
Forme alongée par les deux bouts,
quelquefois ronde ; écorce bien bro-
dée , faveur fucrée & aromatifée j
plus hâtif que le premier.
Melon de Malthe d'hiver , qu'on
nomme encore melon de Morée j de
Candie , &c. Il eft plus connu fous la
première dénomination. 11 réulîit alfez
mal dans nos provinces du nord, & fait
les délices de celles du midi. Il varie
dans fa forme, tantôt ronde, on alon-
gée par un bout , ou par tous les deux.
Il n'a rien de réglé pour fon volume ;
il pcfe quelquefois huit à dix livres,
quelquefois une ou deux feulement j
ce qui dépend beaucoup de l'année
& de fa culture. D'après cet expofc ,
M E L
il eft aifé de concilier les afTertions
des écrivains du nord ou du midi :
les uns & les autres ne voyoient que
le climat qu'ils habitoient , & ju-
geoient par lui du rtf^e du royaume.
L'écorce de ce melon efl lilfe , fans
côtes, mais dure au toucher, rabo-
teufe. Sa chair efl verte , moins fon-
cée que fon écorce, fondante, fucrée
& parfumée. Ce melon en Italie, à
Malche , fcc. , efl aulîi fupérieur à
celui cultivé en Provence . en Lan-
guedoc , que ce dernier l'eft fur ceux
de Paris. On l'a appelle melon d'hi-
ver j parce qu'on le récolte avant les
gelées , ou en octobre , (Se qu'on le
iranf'porte fur la paille dans un frui-
tier, commeony conferve une pomme
de reinette. Quelques-uns le fufpen-
der.L au plancher, dans un lieu fec &
aéré. 11 efl très - aqueux , fondant,
très-fucré, plus ou moins aromatifé,
fuivant le degré & Tintenlité de la
chaleur qui l'a fait végéter. On con-
noît le point de fa maturité, lorf-
qu'une ou quelques petites taches
blanches paroillent fur fon écorce.
C'efl une moifilfure qui gagneroit-
tout l'intérieur, fi on attendoit plus
long-temps. Les mois de Janvier Se
de février font l'époque ordinaire où
on le fert fur la rable. Je cultive
cette efpèce , &: , par une fingularité
remarquable , je cueille ce melon
à -peu -près à la même époque
que celle des autres efpèces de me-
lons , &c fur le même pied il s'en
trouve qu\ ne font mangeables qu'en
hivet.
A ces efpèces de melons de Mal-
the, on peut en réunir une très-pe-
tite, à chair verte «Se à côtes j fucrée
6: pleine de fuc. Elle efl forr hâtive.
2. Melon Cantaloup. Ainfî nommé,
parce qu'il a d'abord été cultivé au
M E L
village de Cantalupi, près de Rome :
on le croit originaire d'Arménie. Leur
nombre eft conlidcrable , &: augmen-
tera vraifemblablement de jour en
jour, &; en multipliera les variétés.
De tous les melons en général , les
cantaloups font ceux qui fe digèrent
le plus facilement j ils nouent avec
facilité, mûrllfent promptemenr, Se
même ceux de Tarrière-faifon ne font
pas fans qualité. Leur volume elt peu
confidérable dans les provuijcs du
nord 5 ils font , au contraire , d'une
belle taille dans celles du midi : on
y en voit qui pèfent jufqu'à dix
livres.
Cantaloup ananas. t^Ius long que
rond , à côtes trcs-faillantes , termi-
nées vers l'extrémité fupérieure, Se
réunies par une efpèce de calotte
ou couronne qui déborde de huit à
dix-huit lignes. Cette proéminence
eft formée en partie par l'écorce &
par la chair du fruit ; elle eft pleine
& fans graine. L'écorce de ce melon
eft très-cpailfe pour l'ordinaire, char-
gée de verrues ou tubercules; quel-
quefois elle en eft privée \ la chair
rouge , ferme , fucrée , très - par-
fumée. On en voit par-fois fans cou-
ronne.
Cantaloup noir. Moins gros que le
précédenr, de forme ronde j applatie
par une extrémité , quelquefois par
toutes deux ; avec ou fans calotte ,
& à la place on remarque une efpèce
d'étoile; l'écorce chargée de verrues;
la chair comme celle du précédent :
ce font deux excellentes efpèces de
melons , elles font hâtives.
Ces deux efpèces ont beauconp
vatié , & ont fourni le cantaloup à
écorce argtntée , à verrues argentées
ou noites ; le cantaloup dore y à écorce
dorée avec ou fans verrues ; le can-
M E L 477
taloiïp à forme plus ou moins alcn-
gee , avec ou fans verrues.
Cantaloup à chair verte, fondante,
fucrée, vineufe ; cantaloup jP/^r , à
chair rouge. A ces melons étrangers,
il feroit poflible d'ajouter un grand
nombre ce vaiiétés : telles font celles
des melons de Cafte!naudari,-de Per-
pignan, de Quercy, de Cote Rôtie,
iur la dioire du Rhône , près de
Vienne j tk Pezcnas , t\'c, ; mais il
eft une efpèce qui mérite d'être con-
nue : c'eft le meion .à écoice lifte ,
couleur paille dar.s fa maturité , à
côtes; alongé, & 'd'une belle grof-
feur ; à chair d'un rouge vif & fonce ;
plein d'une eai: fucrée, vineufe, &
très-parfumée. Il mûrir un peu tard
dans le climat que j 'h.ibi te : c'eft im
excellent melon que l'on nommera
comme on voudra.
J ai également des graines fous
la dénomination àz melon nionjlrueux
de Portugal. 11 mérite le nom de
monjîrueux, par fa groftcur : fa forme
eft ronde, & a près d'un pied de dia-
mètre. Son écorce eft entièrement &
finement brodée ; fa chair eft peu
rouge, courte : il y a beaucoup de
vide dans l'intérieur. Ce melon pro-
mettoit beaucoup à la vue ; mais fa
qualité n'a pas répondu à mon at-
tente, tft-ce le défaut de l'efpèce,
eft-ce la. faute de la faifon ; ou bien
demande-t-il une culture différente
de celle des autres melons ? C'eft ce
que je vérifierai.
Les Auteurs qui ont écrit furie
jardinage placent ordinairement les
pajlèqucs avec les melons. La forme
de leurs graines & de leur piftil m'a
déterminé à les placer après les cour-
ges. ( Foye-:^ le mot Citrouille ) Il
y en a deux efpèces ; la citrouille ou
paflèquc à confiture, le paftèque pro-
473
M E L
prement die, appelle melon d'eau par
les auteurs, rempli (ieaii peu fucrcc,
fans parhim , m^-me dans nos pro-
vinces du midi , où il efl: un peu
plus palTable que dans celles du nord.
Il eft inurile de répéter ici ce qui a
déjà été dit à ce fujec.
Section II.
De la culture des Melons.
A Paris, on mange ce fruit beau-
coup plutôt que dans les provinces
du midi. Deux motifs y concourent;
l'art, & le choix des efpèces hâtives :
il '/ a donc deux cultures différentes ,
nécelfitées par la différence des cli-
mats; l'une, naturelle, & c'eft celle
de l'intérieur du royaume iSc des pro-
vinces du midi ; l'autre, arOfiàellc ,
Se c'eft celle des environs de Paris &
des provinces du nord du royaume.
§. I. De la culture naturelle.
Dans les provinces , dans les can-
tons où la chaleur du climat efl: alfez
forte <?c alfez foutenue , on donne
peu de foins à cette culture. L'année
de repos des champs à blé efl: dedinée
à l'établilfement des melonnicres.
Après avoir donné aux époques ordi-
naires les labours , on ouvre , entre
quinze à vingt pieds de dillance de
l'une à l'autre, de petites foffes d'un
pied en quatre fur autant de profon-
deur, & la terre eft rangée circulaire-
menr tout autour. La folfe cik remplie
avec de nouvelle terre franche , mêlée
par moitié avec du terreau ou vieux
fumier bien confommé. Pour l'ordi-
naire , cette terre eft le réfidu du
ballayage des cours , ou de la terre
qui Ce trouve au fond des folfes à
fiimicr, lorfqu'il a été enlevé. Dès
Aï E L
qu'on ne craint plus les gelées tar-
dives, on fème la graine dans les pe-
tites folles, & dans chacune cinq ou
hx grains. Lorfqu'ilsontgermé, qu'ils
ont quatre feuilles, ians parler des
cotylédons ou feuilles fcminales ,
( Foye~ ce mot ) on en détruit deux
ou trois , afin que les autres aient
plus de force. La graine eft enterrée
environ à un pouce de profondeur.
S'il ne tombe pas de pluie de long-
temps , on arrofe chaque folle ; mais ,
comme fouvent l'eau n'eft pas à la
portée du champ, le cultivateur re-
couvre , avec la baie du blé , de
l'orge, de l'avoine , ou avec de La
paille coupée menue, ou enfin avec
des herbes , la fuperficie de la folle,
à l'exception de la place où font les
femcnces. Par ces petits foins, il ccn-
ferve la fraîcheur de la terre, Se empê-
che l'évaporation. La terre première,
tirée de la folfe , abrite les jeunes
pieds contre les vents.
Avant de confier à la terre la graine
de melons , on la jette dans un vafe
plein d'eau. La mauvaife furnage, la
médiocre defcend lentement •, mais
la bonne fe précipite tout d'un coup,
(St c'eft la feule qu'on fème. Ainfi on
n'attend pas que la médiocre ait
gagné le tond, pour vider l'eau du
vafe; & en s'écoulanr, elle entraîne
la médiocre & la mauvaile graine.
Le cultivateur fait encore qu'au be-
foin il peut femer la graine cueillie
&c confervée avec foin depuis trois
ans, mais il préfère celle de la der-
nière récolte , parce qu'elle germe
plus vite. S'il a plufieurs beaux fruits
dans fa melonnicre , il les refpec'te ,
ne les vend point, & les lailfe pourrir
fur pied , pace qu'il eft bien con-
vaincu que la chair du truit eft déf-
tinée'à perfectionner la grauie , &
M E L
que la graine du melon que l'on mange
à (on point, produi: un fruit dont la
chair n'a pas alors autant de finefle.
Enfin , lorfque le fruit eft pourri, il
fépare ia graine des parenchymes pnr
des lavages réitérés : mais fi la failon
eft aiïez chaude pour delîécher fur
pied le melon, il laiffe la graine. fe
conferver dans la chair defTéchée , &
il ne l'en fépare par des lavages, ou
autrement , qu'au moment de la
mettre en terre. Pendant le cours
de l'année , la graine eft tenue dans
un lieu f^'c & à l'abri de la voracité
des rats, fouris i!\; mulots qui en font
très -friands.
Ce fuiiple cultivateur ignore qu'il
exlfte un art de pincer les tiges ,
lorfque le fruit el1; noué; <Sc lorfqu'on
lui en parle, il répond : Mes courges,
mes concombres viennent à bien lans
tant de précautions , & la nature n'a
pas donné aux melons de longues
tiges pour les détruire , ni pour dé-
ranger leur végétation. Avez - vous
peur, ajoute-t-il , que cette végéta-
tion foit foible & languiffante ? Voyez
mes courges , dont les tiges s'éten-
dent à plus de trente pieds-, celles
de" •Tielons , au moins à dix Se à
quinze. Pourquoi donc voulez - vous
que chaque plant ne s'étende pas à
plus de deux pieds , & qu'il ne porte
qu un feul ou deux melons ? Gardez
votre fcience & fes raffinemens : je
me trouve fort bien de ma méthode;
j'ai un plus grand nombre de me-
lons que vous; ils fontaulîi bons que.
les. vôtres lorfque la faifon les favo-
riie, & leur culture exige peu de foins
& peu de peines. Le raifonnement de
ce fimpîe laboureur ou cultivateur en
vaut bien un autre.
Lorfque les bras de la planre ont
à-peu-près deux à trois pieds de Ion-
M E L
479
gueur, & lorfqu'ilyadesfruirs noués,
il les difpofe de manière que, loif-
qu'ils s'étendront, ils ne fe mêleront
pas, & couvriront tout l'efpace qu'on
leur a laillc fur le champ. Après les
avoir ainfi difpofés , il ouvre, ver^
leur extrémité, une petite foffe de
trois .à quatre pouces de profondeur,
il y range la partie du bras qui y cor-
relpond, i5v la charge d'environ trois
à quatre pouces de terre fur l'efpace
de fixa douze pouces, lorfque la lon-
gueur du bras & l'écartement des
feuilles le permettent. La tige qui
vient d'être enterrée _, acquiert ce
nouvelles forces ; elle fe hâte de pro-
longer fon bras ; & lorfqu'clle eft
parvenue àpeu-près à trois ou quatre
piedc , le culrivateur recomm^Cuce la
même opération , & ainfi de fuite.
Voilà en quoi coi-,fille tonte fa mé-
thode. Quelques-uns attender.t que
les bras nient fix pieds de longueur,
& plus, pour les enterrer.
11 faut avoir été témoin de cette
culture, pour juger de la quantité de
melons qui couvrent la terre. 11 eft
bien clair que ceux dont la flêur
noue, lorfque la faifon cfl; un peu
avancée, n'auront .aucune qualité,
£< même qu'un très-grand nombre
ne mûrira pas. On demandera à quoi
bon travailler à fe procurer cette fura-
bondancequi doirpréjudicicr aux pre-
miers melons formés , puifque ces
dernières tiges , ces derniers fruits
appauvrilfent les premiers d'une ttès-
grande partie de la fève? i°. On ne
doit pas perdre de vue que les plantes
fe nourrilfent plus par leurs feuilles
qne par leurs racines : en effet, que
l'on confidère la racine d'un pied de
courge , de citrouille. Sic, & on
verra qu'elle eft peu étendue, & qu'ii
ne fe ttouve aucune ptoporcion eu-
480
M E L
tr'elle & fes tiges de vingt à trente
pieds de longueur; enfin, qu'il elt
impolllb'e que la racine feule puilfe
nourrir lur fon feu) pied huit à dix
courges, citrouilles, dont quelques-
unes pèferont jufqiia foixante ou
quatre-vingt livres. 11 en ell ainlî
pour le melon, i". Il faut compter
pour beaucoup ces petits monticules
de terre ,■ placés de diftances en dif-
tances fur les bras , & qui en font
comme autant de nouvelles tiges.
Entin, tous les raifonnemens ne lau-
roient contredire une expérience fon-
dée fur une ccuitume établie de temps
immémorial , & couronnée par un
fucccs habituel.
Les plus beaux melons font choifis
<Ians la mclonnicre , ^ portés au
marché des villes vcihnes ; les tardifs,
ou les mauvais & contrefaits des pre-
'tniers , fervent à la nourriture des
bœufs âc des vaches, év durent ordi-
nairement jufqu'à ce que les courges
aient acquis leur grofl'eur fur pied.
Dans les pays où les fourrages font
chers, les melons font une reifource
précieufe.
Depuis le milieu de feptcmbre,
jufqu'au milieu d'ociobre , on lailfe
les melons tardifs fur pied , aiin qu'ils
parviennent à la grolleur £-c à la ma-
turité qu'ils font fufceptibks d'ac-
cjuérir. On les récolte alors , on ar-
rache leur f^mne , & on laboute auilî-
tor pour femer les blés hivernaux.
Lorfque l'hiver e 11: tardif, lorfqu'on
prévoit que la végétation languira, ou
aura de la peine à s'émouvoir au prin-
temps, le cultivateur prépare une fur-
face platte de terre fur le fumier or-
dinairement placé devant fa maifon
ou dans une balfe-cour , il la couvre
do quatre î fix pouces de fumier , &
il Iciue fut cc'Ctv' couche ëi d.ms cette
M E L
terre les graines de melon. 11 recou-
vre le tout avec des épines , afin que
les poules & autres oifeaux de balle-
cour ne viennent pas gratter ou dé-
truire les jeunes plants. L'embarras
enfuire eft de les tranfporter fur le
champ : lorfc]ue l'eau , pour les ar-
rofer, n'cfl: pas dans le voihnage, il
choifit un jour & un temps pluvieux
qui allure fa reprife.
Quoique je préfère les méthodes
les plus llmples à toutes les autres ,
je conviens cependant qu'il y a un
grand avantage à hâter le plant fur la
couche, & à le tranfporter au champ
du moment qu'on ne craint plus l'effet
des gelées tardives. Le melon eft ori-
ginaire des pays très-chauds; il n'eft
donc pas furprenant qu'il foit détruit
par le froid , & fiu--tout dans fa jeu-
nelfe , où la plante eft lî herbacée
& h aqueufe. L'avancement de la
plante pout le piintemps, allure une
plus prompte maturité de fes fruits
pendant l'été, d'cù dépend leur qua-
lité , (Je plus de grolTeur & plus de
maturité dans les melons tardifs. Le
grand point efl que la terre qui ea-
toLire les racines, ne s'en détache pas
lors du tranfport & de la tranfplnii-
tatîon. Au moment qu'on lève les
pieds fur la couche, on doit les eii-
velcpper , avec la terre de leurs ra-
cines , dans une feuille de chou ou
de toute autre plante, & ranger !e
tout au fond d'une corbeille : ces pe-
tites précautions ne font point à
négliger. On fera très-bien encore de
femer autour des pieds que l'omnct
en terre, quelques graines de melons.
Si les pieds tranfplantés périlfent par
une caufe quelconque , on aura la
rellonrce des plants venus de graine :
& s'ils rcuflillcnt , on arr:c!ie ces
derniers.
Une
M E L
Une méthode moins fimple que
celle dont on vient de parler , eft
celle des jardiniers ordinaires. Ils fè-
ment fur couche ( voye\ ce mot) ou
contre de bons abris, leur graine en-
viron vers la fin de février, ou même
en janvier , fi le climat eft peu expofé
aux grandes gelées, on s'ils ont les fa-
cilités pour les en garantir j ils lèvent
les pieds en mars, &: les plantent à
demeure. J'ai très-fouvenr obfervé
que, lorfque la hn de l'hiver & le
commencement du printemps font
froids , les melons mis en place lan-
guilfent, font très-long-temps à fe re-
mettre, <Sc qu'ils ne donnent pas des
fruits plus précoces que ceux dont on
a femé tout fimplement la graine
lorfcjue la failon a été décidée \ ce-
pendant fouvent l'on gagne beaucoup
à avoir de bonne heure des pieds fur
couche.
Dans les jardins fujets aux counil-
lières ou taupes-grillons , ( Voye'^ ce
mot ) la chaleur du fumier attire ces
animaux, qui y pratiquent leurs ga-
leries & viennent enfuite couper, en-
tre deux terres , les jeunes pieds les
uns après les autres. Combien de femis
détruits complètement de cetre ma-
nière ! Dès que l'on parle de la cul-
ture d'un jardin , on fuppofe déjà des
moyens que n'ont pas ceux qui culti-
vent en pleine terre; dès-lors o;i peut
mettre un peu plus de recherche dans
la méthode. Je propofe , pour éviter
le dégât prefque inévitable, caufé par
les taupes-grillons, de faire carreler
le fond du lieu deftiné aux couches \
d'établir de longues cailfes de gran-
deur, & en nombre proportionné au
befoin. Ces caiffes feront faites avec
des planches d'un pouce d'cpailTcur,
taillées Se allemblées en morroife par
les bouts; enfin, pour prévenir leur
Tome FI.
M E L
4^1,-
déjettement, leurs angles feront main-
tenus p.ar des équerres en fer. On pofe
ces cailfes fur la partie carrelée , èc
on enduit leur féparation avec les car-
reaux , par du mortier à chaux & à
fable, ou avec du plâtre; on les rem-
plit 6c; on forme des couches y ainlT
qu'il a été dit. ( Voyc^ ce mot. )
Afin de prévenir la féparation de
la terre d'avec la racine , lors de la
tranfplantation, f.iit encore pour laif-
fer fortifier le pied fur la couche, il
convient d'avoir un nombre fuffifanc
de petits vafes fans pied , percés au
fond par de très petits trous , larges
de cinq pouces par le bas , & de fix
par le haut, & leur hauteur égale-
ment de fix pouces. Les pots ro'îids,
p'acés les uns à côté des autres , laif-
fent .inutilement un efpace vide : il
vrair donc'mieux qu'ils loient quarrés
par le haut ; alors nulle place n'eft
perdue. On place ces pots fur la
couche de fumier, & on garnit exac-
tement avec de la terre les vides qui
fe trouvent entre chaque pot , &
ainfi de fuite rang par rang, jufqu'aii
bout de la cr.ilfe , qui , fur quatre
rangs , peut aifément contenir cent
pots au moins, fuivant le befoin. On
remplit ces vafes avec de la terre bien
préparée , & on feme quatre à fix
graines en difiérens endroits du vale.
On eft fur que les taup'cs gM'lons n'y
p.'nccrcront p.is , cequ'c^n pourra trani-
pcrter les plantes avec le vafe , lana
les déranç^er , jufqu'awx lieux où ellea
doivent être mifcs à demeure. U'é-
vafement d'un pouce de la fuperficie
du vafe , fur les cinq qui font à fa
bafe , facilite le dépotement, & les
petites racines chevelues , qui tapilTenc
alors la terre , fervent à la retenir,
far- roue fi on a eu foin d'arrofer les
plantes un ou deux jours auparavant.
PPP
482 M. E L
Le trou en terre, préparc d'avance,
& garni de terreau , s'ouvre pour re-
cevoir la nouvelle plante à demeure.
On palfe les doigts de la main gau-
che , & étendus entre les tiges; on
renverfe le pot fur la main gauche ,
ôc avec la droite on l'enlève : alors,
retournant la gauche far la droite j
on place enfuite la plante de la ma-
nière convenable , & elle ne s'apper-
çoit pas avoir changé d'habitation ,
ni elle ne fouffre en aucun point de
la tranfplantation. Un petit arrofe-
ment qu'on donne enfuite réunit les
terres.
La coutume des Jardiniers eft de
pincer les bras au • deffus de l'endroit
où la fleur femelle a noué. Ce travail
eft-ildonc finéceiraire? J'ai la preuve
du contraire , outre celle en grand ,
dont on a parlé plus haut. J'ai iailTé,
livté .i lui-même , un cantaloup y il
a poulfé des bras autant Se comme il
a voulu , ôc je puis alfurer que j'ai eu
de très-bons , de très-beaux melons ,
& en abondance. Doit-on également
admettre cette méthode dans nos pro-
vinces du nord ? Je n'ofe prononcer ,
parce que je n'en ai pas fait l'expé-
rience; mais elle eft aifée à répéter
dans celles où l'intenfité de chaleur
difpenfe du fervice des cloches. 11
convient encore d'elTayer fi on réuflira
mieux en enterrant , ou en n'enter-
rant pas les bras.
Tous les auteurs s'accordent à dire
qu'on doit rarement arrofer les me-
lons. Cette affertion cft vraie jufqu'à
un certain point, &c fa confirmation
tient beaucoup au climat. Par exem-
ple , à Pezenas , où les melons font
fi renommés , on arrofe fouveiu les
cantaloups à couronne, ou à verrues
fans couronne , & ils font délicieux.
J'en ai élevé prefque fans les arro-
M E L
fer , Se ils ont été moins agréables
Se moins gros. J'ai également faic
arrofer , fuivant la coutume de ce
pays , les melons maraîchers , les fu-
crins , & ils ont été déteftables. . . .
De ces variétés , on doit nécelfai-
rement conclure qu'd n'y a point
de règle ccnéralement bonne fur la
culture des melons , qu'elle doit v.a-
rier fuivant les efpèces , ^" fur-tout
fuivant les climats ; enfin, que cha-
cun doit étudier , par des expériences
de comparaifon , ce qui convient le
mieux à fon pays , & quelles font
les efpèces dont le fuccès & la qua-
lité font les moins cafuels.
Dans plufieurs jardins , les limaces
& les efcargots font de grands dé-
gâts. Le parti le plus fur eft d'aller
les chercher dans leurs retraites qu'el-
les indiquent par la bave qu'elles
laiffentpar-rout où elles pafTent. Mal-
gré cela il n'eft pas toujours aifé de
les détruire. On peut , tout autour
des pots , couvrir la terre avec de
la cendre , &c la rcnouveiler autant
de fois qu'elle fera tapée &: agglu-
tinée, foir par les pluies, foit par les
arrofemens. On fait que les efcar-
gots coupent les tiges pat le pied.
Les mulots font encore de grands
deftrr.éleurs des couches de melons,
de concombres ^- de courges ; ils dé-
terrent les graines & les mangeur.
On prend , pour les détruire , des
"raines de courge que l'en fend dans
leur longueur , on garnit 1 entre-deux
avec de la noix vomicue , réduire en
poudre ^c palfée au ramis de foie ,
on réunit les deux parties de la grai-
ne : mais cette méthode ne remplit
pas les vues qu'on s'étoit propofées,
parce que la noix vcmique étant
un peu amère , les mulots aban-
donnent cette graine , (^" aiment
M E L
mieux fouiller la terre , ôc manger
celle que l'on a femée. Le tarcre-
émétique , employé de la même ma-
nière ^ réulîîc mieux. L'arfenic , éga-
lemenc incorporé dans la graine de
courge j dont les rats , les fouris
S: les mulots font très-friands , les
détruit fùremenr Se promptement j
mais il eft dangereux de mettre un
poifon aulli aiftif entre les mains d'un
jardinier, ou de tel autre homme de
cette claife. Le propriétaire devroit
lui-mêrtie fe charger de ce foin ,
compter le nombre de graines pré-
parées, & deux ou trois jours après,
enlever & brûler celles qui n'auront
pas été mangées par ces animaux.
On aura alors la preuve qu'ils ont tous
été crever dans leurs coins. Voilà pour
les couches.
Les pieds tranfplantés, ou venus
de graine fur le lieu , craignent éga-
lement les taupes-grillons, les lima-
çons Se limaces. La cendre , fouveiit
renouvellée, interdit l'approche à ces
derniers ; mais les taupes-gtillons ,
les vers blancs » ou turcs , ou larves
du kannecon , ( f-^'oyc^ce mot , ) com-
ment s'en défendre ? Je n'ai trouvé
qu'un feul expédient. Il confifte à
av«ir j en quantité fu.ffifante , des
morceaux ou broches de bois quel-
conque , de fix à huit pouces de lon-
gueur j de les enfoncer en terre , les
uns après les autres , «Se fi près que
ces infeéles ne puilfent pa(îer entre
deux j de manière que tous enfem-
ble , plantés circulairement autour
" de la plante , formeront une efpèce
de tour intérieure de hnirà dix pou-
ces de largeur , qui défendra l'ap-
proche de la plante. Cette opération
efl: l'ouvrage des enfans ou des fem-
fues j iS; lorfque la plante eft forte ,
on peut enlever ces morceaux de bois.
M E L
485
Je crois même avoir obfervc , que
s'ils s'élèvent de quelques pouces au-
deffus de la fuperficie du fol , les
limaces & limaçons ne les franchif-
fent pas , lorfque leur fommet eft
taillé en pointe Hue , parce qu'alors
ces animaux ne peuvent fe tenir def-
fus. Ces détails paroîrront minutieux
à beaucoup de jardiniers. Quant à moi^
qui ai été forcé de les mettre en pra-
tique , je m'en rrouve bien , & ceux
qui font dans le même cas que moi ,
ne feront pas fâchés de les connoître
&c de les employer.
Section II L
De la cuhure artificielle.
Elle eft en général très - compli-
quée j mais elle eft indifpenfable
lorfque le peu de chaleur du climat
exige que l'art vienne au fecours de
la nature , Se on diroit que l'on met
une efpèce de gloire Se d'amour-
propre à furmonter les difficultés , Se
même à avoir des melons dans une
faifon tout-à-fait oppofée. L'art fait
donc beaucoup , il donne la forme au
fruit ; mais lui donne -t-il fon eau
fucrée j fa faveur vineufe , fon
parfum ? Non fans doute. La per-
feélion tient à la nature, elle feule
colore les fruits, leur donne l'odeur
& la faveur qui leur conviennent ;
mais l'art fe traînant fur fes pas ,
n'offre que le fimulacre de cette per-
feélion. Cependant , dans les pro-
vinces du nord on s'extafie devant
ces fruits, ils font réputés délicieux;
mais la véritable raifon de cet en-
toufiafme , eft qu'on n'en connoît pas
de meilleurs. Se qu'on n'eft pas à
même de faire la comparaifon.
J'appelle culture artificielle celle
qui néceftite à employer les couches
Ppp 1
4S4
M E L
& les cloches , ou les chaflis, ou les
ftrres chaudes.
La méthode la moins compliquée
^cftçei'c piatiquée à Hojifleur en Noi-
imiidie. Qa choific, dans un jardiii ,
l'expoilnon la , plus mçridioiiale , la
Tmi-^ux .abritée des vents , &: qui re-
çoit !<î mieux les rayons du fuleil
depuis Ton lever jufqu'à fon coucher.
Si l'abri n'eft pas allez confidérabic ,
on le renforce avec des paillallons,
';&ç. 'Soie pour la totalité du fol del-
_ tinéà la melonnière, foit pour chaque
' folfe à melon , la terre forte, neuve
ôz bonne, eft préférable à toute autre.
Lorfque les fortes gelées ne font
plus à redouter , c'eft- à-dire vers le
commenceme^iE de mars , on creule,
àfix pieds de diftance Tune de l'autre ,
desfuiresdedeux à deuxpiedsiJc demi
de profondeur, largeur, longueur &
hauteur. Elles font remplies de fumier
de litière , depuis le commencement
jufqu'au 1 5 d'avril, & à coups de maf-
fue, ou par un très-tort piétinement,
le fumier eft foulé couche par cou-
che jufqu'à ce qu'il remplilTe la folfe
au niveau du fol. La folfe eft recou-
verte par un pied environ de bonne
terre mêlée avec du terreau , & le
tout' eft recouvert avec des cloches,
dont les verres font réunis par des
plombs , &■ qui ont prefque le même
diamètre que la folfe. Cinq ou iix
jours après , lorfque la chaleur s'eft
établie dans le centre , & s'eft com-
muniquée à la couche fupérieure de
terre , au point de ne pouvoir y tenir
le doiçt en l'v enfonçant , on feme
la graine , & on l'enterre à la profon-
. deur de quinze .à dix-huit lignes, &
chaque graine eft féparée de fa voi-
lîne par trois ou quatre pouces de
diftance. On met deux staines à la
fois dans chaque trou.
M E L
Les melons , parvenus à avoir cinq
feuilles > en y compienant les deux
cotylédons , ou feuilles féminales »
on examine quels font les plants les
plus vigoureux , on en choilit deux
pour chaque fofle, & tous les autres
font coupés entre deux terres , &C
non arrachés j alors on retranche la
partie fupérieure de la tige , avec la
feuille qui l'accompagne, en coupant
fur le nœud.
Lorfque les plantes auront fait ces
poulTesde huit à dix pouces-de long,
on les pincera par le bout , pour don-
ner lieu à la produftion d'autres pouf-
fes latérales , que l'on pincera comrne
les précédentes. 11 faut avoir l'atten-
tion de couvrir les cloches dans la nuit,
avec des paitlalfons , jufqu'aux pre-
miers jours chauds, dont on prohteta
pour donner aux plantes un peu d'air.
Lorfque les poulies ne peuvent plus
tenir feus les cloches , on les élève
de quatre à cinq pouces, & enfuite
davantage j on fouit alors la terre
intermédiaire entre les cloches, pour
la rendre prefque de niveau â la
couche du melon,
Lorfque les plantes commencent
à donner du fruit , il faut couper une
partie de ces fruits pour faire affurer
l'autre , & n'en lailfer que trois ou
quatre fur chaque pied. Lorfqu'ils
font gros comme de petits œufs de
poule , il faut arrêter les branches
d'où ils partent, 6c avoir grande at-
tention de couper de temps en temps
les petites branches foibles , qui di-
minuroient la force de la plante. Lorf-
que les fruits ont à-peu-près vingt
jours, on met fous chacun une tuile
ou un carreau de terre cuite y on a
foin de retourner doucement les me-
lons tous les quatre jours.
Quand la queue commence à fe
M E L
«îétacher , & que le melon Jaunit au-
tlelloLis , & qu'il a peu d'odeur , on
peu: le couper ôc le garder deux ou
ou trois jours avant de le manger ( i ).
11 faut au moins deux mois à un très-
beau meion de quinze à vingt livres ,
du. jour qu'il eft afTuré , pour qu'il
parvienne à une parfaite maturité.
Entre la métliode de Honfleur, iS:
celle que l'on fuit à Paris , ou dans
les provinces du nord , il y a beau-
coup de petites modifications , trop
longues à détailler ici , & que le
lecteur fentira en comparant les deux
méthodes.
Méthode des environs de Paris.
I. De la pojïcion de la mclon-
nïère. Elle doit avoir le foleil du le-
vant & du midi , & même, s'il ell
pollible , celui du midi jufqu'à trois
heures. Celle qui eft environnée de
murs eft la meilleure; c'eft-à-dire,
que plus le mur du midi fera élevé,
&'plus il réverbérera de chaleur ,
& plus il mettra la melonnicre à
l'abri des vents du nord. Les murs
latéraux, depuis leur réunion à celui
du midi, doivent venir en diminuant
de hauteut jufqu'à leur autre extré-
mité. S'ils étoient aufll élevés que
celui du midi , la melonnière ne re-
cevroit que le foleil de cette heure ,
ou tout au plus depuis onze jufqu'à
une heure , fuivant leur diftance &
leur hauteur, tandis que l'on doit,
au contraire , lui procurer les rayons
du foleil le plus lont^remps qu'il eft
pollible : la pente du fol fera dirigée
fut le devant de la melonnière , afin
M E L
485
que les eaux s'écoulent facilement.
Plus la terre fera durcie, 6c meilleur
fera le fol ; mais fi l'on craint les tau-
pes - grillons, il vaut mieux le faite
carreler , ainfi qu'il a été dit. Dans
les environs, ou près de la melon-
nière j il convient d'établir un dépôt
defiiné aux cloches, aux pailles de li-
tière, à la terre franche, préparée avec
le rerreau ; enfin , à tout ce qui efi:
néceifaire à la culture & à l'entretien
des melons. Un point elTentiel eft
d'érablit un réfervoir pour y puifer
l'eau deftinée à arrofer, &: qui fera
par conféquent à la température de
i'atmofphère. ( f^oye- le met Ar-
RosEMENT, il eft eltentiel à lire.)
II. De la couche deftinée au femis.
On commence à la préparer, dans les
premiers jours de janvier, avec du fu-
mier à grandes pailles & de la litière.
Une couche de neuf à douze pieds
de longueur , fur trente à tiente-fix
pouces de largeur, & fur une hau-
teur de trois pieds , après que le fu-
mier aura été bien foulé couche par
couche. Sur la longueur de neuf pieds
on peut placer vingt cloclies, ^ ainli
en proportion fur celle de douze.
Quelques maraichers attendent
que cette couche ait jeté fon feu , pour
établir tout autour un rechaud d'un
pied d'épailfeur. ( Foye^ les mots
CoucKE & Rechaud) D'autres jplus
inftruits, le font en même temps que
la couche, &ce réchaud, après qu'il
a été battu , la déborde en hauteur
de fix pouces. La couche ainfi pré-
parée, il ne refte plus qu'à la garnir.'
Chacun prépare à fa manière le
terreau qui doit la couvrir : les uns
( I ) Note de l'Editeur. Il vaut, beaucoup mieux couper fur pied le melon que l'on
cftimc mûr , & le manger quelques heures apiès , lorfqu'il efl: rafraîchi.
4^6
M E L
emploient celui des vieilles couches
de deux ans , qui n'a fervi à aucun
autre ufage; les autres le compofent
moitié do terre iranche, un quart de
terreau de couche , & un quart de
colombine ou de crotin de mulet, de
mouton , &:c. , réduits en poudre de-
puis un an. Quelquss-uns ne fe fer-
vent que des balayures des grandes
villes, des débris des végétaux bien
confommés ; & quelques autres ,
de la poudrette ou excrémens hu-
mains qui lont réduits en terreau pat
une atténuation de plutieurs années,
ou par les débris des voieries réduits
au même état. Ce terreau eft égale-
ment répandu fut toute la couche. Les
praticiens ne font pas tous d'accord
fur répailTeur que doit avoir la cou-
che du terreau : quelques-uns ne lui
donnent que trois pouces, & d'autres
en donnent fix. Ces derniers ont rai-
fon , parce que les racines trouvent
plus à s'étendre & à s'enFoncer. Plu-
sieurs , tn'àn , tÎMent la profondeur à
neuf pouces. Plufieurs cultivateurs pré-
fèrent les petits pots de bafilics en-
foncés dans la couche jufqu'au haut,
& les interftices garnis de terreau ,
afiu de lailfer moins d'ilTue à la cha-
leur j mais il y a de la place perdue,
& elle eft précieufe fur une couche.
Lorfque la couche a jeté fon plus
grand feu, c'eft-à-dire , lorfque l'on
peut encore à peine y tenir la main
plongée fans fouffrir, on profite de
ce moment pour femer, iSc aunicôt
on place les cloches , ou on ferme les
■ chaJJJs. ( /^^o)f^ ce mot ) Pour femer,
on tait avec le doigt des trous dans
le terreau , & dans chaque trou on
place deux graines que l'on recouvre
de terre fort légèrement. Chaque trou
eft féparé de fon voilîu de deux à trois
pouces.
M E L
La chaleur de cette couche fuffit
ordinairement pour faire germer &
lever cette graine \ mais dès qu'on
s'apperçoic <]ue cette chaleut dimi-
nue , on la renouvelle en détruifant
le réchaud , & en le fuppléant par
un nouveau. On doit , autant qu'il
fera polîible dans cette faifon, don-
ner de l'air aux jeunes plantes , dont
le tirand détaut eft de fondre , lorf-
qu'elles font trop long-temps privées
de la lumière du jour j mais fi la fai-
fon eft froide , fi les gelées devien-
nent fortes, on couvrira les cloches,
en raifon delintenfité du froid, avec
des paillalTons , ou avec de la paille
longue.
Si , malgré les réchauds , les pail-
Liflons , &c. la chaleur de la couche
diminue trop fenfibiemenr , on fe
hâtera iXcn préparer une féconde
comme la première, fur laquelle on
trinfportera promptem.ent les pots
d;; la première j ce qui prouve l'avan-
tage de femer dans des pots plutôt
qu'en pleine couche \ car la tranf-
plantation dans ce dernier cas, eft
beaucoup plus longue à faire , &
moins (me pour la reprife de ces
laèrnes plants. Les cloches ou les
chalîis ne doivent refter entièrement
fermés que pendant les grands froids,
les pluies , la neige ou les brouil-
lards , & il eft important de les
ouvrir un peu au premier inftant
doux, au premier rayon du foleil. 11
faut efluyer les cloches (Se les chaflis ,
alin de diffipet leur humidité in-
térieure.
in. Des couches de tranfplanta-
tlon. La féconde , dont on vient de
parler, eft une.couche de précaution,
à raifon des grands froids \ iSc encore
il vaudroit beaucoup mieux s'en feu-
vit pour de nouveaux feniis, dans
M E L
le cas que la rigueur de la faifoii ou
la trop longue foiiftradion de l'air
& de la lumière fillent périr les pre-
miers. Ce n'eft que par un art lou-
tenu qu'il eft poflible, dans cette fai-
foii rigoureufe, de conferver & d'a-
vancer les plants. Des que les ré-
chauds ne maintiennent plus une
chaleur convenable à la première cou-
che, on en drelFe une féconde à l'inf-
tar de la première , fur laquelle on
tranfporte les vafes ou les plants fe-
més dans la terre. Si les froids font
prolongés , h cette féconde ne fuftit
pas, on travaille à ime troifième, &
à une quatrième au befoin, comme
pour les deux premières. Enfin, il huit
que ces couches conduifent les plantes
jufqu'au milieu de mars environ. Si
on a employé à la forme des pre-
mières couches, le tan , les feuilles
de bruyères, ainfi qu'il a été dit aux
mots Couches &: Chûffis , il ell: rare
qu'on foit obligé de recourir à une
troifième , parce que ces fubftances
ne commencent à acquérir la cha-
leur, que lorfque le fumier de litière
perd la fienne : ainfi ce mélange la
foutient bien plus long temps.
IV. De lix dernière couche ou à
demeure. Elle fera , comme les pre-
mières , haute feulement de deux
pieds après le fumier battu , & cou-
verte de dix à douze pouces de ter-
reau bien fubftanciel. Si on croit avoir
encore befoin des réchauds , ils doi-
vent être faits en même temps, &
renouvelles au befoin. Lorfque le
grand feu fera palfé , &: que la cou-
che n'aura plus que la chaleur con-
venable, fur une telle couche de douze
pieds de longueur on ét.rblit quatre
pieds de melons, nombre très-fuiH-
fant pour garnir dans la fuite toute
la fuperficie : en les plaçant en échi-
M E L
487
quier , il en entrera un bien plus grand
nombre , quoique tous également à
trois pieds de diftance ; mais il y ,
aura confufion dans les branches. Les
plants dans des vafes font renverfés
fur la main, fans déranger en aucune
forte les racines. Pludeurs culciva-
reurs dctruifent les petits chevelus
blancs qui ont circulé autour du vafe
entte la terre & lui, & ils ont le
plus gtand tort : ces petits chevelus,
bien ménagés, deviendront de belles
racines qui aideront beaucoup à la
végétation du pied. 11 convient donc
de l'étendre doucement dans la petite
folfe ouverte & deftinée à recevoir
la motte, «Se elle fera un peu plus
enterrée dans la couche qu'elle ne
l'étoit dans le vafe , c'eft-à-dire , de
neuf .à douze ligr-es , fuivant la torce
du pied. Après l'opération , on régale
la terre, & l'on donne un léger ar-
rofement, afin d'unir la terre de la
couche avec celle de la motte , en
prenant foin de ne pas mouiller les
feuilles , crainte de rouille. La fur-
face de la couche doit être inclinée
au midi, afin qu'elle reçoive mieux
les rayons du foleil. On place en-
fuite les cloches , que l'on tient plus
ou moins ouvertes , fuivaiu l'état
de la faifon. Loriqu'elle lera trop
chaude, on les couvrira avec de la
paille & des paillallons pendant les
heures les plus chaudes de la jour-
née ; le plant feroit biûlé fans cetce
précaution.
V. De la conduite des jeunes plants.
Ils ne tardent pas à poulfer des bras,
& ces bras fe chargent de fleurs mâles
que l'on nomme communément
jdujfes fleurs , & que beau.oup de
jardiniers détruifenc impitovnble-
ment Pourquoi ne détruifent-ils pas
également celles de leurs courges ,
48S
]VÎ E L
de leurs citrouilles , de leurs potirons ?
Ils n'en favent rien j mais ils l'ont
vu pratiquer à leurs pères , & ils
n'examinent pas li la nature a jamais
rien produit en vain. Ne Icparez
aucune fleur mâle, quand elle aura
rempli l'objet pour lequel elle ell
deftmée elle fe flétrira 6c tombera
d'elle-même; mais auparavant il s'en
trouvera dans le nombre qui auront
fervi à téconder les fleurs femelles ,
& dont le fruit nouera certaine-
ment & viendra à bien, tandis que
plus des trois quarts des fleurs fe-
melles , non fécondées , fe fondent
Se avortent.
Auflîtôt après la trnnfplantation,
ou peu de jours après ; enfin , lorf-
que le plant a quatre ou cinq feuilles,
outre les ceux cotylédons que les jar-
diniers appellent oreilles , on rabat
au-deffus des feuilles les plus près
des oreilles. De l'aillelle de chaque
feuille qu'on a lailfée, part une nou-
velle tige ou hnis qu'on laifl'e s'éten-
dis & fe charger des fleurs dont on
vient de parler , & de ces bras il en
fort enfuite plufieurs autres connus
fous le nom de ccurcLrs, On leur hille
le temps d'acquérir de la force. Après
cela, on fupprime les plus foibles,
pour ne conferver que deux ou trois
des plus vigoureux. Ces nouveaux
bras, lorfqu'ilsont cinq feuilles, font
ciîcore arrêtés, & ainfi de fuite ; mais
6'i' en furvient du pied, on les fuo-
rime , parce qu'ils deviennent pour
a plante ce que les gourmands font
aux arbres, c'eft-à-dire que leur prof-
périté aflame tous les bras fupérieurs.
Le nombre des melons à conferver
fur un pied, eft depuis deux jufqu'à
cir.q , fuivant la force de végétation ;
inais avant de détruire les fruits fur-
immér.ùres , il ceavitnt de choifir
r;
M E L
ceux qui promettent le plus, foit
par leur grolfeur , foit par leur belle
ferme. 11 eft rare , ainfi qu'on l'a
déjà ditj qu'un melon mal conformé
foit bon. . . . Après le choix, fi la tige
eft foible, on taille à un œil au deflus
du fruit \ fi elle eft vigoureufe , à
deux ou à trois. 11 convient de ne fup-
primer les cloches que lorfque la
faifon eft alTurée , & après que le
fruit a acquis la grolfeur d'un œuf de
pigeon. Si , après de beaux jours ,
l'air redevient froid , on remettra les
cloches, & on les laiflera autant de
temps que le froid durera.
Les melons ainfi élevés craignent
les pluies ou les arrofemens qui bai-
gnent les feuilles , les bras & les
fruits. Afin de prévenir cer incon-
vénient, on couvre avec des cloches,
(S: l'eau des pluies crrofe la terre de
la circonférence \ comme l'humidité
gagne de proche en proche, elle pé-
nétre jufqu'aux racines , & elle iuffic
à la plante. Les chaflîs ont l'avantage
de garantir des pluies , & on les
couvre facilement avec àts paillaf-
fons, faits exprès, lorfque l'on veut
garantir la plante de la grande ar-
deur du foleil. Les fréquens arrofe-
mens font les vrais deftrudleurs de
la qualité du fruit, quoiqu'ils en aug-
mentent le volume : il vaut mieux
que le pied foufFre un peu de féche-
relle, que d'êrre trop arrofé.
Depuis l'époque de la fixation du
nombre de fruit fur chaque pied juf-
qu'à fa maturité, il poufie une irw-
huité de petits bras foibles, qui épui-
fent les deux à quatre principaux
qu'on a confetvés \ s'ils font foibles,
cette multiplicité de furnuméraires
aura bientôt diminué leur fubfiftance:
il eft Aowc néceflaire de vifiter tous
les huit jours fa melonnière, & d'.en
fupprlmer
M E L
fuppiimer le nombre en raifoii de la
vigLieiir lies premiers- (I on en re-
tranche trop , il monte d^ns le fruic
une fève mal élaborée : le trop & le
trop peu font miifibles à i'a perteclion.
Ahn de donner de la qualité &
une qualité égale à toutes les parties
du melon , les uns placent au-delTous
de ciiaqne melon une tuile , ou une
brique, ou une ardoife, &c., & une
feuille entre le fruit «Se la brique, &
tous les huit jours ils retournent le
fruit à tiers ou à quart , ahn que fuc-
celîivement chaque partie foit frap-
pée des rayons du foleil. On compte
pour l'ordinaire quarante jours depuis
celui oii le finit a noué jufqu'à celui
de fa maturité. La thuile, Ôcc. em-
pêche que l'humidité de la couche ou
de la terre ne fe communique au fruit ,
qui abforbe cette humidité autant
que les feuilles abforbent celle de l'at-
mofphère. Si le fruit eft couvert par
des feuilles, on ne doit pas les fup-
primer, mais les tirer de côté, afin
que rien n'empêche ra(5lion directe
du foleil fur le melon.
Les maraîchers , pour éviter les
embarras & les foins continuels à
donner aux couches pendant les mois
de janvier & de février , ne com-
mencent à femer leurs melons qu'à
la fin de février ou de marsj la ré-
colte en eft retardée de trois femaines
ou d'tm mois tout au plus.
La conduite d'une melonnière
exige donc beaucoup de foins , une
vigilance continuelle, &c. ; mais je
demande fi le fumier de litière étoit,
à Paris & dans fes environs , aullî
rare & auflî cher que dans nos pro-
vinces éloignées , que devlendtoient
la théorie & la pratique de cette
culture , qui ont pour bâfe la multi-
plicité des fumiers, tandis c]ue dans les
Tome J-'J,
M E L 4^9
ptovinres, fortant de deffbus les pieds
des chevaux, il coûte jufqu'à trois iiv.
le tombereau ? la même quantité
d'engrais , répandue fur un champ à
bled, ne rendroit-elle pas au pro-
priétaiie du champ beaucoup plus
numéiiquement en bled qu'en me-
lons ? 11 n'y a pas le plus petit doute
à ce fujet \ cependant je ne défap-
prouve point la dellination de cet
engrais dans les environs de la ca-
pitale &: des gtandes villes des pro-
vinces du nord , puifque la vente des
melons prouve annuellement que le
cultivateur y trouve un bénéfice réel ;
je dirois même plus , il prouve que fi ,
généralement parlant , les melons
des environs de Paris ne font pas tous
excellens, ils font au moins à-peu-
prês prefque tous paffables ; au lieu
que dans les provinces où la culture
eft fimple, fi la faifon eft pluvieufe,
fi l'intenfité de chaleur n'eft pas fou-
tenue , les melons font en général
tous mauvais. 11 eft donc naturel que
chaque pays cultive fuivant une mé-
thode proportionnée à fes facultés &
à fes rellources, & l'on ne doit point
blâmer la culture de fes voifins, ou
celle des provinces éloignées.
Melon d'eau ou pastèque. Paf-
téque à confire. ( f'^oye:^ le mot Ci-
trouille ) Dans cet article ces deux
plantes font décrites , ainfi que la
manière de les cultiver.
MELONGÈNE. ( Foyei Auber-
gine)
MÉMARCHURE. ( Foye^ En-
torse)
MENIANTE ou TRÈFLE D'EAU.
( Voye-{ Planche XII j page 471 )
Qqq
490 M E N M E N
Voii Linné le cLifle d.ms la peu- Lieu. La plante eft vivace , naît
landrie nionoeynie , & le nomme dans les mardis , Eeiiric en mai iSj
/nenyunthescnJolldta.TouïncÇoriïa^i- en juin.
pelle rnenyanthes paluftre lanfoiiuin Proprietcs. La fleur oC la plante
tnphïlluni ^ & le place dans la pre- ont une odeur aromatique &piqLiante;
inière feclion de la féconde claire une faveur amère & acre. La plante
tîeftinée aux herbes à fleur d'une eft réfokuive , décerfive, favonneafe,
Icule pièce, en entonnoir. diurctique , tonique , fébrifuge , anti-
rieur. Reprcfentce en B, fcparce fcorbutique ; la femence eft expedo-
du groupe i c'efi: un tube d'une feule rante. Les feuilles font quelquefois
pièce, évafcà fon e>:tréniicé, divifé indiquées dans le fcorbut , dans Tic-
en cinq parties égales , étroite , tère elfentiel , lorfqu'il n'exifte ni
unie, pointue, recourbée, tapilTée fpafme, ni difpofition inflammatoire ;
intérieurement d'un duvet long <Sc dans les paies couleurs, les aftedions
frifé j les étamines an nombre de hypocondriaques , par obftrudion ré-
cinq , & un piftil. Les étamines fon: cente & légère du foie ou de la
repréfentéesdanslacoroHeouvetteCi "fs \ dans la paralyfie , par des hu-
le piftil D occupe le centre de la meuis féteufes. Elles échauffent &
fleur; le. calice E&ftcompoféde cinq portent préjudice dans les maladies-
feuilles égales, longues, étroites, inflammatoires ,t\ la plùpait des
pointues," & alternatives avec les maladies convulfives.^
divifions de la fleur. ^/"^"- O" en prépare une eau
^Fndt. F fuccède à la fleur ; cap diftiHée , qui a moins d'action que
fuie ovoïde & pointue , à une loge '^ '''"P^e mfulion des feuilles : il en
formée par des valvules G , repré- eft de même de fon extrait,
fentée coupée tranfverfalement en
H , pout montrer la difpofition des MENSTRUE ( flux menftruel. )'
femences.I femences petites &ovales_ v ^ i-D'^t HtctEs. j
Feudks. Celles^ qui pattent des MENTHE A ÉPL ( Vo^cr PL
racines, ont des pétioles en manière ^r, s tt r- ''i i er
, A n r • , • Xi/ . Ti^CT. 471. ) Von Lmne la clalle
de gaine : elles lont trois a trois en , , v- , ' '• r • o
r ° \ i • ;i 1 • r dans la didvnamie gymolpermie , &
rotme de doi"ts: celles des ti^es lont , ' ; ■- V c
, „ °-v' o la nomme wd.-î^/ia vjr/û'.'j. 1 ournerorc
ovales ce cuticres. , , > \ c c^- j 1
la place dans la lectson de la qua-
_^ Kacïnc A. Horizontale , articulée, trième clafle des fleurs en lèvres ,
Port, repréferite une portion de dont la fupérieure eft creufée en cuiller,
la bafe d'une tige avec des feuilles & l'appelé mentha angujlï foUa fpi-
nailKintes. La tige eft grcle , cylin- cata . . . . ^ Qn repréfente une fé-
drique 5 elle s'élève du milieu des parée de l'épi ; c'eft un tube cylin-
leuilles radicales, à la hauteur d'un drique , menu à fa bafe , gonflé à
pied & demi environ , en fe recour- fon extrémité j & divifé en deux
bant. Les fleurs font ralTemblées en lèvres , dont la fupérieure eft creufée
bouquet; les feuilles florales font en en cuiller , & découpée en cœur;
forme de filets , entières & embraf- l'inférieure eft divifée en trois parties
fant la tige par leur bafe. égales ; ces divifions font difpofées y.
M E N
par rapport à la lèvre fupcrieure ;
lie manière qu'elle ne paroiirent tor-
mer enfemble qu'une corolle d'une
feule pièce , divifée en quatre parties
prefqu'égales , comme on le voit dans
lahgureC, où la Heur eft reprcfentce
vue de face. La tigare D offre la
corolle ouverte par la partie latérale
d-e la lèvre fupérieure ; le piitil E eft
placé au centre; le calice , dans lecjuel
repofe la fleur, eft repréfenté ouvert
t-n F.
Frui:, Quatre femences G renfer-
mées au fond du calice , oblongues ,
pointues.
Feuilles. Entières , oblongues , ter-
minées en pointe, dentelées alTez ré-
gulièrement.
Racine. A Pivot fimple, articulé j
garni de fibres rameufes à chaque ar-
ticulation.
Port. Tiges de deux pieds environ
de hauteur , droites , quarrées , ra-
meufes; les feuilles oppofées deux à
deux ; les rameaux nailfent des aif-
felles des feuilles , & les fleurs , dif-
pofées en épi , au fomme: des tiges.
Propriétés. Odeur aromatique, la-
veur un peu amère : fes propriétés
font les mêmes que celle de la men-
the dont ou va parler j mais plus
foibles.
Menthe cuiruE ou frisée-, ap-
pellée par Tournefort mentha rotundi
folia , crifpa , fpicata , diffère de la
première par fes feuilles en forme
de cœur; dentelées, ondulées & cré-
pues ; par fes tiges hautes de trois
pieds ; par la pofition verticillée de
fes fleurs ; enfin , par fes feuilles ad-
hérentes aux tiges fans pétiole.
Lieu. Originaire de Sibérie ; & on
la culrive dans les jardins , elle y
- M E N 491
eft vivace, & fleurit depuis juillet
jufqu'à la fin de feptembre , fuivant
la laifon.
Propriétés. Odeur aromatique &
forte ; faveur amère , acre , légère-
ment piquante. Elle eft ftomachique,
aiui-émérique,antivermineure, apé-
ritive, tonique, iSc vulnéraire. Les
feuilles échauffent médiocrement ,
alièrent peu , conftipent , augmen-
tent la vélocité & la force du pouls,
fortifient l'eftomac , favorifent la di-
gtftion dérangée par la toiblelfe de
l'effomac , ou par des humeurs pi-
taiteufes , ou par des humeurs aci-
dulés : elles font indiquées dans le
dégoût par des matières pituiteufes ;
dans le vomilfement par des humeurs
acidulés , ou féreufes , ou pituiteufes ,
fans difpofi'.ions inflammatoires ; dans
les maladies des enfans, entretenues
par des acides , pouivu que dans leur
infufion on ait délayé des terres ab-
forbantes , telles que la craie ou les
yeux d'éctevilfes ; dans les coliques
venteufes ; l'afthme humide ; les pâ-
les couleurs ; la fufpenfion du flux
menfftuel , des pertes blanches , des
lochies , par imprellion des corps
froids , & avec foibleffe ; dans la
retention du lait dans les mammel-
les , fans inflammation.
Ufages. Les feuilles récentes eivin-
fuilon depuis deux drachmes jufqu'à
une once dans fix onces d'eau ; les
feuilles fèches, depuis une drachme
jufqu'à demi once , dans la même
quantité d'eau. L'eau diftlllée n'a pas
plus de propriétés que l'infufion des
feuilles. Le fyrop de menthe , depuis
une drachme jufqu'à deux onces ,
dans cinq à fix onces d'eaii.
Pour le bétail , une poignée en
macération j dans une demi-livte de
vin bl.tnc.
Qqq i
45)1 M E N
Menthe aquatique. Mentha
ûquaùca. Lin. Mentha rotundi folia
palujiris ,feu aquatica major.TovKH.
Elle diffère de la précédente par les
étamines , pins longues que les co-
rolles \ pat fcs teuilles ovales , den-
tées en manière de fcie ; par fa ra-
cine très-hbreufe \ par fes tiges me-
nues , velues , remplies d'une moelle
fongeufe ; par fes fleurs raifemblées
au fommet , en manière de tête ar-
rondie. Elle naît dans les marais j elle
eft vivace , & fleurit en juillet.
Menthe poivrée , ou Menthe
d'Angleterre. ( J'^cye^ planche XII,
page 471 ) Mentha piperita. Lin.
On doit à M. Barbeu Dubourg ,
célèbre traduéleur des œuvres de M.
Francklin , de nous avoir fait con-
noïtre cette plante , vivace Se origi-
naire d'Angleterre.
Fleur. B repréfente la corolle. C'eft
un tube dont l'extrémité efi; partagée
en deux lèvtes j la fupérieure arron-
die , l'inférieure divifée en trois par-
ties prefque égales. C repréfente la
même corolle ouverte, afin de lailfer
voir la difpoluion des parties fexuelles.
£ reptélente le piftil dans le calice
ouvert , & toutes les parties de la
fleur repofent dans le calice. D tube
divifé en cinq fegmens aigus.
Fruit. Semblable à celui des autres
menthes.
Feuilles. Ovales , terminées en
pointe , dentées régulièrement tout
autour.
Racine. A Pivot médiocre , garni
de nombreufes fibres , rameufes.
Port. Tiges hautes d'un pied &
demi env.ron , droites , quadrangu-
Jaires , rameufes ; feuilles oppofées
deux à deux fur les tiges, & portées
fur de petits pétioles, fiUonnés dans
M E P
leur longueur \ les rameaux fortent
des aiflelles des feuilles 5 les fleurs
nailfent au fommet des rameaux ,
verticillées tout autour , & fur des
épis courts.
Lieu. Originaire d'Angleterre , vi-
vace , cultivée dans nos jardins.
Propriétés. C'eft une des plus fin-
gulières productions du règne végé-
tal , fur-tout à raifon de fon goût
piquant , fuivi d'une fraîcheur très-
fenlible : propriété qui fembleroit
caraélérifer Vether excluflvement.
( yoye-:^ ce mot. )
Propriétés. Beaucoup plus aélives
que celles de toutes les menthes ,
particulièrement dans les maladies
de l'eftomac , caufées par des humeurs
féreufes , ou par foiblelFe , ou par
abondance d'humeurs pituiteufes.
L'époque de la plus grande activité
de la plante , eft lorfque les fleurs
nouent, & c'eft celle de la cueillir.
On prépare des paftilles auflî agréa-
bles au goût qu'elles font utiles ^
elles laiflent, fur le palais & dans
toute la bouche une odeur &c une
fraîcheur très- agréables.
MEPHITISME, MEPHITIQUE ,
ou MOFETIQUE, ou AIR FIXE.
Pour bien comprendre comment cet
air mortel vicie l'ait atniofphériqae , il
eft elfentiel de relire l'article Air , &
fur-tout la partie qui traite fpéciale-
ment de l'air fixe. Je me contente ,
dans cet article , de confidérer cet air
fous quelques rapports particuliers, &
fur- tout relativement à la manière
de définfeéter un lieu , une maifon,
S<.c. où l'air vicié eft fufceptible de
nuire à la faute de l'homme & des
animaux. Pour produire un pareil
effet , il n'eft pas toujours nécelTaire
que l'air foit vicié au point que U
M E P
lumière s'y éteigne , que l'animal
meure fuffoquc. Alors c'eft l'air mé-
phitique le plus deftrufteur; mais ,
entre ce point extrême Se celui ou
l'air ed falubre, il y a un grand nom-
bre de nuances , &: ces nuances de-
viennent plus ou moins dangereufes,
fuivant que l'air du lieu eft plus ou
moins chargé d'air fixe. Il faut fe
rappeller , i°. que l'air atmofphéri-
que que nous refpirons, contient tout
au plus un tiers de fon poids d'air
pur, ou air appelle dcphlcgijiique \
z", que l'air fixe ell plus pefant que
l'air atmofphérique , c\: par conié-
quent , qu'il règne & augmente tou-
jours dans la partie inférieure de l'ap-
partement, de l'écurie , lïsrc. a"^ que
dans un lieu infeété , c'elt l'air que
nous refpirons , puifque l'air atmof-
phérique eft plus léger , «Se occupe
la région fiipérieure de la cliambre.
Ainli , l'air d'une bergerie , d'une écu-
rie , remplies d'animaux , ou celui
d'une chambre où les enfans , où les
hommes font entalfés , devient inlen-
fiblement méphitique , & à la lon-
gue il devient mortel \ parce que l'air
atmofphérique de ces lieux s'approprie
l'air fixe qui fort des corps par la tranf-
piration , & qui eft encore vicié de
nouveau dans les poumons , par l'inf-
piraîion tk par la refpiration. Si on
veut une preuve bien palpable de
cette corruption de l'air, il fuftit de
prendre une bouteille, d'y dcfcendre
un morceau de bougie allumée, &:
de bien boucher cette bouteille. Tant
que la flamme trouvera d'ait pur à
s'approprier , cette flamme fnbfiftera;
mais , lorfque la malfe des deux tiers
d'air méphitique , qui étoient renfer-
més dans l'air atmofphérique de
cette bouteille, feraencore augmentée
par l'air fixe qui s'échappe de la flam-
M É P 495
me , cet air deviendra mortel , &c
la flamme s'éteindta. Si après cela ,
on plonge dans l'air de cette bouteille
un animal quelconque , il périra en
peu de minutes ; ii on y plonge un
fécond, un troifième, &c. ce der-
nier mourra en moins de temps que
le premier & le fécond , & aiiifi de
fuite; patce que fa tranfpiration a
augmenté la malTe de l'air mortel.
Dans un femblable vafe , rempli
d'air mortel , jetons de femblables
animaux , &: bouchons le vafe. Leur
infpiration abforbeta peu- à -peu la
poftion d'air déphlogiftiqué , & leur
tranfpiration augmentera la malle cie
l'air méphitique; enfin , ils mourroiu.
Si on ajoute de nouveaux animaux ,
leur mort fera plus prompte , il:c.
Appliquons ces extrêmes à l'air
atmolphérique de nos appartemens,
des bergeries , des écuries , &c. &:c.
Moins l'air s'y renouvellera , & plus
il y fera contagieux \ la contagion
augmentera en raifon du nombre des
individus , & de la pofition des fenê-
tres qui établiflent la communication
de l'air extérieur avec l'air du dedans.
Les fencties , ou plutôt les laimiers
des bergeries , ( Foye^ ce mot) , iont
toujours placés à cinq ou fix pieds de
l'animal : il eft donc forcé de refpirer
Tair le plus pefant, & par conféquent
l'air le plus mal fam ; au lieu que
fi le larmier avoir été placé près du
fol , l'air pefant fe ferait échappé
au dehors ; fauf à boucher ces lar-
miers dans le befoin. D'après cet
exemple, chacun peut en faire l'ap-
plication à l'appartement qu'il occu-
pe, & en conclure combien il eft in-
difpenfable d'en renouveller l'air at-
moluhérique , afin qu'entraîné par le
courant , il dilfolve & fe charge de
l'air méphitique , pour le tranfpottcr
4H
M E P
dans le rcfcrvoir immenfe de Tatmof^
phère . . . On doit conclure encore,
que toute habitation près d'un cime-
tière , près des lieux marécageux , &
de tous ceux où les corps éprouvent
une fermentation, foit fpuitueufe,
i'oit putride , eft mal placée. De-là ,
réùilte la nécellité d'en éloigner les
fumiers , is: en général tout ce qui
vicie l'air. Confukez lesmotsExANGS,
AisANct( folfes de).
11 y a plufîeurs moyens de déhn-
fecter les endroits qui le font : l'eau ,
la fumée, leteu, l'établillement d'un
courant d'air nouveau , & certains
procédés , lorfque l'air ell devenu
vraiment méphitique.
On a vu nu mot Air fixe, que
l'eau s'en chargeoic à peu- près de
moitié de fon volume. Ainii , les
lavages à grande eau font utiles, &
malheureufement trop peu employés.
Au mot Fumée , on a renvoyé à
celui de Fumigation , & ce dernier
a été oublié. Il convient d'en parler
ici. Pendant les épidémies & les
épizooties , la coutume eft de faire
brûler dans les lieux infeélés , des
herbes & arbrilleaux aromatiques ,
tels que le geniévrier, la lavande, le
thym , Sec. On ne détruht point l'air
méphitique , la fumée le mafque pour
un temps , fur-tout h l'endroit eft
clos ôc bien fermé. Mais fi on éta-
blit un courant d'air rapide pendant
l'ignition de ces plantes , alors cette
fumée devient méchaniquement fa-
lutaire , parce qu'elle entraîne avec
elle l'air fixe. Voilà pourquoi les
cheminées font Ci avaiitagcufes dans
les appartemens , par le courant d'air
extérieur qu'elles occafionnent, qui
renouvelle celui du dedans ^ 8c qui,
enfin , eft entraîné par lui dans le
xuvau de la chemince. On a cbuc
M É P
le plus grand tort de boucher, pen-
dant l'été , l'ouverture de la chemi-
née , fous prétexte de décoration , ou
par tel autre motif de ce çenre. De
ces courans d'air dépend la falubrité
des appartemens.
C'eft encore ainli que le feu, pen-
dant l'hiver, renouvelle l'air par l'ac-
tivité que la chaleur & la flamme
donnent au courant qui palfe dans la
cheminée. Si pendant les chaleurs, un
malade dans fon lit , vicie l'air par fa
tranfpiration , fouvent empeftée ; li
on craint mal-à-propos de tenouveller
l'air de fi chambre , il faut , dans ce
cas , établir du feu dans la chambre
voihne, de il attirera le mauvais air
de l'autre. Il vaiidroit beaucoup mieux
ouvrir les fenêtres , établir un cou-
rant d'air naturel , lailfer les rideaux
du lu ouverts , iur tout dans toutes
les maladies putrides, ayant cepen-
dant loin de défendre le malade de
rimpreiîion du froicL S'il n'y a point
de courant d'air , c'eft poiçiiarder
l'homme malade & l'homme en faute,
que de placer dans fa chambre un
brafier de charbons allumés (Se ttès-
allumés, quoiqu'on loit dans Thabi-
tude de mettre, dans le milieu, de
vieilles ferrailles , fous prétexte de
s'oppofer aux qualités délétères du
charbon allumé. Le teu, dans ce cas,
change l'air atmofphétique , déjà ua
peu vicié outre melure, en véritable
air mortel. Ne voit-on pas chaque
année , une multitude de perfonnes
périr par la vapeur de ces braliers ,
quoique bien allumés? Une quantité
de lampes, de chandelles, de bougies
allumées, produifent des eftets aiilll
finiftres, toutes les tois que l'air n'eu:
pas renouvelle.
Si j par maladie contagieufe , uae
chambre, une éciuiej bergeries &c.
M É P
font infectées jufqu'à un cercua
point , le premier loin cil ti'ct.iblir
îe plus de courant d'air qu'il efc pof-
fible ; z". de laver à grande eau les
murs , les carreaux, les râteliers , les
auges , &:c. 5 3^' de laver le tout avec
du vinaigre ^ 4*^. de mettre iur un
réchaud bien allumé , un vafe rempli
de vinaigre , Se en quantité propor-
tionnée à l'étendue qu'on veut dé-
fiiifedlier. On a coutume d'y ajouter
des zeftes de citron , des écorces d'o-
tanges , des baies de genièvres , &c
toutes ces drogues ne purifient point
l'air , elles malquent feulement , je
le répète, l'odeur (Se pour peu de temps.
Le vinaigre feul agit comme acide ,
comme neutralifant les aikalis vola-
tils, [P^oye-^ ce mot ) , qui s'exhalenc
des corps en putréfaélion. Ces moyens
fuffilent lorfque le méphitifme n'ell
pas à fon dernier période j c'ell-à-dire
qu'on doit les regarder jufqu'alors
comme des relTouices, & des précau-
tions contre l'air mépihltique , en-
core un peu éloigné d'être mortel.
Lorfque cet air méphitique com-
mence réellement à devenir dange-
reux , & un peu avant qu'il foit com-
plètemenrmortel ,il faut employer un
moyen plus efficace, dont on doit la
découverte à M. de Morveau , ancien
avocat général du parlement de Di-
jon, fi connu dans la république des
lettres , par l'étendue de fes connoif-
fances. Voici comment s'explique ce
citoyen, ce patriote. L'églife cathé'-
dralede Dijon étoit li infeétéepat l'air
putride qui s'élevoit des caveaux de
iépulture , que le chapitre fut obligé
M E P
49 î
d'aller faire le lervice divin dans une
autre églife j & celle-ci fut aban-
donnée.
» Je fis mettre fix livres de fel
marin, non décrépité (1), & même
un peu humide , dans une de ces
grandes cloches de verre , dont on fe
lert dans les jardins. Cette cloche fut
placée fut un bain de cendres froides ,
dans une chaudière de fer fondu. Oiï
plaça la chaudière fur un grand ré-
chaud , qui avoir été piécéden'imenc
rempli de charbons allumés. Je ver-
fai , fur le champ , dans la cloche ,
& fur ce fel , deux livres de l'acide
connu fous le nom impropre d'huile
dcvicriol ,&z je me retirai. Je n'ctois
pas à quatre pas du réchaud , que li
colonne de vapeurs qui s'en élevoit^
touchoit déjà la voûte du collatéral r
il étoit alors fept heures du foir 5 tout
le monde fortit précipitamment, «Sa
les portes furent fermées jufqu'aiî-
lendemain ».
» C'efl un principe généralement
avoué , qu'il fe dégage une quantité
conddérablcd'alkali volatil , des corps
qui font dans un état de fermentation
putride. Dèslors, pour purifier une
malTe d'air qui en eft infectée , il
n'y a point de voie plus courte &
plus fûre , que de lâcher un acide,
qui , s'élevant & occupant tout lef-
pace, s'empare de ces molécules al-
kalines, les neutralife, & réduit l'o-
deur, ainfi décompofée, à fes parties
fixes , que l'air ne peut plus foutenir.
Le procédé que je viens d'indiquer,
remplit parfaitement ces deux objets.
1°. Perfonne n'ignore que dans cette
( I ) Note de l'Editeur. Sel marin ou ftl de cuifine font deux mots fynonimcs ; on appelle
ec fel décrépite , lorfque, fur une pcle expofc'e fur le feu , on a fait chauffer ce fel au point
de perdre fon eau de ciylf allifation , & de ne confeiver que fa partie faline bien fèche.
49'î M E P
opération j l'acide marin eft mis en
libercé & eft volacihfc par le feu: auOi
trouva-ton le lendemain , l'églife
remplie des vapeurs de cette difTo-
lution ; & l'un de meilleurs les fabri-
ciens m'aairurc, que s'ctant prcfenté
à l'une des portes de l'églife, environ
deux heures après l'opération , il avoir
été faifi par cette vapeur qui s'échap-
poit par le trou de la ferrure; i'^.
cette vapeur a neutralifé l'alkali &
décompolé l'odeur. Ceux qui entrè-
rent dans cette églife , le dimanche
matin , avouèrent tous , avec éron-
iiement, qu'il n'y avoit plus aucun
foupçon d'odeur quelconque ; «Se l'effet
eft ici d'autant plus marqué , qu'il a
été reconnu depuis , que le foyer de
la fermentation putride n'étoit pas
éteint dans le caveau ".
» Que!c]ue grand que puilTe erre
le vailfeau à définiecler , la dofe de
deux livres d'acide vitriolique , fur
lix livres de fel marin, fera plus que
1 ufH (an te , puifque ce mélange a fourni
aiTez de vapeurs pour remplir une
églife très-vaftè, & que je trouvai en-
core dans la capfule ou cloche , plus
de moitié du fel marin qui n'avoit
pas encore été décompofé y ce qui
venoit de ce que le feu ne s'étoit
pas fourenu alfez long-temps , &: il
u'auroit pas été prudent de tenter de
le renouveller pendant l'effervef-
cence »,
•' L'on peut donc réduire les dofes
énoncées ci-deflus , fuivant la gran-
deur des appartemeiis , en obfervant
toujours Iti proportions de trois par-
ties de fel de cuihne pour une partie
d'huile de vitriol. Ainfi donc, trois
onces d'acide vitriolique , &: neuf
onces de fel marin , peuvent fuffire
pour toute chambre de grandeur or-
dinaire. L'opération fe feroit , du
MER
moins en grande partie fans feu , fi
l'on employoit du fel de cuifine dé-
crépite j mais, pour peu que les dofes
fullent cor:iidérables , il y auroit tout
à craindre que celui qui en feroit le
mélange n'eût pas le temps de fe
retirer , &• ne fût fuffoqué fur le champ,
par l'aélivité des vapeurs acides. Voilà
pourquoi je nie fuis fetvi du fel or-
dinaire , non léché , & même un peu
humide "•
Cette opération ne peut avoir lieu
dans une chambre où il y auroit des
malades; mais combien d'autres oc-
cafions n'cxiftent-elles pas où il eft né-
cellaire de purifier l'air?
11 fuffit de tranfporter les malades
dans des appartemens éloignés , &r
de ne les ramener dans le premier
que le lendemain. Ce qui eft dit pour
les appartemens , s'applique égale-
ment aux écuries, aux érables, aux
bergeries , fur-tout lorfqu'il règne des
epr-i^ooties , ( f'^oye'^ ce met ) dont le
caraétère eft putride, gangreneux &
inflammatoire.
MERCURIALE MALE ou FE-
MELLE, (/^oj-i^j planche XllI ^pag.
40<^) Tournefort la place dans la
iixième l^élion des fleurs àéramines,
féparées des fruits , fur des pieds dif-
férens , & il l'appelle mcnurialis
tcJïiculatLi Jïve Mas . . . Mercurlalis
J'picuta Jîvc FoEMiNA. Von Linné la
clalfe dans la dioécie ennéandrie , &
la nomme mercurialis annua.
Fleur B. Compofée d'étamines feu-
lement. Le n". 1 repréfcnte la tige
d'un pied , à fleuts mâles ; c\' le n".
2 , une tige d'un pied , à fleurs fe-
melles, Ainfi , les unes & les autres
fou: féparées & portées fut des pieds
différcns.
Les
F/ JTIT. Pitar 4.t)t'.
JUc/' Cir/I II / f JUilh' c'fT<'J/lr'//i'
Mille -l'eftiiio:
J/riim
^i'fUit-r o't-uiy.
'Si
MER
Les fleurs mâles font portées par
un calice divifé en trois fegmens , 8c
quelquefois en quatre. C repréfente
une ctamine. Les fli.urs femelles F ,
font compofces du piftil & de deux
neétaires pointus, inférés fur chaque
côté du germe , porté dans un calice
femblable à celui de la fleur mâle ,
qui accompagne l'embrion D jufqu'à
fa maturité.
Fruu. La figure E repréfente le
fruit naûr , hérilTé de poils , divilé
en deux capfules , repréfentées ou-
vertes en G , & qui renferment cha-
cune une feule graine prefque ronde.
Feuilles. LiiTas, fimples, entières,
pointues, fouvent ovales , dentées en
manière de fcie.
Racine. A très-fibreufe.
Pon. Tiges d'un pied environ ,
anguleufes, noueufes , lilfes, rameyi-
fes ; les fleurs nailfent oppofées , 8c
des aiffelles des feuilles j les mâles
portées fur des pédicules , & ralfem-
blées en épi; les femelles , prefque
adhérentes aux tiges, & fouvent deux
à deux; les feuilles font oppoiées ;
les ftipules doubles.
Lieu. Elle croit par tout; la plante
eft annuelle , & fleurit pendant tout
l'été. Sa graine eft une des principales
nourritures des oifeaux , ik fur-tout
des becs-figues , elle les engraiHe
promptement.
Propriétés. Fade , dcfagréable au
goiàt , fans odeur , laxative j émol-
liente , tient le ventre libre , nourrit
peu , raff^raîchic médiocrement ; en
lavement elle favorife l'expuliion des
matières fécales.
Ufag'^. On tient inutilement chez
les apothicaires du miel mercurial ,
puiiqu il ne diffère en rien, quanr à
fes propriétés, du miel ordinaire. On
donne le fuc exprimé des feuilles ,
Tome f'^i.
MER
497
depui'; deux onces jufcu'à cinq , ftul ,
ou délayé dans cinq parties égales
d'eau pure. Les feuilles récentes ,
broyées jufqu'à confiftance pulpeufe,
pour cataplafme émoUient.
MÈRE ( mal de ). Médlcine
RURALE. Maladie connue fous dif-
férens noms. Pline en a parlé fous
celui de fuftocatiun des femmes ;
Rodericus l'a appellée étranglement
de matrice ; Lorry , apoplexie fpaf-
modique ; les Latins , fuffocation
hiflérique , & le peuple , mal de
mère.
Cette maladie vient tout-à-coup;
les femmes qui en font frappées , per-
dent le mouvement & le fentiment ;
la refpiration eft à peine fenfible ; le
pouls eft déprimé, petit, & quelque-
fois intermittent ; le froid s'empare
de tout le corps , 8c les deux mâ-
choires font quelquefois fi étroitement
ferrées , qu'il eft impofllble de frite
ouvrir la bouche aux malades. Les
femmes fujettes à cette maladie ,
fcntent , pour l'ordinaire , les ap-
proches d'un paroxlfme auflî extraor-
dinaire ; il eft toujours précédé de
vives pallions , de quelque terreur
panique; les malades éprouvent une
forte d'étranglement, une difficulté,
ou pour mieux dire , une g^ne dans
la refpiration : on apperçoit même
dans le çlobe de l'œil un mouvement
extraordinaire ; elles font auflî tour-
mentées par des rapports très-fré-
quens , & par un battement à l'hy-
po^aftre.
Une infinité de caufes peut exciter
cette maladie ; pour l'ordinaire elle
dépend de la fenfibilité des nerfs ,
de la délicarcfle des organes , & de
l'irritabilité de la matrice. Outre ces
trois caufes , qui font les plus ordi-
Rir
498 MER
naires , on a vu cette maladie oçca-
Connée par la préfence des vers dans
l'eftomac , par l'abus des boillons
échauffantes & fpiritueufes ; par un
exercice immodéré ; par des évacua-
tions périodiques fupptimées ; par
l'effet des poifons , pris intérieure-
ment ; par l'ufage immodéré de l'o-
pium \ par une pléthore univerfelle ;
enfin , par l'abus des plaiiirs.
Cette maladie ne doit pas être
regardée comme fort dangereufe ,
fur-tout fi elle dépend de toute autre
caufe que du poifon.
Les hypocondriaques fubiffent fou-
vent de pareilles attaques ; mais
quand ils font hors du paroxifiiie ,
ils fe rappellent avoir parlé , fans
s'être remués ; avoir entendu d'une
manière fort obf:ure , tout ce qu'on
leur a dit -, Hs affûtent même l'avoir
prouvé par les geftcs qu'ils ont fait
dans l'attaque.
Les indications à remplir dans le
traitement de cette maladie, font re-
larives à l'intenfité du paroxiime ,
6c aux moyens qu'on doit employer
pour s'oppofer à fes retours.
i". Dans le paroxifme , fi le ma-
lade a le vifage rouge &: enflammé ,
un degré de chaleur ausmentée, une
pulfation bien marquée aux artères
temporales , le pouls fort , piquant ôc
tendu, il faut alors faire faigner le ma-
lade , & lui tirer une petite quantité
de fang j quoiqu'en général la faignée
foit contre-indiquée , âc même nui-
fible dans piefque toutes les affections
nerveufes , néanmoins l'expérience a
prouve fes bons effets dans quelques
circonftances ; le pouls devient plus
fort , le paroxifme cède bientôt , &
le malade eft bientôt rétabli.
Mais il la caufe eft purement ner-
veufe, on emploiera avec faccès. les
MER
remèdes antifpafmodiques , tels que
la rhue, le caftor, le camphre cor-
rigé avec le nitre; un grain de mufc
mis dans la vulve , cft le véritable
fpécifique dans cette maladie ; je
m'en fuis toujours fervi avec fuccès.
Il elt quelquefois avantageux d'a-
voir recours à des remèdes qui pro-
duifent des irritations locales.
Dans quelques circonftances', il
faut faire infpirer la fumée de plume
brûlée fur des charbons ardents , ou
de cuir. Un emplâtre fétide , fair
avec parties égales de ihériaque &
d'olTa-fétida , appliqué fur le creux
de l'tftomac , produit aufli de bons
effets.
L'eau de menthe , combinée avec la
liqueur minérale anodine d'Hoffman ,
le petit-lait coupé avec la fleur de
tilleul , les bains domeftiques , le
régime végétal , font les remèdes
les plus propres à combattre le retour
& les paroxifmes de cette maladie.
M. Ami.
MERRAIN. Ce mot s'applique
plus particulièrement au bois d£
chêne retendu en planches , qu'aux
planches de tout autre arbre ; il dd-
îjgne encore d'une manière plus fpé-
ciale le bois travaillé pour faire des
douves , & de ces douves ( f^oye:( ce
mot ) des futailles. Cependant l'a-
fage a prévalu ; ou appelle encore
ces planches merrain à panneaux ^
lorfqu'il eu employé dans la menui-
ferie. Il eft inutile de répétet ici ce
qui a été dit au mot Douve.
METAIRIE. J'ai renvoyé à cet
article les mots ferme ^ domaint ,
&c. , afin de réunir fous un mên^e
point de vue tout ce qui a rapport à
l'habitation de Thomme qui vit à b-
MET
campagne , au placement des gre-
jiiersjdes fourrages , des écuries, <î\:c.
D'après ce plan, je définis une mé-
tairie , un alfemblage de logemens
deftinés à mettre à couvert les hom-
mes, les animaux, tous les objets de
leurnouiiitute,deIeur boidon, & les
inftrumens ncceiraires à l'exploitation
des terres, à laquelle eft réunie une
quantité de terres propres à la cul-
ture, & proportionnée à la made des
bâtimens : tous ces objets réunis conf-
lituent une métairie.
Elle eft ou fimple, ou ornée. La
métairie fimple eft celle qui fert d'ha-
bitation ou au fermier , ou à un
homme d'aftaire , ou à un maître
valet, chargé de veiller aux travaux
champêtres & fur les valets. La mé-
tairie ornée fuppofe , outre les bâ-
timens néceftaires à l'exploitation ,
l'habitation du propriétaire, plus ou
moins vafte, commode, plus ou moins
décorée fuivant fes facultés , & em-
bellie par des jardins potagers , des
parterres, des allées, des promena-
des, &c. j c'eft ce qu'on appelle mal-
à-propos maifon de campagne ^ qui,
dans le fens ftriét, n'eft qu'une habi-
tation ordinairement renfermée dans
un clos, facrihée à l'.igréable, & en
partie au potager &au fruitier, au lieu
que la métairie doit être, au moins,
plus utile qu'agréable. Si le proprié-
taire n'habite pas fur fes poireffions,
s'il n'y paiïe pas une pattie de l'année ,
il ne doit avoir en vue que le pro-
duit , la facilité dans le fervice pour
l'intérieur, la folidité & l'entfecien
des bâtimens , la profpérité des ani-
maux, enfin la fanté lie le bien-être
de fes valets, ^oye^ ( le mot Abon-
dance )
Quelle doit être la fituation (Se dif-
pofition d'une métairie ? Eft- il avan-
MET
499
tageiix aux propriétaires d'avoir de
grandes métairies ? Chacune de ces
queftions mérite un examen par-
ticulier.
CHAPITRE PREMIER.
De l'établissement d'une
MÉTAIRIE j OU DE SON
ACHAT.
Section première.
De l'achat d'une métairie.
J) Quand vous penferez , dit Por-
>5 cius-Caton , à hùre l'acquilition
n d'un fonds de terre , mettez-vous
)> bien dans la tête , que c'eft une
ij opération qu'il ne faut pas faire
n à la hâte , & que vous ne devez
)3 pas épargner vos peines à le bien
» vilîrer auparavant, ni vous en te-
» nir à une fimple infpection. Plus
" vous vifiterez fouvent un fonds de
)> terre, plus il vous plaira , s'il eft
" bon. Faites attention à l'exténeuc
» des voifins 5 '^\ le pays eft bon &
» fain , ils auront infailliblement le
J) teint brillante fieuri. RéHéchifiez
» aufîi, avant de faire cette empiète,
» Ç\ vous ne vous embarquez pas
» dans une mauvaife aftaire \ exa-
» minez fi le climat eft bon , s'il eft
3: fujet aux orages j fi le fol , par lui-
» même , eft de bonne qualité j fi la
35 fortie & le débouché des denrées
" font faciles. Ne négligez paSj fans
13 raifon particulière , de faire atten-
>3 tion au goût du propriétaire. Eu
)3 efict, (\ c'eft un bon cultivateur,
» iSc qui fe plaife aux bâtimens, votre
33 accjuifition n'en fera que meilleure.
13 Quand vous irez voir la métairie ,
33 examinez s'il y a beaucoup d'uf-
»j tenfiies \ leur petit nombre eft une
R r r 2
5GO MET
» preuve certaine que la terre n'eft
» pas d'an giand rapport , &c. » A
ces préceptes, il convient d'en ajou-
ter quelques autres.
De l'achat d'une métairie, dépend
la fortune d'un homme ûniplement
aifé. Siracquifitioneftboiine, c'eft un
tréfor dans Tes inains, pour peu qu'il
ait de l'intelligence &: de la conduite \
fi l'acquifidon eft médiocie , cette mé-
tairie relfemblera à un arbre planté
dans un fol depÊu de qualité, qui vé-
gète mal , à moins que l'œil du maître
ne veille perpétuellement fur fa cul-
turej (i elle eft mauvaife, le proprié-
taire eft ruiné. Par ces mots, bonne,
médiocre iSc mauvaife , je n'entends pas
parler de la malTe d'argent à compter
pour l'acquifition , mais des fonds de
terre, «Se de l'état des bâtimens. En
effet , une vafte métairie , dont la
majeure partie des fonds eft elTen-
tiellement mauvaife , eft toujours
ruineufe pour le cultivateur , loit à
caufe du peu de produit, foit à cnufe
de l'éloignemenr. Cette nature de
terre, dans l'efpace de dix ans, coûte
plus qu'elle ne produit. On perd
donc , & l'intérêt du prix de l'acqui-
fition , & celui de fes avarices fon-
cières , ( f^oye\^ ce mot ) , & fes dé-
bourféspour la cultute. Les prétendus
bons marchés ruinent j payez plus
cher , mais achetez du bon
Ces affertions demandent quelques
modifications. J'appelle un bon fonds,
celui que les belles récoltes prouvent
ctre tel , & celui qui n'eft pas pro-
dudlif dans le moment , foit par la
négligence du propriétaire , ou foit
parce que fes moyens ne lui per-
mettent pas de le faire valoir , quoi-
qu'il foit de qualité. Ce n'eft donc
pas par une rapide infpeftion des
terres , des champs , des vignes , &c. ni
MET
par une fimple promenade qu'on peut
s'allurer de la valeur d'une métairie,
mais par un examen long &i réfléchi ,
par de petites fondes faites de dif-
tance en diftance , fur les lieux qui
paroilfent médiocres ou mauvais; par
la végétation plus ou moins aftive
des arbres ik des arbrilfeaux , &c. Ne
vous prefiez donc jamais d'acquéiir
fans une connoiftance complète de
la maiïe ; pefez les avantages & les
défauts de la totalité \ calculez les
produits, les bonifications dont l'en-
femble eft fufceptible ; les réparations,
qui ne portent point d'intérêt, & les
avances fonciètes qu'une métairie
exige : ( relifez le mot Avances fon-
cières, il eft eftentiel à celui-ci.)
Enfin , d'aptes un calcul fait fans pré-
vention, voyez s'il eft plus que pro-
bable, que le produit de cette mé-
tairie foit en proportion de l'intérêt
de la fomme que vous devez donner ,
foit pour l'acquifition , foit pour les
avances foncières, foit pour les droits
de lods &: ventes , foit enfin pour les
droits du roi ; fi tous ces objets fe
trouvent réunis, ne laifiez pas échap-
per l'occafion. Voilà, quant à la va-
lent intrinfcque de l'acquifition. Oc-
cupons-nous aébuellcment de l'exa-
men des accefioires.
Les chemins , les routes qui con-
duifent aux différentes pofîelfions ,
font-ils bons & praticables pendant
toute l'année? Les champs fitués fur
le penchant des colines , font-ils en-
vironnés de fofTés , afin de prévenir
la dégradation des terres , par les
grands lavages des eaux pluviales ?
les champs de la plaine font- ils
fiibmergés , inondés; pendant com-
bien de temps ? Peut-on facilement
donner idue aux eaux futabondantes ?
Le lit des rivières , des torrens qui
MET MET 501
avoifinein les podeffions , font- ils Un homme qui vend , a néceflai-
alfez crcufcs ? Ne crainc-011 point les renient des raifons , des motifs qui
dcbordcmens, & les engravemens ? l'engagent eu le forcent à fe deU'aiiir
L'eau, pour abreuver les beftiaux , de ce qu'il polFède , fans quoi il ne
eft-elle éloignée de la métairie, ou vendroupas, parce qu'on n'aime pas
bien, la qualité d'une eau plus rap- à fe dépouiller. On peut donc d;re
prochée , eft elle pure? A-t on allez en général que la vente d'une mc-
d'eau pendant toute l'année, malgré tauie luppofe que les affaires du
les féchereiles, pour le fervice aifé vendeur lont dérangées. Que fera -ce
de la métairie ? Le corps des bâti- donc li ce vendeur elt de mauvaife
mens eft-il placé dans le centre des foi, s'il lésa dérangées fourdemeiit,
polfelfions? S'il eft à une de fes ex- fi, pour fe procurer de l'argent, il
trémités , quelle fera la perte du a lailTé accumuler hypothèques fur
temps pour les hommes & pour les hypothèques, li les contrats ont été
beftiaux, locfqu'il s'agira d'aller cul- pallés dans un lieu éloigné, &c. ; on
tiver les terres, & d'en rapporter les achettera, on payera. Les hypothé-
récoltes! Trouvc-t-on d:ins cetre mé- caires ne tarderont pas à paroître,
tairie les bois de chauffage néceflaires ils entreront dans leurs dioits , c^
à la confommation j les bois propres l'acheteur perdra la fomme qu'il a
aux réparations, aiiifi que les pierres payée : ces exemples ne font pas
& le fable? Le légumier & les aibres rares.
fruitiers font-ils en proportion avec Les fubftitutiens font encore des
les befoins?L'air y eft-il pur? Eft-on fléaux dans l'acquilîtionj elles ont foive
éloigné des ecangs , ( /-^oyc^ ce mot ) de loix jufqu'à la quatrième généra-
des marais, des eaux ftagnantes , eau- tion. Or, cnpeut facilement fup{x>fer
fes indubitables & permanentes des que chaque individu vivra cinquante
fièvres, & des épidémies ? Enfin les ans; il s'écoulera donc deux fiècles
chemins qui aboutilfent à des villes avant que la terre foit libre ; com-
ou à des rivières , qui alTurent les ment veut-on après cela que la tra-
débouchés, font-ils en bon état, & le . dition de pareille fubftitution fe per-
lieu des débouchés eft-il éloigné? Ces pétue dans un canton , fur-tout li la
obfervations de détail paroîrront mi- métairie eft affermée de père en fils,
nutieufes à l'habitant des villes , mais & fi ces propriéraires habitent de
Je bon cultivateur qui calcule la perte grandes villes, où tout fe confond,
du temps , qui fait que le bon travail 11 arrive même trop fouvent que
dépend de la fanté de fes valets & de l'inrérct des familles exige que le
fes beftiaux, n'en jugera pas ainfi. teftament refte fecret ; les loix onc
D'-après cet examen général & bien ordonné des formalités d'enré-
particulier , d'après la jufte balance giftiément , Sec, mais combien de
des avantages ik des inconvcniens , perquifitions ne faut - il pas faire
des produits certains & des produits avant de découvrir la vérité? Il n'eft
cafuels , on fe décide à faire l'acqui- même pas toujours poflible à l'ac-
fition de cette métairie; mais juf- quéreur de lever le voile du myf-
qu'à préfent on n'a rien fait pour tère , fur-tout fi le vendeur n'eft pas
s'alfurer fi on en jouira paifiblemenc. de bonne foi. La tranquilliré & le
joi MET
repos des familles follicitent auprès
des Souverains une nouvelle loi qui
enjoigne, lous peine de nulliré , la
publication de toute hypotlièque & de
toute fubititution , & leur enrceif-
trement au greffe du tribunal ou
jurildichion de la métairie hypothé-
quée ou fubftituce ; enfin, pour qu'il
n'y ait ni fubrertuge , ni dol , ni ca-
cherre, que dans cedit greffe il y ait
un tableau attaché contre le mur
pendant aurant de temps que durera
ou l'hypothèque, ou la fubftitution.
Avec le fecours de ce tableau, on
trouvera auflitôt dans les archives du
greffe les adtes originaux qu'il im-
porte de connoître. Il e!l de l'intérêt
du prêteur que fa créance foit con-
nue du public, & il importe peu à
l'emprunteur de bonne foi, qui veut
§c qui peut payer dans le temps, que
l'on fâche qu'il doit. Le fripon feul
a befoin d'être couvert du manteau
du myftère ; celui qui fubftitue à fes
enfans jufqu'à la quatiième généra-
tion , ne prévoit certainement pas
qu'ils fe ferviront un jour de ce pri-
vilège pour tromper un acheteur.
Si l'acquifirion d'une métairie n'eft
pas nette, c'eft-à-dire, fi la poifef-
•non de quelque champ eft conteftée,
fi des droits font litigieux , n'achetez
pas, à quelque bas prix que ce foit ;
on achette toujours trop cher dans ces
cas , & les meilleurs procès appau-
vriflent celui qui les gagne. Sans tran-
quillité d'efprit , point de bonne
agriculture , & le temps que le pro-
priétaire ira perdre à folliciter , les
valets le palTeront à ne rien faite ;
d'ailleurs, diftrait par les pourfuites,
il fera forcé de s'en rapporter à eux
fur lés opérations agricoles, & tout
.ira mal , parce quil n'eft pour voir
^ue l'ail du . maure.
MET
Section II.
I^e l'étahlljfement d'une métairie.
Une fourcc , une fontaine, un
ruilleau déterminenr ordinairement
la politiondes batimens, parce qu'il
n'ell pas plus poflible de fe palfer
d'eau que d'alimens j cependant ,
comme les fources & les fontaines
fortent en général de terre dans les
lieux bas, le local du bâtiment n'eft
pas alors dans l'endroit le plus falubre ;
les rofées y font plus fortes, le ferein
plus dangereux , l'air y eft moins re-
nouvelle , la purndité , occafionnée
par l'humidité , eft moins entraînée
par les vents; enfin, fi l'hiver & les
autres faifons font pluvieux, on croit
pit dans la fange, & le bétail eft
écrafé dans fes charrois. Plus on ap-
proche des provinces méridionales ,
plus ces pofitions balffs & humides
font dangereufes, mal faines ou pef-
lilentielles.
On fe réfout difncilement à aban-
donner des batimens déjà élevés ,
quoique le lieu foir mal fain ; leur
tranfport eft difpendieux & pénible,
& fûuvent , faute d'avances, on eft
dansl'impoflibilitéde mettre la main
à l'œuvre & de changer de polîtion ;
cette privation eft fàcheufe , parce
qu'elle devient la ruine de la fanté
des valets , des fermiers, & celle des
rerres. Comme à l'impolTible nul n'eft
tenu, il faut , malgré foi £c avec cha-
grin , fe foumettre aux circonftances;
mais le propriétaire n'eft pas moins
un barbare, fon cosur eft d'acier s'il
immole la fanté de fes valets à une
parcimonie mal entendue j il devroic
être condamné à cultiver lui-même
fes terres , & à gémir toute fa vie
fous le poids des maladies & des in-
firmités.
MET MET 503
Admettons que les bâtimensfoieiK culier, foi: par rapporta fa pofuion,
élevés, que l'air foit pur, que l'eau foit par rapport à la falubntc , à fa .
foit abondante; une meilleure cul- facilité pour le fervice des champs,
ture fous les yeux d'un cultivateur «Sec. «Sec. «Sec. il vaut beaucoup mieux
viï^ilant &C entendu, fuppofe nécef- fuppofer , qu'après avoir acheté une
faire une meilleure récolte , par con- étendue de terrein quelconque, cette
féquent plus de local, plus de bâti- métairie eft alTez confidérable & alTez
mens qu'on n'en avoir auparavant; produdive pour nécefliterà ladépenfe
cette meilleure culture fuppofe un des conllrucftions. Enfin fuppofons
plus grand nombre de valets, plus de que le propriétaire aifé eil déterminé
bérail , plus d'inftrumens aratoires , à y vivre , & , pour la rendre plus
il fiiut plus de place pour les loger ; agréable , fuppolbns encore que les
que fair-on? en adolfe par- ci par- bâtimens feronr placés à mi-côteau
là un toit fupporté par un mur; ou d'une colline à pente très-douce,
auî^menre la totalité des bâtimens , 1-1 faut convenir que cet emplace-
& non pas l'aifance de fervice. Ces ment eft heuteux , qu'il facilite les
additions font proportionnellement moyens d'avoir de bonnes caves, de
plus coûteufes que 11 on avoit réel- placer avantageufemen: un cellier ,
lement élevé fa maifon d'un étage ; ( Voye-^ ce mot ) de donner l'écou-
la rolture auroit fervi au rez - de - lement à toute efpcce d'eaux , de les
chaulfce & au premier érage. C'ell; raflembler dans des creux à himier,
par ces additions, faites après coup, de n'en perdre aucune lans le vouloir,
que les logemens font fans ordre, &c. ; mais, avant de fixer l'emplace-
fans arrangemens, fans commodités, mène, il convient d'examiner s'il
Un acquéreur doit prendre fon parti n'eft pas expofé aux vents orageux du
tout de fuite; je ne prérends pas qu'il pays, s'il eft à couvert des évapora-
doive renverfer tous les édiiitcs , rions des lieux infeéls , des étangs,
mais qu'il drelTe un plan général , entraînées par les courrans d'air; ^\
auquel fe rapporteront toutes les. ré-- les eaux de lource font abondantes &C
parations pcftérieures.Je'mets en fait continuelles, «S: fi on peut les dif-
que h on examinoit bien le total des pofer avec facilité pour le fervice de la
réparations ou additions partielles qui maifon «Se pour l'irrigation des jar-
ont été faites , on trouveront qu'elles dins; enfin s'il eft polîible d'y réunir
excèdent de beaucoup ce qu'il en toutes les commodités «Se toutes les
auroir coûré pour rebâtir à neuf une aifances qui cor.rribuent à rendre le
ménaaerie ; la feule excufe capable fervice plus facile & moins coùreux ,
de pallier cette faute, c'eft que ces deux objets elTentiels auxquels on r,e
additions ont été faites petit-à-petit , fait pas alTez d'attention.
&; que le propriétaire s'eft moins .np- Faifons aciruellement connoître le
perçu de la dépenfe ; mais j'ajoute plan d'une métairie ornée ce habitée
qu'elle auroit été moindre il on avoit par un propriétaire aifé, il feraenluite
travaillé d'après un plan général, «Se facile de le réduire à celui d'une mé-
eependanr par parties, fuivant fes fa- tairie fimple «Se proportionnée aux.
cultes. Comme il n'eft pas poffible de facultés «Se fuivanr les befoins des pro-'
p.-ir!er de chaque métairie en parti- priétaires moins fortunés; c'eft doiic
504
MET
un fimple' apperçu que nous allons
xionoer , & rien de plus , puifque
loures difpoluions de bâtimens cien-
nenc au local , à la iîtuation, à la
commodité des eaux, 8cc.
Dans les provinces du nord , la
meilleure expofition , fur-tou: pour
le badinent du maître, eft celle du
levant au midi. Dans les cantons
voifins de la mer, il eft important
d erre à l'abri des vents qui en vien-
nent, parce qu'ils traînent après eux
une humidité extrême qui pénètre
les murs, s'inlînue jufques dans les ap-
partemens lesmieux fermé.';, & pour-
rit les boiferies, les tapilTeries appli-
quées de ce côté-là. Dans les pro-
vinces du midi, le levant eft le plus
fain , le nord l'eft également, il rend
les chaleurs plus Supportables j l'expo-
ficion du couchant y eft déteftable ,
elle renouvelle la chaleur dans le
temps que l'air, la tetre & les bâ-
timens l'ont déjà les plus échauffés;
d'ailleurs, on peut dire en général
que les vents qui foiifflent du cou-
chant y font les plus incommodes &
les moins fains. Il eft facile d'ima-
giner que ces aftertions ne peuvent
pas être rigoureufement exaéf es pour
tous les cantons, puifque les climats ,
( Voyei ce mot ) changent en raifon
des abris: cependant malgré leur eé-
neralite elles font variées. Acluelle-
ment examinons en détail les diffé-
rentes parties qui entrent dans Fé-
tabiiifement d'une forte métairie ,
telle que nous l'avons conçue, iSc re-
préfentée dans la Planche XIV ^ en
la fuppofant , comme nous l'avons
dit, au milieu d'une colline à pente
très- douce.
1. Creux à fumier placés au-dehors
des bàâmcus & de la ccur , & qui
reçoivent les eaux pluviales iv les
M É T
eaux des fontaines par un aqueduc
qui pafte fous les écuries des bosufs
& des chevaux , n°'- 5 & i(î : ces
creux doivent être fermés de murs
de trois côtés , & un feul ouvert ,
afin d'en pouvoir faire fortit le fu-
mier. Ces murs ne font pas abfo-
lument nécedaires, mais ils dérobent
a la vue un coup d'œil peu agréable;
on pourroit les couvrit avec de la
chatmille , des ormeaux , des noi-
fettiets , &c.
i. Ouverture des aqueducs dans
la cour. Il eft bon & même très-
fain d'avoir la facilité de conduire
l'eau des fontaines dans ces deux
écuries , afin d'en laver le fol de
temps à autre, pendant que les bêtes
font au travail, ou lotfque l'on en
a forti le fumier. De l'extrême pro-
preté dépend prefque toujours la fa-
lubrité de l'air, & on a vu dans l'ar-
ticle Air combien l'eau abiorbe d'air
fixe, & par conféquent purifie d'au-
tant celui des écuries.
3. Porte d'entrée, Td^i/e & unique 3
dont chaque foir on remet la clef
au propriétaire; fi on l'accompagne
d'une grille aulli étendue que la fa-
çade de la maifon, la vue en fera
plus agréable, & cet efpace augmen-
tera le courant d'air.
4. Loges des chiens; ces animaux
doivent être attachés pendant le jour
^' lâchés pendant la nuit; un feul
fufîit dans la bafte-cour , & l'autre
doit être placé d.ms le Jardin. Un
feul homme, & toujours le même,
les attachera à l'entrée du jour, i?c
les détachera à l'approche de la nuit.
5. Ecurie des bœufs. ( Foye^ les
mots Ecurie , Stable ) Ce bâtiment
eft compofé d'un-rez-de-chaulTée,
qui forme l'écurie, & d'un premier
étage , dcrtiné à renfermer les pailles
&
l -Z/t' J'açe jo-
MET
& les foaiTages néceflaires à la no'.ir-
rirure.
6. Boulangerie & four. On peut
ménacrer dans cet efoace un retran-
cheinent pour y loger quelques pou-
les , quelques femelles de dinde pen-
dant l'hiver , afin d'avoir une plus
grande quantité d'œuts , &: fur-tout
afin que ces femelles, bien nourries,
foienr plutôt en ctat de couver. Le
produit de ce petit foin économique Se
peu embarralTant, fait grand plaifir à
la campagne. Ce bâtiment ne doit
avoir qu'un rez-de-chauflee.
7. Bâtiment avec rez de-chauflTée
& premier étage. Le bas eft con-
facré à la cuifine & à la falle à man-
ger de tous les gens de la métairie ;
le premier étage eft diftribué en
chambres où ils couchent.
8. Remife à un feul étage, dcfci-
née à loger les outils & les inftru-
mens aratoires , lorque les animaux
reviennent des champs. Il ne faut
jamais fouffrir qu'aucun outil ou inf-
rrument , lorfqu'on ne s'en fart pas ,
foir , dans le jour & dans la nuit ,
ailleurs que fous la remife.
9.Rez-de-chaufrée& premierérage.
Le bas fert de bûcher , & le haut
de magafin à fourrage.
10. Remife , fans premierérage,
des charrettes , tombereaux, brouet-
tes, &c.
1 1 . Cellier ( f''oye:( ce mot ) com-
pofé d'un rez de chaulTce de d'un
premier étage.
II. Logement des cuves & des
palToirs, fans premier étage. Dans
les provinces où l'on ne récolte pas
de vin, & où l'on bat en grange
pendant l'hiver , cet emplacement
fervira à loger les grains ( Foyc:^ le
mot Grenier). Comme ce bâtiment
cft par fa hauteur fuppofé avoir un
Tome VI.
g^M É T 505
rez-de-chauffce & un premier étage ,
o!i fuppnmcra le plancher de fépara-
tion j <:<: il y aura une étendue pro'
portionnée au volume des gerbes.
Dans les pays de vignobles,, au con-
traire , où l'on bat rarement pendant
l'hiver, lîv: prcfque toujours audîtôc
après la mollfon , le plancher de fé-
paration devient nccelfaire ; alors le
premier étage fervira iimplement de
grenier.
T^. Fontaines dlfpofées à fervir
d'abreuvoir.
14. Portes d'entrée du jardin,
fuppofé d'une grandeur proportion-
née aux befoins du propriétaire , &
du nombre des donielîiques de fa mai-
fon , & des valets de la métairie.
1 5. Maifon & habitation du pro-
priétaire, plus ou moins ornée, fuis
vant fes facultés , mais garnie de
cxvcs ( Voye:[ ce mot ) dans toute
retendue du bâtiment.
1 5. Jardin légumier, fruitier , par-
terre , &c.
17. Terrafle formant mur de clô-
ture, parce que l'emplacement total
eft fuppofé litué fur une colline à pente
douce.
1 8. Fontaine avec fon baflin , qui
diftribué l'eau aux fontaines 1 3 de
la cour. Si on craint , & cette crainte
eft bien fondée, de faire pafTer les
conduits de cette eau dans l'intérieuc
desbâtimens, on doit les diriger vers
l'angle des grilles 14, & y établir la
fontaine.
15). Colombier; la partie inférieure
qui fert de dépôt aux outils du jardi-
nage \ peut dans le befoin devenir une
efpèce de ferre , d'orangerie , ou de
ce qu'on appelle jardin d'hiver , ou
enfin devenir un pavillon entouré
de bancs pour y être à l'ombre. Si I'uh
des deux colombiers eft furnuméraire ,
sa
50^
MET
celui q'.ù ne fera pas rempli , fervira
d'obfervacoire au propriétaire j c'eft-à-
dire que de là il verra 6c veillera fur fcs
gens qui travaillent. Qu'il y paroiffe
quelquefois-, qu'il avernlfe les valets
qu'il y va fouvent , ils croiront avoir
toujours l'œil du maître fur eux j les
bons chercheront à lui plaire en bien
travaillant , & les parelleux fc-ront
comme les autres , afin d'éviter la
réprimande.
io. Bâtimenscorrefpondans à ceux
des n"'. 11 & 1 i. La partie fupé-
rieure fert de grenier j l'inférieure ,
de bûcher , de lavanderie , & même
de remife à l'habiration du Maître.
2 1. Bâtiment correfpondant au
n°. 10. Dindonnerie.
iz. Bâtiment correfpondant au
n". 9, qui peut devenir une écurie
dans le befoin , 8c le premier étage
reiîtcrme la paille ou les fourragea.
23. Corrclpond au n°. S. Poulail-
Jier divifé en deux parties j dans la
première, logent les poules, & dans
la féconde , les poules couveufes.
Cette féconde doit être très - peu
éclairée , mais chaude. Le poulaillier
expofé au midi eli: le mieux placé.
Z4. Correfpond au n'. 7. Ber-
gerie. [P'oye^ ce mot ) La pairie fu-
périeure renferme les fourrages qui
Ibnt deitinés aux troupeaux. Afin
qu'elle ait un grand courant d'air ,
on ménagera des foupuaux au-delîus
du toit, n°K ij Se 15.
25. Loge des cochuns j elle corref-
pond au n''. 6.
z6. Ecurie des chevaux. ( ^'oye^ ce
mot ) Correfpond au n°. 5 .
27. Cour pavée & ornée de deux
rangs d'arbres , tenus cependant de
manière qu'ils ne dérobent pas la
vue au propriétaire lorfcju'il eft dans
fa maifon.
MET
Ce plan, qu'on peut modifier de
plufieurs manières , fuivar.t les lieux ,
les circonftances, les facultés & les
befoins , me paroît dirigé d'après àçs
principes avantageux pour le proprié-
taire , & le plus propre à empêcher
les déprédations , à faciliter le fer-
vice , & à éloigner toutes les caufes
fufceptibles d'alrérer la pureté de
l'air. 11 s'agir actuellement des mo-
tifs qui m'ont déterminé à préférer
cette difpohtion.
Le mi-côteau d'une colline à pente
douce , &z dans l'expofition la plus
convenable relativement au climat
& au canton , n'oftre aucun obftacle
à la facilité des charrois , à l'écou-
lement des eaux pluviales , & faci-
lite la conduite des eaux , lorfqu'on
arrofe par irrigation , ( ^'o) er ce
mot), & diminue le travail, lorf-
qu'on eft forcé de fe fervir d'arro-
foirs. Si les eaux font abondantes,
la métairie eft environnée de prai-
ries & de vergers, dont le coup-
d'œil eft toujours agréable.
Sur un mi-c6teaUj l'air eft tou-
jours plus pur que dans la plaine ,
& j'ai cherché à l'épurer encore parla
plantation des arbres dans la cour, &
tout autour des bâtimens de la mé-
tairie. On a vu au chapitre de Voir
fixe , à quel point les arbres & les
végétaux purifioienr l'air arhmofphé-
r)que,par l'abforption de l'air mortel
combiné avec lui. On a vu encore
que par leur tranfpirarion , ils ren-
doient une cerraine quantité d'air pur
qui fe mêloit avec l'air a;hmofphéri-
que. Ces arbres font donc d'une utilité
réelle, & ils fervent en même remps
à la décoration de l'habitation.
La cour doit être pavée dans toute
fon étendue , ou du moins on ne doit
lailfer qu'une allée fablée 5c battue
M É T
depuis le [uitail, n°. 3 , jufqu'à l'ha-
bitacion du maître. Ce pave donne
un ail- de propreté , empêche les pe-
tits dépôts d'ordure , qui font autant
de foyers de puttidité. \Jne force pluie
tient cette cour toujours propre &
jiette j & au défaut de pluie , on l'ai-
rofe & on la balaie. Un Maître at-
tentif & ami de l'ordre, ne doit ja-
mais y laifler plus de vingt-quatre
heures aucun encombrement. Sans
cette vigilance alîîdue , 8c fur-tout
dans les commencemens, jufqu'à ce
que tous les gens de la métairie foient
accoutumés à l'ordre &: à la propreté,
cette cour fera dans peu le réceptacle
général de tous les immondices. Après
la pureté de l'air, la propreté eft le
point le plus effentiel pourla confer-
vation des hommes iSc des animaux.
Si on me demande pourquoi , entre
chaque corps de bâti mens, j'en lailfe
uncompofé d'un fimplerez de chauf-
fée , contradiétion apparente avec la
remarque faite ci-dellus fur les mé-
tairies compoféesde bâtimens de rap-
ports , ou faits après coup? je ré-
pondrai: i''. c'eit afin d'établir de
grands courans d'air , quelle que foit la
dirediion des vents, & de procurer
la falubrité à toutes les habitations.
2". Ces alternatives de toîts hauts
& bas j facilitent rétabblfement des
fûupiraux dans toutes les écuries, re-
mifes, Ôcc: dès-lors la faute des ani-
maux , & la confervacion des outils ,
inftrumens aratoires, iSic. Je regarde
ces foupu-aux , comme abfolument
indifpenfables, fut tout dans les pro-
vinces du midi , &: dans les cantons
humides. On en fent aifément les
railons , fans les détailler \ au fur-
plus , confultez les mots Bcraerïcs _,
} .canes j ikc. 3". Si par malheur un
ii?c.endie fe manifefle dans un bâci-
M E T
507
ment, on na jamais a la campagne
les rellLHirces & le monde nécclîaire,
je ne dis pas pour l'éteindre , mais
feulement pour empêcher fes grands
ravages. Dans ce cas défaftreux , on
abat à côté du pavillon incendié, la
toiture durez de-chauirée,& on coupe
au fil tôt toute communication à l'in-
cendie. Ainfi, on ne facrifie qu'une
partie, pour confetver la totalité.
Maisj dira-ton, il efl: rare de voie
des incendies. Us peuvent arriver ;
donc le plus fur eft d'en prévenir les
luîtes fâcheufes.
Je n'ai fuppofé qu'une feule posta
d'entrée , foie pour le maître , les
valets , foit pour les animaux de
toute efpèce , afin que le proprié-
taire voie de fes fenêtres tout ce qui
entre ou ce qui fort. C'eft iirf àss
moyens les plus tflicaces pour ne pas
être volé , & pour prévenir les \'o-
leiies. 11 y a plus , fi la nécellité
exige que quelques fenêtres foicnc
toujours ouvertes , Se qu'elles donnent
fur l'extérieur de la cour, je voudrois
qu'elles fulfent fermées avec des bar-
reaux de ter, & gridées. Ces précau-
tions feront un ohftacle aux tentatives
des voleurs qui voudroient s'intro-
duire par-Li dans la maifon , & l'en
empêchera par ce moyen la commu-
nication qu'ils poutroienr avoir avec
ceux qi.i s'y feroient gliflcs pendant
le jour. On m'objectera c]ue je porte
la méfiance bien loin; que je fuppoie
les valers & autres gens de fervice
bien corrompus. J'en conviens; mais
en les fuppofant honnêtes , on ne
rifque rien de leur ôter les occafions
de devenir des pillards. Il ne finit
qu'un fcul valet pour déranger tous
les autres •, pa'.ez-les, nourriircz - les
bien, donnez-leur des gratifications
proportionnées à leurs crav.uix , &
Sff 1
;o8
M É T
exigez cju'ils foient tidèles. S'ils s'Iu-
bitiiein une fois au gafpillage, vous
Jie parvieiicirez plus à le àccruire,
nicine en congédiant les plus vicieux ;
il faut alors faire ce qu'on appelle
vi.iifon neuve. Ce n'el\ pas tour, ra-
cliez d'éloigner, de dépayfer, autanc
cjue vous le pourrez , ct% anciens fer-
viteursj s'ils communiquent avec les
nouveaux , ils chercheront à juftifier
leur conduite par celle de leurs pré-
déceiïeurs , donc les confeils auront
bientôt corrompus les nouveaux venus.
Le propriétaire , par la pohtion de
fa maifon , voit d'un feul coup d'œil
tout ce qui fe paiïe dans fa cour &
dans fes jarilins , & le voit à toutes
les heures du jour. La grille » n° 5 ,
une fois fermée , tout cft fous fa main ,
& eA fûretc : fon ombre feule fuffic
pour contenir tout fon monde dans
le devoir , parce qu'il n'y a ni coin ,
ri recoin , ni cachettes capables de
dérober à fa vue le parefleux , ou
l'homme à mauvaife volonté. Le
propriété ire doit fans ceflTe avoir pré-
lent à l'efprit cet adage de l'jnimi-
rable Lafontaine : il n'tji pour voir,
que Vail du maure.
L'homme finge des grands fei-
gneurs, dira : quoi ! dans cette cour,
je verrai palfer le bétail qui va ou
qui revient des champs j j'aurai l'en-
nui d'entendre le bêlement des trou-
peaux , d'y voir des poules , des din-
des , iScc. Il vaut beaucoup mieux
élever des murs qui mafquent tout
ce fatras de ménagerie. Je lui dirai
à mon tour : reftez à la ville , vous
n'êtes pas digne de vivre à la cam-
pagne, & de fenrir le prix des plai-
lîrs innocens qu'on y goûte. Vous ne
faites donc pas attention que ce petit
fracas eft bien éloigné du tumulte
bruyans des villes j que les m.êmes ob-
MET
jets changent la f.ène d'un moment à
l'autre; que cts diverfes fortes d'ani-
maux l'animent & donnent la vie
au payfage , évc. . . . Pour vous faire
plaifir, je conviens que j'ai le goût
campagnard , t"*-: que je fuis toutes les
occafions de m'ennuyer avec dignité»
La campagne & ^qs accelfoires font
froids à vos yeux, parce qu'accoutu-
mé aux plaifirs faétices, vous favez
peu apprécier ceux qui font attachés
à la iîmplicité de la nature. Ils font
doux , tranquilles & fans remords.
Eh ! croyez-moi , ils en valent bien
d'autres ! Cependant , je ne veux,
point difputer fur les goûts , chacun
a fa manière de voir ; ainfi , je n'offre
ce plan que pour ce qu'd vaut, 6;
fans prétention.
Je n'entre dans aucun détail fur le '
p-rix du toifé de maçonnerie, des fer-
rures , des bois, & autres objets né-
celfaires à la conftruétion «Se à fes ai-
fances. Le prix de chaque objet varie
d'une province , & même d'un canton
à l'autre; ainii, un tableau de dépenfe
dans un village des environs de Paris,.
ne fauroit fervir dans les provinces
où l'on ne connoît pas le plâtre , &c
ainfi du refte. Surets objets, on doir
confulter les gens de l'arc du lieu;
& obferver que fi l'on donne à prix-
fait , on fera mal fervi ; que tour
s'exécute à la journée , & en four-
niffant les matériaux, le travail fera
bon , mais plus coûteux , & qu'it
£uit compter qu'il en coûtera un tiers^
de plus que )a malfe totale portée
dans le devis eftimatif Je ne fpéci-
fierai également pas le nombre de-
valets & de beftiaux nécelfaires à l'ex-
ploitation d'une métairie quelconque.
Il dépend de la qualité des terres &
des genres de produit. Par exemple^
une métairie de qui dépendent beau-
UÈT
coup de prairies , peu de terres la-
bourables , & peu de vignes , exige
bien moins de bras que celle donc,
le principal revenu eft en grains , &
celle-ci , beaucoup moins que celle
dont la majeure partie eft en viç;no-
ble que l'on travaille à la main. Tout
eft relatif 5 dès-lors les généralités ,
même en fuppofant les polfelîions
contigues , ne préfentent rien de dé-
t;rminc. Que fera-cedonc, fi des
champs font éloignés , les chemins
mauvais , &c dans des pays de coteaux
& de monta-^ncs , dans des cantons
habituellement froids & pluvieux,
&c. &c. C'eft au propriétaire à entrer
dans ces détails , après avoir bien
apprécié la nature de fes pollelVion^.
CHAPITRE IL
Est -IL PLUS avantageux
FOUR l'État et pour le
PARTICULIER j d'avoir DE
aRASDES POSSESSIONS REU-
NIES AUTOUR. DE LA METAI-
RIE.
Section première.
Des grandes pojjcffions relatlvancnt
à l'état.
La profpérité d'un état tient à fa
population j une partie de cette po-
pulation produit & confommej Taii-
tre confomme Se perfeébionne , &:
latroifième confomme fans produire.
Le cultivateur fournit les matières
premières , l'artifan les embellir , &
l'argent du riche folde la main-d'œu-
vre des deux premiers. Demandera-
t-on aftuellement laquelle de ces
trois clafles de citoyens eft la plus
utile à l'état ? La prééminence doit
erre fans doute décernée à celle qui
eft méptifée par les deux autres , à
M É T 509
l'honnête & au bon cultivateur'.
Sans fes fueurs , fans fes travaux,
que deviendroient les arciftcs & les
gens riches ? Et fans eux les cul-
tivateurs n'nuroient - ils pas tou -
jours les reffcurces de l'exportation
de leurs denrées en nature. Plus ou
donne d'étendue à une métairie , &c
moins, circonftances égales, le nom-
bre des Travailleurs eft augmenté.
Pour fe convaincre de cette vérité ,
il fuffitde comparer les pays de vigno-
ble , où l'on ne laboure pas les vignes ,
& où tout le travail eft frit à la main ,
avec les pays de plaine, rcfcrvcs ou
aux prairies , ou à la culture des
grains. Dans celui-ci, on y voit par-
ci, par- là, quelques grolfes métairies,
& très-éloignées les unes des autres;
Tandis que dans celui-là , les villages
fe preilent & fe touchent ; la popu-
lation y eft nombreufe , parce que
l'air des coteaux eft plus fain que
celui des plaines; eniîn , il faut des
hommes pour travailler les vignes ,
«Je le bétail les fupplce dans la plaine.
Sur les côrenux tout eft productif;
dans la plaine , un tiers du fol eft
facrifié à la nourriture du bérail quel-
conque ; ordinairement le fécond
tiers de ce fol refte une année en ja-
chère ; enfin , le troilîème riers eft
produdif. Je fais qu'il y a beaucoup
d'exception à faire contre ces alîer-
tions ; mais ce n'eft pas ici le cas
d'entrer dans des détails étrangers
à l'objet préfent , ni d'examiner s'il
ne feroir pas plus avantageux que
toute cultuie fût faite à bras d'hom-
me que par le bérail. Il eft hors
de doute que le produit en feroir plus
confidérable ; fi la population étoic
plus nombreufe, un plus grand nom-
bre d'mdividus vivroit (Se bénéficic-
roit fur le produit de la culture. Va
jio MET
village , dont la récolte eft le four-
rage & les grains , eft prefqiie tou-
jours divifé par hameaux , ^' occupe
îouvent plus d'une lieue quarrée de
fuperficie. Sur cetre même étendue
on trouve quatre à cinq villages dans
les pays de vignobles. Atluellement
que l'on mette en parallèle laquelle
de ces deux étendues paye plus d'ini-
pofitions à l'état , (Se on aura la folu-
tion du problême.
Ce n'ert pas tout. Si l'on compare
la perftiftion du travail dans les pays
de vignoble , avec celle des grands
pays à grain , il n'y aura aucune pro-
portion. Si, dans le pays de vignoble
il fe trouve quelques champs dans le
voifinage, à coup-fùr il n'y aura pas
une année de jachère pour eux, cha-
qr.e année ils donneront une récolte,
parce qu'ils feront travaillés à mains
d'hommes. Outre le montant de l'im-
pofition, l'état retirera un plus grand
produit d'une fuperficie de champ,
comparée avec la même dans la plaine.
Section II.
Des Vii(îis métairies , relativement
aux particuliers.
Les opinions fur cet objet dlfFérent
faivant les pays. Par exemple , les
écrivains Anglois font prefque tous
pour les grandes polFellions-, quelques
François ont copié ce qu'Us ont éair,
cs: leur entoufialme anglomane a em-
brouillé un peu plus la matière. Ils
ont comparé la France avec l'Angle-
terre , donr toutes les produélions fe
réduifiiiit aux grains , aux laines , au
bétail & aux mines ; tandis qu'en
France nous avons les mêmes pro-
dudions, & de plus les vins , les
eai;x-dc-vie , les huiles de noix &
<i'olive ; objets principaux dont les
MET
Anglois font privés en totalité. En
préfentant au leéteur impartial , les
objedions pour & contre , il fera
à même de juger avec conuoilTance
de caufe.
§. I. Des avantages des grandes
métairies,
1°. Une grande métairie ow ferme,
fuppofe prefque Toujours une fortune
aifce chez le propriétaire , Se la bonne
culture dépend de l'aifance ; fuivant
fil polltion, il peut y élever des che-
vaux , du bétail, de nombreux trou-
peaux : objets qui demandent peu de
dépenfe , produifent beaucoup , &:
fans exiger aucun débourfé , fer-
vent à remplacer les animaux afFoi-
blis par l'âge ou par les maladies.
i**. Il y a réellement moins d'a-
vances foncières à faire dans l'amé-
nagement d'une forte métairie, que
dans celui de deux ménageries dont l'é-
tendue égaleroit la première, en fup-
pofant la qualité du fol & la nature
des produits parfaitement les mêmes,
3*. 11 faut payer , nourrir moins
de valets dans une grande ménagerie,
que (\ elle érolt divifée en deux.
4°. L'entretien des bâtimens, des
harnois, des ourils de labourage, &c.
ell moins coûteux _, <?c on a plus de
relFources dans les grandes potTeflions,
5°. Comme on y fait les provifions
en grand , il y a un bénéfice réel ;
par^e que le propriétaire aiié les fait
à propos. , . . Tout objet acheté par
parcelles, coûte beaucoup plus.
6°. Si la faifon prelîe , les valets
& les beftiaux y font tous employés
furie même champ; les récoltes, les
femailles font plus expéditives.
7°. Un grand propriétaire trouve
plus ficilemènt de bons valets que
les pctirsj ils font mieux payés ôc
MET
mieux nourris , 5c les journaliers pré-
féreront donc de fervir le premier,
parce qu'ils.fontfûrs d'avoir un travail
plus fourenu que chez les autres.
8". Un propriétaire aifé n'ell; pas
forcé de vendre les récoltes , il les
garde jufqu'i ce que Ton grain , fon
vni , &c. loienr montés à un cerrain
prixj alors ils les vend avec bénélîce.
§. II.. Des avantages des pctiies
mécaines.
Répondre aux afTertions précéden-
tes , ce fera les réfuter j mais avant
tout il fc préfente une obfervation
bien (impie , & qui mérite notre at-
tenrion. Depuis quelques années les
grands feioneurs &c les forts tenan-
ciers du royaume , qui aiment mieux
compter avec eux-mêmes, que de fe
laider gouverner par des étrangers ,
ont vu qu'il étoit prefque du double
plus lucratif pour eux , d'affermer leurs
polfedious par parcelles , plutôt que
d'avoir un feul & unique terni ler
général, fui vaut l'ancienne courume,
&c pour une rerre entière. Ce fermier
unique, Se même fuppofé fort à fon
aife, fera-c-il valoir par lui-même
toutes les métairies ou domaines af-
fermés en total , par exemple lo à
15,000 livres. Il eft très-rare que les
domaines de certe feigneutie ioient
contigus , & quand ils le feroient,
fon avantage fe trouveroit-il à réunir
dans une feule & même habiration ,
tous les valets & tous les beftiaux ?
Quel parti prendra-t-il ? Le voici. Il
fous- affermera les domaines les plus
éloignés, & fera tour au plus valoir
le plus confidérable , (i toutefois il
n'habite pas la ville ; mais en fa
qualité de fermier général il doir bé-
néficier fur le fous-fermier, & celui-
ci gagner dans fa fous- ferme.
MET
5it
Le propriétaire , en afTermanr par
parcelles, auroit donc eu le bénéfice
que le grand fermier fait fur le petit.
Suppofons , pat exemple , une mé-
tairie de (ix cens arpens ; ( f'^oye'^ ce
mot ) je dis que fur cette étendue ,
d'ailleurs toutes circoiiftances égales,
s'il y avoir deux métairies , le total
de la ferme des deux feroir plus
confidérable que celui d'une ferme
unique j ik. que s'il y en avoir quarre,
le rotai augmenteroit en proportion.
Suppofons encore que cette ferme
ou ces deux métairies foient à la pro-
xuTiité d'une ville, ou d'un gros &: ri-
che village ; je dis que fi chaque pièce
de champ étoit affermée féparémenr,
la totalité du prixieroir beaucoupplus
confidérable. lien eft du prix des fer-
mes comme de celui des venres. On
gagne beaucoup .à vendre par par-
celles , parce que ceux qui acheteur ,
payent la proximité iSc la convenan-
ce, fur-rour lorfque la partie en vente,
coirribue à l'arrondiirement de leurs
poffefîIons.L'exemplede tous les jours
&: de tous les lieux, prouve ces af-
fertions.
1°. Une grande métairie fuppofe
un propriétaire à fon aife , un fer-
mier riche , Sec. On eif forcé de con-
venir qu'il faut beaucoup d'avanres
pour cultiver, paifque le produit eft
le réfulratdeceS avances, & il n'exif-
teroit pas fans elles. Les prairies, les
bois déjà formés, font exception à
cette règle ; mais ils ont fuppofé
daris le te'mps des avances, pour les
femer ou pour les planter ; les do-
maines à vignoble , travaillés à la
main , font ceux qui en exigent ie
plus journellement. L'homme riche
a un grand avantage fur celui dont
la fortune eft bornée : on fait qu'il
5 1 i MET
en coûte plus à gagner la première
piftole que le f(.cond ni il lion. Mais,
tout propriécaire , don: les fonds ou
les avances font en raifon des befoins
d'une métairie eu d'une ferme , n'a
aucunement befoin de moyens ex-
cédens,à moins qu'il ne veuille don-
ner dans les fpéculations ; dès-lors c'eft
un objet à part, i?c qui n'a point de
rapport à la circonftance dont il s'agit.
Que l'étendue de la métairie foie
plus ou moins forte, cela ell indif-
férent , il on a les avances nécelTai-
res; mais, au contraire, dit Colu-
melle , fi le champ eft plus fort , le
maître fera écrafé. Il doit donc y avoir
des proportions entre le fonds & les
avances, le furplus eft inutile. ■ Ad-
mettons qu'un homme riche prenne
à terme votre métairie par un bail de
fix ans : ( Voye-[ le mot Bail ) telle
eft l'époque la plus commune dans
pluheurs de nos provinces. Croira-
t-on , de bonne foi , que ce fermier
fera de grofles avances en répara-
rions & améliorations pour un terme
fi court? C'eft à-dire , vous fuppofez
qu'il bonifiera vos champs pour fes
fuccelfeurs ? C'eft bien peu connoître
cette clarté d'homme; elle ne prend
nue ferme que poury gagner, & cela
eft jufte. 11 n'en eft pas ainfi du maître,
du vérirable propriétaire ; il profite
àts années èi abondance ( V^oye':^ ce
mot ) , afin de prévenir les fâcheux
etïets âts années de difetre; enfin,
de fes épargnes il améliore fa podef-
lion , 6c il l'arrondit par des acquifi-
tions nouvelles. Le propriétaire ,
beaucoup au-deffus du produit de fes
champs , après les avoir bonifiés ,
place fon argent ; il fait , d'après
Pline, qu'on doit donner le nécelfairç
à un champ , & rien de plus, & que
rien n'eft moins lucratif que de le
MET
trop bien foigner. Ainfi , en tout
état de caufe , pouvu que le proprié-
taire ne foie pas au-delîous de fa pof-
feftion j tout ira bien , & l'homme
opulent n'y gagneroit pas davantage.
L'éducation des chevaux , du bé-
tail (Se des troupeaux , dépend des
circonftances locales , év el!e fera
toujours en proportion de l'étendue
du domaine , & de la polTibilité
eu de l'avantage de s'y livrer. Les
préceptes coûtent peu à donner, c'eft
la maifie des écrivains , & fur-tour
de les cénéralifer ; mais ils ne font
pas attention que le propriétaire m-
tellïgera voit & connoît mieux qu'eux
la partie de fon champ.
2". il y a mains d'avances à
faire pour une grande que pour deux
métairies de contenance égale à la pre-
mière. Cette propofition eft tiès-vraie
en général ; mais la grande produira-
t-elle autant que les deux petites ? Je
ne puis me le perfuader. Que l'on
embraffe dans une circonférence, par
exemple , cent métairies ; que l'on
examine la quantité de valets , d'a-
nimaux qui en font le fervice ; que
l'on évalue l'étendue du fol , en pro-
portion de leur nombre , & j'ofe
avancer, qu'en fuppofant même tou-
tes les faifons régulières , il y en
aura quatre-vingt-quinze qui n'auront
ni allez de monde , ni aflez de bé-
tail, & que les travaux feront toujours
faits à la hâte , & arriérés. La perte
eft donc double dans la métairie
unique. Que fera-ce donc fi les fai-
fons font dérangées , & lî le chef des
ouvriers n'eft pas vigilanr Se labo- •
lieux. Dans le cas de maladie du
bétail , les reftburces , le fupplément
de travail dans les petites métairies
font plus faciles, parce qu'on trouve
plutôt cinq hommes que dix , & le
bétail
MET
bétail &n proportion , fur- tout dans
les provinces à grains.
}°. // faut payer moins de valets.
C'eft prccifément fur ce que l'on n'en
paye pas alfez que je me récrie. Mais
dans les pays où l'on ne bat pas en
grange pendant l'hiver, & où la fai-
lon des pluies ou des gelées el^ lon-
gue; enfin , où il pleut louvent pen-
dant l'été , que fait le nombre des
valets ? Il confomme , ne travaille
pas , & l'ouvrage eft arriéré.
Les alTertions que j'établis dans le
n**. ci-dellus, & dans celui-ci, s'ap-
pliquent, dira-t-on , aux petites mé-
tairies comme aux grandes. Cela eft
vrai à la rigueur. Mais une obferva-
tion conftante &i régulière m'a prou-
ve , non pas une rois , mais cent , que
le travail eft toujours plus avancé dans
les petites que dans les grandes , abf-
tradion faire de la fuppofition d'après
laquelle on prétend que ces dernières
exigent plus de valets que la première.
Ici, il n'y a ni tdemi , ni quart de
journée, fufceptible de travail, qu'on
ne puilfe mettre à profit. Là , l'é-
lûignement des lieux eft caufe que
le temps le plus clair de la journée
eft perdu en allées & en venues.
Ainii , en fuppofant demi-heure ou
trois quarts d'heure dans la matinée,
& autant dans la foirée , & mettant
bout à bout ces heures perdues , il
fera facile de calculer combien il
y aura dans l'année de beaux jours
perdus. Le bénéfice eft donc au moins
de la moitié dans les petites mé-
tairies. On dira que les valets, dans
les grandes terres , partiront plus
matin , & reviendront plus tard.
Suppofition gratuite , démentie par
l'expérience de tous les jours & de
tous les lieux. Ils ont une heure {wéi
pour le départ de l'écurie j & t'eft
Tome VI.
MET 5t5
celle à laquelle ils font on ne peut
moins exaéts fi on n'y veille de très-
près. Une chofe ou une autre fert de
prétexte ; mais je ne connois pas de
pendule qui indique plus exactement
le retour des champs c]ue leur habi-
tude ; palTe encore , s'ils ne la de-
vancent pas \ mais à coup fur , ils ne
travailleront pas une minute de plus.
En allant au travail', leurs bêtes mar-
chent à pas comptés ; au retour, la
marche eft bien autrement accélérée.
Si, dans une grande métairie on
a moins de valets , de beftiaux , de
harnois à entretenir , &:c. on a donc
moins de travail fait ! Cependant le
grand point de l'agriculrune eft d'avoir
beaucoup de travail fait & bien fait ;
enfin, d'être en avance, & de ne pas
craindre d'être arriéré par le déran-
gement des laifons; on n'a pas tou-
jours à fon choix le moment de fe-
mer, & il arrive huit fois au moins
far dix , que le produit des fe-
mailles tardives eft au - deffous du
médiocre.
4". L'entretien des bâtimcns j &c.
Cet article eft vrai dans toute fou
étendue ; mais les deux propriétaires
fuppcfés , font cenfés avoir compte
les réparations journalières dans le
calcul de leurs dépenfes ; &: à moins
qu'il ne s'agilfe de réparations ma-
jeures , le bénéfice excédent des deux
petites mérairies fur une grande , eft
bien au-delTus des proportions des
répararions journalières. Aufurplus,
ces réparations font très - peu de
chofe, fi le propriétaire le veut. Vne
tuile eft dérangée, la pluie furvient,
la maîtrelfe poutre pourrit , le toit
tombe, il entraîne les murs qui le
portoient , (?c tout le dégât eût ce-
pendant été prévenu p^r le (impie
remplacenienr d'une tuile.
T t t
514 MET
5*'. Les provijîons font faites à
propos. Dès que l'on fuppofe les pro-
priccaires aifés , relativement à leurs
poireifions , le plus riche achètera par
cent quintaux , fi l'on veut , & le
petit propriétaire , par cinquante : ce
qui revient au même. L'objedtion eft
donc nulle; mais elle refte dans toute
fa force C\ le propriétaire eft au-def-
fous de fa métairie j le détail le rui-
nera un peu plus vî:e, &: il payera plus
cher les objets de qualité médiocre.
6°. Sl la faifon preJJ'e j &c. U im-
porte peu qu'on ait beaucoup de va-
lets (?c de beftiaux à mettre à la fois
fur un champ , fi on a un grand nom-
bre de champs dont la culture prelfe.
A richeireé^ale, mais proportionnée,
les fermiers fe procureront les mêmes
relfources , & il en coûtera plus au
grand tenancier , parce que Ion tra-
vail fera moins avancé que celui du
petit.
j". Un grand prapriétaîrc trouve
des journaliers. Je ne vois pas la rai-
fon pour laquelle ces hommes foienc
mieux payés & mieux nourris chez
l'un que chez l'autre. On paye ces
malheureux au plus bas prix polfible ,
on épargne autant qu'on le peut fur
leur nourrirure. Sur cent propriétai-
res , on en trouvera trois ou quatre
qui regardent les journaliers comme
des hommes, i5c les traitent en con-
féquence , & fur le nombre des fer-
miers qui ne font valoir qu'une partie
des domaines, à peine en trouveroit-
on deux. Je fais tout ce que l'on peut
dire en faveur de ces fermiers; mais
qu'on nomme ceux qui méritent d'être
exceptés de la régie générale , & on
verra combien de pareils exemples
font rares. Payez bien , nourrilfez
bien, (Se de toutes parts les ouvriers
viendront travailler pour vous.
M É T
8'. Un propriétaire afèj vend fes
récoltes avec avantage. Le malheu-
reux qui vit du jour à la journée , qui
eft au-defious de fes polfeflions , eflr
forcé de vivre au moment qu'il ré-
colte : ce n'eft pas la faute de la mé-
tairie. Mais fuppofezy un proprié-
taire aifé proportionnellement à fes
polleilions , il aura , dans fon genre ,
le même avantage que le grand te-
nancier aifé.
Les lieux , les circonftances doi-
vent faire beaucoup d'exceptions à
ces généralités. Cependant , je fais
fort bien que (\ ma métairie étoit du
double plus étendue qu'elle ne l'eft
actuellement , je ne balancerois pas
à la partager en deu-x.
METEIL. Froment & feigle mê-
lés & femés enfemble , en plus ou
moins grande quantité de l'un ou de-
l'autre , fuivant la volonté du culti-
vateur. Lorfque l'on feme moirlé l'im
^- moitié l'autre, c'eft ordinairement
pour la nourriture des valets.
Il n'eft pas aifé de deviner fur quel
motif cette méthode eft fondée : cer-
tainement elle n'eft pas diiffée &: ap-
prouvée par la railon. L'expérience
de tous les temps & de tous les lieux
prouve que le feigle femé dans le
même champ & en même temps que
le fromenr , entîn , toute circonft.mce
égale , eft aumoins huit à quinze
jours plutôt mùr que celui-ci. Il
eft donc clair , qu'en moilTonnanc
tout enfemble , la majeure partie
du feigle s'égraine fur le fol ou
dans le rranfport. Si on moilTonne le
froment un peu avant fa maturité ,
on le facrifie donc au feigle , & dix
prévienr feulement en partie la perre
de celui-ci.
On a fans doute dir,en femant rim&
MET
l'autre eufemble : Ci le feigle manque,
le froment réulllra , & aiiifi tour à
tour. Ce raifonnement , tout fpccieux
qu'il eft, n'en eft pas moins abfurde.
Tout confidcré, ne vaut-il pas mieux,
fur le même champ femer le froment
& le feigle féparément ^ on les ré-
colte à leur point , &: leur mélange
eft enfuite plus commodément &
plus exaélement fait dans le grenier.
L'on feme , pour l'ordinaire , le
méteil que l'on a recueilli j mais
comme il eft rare de voir en même
temps réuftir le feigle & le froment,
il en rcfulte qu'à la longue il ne fe
trouve plus aucune proportion entre
ces deux grains , & l'on finit par
avoir prefque tout feigle ou tout fro-
ment. Ainfi , fou'î quelque point de
vue que l'on confîdcre les femailles
du méteil, elles font contraires à la
faine raifon , à l'intérêt du particulier,
de l'expérience le prouve chaque an-
née à l'homme dont les yeux ne font
pas fafcinés par la coutume mouton-
nière du canton.
MÉTÉORES. (Phlf.) On donne
ce nom à tous les phénomènes qui
fe paiTent au-deftlis de la terre, dans
la région de l'air. Mullenbroeck a
porté plus loin cette définition, puif-
qu'il entend par le mot météores j
tous les corps fufpendus entre le ciel
& la terre , qui nagent dans notre
atmofphère, qui y font empoités , &
qui s'y meuvent; les corps que leur
légèreté fpécifique foutient dans les
airs , qui s'y combinent de mille &
mille manières , & qui par ces com-
binaifons donnent naillance à des
phénomènes particuliers , doivent
être regardés dans ce fens comme
des météoresj ainfi, les vapeurs que
ia terre exhale continuellement , que
MET 515
l'air dilTout , qui s'élèvent dans les
hautes régions de l'atmofphère, pour
y refter fufpendues fous forme de
nuages , qui enfuite , par la raré-
faction , fe ralfemblent en gouttes ,
& tombent fous forme de pluie, de
neige , de grêle , &c. ces vapeurs,
dis-je, préfentent autant de météores
qu'elles réunirent d'apparences dif-
férentes.
On diftingue communément trois
efpèces de météores \ les uns aériens,
ou dépendans de l'air ; les féconds
aqueux , qui doivent leur origine à
l'eau , & les troifièmes ignés , qui font
formés par le feu ou par la lumière.
Les météores aëriens renferment
tous ceux qire l'air peut produire. Les
principaux font les vencs ^ qui ne font
autre chofe que l'air agité, & porté,
pat une caufe particulière , dans une
direction déterminée , & plus ou
moins rapidement \ les brouillards
Jccs , de la nature de celui qui a
couvert une partie de l'Europe au
mois de juin lySj \ les exhalaifons
qui émanent de tous les corps qui
couvrent la furface de la terre , 5c
qui reftent flottantes au-delluS , &c.
Les météores aqueux font tous
ceux qui font produits par les va-
peurs qui s'élèvent dans l'air , & s'y
dilfolvent , tels font les nuages , les
brouillards humides , la bruine , la
pluie , la rofee j la gelée blanche j
les frimais j la grêle , &c. Tous ces
météores ne font que la même fubftan-
ce à laquelle des circonftances par-
ticulières donnent des apparences
différentes. 11 fera facile de s'en af-
furer en confultant chacun des mots
ci-deffus.
Les m.étéores ignés font de deux
efpèces : les uns ne font que des ap-
parences lumineufes , & les autres
Ttt 1
51^ MET
font de véritables fubftances aûuel-
lement en ignition &c en déflagra-
tion. A la première efpèce appartien-
nent l'arc - en - ciel , les couronnes
que l'on apperçoit amour du foleil
ou de la lune ; les p'irhdies , c'eft-
à-dire ce phénomène fmgulier , qui
repréfente une ou deux images du
foleil j les parafelenes , qui pareille-
ment offrent une ou deux images de
la lune ; la lumière zodiacale, l'au-
rore boréale.
Les météores ignés de la féconde
efpèce 5 font les feux folets , les
étoiles tombantes _, les globes enfla m-
més, les éclairs ^ le tonnerre^ Sec. Sec.
Tous ces météores fe portant dans
la région de l'atmofphère , alTez
proche de la terre , doivent influer
êi influent réellement beaucoup fur
l'atmofphère, & par confcquent fur
tous les êtres vivans qui en font ei -
vironnés. Il eft donc de notre intérêt
de bien connoûre ces météores, pour
les tourner , autant qu'il fe pourra ,
à notre avantage, & en faire l'appli-
cation , foit à l'économie animale ,
foit à l'économie rurale. A chaque
mot nous fommes entrés fur ces
deux objets dans les détails qui nous
ont paru néceflaires , on peut les
confulter. M. M.
MÉTÉORISME. Médecine ru-
rale. Tenfion cS: élévation doulou-
reufe du bas-ventre , qu'on obferve
dans les fièvres putrides , & qui man-
quent rarement dans celles qui font
iîriiftement malignes.
Cette maladie eft prefque toujours
effrayante & en impofe quelquefois
aux médecins les plus expérimentés ,
en les empêchant de donner certains
remèdes utiles. Mais , pour n'être
polui embarralfé , il faut difl:inguer
MET
le météotifme produit par l'inflam-
mation du bas-ventre , &c le météo-
rifme qui dépend d'un bourfouffle-
ment des boyaux , occafionné pat
des vents , par des matières vapo-
reufes , ou par un empâtement pu-
tride dans l'efliomac , &c les premières
voies.
Dans le météorifme inflammatoire,
les douleurs que les malades relTen-
tent au bas- ventre , font vives Se
aiguës ; ils ne peuvent fupporter la
plus légère application de la main
fur cette partie-, leur pouls eft dur,
fréquent , ferré <?c tendu; leur fom-
meil eft toujours interrompu par des
fonges fatiguans ; ils font tourmentés
par les veilles ; les urines qu'ils ren-
dent , quelquefois avec peine &c dou-
leur , font rouges , enflammées ,
fans fédiment, &: en petite quantité.
Le hoquet, la conftipation, le délire
& la convulfion furviennent ; leur
langue eft fèche , aride 6c brûlante ;
la foif qu'ils éprouvent eft très -ar-
dente, & la boilTon froide, bien loin
de les foulager , les embrafe da-
vantage , & ne fait qu'augmenter la
violence des douleurs.
Le météorifme, au contraire, pro-
duit par une caufe putride, ou par ces
vents , ou par des rnatières vaporeu-
fes , eft fans fièvre, & quoique le
ventre foit tendu , pour l'ordinaire
il eft fans douleur, ôc le pouls dif-
fère peu de l'état naturel. Déplus,
on n'obferve point un atlemblage de
fymptomes auffi" efFrayans que dans
le météorifme inflammatoire.
Les purgatifs produifent de très-
bons effers , Si diilipent le plus fou-
vent cette maladie; on peut les com-
biner avec les carminatifs ôc les an-
ti-hyftériques , fur -tout filon a à
combattre la pourriture d'un côté ,
MET
des vents Se des macières vaporeufes
d'iiii autre.
C'ert nial-à propos que les méde'
cins s'allacmenc dans cette efpcce de
météorifme , il eft le plus Couvent
l'ouvrage de la nature j & l'annonce
d'une évacuation prochaine. C'ellaufîl
d'après cette obfetvation que les pur-
gatifs font fi recommandés, puifqu'ils
aident la nature dans fes efforts.
11 n'en eft pas de même du mé-
téorifme inHamniaroire. Le mal elt
plus grand, la crainte eft mieux fon-
dée , & le danger plus imminent.
On ne doit pas perdre de temps, foit
d.ns le clioix des remèdes j foit dans
leur emploi. La faignée du bras lera
plus ou moins répétée , lelon l'état
du pouls, celui des forces , &; le de-
gré d'inflammation.
L'émétique & les purgatifs feroient
ici extrêmement nuifibles, &: ne fe-
roient qu'aggraver le mal , & ex-
pofer les malades au danger le plus
évident de perdre la vie.
Les huileux, les relàchans,Ie petit-
lait, une limonade légère à laquelle
on mêlera quekjues grains de nitre ,
les fomentations cmollientes fur le
bas-ventre, lont les vrais remèdes cu-
ratifs de cette maladie, ils ne diffè-
rent point de ceux qui conviennent
dans l'inflammation du bas -ventre.
( f^oye\ Inflammation) M. Ami.
MétÉorisme tympanite. Méde-
cine VÉTÉRINAIRE. C'eft uHC tumé-
faction du ventre , produite par la
raréfiélion de l'air.
Le ventre eft diftendu , la refpi-
ration s'exécute avec peine, l'animal
bat des flancs , les matières fécales
font fouvent retenues ; l'animal té-
moigne de la douleur, par l'agitation
MET 517
continuelle où il eftj lorfqu'on frappe
le ventre, il réfonne à-peu près comme
un tambour.
Première efpèce. Turnéfaclion des
ejîomacs du bœuf , de la chèvre &
de la brebis , cdufée par la raréfac-
tion de l'air.
Si l'air fe ramafle ou fe développe
en grande quantité dans les eftoraacs
du bœuf, de la chèvre & de la bre-'
bis , il s'y raréhe j le ventre fe tu-
méhe , la refpiration devient difficile ,
ladigeftion fe dérange, l'animal fouf-
fre , s'agite , bat du flanc, &; ne rend
point de vents pat l'anus ; le ventre
réfonne quand on le frappe, fans don-
ner aucun figne de fluctuation de ma-
tière liquide. Nous n'avons auci.n
figne pour découvrir la tuméfaélioa
de l'eftomac du cheval : la petitelTe
& la fituation de ce vifcère dans cet
animal , la grandeur des gros in-
teftins , empêchent toujours de s'en
appercevoir , tanilis que la panfe du
bœuf , de la chèvre &c de la brebis ,
eft fi grande qu'elle ne fauroit être
diftendue , fans augmenter fenfible-
ment le volume du ventre.
Cizufes. On attribue les principes-
de cette maladie aux fubftances nu-
trives trop abondantes en air , telles
que les pommes , les courges , les
trèfles , la luzerne, &c. puilque or-
dinairement les animaux ne font at-
taqués du météorifme tympanite ,
qu'après avoir mangé avec avidité
de ces alimens, & fur-rout de la lu-
zerne. On peut encore joindre à ces
caufes , la boiflon des eaux impures.
Le météorilme eil:prefque toujours
accompagné de douleur : plus le
ventre eft tendu , plus la douleur eft
vive , S< le danger confidérablc.
Curation. L'indication qui fe pvé-
ftnte à remplir, c'eft d'augmenter la
\
5ï8 MET
force coiuraftile de la panfe , pour
furmon:er la rcliftsnce quoppol'e le
feuille: & la caillette ( f^oyei Es-
tomac ) à l'expuldoii de l'air ra-
réfié , lorfqu'on eft perfiiané fur- tout
que les otihces du t-euillet ne iouc
point enflammes.
Pour cet effet , prenez de bon vin
blanc environ une chopine ; délayez-
y de l'extrait de genicvte , deux on-
ces j pour un breuvage que vous don-
nerez au bœut. Ce remède adminif-
tré , donnez-lui un lavement com-
pofé d'une forte infuhon de fleurs de
camomille romaine & de feuilles de
féné , (Se réitérez-le toutes les heures ^
appliquez fur le ventre & les flancs
des linses trempés dans de l'eau a
la glace , (i vous ctes a portée de
vous en procurer , dont vous renou-
vellerez l'application tous les quarts-
d'heure. Si l'animal n'éprouve aucun
foulagement de ces remèdes, faites-
lui boire de l'eau à la glace, mais en
petite quantité , de crainte d'occa-
îîonner des tranchées violentes & une
inflammation confidérable dans les
ell:omacs. Faites promener & courir
l'animal malade j le mouvement de
rout le corps, l'agitation deseftomacs
<?-' des matières contenues, détermi-
rient ordinairement le palfage de l'air
dans les inteftins. Un breuvage com-
pofé d'un bon verre-d'eau-de-vie & de
deux onces de fel de nitie , n'eft pas
à méprifer. Nous fommes parvenus,
au moyen de ce remède , accompa-
gné de quelques lavemens émolliens,
à fauver à la campagne quelques bœufs
expirans , que les bouviers , fuivant
la pratique ordinaire, tentoient vaine-
inent de fonlager par maintes inci-
fions faites à la peau , dans l'iiuen-
tion fans doute , de dégager le tilfu
cellulaire de l'air qui le r^mpUifoit.
MET
SI malgré tous ces moyens, le météo-
rilme augmente , avec le battement
des flancs , plongez le troicart dans
le bas-ventre , & lailfez y la canulle
jufqu'à ce que l'air contenu dans la
panle fe foit dilllpé. Il vaut mieux ,
dans un cas défefpéré , tenter un re-
mède incertain , que de lailfer périr
évidemment l'animal. D'ailleuts, la
ble^fu^e de la panfe avec le troicart ,
n'eft pas aulli dangereufe qu'on le
prétend j l'expérience prouve que la
canulle étant retirée, les bords de la
plaie fe rapprochent , & les matières
contenues dans la panfe ne peuvent
plus y pafler.
Le météorifme dépend quelque-
fois d'une forte inflammation des
orifices du feuillet : dans ce cas , ayez
recours à la faignée , aux boilToiis
adouciflantes , aux lavemens émol-
liens & mucilagineux , & à tous les
médicamens capables de diminuer
l'inflammation.
Deuxième efpèce. Tumcfaclïon des
inteftins j par la raréfaclion de l'air.
Cette efpèce de météorifme at-
taque rarement le bœuf , la chèvre
&: la brebis , parce que les gros in-
teftins de ces animaux font mufcu-
leux , étroits , & chaflent avec fa-
cilité l'air contenu j mais le cheval,
dont les gros inteftins occupent la
plus grande partie du ventre, & qui
ne font pas aflez épais pour s'op-
pofer aux efforts de l'air raréfié , eft
beaucoup plus expofé à cette maladie ,
qui le réduit, en très-peu de temps ,
à la dernière extrémité. Le ventre
préfente un gonflement conhdérable;
les matières fécales font retenues ,
la refpiration eft difficile , les fonc-
tions de l'eftomac troublées , l'ani-
mal s'agite avec violence ; le ventre
eft dut , élaftique , & fonore lorf-
MET
qu'on le frappe , Se s'il fort des vents
par l'anus , l'animal paroît foulage.
Traitement. 11 n'y a pas de temps à
perdre , h l'on veut fajiver l'animal.
11 faut fe hâter de livrer palfage par
l'anus , à Tair renfermé dai»s l mtcf-
tin ccEcum & colon. Otez donc
promptement , avec la main enduite
d'huile d'olive , les matières contenues
dans l'inteilin rectum ; adminiftrez
aulîitôt des lavemens compolcs de
la feule infuhon de fleurs de camo-
mille romauie , de même que les
breuvages indiques dans la tumélac-
tionde la première efpèce. M. V^itet
confeille d'introduire la fumée de
tabac dans l'inteftinreétum , à l'aide
d'un long tuyau de buis ou de métal
bien poli.
Quelques auteurs vantent les
oignons Ik le favon , ttiturés, mêlés»
ajoutés au poivre , & introduits en-
femble dans l'inteltin recl:um , après
l'avoir nettoyé avec la main : d'autres
prêtèrent un lavement de favon blanc
dilfout dans l'eau commune. Nous
n'avons jamais éprouvé ce remède j
mais il nous paroît qu'il doit être
eontre-indiqué , s'il y a la plus lé-
gère inflammation ; dans ce cas , la
faignée , la déco(ftion de racine de
guimauve , faturée de crème de tar-
tre , l'oxycrat prefcrits en lavement,
font les remèdes à employer. Selon
h\. Vitet , les lavemens is. les boif-
fons à La glace , ne conviennent pas
au cheval j ils diminuent bien la ra-
réfadlion de l'air ; mais ils augmen-
tent la tenfion & l'inflammation des
inteftins, & mettent l'animal dans
le cas de périr promptement. M. T.
MÉTÉOROLOGIE. {Phyf.) C'eft
la partie de la phyfique , qui s'occupe
MET 519 .
particulièrement des météores {J^oye^
ce mot), de leur apparence, de leur
durce , de leurs révolutions & de leurs
effets. Plus on a étudié cette partie,
plus on a fenti combien l'étude en étoic
intéreflante. Notre exiftence phyfique
& morale femble dépendre de tout
ce qui nous environne , &; rien n'a
autant d'iniluence lur nous, que l'at- '
mofphère au milieu duquel nous vi-
vons. Les médecins anciens ont re-
connu que l'application delà connoif-
fance de l'atmofphère Se de fes phé-
nomènes à la pratique de la méde-
cine , étoit ablolunient néceffaire.
Hyppocrate la recommande comme
une fcience elfentielle qui doit fervic
de guide à celui qui, comme un dieu
bien^aifant, fe charge de rendre la
fantéà fon femblable, ou de prévenir
fes maladies. Si de notre intérêt per-
fonnel nous defcendons aune conddé-
ration qui nous touche de bien près ,
nous verrons que la météorologie eft
une fcience infi-niment intérelfante
fous tous les points; l'iniluence des
météores fur la végétation eft trop
bien, connue, pour être difcutée jc'eft
la baie de l'agriculture; & il y a
long-temps que le premier axiome
de cette fcience utile, eft que Vannée-
en jait plus que la culture. Le labou-
reur le fait , (Se agit fouvent en con-
féquenco ; le favant qui ne travaille
que dans fon cabinet, fait de bril-
lans fyftêmes , & fe trompe, parce
qu'il n'étudie point la nature comme
il doit l'ctutlicr.-
La météorologie eft donc deftinée
à quàer les plus grands fecours ,
à perteclionner même les deux fcien-
i,es, pour lefquelles Ihcmme a, fins
l'avouer, fouvent la plus grande vé-
nération j_parce que isis befoins l'j
510 MET
rappellent fans cc^fe , la mcdecine 5c
Si. l'agriculcure. Pourquoi donc a-t-on
été fi long-temps à s'appliquer à l'é-
tude de la météorologie ? C'eft que
l'homme , occupé à jouir , refléchit
peu fur (es jouiffinces , & fur- tout
fur le moyen de les prolonger vïc de
les alfurer. De plus , en médecine &c
eii agriculture , l'homme aime à ne
voir que lui ; la nature , cet être puif-
tant qui agit fans celfe , & prefque
toujours indépendamment de fes rai-
fonnemens & de fes caprices, opère,
réulïït, & l'homme jaloux s'en attri-
bue toute la gloire : la maladie eft
diffipée, la récolte eft abondante. Le
médecin a dit : voilà l'effet de mes
remèdes; &c le bbouteur, voilà celui
de mes. foins, tandis que fouvent la
nature plus forte &c plus intelligente
que l'un & l'autre , a dilîipé le prin-
cipe morbihque , & a fait profpérer
les grains qui lui avoient été confiés.
Mais enfin, l'homme plus inftruit,
& favant par fes propres fautes, s^eft
défié de fes lumières; il a ouvert les
yeux, &■ a vu bientôt qu'il n'étoit
qu'un infttument qu'un ptincipe fe-
eret dirigeoit malgré lui. La nécef-
fité l'a forcé à étudier cette nature
qu'il méprifoit; & dès-lors le champ
de fes connoifTances s'eft développé ,
fes lumières fe font étendues, & il a été
bientôt perfuadé qu'il devoir étudier &
connoître non-feulement cet élément
qui l'enviroiinoit , mais encore tout
fon fyftème i5c les ptiénomènes nom-
breux qui s'exécutent dans fon fein.
De-là , la nailTance de la météoro-
logie. Les obfervations ont commen-
cé , on les a faites avec plus de foin
&c d'exacftitude ; on les a comparées
entre elles; on a connu les météores;
ou a fuivi leurs influences fur le règne
MET
animal & végétal ; infenfiblemenr
cette fciences'eft fixée. Mais, comme
elle eft fondée fur l'obfervation long»
temps continuée , elle ne devra fa
perteclion qu'à une fcrie d'années &
de liècles mêmes, qui aura ramené
plufieursfois toutes les périodes dont
le iyftême météorique peut ccre fuf-
cepnble. En attendant, il eft del'in-
térèr préfent de s'y appliquer fans
relâche ; Se les obfervations journa-
lières ont une utilité dont on peut
profiter à chaque inftant. C'eft dans
cette idée que nous ne celions de
recommander au médecin & au grand
cultivateur , qui eft plus qu'un ou-
vrier méchanique, de fe livrera cette
fcience dont ils doivent retirer les
plus grands avantages.
Pour remplir l'objet que nous nous
propofons , à la defctiption de chaque
météore , nous avons foin de donner
le précis de (ts influences furie règne
animal & végétal. Nous avons encore
eu foin de décrire exactement les
inftrumens propres à faire les obfer-
v.uions météorologiques , es; la ma-
nière de s'en fervir. Il faut con-
fulrer ces différens articles ; il ne
refte plus qu'à connoître la manière
de rédiger ces obfervations.
On doit apporter le plus grand
foin dans le choix & la perfeclion
des inftrumens qu'on doit employer,
comme baromètre , thermomètre ,
hygromètre , anémomètre , &c. j
être très-exacl à faire fes obferva-
tions trois fois par jour , le matin ,
à midi & le foir ; à noter toutes les
'variations du jour , & l'état du ciel ;
en tenir un regiftre fidèle. Ce regiftre
doit être un cahier de papier , dont
chaque feuillet fera divifc en vingt-
une colonnes comme il fuit:
Modèle
MET
MET
5îï
Modèle des Tables du régijlre d'obfervations méiéorologiques.
du
Vtois.
The RM omet r e.
Darométbe.
H VG R OM ET R E.
Vents.
ÉTAT DU CIEL.
quantité
de
piuic.
quaniitiï
d'dvapo-
ration.
a :rorc
Matin.
Midi.
Soir.
Mann.
Midi.
Soir.
Matm.
Midi.
Soir.
Matin.
Midi.
Soir.
Matin.
Midi.
Soir.
l-hJno-
10
IJ
IL
I6. 8.
16. S,
2!-
10
9
II.
E.
E. S.
E.
bcaii.
COUVClt-
pluie.
I. Iig.
0
11 ènes
et i cites.
aurore
boréale.
Nous ne pouvons mieux faire ,
que de rapporter ici ce que le P.
Cotte , le plus fçavant obfervateur-
météorologique que nous ayons , dit
fur la meilleure méthode qu'on doit
employer pour la rcda6tion de ces
obfervatiûns.
A la fin de chaque mois on ré-
capitule , pour ainfi dire , toutes fes
obfervations , & on en cherche la
moyenne proportionnelle de chaque
colonne. Cette opération eft très-
fimple ; il fuffit d'additionner toutes
les obfervations faites dans un mois ,
& dediviferla fommequi en réfulte,
par le nombre des obfervations \ le
quotient fera la moyenne cherchée.
Je fuppofe que la fomme des obfer-
vations du termomètre , faite dans
un mois, foitde 1 140 degrés, &que
le nombre de ces obfervations foit 90 ,
à raifon de trois obfervations par
jour ( I ). Je divife 1140 par 90 ,
& il me vient au quotient 1 1 , 7 d. :
c'eft le degré moyen de chaleur pour
chaque jour du mois. Si dans un
mois d'hiver , par exemple , on a
des degrés au-de(Ius & au-delfous du
terme de lacongél.ition, on fait deux
fommcs , l'une des degrés au-deffus ,
& l'autre des degrés au-delfous ; on
retranche la plus petite de la plus
grande , & on divife le refte pat le
nombre total des obfervations. Je
fuppofe que , la fouftraélion faite ,
il me relie 14 degrés de froid à
divifer par 95 ^ j'ajoure un zéro à
14 , pour avoir des dixièmes de dé-
grés \ je divife 140 par 95 , & je
trouve que le froid moyen a été
de — G , 2 d. La barre indique que
les degrés ou les fradions de degrés
font au-deiïbus du terme de la con-
gélation , &; le zéro, fuivi d'une vir-
gule, marque qu'il n y a pomt de de-
grés entiers , mais feulement des
dixièmes de degré exprimés par le
chiffre qui fuit la virgule. S'il s'agit
des obfervations du baromètre , on
commence par additionner les lignes:
à l'égard des pouces, fi le baromètre
a été pendant tout le mois entre 27
& 28 pouces, alors on n'opérera que
fur la fomme des lignes ; s'il a été
plufieurs fois à 28 pouces & au-delà ,
on comptera le nombre de fois , (5c
on ajoutera autant de fois 12 lignes
à la fomme des lignes déjà addition-
nées j s'il a été plus fouvent au-delfus
de 28 pouces , on comptera le nom-
( i) Que le nombre des obfervations foit plus ou moiii': grand, on parvient toujours au
réfultat, en divifant par le nombre des obfervations, tel qu'il foie; plus elles font mul-
tipliées , plus le rélultat eft exaifb.
Tome VI. V v v
5 21 MET
bre de fols qu'il a été au-defTous de
ce terme , & on retranchera autant
de fois 12 lignes de la fomme déjà
trouvée : on divifera le refte par le
nombre total des observations.
On voit combien cette méthode
cft exade, piiifqu'écant le réfult.u de
toutes les obfervacions , elle préfente
fidèlement la moyenne proportion-
nelle entre toutes ces obfervations.
MET
PalTons maintenant à la manière
dont on doit opérer , pour obtenir
tous les réfultats qui caradérifenc
une température moyenne, i**. pour
chaque mois j i". pour l'année j 3''..
pour chaque mois de l'année moyen-
ne; & pour l'année moyenne, par un
réfultat général de tous les réfultats
particuliers qu'on a obtenu d'un cer-
tain nombre d'années d'obfervations..
1°. Réfultats extrêmes & moyens de chaque mois
de l'année.
Je vais parler aux yeux, ce fera le moyen de me faire mieux entendre..
PREMIÈRE TABLE.
Réfultats des Obfervations du Thermomètre ^ du Baromètre & des Vents y
faites à Montmorcnci en 177^.
T H E R M 0 M
È T R
E.
BAROMETRE.
i
■■■•-^ >■■•*
!
y\
.VENTS-
/"
■-\i
/"
Jour
s de U
Jours de la
fi
Elévation DOMINANS.
MOIS.
Plus
Moindre
Chaleur !
Plus
.Moindre
C '
\
grande
f
\
grande
Plus
chaleur.
moyenne.
Plus
trrande
érévation.
moyenne, a
grande
Moindre
chaleur.
Moindre
élcvacion.
1
chaltui.
chaleur.
c'IeAanon.
clciatîon.
i
De%tii.
De%rci.
Dtgi L .
Pouc. lig.
Foue. lig.
Fout. lig.
Janvier. .
31-
?.
d,".
7,5.
— 0,7.
20.
I.
28. S, 4-
27. 5,8.
28. 2, 2. E.
Fc\Tier. .
17. 27.
i:,6.
— 0,8.
5, y.
17.
12.
6, S-
I',4.
3,4- E.S.&S.O.
Mais. . . .
2^.
ir.
i6hC.
— 0,0.
6,8.
5,
19.
6. 0.
8,1
I, *. 1 E. N. & N. E.
Avril. . . .
19.
2.
21,0.
2,0.
10, T.
2. J.
26.
î,IO.
7,0.
0, y.
s. 0.
Mai. , . .
If:
T.
24>o.
2,0.
II,Ô.
22.
8.
2, î.
«,5.
27. ÏO,I0.
s. 0. & 0.
Juin
29.
21.
22,4-
6a-
I ,8,
21.
u.
1,10.
7,o.
10, 4-
N.
.Tuiljet. ..
IS.
6. 17.
27,0.
J0,0.
lî,8.
12.
t-
î, 9-
4,8.
10, 4,
S. 0.
Août. . .
17.
S.
2^,0.
9>3.
16,7.
28.
6.
2, 1.
6.6.
ir,io.
N.E. N. «et.
Scptemb.
Odob. ...
I.
21.
2^.0.
«,6,
lj,S.
16.
2+
h 4-
8,0.
II, 5.
S. 0. S.& N.
19-
■)■
1 *',0.
5,8,
II, I.
51.
9-
14. i;,l6.
J. 6.
i,6.
II, 9.
S. 0.
Novemb.
I.
19. 20.
14.2.
— 0,0,
'•,î.
29.
î.lo.
26. 9,8.
8, 8.
S. 0. & a
Déccmb.
Rtfult.-i[s
S.
;l.
3J,6.
— 2,6,
J,^-
6.
22.
;, 0.
8,2.
8,10.
S. 0.
iS.
^
1^.
.,,
de
î-'iO.
— 7,5.
9>S.
:3 6.^.
26. S, 2.
:~. II. ~.
S. 0.
l'annije.
Imlkt.
Janvier.
!
fx.\iiir.
De'cerab.
1
M E T
MET
5^5
1*. Réfultats extrêmes & moyens d'une année et ohferv allons.
La dernière colonne horizontale cifément comme on a opéré fur les
■de la table précédente indique ces 30 jours d'un mois, pour avoir les
réfultats; on les trouve en opérant réfultats de ce mois,
fur les douze mois de l'année , pré-
3". Réfultats extrêmes & moyens de chaque mois de l'année moyenne.
Ces réfultat; exigent un peu plus
•de travail j mais ils font aulTi faciles
à trouver que L. s piécédens. Il s'agir
de comparer eni\;mble , mois par
mois , toutes les tables de chaque
année femblables à la précédente ,
&d'en déduire des réfultats moyens ,
en divifant les fommes dès obferva-
tions par le nombre des années
d'obfervations. Si l'on vouloit avoir
les réfultats moyens pour chaque
jour, il faudroit rapprocher les obfer-
vations faites chaque jour du mois ,
pendant 5 , 4, (î , 10 ans, plus ou
moins. Par exemple, du premier Jan-
vier de chacune des aimées d'obfer-
vations , & divifer cette fomme par
le nombre des années. Le quotient
donnera la chaleur moyenne , l'é-
lévation moyenne du baromètre, &c.
pour le premier janvier de l'année
moyenne. On fera le même travail
pour chaque jour de l'année , &:
l'on aura un Calendrier Météorolo-
gique, femblable à ceux que j'ai pu-
bliés dans mon Traité de météoro-
logie ( 1 ) , dans le Mémoire cité plus
haut ( 2. ) , dans la Connoijj'ance des
temps (' 5 ) j &c dans le Journal de
phyfique (4). Ce travail eft bien
moins pénible, lorfqu'on fe borne à
chercher la température moyenne de
chaque mois, je vais donner des
exemples.
(1) Page 141.
(1) Savaiis Étrangers, Tome VII, page 453.
(5) Année 1775 , P^ge 340-
(4) Tome Y, année 1775, première partie, page jii.
V V V â
J14 MET
TABLE IL
1*. Thermo M ixRE.
MET
TABLE I I L
i". Baromètre.
Réfultats des obfervations du Ther- RéfuUats des obfervaùons du baro-
momècre j faites à Montmorenci mètre j faites à Montmorenci pen-
pendant trei:^e ans, dant treize ans.
MOIS DE JANVIER.
Plus
Plus
ANNit s.
ffrande
crand
Chaleur
chaleur.
froid.
moyenne.
Dtirii.
Dtpii.
Digrii.
1768.
8, 0.
— IJ, 5.
0, 9.
I7#9.
S, 2.
— 5. 0.
î, }■
1770.
8, 2.
— 7,0.
2, 0.
I-7I.
II, 0.
— 8, 0.
I, I.
1772.
10, I.
— 6,9.
0, ^.
1773-
11, 4-
— 4,6.
I, 5-
1774.
9, 9-
— 6, 0.
1, 7-
1775-
10, 0.
— 8, 5.
2,9.
1776.
l- +
— 15, I.
— 3, 3-
1-77.
8. 7.
— 9. o-
I, 0.
I77f.
8, 0.
— 5,6.
I, 6.
1779.
4, 7.
— 7, î.
— 0, 7.
17S0.
7, 6.
— 6, 8.
c, 2,
Janvier
de l'anntïe
8, 8.
— S, 0.
J, 0.
moyenne.
J'additionne chacune de ces co-
lonnes j je divife le total par 13 ,
nombre des années d'obfervations ,
& je trouve que la plus grande cha-
leur qui a lieu en janvier, année
commune, eft 8,8 degrés; que le
plus grand froid eft — 8,0 degrés
de condenfation , enfin que la cha-
leur moyenne de chaque jour eft de
i,c degrés.
MOIS DE JANVIER.
Plus
ANttiES.
ïrande
Moindre
Élévation
^Uvation.
élévation.
moyenne.
Fouc. lig.
Pouc. lig.
Pouc. lig.
17a.
27. Il, 6.
27. 3, 6.
27. S, 0.
1769.
28. I, 3.
27. 6, 6.
'7. 9. 3-
ir-o.
2». 5, 6.
27. 2, c.
27. II, c.
i-^i.
28. I, 0.
27. 2,6.
27. 7, 3.
I~2.
28. 0, 3.
26. ic, 6.
27. 4, 6.
i~-;.
28. j, 0.
27. 2, 6.
~-7- 9. 9-
1774.
2*. 1,0.
27. 0, 6.
27. 6, 9.
1775.
28. 1, 0.
27. 5, 0.
27. 10, 2.
1776.
28. 0, 6.
26. Il, C.
27. 6, 9.
1777.
28. 2, 0.
27. 4, 0.
26. 8, y.
--7- 9, 3-
1778.
28. 1,9.
27. 7, 10.
1779.
28. 5,4.
27. 5,8.
28. 2, 2.
1:80.
28. 3,0.
26. 10, 0.
2-. 8, J.
Janvier
de Panniîe
îS. 2,1.
27. I, 10.
17. 8, 7-
moyenne.
J'opère fur cette table comme fur
la première , & je trouve les réful-
tats moyens 'pour janvier de l'année
commune , tels qu'on les voit dans
la dernière colonne horizontale de la
table.
MET
MET
5M
TABLE I V^.
1 3^. Vents.
Réfuhats des Vents qui ont .dominé.
MOIS DE JANVIER.
Années.
1
No
d. N.
E. N.
0. Sut
1. S.
E. S. 0.
Eft
Oucft.
17S8.
6
4-
0.
2.
1.
1.
10.
î-
J769.
S
"l-
I
î
3-
3
4
J770.
14
I.
5
0
0.
2.
8
1771.
J
6
0
3'
4
6
177J.
8
I
0
^
2.
J
>77J-
2
2
0
î-
0
11
1774-
I
y
0
7-
4
6
177?.
5
3
12.
1
3
1776.
I«
0
I.
S
I
1777-
(S
6
0
J.
2
2
1778.
9
I
«
z
8.
1
2
177?.
7
I
3
3
z.
14
0
1780.
8
4
4
0
3-
7
I
Janvier
de l'année
76
7-i
55
43
ï3
53-
5Î
54-
moyenne.
J'additionne les chiffres contenus nombtes contenus dans la dernière
Jans chaque colonne , & qui mar- colonne horizontale de la table, in-
quent le nombre de fois que chaque dique l'ordre des vents qui dominent
vent a foufïlé, & la progteffion des en janvier , année commune.
5î(î MET MET
TABLE V.
4". Quant ues de pluies & d'évaporaùon • Nombre des jours de pluie ^
de neige j de tonnerre , d'aurores boréales ; (& Températures obfervées
à Montmorenci pendant treille ans.
MOIS DE JANVIER.
1768.
1770.
I77I
1772
I77J
1774
I77J
I77S.
3777.
1778.
lr?g.
1780.
Quantités
. ^
de
pluif .
Janvier
de l'année
moyenne.
d'dva-
porator
Powr, l;g, Pûuc. lig
6.'o,
6. o.
é,
6,
6,
o. o.
j.!o.
9.10.
J-0-
I. 2, 10. O.
Nombre des jours.
de
pluie.
^/\^
de
neige.
de
tonn.
d'aur.
bote.
o, 6.
TE.\lPiRATCRE.
Trcs-frofde, fcchC.
Douce, humide.
Froide, humide.
2dem.
Idem.
Très-douce, humide. ■
AfTez douce , humide.
Iderr..
Trcs-froide , humide.
Froide, humide.
Idem.
Froide, fcchc d'abord,
humide cnfuire.
Froide , humide.
Froide & humide.
Ce petit nombre de tables fuffic
.pour faire entendre ma méthode j
on trouvera de même les réfulcats
moyens de l'hygromètre, de l'aiguille
aimantée , des maladies , des naif-
fances , mariages & fépultures , du
progrès de la végétation , relative-
ment aux différentes productions de
la terre , &c. &c.
Il eft aifé de voir , qu'en opérant
ainfi fur chaque mois , on aura une
table de réfultats moyens, femblable
pour la forme à la première table ci-
defTus, de laquelle on tirera facilement
les réfultats moyens de l'année com-
mune j fi l'on vouloit avoir feule-
ment ces derniers réfultats, fans être
obligé de chercher ceux de chaque
mois j on drefferoit une table de
tous les réfultats extrêmes & moyens
de chaque année d'obfervations , &
on opéreroit fur cette table comme
nous l'avons fait fur les précé-
dentes; le réfultat indiquera celui
de i'aïuiée commune. Exemple ;
MET _, . ■ M E T 527
TABLE VI.
RÉSULTATS des obfervations fanes chaque année à Montmorend ^
fur le thermomètre & le baromètre, depuis 1772 jufqu'en 1775.
T H E
R M 0 M È
r R E.
B A
R 0 M i T R E. 1
_ y\^
/"
■">
Années.
Plus
glande
chalciir.
Plus
grand
froid.
Chaleur
moyenne.
Plus
grande
didvation.
Moindre
(iliïvatJon.
Él*ivation
moyenne.
Dcgrii.
Dcgrh.
Dcgris.
Pouc. Ug.
Poue, lig.
Pouc. l!g
1771.
îS,;.
— 6, 8.
9, «■
28. j, 2.
26. 10, y.
27. 8, 6
J775.
Î7,8.
— 8, 0.
8,9.
28. j, 0.
=6. 10, 0.
27. 10, 0
1774-
27>r-
- 6, ,.
9. J-
28. 6, 0.
27. 0, j.
27. 10, 0
I77y-
27,8.
- S, 5.
9, I.
28. 5, 9-
26. 10, 0.
27. 10, S
I77«.
J7,f-
— 15, r.
8,4-
28. s, 0.
26. IT, 0.
27. 10, lo
1777-
17,0.
— 9, 0.
S, I.
28. 7, 0.
26. II, 9.
27. 10, I
177».
îT.T-
- 5, «■
S. 7-
28. 7, 10.
26. 8, 5.
27. 10, I
1779.
17,0.
— 7> r-
9-8.
îS. 6, ;.
2«. S, 2.
27. II, 7
Anntc
moyenne.
Z7,8.
1
- 8,4.
9, 0.
28: 5, 8.
26. 30, s.
27. 10, 2.
La méthode de rédaftion que je
viens de propofer , exige de la pa-
tience & de l'exaibittide , mais elle
ii'eft pas difficile , ëc elle eft ttcs-
fatisfaifante. C'elt le feul moyen de
rirer parti des obfervations mctco-
rologiques , foit en comparant toutes
celles qui ont été faites dans un
même pays, foie en établiffanc cette
comparaifon entre les obfervations
faites en difiérens pays , pour avoir
des réfultats moyens & généraux. Ce
travail n'eft prefque rien pour cha-
que ohfcrvateur en particulier, fur-
tout s'il a foin de le faire à la tin
de chaque mois & de chaque année.
C'eft d'après une longue fuite
d'obfervations météorologiques , que
l'on pourra ccnftruire des efpccc-s
d'almanachs météorologiques , qui,
fans mériter une contiance entière ,
pourront cependant toujours feivir
d'indicateur prévoyant.
Il eft une autre efpèce de météo-
rologie, que l'habitant de la cam-
pagne, les barreliers, les marins, ^'c
& en général tous ceux qui font les
plus iiuérelTés à prévoir les variations
du temps, fe font faite j c'eft celle
qui regarde les changemens de
temps, annoncés par des pronoftics
tirés des animaux, des plantes , en un-
mot de tout ce qui éprouve l'in-
fluence de rathmofphcre; cette mé-
téorologie eft fufceptible d'une efpèce
de jinlelTe , & rarement elle eft en-
défaut. Un favant du premier mérite
à Genève , a fait une longue fuica
5x8
MET
à'obfervations fur ce fujot , & en a
diclfé un almaiiach météorologique
à i'ufage fur -tour des cultivateurs :
nous le ferons connoître au mot
PpvÉsage. m. m.
METTRE A FRUIT. Il fe dit
d'un arbre qui naturellement, ou par
art , eft obligé de porter du fruit.
Un arbre jeune, fort, vigoureux,
greffe franc fur franc , ( le poirier,
par exemple , ) & planté dans un
bon fonds , fe met difficilement à
fruit, & ne pouiTe que des bourgeons
pleii s de vie, ou des gourmands.
( Foye-iç^ ce mot ) Un arbre qui a
foufîcrt , & planté dans un fol de
médiocre qualité , ou greffé far coi-
gnalîier , fe met beaucoup plus fa-
cilement à fruit. Il eil encore des ef-
pèces , comme le beurré , le doyenné ,
d:c. qui fe mettent plutôt à fruit que
la virgoureufe. Cette variété tient à
la manière d'être de leur végétation,
qui leur permet d'avoir plus de bou-
tons à fruits que de boutons à bois \
mais quel en eft le principe? C'eft le
fecret de la nature. 11 eft plus aifé en
apparence de mettre à bois un arbre
qui fe charge de fruits, que de mettre
à fruit celui qui ne poulTe que des
feuilles & du bois. Confultez les mors
Bourgeons & Boutons. Surles pre-
miers, en taillant court, en raccour-
cilTant fucceffivement & petit-à-petic
les anciennes branches , en fuppri-
mant même pludeucs boutons à fruits
& des Bourses , ( l'oye-:^ ce mot ) on
parvient à mettre l'arbre facilement
à fruit.
Il eft aifé de remarquer que les
arbres qui fe mettent le plus faci-
lement A boi'; , font ceux fur lefquels
on a confervé plus de canaux ùire6bs
de la fève, c'eft-à-dire plus de tiges
MET
perpendiculaires dans lefquelles U
fève monte avec toute fon impé-
tuofité, & fe porte vers le fommec.
( r^oye^ les mots Buisson, Espa-
lier. ) Ahn d'éviter cet amas de
bois , on a fuppofé une trop grande
abondance de lève j & en conféquen-
ce, apiès avoir ouvert une tranchée
au pied de l'arbre, on a fupprimé une
de fes mères racines , au rifque de
faire périrrarbre,oudu moins de faire
jeter toutes les branches du même
côtéj &: on fait, par expérience, que
celles du côté le plus fort attirent à
elles toute la fève , & ruinent les
branches foibles du côté oppofé. On
fait encore que les branches font
toujours en proportion des racines ,
& ainfi tour à-tour j enfin, qu'il doic
y avoir un équilibre parfait entre le
volume des branches , comme il fe
trouve dans les racines, lorfque cet
équilibre n'eft pas contrarié par la
main de l'homme, ou par quelque
accident. C'eft de lui que dépend la
profpérité de l'arbre.
D'autres fe font imagines , qu'en
perçant avec une tarrière le tronc &
les branches, ilsrallentiroient le cours
de la iève , (!<: que l'arbre fe mettroit
plutôt à truit. On tait graruitement
des plaies à l'arbre , dont il eft long-
temps à fe remettre , ôc on n'en eft
pas plus avancé. Il feroit trop long
& trop faftidieux de rapporter ici les
pratiques ridicules , employées parles
jardiniers qui ne doutent de rien.
Le moyen unique, (impie, & in-
diqué par la nature , conlifte dans les
builfons , de ménager autant de four-
ches qu'il tîi pofîible, dès- lors il n'y
a plus de ligne verticale dans les ef-
paliers ; d'incliner les premières &:
fc-ondes branches , & de leur don-
îieiMa forme d'un Y très évafé; enfin,
fur
IVI É U
fur les arbres mal railles , & qui fe-
roient très-difficiles à être réduits à
une taille régulière , d'incliner dou-
cement les branches prefque jufqu'à
l'horizon, faut l'année d'après de leur
lailTer une inclinaifon moins forcée.
MÉUM. ( roye:( Planche XIÏÎ)
Tournefort le place dans la féconde
fe£tion de la fepticme clalTe des fleurs
en ombelle, dont le calice fe change
en deux petites femencesoblongues,
& il l'appelle mcum foliis anethi.
Von Linné le nomme athamaniha
meum ^ ôc le clafle dans la pentandrie
digynie.
F/eur. En rofe B, difpofée en om-
belle , compofée de cinq pétales
égaux : on voit un des pétales féparé
en C; le calice eft pofé fur l'ovaire
avec lequel il fait corps j on le re-
connoit à cinq petites dentelures; les
parties fexuelles que l'on voit dans la
figure B , condftent en cinq écamines
ôc un piftil D.
/Tttif F. Ilfuccède au piftil, & il eft
formé de deux graines tjui fe fépa-
rent lors de leur maturité; elles font
lilfes , cannelées, conve.ves d'un côté
&c applaties de l'autre.
Feuilles. Elles embralTent les tiges
par leur bafe , elles font ailées & les
folioles font capillaires.
Rcicine A. En tornie de fufeati,
garnie de quelques fibres.
Porc. Tige haute de deux coudées
environ , herbacée , cannelée ; l'om-
belle naît au fommet ; l'ombelle
uiiiverfcUe eft compofée de plufieurs
folioles linéaires plus courtes rine les
rayons; les parrielles ont également
une féconde enveloppe de trois à cinq
feuilles linéaires ; les feuilles font
pla( ées alternativement fur les tiges.
Lieu. Les hautes montagnes dans
Tome FI.
M É Z 51^
les prairies; la plante eft annuelle. Se
fleurit en juin & juillet.
Propriétés. L'odeur de la racine
eft agréable, quoique forte & aro-
matique; fa faveur eft âcre& modé«-
rément amère; elle eft carminative,
diurétique, emménagogue, ihcifive,
déterfive & anti-afthmatique.
Ufage. On fe fert feulement de la
racine ; on la prefcrit , pulvérifée ,
depuis demi -drachme jufqu'à deux
drachmes, incorporée avec un fyrop,
ou délayée dans cinq onces d'eau ;
réduite en petits morceaux, depuis
une drachme jufqu'à demi-once, en
macération au bain -marie dans fix
onces d'eau.
C'eft en grande partie à cette
plante, mclée dans les fourrages des
hautes monragnes, qu'eft due l'odeur
douce & aromatique qui les carac-
térife; elle eft pour eux ce que les
épiceries font aux ragoûts.
MEZEREUM ou BOIS-GENTIL.
Voyc'^ Laurhole.
MIASME. MÉDECINE RURALF.,
On entend , par ce mot , des corps
extrêmement fubtils , qu'on regarde
comme le principe isc les propaga-
teurs des maladies épidémiques.
Leur nature & leur manière d'agir
fur les corps , font encore incon-
nues. L'on a penfé jufqu'ici , que
ces petites portions «■ de matières , pro-
» digieufement atténuées , s'échap-
15 poient cjes corps infeélés de la con-
» tagion j 6c la communiquoient à
!i ceux qui ne l'écoient pas , en les
)î pénétrant , après s'être répandus
n dans l'air , ou par des voies plus
>» courtes , en p.'.lfant immédiare-
» ment du corps affedé , dans un
4» corps non-malade. Ce n'eft que par
Xx j;
53© M I A
jj leurs effets qu'on efl: parvenu à en
» foupçonner l'exiftence. »
Ce 11 ainlî qu'un homme attaqué
de la perte peut répandue cette maladie
dans pliilleurs pays. La petite vérole
en fournit encore un autre exemple.
Perfonne n'ignore que , quoiqu'elle
fe communique par le contaél im-
médiat , foit en rendant des foins à
celui qui en.eft attaqué , foit en habi-
tant dans la même chambre &
dans la même maifon, elle fe com-
munique encore par l'air , qui étant
le véhicule des corps les plus fubtils,
Se de plufieurs qui font feulement
divifés ou atténués jufqu'à un cer-
tain point , tranfporte & répand de
tous côtés les miafmes varioliques.
Bientôt ils infc6tent un village, un
bourg , une ville; il naît une épidé-
mie plus ou moins violente, qui s'é-
lend principalement furies enfans,
fans cependant épargner les adultes
qui ne l'ont pas eue.
On peur afTurer , que les maladies
épidémiques fe propagent plus par les
m.iafmes dont l'air eft infedé, que par
le contad immédiat; car on fait que
quoiqu'on s'éloigne des endroits où
elles régnent , &: qu'on n'aborde point
les appartemens où font des malades
infeétés de la contagion , on peut ce-
pendant être attaqué de cette maladie.
Quelques médecins ont obfervé
& prédit qu'une épidémie étoit pro-
chaine, parce qu'il fouftloit un vent
d'une ville où elle règnoit, 5c leur pré-
diction s'eft trouvée jufte. Commenr,
en effet, prévenir, s'écrie M. Fou-
quet , célèbre m.édecin de Montpel-
lier, la fubitanéité avec laquelle le
venin, c'eft-à-dire le miafme dcltruc-
fteur , vous frappe à l'improvifte ?
C'ell l'air ou le vent qui l'apporte des
pays très-lointains j c'eft luioifeau qui.
M I A
fraiichiffant l'intervalle immenfe des
terres &c des mers , vient d'une ré-
gion inconnue, infedrer vos contrées.
On peut fe rappeller que la pefte tut
apportée, il y a quelques années, en
Italie, par une corneille. Dans la
dernière pefte de Marfeille, les oi-
feaux quittèrenr le pays , & n'y re-
vmreut qu'après qu'elle fut entière-
ment didipée. C'eft l'air qui , en
Egypte , eft comme le premier récep-
tacle , la première matrice où fe
dépofe la peftUence, un des produits
naturels de cette contrée mal-faine,
& le vent en efl: le rapide melfager,
qui la tranfporte & la répand au
loin , fur tous les corps animés.
Nous femmes cependant bien éloi-
gnés de dilfuader les perfonnes qui
n'ont pas eu la petite vérole, de pren-
dre toutes les précautions que la pra-
dence leur diète à cet égard. ( f^oye:^
Contagion ) M. Ami.
Ptifonne ne rcfpeéte plus que moi
les dédiions de MM. les médecins;,
mais il eft permis d'avoir un avis
différent , quand il a pour bafe l'ex-
périence. J'ofe le dire , l'air n'eft pas
plus le véhicule de la peite, des ma-
ladies vénériennes , de la phtiiie pul-
monaire, de la gale , de la lèpre ,.
du cancer, du charbon dans les ani-
maux , &c. que de la petite vérole
pour l'homme , & du claveau ou
clavellée pour les moutons; le contadt
feul , efl: fon véritable véhicule. Un
cordon de troupes bien ferrées, eft
le meilleur préfervatif contre la pefte;
jamais elle nepaffe la ligne de démar-
cation. On peut dire que pendant
plus de la moitié de l'année il y a
des peftiférés dans les lazarets de
Marfeille , de Livourne, de Gênes,
(le. Se cependant ces villes ne font
pas infectées de la pefte. Or , fi l'aiï
M I A
en école le promoteur , elles feroient
bientôt déferres , & la maladie de-
viendroic endémique dans les hôpi-
taux ; ceux qui traitent les malades
vénériens , cancéreux , galeux , n'y
prennent pas le germe de ces mala-
dies , quoiqu'ils y refpirenc le même
air qui eft rendu plus impur encore
par la tranfpiration des malades j mais
fi ces virus touchent & font portés
fur la plus légère égratignure du gar-
çon chirurgien , cette petite plaie de-
vient vénérienne , cancereuie , &c.
Se galeufe , s'il manie 6c touche fans
précaution la main d'un galeux j le
contadftul, foit des véttmens, foit
de la peau , eft fufceptible de com-
muniquer les maladies dont on parle.
Il y a plus j onavoit pratiqué dans une
même grande chambre , une double
féparation , avec des planches criblées
de trous faits avec une petite vrille ,
6c on avoir lailfé un pied de diftance
entre chaque fépration. D'un côté,
douze enfans chargés de petite vé-
role furent placés , ôc de l'autre ,
douze enfans du même âge , qui ne
l'avoient pas eu : aucun de ces der-
niers n'en fut attaqué, quoiqu'ils fuf-
fent certainement dans le même bain
d'air que les premiers : ils ne pou-
voient ni communiquer ni fe tou-
cher en aucune manière. Voilà quel
fut le vrai , le feul & l'unique pré-
lervatif, 11 feroit abfurde de dire
qu'aucun de ces enhms ne devoit
avoir la petite vérole, parce que plu-
lieurs perfonnes ne l'ont jamais j ce
nombre eft peu confidérable , &c
quand il le feroit davantage , com-
ment fuppofer qu'on eût été alfez
h.abile, ou que le hafard eût procuré
douze fujets de cette clalfe h peu
nombreufe ? Ce feroit , en vérité ,
M I A 53 j
poufler bien loin le fepticifme !
Il faut cependant convenir que
dans les mines , dans les hôpitaux ,
dans les falles de fpeftacle , dans les
vailîeaux , &c, , l'air eft plus ou moins
méphitique, ( /^'^ojt^MErHiTisME &
Air ïixe)& que les perfonnes qui
le refpiient pendant longtemps , font
attaquées de maladies de langueur ,
ou meurent fubitement , s'il elt croD
méphitique. La raifon eu eft fimple ;
c'eft qu'il n'eft pas alfez renouvelle,
(i^c que l'air fixe méphitife elfentielle-
ment l'air athmofphérique. Mais
faites changer d'air aux malades ,
ils font auflitôt remis.
Le nombre & l'étendue des étangs ,
fur-tout ceux de mer qui reçoi-
vent de l'eau douce , exhalent , en
prcpoition , des miafmes dangereux
pervdant l'été , &: portent le germe
de l'infnlubrité dans tous les lieux
de la circonféience , fuivant la direc-
tion des venrs. Mais ces courans d'aix
ne procurent ni la pefte , ni la pe-
tite vérole , ni la maladie vénérienne ,
ni la gale , ni le fcoibut, ni le char-
bon j il en réfulte une fièvre tierce
ou quarte , purement & fimplemeuc
fymptomatique , d' qui , peut-être j
eft fouvent renouvellée par les habit»
portés pendant la fièvre de l'année
précédente , ôc qui n'ont pas été ri-
gourcufement lavés. J'admets cette
dernière alTertion comme puren.eiic
hypothétique, «Si je dis qu'il n'y a au-
cune proportion entre les miafmes
d'une ville pcftiférée , & ceux qià
s'clèvent des marais , des étang;; ,
où le foyer de la putriJité îk du
inéphicifme eft immenfe 6c fans
celle exiftanc , & où enfin il fe dé-
XXX 2.*
55i MIC
veloppe en raifon de rintenfitc de
chaleui" de la faiion. Le vent change,
les pluies , les froids furviennent ,
a'.ors la caiife ceffe ainfi que les effecs.
Que tous les enfans d'un village
foient atteints de petite vérole , ceux
du village voifm en feront exempts ,
fi dans ce cas on prend les mêmes
précautions que pour lapefte. J'aiainfi
circonfcritjdans deux métairies, une
maladie charbonneufe Se peftilen-
tielle , qui en avoir attaqué les bêtes
à corne ; & dans les mênies métai-
ries , les animaux fains en furent
préfervés par une funple , mais ri-
goureufe féparation. Aufurplus,je
préfente ces observations pour ce
qu'elles font, pour ce qu'elles valent,
c'eft au public à en juger.
MICOCOULIER. Tournefort
l'appelle cehis aujlralis ^ fruclu ni-
gricante , & le clalTe dans la féconde
fedtion de la vingt-unième clafle des
arbres à fleurs en rofe , dont le piftil
devient une baie. Von Linné le nom-
me cehis aujlralis , & le clafle dans
la polygamie monoécie.
Fleur. En rofe , hermaphrodite ,
mâle ou femelle fut le même pied j
les hermaphrodites compofés d'un
calice d'une feule pièce , divifé en
cinq parties \ de deux piftils recour-
bés, & de cinq étamines très-courtes
fans corolle : les mâles n'ont ni co-
rolle , ni piftil , & leur calice eft di-
vifé en fix.
Fruit. Noyau un peu charnu , rond ,
à une feule loge , rentermant un
noyau prefque rond.
Feuilles. Portées par des pétioles,
fimples , entières , ovales , en forme
M I C
de lance , dentées à leurs bords , ru-
des en - dellus , uerveufcs & douces
en delfous.
Rucine. Ligneufe , trcs-fibreufe.
Lieu.. L'Italie , la Provence , le
Larij^uedoc.
Propriétés. Les feuilles ^' les fleurs
font aftringentes j les fruits im peu
raffraîchilfans.
Ufages. On fe fert des feuilles
& des fruits en décoétion : on tire
des fruits un fuc qu'on dit utile dan«
les dilfenteries.
C'eft un bel arbre dans nos pro-
vinces du midi ; fon bois eft
fouple & pliant. On en fait des
cerceaux de cuve , & de grands
vailfeaux. Il eft excellent pour la
menuiferie & pour la marqueterie.
En le fciant obliquement à fes cou-
ches , il peut fuppléer au bois fa-
riné , qu'on apporte de l'Amérique ;
il produit un très - bel effet , & il
eft fufceptible d'un beau poli. Aucun
bois ne lui eft comparable pour les
brancards de chaife'j il plie beaucoup
fans rompre.
Si on ne veut pas le laiiïer monter
en arbre , on peut en former des palif-
fades , & tailler fes branches comme
celles des charmilles. On le multiplie
par graines; mais pour avoir moins
d'embarras , on lève les pieds venus
èss graines tombées de l'arbre. En
travaillant un peu & autour de la
circonférence , avant & après la chûre
des graines, on a un très- bon femis.
Si les deux années fuivantes on a le
foin d'enlever les mauvaifes herbes ,
&c de ferfouir , on pourra à la fin
M I E
âe Ta féconde année, lever les plants.
Dans nos provinces du nord , ces
femis demandent plus de foins , &
peu-à-peaon y acclimatera cet arbre.
On compte plufieurs efpcces de
micocoulier. Celui de Virginie, ce/r/j
cccidcntalis , LiN., diffère du premier
par fon fruit d'un pourpre-foncé \ par
it% feuilles obliquemenr ovales , poin-
tues , dentées en manière de fcie :
lorfqu'elles fon: encore tendres, elles
font un peu cotonneufes; dans leur
état de perfecfbion , leur forme eft un
ovale large , dentée en manière de
fcie , excepté à la bafe &r au fommet.
Cet arbre aime les terreins humides
& gras , il s'élève très-haut, fe cou-
vre & fe dépouille très-tard de fes
feuilles.
Le micocoulier des Indes , celtls
or'untalis. Lin. Feuilles à crenelures
très-fines , en forme de cœur , &
velues en-deiïous.
MIEL.
Plan du Travail.
Sect. I. De l'origine du miel , & fur
quelles plantes les abeilles vont le recueillir.
Sect. II. Comment l'abeille fait la récolte
du miel.
■Sect. III. Comment le miel efl-il contenu
dans les alvéoles ou cellules ?
Sect. IV. De la manière d'extraire le miel
des gâteaux.
Sect. V. Des différentes qualités du miel.
SxCT, VI. Des différens ufages auxquels le
miel efi employé.
Section première.
De l'origine du miel j & fur quelles
plantes les abeilles vont le re-
cueillir.
Virgile, dans fon quatrième livre
ces Géofgiques fur les abeilles _,
chante le miel en très-beaux vers.
M I E
5'>l
comme une rofée célefte , & un pré-
fent des cieux. Anftute , avant lui ,
avoir penfé de même , & Pline n'a
pas eu un fciuiment différent du
leur, puifqu'il dit qu'il eil une cm.a-
nation des aftres , ou les exbalaifons
de l'armofphère , dont l'air fe dé-
fait. Si le miel étoit cette rofée qui
tombe fur les plantes , les abeilles
auroient peu de voy.ages à faire pour
ramalfer leurs provifions qu'elles
trouveroient par-tout j il faiidroic
qu'elles fulTent encore plus diligen-
tes , quoiqu'elles le foient infini-
ment , afin de prévenir le foleil ,
dont les premiers rayons ont bientôt
deiléché ces petites gouttes d'une eau
très-claire , qui paroiifent fur les
plantes, avant qu'il ait donné deflus.
Les fleurs, dont le calice eft fouvenc
incliné , ou perpendiculaire , ne par-
ticiperoient point .1 l'abondance. Se
celles qui font à couvert n'y auroienc
abfolument aucune part; celles dont
le calice , ou la coupe eft bien évafée
& large , en recevroient davantage
que celles qui n'ont qu'une coupe
fort étroite & très-reflerrée.
Cependant , il eft très- cerrain, &
toutes les perfonnes qui élèvent des
abeilles peuvent l'obferver, que ces-
infedes n'entreprennent jamais leurs
voyages qu'après le lever du foleil,
&-- que le fort de leurs foities eft
toujours lorfqn'il eft depuis quelque
temps fur l'horizon , & qu'il com-
mence à faire très-chaud : alors il
n'y a plus de rofée; (i elles vont fur
les plantes avant que le foleil l'ait
attirée, c'eft plutôt pour s'en abreu-
ver que pour recueillir le miel qui
feroit encore trop mêlé avec elle,-
Quoique le temps foit couverr , Se
qu'il n'y ait point de rofée , les.
abeilles forcent comme à lear ordi^
534 MIE
naire , & rapportent du miel dans
la ruche. Qu'on en prenne de celles
qui rentrent fur la fin d'une journée
où le foleil n'a point paru, ou lorf-
qu'il n'y a point eu de rofce , qu'on
les prefîe entre deux doigs, on verra
le miel forrir de leur bouche par cette
prelîion , en fornr^e de petite goutte,
& fi on doutoitquecefùtduvrai miel,
en le portant à la bouche, la douceur
qu'on y trouveroit en feroit la preuve.
Les abeilles entrent dans le calice
des fliurs qui, par leur inclinaifon ,
foit oblique , verticale ou perpen-
diculaire, ne peuvent recevoir la ro-
fée, & dans celles qui lont à couvert,
fi elles en ont la liberté : peut-être
imaginera- t-on qu'elles (e trompent,
& qu'elles n'y trouveront point le
miel qui les attire : qu'on porte la
langue au tond du calice de ces
fleurs, & qu'on en brile les pétales
avec les dents, on s'alîurera, en les
fuçant, que les abeilles ont eu raifon
de s'y adrelTer , &: qu'elles peuvent
en extraire du miel comme de celles
qui font expofées à la rofée. Ne voit-
on pas fouvent une foule d'abeilles
fe porter avec une ardeur étonnante
fur un petit jafmin , & laiiTer un
grand rofier qui fera à côté , dont
les fleurs feront bien épanouies &
rrès-larges? Un œillet fimple devroit
bien moins contenir de ce fuc miel-
leux , dont les abeilles font fi avides,
que ces beaux (Se larges œillets bien
épanouis ; cependant elles les pré-
fèrent à ceux-ci, & avec raifon. Qu'on
forte en etiet les feuilles d'un petit
œillet de leur capfule , &: qu'on en
fucele fond & les pétales qui y étoient
attachées, on y trouvera plus de dou-
ceur qu'à ceux qui fonr très gros.
La rofée n'eft doue pas le miel ,
elle contribue cependant à fa pro-
MIE
dudlon. Ainfi que les pluies douces^
elle fournit aux végétaux une humi-
dité qui eft reçue par les infiniment
petits canaux , dont l'orifice eft à la
furtace des feuilles comme à la tige
des plantes j ce fuc arrive à la partie
fupérieure des feuilles où les pores
font plus ouverts : c'eft auffi par-là
que fe fait la plus grande tranfpiration
du fuc intérieur , parce que les vaif-
feaux excrétoires par où s'échappent
les humeurs de la plante , y aboutif-
fent : c'eft encore par là que les abfor-
bans , qui fervent de nutrition à la
plante , comme la pluie , les vapeurs ,
font reçus. Cette humidité , con-
jointement avec celle que la plante
tire de la rerre , par les tubes qui
font à l'extrémité de toutes leurs
racines, s'incorpore à leur fubftance
par la fermentation combinée de ces
matières, & produit ainfi la fève qui
nourrit la plante. La deftination de
cette fève , n'eft pas feulement de
nourrir la plante, elle doit contribuer
à la reproduction du végétal ; elle
fuinte donc , & s'élève dans les ca-
naux de la plante, & va aboutir dans
cette glande qui fe trouve au fond
de la capfule des fleurs; le furplus
de cette liqueur fort par l'extrémité
fupérieure de cette glande , Se re-
tombe au fond de la capfule. M.
Linné l'appelle le nccluria j c'eft en
eftet un réfetvoir rempli d'une li-
queur mielieufe , dont l'excédent
fort par fon extrémité, & retombe
au fond de la capfule. C'eft-là que
les abeilles, qui connoilfent parfais
renient la poficion de ces réfervoirs ,
vont puifer le miel , ou la liqueur
propre à le devenir.
ÂL Ligier s'eft donc trompé quand
il apenféque ce miellat qu'on trouve
fur les feuilles , principalement à U
M I E
finderété, étoic une rofée gîaante 3<r
mielleiife tombée de rathmofphère.
( f^oje^ ci-après lî moc Miellat ).
Le miel eft ce fuc doux Se fucrc ,
qui, après avoir circulé avec la fève
dans les végétaux, s'en fcpare par une
tranfudation fenfible , & arrive dans
le vafe à neétar , placé au fond du
calice des fleurs , d'où il fe répand
par furabondance au fond même du
calice des fleurs, d'où il eft porté par
ime autre tranfudation furies Veuilles
de ces fleurs. Il eft porté avec plus
d'abondance fur certaines plantes que
fur d'autres : les fleurs en contien-
renc toujours beaucoup plus que les
feuilles des plantes & des arbres, fur
lefquels fouvent il n'eft pas fendble.
Les feuilles des frênes, des érables ,
en font très-fournies dans la Calabre
& le Btiançonnois. Dans certaines
plantes , telles que les cannes à fucre ,
& celles de mais , c'eft dans la moelle
que ce fuc mielleux fe porte avec le
plus d'abondance ; & dans les arbres
à fruit, c'eft le fruit lui-même qui le
reçoit, & fon degré de faveur, qui
eft plus ou moins doux , eft toujours
proportionné à une circulation de ce
fuc , plus ou moins abondante , en
raifon des obftacles.
Tous les végétaux contiennent
donc les principes du miel , (Je ne
diftérent que du plus au moins :
par-tout les abeilles peuvent par con-
féquent fe nourrir & faire une ré-
colte proportionnée à l'abondance
que leurs offrent les cantons qu'elles
habitent. Mais les vaftes prairies bien
émaillées de fleurs , les campagnes
remplies de bled noir ou farralin,
de navette, &c. j les immenfes fo-
rêts , garnies de toutes forces d'ar-
bres , leur offrent, avec pçofufion , de
(jttoi fe raffafier , & des provilicns
M I E
555
pour remplir leurs magafins. Les mon-
tagnes couvertes de romarin , de la-
vande , de thym , de ferpolet ëc de
tant d'autres plantes aromatiques , leur
fournirent toujours un miel excellent
& fouvent en abondance. Le temps
de leur récolte dure autant que la fai-
fon des fleurs, Se lorfqu'cUe eft finie,
les huits qui fuccédunt font encore
d'une grande reflource pour elles.
Section IL
Comment l'abeille fait la récolte du.
miel.
Rien n'eft aufll admirable , & fi
difficile à faidr , que le méchanifme
employé par l'abeille, pour enlever
le miel que lui oflrent les végétaux.
Les expériences que M. de Rcaumur
a faites pour connoître de quelle ma-
nière elle recueille le miel épanche
dans le calice des fleurs, nous ont
découvert des vérités inconnues juf-
qu'à lui. On avoit toujours pcnfé
que c'étoit par fuccion qu'elles enle-
voient le miel , iSc on avoit regardé
leur trompe comme un corps de
pompe, au moyen duquel la liqueur
mielîeufe étoit afpirée , & portée
par le canal de la pompe dans l'ef-
tomac de l'abeille , &; que c'étoi:
encore par ce même_ canal qu'elles
le dégorgeoienc dans les alvéoles.
Swammerdam , un des plus grands
naturaliftes que nous ayons eu , &
auquel nous fommes redevables d'un
nombre infini de découvertes fur la
conformation anatomique des abeil-
les , ne penfoit pas autrement. Si ,
dans fon cours de dilTedlions anato-
miques des abeilles, il eût découvetc
leur bouche &■ leur langue, li aifces
à remarquer , quand on fuit leur
poûtion 5. il eût fans douce fenîi
53^ M I E
alors l'impoffibilité du partage du
miel dans l'ellomac de l'al^eille, par
un canal qui ne pouvoicctre , s'il eue
exifté , que d'une peticefle infinie.
La trompe eft l'indrumenc dont
l'abeille le iert pour recueillir la li-
queur mielleufe épanchée dans le ca-
lice des fleurs ou fur leurs feuilles :
l'ufacre qu'elle en fait avec une adreile
& une adtivité merveilleufes , lorf-
qu'elle eft à portée de cette liqueur,
ne permet pas d'en douter. Placée
fur une fleur , elle alonge le bout
de fa trompe contre les péta-
les , & tout près de leur origine ,
Se lui fait faire fucceflTivement une
infinité de mouvemens difFérens ;
elle l'alonge, le raccourcit, le con-
tourne , le courbe , pour l'appliquer
fur toutes les parties concaves &
convexes des pétales de la fleur , ôc
tous fes mouvemens font extrême-
ment précipités Se très-variés. Com-
ment agit cette trompe, pour attirer
k liqueur mielleufe , £c de quelle
manière pafl^e-t-elle dans l'eftomac
de l'abeille ? Il n'eft point poflîble
d'obferver tout' cela , lorfqu'on ne
fuit l'abeille que fur une fleur :
enfoncée bientôt dans l'intérieur de
fon calice , elle fe dérobe à nos
obfervations. Ce n'eft que dans un
tube de verre , dont on a endui
léeèrement l;s parois intérieurs d'un
peu de miel , qu on peut juger a
quoi tendent tous les mouvemens
de la trompe de l'abeille qu'on y a
introduite : c'eft le parti que prit
M. de Réaumur, pour s'afliirer quel
étolt le rcfultat des mouvemens &:
des différentes inflexions de la trom-
pe , qu'il foupçonnoit déjà , fans ofer
encore l'affirmer. L'abeille introduite
dans un tube de verre , nous lailfe
voir clairement le mécliauifrae de fa
M I E
trompe, lorfqu'elle enlève le miel;
& alors on s'apperçoit qu'elle ne
l'attire point par fuccion , puifqu'elle
ne pofe point l'extrémité de fa
trompe fur la goutte de miel qui eft
dans le tube, comme elle devroit le
faire , (i elle avoir un trou par lequel
elle dût être afpirée pour être con-
duite dans l'eftomac. En s'alongeant,
le bout de la trompe fe trouve tou-
jours au-delà de l'extrémité des étuis,
qui ne ceflent de la couvrir dans le
refte de fon érendue; la partie qui
eft à découvert fe courbe , afin que
la furface fupérieure s'applique lue
la liqueur ; & cette partie fait alors
exa\5temenc la même chofe que la
langue d'un chien qui lappe une
boilfon. Par des inflexions réitérées
avec une vîtefle & une promptitude
étoimante, elle frotte & lèche la li-
queur à diverfes reprifes , de forts
que le bout de la trompe , où l'on
a prétendu qu'étoit l'ouverture qui
recevoir la liqueur , fe trouve tou-
jours au-delà de la liqueur même où
puife l'abeille. Cette partie anté-
rieure de la trompe, qu'on pourroit
appeller la langue extérieure & velue ,
pour la diftlnguer de l'autre qui eft
dans la bouche , par fes diflérens
mouvemens, fe charge de la liqueur
& la conduit à la bouche , en le
raccourcilfant , de telle forte qu'elle
^ft quelquefois abfolument recouverte
par les étuis. Cette liqueur arrive à
une efpèce de conduit qui fe trouve
entre le deflus de la trompe & les
étuis qui la couvrent ; d'où elle
paffe dans la bouche : aufli voir-on ,'
à l'endroit où eft le canal qui répond
à la bouche , la trompe fe gonfler,
fe contracter , &; faciliter par ces
gonflemens & ces contrarions , le
palfage de la liqueur à la bouche.
L'abeille
MIE
L'abeille n'afpire donc point la
liqueur mielleufe qu'elle a à fa dif-
podtion j mais elle la lèche «Se la lappe.
Qu'on preile entre fes doigts , &
vers fon origine , la trompe d'une
abeille, cette prellion obligera la li-
queur de produire un déchirement
dans les membranes par lefquelles
elle s'échappera ; mais jamais on
ne la verra fortir par le trou qu'on
avoir fuppofé être à fon extrémité. Il
ell: probable , & on peut même l'af-
furer, que les abeilles n'ont pas une
^ manière de recueillir le miel fur les
fleurs , différente de celle dont elles
enlèvent celui qui eft dans un tube
de verre. Elles ne trouvent pas fur
les fleurs une liqueur toujours pré-
parée , fouvent elle eft renfermée
dans les réfervoirs qui la contien-
nent ; c'eû alors , fans doute , qu'elles
font ufage de leurs dents pour brifer
les ne^aires qui la renferment ,
comme elles déchirent le papier qui
couvre un vafe où eft contenu du
miel qu'on laiire à leur difpoficion.
Du conduit qui eft à la racine de la
trompe , le miel pafte dans la bou-
che de l'abeille, où eft une langue
courte Se charnue, qui , par diverfes
inflexions , poufte vers rœfophage ,
le miel qui lui a été apporté , afin
qu'il aille par ce canal dans l'efto-
mac. C'eft dans ce premier eftomac
que cette liqueur limpide que l'abeille
recueille fur les fleurs , fouftre un de-
gré de coction , qui , fans altérer fa
qualité, Tépaiftit & lacondenfe, &
la change en miel. Dès que labeille
a fuffifamment rempli cet eftomac,
elle dirige fon vol vers fonhabiration
ou font les mngafins dans lefquels
elle va le dépofer; dès qu'elle eft en-
trée, elle fe repofe fur le bord d'une
cellule qui fert de magafin , elle
Tome JI.
M I E
557
y entre la tète la première , &: va
au fond dégorger la provifion qu'elle
a ramaftée. Le fentmient de Swam-
merdam le portoit néceftairement à
croire que l'abeille verfoit fon miel
dans les alvéoles , par l'infiniment
petit trou qu'il fuppofoit être au bout
de la trompe. Cette opération eût été
bien plus longue que celle de le ra-
mafter , puifcju'il lort plus condenfc
de l'eftomac, qu'il ne i'étoit loiTqu'il
y eft entré , comme il l'a reconnu lui-
même. M.Maraldi& M.deRéaumur
ont très -bien obfcrvé que le miel
fortoit de l'eftomac de l'abeille , par
cette ouverture au delfus de la trom-
pe , & tout près des dents , c'eft-à-
dire par la bouche.
Les abeilles ne vont point dépo-
fer leur miel indifféremment dans
toutes fortes de cellules j elles com-
mencent par les plus élevées, & def-
cendent à mefure qu'elles les rem-
pUlfent. Elles ne vont pas toujours juf-
qu'aux alvéoles pour fe décharger}
lorfqu'elles rencontreiit leurs com-
pagnes , que leurs occupations obli-
gent de refter dans le domicile, elles
leur font part du miel qu'elles appor-
tent : celle qui arrive, & qui en eft
bien remplie , étend fa trompe , &
celle qui a befoin de manger approche
la Tienne qu'elle a dépliée, & lappe la
liqueur qui lui eft ofter-te de boni.»
grâce. C'eft par un mouvement de con-
tradtion, femblable à celui des ani-
maux ruminans, que l'abeille dégorge
fon miel \ les parois de l'eftomac qui
en eft bien rempli, font diftendus en
tornie de veftie j & quand elle veut
le faire fortir , tuie portion des pa-
rois de l'eftomac s'approche du cen-
tre , par un mouvement de contrac-
tion , & le retire, & une autre por-
tion fe rapproche aulîirôt, & aiufi
Yyy
53? MIE
fuccertlvemen: , à-peu-prcs comme
«ne veille remplie d'eau qu'on pref-
feroic entre les mains , tantôt d'un
côté , tantôt d'un autre. La liqueur
prelTée par-tout , cherche une ifTue
pour s'cchapper, l'abeille, en ou-
vrant la bouche, lui laiiFe un paflage
libre , & elle fort.
Section III.
Comment le mkl ejî-il contenu dans
les alvéoles ou cellules ?
11 paroît difficile que le miel en-
core alfez liquide au fortir de l'cf-
tomac de l'abeille, puilïe être contenu
& fixé dans les alvéoles , dont la
pofition efl horizontale. Lorfqu'il n'y
en a encore que quelques gouttes ,
on conçoit bien qu'il peut y dcmeu=
rei fans verfer \ mais à mefure que
l'alvéole s'emplit , cela pourroit ar-
river. Les abeilles intérelFées à pré-
venir l'épanchement d'une liqueur
qui leur donne tant de peine à ra-
mafler , ont foin que la dernière
couche foit plus épaille : & comment
y réullillent-elles ? C'eft ce qui n'eil
point aifé à connoître. Peut-être que
le miel qui a féjourné un peu plus
dans leur eftomac que l'autre , eft
mêlé avec de la cire qui lui donne
allez de confiftance pour fervir de
couvercle à l'alvéole. Quoi qu'il en
foit , ce couvercle , qu'on peut com-
parer à la ctême qui s'élève au-def-
fus du lait, n'a point un plan per-
pendiculaire à l'axe de l'alvéole , les
abeilles lui font prendre une certaine
courbure , jugeant cette forme de
couvercle plus capable de rerenir leur
miel dans les magafins. Quand une
abeille, qui veut fe débarralTer, ar-
rive dans im alvéole, la tête étant
MIE
entrée , les pattes de fes premières
jambes foulèvent cette croûte , ou ce
couvercle , & alors elle dépofe fon
miel , qui s'unit à l'autre par cette
ouvetture qu'elle lui a mén.igée.
Avant de fortir, elle a foin de rap-
procher le couvercle avec fes pre-
mières pattes , & de lui donner la
courbure nécelT-rire , afin que le miel
foit retenu , & qu'il ne s'épanche
pas.
Lorfque les alvéoles , qui fervent
de magafins pour y dépofer le miel ,
font remplis , l'.abeille, pour en fer-
mer l'entrée , forme tout autour un
cordon de cire, qu'elle continue juf-
qu'à ce qu'il ne relie plus d'ouver-
ture ; & dès qu'il ell fermé, on n'y
touche plusj c'eft un dépôt de pro-
vilions auquel on aura recours dans
le temps que la campagne n'offrira
plus aucune forte de nourriture : il
y en a d'autres qui font toujours
ouverts , & qui font deftinés pour la
confommation journalière. Les abeil-
les , très-économes & alTiirées de la
difcrétion de toutes les citoyennes
qui compofent la république , ne
ferment pas leurs magafins pour pré-
venir la dillîpation que quelques-unes
d'entr'elles pourroient faire du miel
qui y eft dépofé : c'eft uniquement
pour empêcher une évaporation que
ne maiiqueroit pas d'occafionner la
grande chaleur de la ruche : le plus
liquide du miel étant évaporé , ce
qui refteroit auroit trop de confif-
tance , & deviendroit çrainé : c'eft
précifément ce qu'elles veulent évi-
ter ; parce qu'alors il leur eft plus
difficile de s'en nourrir , &: elles fe-
roient obligées de le broyer avec les
dents pour le rendre un peu liquide ;
& nos ouvrières , qui ne craignent
point la peine quand il fau: le bâtir
M 1 E
des Io!^emens , veulent en prendre
for: peu pour fe nourrir.
Section IV.
jDe la manière d'extraire le miel des
Dès qu'on a forti les gâreaux de
la rui-he , il fauc choifir les plus beaux,
les plus blancs, & les fcparerde ceux
<]ui font noirs ou bruns , & de ceux
qui contiennent la cire brute ou du
couvain : les plus beaux font ordi-
nairement fur les côtés de la ruche.
On palfe légèrement la lame affilée
d'un couteau , fur la futtace des
rayons pleins de beau miel , pour
détacher les couvercles des alvéoles
qui l'empècheroient de couler. On
rompt eniuite en plulieurs pièces tous
cts gâteaux qu'on a féparés , & on
les met dans des paniers rrès - pro-
pres , ou far des claies d'ofier , ou
fur une toile de canevas tendue fur
un chaOis ; ou enfin fur une toile de
crin alfez claire : on place au-deirous
des vafes de terre vernilTés , pour re-
cevoir le miel qui va couler : fi l'air
étoit froid, il taudroir approcher les
gâteaux, ainfi placés, d'un feu mo-
déré , afin que le miel coulât plus
aifément. Lorfque ce premier miel ,
qui eft toujours le plus beau & le
meilleur, 6^ qu'on nomme pour cela
miel vierge , eft forci , on brife les
gâteaux avec les mains , fans les
pétrir, en y ajourant ceux qui font
d'une moindre qualité , & on les
remet j comme on vient de dire ,
dans des panniers, ou fur des claies,
il en découlera un autre miel qui
fera encore fort bon, quoique d'une
qualité inférieure au premier. Lorf-
qu'il n'en coule plus du tout , on
M î £
539
pétrit les gâteaux avec les mains ,
fans y mêler ceux qui contiennent
du couvain qui feroit aigrir le miel.
En ayant formé une efpèce de pâte,
on la met lous une prefTe , ou fim-
plemenr dans un gros linge & fort,
que deux perfonnes , dont chacune
tient un bout , tordent fortement ;
il fortira encore de certe pâte quel-
que peu de miel très-groilier , à la
vérité , & qui peut cependant être
encore de quelque utilité. Il faut
avoir attention de ne .point fe fervic
de la prelfe , ni pour le premier , ni
pour le fécond miel : ce feroir le
moyen d'y mêler de la cire , qui le
rendroit moins beau & altéreroit fa
qualité. Le miel qu'on a- tait décou-
ler des gâteaux, n'a befoin d'aucune
forre de préparation ; il fuffit de le
mettre dans des vafes bien propres,
dont l'inrérieur foit vernidé , & de les
boucher pour le conferver.
S E
C T I
O N V.
Des d,ffcrentes qualités du miel.
Quoique tout le miel provienne
généialemenr des mêmes principes,
qu'il foie fair &: préparé par les mê-
mes ouvrières dont la méthode eft
uniforme, il y en a cependant dont
les qualités & les propriétés diffèrent
elfentiellement , & pour la couleur
& pour le goCir. Il en eft du miel
comme de toutes les produélions de
la terre \ la divetfité des climats ,
les différentes natures du fol , la ma-
nière de cultiver , donnent aux pro-
duûions des végétaux des qualités
qui varient ptefque à l'infini. la
nature & la qualité du miel fubif-
fent toutes ces variations. Celui qu'on
recueille fur les monragnes où abon-
dent toutes fortes de plantes aroma-
Yyyz
540
M I E
tiques, a un goût balfamique, que
n'a point celui ■des plaines les plus
fertiles. Dans les riches campagiies
on a l'abondance, & fur les mon-
tagnes ëc les coteaux , on en eft dé-
dommagé par une meilleure qualité.
Celui du mont Hymerce , dont les
Grecs faifoient leurs délices , étoit
le produic des abeilles qui avoienc
fur cette montagne toutes fortes de
plantes aromatiques à difcrction. Le
miel de Narbonne, Ci vanté parmi
nous , & don: la qualité eft très-fu-
périeure à celui des autres pays , tire
fon goût balfamique du romarin , de
la méliire , & de quantité d'autres
plantes odoriférantes qu'il y a fur les
Corbières d'où vient le miel, mal-à-
propos dit de Narbonne.
■ Le miel de la première qualité eft
toujours celui que fabriquent les
abeilles qui habitent les montagnes;
celui qu'on peut appeller de la fé-
conde qualité, eft recueilli par elles
dans les prairies .S: dans les cam-
pagnes couvertes de farrafin ; & lorf-
qu'elles font logées dans les bois ,
elles en font d'une qualité encore
inférieure. Le plus blanc eft le meil-
leur , Se déllgne un miel de mon-
tagne ; il répand alors une odeur
douce , agréable & aromatique ; il
efl épais, grenu, clair & fort pefant.
Le miel jaune eft d'une qualité in-
férieure , quoique très-bon : il n'a
pas toujours eu cette couleur au for-
tir de la ruche ; alfez ordinairement
il eft un peu pale , <!' c'eft à mefure
qu'il vieillit qu'il devient jaune , de
même que le blanc , qui perd aufH
un peu de fa première blancheur. 11
faut donc toujours préférer le miel
des montafrnes (?c des endroits fecs
& arides à celui des pays gras. Celui
^u'on fort de la ruche au printemps ,
MIE
efl le meilleur & lepluseflimé; celui
que l'on prend en été , n'eft pas aulll
bnn; mais il eft encore meilleur que
celui qu'on ne prend qu'en automne t
celui des jeunes elfaims eft préférable
à celui des vieilles abeilles.
Le miel eft donc alfez ordinai-
rement de deux couleurs, c'eft-.à-dire
blanc &: jaune ; il n'y a que le plus
& le moins dans les teintes. M. de
Réaumur en a trouvé une leule fois,
il eft vrai , dans une de fes ruches ,
qui étoit verd : da«s les alvéoles
d'où il avoir été forti il paroilToit
un fuc d'herbes ; & quand il fut
dépofé dans un vafe , cette couleur
devint plus claire. Ce qui eft rrès-
furprenant , c'eft que dans la même
ruche où fut trouvé ce miel verd ,
les autres gâteaux n'en contenoient
que du jaune. Cette couleur verte j qui
n'eft point ordinaire, provenoit peut-
être d'une mauvaife dilpofîtion de
quelques abeilles.
En général , le miel ne diffère que
du plus au moins pour la bonté &
pour le goût : il peur v en avoir ce-
pendant, qui, quoique d un goût
agréable , foit d'une très- mauvaife
qualité, & devienne un aliment très-
pernicieux , dont il feroir dangereux
de faire ufage. De même que les
plantes aromatiques contribuent à fa
bonne & bienfaifante qualité, celles
qui font mauvaifes , qui contien-
nent des fucs malfaifans, des prin-
cipes venimeux , peuvent auflî lui^
donner des qualités dont il feroic
dangereux de faire l'épreuve. Onfçait
que le miel des abeilles qui font lo-
gées près des buis où elles vont fou-
vent , a un goût acre & dur : des
plantes dont les fucs font nuifibles »
peuvenr communiquer leurs mauvai-
fes qualités au miel que les abeilles.
M 1 E
en retirent : l'aventure des ai^ mille
Grecs, rapportée par Xenopiion , en
efl: une preuve. Arrivés près de Trc-
bifonde , où ils trouvèrent plufieurs
ruches d'abeilles , les foldats n'en
épargnèrent pas le miel j il leur fur-
vint un dévoiement par haut & par
bas , fuivi de rêveries & de con-
vulfions; enferre que les moins ma-
lades reirembloient à des perfonnes
ivres , les autres à des furieux ou des
moribonds j on voyoit la terre jon-
chée de corps comme après uns ba-
taille : perfonne , cependant , n'en
mourut , & le mal ce(fa le lende-
main , environ à la même heure qu'il
avoir commencé , de forte que les
foldats fe levèrent le troiiieme &
quatrième jour ; mais en l'état où l'on
e(l après avoir pris une forte médecine.
M. de Tournefort , qui cite ce paf-
fage de Xenophon dans la dix-fep-
tième lettre de fon voyage du Levant,
penle que ce miel avoii tiré fa mau-
vaife qualité de qilelques-unes des
efpèces de chama;rhodadenaros qu'il
a trouvé auprès de Trébifonde. Heu-
reufement , dans nos climats nous
n'avons point de miel qui ait des
qualités mal-faifantes.
M I E
541
E C T I O N
V I.
Des difftfrens ufi-^g^s auxquels le miel
efi employé'.
Depuis qu'on a découvert le fucre,
le miel n'eft plus d'un ufage aulTi fré-
quent : les anciens, qui ne connoif-
foient pas le fucre, fe fervoient beau-
coup du miel pour l'apprêt de leurs
mêts^ ils le mêloientauili, fi nous en
croyons Virgile , avec le vin âpre &
dur, pour corriger fes mauvaifes qua-
lités. Quelques - uns le regardoiem
prefqiie comme un retnède univerfel ,
& le croyoicnt propre à prélervet de
la corruption , & à prolonger la vie.
Py thagore & Démocrite ne prenoienr
point d'aurre aliment que du pain
avec du miel, dans la perfuaflon que
cette nourriture prolongeroit leurs
jours. Polhon , parvenu à une extfême
iv belle vielielîe, répondu à Aiigufte,
c]ni lui demandoir par quel fecret il
étoit parvenu à un âge fi avancé, fans
infirmités , qu'il n'en avoir pas d'autre
que le miel dont il fe nourrifibic.
Cette fubftauce étoit en fi grande vé-
ncration dans ces temps là , qu'on la
regardoit comme une nourriture fa-
crée : auffi , les anciens l'appelloient un
don des dieux , une tofée célefte, une
émanation des aftres. Nous avons au-
jourd'hui moins de confidération pour
Ion origine, ik l'ufage du fucre, qui
lui a fuccédé , a relégué le miel dans
les pharmacies & chez les apothi-
caires. Les pauvres gens s'en fervent
encore dans les campagnes , & en
font des repas délicieux , parce que
le luxe , qui ne peut point pénétrer
chez eux , le lailîe en pofieflion de
leur ctte d'un ufage utile (Je agréable ,
& ils en font des confitures qui font
très-bonnes. On en fait encore, dans
les pays du nord fur-tout , une boif-
fon très-agréable & rrès-falutaire ,
connue fous le nom à' hydromel.
( f^oye^ ce mot )
Les médecins prétendent que le
miel échauffe & defiéche , de quel-
que manière qu'on en ufe , fou en
aliment , foit en alfaifonnemenr.
Les tempéfimmens pituiteux , ceux
qui par quelques maladies , ou au-
trement, abondent en li'iimeurs grof-
fières & vifqueufes , ne peuvent;
qu'en faire un ufage falutaire poi>r
leur fanté : aufli les médecins an
54i
M I E
rordonnent-ilsqae pour des ptifanes,
des r;argarilmes & des lavemeiis. La
chirurgie en fait avec fuccès , des
lotions pour laver & déterger les
ulcères. Le miel eft le plus fur & le
plus efficace de tous les remèdes
contre la piquure des abeilles. M. D.L.
MIELLAT. On dtfigne par ce
liom une matière fucrée, légèrement
mucilagineufe , qui tft tancot rap-
prochée, par fa nature j des gom-
mes & tantôt des réûnes. On la
trouve fous la forme de gouttes le
foit & le matin en été, fur les feuil-
les ou les tiges de plufieurs plantes.
Ce fluide eft une fécrétion des plantes ,
& il y a apparence qu'il exifte dans
toutes ; mais il patoîi dans des par-
ties différentes \ on le trouve fur les
fleurs , fur les fruits , fur les feuilles
& fur les tiges , &cc. j il couvre
quelquefois les bourgeons & les tiges
des plantes. Cette matière n'eft pas
produite , comme plufieurs auteurs
l'ont cru, par les nuages ou par l'air,
non plus que par les exhalaifons de
la terre ^ mais par la plante elle-mê-
me, dans les vailFeaux de laquelle
elle a été élaborée d'une manière
particulière. C'eft ce mcme fuc qui ,
dans quelques plantes, eft dans l'in-
térieur de la tige , de la racine , &:c.;
ôc dans quelques arbres , dans le
bois même. On retire ce fuc des
cannes à fucre , des racines de car-
rottes , des différentes efpèces d'é-
rables , ^cc.
Ce fuc efl rendu vifible fur les
feuilles & fur les branches , comme
on peut l'obferver fut les chênes Se
les frênes, le tilleul , ôcc. Il fe pré-
fente d'abord fous la forme d'une
humidité gluante , il devient enfuite
fembiable au miel , & il acquiert
MIE
enfin la confiftance de la manne.
( f'Ojt-r Miel , MANNt )
L'abbé de Sauvages a oblervé deux
fortes de mie'Lus ou fucs miellés , qui
paroiffent d'ailleurs de même nature ,
(Ik qui fervent également aux mou-
ches à miel : l'une cfl celle qu'on
trouve naturellement fur les diffé-
rentes parties des végétaux ^ l'autre
cft le lue, qui a palTé à travers les
organes de ladigeftion des pucerons.
Quelquefois le fuc miellé n'eft point
l'efter d'une maladie; mais il elt feu-
lement produit par une tiop grande
abondance de fucs dans les végétaux.
Quand la quantité de ce fuc eft trop
conlidérable , & cp'il fe préfente
dans des circonftances défavorables,
il fait beaucoup de tort aux plantes
& aux arbres : on obferve cependant
qu'ils fouflrent mcyns de cette ma-
ladie que les plantes. L'ardeur du
foleil , lorfqu'elle dure longtemps ,
détermine le fuc miellé à paroître
au dehors. Les végétaux les plus vi-
goureux en fournirient plus abon-
damment que les autres. Les plantes
qui.croilTent dans les terres qui ont
reçu de fréquens la'Dours & plufieurs
engrais , font très-robuftes : auffi a-
r-on obfervé que les récoltes dans ces
fortes de terreins font très fujettes
au miellat , ce qui a été attribué , par
quelques cultivateurs , aux exhalai-
fons du fumier. On ne doit cepen-
dant pas pour cela fe difpenfer de
fumer les terres ^ parce qu'on ga--
rantit par ce moyen les plantes de
plufieurs autres maladies plus dange-
reufes que le fuc miellé.
Dans la chaleur du jour, le fluide
miellé qui fort des végétaux n'a point
encore acquis une certaine confiftan-
ce j il refte dans cet état tant que le
foleil tft fur l'horizon j mais auflltôt
MIE
qu'il eft couché , la fraîcheur de l'air
rend ce fuc plus épais , Se les rofées
l'enlèvent enfuire de delfus les plan-
tes ; car il eft diiroluble dans l'eau.
Lorfque ce Huide refte longtemps fur
les plantes , il fe répand lur toutes
les parties extérieures , il bouche les
pores , & nuit par conféquent à la
végétation , en arrêtant la tranfpira-
lion. 11 attire ainfi les infeétes qui
piquent la plante 6c peuvent la faire
périr.
Lorfque les rofées font peu abon-
dantes , le miellat refte fur les feuil-
les , & les plantes font en dan-
ger ; il eft à défirer alors qu'il lur-
vienne au bout de deux ou trois
jours des' pluies qui compenient les
rofées. Le vent après la pluie ou
après la rofce , aide beaucoup à dé-
gager les plantes de ce fuc. C'eft
par cette raifon que les bleds qui
font dans des champs ouverts , font
moins fujets à cette maladie , que
ceux qu'on a femés dans des enclos.**
On doit donc lailFer un libre palFai^e
au vent dans les champs où les plan-
tes font fujettes à être miellées.
Lorfqu'il tait chaud, que les nuits
font fèches & qu'il n'y a point de
veîit , il eft tacile de reconnoître le
miellat , fi les jeunes épis font en
même temps décolorés , & fi l'on
fent fur les plantes un fuc gluant.
Les principaux moyens de garantir
les récoltes de cette maladie, font
de delfoler les terres : on a encore
confeillé de fumer les terrein's où l'on
a fujet de craindre que la récolte
ne foit miellée , avec de la fuie
préférablement au fumier ordinaire ,
parce que la fuie fournit des fucs
moins épais que celui-ci. On a re-
marqué que le froment femé [ç plus
»ard étoit le plus fujet à cette ma-
M I E 545
ladie, parce que le miellat étant pro-
duit, iur-toutdans l'été, les plantes
femées trop tard font alors tendres
& propres à la produétion de ce fuc.
Lorfque, au contraire , le grain a été
mis en terre de bonne heure , les»
plantes qui lont déjà vigoureiafes en
été ne fourniirenr prefque point de
miellat.
Lorfqu'un champ eft miellé , &
qu'il furvient une pluie douce & fans
vent , le fuc dillous fe répand fur
toute la plante : s'il ne fait pas une
pluie accompagnée de vent , ou que
les rolées ne foient pas fufïîfantes,
on court le plus grand rifque de per-
dre toute la récolte. Quelques cul-
tivateurs ont confeillé dans ce cas,
de mener dans les champs des gens
qui frappent doucement les plantes
avec des branches de frêne chargées
encore de leurs feuilles. On doit
ufer ds.ce moyen avant le lever du
foleil , ou du moins avant que le
foleil ne foit fortj parce que ce re-
mède eft plus efficace lorfque la rofée
eft encore fur les plantes.
On peut , au lieu de branches
d'arbres , fe fervir d'une corde gar-
nie d'un filet étroit. Deux hom-
mes , avant le lever du foleil , en-
trent dans le champ , & marchant
de front, ils le parcourent en faifanc
pafler la corde ou le filer fur tous
les épis qui fe relèvent à mefiire &
fe déchargent du miellar dilfous par
la rofée. Cette opération produit le
même efFer que le venr. Lorfqu'il
n'y a eu ni pluie ni rofée , on tâche
d'arrofer le champ au moyen d'une
pompe. Ce moyen eft plus difficile
que les autres à mettre en ufage •
mais il eft très -efficace , & peut
être d'un grand fecours pour des ré-
coltes particulières-
544 M I G
Ce que nous avons dit da bled a
lieu pour toutes les autres plantes.
A. B.
MIGRAINE. Médecine rurale.
JDouleur aiguë , qui occupe le côté
droit ou le côté gauche de la tête ,
quelquefois le devant , le derrière &
le fommet, & fouvent dans un féal
point. La migraine efl; toujours ca-
raétérifée par des douleurs vives ,
aiguës & lancinantes. Ceux qui en
font attaqués , ne peuvent pas quel-
quefois fupporter la lumière du jour,
ik font obligés de fe renfermer dans
lobfcurité. Ces douleurs ne fe bor-
nent pas toujours à l'endroit affedé ,
elles s'étendent quelquetois jufqu'aux
oreilles , de telle forte que le moin-
dre air produit dans cet organe une
fenfation des plus vives & des plus
douloureufes : les genciyes fe relîen-
tent quelquefois auifi de leur impref-
Con.
Dans certains fujets , la migraine
occupe une partie ii petite, qu'il leur
femble qu'on leur enfonce un clou.
Le pouls, dans cet état, fe relfent
de l'irritation de la têtej il ell ferré,
rendu «Se piquant. La convuhîon fur-
vient; les foubrefauts des tendons fe
font appercevoir , ainli que les nau-
fces & le vomiffement. Il eft aifé
de diftinguer la migraine du mal de
tète général, appeWc cephalc-e. Dans
celui - ci la douleur eft étendue ,
ôc il n'y a aucune partie de la tète
qui en foit exempte ; dans la pre-
mière , au contraire , la douleur eft
circonfcrite & fixée à un feul côté.
La migraine eft véritablement une
maladie périodique. La moindre er-
reur dans le régime, le palTage fubit
d'un endroit chaud en un lieu froid,
la fuppreiîion de tranfpiration , don-
M I G
neront nailfanceà des retours pério-
diques.
Ceux qui mènent une vie molle
&: oifive , les gros mangeurs , ceux
qui ne font aucun exercice ; les fem-
mes, & fur-tout celles qui font fté-
riles, font en général très-fujettes à
la migraine : leur organifation , la
fenfibilité de leurs nerfs prêtent beau-
coup au développement de cette ma-
ladie.
Tout ce qui peut afFeéter la tcte & les
parties qui en dépendent, peut l'exci-
ter. L'irritation des fibres du cerveau,
(Se de fes membranes , leur inflamma-
tion, la contufion du péricrane , des
coups portés à la tête , la léfion des par-
ties molles &extetnes, une commo-
tion quelconque, font autant de caufes
idiophatiques de la migraine j mais
elle en a de fympathiques , telles
qu'une abondante faburre des pre-
mières voies , la préfence des vers
dans l'eftomac , la fuppreflion des
ipois , du flux hémorroïdal & des
lochies , la répercuflion de quelque
éruption cutanée , & tout ce qui
peut affeder la matrice & les parties
qui en dépendent.
Elle eft aulli occafionnée quelquefois
parla plénicude générale des humeurs,
(Se par des caufes morales ; dans ce
nombre on doit comprendre tout ce
qui peut affecter trop vivement l'ame,
& exciter certaines ofcillationsdnns le
fyftème nerveux j les vives pafGons ,
les grands chagrins , des défirs im-
modérés , mais rendus vains j une
irritation extrême dans le fyftème
artériel.
Elle dépend très -fouvent d'un
exercice trop f(.;rt , d'un travail trop
pénible , de l'abus des boifTons fpi-
ricueufes.
D'après la différence des fympto-
mes
M I G
mes qui caraftérifenc la migraine Se
la céphalée , ou le mal de têce gé-
néral , on peut dire qu'il n'y a per-
fonne , même parmi celles qui ne
font pas de l'arr , qui méconnoifle
la migraine , & qui ne la diftingue
de l'autre maladie.
La migraine en général eft une
maladie peu dang€ireufe ; il ne faut
cependant pas la ri^liger , ni la per-
dre de vue. Il ne faut pas aulîî trop
la heurter par des applications &
des remèdes peu convenables , elle
pourroit avoir des fuites très-fàcheu-
fes j dégénérer en inflammation ,
& expofer le malade au plus grand
danger, ou déterminer certaines ma-
ladies de l'œil , & occafionner la
perte de cet organe.
On doit être très-réfervé p®ur dif-
férentes applications vulgaires qu'on
n'oublie jamais de mettre en exécu-
tion , & qui pour l'ordinaire font nui-
fibles.
Il faut, avant d'en venir aux re-
mèdes , examiner avec attention ,
& tâcher de découvrir la véritable
caufe de la migraine , & agir en con-
féquence.
On combattra la migraine par
caufe putride des premières voies ,
avec des vomitifs & des purgatifs
appropriés 5 & fi malgré l'ufage de ces
remèdes , elle perfille & reconnoît
pour caufe la foibleiïe de l'eftomac,
on donnera des eaux ferrugineufes ,
les martiaux , quelques cuillerées
d'élixir de garrus , du cachou brut ,
ou prépaie à la violette , le rob de
genièvre, de la rhubarbe , & au-
tres différens (lomachiques.
Si elle dépend de la fuppreflion
des règles , eu des hemorrhoïclcs , ou
de l'écoulement d'un cautère , il faut
Tome ri.
M I G
54Î
alots rétablir ces évacuations , foit
par la fp.is^nés , foit par les fangfues,
foi; par k véiîcatoire , pout fuppléer
à l'écoulement fupprimé.
Si elle efl: occafionnée par la ten-
don des nerfs , une irritation con-
fidérable , par un état fpafmodique ,
& di roideur de tout le corps ; les
bains domeftiques , les bouillons frais ,
les remèdes anti-fpafmodiques, tels
que le camphre corrigé par le nitre ,
les narcotiques donnés à une dofe
modérée \ l'eau de fleurs de tilleul,
une infufion de fleurs de camomille
ou de menthe , le petit-lait , font
les remèdes recommandés en pareil
cas.
Si ce font des vers contenus dans
l'eftomac , qui lui donnent nailTance ,
les huileux combinés avec la théria-
que , l'eau de menthe , & les diffé-
rentes poudres abforbantes , produi-
ront à coup fur les effets les plus falu-
taires.
La faignée du bras & du pied
trouvera fon emploi j lorfque la mi-
graine reconnoîtta pour caufe la plé-
nitude du fang , &c.
Si le mal de tète ne cède point à
ces remèdes , on appliquera fur la
partie dou'oureufe , des compreffes '^ ■
imbibées d'eaude-vie de lavande ,
ou d'efprit-de vin camphré , ou un
emplâtre d'opium.
On employera le quinquina dans
la migraine périodique , fans néan-
moins perdre de vue l'intenfité de ■
la douleur , & certaines autres cir-
conftances qui peuvent être infépara-
bles de la maladie.
Mais le cautère eft le vrai fpéci-
fique des migraines invétérées. Gramt
a guéri une demoifellc qui fouffroit
d'une migraine violente depuis beau-
Z z z
54^
M I G
coup d'années , en lui faifant un
cautère fur la tête, à la jonftion des
deux futures fagittales & temporales;
mais la profondeur de ce cautère doit
porter jufqu'à l'os , il faut qu'il foit
découvert entièrement, tV- dépouillé
de fon périolle.
Dans la migraine , par relâche-
ment & foiblelfe de toute la conf-
titution , le bain froid, les fubftan-
ces aromatiques, le quinquina, & les
différentes préparations martiales ,
font très-convenables.
Wefley fait recevoir par le nez ,
pendant demi-heure, la fumée d'am-
bre; il recommande un autre moyen,
qui peut fuppléer au cautère; il veut
qu'on faffe rafer la partie de la tcte
qui eft affedtée, qu'on y applique un
emplâtre qui puilfe s'attacher , &
dans lequel on aura pratiqué un trou
rond , laige comme une pièce de
vingt-quatre fols , & qu'on mette fur
ce trou des feuilles de renoncule fraî-
chement écrafées &: remplies de leur
jus. C'eft un vélîcatoire fort doux ,
qu'on peut mettre en ufage fans cou-
rir le moindre rifque.
Quand la migraine a pour caufe
l'humeur de la goutte remontée , fi
le malade ne peut point fupporter
la faignée , on fera baigner fou-
vent {es pieds dans l'eau tiède , Se
on les lui frottera fcuvent avec une
toile. Si ces deux moyens font in-
fuftifans , on lui appliquera des ca-
raplafmes de moutarde Se de raifort,
ou des finapifmes à la plante des
pieds.
Enfin , les fecours moraux vien-
dront à l'appui de ces différcns re-
mèdes , il la migraine eft caufce par
de vifs chagrins , & par certaines
aftedions de l'ame. M. Aiii.
M I L
MILLE-FEUILLE. ( Foye:^ plan^
che XIII j page 496 ) Tournefort
la place dans la troifième feâion de
la quatorzième clalfe, qui comprend
les herbes à fleurs radiées , dont lesi
femences n'ont ni aigrette ni cha-
piteau de feuilles. Se il l'appelle milie-
folium j vutgarè album. Von Linné
la nomme achUlca mïllc-jolïum , Sc
la clalle dans Ivfingénéfie polyga-
mie fuperfluc.
Fleurs. Radiées , corapofées d'un
amas de fleurons hermaphrodites dans
le difque , 6c ornées d'un cercle de
demi fleurons femelles dans la cir-
conférence. B repréfente un fleuron :
c'eft un tube évafé à fon extrémité.
Se découpé en cinq p.itties. Le demi-
fleuron C eft fillonné dans fa longueur ,
terminé par trois dentelures : ils re-
pofent les uns & ks autres au fond
du calice D , Sc produifent les fe-
mences E.
Feuilles. Adhérentes aux tiges ,
oblongues , deux fois ailées , leurs
découpures linéaires & dentées.
Racine A. Ligneufe , fibreufe j
noirâtre , traçante.
Port. Tige d'un pied & demi &
plus , fuivant les terreins , roides ,
menues , cylindriques , canne-
lées , velues , rameufes ; les fleurs
naiflent au fommet en forme de
corymbe applati ; les feuilles font
alternativement placées fur les tiges.
11 y a une variété du mille-feuille ,
à fleur rouge ou pourpre. Cette plante
peut figurer dans les jardins.
Lieu. Les bords des chemins ; la
plante eft vivace & fleurit pendant
tout l'été.
Propriétés. Les feuilles. Saveuramè-
re, légèrement auftère, d'une odeur
aromatique, légère, lorfque les feuil-
les font récentes C?c froillées. Cette
M I L
plante eft répiicée aftringence 8c réfo-
lu:ive. Quelques auteurs l'oiic vantée
dans les liémorrhagies internes, pour
déterger les ulcères des poumons &
de la veille; dans la diarrhée & la
diirenterie, pour expulfer les graviers
des reins & de la veille \ les autres ,
au contraire , foutiennen: que le
fuccès eft fort douteux.
Ufagc. On a qualifié cette plante
du nom d'herbe au charpentier , parce
que pilée & appliquée fur une plaie
récente ou une coupure , elle facilite
la réunion des lèvres & la cicatrice.
Cette guérifon n'eft elle pas pure-
ment mécanique ? On fçait qu'il
fuffit d'intercepter le contad: de l'air
extérieur à une plaie récente , pour
qu'elle fe cica;rife d'elle-mcme. La
nature fait enfuite elle feule la cu-
re , qu'on attribue mal -à - propos à
la plante : une comprelTe imbibée
d'eau pure auroit tu le même fuccès
fur un homme fain. On prépare un
fyrop avec la mille-feuille , qui ne
produit pas plus d'effets que le fuc
des feuilles , épuré & édulcoré avec
du fucre.
MîLLE-PERTUIS. ( Voye^pLvi.
cheXIII, page 49(5 ) Tournefort l'ap-
pelle hypericum vulgare^ ik le place
dans la quatrième fecbion de la fixième
clalTe des herbes à fleurs de plufieurs
pièces , régulière , en rofe , & dont
le piftil devient un fruit divifé en
cellules. Von Linné le nomme hy-
pericum perforatum ^ & leclalTe dans
la polyadelphie polyandrie.
Fleur. Compofée de cinq pétales
en rofe. Chacun de ces pétales B eft
eerminc par une pointe qui fe dirige
conftamment de droite à gauche , ou
de gauche à droite , en fe rappro-
ch?nc de la bafe. Les étamines font
M I L
547
tingées autour de l'ovaire , & patra-
gées en rrois faifceaux , comme on
le voit diftindemcnt dans la flcur
qui termine la tige. Les anthères C
font tefticulaires. D repréfente le
piftil attaché au fond du calice qui
eft divifé en cinq fegmens.
Fru'u E. le piftU fe change en un
fruit compofé de trois capfules. En G
on voit le fruit coupé tranlverfalement.
Les femences F font oblongues, lui-
fantes , d'une odeut & d'une faveur
réfineufe.
Feuilles. Obtufes , fans pétioles ,
veinées, marquées de points brillans.
Racine A. Ligneufe , fibreufe ,
jaunâtre & dure.
Port. Tiges hautes d'une coudée
& plus , nombreufes , ligneufes ,
roides , cylindriques , rougeâtres ,
branchues; les fleurs au fommet des
rameaux ; les feuilles oppofées deux
à deux ; elles paroilfent percées de
plufieurs trous : ce font des glandes
vcficulaires , femées fur les deux fur-
faces avec des points noirs , fcni-
bl.ibles à ceux qu'on obferve fur les
folioles du calice.
Lieu. Les prairies , le long des che-
mins; la plante eft vivace & fleurit
en juin , juillet & août.
Propriété. La femence eft d'une
faveur amère & rélîneufe, celle des
feuilles eft un peu falée , ftyptique
& légèrement amère ; les fleurs Se
les femences ont une odeur de re-
fîne : cette plante tient le premier
rang parmi les vulnéraires ; elle eft
réfolutive , diurétique ôc vermifuge.
Ufage. On fe fert , pour l'homme ,
des feuilles , des (leurs , des femences ,
des fommités fleuries , intufées ou
bouillies dans du vin ou dans de l'eau ,
à la dofe d'une poignée , & des fe-
mences à la dofe de demi-once. Pour
Z z z z
548
M I L
les animaux, la dofe eft une poignée
de toute la plante en infulioii dans
une à deux livres d'eau. Les feuilles
appliquées fur les plaies récentes ,
comme celles de la mille-feuille.
Quant à l'huile dans laquelle on a
mis j pendant plufieurs jours , digé-
rer les feuilles , les fleurs & les fe-
mences de raille-pertuis , elle a les
mêmes propriétés que l'huile d'olive.
MIILETou PETIT-MU. Tour-
nefort l'appelle miliium femaie luteo ,
Se le place dans la trente-cinquième
feélion de la quinzième clalle des
herbes à fleurs à étamines , qu'on
nomme graminées , & dont on peut
faire du pain. Von Linné le nomme
panïcum mUïaccum , & le clafle dans
la triandriedigynie.
Fleur. A éramine , compofée de
trois étamines , & d'une baie qui
ne contient qu'une fleur , &: qui eft
divifée en trois valvules, dont l'une
eft très-petite ; dans la bâie on trouve
deux autres valvules ovales , aieucs
comme les précédentes , & qui tien-
nent lieu de corolle.
Fruit. Semences ovoïdes , un peu
applaties d'un côté, luifantes , lilles,
renfermées dans les valvules inré-
rieures.
Feuilles. Longues , terminées en
pointe , élargies par le bas , revêtues
d'un duvet dans la partie de leur
bafe , qui embralfe la ti^e en ma-
niere de gaine.
Racine. Nombreufe , fibreufe ,
blanchâtre.
Porc. Tiges de deux à trois pieds,
droites , noueufes; les fleurs au fom-
nîet , difpofées eu panicules lâches.
Il y a une efpèce de millet dont les
femences font noires, & ont la même
M I L
forme que les autres j ce qui ne conf-
titue qu'une variété.
Lieu, Originaire des Indes orien-
tales j aujourd'hui cultivé dans nos
champs ; la plante eft annuelle.
Propriétés. La femence eft fari-
neufe , infipide , peu agréable , peu
nourrilFante , indigefte , venteufe.
Dans quelques provinces de France
on en fait du pain ; les Tartares en
tirent une boiflon^ un aliment. On
peut en donner aux beftiauxj mais
ion principal ufage eft pour nourrir
& engraifler la volaille. On parlera
ci-après de fa culture.
Millet des Oiseaux , ou Panis."
Tournefort Je place dans les mêmes
fe(5lions & dalles que le précédent^
& il l'appelle pariLCum germanicum ,
Jîve panïcula minore flava. Von Lin-
né le nomme panicum italicum.
Fleur. Caraélère de celle du mil-
let. On y trouve une barbe plus
courte que la bâIe.
Fruit. Semences rondes , plus pe-
tites que celles du millet.
Feuilles. De la longueur & de la
forme de celles du njeau , plus ru-
des &c plus pointues que celles du
millet.
Racine. Forte , fibreufe.
Port. Tiges de deux à trois pieds,
rondes, folides, noueufes 5 les fleurs
nailfent au fommer , dirpofc'es en
efpèce de panicule , ou épi compofé
d'une multitude de petits épis ferrés,
ralfemblés par paquets , mêlés de
poils , portés fur des péduncules
velus.
Lieu. Les Indes , l'Italie , cultivé
dans nos champs & dans nos jar-
dins : la plante éft annuelle.
Propriétés. La fariaie eft fade , pea
MIL
mucilagineufe j on la croit un peu
defllcative, adouciirante & dcterfive.
Ufage. Dans le cas de dilctte on
en fait du pain. On mange le panis
mondé & cuit, dans du lait, dans
du bouillon , ou dans de l'eaiu II
fert à nourrir les oifeaux & la vo-
laille.
Grand Millet noir , ou Mil-
let d'Afrique, ou Sorghum. Tour-
iietort le nomme mdium arundina-
ceum j fub rotundo fcmine nigrante ,
Sorgho nominatum , & le place
parmi les millets qu'on vient de dé-
crire. Von Linné l'appelle holius
forghum , & le claiïè dans la poly-
gamie inonoécie. Nous avons cru ,
afin d'éviter la confufion , devoir
rapprocher ces trois efpèces , à caufe
des noms François qu'on leur donne.
Fleur. Sans pétales , à trois éta-
mines , fleurs hermaphrodites & mâ-
les fur le même pied ; les herma-
phrodites compofées d'une balle à
deux valvules , qui renferme une
feule fleur velue dans cette efpèce.
Dans la balle on trouve deux autres
valvules velues, molles , plus petites
que le calice , l'intérieur plus petit :
on peut les confidérer comme une
corolle. . . . Les fleurs mâles n'ont
qu'une balle à deux valvules j elles
font velues.
Fruics. Les fleuts mâles font fté-
riles ; chaque femelle porte une fe-
mence noire ou blanche , couverte
par une efpèce de corolle : la cou-
leur ne conftitue qu'une variété.
Feui'les. Simples , entières, poin-
tues , évafées dans le bas, embraf-
fant la tige par leur bafe en ma-
nière de gaine , partant de chaque
articulation.
Porr. Tige ordinairement unique.
M I L 549
haute de cinq à huit pieds , fuivant
la culture , cylindrique , articulée ,
droite , un peu penchée à fon extré-
mité lupérieure. Les fleurs naillent
au fominet , dilpofées en grolfes
panicuies rameufes. Le forghum blanc
eft cultivé à Malte , lous le nom de
carambojje.
Lieu. Cette plante eft originaire
des Indes , & elle eft vivace.
Propriétés. La femence nourrit
la volaille & le bétail \ les feuilles
nourrilTent également ces derniers ,
comme celle du maïs.
Millet d'Inde , ou gros Millet.
Voye\ Maïs.
§. I. De la culture des deux premiers
millets.
La première efpèce eft plus com-
munément femée en pleine cam-
pagne , & la féconde dans les jar-
dins^ cependant toutes deux peuvent
l'être dans les champs ; elles aiment
les fols légers, mais fubftanciels, &:
pourrilTent dans ceux qui font trop
humides. On fe contente , pour l'ordi-
naire, de donner un feul labour, ou
deux au plus : mais ce n'eft point aflx-z
lorfque la terre eft un peu forte j la
plante ne réuflit que lorfque la terre
eft bien préparée & bien émiettée.
Cette dernière circonftance eft eften-
tielle dans tous les cas , autrement
la femence qui eft fine , leroit en-
fouie fous des motes de terre tju'elle
ne pourtoit pas traverfer lors de fx
germination.
Ces plantes , originaires des pays
chauds , & annuelles , craignent les
plus petites gelées. Le climat , la
faifon , indiquent donc 1 époque à
laquelle on doit les fismer j c'tft-à-
550 MIL
d'ire , du momeiu que dans chaque
canton on ne redouce plus les funeltes
etfecs du troid. 11 n'y a donc aucun
jour, aucun mois , qui hxent: les le-
mailles ; elles dépendent , & du can-
ton , &: des circonftances.
11 ell avantageux de femer par
tables de crois à quatre rangées de
plans , & de lailTer un petit fentier
entre deux : ce moyen facilite l'en-
]èvemeac des herbes & le ferfouif-
fage de temps à autre. A mefure
que la tige s'élève , le collet des
racines fe déchauire, & s'il furvienc
luie fécherefle , la plante foufFre ,
au lieu qu'en ferfouillant, ou labou-
rant, comme il a été expliqué au mot
Maïs , on ramène chaque tois la terre
vers le pied , on chaulFe la plante ,
elle profite beaucoup , & elle craint
moins la fécherelfe. Si, au contraire,
la faifon eft pluvieufe , ces efpèces
de petits folîés attirent & éloignent
l'eau , (Sv' la plante n'efl: pas pourrie
par une humidité lurabondante.
La graine de ces millets , & fur-
tout du panis , eft très-petite , & il
eft difficile de ne femer que ce qu'il
convient. On eft dans l'habitude de
mêler du fable avec la graine , afin
c]ue la main du femeur contienne
moins de graines : cette précaution
eft peu utile. Perfonne n'ignore la
manière de placer un drap ou un fac
aii-devant de lui ; il imprime , en
marchant , à ce fac ^ à fon con-
tenu , un mouvement continuel. Le
fable glilTe entre les furfacçs polies
de la graine, & petit-à-petit gagne
le fond ; de manière qu'en femant ,
une partie du champ eft trop recou-
verte des graines, & l'autre ne l'eft
pas pas alTez , & la dernière n'a pref-
que que du fable. Il vaut mieux femer
rou: uniment à 1a volée, femer clair,
M I L
& lorfque tous les grains auront ger-
mé , enlever les plans furnuméraiies
lorlqu'on arrachera les mauvaifes
herbes : c'eft l'ouvrage des femmes
ôc des enfans.
Comme la panicule de la féconde
efpèce de millet eft trop grofte , rrop
longue, «Se trop pefante , proportion
gardée avec fa cige , fur-tout fi elle
eft agitée par le vent , ou chargée
d'eau des pluies , il arrive fouvent
que cette tige plie , fe corde , ou eft
entraînée fur le fol. Alors la matu-
rité du grain devient incomplecce ,
ôc toute la plante fouffre. Afin de
prévenir tout accident j on fera très-
bien de ramer les plantes ainfi qu'il
a été dit au mot Lin ; & au défaut
de baguettes , du rofeau des jardins ,
{ yoyc:^ ces mots ) très - commodes
pour cette opération , on fe fervira
de petites perches de faule , ou du
bois le plus commun dans le pays ,
& par conféquent le moins cher ,
fiiivant les circonftances. Cette pré-
caution n'tft pas à négliger pour la
première efpèce de millet, quoiqu'il
en air moins befoin que la leconde.
Le changement de couleur de la
plante indique qu'elle approche de
ia maturité , i5i qu'elle eft mûre lorf-
que la tige , les feuilles & les pa-
nicules font d'une belle couleur jaune-
paille. Si on attend une trop grande
maturité , on perdra beaucoup de
graines , & on infeélera fon champ
pour l'année fuivante. Quoique la
tccolte de ces millets foit mife
au nombre de celle des petits
grains , elle eft cependant d'une
grande reftource lorfque les faifons
pUîyieufes , les froids , &:c. ont epi-
pèché de fçmer les bleds aux époques
convenables, ou lorfque, par une
caufequelconque j ils onc pcxi pendant
M I L
l'hiver. Cependain, fi le fol eft con-
venable , on doit leur préférer le
mais j ( f^oye^ ce moc ) bien plus
utile pour la nourticiire des hommes
Se celles des beftiaux.
§. II. De la culture du forghum.
Lorfquela mode &renthoufiafme
de l'agriculture règnoit en France, il
y a environ vu^gt-cinq ans , les écri-
vains parlèrent beaucoup de certe
plante , & ils la vantèrent comme
une trouvaille merveilleufe qui de-
voir enrichir noscampagnes ; d'après
le réfultat des expériences faites dans
des jardins , on a calculé , fans ré-
fléchir, le bénéfice de fa culture dans
les champs. Qu'eftil réfulté de tous
les verbiages des prôneurs ? On a ,
pour ainfi dire , abandonné cette cul-
ture. Cette plante , étrangère à nos
climats , & qui n'y eft en aucune forte
naturalifée , craint fmgulièrement le
froid , & elle exige une chaleur
foutenue pour la maturité de fa fe-
mence. Elle réuflit donc très-rare-
ment dans nos provinces feptentrio-
iiaîes ; & dans celles du midi , la
culture du maïs lui ell infiniment
préférable. Que le forghum réufiilfe
à Malte , d'où nous l'avons tiré ;
qu'il réuflîlfe même en Efpagne , ces
faits , fuppofé qu'ils foient aulîi
vrais qu'on l'a avancé, ne prouvent
rien en faveur de la France. Les ex-
périences faites fur le forghum, ont,
en 1760 & 176 I , eu du fuccès dans
les environs de Berne. On doit en
conclure feulement, que l'année lui
a été favorable, Mais , comme je
n'aime pas à juger d'après les autres,
j'ai répété ces expétiences, & dans
un jardin & dans les champs. Eu
voici le réfultat.
Sur une cable de quatre-vingt pieds
MIL ,-51
de longueur , fur vingt pieds de lar-
geur , je femai environ une livre de
graine noire & blanche de forghum
confondues. Cette table fut arrolée au
beloin,parirr.'^i2riO/z,- (/^oye^cemot )
fon produit fut environ de cinquante-
cinq à foixante-dix livres de graines,
& le quarc d'une charietée en riges
& feuilles defféchées. On doit tenir
compte de ce dernier produir, puif-
qu'il devient une excellente nourri-
ture d'hiver pour le bétail. La tige eft
légèrement fucrée : auili les animaux
ne lailfent-ils que la partie qui avoi-
fuie la racine , trop dure pour être
broyée & mâchée.
Dans le champ , le forghum livré
à lui-même , foutfrit beaucoup de la
fécherelfe , les tiges ne s'élevèrent
pas plus de quatre pieds , les pani-
cules de graines furent maigres, &
leur produit, fur une même érendue ,
fut de vingt à vingt- cinq livres. 11
ne m'eft pas polîible d'évaluer au
jufte le véritable produit. Cinquante-
cinq livres du premier, iSc vingt livres
du fécond , font effeétivement ce
que j'ai récolté, & le furplus a été
mangé par les moineaux & autres
oifeaux a bec court & rote , qui en
font très- friands.
On a avancé que cette plante n'ef-
fritoit pas la terre. La feule infpec-
tion de la multitude des chevelus des
racines , fuffifoit pour démentir cette
alfertion. Malgré cela, je puis ré-
pondre qu'un pied du tourricfol ,
( yoyc^ ce mot ) n'effrite pas plus
la terre de fon voifinage que celui
du forghum. Enfin, j'ai été obligé
de fumer fortement la planche du
jardin deftinée à fa culture. Je fé-
licite ceux qui ont eu plus de fuccès
que moi \ mais je dis ce que j'ai vu
ck: fuivi de près pendant deux années
5 5Î MIL
côiifcciuives. Je le répète, la culture
du maïs ell prcférable à tous égards.
Si le forgimm réuflîr dans les pays
chauds , c'eft parce que l'on n'y craint
pas les gelées. On a par conféquent
la facilité de femer de très-bonne
heure ^ \x plante profite desp'uies de
lahnde l'hivei' c-: du printemps pour
hâter fa forte végétation, & à mefure
qu'elle r.pproche de fa maturité , elle
a moins befoin de pluie , & plus
befoin de chaleur ^ c'eft précifément
ce qui arrive dans ces climats. Au
contraire, dans nos provinces, même
les plus méridionales du royaume ,
quoique l'hiver n'y fcic pas rigou-
reux , le voifinage des Alpes , des
P/rennées , eu de leurs embranche-
mens Se de leur prolongation , ne
mettent pas à l'abri des gelées. 11
faut donc attendre qu'elles ne foient
plus à redouter. Dès- lors la faifon
s'avance, les pluies celfent, la grande
chaleur furvient ; enfin, la végétation
languit Se fouffre j &c.
Si malgré ce que je viens de dire
on veut tenter cette culture dans
l'intérieur du royaume , on doit pré-
parer la terre au moins par deux bons
labours croifés , ^c femer par filions
lorfque l'on ne craindra plus les ge-
lées j il faut enfuite herfer &: brifer
les mottes ; le refte de fa culture
comme celle des deux millets précé-
dens. En feptembre , ou en odlobre ,
fuivant le climat & l'époque des fe-
mailles , on lèvera fa récolte.
Un écrivain affure que l'année
d'après on a iemé du fainfoin fur
le champ qui avoir fervi au forghum ;
d'où il conclut que cette plante n'ef-
frite pas la terre ; & je lui réponds
d'après mon expérience , que le bled
6 le feigle y réulfilfent fort mal.
D'où vient donc cette différence ? De
M I S
laforme des racines du fainfoin & de
celles du bled. Les premières font
pivotantes , ik les fécondes cheve-
lues , & prefque horizontales. Celles-
ci ont trouvé une terre cpuifée , &
celles-là une terre neuve en-de(fous.
Je l'ai déjà dit cent fois , la forme
des racines d'une plante défigne quelle
doit être fa culture, & celle du grain
qui doit être femé enfuite. Le trèffle,
le fainfoin , la luzerne , les carottes ,
les panais, &c., n'effritent point la
partie fupérieure de la terre, & toutes
les graminées lailfent intade celle du
delfous , puifqu'elles n'y pénétrent
pas.
F'oye^ ce qui a été dit à la féconde
colonne de la p. 116 da fécond volu-
me. Une gelée furvint vers le milieu
du mois d'oébûbre , & rout périt ;
cependant j'avois déjàcoupé une dou-
zaine de braflees de ce fourrage. L'an-
née fuivante cette dernière récolte ne
fut prefque pas plus abondante , quoi-
qu'il n'eût pas gelé avant le i o décem-
bre ; mais le degré de chaleur nécef-
faire manquoit à la végétation.
MISERERE. Foyei Colique.
MOINEAU. Oifeau malheureu-
fement trop connu pour qu'il foie
néceffaiie de le décrire. On a eu la
fagefle de mettre fa tête à prix en
Angleterre , 3c aujourd'hui la race
en eft détruite j la même loi fubfifte
dans quelques cantons d'Allemagne:
pareille méthode feroit très-utile en
France ; on devroit encore compren-
dre dans la profcrition les pinçons ,
quoique moins deftru£beurs que les
moineaux •, le froid feul les oblige ,
fur l'arrière faifon & dans l'hiver,
d'environner nos maifons & de fe
jeter dans les greniers. La nour-
ritiire
M O I
rîtnre d'un moineau , par an , eft au
moins de dix livres de grains , &
s'il avoir du bled à difcrécion , elle
exccderoit trente livres. Cet oifeau
avale 8c digère promptement. Quoi-
que très-bien nourri , il n'en vaut
pas mieux pour manger , il eft tou-
jours coriace & d'un goût peu flat-
teur. Ainfi , de quelque côté qu'on
le confidère, iln'eft d'aucune utilité.
Le moineau fait trois ponces dans
une année , & chacune eft de cinq
à fix œufs j il eft aifé de calculer
quelle fera fa population après un
certain nombre d'années. Leurnom-
bre effriye. Voici ce que dit de cet
oifeau M. l'abbé Poncelet, dans fon
hiftoire naturelle du froment.
1» J'ai eu fouvent lieu de foup-
çonner que les moineaux vivent en
fociécé 'y qu'ils ont encr'eux , finon
vin langage proprement dit, du moins
des acceiis variés & expreflifs , au
moyen defquels ils fe communiquent
les projets relatifs .àleurconfetvation
particulière , & au bien commun de
leuc république. Car , connnent ex-
pliquer autrement les avis qu'ils fem-
blent fe donner réciproquement les
uns aux autres, quand quelque grand
danger les menace? 11 en eft de même
des rufes qu'ils employeur , & des
précautions qu'ils prennent de con-
cert pour n'être pas furpris ».
" Alfailli , tourmenté pendant les
trois dernières années que' j'ai cru
devoir confacrer aux obfervations re-
latives à l'agriculture ; excédé par
des milliers de moineaux qui paroif-
foient avoir jeté un dévolu fur ma
petite plantation , que n'ai-je point
tenté pour les en écarter ! J'ai d'abord
eu recours au fufil : mauvais moyen,
pernicieux même , puifque pour un
moineau que j'abattois , il m'arrivoic
Tome VI.
MOI 5D
fouvent de détruire du même coup,
de vingt à quarante épis. Les pièges
font fans douce plus fùrs , & n'expo-
fent point au même inconvénient 'y
mais les rufés voleurs ne tardenè
guèrcs à les éventer , <Sc à s'avertit
les uns les autres , qu'il eft dange'*
reux d'en approcher. Enfin , je me
déterminai , pour leur infpirer quel-
que rerreur , de planter au milieu de
mon champ , un phantôme couvert
d'un chapeau , les bras tendus , &
armé d'un bâton. Le premier jour
les maraudeurs n'ofèrent approcher;
mais je les voyois poftés dans le voi-
fuiage , gardant le plus profond fi-
lence , & patoilfanc méditer profon-
dément fur le parti qu'il leur con-
venoit de prendre. Le fécond jour ,
un vieux mâle , vraifemblablement
le plus audacieux , & peur-être le
chefde la bande, approcha du champ,
examina le phantôme avec beaucoup
d'attention , & voyant qu'il ne re-
muoit pas , il en approcha de plus
près \ enfin, il fur affez- hardi pour
venir fe pofer fur fon épaule : dans
le même inftanr il fit un cri aigu ,
qu'il répéta plulîeurs fois avec beau-
coup de précipitation , comme pour
dite à fes camarades : Approchez ,
nous n'avons rien à craindre. A ce
lignai toute la bande accouiut. Je
pris mon fufil , j'approchai douce-
ment. La fentinelle , toujours à fon
pofte , toujours attentive , toujours
l'œil alerte , m'apperçut : auflitôt elle
fit un autre cri, mais différent de
celui qu'elle venoit de faire pour
convoquer r.ilfemblée. A ce nouveau
fignal , toute la bande précédée de la
fentinelle, & fans douce conductrice
en même temps , s'envola. Je lâchai
mon coup de fufil en l'air pour les
intimider : je réiiflis eftcdivemcnt
A a,a a
ÎÎ4
M O I
pour quelques jours j mais vers te
quatrième je les vis reparoîcre à une
certaine àillance comme la première
fois, ik gardant tous le plus profond
fileiice. Il me vint arlors à J'efprit une
idée , que j'exécutai fur le champ.
J'enlevai le phautome ^ je vêtis fes
haillons , & ine portai à fa place dans
la même attitude , le bras tendu (Se
armé d'un bâton. 11 eft probable que
nos rufcs maraudeurs , malgré toute
leur fagacité , ne s'apperçurent pas
du changement. Après une demi-
heure d'obfervation , j'entendis le
fignal ordinaire , & immédiatement
après je vis la bande entière s'abattre
de plein vol , au beau milieu du
champ , (Se prefqiie à mes pieds. Pré-
paré comme je l'étois ,. il m'étoic
prefqu'impolîible que je manquafle
mon coup j j'en allommai deux , 6\; le
refte s'envola. J'effayai de fufpendre
les deux que j'avois tué , pour in-
timider les autres. Cet exemple fut
fans fuccès ; au bout de quelques
jours mes maraudeurs,, au fait du
nouvel épouventail , revinrent, très-
convaincus qu'ils n'avoient rien à
redouter de leurs défunts camarades.
A force de foin & d'afliduité , je
parvins pourtant à les écarter effica-
cement ëc pour toujours , & le moyen
dont je me fervis , conCfte à chan-
ger mon phantôme de place & d'ha-
billement deux fois par jour. Cette
diverfité de forme & de fituation en
impofa à mes voleurs : défians comme
ils font , ils abandonnèrent enfin la
partie, & je fauvai par ce moyen la
plus gr.-inde partie de mon bled >?.
MOIS. Foyei RÈglb.
MOISISSURE, Plante très-fine ,
très - délice , ordinairemeiu à ra-
MOI
meaux , qui graine , fe multiplie d«r
femence, & qui fe manifefte fur les
corps q_iii conmiencent à fe décom-
poler , Se à entrer en putréfadion,
La couleur , ou blanche , ou verte,
ou jjune , rouge ou noire , dépend
de la qualité du corps fur lequel
cette plante s'attache. La nioi-
ûllure ne fe manifeûe jamais fut
l'humidité qui lui itn de véhicule-
Amh ,, la moifilfure dans le pain ,,
dans un fruit , &c. n'eft autre chofe
qu'un compofé de plante. Cette partie
de la botanique a encore très-peu été
étudiée j elle demande de bons yeux.
& de bons microfcopes pour en fui-
vre les détails, &: fur-tout un obfer-
vateur fidèle ,. ëc qui ne fe laiiïe pas
prévenir. Les botaniftes clalfent les
moifillures avec les hmgus , dont
cependant elles n'ont pas toujours
la relfemblance. La fleur du vin qui
furnage le vin dans une bouteille ,
( f^^oyei le mot Fleur ) qu'on n'a
pas lailTé aifez eflliyer,, ne paroîr , au
limple coup d'œil, qu'une efpèce de
fubftance compofée de membranes-
placées les unes fur les autres. On
pourroit la comparer à la lentille
d'eau qui tapille la partie fupérieure
des eaux ftagnantes , ôc qui fe
multiplie rapidement. Bradley , dit
M. Valmont de Bomare , a fuivi
avec foin les phénomènes de la moi-
filfure dans un melon. Il a obfervé
que ces petites plantes végètent
très - promptemenr j que les femen-
ces jettent des racines en moins de
trois heures , & fix heures après la
plante eft dans fon entier accroif*
fement j alors les femences font mû-
res & prêtes à tomber. Après que
le melon eut été couvert de moifif-
fure pendant fix jours , fa qualité
végétative commença à diminuer j,
MO I
& elle ceiTa entièrement deax jours
après. Alors le melon comba en pii-
tréfadlion , & fes parties charnues
ne rendirent plus qu'une eau fœtide,
qui commença à avoir allez de mou-
vement à fa furface. Deux jours après
il Y parut des vers , qui , après iix
jours , fe changèrent en nymphes ;
ils relièrent quatre jours dans cetétat,
&: ils en fortirent fous la forme de
mouches.
L'examen de ces détails fait un
plaifir extrême à l'obfervateur , &
cette végétation , réduite à l'infini-
ment petit, amufe peu la petfonne de
campagne, chargée de la nourriture
<l'un grand nombre de valetsT Le
.pain qu'elle leur prépare fe moifit ,
& c'eft une perte réelle pour elle.
Les caufes de la moifilTure du pain
font très-variées, & les principales
tiennent à fa fabrication, i". On
met communément trop d'eau dans
la farine. ^°. La pâte n'eft ni allez
paierie ni alTez long-temps \ on n^
lui donne pas le temps de lever :
plus elle ell: mate éc compadle ,
& moins elle eft parfemée d'yeux
formés par l'introdudion de l'air ,
lorfqu'on paîtrit^ & cet air , pendant
la cuilTon , ne peut s'échapper fans
entraîner une bonne partie de l'eau
mêlée avec la pâte. 5°. Le four n'eft
pasaflexcliaud , ou il l'efttrop; dans
ce dernier cas , la croûte eft furprife
& durcie avant que l'intérieur foie
cuit , & par conféqucnt la furabon-
dance d'eau dilTipée. Dans l'autre cas,
]a chaleur n'eft pas aflez forte pour
faire évaporer une partie de l'eau.
4°. Sortant du four, on le porte or-
^dinairement dans un endroit trop
frais , & il n'a pas la facilité de
itanfpirer^ il eft , au contraire , en-
yiroiiaé d'une athmofphèce humide.
U O I
55f
"Dès qu'on s'apperçoit que l'inté-
rieur du pain commence à moifir, il
convient de Pouvrit par le milieu ,
& de retrancher la portion chancie :
s'il icft réellement trop humide,
il faut mettre quelques fagots au
four , & y pafter enfuite le pain ;
il fervira à faire les foupes. La partie
moi(ie & paflée à l'eau , jufqu'à ce
que toute la moifiirure en foit en-
levée , fera de qualité médiocre ;
mais mife à fécher de nouveau , elle
fervira également pour la foupe ou
pour la nourriture des oifeaux de
baffe- cour.
C'eft toujours la faute de celui
qui fait le pain , qui l6 cuit & le
range , en fortant du four, fi la moi-
fiirure s'en empare j elle dépencl ,
après la manipulation , du lieu où
on le ferme. En général , des pains
volumineux fe gâtent plus facilement
?ue 11 , avec la même pâte , on en avoît
ait trois ou quatre. Les payfans ont
la déteftable coutume de coller les
uns contre les autres ces grands pains
portés fur des perches. L'air envi-
ronne , il eft vrai, leur circonférence ;
mais il ne circule pas entre les deux
fuifaces. Un petit morceau de bois
d'un pouce d'épaiireur , placé au haut
& entre chaque pain , permettroit
à l'air de circuler , de l'environner
de toute part , & de prévenir la moi-
filfure par l'évaporation de l'humidité'.
Malgré ces précautions , dans les pro-
vinces voilînes de la met , lorfque le
vent vient de ce côté-là , il traîne
avec lui une fi grande humidité, que
le feul moyen de s'oppofer à la moi-
filfure , eft de placer les pains fur la,
gloriette , c'eft-à-dire au-delfus da
four , qui conferve aflez de chaleur
pourdiiriperl'humidité.Le pain moifi
eft mai - fain , fi par les lavages 0»
A a a » z
55^
M O I
n'a fait difparoîcre la caufe qui le
vicie.
MOISSON. Mot fpécialemen:
confacré pour défigner la rccolce du
bled & autres crains analogues. Il
indique le moment qui va récom-
penfer le cultivateur de fes travaux.
C'eft ici que commence fa jouiirance ,
quoique mêlée d'un peu d'inquiétude.
On voit eftimer quel fera le produit
des gerbes en les pefant, & à mefure
que le gerbier s'élève ^ il fourit à fa
vue. . . . Un propriétaire vigilant
fe prépare longtemps d'avance. Quel-
ques heures qui auroient été perdues
font employées dans les jours les
moins prelfés de travail , à préparer
Jes chemins, afin de moins fatiguer
fes bêtes , à difpofer l'aire , à net-
toyer fes greniers. ; & s'il attend juf-
qu'à la veille de la moillon, tout eft
fait à la hâte Se mal fait y les ouvriers
manquent ou font très-chers, ou bien
il faut déranger tous les valets de la
mérairie , &: pendant qu'ils font oc-
cupés à contre-ternps , le bétail de-
meure à l'écurie , & y confomme
inutilement le tourrage.
MOISSONNEUR. Celui qui
coupe le bled ; «Se on nomme Mois-
sonneuse , celle qui ramalTe le bled
coupé , le met en gerbes & les lie.
Chaque province à fon ufage parti-
culier , relativement à la moilfon &
au moilTonneur. Il eft aflez rare que
les habitans du heu faflent toute la
récolte , parce que les pays à bled
font rarement alfez peuplés. En gé-
néral , les gens des montagnes, fui-
vis de leurs moiflonneufes , defcen-
dent à cette époque dans les plaines ;
c'eft pour eux une partie de plaifir,
& l'occafion de gagner de bonnes jour^
MOL
nées. S'ils font en petit nombre, fi la
faifon preflTe, &c. , ces journées de-
viennent très coûteufes ; entr'eux ils
fixent un prix , & le défaut de bras
oblige les propriétaires à foufcrire à
la loi qu'ils impolent. Chaque canton
d'une montagne , ou d'un pays de
vignoble , a pour l'ordinaire Ion lieu
affidé dans la plaine , fur-tout lorf-
que l'on paye les travailleurs en na-
ture , & non à prix d'argenr. Alors
ils fe fuccèdent de père en hls , Ôc
ils ont le temps de lever la récolte
de la plaine avant de fonger à lever
la leur. Dans les pays de vignoble ,
toujours très-peuplés , lorfque l'on
travaille les vignes à bras j les tra-
vailleurs fe rangent de manière qu'ils
ont le temps de couper le bledj de
le battre , de le vanner, de le cribler j
enfin, de le rendre net dans le gre-
nier ; parce qu'à cette époque les
grands travaux des vignes font finis.
Ils viennent affaner du bled, vous di-
fent-iis. On convient avec eux qu'ils
fe chargeront de toutes les opéra-
tions , & qu'on donnera, par exem-
ple, à la totalité des travailleurs , la
feptième ou la huitième mefure des
grains recueillis. A la fin de chaque
femaine, on fait la dillribution gé-
nérale , qu'ils fe partagent enfuite
entr'eux. Le chef & le fous-chef des
aftaneurs ont ordinairement une lé-
gère retenue fur les autres ; mais
c'eft peu de chofe. Certe méthode eft
avantageufe au propriétaire, puifqu'il
eft de l'intérêt de l'atFaneur qu'il y
ait beaucoup de grains. ( l'oye:^ cha-
pitre /o _, page 141 , de l'article
Froment. )
MOLETTE. Médecine Veté-
KiNAiRE. Maladie particulière aux
chevaux. La molette eft formée par
MOL
\in amas de lymphe ou èe férofué
qui fe m.inife'te au-deffus du boule:
par une riiinciir molle j ceue tumeur
couvre tantôt la face poftérieuve du
tendon du mufcle fublime , rantôc
les parties latérales des tendons des
mui'cles fublime & profond. Lorf-
qu'elle paroît de chaque côté des
tendons j on l'appelle molecce fouf-
fiee \ lorfquelle eft fur le tendon
même , on la nomme molecte /Im-
pie , ou par corruption mokttc ncr-
veufe.
Pour traiter la molette avec une
certaine connoiilance , il eft utile
d'avoir au moins une légère notion
des parties qui forment l'extrémité
inférieure du canon, près de fon union
* avec le paturon.
La peau & le tilTu cellulaire en
font les enveloppes générales. Le
tijfu cellulaire a des connexions inti-
mes avec la peau qui le couvre ; avec
les tendons des mufcles fléchilleurs
du pied , qui defcendent le long de
la face poftétieure du canon entre
les deux péronnés ; avec les deux
parties ligamenteufes , qui de la par-
tie poftérieure & inférieure du ca-
non , vont fe joindre aux adhérences
que les mufcles extenfeurs du pied
contra6tent avec l'articulation du
boulet , avec le prolongement de
l'artère brachiale, dont le tronc ram-
pe poftérieurement le long du canon
jufqu'au-delTus du boulet où il fe bi-
furque , pour former les artères laté-
rales qui donnent nailfance aux arti-
culaires , avec les divifions de la vei-
ne cubitale ; telles que les veines ar-
ticulaires qui partent du boulet après
en avoir entouré l'articulation ^ telle
que la veine mufculaire qui part de
ce même endroit & monte jufqu'au
jprès du genou en fe perdant dans les
MOL
5 57
mufcles du canon , avec les filets
nerveux qui émanent du nerf bra-
chial iiicerue ; ces filets donnent plu-
fieurs rameaux aux mufcles fléchii-
feurs du canon & du pied, & vont
enfuite fe perdre dans le bouler ,
dans le paruron. , dans la couronne,
&c. Le [ijj'u cellulaire remplit encore
exactement les interftices qui régnent
entre toutes ces parties , l'humeur
qui s'en fépare eft reçue dans les cel-
lules de ce tijju ; fi la fécrétion eft
lymphatique ou féreufe , & il elle eft
trop abondante , elle diftend les cel-
lules qui la reçoivent , & forme la
molette Jlmple ou la molette fouffiee.^
La caufe prochaine de la molette
eft une lymphe ou une férofité arrê-
tée ou infiltrée dans le tijju cellu-
laire.
1°. Dans les chevaux qui ont l#
fang trop épais , le relfort des artè-
res n'a pas aftez de force pour le
chalfer en avant , il coule plus len-
tement, la lymphe a plus de temps
pour s'extravafer j elle pafte plus
abondamment dans le tijfu cellulaire
qui les enveloppe , elle le gonfle ^
le furcharge : or comme la lymphe
participe du même caraélère que le
fang d'où elle fort , elle eft confé-
quemment épaiffe , gluante , vif-
queufe , propre cà former des engor-
gemens , à fe durcir & à fe pétri-
fier. Les alimens & tout ce qui eft
capable d'épaiifir le fang & de ren-
dre le chyle crud & groftier , font
des caufes éloignées de la molette qui
fe termine par rendurcilTement.
i''^. Dans les chevaux qui ont le
fang trop aqueux , la férofité qu'il
contient eft trop abondante , celle-ci
relâche les fibres des vailfeaux , elle
leur fait perdre leur reftbrt, elle U's
55^
MOL
rend incapables de chaflier avec vi-
gueur les liquides , le fang circule
leiuemenc dans les artères , la fcro-
fné s'en échappe avec trop de faci-
lité, elle s'inhlrre dans le tiflu cel-
lulaire, à niefure quelle s'y accumule,
elle donne nailTance à la molette Jlm-
pte ou à la molette fouffiée.
3°. Dans les chevaux à qui on
comprime, par une ligature quelcon-
que, les vailfeaux fanguins quife dif-
inbuent à l'extrémité inférieure du
canon , le flmg ne circulant plus avec
facilité dans cet endroit, les veines
articulaires & la mufculaire font l:or-
cées d'y lailfer échapper une partie
de la lymplie ou de la férofité qu'elle
contiennent j c'eft le tijju cellulaire
<jiii reçoit ce liquide , il en dillend
les cellules & forme la molette.
4^'. Dans les chevaux dont le vo-
lume des boulets eft trop menu, trop
petit, relativement à l'épaifleur de la
jambe, ces fortes de boulets, fent
la plupart trop flexibles , & cette
flexibilité eft un indice prefque cer-
tain de leur foibleffe ; cette partie
ainfi conformée, les chevaux commu-
nément fe lalFent & fe fatiguent dans
Je plus léger travail j elle eli bientôt
gorgée, &, l'enflure diflipée , il y
xefte ou il y furvient cette tumeur
molle & indolente dans fon princi-
pe , mais dure & fenfible enfuite &
par fucceffion de tems , que nous
avons nommée molette Jimp le ou mo-
lette fouffiée.
Diaonojiic. On connoît que c'eft la
lymphe qui forme la molette^ lorf-
qu'après un certain temps , l'impref-
fion du doigt refte dans la tumeur ;
on conjecture au contraire , qu'elle
eft formée par la férofué qui s'eft ex-
travafée dans le tiJJu cellulaire _, dès
que le liquide épanché fait relever la.
MOL
tumeur quand on celfe de la compri-
mer.
Prognojîic. La mo'ette lymphati-
que & la féreufe , font plus faciles à
guérir au commencement, que lorf-
qu'elles font invétérées. Ces liquides
aoupilfant long- temps dans les cel-
lules , deviennent fi actes qu'ils les
rongent , ainfi que les tendons des
mufcles fléchilfeurs du pied , les par-
ties ligamenteufes de l'articulation dit
boulet , les vailîeaux qui s'y diftri-
tribuent, &c. Les moUécules les
plus vifqueufes de la lymphe , fe rap-
prochent à mefure que la chaleur de
la partie afFeétée diflipe ce qu'elle a
de plus fluide 5 enfin elle s'épaiflit,
fe durcit , &c forme des pierres plus
ou monis volumineules , qui gcnent
les mouvemens de flexion & d'ejf-
tention de l'articulation du boulet.
La cure de la molette qui dépend
de l'épaiflilfement du fang & de la
lymphe , demande des apéritifs &
des purgatifs hydragogues. On pref-
crira donc les rifanes faites avec les
racines de patience , d'année , de fe-
nouil , d'afperges , de petit houx, de
perfil, de cerfeuil, avec l'orge. On en
fera avaler au cheval pendant quinze
jours une livre ou deux , une heure
avant fes repas. Il faut purger le che-
val au commencementou au milieu &
à la fin de l'ufage de ces tifanes , avec
le jilap , le mercure doux , le tur-
bith , la femence d'ieble, le fel de
duobus pulvérifé , la gomme gutte
de le fyrop de nerprun. ( l^oye\ Mé-
thode purgative) Pendant l'ufage
de ces remèdes , on emploiera les
topiques capables d'atténuer & de
léfoudre la lymphe vifqueufe qui for-
me la molette ^ & de deffécher &
forrifier les fibres trop relâchées. Pour
cet effet on fomentera la partie avec
7f//i 17.
/'/. M . />„,/,■ ssç:
/il MoT'e/fe- ti./7'mf //,'//■
/il ^TfcTr.r^e <feo- Af,>/in/iit\'- ■
/</ ^ '/. •/■!/, ////<■
/,! Jf/'i\/It'i/ri/jiji,mtc,i'ii fii/zie t/f .f/a/<'<' . ''''"'
MOL
tine lelTive de cendres de fatment ,
dans laquelle on aura fait bouillir
du foufre , ou avec une décodlion
de romarin , de fauge , d'abhnche &
de camomille , ou avec de refpri: de
vin , auquel on ajoutera parties éga-
les de lel ammoniac Se d'eau de
chaux. Après les fomentations , on
appliquera un cataplafme fait avec
la farine de fèves, cuite dans loxymel,
y ajoutant des rofes rouges ik de l'a-
lun j & h malgré ces remèdes , la
jnoktce augmente de volume , on
aura recours à des réfolutifs plus forts.
Telles font les fomentations faites
avec les décodions de romarin , de
thym , de ferpolet , de laurier , de
cajnomille , d'anis , de fenouU , de
moutarde , de femences , de fœnu-
grec & de fiente de pigeon , donc
on fait une forte décoÂion. On pile
le marc & on l'applique ea cataplaf-
me fur la molette. Les feuilles d'ieble
& de fureau, pilécs avec de l'efpiit
de vin , font aulïï un bon cataplaf-
me.
Si la molette réiîfte , le fecours le
plus prompt eft de faire de légères
fcarificacions fur la molette , de ma-
nière à ouvrir la peau & quelques-
unes des cellules qui contiennent la
lymphe j comme elles ont commu-
nication les unes avec les autres ,
toutes ces cellules fe dégorgeront in-
fenfiblement par celles qui feront
coupées : & Ci cette lymphe dépravée
y a croupi aflez long- temps pour y
former un calcul d'une forme & d'un
volume quelconque, connoifTant la
ftru6ture anatomique de la partie af-
fe(îtée , rien n'empêche qu'on ouvre
k peau 5i le tijju cellulaire , de ma-
nière à en extraire avec facilite le
corps étranger.
Qiund la lymphe ou la pierre font
MOL 55';?
fortles , les incifions fe cicatrifenE
bien vice , fi l'on n'a pas trop attendu
à les faire. Il faut cependant appli-
quer fur les ouvertures, des compref-
fes trempées dans de l'eau vulnéraire
ou dans de l'eau-de vie camphrée ,
pour rétablir le relfort des fibres. Si
les plaies étoient p.âles , 6c qu'il y euE
de la dilpoluion a la gangrène , ont
les panferoit avec le baume de fty-
rax , ou les autres remèdes convena-
bles à cette maladie.
La molette qui dépend d'un fang
trop aqueux , demande les mêmes
remèdes que la précédente, &: princi-
palement ceux qui font propres pour
l'hydropifie j il ne s'agit que d'éva-
cuer les férofités trop abondantes ^ Se
de fortifier enfuite les fibres qui fonc
relâchées.
Si la molette provient de quelque
comprelîion , elle celfe quand on a
levé l'obftacle 5 fi le tilfu adipeux eft
gonflé & qu'il falle compreflion , les-
atténuans , les apéritifs & les hydra-
gogues décrits dans la cure de la mo-
lette vifqueufe j y conviennent.
Si la molette eft l'effet d'un bou-
let trop menu , trop petit , alors elle
fe trouve dans la clalfe des maladies
incurables. M. BRA,
MOLUQUE ODORANTE, ou
MELISSE DES MOLUQUES.
( f^oye:[ p 'anche XF" ^ pt^ge 559)
Tourneforc la place dans la féconde
feélion de la quatrième clalfe des
herbes à fleurs d'une feule pièce ,
irrégulière & en lèvre , dont la fu-
périeure eft creufée en cuiller , & il
l'appelle molucella levis. Von Linné
lui conferve la même dénomination ,
& la clafle dans la didynamie gym-
nofgetniie».
y<îo
M O N
Fkur B. compofce d'un tuyau, dé-
coupée par le haut en deux lèvres ,
dont la fupérieuta C cache les éta-
niincs & le piftil. On les a repré-
ientées en D , vues en-defTous , &
de la manière dont la fleur tient
,à la tige j la lèvre fupérieure eft
droite , entière ; l'inférieure divifée
en trois parties j le calice E eft deflîné
vu de profil.
Fruit. L'embrion qui fucccde à la
fleur eft repréfenté en F , avec les
quatre graines G, relevées de trois
coins, tfonquées.
Feuilles. Rondes, quelquefois en
forme de coin , fimples , entières.
Racine A. Pivotante , rameufe.
Port. Plante haute de deux pieds;
tiges unies , quarrées ; les fleurs dif-
pofées tout-autour en manière d'an-
neau , remarquables par leur grand
calice ; les feuilles oppofées.
Lieu. Originaire des Ifles Molu-
ques ; cultivée dans les jardins j an-
nuelle.
Propriétés. Saveur acre, odeur aro-
matique \ elle eft cordiale , ccphali-
que, vulnéraire, aftringente.
Ufage. On l'employé en poudre ,
en cataplafme , en décodtion , en
infufion.
MONADELPHIE. (Bot.) C'eft
la feizième clalTe du fyftème fexuel
des plantes du chevalier Von Linné ,
qui renferme les plantes à plufieurs
étamines , réunies par leur hlets en
lui feui corps. Ce mot eft compofé
de deux mots grecs, f^'^'^ aêt^.^é; , qui
lignifient unfeiil père 5 toutes les éta-
mines fe trouvant réunies parleurs fi-
lets , ne forment qu'un feul corps ,
un feul père. Les mauves appartien-
îient à cette dafle. En développant
MON
le fyftème du botanifte Suédois, nous
donnerons le deflin des étamines mo-
nadelphes. f^oye^ le mot Système.
MM. ■
MONANDRIE. (Bot.) du grec
fiovo; ay.f , un feul mari. M. Von Linné ,
établiffant fon fyftème fur les fexes
des fleurs , a donné le nom de mari a.
ces étamines , parce qu'elles renfer-
ment la pouffière fécondante , & il a
divifé les douze premières clafles de
fon fyftème par le nombre des éta-
mii>es ou des maris. La première
clalfe renferme les plantes , dont les
fleurs n'ont qu'une étamine comme
le balifiet. F'oye-^ au mot Système,
le deflin d'une fleur à une feule éta-
mine. M M.
MONOËCIE. (Bot.) du grec ^,„r
»'»« 5 une maifon. M. Von Linné
voyant que dans certaines plantes ,
les parties mâles & les parties femel-
les ne fe trouvoient pas réunies dans
la même fleur , que quelquefois ,
elles fe trouvoient féparées & atta-
chées .à différentes branches , quoi-
que toujours fur le même individu ,
les a coniidérés comme l'époux & l'é-
poufe qui vivent fépatés l'un de l'au-
tre , quoique fous le même toit dans
la mcnie maifon _, & d'après cette
idée , il a donné à la vingt-unième
clalTe de fon fyftème , le nom de
Monoccie , que portent les plantes
dont les fleurs mâles & femelles font
féparées , quoique fur le même indi-
vidu; telle eft par exemple la mafle
d'eau. Typha latifolia de Linné. M M.
MONOGAMIE. (Bot. ) de deux
mots grecs , .««"f y«^« , une noce ;
c'eft la cinquième fnbdivifion de la
dix-neuvième clafle du fyftème fe;cuel
da
MON
du chevalier Von Linné , nommé
fingénéfie ; cette clalfe renferme les
fleurs formées de l'agrcgation de piii-
fieiirs petites fleurs. Conlidcrant cette
agrégation comme la réunion de plu-
fieurs familles, plufieurs noces, il lui
donna le nom caradtériftique de po-
lygamie. En confidérant enfuite la
pohtion des fleurs mâles & des fleurs
femelles dans cette polygamie , il
donna le nom de monogamie à celles
qui fans être compofées de fleurons,
ont leur étamines réunies en cylin-
dre parleurs anthères, corn me la vio-
lette, M M.
MONOPÉTALE. (Bot.) fe dit
d'une fleur , ou plutôt d'une corolle ,
qui eft d'une feule pièce , & dont les
divifionsfi elle en a, ne vont pas juf-
qu'à l'onglet. {t^oye\ au mot Fleur ,
le deifein d'une corolle monopétale. )
MM.
MONOPHILE. ( Bot. ) fe dit
d'une partie de fleurs qui eft d'une
feule pièce , qui n'eft point divifée ,
ou dont les divilions ne vont pas juf-
qu'à la bafe j il y a des calices , des
colerettes ,des périanthes, des vrilles
monophiles. ( Foye^ ces mots )
MM.
MONSTRE. MONSTRUOSITÉ.
Physiologie animale et végétale.
Plan du Travail.
Sect. I. Coiip-d'œil générai fur les monjlres.
Sect. II. Des monftres végétaux.
Sect. III. Exemples de monflruofités vé-
gétales.
1°. Monftruofités de tiges.
1'-'. Monflruofnés de feuilles.
5". Monftruofités de fleurs.
4°. Monftruofités de fruits.
Sect. IV. Caufes des monftruofités.
Tome FI,
MON
5(ît
Section première.
Coup-d'œil général fur les MonJIres.
Etudier les végétaux , fuivre de
près leurs développemens & leur
croiflance , c'eft parcourir une car-
rière féconde en phénomènes plus
ou moins intéreffans. Si la régularité
des formes plaît & fatisfait nos yeux,
les variétés & les écarts doivent
nous intérelTer encore davantage ;
ce qui s'éloigne des loix commu-
nes de la nature, ce qui paroît être,
je ne dis pas une Ample exception ,
mais même une oppolition formelle,
demande de nous'une attention par-
ticulière , une étude férieufe ; trop
heureux fi une explication iimple &
naturelle vient nous fatisfliire & dé-
tailler à notre efprit la marche que la
narure a fuivie dans la produdion
qui hiit le fujet de notre étonnement.
Les monftruofi:és végétales beaucoup
plus abondantes qu'on ne l'imagine ,
ieront long temps un objet de médi-
tation pour le philofophe , tandis
qu'elles ne préfentent qu'un objet de
dédain & de mépris à l'homme in-
différent , qui ne demande que êiQ&
beautés <Sc des jouilTances. Les monf-
truofités animales , toujours hideu-
fes , toujours révoltantes , affligent
lin cœur fenfihle. L'anatomifte voie
avec douleur fa produélion , parce
qu'il fongefans ceffe que la mère qui
l'a m.is su jour, a d'autant plus fouf-
fert que le monilce eft plus fingulierj
que l'individu cjui a été ainfi vicié
dans fa conformation , devoit être
un homme ou un animal fain &
parfait , & que la mort àc l'un &c
de l'autre accompagnoit trop fouvent
un accouchement pénible & monf-
trueux. C'eft d'qjrès ce fentiment,
B b b b
5(^1 M'O N
que M. Cooper voucirou qu'on ban-
nu entièic-m?nt le terme de monftre,
parce qu'il répugne à notre fenfibili-
té , qu'il emporte toujours avec lui
une idéâ trifte , douloureufe & déla-
qréable. Il convicndroic bien mieux
d'y fublUtuer celui de jeu de la na-
ture. Dans le rcgne végétal au con-
traire , la nailfance d'un nionftre ou
d'une partie mouilrueufe , ce qui elt
bien plus commun j entraîne très-
rarement le dépériffemenc de la mère
ou de la plante totale j une feuille
monftrueufe n'altère pas la tige qui
la Dorte \ un calice informe, ne vicie
pas les parties nobles qu'il renferme ,
& (1 la (leur furchargée d'embon-
point & d'une fève furabondante ,
voit flétrir les organes de la çénéra-
tion , ce malheur femble bientôt re-
paré par la multiplication des péta-
les , <3c la vivacité de leurs couleurs.
L'bomme même , ce roi de la na-
ture , pour qui elle paroït fans celfe
travailler , ignore fouvent , eu ou-
blie bientôt que cette fleur double
qu'il admire , qu'il préfère , n'eft
qu'un monftre , pour ne penfer qu'à
fes beautés. 11 faut encore beaucoup
ce connoilTances en botanique pour
obferver & diftinguer toutes les monf-
truolltés végétales , & jamais ou pref-
que jamais elles ne font défagréables
à la vue, & révoltantes comme les
nionftruofités animales. Celanevien-
droit-il pas aulîî ai ce que le règne
animal nous touche intîniment de
plus près; que dans le fœtus humain
monrtrueu~x , l'homme voit la perte
de fon femblable , de dans le fœtus
d'un animal monftrueux , la perte
d'un être utile & nécelTaire. Ainfl la
nature & l'intérêt , font les premiers
mobiles de fa fenllbiliré , tandis que
dans le règne végétal , il y trouve une
MON
nouvelle jouilfance. Pour l'homme
qui raifonne fes jouilTances , il eft
donc de fon intérêt de connoicre plus
particulièrement les monftruofités vé-
gétales , leur caufe j ce qui les conf-
titue telles, & les différencie des fim-
ples accidents , & les différens fyftê-
mes que l'on a imaginés pour les
expliquer , & pourquoi elles font
plus abondantes dans certaines efpè-
ces , dans certains cantons & dans
certaines années , comme M. Gle-
ditfch Ta obfervé dans les territoires
de Francfort , de Furftemwald , de
Ciiftiin, Lebus (ac. , pour les années
1740, 1741 , 1745 5 °'^i i^ vi^ naître
beaucoup plus de plantes fafçlées j
feuillues , prolifères , & à fleurs dou-
bles que dans les autres années.
Section II.
Dis mcnjlres végétaux.
II eft néceflaire de bien faifir l'i-
dée que renferme le mot de monf-
tre , & de bien dillinguer les par-
ties qui font réellement monftrueu-
fes, de celles qui ne font que viciées.
Plulieurs auteurs en décrivant des
monftruofités végétales , ont confon-
du trop fouvent ce qui n'étoit qu'un
accident , &: pour ne pas tomber dans
cette faute , il efl nécelfaire de fpé-
cifier exactement ce que nous enten-
dons par monftre. Nous nommons
tnonltre en général , avec l'immortel
M. Bonnet , toute produétion orga-
nifée-, dans laquelle la conforma-
tion , l'arrangement ou le nombre
de quelques-unes des parties ne fui-
vent pas les règles ordinaires ; nous
ajoutons à cette définition générale,
que dans le règne végétal , ces vices
de conformation doivent être dûs à
l'aclc feul & unique de la végétation.
MON
â cette caufe intérieure & non à des
caufes extérieures , comme fradure
ou luxation des parties , piquures
d'infedes , &c. &c. On voit déjà
combien cette interprétation exadte,
jette de jour , & diliîpe la confufion
qui règne dans cerre partie.
D'après cette déhnition , la na-
ture nous offre dans le règne végétal
quatre genres de monflres ; le pre-
mier renferme ceux qui font nés
tels par la conformatioii extraordi-
naire de quelques-unes de leur par-
ties \ le fécond comprend les plan-
tes qui ont quelques-uns de leurs
organes ou de leur membre au-
trement diftribués que dans l'état
naturel. Dans le troifième genre , il
faut placer les plantes inonftrueufes
par défaut, ou qui ont moins de par-
ties qu'il ne leur en faut ; & dans le
quatrième , les plantes monftrueufes
par excès , ou celles qui ont plus de
parties qu'elles ne doivent en avoir.
11 faut encore ajouter , que parmi ces
monftruofités , les unes fe perpétuent,
foitpar les graines , foir par les greffes,
tandis que les autres font paffagères
& n'altèrent en aucune manière les
individus auxquels les plantes monf-
trueufes ont donné naillance.
Quelques botaniftes ont regardé
les variétés dans les feuilles de cer-
taines plantes, les panachures , &c.
comme des monfliuofités ; mais d'a-
près la déhnition que nous venons de
donner, c'eft improprement que l'on
donne le nom de monftres à ces acci-
dents.
Les greffes par approche , ne font
pas non plus des monflrucfités , foit
qu'elles aient lieu naturellement ,
foit artifuiellement : car l'union de
deux plantes ainfi greffées fubfifte fans
détruite en rien les loix de la végéta-
MON
5^3
tion. Ces plantes hybrides fe nourrif-
fent , croilfeiU (?c fe légénèrent par
graines & par boutures j en un mor, el-
les remplilfent toutes leurs fondions
végétales à l'ordinaire. Tout eft
dans l'ordre de la nature , rien con-
tre fes loix ; par conféquent , point
de monftruofités , d'autant plus que
la plantule, en fortant de la graine ,
n'offre pas de tiçes sretTées naturel-
lement , ce qui leroit ncccllaue pour
conftituer un monftre. Si des greffes
par approche étoient des monftres
naturels , je ne vois pas pourquoi
les greffes ordinaires ne le fcroienc
pas aulîi. ( ^^oye^ le mot Greffé )
11 faut en dire autant des monf-
tres par accidents 5 ce n'en font pas
de véritables. Les météores, les vents,
les déchirures , les meurtrilfures , les
infecies occafionnent très-fouvent fur
la furface des tiges , des feuilles &
même des fleurs des plantes , des ac-
cidents très-variés , comme la brû-
lure , des protubérances , des rachi-
tifmes , &c. qui ne font que des ma-
ladies. ( J^oyc'^ les mors Brûlure ,
Gale ) La fullomanie elle-même ne
paroiflant que dans le cours de la vie
de la plante, efl plutôt une maladie
qu'une monftruolité. Si elle paroiifoit
dès le moment de la naiffance & du
développement du foetus , alors elle en
feroit une véritable, parce que, com-
me nous le verrons plus bas , c'eft
dans les vices du fœtus qu'il fiur
chercher le vrai- principe des monf-
truofités.
Section II L
Exemples de monjlruojlte's vége'tales.
Nous allons parcourir les princi-
paux exemples de véritables monf-
Bbbb i
5^4
MON
truorucs que les différents obferva-
teiirs ont recueillies j mais afin qu'on
les faifilfe mieux , nous les clalTerons
fuivanc les parties principales des
plantes , en fuivant les genres de
monftruofités : obfervons ici qu'jl ne
s'agit que de monllruolués de naif-
fance & de végétation, £< non de monf-
truofités produites par des infe6tes.
i". AJonJïruq/itd's des tiges. Les
tiges font fujettes à plulieurs efpè-
ces de monftruofités , principalement
à celles de conformation. Dans pref-
que toutes les plantes , les tiges font
rondes , c'eft la figure que la nature
leur a allîgnée , comme la plus pro-
pre à la circulation égale des fucs j
cependant il s'efl trouvé beaucoup
d'exemples où l'on a vu cette forme
varier , fur-tout s'applatir & offrir
l'image d'une bande platte ou de ru-
bans. Borrichius a obfervéun^criîw/^/Tz
qui avoir deux tiges ainfî applaties
éc larges de près de deux doigts j
chacune de ces riges plâtres étoit for-
mée de quinze petites qu'on pouvoit
encore di(l:inguer , & qui s'étoient
réunies Se collées enfemble fur un
même plan. Cette monftruofué s'é-
rendoit jufqn'à quelques-unes des
branches fupérieures. La plante arra-
chée , la racine a paru nouée & tor-
tillée contre fon ordinaire. Un hif-
fope , un lis martagon , & une cou-
rûnne impériale , lui ont offert le
même phénomène.
M. Scholotterberg cite un niium
album polyanthos j le_ lis blanc or-
dinaire, dont la tige compofée d'un
grand nombre d'autres , avoir trois
doigts de diamètre. On en a des
■ exe'mples communs encore dans les
tiges de l'iimaranulie qui s'applatillent
alTez foavcnt ; dans celles du maïs,
de la chicorée fauvage , de la valé-
MON
rîane , dans les branches du frêne ,
du faule , &c.
Ces applatiffemens des tiges ,
font dûs à la réunion naturelle
de plufieurs tiges, & dont il eft à
croire que le principe exiftoit dans
le fœtus même , puifqu'Us ont lieu
fur la plante très-petite , comme fur
la plante développée, & prefqu'à fon
point de perftétion. Cet excès de
parties dans le végétal , ell analogue
à l'excès de parties dans l'animal ,
comme un quadrupède à fix pat-
tes , Sec. ; mais le règne végétal of-
fre fouvent une autre efpèce de monf-
truoficé beaucoup plus rare dans le
règne animal 5 c'eft: la réunion de ti-
ges de différentes natures j je vais en
citer quatre exemples finguliers. M.
Lalandrini a o'ofervé un tuyau de
froment de l'un des nœuds duquel
fortuit un fécond tuyau qui portoit
à fon extrémité un tuyau d'ivraie ;
& l'ayant diffcqué à l'endroit de leur
inferrion , il a trouvé leurs membra-
nes parfaitement continues.
Les iromentacées ont offert à
Wormins un exemple de monftruo-
fité pareille, celle de l'orge avec le
feigle. C'étoit un court épi , partagé
en quatre pointes , d'un pouce de
longueur, qui à la première vue pa-
roiliûit être un vrai épi d'orge, mais
qui renfermoit réellement tout-à la-
fois du feigle & de l'orge. Les qua-
tre branches de cet épi , étoient dif-
poféesde façon, qu'alternativement la
première n'avoir que des grains d'or-
ge au nombre dé cinq , ;?c la féconde
des grains de ftigîe. Les crains d'orge
avoient leur longueur , leur dureté ,
leur rudelle ordinaires , & les barbes
dont ils font naturellement garnis-
caradlères qui ne fe trouvoient 'point
dans ceux du feigle.
MON
Le profeflTeiirGefnerde Zurich ( ce
favant fi eftimable p.ir l'étendue de
fes connoilTances , la franchife de fes
vertus , l'aménité de fon cara6tere ,
auquel je me plais à rendre ici un
tribut tie reconnoiirance pour les
bontés dont il m'a honoré à mon paf-
fage à Zurich, en 17B4) a donné
une deicription circonftantiée de l'u-
nion monlhueufe de la pâquerette
avec la renoncule , & de plantes de
divers genres, de divers ordres & de
diverfes clafTes.
L'exemple l'uivant, fans être aufli
frappant , n'eft pas moins intéreirant ;
il ell: dû aux obfervations du P. Cot-
te. C'eft une carotte , moitié carotte
& moitié betterave. Cette efpèce de
monftre avoit un pied de longueur
Se vingt -fept lignes dans fou plus
grand diamètre 5 l'extérieur étoit
rouge comme une betterave : cette
couleur n'étoit pas particulière à la
peau , elle s'appercevoit encore tout
autour dans l'efpace d'une ligne ; le
centre de cette racine étoit teint de
la même couleur dans un efpace de
fix lignes jufqu'aux deux tiers de fa
longueur ; tout l'efpace intermédiai-
re étoit jaune. Cette carotre cuite
avoit le goût de la carotte Se de la
betterave.
2°. Monjlruojit-és des feuilles. Les
monftruofités des feuilles font infini-
ment plus communes que celles des
tiges ,& Ton pourroit même dire qu'il
y a peu de plantes cà feuilles compo-
fées ou fur coinpolées qui n'en offre
quelqu'exemple , plus fj-xquemment
cependant dans les efpèces herbacées ,
que dans les ligneufcs 5 nous en cite-
rons quelques-uns.
M. Bonnet , cet illuftre & exaét
fcrutateur de la nature, a obfervé
MON
565
un grand nombre de variétés trcs^
frappantes dans les folioles du fram-
boifier , qui font autant de monf-
truolués qui doivent leur origine à
la réunion ou à la greffe des folioles
les unes avec les aunes. 11 a remarqué
que dans les Ituilles à cinq folioles,
ce font toujours celles de la féconde
paire qui s'unifient à celles de l'ex-
trémité du pédicule ; la proximité
qui eft entre ces folioles , favorife
cette union. Tantôt il n'y a qu'une
feule foliole qui fe grefte à celle de
l'extrémité; tantôt ceft la paire en-
tière; tantôt l'union fe fait dans toute
la longueur de la foliole ou des fo-
lioles \ tantôt elle ne fe fait que fur
la moitié , le quart ou une très-pe-
tite partie de cette longueur. La
jonétion commence toujours à l'ori-
gine du pédicule particulier. On voit
ordinairement à l'endroit de la réu-
nion , un pli ou une efpèce d'arrêté.
Les folioles de la feuille du noyer,
font fujettes à de pareilles difformi-
tés. M. Eonnet en a vu une feuilJe
à cinq folioles, dont celle de l'ex-
trémité étoit plus petite que les au-
tres , & parfaitement circulaire ; dans
d'autres , les folioles tenoient au pé-
dicule commun , non-feulement par
un court pédicule , mais encore par
une efpèce de peau ou de membrane ,
qui donnoit à ces folioles une figure
très - irrégulière. Dans une autre
feuille , l'extrém.ité portoit deux fo-
lioles, dont Tune étoit fort échan-
crée d'un côté ; il y a obfervé fou-
vent des greffes femblables à celles
des feuilles du framboifier , & dans
une fur-tout, quetouteslesfolioless'c-
toient réunies, de façon que la feuille
offroitune forme très-bizarre, qu'elle
étoit un peu plifice, & que fa prin-
cipale nervure, au lieu d'être ar-
5<r(î
M O N
rondie , étoi: ahfoUiment plate «5^'
forr large.
Les feuilles du jafinin offrent en-
core lin plus grand nombre de va-
riétés, & elles font fi communes fur
cette plante , qu'il eft facile de les
appercevoir au premier coup d'œil ,
pour peu que l'on cor.iîoilfe partai-
tement la forme de la feuille du
jafmin.
La feuille du lilas, qui eft toujours
fimple &: fans découpure, quelque-
fois eft double & comme divifce en
deux feuilles différentes, qui fe réu-
niftenr près du pétiole , divergent &
s'écartent enfuite l'une de l'autre.
Le violier rouge a encore offert
un phénomène de feuilles compofces;
fa feuille eft fîmple, un peu allongée
& un peu roulée, fur- tout aux ap-
proches de l'automne ; on en a vu
une triple, ou au moins remarqua-
ble par trois divifions^ la feuille du
milieu étoit plus grande que les
deux autres latérales; de plus, cette
feuille étoit beaucoup plus courte que
les autres. Se la filique qui fuccéda à
la fleur, refta grêle , courte Se menue.
M. Bonnet cite une monftruofité
ces feuilles du chou-fleur, beaucoup
plus fingulicre que toutes celles que
je viens du rapporrer. De delfus de
de la principale nervure d'une feuille,
s'élevoit une tige cylindrique , qui
portoic à fon fommet un bouquet
d'autres feuilles, dont la forme imi-
toit celle d'un cornet; la furf.ice in-
férieure , aifée à reconnoitre à fa
couleur &: au relief de fès nervures,
formoit ''extérieur du cornet, donr
les bords font dentelés : quelques-
uns de ces cornets avoient une ef-
pèce de bec , leur ouverture étoit el-
lyptique,c'eft-.à-dire, qu'au lieu d'être
dans un plan parallèle à l'horifon ,
MON
elle étoit dans un plan incliné; d'au-
tres cornets avoient leur ouverture
à peu près circulaire : leurs grandeurs
varioient beaucoup, depuis un pouce
d'ouverture fur un pouce & demi de
hauteur jufqu'à la petiteffe de têtes
d'épingles ; ces petits cornets étoienc
portés fur une tige affez courte &
cylindrique; examinés de fort près ,
on appercevoir au centre un enfon-
cement indiquant eflentiellement en
petit la même forme que les grands;
ils partoient de la principale nervure
d'un autre cornet; on découvroit ca
& là des appendices de forme irré-
gulière, quelquefois approchants de
celle d'un cornet , qui adhcroient à
la principale tige ou à quelques-uns
des plus grands cornets. Les monftres
des feuilles de choux fleur ne font pas
rares , car M. Bonnet en a trouvé
plufieurs dans une feule planche de
choux -fleurs.
5°. Monjlrucfaés des fleurs. Si on
étudioitbien attentivement les fleurs,
on trouveroit beaucoup plus de monf-
truofités dans leurs parties que l'on
ne penfe ; on peut même, en gé-
néral , regarder comme une monf-
truofité permajiente, la multiplicité
des pétales dans certaines efpèces de
fleurs , ce qui les a fait nommeryZti/rj
doubles. On penfe communément que
c'eft la culture qui amène les fleurs à cet
état par une furabondance de fève ;
mais nous croyons que cela dépend
encore plus de la nature du fœtus j
car far une planche de femis de re-
noncule , par exemple , dont toutes les
graines viennent ce la même plante
limple , il s'en trouvera quelques-
unes de doubles , & le refte fera fim-
ple. Or dans cet exemple fi frappant,
& qui fe renouvelle tous les jours ,
l'uniformité des circonftances accom-
M O M
pagne abfoliunein le dévcloppemenc
de cous les germes j nicme iemence ,
même terrein , même influence at-
niofphcriqiie j pourquoi quelques
Heurs doubles ? Pourquoi quelques
monftres ? Nous en développerons la
caufe plus b.is.
Nous allor.s cirer cependant quel-
ques nionftruoficés florales allez fîngu-
lières. Les premières nous feroiu four-
nies par M. Bonner. 11 cite des fleurs
de renoncules du milieu defquelles
lortolenc une tiee portant une autre
fleur j mais fui-touc une roie qui ot-
froic le même phénomène j du cen-
tre de cette fleur, partcit une tige
quatrée, blanchâtre, tendre & lans
épines , qui portoit à {on Ton^ntC
deux boutons à fleurs , oppofés l'un
à l'autre, în: abfolument dépourvus de
calice j un peu au-deiîous de ces bou-
tons , forroic un pétale de forme af-
fez irrégulière. Sur la tige épineufequi
portpic la rofe , on obfervoit une
feuille qui différoic beaucoup de celles
qui font propres au rofler ; elle étoic
en trèfle y fon pédicule étoic large i^
plat.
Dans cette clafle de monfliruoficés ,
il n'eft pas rare de voir les étamines
fe convertir en pétales , & M. Du-
hamel penfe même que la multipli-
cité des pétales des fleurs doubles ,
n'eft; due qu'à cette converllon. La
ftérilité de ces fleurs s'explique faci-
lement par-là ; moins il y aura d'é-
tamines , ou plus il y en aura de
converties en pétales , & plus cette
ftérilité fera parfaite par ce défaut
d'organes générateurs. En examinant
ces fleurs doubles , on peut fouvent
obferver ce palfage, & on trouve des
étamines qui ne font qu'à demi chan-
gées en pétales. Les rofes fur-tout
offrent ces accidents.
MON ^6j
Quand le piftil éprouve un effec
analogue , au lieu de produire des
pétales , il fe change en feuilles ver-
tes ordinaires , ou en une tige por-
tant feuilles & flturs : les rofiers, les
ceiiliers à fleurs doubles & les œil-
lets , font fu jets à ces accidents. Pref-
que tous les auteurs qui ont écrit fur
les monflruofités végétales, comme
Bonnet , Duhamel , Schlotterberg ,
Adanfon , t^c. &c. , ont cité plu-
fieurs exemples de monftruofités flo-
rales, &: fur-tcucdefleurs implantées
les unes dans les autres , ce qui a
fait donner aux plantes qui les por-
toient le nom de plantes prolifères.
Quelques plantes cotimbyfcres pro-
duifent aulîi quelquefois des corimbes
implantés l'un dans l'autre.
La fleur de la ballamine ell ter-
minée par un éperon. Je l'ai obfervé
quelquerois avec deux ; i\7. Schlot-
cerherg en a trouvé une à trois. Cu-
rieux de favoir h cette fleur produi-
roit des graines comme les autres, il
ne voulut pas la cueillir; mais fon at»
tente fut vaine, & la fleur fe defljécha.
4*^. Monjlruvfités des fruits. Les
monftruofirés des fruits font encore
infiniment plus multipliées que celles
des tiges , des feuilles & des fleurs ,
& l'on peut même dire en général ,
qu'il n'y a point de fleur monftrueufe,
lorfqu'elle produit un fruit , qui ne
produifeun fruit monftrueux; mais il
ne faut pas en inférer de-Ià, qu'il n'y
a de fruit monftrueux , que lorfqu'il
a exiflé auparavant une fleur monf-
trueufe. Souvent d'une fleur belle,
faine & bien proportionnée, naît un
fruit monftrueux , qui doit alors fon
origine au germe monftrueux contenu
dms l'ovaire. La monftruofité des
fruits eft prefque toujours par excès,
6c par greffe naturelle. Borrichius
5^8
MON
rapporte qu'on lui fit voir une poirf
mo illriuiife de ce genre. C'étoit
inuins un fcul fruit que deux fruits
réunis. Le premier c'toit forme de la
queue & de la moitié d'une poire or-
dinaire ^ l'autre formoit la partie la
plus conddérable , & l'extrémité du
fruit; entre les deux, fortoient de
part & d'autre des feuilles quife tou-
choient avec fymctrie, & s'uniiroient
de manière qu'on les eût prifes pour
une feule feuille diverfement décou-
pée ; on ne voyoit aucune fépara^
tion dans l'intérieur , & tout y étoit
tellement difpofé , qu'on eût dit que
o'étoit un feul fruir , fi ce n'eft quel-
ques fibres irrégulicres , & les pepms
difperfés confufément , qui annoii-
çoient un peu le vice de la conforma-
rion.
M. Bonnet a vu pareillement une
poire qui donnoit naiilance à une ti-
ge ligneufe ôc nouée , dont le fom-
met portoit une féconde poire un
peu plus grode que la première. 11
falloir que cette nouvelle tige eût
porté fleur , &c que le huit eût noué.
M. Duhamel a fait la même obfer-
vation fur un jeune poirier , dans
le jardin des Chartreux de Paris. De
l'œil de prefque toutes les poires de
cet arbre , fortoit une branche ou
une fleur, & quelques-unes de ces
fleurs qui avoient noué leurs huits,
produifoient une poire double , dont
l'une fortoit de l'extrémité de l'autre.
Il arrive fréqueminent quelque chofe
de femblable aux citroniers ; on y
trouve de ces fruits furnuméraires ,
renfermés, foit en partie , foit même
quelquefois en entier, dans le vrai
fruit. Cette obfervation efl: confirmée
par une femblable de M. Marcorelle ,
confignée dans le Journal de Phyfi-
que j de février 178 1 . Il cite aufTi un
MON
grain de raihn double, c'eft-à-dire
un petit grain , garni de feuilles &
d'une petite tige , fortant d'un gros.
Les monftruofités des fruits , par
approche , ou par greffe naturelle ,
font très - communes. Il n'eft pas
rare de voir deux fruits accolés l'un
à l'autre , & recouverts par la même
écorce & le même épidémie : les
deux péricarpes n'en faire qu'un ;
les graines multipliées en raifon des
deux individus. Se lependant le tout
porté par un pédicule commun. Les
baies de genévriers, les prunes , les
cerifes, les poires , les pommes, &c.
font fujets à cy accident. M. Scholot-
terberg a obfcrvé un concombre de
jardin , double , &c réuni à un plus
petit.
Telles font en général les princi-
pales monftruofités naturelles que
l'on a obfervé dans les plantes. Nous
traiterons , au mot Maladie , de
celles qui furviennent par accidens ,
que l'on a regardé improprement
comme des monftruofités , qui n'en
font point , mais de fimples mala-
dies eu excroitfances produites par
des piquures d'infecles, des déchiru-
res , des luxations , Sec. &cc. Cher-
chons à préfent à expliquer, autant
que nous le pourrons , les caufes des
monftruofités naturelles.
Section IV-
Caufes des monjlruojltcs végétales.
Hypocrate , en comparant les monf-
truolités animales aux végétales, nous
a indiqué qu'il flilloit iciraifonnerpar
analogie , comme dans prefque tous
les grands phénomènes de la végéta-
tion , ( I^oye\ au mot Arbre , le pa-
rallèle du règne végétal avec le règne
animal.
MON
animal. ) Lorfque dans la phyfiolo-
gie animale on eut imaginé que tout:
fe ptoduifoic par des œufs, on com-
mença à raifonner affez jufte lut l'o-
rigine des monftres 5 tout ce que 1 on
avoit dit auparavant ctoit, ou abfo-
himent contraire à la véritable pliy-
fique,ou des explications plusoblcu-
resque ce que l'on voulait expliquer.
On accufoit la nature d'erreur & de
méprife , qu'il flrlloit lui pardonner ;
& l'on regardoit les monftres , ou
comme indignes de l'attention d'un
philofophe, ou comme l'objet de fon
horreur. La fcience faifant des pro-
grès infenfibles , a , peu-à-peu , dé-
tourné le voile dont la nature fe ca-
cboit dans la fabrication des monf-
tres j & la découverte des germes &
des œufs , a commencé celle de la
formation des monftres ; c'eft dans
leur exiftence , leur manière d'être ,
& dans leur développement que l'on
a cherché la caufe de ce phénomène.
Mais , à peine a-ton cru avoir
trouvé le vrai principe , qu'il s'eft
élevé deux fentimens fameux.
L'un enfeignoit que des œufs ,
originairement monftrueux , qui fe
développoient aufli régulièrement que
les autres , produifoient naturelle-
ment des monftres , &c que par con-
féquent ces monftres étoient autant
la première intention de la nature ,
que les animaux ordinaires & par-
faits.
Suivant le fécond fyftème , les
monftres doivent leur origne à l'u-
nion & à la confufion accidentelle
de deux œufs. Tous les autres fyf-
tcmes fe rapprochent plus ou moins
de ces deux^à j par conféquent il
eft inutile d'en faire ici mention.
Les germes ayant été fubftiiués
aux œufs , les mêmes principes peu-
Tome FI.
MON
5^9
vent avoir lieu avec les "ermes
comme avec les œufs j & il peut
y avoir des germes monftrueux , ou
deux germes fe pénétrant & fe con-
fondant l'un avec l'autre. Comme
dans le règne végétal la doctrine des
germes paroît ablolument démontrée,
( Foye^ le mot Germe ) nous l'em*
ploirons pour chercher à expliquer
la formation des monftres. M, Bon-
net nous fera d'un très-grand fecours j
& comme en général nous avons
adopté la fublime théorie de cet il-
luftre favant, pour la phyiîologie, il
fera encore notre guide dans le laby-
rinthe oblccr que nous allons par-
courir.
Les germes deftinés par la nature
à fe développer un jour & à vivre ,
doivent être doués de toutes les
qualités néceftaires à cet objet, fans
quoi le but de la nature ne feroit
pas rempli. Si! s'en trouvoit d'ori-
ginairement monftrueux, ils iroienc
diredement contre la fageife de l'au-
teur de la nature; je doute même
qu'il pût être fécondé dans cet état ;
car le germe n'étant compofé que des
feules parties élémentaires , relTerrées
les unes contre les autres , qui doi-
vent un jour ie développer par la fé-
condation & l'accroilTementjs'il man-
quoit une feule de ces parties élé-
mentaires , ou s'il s'en trouvoit quel-
ques-unes de doubles, pouiroit-il
exifter dans ce germe , en cet état de
défordre , la faculté de fe développer.
Avant la fécondation , on peut con-
fidérer le germe naturel comme une
montre ordinaire , douée de toutes
fes pièces infiniment parfaites , mais
dont le reftort n'eft pas monté. On
monte ce reftort : voilà l'aéte de la
fécondation ; voilà le Jlymulus , le
relfort bandé , tout marche , tout va ,
C c c c
570
MON
Ja montre vit. Mais , Ci par lufard
cerce montre venoit à manquer d'une
parrie elTentielle, comme de la roue
de rencontre ou de la roue de la fu-
fée , certainement la montre n'iroit
pas : il en eft à-peu-près de même
pour le développement des germes.
Voilà pour les germes monrtiueux
par détaur. Suppofons à préfent qu'il
fe trouve dans la montre , & fous la
même quadrature , deux tufees ou
deux écliappemens , & même deux
rouages complets l'un dans l'autre ,
il eft de toute évidence qu'en vain
l'on monceroic le rellort , rien ne
marcheroit , parce que tout fe gê-
neroit , tout feroit contre l'ordre &
l'économie : c'eft-làle cas des germes
monftrueuxpar excès. Il eft donc pro-
bable qu'il n'exifte Ik ne peut exifter
de germes monftrueux. Ce principe
paroîrra encore plus vrailemblable ,
fi l'on adopte le lyftême de l'emboi-
rementdes germes, celui auquel nous
donnons la préférence , comme au
plus plaufible. Dans ce fyftcme , l'exif-
tence des germes monftrueux eft en-
core plus difficile à concevoir. Com-
ment , & pourquoi ces germes qui
exiftent de tour temps , qui préexif-
tent à la fét:ondation , qui, avant ce
moment, vivent de la vie de l'indi-
vidu qui les porte , «Se qui attendent le
JlymuLus de la fécondation \ pourquoi ,
dis-je , ces germes feroient-ils monf-
trueux ? Qui eft ce qui les auroit créés
tels ? Et comment auroient ils pu être
emboîtés les uns dans les autres ,
s'ils l'avoient été dès l'origine. Un
germe monftrueux nécelîi:e une monf-
truofité pareille dans le germe qui
l'emboîte \ celui-ci par conféquent
en nécclfue autant; ainlî les uns des
autres jufqu'au premier : ainlî , il ne
pourroitexifteraduellementunmonf-
M O N
tre, foit dans le règne animal , foit
dans le règne végétal , que l'on- ne
fut obligé d'en conclure que le pre-
mier germe , celui qui renfermoic
rous les autres , étoit lui-même monf-
trueux , & que depuis fon dévelop-
pement jufqu'<à celui dont il eft quef-
rion, on n'a eu nécelfairemenr que
des tœtus ou des individus monf-
trueux; ce qui eftabfolument oppofé
à ce que nous voyons tous les jours.
Une plante douce de toutes fes éta-
mines , de fon piftit , &c. , en un mot ,
de toutes les parties nécelFaires pour
la conftituer telle plante , & qui n'a
qu'elles , donne fouvent des grai-
nes qui produifenc des monftres ;
toutes les fleurs doubles viennent
de fleurs fimples. Il en eft de même
dans le règne animal. Combien de
fois n'a-t-on pas vu un monft;re né
d'un homme & d'une femme biers
faits ? Il n'eft donc pas probable,
tranchons le mot , il n'exifte donc
pas de gerir.es monftrueux !
S'il n'exifte pas de germes monf-
trueux dans le règne végétal comme
dans le règne animal , quel peut
donc être le principe l'cs monftruo-
fités? Le même dans les deux règnes.
La réunion de deux germes , leur
confufion durant leur développement ;
en un mot , les monftiuolités font
dues à des fœtus devenus monf-
trueux. Il faut bien diftinguer entre
les germes & les fœtus. Le germe eft
le tœtus avant fa vie propre , & le
fœtus eft le germe vivant & fe dé-
veloppant. Au moment de la fécon-
dation , le germe végétal eft ftimulé
&C animé par l'atftion de la pouliière
féminale , ( Voye-^ Fécondation)
il s'étend , il croît en tous fens.
Mais auparavant ce n'étoit qu'une
gelée ; deux germes à côté l'un de
MON
l'autre étoienr deux gouttes de ge-
lées très voifines : c'efl: comme s'ex-
prime M. Bonnet , une fuite de
points qui formeront dans la fuite
des lignes , ces lignes fe prolonge-
ront, fe multiplieront, & produiront
des furfaces. Combien n'eft-il pas fa-
cile qu'en fe prolongeant ainli dans
tout fens j deux ou pluiîeurs germes
ne viennent à fe coucher , à s'abou-
cher , à fe greffer les uns contre les
autres. Si cette réunion perfifte durant
le développement , le fœtus devien-
dra monftrueux dans l'ovaire de la
plante même \ la germination ani-
mera de plus en plus cette monftruo-
fité , Se elle deviendra très fcnfible
dans la plante adulte.
D'après ce principe , on explique
facilement la formation tSc l'exiftence
des monftres par début , ou par excès.
Si deux germes en fe pénécraiu, dé-
truifent abfolument les parties par
lefquelles ils fe pénétrent, le fœtus
en fera privé , (^ voilà un monftre
par défaut. Si , au contraire, ces par-
ties ne font que fe greffer, Se fubfif-
tent affez ifolées & indépendantes
pour qu'elles foient fenfibles : voilà
un monftre par excès.
Il exifte encore une autre caufe de
monftruofité , qui paroît avoir beau-
coup plus d'influence dans le règne
végétal que dans le règne animal ,
& qui ne dépend nullement de la
pénétration de deux germes , mais
feulement du iimple développement
d'une partie du fœtus au dépens de
fes voifines. Je fuppofe qu'un germe
fécondé d'une rofe , d'une renoncule
ou de toute autre fleur , qui , de
fimple , peut devenir double ^^ar la
culture, fe développe & vive comme
fœtus i il peut fe faire qu'il tire de
la terre & de l'air une nourriture plus
MON 571
propre au développement des pétales
que des ctamines. Qu'arrivera- t-il ?
Les pétales fe développeront plutôt
que les étamines ^ & comme les
germes fe trouvent difféminés dans
toute la plante , les étamines elles-
mêmes pompant une nourriture qui
convient plus aux pétales qu'à elles-
mêmes , ne le changeront pas en
pétales , comme on le dit commu-
nément , mais laifferont développet
les germes de pétales qu'elles ren-
ferment , à leur propre détriment ,
de façon que les eramines ne paroî-
tront plus; mais comme c^s nouveaux
pétales font compofées de deux ef-
pèces de germes , des germes d'éta-
niines , 6c des germes de pétales,
ces nouveaux pétales feront des monf-
tres uifor-mes , qui tiendront plus ou
moins de l'un & de l'autre.
Il en eft de même des piftils. Le
piftil contient fans doute plus de ger-
mes de feuilles que d'autres ; une
furabondance de fucs , plus propres '
à nourrir des feuilles que des piftils,
venant à circuler dans les vaifleaux
des piftils , feront développer les
germes des feuilles au dépens de ceux
des piftils , &; on aura des mrnftres ,
moitié feuilles Si moitié piftils.
Tous les autres exemples de monf-
truofités végétales que nous avons
cités , peuvent tous s'expliquer par
une de ces raifons.
La monftruofité de plufieurs tiges
de même efpèce réunies , ell due à
la confufion de fœtus fe dévelop-
pant, fe pénéttant , & dont toutes
les parties ont été tellement con-
fondues, qu'elles n'en ont plus fait
qu'une , excepté les tiges qui font
reftées accoUées & fenfibles.
La réunion des tiges de différentes
efpèces, e ft fans doure une efpèce d'hy-
C c c c 1
572 MON
bridicité , ( Voyei le mot Hybride)
ôc s'explique très-facilenienc par-là.
Les moaftriioficés des feuilles font
toutes dues à des e;reffes naturelles,
opérées dans le développement du
fœtus même , ou tout au plûtard
dans le bouton.
Il en eft de même des fruits dou-
bles.
Le développement contre nature
des étamines & des piftils , donne
l'explication des fleuts doubles & des
fleurs prolifères.
MONTAGNE. Grande mafTe de
terre , ou de rocher, fort élevée au-
deilus du refte de la furface de la
terre. On peut divifer les montagnes
en cinq ordres j placer dans le pre-
mier les glacières ou monragnes qui
font toujours couvertes de neige &
déglace. Le fécond eft la pairie des
mélèfes. Le troifième des fapins. Le
quatrième des pins , des hêtres ,
( f'^oye-^ ces mots ) & du feigle. Le
cinquième des vignes j du froment,
&c. , à mefure que la hauteur di-
minue , pour ne plus former qu'une
côte & enfuite un coteau. Telle eft,
relativement à la hauteur , l'idée qu'on
peut fe former de ces grandes maifes ,
qui coupent en mille manières la
circonférence du globe. D'après cet
apperçu général , il eft aifé de juger
la hauteur d'une montagne , &c fcs
degrés de froid depuis le haut juf-
qu'en bas, par les plantes qui naiifent
fur ces différentes zones. Cet examen
eft plus du relTort du naturalifte que
de l'agriculteur.
Si l'on conlidère les montagnes
du côzé de leur formation , on dif-
tinguera les monragnes primitives ,
c'eft-à-dire celles dont les fciffures
font de haut en-bas : elles exiftoient
IVI O NT
avant le déluge; les monragnes y?-
co/î^jirej ont été formées par les eaux,
foit du déluge , foit poftérieures :
celles-ci fonr par couches horifonta-
les ou inclinées. Il y a un troilième
ordre de montagnes que je nomme
accidentelles-^ ce font celles formées
par les volcans , & qui font les plus
élevées du canton. Ici tout ordre,
toute harmonie eft dérruite. On ne
voit plus ce bel enfemble ; les laves
ont comblé ou creufé des précipices;
les tremblemens de terre ont ébranle
les monragnes , & elles fe font écrou-
lées dans les abîmes : c'eft à ces grands
accidens qn'eft due la naiffance des
lacs , des amas d'eau qu'on trouve
aftez fouvent dans les pays volcanifés,
&: qu'on doit diftinguer des cratères
ou bouches par lefquelles les volcans
vomilfoient des monceaux de pierres,
des laves & du feu.
Les montagnes primitives font de
nature vitrifiable ; les fecondaires
font calcaires , c'eft-à-dire qu'elles
fourniffentdes pierresà chaux, & font
effervefcence avec les acides. Les pre-
mières n'en font point , & f e fondent
en verre , lorfqu'on les foumet à
l'aétivité convenable du feu.
Un grand nr mbre d'auteurs , avant
^' après M. de Buffon , ont beair-
coup Travaillé fur l'origine Se fur la.
formation des montagnes , on peut
confulter leurs ouvrages ; & ce feroit
s'écarter de celui-ci, fi j'entrois dans
de plus grands dérails ; il fuffit de
les confidérer du côté de leur utilité
pour l'agriculture.
1°. Leur élévation met à couvert
des vents froids , &: par la réfracftion
des rayons du foleil ^ elle augmente
la chaleur de la partie tournée vers
le midi ; tandis que celle qui regarde
le nord, privée de l'impiefiion des
MON
vents du fud, & expofée à ceux du
nord , devient beaucoup plus troide
qu'un femblable tetrcin , ëc fous le
même pacallèle, dont la chaîne de
montagne feroit du nord au fud.
{ Foye^ ce qui eftdit au mot Abri,
la troifième partie du mot Agri-
culture, chapitre, II , pcJge 12-6 ,
oii il eft queftion de la dépendance
des objets de l'agriculture , relative-
ment aux balîîns ik aux abris. )
Les effets produits par les mon-
tagnes ne font pas par-tout les mê-
mes. Par exemple , la haute chaîne
de montagnes appellée Gâte , qui
s'étend du nord au fud , depuis ks
extrémités du mont Caucafe jufqu'au
Cap Comorin , a d'un côté la côte
du Malabar , ëc de l'autre celle de
Coromandel. Du coté du Malabar,
entre cette chaîne de montagnes 6c
la mer , la faifon de l'été a heu
depuis le mois de feptembre juf-
qu'au mois d'avril , & pendant tout
ce temps, le ciel y eft ferein & fans
aucune pluie ; tandis que fur l'autre
côté de la montagne , fur la côte de
Coromandel , c'eft la faifon de l'hi-
ver & des pluies fans relâche. Mais,
depuis le mois d'avril jufqu'au mois
de feptembre , c'eft la faifon d'été
du pays , tandis que c'eft celle de
l'hiver du Malabar j en forte qu'en
plufieurs endroirs , qui ne font guère
éloignés que de vingt lieues de che-
min , on peut, en croifant la mon-
tagne, fe procurer une laifon oppo-
fée , en deux ou trois jours. L'Ara-
bie , le Pérou, offrent lamêmefingu-
larité, &: l'on pourroit , fans fortir
du royaume , ne pas remarquer , il
eft vrai , des altérations fi frappantes ,
mais beaucoupde petites dégradations
de ces gtands phénomènes. Toujours
eft-il certain que nos chaînes de mon-
MON
573
tagnes décident du genre de culture
des environs, Si que fuivant les abris
qu'elles offrent, elles augmentent l'in-
tendté de chaleur, ou la diminuent,
comme on en voit un exemple frap-
pant entre Gênes (Se la province de
Guipufcoa en Efpagne j bien plus
méridionale que cette partie de l'I-
talie. Les divers genres d'agrîculrure
tiennent à la diverfué des climats ,
celle des climats à la diverfué des
abris , & les abris quelconques , à
la difpofition des montagnes.
L'on remarque , li les montagnes
font fèches , c'eft-à-dire , fi depuis
long-temps il n'y eft pas tombé de la
pluie, que les vents qui les traverfent
font chauds & briilans pendant l'été.
Si, au contraire , elles font mouillées,
humides, Sic. ces mêmes vents tem-
pèrent les chaleurs dans les provinces
du midi , produifent des fenfations
froides dans celles du centre du
royaume , ôc un vrai froid dans celles
du nord , parce que ces vents aug-
mentent l'evaporation de l'humidité,
& l'évaporation produit le froid.
Loifqu'elles font chargées de neiges
pendant l'hiver , le grand vent la
mange , expielîlon populaire , qui
déiign'e fon aétion fur la neige , il
en détache & entraîne avec lui la
couche fupérieure, la neige perd de
fon épailfeur , & celle qui eft en-
traînée augmente le froid dans l'ath-
mofphcre. C'eft d'après de femblables
obfeivations , qu'on parvient petit-
à- petit à étudier la manière d'être
des faifons du pays que l'on habite,
la caufe de plufieurs phénomènes
locaux , foit utiles , foit nuifibles. Il
convient d'en rapporter un bien fin-
gulier.
Le bas-Languedoc eft traverfé de
l'cft à l'oueft par une grande chaîne
574 MON
de tnontagne qui s'embranche à leur
extrémité d'un coté , avec celle d^s
Cevennes , du Vivarais , &c. & de
l'autre avec celles du Rouergue, &;c.
Lorfq je la région fupérieure de l'ath-
molphère de ces montagnes com-
mence à fe refroidir dans les mois
d'offtobre , novembre & décembre ,
& lorlque celle de la plaine eft en-
core chaude , s'il furvient dans ces
trois mois un vent d'eft , ou de fud ,
ou fud-eft , qui rraîne avec lui beau-
coup de vapeurs qu'il enlève de la
mer , cette humidité torme des nua-
ges lâches , peu élevés , & qui rellem-
blent à de forts brouillards j ils font
poulies par le vent , & attirés pat
la chaîne des montagnes. En fuppo-
fant à ces nuages la température de
fix à dix degrés de chaleur , ils ttou-
vent, en arrivant fur les montagnes,
un athmofphère de quelques degrés
au-delfous de la glace j ce froid les
condenfe , ils s'accumulent , & leur
pefanteur fpécifique devenant plus
conlidérable que la force de l'air qui
fuffifoit auparavant pour les fouteiiir ,
ils fe divifent en pluie fi abondante,
que vingt-qu.itre heures après les
plaines font couvertes par l'eau dé-
bordée des rivières, quoique fouvent
à peine quelques gouttes d'eau font-
elles tombées dans la plaine. On ne
peut mieux comparer ce phénomène
qu'à celui de la diftillation dans un
alembic où le froid condenfe les va-
peurs dans la partie fupérieure du
chapiteau, & les réunit en un filet
d'eau : tel eft à- peu-près encore l'eftet
de la pompe à teu. Les nuages dont
on parle, ne tranchifient point cette
chaîne de montagnes , toute la pluie
tombe fur les premières en rang ;
mais lorfque la région de l'athmof-
phère eft allez chaude pour ne plus
M O N
conclenfer ces nuages vaporeux' , ils
tranchifient la chaîne fans laiiîer
échapper que peu d'eau. Si l'athmof-
phcre de la plaine eft froid , fi la
neige couvre ces montagnes , les nua-
ges palfent au-delà, (Se vont augmen-
ter la couche de neige fur les mon-
tagnes fupérieures aux premières. Ce
qui prouve exactement ces alîértions ,
c'eft que depuis janvier jufqu'en oc-
tobre , les ruilfeaux, les rivières qui
prennent leur fource dans cette chaî-
ne , ne débordent jamais •, tandis que
fouvent les rivières qui prennent leur
fource dans les Pyrennées, par exem-
ple , débordent dans d'auttes faifons
& par d'autres vents. 11 paroît que
l'on peut expliquer de la même ma-
nière les crues fubites du Rône tou-
tes les fois qu'il règne un vent d'oueft,
& que ce vent le propage jufques
furies Alpes, qui féparent le royaume
de France des royaumes voifins. Ainfi,
le même vent qui fait ici déborder
une rivière , ne produir aucun effet ,
par exemple , à quelques lieues de-là^
parce qu'il ne fe trouve pas les mêmes
caufes de condenfation. D'aorès ces
deux faits , auxquels on en pourroit
joindre une infinité d'autres , il eft
facile à chacun d'en faire l'applica-
carion au pays qu'il habite , & de-
viner pourquoi il pleut plus dans tel
canton que dans un autre ; pourquoi
tel vent eft falutaire ou nuifible, &cc.
Je ne préfente ici que des apperçus ,
c'eft au leéVeur à leur donner l'exten-
lîon qu'ils jugerontà ptopos ; il fuffit
de les metrte fur la voie.
Les montagnes font une des gran-
des caufes de la fécondité des plai-
nes , puifque c'eft d'elles qu'elles re-
çoivent les rivières , les ruilTeaux ,
&c. Ces grandes élévations attirent
les nuages , & l'air de leur région
MON
fupcricure les condense , & les y
téduic en pluie. 11 eft très-rare de
voir clairemeiu le fonimec des hau-
tes montagnes, parce que s'il y a un
feul nuage fur rhorilon,( excepté
au foleil levant & couchant, ) il en
eft enveloppe , il ne peut l'être fans
recevoir la pluie , fans foucirer les
images : il eft rare qu'il fe palfe plu-
lîeurs jours fans pluie. Telle eft l'o-
rigine de ces fources , de ces fon-
taines que l'on trouve fur le fommet
des plus hautes montagnes , & dont
la manière d'expliquer leur formation
a été fi long-temps inconnue. Cette
eau , prefqtie perpétuellement ious-
tirce des muges, filtre à travers les
fciffiires des montagnes j coule &c
s'enfonce dans l'intérieur de la terre,
jufqu'à ce qu'elle trouve une couche
d'argille qui en intercepte l'enfouif-
fement , la force de la fuivre, fou-
vent à des diftances qui étonnent.
Telle eft, par exemple, l'origine des
fontaines falées de Franche-Comté ,
qui prennent leurs fources en Lor-
raine dans les montagnes des Vof-
ges, à plus de trente lieues au-delà
de leur fortie, &c. 5cc.
La 'difpofition des montagnes ex-
plique pourquoi tel ou tel canton eft
fréquemment abîmé par la grêle ,
tandis que ceux qui l'environnent en
font exempts. Les montagnes brifent
les direcVionsdu vent, ^' le contrai-
gnent à en fuivre de nouvelles. Aiiifi,
en fuppofant que la grêle vienne par
un vent d'oueft , & que ce vent ren-
contre une chaîne très-élevée, le pays
fitué derrière cette chaîne , iSc en ligne
diretfleavec l'oueft , ne fera pas grêléj
tandis que fi le vent trouve une gorge
dans ces montagnes , ou deux pics
féparés , il portera la terreur & la
défolation dans tous les lieux qui
M. ON 575
correfponclent à leur embouchure.
Aduellcment , que le ledeut calcule
du grand au petit , Si en talfe l'ap-
plication à fon pays.
Dans le canton ciue j'hibite , fe
vrai vent de nord ne fouftle pas la
valeur de lix jours dans une année,
& dure feulement pendant quelques
heures. 41 eft le préfage certain des
vents d'cftoufud, <^' d'une continuité
de plufieurs . jours très- pluvieux ^
tandis que dans la majeure partie du
royaume ce vent allure le beau temps.
Le nord nordoucft tft ici le garant
des beaux jours. La chaîne des mon-
tagnes des Cévennes , du Velay , fi-
tuée du fud au nord , dirige ce vent
contre la chaîne qui traverfe le bas-
Languedoc de Teft à l'oueft , 8c lui
fait prendre une diredion qui dérive
de la première. C'eft donc relative-
ment à la hauteur, à la direcftion Se
au gilFement des montagnes , qu'il
convient de recourir loifqu'on veut
étudier la manière d'être de l'ath-
mofphère d'un pays. Encore un trait,
pour achever l'efquifte de ce tableau.
Les deux premiers rangs inférieurs des
montagnes qui font au nord de Bé-
ziers , lailfent entr'eux de grands
vallons. Par une efpèce de grande
coupure Irormée .à la longue par les
eaux ou par les éboulemens de
terre , les eaux débouchent dans la
plame. Lors des orages, les nuages
fuivent ces vallons , ces chaînes de
montagnes , ôi femblent fe réunir
pour venir fondre fur la ville de
Béziers ; mais après avoir parcouru
l'efpace de trois à quatre lieues qui
fe trouvent entre ces deux points ,
on voit l'orage , un peu avant d'ar-
river à Béziers , fe p.art3ger en deux ,
<^' gagner à droite & à gauche , pour
fuivre d'un côté le vallon qui eft di-
57^ M ON
rigé du côté de Narbonne , & de
l'aiure dans celui de Pézenas j de
manière que les environs de Béziers
n'ont jamais que ce qu'on nomme
la queue de l'orale. Les habitans les
plus âgés de cette ville ne fe rap-
pellent d'y avoir vu tomber la CTrcie
qu'une feule fois , & il y a plus de
vingt ans. La caufe réelle de la bi-
furcation de l'orage tient donc à
l'efpèce de promontoire de Béziers,
& à la nailfance de deux grands val-
Ions latéraux. L'intérieur du royaume
fournit mille traits lemblables , aux-
quels on ne prend pas garde, & qu'il
feroit important que connût celui
qui veut acheter un _bien de cam-
pagne.
Au not DÉFRicHiMENT , j'ai fait
voit l'abus criant de cultiver les mon-
tagnes trop inclinées, & la faute pref-
que irréparable que l'on a commife
en coupant les bois quiombrageoient
leur fommet. C'eft une perte réelle
pour l'agriculture , & -elle s'étend
beaucoup plus loin qu'on ne penie.
Il en eft réfuîté que le rocher elt refté
à nud, qu'il eft impolîible d'y femer
du bois ; que les plaines fe font en-
richies des débris des montagnes , &
par conféquent exhaulTées j que les
abris fe font abailTés , &■ que dans
telle partie où l'on cultivoit des vignes
ou des oliviets , on eft aujourd'hui
privé de ces produdlions. Une mal-
heureufe expérience démontre que les
pluies font plus rares , & que les
fources ne fourniflent pas la moitié
de l'eau qu'elles donnoient autrefois,
parce que les nuages font beaucoup
moins attirés par ime pique déchar-
née que fi elle étoit couverte de
bois. D ailleurs , avec des bois l'eau
fuie l'enfoncement des racines , pé-
nètre dans l'intérieur de la tetre ,
M O N
tandis que le roc lalallfe fubitemenr
échapper. Combien de prairies natu-
relles n'a-t-on pas été obligé de dé-
truire, parce qu'il ne refte plus d'eau
pour leur irrigation ? Cet abailfement
des montagnes a déjà changé &
changera encore l'ordre des culrures
dans beaucoup de cantons. On die
que les faifons ne font plus les mê-
mes , que les pluies font moins fré-
quentes, tt pourquoi recourir à des
explications qui n'expliquent rien , &
ne démontrent pas lacaule des effets ?
Je dis à mon t®ur , les faifons n'ont
point changé, cherchez en la caufe
dans ce qui vous environne, & vous
verrez que paru ne fuccellion de temps,
&: par des travaux déplacés, les abris
ne font plus les mêmes , & ont fin-
gulièrement diminué depuis un liè-
cle , & fur-tout depuis la faveur êits
défrichemens. Or, (i les abris ne font
plus les mêmes , le canton moins
boifé , il n'eft donc pas étonnant qu'il
y falFe plus froid, qu'il y pleuve plus
raremenr,que les venrs y foient plus
impétueux , &c,
MONTER EN GRAINE. Ce
mot a deux fignifications dans le jar-
dinage ; par la première , on déligne
une plante qui commence à perdre
les fleurs , & qui eft remplacée par fa
graine. La giroflée, par exemple,
allonge fes filiques après les fruits.
La féconde lignification défigne
qu'une plante n'eft pas plutôt femée
qu'elle poulie , & que malgré fa jeu-
ne (fe , elle fleurit &: graine beaucoup
plutôt qu'elle ne devroit. Par exem-
ple , dans le climat de Paris, on
peut femer àts épinards depuis la fin
de rhiver prefque jufqu'à fon renou-
vellement j mais dans les provinces
du midi & même dans plufieiirs can-
tons
MON*
tons de rintérieur du royaume , on
le fème en o6l:obie , novembre ,
fcviier , mars, avril, mai, & pen-
dant le refte de l'été ; la chaleur du
climat le précipite Se il monte pref-
qu'aullîrôt en graine qu'il elt forti de
terre. Il en efl; ainll d'une infinité
de plantes potagères ; preuve démonf-
trative que les é\;rivains ont le plus
grand tort de fixer une époque pour
les femailles , à moins qu'ils ne fpé-
citîent clairement qu'ils activent pour
tel ou tel canton en patticulier.
M ON TREUIL. Village fitué à
une lieue environ de Paris, au-delHis
de la barrière du fauxbourg Saint-
Antoine. Nous ne citons dans ce
Didtioiiiiaire ce canton , que parce
qu'il eft rempli de jardins oîi on
cultive, avec le plus grand fuccès ,
les arbres fruitiers, & qu'il fcroit à
défirer que tous les jardiniers qui fe
deftinent à la même branche d'éco-
nomie , y euflent fliit, avant de fuivre
cette culture , un apprentiiHige de
quelques années. Ces fuperbes jar-
dins , où l'on rencontre à chaque pas
des phénomènes de culture, méritent
d'être vifités par les curieux, par les
gens qui favent apprécier les beautés
de la nature; ils y doivent aller ad-
mirer des efpaliers couverts de fruits
monftrueux, & coloriés le plus agréa-
blement : les étrangers y apprendront
ce que peut l'indullrie, foutenue pen-
dant de longues années , contre les
intempéries d'un climat froid , Se
dans une terre que le foleil réchauffe
fi rarement de fes rayons bienfaifans.
On cultive principalement à Mon-
treuil des pêchers, (Se c'eil: Au-rout
pour cet arbre que ce village eft re-
nommé , comme Montmorency l'a
été pour fa belle efpèce de cerife.
Tome f^I,
MON 577
La culture des pêchers eft cependant
plus en vigueur à Montreuil que
celle des cerifiers ne l'eft à Mont-
morency , où on l'a prefque tout-à-
fait abandonnée. A la vérité on cul-
tive moins de pêchers à Montreuil
qu'on ne faifoit autretois, parce que
ces arbres y font fujets à être dé-
truits par des infectes , & que les
plantations qu'on a faites du côté de
Vincent)es ou de Bagnolet ne font
point lujettes au même inconvé-
nient ; peut-être la nature différente
de la terre , ou du moins les terreins
dans lefc]ue!s on n'avoit jamais planté,
d'arbres fruities , favorifent moins la
production de ces infeétes defttuc-
teurs , que les terres qui font déjà
épuifées par une longue culture.
Les expofiiions des efpaliers font
très-variées à Montreuil, & l'art de
difpofer des murs pour recevoir les
rayons du foleil à différentes heures
du jour y eff très - étudié. Sur un
efpalier le foleil paroît .à fept heuies
du matin , lur un autre à huit, à
neut ou à dix heures feulement. Les
murs qui reçoivent le foleil à fcpc
heures & demi du matin font les
plus favorables à la culture des pê-
chers, parce qu'ils font éclairés plus
long- temps que les autres. Ces diffé-
rentes expofitions font cmfes qu'on
a des fruits murs à différentes épc-
quîs, même à de très-éloignées les
unes des autres.
Les arbres bien abrités , plantés
dans pluheurs pieds de bonne terre
4|fcuve , qu'on a le foin d'élaguer ,
d'cmonder, de laver , de couvrir pen-
dant les temps froids ou dans les
brouillards, ces arbres, dis-jc , ainfi
rrairés , végètent avec force, ils-fe
plient fous la main du cultivateur, ils
ptennent toutes les formes au'il veut
D a d d
y
578 MON
leur donner , & un feul offre quel-
quefois une rapillerie de plus de
foixante-dlx pieds de long. La quantirc
prodigieufe de fruits donc ces arbres
le chargeur, paye abondamment la
peine & les dcpenfes qu'on a faites.
Ces fortes de jardins ne font bien
placés que dans le voifînage d'une
grande ville, d'une capitale, où les
gens riches achettent à grand prix les
primeurs ou les fruits très-beaux : c'eft
ainfi q.ue le luxe & les vices des villes
tournent a 1 avantage des campagnes.
Depuis cent quatre-vingts ans envi-
ron, le village de Montteuil jouit du
précieux avantage de fournir la ca-
pitale des plus beaux & des meil-
leurs fruits. On voit dans ce village des
pêchers plantés à la fin du dernier
fiècle , &: qui font encore d'une grande
beauté j c'eft -là c]u'on trouve des
jardiniers formés par l'expérience ,
ôc qui ont forcé la nature à leur ré-
véler foufecret; c'ed-là qu'on trouve
les plus excellens phyliciens en ce
genre , fans s'en douter j en un mot,
les vrais & les feuls maîtres de l'arc
dignes de ce nom. Cependant la fcien-
ce n'eft plus aujourd'hui uniquement
circonfcrite dans Montreuil ; Bagno-
let &: quelques villages voifmSjOnt éta-
bli une heureufe concurrence , & on
doit efpérer que l'arc gagnera peu à
peu de proche en proche , & qu'à la
fin la méthode meurtrière de tailler
les arbres , ne fera plus que le par-
rage du jardinier qui ne voudra ,
ou qui ne faura pas voir. La répu-
tation de ces villages a eng.agé plilP
fieurs riches propriétaires à y envoyer
des élèves. Si , avec des difpqfîtions',
ils ont refté fous un bon maître pen-
dahc deux ou trois ans , il eft certain
qu ils doivent en revenir bien inftruits.
Les noms de Cirardoc , ancien
* M O R
mourquetaire , qui fe retira à Bagno-
let , & celui de Pépin à Montreuil ,
y feront immortels, & celui de M.
l'abbé Royer de Schabol aura le mê-
me honneur , parce qu'il a perfec-
tionné & réduit en principes la mé-
thode de la taille & la conduite des
arbres , établie par les deux pre-
miers.
MORELLE GRIMPANTE , ou
VIGNE DE JUDEE, ou DOUCE-
A M E R E. ( Foye-{ planche XK ,
page 5 5 9 ; Tournefort la place dans
la feptième feélion de la féconde
clafTe de herbes à fleur en rofette ,
dont le piftil devient un fruit mou &
charnu , & il s'appelle folanum fcan-
dens y feu dulcamara ; Von Linné
la nommt folanum dulcamara , Se la
clalle dans la pentandrie monogynie.
Fleur B. D'une ftule pièce, décou-
pée en cinq fegmens pointus , l'ex-
trémité de ces divifions fe roule or-
dinairement en deiïus ; les étamines
au nombre de cinq , environnent le
piftil C , placé au centredela corolle,
oc le tout eft porté fur le calice Dj
tube menu à fa bafe , évafé à fon ex-
trémité , terminé par cinq petites di-
vifions.
Fruit. Le calice ne tombe point jus-
qu'à la maturité du fruit E ; c'eft une
baie ovoïde, charnue , pleine de fuc,
repréfentée coupée tranfverfalement
en F , pour faire voir l'arrangement
des graines G j elles fonc blanchâ-
tres & lifTes.
Feuilles. Les'fupérieures oblongues
& en fer de pique.
Racine A. Petite, fibreufe & s'étend
profondément.
Port. Tige farmanteufe , grim-
pante , longue de cinq à fix pieds ,
grcle , fragile j les fleurs nailTenc en
M O R
grappes au haut des tiges, &c les feuil-
les font placées alternativement.
Lieu, Les endroits humides j les
haies , les builfons ; la plante eft vi-
vace par fes racines feulement , &
Heutic en mai <Sc juin.
Propriété. Feuilles inodores , d'u-
ne faveur purement douceâtre , en-
fuite légèrement amère, enfin acre.
Elles font apéritives , déterfives, ré-
folutives, expecftorantes.
Voicicomments'exprimeM. Vitet
dans fa pharmacopée de Lyon. Les
feuilles de la douce- amère font un uri-
naire aélif , ne caufant ni ardeur , ni
douleur dans les premières voies , fi
elles font prcfcrites à petites dofes dès
le commencement de l'adminiflra-
tionj elles font indiquées dans la co-
lique néphrétique par des graviers, la
difficulté d'uriner par des matières pi-
tuiteufes, l'ulcère de la veilie, le fcor-
but &C fes ulcères, les écrouelles, le
rhumatifme par des humeurs féreu-
fes , l'afthme pituiteiix , la jauinlfe
parobdruéiion des vailfeaux biliaires.
11 eft permis de douter de leur utilité
dans la fuppredion du flux menftruel,
occafionné par des corps froids , &
dans la morfure de la vipère Il
eft très-rare qu'elles purgent , qu'elles
provoquent la fueur, qu'elles calment
les douleurs de la goutte , du cancer,
& favorifent la réfolution de la pleu-
rélîe par des matières piruiteufes.
M. Razoux,do6leuren médecine,
très-diftingué, de la ville de Nifmes ,
communiqua en 1750 , à l'académie
royale de Iciences de Paris , un mé-
moire fur la doace-amère , (&■ on doit
avec raifon , regarder ce médecin
comme le promoteur de ce remède
en France. Le célèbre Von Linné c.a-
radérifoit de l'épithète à' héroïque, les
vertus de cette plante j c'eft lui qui les
M O R
579
fit connoître à M. de Sauvages, dont
la mémoire fera toujours précieufe
aux médecins , &i celui-ci à M. Ra-
zoux fon digne ami. Une demoilelle
avoir un chancre fcorbiitique à la lèvre
fupérieure , & un autre à la lèvre in-
férieure : tous deux avoient les fymp-
tômes de cette grande, malignité qui
caraûcrifeiu les maux de cette efpè-
ce j les dents fe détachoient prefque
de leur alvéole , «S: le corps étoit par-
femé de taches rouvres , violettes ou
brunes , une fièvre quotidienne pa-
roiOûit tous les foirs, & étoit mar-
quée par un frillon alfez fort. Tous
les remèdes indiqués dans ce genre
de maladie, furent mis en ufage fans
fuccès. Enfin M. Razoux fe déter-
mina à faire prendre à la malade la
décoétion de la douce amère ; les
premiers elTais ne furent pas heureux,
les douleurs dans les extrémités de-
vinrent exceffives j il s'y joignit des
élancemens fi vifs dans la tète , que
fuivant les exprelfions de la mal.ide,
on lui arrachoit les yeux. Malgré ces
fâcheux préfiges , on continua l'ufage
de cette décoélion, & quelques jours
après les chancres doniièrent une
bonne fuppuration , fe cicatnfèrent ,
les taches difparurent, S<. enfin la
malade recouvra la fanté j elle fut
mife enfuite au lait d'ânelTe pour
terminer la maladie, qui a été fans
récidive. Voici comment M. Razoïi
a adminiftré ce remède. On prend
en commençant , un demi gros de
la tige récente ou fraîche de cette
plante ', on en ote les feuilles , les
fleurs & les fruits ; on la coupe par
petits morceaux & on la fait bouillir
dans feize onces d'eaux de fontaine,
jufqu'à la diminution de moitié. On
coule cette décoétion , on la mêle
avec partie égale de lait de vache bien
Ddddi
580 M O R
écrémé , & on en fait boire au. ma-
lade un verre de quatre en quatre
heures. On augmente peu à peu la
dofe de la plante jufqu'à deux gros.
C'eflà la prudence des médecins à en
régler la quantité.
M. Razoux & un très-grand nom-
bre de médecins en ont obtenu les
fuccès les plus marqués dans les mala-
dies dontileft fait mention ci-delTus.
MORELLE A FRUIT NOIR.
( J^oje:[ planché XV ^ F^§^ 5 5?)
Tournefort & Von Linné la placent
dans la même clalTè que la précé-
dente ; le premier l'appelle folanum
officinarum aclnis nigricantïbus _, &
1.' fécond , folanum nigrum.
Fleur. D'une feule pièce , divifée
en cinq fegmens pointus & difpofés
en rofette , au centre defquels on re-
marque le piftil B , & cinq étamines.
Ce piftil fort du fond du calice C.
Fruit, Baie ronde , noire , lilfe ,
marquée d'un point au fommet , à
deux loges. D la repréfente coupée
tranfverfalement , remplie de plu-
lîeurs femences E , prefque rondes ,
brillantes & jaunâtres.
/'V//ii7ej. Ovales, molles, pointues,
dentées , anguleufes.
Racint A. Longue , déliée , h-
breufe , chevelue.
Port. La tige s'élève à la hauteur
d'un pied & plus , fans fupports , her-
bacée , anguleufe , branchue ; les
feuilles deux à deux , l'une à côté de
l'autre; qu^-lquefois foliraires, ainfi
que les pcduncules 5 l'ombelle des
fleurs fe meut au moindre vent.
Lieu. Les endroits incultes , les
vignes , Us bords des chemins ; la
plante eft annuelle &' fleurit en juin ,
juillet & août, temps de la cueillir.
M O R
Proprlt'tés. Les feuilles ont une
odeur narcotique , virulente , & une
faveur nauféabonde 6c acre. Les baies
font inodores & d'une faveur légère-
ment acidulé; toute la plante eft, dit-
on , extérieurement anodine, rafraî-
chilfante , c'eft un doux répercuflif ..
Intérieurement , c'eft^un poifon af-
foupilfant ; les acides lui fervent de
contre-poifon.
Vfages. Plufieurs auteurs ont van-
té à l'excès l'efficacité de la morelle;
l'expérience a démontré que l'appli-
cation des feuilles récentes , quelque
réitérée qu'elle foit , calme rarement
les douleurs caiifées par les hémor-
rhoïdes externes , la douleur du pa-
naris , du cancer occulte & du can-
cer ulcéré ; elles ne détergent point
les ulcères fcrophuleux ; elles ne fa-
vorifentpas l'éruption des éryfipèles;
elles fontnuifibles dans toutes efpèces
d'inflammations cur?.nées , & dans les
violents maux de tête par la fièvre...
L'eau diftillée , propofée pour réfoii-
dre les inllammations internes, & pour
difliper l'ardeur d'urine , doit être reje-
tée. Plulieurs obfervations conftatent
qu'elle eft vénéneufe ik. par confé-
quent dangereufe. Telle eft la ma-
«ière dont s'explique M. Vitet, dans
fa pharmacopée de Lyon.
MORFONDU. Terme confacré
par M. Roger de Schabol , à l'occa-
iion de la fève du prinremps & des
greffes enterrées. " Quand, au prin-
temps, il furvient certains coups de
foleil vifs qui , d'abord , mettent tout
en mouvement 6c font monter préci-
pitamment la fève , Ôc enfuite à ces
coups de foleil fi pénétransfuccèdent
tout-à-coup des vents de galerne ,
dont le froid faifit & refroidit ces ar-
bres ou couloir rapidement la fcve ,
M O R
on fe fcrt alors du terme de morfon-
dre , pour exprimer ce qui fe pafle
dans les planres; il leur arrive ce que
nous éprouvons nous-mêmes , quand
patlaiic fubiremenc d'un cxccs de cha-
leur à un froid faifilîant , nous fom-
mes frappés de fluxion de poitrine ;
il fe fait alors un mélange , un boule-
verfemenc d'iiumeurs par la réper-
cudion de la matière de la tranfpi-
ration. La même chofe arrive dans
les plantes , ôc c'eft delà que vient cette
maladie fatale aux pêchers (i)_, que
l'on appelle la cloque ou hrouijjure. »
" On dit encore fève morfondue
en parlant des greffes enterrées : ainfi
quand par l'impéritie & la mal-adref-
fe du jardinier , dont il n'eit pref-
qu'aucun qui fâche planter , la greffe
efl enterrée , la fève qui palfe par
ces greffes, abreuvée par l'humidité
de la terre, ne peut être que mor-
fondue. Les greffes des arbres font
faites pour recevoir les imprellions de
Tair , comme les racines font faites
pour recevoir l'humidité de la terre , 5c
non pour l'air 5 ainfi les racines font
faites pour l'humide & périront à
l'air, de même les greffes fe trouvent
fort mal d'être enterrées «Se morfon-
dues dans la terre. On ne peut trop
infifter fur ce fujet à raifon de fon
importance , (ï^ parce que le mal eft
prefque univerfel.
MORFONDURE. Médecine Vt-
TÉRiNAiRE. En Languedoc , la plu-
part des maréchaux, & prefque tous
les payfans , appellent de ce nom
toute maladie dans laquelle le che-
val, l'âne & le mulet font dégoûtés,
M O R
5S1
ont le poil terne & hériflc , fur-tout
à la queue , fans toux ni flux par les
nafeaux , ni engorgement des glan-
des lymphatiques de la ganache ; ils
font dans l'erreur , puifque d'après
une expérience journalière, la mor-
fondure cil: une affection femblable au
rhume iimple de l'homme , avec toux,
écoulement de mucofîré , comme
dans la gourme, { Foye:^ ce mot)
d'abord hmpide , féreux & abondant
dans le commencement , épais à !a
lîn , tiifleffe , perte d'appétit , & qui
dégénère quelquefois en morve ,
( yoyei ce mot ) fi elle eft négligée
ou mal traitée.
Les caufcs les plus ordinaires de
cette maladie font le froid : fl \\n
cheval , par exemple , après avoir eu
chaud , eft txpolé au froid , au vent
& à la pluie , la tranfpiration qui fe
fait à la tête , elf tout-à-coup fuppti-
mée , la peau fe condenfe , les pores
fe relferrent , & l'humeur de la tranf-
piration refluant dans le nez , il en
nait la morfondure. Les hoi(fons trop
fraîches refpeélivement à l'état de
l'animal , peuvent occafîonner auffi
cette maladie.
Quelquefois la difficulté de refpirer
eft fl confidérable , que la vie de l'a-
nimal elf en danger. Nous avons vu
dans un «.heval de carrolTe , apparte-
nant à M. l'évêque de Lodève, une
difficulté de refpirer fî forte , à la
fuite d'un froid que cet animal avoir
éprouvé , qu'il ne pouvoir rien ava-
ler , & , pour le tirer du danger dont
il étoft mcJnacé , nous fûmes obligés
de lui faire ouvrir la jugulaire , mal-
gré le préjugé du cocher, qui dans
(1 ) 'Note de l'Editeur. Je ne fuis pas d'accord avec M. Roger de Schabol fur la caiife d-e
cette jnaladie. Voyc-^ les motifs de cette différence , r.ipportcs au /not Cloque,
581 M O R
ce cas re^ardoic la faiiinée comme
mortelle.
Traitement. Aii(îî-tôc que la mor-
fondiire commence à fe manifeller ,
il faut piomptement expofer la tète
du cheval aux fumigations émol-
lientes , dans la vue de détacher la
matière, & de diminuer l'engorge-
ment des glandes. L'eau blanche, ni-
trée & miellée , lui fervira de boiflon 5
le fon mouillé 8c la paille feront la
feule nourriture à lui préfenter dans les
trois ou quatre premiers jours de la
maladie : on le tiendra couvert, dans
une écurie chaude, propre, & dont
l'air foit bien pur.
Cette méthode , quoique fimple ,
eft bien oppofée à celle que tiennent
la plupart des maréchaux de la cam-
pagne j qui ont l'habitude de faire
fuer des animaux par des couvertu-
res de laine &c des breuvages échauf-
fans, réitérés fur-tout à haute dofe ,
perfuadés que les remèdes de ce genre
ont plus d'affinité avec le tempéram-
ment des brutes qu'ils traitent, que
les mucilagineux & les adoucilfans.
Mais qu'arrive-t-il de cette mauvaiie
conduite ? qu'au lieu de remédier à
la morfondure , ils provoquent des
inflammations de poitrine ou des
toux violentes qui conduifent inévi-
tablement l'animal à la mort. Cette
obfervation eft très - importante , &
elle doit intérefler les fermiers qui
ont des animaux utiles à leurs tra-
vaux. M. T.
MORGELINE. ( Foyei Planche
XF j page 559) Tournefort la
place dans la féconde feâ:ion de la
fixième clalfe des fleurs de plufieurs
pièces régulières , dont le calice de-
vient une capfule , <?c il l'appelle al-
Jinc mcdia. Von Linné lui conferve
M O R
la même dénomination , & la clafFe
dans la pentandrie trigynie.
Fleur B. Séparée de la plante. La
corolle eft compofée de cinq pétales
égaux , plus courts que les feuilles
du calice j ces pétales font fendus
dans prefque toute leur longueur ,
comme on le voit en C. Les parties
fexuelies D font les cinq étamines
(Se le piftil j quelquesfois on trouve
dix étamines. Celles- ci, figure D,
font attachées à la bafe de l'ovaire
en oppolition avec les pétales de la
corolle B. Le piftil D eft compofé de
l'ovaire , de trois ftils &c de trois ftig-
mates. Le calice E ell compofé de cinq
feuilles égales.
Fruit, Le calice devenu membra-
neux , perfifte jufqu'à la maturité du
fruit qu'il enveloppe , comme on le
voit enFj c'eftune capfule à une feule
loge ovale , qui renferme des femen-
ces menues , rougeâtres , attachées
au placenta , en manière de grap-
pes G.
Feuilles. Simples , entières , ova-
les , en forme de cœur , portées par
des pétioles.
Racine A. Fibreufe , chevelue.
Port. Plufieurs tiges herbacées ,
cylindriques , foibles, d'un demi-pied
de haut , couchées , velues , articu-
lées , rameufes 5 les fleurs naiflent
au fommet , partent des ailTelles &
font feules a. feules. ; les feuilles font
oppofées fur les nœuds des tiges.
Lieu, Les jardins , les cours , les
chemins \ la plante eft annuelle , &
fleurit en mai.
Propriétés, Les feuilles ont un
goût d'hetbe , un peu falé • la plante
pafle pour vulnéraire , décetfive , ra-
fraîchiiraïue.
MOR
MORSURE. Médecine ruralb.
Solution de continuité faite à la peau
par les dents de quelque animal irri-
té. Pour l'ordinaire , les morfures
faites J5ar des animaux qui ne font
ni venimeux ni enragés , ne font fui-
vies d'aucun accident grave. Les ma-
lades relTentent néanmoins dans la
partie mordue , de la douleur , de
l'irritation , toujours fuivies d'une lé-
gère inflammation contre laquelle on
n'emploie ni faignée , ni aucun au-
tre moyen antiplogiftique : ces for-
tes de blelfures fe traitent le plus
iîmplement poffible ; on fe contente
de les laver avec de l'eau de guimau-
ve pludeuts fois dans le jour , & de
les couvrir d'un emplâtre luppuratif,
tels que l'onguent de la mère , ou
une combinaifon de cire jaune, avec
l'huile d'olive 5 fouvent des compref-
fes d'eau froide & humcétées très-
fouvent, fuffifent. Les morfures de
ce genre doivent être traitées com-
me des plaies fîmplesqui feguérifl^enc
d'elles-mêmes par la fîmple priva-
tion du contaél immédiat de l'air.
Il n'en eft pas de même de la mor-
fure des animaux venimeux , tels
que le ferpent .à fouettes , la vipère,
& plulleurs autres : ceux qui ont le
mallifcur d'en être mordus , courent
les plus grands rifques de perdre la
vie Cl l'on n'emploie promptement
les remèdes propres à en arrêter les
effets & les progrès.
Morfure du ferpent à fonnettes.
Le ferpent à fonnettes n'a pas
plutô'c fiiit fa morfure , qu'aulîî-tôc
la partie afftâée devient froide ,
douloureufe , tendue & engourdie.
Une fueur froide s'empare de tout
le corps, & notamment des alen-
tours de la plaie. Si la morfure a
M O R 383
été faîte aux parties inférieures , les
glandes des aînés ne tardent pas
à être tuméfiées , ainlî que les glan-
des des aiifelles , fi le mal a fon fiè-
ge dans les parties fupérieures j la
chaleur qui furvient à la plaie efl tou-
jours relative à la morfure & à fa
grandeur ; les bords en font meur-
tris , les malades y reflentent une dé-
mangeaifon des plus vives , leur vi-
fage devient contrefait , il s'amalfe
des matières gluantes autour des yeux,
les*larmes font vifqueufes , les'arti-
culations perdent le mouvement , &:
cet accident tft toujours fuivi de la
chute du fondement Se des envies
continuelles d'aller à la felle. Les
malades écument de la bouchej le vo-
miflement , le hoquet & les convul-
fions ne tardent point à paroître.
On remédie à tous ces accidents,
en prenant intérieurement de la ra-
cine d'althea & de panais : cette der-
nière eft un remède excellent , foit
qu'on la mange verte ou qu'on la
prenne en poudre.
On appliquera fur la plaie une
feuille de tabac trempée dans du rum.
Se tout de fuite on donnera au ma-
lade une forte cuillerée du remède
fpécifique contre la morfure de ce
ferpent , publié en A ngleterre , par
le do(5teur Broohs , dont l'invention
eft d'un nègre , pour la découverte
duquel il a été affranchi , & l'airem-
blée générale de la Caroline lui a fait
une penfion de cent livres fterlint^s
par année, fa vie durant: nous al-
lons en donner la formule , telle que
Buchan l'a inférée dans le troilîème
volume de fa médecine domeltique.
Prenez de feuilles & racine de
plantain & de marrube , cueillies en
été, quantité fufïîfintej broyez le
tout dans un mortier, exprimez- en
5S4 M'G R
le fuc y fi le mala Je a de la répugnance
à avaler , par je qu'il a le col gonBc >
il faiu la lui faire prendre de force.
Cetre dofe fufltîc pour l'ordinaire ;
mais h le malade ne fe trouve poiiit
foulage , il faur au bouc d'une heure
lui en donner une féconde cuillerée ,
qtii ne manque jamais de guérir.
Morfurc de Lz vipère.
, Les anciens ont très - bien connu
la vipère à caufe de fon venin j ils
legardoient cet animal comme h ter-
rible , qu'ils croyoienr qu'il étoit en-
voyé fur la terre pour alfouvir la co-
lère de l'Etre fuprême, fur tous ceux
qui avoient commis des crimes qui
n'étoient point parvenus à la connoil-
fance des juges. Les Egyptiens regar-
doient les ferpens comme (acres , &
comme les miniftres de la volonté
des dieux qui pouvoient préferver les
gens honnêtes de tout mal , &; qui pou-
vùient beaucoup nuire aux méchans
en leur raifant fubir les plus cruels
fupphcc-s.
C'eft anfli d'après un culte aufli fu-
perftitieux , que l'antiquité a repré-
fenté la médecine fous l'image de la
vipère , foit dans les ftatues , foit dans
les armoiries : mais Macrobiu.i en
donne une raifon toute oppofée, &
prétend , que comme les ferpens chan-
gent de peau tous les ans , ils font , par
cela même , le vrai fymbole de la fanté,
dont le recouvrement eft fans con-
tredit regardé comme un nouveau
période de la vie : les dépouilles des
ferpens font fans doute l'emblème de
la vieillelfe \ & le recouvrement de
la vigueur , celui de la fanté.
La vipère en mordant , exprime
un fuc venimeux , qui devient l'inf-
trument & la caule des défordres
k'S plus affreux.
M O R
Aullî-tôt qu'on a été mordu, on fent
dans la partie une douleur vive, fuivie
d'un engoardllfement , d'un gonfle-
ment, Se d'une efpèce de boumirure 5
infeniiblement la partie fe tuméfie, &
perd entièrement le mouvement &:
le fentiment. L'enflure gagne infenfi-
blementdes pieds aux jambes & aux
cuilfes, des mains au bras & à l'avant-
bras. Mead^ obfer\ é des maux de cœur,
des foiblelTes , des délaillances , de.»
vertiges , des convulfions , & le vo-
miflement de matières bilieufts.
Son obfervation eft en cela bien con-
forme à celle de f^epfer y fur les ef-
fets des poifons ; il ajoute , que lorf-
que la maladie eft lur fon déclin ,
& que les fymptomes augmentent ,
la couleur de la peau devient d'un
jaune foncé.
Le vrai fpécifique du venin de la
vipère , eft l'alkali volatil , pris à la
dofe de fix gouttes dans un verre
d'eau , & verfé en alFez grande quan-
tité fur chaque blelTure pour fervir à
les baflîner & à les frotter. C'eft à
1 illuftre Bernard de Jufiieu qu'on eft
redevable de cette découverte^ il fut
le premier qui guérit un étudiant en
médecine , qui fut mordu un jour
dhetborifation par une vipère , uni-
quement avec de l'eau de Luce , qui
n'eft qu'une préparation d'alkali vo-
latil , uni à l'huile de fuccin. Ce
même malade étant tombé , quel-
ques heures après ce remède , en dé-
faillance , une féconde dofe dans du
vin la fit difparoître^ on le réitéra
dans la journée ; il fit défcnfler les
mains, en taifant le lendemain des
embrocarions avec de l'huile d'olive,
à laquelle on avoir ajouté un peu d'al-
kali volatil , &c fit difp.iroitre l'en-
gourdilîement du bras, & une jau-
nilfequi avoit paru le troificme jour,
en
M O R
en faifant avaler au malade , trois
fois par jour, deux gouttes d'aikali
volatil dans un verre de boillon.
Autretois , pour guérir les effets
venimeux de la vipère, on falloir des
ligatures très-fortes audeirus de la
partie mordue , & en même temps
des fcarifications profondes fur la
plaie ] on y appliquoit du fel , du poi-
vre & autres matières ttès-irritantes,
enfin on falfoit avaler du vin aro-
matifc j on fe contentoit même de
faire (ucer la playe.
Mais aujourd'hui les moyens qu'on
employé lont & plus doux Se plus efii-
cacesj onfe fert, outre l'alkali volatil,
de l'application de l'huile d'olive qui
futfic quelquefois pour guérir de l'im-
prellion du venin de la vipère fur la
peau. On lir dans la gazette de fanté
( n°. 1 1 , mois de mai i 777 ) qu'uu
homme appercevant une vipère fous
une laitue, tk. voulant l'aircter par le
milieu du corps avec un iiiftrument
trop toible poui pouvoir la blelfer , prit
fon couteau pour lui couper la tète;
mais l'animal, irrité, s'élance fi vio-
lemment, qu'il leretireavec frayeur;
revenu de fa peur , il parvint à la
tuer : un moment après , li main
qu'il avoir préfentce devint très-en-
flée , il alfuia n'avoir pa^ été mordu,
il fe frotta la main ave l'huile d'o-
live , & cela fuffit pour le guérir.
Cette obfervarion pourroit faire
préfumer que la vipère lance fon ve-
nin par la feule contraûion de fes muf-
cles, 6c que le venin ainfi lancé s'in-
finue à travers l'épiderme, fans qu'il
yaitbltfTureà la peau. Mead à vu jailnr
le venin de la vipère comme d'une
feringue , en faifanr ouviir la gueule
à ce reptile, &: en lui prelT.uir exfic-
men:ent le co! , "niirqu; le mufile qui
preiïe la glande ou le venin fe filtre.
Tome VI.
M O R 5SS
eft fufceptible de la plus fotte con-
traction , &: peut en outre exprimer
fubitement les veficules qui le renf-er-
ment & l'en faire fortir , comme par
la comptellion on fait fortir l'huile
elfcntiellc contenue dans les mame-
lons de l'écorce d'un citron. M. Ami.
Morsure. Médecine vétén~ •^
nuire. C'eft une plaie faite i la peau
par la dent d'un animal. Les mor-
fures par elles-mêmes n'oint aucune
fuite funefte ; mais elles produilent
quelquefois des effets terribles ,
quand les animaux qui les font ,
font en futeur , ou enragés , ou ve-
nimeux.
Notre dellein n'eft pas d'entrer ici
dans une longue difcullion fur les
remèdes qu'on doit employer contre
les effets de la morfure des animaux
enragés. On trouvera là-dellus les
détails nécelfaires , en confultant le
mot Rage. Nous allons traiter feu-
lement de la morfure de la vipère ,
comme étant l'accident le plus ordi-
naire\ & le p'u<. funefte aux animaux
répandus dans la campagne.
Le venin de la vipère tft corrofif.
Canheufer , dans fa matière médi-
cale, dit d'après Rhedi , que fa cou-
leur eft frmblab'e à l'hui'e que l'on
retire des amandes djuces; il eft ren-
fermé dans des viTicules qui fe trou-
vent fous la dent de ce reptile, lorf-
qu'il les a redrellées pour moulre. La
vcficule étant alors comprimée , le
venin coule dans la denr, .S; s'infinue
par une petite fente Lngitudinale,
qu'on remarque à l'extréuvré de la
ciHirbure externe de cette derr. I orf-
qu'elie mord, elle ir.rroUiit dms la
plaie fon venin , qui ,s'infinuant 'ans
les vaiff"e ux , coagule peu-à peu le
fang, interrompt la circulation, &C
E e e e
^86
M O R
la mort fui: de près, fi l'animal n'eft
pas prompremenc fecouru.
On a remarqué que les petits ani-
maux mourroient beaucoup plus
promptcment de la morfure que les
grands.
Le meilleur remède qu'on ait em-
ployé jufqu'à préfent contre la mor-
iure de ce reptile , eft fans contredit
l'alkali volatil fluor. 11 eft prouvé
que ce fluide, en fe combinant avec
l'acide du venin , le neutrahfe , «Se
forme un mixte qui n'a plus rien
de mal - faifant. Mais il eft certain
que pour obtenir un bon effet de
cet alkali, il faut l'employer prefque
auflîtôt après la morfure. Nous en
avons un exemple dans deux c'nicns
confiés à mes foins. Un chien cou-
rant , qui ne me fut amené que
deux heures après l'-accident, &: fur
la morfure duquel j'appliquai l'al-
kali volatil , périt deux heures après ;
tandis qu'un mâtin , mordu dans
une vigne , par une vipère , & fur
la plaie duquel je mis tout aufli-tôt
une comprelîe d'alkali que j'avois
fur moi dans un flacon , échappa à
la mort. Je hs prendre encore à ce
dernier quelques gouttes à'alkali dans
de l'eau commune.
Ladofe de ce fluide doit être pro-
portionnée à la force & à la grofîeur
de l'animal. On pourra donc le faire
prendre aux bœuf-s de la plus haute
taille , jufqu'à la dofe d'un gros ; la
moitié de cette dofe fuffira à un che-
val de taille médiocre j un quart de
dofe pour le mouton, la chèvre, le
chien de la forte efpèce. Mais l'ef-
fentiel ell d'en mettre des comprefles
fi.ir la morfure , & d'en faire de temps
en temps par-deffus des embrocatioiis
fî l'on voit que le gonflement foit
confidérable.
M O R
Si , par mégarde, un maréchal ou
un berger avoient tait prendre inté-
rieurement , fans eau , une trop
grande quantité à'alkali volatil , on
fera cefler l'érofion qu'il aura pro-
duite, en donnant à boire à l'animal
du petit-lait , ou de l'eau avec du vi-
naigre. M. T.
MORTALITÉ. Il ne s'agit pas
ici de ces grandes mortalités qui
furviennent dans les épidémies. Pet-
fonne ne fauroit calculer leurs effets.
Il fufïit d'obferver qu'à Paris & à
Londres , il meurt par an une pei-
fonne fur trente 5 dans les petites
villes 5c dans les bourgs, une fur
trente-fept, & dans les campagnes
une fur quarante. La différence eft
donc au préjudice des grandes villes.
Si les habitans des campagnes y
étoient plus heureux; fi le luxe, le goût
de la frivolité, & peut-être de l'oifi-
veté étoient moins répandus , ils ne
fe jetteroient pas en foule dans les
villes, &: on les verroit moins fe dé-
peupler. Que de réflexions préfente ce
tableau de mortalité à l'efprit de celui
qui réfléchit de fang froid ! Je laiffe
à mes lefteurs la facilité de les mul-
tiplier ; elles feroient ici déplacées.
Ce tableau eft trop général ; il auroit
convenu de calculer ces mortalités
dans les villages fitués près des étangs,
des marais , des relaiflés des fleuves ,
de la mer. Sec. Je mets en fait, que
dans la plaine du Forez , dans la BrelTe-
Brellandejdans certains voiiinages de
la met , la mortalité eft d'une per-
fonne fur vingt ! ( Voye^ le mot
Etang. )
MORTIER. Mélange de terre ou
de fable , avec l'eau & la chaux
éteinte dans l'eau. ( f^oyi\ ce quia
M OR
été dit aux mots Chaux , Béton,
articles eircutielsà cekii-ci, auili que
les mots Cavhs , Citernes , Cuves.
Quelle doit ctre la proportion en-
tre la chaux , le fable & l'eau pour
faire un bon mortier. Je n'eiuieprcn-
drai pas de r^-foudre ce problêaie ,
dont la folution me paraît elieiuiel-
lement impolîible.
11 y a autant d'efpèces de chaux que
de cantons oîi on la fabrique, & iou-
vent dans le même canton, la pierre
tirée de telle ou telle autre carrière,
diffère de celle de la carrière voifine,
& varie fuivant les bancs de la même
carrière. De là (ont prifes les déno-
minations de chmx g ra[fe , de chaux
maigre , &c. ; c'eft-à-dire que celle-
ci existe beaucoup moins de fable ,
parce qu'elle contient elTentiellement
peu de parties calcaires , mélangées
avec beaucoup de fubftances peu luf-
ceptibles de calcination , comme les
argilles , les craies, &c. L'autre, au
contraire , demande beaucoup plus
d'eau pour l'éteindre , &: plus de
fable pour en Faire un bon mortier.
C'eft en partant de ces deux points ,
& en variant les proportions , que
l'on parvient à connoître la chaux
de fon canton & fa qualité. Cepen-
dant , Cl la chaux n'eft pas alfez cuite ,
qu'elle foit mal calcinée , on ne peut
rien conclure.
On qualifie encore du nom de chaux
^ra/Zè, celle qui reifemble à du beurre,
par fa fînelfe \ & chaux n^gre , celle
qui contient des graviers ou des por-
tions pierreufes non calcinées, foit
parce qu'elles n'en ont pas été fuf-
ceptibles , foit parce qu'on n'a pis
adez poulTé le feu penduit la cullfon.
De la qualité du fable dépend en-
core celle du mortier. Le fible le
plus fin n'eft pas le meilleur. 11- cou-
M O R 587
vient de choilir , quand on le peut ,
un fable anguleux. Le fable gras eft
préférable au fable fec. Si on ne peut
pas fe procurer de fable , la brique
pilée peut le fuppléer , & elle eft à
préférer au meilleur fable. Au défaut
de ces deux matières , on peut fe
fervir d'argile préparée , ainfi qu'il
fera dit en parlant du mortier de M.
Loriot. L'expérience a démontré que
lorfque l'on prépare le mortier auill-
tôt que la chaux el^ éteinte , & qu'elle
eft encore très-chaude , ce mortier
fe durcit , fait corps & fe cryftallife
beaucoup plus promptement que lorf-
que la chaux a été éteinte depuis
long-temps j lamaçonnerie, faite avec
ce premier mortier, eft beaucoup plus
folide , plus ferme, dure plus long-
remps, i!:v' elle efl: moins fiijette aux
imprellions des météores. Cette ob-
fervation eft importante, fur-tout lorf-
qn'on eft forcé à bâtir dans l'arrière-
faifon. Si une gelée un peu forte, fi
des pluies furviennenr , le mortier
fait avec de la chaux éteinte depuis
long-temps. Si par conféqiient très-
longue à cryftallifer, foultrira beau-
coup , par la défunion de fes par-
ties glacées par le froid , ou trop im-
bibées d'eau par les pluies. Une chaux
nouvellement éteinte , confomme
plus de fable que la même chaux qui
l'eft depuis long-temps. Dans les
grandes entreprifes , ce n'eft pas une
petite économie. On compte qu'il faut
ordinairement trois quintaux ce
chaux, poidsde marc, pour une toife
quarrée de maçonnerie d'un mur de
dix-huit pouces d'épailfeur. Cepen-
dant il n'y a point de règle géomé-
triquemenr fîire fur ce point. Un
des grands défauts dans la conftruc-
tion , vient de la part de ceux qui
broyent le mortier. Les er.fans , ou
E e e e 1
5S8 M O R
petits mp.jiœuvics , font prefqiie tou-
jours chargés de ce travail , & ils n'ont
ni la force, ni la patience de le porter
à fa perfection On ne fauroit broyer
le mortier trop long-temps , ni tiop
divifer les molécules de la chaux, &
les ama'gamtr avec le f.ible. Si les
maçons font chargés deropéia'tion ,ils
commencent leur journée par broyer
le mortier , & ils en préparent , à
peu de chofe près , autant qu'ils pré-
voient pouvoir en employer dans la
journée. 11 arrive que ce mortier eft
rrop fuichargé d'eau , & malgré cela ,
dans les grandes chaleurs de l'été , l'é-
vaporatiun eft trop forte, la crjftalli-
lation commence, il faut ajouter de
temps à autre de l'eau pour renou-
veller la fouplelfe du mortier , è\: en
dérange certe cryftallifation d'où dé-
pend la folidité de l'ouvrage, llcon-
vienr donc de veiller attentivement
à ce qu'ils broyent le mortier après
chacun de leur repas , c'eft- à- dire trois
ou quatre fois par jour , ou bien il
faut que la même perfonne foit oc-
cupée à le préparer à mefure qu'on
l'emploie. Ces détails font trop né-
gligés , on s'en rapporte trop à l'ou-
vrier à qui il imporre tort peu que
le mortier foit trop gras ou trop mai-
gre i les trois quarts du temps c'eft
un automate c]ui agit , qui broyé
aujourd'hui comme il le fit hier,
fans examiner fî la chaux eft de même
qualité j ou qui fe hâte de broyer
tant bien que mal , afin d'avoir plus
de temps pour fe repofer.
D'un autre côté , le maçon , fi
l'ouvrage eft donné à prix fait ,
économife fur la quantité de chaux,
& il augmente les proportions du fa-
ble j dès-lors , le mortier en fe fè-
chant , n'opère qu'une cryftallifation
imparfaite : le maçon épargne égale-
M O R
ment le mortier dans la conftrudtion,
& fi ou n'y Veille de près , on trou-
vera , d'une pierre à une autre , cc qu'on
appelle des chambi .s , ou vides, qui
dms la fuite deviendront le; repaire
des rats tk des fouiis , & facilitetont
l'ouverrure de leurs galeries dans l'é-
pailfeur des murs.
Si on fournit les matériaux aux
maçons, &: qu'on leur paye la main-
d'oeuvre à tant la toife , on n'aura
prefque que des lits de mortier; les
pierres feront moins bien jointées,
moins ferrées les unes contre les au-
tres, Se à peine les ouvriers fe fervi-
ront ils de leurs marteaux pour les
bien enchâfTer dans le mortier. Le
meilleur mur eft celui qui eftconftruic
avec rrès-peu de morrier , où l'on
n'a pas épargné les retailles ou petites
pierres , afin de remplir tous les vides,
&" de ne pas laillcr de^ malFes trop
épaiftes de mortier ; enfin , celui où
le marteau de l'ouvrier a beaucoup
travaillé.
D'après ces obfervations , aux-
quelles on pourroit en ajouter beau-
coup d'autres , on fent la néceflîté
où l'on eft de fuivre les ouvriers j
de prendre de temps en temps leur
petit levier , de fonder entre les af-
filfes de chaque pierre , afin de fe
convaincre par foi-mêine eue la ma-
çonnerie eft bien garnie, qu'il n'y a
pas de chambres , ni de trop forts
dépôts de mortier. Si l'on s'apperçoit
de quelques-uns de ces défauts , il
n'y a pas à balancer , on doit faire
lever un aflife de pierre fur une lon-
gueur dérerminée , afin de convain-
cre l'ouvrier que vous avez des yeux
accoutumés à voir , que vous con-
noitfez le travail ; enlîn , il fera
obligé de refaire l'ouvracre toutes les
fois que vous le trouverez mauvais
M O R
ou mal conditionné. Mais , afin que
l'ouvrier ou le piix-tataire ne (oit pas
dans le cas de le plaindre , cette vé-
rification, de la part du maître, doit
être ibpulce dans le concordat que
l'on palIe avec lai avant de commen-
cer rentreprife. Alors, s'il y travaille
mal il fcft dans fon tort , & il n'a
aucun prétexte pour ne pa-. recom-
meneer l'ouvrage lorlque les dcfec-
tuofi.-cs l'eXigen:. Apres deux ou trois
bonnes leçons dans ce genre, &c lorf-
quil fera convaincu que le maître
vilite fouvciit fes travaux , on peut
alors elpcicr que la maçonnerie lera
folide , & c'ell le feu! & unique
moyen pour atteindre à ce but.
On eft aujourd'hui très-étouné de
la dureté du mortier employé par les
Romains j les pierres cèdent pius laci-
lement que ce mortier à la pince ou à
l'effort de la poudre. A cet égard il
convient de remarc]uer qu'un mor-
tier tien fait acquiett , par le laps
des temps , une folidité , une té-
nacité extrêmes j en (econd lieu, que
les Romains employoient des pro-
cédés , dont on trouve quelques tra-
ces éparfes dans leurs écrits. La vue
de leurs anciens travaux a fixé l'at-
tention de M. Loriot , Ce l'a en-
gagé à conclure que la folidité de
leurs ouvrages ne tenoit ni à un avan-
tage local , ni à une qualité parti-
culière des matériaux \ mais qu'elle
étoit le réfultat d'un procédé parti-
culier.
Ces monumens ofFreiit pour la p'û-
part des malfes énormes en épaiileur
&en élévation , dont l'intérieur maf-
qué feulement par un 'larement pref-
que fuptrficiel , n'eft évidemment
formé que de pieiraiile cv de cail-
loiita^e jetés au hafard , Si !iés.en-
femble par ua mortier qui patoît
M O R
5S9
avoir été aiïez liquide pour s'infiuuer
dans les moindres inteiftices , &i ne
former qu'un tout de cet amas de
matières , foit qu'elles aient été je-
tées dans un bain de ciment ou de
mortier , foit qu'arrangées d'abord ,
on l'ait verfé fur elles.
L'art de cette conftruétion coifi.le
dans la préparation & 'l'empliu ue
ce mortier qui n til: (ujet à aucune
diliolution, <i^ dont la ténacité eft
(i grande , qu'il rédlle aux coups re-
doublés du pic &: du marteau. Les
propriétés principales du mortier des
Romains, font , 1". d'être impéné-
trable à l'eau : ( le béton jouit audî de
cet avantage) i^.depaffer trcs-ptomp-
tement de l'état liquide à une con-
fiftance dure ^ 3" d'acquérir une té-
nacité étonnante , & de la commu-
niquer aux momcires cailloutages qui
en loat imprégnés \ 4". enfin , de con-
ferver toujouts le même volume ,
fans retraite ni extenfion. Ces pro-
priétés ont fait fuppofcr par le peu-
ple, qui a toujours recours à l'extraor-
dinaire pour expliquer les chofes les
plus fimples , que les Romains em-
ployoient le fang , parce que leur
ciment nvoit quelquefois une teinte
rougeat-e; cette teinte eft unique-
ment di'ie à la brique pilce , qui lui
a communiqué une.paitie de fa cou-
leur. Quand ils n'employoient que le
gravier &c la pierr.iille , la couleur
étoit alors blanche ou griTe
Voici la marche qu'a fuivie M. Lo-
riot l'our connoître la bafe de ce ci-
ment, tS, p uir pprvenir à l'imiter exac-
tement. 11 prit de la chaux éteinte
depuis longtemps dans une foffe re-
couverte de plaiulies , fur laquelle
on avoit répandu une certaine quan-
tité de terre ; de forte qu<.' ce movcu
avou confervé toute la fraîcheur ds
590
M O R
la chaux. Il en fi: deux lots .fcparés ,
qu'il gâcha avec une égale actencion.
l,e premier lot, fans aucun mélange,
fut mis dans un vafe de terre ver-
ni(ré & expofé à l'ombre , à une
dellication naturelle. A mefure que
levaporarion de l'humidité fe fie, la
matière fe gerfa en tout fens. Elle
fe détacha des p.irois du vafe , &
tomba en mille" morceaux , qui n'a-
voient pas plus de conhftance que
les morceaux de chaux nouvellement
éteinte , qui fe trouvent delféchcs
par le foleil fur les bords des folFts.
Quant à l'autre lot , M. Loriot ne
fit qu'y ajourer un tiers de chaux-
vive mife en poudre , & amalgamer
& gâcher le tout, pour opéret le plus
exaét mélange qu'il plaça dans un
pareil vailfeau verniiré. 11 fentit peu-
à-peu que la mafle s'échaufFoit , &
dans l'elpace de quelques minutes, il
s'apperçut qu'elle avoit acquis une
conhftance pareille à celle du meilleur
plâtre détrempé & employé à propos.
C'eft une forte de lapidification con-
fonimée en un inll:ant. La deffication
abfolue de ce mélange eft achevée en
peu de temps, & préfente une malle
compaéte fans la moindre gerçure ,
& qui demeure tellement adhérente
aux parois des vaiileaux , qu'on ne
peut l'en tirer fans les brifer. Si le
mélanç^e eft fait dans une exaéle pro-
portion , il n'éprouve ni retrait ni
extenfion , & refte perpétuellement
dans le même état oii il s'eft trouvé
au moment de (a fixué.
-; M. Loriot forma avec ce com-
pofé différens baOins , & vit qu'après
les avoir laillé fécher , l'eau qu'on
y avoir mife n'avoir éprouvé d'autre
diminution que celle qui eft une fuite
de i'évrtporarion ordinaire , &: le poids
du balîîn exadement reconnu avant
M O R
l'expérience , a été ftridement le
même après l'opération.
Ces expériences j fuffifantes pour
le moment , ne décidoient pas quels
feroient fur ce mortier les eftets de
l'intempérie des faifons : de nouvel-
les épreuves ont démontré que ce
mortier acquéroit progreffivement
plus de folidité.
11 eft donc certain que l'intermède
de la chaux - vive en poudre dans
toutes fortes de mortiers & de ci-
mens faits av«c la chaux éteinte , eft
le plus puilTant moyen pour obtenir
un mortier inaltérable. Telle eft la
bafe de la découverte de M. Loriot.
En voici quelques conféquences. Dès
que par le réfultat de l'expérience ,
il eft prouvé que les deux chaux fe
faififfent & s'étreignen: fi fortement,
l'on conçoit qu'elles peuvent égale-
ment embraflTer &: contenir les autres
fubftances que l'on y introduira , les
ferrer & faire corps avec elles félon
la convenance plus ou moins grande
de leur furface , & par-là augmen-
ter le volume de la malfe que l'on
veut employer.
Les corps étrangers , reconnus
jufqu'ici pour les plus convenables
à introduire dans le mortier , font
le fable & la brique. Prenez donc,
pour une partie de brique pilée rrès-
exaétement Se palfée au fas , deux
parties de fable fin de rivière palîé
à la claie , de la chaux vieille éreinte
en quantité fuffifante pour former
dans l'auge , avec l'eau , un amal-
game à l'ordinaire , & cependant
alfez humecté pour fournir à l'ex-
tindion de la chaux vive que vous
y jetterez en poudre jufqu'à la con-
currence du quart en fus de la quan-
tité de fable & de brique pilée , pris
enferpble, Les matières étant bien
M O R
incorporées , employez-les prompte-
nient , p;;rce que le moindre délai
peiu en rendre iufage détedueux ou
impolîible.
Vn enduit de certe matière fur le
fond & les parois d'un bailîu , d'un
canal & de toutes fortes de'conftruc-
tions faites pour contenir & fur-
monter les eaux , opère l'effet le
plus ftirprenant , même en les met-
tant en petite quantité. Que feroit-
ce donc fi les conftru6tions avoient
été originairement faites avec ce
mortier ?
La poudre de charbon de terre ,
en quantité égale à celle de la chaux
vive , s'y incorpore parfaitement , &: la
fubftance bitumineufe du charbon
eft un obftacle de plus à la pénécra-
bilité de l'eau.
Le mélange de deux parties de
chaux éteinte à l'air , d'une partie de
plâtre paffé au fas , & d'une quatriè-
me partie de chaux vive , fournit par
l'amalgame qui s'en fait, un enduit
très-propre pour l'intérieur des bâ-
timens , &c qui ne fe gerfe point.
Ces mortiers doivent être préparés
par rangées.
Si on ne peut avoir de la brique
pilée pour les ouvrages deftinés à
recevoir l'eau ou à la contenir , on peut
y fuppléer en faifant des pelottes de
terre franche qu'on lailTera fccher,
& qu'on fera cuire enfuite dans un
four à chaux. Ces pelottes j aifé-
ment réduites en poudre , valent la
brique pilée.
Un tuf fec , pierreux , bien pul-
vérifé 5 & palIe au fas, peut rem-
placer le fable &: la terre franche :
il feroit même à préférer à ceux-ci à
caufe de fa légèreté pour les ouvrages
que l'on voudrait établir fur une
charpente.
M O R 591
Les marnes , exa6tement pulvé-
rifées & délayées avec précaution, à
caule de leur onètaolué qui peut ré-
futer au mélange , font également
propres à s'incorporer avec la chaux.
La poudre de charbon de buis, & en
général toutes les vitritîcations des
fourneaux , celles des forges , des
fonderies, craffes , laitiers , fcories,
mâches-fer , toutes celles qui font
imprégnées de fubftances métalli-
ques , altérées par le feu , font éga-
lement lufceptibles des entraves que
ce mélange des deux chaux leur pré-
pare , <Sc peuvent donner un ciment
de telle couleur qu'on le défirera ;
en un moi , tous les débris de pier-
res , les cailloux , les eraviers , les
gravats des démolitions , peuvent
entrer dans les gros ouvrages qui
doivent faire corps.
Aufurplus, le mélange d'un quart
de chaux en poudre , indiqué par
M. Loriot , eft en générai la pro-
portion convenable. Mais fi la chaux
eft nouvellement cuite , fi elle eft
parfaite dans fa calcination , ainfi
que dans les parties conftituantes de
la pierre qu'on réduit en chaux par
la calcination , il en faudra un peu
moins; & plus, à proportion qu'elle
s'éloignera de fon point de perfeétion.
Si on met trop de chaux en poudre ,
elle fe combinera mal en mortier,
fe brûlera , & tombera en pouffière.
Si elle eft inondée , à mefure que
Icau iupeifiue fe deiîcchcra, le mor-
tier ou ciment fe gerfera. Un peu
de pratique inftruira mieux l'ouvrier
que les plus grands détails.
L'opération de M. Loriot eft fim-
ple , & â la portée de tout le monde ;
mais elle exige de réduire la chaux
nous'clle en poudre, iN: cette opéra-
tion, long-temps continuée , devient
* V
5^1 M O R
iiès-nuifible à la faute de l'ouvrier.
M. de Morvc.m, ce favaiic & zélé
citoyen, donc tous les momens loue
coniacrés à l'utilité publique , a
trouvé un expédient: capable de pré-
venir tous les inconvénieiis , ia peu
coûteux. Nous empruntons fes propres
paroles.
" M. Loriot n'cft pas le premier
qiti ait propofé de mêler une portion
de chaux vive avec le mortier ordi-
naire ; mais il a l'avantage d'avoir
le premier publié cette méthode en
France i de l'avoir annoncée avec des
promeiïies fondées fur des expérien-
ces-pratiques , capables d'éveiller l'at-
rentiou & d'infpirer la confiance.
Or, il eft certain que c'eft le plus
fouvent à ce dernier pas que tient
l'utilité des découvertes. Elles reftcnt
dans les livres comme des tréfors
ignorés , que mille gens touchent
fans en connoitre le prix , Se c'eft
celui qui nous en met en polfedion ,
qui mente fur-tout notre leconnoif-
fance. Il n'efc donc pas étonnant que
fon nom fe conferve dans la mémoire
des hommes , avec l'idée de fon in-
vention , de manière à lui alfurer la
gloire de tout ce que le temps pourra
y ajouter. •'
» i". il faut que la chaux vive foit
léduite en poudre très-fine , fans
cela l'aition expanfive feroit trop
puifTante, 'e gcntiement deviendroit
trop confidérable. J'ai vu un enduit
de dix lignes d'épailTeur fe bomber
en moins de deux minutes , de quatre
pouces fur deux pouces de longueur,
parce que la chaux n'avoir point été
aflez pulvérilée ; le frottement ne
permettant pas une expanfion pareille
au mur , tout l'eftort fe porta en
avanr.
" 1°. Les parties de chaux vive
M O R
doivent y être diftnbuées également ,
& dans une proportion avec la qua-
lité ablorbantc de cette chaux : n'y en
a-t-il pas allez, ou n'eft-elle pas allez
vive ? l'effet manque, il y a plus de
mélange que de combinaifon j ctft un
inoitit^ qui n eft plus travaillé par
l'affinité , qui contient une quantité
d eau furabondante , & dont l'éva-
poration laillerades interftices. Y en
a-t-il trop, ou bien la chaux eft-elle
trop vive ? la delîication des parties
voifuies eft fubite , leur déplacement
n'eft plus fuccelîif , elles lont vio-
lemment heurtées par le mouvement
expanlif j d: au lieu de les attaquer ,
il les brife , comme lorfqu'on remanie
un mortier rrop fec : aulli ai-je conf-
tamment obiervé que, dans tes cir-
conftances , ce niortjer étoit friable
ôc s'écachoit facilement , même après
le refroidilTemenr. »
3-'. On doit obferver & faifir le
moment de mettre en œuvre cette
préparation , peut être avec plus
d'fcxaélitude encore que pour le plâ-
tre : en rendant ce mortier plus li-
quide avant que d'y mêler la chaux
vive , on peut empêcher qu'il ne
prenne auflî promptement, mais c'eft
toujours aux dépens de la folidité j
la chaux fe fature d'eau , elle fait
tout fon effet dans l'auge de l'ouvrier ;
il croit employer le mortier de M.
Loriot , i5c ce n'eft plus qu'un mor-
tier ordinaire , cù l'on a mis^une
nouvelle portion de chaux éteinte ;
il faut le prendre dans l'inftant pré-
cis où il ne refte plus allez d'adtion
à la chaux vive pour changer ftifi-
blementfesdimenfions fous la truelle,
où il lui en refte alfez pour opérer
un mouvement intérieur qui le mette
en équilibre avec la ténacité du mé-
lange. C'eft dans ce jufte milieu qu'il
acquiert
M O R
■acquiert la confiftance iiécefTàrre
quand il a été convenablement dé-
layé ; & je me fuis bien convaincu
que c'eft de-là que dépend conftam-
ment le fuccès de l'opération. »
j) Les moyens de rendre la prépa-
ration de ce mortiet moins dange-
reufe, plus économique Se plus (me,
ne peuvent être indiffcrèns. Celui
que je propofe réunit tous ces avan-
tages ; il confifte à laifler éteindre 4a
chaux à l'ait libre, en lieu couvert ,
jufqu'à ce qu'elle foit tombée en
farine ou poulTîère impalpable, & à
la recalciner enfuite à raefure que
l'on en a befoin , dans un petit four
fait exprès avec des briques. »
n 1°. Je dis que cette préparation
fêta bien moins dangereufe que l'autre.
C'eft le danger auquel font expofés
les ouvriers en pilant la chaux vive
qui m'a fait naître cette idée ; la pouf-
fîère qui sélève dans cette opération
leur caufe des picotemens, des irrita-
tions dans la gorge, une toux cruelle,
des Gignemens de nez, &c. Le dan-
ger n'eft pas moins confidérable lorf-
qu'il faut bluter ou tamifer cette
chaux \ le mouvem.ent volatilife les
parties les plus fubtiles , <Si tous ceux
qui ont quelquefois manié de la chaux
en poudre, favent bien qu'il en émane
une forte odeur nauféabonde , auffi
incommode que mal-faifante. Que
l'on ne dife pas que les ouvriers pour-
ront fe couvrir la bouche , comme
on le pratique dans les atteliers où
cette opérarion fe répète habituelle-
ment, cette ptécaution remédie très-
peu aux accidens , & rend le travail
plus pénible, puifque la refpiration
eft cruellement gênée, u
» t°. Je dis que l'opcration fêta
plus économique. Suppofons que l'on
<ic befoin d'un muid de chaux vive
Tome FI,
M Ô R'
Î95
en poudre , c'eft tout ce que pcRir-
ront taire dans une journée huic
hommes vigoureux, exercés à ce tra-
vail, même en admettant qu'il puilTe
être continu, que de la pulvcrifer ic
de la palfer au tamis & au bluteau;
il en coiitera au moins lo livres pour
fa préparation , & c'eft au prix le
plus bas .... Pour préparer à ma ma-
nière la même quantité , il faut tout
au plus un travail de fix heures d'un
feul ouvrier, & le quart d'une corde
de bois, ou l'équivalent en fagotage:
la valeur de ce bois ne peut monter
à 10 livres en quelque pays que ce
foit. »
» On commencera par conftruire
un four, à-peu-prcs dans la forme des
fours de fonderie, ou plutôt des fours
à fritte. ( Foye^ dans le diélionnaire
encyclopédique, arricle Forges , ma-
nujacluies de glaces) Ce four .peut
être de telle grandeur qu'on le ju-
gera convenable , par rapport à la
confommation de chaux vive ; mais
comme c'eft une matière dont on ne '
doit pas faire provilîon, & que le
four une fois échauffé exige moins
de bois pour les fournées fucceflives,
il y aura de l'avantage à le tenir dans
de moindres dimenfions. Pour le conf-
truire dans une proportion moyenne
& commode, je lui donnerois quatre
pieds de long , deux pieds de large,
& un pied de haut, une fotme ovale
ou elliptique , je voudrois qu'il fi'ic
ouvert à fes deux extrémités ; une de
ces deux ouvertures ferviroit à la
communication de la flamme, de la
foquerie & du tifard; l'autre feroit
la bouche du. four , par laquelle la
flamme s'échapperoit dans la hotte de
la cheminée, après avoir circulé dans
l'intérieur; c'eft par -là que l'ouvrier
introduira la chaux éteinte , la re-
Ffff
594 M O R
mueraavec un rable , & la retirera lorf-
qu'elle fera fuffifamment calcinée. »
>j On fent bien que, pour la com-
modiré de l'ouvrier, l'aire du four
«loii être environ de trois pieds &
demi , & que le tifard doit être placé
parallèlement, ou au moins en re-
tour, afin que le coup de vent qui
fcrt à entretenir le feu , n'imprime pas
à la flamme un mouvement trop ra-
pide; ce tifard, deftiné à recevoir le
bois, pourra avoir" deux pieds de
longueur, un pied de largeur. Se dix-
huit pouces de haut, il fera terminé
en delFus par une voûte en brique,
en bas par une grille pofée à dix
pouces au-delfous de l'aire du four,
& un cendrier fous cette grille. »
« Le four ainfi difpofé , l'ouvrier
aura fous fa main une grande cailfe
remplie de chaux que l'on aura lailTé
éteindre à l'air, donr on aura féparé
avec le râteau les pierres qui n'au-
roient pas (nié; il en jettera dans le
four environ deux pieds cubes , il
pouflera le feu jufqu'à ce qu'elle foit
rouge, ayant foin de l'étendre & de
la retourner de temps à autre avec
lin rable à long manche , pour rendre
Ja calcination plus égale & plus
prompte : cette portion une fois cal-
cinée, il la ramera avec fon rable, il
îa fera tomber ou fur le pavé , ou
dans des cailles de tôle , & procédera
pe même pour les fournées fuccef-
fives , dont la durée ne peut être de
plus d'une heure & demie pour cha-
cune. On ne manquera pas d'oppofer
que la conftruûion de ce four aug-
mentera la dépenfe : mais la réponfe
eft facile, elle eft fondée fur les vrais
principes de l'économie dans les arrs ,
qui compte pour beaucoup la dimi-
nution d'une dépenfe qui fe répète à
l'infini , au moyen de quelques avances
M O R
une fois faites.... Environ un demi-
millier de briques, deux tombereaux
d'argile , Se quelques barreaux de
fer pour la grille du tifard , voilà
tout ce qu'il faut pour conftruire un
four, tel qu'il eft ci-deffus décrit; en-
core peut-on retrancher une partie
des briques , en plaçant l'aire du four
fur un mafîif de moellons , Se en bâ-
tiffant en pierres le cendrier du ti-
fard. Pour peu que l'entreprife foie
conhdérable, ces frais fe répartiront
fur tant de fournées , qu'ils for-
meront un objet de peu de confé-
quence. Se il eft aifc de prévoir que
le bénéfice de cette répartition de-
viendta plus général , à mefure que
l'ufage de ce mortier deviendra plus
familier, parce que les entrepreneurs
établiront chez eux des fours pour
cette préparation , comme les plàttiers
pour la cuiflon du plâtre. »
» 5°. Je dis que la préparation fera
plus sûre, & c'eft ici un article im-
portant. On a vu que tout dépendoir
de la jufte proportion Se de la qualité
de la chaux vive ajoutée. M. Loriot
infifte avec raifon fur la néceftité
d'avoir continuellement de la chaux
nouvelle-, il défire que dans les tra-
vaux fuivis & en grand, on érablifle
des fours a chaux , comme ceux que
l'on voit aux environs de Chartres ,
où l'on ftratifie la pierre concaftce
avec des lits de charbon : il a bien
fenti que l'augmentation de la pro-
portion de chaux vive, pour fuppléer
à la qualité , n'étoit qu'un remède
infidèle , un tâtonnement fujet à
mille incertitudes, & quand on feroit
sûr de retrouver toujours exactement
la même fomme de parties abfor-
bantes en varianr les dofes , je ne
croirois pas encore que cela fût en-
tièrement indifférent, du moins à un
M O R
certain point, parce que Li prcfence
d'une certaiiic portion de chaux, qui
n'e'ft ni vive ni fondue , qui n'eft
plus que la pouflière de pierre , change
néceirairement la diftribution des par-
ties compofantes. Du procédé que je
préfente , il réfulte qu'on a de bonne
chaux en poudre de moment en mo-
ment, & que l'on épargne à»la-fois
deux opérations pénibles & dange-
reufes , la pul vérifation & le blutage. »
On peut voir dans le journal de phy-
Jîque , année 1775 , corne VI ^ P'-^g^
311, la reptéfentation de ce four,
& celle de fes proportions.
M. de la Paye , après les recher-
ches les plus exades fur les ouvrages
des anciens qui ont pour objet la
bâtiife, en a publié les procédés dans
fon ouvrage intitulé : Recherches fur
la préparation que les Romains don-
nolenc à la chaux ; à Paris , chez
Mérigot le jeune, quai des Auguf-
tins : voici fon procédé pour éteindre
la chaux. Vous vous procurerez de la
chaux de pierres dures , & qui fera
nouvellement cuite ; vous la ferez
couvrir en route, afin que l'humidité
de l'air ou la pluie ne puilTe la pé-
nétrer; vous ferez dépofer cette chaux
fut un plancher balayé, dans un en-
droit fec & couvert; vous aurez dans
le même lieu des tonneaux fecs &
un grand baquet rempli jufqu'aux
troisquarts; d'eau de rivière, ou d'une
eau qui ne foit ni crue ni minérale.
Il fuffira d'employer deux ouvriers
pour l'opération; l'un avec une ha-
chette brifera les pierres de chaux ,
jufqu'à ce qu'elles fuient toutes ré-
duites à-peu-près à la grolTeur d'un
œuf. . . . L'autre prendra avec une pcle
cette chaux brifée , & en remplira à
ras feulement un panier plat & à claire
voye, tel que les maçons en ont pour
M O R
595
pafler le plâtre ; il enfoncera ce pa-
nier dans l'eau , & l'y maintiendra
jufqu'à ce que toute la fuperficie
de l'eau commence à bouillonner ;
alors il retirera ce panier, le laiffera
s'égoutter un inftant , & renverfera
cette chaux trempée dans un tonneau;
il répétera fans relâche cette opéra-
tian, jufqu'à ce que toute la chaux
ait été trempée & mife dans les ton-
neaux , qu'il remplira à deux ou trois
doigts des bords : alors cette chaux
s'échauffera confidérablement, rejet-
tera en fumée la plus grande partie
de l'eau dont elle eft abreuvée , ou-
vrira fes pores en tombant en poudre,
& perdra enfin fa chaleur. Tel eft
l'état de chaux que Vitruve appelle
chaux éteinte,
L'àcreté de cette fumée exige que
l'opération foit faite dans un lieu où
l'air paiïe librement , afin que les
ouvriers puilfent fe placer de ma-
nière à n'en point être incommodés.
AuHi tôt que la chaux celfera de fu-
mer, on couvrira les tonneaux avec
une grolîe toile ou avec des pail-
lalfons.
On jugera de la néceflitc que la.
chaux foit nouvellement cuite, parle
plus ou moins de promptitude qu'elle
mettra à s'échaufter & à tomber en
poudre ; fi elle elt anciennement
cuite, ou fi elle n'a pas eu le degré
de cuiiTon néceffairCjelle ne s'échauf-
fera que lentement, & fera tiès-mal
divifée.
De quelques préparations employées
par les Romains.
Pour les enduits des apparremens,
les Romains fuppléoient le fable par la
pouflière de marbre,pa(rée au tamis fin.
Lotfque l'on pétrit un boilTeau de
chaux qui vient de tomber en pou-
Ffffi
5.9^
M O R
die , fuivant k iiiédiode indiquée
ci-delfus, avec deux boille.iux de
fable de rivière fraichemenc rire de
l'eau. Cl l'on repérric ces marières
après avoir répandu fur la rocalicé
une ou deux onces d'huile de noix,
ou de lin , ou de navette , ^e mortier,
ayant pris coniiftance, ne fera plus
fufceptible d'être pénétré par l'eau r
on pjurra en faire l'épreuve pour
des conftiuétions qui doivent être ex-
pofées à l'eau. 11 paroît ici que l'huile
s'étend & fe divife dans le mortier
encore plus qu'elle ne fait fur l'eau,
puifqu'en rompant l'intérieur & l'ex-
térieur de ces elTais , on verra que
l'un & l'autre font impénétrables à
l'eau. Comme la qualité de la chaux
ii'eft pas toujours la même , il faut
faire des elfais pour juger de la quan-
tité d'huile que peut exiger la chaux
que l'on employé.
Il faut éteindre de la chaux dans
du vin pour faire la maltha des Ro-
mains , mortier plus dur que la pierre ;
ils la faifoient avec de la chaux vive
qu'on venoit d'éteindre dans cette
liqueur , & ils la mêloient avec de
l'huile ou avec de la poix réduite en
poudre. C'étoit une pâte préparée
pour remplit les joints des grandes
tuiles , employée dans la confauc-
rion des terraflcs des maifons.
Après avoir pétri avec du vinaigre
deux mefures de fable & une me-
fure de chaux qui vient de tomber
en poudre, on y ajoute la portion
d'huile indiquée ci-deiïlis , & on
-obtient un mortier parfaitement dur
& impénétrable à l'eau.
D'après tout ce qui vient d'être
dit, on voit que le meilleur mortier
efl: celui dont la chaux eft la plus
nouvellement tirée du four, qui a
«té fiifée avec la inoins grande quan~
M O R
tué d'eau, & quieft employée leplua
promptement polîible. Les prépara-
tions de M. Loriot & de M. de la
Paye font excellentes pour de petits
ouvrages ou pour réparer des ou-
vrages anciennement faits, quoiqu'ort
puilfe les employer dans les travaux
en grand j cependant, dans ces der-
niers cas , je préférerois l'emploi du
bcton ; fortement corroyé & mafÏÏvé..
il devient imperméable à l'eau , au
vin, & enfin à tous les fluides j on
en lait des bajjins , des cucrncs ^ ôc
de5 voûtes àç caves d'une feulé pièce.
( f^^oyei ces mots) Le grand point efl>
de broyer la chaux lorfqu'elle eft en-
core très- chaude Si fufce, de fe hâter
de la broyer avec le fable 6c les re-
tailles ou petites pierres, de jeter le
tout encore chaud dans la tranchée,,
enfin de fe hâter de mafliver.
Si fut deux parties de fable & une
de cette chaux , on retranche une par-'
tie de fable , & fi on en ajoute une de
pouzzolane , ( J^oye\ ce mot] on aura
un béton partaitement cryftallifé , «Se
pris dans moins de quarante - huir
heures.
A la place de la pouzzolane, oiî
peut fe iervir d'une terre appellée,,
dans quelques endroits , terre de la
monnaye , parce qu'elle eft fans doute
le réfidu de quelqu'opération c]ui s'y
pratique j au moins je le crois ainfi,
mais je ne puis rien alfurer de po-
fitif à ce fujet , n'ayant pas fous la
main de cette terre pour l'examiner j
ce qu'il y a de certain , c'eft qu'elle
produit le même effet que la pouz-
zolane. Cette terre ne feroit-elle pas
du colcotar , ou terre qui eft le réfidu
du vitriol de mars, après qu'il a été
calciné & diftillé à très -grand feuj;
j'en ai fait des expériences en petit»,
qui m'ont très-bien réuflî. A l'articla.
M O R
Pouzzolane, nous examinerons fes
qualités Ik fes propriétés.
Pour les conduites d'eau , faites
avec des tuyaux en terre cuite , on
fonde leurs points de réunion avec
une pâte faite avec la brique pilée ,
la cliaux vive en poudre , & du fain-
doux ou grailfe blanche , le tour à
parties égales & bien pétri enfemble.
MORVE. MÉDECINE VÉTÉRI-
NAIRE. Maladie de» chevaux. Pour
rendre plus intelligible ce que l'on
va dire fur la morve & fur les difté-
rens écoulemens auxquels on a donné
ce nom , il eft à propos de donner
une defcription courte & précife du
nez de l'animal Se de fes dépendances.
Le nez eft formé principalement
par deux grandes cavités nommées
folfes nafales j ces foffes font bornées
extérieurement par les os du nez &
les os du grand angle ; poftérieure-
menr par la partie poftérieure des os
maxillaires & par les eaux palarins ; &
latéralement par les os maxillaires ,
ôc par les os zygomatiques j fu-
périeurement par l'os ethmoïde ,
l'os fphénoïde &: le frontal. Ces deux
folTes répondent inférieurement à
l'ouverture desnafeaux, 6c fupérieu-
rement à l'arricre-bouche avec la-
quelle elles ont communication par
le moyen du voile du palais. Ces
deux folTes font féparées par une cloi-
fon en partie olfeufe, & en partie
cartilagineufe. Aux parois de chaque
fofte , font deux lames olTeufes , très-
minces , roulées en forme de cornets,
appellées , à caufe de leur figure , cor-
nets du ne\ ; l'un eft antérieur &
l'autre poftérieurj l'antérieur eft adhé-
, renr aux os du nez &: à la partie in-
terne de l'os zygomatique ; il ferme
«il garde l'ouverture du fmus zygor
M O R
597
matique : le poftérieur eft attaché à
la partie inrerne de l'os maxillaire, &
ferme en partie l'ouverture du iinus
maxillaire; ces deux os fonr des ap-
pendices de l'os ethmoïde ; la partie
Supérieure eft forr large &: évafée ; la
partie inférieure eft roulée en forme
de cornets de papier , & fe termine en
pointe ; au milieu de chaque cornet,
il y a unf^euilletoireux.iitué horizon-
ralemenr , qui fépare la partie fupé-
rieute de l'inférieure.
Dans l'intérieur de la plupart des
os qui forment le nez , font creufées
plulieurs cavités à qui on donne le
nom de_/7/2ttj; les rmus font les zy-
gomatiques , les maxillaires , les fron*'
raux , les erhmoïdaux & les fphénoï-
daux.
Les finus zygomatiques font au;
nombre de deux , un de chaque cô-
ré : ils fonr creufés dans l'épaifteur
de L'os zygomatique : ce font les plus
grands ; ils font adolfés aux finus ma-
xillaires , defquels ils ne fontféparés=
que par une cloifon ofleufe.
Les finus frontaux font formés par
l'écartement des deux lames de l'or
frontal ; ils font ordinairemenr an.
nombre de deux, un de chaque côté,,
féparés par une lame ofleufe.
Les finus ethmoïdaux font les in-
tervalles qui fe trouvent entre les cor-
nets ou les volutes de cet os.
Les finus fphénoidaux font quel-
quefois au nombre de deux , quel-
quefois il n'y en a qu'un ; ils ionc
creufés dans le corps de l'os fphé-
noïde : rous ces finus ont communi-
cation avec les foftes nafi.les; rous ces
finus de même que les folTes nafales j,
font rapides d'une membrane nom-
mée/"ifa^raire , à raifon de l'humeur
piruiteufe qu'elle filtre ; cette mem-
brane femble n'être que la continua-
59S M O R
tion de la peau à l'entrée des nafeaux ;
elle eil d'abord mince , enfuite elle
devient plus cpailTe au milieu du nez
fur la cloilon & fur les cornets. En
entrant dans les finus frontaux , zy-
gomatiques & maxillaires , elle s'a-
mincit coHhdérablemenfc ; elle rel-
femble à une toile d'araignée dans
l'étendue de ces cavités ; elle eft par-
femée de vailleaux languins & lym-
phatic]ues , & de glandes dans toute
l'étendue des folles nafales ; mais
elle femble n'avoir que des vaiireaux
lymphatiques dans l'étendue des fi-
nus i fa couleur blanche & fon peu
d'épailfeur dans ces endroits le déno-
tent.
La membrane pituitaire , après
avoir revêtu les cornets du nez , fe
termine intérieurement par une ef-
pèce de cordon qui va fe perdre à la
peau à l'entrée des nafeaux ; fupé-
rieurement, elle fe porte en arrière
fur le voile du palais qu'elle recouvre.
Le voile du palais eft une efpèce
de valvule , firuée entre la bouche &
l'arrière - bouche , recouverte de la
membrane pituitaire du côté des fol-
fcs nafales , <Sc de la membrane du
palais du côté de la bouche : entre
ces deux membranes , font des fibres
charnues , qui compofent fur-tout fa
fubftance. Ses principales attaches
font aux os du palais , d'où il s'étend
jufqu'à la baie de la langue; il eft
Bottant du côté de l'arrière bouche ,
& arrêté du côté de la bouche; de
façon que les alimens l'élèvent faci-
lement dans le temps de la dégluti-
tion, &C l'appliquent contre les fauf-
fes nafales ; mais lorfqu'ils font par-
venus dans l'arrière-bouche , le voile
du palais s'atïailfe de lui - même , &
s'applique fur la bafe de la langue ;
il ne peut être porté d'arrière en
M O R
avant; il intercepte ainfi toute com-
munication de l'arrière -bouche avec
la bouche, &c forme une efpèce de
pont , par-deifus lequel paflent tou-
tes les matières qui viennent du
corps , tant par l'cefophage que par
la trachée artère ; c'eft par cette rai-
fon que le cheval refpire par les na-
feaux , c'eft par la même ra>fon qu'il
jette par les nafeaux le pus qui vienc
du poumon , l'épiglote étant ren-
verfée dans l'éta: naturel fur le voile
palatin. Par cette théorie, il eft fa-
cile d'expliquer tout ce qui arrive
dans les difFérens écoiilemens qui fe
font par les nafeaux.
La morve eft un écoulement de
mucofité par le nez, avec inflamma-
tion ou ulcération de la membrane
pituitaire.
Cet écoulement eft tantôt de cou-
leur tranfparente , comme le blanc
d'œufs , tantôt jaunâtre , tantôt ver-
dâtre , tantôt purulent , tantôt fa-
nieux , mais toujours accompagné du
gonflement des glandes lymphatiques
de deifous la ganache; quelquefois
il n'y a qu'une de ces glandes qui foie
engorgée , quelquefois elles le font
toures deux en même-temps.
Tantôt l'écoulement ne fe fait que
pat un nafeau , & alors il n'y a que
la glande du coté de l'écoulement qui
foit engorgée ; tantôt l'écoulement
fe fait par les deux nafeaux , & alors
les glandes font engorgées en même-
temps ; tantôt l'écoulement vient du
nez feulement , tantôt il vient du
nez , de la trachée-artère & du pou-
mon en même-temps.
Ces vérités ont donné lieu aux dif-
férence?^ fui vantes :
I " . On diftingue la morve enmorve
proprement dite, & en morve unpro-
premenc dite.
M O R
La morve proprement dite , a
fon fiège dans la membrane pitui-
taire , & même il n'y a pas d'autre
morve que celle - là.
Il faut appeller morve impropre-
ment dite , tout écoulement par les
nafeaux , qui vient d'une autre partie
que de la membrane piruitaire \ ce
n'eft pas la morve , c'eft à tort qu'on
lui donne ce nom ; on ne le lui con-
ferve que pour fe conformer au lan-
gage ordinaire.
11 faut divifer la morve proprement
dite, à raifon de fa nature; i*. en
morve limple , & en morve compofce;
en morve primirive , & en morve con-
fécuti ve ; 1 ' . à raifon de fon degré , en
morve commençante , en morve con-
firmée , & en rrxorve invétérée.
La morve fimple eft celle qui vient
uniquement de la membrane pitui-
taire.
La morve compofée n'eft autre cho-
fe que la morve fimple , combinée
avec quelqu'autie maladie.
La morve primitive , eft celle qui
eft indépendante de toute autre ma-
ladie.
La morve confécutive , eft celle qui
vient à la fuite de quelqu'autre ma-
ladie , comme à la fuite de la pulmo-
nie , du farcin , &c.
La morve commençante, eft celle
où il n'y a qu'une fimple inflamma-
tion & un fimple écoulement de mu-
cofiré par le nez.
La morve confirmée, eft celle où
il y a ulcération dans la membrane
piruitaire.
La morve invétérée , eft celle où
l'écoulement eft purulent & fanieux,
où les os & les cattilages font affec-
tés.
M O R J95,
i". Il faut diftinguer la morve im-
proprement dite, en morve de mor-
foiidiire , &c en morve de pulmonie.
La morve de morfondure , eft un~
fimple écoulement de mucofité par
les nafeaux , avec toux , triftelTe &
dégoût qui dure peu de temps.
On appelle du nom pulmonie route
fuppuration dans le poumon , qui
prend écoulement parles nafeaux, de
quelque caufe que vienne cette fup-
puration.
La morve de pulmonie fe divife à
raifon des caufes qui la produifent ,
en morve de faulfe gourme , en morve
de farcin &: en morve de courbature.
La morve de faufte gourme , eft la
fuppuration du poumon , caufée par
une faulTe gourme , ou une gourme
maligne qui s'eft jetée fur les pou-
mons.
La morve de farcin , eft la fuppu-
ration du poumoj} , caufée par un le-
vain farcineux.
La morve de courbature , n'cft au-
tre chofe que la fuppuration du pou-
mon après l'inflammacion , oui ne
s'eft pas terminée par la réfolution.
Enfin on donne le nom de pulmonie
à tous les écou!emens(dp pus qui vien-
nent du poumon , de quelque caufe
qu'ils procèdent; c'eft ce qu'on ap-
pelle vulgairement morve , mais qui
n'eft pas plus morve qu'un abcès aa
foie , à la jambe , ou à la cuiffe.
Il y a encore une autre efpèce de
morve improprement dite , c'eft la
morve de poulie : quelquefois les che-
vaux poulîîfs jettent de temps en
temps, 6c par flocons, une efpèce de
morve tenace & glaireufe ; c'eft ce
qu'il faut appeller morve de pouffe.
Caufes : examinons d'abord ce qui
arrive dans la morve. 11 eft certain
^00 M O R
que dans le commencement de la
morve proprement dite , ( car on ne
parle ici que de celle-ci ) il y a in-
flammation dans les glandes de la
membrane pituitaire j cette inflam-
mation fait fcparer une plus gran-
de quantité de mucofitc j delà l'écou-
lement abondant de la laorvc com-
mençante.
L'mflammatlon fubfiftant, elle fait
reflerrer les tuyaux excréteurs des
glandes , la mucofité ne s'échappe
plus , elle féjourne dans la cavité
des glandes , elle s'y échauffe , y fer-
mente , s'y putréfie , & fc convertit
en pus \ delà l'écoulement purulent
dans la morve confirmée.
Le pus croupilfant devient acre ,
corrode les parcies voifines , carie les
os, & rompt les vailTeaux fanguinsj
le fang s'extravafe & fe mêle avec le
pus j delà l'écoulement purulent noi-
râtre & fanieux dans la morve invété-
rée : la lymphe artètée dans les vaif-
feaux qui fe trouvent comprimés par
l'inflammation , s'épaiflit , enfuite fe
durcit; delà les callofités des ulcères.
La caufe évidente de la morve efl
donc l'inflammation ; l'inflammation
reconnoît des çaufes générales & des
caufes particulières : les caufes géné-
rales font la trop grande quantité , la
raréfaétion & l'épaifljfTement du fang;
ces caufes géjiérales ne font qu'une
difpoficion à l'inflammation , & ne
peuvent pas la produire , fi elles ne
font aidées par des caufes particuliè-
res & déterminantes : ces caufes par-
ticulières font, i". le défaut de ref-
fort des vaiiïeaux de la membrane pi-
tuitaire, caufé par quelque coup fur
k nez : les vailfeaux ayant perdu leur
reflbrt , n'ont plus d'adion fur les li-
queurs qu'ils contiennent, & favori-
fent par- là le féjour de ces liqueurs j
M O R
delà l'enîîorsement& l'inflammation:
1*. le déchirement des vailfeaux
de la membrane pituitaire par quelque
corps poufles de force par le nez ; les
vailfeaux étant déchirés , les extré-
mités fe ferment & arrêtent le cours
des humeurs ; de-là l'inflammation.
3". Les injeélions acres, irritan-
tes , corrofives & cauftiques , faites
dans le nez ; elles font crifper & ref-
ferrer les exrrémités des vailfeaux de
la membrane pituitaire \ de-là l'en-
gorgement & l'inflammation.
4^*. Le froid. Lorfque le cheval efl:
échaufiï , le froid condenfe le fang
& la lymphe \ il fait reflerrer les vaif-
feaux ; il épaiflit la mucofité & en-,
gorge les glandes : de-là l'inflamma-
tion.
5*. Le farcin. L'humeur du farcin
s'étend & affeéte fucceflivement les
difiïrenres parties du corps; lorfqu'elle
vient à gagner la membrane pitui-
taire , elle y forme des ulcères & caufe
la morve proprement dite.
Symptômes. Les principaux fymp-
tôraes font l'écoulement qui fe fait
par les nafeaux , les ulcères de la mem-
brane pituitaire , tk l'engorgement
des glandes de deflbus la ganache.
i''. L'écoulement eft plus abon-
dant que dans l'état de fanté , parce
que l'inflammation diftend les fibres,
les follicite à de fréquentes ofcilla-
tions , & fait par-là féparer une plus
grande quantité de mucofité ; ajoutez
à cela que dans l'inflammation , le
fang abonde dans la partie enflam-
mée , & fournit plus de matière aux
fécrécions.
7.°. Dans la morve commençante,'
récoulement eft de couleur naturelle ,
tranfparenr comme le blanc d'œuf ,
parce qu il n'y a qu'une fimple inflam-
tion fans ulcère.
M O R
}^. Dans la morve confirmée » Ic-
coulement eft purulent j parce que
l'ulcère eft formé , le pus qui en dé-
coule fe mcle avec la morve.
4". Dans la morve invétérée, l'é-
coulement eft noirâtre & fanieux ;
parce que le pus ayanr rompu quel-
ques vailfeaux fanguins, le lang s'ex-
travafe & fe mêle avec le pus.
5 "'. L'écoulement diminue & cefTe
mcme quelquefois, parce que le pus
tombe dans quelque grande cavité ,
telle que le finus zygomatique & ma-
xillaire, d'où le pus ne peut fortir que
lorfque la cavité eft pleine.
6" . La morve affede tantôt les fi-
nus frontaux, tantôt les fmus etli-
moidaux , tantôt les fmus zygomati-
ques & maxillaires , tantôt la cloi-
fon du nez , tantôt les cornets , tan-
tôt toute l'étendue des folles nalales,
tantôt une portion feulement , tantôt
une de ces patries feulement , tantôt
deux , tantôt trois, fouvcnt plulieurs,
quelquefois toutes à la fois , fuivant
que la membrane pituitaire eft en-
flammée dans un endroit plutôt que
dans un autre , ou que l'inflamma-
tion a plus ou moins d'étendue. Le
plus ordinairement cependant , elle
n'affecte pas les finus zygomatiques ,
maxillaires & frontaux \ parce que
dans ces cavités la membrane pituitaire
eft exrrêmement mince , qu'il n'y a
point de vailfeaux fanguins vihbles ,
ni de glandes : on a obfetvé , 1 " . qu'il
n'y a jamais de chancres dans les ca-
vités , patce que les chancres ne fe
forment que dans les glandes de la
membrane pituitaire ; 2". que les
chancres font plus abondans & plus
ordinaires dans l'étendue de la cloi-
fon , parce que c'eft l'endroit où la
membrane eft le plus épailfe & le plus
patfemée de glandes : les chancres
Tome VI.
M O R ^ût
font auflî fort ordinaires fur les cor-
nets du nez.
L'engorgement de defious la ga-
nache éroit un fymptôme embarraf-
fant. On ne concevoit guère pourquoi
ces glandes ne manquoient jamais de
s'engorger dans la morve proprement
dite ; mais on en va trouver lacaule.
Afiuré que ces glandes font , non
des glandes falivaires , puifqu'elles
n'ont pas de tuyau qui aille porter l>
falive dans la bouche , mais des glan-
des lymphatiques , puifqu'elles ont
chacune un tuyau confidérable qui
parr de leur fubftance pour aller fe
rendre dans un plus gros vailfeau lym-
phatique qui defcend le long de la
trachée-arrère , & va enfin verier la
lymphe dans la veine axillaire ; on
a remonté à la circulation de la lym-
phe , & à la ftruéture des glandes Hc
des veines lymphatiques.
Les veines lymphatiques font des
tuyaux cylindriques qui rappor- .•
tent la lymphe nourricière àt% parties
du corps dans le réfervoir commun ,
nommé dans l'homme , le réfervoir
de Pecquet , ou dans la veine axil-
laire : ces veines font coupées d'in-
tetvalleen intervalle par des glandes
qui fervent comme d'entrepôt à la lym-
phe.Chaque glande a deux tuyauxjl'un
qui vient à la glande apporter la lym-
phe \ l'aurre qui en fort , pour porrer la
lymphe plus loin. Les glandes lym-
phatiques, de delfous la ganache, ont
de même deux tuyaux , ou , ce qui
eft la même chofe , deux veines lym-
phatiques \ l'une qui apporte la lym-
phe de la membrane pituitaire dans
ces glandes ^ l'autre qui reçoit la lym-
phe de ces glandes pour la porter
dans la veine axillaire. Par cette théo«
rie , il eft facile d'expliquer l'engor-
gement des glandes de deffous la ga.-
Gggg
Gox M O R
nache : c'eft le propre de l'inflamma-
tion d'épaifllr toutes les humeuts qui
fe filtrent dans les parties voifines de
l'indammation \ la lymphe de la mem-
brane pituitaire dans la morve , doit
donc contra(fVer un cara£tère d'épaif-
fiirement; elle fe rend avec cette qua-
lité dans les glandes de deflbus la ga-
nache , qui en font comme le rendez-
vous, par plulieurs petits vailTeaux lym-
phatiques , qui après s'être réunis for-
ment un canal commun qui pénètre
dans la fubftancede la glande^ comme
les glandes lymphatiques font compo-
fées de petits vaiireaux repliés fur eux-
mêmes , qui font mille contours , la
lymphe déjà cpailiie doit y circuler diffi-
cilement, s'y arrêter enfin & les engor-
ger.
Il n'eft pas difficile d'expliquer par
la même théorie , pourquoi dans la
gourme , dans la morfondure & dans
la pulmonie , les glandes de deffous
la ganache font quelquefois engor-
gées , quelquefois ne le font pas ;
ou ce qui elt la même chofe , pour-
quoi le cheval eft quelquefois glandé ,
quelquefois ne l'eft pas.
Dans la morfondure , les glandes
de délions la ganache ne font pas en-
gorgées , lorfque l'écoulement vient
d'un fimple reflux de l'humeur de la
tranfpiration dans l'intérieur du nez,
fans inflammation de la membrane pi-
tuitaire \ mais elles font engorgées
lorfque l'inflammation gagne cette
membrane.
Dans la gourme bénigne , le che-
val n'eft pas glandé, parce que la
membrane pituitaire n'eft pas aff^ec-
ree ; mais dans la gourme maligne ,
lorfqu'il fe forme un abcès dans l'ar-
rière-bouche, le pus en palTânt par
les nafeaux , corrode quelquefois la
membrane pituitaire par fon âcreté
M O R
ou fon féjour , l'enflamme , & le che-
val devient glandé.
Dans la pulmonie, le cheval n'eft
pas glandé, lorfque le pus qui vient
du poumon eft d'un bon caraftère , &c
n'eft pas afl^tz acre pour ulcérer la
membrane pituitaire \ mais à la lon-
gue, en féjournant dans le nez,^ il ac-
quiert de l'âcreté , il irrite les fibres
de certe m-embrane, il l'enflamme &:
alors les glandes de la ganache s'en-
gorgent.
Dans toutes ces maladies, le che-
val n'eft glandé que d'un côté, lotf-
que la membrane pituitaire n'eft af-
fectée que d'un côté , au lieu qu'il eft
glandé des deux côtés , lorfque la
membrane pituitaire eft affeâée des
deux côtés : ainfi dans la pulmonie
& la gourme maligne , lorfque le
cheval eft glandé , il l'eft ordinaire-
ment des deux côtés, parce que l'é-
coulement venant de l'arrière-bouche,
ou du poumon , l'humeur monte
par-deflus le voile du palais , entre
dans le nez, également des deux cô-
tés , & affeéte également la membra-
ne pituitaire. Cependant , dans ces
deux cas mêmes , il ne feroit pas im-
pollible que le cheval fût glandé d'un
côté & non de l'auire ; foit parce que
le pus en féjournant plus d'un côté
que de l'autre , affecte davantage la.
membrane pituitaire de ce côté- là ,
foit parce que la membrane pituitaire
eft plus difpolée à s'enflammer d'un
côté que de l'autre, par quelque vice
local, comme par quelque coup.
DiagnoJUc. Rien n'eft plus impor-
tant, & rien en même temps de plus
difficile, que de bien diftinguer chaque
écoulement qui fe fait par les nafeaux;
il faut pour cela un grand ufage &
une longue étude de ces maladies.
Pour décider avec fùretc , il £ui:
M O R
être familier avec ces écoulemens ;
autremenc on eft expofé à porter des
jugemens faux , & à donner à tout
moment des déciiîons qui ne font pas
juftes. L'œil & le tacft font d'un grand
fecours pour prononcer avec jultelFe
fur ces maladies.
La morve proprement dite , étant
un écoulement qui fe tait par les na-
feaux , elle eft aifément confondue
avec les différens écoulemens qui fe
font par le même endroit 5 aulfi il
n'y a jamais eu de maladie fur laquelle
il y ait tant eu d'opinions différentes
& tant de difpures , ôc fur laquelle
on ait tant débité de fables : fur la
moindre obfervation chacun à bâti un
fyftême , de-là eft venu cette foule
de charlatans qui crient , tant à la
cour qu'à l'armée , qu'ils ont un fecret
pour la morve, qui font toujours sûrs
as guérir & qui ne guérilfent jamais.
La diftinétion de la morve n'eft pas
une chofe aifée , ce n'eft pas l'aftaire
d'un jour ; la couleur feule n'eft pas
«n figne fuffifant , elle ne peut pas
fervir de règle : un figne feul ne fuf-
fit pas y il faut les réunir tous pour
faire une diftinction sûre.
Voici quelques obfervations qui
pourront fervir de règle.
Lorfque le cheval jette par les deux
nafeaux , qu'il eft glandé des deux
côtés , qu'il ne toulfe pas , qu'il eft
gai comme à l'ordinaire , qu'il boit
& mange comme de coutume , qu'il
eft gras , qu'il a bon poil , & que l'é-
coulement eft glaireux , il y a lieu de
croire que c'eft la morve proprement
dite.
Lorfque le cheval ne jette que
d'un côté , qu'il eft glandé , que l'é-
cx)ulement eft glaireux , qu'il n'eft
pas rrifte , qu'il ne toulfe pas , qu'il
boit & mange comme de coutume.
M O R
60 y
11 y a encore plus lieu de croire que
c'eft la worv^proprement dite.
Lorfque tous ces figues exiftans ,
l'écoulement fubhfte depuis plus d'un
mois , on eft certain que c'eft la morve
proprement dite.
Lorfque tous ces fignes exiftans ,
l'écoulement eft fimplement glaiteux,
iranfparent , abondant Se fans pus ,
c'eft la morve proprement dite com-
mençante.
Lorfque tous ces fignes exiftans ,
l'écoulement eft verdàtre , ou jaunâ-
tre , & mêlé de pus , c'eft la morve
proprement dite confirmée.
Lorfque tous ces fignes exiftans ,
l'écoulement eft noirâtre , ou fanieux ,
(Se glaireux en même-temps, c'eft la
morve proprement dite invétérée.
On fera encore plus alîuré que
c'eft la morve proprement dite , fi
avec tous ces fignes , on voit en ou-
vrant les nafeaux , de petits ulcères
ron«:es ou des érofions fur la mem-
o ...
brane pituitaire, au commencement
du conduit nafal.
Lorfqu'au contraire l'écoulement
fe fait également par les deux na-
feaux, qu'il eft fimplement purulent,
que le cheval touile j qu'il eft trifte,
abattu , dégoûté , maigre , qu'il a le
poil hérifle , i!s: qu'il n'eft pas glandé ^
c'eft la morve improprement dite.
Lorfque l'écoulement fuccède à la
eourme , c'eft la morve de faufio
gourme.
Lorfque le cheval jette par les na-
feaux une fimple mucofité tranfpa-
rtnte , & que la triftefle &c le dégoût
ont précédée accompagnent cet écou-
lement j on a lieu de croire que c'eft
la morfondure : on en eft certain lorf-
que l'écoulement ne dure pas plus de
quinze jours.
Lorfque le cheval commence à.
G <y a a \
€o4
M O R
jeter également par les deux nafeaux
une morve mclce de beauiiHip de pus ,
ou le pus tout pur fans ccre glande ,
c'eft la pulmonie feule ; mais fi le
cheval devient glandé par la fuite ,
c'eft la morve compofée j c'eft-à-dire
la pulmonie & la morve proprement
dite , tûut-à-la-fois.
Pour diftinguer la morve par l'é-
coulement qui fe fait par les nafeaux,
prenez de la matière que jette un
cheval morveux proprement dit, met-
tez-la dans un vetre, verfez dellus de
l'eau que vous ferez tomber de fort
haut : voici ce qui arrivera^ l'eau fera
troublée fort peu j il fe dépofera au
fond du verre une matière vifqueufe
& glaireufe.
Prenez de la matière d'un autre
cheval morveux depuis long-temps ,
mettez- la de même dans un verre ,
verfez de l'eau delfus , l'eau fe trou-
blera conlidérablement ; (Se il fe dé-
pofera au fond une matière glaireu-
fe , de même que dans le premier :
verfez par inclinaifon le liquide dans
un autre verre , laifTez-le repofer ,
après quelques heures l'eau devien-
dra claire, & vous trouverez au fond,
du pus qui s'y étoit dépofé.
Prenez enfuite de la matière d'un che-
val pulmonique , mettez-la de même
dans un verre , verfez de l'eau delfus,
ïoute la matière fe délaiera dans l'eau
êc rien n'ira au fond.
D'où i! eft aifé de voir que la ma-
tière glaireufe eft un figne fpécifi-
que de la morve proprement dite , Se
que l'écouiement piitulent eft un fi-
gne de la pulmonie: onconnoîtra les
différens degrés de la morve propre-
ment dite , parla quantité de pus qui
fe trouvera mêlé avec l'humeur glai-
reufe ou la morve. La quantité différen-
i-e du pus en marque toutes les nuances.
M O R
Pour avoir de la matière d'un che-
val morveux , ou pulmonique , on
prend un entonnoir , on en adapte
la bafe à l'ouverture des nafeaux , &
on le tient par la pointe ; on intro-
duit par la pointe de l'entonnoir une
plume , ou quelqu'autre chofe dans
le nez , pour irriter la membrane pi-
tuitaire, &: faire ébrouer le cheval , ou
bien on ferre la trachée-artère avec la
main gauche , le cheval toulfe &i jette
dans Teiuonnoir une certaine quan-
tité de matière qu'on met dans un
verre pour faire l'expérience ci-def-
fus. Il y a une infinité d'expériences-
à faire fur cette matière ; mais les dé-
penfes en feroient fort confidérables.
Prognoftic. Le danger varie fuivant
le degré & la nature de la maladie»
La morve de morfondure n'a pas or-
dinairement de fuite, elle ne dure
ordinairement que douze ou quinze
jours , pourvu qu'on falfe les remè-
des convenables : lorfquelle eft né-
gligée , elle peut dégénérer en morve
proprement dite.
La morve de pulmonie invétérée ,
eft incurable.
La morve proprement dite com-
mençante , peut fe guérir par les
moyens que je propoferai \ lorfqu'ella
eft confirmée , elle ne fe guérit que
difficilement : lorfqu'elle eft invétérée,
elle eft incurable jufqu'à préfent. La
morve fimple eft moins dangereufe
que la morve compofée; il n'y a que \s
morve proprement dite qui foit con-
tagieufe , les autres ne le font pas.
Curat'ion. Avant d'entreprendre
la guérifon , il faut être bien af-
furé de l'efpèce de morve que l'on a
à traiter & du degré de la maladie r
I *. de peur de faire inutilement des
dépenfes , en entreprenant de guérir
des chevaux incurables j i**. afia
M O R
d'empêclier la contagion , en con-
damnant avec certitude ceux qui font
morveux; 3"'. afin d'arracher à la
mort une infinité de clievaux qu'on
condamne trcs-fouvent mal-àpropos.
11 ne s'agit ici que de la morve propre-
ment dite.
La caufe de la morve commen-
çante étant l'inflammation de la mem-
brane pituitaire , le but qu'on doit fe
propofer eft de remédier à l'inflam-
mation j pour cet eflet , on met en
ufage tous les remèdes de l'inflam-
mation \ ainli dès qu'on s apperçoit
que le cheval eft glandé , il faut com-
mencer par faigner le cheval , réité-
rer la faignée fuivant le befoin , c'eft
le remède le plus efficace : il faut en-
faite tâcher de relâcher & de détendre
les vailTeaux , afin de leur rendre la
fouplelTe ncceflaire pour la circula-
tion \ pour cet effet , on injeéte dans
le nez la décodion des plantes adou-
cilfantes & relâchantes , telles que la
mauve , guimauve , bouillon blanc ,
brancurlîne , pariétaire , mercuriale ,
&c, , ou avec les fleurs de camomille,
de mélilot & de futeau : on fait auflî
refpirer au cheval la vapeur de cette
décodion , & fur-tout la vapeur d'eau
tiède , où l'on aura fait bouillir du
fon ou de la farine de feigle ou d'or-
ge ; pour cela on attache à la tête du
cheval un fac où l'on met le fon ou
les plantes tièdes.: il elf bon de don-
ner en mcme-temps quelques lave-
mens rafraîchiflants pour tempérer le
mouvement du fang , & l'empêcher
de fe porter avec trop d'impétuofité à
la membrane pituitaire.
On retranche le foin au cheval &on
ne lui fait m ^er que du fon tiède,
mis dans un lac de la manière que je
viens de le dire : la vapeur qui s'en
exhale adoucit, relâche & diminue
M O R
Co\
admirablement l'inflammation. Par
ces moyens , on remédie fouvent à la
morve commençante.
Dans la morve confirmée , les in-
dications que l'on a , font de détruire
les ulcères delà membrane pituitaire.
Pour cela on met en ufage les déter-
fifs un peu forts : on injede dans
le nez , par exemple , la décuétion
d'ariftoloche , de gentiane & de cen-
taurée. Lorfque par le moyen de ces
injedions , l'écoulement change de
couleur, qu'il devient blanc, épais,
& d'une louable confiftance, c'eft ua
bon ligne ; on injeéle alors de l'eau
d'orge , dans laquelle on fait diffou-
dre un peu de miel rofat \ enfuite
pour faire cicatrifcr les ulcères , on
injeéle l'eau féconde de ch.uix , & on
termine ainfi la guérifon , lorfque la
maladie cède à ces remèdes.
Mais fouvent les finus font remplis
de pus , &: les injeélions ont de la
peine à y pénétrer \ elles n'y entrent
pas en aflez grande quantité pour en
vuider le pus ; elles font infuffifan-
tes \ on a imaginé un moyen de les
porter dans ces cavités , & de les
faire pénétrer dans tout l'intérieur du
nez ; c'eflle trépan , c'eft le moyen le
plus sîu- de guérir la m.orve confirmée.
Les fumigations font aufll un très-
bon remède ; on en a vu de rrès-
bons effets. Pour faire recevoir ces-
fumigations, on a imaginé une bocte
dans laquelle on fait brûler du fucre
ou autre matière déterfive ; la fumée
de ces matières brûlées eft portée dans
le nez par le moyen d'un tuyau long,
adapté d'un côté à la bocte, & de- l'au-
tre aux nafeaux.
Mais fouvent ces ulcères font cal-
leux & rebelles , ils réfiftent à tous
les remèdes qu'on vient d'indiquer ^
il faudrolt fondre ou détruire ces caï-
6o6
MO R
lofitcs , cette indication demanderoic
les cauftiqiies : les injetlions fortes &
corrofives rempliroienc cette inten-
tion , fi on pouvoir les faire fur les
parties afFcÂées feulement j mais
comme elles arrofent les parties fai-
nes , de même que les parties mala-
des , elles irriteroient &: enfljmme-
roient les parties qui ne font pas ul-
cérées 5 & augmenteroient le mal j de-
là la difficulté de guérir la morve par
les caultlques.
Dans la morve invétérée , où les
ulcères (owz en grand nombre , pro-
fonds & fanieux , où les vailleaux
font rongés , les os & les cartila-
ges cariés , & la membrane pitui-
raire épailfe & endurcie , il ne paroît
pas qu'il y air de remède \ le meil-
leur parti eft de tuer les chevaux, de
peur de faire des dépenfes inutiles ,
en tentant la guénfon.
Tel eft le réfultit des découvertes
de M M. de la Folfe , père & fils ,
telles que celui-ci les a publiées dans
une dillt-rcation piéfentce à l'Acadé-
mie des Sciences , & approuvée par
les commiiraires.
Auparavant il y avoir une profon-
de Ignorance , ou une grande variété
de préjugés fur le ficge de cette ma-
ladie j mais pour le connoîcre, dir
M. de la Foilè , il ne faut qu'ouvrir
les yeux : en effet , que voit-on lorf-
qu'on ouvre un cheval morveux pro-
prement dit , & uniquement mor-
veux ? On voit la membrane pitui-
taire plus ou moins affediée , les cor-
nets du nez & les Cnus plus ou moins
remplis de pus & de morve fuivant
le degré de la maladie , &c rien de
plus \ on trouve les vifcères & tou-
tes les autres parties du corps dans
^ine parfaite fanté. Il s'agit d'un che-
val morveux proprement die, parce
M O R
qu'il y a une autre maladie à qui oh
donne mal-à-propos le nom de morve ;
d'un cheval uniquement morveux ,
parce que la morve peut-être eft ac-
compagnée de quelque autre maladie
qui pourroit affecter les autres parties.
Mais le témoignage des yeux s'appuie
de preuves tirées du raifonnement.
i". Il y a dans le cheval & dans
l'homme des plaies & des abcès qui
n'ont leur fiége que dans une partie i
pourquoi n'en fetoit-il pas de même
de la morve ?
z*^. Il y a dans 1 homme des chan-
cres rongeans aux lèvres & dans le
nez; ces chancres n'ont leui fiége que
dans les lèvres ou dans le nez j ils ne
donnent aucun figne de leur exiftence
api es leur guénfon locale. Pourquoi
n'en feroit-il pas de même de la mor-
ve dans le cheval ?
5 ". La pulmonie ou la fuppuration
du poumon , n'affeCbe que le poumon ;
pourquoi li. morve n'affecteroit-elle pas
uniquement la membrane pituitaire?
4'^. Si la morve n'étoit pas locale,
ou , ce qui eft la même chofe , fi elle
venoit de la corruption générale des
humeurs , pourquoi chaque partie du
corps , du moins celles qui font d'un
même nlfu que la membrane pitui-
raire , c'eft-à-due d'un nilu mol , vaf-
culeux <Sc glanduleux, te! que le cer-
veau & le poumon j le foie , le pan-
créas , la rate , &t. , ne feroient-
eilcs pas affectées de même que la
m(.mbrane pituitaire ? Pourquoi ces
parties ne feroient- elles pas aftedées
plufieurs & niême toutes à la fois j
puifque toutes les parties font éga-
lement abreuvées «Se nourries de la
maffe des humeurs , fc que la circur
laiion du fang , qui eft la fource de
toutes les humeurs , fe fait égale-
ment dans toutes les parties ? Or il
M O R
eft certain que dans la morve propre-
ment dite , toutes les parties du corps
font parfaitement faines , excepte la
membrane pituitaire. Cela a été dé-
montré par un grand nombre de dif-
feclions.
5 °. Si dans la morve , la malTe to-
tale de la morve étoit viciée , chaque
humeur particulière qui en émane , le
feroit aulîi Ôc produiroit des accidens
dans chaque partie , la morve feroit
dans le cheval , ainfî que la vérole
dans l'homme j un compofé de tou-
tes fortes de maladies ', le cheval mai-
griroit , fouffriroit , languiroit & pé-
riroit bientôt ; des humeurs viciées
ne peuvent pas entretenir le corps en
fanté. Or on fait que dans la morve
le cheval ne fouffre point , qu'il n'a
ni fièvre ni aucun autre mal , excepté
dans la membrane pituitaire ; qu il
.boit & mange comme à l'ordinaire ,
qu'il fait toutes fes fondions avec fa-
cilité, qu'il tait le même fervice que
s'il n'avoit point de mal j qu'il eft gai
& gras, qu'il a le poil lille & tous
les fignes de la plus parfaite fanté.
Mais voici des faits qui ne lai Ifent
guère de_lieu au doute &: à la difpute.
Premier fait. Souvent la morve
n'affedre la membrane pituitaire que
d'un côté du nez , donc elle eft lo-
cale j ii elle étuit dans la malfe des
humeurs, elle devroit au moins at-
taquer la membrane pituitaire des
deux côtés.
Second fait. Les coups violens fur
le nez produifent la morve. Dira-t-
on qu'un coup porté fur le nez a
vicié la malTe des humeurs ?
Troifièmefait. La Iclion de la mem-
brane pituitaire produit la morve. En
1779, au mois de novembre, après
avoir trépané & guéri du trépan un
cheval, U devint morveux, parce que
M O R 60-]
l'inflammation fe continua jufqu'à la
membrane pituitaire. L'inflammation
d'une partie ne met pas la corruption
dans toutes les humeurs.
Quatrième fait. Un cheval faiii
devient morveux prefque fur-le-
champ , fi on lui fait dans le nez des
injeéVions acres & corrofivesj or ces
injedions ne vicient pas la mafle des
humeufs.
Cirrquième fait. On guérit de la
morve par des remèdes topiques.
M. Dubois , médecin de la faculté
de Paris, a guéri un cheval morveux
par le moyen des injeéfions. On ne
dira pas que les injeétions faites dans
le nez ont çruéri la malfe du fane;
d'où M. de la Fofle le fils conclud
que le fiège qu'il lui afllgne dans' la
membrane pituitaire, eft fon unique
& vrai liège. ( Voyez fa dijj'ertation
fur la morve j imprimée en 17(31. )
M. BRA.
MoKVE DES Brebis. Médecine
vétérinaire. La morve des brebis eft
une maladie contagieufe qui offre la
plupart des fymptomes de la morve
des chevaux. U fe fait par les na-
feaux un écoulemenr d'une humeur,
d'abord vifqueufe , enfui te blan-
châtre ; enfin, purulente. Tant que
l'écoulement n'eft que muqueux ,
la brebis mange comme à fon ordi-
naire \ mais lorfqu'il devient puru-
lent , la triitcflo , le dégoût , la mai-
greur & la foiblelfe s'accroiifent tous
les jours; l'odeur qu'exhale le corps
eft tœtide, & la mort eft prochaine.
Quelquefois la matière miiqueufe
qui s'accumule dans les nafeaux eft
fi conlidérable , que l'animal eft
obligé de faire de violens efforts pour
la chalfer hors des narines , & on en
a^yu mourir fufioqués par l'aboa-
^oS
M O R
dance de ce mucus accumulé , foie
dans les naiines , foit dans les bron-
ches.
Cecte maladie eft ordinairement
mortelle, & fouvenr elle fe communi-
que aux autres brebis, au point d in-
fecter en très-peu de temps des trou-
peaux nombreux. Elle a beaucoup de
redemblance avec la morve des che-
vaux 5 ( royxi l'article ci-deiîus) mais
elle en diffère en ce que les glandes
lymphatiques de la brebis ne font
pas ordinairement engorgées, ce qui
a toujours lieu dans les chevaux mor-
veux.
L'ouverture des brebis morveufes
démontre que les cavités du nez, le
larinx , la trachée-artère & les bron-
ches font tapilfés de la même matière
que celle qu'on voit fortir. Quand
celle qui fort des nafeaux eft puru-
lenre , on trouve les bronches &: l'in-
rérieur du nez ulcérés.
Traitement. M. Vitet confeille ,
après avoir féparé la brebis morveufe
du troupeau, de lui faire prendre ,
deux fois par jour , un bol conipofé
de deux drachmes de foutfre incor-
poré avec fuffifante quantité de miel ;
d'inje£ter dans les narines de l'eau
féconde de chaux , cdulcorée avec
du miel ; de mêler à fa boiffon & à
fa nourriture du fel, & de ne la nour-
rir qu'avec de la farine de feigle. Ces
remèdes facilitent très-bien l'expec-
toration nazale & la déterfion de
l'ulcère ; mais ne feroit-ce pas aufli
le cas d'employer les autres injec-
tions prefcrites pour la morve des
chevaux , de même que le féton i
côté des deux oreilles, &ie trépan
fur les os du nez ?
Si dans le commencement de la
maladie , on ne trouve que deux ou
Kois brebis afîedçes de la morve , il
M O R
faut les aiïommer fur le champ ic
les enterrer proiondément. Ce parti
eft bien plus avantageux , que de
livrer au boucher les biebis qui font
attaquées , & dont la chair eft ca-
pable d occartonner des maladies épi-
démiques & contagieufes ? Les ma-
giftrats , chargés de la police de la
campagne, devroient redoubler leurs
efforts pour fupprimer un abus aufti
nuifible à la fanté des citoyens & à
la population. M. T.
Morve des Chiens. Médecine
vétérinaire. Les chiens font aulli
fujecs à la morve. Chez ces animaux
la maladie le manitefte d'abord par
un éternuement qui eft bientôt fuivi
d'un écoulement par les narines &
par les yeux, d'une liqueur vifqueufe
& jaunâtre , accompagné d'une grande
triftelfe Se d'un abattement qui ne
leur permet plus de manger.
Cette maladie eft une pefte , & il
n'y a pas encore d'exemple qu'un feul
chien en ait réchappe, quelques re-
mèdes qu'on ait employés. Cepen-
dant, M. Berniard rapporte plufieurs
guérifons opérées par i'adminiftration
de Véther yitr'iofique. Voici le tait :
c'eft l'auteur qui parle.
» Au mois de Février dernier, fis
lévriers, cinq chiens courans Se deux
chiens d'arrêr , appartenans à M. le
marquis Myfzkowski ,furentattaqués
d'une maladie que leschalTeurs Polo-
noisappèlent morve. . . Plufieurs per-
fonnesjranrchafleurs qu'autres, ayant
éré confultées fur les moyens qu'il
y auroit de procurer du foulagemenc
à ces animaux fouffrans , les uns con-
feillèrent de faire avaler à chacun ,
pendant trois jours confécutifs , une
pinte de boiffon , avec moitié lait
& moitié huile. On leur fit prendre
ce
M O R
ce remède , qui ne produifit aucun
effet, puifque trois crevèrent le qua-
trième jour j les autres perfonnes con-
ieillèreiit de leur taire cailer la tête à
tous, Ôc de les jeter dans la rivière,
afin , difoient-ils , d'empêcher les
chiens bien portans , de flairer les
malades , & de les préferver pat ce
moyen , de la même maladie ....
i> J'avoue que la fentence de mort,
prononcée contre ces pauvres ani-
maux , qui , par leurs cris plantifs ,
& leurs regards nonchalans , fem-
bloient demander aux hommes qui
les environiioient , un remède beau-
coup plus doux pour leur mal, que
celui qu'on venoit de prefcrirej j'a-
voue, dis-je , que cette fentence
excita en moi un mouvement de com-
palîîon , qui me porta à demander
leur grâce , en promettant de faire
tout ce qui feroit en mon pouvoir ,
pour leur procurer du foiilagemenr.
J'ocdonnai qu'on coupât toute efpèce
de communication entr'eux & les
chiens bien portans. Dès-lors , je
cherchai quels mcdicamens je pour-
rois employer avecfucccs contre cette
maladie. Je me redouvins bientôt
d'avoir lu dans le Journal encyclopé-
dique , que quelqu'uîi avoir admi-
niliré Vdther vur;olq:it: .à des chevaux
malades; mais je ne me fouvenois ni
du nom de la perfonne, ni du vo-
lume du journal où je l'avois lu ; je
croyois feulement que c'étoic contre
la morve des chevaux que ce remède
avoir été donné ... Je réfolus auflîtôc
de donner de Vether vitrîoUque de la
manière qui fuit :
n Je mêlai trente gouttes d'éther
avecundemi-fjiptier de lait dans une
bouteille à large ouverture \ j'agitai
fortement la bouteille , en appuyant
ie pouce fur l'orifice, pour faciliter
Tome VI.
M O R
^09
le mélange, & éviter l'évaporarion
de l'éthcr; pendant ce temps-là, une
perfonne tenant entre fes jambes le
chien , & les deux oreilles avec fes
mains j tandis qu'une autre lui ou-
vroit la gueule , en tenant la mâ-
choire fupérieure avec une main , &
la mâchoire inférieure avec l'autre ;
je verfai en même temps la moitié
de la liqueur dans le gofier, & je le
fis lâcher enfuite un moment , pour
lui donner plus de facilité à avaler :
bientôt après je lui douiiai l'autre
moitié de la même manière. J'em.-
ployai la même dofe pour chacun. De
neut qu'ils étoient, il n'y en eut que
deux qui prirent ce remède de bon
gré, dans un plat qu'on leur préfenraj
quant aux fept autres , il fallut le
leur faire avaler de force : ce qui n'eft
pas difficile quand l'orifice de la bou-
teille qui contient la boilfon , n'eft
pas aufli large que l'ouverture de la
gueule du chien. »
>» Vingt-quatre heures après, j'eus
quelque fatisf.iâiion de mon effai j
je trouvai un changement total \ il
n'y avoir plus d'éternuement ; l'écou-
lement des narines avoir diminué de
moitié, & celui des yeux avoir entiè-
rement ceffé; l'appétit étoit revenu ,
& la triftede moins grande. D'après
un changement fi marqué, je ne crus
pas nécellaire de réitérer le remède ;
je voulus attendre au lendemain ;
mais les ayant trouvé alors fort gais
& jouant enfemble, je vis qu'il feroit
inutile de leur en donner davantage,
&c au bout de quatre jours, huit tu-
rent entièrement guéris; il n'y eur que
le neuvième , qui étoit une chieime
en chaleur, & dont la maladie étoit
à un plus haut période quaml j'en en-
trepris le traitement , à laquelle je
donnai une féconde dofe , & je lis
H h h h
6\o
M O R
reiiiBer une fois de l'eau de luce , qui
lui procura une évacuarion très-abon-
dante par les narines : deux jours après
cette chienne fe porta auili bien que
les huit autres chiens. »>
" Je dois avertir ici qu'on doit
tenir enfemble tous les chiens ma-
lades pendant le traitement , &
qu'après leur guénfon , on doit faire
bien nettoyer leur cheni , le laver
à grande eau , le lailfer ouvert juf-
qa'à ce qu'il foit bien fec , après
quoi il faut le refermer & y brûler
du foutre , & quelques jours après
des baies de genièvre. Il faut faire
la même chofe pour leur mangeoire
& leur abreuvoir , li l'on n'aime
mieux en refaire de neufs , ce qui
feroit préférable. Pendant ce temps-
là, il faut lailfer les chiens en liberté
dans une cour, pour prendre l'air. "
Nota. C'eft M. le marquis de
Saint-Vincent qui a imaginé le pre-
mier d'adminiftrer Vether vicriolujue
aux animaux dans les coliques d'in-
digeftion. A fon exemple nous Ta-
rons une fois eflayé dans un cheval
efpagnol , auquel on avoir inconfidé-
rément donne de la luzerne pour
nourriture. Nous lui- donnâmes foi-
xante gouttes d'tthtr avec du fucre
pilé , en lui faifant avaler par-delTus
une corne d'eau pure. Cet animal
c]ui fe rouloit , fe débattoit depuis
environ trois heures , avec la plus
grande violence, devint, une heure
après, calme, tranquille , rendit des
cxcrémens fœtides , f t beaucoup de
vents , & fut entièrement guéri.
On ne doit pas moins de reconnoif-
fanceà M. Bemiard d'avoir employé
Vether dans une maladie aulli cruelle
& auflî défefpérée ^ & dans une ef-
pèce d'animaux aulîi utiles que celui-
ci aux pJaifirs de Thomme. M. T.
MOT
MOTTE DE TERRE. Mor-^
teau détaché du fol par la bêche oii
par la charrue , & en malfe plus ou
moins grolTe. Les terres tenaces ,
argilleufes , &c. font fujettes à être
foulevées en mottes , lur-tout après
qu'il a plu , ou lorfque les trou-
peaux l'ont piétinnée pendant
qu'elle eft humide. Si on a donné
un fort tabour croifé , ( voye:^ ce
mot) avant l'hiver, il n'eft pas nécef-
faire de brifer ces mottes , au con-
traire elles s'imprégneront beaucoup
plus de l'eau des pluies , des neiges,
des rayons du foleil , de l'acide de
de l'air , ( Voye^ le mot Amende-
ment ) ; enfin les gelées les péné-
treront & le dégel en féparera mieux
les molécules c|ue ne pourroienr le
faire les mains de l'homme. Dans-
les pays où l'on a la mauvaife cou-
tume de laifPer les champs fur lef-
quels on a levé la moilTon fans être
labourés jufqu'après 1 hiver , oi\ eft
alfuré d'avoir dans les deux premiers
labours une quantité pre-dlgieufe de
groffes mottes qui fe durciront & fe
fceller.ont de plus en pù,s par l'ex-
lîcation. S'il furvient une ft.herefle
au printemps , comme c'cft aflez l'or-
dinaire dans les provinces méridiona-
les , tous les labours que Ion don-
nera enfmte jufqu'à ce qu'il furviennc
une pluie , tourneront & retourne-
ront ces mottes fans le;- brifer , &
à peine remueront-ils & lîlionneront-
ils le fol du delfous. Le plus court
eft, auiluôt après le premier labour ,.
de faire palfer la herfe , ( l^o^e-^ ce
mot ) à pUifieurs reprifes, (Se jufqu'à
ce que ces mottes foient divifées.
Alors on donnera un fécond labour,
qui croife le premier. Si ce fécond
labour foulève encore beaucoup de
mottes 5 on herjcra de nouveaUv Si
MOT
de nouvelles pluies vienneiir encore
fceller cerce terre, on herfera chaque
fois qu'on aura labouré. Le point
effentiel eft qae la terre foie bien
émiettée au moment des femaillcs.
En effet, il eft prefque impoflible de
bien femer , de femer également, lorf-
que le champ eft couvert de mottes.
Le femeurdoit toiijouis avoir les yeux
fixés fur la place où doit tomber le
grain, & s'il fait un faux pas en met-
tant le pied fur une motte qu'il ne
voit pas : alors fon coup de main ne
fera plus égal j ces malfes de terres
forment des monticules fur lefquelles
le grain ne peut fe repofer ;. le fe-
meur glitfe, & les grains fe trou-
vent raffemblés & trop épais vers fon
pied. Si le grain refte defTus , ou 11
en herfant il fe trouve delfous, dans
l'un & l'autre cas il eft perdu. Le
premier eft dévoré par les oifeaux ,
& le fécond eft étouffé fous une
malfe qu'il ne peut pénétrer. Je fais
que des femmes, des enfans, armés
de maillets de bois & à longs manches ,
marchent après le femeut, & bcifent
les mottes autant qu'ils le peuvent.
Mais c'eft une augmentation de
dépenfe & de dépenfe confidérable ,
lorfqu'il faut malfoler une grande
étendue de terrein. Si on la com-
pare avec celle occafionnée par la
lierfe, on verra qu'elle l'emporte de
beaucoup , Se que l'ouvrage ne fera
jamais fi bien fait. Que fon com-
pare un champ qui a été herfé autant
de fois que le befoin l'exigeoit, avec
un pareil champ où l'on a été obligé
de brifer les mottes avec le maillet ,
on verra certainement dans celui-ci
beaucoup de places vides , & un
très- grand nombre d'autres inégale-
ment femées.
Si on étoit toujours alTuré d'avoir
M O T 6û
une pluie favorable près de l'époque
des femailles , les mottes feroienc
moins nuifibles, fur-tout, fi malgré
leur réfiftance on avoir donné des la-
bours profonds, parce qu'elles offrent
une plus grande furface capable de
recevoir les imprellions des méréores.
( T'^oye-^ le mot Amendement & le
dernier chapitre du mot Culture)
Alais , comme rien n'eft plus incer-
tain que certe pluie bienfaifante , la
piudence dide la loi de heifer autant
de fois que le befoin l'exige , & de
donner un nouveau labour après le
travail de la herfe , afin de découvrir
<Sc de préfenter au foleil le plus de
furface qu'il eft pofiible.
On a propofé différentes efpèces
de rouleaux pour fupplcer à la herle.
Ils font repréfentés , planche XIX,
page 477 du cinquième volume. Ce
que je viens de due fur la néceflué
de herfer après chaque labour dans
les fonds tenaces , n'implique pas
contradiélion avec ce que j ai avance
à l'article Herse, qu'il convient
de relire. Il ne s'agit que des fols
gras , & on doit obferver qu'on de-
mande fur-tout , qu'après qu'on aura
herfé , on laboure de nouveau. Les
motifs en font détaillés dans cet ar-
ticle.
Motte ( planter en ). Opéra-
tion par laquelle on ouvre un folfé
à une certaine diftance de l'arbre ,
& tout autour, afin de lui conferver
le plus grand nombre de racines qu'il
eft pofiible ; enfuite , lorfque le foffé
eft à une profondeur plus baffe que
celles des racines , on cerne la terre
par- delfous , & on enlève l'arbre
avec la terre qui eft attachée aux ra-
cines. Cette manière de travailler
réuffit alTez bien lorfque la terre eft
forte iSc tenace j mais ordinairemeiu:
H h 11 h z
6iz MOT
c'eft une peine & de l'argent perdus ,
lorfque le fol eft meuble &c léger,
parce qu'il fe dét^iche de lui-même
à la moindre fecouire. Pbur donner
plus d'adhcfion à cette terre , on fera
très-bien d'arrofer largement le pied
de l'arbre plufieurs jours à l'avance
avec de l'eau de fumier; elle donne
du nerf à la terre.
Prefque toujours la tranchce eft
trop rapprochée du tronc , tandis qu'au
contraire elle devroit en être très-
éloignée. Plus elle eft près , & plus on
eft torcé de mutiler un grand nom-
bre de racines , c'eft cependant de
leur longueur & du nombre de leurs
chevelus , que dépend la profpetité
de l'arbre. Le propriétaire intelligent
veillera à ce que l'ouvrier les mé-
nage , aind que les chevelus. C'eft,
il eft vrai , augmenter la longueur du
travail ; mais , en même temps, c'elt
conferver le bien être de l'arbre
•Se fes relîources pour la végétation.
En général les jardiniers & tous
les hommes à rourhiês blâmeront
cette méthode. Cependant, pour dé-
liller leurs yeux , je les invite à
planter deux arbres , l'un dont , fui-
vant leur coutume, ils auront rigou-
reufement coupé toutes les racines
qui excèdent la motte de terre , 6c
l'autre dojir ils auront ménagé avec
beaucoup de foin les racines & les
chevelus qui l'excédent. Dans ce
dernier cas l'arbre profpérera , &
dans le premier, on le verra fouvent
périr après la féconde ou troilîème
année, parce que les nouvelles r.a-
cines que farbre poulTe ne font pas
alTez fortes pour pénétrer dans la
terre de la circonférence de l'ancien
trou. J'ai vu des arbres fur lefquels
cette circonférence avoir produit le
même effet que celle d'un vafe fur
MOT
les racines de la plante ou de l'ar-
bufte qu'il contient, c'eft-à-dite , que
les nouvelles racines en failoient
tout le tour.
Il eft encore à remarquer , que
dans les terres fortes , & fur- tout
dans les provinces méridionales , la
terre fe gerce pendant les fécherefles
de l'été , S: fe fend fur-tour , Se
dans toute fa profondeur , & précifé-
ment dans l'endroit de la circonfé-
rence du trcu ; alors les racines font
à l'air , 6c l'arbre périt. On objectera
qu'on peut faire travailler le delfus
de cette terre , l'arrofer &■ faire dif-
paroîrre les gerçures. J'en conviens,,
lorfqu'il s'agit limplement d'un jar-
din , où l'on a tout fous la main;
mais en eft-il de même pour les grandes^
plantations ? Il y a trois ans que j'ai.
fait planter une allée de marronniers-
d'Inde, &: malgré mes foins & les ar-
rofemens que j'ai fait faire , à peine la
terre du trou & celle de la circonfé-
rence commencent-elles à faire corps.
Je n'ai pas trouvé de meilleur moyen
pour prévenir ces gerçures , que de
couvrir la rerre du rrou, & un peu de
celle de la circonférence , avec la baie-
du bled; elle empêche l'évaporatioii
après l'arrofement , & ptévient les
nouvelles gerçures. Le point eflen-
tiel , après qu'on a planté un arbre
en motte , eft de faire piocher i^ne
certaine étendue du rerrein de la cir-
conférence près de celui de la fofTè ,
& opérer de même chaque fois que
l'on travaille le pied de l'arbre. Avec
de tels foins, de telles précautions,
on peut planter de très-gros arbres ;
mais, je le répète, il but n'être a-
vare ni du temps, ni de la dépenfe,&
voir manœuvrer fous fes yeux. Si on
s'en rapporte à fon jardinier, ou aux
ou vr iers , c'eft une opération manquée-
M O U
On plante en motte les atbres ou
arbuftes , ou plantes femées dans
des pots. Le premier foin ell de les
arrofer quelques jours d'avance, de
renvetfer eniuite le por, de le rouler
un peu & par petites fecouires , de
palier la main gauche & les doigts
étendus entre la plante & la terre lu-
périeure , afin de les contenir ; en-
tin , avec la main droite , on Ibu-
lève le pied du pot, & l'on tait glilTer
en avant fur la main gauche & la
terre Se la plante. Si le vafe eft: con-
fidérable on fe fait aider. On voit
ordniairement tout autour de la
forme de terre une mulrirude de
■petites racines capillaires & blanches ,
quelesjardiniersappèlent Viperruque,
parce qu'en effet ces racines font en-
trelacées & femblent former un ré-
feau continu comme les trèfles d'une
perruque. Us ont. grand (oui de les
couper, de les détruire , & ils s'ima-
ginent en favoir plus que la nature.
Je leur dirai : commencez à faire
une folîe beaucoup plus grande que
le volume de terie que vous venez
de tirer du pot j placez au milieu
de cette folfe la motre ; détachez-
en doucement ces racines blanches \
érendez - les en tout fens dans le
fond de la fofle ; couvrez -les avec
de la rerre meuble \ enfin , hiùlfez
de combler la folle avec la terre que
vous en avez tirée, ou avec de la meil-
leure fi vous en avez.
MOUCHE. Infede fort commun,
& dont les efpèces font très-multi-
pliées. On les reconnoît & on les
diftingue des autres infeifies par leurs
ailes tranfparentes, fembla'bles à de
la gaze , & fur lefquelles on ne voir
point cette poulTière , ou plutôt ces-
petites plumes brillantes 1 & diver-
M O U
<ÎTî
fement colorées , qui embeiiiiTent les
ailes des papillons. Leurs aiies fonc
en réfeau , & ne font cachées fous au-
cune enveloppe. La multiplication
des mouches eft prodigieufe. Elles
dépofent leurs œut; là ou elle favenc
que le ver qui en proviendra , trou-
vera une* nourriture contorme à fes
befoins. L'une choifit les huirs , les
arbres , l'autre la viande ; celle-ci le
fondement du cheval , celle-là les
nafeaux du mouton , de la brebis ;
&c après que ces vers ont fubi dif-
fcrens changemens de peau, à peu-
près comme le ver-à-Joie , ( Foyez
ce mot ) , ils forment leurs cocons,
d'oii ils lortent enfin en inleèle par-
fait , c'eft- à-dite en mouche , qui
cherche à s'accoupler auditôt avec
fa femblable. Si on dc'fire de plus
grands détails & très-curieux , on
peut conlulter les ouvrages de M. de
Réaumur, l'abrégé de l'hiftoire des
infecles, imprimé à Paris chez Gue-
rin^ le didionnaire de M. Valmonc
de Bomare , &c. De plus grands dé-
tails m'écarteroient du but de cee
ouvrage. 11 vaut mieux s'occuper
d'objers pratiques.
!"■'. Des mouches relativement œ
l'homme. Rien de plus incommode-
que les mouches , rien de plus tyran-
ir.que & de plusdéfagréable que leurS'
piquures, lorfqne le remps eft lourd,,
bas, ou lorfque le venr dufud règne i,
ou enfin à l'approche d'un orage.
Les provinces méridionales font plus
à plaindre à cet égard , que celles du^
nord du royaume, parce que la durée
des mouches eft plus longue , & la
chaleur plus forre contribue & hâte
fingulièremenc leur multiplication..
Chacun a propofé fon moyen pour
éloigner de nos demeures un animal'
aulli incommode que celui-ci. Toutes.
<îi4 MOU
Jes odeurs forces, & mêmes véncneu-
fes, ont t'cé miles à concribiuiou. Il cft
certain que quelques-unes éloignent
ces infectes ; par exemple , l'odeur
de l'huile de laurier j mais quel eft
l'homme qui pourra lupporcer cette
odeur? Les feuilles de fureau ont les
mêmes propriétés , mais 4eur odeur
entête, elle eft nauléabonde, & fes
émanations vicient l'air d'un apparte-
ment, & le convettillent en air fixe,
( voye-^ ce mot ) s'il refte terme. On
a beaucoup vanté du miel étendu fur
wnQ feuille de papier. L'expédient
fcroit admirable , puifque ce papier
eit bientôt couvert de mouches qui
y demeurent attachées; mais l'odeur
du miel, du fucre, i^c. les attire
d'une très-grande diftance. On pro-
pofe de fulpendre au plancher plu-
iieurs petits fagots de branches de
faule fur lefquelles les mouches fe
retirent pendant la nuit. Alors on dé-
tache doucement ces fagots, & on les
fecoue dans l'eau ou dans le feu . . .
L'eau fubmerge la mouche, mais âhs
qu'on jet'.e cette eau , dès que la
mouche eft frappée par le courant
d'air , & réchauftée par le foleil j elle
revient de fa léthargie. On peut, pour
s'alTurer du fait, faire une expérience
affez fingulière ", on noyé quelques
mouches , & avec du fél de cuifme ,
réduit en poudre très-fine , on les
faupoudre légèrement , on les retire
de l'eau. Se on les porte enfuite au
foleil. L'humidité de leur corps fait
fondre le fel , l'évaporation de l'eau
eft augmentée , & l'infecle revient
promptement à la vie,& comme par
miracle.
On doit éviter avec foin d'avoir,
dans la partie que l'on habite, des
fruits , des viandes , des fucreries , &c.
'qui attirent les mouches , fur-tou:
M O U
lorfque le vent du fud règne , & que
le temps eft bas. Un m.oyen allez aifé
pour en détruire une grande quantité,
con(ifte à délayer, dans l'eau & dans
ime afliecte . de l'orpiment, dont les
peintres fe fervent dans leurs cou-
leurs, ou du réalgar. Les mouches
viennent fur les bords de l'afllette,
& trompées par cette boilTon douce,
mais perfide , elles s'empoifonnent,
& vont tomber à quelques pas de-là.
Ce procédé ne peut être mis en ufage
dans les chambres où l'on a laifle
des enfans, à moins qu'on ne place
le vafe (i haut qu'il leur foit impof-
fible d'y atteindre. Leur indifcrète
curiollté pourtoit leur être aufti fu-*"
nefte qu'aux mouches. ... Il feroit
encore très-imprudent de le mettre
en pratique auprès des cuifines , des
offices : outre le déf.igrément de trou-
ver des mouches mortes dans rous
les vafes ; elles pourroient infeéter
les liqueurs ou les fubftances qu'elles
contiennent .... Un autre moyen
eft de fermer toutes les fenêtres d'une
chambre , de n'y laifter aucun jour ,
& d'ouvrir enfuite la porte de com-
munication avec la chambre voifine.
Elles abandonneront le premier ap-
partement pour fe jeter dans le fécond
qui fera éclairé. par l'aftre du jour ,
& ainfi de fuite de chambres en
chambres. Il faut convenir que ces
petites rufes produifent leur effet ,
mais il eft momentané fi on t'ouvre
la fenêtre pour donner de l'air , oit
pour refpirer le frais j les mouches
rentrent par centaines , &; c'eft tou-
jours à recommencer.
Après avoir elfayé tous les moyens
propelés pat difFérens auteurs , j'ai
vu que je diminuois le nombre de
ces infedes , mais que je ne pouvois
détruire le mal par la racine. J'ai
MOU
enfin pris le parti de faire de petits
cadres en bois , d'y tendre & clouer
fur toute leur largeur & longueur j
un cannevas peu l'erré. Le cadre eft
foutenu contre le dormant de la fe-
nêtre par des viroles , & l'entrée du
cabinet eft également fermée par une
porte volante, faite avec un cadre
garni comme celui des fenêtres. Avec
un moyen fi fimple & fi peu coûteux ,
je fuis parvenu à avoir cette tranquil-
lité fi néceffaire lorfqu'on travaille,
& un courant d'air agréable , qui
rempcre la chaleur de l'été du cli-
mat que j'habite. Ce canevas ga-
rantie des coufins , bien plus à re-
douter que les mouches dans les pays
méridionaux. On peut au moins lailTer
les fenêtres ouvertes pendant la nuit,
fans crainte d'être |a(Tai!li& dévoré le
lendemain par ces infedes mal faifans.
La piquure des mouches eft quel-
quefois dangereufe (Se funefte ;
mais c'eft accidentellement : conful-
tez les mots Araignée , tome pre-
mier , page 600. Un peu d'alkali
volatil Huor , ou d'eau de chaux ,
fuftîfent pour diftiper l'inflamma-
tion. ( I )
Si les fenêtres d'un appartement
rempli de mouches, reftent pendant
plufieurs jours de fuite fermées, les
mouches meurent. Eft-ce de £iim ,
ou bien ont-elles befoin de rtfpirer
un air nouveau? L'une & l'autre caufe
peuvent y concourir, mais la dernière
me paroît la plus probable. Quoique
la rumination des mouches n'ait pas
un rapport direéf avec notre objet, ce
fait nous a paru trop curieux, & même,
MO U 615
à certains égards , trop incéreffant ,
pour le palfer entièrement fous filence.
1°. Des mouches relativement aux
animaux. L'expérience journalière
apprend que les chevaux, les bœufs,
les mules , &:c. maigriflént à vue
d'oeil pendant l'été j les chevaux:
fur-tout , lorfqu'ils font perfécutés
par les mouches. Ils fe trémoulfent ,
ils s'agitenr , frappent du pied, leur
queue eft dans un mouvement con-
tinuel j enfin , ils ne font pas un
feul moment tranquilles. Au mon
Ecurie , tome quatrième, pages 141
& 145 j j'ai indiqué le moyen le plus
fur de chafter ces mouches , & de
permettre à toute efpèce de bétail de
manger i\: de repofer paifiblemenr. La
boucherie de Troyes en Champagne
m'a fait imaginer cer expédient : en
effet, on n'y voit pas une feule mou-
che. L'opinion populaire eft que Saine
Loup leur a défendu d'y entrer ; mais
la véritable raifon eft que cette bou-
cherie eft très-longue , très-baffe , &
orientée du nord au fud, ce qui éta-
blit un courant d'air continuel , &
les mouches le craignent. D'ailleurs,
comme cette boucherie eft peu éclai-
rée , on ne voit des mouches , &c
encore en petite quantité ^ que dans
les boutiques les plus près de la
porte \ celles de l'intérieur n'en ont
aucune. Si dans cet intérieur on porte
des mouches & qu'on les lâche en-
fuite , elles fe hâtent de gagner la
porte. Ainfi , un grand courant d'air
<îc l'obfcunté font les meilleurs pré-
fcrvatifs pour l'intérieur.
Lorfque les animaux fortent de
( I ) Les Brames, & prefque tous les liabirans àc l'Alie, font un ç;rand ufagc de !.î chaux
contre les piquurcs des confins, tV fur-tout des cuépes & des mouches à miel ; i!s prennent
de Ll chaux vive un peu délayée , & ils en froticnr toutes les parties piquées & tuméfiées ;
la douleur celfc fur-lc-champ : il refle encore un gonflement que l'on dillîpe bien vî;e
par l'application 5: le lavage avec de l'eau fraiclic.
6iô
MOU
rétable, de l'écurie, &c. on n'a plus
les mêmes tacilités de les garantir
des mouches ; les plus à redouter
pour eux font les mouches appeliées
Cdons , dont la piquure eft il forte
qu'elle traverle de part en parc le cuir
du bœuf , même dans la partie la
plus épailfe. Si p'.ufieurs taons s'a-
charnent à le perfécuter, il rompe ,
brife fes liens, & s'échappe comme
un lion furieux. On voitfouvent dans
les marches , dans les foires , la pi jpart
des bœufs qu'on conduit , s'agiter
avec violence , s'emporter , mécoii-
noître la voix de leur gardien , pren-
dre la fuite &c jeter par- tout l'é-
pouvante. Le peuple dit qu'on leur
a jeté un fort ; mais les raons , les
feuls taons font l'unique caufe de
tout le dcfaftre.
Il arrive quelquefois que les pi-
quures de ces mouches dangereuses,
font fuivies d'ulcères , & que ces
ulcères prennent un caradtère uiflam-
matoire lorfque des mouclies d'ef-
pèces difrérentes y dépofent leurs
œufs , d'où proviennent enfuite des
vers qui fe nourrilfent de la chair
de l'anima! , & dans laquelle ils
s'implantent fi fottemei;t , qu'il eft
irès-difficile de les en arracher : alors
l'ulcère creufe de plus en plus fous
les mufcles , il s'y forme des cla-
piers ; enfin , il gagne jufqu'aux os.
A l'article Ver , nous indiquerons
la manière de les détruire, ainli que
ceux qui font logés dans l'inteftin-
retluni du cheval , dans les imus fron-
taux du mouton , Sec. Ces fimples
indications démontrent combien il
importe de préfeiver les chevaux &
le bétail des piquures des mouches.
Dans plufieurs cantons de la Franche-
Comté , on fuit une coutume qui me
jparoîi fort raifoiinabk. Les chevaux
MOU
font couverts , pendant qu'ils tra-
vaillent , d'une pièce de toile qui
leur couvre tout le dos. La partie
de devant s'attache au collier , 6c
celle de derrière, à la croupière; de
manière que cette toile ne touche
l'animal que par les côtés , &c non
pas fur le dos : une femblable toile
leur couvre tout le ventre & jufqu'aux
jambes de devant; de forte que la
tête , l'encolure ik les jambes font
les feules parties qui ne foient pas
couvertes. Chaque pas de l'animal
donne un mauveni>;nt aux toiles ,
Se les mouches , fatiguées par ce mou-
vement perpétuel , vont chercher ail-
leurs à exercer plus tranquillement
leur voracité. Cette méthode devroit
particulièrement être fuivie dans les
provinces méridionales où les mou-
ches & les infeâes font beaucoup
plus multipliés que dans le nord.
D'ailleurs , ces toiles blanches ré-
liéchilfent les rayons du foleil ; &
comme elles ne touchent que par
peu de points le corps de l'animal,
il règne perpétuellement un courant
d'air entre elle 5c fa peau. L'ufage
des caparaçons eft également utile ;
mais les mouches piquent le dos de
l'animal entre les mailles j la toile
eft à préférer.
On a propofé un nombre infini
de décodions faites avec des plantes
à odeur forte &: puante , ^' d'en frot-
ter le corps de l'animal lorfqu'il va
aux champs. On doit bien penfer
que celle du fureau n'eft pas oubliée ,
ni celle de la jufquiame , de la pom-
me épineufe , Sec. Outre le danger
qui réfulte de ces préparations , pour-
quoi vouloir empefter pendant la
journée entière, & les beftiaux Se les
conduC'leurs ? Tout le monde fait que
les mouches fuient le vinaigre: fer-
v«z-vous
MOU
vèz-vous clone de vinaigre iins le
befoin , & abandonnez toutes ces
recettes ou inutiles ou dégoûtantes.
3°, Des mouches Teladvtmcnt aux
plantes. Il n'exifte aucun atbre , au-
cun arbrilTeau , aucune herbe qui
ne foit deftiné , ou à la nourriture
d'une ou de plufieures efpèces d'in-
fedes , ou de dépôt pour leurs œufs.
Les mou -lies en général s'attachent
peu aux fleurs , aux fruits , comme
nourriture ; mais certaines efpèces y
logent leurs œufs.
Pluiîours efpèces de mouches fe
jettent fur les arbres attaqués par les
galles - infeclts , ( i^oyei ce mot )
par les pucerons , & fur les aibres à
feuilles cloquées. ( f'^^yei Cloque )
La fève s'extravafe par les piquures
multipliées que font ces infectes Air
les bourgeons, fur la nervure des
feuilles, & cette fève miellée attire
les mouches qui la fucent & s'en
nourrilTent. C'eft donc accidentel-
lement qu'elles font du mal , ou
plutôt elles profitent du mal qui ell
déjà fait j Se il eil en tout fembla-
ble à celui occafionné parles/o-vr-
rnis. ( f^oyei ce mot ) Leurs excré-
mens multipliés & mélangés par leur
piétinement , avec le mucilage de
la fève , prend une couleur noire qui
gagne petic-à-petit tous les endroits
où les mouches Se les fourmis fe
jettent ; enfin , le tout forme une
croûte noire. Le moyen le plus fim-
ple pour la faire difparoître , Se le
plus falutaire pour l'arbre , eft de
laver le tout par le moyen des fe-
riiTgues à la hollandoife .... L'eau
détrepipe le mucilage , l'entraîne ,
ik lailFe la branche & les feuilles
nettes.
Eft-ce une mouche , ou une autre
infevte , qui pique les fruits quand
Tome VI,
■ MOU Ci-j
ils font encore très- petits , ou quand
ils commencent .à nouer , afin d'y
dépofer fes œufs ? Ce qu'il y a de
certain, c'eft que l'on voit un nom-
bre afTez conddérable de mouches
brunes volticrercà & là fur ces flïurs
ot fur ces fruits. En admettant que ce
fcient elles , la queftion fera déter-
n-:inée pour une efpèce feulement \
mais elle n'en telle pas moins em-
brouillée à bien des égards , à moins
qu'on n'admette pluiîeurs autres ef-
pèces de mouches. Par 'exemple ,
celle qui dénofe fes œufs fur le bon-
chrétien d'été, n'eft pas la même que
celle qui pique le martin-fec \ puif-
que leur floraifon ne fe fait pas à la
même époque, & la fbrmedu ver que
l'on appercoit en coupint ces fruits,
ert bien diflérente ^ d'ailleurs , l'une
eft une des premières poires du prin-
temps, & l'autre de l'hiver. Cepen-
dant ces vers ont befoin de leur ma-
turité, pour trouver une nourriture
convenable à leurs befoins ou à la
formation de leur chryfalide ; car
lorfque la poire blanquette eft bien
mûre, on voit la cicatrice de l'an-
cienne piquure enlevée , & la place
de la lortie de l'infeéle ailé , en-
tièrement dépouillée de la chair du
fruit .... Certainement la mouche
qui pique la pomme calville , par
exemple, n'eft pas la même que celle
du poirier ou du pommier d'été :
leurs vers prouvent cette diftérence.
Il faut donc néceflairement conclure
que fi on doit attribuer aux mouches ,
les vers que l'on trouve dans les fruits ,
les efpèces font différentes , & con-
venir de bonne -foi cjue l'on eft en-
core très-peu inftruit fur cet objet....
La connoiirance de ces efpèces mal-
faifantes , feroit digne de l'atten-
tion d'un amateur , & qui auroit
i i i i
tfi8 MOU MOU
le temps de faire des recherches ré- lide. Elle intercepte dans la fuite le
glées &c foucenues. H pourroit, dès courant d'air nécelTaire à l'animal
qu'il s'apperçûit qu'un fruit eft piqué,
l'entourer d'un cannevas léger , &
lier le bas contre la branche qui fup-
porte le fruit : alors il fera bien sûr
que nul autre infecte ne pourra en
approcher, & il trouvera fous le can-
nevas celui que le ver aura produit.
L'infede une fois connu , il eft plus
facile alors de lui déclarer la guerre ,
& à force de foins multipliés , de
l'éloigner , ou de le détruire.
La mouche menuifière , ainfi nom-
mée, parce qu'avec fa tarrière elle
perce l'écorce de l'arbre , dépofe
fon œuf fur l'aubier, il y éclot , &
devient un ver qui va toujours en
montant vers le fommet de la bran-
che , afin que par l'ouverture infé-
rieure , puilTent s'échapper les fciu-
res du bois de l'arbre, ou de la bran-
che qu'il a rongée. Cette fciure trahit
l'infcéle , en tombant fur la terre \
elle décèle fon exiftence dans l'ar-
bre, &c en cherchant perpendiculai-
rement fur la branche , dans l'en-
droit qui y correfpond , on trouve
l'entrée de fa retraite. Alors on prend
un fil de fer que l'on a fait rougir ,
afin de le rendre plus fouple , plus
difpofé à fuivre les courbures de la
galerie ; on l'enfonce jufqu'à ce qu'il
rencontre le ver, & on connoit qu il
l'a bletfé quand on voit fon extrémité
mouillée S<. gluiune. Quelquefois ces
galeries ont jufqu'à deux pieds de
longueur j d'où l'on doit conclure le
dégât qu'il occafionne à la branche.
Un fécond moyen , moins difficile
que le premier , eft de boucher à
une certaine profondeur , & avec
del'argille , l'entrée de fa galerie. On
l'y enfonce , & on la preffe avec force ,
afin qu'elle devienne un corps fo-
pour vivre, & elle retient les fciutes
qui ne peuvent plus fortir. La mou-
che menuilière eft beaucoup plus
grolTe qu'une abeille \ fa couleur eft
d'un bleu foncé , & elle bourdonne
beaucoup en volant. Elle fe jette in-
différemment fur toutes efpèce d'ar-
bres, & elle dépofe fon œuf toujours
dans le delTous de la branche. Ne
produit-t-elle qu'un feul œuf ? Je
mais il eft certain que
l'itrnore
lans
chaque
galerie on n en trouve
qu un feul.
Une autre mouche
connois pas Tefpèce ,
la même manière que
, dont je ne
travaille de
a mouche
être beaucoup
puifque fa galerie l'tfi
doit
menuifière : elle
plus petite
auflî , & fes fciutes font plus pe-
tites & à grains plus fins. Ses rava-
ges font les mêmes. Plufieurs abeil-
les font encore appellées menuifières y
charpennères , parce qu'elles dépo-
fent leurs œufs dans les vieux bois.
Il feroit trop long de parler de
toutes les efpèces de mouches , & de
traiter cet article en naturalifte. Si
on défire de plus grands détails , on
peut confulter le traité des infecles,
de M. Geoffroy , il compte quatre-
vingt-huit efpèces de mouches.
On a confcillé , pour éloigner les
mouches des jardins , de jeter ç.i êc
là des branches de fureau fur celles
de l'arbre fruitier que l'on veut ga-
rantir , à caufe de fon odeur forte
qui les éloigne. Mais on n'a donc
pas obfetvé que pendant que le -fu-
reau eft en fleur, il eft lui-même
couvert de mouches ? Je veux bien
qu'elles ne foient pas de la même
efpèce. Si celles - ci piquent fes
baies, pourquoi ne pic^uetoient-elles
MOU
pas cgalemenc les fruits de nos jar-
dins ? Ce que je puis affurer d'après
ma propre expérience , c'eft que j'ai
vu autant de fruits piqués fur un
poirier que j'avois garni de branches
de fureau , que fur les autres qui
n'en avoient pas eu.
On a propofé également des fu-
migations avec des herbes fortes ,
de faire brûler de l'arfenic , de l'or-
piment, &c. Cette fumée peut éloi-
gner pour un inftant les mouches
& les infedes ; mais ils reviennent
aufTuôt qu'elle eftdiffipée. 11 faudioit
donc que les arbres fuflfent environ-
nés pendant des femaines entières
d'une fumée épiille ; Se pendant ce
temps - là , qui cultiveroit le jar-
din , & qui voudroit expofer fes
ouvriers à la fumée de l'arlenic, de
l'orpiment ! &c. On fe mettra au
deffous du courant de fumée, dira-
t-on ! 11 n'y aura donc qu'une partie
des arbres du jardin qui fera préfer-
vée ? 11 efl: donc clair que ceux qui
donnent de pareils confsils , ou qui
les répètent dans leurs écrits, ne les
ont jamais mis en pratique.
Mouche a Miel. ( P'oye~ Abeil-
le )
Mouche cantharide. ( J^^'oye'^
Cantharde )
MOULES. On donne ce nom à
plufieurs efpèces de coquilles bivalves ,
dont quelques-unes fe trouvent dans
la mer , & d'autres dans l'eau douce.
La moule de mer eft un animal mol ,
oblong, blanchâtre , & dont les bords
font frangés ; il ell logé dans une
coquille compofée de deux pièces
affez minces , obîongues , convexes
& bleuâtres à l'extérieur, concaves &
M O U
<>I9
blanches dans leur face interne. Ces
animaux fe fixent fur diffcrens corps,
au moyen d'un grand nombre de fils,
à-peu-près de la grodeur d'un che-
veu , & qu'ils collent autour d'eux :
les cuiiiniers ont foin d'arracher ces
fils avant de faire cuire les moules-
M. Mercier du Pruy a donné la
defcription des bouchots à moules
dans les mémoires de l'académie de
la Rochelle : ce font des efpèces de
parcs formés par des pieux avec des
perches entrelacées, qui forment une
elpèce de clayonage très-folide j les
moules s'y attachent par paquets pour
y dépofer luur frai , elles y croiffeiu
promptemenr, s'y engrailTent & de-
viennent meilleures & plus faines que
les autres moules j il ne faut qu'une
année, ou à-peu près, pour peupler
un bouchot. On prend les moules
depuis le mois de juillet jufqu'au
mois d'octobre, en exceptant cepen-
dant les temps des fortes chaleurs &:
celui du frai ; on n^enlève pas toutes
les coquilles du parc , mais on y ch
laille au moins le dixième.
On fe ferr beaucoup des moules
dépouillées de leurs coquilles, pour
garnir des haims pour prendre difté-
rentes efpèces de poifTons. On a eb-
fervéqueles moules devenoient quel-
quefois un aliment mal fain, ce qui
doit être attribue à un petit cruitacée
qui efl: renfermé dans la même co-
quille, & qu'on mange avec la moule;
on éprouve alors des malaifes , des
anxiétés, &<. même des convullions,
fouvent accompagnées d'éruptions cu-
tanées : les vomitits font très - bons
dans ce cas,
La poudre des coquilles ou écailles
de moules patTe pour diurétique; les
vétérinaires l'employeiit contre les
taies 1^ les onglets qui viennent fur
1 i 1 i 1
Cio
MOU
les yeux des chevaux^ olî foufile la
poudre sèche fur les parties malades.
Au rapport de Jjjhr :, les moules
font Ç\ communes dans la province de
Lancaftre, que plufieurs cultivateurs
les ramalfent pour les jeter fur leurs
terres en fjuife de fumier.
La moide d'eau douce , qu on
trouve dans les rivières , dans les
ruifleaux <Sc fur-tout dans les étangs,
eft trèi-dilTcrente de ce'le de merj
les coquilles de la première font
beaucoup plus larges que celles des
moules de mer. On mange celle d'eau
douce, mais l'animal eft coriace, iSc
d'un goût inférieur à celui qui fe
trouve dans la mer. Les moules d'eau
douce fournilTent d'alfez belles perles \
on en trouve de telles dans les lacs
d'Ecolfe, de Bavière, de la Valogne
en Lonaiiie, de Saint-Savinien, &
fur- tout de la Chine j les perles font
toujours formées dans ces coquilles,
comme dans toutes celles qui en
fournilTent, fur l'endroit qui a été
piqué par un infecte. Les Chinois
imitent en cela la nature \ ils per-
cent les coquilles avec un morceau de
fil de laiton, ou bien ils introduifent
dans la coquille un petit morceau d'une
autre coquille , qui gêne l'animal ,
bc le détermine à l'enduire de la
matière des perles. A. B.
MOULIN. Machine dont on fe
fert pour pulvérifer différentes ma-
tières, & particulièrement pout con-
vertir le grain en farine.
Les moulins, confîdérés dans leur
généralité, exigeroient un très-grnnd
ttaitéj il eft déjà fait, relativement
aux bleds , par M. Beguillet, en fix
volumes //2- 8°. à Paris, chez Prault ,
1780, & enrichi de toutes les gra-
vures néceflaires à leur defcription.
M O U
Le même auteur avoir déjà publié,
en 1775 , un ouvrage , intitulé :
Manuel du charpentier des moulins
& du meunier , rcdigé fur les mé-
moires diijieur Céfar Buquet ^ de c'efl
l'extrait du grancî ouvrage dont on
vient de parler. Les moulins ordi-
naires fc à bled font rrop connus pour
que je m'en occupe ici , d'ailleurs on
peut recourir au travail de l'auteur.
Les mouiins cconomlques méritent de
remplacer tous les antres, parceque,
d'iuie quantité de bled donnée , oi\
en retire plus de farine, par confé-
quent moins de fon , (Se une farine
de qualité très-fupérieure .à celle qui
provient de la mouture ordinaire J
enfin une. farine appellée de minet 3
6; telle qu'on l'expédie dans de petits
tonneaux pour les ifles. Je préviens
que ce qui va être dit eft copié lit-
téralement de l'ouvrage intitulé Ma^
nuel du meunier. Nous nous occupe-
rons enfuite des moulins particuliers
aux fruits.
Section première.
§. L Du meilleur moulin à bled ^
ou moulin économique.
Ce moulin , comme tous les autres ,
peut être mis en mouvement par le
vent ou par l'eau j on doit préférer
ceux à bafe folide aux moulins mon-
tés fur bateaux. Les moulins à vent
font ou à cage tournante ^ ou a. fvm-'
mierj ou à axe ^ ou à pied (/;oirc]ui les
traverfe perpendiculairement, ou à
pile .y c'i.ft-à-dire, que le comble feul
tourne , afin de pouvoir placer les ailes
furla direélion duvéntj ou le moulin
à la polonaife j dont les aîles font
verticales, ainfi que l'arbre tournant.
Le fécond mérite la préférence à
r<>//i n.
P/. XIV. J',i,/c.(,i
i\//ier.'-riilp
MOU
caufe de fa bafe fo'.idej le troifième
eft peu connu en France. Il fane le-
moncer aiix temps des croifades ponr
trouver Torigine des moulins à vent;
c'eft de l'orient que les croifcs en
apportèrent l'idée en France, décou-
verte prccieufe pour l'europe , parce
que par-tout on peut crablir ces mou-
lins, 3c par-tout on n'a pas la com-
modité de l'eau. Le mouhn à vent
ii'tft cependant autre cliofe que le
moulin, à eau rcnverfé , c'e(l:-à-dire
que dans celui-ci le mouvement eft
comunniiquc par le bas à toute la
rnav-hine, tandis que dans celui-là il
l'cft par le haut."
Le fieur Céfar Buquet ne fe donne
pas pour l'inventeur des moulins éco-
nomiques , plufieurs meûr.iers fai-
foient un lecret de cette mouture,
mais on lui doit la juftice de dire
qu'il a donné le premier à cette in-
vention la publicité que méritoit une
fi utile manipulation, & qu'il l'a fiu-
gulièrement perfe6tionnée.
Comme chacun connoît la ma-
nière dont eft placée la roue à aube ,
mue par l'eau , ainfi que celle des
aîles d'un moulin à vent, & de la
manière dont l'arbre qu'elles font
tourner, s'engraine avec le refte du
mécanifme, il fuffit défaire fentir
ici en quoi les moulins économiques
ditierei.t des autres.
Defcription de la Planche XVI ;
coupe du moulin fur la largeur.
A. Pont de bois.
B. Vanne de décharge.
C. Pont de pierre qui conduit .1 la
vanne mouloire.
D. Entrée principale.
E. Efcalier pour monter au premier
étage.
M OU (îii
F. Rouet avec chevilles.
G. Arbre tournant.
H. Tourillon.
I. Hcriflon de chevilles.
K. Lanterne à fufeaux pour faire
tourner la petite bluterie.
L. Lanterne à hire tourner la meule,
M. Croifée.
N. Fer.
0. Palier.
PP. Les deux braies.
Q. Lanterne .à faire monter les facs.
S. Arbre de couche portant une lan-
terne & des poulies , fervant à faire
tourner les bluteries, & tarare des
étages fupérieurs.
T. Meule gilTante.
V. Weule courante.
X. Enchevêtrures.
Y. AnniUe.
Z. Arcbures & couvercles qui en-
tourent & recouvrent les meules.
^'&. Trémions & porte trémicns.
1. Auger.
2. Trémie.
5. Crible de fil de fer , ou crible
d'Allemagne.
4. Moulinet pour lever la meule,
5. Bluterie à fon gras.
6. Auget de la bluterie.
7. Trémie de la même bluterie.
8. Tarare fervant à nettoyer le bled.
9. Allés du tarare.
10. Poulie.
11. Corde à faire tourner le tarare.
12. Trémie & auger.
13. Anche qui conduit le bled du
tarare dans le bluteau de fer blanc.
14. Bluteau de fer blanc à paffer le
bled.
15. Poulie &; corde fervant à faire
tourner le même bluteau.
1 6. Ouvrier qui jette du bled dans
la trémie.
17. Bafcule à monter les facs.
giz MOU
iS. Garoiieime de dehors pour mon-
ter les facs.
19. Corde à pareil ufage.
20. Garouenne du dedans.
II. Rouleau à faciliter le cable.
21. Ouvrier qui engrène le cable.
2j. Autre qui verfe du bled dans le
tarare.
La Planche XVII repréfente la coupe
du moulin fur la longueur.
A. Ouvrier qui avance ou recule le
chevrellier.
B. Chevreffier du dehors.
C. Chaife qL'.i porte l'arbre cournant.
D. Arbre tournant.
E. Tourrillon.
F. M.tllîf fervant à porter la chaife.
G. Roue à vanne.
H H. Aubes.
li. Coyaux.
K. Niveau de l'eau qui fait tourner
la grande roue.
L. Rouet , embrafures (?>: chevilles.
M. Chevreflier du dedans.
N. Hérilfon fervant à faire tourner
la bluterie de delTous.
O. Palier.
P. Lanterne à monter le bled.
Q. Les deux braies.
R. Beffroi.
S. Barre & croifée.
T. Lanterne.
V. Babillard.
X. Baguette pour remuer le bluteau
qui tamife la farine.
y. Bafcule pour engrener la lanterne
qui fait tourner la bluterie du
deifous.
Z. Bluteau fupérieur.
^. Partie fupérieure de la huche ,
où tombe la farine lorfqu'elle fe
tamife.
MOU
a. Accouples du bluteau.
/'. Bluterie cyHndrique tournante.
c. Anche qui conduit les ifliies dans
la bluterie du delTous.
dd. Les différens çruaux.
e. Lanterne à faire tourner la blu-
rerie dr deflous.
/. Chaife du dedans.
g. Poulie & corde à faire monter le
bled.
h. Corde à monrer les facs.
/. Anche des meules, ou conduite de
la firine dans le bluteau.
k. Cordages &• poulies faifant tourner
les bluteries au-delfus.
/. Trempure pour approcher les
meules.
m. Meule giffanre.
n. Meule courante vue en coupe.
c. Enchevêtrure.
p. AnniUe.
q. Frayon.
r. Arc hures,
Jf. Trémions & porre trémions.
r. Poulie & corde fervant à élever
ou à bailfer l'aHoet,
u. Auget.
.V, Trémie.
y. Crible de fer.
:j. Moulinet, cable & vintaine à éle-
ver la meule pour rhabiller.
1. Bluterie à fon çras.
2. Auget.
3. Trémie.
4. Sonnetre avec une corde , pour
avertir lorfqu'il n'y a plus de bled
dans la trémie.
5. Tarare fervant à nettoyer le bled.
6. Ailes du rarare.
7. Trémie du tarare.
S. Auget du tarare.
•j. Bluteau de fer blanc pour cribler
le bled.
■OT. VI.
PL. xril. Pqçe.û22
COUP£. SVR LA. LOKOirEUP T)V MOVI.IN.
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lnrt.2. J^J^JuVCll^ALIi MkCHANI HUE IJ W Mo VL IN ■
Fit/. J.
Echcric j.
li J'ittl.r
MOU
I o. Ouvrier qui renverfe un fac de
fou gras dans une trémie.
II. Dedous de l'efcalier.
II. Rafcule à faire monter les facs.
13. Garouenne à tirer les facs.
1 4. Ouvrier qui engrène le cable pour
faire monter les facs.
15. Corde à monter les facs.
\6. Palier de l'efcalier.
17. Ouvrier qui ramalîe le fjn.
la Planche XFIII efl ilvïfcc en
deux parties _, dont la premlcrc rc-
préfente une nouvelle crapaudine ,
fervant à porter le pivot ou la
pointe du fer.
La figure I. donne le plan de la
crapaudine.
A. Crapaudine ou pas qui porte la
pointe du fer.
B. Boîte ou poellette dans laquelle
efl: enfermée la crapaudine.
C. Chadis de cuivre à travers lequel
palTent les vis de preflion.
DD. Vis de preifion pour faire couler
la poellette du côté nécelfaire pour
dteffer les meules.
EE. Boulons pour arrêter le chadîs
fur le palier.
FF. Grofles pièces de bois ou palier,
fur lequel fe pofe la crapaudine.
G. Plaque de taule ou de fer blanc
battu, pour faciliter la poellette à
à couler avec plus d'aifance.
H. Quarré ponctué qui défigne le
plan du fer.
Il eft à obferver que lorfque les cra-
paudines n'ont qu'un feul pas ,
' quatre vis fuffifent.
Les fig. II & III reprcfentenc dif-
férentes clefs pour ferrer plus ou
moins les vis de prellion.
MOU
6x1
La féconde partie de la Planche
XVII l exprime en détail la prin-
cipale méchanique du . moulin.
A. Coupe de la meule courante.
B. Coupe de la meule gilfante.
C. Annille ou clef de la meule cou-
rante.
D. Papillon du gros fer.
E. Fulée.
F. Pointe du fer.
G. Boîte & boitillons.
H. Faux boitillon de tôle.
1. Frayon à remuer l'auger.
K. Trémie où l'on met le bled.
L. Auget qui comluit le bled dans
l'œlllard de la meule.
M. Corde du baille-bled , fervant à
élever plus ou moins l'auger.
N. Anche qui conduit la fanne dans
le blureau mouvant.
O. Lanterne à fufeaux pour faire
tourner la meule.
P. Baguette pour fecouer le blureau.
Q. Croifée pour faire mouvoir le
babillard.
R. Le pas ou crapaudine pour porter
le pivot ou la pointe du fer.
S. Palier & les deux braies.
T. Arbre tournant.
U. Rcuet , embrafures & chevilles.
V. Hérillon & chevilles pour faire
tourner la lanterne 8 qui eft aa-
dellous.
X. Tourillon.
Y. Plumard de cuivre pour porter le
tourillon.
Z. Chevredier ou chaife de l'arbre
rournanr.
de. Babillard.
I . Batte.
z. Baiiuette ou clogne,
5. Bluteau mouvant.
4. Accouples eu bluteau.
6i± M O U
5. Hache où rombe la farine à nie-
lure qu'elle fe ^imife.
6. Pecite por:e à coiilifTe, pour tirer
la farine hors de la huche.
. 7. Blute rie tournante pour tamifer
les difîerents gruaux.
8. Lanterne de la bluterie à gruaux.
9. Bafcule pour engrener la lanterne
dans le hcriiTon , à Geilein de faire
tourner la bluterie.
10. Epée de la trempure pour élever
plus ou moins la meule cou-
rante , au moyen d'une bafcule
II, & de fon contrepoids i 2.
13. Beffroi pour porter le plancher
des meules.
14. Pied droit ou pilier en pierre.
15. Baftiant.
La Planche XIX j divif^'e en trois
parties j repréfente differens détails
& outils.
La PREMIERE partie offre divers
déviloppemens.
A. D. Le gros fer.
A. Papillon.
B. Fufée.
C. Fer.
D. Pointe du fer.
E. Pas ou trapaudine.
F. Plan de la crapaudine.
G. Une des chevilles du rouet.
H. Fufeau de la lanterne.
L Petit coin de fer pour dreffer la
meule.
K. Plan de l'annille.
L. ToLuilIon.
M. Frayon.
N. Plan de la boîte.
O. Coupe de la boîte.
P. Autre coupe de la boîte.
Q. Plumard de cuivre fervant fous les
tourillons R. de l'arbre tournant.
MOU
La DEUXIEME partie de la planche
XIX, préfcntz les différens outils
pour rhabiller les meules.
A. Orgueil ou crémaillère qui fert
d'appui à la pince pour lever la
meule.
B. Pince pour lever la meule.
C. Coin de levée, qui fert à caler
la meule à melure qu'on i'a levée.
D. Pipoir qui fert à ferrer les pipes
ou petits coins.
E. Pipe ou petit coin de fer, fervant
à ferrer la meule courante.
F. Rouleau fervant à monter 0»
defcendre la meule pour la re-
mettre à fa place.
G. Marteau à rhabil'er les meules.
FL Marteau à grain d'orge, fervant
à engraver Tannille.
L Marteau fervant à piquer les meules.
K. MnlTe de fer fervant à frapper
fur le pipoir,
La TROISIEME partie de la planche
XIX exprime les plans de diffé-
rentes meules.
ha. Jzgure I repréfente le plan des
meules qui rendent la farine rouge,
lé fon lourd & mal écuré, ce qui
provient de la mauvaife qualité
des meules, de la manière de les
rhabiller , Se de l'irrégularité des
rayons.
La fio'i-re II exprime le plan des
meules à moudre par économie.
A. Meule courante, fig. I & H.
B. Engravure de l'annille , ou place
de la clef, fis. L
B. L'annille, fcellée fur la meule,
fig- 11-
C. Meule gilTante, /i'. I& H.
D. Place où fou met la boîte , fio. L
D. Boîte
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M O l# MOU 61^
D. Boîce & bouillons, j7^, II. Par une mouture bien raifonnée,
E. Coupe de la meule courante avec 6c par cicï préparations faites à pro-
ies cngravures de l'annille , //^. 1. pos dans des fas convenables , on re-
La même garnie de l'annille , tire des fariner diftérentes en goûc
fy. II. <?: en qualité, lur- tout fi l'on remoud
G. Coupe de la meule gillante avec chaque partie du grain , comme les
la place de la boîte Hyji'g. \. La gruaux, à diverfes reprifes , fcloa
même garnie de fa boîte , boî- leur degré refpeéiif de dureté & de
tillon & faux boîtillon , /^V. U. denfité, ce que l'on ne peut faire
Le grain de bled eft compofé de dans la mouture ordinaire,
plufieurs lubftances, ( Voye^ le mot On connoît en France quatre fortes
Bled &' fon rinalyfe ) les unes plus de moutures, la rujîique , en ufage
dures & plus giollicres , les autres dans les provinces du nord j ia mou-
plus fines & plus molles. Il eft donc nue en greffe j oii l'on rapporte chez
évident qu'un feul c\' même moulage foi la farine mêlée avec le fon ; la
& qu'un feul blutage font inlufiiians mouture méridionale pour les ides ,
pour féparer ces parties, mêlées par qui n'eft que la mouture en grolTe per-
un leul broyement. Après le premier fettionnée^ enfin la mouture écono-
moulage du grain , il refte beaucoup mique.
de parties qui ne font que conraf- Pour opérer félon la mouture ruf-
fées, (Se qui n'ont pu être pulvérifees, tique, on place dans une huche au-
parce qu'elles ont échappé à l'aftion deflous des meules , un blateau d'é-
de la meule qui portoit fur le grain t.imnie de laine, qui va en même
entier dans le premier broyement \ temps que le moulin. On divife la
d'ailleurs, le rhabillage des meules, mouture ruftique en trois cialTès ,
excepté celui du moulin économique, relatives aux différentes groffeurs des
efl: trop grofUer pour atteindre ces bluteaux , & à leur plus ou moins
petites parties : ce font ces parties de finelfe. Lorfque le bluteau eft
concatfées ^- non moulues qu'on d'une étamine alTezgrofle pour laider
nomme gruau ou grcfillcn. palfer le gruau & la greffe farine
Il y a donc dans le produit du avec beaucoup de fon , on l'appelle
même grain plufieurs efpèces de Xz. mouture du pauvre -^(x Xz^Aw.f^'wx .^
gruaux , comme il y a plufieurs fortes moins gros , fépare le fon , les recou-
de fon & de farine, félon la diffé- pes , recoupettes , &c. on la nomme
rence des patties pulvérifees ou feu- la mouture du bourgeois ; enfin , fi
lement concaffées. On diflingue le l'étamine efl affez fine pour ne laifler
gruau blanc , qui n'a pas d'écorce j pafier que la fleur de farine, on Tap-
ie gruau gris , qui n'a que la féconde pelle moutwe du riche.
écorce, & \e gruau gris qui efl: taché Tout ce qui n'a pas palfé par les
de fon. On retire des deux premiers bluteaux dans ces différens moulages,
gruaux , lorfqu'on les fait remou- fe nomme fon gras , parce qu'il y
dre fépaicment , une farine plus refre encore quantité de belle & bonne
belle Se plus favoureufe que celle du farine adhérente au fon ; ce qui le
corps farineux qu'on nomme farine rend gras , lourd & épais. On fait
de bled. quelebledrenfermebeaucoupd'huile.
Tome FI. K k k k
GrG
MOU
qui a des propriétés , &: qu'on fe pro-
cure en prellant le grain entre deux
lames de ter chaud : de même , cette
mouture groilîère étant rapide «Se fort
ferrée , elle écliaufte le grain & fait
fortir l'huile du bled; la farine, ta-
mifée fur le champ , loifqu'elle ell
encore brûlante & gralle , ne peut
fe détacher du ion , ce qui le rend
gras. Le bluteau ne pouvant débiter
aullî vite que les meules , on éprouve
un déchet & une perte d'autant plus
confidérables , que le bluteau ti\ plus
fin. Un feptier de bled de deux cent
quarante livres ne rend fouvent que
quatre vingt dix livres de farine, au
lieu de cent loixante-quinze à cent
quatre-vingt qu'il pourroit produire.
Si , au contraire , le bluteau elf gros
& ouvert , le ion palIe avec les re-
coupes & les gruaux bruts , ce qui
rend le pain lourd, brun , indigefte^
difficile à levex &c à cuire , Sec.
Les inconvéniens de la mouture
ruflique , (Jv.- les pertes qu'elle entraîne ,
l'ont fait abandonner à Paris & dans
plufieurs provinces , fur tout par les
boulangers. On a préféré avec raifon
la mouture en groffe y qui confifte à
faire moudre le grain fans bluteau.
A la fortie des meules , on eniache
le fon pêle-mêle avec la farine , &:
1 on rapporte tout le produit à la mai-
fon , ou l'un eft d'obligation de le
tamifer Se bluter à la mam.
Cette mouture en grojje , quoique
moins défedtueufe que la précédente,
eccafionne cependantbiendes pertes,
fans parler de celles qui viennent de
la mauvaife mouture, parce que les
meuniers ont intérêt d'expédier l'ou-
vrage. On peut même ajouter que
le prix des moutures n'ayant aug-
menté que de très-peu, ou même de
rien du tout en plufieius lieux , mal-
MOU
çrré le furhaulTement des baux , de
l'impôt & de toutes les déniées, les
meuniers les plus honnêtes fe trou-
vent forcés de hâter l'ouvrage, & de
ne broyer les grains qu'à moitié j
pour fe trouver au pair. Mais, pour
le rertreindre aux feuls inconvéniens
de la mouture en grolTe , il doit fe
trouver une grande variation dans
les produits , iuivant les différentes
manières de bien ou mal faffer ou
bluter. On fen: de relfe , que le pau-
vre & l'artifan , obligés de vivre aa
jour le jour , & d'acheter le bled à
la petite mefure , ne falTent qu'une
fois par un tamis de même grolleur,
litôt que la farine encore chaude eft
arrivée du moulin , & qu'ils elfuient
à-peu-près la même perte, le même
déchet que dans la mouture ruftique.
Le bourgeois , qui laille repofer &
refroidir la farine , en ne la faifant
bluter qu'.i mefure de l'emploi , dans
une bluterie dont le fas eft de trois
grolfeurs , fait bien moins de perte j
mais il en effuie toujours beaucoup,
fur-tout en confiant le foin de la
bluterie à des letvantes &; à des
domeftiques ignorans. Les boulan-
gers j qui font moudre à la grode ,
font ceux qui favent tirer le meil-
leur parti de cette méthode , par
une bluterie bien entendue &c bien
conduite. Ceux de Paris fur-tout
excellent dans cet art.
Le commerce a aurtî contribué ï
perfeétionner la mouture en groffe
dans les provinces méridionales , où
l'on fabrique les farines de minot ,
ainfi nommées du nom des barri-
ques dans lefquelles on les envoie
aux Ifles. Avant de faire moudre le
grain dans la mouture méridionale ,
on a foin d'adoucir les meules en les
faifant travailler pour le pauvre, eu
» MOU M O U (Tiy
pour les beftiatu. On rapporte tout mais il n'étoit pas affez iiiftruic fur
le produit de la mouture qu'on étend les procédés de la mouture écono-
dans un grenier ^ pour le lallFer fer- mique , pour pouvoir les comparer ,
menter en tas pendant cinq ou fix quoiqu'il y ait d'excellentes chofes
femaines. Ce tas de farine entière fe dans Ion Ouvrage. Parmi une infinité
nomme r^/we, fans doute parce qu'on de défauts qui fe rencontrent dans
le remue de temps à autre avec des la mouture méridionale , elle ai",
rames ou balais , pour le faire fer- le vice de multiplier la main-d'œu-
menter également par- tout avec le vre &d*occafionnerla perre du temps;
fon. On prétend que cette opération z". de trop échauffer la farine, par ■
perfectionne la farine , 6c la difpofe un moulage trop fort 6c trop ferré ,
à fe mieux féparer des fous. Quand quand on veut broyer en une feule
la rame efl: refroidie, il but la biu- fois tontes les parties du grain 5 3°.
ter à propos \ une féconde termen- la farine trop échauffée fermente ,
cation la feroit gâter , en détruifant ce qui , au lieu de la bonifier, comme
la combinaiion de principes, qui cil on le croir , peut en altérer la qualité
le réfultat de la première. plus ou moins : d'ailleurs , fi l'on
Pour tirer la brine de la rame , manque l'inflant de cette première
on la lait palTer par un bluteau de fermentation, on court rifque de voir
trois qualités qui fe fuivenc par de- corrompre tout le ras de rame ou de
grés de fineffe. On fe fert nuOi de fanne entière j 4°. la farine qui a
plufieurs bluteries de différentes éprouvé un commencement de fer-
foies, plus ou moins groffes. La la- mentation , à caufe du fou qu'on y
rine qui tombe la première , fe nom- laiffe pendant fix femaines , ne fe
me farine de minât , ou le fin ; la conferve pas fi bien que celle qui a
féconde fe nomme leyTOT/'/t;, & quand été purgée du fou fans fermentation-
on la mêle avec la première , on 5°. on facrifie , parle défaut de rc-
Vz^'^sWq fimplefin , ou farine en cô ; moulage , des grefiilons & repaffes ,
enfin, la troilième Se la plus groffe , & même du fon qui eft mal écuré ,
qui comprend le germe & la plupart uns quantité confidérable de bonne
des gruaux , fe nomme greftHon , farine qui pourroit erre employée
fans doute à caufe de fa reffemblance avec avantage : Icfin qu'on retire par
avec du grefil. Oi\ paffe encore les cette méthode eft en très-petite quau-
fons dans un bluteau plus gros , pour tiré,
en tirer une farine grofiîère qu'on Enfin , la monture méridionale ne
nomme repajfe , & qu'on mêle avec diffère de la mouture en groffe, que
le grefillon pour faire le /'ai/z ^« /5aw- par la fermentation qu'on lui fait
rrc : le fimple fert à faire le pain éprouver à l'aide d'un air chaud &
bourgeois, & le fin s'envoie aux Illes d'une mouture ferrée. Cette fermen-
en minot, ou fert à faire le pain des ration n'a pas paru fi nécellaire dans
riches. les pays feptentrionaux , où le bled
L'auteur de l'art de la meunerie, eft moins fec & le climat plus humi-
infére parmi ceux de l'Académie , de : elle feroit inutile d'ailleurs dans
donne la préférence à la mouture la mouture économique , où l'on a
méridionale fur toutes les autres j trouvé le fecret de moudre à plufieurs
' K k k k i
Cz"^ MOU
reprifes toutes les paities du grain ,
fans échauffer la farine, & d'épargner,
par des bhitcaux attachés au moulin,
des manipulations ultérieures , du
temps & des frais. Ceux des bou-
langers de Paris , qui font encore
moudre à la grolTe , &c qui font en
petit nombre , fe contentent de bif-
fer repofer leur farine avant de la
bluter , fur-tout b'ils ont le moyen
d'attendre.
§. II. Examen des pièces parùcu-
lièrcs aux moulins économiques.
Les moulins économiques ne dif-
fèrent des moulins ordinaires que pat
les cribles , tarares & autres ma-
chines à nettoyer les grains. Le (im-
pie énoncé ou catalogue des pièces
qui conftituent ceux-ci , fuffit pour
en donner une idée jufte. D'ailleurs,
on peut fe tranfporter dans les mou-
lins ordinaires , & y érudier ce que
l'on ne connoitrou qu'iinpatfaite-
ment.
Les deux points capitaux de la
mouture par économie , coniiftent :
i". A bien manœuvrer les bleds
pour ne les moudre qu'après avoir
été bien épurés & nettoyés de toutes
les mauvaifes graines & poulfières
qui les infeftent : 2'. à bien féparer
les farines des fons ^ recoupes &
gruaux, pour pouvoir rewort^rd ceux-
ci féparément & à propos.
On vient à bout de la première
opération par le moyen des cribles j
tarares , &cc. & de la féconde par le
fecours des hluteries adaptées au mou-
lage. Toutes ces machines font leur
effet , & font mifes en mouvement
par la même force motrice de la roue
à aubes : le refte eft entièrement fem-
M O U
blable aux moulins ordinaires , tels
qu'ils font décrits dans ce chapitre.
Le nettoyage des grains doit pré-
céder leur moutures , & ne s'opère que
par les cribles qui font de trois for-
tes j i". les cribles ronds à la main.
Voyez f s;. II , delà Planche XJ ,
pjg. 309, du fécond volume, au
mot Blutoir. Les cribles inclinés
ou cribles d'Allemagne , fig. i o de la
me me gravure ; 3 °. Les cribles cylin-
driques , fig. 1. idem.
Le meunier économe, qui fait de
queiie importance il eft , pour faire
de belles farines & de bon pain. Se
même pour la fanté , de ne moudre
que des grains bien nets j bien épu-
res , bieny^cj & bien rafraîchis par
[efaffément , fait ufage d-'S trois for-
tes de cribles dont on vient de pat-
1er , fur-tout quand il a des endroits
convenables, (?c que fon moulin a
plufieufs étages ; parce qu'alors le
même mouvement du moulage peut
faire tourner les cribles & épargner la
main d'œuvre.
On fcpare avec les cribles, les bleds
dans les trois qualités àx^tupiéss dans
le commerce des grains ; favoir , bled
de la tète , bled du milieu de bled de
la dernière qualité.
Dans le crible normand , qu'on em-
ploie à la main , on fait palfer tout
le grain le plus petit , le moins nour-
ri & les mauvaifes graines. Ce bled,
formé en tas avec le crible normand,
fert à faire les petites fatines b;fes de
dernière qualité. Un autte avai:tage
qu'on a de fe fervir d'abord du crible
normand , c'eft que le coup de poignée
fait venir du bord , au-deffas du bon
bled, la paille du petit bkd mort,
toutes les bouffies , &c fur- tout Ver-
gct &; la cloccuc j qui eft propre-
ment l'euveloppe du bled charbon-
M O U
né , donc la pouffière fétide nuiroit à
la qualité des faiùnes & à la fakibricé
du pain. L'homme fe plaint fouvenc
d'un grand nombie de maladies dont
il ignore la fource j il la trouveroit
dans Ion indolence à nettoyerles grains
dont il fe nourrir. Lorfque le coup
de poignet a fait monter routes ces
faletcs , qui fe rallemblent au-delUis
du bon grain parce qu'elles font plus
légères que lui , on les enlevé foi-
gneufement à la main , ce qui ne peut
s'opérer auffi patfairement dans les
autres cribles que dans le crible nor-
mand qui mérite, à cet égard, la
préférence , ou du moins qui eft plus
à la portée dt tout le monde.
Après cette opération , on verfe le
bon grain qui n'a pu pafler par le cri-
ble normand , dans un grand crïhlc
cylindrique à fil de jer , dont la tête
étant plus ferrée , lailfe palier le grain
moyen y & l'orme le bled du milieu : la
partie intérieure de ce cylindre étant
un peu plus ouverte , livre palfage
aux grains les plus gros , les plus ronds
& les mieux nourris , qui forment le
bled de la tête.
Après la divifion faite de ces bleds
en crois qualités ^ ils ne font point
encore nettoyés des poufllcres prove-
nant du mélange des grains étrangers,
de la nielle & de la pouflière du char-
bon , donc la brolîe du grain peut être
garnie. ,
Mais on remplit ce dernier objet,
en faifant palier chaque qualité de
grain féparément par le veintlaceur ( i )
ou crible à vent, que les meuniers
nomment tarare, mot fignilicatif ,
emprunté du bruit qu'il lait.
Du ventilateur , le b'ed combe
M O U <îi9
dans un grand cylindre de fer-blanc ,
appelle crible des Chartreux , dont les
feuilles de fer-blanc' font piquées en-
dedans en manière de râpe pour né-
toyer (i\; comme râper les grains qui y
font ballotés , afin d'enlever la poul-
iiére de charbon dont ils pourroient
être tachés. Au lortir du cylindre de
fer blanc , les bleds coulent dans un
lecond xntle d'Jllemagne j au bas
duquel eft un emoiteux j pour ancrer
les pierres & les petites mottes de ter-
re qui auroient pu paifer avec le bled
par tous les cribles. \]\\ç. petite poche
de cuir qui eft attachée fous ce der-
nier crible incliné , en reçoit les cri-
blures (Se mr.uvaifes graines. D'autres
le iervLiit d'un petit ventilateur qui'
eft préférable au crible d'Allemagne,
attendu que le cylindre en râpe , ayant
occafionné beaucoup de cralTe & de
poulllère dans le bled par les tours
qu'il a fait, le vent les jette liors ou
dans une poche. Enfin , le bled bien
nettoyé tombe dans la trémie , & de-
1.1 entre les meules , où il eft écrafé.
Ce manœuvrage induftrieux des bleds
en augmenteroit beaucoup la valeur.
11 faut fuppofer un étage fupé-
rieur dans tous les moulins ordi-
naires , pour y placer les diftérens
cribles dont j'ai parlé, Se p^our faire
tourner par le même moteur un ven-
tilateur ou tarare , fig. f> 6* 9 , Plan-
che XFi j un crible des Chartreux ,
fig. 14, «Se une bîuterie cylindrique,
fig- S y ^ ^ 7 ■> deftinée pour bluter
à part les fons gras lorfqu'on les a un
peu lailTés fécher , afin d'en tirer en-
core mieux la farine qui pourroic y
erre reftée adhérente : elle peut aullî
faciliter le travail des moulins qui ,
tandis que la bluterie fépare kj
( i) Voyez figure 1 , j , 4 de k même gravure que l'on vient de citer.
6^.o MOU
gruaux , continuenr toujours de leur
côté à moudre du nouveau bled.
Pour ce: elret , il n'y a qua adap-
ter à l'extrémicé d'un arbre de couche
ou horifontal , faif>in: un anL;le droit
avec le grand arbre tournant du mou-
lin , une petite lanterne de dix-huit à
vingt pouces de diamètre , plus ou
moinî , fuivant la force du moulin,
ahn que les fufeaux de cette petite
lanterne 5 prenant les dents du rouet F,
falTenc tourner l'arbre de couche de
trois ou quatre pouces de gros , dans
lequel font emmanchées les lïo\s pou-
lies S , Planche Xf^l.
Ces poulies font de petites roues
cannelées qu'on enchalle dans les ar-
*bres des machines , auxquelles on veut
imprimer un mouvement de rotation
par le moyen d'une chaîne ou corde
ians fin. Ces poulies fe peuvent pren-
dre dans une même tourte de bois
d'orme, quand la bluterie à fon gras
eft droit fous le tarare , ou li elle n'y
eft pas , on place fa poulie fur l'arbre
de couche au droit de ladite blute-
rie.
11 eft bon que les poulies de l'ar-
bre de couche foient, autant que faire
fe peut , directement au-deQ'ous des
autres poulies adaptées aux autres
machines qu'elles doivent mettre en
mouvement : car fi les poulies ne pou-
voient pas être placées direâ:ement
les unes fous les autres , il faudroit
abfolument fe fervir de poulies de
renvoi pour regagner la perpendicu-
laire.
La poulie d'en-bas du tarare ou
ventilateur , peut avoir trente pouces
de diamètre , Se celle qui fera em-
manchée dans le tourrillon de l'arbre
tournant du ventilateur , doit avoir
douze pouces : celle de l'arbre de cou-
che, deftiuée à faire mouvoir le moulin
M O U
de fer- blanc , vingt-quatre pouces , &
celle emmanchée dans le bourde l'ar-
bretournantdudit moulin de fer-blanc,
vingt-huit pouces. On peut faire cette
dernière poulie d'une tourte plus épaif-
fe , afin d'y ménager une féconde pou-
lie de renvoi qui ira faire tourner un
grand crible de fil de fer , pofé en
fens contraire du moulin de fer-
blanc.
Enfin la poulie qui fera rourner la
bluterie, doir avoir vingt-deux pou-
ces , (Se celle qui fera emmanchée
dans le bois de l'arbre tournant de la-
dite bluterie, doit avoir vingt - fix
pouces. Toutes ces mefures peuvent
varier fuivant la différence &c la force
des moulins , des machines &: des
mouvements. On peut voir cette
difpofition dans la Planche XFI j
fis- S.
En général , on peut obferver que
fi le mouvement fe trouve trop rapi-
de , on peut tenir les poulies plus
grandes en haut, ou bien fe conten-
ter de diminuer celles du bas : cela
fera rallentir le mouvement. S'il ar-
rivoit au contraire que le mouvement
fût trop lent, on diminueroit les pou-
lies d'en haut , ou , ce qui produiroit
le même effet , on en metttoit de
plus grandes en bas. On doit calcu-
ler les poulies luivant la force des
moulins , de manière que le ventila-
teur falfe quatre-vingt-dix à cent tours
par minute , & la bluterie , ou crible
cylindrique, environ vingt- cinq ou
trente au plus.
Il eft nécelfaire que les poulies
foient faites en patte d'écreviff'e ,
c'eft-à-dire , que la rainure foit large
d'entrée , & aille toujours en dimi-
nuant, afin que les cordes ferrent
mieux iSc rournent avec plus de faci-
lité. U eft à propos que les cordes
MOU
employées A ces opérations , aient
déjà fervi , parce qu'elles ne font
ponu h dures , & qu'elles font tour-
ner plus rondement quand elles onc
fait leur eÇ'et.
On Git que les cordes fe raccour-
cirent dans les temps humides, & s'al-
longent dans les temps fecs. On re-
médie aifément à cet inconvénient ,
en mettant au bout des cordes une
patte de cuir de Hongrie d'un bout ,
& de l'autre une /o/^Dc^. Par ce moyen
fi fimple , on peut allonger ou rac-
courcir les cables fuivant le temps.
On peut encore taire de petites haf-
cules j qui fervent à élever ou à baïf
fer les arbres tournants \ ce qui fera
allonger ou raccourcir les cordes fui-
vant le befoin.
Si le tarare ne tourne point affez
rapidement j le fecre.t eft de raccour-
cir les cordes ; s'il tourne au contraire
avec trop de rapidité, il taut les ral-
longer.
Cet arrangement eft , fans nulle
comparaifon , de beaucoup préférable
aux rouages & aux petits hérljjons
qu'on pourroit employer en pareilles
cccafions j parce que les poulies du-
rent bien plus & coûtent bien moins»
D'ailleurs, ces hcriifons demandent,
pour leur exécution , un charpentier
habile & verfé dans la méchanique ,
ce qui n'eft pas l'acile à trouver \ au
lieu que l'invention des poulies cft
d'une lîmplicité qui eft à portée de
toutes fartes d'ouvriers , & qui ne
demande que peu d'attention éi. d'a-
drelfe pour être conduite.
Telle eft , en général , la manière
d'opérer la première chofe qu'exige
la bonne mouture par économie ,
favoir , le parfait nettoiement des
grains.
MOU
^31
§ III. Des pièces qui donnent le mou-
vement au blutage j &c.
Le blutage de la méthode écono-
mique contribue en quelque farte
encore plus que les meules , à la per-
feétion des farines. C'eft par cette
raif^n que la mouture en grolfe &
la mouture méridionale , dans lel-
quelles on blute hors le moulin , ap-
portent tant de fîins , tant de pré-
cautions &: de patience, & emploient
un h grand nombre de bluteaux dif-
ferents pour dillinguer les farines ,
les gruaux de les fons.
La mouture ruftique avoir un avan-
tage fur les deux autres , en ce qu'en
faifmt bluter en même temps cju'elle
broie les grains , elle épargne du
temps & de la main d'œuvre. Mais
la bluterie eft (î imparfaite, & la perte
qu'on elfaie , taure de favoir em-
ployer les fons gras, eft fi confidéra--
ble , que la mouture en grolfe (^îc Li
mourure méridionale , malgré leurs
impertedlions , font de beaucoup pré-
férables à la mouture ruftique.
Les meuniers économes ont adopté
ce que toutes les antres méthodes
avoient de meilleur : ils ont pro.uré
aux moutures en grolfe l'épargne du
temps & de main d'œuvre employés
aux bluteries hors le moulin , & ils
ont fubftitué à la mouture ruftique
toute la perfeétion des bluteries de la
mouture en grolfe & de la méridio-
nale. Outte ces avantages , conlidé-
rabies par eux-mêmes , ces meuniers
ont encore fu iÀXQ hénéfickr leur mé-
thode de tout l'excédent de belles fa-
rines de gruaux , c'eft-à dire, des meil-
leures parties du grain . que tes autres
meuniers lailfent confommer en pure
perte.
^3
I MOU
On voie par-là, de quelle impor-
tance eft la bluterie dans la mouture
par économie , donr elle eft une dé-
pendance Si comme racceiroire prin-
cipal. Il y a un grand nombre de mou-
lins économiques qui pèchent u)ar cet
article : la perfedion & la conduite
du blutage méritent la plus férieufe
attention des meuniers pour qui cette
fcience eft toute nouvelle.
II ne faut pas que le blutage com-
mande le moulin ; en effet , s'il ne
répondoit pas fuftifamment au mou-
vement des meules, cela occafionne-
roit un retard , parce qu'il faudroit
fouvent retirer du bled. Le bluteau
jlperieur , placé dans la huche fous
les meules , eft un fac d'étamine de
fept à huit pieds de longueur , dont
l'ouverture eft coufue par un bout ,
fur le cerceau qui joint au trou de la
huche par où fort le fon gras : ce
dernier tombe dans Yanche, qui con-
■ duit dans le dadinace ou la bluterie
o
cylindrique , pofée dans la partie in-
férieure de la même huche. Il faut
donc que ce bluteau fupérieur tamijc
érralement la mcme quantité que les
meules font de farine \ autrement li
le bluteau ne tamife pas aufti vite que
le moulin moud , il faut relever Vau-
get de la trémie , pour empêcher
qu'il ne tombe tant de bled dans les
meules. Mais alors les meules n'ayant
pas une nourriture fuffifante , ou man-
quant de bled , font la farine rouge _,
parce que le fon fe broie en très -pe-
tites parties & fe mêle à la farine. Il
eft donc bien ellentiel que le bluta-
ge marche en même temps que le
moulin, puifque s'il fait un retard^ &
que les meules n'aient pas autant de
bled qu'elles en àc)\s&\\i porter ^ les
farines feront bifes & mauvaifes. Si
au contraire le bluteau tamife plus
MOU
vite que le moulin nt fournit ^ il ta-
mife mal & il laiiïe palfer du fon avec
la fleur.
Tout dépend donc de l'accord de
ces pièces , qui doivent être propor-
tionnées entr'elles , afin qu'elles puif-
fent produire leur effet à leur aife.
Pour parvenir à faire bien bluter
un moulin , il faut que le pivot du
babillard, c\ Planche XTIII Jo\i pla-
cé fut le chevreffur j du dedans Z ,
ou à côté & le plus près poffible , à
fix ou huit pouces des tourillons de
V arbre tournant T, Planche XP'III. Il
faut lui donner une croijee Q , de
trente à trente-lix pouces , à quatre
bras , quand le lieu le permet. Si
l'on eft borné par la place , il fuftit
de monter une croifée faite d'une
tourte de bois dorme , d'environ vingt-
deux pouces de diamètre , avec trois
bras égaux de huit à dix pouces de
longueur , en obfervant de percer
bien dans le milieu , la lumière ou le
trou par où doit palier le fer du mou-
lin. A l'aide de c:t arrangement, le
blutage fera excellent &: très-doux ;
car il eft fouvent préférable de ne laif-
fer que trois bras .à la croifée , parce
que lorfqu'il y en a quatre, &: que le
moulin va fort , les coups font trop
fréquents , 6: le blureau n'a pas le
temps de bien tamifer.
On fe rappelle fans doHte que le ha-
billardQ?z une pièce de bois polee per-
pendiculairement , de manière qu'elle
peut fe mouvoir en bas fur un pivot,
& en haut dans un collet de fer ou de
bois bien dur, attaché au beffroy. 11
eft percé en haut d'une lumière ou
trou quarré , par où pafte la batcc j
qui va joindre la croifée , & d'une
féconde lumière où pafte la baguette ,
ou clogne attachée au bluteau.
Pour monter U batte i & la ba-
guette
MOU
guette P dans une jufte proportion ,
il faiK appuyer la baguette d'un côté
P contre la huche 5 , & inefurer la
batte I contre la pointe de la croifée
Q, de façon qu'il y ait à -peu -près
deux pouces de diftance du bout de
la batte au bout de la croifée. On
laiirc alors revenir le babillard , de
manière que la batte prenne de quatre
à cinq pouces fur le bras de la croifée,
Se l'on eft sûr alors que la baguette
doit f^.ire remuer le bluteau dans
une jufte vîrefie , & ne fauroit toucher
contre la huche en tournant ; ce qu'il
faut éviter avec foin. Il faut que la
force de la batte foit proportionnée à
celle du moulin , «Se même qu'elle ne
foit pas fi forte, parce que cette par-
tie doit être lejle.
Si un moulin eft en-dejfous avec
une huche de bouc j il convient de
mettre le babillard à mont l'eau ; &
avallant l'eau j toujours près du tou-
rillon , fi c'eft un moulin eti-dejfus.
Le mouvement en eft bien plus doux.
Lorfqu'un moulin va très-fort , il
y a toujours de l'avantage de préférer,
comme on l'a dit , une croifée à trois
iras & trente pouces de diamètre ,
<|uand le lieu le permet. On peut
faire la croifée de trois morceaux de
jantes ; c'eft-à-dire , de ces pièces de
bois qui forment les tours d'une roue
de charriot emmanchées l'une dans
l'autre & bien chevillées : de cette
manière la croifée n'eft pas fi fujette
à fe fendre que h elle n'étoit que d'u-
ne feule pièce.
On parvient à la confolider par le
moyen de trois boulons ou tètes de
fer de deux à trois pouces de tour ,
retenus chacun par un bon e'crouj&c qui
prenne depuis la tourte du deflous de la
lanterne , c'eft-à-dite depuis l'aHlette
du deflous de la lanterne , jufques
Tome FI.
MOU 6y,
deflus les bras de la croifée : ces bou-
lons fervent de faux fufcaux en de-
dans de la tourte , en y ajoutant une
cquerre de fer fur la croifée fi l'on
veut de la folidité , & fermant le tout
à écrou ; cette pièce devient prefquç
impérilTable, elle rend le mouvement
plus doux & cafte bien moins de blu-
teaux que les croifécs à quatre bras,
fur- tout quand les moulins paftent
vingt-cinq à trente fetiers. En eiTet, à
chaque tour de lanterne, la croifée
heurte trois fois contre la batte , ce qui
fait remuer trois fois le babillard, la
baguette , & par conféquent le blu-
teau ; & quatre fois lorfque la croi-
fée a quatre bras. Comme il faut que
le bluteau aille & vienne, il eft évi-
dent que lorfque le moulin va vite,
le bluteau n'a pas le temps de reve-
nir , &: la farine ne fe remue pas bien.
On ajoute un fécond babillard au-
près du premier quand on fe fert d'un
dodinagc ou bluteau lâche pour tami-
fer les gruaux , en obfervant que Ci
le grand babillard qui donne la fe-
coulle au bluteau fupérieur , eft à
mont l'eau y à côté de l'arbre tournant,
il faut que celui du dodinage ou blu-
teau inférieur foit avallant l'eau : fi
au contraire le grand eft avallant ,
l'autre doit être à mont l'eau.
Mais lorfqu'au lieu du dodinage ,
ou fécond bluteau à gruaux , on pré-
fère , comme pl'us utile, une petite
bluterie cylindrique , alors on la fait
tourner au moyen d'une petite lan-
terne de vingt à vingt-deux pouces de
diamètre , avec onze ou douze /«-
féaux 3 même à huit ( fuivant la force
du moulin ) qui s'engrènent dans les
dents d'un petit henffon de vingt-
quatre à vingt -cinq chevilles , pofé
autour de l'arbre tournant ^ près les
tourillons du dedans.
LUI
6i4
MOU
Cette dernière méthode eft très-
bonne , lorfque la huchc eft de haut ,
c'eft-à-dire, lorique les biuteaiix font
far la même ligne que l'arbre du
moulin. Mais lî la luiclie eft de pun ,
c'eft- à-dire , fi elle eil pofce en fens
contraire de l'arbre du moulin , de
manière qu'elle coupe l'arbre du mou-
lin à angles droits , alors on pourri
faire engrener une petite lanterne ou
un petit hcrilTon dans les dents du
srand rouet ; cette lanterne ou hcrif-
fon fera tourner à l'autre bout une
poulie qui , par le moyen d'une chaî-
ne ou d'une corde , ira prendre l'au-
tre poulie adaptée à J'arbre de la blu-
terie cylindrique, pour lui communi-
quer le même mouvement. On fent
que ces poulies doivent être propor-
tionnées à la force des moulins , c'tft-
à-dire, que loifqu'un moulin va fort,
il faut que la poulie foit plus grande
pour rallentir fon mouvement : iî le
moulin eft inférieur en force, il faut
que la poulie foit pli>s petite , pour
multiplier le mouvemenr. En un mot,
il faut donner aux poulies le diamè-
tre nécelfaire pour que les bluteries
falfent à-peu-prcs vingt-cinq tours
par minute.
Il faut des pages entières pour
décrire des machines qui font fi fim-
ples , que la feule infpeftion les fe-
roit comprendre dans un clin d'œil.
J'ai tâché d'y fupplèer en déhniirant
tous les termes , afin de donner de la
clarté aux exprelFiuns, & de les rendre
à portée d'être facilement entendues,
fur-tout h l'on veut prendre la peine
de conférer les explications avec les
gravures.
§. I V. Des llutcaux j (St.
Après l'examen des pièces qui don-
nent le mouvement au blutage , vient
MOU
celui de l'arrangement intérieur d'u-
ne bonne blutene • il taut une huche 5 ,
Planche JCTIII, de fept à huit pieds
de longueur , & de trois à quatre
pieds de largeur , avec un hiuceau à
trois grands its d'ecamine ^ ou à qua-
tre petiti lés , ce qui produit le même
efte:.
Vers le haut de cette huche , on
place nnpalonnier 4 , Planche XFIII,
Parc. 1. fupporté pat des ac<}ouples
de fer ou de cuivre, & même de cor-
de , qui tieiinent à la huche ^' au pa-
lonnier. Ce palonnier qui ferc à fou-
tenir la corde An bluteau , eft un mor-
ceau de bois blanc bien inc & bien
léger , d'environ quarre pouces* de
largeur \ il doit déborder le bluteau
aux deux bouts , tant à caufe des ac-
couples qui le foutiennent par des cor-
dons , que des paffemerus qui font le
tour du palonnier.
Les paffemencs font la partie du
cordeau qui foutient le bluteau , ren-
forcée d'une longe de cuir de Hon-
grie , qui doit aller le long du blu-
reau & foutenir les attaches de cuir
qui tiennent à la baguette : la der-
nière attache du bluteau doit être au
bout de la baguette , & l'autre à en-
viron quinze pouces de diftance. II
eft à propos que la longe de cuir ait
déjà fervi, afin qu'elle s'alonge moins
ayanr fait fon effet. Il eft bon de ré-
duire le palonnier à un pouce d'épaif-
feur entre les deux pafTements, parce
que plus il fera léger, &: mieux le
bluteau tamifera j il fuffir qu'il ait de
la force aux accouples & fous les paf-
fements.
On ne doit point mettre de palfe-
ment de l'autre côté des attaches , à
moins que ce ne foit un moulin très-
forcé; car quand le bluteau eft fermé
d'un palîement des deux côtés , fou-
MOU
vent il ne commence à bluter qu'ïux
attaches : il y en a qui prêtèrent les
bluteaux à quatre petits lés ëc deux
palûiiniers à chajjis _, parce qu'étant
bien ouverts ils doivent mieux blu-
ter: mais ces bluteaux font trop lourds
Se trop matériels pour des moulins
inférieurs de force \ le poids des deux
palonniers à chailis furcharge trop ,
&c un blutage ne fauroit être ttop leile
pour bluter avec plus de facilité : quoi-
qu il n'y ait qu'un pairement, on ne
doit pas craindre que le bluteau fe dé-
cjiire s'il eft bien monté.
La pente qu'on donne au bluteau,
doit ccce d'eaviion un pouce par cha-
que pied, fuivant la longueur de la
huche \ c'eft-à-dire , une huclie de
huit pieds à huit pouces de pente , &
fept pouces de pente fi elle n'a que
fept pieds , à moins que ce ne loit un
moulin qui aille fort : auquel cas on
peut donner en.ore quelques pouces
de pente aubluceau, afin qu'il ne fe
charge pas tant.
On ne peut avoir de belle farine
que par l'accord du blucage avec le
moulage , parce que le bluteau doit
débiter à proportion que les meules
travaillent : ainli la grolfeur du blu-
teau doit être proportionnée à la force
des moulins : car plus un moulin moud
fort & vite , plus il fmt que le blu-
teau débite à proportion •, il doit par
conféquent être un peu plus gros , afin
qu'il laille palTer vice la farine , puif-
qu'il s'en préfente plus , fi les meules
vont vite & fi elles moulent promp-
tement. Un moulin qui ^iffieurc bien,
foutlre un bluteau plus gtos fans que
la farine en foit pour cela plus bife.
La qualité &: la finefle des bluteaux
doit auffi varier fuivant la fécherelTe
des bleds , fuivant la piquure des
meules , & fuivant qu'un bluteau eft
MOU ^3^.
bien ou mal monté. Tout le monde-
fait que quand les bleds font fecs , il
faut des bluteaux plus fins , & que
quand ils font tendus , il en faut de
plus ronds : des meules piquées con-
V. nablement , & montées pour faire
un bon travail , peuvent foulFrir un
bluteau plus rond , fans pour cela rou-
gir la farine. Souvent on peut faire
bluter également un bluteau de deux
échantillons plus fins l'un que l'autre
avec les mêmes bleds & mêmes mou-
lins d'égale force j tout cela dépend
de la manière de bien monter le blu-
cage.
L'e'iamine ou étoffe à deux étaims ,
eft une étoffe de laine, qu'on fabri-
que à Rheims& en Auvergne , pour
les bluteaux , &: qui porte un tiers
ou un quatt de largeur : il y a douze
échantillons d'étamines pout les blu-
teaux , qui vont en augmentant de
finelfe depuis le numéro i i , jufqu'aux
numéfos 40 à 4Z , c'elV à-dire qu'elles
ont depuis onze jufqu'à quarante-,
deux fils dans chaque portée : les der-
niers numéros font les plus fins, parce
que plus il y a de fils dans une même
portée, &' plus les intervalles qu'ils
iaifient entre eux font étroits, ainfî
on prend ces derniers numéros pour
les bluteaux fupérieurs qui tamifent
la fleur-farine de bled , &c on emploie
depuis le numéro 1 1 jufqu'au nu-
méro 1 8 , pour le dodinage ou blu-
teau inférieur qui doit tamifet les
gruaux & recoupes , &.c.
Tous les détails qu'on vient d'expo-
fer montrent fuffifamment de quelle
importance il eft de ben favoir mon-
ter les bluteaux fupérieurs , propres
.1 tamifer la farine de bled éi celle
de gruau : c'eft apparemment cette
difficulté qui avoit engage le fieur
MalilTet à fubftituer dans fes mou-
L 1 1 1 1
^3^
MOU
lins de Corbeil , des bliuoires Cylin-
driques de foie aux bluteaux lâches
ordinaires j mais il s'en faut bien que
le produit en farine blanche en fuit
nunî avantageux , tant pour la qua-
lité que pour !a quantité , & ils ne
peuvent d'ailleurs lervir à faire mou-
dre les gruaux.
En effet, ces blutoires de foie don-
nent affez leur premier produit pour
les farines de bled , parce qu'il s'y
trouve des fons alongés , des gruaux
en nature , & des recoupes en noyaux
durs , qui, par leur falfement , frot-
tent continuellement la foie, & fa-
cilitent le partage de la fleur : mais
loffque les gruaux font remoulus , il
ne s'y trouve prefque plus aucuns
noyaux, aucune dureté, & les blu-
toires de foie s'engraiflent & ne ta-
mifent plus , ou du moins pas fi bien,
à beaucoup près, qu'une étoffe de
laine fortement fecouée , & fans ceffe
ngltée par le mouvement de la ba-
guette.
On a fait à Lizy, près de Mèaux
en Brie, une nouvelle épreuve, qui
confiffe à mettre deux bluteaux dans
le premier étage d'une huche dé bout ,
de fix pieds de large fur fept à huit
de long, un babillard à monc l'eau,
& l'autre av allant , à côté de l'arbre
tournant. Il y a ai;flî deux anches qui,
à l'aide d'une cou/iffe adaptée à la
pièce d't/îcAcvtrri/rfij dirigent la farine
pour la faire tomber également dans
les deux bluteaux : il fiut que le
fécond bluteau foit plus fin que le
premier , attendu que la première
anche , du côté de la pouflée de la
meule, eft celle où eftla couliffe, &
par où la fleur tombe toujours h pre-
mière : au moyen de cette coulilfe,
on charge le fécond b'ureau tant
Se fi peu que l'on veut. Il faut tenir
MOU
ces deux bluteaux à trois petits lés,.
& bien ouverts , avec des palonniers
larges, comme on l'a expliqué ci-
devant.
Il faut obferver qu'avant cet arran-
gement, la huche du moulin de Lizi
étoit de travers au lieu d'être eiv
long, de forte que n'étant pas pof-
fible d'approcher le babillard près le
tourillon , à caufe d'un mur, il falloir
retirer beaucoup de bled au moulirji
pour faire bluter le bluteau , ce qui
rougifloit la farine. Ce moulin ne poii-^
voit moudre alors qu'environ trente
fetiers en vingt quatre heures j mais
depuis qu'il eft monté de cette nou-
velle façon , il peut moudre, dans la'
bonne eau, jufqu'à cinquante-cinq &
même foixante fetiers dans le rncme
efpace de temps, Ik faire la farine de'
bien meilleure qualité. Une fuite de-
cette obfetvation eft que , pour opérer
un pareil changement dans un mou»
lin, il faut qu'il aille fort, & que'
les meules foient bien ardentes à pro-
portion, pour bien affleurer & écurer
les fons , ôc cela parce qu'il a fallu
augmenter le débit du bluteau à pro-
portion de la force du moulin : il
faut cependant avouer que la farine
d'un moulin économique, qui va de
vin.gt cinqà quarante fetiers, eft pré-
férable à celle d'un moulin qui dé-
bite jufqu'à foixante fetiers.
Pour terminer cet article du blu-
tage par quelques principes généraux,,
il faut examiner, i''. fi le babillard
du bluteau fupérieur n'eft éloigné du
tourillon de l'arbre rournant que de
fix à huit pouces , ou de dix au plus;,
2"-'. fi la bluterie déchire les blu-
teaux , eu i'ils bluttenr trop fort ; car
alors il faudroit débrayer la batte ou
la baguette pour rallentir & diminuer
leurs coups j 3''. ou bien s'il arrivoiV
MOU
que les bliueaiix ne blutent point
alfez , ce ferait alors une marque
qu'ils n'auroient pas alTez de mouve-
ment, & il taudioic r embrayer. Dé-
brayer oujrembrayer , c'eft ferrer plus
ou moins la batte fut la croifée , ou
ferrer la baguette plus ou moins près
de la huche du- côte de la croifée.
§. V. Du dûdcnage & de la bluurie
cylindrique.
Comme l'étage fupérieur de la
huche ell: pour les bluteaiix fins , def-
tinés à tirer la première farine de
blé , on place dans l'étage inlcrieiir
un dodmage ou blureau lâche, d'une
étamine plus ouverte, & de deux ou
trois grolTeurs pour féparer les gruaux
& recoupes. Ce dodinage peur être
fait & monté comme le grand blu--
tage , à l'exception que la lumière
de la baguette ne doit point être à
plomb à celle de la batte 3 mais elle
doit être percée un peu en équerre,
fuivant la lumière de la batte , c'eft^
à-dire venant fur la croifée, afin de
donner au bout de la baguette une
plus grande diftance de {on moteur,
& que cela falîe mieux tamifer, en
donnant un plus grand mouvement
audodijiage. Si le grand babillard ell: ,
comme on l'a déjà dit, à mont l'eau,
celui du dodinage doit ètreavallant ,
parce qu'il faut les pofer en fens
contraires.
Dans tous les cas , foit qne l'on
ait une huche de bout j foit qu'elle
foit de plat, on doit préféter une
bluterie cylindrique à itn dodinage,
fur-tout fi l'on vife au blanc , de à
i'exaéte divifion des matières. Cette
bluterie «fe met en mouvement ,
comme on l'a pu remarquer plus haut,
M O U
637
au moyen d'une lanterne emmanchée
à fon exttémité , &: engrenant dans
les dents d'un petit hérilTon pofé
près les tourillons fur l'aibie tour-
nant j ou bien on lupplée la lanterne
& l'hérilTon par deux poulies unies
pir un pignon , engrenant dans les
dents du grand rouet.
Par le moyen de cette bluterie,
on a toujours un gruau plus parfait
qu'avec un dodinage , mais il fauc
bien prendre garde que la bluterie ne
(q gomme j c'eft-à-dire, ne s'engrailTe
par les gruaux trop mous. C'eft ce
qui arrive encore quand le bluteau
fupérieur ne blute pas fuffifamment,
ou blute mal , parce qu'alors il tombe
dans la bluterie cylindrique de la
farine de bled, ou de la fleur avec
les gruaux, ce qui gomme la foie.
Lorfqu'on fe fert d'un dodinage,,
les gruaux , & fur-tout les féconds ,
font fouvent mêlés de rougeurs, &•
quand on fait remoudre ces parties,
qui font dures & petites , on eft
obligé d'approcher les meules pour
pouvoir les atteindre, & l'on rougit
la farine en mettant en poudre les
rougeurs que le dodinage a mêlées
aux gruaux. Le plus siàr moyen, pour
avoir du blanc , eft de faffer les
gruaux gris , pour en ôtet les rou-
geurs avant de les moudre.
Alais , parle moyen d'une bluterie,
on foulage le moulin pour n'enlever
que l'écorce extérieure de la partie
qu'on veut moudte , patce qu'on eft^
sûr que la bluteiie féparant exacfte-
ment ces rougeurs , on pourra enfui te,
dans le moulage ,a/'/jroc/z<.T tant qu'on
voudra pouv atteindre les petits noyaux
qui auront échappé aux premières
moutures , fans piquer ni rougir la
farine qui en doit provenir. Le pre-
^38 AI O U
mier les de la blaterie faic, en dernier
travail, un gruau clair & tîn, qu'on
peur aifément metrre dans le blanc ;
le fécond lés, un fécond gruau qui eft
bon pour le bis-blanc ^ & une partie
du refte en bis : au lieu qu'avec le
dodinage, les gruaux reftans du re-
moulage font bien plus rouges , &
ne peuvent plus être employés qu'en
bis.
La bluterie eft encore d'une grande
-milité lorfqu'il y a des recoupes qui
font dures j ce qui ell fouvent occa-
fionné par une rhabillure trop foncée,
ou par la nature du bled. Lorfqu'on
veut remoudre ces recoupes, on ell
obligé d'approcher le moulin , ce qui
le fatiçTue beaucoup & roucu totale-
ment h t«rme qui provient de ces
recoupes, fi l'on fe fer: d'un dodi-
nage \ au lieu que , par le moyen d'une
blaterie, le moulin va roujours en
allégeant , fans que l'on remette les
rougeurs fous la meide , ce qui fait
que la farine provenant de ces re-
coupes eft bien plus claire. On trouve
encore par le remoulage au premier
lés de la bluterie , de petits gruaux
bons à metrre en ^i5-/'/i7/7c j & le
refte en bis; ce qui avantage beau-
coup un moulin, parce que rien n'eft
perdu, & qu'il tourne toujours fur
fes march'indjfes en allégeant.
Il eft vtai que cette méthode oc-
cafîonne des évaporations ; mais on
en eft amplement dédommagé par la
quantité & la qualité de la farine.
D'ailleurs , il ne faut pas perdre de
MOU
vue qu'on n'entend parler ici que d'uu
moulin à blanc , d'où l'on cherche à
tuer de grandes qualités : mais pour
un moulin à bis ou à bis-b.anc j le
dodinage eft fuffifant, & l'on peuc
tirer, par fon moyen, la totalité des
farines. On ne prétend cependant pas
blâmer les dodinages j mais , d'après
l'expérience , il confte que les blute-^
ries font les gruaux ^p] as clairs. Plu-
fieurs meuniers fe fervent d'abord du
dodinnge pour dégraiffèr les fons gras,
& enfuite d'une bluterie : cette opé-
ration eft très-bonne.
On pourra encore objecter, qu'au
§. précédent on a blâmé la méthode
de ceux qui préfèrent les blutoirs de
foie aux bluteaux d'ctamine ; mais
il s'agilToit alors du bkueau fupérieur,
qui, dans tous les cas, doit être de
laine, parce qu'il eft deftiné à palTer
la fleur ou farine de bled qui gom-
meroit la foie : ici au contraire il ne
s'agit que du bluteau inférieur pour
les gruaux & recoupe"^, dont le fu-
périeur a ôté la fine fleur ou farine
alongce fur le bled , & gf'^jj^ par
elle-même , & qui a befoin d'une
forte fecoulfe pour être bien blutée ;
au lieu que la bluterie cylindrique
fuftic pour les gruaux fecs & les fons
durs. D'ailleurs , les foies, ou quin-
tins & cannevas des cylindres à
çruaux, doivent être plus ouverts o^q
ceux qu'on emploieroit à tamifer la
farine de bled, & par cela même ils
font moins fujets à s'engraifler ,
&c. ( I )
( I ) Ceux qui on: aflez d'emplacement , feront bien de laiffer fermerter le fon gras avant
de le paffer à la bluterie , le gruau fc fépare mieux , le fon refte plus (i.c , &c On verra
daiis l'explication des Plar.chcs , les moyens de placer avantageufement cette bluterie
féparémcnt , fans qu'elle gcne en aucune manière les autres opérations du moulin.
MOU
§. V 1. Réfumé de toutes les machines
du moulin économique , de leur prix
commun j & des moyens de monter
les moulins ordinaires à l'écono-
mique.
On a cru bien faire de récapi-
tuler en très- peu de mors le jeu des
inachines , & de fuivre le bled par
les difFérens chançemeus fuccellîfs
quil éprouve, pour parvenir a don-
ner fes divers produits.
En fuppofant donc qu'il s'agifTe
d'un moulin à eau de pied ferme ,
où l'on peut moudre par CLonomie,
avec des greniers au-deiïus pour le
nettoyage des grains; le bled , après
avoir été tranfportc , à l'aide des ma-
chines , dans l'étage fupérieur , où
il eft criblé & féparé en Çqs trois
qualités de bled , de la tête , du mi-
Ut u & de la dernière clajje , par les
différens cribles normands & à cylin-
dre , eft verfé ,
1*. Dans la trémie du tarare ou
ventilateur , qui en enlève lapouflîère
&: la halle.
D'où il tombe, i°. dans le crible
cylindrique de jcr-hlanc ,
où le bled moucheté iSc
niellé eft comme versetté
& râpe;
— 3". \y-\wi\Q crible d'Allemagne
incliné , au bas duquel eft
\émotteux.
— 4°. Dans la trémie des meules ,
qui le verfe par Wiugct
agité par \tfrayon.
— 5'. Dans Vœillard de la meule
courante, à travers les bras
de ï'annille ;
— 6°. Sur le cœur de la meule
fifflmce boudinière j où il
fe bfije.
M O U ^39
— 7°. Dans Ventrepied des meu-
les , où il s'afine Se fe forme
en gruau ;
— 3^. Dans la /eai///^re des meu-
les , où il s'affleure par
Vecurage des Jons & fe
convertit en farine ; î
— 9". Dans Manche , où la farine
entière eft challée par le
mouvement circulaire des
meules ;
— ic°. Dans le bluteau fupérieur,
où palfe la farine de bled ,
dite le blanc , <Sc d'où fort
le fon gras ;
— 11°. Dans le dodinage , ou blu-
terie cylindrique , qui dif-
tingue le fon gras dans fes
trois gruaux j recoupettes
& recoupes ;
Et enfin, 12°. Au bout du bluteau
inférieur , par où fort le
fon maigre bien cvidé de
farine.
Quand on a retiré toutes ces qua-
lités & ces divers produits du grain,
on met à part la farine de bled ou
le blanc tiré par le bluteau fupéntur,
(Se on la diftingue en deux qualités ;
favoir , la première farine de bled j
ou la feur , qui fe trouve à la tête
du bluteau, (S: un cinquième ou un
fixième fut la longueut de la huche,
de féconde farine de bled. Cette dif-
tindion de première & de féconde
farine de bled eft bonne dans les
inoutures , telles que celles de Me-
lun , où les fons gras font rapportés
chez le boulanger ; mais à la mou-
ture économique toutes ces farines
doivent être tirées à blanc.
Enluite on prend le gruau blanc
pour le faire repaffer fous les meu-
les & le produit de ce premier gruau
fait le même chemin que le premier
/j4o
MOU
pcodiiit du blé. 11 donne, par le blu-
teau fupérieur , une premièie farine
ou deur , bien liipérieuce à la pre-
mière de bled. On la nomme pre-
mière farine de gruau.
Ce qui n'a pas palIé à travers le
bluteau fupérieur, fe remet encore
fous la meule , pour être remoulu
une féconde lois , & l'on obtient la
féconde farine de gruau , qui eft un
peu moins blanche que la précédente.
Le rétidu de cette féconde farine
fe repalTe encore fous la meule une
.troifième fois , lorfqu'on a pour but
de rirer la plus grande quantité de
blanc poflible; mais ordinairement ce
réfidu fe mêle avec le gruau gris ,
ce qui forme une troikème farine de
gruau, moins blanche encore que la
féconde.
L'on palTe une féconde ibis fous
Ja meule le réfulu du gruau gris pour
avoir une quatrième farine de gruau
qui eft blfe , & l'on y mêle encore
le produit des gruaux bis & des re-
coupettes qu'on ne moud qu'une
feule fois.
Il refte à la fin de toutes ces opé-
rations , un petit fon qu'on appelle
fieurage , ou remoulage de gruaux ,
qui eft bon pour les volailles & les
cochons .
On voit par-là qu'on peut varier
à l'infini les procédés de la mou-
ture par économie, pour en tirer tou-
tes les qualités de farine qu'on déhre.
La conftruftion de la cage & des
bâtimens d'un mouhn à eau de pied-
ferme , qui eft la principale forte de
moulin la plus commune, la mieux
connue & la plus utile, coûte à pro-
portion de la plus ou moins grande
étendue des bâtimens qu'on veut y
faite , & du nombre ou de l'éten-
due des magafins que l'on y veut
MOU
établir. On n'entrera point dans l.s
détail & le prix de ces fortes deconf-
tructions , pour fe fixer à ce qui re-
garde la méchanique feulemenr.
La roue & l'arbre tournant peu-
vent coûter deux cent foixante , à trois
cent livres , fuivant la hauteur de la
roue , la grolFeur de l'arbre , & les
ferrures qu'on veut y mettre.
le rouet & Ja lanterne coûtent en-
viron deux cent , à deux cent cinquante
liv. , fuivant la hauteur du rouet, la,
qualité des bois, le boulonnement du
rouet, les ferrures de Ja lanterne, &c.
Le beffroi peut être en maçon--
nerie ; le pallier , les deux braies &
la trempure peuvent coûter cinquante
à foixante liv.
Le fer , l'annllle , le pas ou cra-
paudine , environ cent ou cent-cin-
quante liv. , fuivant la force; & fi
l'on veut y joindre les nouveaux
chalîls à dreffer les meules avec des
vis, chaflis de fer , poclette de cui-
vte , crapaudine métallique , c'eft
encore un objet de foixante à quatre-
vingt liv.
Les deux meules de bonne qualité,
& bien mifes en moulage , peuvent
revenir à environ mille livres , & à
Paris j huit cent liv. Les cerces des
meules, couvercles , trémion, porte-
trémdon , trémie , auget & frayon ,
environ cent liv.
La huche & fa blurerie de deflbus ,
oudodinage , quatre-vingt-dix à cent
livres ; fes bluteaux , depuis quinze
à vingt-quatre liv. pièce, fuivant leur
finefle; le babillard quinze liv., (3cc.
Et fi l'on veut y joindre les ma-
chines nécelTaires pour cribler & ma-
nœuvrer les bleds , il faut une lan-
terne qui prenne dans le rouet; un
petit atbre de couche ; poulies , cor-
dages , ventilateurs , cylindre d'en-
.vkoQ
MOU
-vîron douze pieds fur deux pîeds &
demi de gros , garni de feuilles de
fer-b!anc pique; cribles Normands ,
cribles de fil-de-fer à cylindres, cri-
bles d'Allemagne, inclines, &:c. &c.
Toures ces machines qui fervent à
cribler ^ épurer les blés fans main-
d'œuvre , peuvent coûter environ
trois à quatre cens liv. , même juf-
qu'à fix & huit cens liv. , fuivant
leurs qualités.
Un moulin à vent que l'on vou-
droit conftruire pour y moudre par
économie , feroit un objet de cinq
à fix mille livres. D'ailleurs , tous
ces prix varient fuivant le prix de
la main-d'œuvre , plus ou moins chère
dans un pays que dans l'autre , ainfî
que le prix du bois.
On doit également conclure de
tout ce qui précède , que rout mou-
lin ordinaire peut facilement opérer
la mouture par économie avec peu
de dépenTes , en y faifant très-peu
de changemens , fur-roue fi l'on ne
veut pas y ajourer les machines à
nettoyer les blés ; parce qu'en effet
on peut y fuppléer en quelque forte
par les cribles Normands , par les
cribles d'Allemagne inclinés, par les
cribles cylindriques de fil-de fera ma-
nivelle y & enfin , par le tarare por-
tatif.
Dans cette fuppofition , il ne s'^-igit,
l". que de piquer les meules, non
pas à coups perdus comme ci-devant ,
mais en rayons compaffés du centre
à la circonférence, comme on le voit
repréfenté , Planche XIX , part. 5.
2°. D'ajouter une huche divifée
fur la hauteur en deux parues. Dans
la partie fupérieure , on placera un
bluteau d'une feule étamine , pour
tirer tout le produit de la farine de
blé. Pour mouvoir ce premier blu-
Tome VI.
MOU
C\\
teau, on placera , comme on l'a dit,
un babillard ou treuil verrical fur le
chevrejjler du dedans , à fix pouces
environ du tourillon du grand arbre.
Ce treuil roulant pat en- bas fur uu
pivot , & par en-haut dans un collet
attaché au beffroi , eft percé dans la
partie fupérieure de deux lumières ,
l'une par ou palfe la batte qui va
joindre les denrs de la croifée adap-
tée à \arbre de fer au delfus de la
lanterne \ l'autre trou , ou lumière
fert à palfer la baguette attachée au
bluteau , de manière que chaque fois
que la batte attrape la croifée , le
babillard fait un dtmi-tour , & par
conféquent la baguette attachée au
bluceau fait le même mouvement
dans un fens oppofé à la batte. La
planche XVIll rend cet arrangement
fenfible. «S* eft le babillard ; 1 eft la
batte ; P ell la baguette ; 3 eft le
bluteau; Q eft la croifée adaptée fur
la lanterne, & tournant avec elle.
3". Dans la partie inférieure de
la huche, il faut mettre une bluterie
cylindrique garnie de trois différentes
étoffes : la première de foie , la deu-
xième de quintin , la troifiême de
canncvas. Ceux qui veulent diftin-
guer les recoupettes & recoupes , dii
gruau bis , mettent le cannevas de
trois grolfeuis. Cette bluterie cylin-
drique eft traverfée par un axe , au
bout duquel eft une lanterne qui
tourne par le moyen d'un hériU'on.
adapté au grand arbre de la roue. Le
bas de la planche XVII fait voir cette
difpofition : & eft la huche , Z eft le
premier bluteau, 6 repréfenté la blu-
terie , C la lanterne , & N le hérif-
fon adapté à l'arbre D du moulin.
Souvenr , à la place du hérilfon 3c
d'une lanterne, on mee à la tête da
la bkuerie miQ poulie de renvoi , qui
M m m m
64-i
MOU
tourne au moyeu d'un pignon pre-
nant dans le rouet. On peut aufll
lemplaLer labhuerie cylindrique par
un dodinage ou bluteau lâche , formé
d'étamines de trois grolFeurs , &c agité
par un fécond babillard pofé en fens
contraire du premier, 6cc.
4 -Tel eft le fimple méchanifme à
ajouter aux moulins ordinaires, pour
y pratiquer la mouture par économie.
Tous ces changemens font peu coû-
teux , quand d'ailleurs le moulin eft
bien monté de fes pièces , telles
qu'elles ont été décrites. Une huche
avec une petite bluterie , ou dodinage ,
peut coûter .à-p^-près cent livres.
Chaque babillard peut T-tre un objet
de douze à quinze livres. 11 eft à pro-
pos d'avoir cinq à fix blureaux d'éta-
mines de différentes grolfcurs , qui
reviennent depuis quinze à vingt-
quatre livres. On peut juger par-là
qu'un moulin bien conditionne pour
moudre à l'ordinaire, ne peut guères
exiger au-delà de quatre à cinq cent
liv. Au furplus , l'eftim.i.tion de cette
dépenfe concerne principalement les
moulins des environs de Paris , qui
font déjà en bon état , quoique muu-
lant brut. Mais lorfqu'il s'agit de
raire ce changement en provmce, &
d'y envoyer des ouvriers , cela coûte
beaucoup plus , tant pour la main-
d'œuvre que pour le voyage & retour
des ouvriers. ITail leurs , les autres
pièces de ces moulins font fouvent
en très mauvais état.
§. VII. Defc-'pàon d'un moulin
économique y & détail de fes opé-
rations.
Avant de faire l'explication de tons
les proi.édés de la mouture écono-
mique , il faut donner une idée lé-
MOU
gère de l'enfemble d'un mouUn dif-
pofé pour opérer fuivant cette nou-
velle méthode. Cet enfemble fervira
de récapitulation à tout ce qui a pré-
cédé fur le méchanifme de chaque
partie en détail. On pourra recourir
au grand Ouvrage de M. Beguil!et
pour avoir de plus grands éclaircif^
lemens fur les mouhns économiques,
& en particulier fur celui de Senlis,
dont je me contente de tracer l'é-
lévation & la coupe fur la longueur.
& la largeur.
La planche XVI exprime la coupe
du moulin fur la largeur. On y voit
la liaifon de routes fes diverfes par-
ties : on doit principalement obfer-
ver comment , à l'aide des poulies
5 adaptées à un arbre de couche ,
ayant à fon extrémité une lanterne
qui s'engrène dans les dents du rouer,
on fait mouvoir naturellement la
bluterie à fon gras 5 au premier étage;
6 dans le fécond , le tarare 8,9,
au moyen de \-\ poulie de renvoi 10 ,
ainfi que le crible de fer-blanc 14 ,
à l'aide de la poulie de renvoi 11.
\J ouvrier 22 , en tirant une corde,
fait engrener dans le rouet la lanterne
Q , qui a pour axe le treuil R : auflî-
tôt le cable 19 , au crochet duquel
eft attaché un fac , file fut ce treuil ,
l'enlève au troifième ét.ige du m<iu-
lin , où l'ouvrier le reçoit & le verfe
dans le grenier à l'endroit 23 , d'où
il découle dans la trémie 12 , de-là
dans le tarare 8,9, dans V anche 1 3 ,
dans le crible de fer- blanc 14 , dans
le crible de jîl-de-fer d'Allemagne 5 ,
dans la trémie 2 , de-là entre les
meules pour être moulu.
Si l'on veut fuivre le chemin que
fait le produit du blé moulu , il
faut avoir recours à la planche XVII
qui répréfente la coupe du moulin
MOU
fur la longueur. On y voit dans une
autre fituation les objets qu'on vient
de dcciire. L'ouvrier 14 tait engre-
ner la lanterne pour faire monter le
fac j 5 , (î expriment le tarare ou
ventilateur 5 9 , le bluteau de fer-
blanc ; ^ , le crible de fil-de-ff r ;
X , la trémie j « , la meule cou-
tante :, m , la meule gilTante.
Le blé broyé entre les meules ,
eil chafle par Vanche i , d'oti il en-
tre dans un bluieau fin Z où paflTe
Izjicur de Jarine & , qui tombe dans
la huche : de-là , par un conduit c ,
jefiongras va dans la tlutcrie h , dont
la lonçrueur eft divifée en trois nar-
ties : celle qui efl: plus clevée eft
plus fine que la féconde , & celle-
ci plus fine que la tioifième : les
trois tas de diftérens gruaux font
exprimés par d , d , d , ôc le fon
maigre fort par l'extrémité inférieure.
Cette blutéric b eft niife en mou-
vement par la lanterne e , que l'on
fait engrener à volonté dans les dents
du hérijfon N, adapté au grand arbre
de la roue.
Quand au bluteau Z , il eft mû par
la baguette X, qui tient au babillard
V , lequel eft rais à fon tour en mou-
.vement par le moyen de la batte S ,
qui frappant fur les.dents delà cro'ifce
adaptée fous la lanterne T , fait agiter
le bluteau Z.
Toute cette difpofition du moulin
étant bien entendue , il fera aifé de
concevoir fes différentes opérations.
La première confifte .1 nettoyer & à
cribler le blé , avant qu'il tombe dans
la trémie des meules : la féconde , à
le moudre demanièrequ'il nepuilTeni
s'échauffer, ni contradter aucune odeur
ni autre mauvaife qualité , ni touf-
ftir trop de déchet & d'évaporation :
la troifième , à bluter en même temps
MOU 645
que les meules ttavaillent , pour fé-
parer les diverfes qualités de fatines
& de gruaux : la quatrième , à faire
remoudre les ditfcrens gruaux , pour
en tuer de nouvelle farine.
La première opération , de nettoyer
le blé, fe fait, comme on l'a déjà
dit , en tranfportant les facs au troi-
fième étage , pour y palfer pat les cri-
bles. Deux ouvriers , l'un en bas ,
l'autre en haut , font tout ce feivice.
Le premier, à l'aide d'une brouette
très-commode par fa fimplicité & fa
facilité , mène le fac jufqu'à l'endroit
convenable , & l'attache au ctochet
du cable 19 ; auiîi-tôt l'oi'.vtier 21 ,
Planche XFI , qui eft en haut , fait
engrener, en tirant une corde , la lan-
terne Q du treuil R dans le rouec
F , ce qui emporte fur le champ au
tfoifième étage le fac de blé a>tta-
ché au cable 1 9 : lorfqu'il y eft arri-
vé, l'ouvrier 21 lâche la corde pour
défeiigrener la lanterne Q , & dét.i-
che le fac, qu'il vide fur un tas voi-
lln , d'où , après avoir été criblé deux
fois au crible normand ou à la main ,
il découle de lui-même à travers !e
plancher, par un conduit, dans la
trémie 1 2 du tarare 8 , où il eft
éventé par les ailes 9 du ventilateur,
qui le purifient & le nettoyent en
chaffant la pouffière , les pailles , la
clocque , les grains Icgets rongés par
les infeétes , iSc en féparant , par fes
grilles, la plupart des grains étran-
gers. Enfuite le grain va communi-
quer j par le conduit 1 3 , dans le cti-
ble de fer-blanc piqué 14, où il eft
comme râpé & frotté , pour en ôter
la poulîière de charbon : le tarare &:
le crible font mis en aétion par les
poulies S. De-là le grain eft reçu dans
un crible d'Allemagne ; , Planche
XVI , & y FLxnche XVII ^ au bas
Al m m m ;
^44
MOU
duquel eft un émorreux dont les fils de
fer plus diftancs laiireiupalTer le grain
&c retiennent les pierres & les petites
mottes de terre qui pourroient s'y
trouver : enfin , le grain tombe pur
êc net dans la trémie des meules.
Cette piemière opération du net-
toyage des grains, eft, comme l'on
voit , indépendante de la mouture
économique , & ne regarde que la
préparation du blé avant dette mou-
lu j préparation qui peut fe faire na-
turellement & à peu de frais , en dif-
pofant la partie fupérieure d'un mou-
lin à eau de la manière qu'on vient
de décrire j mais dans le cas où cet
arrangement ne feroit paspolîible, il
faut apporter au moulin les blés bien
nets & purgés de toute mauvaife grai-
ne \ fans cela , il ne faut efpéiet ni
belle farine ni bon pain,
La féconde opération confifte dans
le moulage du grain , fans échauffer
la farine. Les meules entre lefquelles
le blé eft introduit, font piquées en
rayons réguliers, PL XIX j parc. 5.
Jîg. II. Comme les meules font bien
montées, elles vont toujours en allé-
geant. La piquure plus fine que celle
des meules ordinaires, fabrique mieu-x
la farine , fans couper le grain ni ha-
cher les fons. A quelques pouces de
l'annille , le blé commence à être
concatfé ; au milieu de l'entrepied ,
ce font les gruaux , & la feuillure af
fleure la farine & écure les fons.
Comme on doit remoudre les diffé-
rents grains , l'on n'eft point torcé de
rapprocher ni de ferrer les meules ,
ainfi que dans les méthodes oïdinai-
res , où l'on veut tirer tout le produit
par une feule mouture. Ici au con-
traire le premier moulage eft htt gai,
la farine qui en fort n'eft point échauf-
fée & conferve toute fa qualité.
u o u
Par la troihème opération , on ra-
mife la farine & l'on fcpare les gruaux
en même temps que l'on moud , ce
qui fe fait d'après les principes don-
nés dans le chapitre précédent , pour
accorder le blutage avec le moulage^
afin que le bluteari ne débite ni plus
ni moins que les meuies. La farine
entière j c'eft-à-dire , mêlée avec les
gruaux , les recoupes S< les fons , tombe
au fortir des meules parla hanchei.
Pi. XVII, dans le premier bluteau Z^
placé dans la partie fupérieure de la
huche : le blureau reçoit fon mouve-
ment de la batte S , qui , en frap-
pant fur les bras de la croifée , placée
fur la lanterne T , fait agir le babil-
lard /-^j & par conféquent la baguec-
ce X , attachée au bluteau Z. La fa-
rine qui palfe par ce bluteau , tombe
en & ; elle eft d'une grande hnelfe &
a toute fa perfcétion j on la nomme
farine de blé , parce qri'elle eft pro-
duite dans la mouture fur blé, ce qui
la dift.ngue des farines de gruau : elle
va à-peu-près à la moitié du produit.
Le refte du grain moulu qui eft le
fon gras , fort par le bout inférieur
du premier bluteau , & va par un
conduit c , dans un fécond bluteau
frappant , nommé dodinage j qui eft
plus gros & plus lâche que le précé-
dent. Il eft ordinairemenr compofé
de trois différentes crofteurs d'étami-
nés & de cannevas qui divifent fi
longueur en trois parties égales. On
verra tous ces développemens du do-
dinage, dans les Planches du grand
ouvrage de M. Beguiller , & dans
l'explication dont elles font accom-
pagnées.
Dans le modèle du moulin de Sen-
lis , il ny a point de dodinage dans la
partie inférieure de la huche ; à fa
place eft. une bhuerie à cylindre b j
MOU
PL XFII, laquelle eft préférable ,
en ce qu'elle faïc un plus beau gruau
qu'un dodinage ; elle eft garnie par
tiers , de foie ronde , d'un quincin
& d'un cannevas : cette bluterie h y
reçoit fon mouvement de rotation dû
hériffon N , dont les dents s'engrè-
nent dans les rufeauxde la petite lan-
terne e , qui termine l'axe de la bki-
terie à cylindre.
Des divi fions du bluteau inférieur,
foie dodinage , foit bluterie cylindri-
que , doivent nécelTairemenc fortir
trois fortes de gruaux , ou plutôt de
matières de farine imparfaite j dj
d , d ; la première , eft le gruau blanc
qui fe trouve à la tête du blureau ; la
deuxième , le gruau gris qui fe prend
dans le milieu , & la troifième , les
recoupes à l'extrémité du bluteau :
ceux qui multiplient les divilfons de
la bluterie cylindrique , diftinguenr
encore avant les recoupes , \qs gruaux
gris & les recoupcttes ; mais une
fi grande précifion n'eft pas nécef-
faire.
La quatrième opération du moulin
de Senlis , confillie à remoudre les dif-
férens gruaux pour en tirer de nou-
velle farine. Après que les blu teaux ont
féparé routes les qualités j & que le
mei^uiier a mis à part la farine de bled,
il rengrène le gruau blanc trois fois
féparémentdes autres efpèces, &c tou-
jours de la même façon , mais en ne
faifanc communément ufage dans tout
lerefte des opérations que du premier
bluteau Z , Planche XTII. On dit
communément , parce que les meiàniers
qui vifen: à une grande qualiré de
blancheur , laiiTenr encore paifer à
chaque opération les gruaux à travers
la bluterie cylindrique ou le dodina-
ge, pour en extraire les rougeurs ou
les parckules de fon qui s'y trouvent.
MOU (Î45
d'où il réfulte que la deuxième l\' troi-
fième farine de gruaux en efl bien plus
claire.
Le premier rengrènage du gruau
donne une farine fupérieure en qua-
iSé à la fjrine de blé : on nomme
cette farine de premier gruau , blanc-
hourgeois , pour la diftinguer de la
farine de blé qu'on appelle le blanc.
Le blanc n'eft pas plus tin que le
blanc-bourgeois , mais celui-ci a plus
de corps & de faveur.
Le fécond rengrènage du reflrant
du premier gruau , produit une farine
d'une qualité un peu inférieure à la
précédente, & le troifième rengrè-
nage donne encore une farine au-def-
fous , mais fans mc'lange de fon ,
parce que le gruau blanc n'en a poinc^
c'til: en remêlant ces farines des rrois
rengrènages du premier gruau, qu'on
forme le blanc-bourgeois j félon l'Au-
teur de l'art de la meunerie ; mais
félon les termes admis par les mar-
chands de farine , le blanc-bouroeois
eft proprement le produit du premier
rengrènage de gruau blanc feul..
Le gruau gris fe rengrène féparé-
ment& fe moud légèrement pour en
extraire, par un tour de bluterie, les
rougeurs , de manière que la tête de
cette bluterie peut rentrer avec le
gruau blanc fous les meules. Enfin le
refte du giuau gris , après avoir été
repaflé fous la meule , donne une fa^
rine bife j mais purgée de fon par
l'attention qu'on a de moudre les
gruaux gris légèrement la première
fois, & d'en extraire le fon ou les
rougeurs par la bluterie. Les farines
de blé , de premier & fécond gruaux ,
mêlées enfemble/orment le pain blane
de quatre livres qu'on vend à Paris.
11 eft à obferver qu'il y a des meu-
niers qui j après avoir tiré la pteniicre
,^i M O U
farine du gruau blanc , mêlent le ref-
tanc des gruaux blancs avec le gruau
aris , & les font repaffer enfemble
2eux fois fous les meules ; mais les
meuniers intelligents repalTent à part
fous les meules , les gruaux gris, «c
à l'aide d'une bluterie , parviennent
à en faire du blanc , ou du moins une
partie.
Les recoupes fe rengrènent de
même féparément une feule fois, &
produifent une farine blfe égale à-peu-
près à la féconde qualité du gruau
gris, «Se toujours fans mélange de Ion :
comme il tombe à chaque opération
du blutage , de gros gruaux qui ont
échappé à la meule , le meunier
les ramalfe encore pour les remou-
dre , ce qu'on nomme remoulage de
gruaux.
Le meunier doit être attentif pen-
dant ces différents moulages , à fixer
rafliette de fes meules , à en diriger
les mouvements avec égalité , à les
faire approcher plus ou moins , afin
d'enlever légèrement la pellicule fui-
vant. les différents genres de moutu-
re , &c afin d'empêcher dans tous les
cas que la farine ne foit courte &
échauffée j mais au contraire , de faire
en forte qu'elle (oit fraîche j allongée^
&c produife un gros fon doux : lors
de la mouture des derniers gruaux ,
il n'en réfulte qu'un petit fon qu'on
nommQ fîeurage.
Pendant le premier moulage fur
blé , le meunier a foin de tenir la
meule courante un peu haute j c'eft-
à'dire de ne pas la ferrer beaucoup,
afin d'enlever la pellicule , de faire
plus de gruaux j & de mettre moins
de fon avec la farine^ miis lors de
la mouture des gruaux , il affeéte au
contraire de tenir les meules plus fer-
rées , vu que les parties font plus pe-
îvl O U
tites , dures, &c. Cependant les véri-
tables bons moulages bien rhabillés,
demandent fouvent à alléger un quart
d'heure après avoir pris fleur.
g. Vin. Différents réfultats de la
mouture économique des blés.
Premier Résultat. En fuivnnc
tous les procédés ou'on vient de dé-
crire , un ferier u^^ bon blé pefant
deux cents quarante livres , mefure
de Paris , doit donner communément
c-n roralité de farines, tant bifes que
blanches , 175 à i 80 livres, ci. 1 80 1.
En fons , recoupes , & iffues . 5 5
En déchet 5
Poids égal à celui du blé. 7 40 1.
Si la bhuerie inférieure fépare
les ilfues du premier bluteau,
en trois gruaux , recoupettes
& recoupes , alors ces diffé-
rents produits montent en
détail , fa voir ;
En fleur ou farine de blé environ
lOol.
En belle farine de premier
gruau .^o
En farine de deuxième gruau. 20
En farine de troifième gruau. 10
En farine de remoulages de
gruaux & recoupettes .
10
180
Sons de différentes efpèces. 5 5
Déchet 5
Poids égal à celui du blé. 240 1.
Par le mélançre de toutes ces for-
tes de qualités , on fait ordinairement
de quatre efpèces de farines; 1°. la
farine de lie ^ ou le blanc ^ en m.ê-
lant les deux qualités que donne le
bluteau fupérieur j 2":'. la farine des
MOU
trois rengrènages du premier gruau ,
appellée blanc bourgeois ; 3°. la ja~
fine de fécond gruau , que l'on mêle
très-fouvent avec le blanc bourgeois,
quind le meunier a eu allez d'adreiFe
pour moudre légèremenr le gros gruau
&c en réparer les rougeurs \ 4°. la
farine hife j qui réfuke du mélange
des farines des derniers gruaux , re-
moulages & recoupettes.
Les fons reftancs fe Trouvent auffi
de trois efpèces : les gros Jons , les
recoupes , les petits fons on f enrages.
Il faut encore obfeiver qu'il y a
beaucoup de variations fur les dé-
chets: ils font moins forts dans les
procès- verbaux d'expériences publi-
ques , où tout eft pefé aux onces avec
le plus grand fcrupule , &• au forcir
des meules , ce qui fait moins de
déchet que fi les farines repofées ne
font pefées que deux ou trois Jours
après la mouture, fur- tout fi elles
ont été tranfporcées de cinq, dix ,
quinze à vingr lieues par la chaleur
qui , avec les fecouffes des voitures ,
contribue pour beaucoup aux déchets :
fouvent l'trreur vient de l'inexaélitu-
de de la pefée , &c.
On devinera aifément que les pro-
duits de la mouture économique ne
peuvent pas être toujours uniformes
tant en farines qu'en fons ; les diffé-
rentes façons de moudre &: remou-
dre, l'habileté du meunier , la bonté
des meules & du moulin , le jeu &
la. perfection de fes diverfes pièces ,
les différentes fortes de grains , fui-
vant qu'ils font plus ou moins fecs ,
plus ou moins pefants, plus nouveaux
ou plus vieux , &.c. apportent tou-
jours des d fférencesconfidérablesdans
les produits. On va , par cette raifon,
examiner encore les divers produits ,
Cil égard aux qualités des blés , &
MOU <J47
en faifanten forte de fe borner, pour
chaque qualité de blé , à un terme
moyen de comparaifon , fouvent mê-
me en afîcétant de prendre le plus
foible , pour qu'on n'accufe pas l'au-
teur de trop avantager la nouvelle
méthode.
Second Résultat. Il y a en tout
pays trois clalfesde blé : b/e de la tête.,
ou de qualité fupérieure j blé du mi-
lieu, dit blé marchand , & blé de la
dernière qualité , dit blé commun.
Première Classe.
Poids du fetierannée commune. 240I.
Produit en farines des quatre
fortes fufdires .... 1 80
Produit en fons des trois fortes
fufdites jj
Déchet 5 d (î 1.
Poids égal à celui du blé. 2^0
Produit en pain cuit. . . 240
Deuxième Classe.
Poids du fetier . . . . 230 1.
Produit en farines des quarte
fortes jyo
Produit en fons des trois fortes. 5 5
Déchet 5 à 6 1.
Poids égal à celui du blé. 230
Produit en pain cuit . .230
Troisième Classe.
Poids du fetier • . . . . 220 1.
Produit en farines des quatre
fir:es 1^0
En f( ns ^ j
Déchet < à? I.
^48 MOU
Poids égal à celui du fetier. 210
Produit en pain cuit. . .12.0
On voit par ces réfultats que , dans
la ditférence des qualités de giains ,
celle des produits tombe fur la farine,
& non pas fur les fons j parce que
meilleur eft le Blé , & moins il a de
fon. Je mets ici le produit en pain
cuit au plus bas. Il eft de fait qu'on
retire d'un fetier de blé , lorfque la
farine eft bien purgée de fon , autant
de livres de pain cuit qu'il y a de li-
vres de blé.
Troisième Résultat. En opé-
rant fur de moindres quantités de
blés également fecs , mais de qua-
lités différentes , un quintal , ou cent
livres de blé de la tête peuvent pro-
duire environ quatre- vingt livres de
farine , fa voir (i) :
Farine à faire pain blanc. . 6^ 1.
Farine à faire pain bis-blanc &
bis 15
Gros & petits fons. . . , 18
Déchet, environ .... z
Total égal au poids du blé. lool.
Un quintal de blé de la deu-
xième qualité peut produire
76 livres de farines , favoir:
Farine à faire pain blanc . . 6o\.
Propre à faire pain bis-blanc &
bis ...... , i(î
Sons 2if
Déchet 2i
Egal au poids . . . 100 1.
MOU
Un quintal de blé de la dernière
qualité peut produire foixante-dix li-
vres de farine , dont cinquante à cin-
quante-cinq livres à faire pain bis-
blanc, & le furplus en pain bis , eu
(on & en déchet. Les troifièmes claf-
fes de blé ne font propres en effet
qu'à faire de bon bis-blanc, &: il n'y
a que les deux premières qui puiffenc
fournir le blanc.
On voit avec plus d'évidence en-
core dans ce troilième réfultat , 011 le
poids des trois qualités eft fuppofé le
même , que la diminution qui fe fait
fur les farines , fe rejette fur les fons
& le déchet , qui augmentent en
quantité , à proportion que celle des
farines diminue relativement à la qua-
lité des blés.
Il fe trouve aufti une différence re-
lative à. la qualité des farines. Les
meuniers de Pontoife prétendent que
le blé de belle qualité doit rendre
environ feize parties de farines blan-
ches contre une dix-feptième partie
de farine bife ou petite farine : que
le blé de la féconde qualité rend
neuf dixièmes de blanc contre un di-
xième de bis; &c celui de la dernière
qualité , cinq fixièmes de blanc ou
bis-blanc contre un iixicme de bis.
L'exaélitude de ces proportions dé-
pend audi des années j par exemple,
les blés verfés rendent moins en fa-
rines blanches , &:c. Sec.
Les proportions ci-deifus ne font
pas exaétes , félon le fieur Buquet,
qui prétend qu'un neuvième à un di-
xième, tant bis- blanc que bis, eft une
mouture bien faite , ou un douzième
( I ) Malgré le produit admis dans ces réfulcats , on doit toujours s'en tenir au produit
commun de cent foixante & quinze à cent quatrc-vin^t livres , de toute farine, par fetief
de deux cents quarante livres dans la mouture économique ordinaire.
au
MOU
na plus. M.iis il faut de grandes qua-
lités de blé pour cela : fi ou tire plus ,
1-e pain blanc & le bis n'ont pas a(Tez
de faveur : le pain blanc n'eft pas
clair , ôcc.
Obfervez encore que , relative-
ment à cette même qualité de blés ,
le pain fait de fouine provenant du
blé de la première claffb , fera plus
beau que celui de la féconde , & ce-
lui de la féconde , que celui de la
troifième , fuivant les proportions ci-
devant temarquées.
§. IX. Mouture des pauvres _, dite
À Li Lyonnoije,
Dans les rcfultirs précédens , on
a fixé le produit du feptier de blé par
la mouture économique , de cent
foixaute-quinze à cent quatre -vingt
livres de farine bien purgée de fon ;
mais avec un peu d'adrelle & d'habi-
tude , & fi les blés font d'une qua-
lité fupérieure , on peut porter ce
produira cent quatre vingt cinq liv.
& plus. Le fieur Buquet imagina
depuis la mouture des pauvres , dite
à la Lyonnoife , comme un rafine-
ment de la mouture économique ,
pour procurer encore , en faveur des
maifons de charité , une plus grande
épargne & un plus grand produit du
grain, & pour tirer des ilïïies de la
mourure les parties de farine qui
y reftent encore attachées après la
réparation des gruaux.
Suivant cette nouvelle méthode ,
on difpofe les meules comme pour
la mouture économique , de manière
qu'elles travaillent légèrement fans
trop approcher le blé : on a égale-
ment foin de tenir le cœur Se l'entre-
pied des meules , plus ouverts de
deux à trois pouces , afin que le (o\\
fe concalTe moins , devînt repalfer
Tome FI,
MOU
<Î49
fous la meule. On retire d'abord la
farine de blé ; mais au lieu de re-
moudre toute la malle des fons gias
enfemble , on les fait pafier par une
bluterie cylindrique qu'on emploie
au lieu du dodmage. On en retire
les deux gruaux blancs , àâts premier
&i fécond , qu'on fait remoudre deux
fois , toujours fans trop approcher
les meules , crainre de tacher la fa-
rine par les parties de fon qu'une
mouane trop forte y feroit infail-
liblement paifer : la farine de ces
gruaux fe mêle avec la première fa-
rine de blé.
Enfuite on repafie fous la meule
tout à la fois le gruau gris, la recoii-
pette , les recoupes cîc les fous , en
adaptant un bluteau d'un ou deux
degrés plus gros que celui qui a fervi
à tirer la première farine , & on
place au-delfous un dodinage pour
en tirer encore un petit gruau que
l'on peut faire entier dans la malfe
totale de la farine, en le mêlant, foir
tel qu'il a paffé par le dodinage, foit
en le repalTaiu encore fous la meule.
La mouture dite des pauvres a cet
avantage, que Ci l'on veut féparer la
fiirine de blé d'avec celle des gruaux
blancs ainfi remoulus, elle donnera
beaucoup plus de pain , & il fera de
meilleur goût ; mais h l'on mêle les
derniers produits du gruau gris , re-
coupes & fons avec ces premières
farines blanches , on aura un pain
de ménage excellent , fupérieur en
fubftance 6c en vraie nourriture à
tous les autres pains, & l'on en aura
une plus grande quantité.
C'eft-là le vrai pain qui convient au
peuple , c'eft le plus favoureux, le plus
fubftantiel, celui qui conferve le p!i>s
long-temps fa fraîcheur , celui qui
fait" le plus de prqfîr •■ c'eft le pain
N n n n
(3^0
MOU
de ménage f.iic de toiires farines, en
noiaiic que le gros fon Ik les re-
coupes j ce pain n'ell pas partaitemenc
blanc j il eft plucôc jaune nièlé de
gris j c'ell pourquoi les habltans des
villes pourroienc le confoncire au
premier coup -d'oeil avec le paia
bis-blanc j mais la dilîcrence en eft
bien grande , puifque dans ce dernier,
on a extraie la farine de blé ou le
blanc, &. la farine favouieufe du pre-
mier gruau pour faire le pain blanc ,
&c que le pain bis , oc le bis-blanc
ne lonc faits que de féconde , troi-
fîème & quanième farines de gruaux
& recoupettes , fuivant le nombre
de fois qu'on les fait remoudre. Sou-
vent encore mèle-t-on du fon & des
recoupes dans le pain bis. Le pain
de ménage, au contraire, eft fait en
mêlant enfemble toutes les farines,
fuit la farine de blé, foit les farines
de gruauiY le produit des remoulages.
On dira que le fon d'une mouture
économique ne vaut rien pour les
animaux j ce Ion, il eft vrai, n'eft pas
fi gros, ni fi chargé de. farine. Mais
apprenons à tirer toute la farine de
nos grains _, nous ferons les maîtres
de lailfer aux animaux la nourriture
quand nous le voudrons, c'tft-à-dire
dans les années abondantes. D'ail-
leurs on voit les pauvres manger du
farrafin , même de l'avoine , de l'orge ,
du feigle ergotté , &:c. Qu'on donne
aux animaux tous ces grains , &
qu'on falfe manger aux pauvres la
farine de homent, en appremnt bien
la mouture , &: à tirer tout le produit
du grain.
Jufqu'ici , ceux qui fuivoient la
mouture économique ne faifoient
remoudre que les gruaux ; mais ,
malgré toutes les relfources de l'art ,
il reftoit encore beaucoup de par-
M O U
ties farineufes arrachées aux recou-
pes & aux Ions. Ces parties retran-
chées fur la fabftance du pauvre ,
pouvoient être épargnées en failant
remoudre les écorces dans le(t]uelles
elles étoient retenues , pour les mê-
ler avec toutes les autres latines. C'eft
là la véritable mouture des pjuvres 6c
des maifons de charité , puifque c'eft
celle qui donne le plus grand produit ,
la meilleure nourriture & le moins
de déchet. U eft vrai que le pain
eft moins blanc ^ mais eft-ce la cou-
leur qui fair le bon pain ?
La mouture des pauvres, dite à la
Lyonnoifc , au lieu de cent foixante-
quinze à cent quatre-vingt livres de
farine que peut rendre le fetier de
blé du poids de deux cent quarante
livres par la mouture économique,
en peut tirer jufqu'.à cent quatre-vingt-
quinze de toute farine ^ ce qui faïc
quinze livres de farine de plus fur le
fetier , & près de fept pour cent fur
le produit en farine. Le même fe-
tier moulu à la Lyonnoife , rend
environ deux cent foixante livres de
pain , (Sec. C'eft par cette économie
que l'Hôpital-général de Paris a épar-
gné près de cinq mille fetiers par
année , lorfque le fieur Buquet fuE
chargé des moutures de cet Hôpital.
Les preuves de ce fait font authen-
tiques, puifqu'elles font confignées
dans les rcgiftres de cette mailon ,
& dans le rapport imprimé de l'un
des adminiftrareurs , iScc.
Eu effet , le fetier de blé ne
produifoit, lors de l'entrée du fieur
Buquet à l'Hôpital , que de cent
foixantequinze à cent foixante-dix-
huit livres de farine , & il l'a porté
de cenj; quatre- vingt dix à cent qua-
tre-vingt-quatorze. L'Hôpital con-
fomme fix à fept niuids par jour :
MOU
c'eft donc environ douze cent livres
de farine , qui font au moins feize
cent livres de pain par jour , dont
le fieur Buquet a fait protîrer l'Hô-
pital : c'eft bien cinquante à foixanre
mille livres par an que ce meûniet a
fait gagner à cette maiion ; ce qui
a déjà cté prouvé par M. l'abbé
Baudeau , dans les éphémcrides.
§. X. Manière de moudre par éco-
nomie les feigles , méteils j i/c.
Tout ce qu'on a dit jufqu'ici fur
la manière de moudre par économie ,
ne concerne que les fromens. A l'é-
gard des autres grains, les procédés,
ainfi que les réfultats , en font un
peu différens.
Comme il y a plus d'un cniquième
du royaume qui ne vit que de Icigle,
on a cru devoir donner un article
parciculier à la mouture de cette ef-
pèce de blé qui , par fa forme mince
& alongée , perd bien plus que le
froment , par la mouture ordinaire.
C'eft néanmoins précifément fur les
feigles qu'on devroit prévenir la perte
énorme c]ui s'en fait par les mauvailes
moutures , parce que le pauvre qui
s'en nourrit n'eft en état de fup-
porter aucune perte.
La mouture ruftique eft celle qui
c'CJahonne le plus grand dcche: dans
l'emploi des feigles. On dira peut-
être que l'on parvient à l'éviter , en
mettant un gros bluteau qui tire tou-
tes les farines , & même les fons.
Mais alors la farine eft compofée ,
pour la majeure partie , de gruaux
entiers <^ de recoupes qui ne preii-
nent pas l'eau , qui ne lèvent point,
qui empêchent le boufFement du pain
& la bonne fabrication : indépendam-
ment de ce qu'un pareil pain fera
préjudiciable à la faute , c'eft qu'en
MOU
^S%
employant les gros &: petits gruaux
en nature , il y a un douzième ou
un quinzième à perdre fur la quan-
tité , dans la fabrication du pain.
Le dodinage dont on fe fert peur
la mouture économique , permet
d'employer un blutcau d'un degré plus
fin que le bluteau, ordinaire parce que
l'on peut remoudre les gruaux & les
recoupes qui font ddatés par l'efîet
de la meule : la farine plus alongce
fait beaucoup plus blanc, prend plus
d'eau , occaiionne la bonne fabrica-
tion du pain, & le rend plus profi-
table au corps.
Il faut, pour la bonne mouture
des feigles , tenir les rayons des meu-
les plus près & plus petits que pour
moudre les fromens, afin que le grain
fe hache davantage , parce qu'on en
tirera plus de farine. On commence
par moudre les feigles fans dodinage ,
puis l'on fait remoudre la totalité
des fons & gruaux , & l'on ne fait
aller le dodinage ou la bluterie que
la féconde fois pour en tirer tous
les gruaux & recoupes , afin de les
remoiidre féparément deux petites
fois , iSc de les tirer à {'qq.
La vraie raifon de la différence de
ces procédés de la mouture écono-
mique des feigles à celles des blés ,
vient de ce que le fon , ou la robe
extérieure du froment, tient moins
à la farine que celle du feigle ; un
premier broiement fuffit pour déca-
cher l'enveloppe du froment; au lieu
que le {z'^n de feigle reftant toujours
chargé de farine , il eft bon de le
faire renalfer fous la meuie une fé-
conde fjis avec, les recoupes ou
gruaux. Cette obfervation eft de la
plus grande importance, en ce qu'elle
opère un ménaoement confidérable
fit la nourriture fpéciale du pauvre.
N n n n i
C^r MOU
Dans tous les pays où la mouture
économique n'eft point adoptée , il
fetoit du moins intcrelTant ^ lorf-
qu'il s'agit de petites moutures , de
faire remoudre toute la quantité des
fons , une ou deux petites fois , &
de bien alonget la tarine. Le pro-
duit fetrouveroi: à-peu-près le même
que celui de la mouture économi-
que , quoique la farine n'en fût pas
Il purgée de fon , à caufe du doJi-
nage qui tire chaque partie à blanc j
mais du moins l'on éviteroit fur cette
denrée la perte de la mouture ruf-
tique. Quant à la mouture en grolTe ,
comme on ne tire pas les fons au
moulin , on ne peut pas les faire
remoudre , & la perte qu'elle fait
faire fur les feigles eft inévitable.
Si la nature même des chofes
exige que les procédés de la mou-
ture des feigles foient difFérens de
ceux de la mouture des fromens ,
& que même le rabillage des meules
& les rayons varient fuivant l'efpèce
à moudre , il eft évident que tous
les mélanges defeigle & de froment,
connus fous les noms de méteil ,
conceau j mefcle ^ méléard , coffegail ,
&c. feront toujours défavantageux à
toutes les moutures. Cela fera encore
plus fenlîble , fi l'on réfléchit qu'à
chaque broiement des parties de fro-
ment, foit entières , foit en gruaux ,
l'adrelfe du meunier coniifte dans
l'art d'enlever légèrement la pellicule
extérieure , tandis que dans le feigle ,
le fon étant plus adhérent par fa
nature à la farine, il faut un broie-
ment plus fort & plus ferré pour l'en
détacher.
Il feroit donc intéreffant de faire
toujours moudre le froment d'un
côté , & le feigle à part , fuivant
les ptocédés détaillés ci-devant pour
MOU
chaque efpèce , afin de mieux tirer
toute la farine. Sans cela , la diffé-
rente configuration de ces deux es-
pèces de grains fait que l'un eft broyé
& haché fous la meule , tandis que
l'aurre n'eft qu'applati ou à peine
concaffé , ce qui produit une perte
confidérable dans la mouture, mais
bien moins grande dans la mouture
économique que dans les autres ,
parce que celle-là fe tempère par le
remoulage des gruaux. Au refte, ces
obfervations fur les méteils ne con-
cernent que ceux qui font dans l'ha-
bitude de mêler le feigle &: le fro-
ment avant de les envoyet au mou-
lin j car lorfque ces deux fortes de
blés ont été femés & récoltés en-
femble ( ce qui eft encore défavan-
tageux , puifque le temps de leur
maturité n'eft pas le même ) , il eft
alors impcffible de les moudre fépa-
rément : mais du moins dans ce
cas , il n'y a que la mouture éco-
nomique qui puifle diminuer le dé-
chet & la perte que l'on fait fur
les méteils.
La mouture économique des orges
demande auili des attentions particu-
lières. 11 faut bien fe garder de remoa-
dre la totalité des fons comme cela fe
fait pour les feigles , parce que la
paille de l'orge palferoit alors dans le
bluteau , & feroit préjudiciable à la
confervation des farines, à la beauté
du pain , Se même à la falubrité. Il
faut néceftairement mettre un dodi-
nage ou une bluterie pour en tirer
la paille : enfuite on fait remoudre
deux fois les gruaux bis &: blancs
oui en fortiront , en ayant foin de
les bien aftleurer. Puis on remoud
les recoupes une feule fois & fort
légétement , fans approcher les meu-
les que très-peu , afin que repalTant
MOU
toute la mafTe au dodiuage ou à la
bluceriej on puilie encore en tirer les
petits gruauxqui pourront s'y trouver.
La mouture des biocailles, farra-
fins ou blés noirs , ainii que celle
des avoines , peut fe faire également
avec beaucoup d'avantage par la
même méthode que celle des orges,
au moyen d'un gros dodinage pour
en extraire la paille, & en faifant
remoudre deux fois les gruaux , &c.
La conféquence naturelle de ce§.,
efl: que la mouture économique eft
fpécialement avantageufe dans l'em-
ploi des feigles & menus grains ,
pour l'épargne de la fubfiftance des
pauvres : on en va voit de nouvelles
preuves que l'expérience rendra fans
réplique.
RéJuUats de la mouture économique
des feigles.
Le produit
d'un fetier de
fei"le moulu
par économie ,
& fuppofé du
poids de deux
cent cinquante
livres , donne
en farine de fei-
gle . . .
En deuxième
farine ....
En troifième
farine ....
MOU
653
107 1.
34 î-
183I.1.
3+
En fons . .
Et de remou-
lage. ... i.C \. j
Fraiement ou déchet . .
Total égal à celui du
fetiet
60
Les expériences de corn paraifon des
moutures faites par économie, avec
toutes les autres moutures , & où on
avoir pouffé l'exaditude jufqu'à tenir
compte des onces & même àts gros ,
ont prouvé dans différentes provin-
ces , que les anciennes font très-
défedueufes, & que la mouture éco-
nomique mérite feule à tous égards
de devenir la méthode univerfclle
dans le royaume.
E c T I o N
I L
^5'
Des moulins à araines.
Je prends & cire pour modèle
celui des Hollandois , comme le
plus parfait de tous ceux que l'on
connoît , & le feul en état de bien
extraire l'huile des graines j mais je
puis en même temps parler du mou-
lin , fans donner le détail du pref-
foirqui l'accompagne. La même mé-
chanique fait mouvoir l'un ^ l'autre,
& ils font pour aind dire infépa-
rables. Les moulins à huile & à vont,
fi multipliés dans les environs de
Lille en Flandres , en font les dimi-
nutifs , quant à l'effet & quant à
la perfe£tion.
Le moulin que je vais décrire n'efl:
point une machine nouvelle , enfan-
tée par une imagination plus bril-
lante que réglée j une machine dont
le fuccès foit douteux. Elle exifte, au
contraire , depuis nombre d'années;
d'abord groffière & mal entendue
comme nos moulins , elle eft patve-
nue , à force de tâtonnemens & d'ex-
pétiences, à la plus haute perfeiftion.
Toutes les proportions en font fi
bien & fi exaftement prifes, la ma-
chine a tant de folidité, qu'on n'en-
tend aucun craquement. Elle eft 11
<^54
M O U
bien entendue , qu'on n'appeiçoic au-
cun frottement dur j en un mot ,
chaque pièce eft dans fon genre aulU
bien travaillée , aulli bien propor-
tionnée que le font les rouages &
les autres pièces de nos montres.
Ceux qui ne connoilTent pas les ma-
chmes hollandoifes , diront que ce
témoignage tient de Tenthoudafine j
j'y confens , & j'ajouterai encore ,
que dans le liience du cabinet , je
ne puis me lalTer d'admirer la (im-
plicite Se la perfeftion du inéchanii-
nie de ce moulin j cependant , la
defcription en fera longue , parce
qu'il eft plus difficile de décrire tou-
tes les parties pour les faire com-
prendre, que de ie les repréfenter à
l'imagination.
Les objets d'utilité réelle gagnent
de proche en proche , & pour cela
il faut du temps ou des circonftances
Jieureules. Le Brabançon, lié inti-
mement par Ion commerce avec le
HoUandois , a commencé à adopter
fon moulin à graines : celui de G.ind
mérite detre examiné par les voya-
geurs; & comme il eft nouvellement
conftruit , il a prefque toutes les
perflclioiis de ceux de Hollande. Le
genre de moulin que je décris , eft
prodigieufement multiplié en Hol-
lande , & c'eft aujourd'hui le feul
qui y foit en uf.ige ; il n'y varie que
par un peu plus ou par un peu moins
de pertections.
La Hollande & le Brabant font
à la porte de nos provinces (epten-
trionales ; ôc froids fur nos véritables
intérêts , nous regardons avec indif-
férence , bu plutôt, nous ne favons
pas voir ce qui augmenteroit nos
richelfes. Lhomme qui ne peut pas
apptécier une machine , & dont les
MOU
connolifances font bornées , devroic
faire le rnifonnement fuivant, qui eft
à la porrée de l'homme le moins inf-
truit , puift]u il s'ai^it de fes intérêts.
" Le HoUandois fait comptet &: cal-
» culer le produit & la dcpenfe; il a
;) lœil ouvert jour <?c nuit (ut le plus
" léger iinérct , il tire le Jzn du fin.
)> Or , s'il a généralement adopte
» ce moulin , quoique plus difpen-
I) dieux que celui de fes voiiins , ce
>5 moulin doit donc donner un plus
» grand bénéfice ? Mais , pour qu'il
jî donne un plus grand bcnéhce ,
» il faut donc que le travail aille
« plus vite , que la main-d'œuvre
» foit diminuée ; que Ihuile foit
V extraite des graines en plus grande
)j quantité ; car il ne peut y avoir
■>■> que ces objets qui atîurent un bé-
>' néhce , &; cjui couvrent l'intérêt
j> pour la mife des frais de conf-
» truélion r Pourquoi ne retirerai-je
■> pas comme lui ce bénéfice » ? Ce
raifonnement eft bien (impie , &
tout (impie qu'il eft j nous ne l'avons
pas encore fait , nous dont le tecr
rein produit abondamment les grai-
nes à huiles , avantages que n'ont
pas les HoUandois \ nous qui avons
la (implicite de leur vendre ces mê-
mes graines, tandis que nous rache-
tons d'eux Ihuile qu'ils en fabriquent.
Cet aveu eft humiliant pout la Na-
tion • mais il n'en elt pas moins
vrai. Comme ces vues de commerce
ne font pas de ma compétence , je
ne m'y arrêterai pas davantage , &
je reviens à des obfervations préli-
minaires fur le moulin dont il eft ici
queftion.
En Hollande , dans le Brabant ,
en Flandres , en Artois ,. <Jcc. ces
moulins ont le vent pour moteur.
MOU
Si le local le permettoic , il feroit
bien plus avancaeeiix que l'eau le Ht
agir 5 parce que le vent eft trop iu-
conftaiit, foavent trop adif, ou nul,
& rarement modité au ponu qu'on
le délire : mais il faut bien fe fer-
vir du vent quand on ne peut pas
taire autrement. Malgré cetre né-
celiitéabfolue pour quelques endroits,
j'ai repréfenté le moulin que je vais
décrire , pour être placé fur un cou-
rant d'eau , moteur plus unitorme
& toujours conftant j parce que les
nsnul'.ns à vent ne peuvent avoir lieu
dans la majeure partie des provinces
de France. Si on trouve des politions
où l'on puilFe employer les m'ouhns
à vent ik. à eau , c'ell aux proprié-
taires à bien examiner lequel des deux
partis leur lera le plus avantageux.
Tout le monde connoît le mécha-
nifme du moulin à vent ordinaire ,
il fuffit de taire l'application de fon
mouvement pour le moulin dont je
parle. La différence de celui à vent
avec celui à eau eft peu confidérable
poor le mouvement à donner. Dans
celui à vent , le mouvement eft
communiqué par les ailes ou vannes
par le haut , & dans celui à eau ,
par une roue à aubes ou à palettes,
&c. , qui agit dans le bas.
La divifion du mouvement d'un
moulin à huile à la manière des
Hollandois , & qui eft mu par le
vent , s'accorde , à peu de chofe
près , avec celui que je vais décrire.
Voici en abrégé la règle du mouve-
ment de ce moulin à vent.
La premiè-
re roue den-
tée , mue par
l'arbre qui
M O U
^55
porte les ailes
ouvo!ans,a j+denrs.^ l ^pace de
La lanter- f '
>- s pouces
5P'
& demi.
l'efpace de
5 pouces
6c demi.
ne mue par (
celle ci , a 3 j dents.3
Le même
arbre perpen-
diculaire a
une autre lan-
terne de . . z6 dents.
Sur l'arbre
horizontal ,
qui tait mou-
voir les pilons 61 dents._
Sur le mê-
me arbre per-
pendiculaire,
une lanterne
de treize tu-
feaux , mue
par la lanter-
ne de 3 5 dents 1 5 dents.
Cette lan-
terne de I j
dents fait
mouvoir une
roue de yC
dents , la-
quelle fait
mouvoir les
meules . . . 76 dents._
Ceux qui veulent avoir une idée
claire &: rapprochée des moulins
aétuels de Flandres , & qui ne peu-
vent pas les jugei fur les lieux, n ont
qu'à confulter le mémoire que j'ai
publié , intitulé : yues économiques
fur les moulins & prejjoirs à huile
d'olives , connus en France & en
Italie. Ce mémoire a été inféré dans
le journal de phyfique, d'hilloire na-
turelle & des arts , dans le cahier
de décembre i77<>«
l'efpace
Me 5 pouces
3 quarts.
6^6
MOU
Plan , defcription _, coupes & propor-
tions de toutes les parties du mou-
Un à huile , conjlruit à la manière
des Hollandois j & comhine pour
être mis en aciion "pcr un courant
d'eau. ( Planche XX , première
dlvijlon. )
Figure tremiÈre. A...!!", i. La
roue à aubes , mue par un courant
d'eau. Pour fa grandeur , voyez
l'échelle de proportion , ainfi que
pour toutes les autres parties de cette
planche. C'efl: à la maUeou à la chute
d'eau que l'on a , à décider le dia-
mètre de cette roue. Elle eft la che-
ville ouvrière de tout l'édihce &: le
moteur général. Moins la chute fera
haute, moins on aura d'eau , plus
les aubes doivent avoir de largeur ,
& le diamcrre de la roue diminuer
en proportion. On voit à Apeldorn
un moulin , dont la chute eft fi
courte , que la roue a à peine fix
pieds de diamètre \ mais ,en revanche,
les aubes ont fix pieds de longueur ,
& deux pieds & demi de largeur j
de forte que cette chûre ayant plus
de furface , équivaut à une chute
d'une plus grande hauteur. Au con-
traire , fi la chute vient d'un endroit
fort élevé , (Se i\ on a la facilité d'a-
grandir le diamètre de la roue, la
la chute aura plus de force. Tout dé-
pend donc du local & de favoir com-
biner la malîe d'eau &: le poids qu'elle
acquiert par fa chute avec le diamètre
de la roue , ahn d'avoir une force
fuffifante pour mettre en jeu toutes
les pièces pécelfaires.
z. Le dormant fur la maçonnerie,
avec le pivot de l'arbre tournant.
3. La chute d'eau fuppofce &■ vue
par derrière.
MOU
Figure StcoNOE. B... n''. i. La
roue denrée, mue par la roue à aubes,
compofée de 51 dents, le pas de
5 pouces un quart.
2. La lanterne ou rouet , mife
en mouvement par la roue dentée ,
n". I , cette lanterne eft compofée
de 7 S dents, dont le pas eft de 5
pouces & un quart.
5. L'arbre tournant , deftiné à éle-
ver les pilons. Cet arbre eft garni
de grandes dents ou élèves, fur fa
circonférence , & les pilons tombent
deux fois fur une révolution de la
roue , mue par le courant d'eau.
4, La charpente avec la pierre ,
ou grenouille de cuivre , placée &
alfiijerrie fur le dormant , pour fup-
porrer l'arbre tournant; le tout mar-
qué par des points , pour éviter toute
confufion à l'œil. Le profil en efi re-
prefenté , figure s 3 féconde divifion,
5 . Maçonnerie portant le dormant
de l'arbre de la roue à aubes, fup-
portant l'équipage du haut.
(î. Pivot qui entre dans un heur-
toir ou plaque d'acier, pour contenir
l'arbre à fa place.
Figure Troisième. C , e'iévatlon
du moulin â huile ; équipage des
pilons , les creux j les plions pour
preJJ'er ou tordre l'huile j & les pilons
du défermoir.
I . Les fix pilons. Leurs propor-
tions font données dans la planche
XXI j féconde divifion.
1. Les pièces appliquées entre les
pilons & les pièces de traverfe ,
marquées 5. Ces premières pièces
défignées par le chiffre 1, forment
des coulilies qui maintiennent les
pilons dans leur à-plomb Si dans
leur place.
5. Deux pièces de traverfe. ( On
ne voit qu'une de ces pièces dans
cette
Tt'in. VJ.
FI II Fiu/e_ô56,
Setlter ^cculp.
MOU
cette élévation ). Elles font alTujet-
ties pat des boulons de fer dans les
montans , n*. ii . . . Ces pièces de
travcrfe font caraclcrlfas j ii°. i 3 ,
dans la planche XXL , première di-
vijîon,
4. Les queues des mentonets des
pilons , qui répondent aux bras des
élèves de l'arbre.
5. Une pièce de traverfe , feule-
ment par-devant pour adapter les
élèves Se pour arrêter les pilons ,
marquésï\''\ i^,daris la plancheXXI,
première divifion.
6. Une folive à une diftance des
pilons , fur laquelle font attachées
les poulies cjui fupporteiit la corde
pour lever Se arrêter les pilons , in-
dc(jues , n*. 1 6 , planche XXI _, pre-
mière divijîon.
7. Les poulies avec les cordes ,
marquées n° . i^ , planche XXI ^ pre^
mière diviJion.
8. Le pilon pour frapper fur le
coin qui prelTe ou tord l'Imile.
9. Le pilon pour frapper fur le
défennoir qui fait lâcher le coin.
10. Deux pièces de traverfe ( on
n'en peut voir qu'une dans le delTin )
avec les pièces entre-deux , qui for-
ment des coulilTes en bas, marquées
11°. \^ , planche XXI ^ première divi-
jîon.
1 I. Rouet dertiné à mouvoir la
fpatule dans la payelle ou bnjjine ,
pour remuer & retourner la pâte fur
le feu, il eft compofé de 18 dents ,
dont le pas eft de j pouces & demi ,
marqué , n^ . 6 , figure i, planche XXI,
première divifion.
1 1. Quatre montans attachés au
bloc & fupérieurement aux poutres
& folives du bâtiment , &; qui con-
tiennent & affermilTenc enfemble
tout l'équipage.
Tome FI.
MOU
^57
13. Les fix creux pour les fix pi-
lons.
1 4. Le bas des fix pilons , garnis
d'une chaullure de fer.
15. Une planche par-derrière, de
champ, & inclinée en renverfant ,
pour empêcher le grain de fauter ,
de tomber par terre & de fe perdre :
on le garantit par-devant de la même
manière \ mais on n'a pu repréfentec
ici cette féconde planche.
1 6. Creux pour pueller ou tordre
la farine de la graine après qu'elle
eft fortie pour la première fois de
delFous les meules. Figure 5 , n°. 9.
17. Creux à l'autre extrémité du
bloc , pour tordre la farine après
qu'elle a paffé pour la féconde fois
fous les pilons.
18. Equipage pour fupporter l'ar-
bre des pilons.
19. Rouet à l'extrémité de l'arbre
des pilons , pour mouvoir les meules ,
compofé de 28 à 30 dents , dont le
pas eft de 5 pouces Se un quarr.
10. Pivot heurtant contre un heur-
toir , affermi dans le montant de
l'équipage , & iimplement marqué
par des points.
il. Balîins à recevoir l'huile.
21. Pièces de fupporr , aiîîfes fut
le terrein fous le bloc.
Figure Quatrième. D, mécha-
nifme & élévation des meules.
1. Arbre perpendiculaire , qui
traverfe la roue dentée & le chaOis
des meules qui tournent fur champ.
2. Roue horizontale, mife en mou-
vement par le rouet, n°. 19, de la
figure troifième. Cette roue eft com-
poféede7(î dents, dont le pas eft de
cinq pouces un quart.
3. Chaflis des meules tournantes,
plus facile à connaître dans la figure 6 j
O 0 00
6^S
M O U
11". 4 de !a planche XX j féconde
divijiûn.
4. Pierre ou meule romnante ,
que je numme .-«^i-vvc'.vrt;, parce qu'elle
tft plus rapprochée de l'arbre, 11°. i.
5. Pierre ou meule extérieure,
parce qu'elle eft plus ébiguce de
l'arbre.
6. Le ramoneur intérieur , qui
conduit le grain fous la meule ex-
térieure.
■'-7. Le ramoneur extérieur , qui
conduit le grain fous la meule inté-
rieure ; en forte que le grain eft fans
celfe labouré & écrafé en-deiïïis ,
en-deffous & dans toutes les faces
qu'il préfenc? luccellivement ( 1 ).
Ce ramoneur extérieur eft encore
garni d'un chiffon de toile qui frotte
contre la bordure ou contour, n". i o ,
ahn d'entraîner le peu de graines qui
refteroient dans l'ancre de ce con-
tour.
8. Les extrémités de l'eflieu de
fer qui traverfe l'arbre perpendicu-
laire , de forte que les meules tour-
nent fur ce centre. Elles ont donc
deux mouvemens ; 1°. le mouve-
ment de rotation fur elles-mêmes \
1°. celui qu'elles fubilTent en décri-
vant un cercle fur la table , ou ma-
çonnerie fur laquelle elles roulent.
Les trous des meules , «Se mêm.e
ceux des oreilles du chaÛis , ne doi-
vent point être fi juftes , que l'effieu
n'ait pas un jeu très libre ^ car on
fent très-bien que fî la meule ren-
controit fur la table une trop grande
MOU
made de graines à écrifer par foiT
feul poids , elle ne pourroit vaincre
cet obftacle qui feroit forcer l'eflieu ,
& le cafferoit peut-être. Il convient
donc qu'elle puiffe un peu hauiîer
ou bailfer , fuivanr le befoin; alors
fon mouvement fera toujours régu-
lier , uniforme , & n'ira pas par fauts
& par bonds.
5. Les oreilles qui conduifent les
deux extrémités de l'eflieu. Elles font
arrachées avec des tenons qui tra-
verfent la pièce de bois du chalfis
en H — h.
10. Contour & rebord en bois de
la table , ou pierre gijjante ou meute
pofée à plat. Quelques moulins n'onc
point de rebord , & c'eft un mal , parce
qu'il s'échappe beaucoup de graines.
1 1. La table , ou pierre giflante ,
ou meule pofée à plat. Ces noms
varient fuivant les lieux.
I 2. Maçonnerie folide fur laquelle
eft pofée la meule giflante. Cette
meule doit erre parfairement alfu-
jetrie & placée dans le niveau le plus
exact , fans quoi la mouture feroit
plus longue , & on rifqueroit de
faire rompre l'eflieu , is; d'ufer les
meules plus fur un point que fur un
autre.
PLANCHE XX, SECONDE
DIVISION.
Figure première. U arbre tour-
nant avec les cames j ou mentoncts
à élever les pilons.
( I ) Le nombre de ce^ ramoneurs varie ; il y a des moulins où l'on n'en met rjuun; it
eft pins avantageux d'en mettre deux : l'intérieur ramène la graine en talus. ( f^oye^ fig. 3 ,
Plancha XXI, première divifîon. ) La meule l'applatit , &; le fécond ramoneur la relève,,
ainlî qu'il cil marqué figarc 4 ; de forte que le grain eft reprcfenté en tout fens fous la
meule. Se le refte de la pierre gilTante , n". 1 1 , ou ::;ble , eft' p»r eux balayé , de manière
gu'il n'y refie pas la moindre grain*.
M O U
1. Deux endroits arrondis, garnis
^e lames de fer enchâflees exafte-
nient au niveau du bois , pour tourner
fur une pierre dure, ou fur une gre-
nouille de cuivre fondu , de métal.
M O U"
^59
longueur de l'atbre fut. la crcon-
fcrence , en zi portioua égales 5 \x
circonférence eft enfuite partagée en
7 portions j favoir, 6 pour les pilons ,
^ une pour le fermoir. & dcirermoic
&C., parce que le jeu des pilons & du rebattage , ou fécond tordage-
■ Elles font indiquées dans, cette figura
par les nombres i. i. 5. 4. 5. 6. 7.
Le fermoir ce défermoir du premier
rordage , ne fe comptent pas dans la
mefure de la marche.
On place enfuite trois mentonets
pour chaque pilou , & trois pour le
fermoir & defermoir du fécond tor-
dage. Le fermoir & défermoir du
premier tordage ont une cheville &
demie, c'eft-à-dire, une pour le fer-
le tremblement , ne pourroient être
fupportcs par des pivots enchâlfés
aux extrémités , comme dans la ma-
nière ordinaire.
i. Deux pi\^ots heurtoirs aux ex-
trémités , pour heurter en tournant
contre une plaque d'acier qui empê-
che que l'arbre ne vacille.
5. Les rouets pour mouvoir la
fpatule , marquée dans le plan d'éU-
vadon , n°. 1 1 , figure 3 , planche
XX f première divifion.
moir , & une demie pour le déxer-
4. Les mentonets pour la prefle , moit- feulement; en forte que le dé-
fermoir frappe deux fois , & le fer-
moir une fois dans une révolution
de l'arbre , comme on le voit par
le n°. 5.
Figure troisième. L'arbre di-
vifé en z.i portions égales ;. les qua-
ou tordoir du rebattage
5. Les mentonets pour le tordoir
du premier battage.
6. Les mentonets pour élever les
fix pilons.
ficvRESicovDi. Explication pour
compajfer le devis des mentonets fur tte lignes mitoyennes plus en grand,
l'arbre tournant j pour le mouvement afin de mieux faire fentir ks divi-
des fix pilons , des fermoirs du fions. On prévient que dans cette
premier tordage & du fécond tordage j figure , on n"a pas obfervé l'échelle
ou rebattage : le tout à la façon de proportion.
de Hollande j qui dijfère de celle Figure quatrième. Manière
de Flandres. dont l'arbre eft divifé en z i portions
La figure féconde repréfente l'atbre égales, avec les quatre lignes mitoyen-
déployé dans toute fa circonférence , nés marquées par des points qui for-
de forte que l'on voit l'arbre tout rnent la croix. On n'a obfervé ici
entier. 1°. On partage l'arbre fur aucune proportion de l'échelle, parce
la longueur & par quartiers \ 1°. on qu'elle étoit inutile,
marque les quatre lignes mitoyennes. Pour placer les chevilles, on ob-
qu'on appelle les quatre pôles mi- ferve de les mettre vis-à-vis les men-
toyensj comme on les voit dans cette touets des pilonS où elles doivent
figure , marqués par des points & nu-
mérotés I. z. 3.4. Les quatre lignes
font indiquées par des -d — h-i — h.
On commence enfuite par une
ligne mitoyenne , ôc on partage la
agir , & dans chaque poinr où la
ligne de diftance coupe la divifion
de II. La cheville & demie du pre-
mier rordage , du coté où elle eft
double , fe place fur la ligne mi-
O o o o i
66o
MOU
toyenne qui tombe entre les numé-
ros 1 o & II, comme on le voit dans
la _fig. 5 , au point marqué ■+- de la
PL XX,Jeconde divïfion , traverfant
l'arbre par le centre. On a la cheville ,
dont la moitié fert à l'autre côté ,
comme on le voit dans la figure pre-
mière de la même planche , à l'endroit
marqué n''. 5. Enfuite^ on commen-
ce , à gauche , à difpofer les che-
villes pour les pilons. Si on compte
à gauche, ce premier pilon porte
fur les chevilles i . S. 1 5 . ; le fécond ,
fur les chevilles 4. 11. 18. j le troi-
fième , fur les chevilles 7. 14. zi.,..
On volt dans le troifième , les deux
demi- chevilles ne faire qu'un dans
Ja circonférence Le quatrième
porte fur les numéros j. 10. 17....;
le cinquième , fur les numéros 6.
13. 20.... j le fixième , fur les nu-
méros 2. 9. \6..„. La feptième che-
ville , deftinée pour le fermoir & le
défermoir du fécond tordage , fe place
fur les numéros 5. i z. ly.
Les pilons , pour tordre ou prefler
l'huile , s'élèvent à 20 pouces de
hauteur, & ceux qui tombent dans
les creux , s'élèvent à la hauteur de
7 pouces. Les creux ont douze pouces
^ demi de profondeur.
Figure cinquième. Numéro i.
L'arbre à chevilles ou de profil.
2. L'arbre mu par la roue à aubes ,
& mife en mouvement par le cou-
rant d'eau.
3. La roue dentée , mue par la
roue à aubes , & caraâérifée par
des points.
4. La roue de l'arbre aux pilons,
marquée par des points.
5. La maçonnerie.
6. Le dormant.
7. Le montant & le dormant pour
fupporter l'arbre des pilons , marqué
MOU
par des points j n°. 4 , planche XX,
fig. 1 , première divijîon.
Figure sixième , repréfentant la
meule fur la table ou fur la pierre
gijfante.^
Numéro i. La maçonnerie fur la-
quelle porte la meule.
2. Meule tournant fur champ.
3. La meule emboîtée, pour em-
pêcher que le grain ne tombe à terre ,
entr.iîné par le mouvement de rota-
tion. Je préférerois , en cette partie,
la méthode de Gemer de Dordrecht ,
à celle de Sardani, f^oye^ fg'^''^ 9*
A A , font deux tringles de fer, de
6 à 8 lignes d'épailfeur , attachées
des deux côtés fur l'eflîeu B de la
meule. La partie inférieure G de
certe tringle , touche prefque à la
meule , ôc dans le petit intervalle
qui refte entre deux , on adapte un
morceau de cuir D , qui frotte con-
tinuellement fur la meule , & faic
tomber la graine fur la table.
4. La partie du chaflîs , du côté du
plat de la meule.
5 . L'arbre droit qui donne le mou-
vement.
6. L'oreille enchâflee par le haut
dans le chaflîs , avec deux pièces en
arc-boutant , fixant & portant dans
fi bafe l'axe qui traverfe la meule.
Cet axe eft porté & implanté dans
l'arbre principal, n°. 5 , dont je viens
de parler.
Figure septième. Les mêmes par-
ties que celles décrites dans la figure
fixième j mais vues par-dejfus ou à
vol d'oifeau.
i. Les meules tournantes.
2. La pierre giflante.
3. Le chaflîs.
4. Les bras qui enveloppent l'atbre
petpendiculaire.
5. L'elfieu qui traverfe la pierre.
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MOU
s. Le ramoneur extérieur.
7. Le ramoneur intérieur.
Figure huitième , repréfcncant
la table nue ( aux deux ramoneurs
près ) , ou la pierre gijjance avec
le couloir.
■ I. Le couloir à l'entour de la
pierre gilTante.
2. Bordure en bois , de 6 pouces
de hauteur , fur un pouce d cpail-
feur , élevée à l'entour du couloir.
Beaucoup de moulins n'ont pas cette
bordure , &: c'eft un mal.
3. Vanne ou trappe , qu'on ouvre
& ferme à volonté , pour faire tom-
ber la farine y c'eft-à-dire la graine
inoulue.
4. Portion du cercle que décrit
la meule extérieure en tournant.
5. Portion du cercle décrit par la
meule intérieure en tournant. On voie
par ces deux portions de cercle, que
les deux meules ne roulent pas fur la
même place, & on juge par-là de la
nécefllté des deux ramoneurs pour
diriger les grains fous les meules.
6. Le ramoneur extérieur.
7. Le ramoneur intérieur.
8. Ramoneur pour faire tomber
la farine par la trappe , n''. j. On
voit dans cette figure 8 deux tiaits
près du n° . 7 , & une -f- depuis ces
deux traits jufqu'au n°. 8. Or, cette
partie refte foulevée pendant tout le
temps que la meule broyé les grai-
nes. Lorfqu'elles font fiiffifamment
broyées , moulues , on laille tomber
l'extrémité de ce ramoneur intérieur
fur la table , loriqu'on veut faire
couler la farine par la trappe , pour
remettre de nouvelles graines. La
partie de ce ramoneur intérieur , la
plus rapprochée du centre , refte
toujours étendue , & touchant la
table par cous fes points.
MOU
66i
PLANCHE XXÎ, PREMIÈRE
DIVISION.
Equipage vu de profil.
Figure première. Numéro i.
L'arbre tournant pour élever les pi-
lons.
2. Trois chevilles à élever les
pilons.
3. Roue pour la fpatule, dcfignée
planche XX , n°. i 1 j première diyi-
fion , é'ii". 3 , féconde divifion^ com-
pofée de 18 dents.
4. Autre roue qui engtaine dans
la première, composée de 20 dents.
Les dents de cette roue &: de la
précédente font efpacées de trois
pouces & demi.
5. L'eflleu tournant.
6. Autre roue à l'extrémitc de
l'ertieu , compofée de 1 3 dents . . .
Pas , de trois pouces.
7. La roue au haut de la verge
de la fpatule , compofée de ii
dents . . . Pas de trois pouces.
8. Deux pièces , que traveife la
verge de fer de la fpatule , de fiçoii
à pouvoir tourner librement dans les
ouvertures , & haulfer ^' bailler à
volonté.
9. Pièce mobile , par laquelle
pafle la verge & où elle tourne li-
brement. La verge dans cet endroit
eft garnie d'un bouton ou rebord qui
appuie delfus la pièce mobile , &
par lequel elle eft élevée ou abaiffée
à volonté.
10. Pièce mobile pour lever la
fpatule & la verge , pour les engrai-
ner & dcgrainer. La pièce p eft
fixée en a , & mobile en b dans
une coulilTe.
1 1. Un pilon.
1 2. Un menronec attaché au pilon.
CGi. M O U
. ij. Les deux pièces de triverfe,
marquées w" . 3 dans la planche XX,
figure 5 , première diviflon.
14. La pièce de traverfe j à la-
quelle eft arraché le bias pour éle-
ver , arrêter & tenir le pilon fuf-
pendu , marque n". 5 dans le plan
d'élévation.
15. Bras pour arrêter les pilons
par le moyen de la corde.
\6. Solive à une diftance des
pilons pour attacher la poulie , par
Laquedlepalfe la corde, marquée dans
le plan d'élévation , n^. 6.
17. Poulie fur laquelle paffe la
corde , marquée dans le plan d'éléva-
tion , u°, 7.
18. La corde pendante du côté
de l'ouvrier.
1 9. Deux pièces de traverfe , mar-
quées , n°. I o , dans le plan d'élé-
vation.
20. Bloc des creux des pilons ,
marqués , n°. x i dans le plan d'élé-
vation.
11. Badin à recevoir l'huile , mar-
qué dans le plan d'élévation , n°. 21.
21. Fourneau à échauffer la farine,
z 5 . Baflin ouvert par-delfous , dans
lequel on place le fac deftiné à rece-
voir la farine , dont on doit extraire
l'huile après qu'elle a été échauffée.
24. Spatule qu'on lailfe tomber
dans la payelle , ou bafline pour re-
tourner la farine pendant qu'elle eft
fur le feu.
Figure seconde. Plate -forme
de l'ouvrage fur le terrein.
1. Fourneau à échauffer la tarine,
marqué, n°. 22 , dans la figure pré-
cédente.
2. Le baffin divifé en deux por-
tions , fous lefquelles on fuf]jend les
deux facs pour verfer la farine der-
MOU
tière la payelle ^ de forte qu'elle
tombe en deux portions égales, mar-
quées n°. 23 dans la figure précé-
dente.
2.. Payelle ou balfine fur le feu
avec la fparule dans le fond. .,
4. Boite , fur laquelle eft pofé
un couteau pour rogner les rives oi;
bords des tourteaux , lorfqu'ils fortenc
du fac après la ptelfe , & dans la-
quelle tombent les débris des tour-
teaux.
5 . Le tordoir ou pretTe pour le
fécond tordage.
6. Le tordoir du premier tordage ,
parce qu'il eft plus près des meules.
7. Les fix creux pour les pilons.
8. Planche fur champ & inclinée
pour empêcher la graine de tomber.
9. La meule giffante.
I o. Le centre de la meule giffante .
plus élevée.
II. Planche <iarnie d'une bordure
pour élargir le contour de la meule
giffante , d: pour empêcher la farine
de romber à terre. Elle efl indiquée
n°. 10 , figure 4 ^ planche XX ^ pre-
mière divifion.
PLANCHE XXI , SECONDE
DIVISION.
Le bloc avec les creux des pilons &
les tordoirs coupés.
FiGURETREMiiRH. Numéro I. Les
fix pilons.
2. Les fix creux avec une plaque
de fer dans le fond , marquée par
une H-,
;. Le fermoir qui frappe fur le
coin du premier battage ou tordage.
4. Le fermoir qui frappe fur le
coin du fécond tordage.
MOU
5. Le défermoir àa premier tor-
<iage , qui frappe fur le coin à dé-
fermer.
6. Le défermoir du fécond tor-
dage, qui frappe fur le coin à dc-
fermer.
7. Coin à défermer.
8. Coin à fermer.
9. Couffins de bois entre le fer &
le coin h — h -h , deux plaques de
bois de deux pouces d'épailfeur , qui
fe placent entre le coin à fermer Se
le couffin & le défermoir.
10. Secrails , entre lefquels on
place le fac de crin qui contient la
graine. Dans la figure fuivante , je
détaillerai mieux ce qu'on entend par
ferraïl. L'ufage varie pour les facs :
ici , ils font de crin ; là , c'cfl: une
pièce d'étofte de laine. Tous deux
font bons, dès qu'ils n'éclatent pas
par la force de preffion.
1 1. Fontaine par où coule l'huile.
12. Ballin pour recevoir l'huile.
13. Plaque de fer, qui fe place à
plat fous les coins , les couffins & les
ghlloirs.
14. Pièces de bois fur lefquelles
eft pofé & alTujetti le bloc.
1 5. Le bloc en deux pièces jointes
enfemble dans le milieu , garnies de
bandes de fer. 11 doit en être égale-
ment garni aux deux extrémités.
16. La corde pour laiiTer defcen-
dre le coin ou détermoir à la hauteur
.convenable , afin qu'il puifie défer-
mer.
Figure Seconde. Serrails entre
lefquels on place les facs garnis de
farine pour en extraire l'hurle.
1 . Deux fers nommés chajfeurs de
plat.
2. Les mêmes vus fur champ ou
par coté , de la manière dont on les
MOU
66
\oit n". 10 ^figure i j Planche XXI ^
féconde divifon.
3. Plaques de fer, qui fe placent
fur la longueur.
4. La lontaine , marquée \\° . 11,
dans la figure première. Les ferrails
fe placent de la même façon que dan;»
cette hïiure ; il s'agit feulement de
réunir les deux bouts qui répondent
à la fontaine , & en redreflant les
quatre extrémités , marquées par une
-r- , on s'en forme une idée très-
jufte.
5. Les facs dans lefquels on mec
la farine pour tordre. Il faut obfetvec
que les coutures de ces facs viennent
fur le plat & non fur les bords exté-
rieurs j la preffion pourroit les faire
éclater.
6. Le crin , entre les plis duquel
on renferme le fac.
Détails de l'opération pour enfer-
mer le fac dans le crin. Le fac étant
rempli , on place fa bafe en a Se l'au-
tre bout en b ; on plie enfuire le bout
c jufqu'en h , &c on replie enfuite i'ex-
trémiré d jufqu'en a ; l'ouverture x
fert pour l'empoigner, l'emporter,
le placer dans le tordoir & l'en re-
tirer.
7. Un pilon garni de fa virole, oti
chauffiure de fer.
8. Clous qui s'enfoncent dans le
bout du pois du pilon , lequel eft
entouré de fa virole ou chaulfure.
9. Pièces qui fervent pour élever
les pilons & les arrêter.
10. Pilon pour le tordoir.
1 1. Mortoifes , dans lefquelles fe
placent les mentonets qui répondent
au bras des leviers fur l'arbre tour-
nant pour élever les pilons.
Figure Troisième. Ce qui confit'
lue la preffe ou tordoir.
I. LescouOîns, pièces de bois.
66^
M O U
marquées n". 9 , dans la figure pre-
mière.
z. Le coin à défernier , n°, 7,
hgure I.
3. Le coin à fermer ou tordre, 11*.
8 , rigiire i.
4 <;<c 5. Les deux gliiroiis de bois,
entre leiquels on place le coin ù fer-
mer , marqué figure i , par des -h -t-
D'après les détails dans lefquels je
viens d'entrer pour expliquer le mou-
vement & l'aiftiûn de toutes les piè-
ces qui compolent cette ingénieufe
machine , que l'on compare actuelle-
ment le moulin Hollandois avec ceux
des provinces de Flandres , d'Artois
& de Picardie, Le plus fimple coup-
d'œil «Se le plus Icget examen démon-
treront julqu'à l'évidence , lequel des
deux l'emporte en perfeélion , en di-
minution de main-d'œuvre -~v en pro-
duit. Le Flamand fe contente , en
premier lieu , de faire écrafer la grai-
ne par dis pilons j le Hollandois la
fait broyer par des meules qui ont 7 ,
8 & même 9 pieds de hauteur , fur
18 à 20 pouces d'épailleur. Cette
opération lui donne une graine beau-
coup mieux écrafé en tout feus , &
par conféquent , elle fournit au tor-
dage beaucoup plus d'huile vierge _,
c'eft-à-dite , tirée fans teu. . . Com-
me les meules ccrafent beaucoup plus
de graines à la fois que les pilons ,
& que la même quantité de graines ,
mi Tes fous les pilons ou fous les meu-
les , eft beaucoup plus promptement
écrafée par celle-ci , le travail ell
donc confidétablement diminué , &
dans le même efpace de temps , il
l'eft au moins du double par les meu-
les Quel avantage immenfe ne
retireroit-on pas d'un lemblable mou-
lin placé fur une rivière i puifqu'en
MOU
Flandres , comme en Hollande , les
moulins ne peuvent aller un bon tiers
de l'année, je pourrois même dire la
moitié.... Le moulin Flamand n'a
qu'un tordùir: il faut donc qu'on fe
contente , ou de tordre feulement de
la graine pour avoir Ihuile vierge , ou
de la graine qui palfe par la payelle
pour y être échauffée. Le moulin Hol-
landois fait ces deux opérations à la
fois. ... Le Flamand ne dilpofe que
des trois pilons pour écrafer ou la
graine fraîche , ou la farine qui a dé-
jà été tordue \ le Hollandois en fait
manœuvrer fix , dont trois pour la
farine fraîche & trois pour la farine
qui a fubi le premier tordage j il a
donc encore en cela un double avan-
tage.,.. Comme la gtaine a été mieux
écrafée par la meule , elle devient
donc fufceptible d'êtte mieux écrafée
de nouveau par les pilons au fécond
battage. Or, cette pâte du fécond bat-
tage donne plus d'huile au retordage.
En effet , les tourteaux fottis du re-
tordage hollandois font parfaitement
fecs , tandis que ceux des moulins
de Flandres , d'Artois & de Picaidie
font encore gras au toucher & onc-
tueux , lotfqu'ils fortent du retorda-
ge Le Hollandois a donc retiré
plus d'huile d'une maffe de graine
donnée .... il l'a retirée plus promp-
tement ; il a donc , fur le Flamand,
l'Artéfien & le Picard , le bénéhce
du temps , & le bénéhce de la plus
grande quantité d'huile. ... Le Fla-
mand & le Hollandois ont le même
moteur pour leurs moulins, le ventj
il eft aulîî actif dans l'un que dans
l'autre pays. La feule différence eft
donc dans le produit ? Quelle leçon !
Si on compare adiuellement à com-
bien la graine revient aux Hollandois,
on concluera que , fans la prompti-
tude
MOU
rude Se Texcellence du leurs moulins ,
ils ne pourroienc pas routeuir la con-
currence dans cetce branche de com-
merce , avec le Br.ibançon &: le Fran-
çois. En eife t , le HoUandois vient ache-
ter nos graines , parti culièremenc celles
de lin, jiifques dans les provinces mé-
ridionales de France , (ans parler de
celles qu'il achète à Bordeaux , à la
Rochelle , à Nantes , à Dunkerque,
&c. (i). lia donc à fupporter le prix
de l'achat , & par confequent , le bé-
néfice de celui qui ven.i la graine ,
les frais déchargement, de décharge-
ment, de fret, &c. & ceux de la main-
d'œuvre beaucoup plus hauts chez lui
qu'en France. Malgré cela, il donne
fes huiles de graine au même prix
qu'en France , & même quelquefois
à un prix inférieur.
A ces confidéracions , il convient
d'en ajouter encore une autre ; c'eft
la dépenfe conlîdérable qu'il fait né-
celTlrirement pout la conftiuétion de
fes moulins. Le Hollandois ne regar-
de jamais à la mife première , lorf-
qu'elle doit aflurer la folidicé & la
durée. Par -tout, il eft obligé de
fortement piloter pour bâtir , & le
pays ne fournit pas un feul arbre ca-
pable de le conferver fous terre &
dans l'eau. Il eft donc forcé de recou-
rir à l'étranger pour les bois de pilo-
tage. Il l'eft également pour tous les
bois de conftruétion , de charpente , ôc
-MOU 6^5
même pour le bois dcftiné à faire des
planches. S'il bâti: , c'eft en briques,
èc la brique eft fort chère en Hol-
lande; entîn, l'on voit à Amftetdam ,
près la porte d Utretht , Uii moulin
piloté , bâti en brique & fort élevé ,
pour gagner le vent, qui a coûté plus
de Soooo liv. de notre monnoie. On
feiit bien que tous les moulins à huile
de la Hollande ne coûtent pas à beau-
coup près autant que celui-ci. Je ne
cire cet exemple que pour prouver
quel doit donc être le produit pour
couvrir les intérêts de la mife de conf-
trudlion , la différence du prix auquel
les graines reviennent , &: la haulle de
la main dœuvre. Cependant, le Hol-
landois foutient la concurrence avec
nous, fi elle n'eft pas déjà à fon
avant.; i^e.
Tout concouft donc à prouver les
avantages que les Flamands , les Ar-
téilens& les Picards auroient en adop-
tant ce moulin. Il ferviroic avec le mê-
me fuccès dans l'intérieur de ce royau-
me , pour la mouture des noix, ob-
jet d'une prodigieufe confommation.
Combien n'y a-t-il pas de provinces
dans le royaume où la feule huile de
noix eft en ulage !
Des Provinces feptentrionales, paf-
fons à celles du midi , & faifons
l'application de ce moulin pour les
huiles d'olives de Languedoc, de Pro-
vence & de Corfe. Les meules qu'on
( I ) Dans les Pays-Bas Autrichiens , il eft défendu , fous quelque prétexte que ce foit ,
de fortir des graines à huile , pour que toute l'huile foit fabriquée dans le pays. La feule
Ch.itellenie de Lille fait, année commune, de trentc-(ïx à quarante mille tonnes d'huile
( la tonne contient loo livres , poids de marc ) de graines quelconques , dont au moins
les trois quarts de celle de colfat, environ un huitième de celle de lin , environ un
huitième de celle à' œillet. Ceux qui ont vu la quantité de lin cultivé dans cette Châtellcnie,
conviendront que les Lillois vendent aux Hollandois ou aux Brabançons, au moins la
moitié de leurs graines de lin. Avec de meilleurs moulins, ils feroient dans le cas
d'acheter des graines , & non pas d' en vendre.
Tome FI. P P P P
(.GG M O U
Y emploie font , en général, trop pe-
tites, pas alfez madives , & l'ettci-
tage d'une motte d'olives , dure trois
heures. Des meules de 7 à 9 pieds
de dinmètre , & de "i(î à 18 pouces
d'épr-ilTeur , feroient l'ettrirage en
moins d'une demi-heure ; i '^. à caufe
de leur poids; 2°. à caufe de la vî-
teiïe avec laquelle elles tournent ;
3". parce qu'il y aurcit deux meules
fi on adoptoit la machine que je pro-
pofe \ 4'*. enfin , que l'on compare
l'aélion du vent ou de l'eau avec celle
du cheval_q«t-t«urne la meule , &
qui eftobligé de décrire un très-grand
cercle. Chaque meule, mue par ces
deux agens, auroit fait trois tours dans
le temps que celle que fait aller im
cheval, n'en auroit fait qu'un; c'eft
donc fix contre un de diftérence.
Ceux c]ui veulent avoir de 1 huile
excellente pour In qu^Iîfé , verront
les premiers , qu'en diminuant le
temps de l'opération de l'ettrirage ,
les olives feront moins long-temps à
fermenter, & les habitans d'Aix fa-
venc , par expérience , que l'amon-
celement des olives trop long-temps
mifes à fetmenter, nuit lingulière-
ment à la qualité de l'huile. Il ne
s'agit aujourd'hui que de la manière
d'extraire l'huile en plus grande quan-
tité & plus promptement j fuivons
la marche de l'opération.
1''. L'olive, parfaitement ettri-
tée, fêta mife dans des cabats ou
dans des facs de laine ou de crin ,
( plus grands que ceux dont on fe
fert aiSuellement en Hollande , quoi-
que ceux-ci foient plus que du dou-
ble plus grands que ceux de Flan-
dres ) , attendu que l'olive, réduite
en pâte , eft bien moins sèche que la
farine de la graine , & qu'elle cède
plus facilement à l'adion de la preiïe.
MOU
Je ne crains pas de foutenir que cerra-
manière de tordre , l'emporte fur
toutes celles qu'on employé dans les
pays méridionaux. L'aétion du coin _,.
ici, eft direde, & les co/-;//?wj agiffent
direétement fur toutes les parties du
fac , tandis que l'adiicn du manteau
des preffes ordinaires , fe porte & fe
partage fur plufieurs doubles Aqs ca-
bats. L'on metd'ai'leurs toujours trop
de cabats les uns fur les autres, ce qui
diminue &: amortit beaucouo Taélion
de 1? pre'.fe. Il faut cinq , & m.ême
li.\ hommes , pour fervir les preffes
ordinaires \ ici , un feul fuffit pour
le premier tordage & pour le fervice
des meules ; & un fécond , pour le
fécond tordage & le rebattage. La^
machine fait tout le refte.
2". Les tourteaux fortis du pre-
mier tordage , feront mis dans les
pots voifins , pour que la pâte foit
écrafée de nouveau par les pilons , &;
remife enfuite dans le premier bar-
rage. On rerirera , par cette opéra-
tion , une huile plus épailTt; «Se moins
fine que la ptemière , mais elle fera
encore retirée fans le feccurs de l'eau-,
chaude, qui nui: toujours à la qualité
de l'huile ; cette féconde huile for-
mera une féconde qualité.
3". Le tourteau forti pour la fé-
conde fois du premier tord.ige, fera
repris par une féconde perfonne pour
être remis fous les féconds pilons ,
ou pilons de rehattage ; enfuite , les
parties de ce touiteau ainfi brifées ,
feront mifes dans \z payale ou kajp^-
ne _, avec un peu d'eau. L'a.dion du
feu du petit foutneau qui eft en ^^î-
fous , ramollira le parenchyme du
fruit, détachera l'huile des débris
des novaux . & cette pâte ainfi échauf^
fée , fera porrée dans les facs du re-
batuge , & tellement difpofée à fu-
MOU
:bir l'aclion de la preffe , qu'il n'y ref-
tera plus un atome dhuile. Si on
veur juger de la quantité d'iuiile qui
refte dans les tourteaux fortis des
prelFes ordinaires, que l'on confidère
que les moulins de recenfc de la feule
ville de GrafTe , retirent par an plus
de 2000 rhubs d'huile ( le rliub pèfe
io liv. ) des feuls marcs que l'on-
jeuoit autrefois (i).
Cette manière de prelfer l'olive
difpenferoit donc, i°. d'avoir recours
aux moulins de rcccnje ; z°. on
diminueroit au moins de moitié ,
peut-être même des trois quarts , la
dépenfe en bois pour chaufter l'eau
que l'on vide dans les cabats après
la première pretfe. Cet objet mérite
certainement d'être pris en confidé-
ration dans le Languedoc & dans la
Provence, où le bois eA très-cher. Je
fais que l'on fe fert communément
du marc , après qu'on l'a retiré de la
preife , pour chauffer l'eau ^ mais ce
marc , confumé inutilement , fervi-
roir à chaufter fes propriétaires, ou
du moins les gens de leur ferme. 5".
Deux hommes feuls dirigeront fix
opérations à la fois", i''. celle des deux
meules 5 2^. celle du premier tor-
dage^ 3". le battage pour le lecond
tordage; 4". le battage pour le troi-
fième tordagej 5°. l'échaudement de
la pâtej 6°. le battage du retordage.
Enfin , ces fix opérations feront faites
en deux tiers moins de temps que
l'ettritage & le preffurage tels qu'on
les fait aituellement. Cela paroît dif-
ficile à comprendre , mais je m'en rap-
porte à la décifion de ceux qui auront
vu, comme moi , les opérations de
Languedoc & de Provence, 6c qui,
fans prévention, les auront comparées
M O U
661
avec celles de Flandres, &c far-tout,
avec celles de Hollande. Si tes vérités
étoient moins frappantes, il me feroic
facile de les démontrer jufqu'à l'é-
vidence \ mais ce n'eft point pour
celui qui ne fait pas voir, que j'écris.
On fe récriera, fans doute, fur la
difficulté de fe procurer des meules
de fept à neuf pieds de diamètre , fur
quinze à dix-huit pouces d'épaiifeur,
iîc fur la dépenfe de cette emplette.
Je demande : en reconnoît-on l'a-
vantage ? on ne doit donc pas re"
garder à la dépenfe. Si le Hollandois
s'en fert pour des graines, à p!us forte
raifon le Languedocien &; le Pro-
vençal doivent-ils les employer pour
un fruit dont le noyau l'emporte par
fa dureté , à tous égards , fur celle
des graines. Si le moulin de recenfe ,
établi près de Baitia en Corfe , avoic
une meule dont la hauteur fût en
proportion de fon épailleur , on ne
diroit pas que les noyaux des olives
de Corfe font trop durs pour être
écrafés , parce que la meule agiroic
avec plus d'aétion fur une moins
grande furface, car il eft évident que
la trop grande furface diminue con-
fidérablement l'aclion de la meule
en partageant trop fon poids. Il faut
donc du poids aux meules, & plus il
fera confidérable , plus elles feront
parfaites. Revenons aux moyens de
fe procurer des meules , & examinons
quelle doit être leur qualité.
Plus le grain d'une meule eft ferré
& compade, plus la meule pèfe, &
moins elles'ufe promprement. Aufïi,
un Hollandois qui auroit à faire conf-
ttuire un moulin, par exemple, dans
la partie voifine du Pont de Saint-
Efprlt , &; qui n'auroit pas une ef-
(i ) Voyelle la defcription du moulin de recenfe à l'article Huîli.
Pppp 1
C6%
M O U
pèce de maibre comme celai des
meules qu'il cire des environs de
Namur , ne balanceroit pas à faire
tailler les laves dures qui lont à cent
toifes du Rhône , vis-à-vis Xlonté-
limard. Celui qui craindra cette dé-
penfe, trouvera entre Viviers & le
village de Theil , au bord du Rhône ,
dans la carrière nommée le Decrou .
une pierre calcaire, dure , qui offre
de très-grands bancs, & qui eft fiifcep-
tible du poli ^ il trouvera encore à
Chaumeyracen Vivarais, & qui n'eft
pas éloignée du Rhône , une bonne
carrière de marbre gris , & d'une
grande dureté; enfin, une autre car-
rière près du Pouflîn. On voit donc
que ces carrières fuffiroient bien au-
delà pour la fourniture des moulins
à huile , depuis Rochemore, h ramont,
jufqu'à Nifmes , & le tranfport n'en
l'eroit pas bien coiàteux. Les moulins,
depuis Nifmes jufqu'à Beziers & au-
delà , feront approvilîonnés par les
meules du Poulfan, entre Agde &
Montpellier ; par celles de Saint-
Julien, près de Carcaffonne, qui fe-
ront tranfportées par le canal. On
donne la préférence pour le blé à celles
de Saint-Julien , & je préférerois à
toutes deux, pour ettriter les olives,
les meules qu'on feroit avec les laves
d'Agdej le tranfport en feroit facile
& peu coûteux. Les pierres noires de
Nebian, près de Pezenas , font déjà
employées pour l'ettritagej elles font
bonnes , très-dures , il ne s'agit plus
que de leur donner un plus grand
volume. Ne pourroit-on pas encore ,
dans les couches de marbre gris ,
veiné de blanc , qu'on voit près de la
ville de Cette j, & au bord de la mer,
tailler commodément des meules ?
ceci mérite d'être examiné. Combien
d'autres endroits n'y a-t-il pas à citer
MOU
dans cetcc: a: " c taiTe du Languedoc?
mais c'efl û ^.Ua^^ue particulier à étu-
dier la nature des carrières qui font
dans fon vilfinage , afin d'évitei la
dépenie. il fufHr oc bien voir, & fur-
tout de vouloir tfîicacement.
La Provence n'clt pas r-oins abon-
dammer.t pourvue rie carrières. Les
environs de Draguignan fournilfenc
aujourd'hui des meules taillées dans
la grandeur de cinq pieds, fiir huit à
dix pouces de largeur. Ces bancs de
pierres calcaires font fufceptibles de
fournir des meules dans les propor-
tions que je demande .... On en
trouveroit du même grain 6c de
même nature à Caffis .... La pierre
calcaire de la petite montagne du
fort de la Malque , qui couvre Toulon,
otîre les mêmes refTources. . . Dans les
environs de cette ville , on a découvert
un marbre ( bardille bleu ) aulîi dur
que le marbre ou pierre de Namur ^
dont les HoUandois fe fervent fî avan-
tageufement pour leurs moulins. Les
blocs de ce marbre fonr d'un volume
prodigieux , & les meules qu'on en
tailleroit feroient tranfporrées fans
peine par terre & par mer. Le marbre
de Sainte-Baume feroit trop difpeii-
dieux pour le ttanfporr . ... Le terri-
toite de Roquevaire fournit des meu-
les dont on fe fert à Matfeille; mais
les meilleures , fans contredit , font
celles que l'on tire des vaux d'OI-
lioules à Cagolin & à Evenos ; cts
vaux font remplis de laves Se de
pierres volcaniques. La chaîne de
montagnes de Toulon en fourniroit
de femblables. On regarde en Pro-
vence les meules tirées des laves ,
comme les meilleures & les plus pro-
pres à écrafet l'olive , &' j'y en ai va
plufieurs de cette nature. Les bonnes
meules d'Ollioules , de cinq pieds &
MOU
demi de hauteur fur quatorze pouces
d'épaiireur, ne coûtent, tranfportées
jufqu'à Saint -Nazaire, que de cent
cinquante à deux cent livres , & en
leur donnant la proportion que je de-
mande , elles feroient excellentes pour
le nouveau moulin. J'ai vu de fem-
blables laves dans les montagnes de
l'Efterelle, que l'on traverfe pour aller
de Toulon à Antibes j mais la diffi-
culté du tranfport en rendroit le prix
trop exceflîf . ... La chaîne de monta-
gnes contre laquelle la ville de GraiTe
eft adoirée , fournit des marbres à
grains durs ëc excellens, dont on
tireroit de bonnes meules , & même
dans des grandeurs plus confidcrables
que celle de dix pieds.
Plus la pierre fera dure , plus fon
grain fera ferré. Se mieux elle vau-
dra pour ettriter l'olive. Celle que
l'on nomme ordinairement pierre
meulière, ( (apis moUtoris ) quoique
excellente pour moudre le blé, n'a pas
le même avanrage pour l'olive; elle
s'ufe rrop facilement, & elle elt rrop
perfillée. La pâte de l'olive fe niche
dans cette efpèce de carie; ces petites
cavités correfpondent prefque toutes
les unes avec les autres ; elles font ,
pour ainlidire, l'office de fiphon, &
une quantité d'huile efl: abfoibce par
cette pierre. Ce n'eft encore qu'un
demi mal, puifqu'une fois farcie de
pâte & d'huile, elle nefauroit en re-
cevoir davantage ; mais cette pâte &
cette huile moifilfent, fermentent,
fe ranciiïenc, & acquièrenr enfin la
caufticité des huiles elfentielles. On
fenc combien , dans cet état , elles
communiquent facilement leur mai>
vais goût Se leur mauvaife odeur à
la pâte fraîche qu'elles broyent. Le
befoin exigeroit donc de démonter
tous les mois ces meules pour les
M OU <Î(Î9
laver & les nettoyer à fond; ce qui
feroit encore prefque impollible.
J'avois publié ce mémoire en 1777,
& tout ce que j'ai vu en fait de mou-
lins à graines & à fruit, depuis cette
époque , ne fert qu'à cenfirmer mou
opinion fur l'excellence du moulin
Hollandois ; j'en avois tait faire un
modèle en Hollande, je l'ai envoyé
à M. de Marange , à Cadillac fur
Garonne, près de Bordeaux, où il va
le faire exécuter, & je ne doute pas
que fon exemple ne foit bientôt fuivi
dans les provinces voifines où l'on
fait calculer. Si j'avois eu de l'eau à
ma difpolltion , il y a long -temps
qu'il feroit fur pied dans l'endroit
que j'habite.
E c T I 0 N
I I I.
Des moulins â fruic.
Ils fervent communément aux
noix , noifettes , faînes, pommes,
poires , olives , &c.
L'emplacement d'un moulin à
graines huileufes n'eft pas indiffé-
rent ; car l'on fait que lorfque le
froid s'y fait fentir , ces graines
lâchent plus difficilement l'huile
qu'elles contiennent; par conféquent
il y a une perte réelle pour le pro-
priétaire j Se cette perte augmente
en raifon de l'intenfité du froid.
Malgré cette obfervation , connue
dans tous les pays, on voit cependant
prefque par-tout ces moulins mai re-
couverts , les fenêtres n'en font pas
fermées par des chaflîs , & fouvenc
leur toîture eft percée par de grandes
lucarnes deftinées à l'idue de la fu-
mée des fourneaux. Les propricraires
de pareils moulins, Se fur-tout ceux
qui retiennent comme falaire , une
partie des marcs de ces graines ,
è-JO
MOU
ajoutent encore le plus d'ouvertures
qu'ils peuvent , afin d'augmenter le
bénéfice qu'ils retirent par une nou-
velle mouture des marcs , foit en
les faifant bouillir dans des chau-
dières , foit en les partant au mou-
lin de recenfe j ( l-^oye^ la gravure
8c la delciiption de ce moulin , à
l'article Huile.)
Le moulin n'eft autre chofe qu'une
maile de maçonnerie A ( figure i ,
planche XXII ). Suivant les pays elle
varie beaucoup fur la iiauteur , qui
eft communément de vingt-quatre à
rrente ponces. Je crois que la meil-
leure eft celle qui , combinée avec
la hauteur de la meule B , rendroit
prefque de niveau la barre C au poi-
trail du cheval , comme on la voit
repréfentée dans la ligure 2 5 parce
que, dans cette poûtion , l'animal a
plus de force & fatigue moins. Il
eft bien démontré que le cheval ne
tire que par fon poids j ou par fa
pefanreur , & l'efFort de fes mufcles
ne fert qu'à porter fucceiïivement
fon centre de gravité en avant , ou
à reproduire continuellement le re-
nouvellement de cette a<îtion de fa
pefanreur. Si les cordes ou leviers
attachés à la barre C font trop balles,
le cheval, en tournant, a beaucoup
plus de peine , & fupporte en partie
le poids de la meule : cette pefan-
teur eft cependant nécelTaire pour
écrafer les graines , étritter les oli-
ves, &c. Si , au contraire , elles font
trop hautes , le cheval eft foulevé
par-devant , & fes pieds ne trouvent
pas contre terre un bon appui pour
poulTer fon corps en avant. U y a
donc un point qu'on doit faifir , &
auquel on ne penfe gucres, paifque
les mêmes rraits , fans les alonger
ou les r^iccourcir , fervent à des che -
MOU
vaux qui varient beaucoup pour la
taille. Exiger ces précautions de l'ou-
vrier , ce feroit trop lui demander j
il n'y regarde pas de fi près.
La maçonnerie A,Ji'gure i , dont
le diamètre eft de fixi huit pieds, eu
recouverte de dales polies, qui incli-
nent de E en F. Dans certains endroits
on fuppléé les dales par des planches
de chêne fortement aflujetties , ôc
leur inclinaifon eft de fix à dix pou-
ces. La meilleure eft celle qui offre
le moins de réfiftance à l'homme
qui , avec la pèle , repoufle en G
le marc que la meule en tournant
fait refluer fur le plan incliné. La
partie G eft celle fur laquelle la
meule en tournant , prefl"e , brife ,
triture les graines , les fruits charnus
& leurs noyaux. On doit préférer
les dales aux plateaux en bois. L'hu-
midité , la chaleur , la féchereife fait
travailler ceux-ci, ils fe déjetrent,
fe défunillent & s'ufent j enfin ,
l'huile les pénétre , rancit dans les
potes du bois , & communique fa
rancidité aux fruits qu'on y moud.
Confultez le mot Huile.
Le feule infpeclion de la gravure
explique le méchanifme bien fimple
de ce moulin. Le cheval attaché au
levier C , fait tourner la meule B :
la meule en fuit le mouvement j
mais elle a encore fon mouvement
particulier fur fon axe , autrement
il n'y auroit qu'une de fes parties
qui frotteroit contre la meule gif-
fante j ce qui la rendroit defeélueufe
en peu de temps.... Le levier C eft
fortement alTujetti en H dans l'ar-
bre K , mobile & perpendiculaire ,
& dont la partie fupcrieure tourne
dans une poutre du plancher L , qui
le tient d'à-plomb , ôc lui permet de
tourner fur lui-même avec la meule.
,//. rr.
./•/ .£///. y'tu/i\ Ù70-
Y/w/ ^rt u//'
MOU
Ce moulin eft le plus (unplc r!e
Cous ■■, mais il exige qu'une peilonne
ïepouife fans celle la pâte de E en
F j & la lupprelllon d'une journée
d'iiomine , qui le renouvelle fans
celFe , n'eft pas une petice écono-
mie.
La figure i démontre qu'on peut
fe palier de cet ouvrier. La, table A
eft en maçonnerie comme dans la
£gare première j mais au lieu d'être
inclinée comme celle de E' en F ^
elle forme au contraire une auge
circulaire. L'extérieur eft conftruic en
pierres taillées exprès, qui porteni un
peu fur la meule glifante ; i?i le
Hoyau intérieur qui fupporte l'arbre
eft de la même hauteur que les
pierres de la circonférence j de force
qu'entre elles Se lui, l'efpace forme
l'auge. Si les circonftances le permet-
tent j on peut conftruire !k tailler le
tout dans une feule pierre, ou bien on
fe fert de plufieurs. La cavité qui
fe trouve de C en D forme l'auge
de fix à dix pouces de profondeur ,
dans laquelle la meule E roule &
rourne fur elle-même comme dans
la figure première. Comme les pa-
rois du noyau (Se des pierres de la
circonférence font taillées d'à- plomb,
la pâte retombe au fond de l'auge ,.
à mefure que la meule s'avance &
s'éloigne 5 mais comme cela n'arrive
pas toujours , & comme la pâte a
befoin d'être foulevée , d'être ra-
menée au milieu de l'auge pour que
la meule la reprenne , on ajoute un
rabot ou valet qui fuit la meule , &
fait le travail de l'homme dont on
a parlé. A cet efi'et on attache en FF,
du côté de la meule qui traverfe le
levier G , une corde ou une chaîne ,
ou une petite barre de fer appellée
tringle : cette corde , chaîne , i!i«:c.
MOU
^71
derrière «S? un peu au deli de la
meule. Là les deux bouts de la corde
s'attachent à la bafe des oreilles
H H de l'inftrument de fer I appelle
rahot ou valet ,. reprcfenté féparé-
ment , fig. 3 \ de forte que la meule
en tournant le traîne après elle.
Ce rabot eft courbé en demi-cer-
cle dans le même fens que l'auge.
Il touche en tournant par toutes les
parties j & prelTe celles de la pierre.
Les deux montans H H font repliés
en manière d'oreilles , dont la lar-
geur augmente en raifon de leur
élévation , afin de faire tomber dans
le milieu de l'auge le marc qui étoic
adhérent à fes parois. La partie inté-
rieure K du rabor eft applatie , mrnce
(Se elle fert à foulever la pâte lur la-
quelle la meule vient de palTer j de
forte que lorfque la meule revient ^
la pâte eft retournée , èc préfente de
nouvelles faces.-
Si d.i.ns les environs du local
on avoit lui courant d'eau à fa dil-
pofition , il vaudroit mieux en conf-
truire un à aubes , qui iroit par la
chute de l'eau ( f-'oye:^^ fig. 5. ) 5-
Se en y ajoutant un valet ou rabot ,
en économiferoit la journée d'un
homme , & de deux chevaux ou
mules , parce que les animaux ont
befoin de fe repofcr après avoir tra-
vaillé pendant deux à trois heures
de fuire. Je ne propofe le plan de
ce moulin que pour en donner l'idée,:
parce que les acceiToires doivent va-
rier fuivant le local , la quantité
d'eau & fa chute. Si la chute ou
la quantité font corifidérables , la
même roue à aubes, (Se le même
arbre C C peuvent en faire aller
plufieurs. Ce moulin ne diffère àts
précédens que par la pofition des
roues. L'eau eft fuppofée venir pas
G-i% MOU
le canal A , mettre en mouvement
la roue à aubes B , fortement aiFu-
jettie & traverfée par l'arbre C. La
roue D , perpendiculaire & parallèle
à la roue à aubes , tourne avec l'ar-
bre C. Mais comme elle eft garnie
de dents , elles s'engrainent dans
celles de la roue horizontale D ,
fupporcée par le pied F , & contre
lequel la meule G eft ailujettie par
une trayerfe.
Les moulins à cidre , de Norman-
die, de Bretagne , &cc. diffèrent des
précédens , quoique dans le fond ,
ridée foit la même. C'eft toujours
une meule qui tourne dans une auge ;
mais elle doit être grofTe , moins
haute, moins mallive , parce que les
fruits à pépins , cèdent plus facile-
ment à la preffion , que les graines
de lin, de colzat , &c. , & fur-tout
que les noyaux d'olives.
AA. Auge circulaire de la pile
figures <î & 7 ; B rabot ou valet j
ce cafés ou féparation pour recevoir
les différentes efpèces de pommes ;
D la meule j E axe de la meule ; F
palonnier auquel les traits de l'animal
font attachés ; G guide du cheval.
Sans cette guide , formée d'un bois
léger , l'animal ne fauroic tourner
autour du moulin , & il s'en écar-
ceroit. On couvre fes yeux avec une
toile à plufieurs doubles , ou avec
ce qu'on appelle des luneues en
cuir , qui s'enchâffent fur fes yeux
fans les bleffer. Sans cette précau-
tion, le cheval feroit étourdi en tour-
nant les yeux ouverts.
Il feroit trop long de décrire toutes
les efpèces de moulins ; en général ,
ils rentrent tous du plus au moins
dans ceux dont on vient de parler j
& ceux-ci font les plus (impies &: les
plus communs.
MOU
MOURON. ( Planche XXÎIl ].
Tournefort le place A?<m la dixième
fection de la clalfe des herbes d fleur
dune feule pièce & en entonnoir ,
dont le piflil devient un huit dur
& i^c. Il l'appelle cnagali'is j-hœni-
ceo flore. Von Linné le nomme ana-
gallls arvenfls , & le cl allé dans la
pentandrie monogynie.
Fleur A. En rofette, profondément
découpée en cinq parties , ainfi que
le calice. B repréfente le piftil , C
les étamines.
Frulc D. Capfule fphérique , s'ou-
vrant horizontalement E, & renfer-
mant des femences G menues, angu-
leufes , ridées , brunes , & attachées
au placenta.
Feuilles. Très-entières , fimples ,
lifiTes , pointues par le bout , évafées
à leur bafe par où elles adliérent aux
tiges.
Port. Tiges herbacées , rameufes ,
foibles, longues de tîx à dix pouces j
les rieurs naiflent de leurs aillelles,
& chacune eft fourenue par un pé-
duncule^ elles font rouges j les feuil-
les font oppofées une à une fur les
tiges.
Racine. Blanche, fimple, fibreufe.
Lieu. Les champs , les bords 6ss
chemins ; la plante eft annuelle Se
fleurit prefque pendant tout l'été.
Telle eft la plante , improprement
appellée mouron mule , puifque fa
fleur eft hermaphrodite , compofée ,
de cinq étamines & d'un piftil.
Le mouron appelle /êmt.7J<; eft une
variété du premier , & il ne mérite
pas mieux cette dénomination. Il
ne diftère du précédent que par fes
feuilles plus petites , fes tiges plus
menues , & fes fleurs d'une bille
couleur bleue & quelquefois blan-
che.
Propriétés,
Tom. VJ.
Pi. xjjfj. r.'.jc (i"-2.
Zi' Jfoiiron Jtlà/e cl Femelle
Le Jfdi/itel tle.i-l'oi.i' e// Jli-/>.ii//i/m- e'/eilec
I.e .Vil /le lie l'ettii. eu J/it/le<uiile
MOU MOU (^75
Propriétés. Les feuilles ont une l'infiifion. Le traitement eft le même
faveur douce & amère , une odeur pour les animaux ; il fuffit d'aug-
légérement aromatique , & défa- menter la dofe fuivant leur gtotTeuto
gréable quand elles font froilîees.
Toucc la plante eft vulnéraire , dé- MOUSSE. Je ne m'arrêterai pa«
terfive & céphalique j le fuc exprimé à décrire botamqucmcnt les ei'pècas
des feuilles & des tiges, & leur infu- de moulTes ; elles font trop variées-,
fion, contribuent à ce-ndre l'expeéto- D'ailleurs chacun diltinguè fans peine
ration plus libre, & à diminuer l'op- des autres plantes , la moufle qui
prellîon dans l'afthme pituitêux, dans naît dans fon pays. Il s'agir feule*»
la phtifie pulmonaire de nailfance , ment ici de confidérer cerce planne
& dans la phtifie pulmonaire par in- relativement à fon utilité ou à fes
flammation des poumons. défavantages.
La Société Economique de Berne On confond en général les lichens
a publié dans la colle6tion de fes avec les moufles , quoique ce foient
Mémoires, que plufieurs de fes Mem- des plantes très- différentes ; inais
bres s'étoient fervis avec fuccès de cette erreur ne porte aucun préju-
cette plante dans l'hydrophobie ou dice à l'agriculture. Les lichens font
rage des hommes. J'ai obtenu éga- des plantes membraneufes , qui s'é-
lement un bon fuccès de cette plante rendent &c font appliquées comme
dans le traitement de plufieurs ani- des feuilles de papier, prefque colées
maux mordus par des chiens enragés, contre les arbres , les pierres , &c.
Malgré QQS avantages, cette décou- Leur couleur ordinaire fur les troncs
verte doit être examinée & fuivie &: ks branches d'arbres eit jaune ,
avec beaucoup d'attention. On ex- quelquefois brune ou blanche. Ces
prime le fuc des feuilles fraîches, (5\: membranes fontchargées déboutons,
on le donne depuis une once jufqu'à & de rugofités. Il efl; très - difficile de
quatre ; en poudre sèche , deux à tirer aucun parti avantageux des li-
quatre drachmes infufces dans cinq chens, excepté dans la teinture &: dans
ou dix onces d'eau fuffifeiit. On la médecine \ ils nuifent beaucoup
met du fel en poudre fur la partie aux arbres fur lefquels ils végètent.
mordue , & on applique par-de(fus De Vutilué des mouJJ'es. Ces
le marc de l'infufion , ou une plus plantes forment prefque roujours une
grande quantité : le tout efl main- mafle compofée d'un grand nombre
tenu par un linge à plufieurs doubles, de tiges feuillées depuis le bas juf-
&c ce marc doit être changé deux fois qu'en haut ; mais les feuilles infé-
dans les vingt quatre heures. Mais, rieures, privées de l'influence de l'air
comme la chaleur de la partie aff^ec- & de la lumière , fe delfccfienr , Se
itée fait bientôt évapoter l'humidiré chaque tirze n'eft: plus feuillée qu'à
du marc & des linges , il faut avoir fon fommet. La plante refle tou-
foin de les tenir toujours mouillés jours verte , & elle ell: vivace. La
avec l'infufion. Au remède extérieur chute &c la décompofition des feuil-
on ajoute l'intérieur, qui confifte à les inférieures, établit à la longue fur
boire plufieurs fois par jour j & à le fol une couche de terre noire ,
4€S diftances réglées , un verre de douce,lcgère&entièremen:végétalej
Tome FI, ' Q q q g
^74
MOU
enfin , le véritable humus. ( Voye-[
le dernier chapirre du mot Cultu-
re , & le mot Amendement. )
Cette couche , après un certain njom-
bre d'années , a quelquefois de quatre
à^flx pouces d'cpaiiîeur. Voilà une
relfource bien précieule pour les fleu-
riftes & pour les amateurs , la na-
ture en fait tous les frais, & l'ama-
tÊur n'a d'autre dépenfe à faire que
de l'enlever. Si l'éloignement , les
frais ou d'autres ci rconfta ne es , ne
permettent pas de voiturer la terre ,
on peut faire de très-gros paquets ou
ballots de mouffe, & les charger fur
un animal ou fur une charrette. Le
fol des forets , les grottes un peu hu-
mides , font couverts par cette plante.
Une fois arrivée au dépôt de l'ama-
teur, il fait un lit déterre , un lit
de moulTe de la même épaitreur,&
ainfi de fuite ; le dernier eft en terre ^
& la mouife de chaque lit doit être
recouverte avec la terre , afin qu'il
n'en paroiffe point fur les bords que
l'on talTe fortement afin de retenir la
terre. Si ce mêlanfre a lieu au prin-
temps , ou au commencement de
l'été , il eft prudent d'arrofer lar-
gement chaque lit de moulTe y afin
que la chaleur , faifant" travailler
l'h.umidité intérieure du monceau ,
V excire une prompte fermentation ,
& par conféquenr une plus prompte
décompoficion à(î% principes des
plantes. Lorfqu'on s'apperçoit que
les mouffes font pourries , on pafTe
la terre à la grille , & on met de
Qoik la mouife qui eft reftée entière,
afin qu'elle ferve dans un nouveau
monce.iu. Si aux lits des plantes on
ajoute la terre du fol qui les nour-
rilToit , il convient de proportionner
la malfe de terre vierge.... La mouife
fert encore à couvrir les femis des
MOU
plantes délicates , qui exigent que le
lerrein relie meuble , & ne foit pas
ferré par les arrofemens.
Il faut obferver qu'une plante de
mouife , qui refte expofée à l'air ,
au foleil , par exemple , pendant
plufieurs mois , ou même pendant
une année, fe flctiit , & fe delléche,
& reffemble .î une plante parfaite-
ment morte \ mais fi on la remet
en terre & qu'on l'arrofe , elle re-
prend fa première végétation qui
n'avoit été que fufpendue. Ce qui
prouve combien il eft important que
tous les lits de mouife du monceau
foient cachés par la terre.
Les moulTes, employées comme li-
tière, font excellentes, parce qu'elles
fe pénètrent bien des urines & des
excrémens ; mais on ne doit employer
le fumier qui en réfulte , que lorf-
qu'il eft bien confommé.
Tout eft habitude 5 les gens de 1»
campagne dorment fur un peu de
paille , fiir des feuilles de noyer, de
châtaignier, (Sec; cependant on peut
ajouter facilement à leur bien-être
en fe fervant de la mouife , parce
qu'il eft aifé d'en faire de très- bons
matelats.
On choifit (?c on ramaffe la moufte
lorfqu'elle ejl dans fa plus forte vé-
gétation , c'eft-à-dire, au mois d'aoijt,
& on ta débarralfe , autanr que l'on
peut , de la terre qui eft reftée at-
tachée aux racines. 11 faut choifir la
mouife ta plus longue, la plus douce,
& en féparer tout corps étranger. On
porte cette mouife fous des hangards^
& on l'y étend afin de la faire fécher.
Lorfqu'elle eft alfez fèche , mais non
pas calfante , on la place fur des
claies, & on la bat légèrement avec
des baguettes , ce q^ui finit de k
MOU
dépouiller de toute poufllère & de
toute terre j s'il y refte quelques corps
durs , on les fépare. Il ne s'agit plus
que d'appotter les toiles des matelas,
éc de les remplir aulli également
qu'on le peut : l'épailTeur de fix ,
huit, à dix pouces forme un excellent
matelas \ après cela on coût toutes les
ouvertures, on pique d'efpace en ef-
pace le matelas, afin que la moulTe
ne fe rairemble pas par paquets. Si
le matelas , à force de coucher deflus ,
s'applatit , on le bat de temps à autre j
il reprend fa première cpailleur, Se
il dure plus de dix ans.
Des effets nuijibles des mouffer.
On a déjà dit qu'on nommoit vul-
gairement mouffes toutes efpèces de
plantes qui s'attachoient aux arbres ,
& qui fe nourrifToient à leurs dé-
pends , le cruy excepte. ( f^oye-^ ce
mot ) Les principes répandus dans
l'air atmofpKcrique contribuent au
moins pour les trois quarts à leur nu-
trition. Ce n'eft donc pas par l'ab-
forption des fucs qu'elles tirent des
arbres qu'elles leurs nuifent beau-
coup j on pourroit même avancer en
général que l'écorce des arbres fert
feulement de mitrice à leurs racines,
extrèmementdcliées & fines; en effet,
on voit des lichens alfez relfemblans
à ceux des arbres , croître &: végéter
fur des pierres , fur des rochers nuds
&: dui;. , qui ne peuvent fournir à
leur nourriture; ainfi on peut con-
clure, par analogie, que les arbres ne
contribuent en rien ou du moins pour
bien peu à la profpérité des moulles,
des lichens. Se des autres plantes pa-
tafites. Le véritable dommage qu'elles
caufent aux arbres, conlifte dans la
fuppretlion de leur tranfpiration fous
route la partie qu'elles recouvrent,
& l'on fait jufqu'à quel poinc cette
fécrétion eft eOenticlle à la phuue^,
à l'homme Se à l'animal. .,
On a confeillé de déchaulTer tout
autour le pied de l'arbre jufqu'à Ift
courbure principale des grolîes ra-
cines, & de jeter dans cette fofle uu
demi-boifleau, par exemple, de cen-
dres de bois ou de charbon de terre;
c'eft travailler & tourmenter un arbre
en pure perte, puifque le remède ne
peut pas produire l'effet qu'on défire.
Par cet engrais, on augmentera la
végétation de l'arbre, fans détruite
les lichens ou les moulfes, puifque
ces plantes ne s'attachent que fur leurs
écorces , & même fur les écorces de-
venues fèches, lif;neufes , crevaflees
& réduites en croûtes fèches, comme
on le voit fur les vieux chênes, &c.
Dira-t-on que le fel des cendres,
dilfous 8c entraîné avec la fève dans
fon afcenfion & fa defcenfion dans
l'arbre, fera riiourir ces plantes; ce
feroit avancer un paradoxe , puifque
la fève ne nourrit plus les écorces
déjà fèchées ou ligneufes. Il n'y a
qu'un feul moyen capable de détruite
ces lichens, ces mouffes; c'eft d'avoir
des broffes à poils courts & rudes,
ou des torchons de paille , & d'eu
frotter, après qu'il a plu, les bran-
ches, les troncs qui en font chargés;
alors ces lichens ramollis , cèdent fa-
cilement , & l'arbre reile net. En
général, les arbres qui croilTent dans
des terreins fecs , & dont les pieds
font alTez éloignés les uns des auttes
pour que leurs têtes ne fe touchent
pas, ne font pas fujets à avoir des
plantes parafites; au contraire, ceux
qui végètent dans un terrein bas ,
humide , oufouvent arrofé , ou fous
un ciel pluvieux , en font couverts ,
Cl on ne les en délivre ; ce qui
prouve encore que ces plantes fe
Q q q (j Z .
in&
MOU
nourriffent beaucoup plus des fùcs ré-
pandus dans ratmofphère , que de
ceux de l'arbre.
Lorfque la moufle gagne une prai-
rie , elle la dérruir bientôt; la bonne
herbe périt & meurt étouftce; il lui
fuccède des plantes dont la végéta-
tion eft analogue avec celle des
moulTes , ou du moins qui ne la
détruifent pas. L'expérience a prouvé
que touie efpèce de cendre , ( Voyc-^ ce
mot) répandue furceterrein, faicdif-
paroîcre les monires, & que la bonne
herbe reprend leur place. La chaux
éteinte à l'air & réduite en poufiicre,
produit un etfet encore plus prompt
& plus sûr. Il vaudroit beaucoup
mieux pour le propriétaire, confer-
ver ces cendres , & s'en fervir à la
fobrication du falpêcre. ( Foyc^ ce
mot)
MOUT , ou MOUST. Liqueur
(Exprimée du raifin , de la poire ,
enfin de tous les fruits, & qui n'a
pas encore fubi le commenceinent
de la fermentation , ( Voye:[ ce mot)
& qui par conféquent n'eft pas , dans
cet état , dans le cas de donner du
fpiritueux par la difiillation ; ce n'eft.
même pas un vin , mais feulement
ime fubftance capable de le devenir.
Le moût fe digère très-difficiiement,
il fermente dans l'eftomac , & occa-
fionne des coliques , dcc. par la quan-
tité d'ait qui s'en dégage dans ce
vifcère.
MOUTARDE, ou SÉNEVÉ,
eu SINAPI , ou MOUTARDE
NOIRE. ( Foyei Planche XXIII ^
page 6ji) Tournefort la place dans
la quatrième feél:ion de la cinquième
clalfe , comme les choux ^ ( Foyer ce
mot ) & il l'appelle y?«a£i rapi folio.
MOU
Von Linné la clalfe dans la tétradymîe-
filiqueufe , & il la nomme Jinapi
nigra.
Fleur. Compofée de quatre pé-
tales Bj difpofées en croix , & attachées
au calice par des onglets. Le calice C.
eft formé de quatre feuilles longues
& étroites, qui tombent avant la ma-
turité du fruit ; les étamines D au
nombre de fix, dont quatre plus lon-
gues & deux plus courtes.
Fruit. Silique E , qui renferme les
graines F noires & fphériques , ce qui-
fait appeler cette plante moutarde
noire.
Feuil/es. A- pen-ptès femblables à
celles de la rave, plus petites, plus
rudes au toucher , adhérentes aux
tiges.
P..ûcine A. En forme de navet, li-
gneufe, fibreufe.
Porc. Tige haute de deux à trois
pieds, moclleufe, velue, rameufe ;
les fleurs portées par des péduncules
au fommet ; les feuilles placées al-,
ternativemenr.
Lieux. Les bords de la mer, les
terreins pierreux ; cultivée dans nos
jardins; la plante eft annuelle , fleu-
rit en juin & juillet.
Propriétés. Odeur aromatique ,.
piquante, d'une faveur acre & brû-
lante. On ne fe fert ordinairement
que des femences; elles font réputées
fternutatoires , diurétiques , véfica-
toires, puilfamment déterfives , anti-
fcorbutiques.
L'ufage des femences réveille les
forces vitales , elles échauffent & for-
tifient l'eftomac affoibli par abondance
d'humeurs féreufes & pituiteufes ;
elles font indiquées dans la paralyfîe
par humeurs féreufes ; dans la paralyfîe
par apoplexie pituiteufe; l'afthme pi^
tuiceuxj le rhutnatifme féreiixj com-
MOU
me mafticatoires , elles déterminent
une plus grande fécrérion de falive ,
tendent à diminuer la paralyfie de la
lans^ue, à relever le voile du palais
«Si la luette , relâchés fans indam-
mation.
Les femences, réduites en poudre,
Se a-ppliquées fous forme de cata-
plafmes fur les tégumens, caufenr en
itès-peu de temps une douleur aiguë,
une grande ciiaïeur, l'inflammation,
ôc forment des velîies; mifes fur le
point douloureux de la poitrine dans
les premiers jours d'une pleurcfie ou
d'une péripneumonieeflentielle, elles
calment la douleur, & favorifent la
réfolution avec plus de fuccès que les
mouches cantharides; appliquées fur
les parties afFeétées de rhumatifme fé-
reux ou de paralyfie par des humeurs
féreufes , elles produifent fouvent de
bons effets ; fur les jambes , dans les
maladies foporeufes & dans les ma-
ladies de foiblelle, où il faut obtenir
une prompte dérivation &: produire
une violente action fur le genre ner-
veux, elles font d'un grand fecoursj
on doit même les préférer dans ce
cas à l'application des mouches can-
tharides , parce que l'aétion de ces der-
nières feroient trop lentes, & que la
douleur n'en feroit ni allez vive, ni
alTez prompte, & que leurs moHé-
cules palTées dans les fécondes voies,
uourroient affedler le cerveau.
Ufages.On donne pour l'homme les
femences pulvérilées , depuis fix grains
jafqu'à une drachme , délayées dans
quatre onces de véhicule aqueux ,
eu incorporées avec un firop . ,.. ,
femences concaflées , depuis une
drachme jufqu'à une once , en ma-
cération au bain -marie dans cinq
ences d'eau .... femences pulvérifées
&c mêlées- avec fuffifante quantité dfr
MOU
C-jj
vin ou de vinaigre, pour un cata-
plafme j à lailfer plus eu moins fur
les tégumens , fuivant le degré de
fenfibilité du malade.
On a remarqué dans les hôpitaux
ou dans les grandes maifons où
l'on nourrit un nombre confidérabie
d'hommes tk d'enfans , que l'ufage
de la moutarde, mêlée avec les ali-
mens , diminuoit beaucoup le vice
fcorbutique qui attaque fouvent ceS
individus ralTemblés. On retire , par
expreilîon, delà moutarde une huile
qui fert à tous les ufages économi-
ques; mais pour l'en extraire, il faut
avoir recours aux moulin & prejjoir
hollandois; ( Foyci le mot Moulin)
les nôtres n'expriment pas les fucs
alTez fortement Si on défire lui faire,
perdre l'odeur & le goût du fruit qui
rend cette huile défagréable à ceux
qui n'y font pas accoutumés , con-
fultez l'article Huil£. )
MoUT^ARDE BLANCHE OU A FEUIX-'-
LES DE PERSIL. Sinap'i alha. Lin.-
même clalfe que la précédente.
Fleur. La même.
Fruit. Silique velue, dont l'extré-
mité efl: alongée & courbée comme,
un bec ; femences quelquefois blan-
ches.
Feuilles. Découpées , garnies da
poils, adhérentes aux tiges.
Racine. Comme dans la précé-
dente.
Port. Tige de îa hauteur de deux
à trois pieds, velue, rameufe, cylin-
drique; les fleurs au fommet, por-
tées fur des péduncnles de même que
la précédente; feuilles alternes.
Lieu. Dans les blés, les prés ; la
plante eft vrvace.
Propriétés. Les mêmes que la pré-
cédente, mais dans un moindtedegfci.
C-!^ MOU
MOUTON, BELIER, BREBIS.
Médecine vétérinaire. Le mou-
ton eft le mâle coupé de la brebis.
Cec animal domeftique , fymbole
de la douceur &c de la timidité ,
femble n'exilter que pour fournir aux
premiers befoins de l'homme. La
laine , la peau, la chair, les os, tout
enfin , dans cet animal , eA devenu
le domaine de lanéce(ri:é& de l'in-
duftrie.
On appelle bélier, le mâle de U
brebis lorfqu'il n'a pas été coupé.
Ces animaux , donc le naturel eft
fi doux , font aulii d'un tempcram-
ment très-foible , fur-roue la brebis.
Ils ne peuvent marcher longremps ,
les voyages les affoibliffen: & les ex-
ténuent ; dès qu'ils courrenc , ils
palpitent &z font bientôt eflouflés.
La grande chaleur , l'ardeur du fq-
leil, l'humidité, le froid exceflif,
les mauvaifes herbes , Sec. font la
lourde de leurs maladies.
La phifionomie du bélier fe décide
au premier coup d'oeil. Les yeux gros
èc fort éloignés l'un de l'autre , les
cornes abailfées, les oreilles dirigées
horizontalement de chaque côté de
la tête, le mufeau long & effilé,
le chanfrein arqué font les traits qui
cara6térifent la douceur & l'imbécil-
lité de ce: animal.
La grandeur des béliers varie beau-
coup : ceux de médiocre taille ont,
fi on les mefure en ligne droite ,
depuis le bout du mufeau jufqu'à
l'anus , trence-fix ou quarante pou-
ces \ de hauteur du train de devant,
mefuré depuis le garot jufqu'à terre,
vingt à vingt-deux pouces j du train
de derrière , un pouce de plus que
celui de devant.
Nous ne nous étendrons pas da-
MOU
vantage fur l'hiftoire naturelle dti
mouton. ( Pour cer effet , voye^
l'Hilloire Naturelle de M. de BufFon,
article Mouton , Brebis , &c. )
Nous cioyons allez remplir notre tâ-
che , en donnant au long un traité
économique fur cet animal. C'eft
principalement dans l'inftruclion pour
les bergers & pour les propriétaires
des troupeaux , de M. Daabenton ,que
nous avons puifé pour rédiger cec
article. Le public , déjà prévenu en
faveur de cet Ouvrage , nous faura
fans doute gre de lui faire part de
plus en plus des découvertes utiles
de ce citoyen aufii zélé que refpeda-
ble. Entrons en matière.
Plan du Travail.
PREMIÈRE PARTIE.
CHAPITRE PREMIER. De la connoif-
fance & du choix des bêtes à laine.
CHAP. II. Des alliances des bétes a laine
& de leur amélioration.
CHAP. III. De la génération & de, la
caftration.
CHAP. IV. De l'engrais des moutons.
CHAP. V. De la conduite des moutons auX
pâturages,
CHAP. VI. De la nourriture des moutons.
CHAP. VII. Manière de donner à manger
aux moutons. De la Quantité des ali-
mens. Manière de les faire boire & de
' leur donner du fel.
CHAP. VIII. Du parcase des bêtes à laine.
CHAP. IX. Du logement, de la litière &
du fumier des moutons.
CHAP. X. De la tonte des bétes a laine,
DEUXIÈME PARTIE.
Des Maladies des Movtoks.
CHAPITRE PREMIER. Maladies aigués.
CHAP. U. Maladies cfironiques.
MOU MOU (579
huits dents , s'alTurer de l'âge des
PREMIÈRE PARTIE, bêces à laine pendant leur cinq pre-
mières années j enfuite on reftime
CHAPITRE PREMIER. par l'état des dents madielièresj plus
elles font ufées & rafées , plus l'a-
Ve LA CONÇOIS s ANCE ET DU nimal eft vieux. Enfin , les dents de
CHOJX DES BÊTES A LAINE. devant tombent ou fe calFent i l'âge
de fept ou huit ans. Il y a des bêtes
§. I. De la connoiffance de Page. ^ laine qui perdent quelques dents
de devant dès l'âge de cinq ou fix
Les bêtes à laine diffèrent les unes ans.
des autres par le fexe , par l'âge , par
la hauteur de la taille , & par les §. II. Des différences de la taille
qualités de la laine &: de la chair. des bèies à. lame j (S* comment on
On connoît l'âge par les dents les reconnoît. ^
du devant de la mâchoire inférieure ,
la mâchoire fupérieure en étant dé- On diflingue lesbêtesà lainede di-
pourvue : elles font au nombre de vers pays , en diverfes races ou bran-
huit j elles paroilfent toutes dans la ches qui diffèrent entr'elles par la
première année de l'animal , qui hauteur de la taille , par les qualités
porte alors le nom d'agneau mâle de la laine , &;c.
ou femelle. Ces dents ont peu de Pour connoître les différences de
largeur & font pointues. la taille , il faut prendre la hauteur
Dans la féconde année les deux de chaque bête , depuis terre juf-
du milieu tombent , «Se font rem- qu'au garot , comme on mefure les
placées par deux nouvelles dents que chevaux. On dit qu'il y a des races
l'on diftingue aifément par leur lar- de bêtes à laine qui n'ont qu'un pied
geur, qui furpaffe de beaucoup celle de hauteur j ce font les plus petites ;
des fix autres : durant cette féconde d'autres ont jufqu'à trois pieds huit
année le bélier , la brebis & le mou- pouces , ce font les plus grandes»
ton portent le nom d'antenois ou de Ainfi , les races moyennes de toutes
primer. les bêtes à laine connues , ont en-
Dans la rroifième année, deux an» viron deux pieds quatre pouces de
très dents pointues, une de chaque hauteur, fuivant les mefutes qui
côté de celles du milieu , font rem- en ont été données. Mais il n'y a
placées par deux larges dents j de en France que les bêtes à laine de
forte qu'il y a quatre larges dents Flandre qui aient plus de deux pieds
au milieu , & deux pointues de cha- quatre pouces. Ainfi , parmi les au-
que côté. très races, la petite taille va depuis.
Dans la quatrième année , les un pied jufqu'à dix-fept pouces \ la
larges dents font au nombre de fix , taille moyenne , depuis dix-huit
& il ne rcfte que deux dents poin- pouces jufqu'à vingt-deux, &lagran-
tues ; elles font toutes remplacées de taille , depuis vingt-trois jufqu'à
par de larges dents. vingt-fept pouces. On eft auflî dans
On peut donc j par l'état de ces l'ufage de mefurex les bêtes à laines
é$o îvl o u
depuis les oreilles jufqu'à la naiffance
de la queue ; mais cette mefure eft
fujecte à varier dans les difFéremes
fituations de la tète de l'animal. On
peut juger de l'une de ces mefures
par l'autre j car la hauteur d'une bète
à laine a un tiers de moins que fa
longueur. Par exemple, un mouton
qui eil: long de trois pieds , n'a que
deux pieds de hauteur.
§. III. Des différences des laines ^
manière de ks connoure.
Les laines font blanches , ou de
mauvaife couleur , courtes ou lon-
gues , fines ou groffes , douces ou
rudes , fortes ou foibles , nerveufes
ou molles.
Il n'y a que les laines blanches
qui reçoivent des couleurs vives par
Ja teinture. Les laines jaunes , touffes ,
■branes , noirâtres ou noires ne font
f raployéesdans les manufactures qu'à
des ouvrages groflîers , ou pour les
vête mens des g.ens de la campagne ,
loifqu'elles fonr de mauvaife qua-
lité j mais celles qui font fines fer-
vent pour des étoffes qui refient avec
leur couleur naturelle , fans palfcr à
la teinture^,
Les mèches de la laine font com-
pofées de plufieurs filamens , qui fe
touchent les uns les autres par leurs
extrémités. Chaque mèche forme
dans la toifon un flocon de laine
féparé des autres par le bout. Les
laines les plus courtes n'ont qu'un
pouce de longueur , les plus longues
ont jufqu'à quatorze pouces & davan-
tage : Il y en a de toutes longueurs ,
depuis un pouce jufqu'à «.juatorze ,
& même jufqu'à vingt-deux pouces.
Il y a des filamens très-fins dans
coûtes les laines , aième dans les
MOU
plus greffes ; mais quelle que foit la
fineffe ou la groifeur d'une laine ,
fes filamens les plus gros fe trouvent
au bout des mèches. En exam'nant
ces filamens dans un grand noinbre
de races de moutons, on a diflingué
différentes fortes de laines j fivcir ,
des laines fuperfines , laines fines ,
laines moyennes , laines grolfes , laines
fupergrofles.
Pour reconnoîcre ces différentes
fortes de laines , il faut avoir des
échantillons de chaque forte pour
leur comparer la laine dont on veut
connoître la finelTe ou la grofTeur.
/'oj e^ la planche XX de Vinjlruc-
tion pour les bergers & pour les
propriétaires de troupeaux j par M.
Daubenton. Pour faire cet examen ,
on prendra une mèche fur le garât
du mouton , où fe trouve. toujours
la plus belle laine de la toifon. En-
fuice on fépirera un peu les filamens
de l'extrémité de cette mèche les uns
des autres , pour les mieux voir j on
les mettra à côté des échantillons ,
far une étofîe noire , pour les faire
mieux paroître. Aiors on verra fa-
cilement auquel des échantillons ils
relfembleront le plus. Pour favoir ,
par exemple , fi la laine d'un bélier
efi; plus ou moins fine qu€ celle des
brebis avec lefquelles on veut le faire
accoupler, il faut couper le bout d'une
mèche fur le garot du bélier, & en
placer les filamens fur une étoffe
noire; on mettra fur la même étoffe,
des filamens pris au bout des mèches
du garot de quelques brebis, & l'on
reconnoîtra aifément fi leur laine eft
plus ou moins fine que celle du bélier.
Y^n touchant un flocon de laine ,
on fent aifément fi elle efl: douce Se
moclleufe fous la main , ou rude &
fèche, ou bien l'on étend une mèche
entre
MOU
entre cîeux doii^ts , Se en frottant
{égèrement fes Hlamens , on connoîc
s'ils font doux ou rudes.
Si des filamens de laine qu'on
prend Se qu'on tend, en les tenant
des deux nuins par les deux bouts ,
calTent au premier effort , c'eft une
preuve que la laine eft foible ; plus
ils rcfiftent , plus la laine a de force.
Pour connoître fi la laine eft ner-
veufe ou molle , on en prend une
poignée & on la ferre ; enfuite on
ouvre la main. Alors fi la laine eft
nerveufe , elle (e renfle autant qu'elle
l'étoit avant d'avoir été comprimée
dans la main ; au contraire , fi la
laine eft molle , elle refte affaiffée
ou fe renfle peu.
Les laines blanches, fines, douces,
fortes & nerveufes font les meilleures
laines. Celles qui ont une mauvaife
couleur. Se qui font grolfes , rudes,
foibles ou molles , font de moindre
qualité. Les laines mêlées de beau-
coup de jarre font les plus mauvaifes.
Le jarre eft un poil mêlé avec la
la laine , (?c qui en diffère beaucoup ;
il eft dur Se luifant ; il n'a pas la
douceur de la laine. Se il ne prend
aucune reinture dans les manufac-
tures. Une laine jarreufe ne peut
fervir qu'à des ouvrages grolfiers :
plus il y a de jarre dans la laine ,
moins elle a de valeur. On voit du
jarre dans les laines fuperfines , &
il s'en trouve d'auifi fin que ces lai-
nes.
§. IV. Des (îgnes de la mauvaife
& bonne fanté des bêtes à laine.
MOU
6%\
hrileine , les gencives & la veine
pales , font autant de fignes de la
mauvaife fanté des bêtes à laine. Les
fignes , au contraire , de leur bonne
fanté , fe réduifent aux fuivans : la
tcte haute, l'œil vif & bien ouvert ;
le front Se le mufeau fecs , les na-
feaux humides fins mucolité ; l'ha-
leine fans mauvaife odeur , la bou-
che nette Se vermeille, rousles mem-
bres agiles , la laine fortement adhé-
rente à la peau qui doit être rouge 5
douce Se fouple , le bon appétit, la.
chair rougeâcre , Se fiir-tout la veine
bonne & le jarret fort.
Pour connoître la veine, le betgec
met le mouton entre fes jambes j il
empoigne fa tête avecles deux mains ;
il relève avec le pouce de la main
droite , la paupière du delfus de
l'oeil , Se avec le pouce de la main
gauche, il abailFe la paupière du def-
fous. Alors il regarde les veines du
blanc de l'œil j fi elles font bien ap-
parentes , d'un rouge vif, & fi les
chairs qui font au coin de l'œil, du
côté du nez , ont auflî une belle
couleur rouge , c'eft un ligne que
l'animal eft en bonne fanté.
Pour favoir fi le jarret eft bon ,
il faut failîr le mouton par l'une det
jambes de derrière \ s'il fait de grands
efforts pour retirer fa jambe ; fi
l'on eft obligé d'employer beaucoup
de force pour la retenir , c'eft une
preuve que l'animal eft fort Se vi-
goureux.
§. V. Des proportions qui font rt'
connoître un bon bélier & les bon-
nes brebis.
Les patries du corps dégarnies de II faut choifir des béliers qui aient
laine , le regard trifte, la mauvaife là tête groffe , le nez camus , les
Tome FI. R r r r
6Si MOU
/nafeaux coures & étroits , le front
large , élevé & arrondi , les yeux
noirs , grands & vifs , les oreilles
grandes & couvertes de laine , l'en-
colure large , le corps élevé , gros
& allongé, le rable large, le ventre
grand , les telticules gros & la queue
longue.
Les brebis doivent avoir le corps
grand , les épaules larges , les yeux
gros , clairs & vifs , le col gros &
droit , le ventre grand , les tettines
longues , les jambes menues & cour-
tes , & la queue epaille.
Quant aux moutons , il faut choifir
ceux qui n'ont point de corne , qui
font vigoureux , hardis & bien faits
dans leur taille , qui ont de gros os
& la laine douce 3 graife, nette ôc
bien frifée.
§. VI. ^ quel âge faut-il prendre les
bêtes à laine pour former un trou-
peau ? Doit-on toujours préférer
les bêtes à laine de la plus haute
taille ? Les plus grandes races
font-elles préférables dans tous les
pays ?
Pour former un troupeau , il faut
prendre les béliers à deux ans : c'eft
l'âge où ils com.mencent à avoir
allez de force pour produire de bons
agneaux. Us font bons béliers jufqu'à
l'âge de huit ans \ mais plus vieux ,
ils ne peuvent plus être de bon fer-
vice. 11 faut aulîi prendre des brebis
de l'âge de deux ans , & préférer
cellesqui n'ont pas porté , s'il eft
pollible d'en trouver. A cinq ans les
brebis font encore plus propres à
produite de bons agneaux , h elles
MOU
n'ont Jamais porté , ou au moins il
elles n'ont pas porté avant 1 âge de
dix- huit mois ou deux ans. A fepc
ou huit ans , elles s'afFoibliirent ,
parce que les dents de devant leur
manquent pour brourer. On prend
les moutons à l'âge de deux ou trois
aiis , pour en tirer les toifons juf-
qu'à l'âge de fept ans , & alors ou
les engraiife pour les vendre au bou-
cher.
On ne doit pas toujours préférer
les bêtes à laine de la plus haute
taille. Une bête à laine de taille mé-
diocre , & même petite , eft préfé-
rable à une plus grande, lorfqu'elle
a de meilleure laine j mais lorf-
que la qualité de la laine eft la même ,
il faut choifir les plus grandes , parce
qu'elles font d'un meilleur produit
par les toifons & par la vente que
Ton fait de l'animal pour la bou-
cherie , <Sj auffi parce qu'elles font
plus fortes & plus robuftes.
Les plus grandes races ne font
pas non plus à préférer dans tous les
pays , parce qu'il faut des pâturages
très-abondans pour fuffire à la nour-
riture des bêtes à laine de grande
race , telle que la flandrine. Elles ne
trouveroient pas allez de nourriture
dans les tetreins fecs & élevés , où
l'herbe eft rare & fine. Ges terreins
conviennent mieux aux petites ef-
pèces qui demandent moins de nour-
riture. On ne met pas des moutons
de grande race fur des terreins hr-
mides , parce qu ils y font plus fujets
à la maladie de la pourriture ( f^oye^
ce mot ) que les moutons de petit©
race. D'ailleurs , fi les petits étoienc
attaqués de ce mal , il y auroit moius-5
à perdre que fur les grands.
MOU
CHAPITRE II.
Des Alliances des Bêtes a
Laine , et de leurs Amé-
liorations.
§. I. Des précautions à prendre
pour tirer un bon produit des al-
liances des têtes à laine.
Pour tirer im bon prodiiic des al-
liances des bêres à laine , il ne faut
donner le bélier aux brebis que dans
le temps qui eft le plus flivorable
pour l'accouplement, ôc qui répond
le mieux à la faifon où les agneaux
prennent un bon accroilTement. On
doit choillr les béliers &C les brebis
les plus propres à perfeétionner l'ef-
pèce , foit pour la taille , foit pour
la laine. Il faut féparer les béliers
des brebis , lorfqu'il eft à craindre
qu'ils ne s'accouplent trop tôt.
§. II. Du temps le plus favorable
pour l'accouplement des bêtes à
laine.
Ce temps n'eft pas le même par-
tout ; il dépend du froid des hivers
& de la chaleur des étés , dans les
-différens pays où font les troupeaux.
Plus les hivers font rigoureux ,
plus il faut retarder le temps des
accouplemens. On ne doit les per-
mettre dans nos provinces fepten-
trionales , qu'en feptembre , en oc-
tobre , afin que les agneaux ne naif-
fcnt qu'au mois de février & de
mars , & ne foient pas expofcs aux
grands froids qui retarderoient leur
accrollfement dans le premier âge ,
parce qu'ils n'auroient que de mau-
vaifes nourritures s'ils étoient nés
j>lutôc. Au contraire , dans le« pays
M O U ^83
gÙ les hivers font doux , & les étés
fort chauds , tels que la Provence &
le bas Languedoc , il hiut avancer
les accouplemens , en donnant les
béliers aux brtbis dès le mois de juin
ou de juillet , afin d'avoir des
agneaux dans les mois de novembre
ou de décembre. Us n'ont rien à
craindre de l'hiver, ils trouvent une
bonne nourriture dans cette faifon,
& ils deviennent adez forts pour
réfifter aux grandes chaleurs de l'été ;
ils ont beaucoup plus de laine dans
le temps de la tonte , & ils font
beaucoup plus grands à la fin de
l'année que s'ils n'étoient venus
qu'après l'hiver. Tous ces ufages
étant bons , les uns pour les pays
chauds , & les autres pour les pays
froids , le plus fût , dans les pays
tempérés , où l'hiver eft doux dans
quelques années , & tiès-froid dans
d'autres , eft d'attendre le mois de
feptembre pour donner le bélier aux
brebis , parce que l'on courroit le
rifquede perdre beaucoup d'agneaux,
fi l'hiver étoit très-froid , & qu'ils
vinftent à naîtie dans les mois de dé-
cembre ou de janvier.
§. III. Les béliers qui n ont point de
cornes font-ils aujfi bons que ceux
qui en ont ? A quel âge font-ils
en état de produire de bons agneaux?
Combien faut- il donner de brebis
à chaque bélier ?
On doit préférer les béliers qui
n'ont point de cornes, parce qu'ils
tiennent moins de place au râtelier,
& qu'on a moins à craindre qu'ils
ne bleflent quelqu'un , qu'ils ne
foient bleffcs eux-mêmes en fe bat-
tant à coups de tête les uns contre
les autres » & qu'ils ne falfent dii
Rc r r i
6^4-
MOU
mal aux autres bèces du troupeau i
fur-tout aux brebis pleines. D'ail-
leurs , les agneaux qu'ils produifent
ont la tête moins grolTe que ceux
qui viennent des béliers cornus, &
fatiguent moins la mère lorfqu'elie
met bas. Mais dans les pays où l'on
enferme les moutons par des clôtu-
res de haies , on préfère ceux qui
ont des cornes , parce qu'elles les
empêchent de palfer à travers les
haies , & de perdre de leur laine en
Ifcs traverfajir.
Les béliers font en état de pro-
duire des agneaux depuis l'âge de dix-
huit mois jufqu'à fept ou huit ans ;
c'eft à trois ans qu'ils font le plus
vigoureux. Lorfqu'on fait accoupler
des béliers de dix-huit mois ou deux
ans , il faut choifir les plus forts.
Dès l'âge de fix mois ils pourroient
faillir les brebis j mais n'ayant pas en-
core pris allez d'accroilîement , ils ne
produiroientque de foibles agneaux:
pafle huirans ils font nop vieux.
Il faut donner plus de brebis aux
béliers jeunes &: vigoureux , qu'à
ceux qui font vieux & foibles. Un
bon bélier peut fervir cinquante ou
foixante brebis ; mais pour conferver
un bélier fans l'aftoiblir , & pour
avoir de forts agneaux qui ne dé-
génèrent pas de l'efpèce du bélier ,
il ne lui faut donner que douze à
quinze brebis. Il faut au furplus que
le bélier foit de bonne taille, bien
fain & couvert de benne laine.
§. IV. ^ quel âge. doit-on faire
Jaillir les brebis ? Sont-elles fuf-
ceptibles de cranfmettre leurs vices
aux agneaux, i Moyens de les
prévenir.
Il faut faire faillir les brebis de-
jais l'âge de dix-huit mois jufqu'à
]M O U
huit ans. Dès l'âge de (\x mois i
elles donnent des fignes de chaleur ,
& elles peuvent recevoir le mâle j
mais elles font trop jeunes pour
produire de bons agneaux , & palTé
luiir ans , elles font trop vieilles :
cepencAut on en voit qui font de
bons agneaux dans un âge plus avan-
cé. Les brebis font dans leur plus
grande force à quatre ans. Le mei'*
leureft de ne commencer qu'à trois
ans à les faire couvrir.
Les défauts & les vices que les
brebis peuvent communiquer à leurs
agneaux , font ceux de leur tailla
de leur laine , & de plulieurs ma-
ladies. L'agneau participe aux mau*
vaifes qualités de la brebis & du
bélier dont il vient. 11 faut choifir ,
pour l'accouplement, les bêtes blan-
ches , ou celles qui n'ont que la face
& les pieds cachés.
Pour relever la taille des bètes X
laine , il faut choifir les brebis les
plus grandes du troupeau , & leur
donner des béliers qui fuient encore
plus grands qu'elles. Dès la première
génération les agneaux deviendront
plus grands que les mères , pref-
qu'aulli grands que les pères, & quel-
quefois plus grands. ( l'oye^ et qui
eft dit au mot Lainb-)
§, V. Comment peut-on améliorer
les laines ?
11 y a deux fortes d'amélioration
pour les laines : on peut les rendre
plus longues ou plus fines.
On les rend plus longues , en
choifidant dans le troupeau les bre-
bis qui ont la plus longue laine , &
les faifant accoupler avec des béliers
qui ont la laine encore plus. loiJr
MOU
gue ; celle des agneaux qu'ils pro-
duiroiîc deviendra plus longue que
l'a laine des mèces , & quelquefois
plus longue que celle des pères.
On a eu des preuves de ce: ac-
eroiirement de la laine en longueur,
en donnant des béliers dont la laine
avoic iix pouces de longueur, à des
brebis dont la laine n'étoit longue
que de crois pouces. Celle des bctes
qui font venues de ces alliances ,
avoit jufqu'à cinq pouces & demi de
longueur. En donnant aux brebis ,
à toutes les générations , des béliers
dont la laine étoit plus longue que
la leur , on eft parvenu en Angle-
terre à avoir des laines longues de
vingt-deux pouces. On auroit peine
à croire cette grande amélioration ,
fi l'on n'avoit vu cette laine , &
mefuré la longueur de fes hlamens.
Pour rendre la laine plus tîne , on
ehoifit dans le troupeau que l'on veut
améliorer, les brebis qui ont la laine
la moins grolFe,. &: on leur donne des
béliers qui aient une laine plus fine.
Les bctes qu'ils produifent ont la
laine moins groire que celle des mè-
res, & quelquefois aulîî fine & même
plus fine' que la laine des pères.
On a eu également des preuves
de cette am-élioration de la laine en
finefle, en donnant des béliers qui
avoient une laine fine, à des brebis
à laine grolTe. Celle des agneaux
qu'ils ont produits eft devenue de
qualité moyenne , encre le lui &: le
gros. Des brebis à laiue moyenne ,
ayant été alliées avec dés" béliers à
laine faperfine , leurs agneaux ont
eu une laine fine : quelquefois la
laine des ■à!j;neaax a liirpalfé en fi-
iielle celle des béliers qui les avoient
produits. Par ces alliances on efl
MOU ^85
parvenu à améliorer au degré de
iuperfin des races d'Angleterre , de
Flandres j d'Auxois , de Roulîillon
& de Maroc , par des béliers de
Roulîillon , fans avoir des béliers
d'Efpagne. On en a eu des preuves
convaincantes dans un troupeau de
trois cents bêtes de ditFérentes races
qui ont des laines fuperfines , quoi-
qu'elles viennent de brebis à groifes
laines , la plupart jarreufes : ces bre-
bis ont été accouplées avec des bé-
liers de Roulîillon. Le troupeau ,
aiiid amélioré eft en Bourgogne, près
de la ville de Montbard , fans que
les agneaux aient été mieux nourris
&c mieux foignés que leur père. On
les avoit laillés à l'air nuit & jour
pendant toute l'année , au lieu de
les renfermer dans des érables.
§. VL Comment peut- on rendre la.
produclion de la laine plus abon>-
dante ? Peut-on faire produire par
des brebis jarreufes des agneaux
qui n'ont point de jarre }
Pour augmenter le poids des toi<-
fons , il faut avoir des béliers qui;
portent plus de laine que ceux du
troupeau que l'on veut améliorer,.
La toifon des agneaux qui en vien-
dront , fera proportionnée à celle de
leurs pères. On a des preuves de
cette amélioration par ks expérien-
ces fuivantes faites dans un canton
où les pâturages font maigres , &
an les moutons & les béliers ne por-
tent communément qu'une livre on
cinq quarterons de laine , & les
brebis trois quarterons ; en donnant
à ces brebis des béliers qui avoient
environ trois livres de laine , leurs
agneaux en ont eu à la féconde an^-
^U MOU
née deux livres , & jufqu'à deux livres
& deniie. Un bélier de Flandres dont
la toifon pefoit cinq livres dix onces,
ayant été allié à une brebis de Rouf-
hilon , qui n'avoit que deux livres
deux onces de laine , a produit un
aeneau mâle , qui dans fa troifième
année , en portoit cinq livres quatre
onces fix gros. Ce bélier avoir été
bien nourri ^ car il ne haut pas ef-
pércr qu'avec des pâturages & des four-
rages peu abondans , les moutons
puillent avoir des toifons d'un grand
poids.
Si l'on fait accoupler une brebis
médiocrement jarreufe , avec un bé-
lier qui n'air point de jarre , l'agneau
qu'ils produiront ne fera pasjarreux.
Si la brebis a beaucoup de jarre, fon
agneau en aura aulli , mais en moin-
dre quantité. Si cet agneau efl: une
femelle , qui foit accouplée dans la
fuite avec un bélier fans jarre, leur
agneau n'en aura point. On a eu
pïuheurs preuves de cette améliora-
tion après avoir fait accoupler ex-
près dès brebis jarreufes avec des
béliers fans jarre.
§. VU. Si Pon peut rendre l'amélio-
ration des bctes à laine plus
prompte & plus profitable ^ en
■ - achetant des béliers de haut prix.
Pour toutes les améliorations des
bêtes à laine , les béliers les plus
parfaits améliorent le plus prompte-
ment , & donnent le plus de profit.
11 ne faur donc pas épargner l'argent
pour faire venir des béliers de loin ,
lorfque les bonnes races fe trouvent
dans des pays éloignés. On peut
comptet d'avance ce que l'on pourra
gagner fut les agneaux qu'ils pro-
M O U
duiront , par l'amélioration de leat
taille & de leur laine en quantité
& en qualité. On ne fera pas fur-
pris qu'un bélier, dont la laine avoir
jufqu'à vingt - trois pouces de lon-
gueur , air été vendu 1200 francs
en Angleterre. Jamais l'amélioration
des troupeaux ne fe foutiendra dans
un pays où les béliers ne feront
pas de très - grand prix. Il fiudroit
au moins qu'ils fe vendilfent plus
chers que les beaux moutons , afin
d'engager les propriétiires des trou-
peaux à garder les meilleurs agneaux
pour en faire des béliers. On feroit
plus sûr d'avoir ces béliers , fi l'on
donnoir des arrhes au propriétaire ,
pour l'empêcher de faire couper ou
de vendre les agneaux que l'on avoit
choifis. U vaudroit encore mieux
les acheter, afin de les bien nourrir
jufqu'au temps où ils feroient en
écar de fervice. Il faudroit aulîl que
les communautés mitfent de bons
béliers dans leurs troupeaux; un bé-
lier produit chaque année au moins
quinze ou vingt agneaux , tandis
qu'une brebis n'en a ordinairement
qu'un feul. Il faudroit donc quinze
ou vingt lois plus de brebis qu'il
ne faut de béliers pour avoir la même
amélioration; d'où l'on doit conclure
que les bons béliers font plus nécef-
faires que les bonnes brebis pour
l'amélioration des troupeaux.
§. VIII. Moyens pour améliorer une
race de hctcs à Liine , fans faire de
dépenfê y ou avec peu de dépenfe.
Il eft poflîble d'améliorer une race
de bêtes à laine fans faire de dé-
penfe , mais il faut beaucoup de
temps. L'amélioration fe fait peu à
peu; fi Ion choiût tous les aus leç
MOU
meilleius agneaux mâles pour être
des béliers lorfqu'ils feront en bon
âge, &les meilleurs agneaux femelles
pour les accoupler dans la fuite avec
les béliers de choix, chaque généra-
tion fera meilleure que celle qui
l^aura précédée , mais les progrès fe-
ront lents.
Quant aux moyens d'améliorer
plus promptement & avec peu de dé-
penfe , il faudroit acheter des béliers
d'une race meilleure que celle que
l'on veut améliorer ; on peut trouver
de ces béliers dans le voifinage, alors
il n'en coûte pas beaucoup ; fi l'on
efl: oblieé de les aller chercher un
peu loin , ce n'eft encore qu'une pe-
tite dépenfc, & l'on gagne bien du
temps pour l'amélioration , parce que
ces béliers ayant des qualités fiipé-
rieures à Cv^lles des brebis les mieux
choifies de la race que l'on veut per-
feétionner, & étant accouplés avec
elles , ils produifent des agneaux qui
ont de meilleures qualités que s'ils
ctoient venus des béliers de la raca
de leurs mères.
§. IX. Moyens pour maintenir en
bon état une race de bttcs à laine
améliorée,.
Lorfqu'une race de bères à laine
eft améliorée au point qu'on le dé-
firoit , pour la maintenir dans cet
état, il faut la bien loger, la bien
nourrir, guérir les maladies, tâcher
de les prévenir j il faut auiîi avoir
grand foin de ne faire accoupler que
les meilleurs béliers & les meilleures
brebis, tant pour la taille , pour la
quantité & la qualité de la laine,
^que pour la bonne fauté, car il n'y a
lien de bou à efpérer d'une brebis j
MOU
Cl-j
8c principalement d'un bélier , qui
feroient foibles ou de mauvaifefantéi
§. X. FJ?-il mécejfaire de faire venir
des brebis avec les behers ^ lorf~
qu'on veut avoir une race d'un
pays éloigné ou d'un pays étranger?
En faifant venir des brebis avec les
béliers , la dépenfe feroit plus grande;,
il efl vrai que l'on gagneroit du
temps , puifque l'on auroit la race
parfaite dès la première génération ;
mais il y aurou plus de rifque pour
le fuccès de l'entreprife, que fi l'on
ne faifoit venir que des béliers fans
brebis. 11 faut que non-feulement les
béliers, mais auffi les brebis, ne rrou-
vent, dans les pays où ils ont été
amenés, rien qui leur iuit nuiiible,
ni aux agneaux qu'ils produiront;
au lieu qu'en accouplaiu des béliers
éttangers avec des brebis du pays, il
n'y a de nfque que pour les béliers ;
les agneaux qui viennent de ce mé-
lange ayant déjà le teinpérammenc
à demi fait au pays, puifque leurs
m ères en font.
§. XI. De l'âge & de la faifon auxquels
il faut faire venir les bèies à laine i
manière de les gouverner dans le
voyage ; précautions à prendre pour
les accoutumer au nouveau pays.
Le meilleur âge pour faire voyager
les bctes à laine, eft celui où elle»
ont pris la plus grande partie de leur
accroilfemenr : c'eft à dtux ans. ta.
meilleure faifon eft lorfqu'il ne fait
pas trop chaud, lorfque la terre n'tft.'
ni gelée ni mouillée, lorfqu'il y a de
l'herbe fur les chemins pour feivir;
^SS MOU
de pâture , & lorfque les brebis ne
,fonr pas pleines & n'allaitenr pas
leurs agneaux. D'après ces confidé-
.rations, il faur prendre le temps le
plus favorable , par rapport à la lon-
gueur de la route Se au pays que les
moutons doivent traverfer.
Il faut encore les mener dou<:e-
ment, fans les échauffer ni les fati-
guer. On doit les faire repofer à
l'ombre dans le milieu du jour, lorf-
qu'il fait chaud ; il faut les lailfer
paître chemin faifant. Quand ces
animaux font arrives au "îte, on leur
donne du fourrage, s'ils n'ont pas le
ventre afTez rempli, & de l'avoine
pour les fortifier : ils peuvent faire
quatre, cinq ou fix ligues moyennes
chaque jour; mais lorfqu'ils paroif-
lent fatigués, il eft nécelfaire de les
faire féjourner pour qu'ils fe repofent.
■Si, dans les lieux où l'on s'arrête, il n'y
a point de râteliers, on attache plu-
■fieurs bottes de fourrage à une corde
par un nœud coulanr , & on les fuf-
pend à la hauteur des moutons. Ils
fe placent autour du fourrage : à me-
fure qu ils en mang-ent , le nœud fe
ferre , (^' empêche que le lefte du foin
ije tombe.
Quant aux précautions à prendre ,
lorfque les bètes à laine font arrivées
dans un pays nouveau pour elles , elles
fc réduifejit à peu de chofe, fi ces ani-
maux ne viennent pas de loin; jnais
fi on les a tirées d'un pays éloigné ,
on doit s'informer de la manière dont
elles y étaient nourries «Se conduites
au pâturage ; il faut câclier de les
gouveriier de la même manière, ik
de leur donner les mêmes nourritures;
Cl l'on eft obligé à quelque change-
ment , on ne le fera que peu à peu,
sk avjsc prudence^.
MOU
CHAPITRE II L
De la GÉNÉRATION!.
§. I. Des précautions qu'il faut
prendre pour l'accouflement des
betcs à iaine.
On doit faire un bon choix des
béliers & des brebis pour améliorer
les races , ou pour les empêcher de
dégénérer; il faut fur-tout ne pren-
dre , pour l'accouplement , que des
bctes tn bonne faute & en bon âge;
fi l'on s'apperçoit que quelques brebis
refuient le mile, on peut leur donner
quelques poignées d'avoine ou de
chenevis, ou une provende compofée
d'un oignon ou de deux gouifes d'ail,
coupés en petits morceaux, jSc mêlés
avec deux poignées de fon & une
demi-once de fel , qui tait deux pin-
cées; il faut traiter de même les
béliers , brfqu'ils ne font pas affez
ardens,
§. I I. Des foires qu'il faut avoir
des hj-ehif après l' accouple/nait^
Moyens pour prévenir les accidens
qui caufent l'avortement.
Il s'agit de préferver les brebis de
tout ce qui peut faire mourir l'a-
gneau dans le ventre de la mère, oy
la faite avorter; Ja mauvaife nour-
riture, la fatigue, les fauts, la com-
predlon du ven^te , la trop grande
chaleur , la frayeur peuvent caufec
ces accidens, qui ne font que trop
fréquens. ( J^'oyci Avortement )
On ne peut pas, à la vérité, pré-
venir la frayeur que caufe un coup de
îonnerrej ou l'approche d'un loupj
mais
MOU
mais on peut empêc'ier que les
chiens, les béliers, ou i'autres ani-
maux n epouvancenc les Hre'-'s l<^i'^
qu'elles font pleines j il faut les bien
nourrir, les conduire doucement, ne
les pas meccre dans le cas de lauter
des folTés , des rochers , des haies,
&c., de fe ferrer les un^s contre les
autres , ou de fe heurter contre des
portes , des murs , des pi^-rres ou des
arbres.
§. III. Combien de temps Us bref'ts
pertent-elles ? Comment ccnnott-on
qu'une brebis ejî prête à mettre
bas? Que faut-il faire lorfqu'elle
fouffre trop long-temps funs pouvoir
mettre bas ?
La brebis porte environ cent cin-
quante jours , qui font à peu près
cinq mois. On s'apperçoit qu'elle eft
prête à mettre bas , par le gonflement
des parties naturelles & du pis qui
fe remplit de lait , & par un écou-
lement de férofités & de glaires par
les parties naturelles , & que les ber-
gers appellent les mouillures \ elles
durent vingt - cinq jours , & quel-
quefois un mois ou fix femaines.
Si l'accouchement eft laborieux ,
fi la brebis fouffre trop long temps
fans pouvoir mettre bas , il faut
tâcher de favoir fi les forces lui
manquent, ou (i , au contraire, elle
a trop de chaleur & d'agitation ; dans
ce dernier cas il eft bon de la faigner,
mais fi elle eft foible , il faut lui
faire boire un verre de bon vin , ou
deux verres de piquette, ou de bierre,
ou de cidre, ou de poiré : on doit
préférer celai de ces breuvages qui
eft le moins cher dans le pays où l'on
fe trouve. On peut auflî donner à la
brebis la provende qui a été con-
sume f'^1.
MOU
^89
feillée pour exciter la chaleur dans
le temps de l'accouplement. ( Foye\
le §. J. ) Mais, avant d'employer les
remèdes , il faut être bien sûr que
l'accouchement n'eft retardé que par
la foiblelfc de la mère \ ih lui feroient
très-contraires fi , au lieu d'être trop
foible , elle étoit trop agitée j ce qu'il
eft aifé de connoîtie par la chaleur
des oreilles , & le pouls plus prompt
que dans les autres brebis , par la
langue & les lèvres fèches , la rou-
geur des yeux ik le battement du
flanc.
§. IV. Ce qu'il y a à faire lorfqu'une
brebis agnele , & que l'agneau fe
préfente mal. De la fituation de
l'agneau dans le ventre de la mère.
Des moyens à employer pour chan-
gci la mauvaije fituation de l'a-
gnei u. Du délivre.
11 n'y a rien à faire fi l'agneau fe
préfente bien &: fort facilement j mais
s'il refte trop long-temps au palTage,
il faut l'aider à fortir en le tirant
peu-à-peu & doucement; mais il faut
attendre pour cela que la brebis faffe
elle-même des efforts pour le poulfer
au-dehors; fi au contraire il fe pré-
fente mal, il faut tâcher de changer
fa mauvaife fituation, & de le re-
tourner pour le mettre en état de
fortir.
Pour que l'agneau forte aifément
du ventre de la mère , il faut qu'il
préfente le bout du mufeau à l'ou-
verture de la matrice ou portière ,
& qu'il ait les deux pieds de devant
au deftous du mufeau &c un peu en
avant; fes deux jambes de deirière
doivent être repliées fous fon ventre,
& s'étendre en arrière à mefure qu'il
fort de la matrice.
Sfff
É^O
MOU
Les maiivaifes fiuwtions les plus
fréquentes qui empL-chenc l'agiieaii
•de fortir de la matrice, font j i*'. la
mauvaife iituation de la tète, lorfque
l'agneau, au lieu de préfenter le bouc
du niufeau à l'ouverture de la ma-
trice , préfente quelque partie du
fommet ou des côtés de la tête j
tandis que le bout du mufeau eft
jouriié de côté ou en arrière.
, i". La mauvaife fituation àes
jambes de devant, qui, au lieu d'être
étendues en avant de façon que les
pieds fe trouvent à Touverture de la
matrice avec le mufeau , font repliées
fur le cou ou étendues en arrière.
3°. La mauvaife fituation du cor-
don ombilical , lorfqu'il paiîe devant
l'une des jambes.
Pour changer ces mauvaifes fitu.i-
tlons , le berger , lorfqu'il fent , à
l'ouverture de la matrice, la tête de
l'agneau, au lieu du mufeau, doit
râclier de repoulTer la tête en arrière,.
& d'attirer le mufeau à l'ouverture
de la matrice ; il eft néceiïaire qu'il
frotte fes doigts avec de l'huile, pour
faire cette opération fans blefler la
brebis ni l'agneau ; s'il ne voit pas les
pieds de devant, il faut cju'il tâche
de les trouver ^' de les attirer à l'ou*
verture de la matrice j fi les jambes
de devant font étendues en arrière ,
il faut que le berger tâche de faire
fortir la tête , enfuite qu'il elfaye
d'attirer les deux jambes de devant,
ou feulement l'une , pour empêcher
que les épaules ne forment un trop
grand obftacle à la fortie de l'agneau ;
fi les jambes de devant reftoient éten-
dues en arrière, on feroit obligé de
tu'er l'agneau avec rajit de force, que
l'on conrroit rifque de le faire mou-
rir. Lorfque Je berger reconnoît que
Je. cordon palfe devant l'une des jara-
MOU
bes, il doit tâcher de le rompre fans
attirer le délivre , le cordon fe rom-
pant de lui-même dès que l'agneau-
eft forti.
Le délivre eft compofé des mem-
branes qui enveloppoient l'agneau,
dans le ventre de la mèrej elles tom-
bent quelque temps après que l'agneau,
eft né. Si le délivre ne lort pas de
lui-même, le berger doit le tirer dou-
cement; s'il le tiroit avec force, il
rifqucroit de le cafTer ou de déchirer
la matrice , ou d'attirer celle-ci au—
dehors avec le délivre '■, lorfqu'il eft:
forti, on l'éloigné de la mère, pont
empêcher qu'elle ne le mange.
§. 'V^. Des foins qu'il faut avoir pour-
la brebis après qu'elle a mis bas>-
Des moyens à employer pour qu'elle
allaite fon agneau & qu'elle le
foigne. Ce qu'il y a à faire lorf-
quelle fait plus d'un agneau d'une
même portée,.
Quelques heures après que la bre-
bis a mis bas, il faut lui donner un
peu d'eau blanche tiède , du fon , de
l'orge ou de l'avoine, & la meilleure
nourriture que l'on pourra trouver
dans la laifon; on la lailfe avec ion
agneau pendant quelques jours 5 tanr
qu'elle allaite il tant la bien nourrir.
Pour que la brebis allaite fon
agneau & le feigne , on comprime
les mammelons de la mère, c'eft-à-
dire , les bouts du pis , afin de les
déboucher en faifant fortir un peu
de lait. Il faut prendre garde fi la
mère lèche fon agneau pour le fé-
cher j &r lorfqu'elle ne le fait pas , on
répand iin peu de fel en poudre fur
l'agneau , & on l'approche de la-
mère pour l'engager à le lécher par
l'appât du fel. Lorfque la faifou dt
MOU
iitimide ou froide , on peut , s'il eft
•néceiraire, aider la mère à fécher fon
agneau , en l'efTuyant avec du foin
ou avec un linge. Les brebis qui
agnclenc pour la première fois, fonc
plus lujettes que les ancres à négliger
leurs agneaux; pour les rendre plus
attentives, on les fcpare du troupeau,
&: on les enferme quelque part avec
leurs agneaux. Lorfqu'un agneau ne
cherche pas de lui-même la mam-
melle, c'eft-à-dire le pis pour tetcer,
il faut l'en approcher , & hiire couler
du lait de la mamnielle dans fa gueule.
Lorfqu'une brebis rebute fon agneau ,
qu'elle l'empêche de tetter &c qu'elle
le fuit, il faut la tenir en place, & le-
ver une jambe de derrière pour mettre
les mammelles à portée de l'agneau.
La brebis fait ordinairement un
feul agneau, quelquefois deux, Se
très-rarement trois. 11 y a des races
de brebis qui portent deux fois l'an.
On dit que celles des comtés de
Juliers & de Clèves portent deux fois ,
6c donnent deux ou trois agneaux
chaque fois; cinq brebis produifent
jufqu'à vingt-cinq agneaux en un an.
•Quoi qu'il en foit , fi la brebis qui
a fait plus d'un agneau eft graffe, l\
les mammelles font grolfes & bien
remplies , fi la faifon commence à
ctre bonne pour les pâturages , on
peut lailTer à la mère deux agneaux,
mais il faut lui ôter le troifième; &
même le fécond, fi elle tft foible ,
ou fi la faifon eft mauvaife.
§. VI. Comment fait-on venir du lait
aux brebis qui n'en ont pas affe-:^ ?
En quel temps peut-on traire les
brebis , & quelles font celles que l'on
jieuc traire ? De i'ufage du Uit.
On fait venir du lait aux brebis
en leur dounanc de l'avoine oti de
M O U
tfpi
Torge mêlées avec du fon , des raves
& des navets; des carottes, des pa-
nais ou des faihfix ; des pois cuits p
des fèves cuites , àcs choux ou du
lierre, &c. { ï'^oye^ tous ces mots)
on les mène dans les meilleurs pâ-
turages. On a remarqué que le chan-
gement de pâturage leur donne de
l'appétit , & leur fait beaucoup de
bien , pourvu qu'on ne les fade pas
fortir d'un bon pâturage pour les
mettre dans un moindre.
Lorfque l'agneau qu'allaitoit une
mère brebis ne peut pas la terter, on
tire le lait delamammelle pour le faire
boire à l'agneau. On peut auili traire
les brebis lorfque les agneaux font
morts ou levrés. Il y a des bergers
allemands qui lèvrent les agneaux s.
huit ou dix femaines , & qui traient
enfmte les mères pendant toute l'an-
née. Dès que les agneaux peuvent
paître , il y a des gens qui les fé-
parent des mères fans les ievrer en-
tièrement. Le matin , après avoir
trait les mères , ils font venir les
agneaux pour tetter le peu de lait qui
eft refté dans les mammelles, enfuite
ils éloignent les agneaux pendant
toute la journée; le foir, ils les font
revenir pour tetter encore , après que
l'on a trait les brebis. On dit que le
peu de lait qui refte à chaque fois,
joint à l'herbe des pâturages , fuffic
pour la nourriture de ces agneaux ;
mais, (\ l'heibe n'étoit pas afiez nour-
rilfante, cet ufage pourroit leur être
nuilible. • '
L'écoulement de lait préferve les
brebis de pluheurs maladies qui pour-
roient venir d'humeurs trop abon-
dantes; mais lorfqu'il dure trop long-
temps, les brebis maigrillent & dé-
périlfenc, & elles donnent moins de
laine,
§fffi
C^i MOU
On ne rifqiie rien de traire les
brebis dont la laine eft de maiivaife
qualité & de peu de produit, mais
il ne faut pas traire celles qui ont de
bonne laine, & principalement celles
dont on veut relever ou maintenir la
race j cependant , fi elles étoient
foupçonnées de maladies produites
par des humeurs trop abondantes ,
on pourroit les traire une ou deux
fois par femaine, pour donner ilHie à
ces humeurs. On croit que cette pré-
caution les préferve de la pulmonie,
de la pourriture , &c.; ( Voyc-:{. ces
mots ) mais il faudroit jeter ce lait
comme mal fain.
Quant à l'ufage du lait de la brebis ,
il eft le même que celui de la vache 5
( /^oye^ Boeuf) il rend moins
de petit lait , mais il eft plus gras
& plus agréable au goût , il a plus
de parties propres à faire du fromage j
on en fait de très-bons & de très-
recherchés , principalement ceux de
Roquefort en Rouergue.
§. VII. T>cs foins qu'il faut avoir
lorf qu'un agneau vient de naître.
Manière de reconnaître la bonne
qualité de lait. Ce qu'il y a à faire
lorfque la mère n'a point de lait ^
ou n'en a pas ajfei^ lorfqu'il ejl
mauvais j quelle ejl malade y ou
qu'elle ejl morte en agnelant.
Lorfcju'un agneau vient de naître,
il faut vifiter le pis de la mère, pour
couper la laine , s'il y en a deifus,
pour favoir s'il eft alTez plein de lair,
& pour en faire forrir des mamme-
lons, afin de voir s'il eft bon ; en-
fuite il faut pr-endre garde fi la mère
lèche fon agneau , &c fi l'agneau la
terre.
MOU
On peut croire que le lait eft bon;
lorfque la mère eft en bonne fanté,
& lorfqu'il eft blanc & de bonne
confiftance , c'eft-à-dire , alTez épais j
mais lorfqu'il eft gluant , bleuâtre,
jaunâtre ou clair, il eft mauvais.
Si une brebis mère eft malade,
ou fi elle eft morre en agnelant, il
faut donner à l'agneau , pour l'allaiter,
une autre mère qui aura perdu le
lien J ou une chèvre qui aura du lait.
11 arrive fouvent qu'une brebis ne
veut pas allaiter un agneau qui ne
vient pas d'elle ; mais on dit que l'on
peut la tromper en couvrant cet
agneau pendant une nuit avec la peau
de celui qui eft mort, fi cette peau
eft encore fraîche j quoiqu'on l'ôte le
matin, la brebis croit déjà avoir re-
trouvé fon propre agneau : mais on
a éprouvé un moyen plus facile que
celui-là , c'eft de frotter feulement
l'agneau mort contre celui que Ton
veut faire tetter à fa place.
Si l'on n'a ni brebis , ni chèvre
pour allaiter un agneau privé de fa
mère ; on fait boire à cet agneau
du lait tiède de brebis , de chèvre
ou de vache, d'abord par cuillerées ,
enfuite au moyen d'un biberon dont
le bec eft garni d'un linge , afin
que l'agneau puifTe fucer ce linge
à -peu -près comme le mammelon
d'une brebis : on lui préfente le bi-
beron aulîi fouvent qu'il auroit tetté
la mère. 11 faut faire enforte que le
mufeau ne foit pas trop élevé, parce
que dans cette poi^ure le lait pour-
roit fuftoquer l'agneau en entrant dans
le corner; on rient l'agneau dans un
lieu un peu chaud , pour fuppléer
à la chaleur qu'il auroit reçue de fa
mère, s'il avoit été couché contr'elle.
Il y a des agneaux qui , au bout de
trois jours, peuvent fe palTer de bi-
MOU
beron , & boire dans un vafe. On
commence par faire boire du lait aux
agneaux quatre fois par jour, enfuire
trois fois , 6c enfin deux fois , jufqu'à
ce qu'ils foient alTez forts pour man-
ger de l'herbe. Si l'on n'avoir point
de laie, ou fi on vouloit l'épargner,
on pourroit leur donner de l'eau
tiède, mêlée de farine d'orge 5 mais
cette boilTon eft moins nourrilTante
que le lait.
§. VIII. Que faut-il faire lorfqu'on
s'appercoit qu'un agneau eft tujle ,
foible , ou maigre., ou engourdi par
le froid?
Lorsqu'un agneau eft trifte , foible
ou maigre , le berger doit obferver fi
la mère eft en bonne fanté , fi fon
lait eft bon, fi l'agneau la tette, ou
fi quelqu'autre agneau lui dérobe fon
lait. Il y a des agneaux gourmands
qui tettent plufieurs mères les unes
après les autres , ce qui prive les
autres agneaux de la nourriture de
leur mère ; il faut veiller foigneu-
fement à ce que tous les agneaux ,
principalement les plus foibles, tet-
lent leurs mères , & à ce qu'ils aient
de bon lait & en fuffifante quantité.
La plupart des agneaux qui périlfent,
meurent de faim , ou n'ont eu que
de mauvais lait.
Si un agneau a beaucoup foufFerc
du froid , il faut le réchauffer en
l'enveloppant de linges cliauds, en le
couchant auprès d'un teu doux , & en
le difpofant de manière que la tète
foit à l'ombre du corps. En Angle-
terre, on met ces agneaux refroidis
dans une meule de foin , ou dans un
four chauffé feulement avec de la
paille j on en a fauve de cette ma-
MOU
^93
nière qui avoient tant foufFerc du
froid, qu'ils donnoient à peine quel-
ques fignes de vie. On fait prendre .à
l'agneau une petite cuillerée de lait
tiède , ou , s'il eft nécefTaite , une
cuillerée de bierre ou devin, mêlés
d'eau : on le nourrit au coin du teu
pendant quelques jours s'il eft foible,
enfuite on le met avec fa mère, juf-
qu'à ce qu'il foit rétabli , dans un lieu
couvert & même fermé.
§. IX. Que faut-il faire des agneaux
qui ne viennent qu'à la fin d'avril
ou en mai ?
On ne doit point garder ces
agneaux pour les troupeaux , parce
qu'ils font foibles & petits. On les
engraifle pour les manger. 11 eft fa-
cile de les engraifTer , parce qu'ils
nailîent dans une faifon oii il y a
déjà de l'herbe. Ces agneaux font
les premiers des jeunes brebis , ou
les derniers qui viennent des vieilles.
Nous leur donnons le nom de tar-
dons , parce qu'ils font venus trop
tard 5 on les appelle en Angleterre ,
agneaux-coucous , parce qu'ils naif-
fent dans la faifon où cet oifeau
chante.
§. X. Manière d'engraijfer les
aoneaux.
o
On garde les agneaux à la ber-
gerie où ils tettent les mères , foir
& matin, & pendant la nuit. Dans
le jour , tandis que leurs mères font
aux champs , on leur fait tetter des
marâtres, c'eft- à-dire, des brebis qui
ont perdu leurs agneaux. On donne
de la litière fraîche , une ou deux
^94
MOU"
fois eu vingt - quatie heures , aiù
aeneaux que l'on eugrailTe. On mec
auprès d eux une pierre de craie
pour qu'ils la lèchenc. La craie les
préferve du dévoieraenc ( f'^oye^ ce
mot ) auquel ils fon: fujets , & qui
les empccheroic d'en^raiirer. Lorf-
que les agneaux mâles que l'on
engrailfe, ont quinze jours , il faut
les couper , comme il iera expliqué
au §. Xliî Les agneaux mâles
coupés ont la chair auiîi bonne que
celle des agneaux femelles j mais ils
ne deviennent pas fi gros que ceux
qui n'ont pas été coupes. La plupart
des gens qui engraillent des agneaux
pour les vendre , aiment mieux ne
les pas couper , pourvu qu'ils foient
plus gros , quoique leur chair n'ait
pas alors il bon goût, ils les vendent
mieux.
§. XI. A quel âge les agneaux peu-
vent-ils prendre d'autres nourritures
que le lait ? (Quelles précautions
y a-t-il à prendre jufquà ce quils
foient fevrés. Quand & comment
faut-il Us fevrer ?
Il y a At% agneaux qui commen-
cent à mander dans l'autie & au
lacelier , «Je à brouter l'herbe a l'âge
de dix- huit jours. Alors on peut leur
donner les chofes fuivantes dans les
auges.
1°. De la farine d'avoine feule, ou
mêlée avec du fon : on dit que le
■fon leur donneroit trop de ventre s'il
n'étoit pas mêlé avec d'autres nour-
ritures. 2°. Des pois, les bleus font
plus tendres & plus nourrilfans que
les blancs & les gris. Si l'on fait
MOU
crever les pois dans l'eau bouillante,'
& li on les mêle avec du lait, ilsfonc
encore plustendres& plusappéciffans.
On peut aulfi les mêler avec de la,
farine d'avoine ou d'orge \ mais la.
farine d'orge dégoûte les agneaux ,
parce qu'elle reûe entte leurs dents.
5 ''.De l'avoine ou de l'orge engraiû:
l'avoine eft la nourriture que les
agneaux aiment le mieux ; c'eft auffi
la plus faine, &; cellequi les engraille
le plus promptement. 4°. Du foin le
plus fin , de la paille battue deux
tois , pour la rendre plus douce ; du
trcffle fec,desgerbées d'avoine , c^cc,
& principalement du fain-foin. 5°. Les
herbes des prés bas , & routes celles
qui font bonnes pour l'engrais des
moutons , comme on le verra dans
le §. II du chapitre quatrième.
Les précautions que demandent les
agneaux jufqu'à ce qu'ils foient fe-
vrés , conliftenc à ne pas renir trop
chaudement ceux que l'on eft obligé
de mettre à couvert à caufe des
grands froids ; on doit leur donner
de l'air & les faire forcir le plus fou-
vent qu'il eft podîble , pour les for-
tiher. Lorfqu'un agneau a huit jours,
il peuc déjà fuivre fa mère près de
la bergerie.
On fèvre les agneaux lorfque
le laie de la mère commence à
tarir : alors l'agneau a environ deux
mois. C'eft vers le premier de mai,
pour les agneaux qui viennent à la
fin de février ou au commencement
de mars. Lorfque les agneaux naif-
fent plutôt , on eft obligé de les
laitfer tetter plus de deux mois , afin
qu'ils puilfent avoir de bonne herbe
lorfqu'on les fèvre. Par exemple ,
un agneau qui vient en décembre ,
ne pourroic avoir de bonne herbe
MOU
en février : dans les pays où rhivet
eft rude , il faut attendre le mois
de mars ou d'avril pour le fevrer.
Il y a des gens qui ne fèvrent les
agneaux qu'au temps de la tonte ;
quelques-uns ne reconnoiirent plus
leurs mères apiès qu'elles ont été
dépouillées de leur toifon j il arrive
plus louvent qiie la mère ne recon-
iioîc fon agneau que difficilement
après qu'il a été tondu. Si l'agneau
refte toujours avec fa mère , elle le
fèvre d'elle-mcme , lorfque le lait
lui manque , ou lorfqu'elle entre en
chaleur : alors elle repoufle fon
agneau , & lui fait perdre l'habitude
de tetter : quelquefois aufîi les
agneaux s'en dégoûtent lorfqu^ils ont
de bons pâturages.
Pour fevrer les agneaux , on les
fépare des mères , & s'il eft po.lible ,
en les éloigne affez pour qu'ils ne
puilTent pas entendre la voix des
mères , ni leur faire entendre la leur.
Pour qu'ils s'oublient de parc & d'au-
tre plus promptemenr, on met les
agneaux jufqu'au nombre de quarante,
avec une vieille brebis , pour les
conduire & les empêcher de s'écarter.
On les fait paître dans des prairies
de treffle , de mélilot ou de raygras ,.
&c. ; on peut auHi les mettre dans
des prairies ordinaires qui ne foient
pas humides. On a trouvé un moyen
de fevrer les agneaux fans les fé-
parer de leurs mères. On leur me:
une forte de cavelîbn ou mufelière
aflez lâche pour leur laifier la liberté
de manger, & garni fur le nez de
pointes ou d'épines qui piquent les
mammelles de la mère,. & l'obligent
à repouiïer l'agneau lorfqu'il veut
tetter ; mais il faut que ces piquans
foient alTez doux pour ne pas blelfer
les mamixielles.
MOU
(3 pi
§. XII. Doit-on couper ta queue des
agneaux? Manière de la couper.
Il s'attache beaucoup d'ordures à
la queue des bêtes à laine, princi-
palement lorfqu'elles ont le dcvoie-
ment. ( f-'oye^ ce mot ) Celles donc
la queue a été coupée , font les
plus propres. Les moutons qui n'ont
poinr de queue parollfent avoir la
croupe plus large. On dit que l'on
ne raccourcit la queue des agneaux ,
que pour empêcher qu'elle ne fe
charge de boue par l'extrémité , &•
que cette boue une fois durcie , ne
blefle les pieds de la bête , ou ne
l'excite à courir. Lorfqu'elle a com-
mencé à doubler le pas , la pelotre
de terre dure , attachée au bout de
la queue , trappe de plus en plus
fur le bas des jambes ; ces coups re-
doublés animent la bête au point
qu'il eft difficile de l'arrêter. 11 eft
donc à propos de couper la queue
des agneaux dans les pays où la
terre eft de nature à s'arracher &
à fe durcir à, l'extrémité de leurs-
queues.
On fait cette opéra non ptir urr
temps doux , lorfque l'agneau a un
mois , fix femaines, ou deux mois,,
ou dans l'automne qui fuit fa naif-
faiice. On coupe la queue à l'endroic
d'une jointure entre deux os , & l'on
met des cendres fur la plaie. Si leS'
cendres ne fuffifoient pas feules ,,
on les mèleroir avec du fuif.
Il eft bon même de couper la'
laine de la queue , ainfî que des
felTes y lorfqu'elle eft chargée d'or-
dures qui pourroient caufer des dc-
mangeaifons & la gale. (^0)2:5; ce*
mots.. ]
^9<J MOU MOU
Quant aux autres manières de
§. XIII. De la cajlration. A quel châcrer les agneaux , confultez l'ai-
âge& comment dû'u-on la faire? ticle Castration.
Pour faire cette opération, on doit
On chcâtre les agneaux pour len- bien comprendre qu'il faut choifir un
dre la chair de l'animal plus tendre , temps qui ne foit ni trop chaud, ni
& pour lui ôter un mauvais goût trop froid. La grande chaleur pour-
qu'elle auroit naturellement, fi on roit caufer la grangrène dans la plaie;
le lailToit dans l'état de bélier j pour le trop grand froid l'empècheroit de
le difpofer à prendre plus de grailfe ; guérir. Après l'opération , on frotte
pour rendre la laine plus fine & les bourfes avec du fain-doux ; on
plus abondante : en même temps on tient les agneaux en repos pendant
rend l'animal plus doux & plus aifé deux ou trois jours , & on les nour-
à conduire. rit mieux qu'à l'ordinaire.
On les appelle moutons, lorfqu'ils
font âgés d'un an. §. XIV. Des moutonnes. A quel
C'eftàhuitouquinze jours après leur âge & comment fait- on les mour
naiiïance , qu'on châtre les agneaux. tonnes?
On eft aufli dans l'ufage de ne les
châtrer qu'à l'âge de trois femaines , Les moutonnes font des brebis
ou de cinq à fix mois \ mais leur auxquelles on a ôté les ovaires dans
chair n'eft jamais fi bonne que s'ils leur premier âge, pour les empêcher
avoient été châtrés huit jours après d'engendrer. On les appelle, à caufe
leur naidance : plus on retarde cette de cela, brebis châtrices ; mais il
opération , plus elle fait périr d'à- vaut mieux leur donner le nom de
gneaux. Ceux qui ont été châtrés moutonnes , parce qu'elles font dans
n'ont pas la tète auili belle , & le même cas que les moutons,
ne deviennent pas auflî gros que les On fait des moutonnes pour ren-»
autres. dre les brebis aufTi utiles que les
Lorfqu'oii châtre les agneaux à moutons , par le produit de la laine,
huit ou dix jours , la manière la &: par la qualité de la chair,
plus fimple eft de leur faire une Pour faire des moutonnes , on
ouverture par incillon au bas des attend que les agneaux femelles
bourfes , & de couper les cofdons aient environ fix femaines , parce
qui font au-deiïus des tefticules : qu'il faut que les ovaires foient à-
c'elt ce que l'on appelle châtrer en peu-piès gros comme des haricots ,
agneaux. Lorfque les agneaux font ahn que l'on puilfe les reconnoître
plus âgés , on incife les bourfes de aifcment en les cherchant avec le
chaque côté de leur fond j on fait doigt.
fprtir un tefticule par chacune de ces Le berger qui fait l'opération, com-
Quvertnres , & on coupe le cordon mence par coucher l'agneau fur le
qui eft au-delTus de chaque tefticule. coté droit , près du bord d'une ta-
On appelle cette opération, châtrer ble , ahij que la tète foit pendante
en veau , parce que c'eft ainfi que hors de la table. Enfuite il place à
l'on châtre les veaux, fa gauche un aide qui ctend la jambe
gauche
MOU
gauclie de (hrrière de l'agneau , 8c
qui l'empoigne avec la main gau-
che à l'eiidroic du canon , c'eft à-dire
au-delfus des ergots , pour la tenir
en place. Un fécond aide , placé à
la droite de l'opérateur , raflemble
les deux jambes de devanc de l'a-
gneau , avec la jambe droite de der-
rière , (Se les contient en les em-
poignant toutes les trois de la main
droite, à l'endroit des canons. ( f^oye:^
la planche VIII de l'ouvrage de
M, Dauhenton _, déjà cité j fig. i ,
page 231 ). L'agneau étant ainfi
difpofé , l'opérateur foulève la peau
du flanc gauche avec les deux pre-
miers doigts de la main gauche, pour
former un pli à égale diftance de
la partie la plus haute de l'os de la
hanche & du nombril. L'aide du
côté gauche , alonge ce pli auilî
avec la main gauche jufqu'à l'endroit
des faull'es côtes. Alors l'opérateur
coupe le pli avec un couteau , de
manière que l'inciiion n'ait qu'un
pouce & demi de longueur , & fuive
une ligne qui iroit depuis la partie la
plus haute de l'os de la hanche juf-
qu'au nombril. L'ouverture étant
faite, en coupant peu-à-peu toute
l'épailTeur de la chair , jufqu'à l'en-
droit des boyaux , fans les toucher ,
l'opérateur introduit le doigt index ,
c'eft-à-dire , celui qui eft. près du
pouce , dans le ventre de l'agneau ,
pour chercher l'ovaire gauche j lorf-
qu'il l'a fenti , il l'attire doucement
au- dehors. Les deux liframens larçes ,
la matrice & l'autre ovaire fortent
en même temps. L'opérateur enlève
les deux ovaires, & fait rentrer les
ligamens & la matrice j enfuite il
fait trois -points de couture à l'en-
droit de l'ouverture pour la fermer \
il ne palTe l'aiguille que dans la
Tome VI.
MOU
(?97
pe.au, il a foin qu'elle n'entre pas dans
la chair ; il lailfe paiTer au dehors'
les deux bouts du fil , & il met un
peu de graiffe fur la plaie. Au bouc
de dix ou de douze jours , lorfque
la peau eft: cicatrifée , on coupe le
fil au point de couture du milieu ,
& on tire les deux bouts qui paf-
fent au-dehors , pour enlever le fil ,
afin d'empêcher qu'il ne caufe une
fuppuration. Lorfque cette opération
eft: bien faite , !.,s agneaux ne s'en
relTentent que le premier jour ; ils
ont les jambes un peu roides \ ils ne
tettent pas; mais dès le fécond jour,
ils font comme à l'ordinaire.
CHAPITRE IV.
Dz l'Engrais des Moutons^
§. I. Du terrein qui convient le
mieux aux moutons pour l'en-
grais.
En général , les terreins fecs $c
élevés conviennent mieux aux bêtes
à laine que les terreins bas & hu-
mides , principalement aux béliers,
& aux moutons de garde , c'efl:-à-
dire , aux moutons que l'on ne veut
pas engraifîer ; mais l'humidité des
pâturages contribue à engrailfer les
moutons & les brebis deftinés à la boi;-
cherie, ainfi que les béliers tournés.
Des moutons de trois & de quatre
ans ne profitent que dans les terreins
où il y a beaucoup d'herbages 5 mais
les moutons d'un an & de deux ans
peuvent profiter dans des terreins où
les pâturages font moins fournis,
§. II. Manière d'engraifjer les mou-
tons. Des meilleurs herbages.
Il y a trois manières d'engraiffer
les moutons. L'une ell de les faire
T t t t
6c,^ M O U
pâcurer dans de bons herbages :
c'eft ce que l'on appelle l'engrais
diieibe , ou la rraille d'herbe. L'au-
rre manière ert de leur donner de
bonnes nourritures au râtelier & dans
des auges : c'ell l'engrais de pouture,
ou la graiire fèche , la graille pro-
duite par des fourrages fecs. La
troifième manière eft de commencer
par mettre les moutons aux herbages
en automne j & enfuite à la pou-
ture.
Le temps néceifaire pour engraif-
fer les moutons par les engrais d'her-
bages , eft relatif à l'abondance & à
la qualité de ces mêmes herbages j
lorfqu'ils font bons , on peut en-
grailler des moutons en deux ou trois
mois , & faire par confcquent trois
engrais par an dans le même pâtu-
rage , en commençant dès le mois
de mars. Lorfque les pâturages font
moins bos^s , il faut plus de temps
pour engrnilTer les moutons.
11 faut laifier les mourons en re-
pos le plus qu'il eft poffible , les
mener très-doucemenr , prendre
garde qu'ils ne s'échaufîent j. les faire
boire le plus que l'on peut , & pren-
dre bien garde qu'ils n'aient le dcvoie-
ment , qui eft ordinairement occa-
fionné par la rofce.
Cette manière d'engraiffer les mou-
tons n'a lieu qu'au printemps. En été
& en automne , dans les pays où les
gelées détruifent l'herbe , on mène les
moutons au pâturage de grand matin,
avant que le foleil ait fèché l'herbe;
on les met au frais & à l'ombre
pendant la chaleur du Jour , & on
les fait boire \ on les remène fur le
foir dans des pâturages humides ,
& on les y lailfe jufqu'à la nuit.
Les meilleurs herbages pour en-
graiffer les moutons, font la luzerne;
M O U
outre qu'elle eft très - nourrllfante ,
elle engrailfe très - promptement ^
mais on dit qu'elle donne à ia graille
des moutons une couleur jaunâtre
& un goût défagréable ; d'ailleurs
elle peut les faire enfler , & par
conféquent les faire mourir. Les
tréfiles offrent les mêmes avantages
& les mêmes inconvéniens que la
luzerne : on prétend qu'ils rendent 1»
chair jaunâtre j mais qu'elle a bon
goût. Le fain-foin eft fort bon pour
engrailTer , & l'on n'a rien à en
craindre. Le froaiental , la coquiole
ou graine d'oifeau , le thimuthy, le
ray-gras , les herbes des prés , fur-
tout des prés bas & humides , &
dans certains pays les chaumes après la
moillon , & les herbages des bois y
font aulli de bons engrais pour les
mourons ; mais ils ne les engraiffenr'
pas auflî promptement que la luzerne ,
le treffle & le fain-foin.
L'engrais de pouture fe fait pen-
dant la mauvaife faifon ; par exem-
ple , à Noël. Après avoir tondu leS'
moutons , on les renferme dans une
érable, & on ne les lailfe fortir qu'.x
midi pendant que l'on met de la
nourriture dans leurs auges. Le ma-
tin & le foir on leur donne à manger
au rarelier, &■ même pendant les
nuits longues. On leur donne de
bons fourrages & des grains ou
d'autres chofes fort nourrifiantes ,
fuivant les produétions du pays &c
le prix des denrées ; car il faut
prendre garde que les frais de l'en-
grais n'emportent le gain que l'on
devroit faire en vendant les mou-
tons gras.
Dans plufîeurs pays on donne aux
moutons de trois ou quatre ans , le
matin , trois quarterons de foin à
chacun , & autant le foir ; à midi
MOU
îiue livre d'avoine & une livre de
maton ,c'efl: à-diie, de pain ou tourte
de navette , ou rabecte , ou de che-
nevi réduit en morceaux gros comme
des noifcttes j on les fait boire tous
les jours. Dans d'autres pays on ne
leur donne à chacun le matin, que
dix onces de foin j à midi un quar-
teron d'avoine & une demi-livre de
maron , & le foir dix onces de foin ;
mais la meilleure manière eft de leur
donner de ces nourritures tant qu'ils
en peuvent manger. Le maton rend
la chair huileufe & le fuint trop
abondant. 11 faut fubftituer au ma-
ton une autre nourriture pendant les
quuize derniers jours, pour donner
bon goût à la chair.
Les meilleures nourritures pour
l'engrais de pouture , font les grains ,
tels que l'avoine en grain , ou grof-
fièrement moulue , l'orge ou la fa-
rine d'orge , les pois , les têves, dcc.
La nourriture qui engrailfe le plutôt,
ell l'avoine en grain , mêlée avec
de la farine d'orge ou de fon , ou
avec les deux enfemble. Si on ne
mettoit que du fon avec la farine
d'orge j cette nourriture , comme
nous l'avons déjà dit , refteroit entre
les dents des moutons , & ils s'en
<légoûteroient.
On engrailfe encore les moutons
avec des navets ou des choux. Pour
les engrailfer avec des navets , on
commence par faire pâturer les mou-
tons dans des chaumes après la moif-
fon jufqu'au mois d'oétobre, pour les
difpofer à l'engrais. Enfuite on les
met dans un champ de navets pen-
dant le jour ; le foir on leur donne
de l'avoine avec du fon &: de la fa-
rine d'orge. Les navets qui font dans
de bon^ terreins , bien cultivés, & pris
avant d'être trop vieux, ou pourris.
M O U
(Î99
ou gelés, valent prefque autant que
l'herbe pour engrailfer, Ils rendent la
chair des moutons, tendre & de bon
goût. Mais lorfqu'on donne le foir
une bonne nourriture d'auge aux
moutons , elle contribue plus encore
que les navets à les engrailfer , &
à rendre leur chair tendre : elle les
préferve des maladies que les navets
peuvent leur donner lorfqu'ils font
dans un terrein humide. Les navets
trop vieux & jSlandreux , pourris ou
gelés, font une mauvaife nourriture.
Un arpent de bons navets peut en-
grailfer treize ou quatorze moutons.
Quant à l'engrais des moutons
avec les choux , on met les moutons
dans des champs de choux cavaliers
ou de choux frifés , ( f^oye-^ Chou )
depuis le mois d'oélobre ou de no-
vembre jufqu'au mois de février. Les
choux engrailfeftt les moutons plutôt
que l'herbe j mais ils donnent à la
chait un goût de rance, & lorfque
les moutons mangent de vieux choux ,
leur haleine a une mauvaife odeur
qui fe fait fentir lorfqu'on approche
du troupeau. Pour empêcher que
les choux ne donnent un mauvais
goût à la chair des moutons , ou ne
les falfe ender , il faut leur donner
en mcme-temps une nourriture d'auge
plus douce , telle que l'avoine , les
pois , la farine d'orge , &c.
§. III. /^ quel âge faut-il engraijfer
les moutons ? Comment connaît-
on qu'un mouton ejl gras ?
Si l'on veut avoir des moutons
gras, dont la chair foit tendre Se de
bon goût , il faut les engrailTer de
pouture à l'âge de deux ou trois
ans. Les moutons de deux ans ont
peu de corps, & prennent peu de
T t t t 2
700
MOU
grailTe. A trois ans ils font plus gros,
& prennent plus de graifle. A quatre
ans ils font encore plus gros & ils
deviennent plus gras ; mais leur
chair eft moins tendre. A cinq ans
la chair eft dure & fèche; cepen-
dant fi l'on veut avoir le produit
des toifons & des fumiers , on at-
tend encore plus tard , mcme juf-
qu'à dix ans, lorfqu'on eft dans un
pays où les moutons peuvent vivre
jufqu'à cet âge j m,ais il faut les
engrailfer un an ou quinze mois
avant le temps où ils commenceroient
à dépérir.
On connoît qu'un mouton eft gras ,
en le tarant à la queue , qui de-
vient quelquet^ois grolfe comme le
poignet; on regarde aufli aux épaules
& à la poitrine, & fi l'on y fent de
Ja graille, c'eft ligne que les moutons
font bien gras. Lorfqu'après les avoir
dépouillés on voie fur le dos la grailfe
paroître en petites veflies comme de
l'écume , c'eft une marque de bon
engrais : cela arrive ordinairement
lorfqu'ils ont mangé des navets. Les
mourons que l'on a engrailfés d'her-
bages ou de pouture ne vivroient
pas plus de trois mois , quand même
on ne les livreroit pas au boucher.
L'eau qui contribue à ces engrais ,
caiiferoit la maladie de la pourriture.
( P^oye^ ce mot )
CHAPITRE V.
De la conduire des moutons aux
pâturages.
Les principales règles que les
bergers doivent fuivre pour faite
paître les moutons , peuvent fe ré-
duire à fept.
i". Faire paître les moutons tous
les jours , s'il eft poffible,
MOU
i". Ne les pas arrêter trop fo«-
vent en pâturant , excepté dans les
pâturages clos.
3°. Empêcher qu'ils ne faffent du
dommage dans les terres expofées
au dégât.
4^. Eviter les terreins humides
& les herbes chargées de rofées ou
de gelées blanches.
5 "". Mettre les moutons à l'ombre
durant la plus grande ardeur du
foleil , & les conduire le matin fut
des coteaux expofés au couchant ,
(Se le foir fur des coteaux expofés au
levant , autant qu'il eft pofîible.
6''. Eloigner les mourons des her-
bes qui peuvent leur être nui/îbles.
7". Les conduire lenrement , fur-
tout lorfqu'ils montent des colines.
Nous allons, pour l'inftrudtion des
gens de la campagne , faire un para-
graphe particulier de chacune de ces
règles principales.
§. 1. Pourquoi faire paître les mou-
tons tous les jours ?
On doit faire paître les moutons
tous les jours , parce que la manière
la plus naturelle & la moins coûteufe
de nourrir les moutons , eft de les
faire pâturer , & qu'on n'y fupplée
qu'imparfaitement en leur donnant
des feutrages au râtelier. En pâtu-
rant ils choififTent leur nourriture à
leur gié , & la prennent dans le
meilleur état : l'herbe leur profite
toujours mieux que le foin & la
paille. Quand même ils ne trouve-
roient point de pâture dans les
champs , l'exercice qu'ils prcndroient
en marchant j leur donneroit de lap-
pctit pour les fourrages fecs ; d'ail-
leurs, l'allure naturelle des bêtes à
laine eft de vaguer de place en place
MOU
pour paître : cet exercice entretient
leur vigueur.
§. II. Pourquoi ne pas laijfer paître
les troupeaux en liberté dans les
pâturages clos , comme dans ceux
des champs ?
Les bctes à laine gâteroient pKis
d'herbe avec les pieds qu'elles n'en
brouteroienr , fi on les laiflbit par-
courir en libeité un patinage abon-
dant. Pour confervet l'herbe, on ne
livre chaque jour au troupeau que
celle qu'il peut coiifommer \ on le
retient dans un parc où il fe trouve
aiïez d'herbe pour le nombre des
inoutons j le lendemain on change
le parc, & fucceiTivement le trou-
peau parcourt tout le pâturage.
§. III. Pourquoi éviter les terreins
humides ?
Quoique les terreins humides foient
ceux où l'herbe efl le plus abondante,
rirumidité eft contraire aux moutons,
lorfqii'il y en a trop dans le fol qu'ils
habitent ou qu'ils parcourent, & dans
les herbes aqueufes qu'il produit.
Cette humidité, lorfqu'elle eft froide
comme celle des rofées , peut caufer
la maladie appellée la pourriture, le
foie pourri, la maladie du foie, le
gamer ou gamige. ( Voye^ ces mots )
L'humidité caufe aufli aux mourons
des coliques très- dangereufes 5 leur
inftindl les porte à attendre d'eux-
mêmes dans les champs , avant de
pâturer , que la roféè ou la gelée
blanche foient difiipécs.
Ordinairement la rofée eft plus
froide que la pluie ou le ferein ; les
bctci à laine pâturent avec moins
MOU
701
d'appétit lorfque l'herbe eft mouillée ,
excepté dans les temps où la pluie,
arrivant après une grande féchtrelTe,
humeûe l'herbe , & la rend plus
douce & plus appétiftante.
§. IV. Pourquoi faut -il mettre les
bêtes à laine- à l'ombre , & les faire
marcher le matin du côté du cou-
chant j & le foir du côté du levante
On met les moutons à l'ombre ,
parce que la grande chaleur eft plus
.à craindre pour eux que le grand
froid j leur laine, qui empêche que
l'air ne les rtfroidilte en hiver, em-
pêche auffi que l'air ne les rafraîchifle
en été. Se n'augmente la chaleur de
leur corps au point de les empêcher
de pâturer; c'eft pourquoi il faut les
mettre à l'ombre durant la grande
ardeur du foleil, qui les échaufïerolc
beaucoup trop fous leur laine; d'ail-
leurs , ces animaux ont le cerveau
foible, les rayons du foleil tombant à
plomb fur leur têre , peuvent leur
caufer des vertiges ( /^oye:j Vertige ,
Tournoiement ) qui les font
tourner, & le mal, appelle la cha-
leur , qui les fait périr promptemenr,
fi l'on n'y remédie par la faii',née :
il faut les mettre à l'ombre d'un mur
ou d'un arbre dans le milieu du Jour;
le matin on doit les conduire â\\ côté
du couchant, &: le foir du côté du
levant , pour que leur lête foit d
l'ombre du corps , tandis qu'elles la
tiennent bailTée en pâturant.
Alais, me dira-t on , lorfque les
moutons fe ferrent les uns contre les
autres, & que charun d'eux baille le
cou & place la tête fous le ventre de
fon voifin , n'eft-elle pas fufSfamnienî
70Î MOU
garantie de l'ardeur du foleil ? Il eft
vrai que la tête du mouton eft a
l'ombre j mais cette iitiiation eft plus
dangereule que l'ardeur du loleil ,
parce que la tête eft penchée Se en-
vironnée d'un air chargé de pjuffièie,
ëc iuteélé par la vapeur du corps des
moutons , qui l'échauffé, & qui em-
pêche qu'il ne fe renouvelle j aufti les
moutons ne cachent leur tête que pour
mettre leuts nafeaux à l'abri de la per-
fécutioii des mouches qui les cher-
chent pour y pondre leurs œufsj dans
ce cas , il faut conduire le troupeau
dans un lieu frais.
Les moutons ne peuvent pâturer,
lorfque la terre eft couverte d'une
alTez grande épaifleur de neige pour
empêcher qu'ils ne découvrent l'herbe
avec les pieds; alors on ne les con-
duit dans la campagne que pour les
faire boire & pour les promener ;
mais lorfque les vents font très-
grands & les pluies très-abondantes ,
il ne faut pas les faire fortir pendant
le fort de l'orage ; il faut les mener
paîtte le matin, au lever du foleil,
îorfqu'il n'y a point de rofée ou de
brouillard j & Iorfqu'il y en a, il faut
attendre qu'ils foient diffipés. Dans
le milieu du jour , lorfque la chaleur
commence à fatiguer les moutons
dans la campagne , ils ceiient de pâ-
turer, ils s'agitent, ils s'arrêtent , les
mouches les tourmentent', c'eft alors
qu'il faut les mettre à l'ombre dans
im lieu frais & bien expofé à l'air,
où ils foient éloignés des mouches,
ôc où ils puilfent ruminer à leur aife.
11 feroit dangereux de les faire entrer
en trop grand nombre dans une érable
fermée j ils pourroient y périr, fuffo-
qués par l'air qu'ils auroient échauffé
éi iiifeété par la vapeur de leur corps
MOU
& leur tranfpiration pulmonaire. 0«
les remène au pâturage lorfque le
foleil commence à bailler, &: que le
fort de la chaleur eft palîé , «S; on
peut les laiffer pâturer jufqu'à la fia
du jour , & même pendant quelques
heures de nuit, dans les cantons où
l'herbe eft affez grande & allez abon-
dante pour être faille facilement :
mais lorfqu'elle eft mouillée par le
ferein , il faut retirer le troupeau *
du pâturage, quoique beaucoup de
gens croient que le ferein n'eft pas
nuifible aux bêtes à laine, ou qu'il
l'eft moins que la rofée ; cependant
c'eft la même humidité froide, elle
doit produire à -peu -près le même
effet le foir que le matin,
§. V. Pourquoi élolgne-t-on les moutons
des herbes qui leur font nuijïbles?
Les moutons ne mangent pas \ts
herbes qui pourroient leur être nui-
fibles par elles-mêmes \ quand on
met quelques-unes de ces herbes dans
leur râtelier, ils reftent auprès pen-
dant toute la journée fans y toucher,
quoiqu'ils n'ayent aucune autre nour-
riture ; mais il y a des herbes qui ,
quoique de bonne qualité par êIIcst-
mêmes , & quoique les moutons les
mangent avec avidité , peuvent ce-
pendant leur faire beaucoup de mal
dans certaines circonftances.
Les bonnes herbes qui peuvent f\ire
du mal aux mou tons, font les trèfles, la
luzerne, le froment, le feigle, l'orge,
le coquelicot J & en général toutes
celles que les moutons mangent avec
le plus d'avidité, ou qui font trop
fucculentes ; les herbes trop tendres
& trop aqueufes , telles que celles
des regains , celles qui fe trouvsnj
M O U
dans des filions humides , 6c celles
qui font à l'ombre des bois j les
herbes qui font dans leur plus grande
vigueur ou chargées de rofée , ou de
l'eau des pluies froides.
Les herbes font du mal aux mou-
tons , lorfqu'étan: en trop grande
quantité dans la panfe , elles la font
enfler au point de rendre l'animal
plus gros qu'il ne devroit être, & lui
donnent le mal qu'il faut appeler
colique de panfe 5 on le nomme or-
dinairement écouflure , enflure , en-
flure des vents , fourbure , gonfle-
ment de ventre, 6cc. ( f^oye^ tous ces
mots ) alors il refte debout fans
manger, il fouftre, il s'agite, fa ref-
piration eft gênée, il bat des flancs j
îorfqu'on frappe le ventre avec la
main , il fonne fans que l'on entende
aucun mouvement d'eau j enluite les
animaux attaqués de ce mal tombent
& meurent fuffoqucs, quelquefois en
grand nombre.
U eft aifé de prévenir ce mal en
attendant qu'il n'y ait plus de rofée
ni de gelée blanche fur les herbes ,
avant de faire paître les moutons.
11 ne faut pas les conduire le matin,
lorfqu'ils font alTamés , dans des her-
bages abondans Si fucculens j au con-
traire, il faut laiirerpafler leur grolfe
faim dans des pâturages maigres , les
mener enfuite dans de plus gras ,
& ne pas les y lailTer aifez long-
temps pour qu'ils y prennent trop
de nourriture. Il ne faut pas non plus
faire boire les moutons après qu'ils
ont mangé des pois , des Kves, ou
d'autres légumes farineux.
Quant aux remèdes que le berger
doit mettre en ufage , lorfqu'il voit
enfler les moutons par la colique de
panfe, f^oye:^ Bouffissure, Mé-
TÉORiSME, Panse, (colique de )
MOU
703
§. VI. Pourquoi faut - il conduire
lentement un troupeau ^ & fur-touc
lorfqu'il monte des collines ?
Si le berger conduit fon troupeau
trop vite , lur-tout en montant des
collines , il rifque d'échauffer plu-
fieurs de fes moutons au point de les
rendre malades , & même de les
fliire périr j il faut empêcher qu'au-
cune bête ne s'écarte du troupeau en
allant trop en avant , en reftant en
arrière, ou en s'éloignant à droite ou
à gauche.
Le berger peut faire tout cela à
l'aide de fon fouet, de fa houlette
& de fes chiens. Lorfqu'il fait mar-
cher le troupeau devant lui, il chaiïe
avec le fouet les bctes qui reftent eu
arrière j le chien eCt en avant du
troupeau, & retient les bêtes qui
vont trop vite ; le berger menace
avecla houlette celles qui s'éloignent
à droite ou .1 gauche pour les faire
revenir au ttoupeau , ou s'il a un
chien derrière lui , il l'envoie aux
bêtes qui s'écartent pour les ramener,
ou il les fait retourner en jerant vers
elles un peu de terre, mais il ne faut
jamais leur rien jeter diredbemenr.
Lorfqu'il veut arrêter fon troupeau ,
s'il eft deriiêre ce même troupeau, il
commence par s'arrêter lui-même,
en même-temps il parle au chien qui
eft au-devant du ttoupeau, pout que
ce chien s'arrête , & empêche les
premières bêtes d'avancer. S'agir- il
de remettre le troupeau en marche,
il patle au chien qui eft au- devant
du troupeau pour le faire avancer, &
enfuite il chalFe devant lui les der-
nières bêtes. Le berger peut auflî faire
aller fon troupeau en avant , ou le
faire revenir, en parlant fur difFérens
704 Aï O U
rons auxquels il l'a accoutumé d'obéir,
& pour l'engager à refter en place
dans un endroit où la pâture efl:
bonne , il doit y refter lui-même avec
les chiens , & jouer de quelqu'inf-
trument, tel que le flageolet, la flûte,
le hautbois , la mufette , !kc. Les
bêtes à laine fe plailentà entendre le
fon des inftrumens ; elles pailFent
tranquillement, tandis que le berger
en joue.
CHAPITRE VI.
1} E LA NOURRITURE DES
MOUTONS.
§. I. De la meilleure nourriture pour
les moutons. D'où dépend la bonté
des pâturages ? Des meilleures
herbes.
La meilleure de toutes les nourri-
tures pour les moutons, efl: , fans
contredit, l'herbe des pâturages brou-
tée fur piedj mais tous les pâturages
ne font pas également bons.
La bonté des pâturages dépend de
la fifuation & de la qualité du ter-
rein , de l'état & de la propriété des
brebis.
Les terreins les plus élevés, les
plus en pente , les- plus légers bc les
plus (qcs , font les meilleurs pour le
pâturage des moutons.
Les meilleures herbes font celles
qui ont dcjà pris de l'accroiflement,
qui approchent de la floraifon , ou
qui commencent à fleurir. Les herbes
trop jeunes n'ont pas été aflez mûries
par l'air & par le fpleil pour faire
une bonne nourriture j elles font trop
aqueufes, &, pour aiiill dire, trop
crues. Celles qui ont pris tout leur
accroiflement , qui portent graine ,
MOU
on qui font trop vieilles, n'ont plus
alfez de fuc & font trop dures. Il y
a des herbes qui réfiftent à la gelée,
& qui font prefqu'aulli fraîches dans
le fort de l'hiver que dins la bonne
faifon; telles font la piinprenelle &
le paftel j on peut en faire des pâtu-
rages pour l'hiver.
§. II. Des fourrages fecs. Moyens
d'empêcher leurs mauvais effets.
Des nourritures fraîches que l'on
peut avoir pour les moutons dans
la mauvaife faifon.
Lorfque l'herbe des pâturages
manque, on peut donner une bonne
Jiourriture aux moutons en fourrages
{qcs. Les meilleurs fourrages de cette
efpèce font dépérir les moutons, &
fur-tout les brebis pleines, celles qui
allaitent, & leurs agneaux. Le mau-
vais effet de la nourriture fèche , fur
les bêtes à laine, vient de ce qu'elles
font accoutumées à vivre d'herbes
fraîches pendant toute la bonne fai-
fon ; les fourrages fecs ne font pas
auflî convenables à leut tempéram-
ment , ils les échauffent , ils les nour-
riflenr moins , & ils nuifent à l'ae-
croilfement & aux bonnes qualités de
la laine.
Si les bêtes à laine refl:ent pendant
plufieurs jours de fuire fans aller aa
pârurage , on empêche le mauvais
efler des fourrages fecs , en tâchant
de fe procurer quelques nourritures
fraîches qu'on leur donne au moins
une fois dans la journée.
Les nourritures fraîches que l'oa
peut fe procurer pour les moutons
dans la mauvaife faifon , font le
colza , les choux de bouture , les choux
cavaliers &: les choux frangés j ils ré-
fiftent à la gelée, «S: on peut cueillir
les
MOU
les feuilles de ces plantes qui font
hautes , & que la neige laifTe à de-
couvert dans les temps où elle couvre
le paftel & la pimprenelle. Ces plantes
feroient mauvaifes pour les moutons
dans la bonne faifon , lorfqu'ils ne
mangent que de l'herbe fraîche; mais
dans l'hiver , lorfqu'ils n'ont foir &
matin que du fourrage fec, elles ne
peuvent que leur faire du bien. Outre
ces plantes , on peut avoir encore des
racines de carotte , de panais j de
faUifix & de chervij des raves & des
navets, des pommes de terre & des
topinambours.
§. III. Ne peut-on pas donner aux
moutons des chojes plus nourrif-
fantes que ces racines?
On donne encore aux moutons des
grains, des graines & des légumes.
Les grains, tels que l'avoine, l'orge
& le fon de froment leur profitent
beaucoup ; une petite poignée d'orge
ou d'avoine, donnée chaque jour à
un mouton , fuffit pour le préferver
du mauvais effet des fourrages d'hi-
ver; les graines de la bourre du foin ,
du chenevis , la graine de genêt ,
les glands , le pain ou tourteau de
chenevi , de navette & de colza font
très-noutridans. Parmi les graines de
ces fortes de plantes, il s'en trouve
qui fortifient l'eftomac des moutons,
éc qui aident à la digeftion. Le che-
nevis réchauffe , & il donne des
forces aux animaux ; il les anime
pour l'accouplement : les glands font
nourriffans , mais ils donnent le dé-
voiement aux bctes à laine , & ils
les altèrent lorfqu'elles en mangent
beaucoup", il ne faut leur en donner
qu'une fois par jour & en petite quan-
tité. Les pains ou tourteaux de che-
Tome FI,
MOU
705
ne vis, de navette , de colza, de noir
& de lin , ne font autre chofe que le
marc qui refte après que l'on a tiié
l'huile de ces fubftances ; le pain de
chenevis nourrit , réchauffe & anime
les moutons , mais il les altère &
leur donne le dévoiement lorfqu'ils
en mange.nten trop grande qu.-intité;
le pain de navette & de colza les
échauffe & les altère moins que celui
de chenevis : le pain de graine de lin
& de noix les nourrit iSc les engrailfe
plus que les autres pains.
Les légumes que l'on donne aux
moutons font les féverolles & les
vefces; on pourroit auflî leur donner
des lentilles , des pois & des ha-
ricots , lorfqu'il y en a de refte pour
la nourriture des hommes.
Les moutons mangent auflî des
lupins , après qu'on les a fait trem-
per dans l'eau pour en ôtet l'a-
mertume.
§. IV. Des gerbées & des feuiUces
que l'on donne aux moutons dans
la mauvaife faifon.
Les gerbées font des bottes de
paille battue , dans laquelle on a
lailTé du grain, ce qui fait que ces
gerbées font une très-bonne nourri-
ture.
La gerbée d'avoine eft la meilleure ,"
parce que le grain & la paille y font
plus tendres, & parconféquent meil-
leurs que dans les gerbées de feigle ,
d'orge & des grains mêlés que l'on
appelle brelée. Dans quelques pays,
les gerbées de froment i?.: de méteil ,
ou confeau ou confeigle , qui eft un
mélange de froment & de feigle,
feroient les meilleures de routes ;
mais les grains font trop chers, ils
V v V V
-70^ MOV
doivent être réfervés en entier pour
la nourriture des hommes.
On peut faire encore des gerbées
avec des légumes, tels que iesvefces,
les lentilles, les pois &c les haricots j
on recueille ces plantes avant que le
fruit fuit mûr, ou après fa maturité j
mais ces fourrages font plus tendres
&c plus nourrilTans , lorfqu'ils ont été
recueillis avant leur maturité.
Ou fait aulli des gerbées du mau-
corne & de la dragée. On appelle
mancorne un mélange de pois & de
vefces femés enfemble , tandis que
la dragée eft un mélange d'avoine
& de vefce d'été , ou de pois. On
donne aufli le nom de dragée à un
mélange d'avoine avec des pois, de
la we(cQ , des lentilles, des lupins ou
de fenûgrec. ( P'oye:^ tous ces mots )
Les feuillées font des branches
d'arbres garnies de leurs feuilles, que
l'on donne aux moutons. On coupe
ces branches après la fève d'août ,
avant que les feuilles fe defTéchent^
on les laiffe un peu faner, & enfuite
on en fait âes fagots.
Les meilleures feuillées font celles
d'aunes, de bouleaux, de charmes,
de frênes , de peupliers , des faules ,
&c. ; on en peut faire de prefque
toutes les fortes d'atbres &; des ar-
briileaux.
§. V. Des meilkurs foins & de la
meilleure paille. Des herbes donc
on fait des prairies artificielles
pour les moutons. De leurs e^ets.
De leurs qualités. Des autres ef-
pèces de nourriture.
Les foin^ des prés, où l'eau de la
«net monte , & que l'on appelle prés
falés , font les meilleurs pour les
montons , parce que l'eau de la msi
MOU
y laifle du fel. Les foins des prcs Cecs i.
où l'eau ne croupit jamais , lont aulll
très-bons, parce qu'ils font fins, déli-
cats & agréables au bétail y les foins qui
ont été fauchés avant d'être trop mûrs ,
&: qui ont été peu fanés , font ceux
dont ces animaux font les plus ftiands.
Les prés bas & m.arécageux don-
nent des foins grofliers : leurs Irerbes
font rudes & défagréables au bétail.
Les herbes qui cfoilfent au bord des
étangs & des rivières , les joncs des
marais , les rofeaux , font encore
plus mauvais pour faite du foin ;.
celui qui a été fauché , loifqu'il étoic
trop mûr, ou qui a été trop fané,,
a perdu fon fuc ^ il eft peu nour^
riltant. Le foin qui a été mouillé
pendant la fenaifon perd fa couleur
& (es bonnes qualités j il ne fe garde
pas •, il eft fujet à s'échauffer & à fe-
pourrir dans le fenil. Le fuin qui a
reçu quelque mauvaife odeur des
érables , ou qui a été mouillé &c
moilî , dégoûte les bêtes à laine 5
celui qui a été rouillé eft très -mau-
vais, parce qu'il donne à ces animaux
des maladies de poitrine; ils ne le
mangent que lorfqu'ils y font forcés
par la faim.
Pour avoir des prairies qui ne por-
tent que des herbes de bonne qua-
lité & d'un bon rapport , il faut né-
cefTairement commencer par détruire ,
par la culture, toutes les herbes qui
y font, de enfuite en femer d'autres,
bien choifies pour le terrein où on les
met , cSc pour l'emploi que l'on en
veut faire : c'eft par ce moyen que
l'on obtient des prairies arcificielleî
pour les moutons.
Les herbes dont on fait des prai-
ries artificielles font le fromental,
la coquiole, le raygrafs , la luzerne,
le uéfle, le fain-foiu , la pijppre-
M O U
neîle , Sec, { ^'^oyei ces mors) On
donne le nom de graminées aux trois
premières, ainfi qu'à toutes celles qui
ont des feuilles longues &: étroites,,
qui poullent un long tuyau , & qui
portent un épi : on fème ces herbes
féparémeut , ou plulleurs mêlées en-
femble.
Le fromental s'élève à une plus
grande hauteur que toute autre herbe
des pâturages ; il vient dans toutes
fortes de terreins , mais il produit
plus d'herbes dans les bonnes terres
que dans les mauvaifes : on le fauche
de bonne heure; fon herbe & fon
foin font très-bons pour les moutons.
Les terrenis légecs conviennent à
la coquiole ; elle efl: fine & très-
bonne pour les moutons , tant en verc
qu'en fec.
Le ray-grafs vient drms les terres
fortes & dans les terres froides ;
c'eft une très-bonne nourriture pour
les moutons, mais (es tuyaux font
fujets à fe durcir lorfqu'on ne les
fauche pas alfez tôt.
La luzerne eft d'un très-grand rap-
port dans les bons terreins en plaine j
les terreins humides ne lui convien-
nent pas. L'herbe & le foin de la
luzerne font très-nourriffans pour les
moutons; mais l'herbe, prife en trop
grande quantité , ou lorfqu'elle eft
mouillée , fait enfler ces animaux ,
Se le foin peut les frire périr de la
gras-fondure , { P^oye^ ce mot ) ou
d'autres maladies ; il fiut le mèlet
avec du foin ordinaire , du fain-foin
ou de la paille.
Les terres douces, grafTes Se hu-
aiides, & fur tuut celles que l'on peut
arrofer, conviennent au trèfle; il eft
très-nourriflant, &: fujet à peu ptès
aux mêmes inconvéniens que la lu-
zerne , cant en herbe qu'en foin.
MOU
ffo7
Le faiiT-foin vient dans les plaines,
fur les coteaux & fut les montagnes;
mais il eft d'un meilleur rapport dans
les terreins qui ont du fond &. dans
les bonnes terres: il eft très-fain,
mais trop nourrilfant , fi on ne le
mêle avec de la paille pour le donner
aux moutons ; fes tiges font trop
dures lorfqu'on les fauche tard.
La pimprenelle vient dans toutes
fortes de terreins , mais elle eft d'u»
meilleur rapport dans les bonnes terres
fraîches ; cette plante fortifie les mou-
tons, elle eft toujours verte ; on peut
la faire pâturer en hiver, & la coupée
pour la donner aux agneaux dans les
auges.
La meilleure paille pour les mou-
tons eft la paille d'avome , parce
qu'elle eft la plus tendre : celle de
feigle vaut mieux que la paille de
froment , parce qu'elle n'eft pas fi
dure , & qu'il refte dans les épis quel-
ques grains que l'on appelle des épé-
zones. La paille d'orge barbu peut
être nuifible , à caufe des barbes qui
s'attachent à la laine lorfqu'elles tom-
bent delïïis. Les moutons ne man-
gent que l'épi, le bout du tuyau &
les feuilles de la paille. Cette nour-
riture ne fuffit pas pour entretenir un
troupeau en bon état, il faut y ajoutée
quelque chofe de plus nourrillant.
Les moutons mangent encore les
balles d'avoine , de froment & de
fti;ïle, mais ils ne mangent pas la
balle d'orge. Quant à ce qui refte de
la tige de lin , après qu'elle a été
teillée, les moutons mangent cette
paille , mais c'eft la plus mauvaife
de toutes. On les nourrit encore avec
des écorces d'arbres , des marrons
d'inde & des chaillats. On enlève
récQtce des peupliers , des fapins 6ç
V V Y V 2
7oS MOU
d'autres .libres; on la fait (échcr , &
on 1;\ brife , pour Li donner en fuite
aux moutons dans des auges ; mais on
ne fait uf.ige de Lttte nourriture que
iorfqu'il n'y en a pas de meilleure.
Cesanimnus mangenrnon-feulemenc
les marrons d'inde , lorfqu'ils font
coupes en deux ou crois parties ,
mais aulli lécorce qui les enveloppe,
quoiqu'elle ait des pointes dures &:
piquantes. Quant aux_ chaillats , ce
ne fonr que les tiges , les feuilles &
les gouires des pois , des harricors ,
des vefccs, des lentilles Se des fcve-
rolles , après que les plantes ont été
battues : îorfqu'on les bat, il s'encafle
des parcelles que l'on ramafTe, & que
l'on appelle de la bourre ; les bêtes
à laine aiment mieiix le chaiiiat que
la paille : il eft plus nourriflant. Le
chaiiiat de pois a moins d'humidité
que celui des haricots.
CHAPITRE VIL
M O U
donne le matin , lorlque la gelée
blanche empîche pendant quelques
heures le troupeau d'aller à la cam-
pagne, (Se le foir , lorfqu'il revient
du pâturage fans erre alfez rempli;,
mais lorfque la neige empêche pen-
dant toute la journée le troupeau de
fortir, on lui donne le matin &c le
foir du fourrage fec ; mais il faut
tâcher d'avoir a lui donner, dans le
milieu du jour, une nourriture fraî-
che, telle que des feuilles de choux,
des racines de carottes, de panais ou
de chervis ,. des raves, des navets,
des pommes de terre ou des topi-
nambours ; des marrons d'inde, dii
gland, &-C. ( f^oye^ le chapitre VU,
§. 2 , 3. & fuiv. )
§, II. De la quantité de feuilles ds.
choux j de carottes j de navets j
cLs pommes de terre j de marrons
d'inde _, qu'on doit donner aux.
moutons..
MASIERE de DONytER A i,lAt^-
GER AUX MOUl-OKS. Dz LA
QUANTITE r>ES ALIAÎEXS.
MANIERE DELES FAIRE BOIRE
ET DE LEUR DONNER DU SEL.
§. I. En quel temps ejl-on obligé de
donner à manger aux moutons ?
Lorfque les moutons ne trouvent
pas affez de pâture dans la campagne
ni dans les enclos , ou lorfque les
mauvais temps les empêchent de
fortir, il faut leur donner du four-
rage au râtelier ou dans l'es auges.
Dans les provinces de France, où
Thiver eft rude , on commence à
donner du fourrage iez aux moutons
CH oûobre & en novembre; on le
On a éprouvé qu'un mouton de
taille médiocre mangeoit environ cinq,
livres de feuilles de chou en un jour :,
ainfi il faut en donner au moins une
livre & demi pour une ration, Lorfque
les feuilles font tendres comme celles
des choux cabus , il les mange en
entier ; mais lorsqu'elles font dures
comme celles du chou de bouture,
il lailfe des côtes qui font près d'un
tiers du poids des feuilles : pour y
fuppléer , il faut donner au moins
deux livres de ces feuilles pour une
ration.. L^n mouton mange environ-
trois livres de carottes à un repas ,
près d'une livre Se demi de navets „
environ une livre & demi de pom-
mes de terre ou de topinambours „
à peu près une livre & un quarc
de marroiis d'inde ou de leur écorcgr,
u o u
On donne à ces animaux de la
iiouiTiture fraîche au moins une tois
chaque jour , parce que cette elpèce
de nourriture eft leur aliment natu-
rel ; ils s'y iont accoutumes pendant
toute la bonne failon. Lorfqa'on
change entièrement cette nourriture
en ne leur donnait que de la paille,
ils ne font plus allez nourris ; ils
maigrilicnt peu à peu. Les bergers
difenc alors qu'ils perdent leur graif-
f e , leur fuif, c'eft-à-dire , qu'ils àé-
périlîent. La nourriture lèche les altè-
re, ils boivent beaucoup d'eau cjui peut
leur donner pluheurs maladies , tiir-
tout celle de la pourriture. ( ^'bycr
ce mot ) Uiî repas chaque jour de
nourriture fraiLhe , les empêche de
dépérir & d'être trop altérés. Lorf-
qu'on n'a point de nourriture fraîche
à donner aux moutons dans la mau-
vaife laifon , on y fupplée par l'u-
fage des grains , des légumes , des
gerbées, &c. ( f'oje^ le chap. VI ,
§. III , IV. ) LIne poignée d'avoiiie
ou d'autre grain , itillit pour empê-
cher les moutons de dépérir.
§• in. De la quantité de paille & de
foin à donner aux moutons.
Au mois d'Odobre & de Novem-
bre, lorfque les moutons commen-
cent à avoir befoin de manger au râ-
telier , il faut leur donner les chofes
qui ne fe gardent pas long- temps ,
ou qui fe gîteroient, parce qu'elles
ne font pas bien conditionnées. On
commence par celles qui leur font
les moins agréables , comme la paille
de froment , de feigle , & de confei-
gle , parce que fi l'on commençoit
par leur donner de la paille d'avoine
qu'ils aiment le mieux , ils répugne-
loienc dans la fuite à manger les au-
wes.
rvî o u
7C9
La qa?.!itité de paille ncceilaire à
un mouton , dépend de la hauteur
de la taille de l'animal &c de la qua-
lité de la paille. U faut donner cha-
que jour à un mouton de taille mé-
diocre , deux livres & demie de paille
d'avoine , fi l'on a foin de remettre
au râtelier celle qui' en cfl; tombée.
Le mouton mange chaque jour, fui-
vant les épreuves qui en ont écc lai-
tes , un peu plus de deux livres de
cette paille , & il en refte prés d'une
demie livre qu'il ne trouve pas bonne
à manger , & qui fe mêle avec la li-
tière. On peur compter qu'il ne fauc
par jour qu'un fagot de paille d'avoi-
ne , pefant cinquante livres, pour
vingt moutons de taille médiocre , (î
r^n relève après chaque repas , celle
qiii eft tombée du râtelier. (
La quantité de foin iiécefTaire à'
ivn mouton , dépend,, comme la quan-
tité de la paille , de la hauteur de
l'animal & de la qualité du foin, il
faut donner chaque jour à un mou-
ton de taille médiocre deux livres de
foiii commun , tiré d'une bonne prai-
rie; ces deux livres lulîilent, fi l'on a
foin de remettre au râtelier le foin
qui en eft tombé. Ainii on peurcomp-
ter qu'il faut une bette de foin du
poids de dix livres , tirée d'une bon-
ne prairie , pour cinq mourons , en
fuppofant toujours qu'on relève , après
chacjue repas, ce q.ui eft tombé du
râtelier.
La paille ne fuffîroit aux moutons
que JLiJqu'au mois de Janvier , dans-
les pays où l'hiver eft rude, parce
qu'alors il n'y a plus guères de bon-
nes herbes. On y fupplée en mêlant
avec la paille un peu de foin ou d'au-
tres bonnes nourritures , telles que
les chaillats de pois , de haricot , de
vtfce , ou de lentille. ( J\)'-\ le chap,.
710 MOU
VI. §. V. ) On a remarque depuis
long-temps que ie chaillac de teves
eft pins fec que le chaillat de pois ,
Se qu'il faut le donner aux bêtes à
laine le foie dans les temps humides
& pluvieux.
§. IV. En que! temps cejfe-t-on de
donner à manger aux moutons ?
Q_ueile quantité d'herbe un mouton
mange-t-ii en un jour ?
Ou ceiïe de donner du fourrage
aux moutons dans le râtelier , au
printemps , lorfqu'ils commencent
à trouver dans la campagne une lut'-
fîfante quantité d'herbe pour leur
nourriture , & lorfqu'ils font bien
ronds, c'cft à-dire , bien remplis efi
revenant le foir à la bergerie.
Un mouton de taille médiocre a
mangé chaque jour , fuivant l'épreuve
qui en a été faite j près de huit li-
vres d'herbe tirée d'un bon pré. On
a fait perdre à cette herbe environ
les trois-quarts de fon poids en la fai-
fant faner ; huit livres d'herbe fe
fout réduites à environ deux livres
de foin. On peut donc conclure qu'un
mouton de taille médiocre , mange
à peu près huit livres d'herbe en un
jour , ou environ deux livres de foin
dans îe même efpace de temps; mais
iorfque les moutons ne mangent que
de l'herbe , ils ne boivent que peu
ou point du tout, tandis que lorfqu'ils
font au fec j ils boivent une plus gran-
de quantité d'eau.
§. V. De la meilleure eau pour les
moutons. De la quantité d'eau
qu'ils peuvent hoire j & dans quel
temps on doit les faire boire.
L'eaii des rivières & des ruiflêaux
MOU
qui coulent continuellement, eft la
meilleure pour les moutons. L'eau
des lacs & des étangs qui coule en
partie , eft préférable à l'eau des
marais qui ne coule point du tout:
il n'y f.iut abreuver les moutons que
lorfqu'il eft impolîibk d'avoir de
meilleure eau. La plus mauvaife eft
celle qui croupit dans les marais , dans
les mares, dans les folTés, dans les
iîUons, &c. Lorfqu'on eft obligé de
donner aux moutons de l'eau de pluie
ou de citerne , il faut l'expofer à l'ait
pendant quelque temps. Les eaus
croapies & corrompues font très nui-
fibles aux mourons , év' font la fource
des maladies épizootiques. ( f^oye^
Epizootie. )
Ces animaux boivent peu , quand
ils font en bonne fanté ; loriqu'on
voit un mouton courir à l'eau avec
trop d'avidité , c'eft ligne qu'il eft
malade ou qu'il le deviendra bientôt.
Les moutons ne boivent que très-
peu dans les temps où les herbes font
les plus fucculentes. Ils boivent da-
vantage dans les grandes féchereffes,
dans les grandes chaleurs , les grands
froids , & lorfqii'on ne leur donne
que des nourrirures feches. Alors ua
mouton d'environ vingt pouces de
hauteur, boit une , deux , trois ou
quatre livres d'eau par jour , mais il
y a des jours où il n'en boiroit point,
quoiqu'on lui en préfentàt. On faic
par des expériences faices par M.
Daubenton , que plufieurs mourons
nourris d'un mélange de paille &: de
foin au fort de l'hiver , font reftés
dans une érable fermée pendant trente
jours fans boire , & qu'on ne leur a
reconnu d'autre incommodité que la
foif.
Quant au temps où l'on doit faire
boire les moutons , il y a fur cela.
MOU
'des pratiques bien différentes j dans
plufieurs pays , on les fait boire
deux fois le jour ; dans d'autres , on
les abreuve une fois chaque jour;
dans d'autres enhn , une fois en
deux jours , eu en quatre jours , ou
en fix , huit , dix ou quinze jours ,
êcc. Ces pratiques changent fuivant
les faifons & les différentes nour-
ritures ; mais il n'y a point de règle
établie fur de bonnes raifons. Ce-
pendant on a reconnu par des ex-
périences faites en Bourgogne , qu'il
re falloir pas abreuver les iiioutons
deux fois par jour , parce qu'ils boi-
vent plus d'eau chaque jour en plu-
fieurs fois qu'en une ieule. Lorfqu'ii
y a de l'eau dans le voifinage , &: lorf-
que le troupeau eft fain , conduifez-
le à l'eau une fois chaque jour feule-
ment ; mais ne l'arrêtez pas , menez
le doucement. Les bêtes qui auront
befoin de boire s'arrêteront , tandis
que les autres pafferont fans boire ;
moins une bête à laine boit ,. mieux
elle fe porte.
Quelquefois l'eau eft Ci loin que
l'on ne peut pas y conduire les mou-
tons fans les fatiguer ; dans ce cas ,
il fuffit d'y conduire le troupeau une
fois en deux ou trois jours, fuivant la
iiourriture & la faifon ; mais il ne
faut jamais trop tarder à l'abreuver ,
parce qu'il eft prouvé que les mou-
ions boivent en un jour prefqu'au-
îant d'eau qu'ils en auroient bu dans
les jours précédents qu'ils ont paf-
fés fans boire. Cette grande quantité
d'eau prife tout à la fois , leut fait
plus de mal , que s'ils l'avoient bue
en plufieurs fois & à différents jours.
Cet excès caiife les épanchemens
d'eau auxquels les bêtes à laine font
£iès-fujettes.
MOU 71T
§'. V I. S'il faut donner du fel aux
moutons ? En quel temps faut-il
le donner ? Combien doit - on en
donner à chaque fois ? Quels font
les effets du fel ?
Les moutons qui font dans un pays
fec , &z qui fe portent bien , peuvent
fe paffer de fel. On voit des trou-
peaux en très-bon état dans les pays
où on ne donne point de fel aux mou-
tons j même dans les pays maréca-
seux où ils font fujets à la pourriture
t> il-/-'
& aux autres maladies caulees par
l'eau , & dans tous les pays lorfque
les bètes à laine font attaquées de ces
maladies, le fel pourroit peut-être
les en préfetver ou les guérir.
On doit donner du fel aux mou-
rons , lorfqu'ils font languiffans oiî
dégoûtés ; ce qui arrive le plus fou-
vent dans les temps de brouillards ,
de pluie , de neige , ou de grandi
froid , & lorfqu'ils n'ont quedes nour-
ritures fèches.
Une petite poignée à chaque mou-
ton tous les quinze jours , une livre
pour vingt tout les huit jours , ce qui.
fait environ fix gros pour chaque bê-
te , voilà la quantité ds fel qu'il fauc
donner à chaque fois.
Le fel par fa nature donne de l'ap-
pétit & de la vigueui , deffèche les
humidités, empêche les obftructions,,
fait couler les eaux fuperflues qui-
font la caufe de la plupart des ma-
ladies des moutons. 11 eft donc indif-
penfable d'en donner, au temps prsf-
crit , à ces animaux.
Cependant l'ufage n'en eft ni af-
fez général ni affez uniforme. Cer-
tains cultivateurs en donnent deur
fois par mois , d'autres trois fois „
d'autres tous les huit jours j quelqussr
rj\r MOU
uns le croient plus néceflaire dans les
temps de féchereire , d'autres dans
des temps d'humidité. Ces derniers
prétendent que lorfque le mouton
commence à prendre les herbes du
printemps , on ne peut alFez lui en
ïervir : quelques autres, effrayés par
la dépenfe , n'en donnent qu'une fois
par mois , ou en hiver feulement ;
d'autres enfin , par les mêmes motifs
ou par d'autres raifons , n'en donnent
point du tout j aulîi Vijit-on beau-
coup de moutons périr, fur- tout
pendant l'hiver , & on £n attribue la
perte à tout autre caufe qu'à la priva-
lion du fel.
Parmi les cultivateurs qui ne font
point ufage de cet aliment pour leurs
moutons , les uns , comme nous l'avons
déjà dit , s'en abftlennent par éco-
nomie , tandis que les autres le regar-
dent au moins comme inutile. Les
lins & les autres n'ont pas fans doute
confulté l'expérience \ c'étoit-là ce-
pendant ce qui devoit les guider.
11 eft prouvé que Les moutons qui
paitrent fur les côtes de la mer, font
en général plus robulies que les au-
tres , à éducation égale, & moins fu-
jets aux maladies qui affedent trop
fouvent ceux de l'intérieur du royau-
me. C'eft fans doute d'après cette ré-
flexion que les cultivateurs intelligens,
qui ne font pas à portée de la mer ,
fe font déterminés à en donner à leurs
troupeaux. 11 eft encore prouvé que
les moutons qui paiffent dans des pâ-
turages falés, ou auxquels on donne
du fel , ont la chair plus ferme & de
meilleur goût j enfin , indépendam-
}nenc de ce que nous fommes à por-
tée de voir par nous-mêmes , on peut
pncore s'en rapporter à la conduite de
nos voiiins. Les Efpagnols donneur
MOU
du fel au gros & menu bétail \ les
Anglois ne l'en ptivenc jamais \
enfin , les Suilfes font 11 perfuadés
de la nécelîité d'en donner , que les
Cantons ont plulîeurs tois délibéré
qu'on devoit en augmenter la dofe
aux troupeaux.
Si l'ufage du fel eft indifpenfa-
ble , l'excès en doit être nuifible. La
véritable dofe, pour l'ordinaire, nous
le répétons , eft d'en donner une livre
par vingt moutons; l'animal le plus
vorace & le plus fort , eft celui qui
en mange le plus. Lorfqu'il en prend
trop, fon fang s'échauffe, fa fanté
& la qualité de la laine s'altèrent j
tandis que l'humidité qui règne dans
l'animal auquel on règle l'ufage de
cet aliment, en lui confervant wnt
bonne conftitution , prête à la laine
des reiTôrts & une finefte que l'humi-
dité naturelle de l'animal lui refufe-
xoit.
Quelques perfonnes prétendent
qu'en abreuvant les troupeaux dans
les marais falans , cette pratique
peut fuppléer au fel , en appaifant la
loif ; mais elles fe trompent , (^' ex-
pofent le bétail à plulîeurs accidens.
L'eau des marais falans eft commu-
nément bourbeufe , & celle qui eft
renouvellée par les eaux de la mer ,
eft encore chargée d'une trop grande
quantité de parties limoneufes ; la
partie faline dont elle eft d'ailleurs
compofée, eft trop acre, pour qu'elle
pui(Te produire le même effet que
le fel. Pour s'en convaincre, on n'a
qu'à jeter les yeux lur la manière
dont fe fait le fel , & l'on verra
qu'avant de le hiire cryftallifer , il
faut purger l'eau de ce qu'elle a de li-
moneux & de trop acre , fans quoi le
fel feroi: nuifible : d'ailleurs , il y a.
encorç
MOU
encore une autre inconvénient d'a-
breuver les troupeaux dans les ma-
rais filans j les bords en font remplis
d'herbes que les moutons broutent :
ces herbes contiennent beaucoup
d'humidité , des parties limoneu-
fes & acres que le fel qu'elles ren-
ferment ne fauroit corriger ; on ne
doit donc pas, fous prétexte d'éco-
nomie , faire abreuver les troupeaux
dans ces marais , parce que le pré-
tendu avantage qu'on croit en tirer ,
ne compenfe pas les inconvéniens qui
peuvent en réfulter.
M. Leblanc, infpeéleur des ma-
nufactures de Languedoc, après avoir
réfléchi tant fur les inconvéniens que
fur la dépenfc que le fel occafionne,
a tâché de remédier à l'un Se à l'autre ,
par le moyen decertainsgâreaux falés,
qui, en faifant le même effet que le
fel, n'en ont pas les inconvéniens,
& diminuent la dépenfe de trois cin-
quièmes : nous en avons introduit
l'ufage dans quelques granges de
jîotre département , &c les proprié-
taires s'en trouvent bien : voici en
quoi conCfte cette méthode écono-
mique.
La bafe de ces gâteaux ert: de la
farine de froment , qu'on mêle avec
delà farine d'orge, ou par moitié , ou
par cinquième. Sur une quantité dé-
terminée de cette farine, on y met
un quart de fel. On prend le tiers du
poids de ces farines mélangées , que
l'on pérrit avec une quantiré d'eau
fuffifante, & dans laquelle on a fait
dilToudre environ un huitième de fel ,
en fuppofant toujours qu'on en em-
ploie vingt - cinq livres , pour uir
quintal de farine. On met dans la
pâte la quantité de levain d'ufage :
lorfque cette première pâte eft bien
.levée, on prend le fécond tiers, que
Tome J^I.
MOU
715-
l'on pétrit avec le premier, en les
mélangeant enfemble par le moyen
d'une quantité d'eau futttlante, dans
laquelle on aura fait diiroudre le
tiers de ce qui réitéra de fel, & lorf-
que cette pâte eft encore bien levée,
on pétrit le troilième tiers , que l'on
mêle avec les deux premiers par le
moyen de l'eau qui refte , & dans
laquelle on a fait dilToudre le furplus
du fel. Dans tous ces cas, le fel doit
être dilfous dans l'eau, pour le dif-
tribuer également par -tour. Après
avoir donné à la pâte le temps né-
celfaire pour lever &: être mife ai;
four , on la divife en petits gâteaux
d'une livre : ces gâteaux doivent être
plats, c'eft-à-dire, qu'on ne doit leur
donner qu'un pouce d'épailfeur, afin
qu'il n'y airabfolument que la croûte,
foit pour éviter que ceux que l'on
conferve ne fe moifilfent , foit pouc
les concalfer avec plus de faciliré.
On fait enfuite cuire ces gâceaux
comme le pain; il vaut mieux qu'ils
foient trop cuirs que trop peu, parce
qu'ils fe broyeur &c fe confervent
mieux quand ils fonr un peu fecs.
Lorfqu'on les a tirés du four , on les
lailfe refroidir entièrement avant de
s'en fervir,(Sc fion veutles conferver,
on doit les mettre dans un endroit
fec & à l'abri des rats : on peut les
garder, fans rifque, une année.
Avanr de donner aux moutons les
gâteaux falés, il faut les concaller
par petits morceaux , afin que la
diftribution en foit plus égale. Si cette
diftribution fe fait en plein champ
ou dans une balle cour , on pourroit
avoir deux planches en forme de gou-
tière , avec un linteau en-dedans, pour
les alîujetrir & faciliter aux moutons
le moyen de prendre tout ce qu'ils
trouveronr; on aura feulement acten-
X X X X
7H
MOU
tion qu'il n'y ai: que vingt moutons
à-la-fois pour chaque gâteau du poids
d'une livre , fans quoi on ne ponr-
roic être sûr de faire une diftribution
égale. Si cette diftribution fe fait
dans la bergerie , on tera fortir les
Rioutons , & après .avoir mis un gâ-
teau concafTé, du poids d'une livre,
dans la mangeoire , on lailTera entrer
vingt moutons feulement 5 après que
ceux-ci auront mangé , on les fera
Sortir pour en faire entrer vingt au-
tres , pour lefquêls on aura concalfé
un autre gâteau du même poids, &
ainfi de fuite.
Les "âteaux falés, ainfi diftribués
aux moutons, préviendront leurs ma-
ladies , & entretiendront leur bonne
conftitution , ou la rétabliront s'ils l'ont
perdue, du moins s'il n'y a point de
vice intérieur qui exige un traitement
extraordinaire. On peut auffi en don-
ner aux béliers quelques heures avant
de faire faillir les brebis, aux brebis
avant d'être faillies , aux moutons
•dont la laine {■>aroit tomber, ou dont
le tempéramment paroîc afloiblij &
aux agneaux qui ne parollfent pas
d'une boi.ne confticution , en obfer-
vant de diminuer la dofe de plus de la
moitié; on peut en donner auflî aux
chevaux , aux mulets , aux bœufs ,
«S:c. qui font dégoûtés, relativement
à des humeurs qui s'amaîfent dans
i'eftoniac & les inteftins \ mais la
dofe pour ceux -ci doit être quadruple.
Outre les gâteaux falés, on peut
encore emiployer d'autres fels qui
font moins coûteux que le fel com-
mun , & peut - être aulïï bon; &c
même meilleurs. Le fel de tartre, la
potaffe ou les cerKires gravelées fon-
dues dans l'eau, feroient auili ap-
périlîans que les gâteaux pour les
sxoutons j mais il faudroit les donner
MOU
à moindre dofe. On a éprouvé que Xx.
potafTe , donnée à la dofe d'un groî
pendant plufieurs jours de fuite à uii,
mouton , ne lui a caufé aucune in-
commodité. Si l'on n'avoit aucuns de-
ces fels, on pourroit y fuppléer par le
procédé fuivant : Verfez deux écusl-
lées, ou environ deux livres d'eau fur
une demi-livre de cendres, lailfez te-
pofer l'eau pendant quatre heures , &
la tranfvafez pour la faiie boire à un
mouton.
Pour favoir pofitivement fi ces fels
font aulli bons que le fel commun
dans la maladie de la pourriture ,
( Voye-:^ ce mot ) il faudroit être
dans un canton où les moutons fuf-
fent fujets à cette maladie : on pour-
roitchoifir alors des moutons du même
âge, qui auroient cette maladie au
même degré , & l'on donneroit aux
uns du fel commun , & aux autres
de l'eau dans laquelle on aurolc jeté
des cendres , ou fait fondre de la.
potafTe , des cendres gravellées , du
fel de tartre. En continuant ces re-
mèdes on jugeroit de leurs effets, &t
l'on parvicndroit à connoî'cre quelles
en doivent être les dofes.
Tous ces eiïais font aflez intéret-
fans pour mériter l'attenrion d'uiî
médecin vétérinaire, ou dun culti-
vateur intelligent , qui feroient ca-
pables de les bien faire, & qui ha-
biteroient un pays où les moutons
feroient fujets à la pourriture.
CHAPITRE VIII.
DV PARCAGE DES BÊTES A'
ZAlKE,-
§. I. Qu'entend- on par parcage ?.
Comment faii-oa parquer les bètes-
à laine ?
Le parcage des bêces à lama eft 14
' M G U
temps qu'elles palTenc fur difft'ren-
res pièces de terre, qu'on veut rendre
plus fertiles par l'urine & la fiente
que ces animaux y répandenc.
On fait parquer les bctes à laine,
en les enfermant dans une enceinte,
qui eft formée par des claies , &c que
l'on appelle un parc. Cette enceinte
retient ces animaux dans l'efpace de
terre qu'elles peuvent fettilifer pen-
dant un -certain temps, & arrête les
loups. Le berger eft couché près du
parc, dans une cabane, pour le gar-
der j le chien efl: aufli autour du parc
pour donner la chalfe aux loups.
§. II. Comment les claies d'un pjrc
doivent être faites. Manière de les
dreffer pour former un parc. De
r étendus; d'un parc.
On donne aux claies quatre pieds
&: demi ou cinq pieds de hauteur ;
& fept, huit, neuf ou dix pieds de
longueur , fi elles ne deviennent pas
fias trop pefantcs; car il faut que
e berger puilTe les tranfporcer ai-
fément. Elles font compofées de ba-
guettes de coudrier , ou d'autre bois
léger &: flexible , entrelacées entre
des montans un peu plus gros que
les baguettes. On fait aulTî des claies
avec des voliges affemblées, on fim-
plement clouées fur des montans. On
laille dans les claies de coudrier trois
ouvertures d'un demi-pied de hauteur
& de largeur, placées toutes les trois
a la hituteur de quatre pieds ^ il y en
a une à chaque bcnit , & une dans
le milieu ; celles des bouts font ap-
pellées les voies.
Pour former un parc, on drelfe ces
claies les unes au bout des autres fur
quatre lignes ,,pout former un quarré ,
& on les foiuienc par le moyen de5
MOU 715
crofTes , qui font des bâtons couibés
par l'un des bouts. Les claies antici-
pent un peu Tune derrière l'autre , de
façon que les deuK voies fe rencon-
trent; on y palTe le bout de la crolTe,
11 eft percé de deux trous , dans lef-
quels on mec deux chevilles , l'une
derrière les montans des claies , &:
l'autre devant ; enfuite on abbailfc
contre terre l'autre bout de la crolfe ,
qui eft courbe &: percée d'une entaille p
dans laquelle on mer une clef, que Von
enfonce en terre à coups de mailler.
( r. la PL XIL de l'injlruclion pour
les bergers & pour les propriétaires
de troupeaux j par M. Oaubenton ^
fig. in. ir. F. VI. VII. ) Il ne
faut point de croffes aux coins du
parc, il fuffic de lier enfemble les
deux montans qui fe touchent, avec
un cordeau pallé dans les voies.
L'étendue d'un parc doit être pro-
portionnée au nombre des moutons
que l'on veut y mettre , parce qu'il
faur que le rroupeau répande alfez
de fiente & d'urine , pour fertilifer
l'efpace de terre renferme dans le
parc. Chaque mouton peut fournir
à une étendue d'environ dix pieds
quarrés; par confcquent fi les claies
ont dix pieds de longueur , il faut
douze claies pour un parc de quatre-
vingt-dix moutons; dix-huit pour
deux cents; vingt- deux pour trois
cents. Si les claies n'ont que neuf
pieds , il faut deux claies de plus pour
chacun de ces parcs ; quatre claies
de plus, fi elles n'ont que huit pieds,
& fix de plus , fi leur longueur n'eft
que de fepr pieds. Il iùut pour un
parc de cinquante bètes, douze claies
de fept ou huit pieds chacune, ou dix
claies de neirf ou dix pieds de lon-
gueur , &c. Ces comptes ne peuvent
pas ctce bien juftes , c'eft pourquoi l'oa
X X X X i
■J\(j
MOU
peut mettre un peu plus ou un peu
moins de moutons pour chaque nom-
bre de claies. Lorîque leur nombre
ne peut pas être égal fur chacun des
quatre côtés du parc , il doit y avoir
iar deux côtés oppofés une claie de
plus que fur les deux autres.
§. III. Comment le berger falt-ïl un
parc ? Manière de faire un parc à
la fuite d'un autre.
Pour faire un parc, le berger fe
met au coin du champ, il mefure
au pas , fur le bout & fur le long du
champ , retendue nécellaire pour pla-
cer les claies des deux côtés du parc :
il marque le point où la dernière
doit aboutir: enfuite il mefure l'é-
tL.ndue que doivent avoir les deux
autres côtés du parc pour former un
quarrc , & il fait une marque où les
dtux autres côiés fe rencontrent; en-
lin il pofe les claies fuivant ces ali-
gnemens. Pour tranfpotter chaque
claie , le berger pafle le bout de fa
houlette dans l'ouverture qui eft au
milieu , il appuie fon des contre la
claie, il la foulève , & la porte, en
faifanc paffer la houlette fur fon
épaule , èc en la tenant ferme avec les
deux mains. On peut aufli porter les
claies, en partant le bras droit à tra-
vers la voie du mdieujou fous l'a-
vant-dernière planche des claies de
volige. ( l'^over la Planche XIII.
jîg. I. de l'ouvrage ci-defjus cité ^
fecl. II. ) Après avoir placé la claie ,
il l'afflire par une croiTe.
Lorfque le berger veut faire un
nouveau parc à la fuite d'un autre ,
l'un des côtés du premier pnrc fert
pour le fécond ; après avoir mefure
§c aligné les trois autres côtés du
MOU
fécond parc , il y tranfporte les claie?
du premier. Lorfqu'il eft parvenu aa
bout du champ, après avoir placé des
parcs à la file les uns des autres, il
en fait un nouveau à côté du der-
nier , & il fuit une nouvelle file en
revenant jufqu'à l'autre bout da
champ, & ainû de fuite, jufqu'à ce
qu'il ne refte aucun efpace qu'il n'air
parque.
§. IV. De la cabane du berger. Où
doit-elle être placée ?
La cabane du berger doit avoir fix^
pieds de longueur lur quatre pieds d&
largeur i?c de hauteur ; elle doir être
couverte par un toît de paille ou de
bardeau. On la pofe fur quatre petites
roues. ( Foyei la Planche XIV. fig. I.
de l'ouvrage ci-dcjfus cité. ) Elle a une
porte qui ferme à clef. On met dans-
cette cabane un matelas , des draps &C
des couverrures pour coucher le ber-
ger, & une tablette pour placer quel-
ques haches , & des provifioas dé-
bouche.
On place la cabane près du parc ,,
afin que le berger puilfe le voir de
fon lir , en ouvrant la porte. Lorf-
qu'un nouveau parc s'éloigne trop ,.
le berger en approche fa cabane , ea
la faifant rouler lui feid , fi le ter-
rein eft aifé , ou en prenant l'aide;
d'un fécond dans le cas contraire.
§. V. Combien de tems fait-on par"
quer les moutons chaque nuit ?
A quelles heures faut -il changer
de parc dans la. nuit «S* dans lai
rr.atinée ?
On fait entrer les moutons dans-
le parc fur la fin du jour , ou à;
MOU - MOU 717
fteurheures du foir, lotfque les jours
font bien longs, & qu'il n'y a [loint §• VI. Si l'on peut faire parquer les
de ferein. On les fait fortir du parc moutons dans l'hiver. Du moindre
à neuf heures du matin lorfqiie l'air ^^^^^^^,^^ ^^ ^^,^^^ ^ i^^-,^^ ^^^ y.^,^
& le foleil ont feché les herbes, ou „,
V 1 ■ I T r '•! ' • - peut faire parquer, tffets de c cn~
a huit heures, loriqu il ny a pouic t J r 1 jj
eu de rofée. ^''^'^ ^- parcage.
Il fuit changer de parc dans la
nuit & dans la matinée, dans la fai- On peut faire parquer pendant l'iù-
fon où les moutons rendent beau- ver fur les terreins fecs , tant que
coup de hente & d'urine , parce que le berger n'til: pas incommodé du
ks herbes qu'ils mangent ont beau- troid en couchant dans fa cabane :
coup de fuc : chaque parc ne doit mais en hiver , lorfque les moutons
durer qu'environ quatre heures. Aind n'ont que des fourrages fecs, ils ne
le premier parc commence à neuf rendent que peu d'urine & de hente,
heures du foir , il doit finir .à \.\nQ qui font peut-être mieux employés
heure du matin ; le fécond à cii:q à engraiflcr des fumiers lous eux ,
heures , & le troifième à neut heures, qu'au parcage.
Ce dernier parc fe faifant de jour, Lorfqu'on n'a qu'un très-petit nom-
ks loups ne font peint tant à crain- hre de bêtes à laine à. fiire parquer,
dre. C'eft pourquoi le berger peut il n'y a que la dépenfe du berger
fe difpenfer de l'enclorre de claies, qui puilTe en empêcher ; le produit
il fuftir de placer les chiens de ma- du troupeau n'y fuffiroit pas. Mais
nière qu'ils retiennent les moutons on peut ralTembler plufieurs petits
dans l'efpace deftiné au troifième troupeaux pour les faire parquer tous
parc : c'ell: ce qui s'appelle parquer enfemble lous la conduite d'un feul
en blanc. Lorfque les nuits font Ion- berger. H y a des cultivateurs qui
gués, & que le premier parc com- prennent à louage , pour un certain
mence avant neuf heures du foir, tems, plufieurs troupeaux peu nom-
Gn fait durer d'aurant plus long-rems breiix, & qui les réunifient pour les
chacun des parcs. Dans les faifons où faire parquet fur leurs terres. D'ait-
les herbes ont moins de fuc, & où très n'ayanr qu'un petit troupeau, les
les bêtes à laine rendent moins de mettent tous enfemble, & les font
fiente &: d'urine, le berger ne change parquer à frais communs, fur les
le parc qu'une fois: il tâche de don- terres qui leurappartiennent à chacun
ner à-peu-près aurant de rems pour en particulier. Si l'on ne faifoit par-
le premier que pour le fécond. Si quer qu'un rrès- petit nombre de
l'on parquoit en hiver, on pourroit moutons , 1! faudroit beaucoup de
ne faire qu'un parc chaque jour, parce tems pour tertilifer un champ. Il faut
que dans cetre faifon les bêtes à laine avoir au moins cinquante ou foixante
rendent peu de fiente & d'urine , bêres pour faire un parc; encore eft-
& que le froid ne permet pas au ce lorfque le berger, étant un enfant
berger de changer fon parc dans la de la maifon , ne coûte rien de plus
nait> pour le parcage. Cinquaote bctes à.
7iS MOU
laine fertilifent dans un parc refp.ice
de cinq cent pieds quarrés ; ainfi , il
faut foixante-cinq parcs pour un ar-
penc de terre. Si l'on fait trois parcs
chaque jour , il faudra vingt-deux jours
^ûur tcrcihfer un arpent 5 trente-deux
jours , il Ton ne fait que deux parcs
en un jour; foixante-cinq jours, il
l'on ne iaic qu'un parc : !k (uivant
le même calcul , deux cents foixante-
dix mourons parqueront un arpent ,
en douze parcs j deux cents bèces ,
en dix-fept parcs.j cent bères , en
trente-deux parcs , &c. L'arpent de
terre contient à-peu- près cent per-
ches quartées, de dix-huit pieds cha-
cune, ce qui fait trente-deux mille
quatre cents pieds quarrés.
Avant de faire parquer les mou-
tons, on donne deux labours, afin
que l'urine entre plus facilement dans
la terre. Aulîi-tôt que le parcage eft
fini dans un champ, on le laboure
afin de mêler la fiente & l'urine avec
la terre , avant qu'il y ait du def-
sèchement ou de l'évaporation.
Lorfqu'un champ eil femé, & que
le grain ell levé , on peut encore
pirquer dans des jours fecs, jufqu'à
ce que le bled ou l'orge ait un pouce
de hauteur. On dit que les moutons
dédommagent, parce qu'ils font du
bien aux racines, en foulant les terres
légères , «Se qu'ils écartent les vers
par leur odeur.
L'engrais du parcage eft meilleur
que le tumier de mouton : il pro-
duit un effet très-ienfible pendant
deux ans fur la produâion du froment
aue l'on recueille dans la première
année , &: fur celle de l'avoine dans
h. féconde année. Il rend aufii les
prairies sèches d'un bon rapporr, en
iiounant des récoltes abondantes de
M O U
fûîn fur des coteaux , où , fans îe
parcage , il ne viendroit pas aifer
d'herbe pour être fauchée j on ne
fauroit donc trop parquer les ptairies
sèches : plus le parc y relie , plus elles
produifent. Dans les temps lecs , on
peut lailfer le patc pendant deux ou
trois nuirs fur le même endroir , tan-
dis que dans les tems humides OQ
eft obligé de le changer chaque jour,
parce que les excrémens de la veille
n'étant pas féchés , ne peuvent que
falir les moutons.
CHAPITRE IX.
Du LOGEMEKTj DE LA LITIERE
ET DU FUMIER DES MOUTONS.
§. I. S'il fa uc loger les moutons dans
des étables jermées : comment doh~
on les loger pour les maintenir en
bonne Jante j & pour avoir de
tonnes laines & de bons fumiers ?
Les étables fermées font le plus
inauvais logement que l'on puilfe
donner aux moutons. La vapeut qui
fort de leur corps & du fumier , in-
fefte l'air, & met ces animaux ea
fueur. Ils s'atfoibli(Tent dans ces éta-
bles trop chaudes & mal-faines ; ils
y prennent des maladies ; la laine y
perd fa force , & fouyent le fumier
s'y defsèche & s'y brûle. Lorfque les
bêtes fartent de l'étable , l'air du
dehors les faiiît quand il eft froid :
il arrête fubitement leut fueur j &
quelquefois il peut leur donner de
grandes maladies. Il faut donc don-
ii;r beaucoup d'air aux moutons; ils
font mieux logés dans les étables ou-
vertes que dans les étables fermées ,
iriêaie fous des appentis ou des Ijaa-
MOU
gar Js , que dans des érables ouvertes :
un parc peut leur fervir de logement
lans aucun abri.
§. II. Des étables ouvertes. Du bien
& du mal qu'elles font aux moutons.
. Des appentis & des hangars ^ de
leurs proportions.
Une ctable ouverte a plufieurs fe-
nêtres , qui ne font fermées que par
des grillages, de même que la porre.
Elle vaut mieux qu'une érable fer-
mée , parce qu'une partie de l'air
infeété de la vapeur du corps des
moutons Se du fumier , fort par les
fenêtres & par la porte, tandis qu'il
entre de l'air fain du dehors par les
mêmes ouvertures ; mais ce change-
ment d'air ne fe fait qu'à la hauteur
des fenêtres : l'air qui rtfte autour
des moutons dans la partie balfe de
rétable, au-deflous des fenêtres, ell
toujours mal -fain, quoiqu'il foit
moins échauffé & moins infeéï que
celui des étables fermées. Celles qui
font ouverres ne fonr que diminuer
le mal; ce logement, quoique moins
mauvais pour les mourons que les
étables fermées, n'eft cependant pas
bon.
Un appentis eft un pan de toît ,
appliqué contre un mur, & fourenu
en devant par des poteaux. Ce lo-
gement vaut mieux que les étables
en partie ouvertes , parce qu'il eft
entièrement ouvert du côté des po-
teaux dans toute fa longueut, mais
il eft fermé en entier du côté du mur;
l'air infedé refte au milieu des mou-
tons , fur-tout au pied de ce mur.
Quoique ces appentis valent mieux
pour les moutons que les étables ou-
vercet j ce n'eft cependant pas leur
MOU
7^9
meilleur logement. Les hangars font*
à préférer.
Un hangard eft un toît foutenw
tour-au-tour fur des poteaux. ( f^oye'^
la Planche II ^ avec l'explication j
fig. I. de l'ouvrage de M. Daubcnton^
cité ci - dcJJ'us. ) L'air infeéb en fort
facilement, & l'air fain y enrre de
tous les côtés ; les moutons peuvent
en fortir, lorfqu'ils ont trop chaud,
&c y enrrer pour fe mettre à l'abri de
la pluie. C'eft certainement le meil-
leur logement pour ces animaux ,
il eft trcs-fain S: très-commode pour
eux; mais il eft coûteux pour les pro-
priétaires des troupeaux.
La manière la moins coûreufe
de faire un hangar pour Io^er les
mourons , eft de It faire fans murs.
Pour cer effer , ayez des poteaux de
fix ou fepr pieds de hauteur, placez-
les de manière qu'ils foienr fourenus
chacun par un dé, & rangés fur deux,
files , à dix pieds de diftance les uns
des autres; alfemblez-les avec des
folives & des fiblières , de la même
longueur de dix pieds , qui porteront
un couvert, dont les faîres n'auront
auffi que dix pieds, & les chevrons
feulement fept pieds. Au milieu de
cet efpace on met un rarrelier dou-
ble ; de chaque côté du même efpace
on bâtir un petit appentis qui n'a
que deux pieds de largeur, & dont
le faite eft placé contre les poteaux-
du bâtiment du milieu , à un demi-
pied au-deiïbus de la fablière. Les
folives de cet appentis n'ont que deux
pieds de longueur, & les chevrons
trois pieds. Les poteaux qui foutien-
nent la fablière n'ont aiilli que rrois-
pieds. Des conttefiches placées à des
diftances proporrionnées à la longueur,
du bcâriment, & a(Temblces avec les-
entraics & les poteaux , empêclienc:
710 M O U
que !a charpente ne dévetfe. On at-
tache contre les poteaux des appentis
un rateliet \ de lorte que la bergerie
a quatre rangs de râteliers fut fa
largeur, qui eft de quatorze pieds.
( f'oje:[ lu Planche indiquée ci-dcffus.)
Si on la couvre en toile , il fuflir
que les bois de la charpente aient
quatre à cinq pouces d'équarrillage.
Ils peuvent encote être plus petits ,
fi l'on fait la convertute en batdeau
ou en paille.
En donnant à chaque bête un pied
& demi de râtelier , il y a dans la
bergerie , pour chacune , un efpace de
cinq pieds quairés , ce qui fuffic d'au-
tant mieux pour les moutons de petite
taille , qu'il n'eft pas à craindre que
l'air s'y échauffe, car cet efpace n'etl
fermé que par des claies j les unes
fervent de portes , Si. les autres em-
pêchent que les moutons ne pallent
par-deifous les râteliers du côté de
la bergerie , & foutiennent le four-
rage qui eft dans les râteliers. De
plus , l'air fe renouvelle auiH à tout
jnftantpar l'ouverture qui eft tout au-
tour de la bergerie au-delfus des ap-
pentis. Si l'on deftinoit cette bergerie
à des bêtes de taille moyenne ou de
grande taille , il faudroit en augmen-
ter les dimenfions ou fupprimer le râ-
telier double du milieu \ dans le der-
nier cas j il y auroit pour chaque bê-
te un efpace de dix pieds quartés ,
ce qui fuffiroit pour les plus grandes.
En augmentant la larçreur de la ber-
getie de trois pieds ou de hx , ce qui
feroit deux ou quatre pieds pour le bâ-
timent , & un demi-pied ou un pied
pour chacun des appentis , &: en lait-
fant le râtelier double, chaque bête
auroit un efpace de (ix ou fept pieds
quaurcs , ce qui fuffiroit pour des
tnoutons de moyenne race. Quant à
MOU
la longueur de la bergerie , elle fe-
roit proportionnée au nombre des bê-
tes \ on pourroit la coniliruire en ligne
droire ou en équerre , &c. fuivant le
terrein.
Un hangar, tel quenous venons de
le décrire, eft le logement que l'on
doit prétérer à tout autre pour les
moutons. Quoique la conftruclion foit
moins couteufe que celle des érables
& des appentis, cependant elle exige
allez de dépenfe pour qu'il fût à dé-
lirer d'en être difpenfé j car quand
même la couverture de ce hangar ne
feroit que de chaume , il faudroit
toujours une charpente affez forte
pour réfifter aux grands vents , & de
quelque manière que ce hangar fût
conftruit , il exigeroit des frais pour
fon entretien. 11 vaut donc mieux
évitet toute cette dépenfe en lailfani
les moutons dans un parc en plein air,
fans aucun couvert. On le place dans
une baffe-cour , & on lui donne le
nom de parc domeftlque , pour Le
dilbnguer du parc des champs.
§. III. De l'éiindue d'un parc domef-
tlque 3 de fa fnuation y de la hau^
teur qu'il faut lia donner pour mec^
tre les moutons eu fureté contre les
loups. Des auges &• des râteliers.
Lorfque la litière eft rare , oa
eft obligé de refferrer le parc domef-
tique , afin d'avoir afftz de litière
fxiur en mettre par-tout j mais il faut
qu'il y ait au moins lix pieds quarrés
pour chaque inouioii de race moyenne.
Lorfqa'on peut donner plus de litiè^
re , il eft bon d'agrandir le parc do-
5- 1 * 1 •
meftique jufqu'à ce quil y ait dix
ou douze pieds quarrés pour chaque
mouton : les endroits couverts de
fiente y font plus éloignes les uns
dss
MOU
des îuties que dans un parc moins
grand 5 les moutons y falillent moins
leur laine ; ils peuven: s'y mouvoir
plus librement j ils y endommagent
moins leur laine en fe frottant les
uns contre les autres ; les brebis plei-
nes & les agneaux nouveauux nés y
fent moins expofés à être blelTés.
Les meilleures exportions pour un
parc domsftique , font celles du mi-
di, du fud-oueft tSj du fud-eft, parce
cjue les murs du parc mettent le trou-
peau à l'abri des vents de bife & de
galerne j les moutons y réfiftent com-
me aux autres expofitions , mais ils
y font plus fatigués. Des bêtes à laine
qui feroient répandues dans la cam-
pagne , comme les animaux fauva-
ges , y trouveroient des abris : il faut
donc placer leur parc dans le lieu le
plus abrité de la balTe cour j il faut
auflî que le terrein du parc foit en
pente , afin que les eaux des pluies
aient de l'écoulement.
Des murs de fept pieds de hauteur ,
dit M. d'Aubenton , ont empêché les
loups d'entrer dans un parcdomeftique
prcsdeMontbardjOÙil y abeauoup de
moutons & de chiens depuis quatorze
ans. Ces murs font bâtis de pierres
fèches ; il y a nécelfairement entre
ces pierres des joints ouverts qui don-
neroient aux loups la facilité de grim-
per au-delfus des murs j mais ils font
terminés par de petites pierres amon-
celées en dos-d'âne , de la hauteur
de huit pouces j quelques-unes de ces
pierres romberoient fi le loup mer-
toit le pied delTus pour arriver fur le
mur. On ne s'eft apperçu d'aucun dé-
rangement qui ait fait foup(j-onner des
tentatives de la part des loups pour
entrer dans le parc , quoique l'on ait
reconnu les traces de ces animaux qui
âvoient rodé tout autour.
Tome FI.
M o ir -jii
Les râteliers d'un parc domeftique
doivent avoir deux pieds de longueur
aux barreaux , & on les place à deux
pouces & demi de diftance les uns
des autres , fi c'eft pour une petite
race de moutoiis j on éloigne davan-
tage les barreaux , fi la race eft plus
grande , parce que leur mufeau eft plus
gros ; mais plus les barreaux fonc
éloignes les uns des autres / plus les
moutons perdent de fourrage , car ils
ne ramairent p.is celui qu'ils font tom-
ber fur le fumier en le tirant du râ-
telier. On fait des rareliers fimples
pour les attacher contre les murs ou
contre les claies , & des râteliers dou-
bles en forme de berceau , pour les
placer au milieu du parc.
Si l'enclos dont on veut faire un
parc domeftique eft petit , & fi le
troupeau eft nombreux, on met des râ-
teliers contre tous les murs & un râ-
telier double au milieu du parcj mais
ordinairement on fait le parc dans
une balfe-cour , comme nous l'avons
déjà" dit j dont il n'occupe qu'une
partie, & pour le former, on place
un rang de claies vis-à-vis les murs i
une diftance convenable , & on atta-
che les râteliers au mur ; on peut
auilî en attacher aux claies : dans ce
cas , il faut laiffer entre les claies Se
le mur une plus grande diftance que
s'il n'y avoir qu'un rang de râteliers ,
afin que les moutons aient chacun
dans le parc le nombre de pieds quar-
rcs qui leur eft néceflaire. 11 faut tou-
jours mettre par préférence les râte-
liers contre les murs , parce que les
moutons fe réfugient au pied de ces
murs pour avoir un abri.
Quant aux auges , on les met fous
les râteliers, pour recevoir les graines
& les brins de fourrage qui rombent
du râtelier , & que les moutons ne
Y y y y
711
MOU
▼oudroient pas manger, s'ils fe mê-
loien: avec la lirière ôc le fumier.
On fait ces auges avec des voliges j
on peuc leur doi'.ner fix pouces de
profondeur , un pied de largeur au-
dedus 5 & lix pouces au fond. Lorf-
quoii veut donner aux moutons àcs
racines , du grain ou d'autres chofes
qui palTeroien: à travers les râteliers,
on les met dans les autres,
o
§. IV. Si les moutons peuvent ré-
Jîficr aux injures de tair dans les
hivers les plus fo'ts , fans être à
couvert dans un parc domejlique^
La laine dont les moutons font
^ctus , les défend aflez des injures
de l'air : elle a une forte de crailfe ,
que l'on appelle le fuint , qui empê-
che pendant long-temps la pluie de
pénétrer jufqu'à fa racine; de forte
que les flocons ne font ni froids , ni
iiiouillés près de la peau, tandis que
ie refte eft chargé d'eau , de glace ,
©Il couvert de givre ou de neige. Lorf-
que les moutons fcntent qu'il y a
trop d'eau fur leur laine , ils la font
tomber en fe fecouant. Ils peuvent
ie déb^îtralfer de la neige par le mê-
me mouvement ; mais qu,tnd ils en
feroienr couverts , quand même ils s'y
trouveroient enfouis pendant quel-
que temps , ils n'y périroient pas.
]\î. <i'AubeiHon a fait cette épreuve
près de la ville de Montbard ,. dans
la haute Bourgogne , d'abord fur une
douziine de bêres à laine, & enfuite
pendant quatorze ans, depuis 1767,
jufqu'en 1785 , fur un troupeau d'en-
viron trois cents bêtes , qui n'ont eu
d'autre logement pendant ce temps
qu'une balfe-cour fermée de murs.
Les râteliers font attachés aux murs
fans aucun couvert , les brebis y ont
MOU
lïiîs bas ; les agneaux y font toujoars^
reftcs , &: toutes les bêtes s'y font
maintenues en meilleut état qu'elles»
n'auroient fait dans des érables fer-
mées , quoiqu'il y ait eu pendant le
temps de leur féjour à l'air , plufieurs
années très-pluvieufes , & des hivers
très - froids , en particulier celui de
1776. On fait d'alUeufS qu'en An-
gletetre , les bêtes à laine relient en
plein champ pendant tout lluver. Il-
y en a eu dans ce psys-là qui ont paCTé-
plufieurs jours enfoncées fous la nei-
ge de qui en ont été retirées faines &
fauves y mais dans la faifon où les
brebis agnèlent , les bergers veillent
pendant les nuits troides , pour em-
pêcher que les agneaux ne gèlent,,
principalement ceux des mères jeu-
nes , foibles ou mal nourries : ceê-
accident eft peu à craindre , lorfqu'on
n'a donné le bélier aux brebis qu'en
odobre. Avant d'expofer un grand-
troupeau en plein air , on peut faire
un elfai fur un petit nombre de bêtes,,
comme on l'a fait en Bourgogne.
Les parties du corps des mourons
fur lefquelles il n'y a point de laine,,
telles que les jambes, les pieds, le
mufeau & les or&illes , ne pourroient
point rélilier au grand froid , fi ces
animaux ne favoient les tenir chaudes.
Etant couchés fur la litière , ils raf-
femblent leurs jambes fous leurs
corps ; en fe ferrant plufieurs les uns
contre les autres , ils mettent leur tête
6v' leurs oreilles à l'abri du froid , dans
les petits intervalles qui reftent en-
tr'eux , &r ils enfoncent le bout de
leur mufeau dans la laine. Les temps
où il fait des vents froids & humi-
des, font les plus pénibles pour les
moutons expofés à l'ait ; les plus foi-
bles tremblent & ferrent les jambes,.,
c'eft-à dire , qu'étant debout , ils ag-
M O U
prochent leurs jambes plus près les
unes des autres qu'à l'ordinaire, pour
empêcher que le froid ne gagne les
aînés Se les ailfelles où il n'y a ni
laine , ni poil ; mais dès que l'ani-
mal prend du mouvement ou qu'il
tnange , il fe réchauffe , &c le trem-
blement celTe.
Dans un troupeau loge en plein
air , s'il y a des agneaux foibies &
languilfans , s'il y a des moutons ma-
lades , ôc ii l'on voit que les injures
de l'air augmentent leur mai , il faut
les mettre à couvert de la pluie & à
l'abri des mauvais vents , dans quel-
que coin d'appentis , d'écurie, ou de
quelqu'autre bâtiment , jufqu'à ce
qu'ils loient fortifiés ou guéris.
§. V. Si les fumiers d'un pare do~
mejlique font aujji bons que ceux
d'une étable.
Les fumiers qui fe font en plein
air ne font pas fujets comme ceux
des étables , à fe trop échauffer, à
blanchir & à perdre de leur force ;
parce que les brouillards , la neige &
les pluies les humedlent , & en tont
un engrais meilleur que les fumiers
qui ont été pendant long -temps à
couvert.
Tant qu'il y a du fumier dans le
parc domeftique, il faut nécelfaire-
ment de la litière pour empêcher
les moutons de falir leur laine &
d'être dans la boue ; mais Ç\ l'on
n'avoit plus de litière à leur donner ,
il faudroit mettre le fumier hors du
parc , enfuite le balayer tous les ma-
tins to enlever les ordures. On a fait
cette épreuve pendant plufieurs an-
nées fiar un troupeau qui s'eftbien paffé
«de litière ; mais dans ce cas , i! faut
fabier le parc, G le terrein n'tftpas i<i-_
M O H 7^3'
lidc , & lui donner beaucoup de pente
pour l'écoulement des eaux. On ne
s'eft pas apperçu que les eanx des
pluies qui cavent le fumier d'un parc
domertique , & qui s'écoulent en de-
hors , aient dégtaillé le fumier & en
aient diminué la force ; il a tait au-
tant & plus d'effet fur les terres que
celui des étables \ mais pour ne rien
ferdre , il faut tâcher de conduire
égoùt du parc fur un terrein en cul-
ture, ou dans'une folfe doat on retire
l'engrais qui s'y eft amalfé.
CHAPITRE X.
Z> £ LA TONTE D£S BETES
A LAm E.
§. I. Du temps où U faut tondre les
moutons. Des inconvéniens qu'il
y a à tondre trop tôt ^ ou trop tard.
Des mauvais effets du retard de la.
tonte.
Tous les ans , vers le mois de
mai , il fort une nouvelle laine de
la peau des moutons ; en écartant
les mèches de la laine , on apper-
çoit la pointe de la nouvelle , lorf-
qu'elle commence à poulTer : c'eft
alors le temps de la tonte.
Si l'on tondoit plutôt , la laine ne
feroit pas à fon vrai point de matu-
rité j elle n'auroit pas toutes les qua-
lités qu'elle peut acquérir jufqu'au
terme naturel de fon acctoiffement ;
les moutons étant dépouillés trop tôt
dans les pays froids , fouftriroient
des injures de l'air.
Plus on retarde la tonte , plus il
fe perd de laine. Lorfque la nouvelle
laine commence à paroître , l'an-
cienne fe déracine aifément ; le
aïoindie effoic fuffit pour l'arracheu
Y y y y. *
714 MOU
Alors fi les moutons paflent contre
des buiffons ou des haies , les bran-
ches accrochent quelques flocons de
Jaine qui y relient fufpendus , après
s'être détachés de la peau.
Le retatd que l'on met encore à
tondre les moutons , a d'autres mau-
vais effets , en caufant une autre
perte ; lorfque la nouvelle laine a
déjà quelques lignes de longueur au
temps de la tonte, on la coupe avec
l'ancienne. Quoique cette nouvelle
laine augmente le poids de la toi-
fon , le propriétaire y perd au lieu
d'y gagner , parce que l'acheteur in-
telligent & le manufacturier favent
^ue cette nouvelle laine étant très-
courte, fe fépare de l'autre, lorfqu'on
l'emploie ; ainli ils diminuent d'au-
tant le prix de la toifon. La nouvelle
laine ayant été coupée à fon extré-
mité eft moins longue qu'elle ne de-
vtoit l'être l'année luivante.
§. II. Ce qu'il faut faire avant de
tondre les riioutùns.
Il n'y a rien à faire fi l'on veut en-
lever la toifon fans l'avoir lavée ;
mais c'eft un mauvais ufage , il vaut
mieux laver la laine fur le corps du
mouton avant de le tondre '■, c'eft ce
que l'on appelle laver à dos ou fur
pied. Ce lavage fcpare de la laine
ks ordures qui la faliiTent de qui
ipourroient garer la toifon , fi elle
reftoit long- temps avec l'urine , la
fiente & la boue dont elle s'eft char-
gée \ d'ailleurs , le propriétaire con-
iioît mieux la valeur des toifons lorf-
qu'il les vend au poids après qu'elles
ont été lavées à dos, qu'en les vendant
au fuint. L'acheteur fait toujours
mieux acheter que le propriétaire
AS fait vendre , parce que celui-ci
MOU
ne vend qu'une fois l'a-n , & que l'au-
tre achette tous les jours.
§. III. Du lavage à dos • comment
fe fait-il i
Pour faire le lavage à dos, on fair
entrer chaque mouton dans une eau
courante jufqu'à ce qu'il en ait au
moins à mi-corps j le berger eft aufli
dans l'eau au moins jufqu'au genou;
il palfe la main fur la laine & la
prelf^ à différentes fois pour la bien'
nettoyer. On peut faire auffi ce la-
vage dans une eau dormante , fi elle
eft propre. Mais dans les cantons où
l'on n'a que de l'eau de fontaine , de
puits ou de citerne , il fufîît d'en
remplir des baquets. On verfe cette
eau avec un pot fur la laine du
mouton j en la prefTant avec la main^
Mais û l'on pouvoir avoir une chute
d'eau de trois ou quatre pieds de hau-
teur , on la recevroit dans un cuvier
où l'on plongeroit le mouron j ( voye-^
la plamhe X de l'ouvrase de ÀJ. Dau'
benton pl'djiciirs fols cite) deux hom-
mes , dont les manches feroienr re-
troullées (Se recouvertes par de faufies
manches de roile cirée , laveroienr
mieux le mouton que de toute a'utte
manière j on a fuivi cette méthode
pendant plufieurs années avec l'eau
d'une fontaine, fans que les moutons
aient été incommodés par la fraîcheur
de cette eau : ceux que l'on tient en
plein air pendant toute l'année, fonr,
fans aucun inconvénient , fouvenc
expofés à des pluies aufli froides qu'un
bain d'eau de fource.
Maisavanr de tondre les mourons,
il eft néceflaire de les laver plufieurs
fois pour que la laine foir bien nette
& de bon débit; après le dernier la-
vage , il faut tenir les moutons dans
des lieux propres jufqu'au momeaç
MOU MOU 715
tle la tonte , que l'on ne doit faire du bord; on pafle un coidon en plu-
qu'apiès avoir lallfc lécher la laine , fieurs endioits par les ouvertures j
ahn que la coifon ne foit pas fujette pour retenir fur la table les jambes
à fe gâcer par l'humiàicc. 11 hiut donc de devant dans un endroit , & les
tacher de ne faire le dernier lavage jambes de derrière dans lui autre,
que par un beau temps. ( ^oje^ la planche XI de l'ouvrage
Les gens de la campagne ont beau- ci-dcffus cite.) Lorfque c'eft un bélier
coup de préfages du beau temps ou cornu , on attache aufiî Tune des
de la pluie; mais la plupart de ces pré- cornes fur la table ; par ce moyen,
fages font faux ou trop incertains; ils la b"te eu moms gênée , & les ton-
ne connoilTent prefque pas le meil- deurs travaillent à leur aile ; ils peu-
leur qui eft le baromètre. Un berger venr être alîis. Cette commodité eft
bien inftruit devroit le connoître ; on nécelfaire pour un ouvrage qui de-
voir dans un tuyau de verre, du vif- mande de l'attention & de l'adrelTe,
argent qui monte ou qui dekend en car il faut coupet la laine avec les
ditïérens temps ; à côté du tuyau, la forceps, très-près de la peau , fans la
hauteur eft marquée par pouces & par blefler. Lorfque le mouton eft tondu
lignes. (^<?yeç baromhre& la planche, fur l'un des côtés du corps, on le dé-
fia. I .tom. i^pûg. 158. ) Lorfqu'on lie , on le retourne, & on l'attache
regarde le baromètre , on remarque de l'autre côté.
à quel point de hauteur & à quelle Lorfque les moutons font tondus,
ligne eft le vif-argent : on revient fi l'on apperçoit quelque hgne de
quelque temps après , & on voit il gale, {voye^ ce moc)'û faut les frot-
le vif-argent a monté ou defcendu ; ter avec un onguent de graille ou de
s'il a monté , c'eft figne de beau fuit & d'elfence de térébenthine. Si
temps; s'il a defcendu, c'eft hgne la peau a été entamée par les forceps,
de pluie ou de venr. îe même onguent eft bon pour ces
R ^\T r> r -7 j 7 petites plaies. Cet onguent fe fait de
^. IV . Comment faut-il tondre les \ X. . . o
•^ an- •>•;/- ia manière luivante :
mourons r Du traitement au il faut ^ ■ ^ , ,. , ,- .^
, r ■ 1 r >■! r \ , ] faites tondre une livre de fuif en
leur faire 3 lorlqu ils ont tondus. , , , .,-r , . . , ,
r- 1-7 y ■ j / ère, ou ae graille en hiver, retirez-la du
Ce au il y a a craindre pour les r ^ ?, ^ r T , -X-
• -^ . 7 reu, & mêlez avec le luit ou a (^raille
animaux après la tonte : moyens ' „, ., , , ,, » , .
J, ■ 7 J un quarteron d huile de rcrebenthine
a éviter tous les dangers. ^, >i ,, - ,t- • '^""'^
" ou plus, s il elt necellaire pour la
On eft dans l'ufage , quand on gale.
veut tondre les moutons , de leur JLa grande chaleur du foleil & les
lier les quatre jambes enfemble pluies froides font à craindre pour
pour les empêcher de fe débattre , les moutons pendant dix ou douze
niais c'eft une mauvaife prarique ; jours apics la ronte. Le grand foleil
lorfqu'on les gène ainfi , le ventre, racornit leur peau fur le dos , & la
& par conféquent la vellie , font pref difpofe à la gale & à d'autres mala-
fés, de façon que l'urine «Si la fiente dies , tandis que les pluies froides
fortent & falilfent la toifon , il vaut morfondent les moutons & les tran-
mieux coucher le mouton fur une filTent au point de les faites mourir^
table percée de pluûeurs trous près fi on ne les réchauffe promptemenc.
72^ M O U
Mais on peut éviter ces dange rs ,
en mettant les moutons à l'ombre , au
milieu du jour lorfque le foleil eft
très-ardent ; au contraire , s'il eft à
craindre qu'il ne tombe des pluies
froides ou de la grêle , il ne faut pas
éloigner le troupeau de la bergerie ,
afin de pouvoir le faire rentrer & le
mettre promprement à couvert s'il
eft néceflaire. Cela arrive plus rare-
ment pour les moutons qui font tou-
jours à l'air, que pour les auttes; car
dans une bergerie qui eft fituée en
Bourgogne près de Montbard, & où
il n'y a point d'érables depuis plus de
quatorze ans , on n'a jamais été obligé
de mettre les moutons à couvert après
la tonte.
§. V. Que faut- il faire de la toïfon ,
après qu'une bête « laine a été
tondue ?
Il faut expofer la tolfon à l'air
pour la faire féclier : plus elle eft
féche , moins elle eft fujette à fe gâ-
ter \ enfuite on l'étend de façon que
la face qui tenoit au corps de l'ani-
mal fe trouve en delfous , & l'on re-
plie tous les bords fur le milieu de
î'autre face ; on en fait un paquet
que l'on arrête en alongeant de part
& d'autre quelques parties de laine
•que l'on noue enfemble. Les toifons
ainfi difpofées , font mifes en tas dans
un lieufeCj jufqu'au temps de les
vendre.
§. VI. Des infectes qui gâtent U plus
la laine. Manière de les connaître
.6" d'en préferver la laine.
Les infeéles qui gâtent le plus
îa laine f«nc les teignes. On donne
MOU
ce nom à des chenilles produites par
des papillons que l'on appelle aufti
des teignes ; pour les diftmguer des
autres infeéles du même nom , on
les appelle teignes communes. La
plupart des gens prennent les che-
nilles teignes pour des vers j quoi-
qu'elles aient des jambes comme les
autres chenilles , tandis que les vers
n'en ont point. Les papillons teignes
fe trouvent dans les maifons où il y
a des meubles ou des magafins de
laine ; ils ont à-peu-près trois lignes
de longueur ; ils font de couleur jau-
nâtre luifinte. On les voit voltiger
depuis la fin d'avril jufqu'au com-
mencement d'odtobre , un peu plutôt
ou plus tard , fuivant que la faifou
eft plus ou moins chaude. Pendant
tout ce temps les papillons teignes
pondent fut la laine de petits œufs
que l'on apperçoit difficilement j c'eft
de ces œufs que fortent les chenilles
qui rongent la laine: ( f^oye-[ CHSr
NILLE. )
Les chenilles teignes édofent pen-
dant les mois d'odrobre , de novem-
bre & de décembre ; elles font très-
petites 5 & prennent peu d'accroif-
fement pendant tout ce temps , &
même elles font engourdies , lorf-
qu'il fait de grands froids ; mais
pendant le mois de mars & le com-
mencement d'avril , elles grandiftenc
promptement \ c'eft alors qu'elles cou-
pent un grand nombre de fdamens
de laine pour fe nourrir &: fe vêtir.
On connoît les chenilles teignes,
lorfqu'on voit fur les toifons de laine
ou dans d'autres endroits , de petits
fourreaux d'environ une ligne de dia-
mètre, fur quatre ou cinq lignes de
longueur & rarement fix ; ces four-
reaux font un peu renflés dans le
milieu & évafés par les deux bouts.
MOU
0 7 a dans chacun une clienille qui
s'y tien: à couvert, parce qu'elle n e(l
revcrue que d'une peau blanche , min-
ce, rranfparenre & délicate. La che-
nille ceigne avance un tiers de la Ion-
gueur de (on corps au dehors de (on
fourreau , par un bouc ou par l'autre ;
car elle peut s'y recourner dans le mi-
lieu , à l'endroic où il e(l le plus lar-
ge ; elle peut aufll en fortir prciqu'en-
tiérement , il n'y relie que la partie
poftérieure du corps & les deux jam-
bes de derrière qui s'attachent ait
fourreau , de force que la chenille
peut l'entraîner avec elle lorfqu'elie
marche , par le moyen de fes autres
jambes : elle n'a que le tiers de fon
corps au dehors du fourreau lorf-
qu'elie coupe les filamens de la laine :
elle fe contourne en diliérens (ens
pour atteindre au, plus grand nombre
de ces filamens; elle fe nourrir de la
fubftance de la laine , (Se elle l'em-
ploie aulTî pour former & pour agran-
dir fon fourreau ; c'eft pourquoi il cft
de mîme couleur que la laine. On
ne peut pas douter qu'il .n'y ait eu ,
ou qu'il n'y aie encore des chenilles
teignes dans de la laine , lorfqu'on y
voit de leurs excremens , ou lorfqu'ils
font répandus au-delfous. Ces excré-
Hiens fonc en pecics grains arides
Si anguleux , gris , lorfque la laine
eft blanche, noirâcres, lorfqu'elie eft
noire.
Les chenilles teignes, après avoir
pris tout leur accroilTement , quit-
î€nt pour la plupart les toifons pour fe
retirer dans de petits coins obfcurs du
magafin de laine, & s'y attachent par
les deux bouts de leur fourreau, ou
elles fe fufpendent au plancher par
unfeulj alors elles ferment les deux
ouvertures du fourreau, & changent de
forme £c de nom j on leur donne alors
MOU
celui de chryfalide. ( l^oye^ ce moi )
Elles relient dans cet état pendant
environ trois femaines j eniuite ces
infedles percent le bouc de leur en-
veloppe qui efc le plus près de leur
tête, (S: ils foitent fous la forme d uu
papillon.
Quant aux moyens de ptéferver
la laine du domiiiage- des chenilles
teignes , jufqu'.à préfenc on n'en a
trouvé aucun pour l'en garantir entiè-
rement, mais on peut l'éviter en
partie : faites enduire en blanc les
murs & plafonner le plancher du
magafin où l'on farde des laines ^
afin que les papillons reignes qui f«
pofent furies murs & fur le platond,
fuient plus apparents. Placés les laines
fur des claies qui foient foutenues à
un pied au-de(Ius du carrelage , ayez
un bâton terminé comme un tleuret
à l'une de fes extrén-ntés parun bou-
ton rembourré j lorfque vous encre-
rez dans le magafin , vous frapperez
avec le bâton fur les laines 6c fous
les claies pour faire fortir les papil-
lons teignes j ils s'envoleront , ils
iront le pofer fur les murs ou fur le
plafond, où il fera facile de les tuer
en appliquant fur eux l'extrémité
du bâton rembourré. En répétant
fouvenc cecce recherche , depuis Li
fin d'avril jufqu'au commencement
d'oélobre . on détruic un crand nom-^
bre de papillons ceignes; on prévient
leur ponte , ou on ne la lailfe pas
achever ; par conféquent il y a beau»
coup moins de ces chenilles rongeufes
dans la laine : un enfant eft capable
de la foigner de cette manière.-
On a prétendu que l'odeur dm
camphre ou de l'efprit de térében-
thine, étoient des préfervatifs poup
la laine , contre les teignes : elles peu-
vent être détournées par ces odeurs,.
yïS M O tJ
fi elles trouvent à fe placer fur des
laines qui ne les aient pas; mais à
leur défaut elles s'accoutument à l'o-
deur du camphre & de la tc'rcbentine.
La vapeur du fouffre fait audi péiir
les chenilles teignes; mais il faut que
cette vapeur foit concentrée dans un
petit cfpace. Elle ne pourroit pas
l'être dans un magafin de laines ,
d'ailleurs elle leur donneroitune mau-
vaife odeur ; celle du camphre efl:
auffi très-défagréable. 11 vaut mieux
battre les laines dans les magaims ,
& en tirer les papillons teignes : aufli
eft-ce la méthode des fourreurs, pour
conferver les pelleteries; ils les bat-
tent , & ils courent après les papillons
teignes , dès qu'ils en apperçoivenr.
DEUXIÈME PARTIE.
CHAPITE PREMIER.
Maladi:es a i g u z s,
§. I. Inflammatoires,
Le catatre , la péripneumonie ou
inflammation de poitrine, les tumeurs
phlegmoneufes , refqjiinancie lun-
ple , l'enflure à la tète , la courbatu-
re , le piflement de fang , l'enflure
au bas ventre , le mal rouge , la ma-
ladie du fang.
§. IL Carhunculaïres,
Le charbon à la lanç^ue, le char-
bon œdémateux , le vrai charbon , le
chancre.
§. III. Phlogofo- gangreneufes.
L'efquinancie gangreneufe , le feu
ixQih ou éréfipèle , la rougeole.
MOU
§. IV. Putrides & malignes:
La pefte des brebis.
§. V. Eruptions exanthcmatiques.
Le claveau ou clavellée, la cryftal-
line des brebis.
§. VI. Phlegmon infecles.
Les tumeurs par la piquure des in-
fectes, (Sec, par la ponte de leurs
œufs.
CHAPITRE IL
Malad],es Chroniques.
§. I. Séreufes j humorales _, plethor.
riques.
La bouffilTure, l'hydropifie.
§. II. Tiydaiïdcufcs.
L'hydropilre au cerveau , aux pou-
mons, au bas ventre, la pourriture,
les douves , les vers de différente ef-
pèce , la toux , la pulmonie.
§. III. Fluxîonnaires ou évacuatives.
L'écoulement par les nafeaux , la
morve, la dysenterie, la diarrhée
ou dévoiement.
§. IV. Les pforiques.
La gale , les dartres , le bouquet
ou noir mufeau , le cancer des bre-
bis ou feu Saint-Antoine.
§. V. Sèches ou arides,
La brûlure ou mal de feu , la coii-
fomption.
La planche ci-jointe repréfente un
mouton , & indique les parties affec-
tées par ces différentes maladies.
Quanj
s.
^'
v:
IN
M O U
•Quant au traicemenc , on le trouvera
dans le corps du Didionnaire fous le
nom qui les déligne. Al. T.
MOUTURE. Foyei Moulin.
MOXA. Efpèce de coton de la
Chine dont on fe fert pour cauté-
rifer. Les Japonois &: les Chinois en
font un grand uiage ; il mériteroic
bien d'être généralement adopté en
Europe. C'eft une efpèce de duvet
fort doux au toucher , d'un gris de
cendre, & femblable à la filalle de
lin. On le compofe de teuilles d'^r-
rnoifc j pilées , ( /-'o_yf~ ce mot ) dont
on fépare les libres dures &c les par-
ties les plus épailfes j cette matière
étant fèche , prend aifément teu ,
mais elle fe confume lentement lans
produire de flamme & fans caufer
une brûlure fort douloureufe. 11 en
part une fumée légère , d'une odeur
allez agréable. Lorfqu'il s'agit d'ap-
pliquer le moxa, on prend une petite
quantité de cette hlalfe que l'on roule
entre fes doigts pour lui donner la
forme d'un cône d'environ un pouce
de hauteur j on applique ce cône par
fa bafe, après l'avoir humedbé d'un
peu de falive, fur la partie que l'on
veut cautérifer , pour qu'il s'y atta-
.che plus aifément , après quoi l'on
met le feu au fommet du cône , qui
,fe confume peu à peu, & finit par
faire une brûlure légère à la peau ,
•qui ne caufe point une douleur con-
fidérable : quand un de ces cônes eft
confume , on en applique un fécond ,
tm troifième , & même jufqu'à dix
& vingt , fuivant l'exigence des cas.
• C'eft fur-tout le long du dos que les
Chinois appliquent le moxa.
M. Pouteau , chirurgien de Lyon,
connu dans toute l'Europe par fes fa-
Tome yi.
M O X 719
vans écrits , &; que la mort a trop
tôt enlevé pour le bien de l'huma-
nité , a été un des pkis célèbres pro-
moteurs de la cautérifation Japonoife.
D'une fanté foible, délicate , aftedc
de la poitrine , c'ell fur lui qu'il en a
fait les premiers ellais , & il s'en eft
fi bien trouvé , qu'il a elfayé & léulîi
à guérir phifieurs poitrinaires , ôc à
faire difparoître des maladies contre
lefquelles on avoit elfayé tous les
remèdes connus. Cette méthode pa-
roît au premier coup d'ocil barbare ,
Se fur-tout très-douloureufe ; cepen-
dant elle ne l'eft point. J'ai vu plu-
sieurs femmes tenir elles-mêmes le
cylindre, fe lailfer brûler tranquille-
ment, & recommencer de nouveau
quand le cylindre étoit confume. Le
feu mis dans la partie fupérieure ,
poufie lentement la chaleur contre la
peau ■■, la peau lubréhée par un peu
d'humidité qui refte dans le moxa,
& par la tranlpiration qui ne peut
s'échapper, s'y accoutume peu à peu^
la douleur cft fi petite quand le fea
eft bien gradué , que je réponds, d'a-
près ma propre expérience , qu'il faut
être bien délicat pour ne pas la fup-
porter.
On a publié plulîeurs manières de
préparer le moxa , de le comjxjfer ,
ikc ; elles font au moins inutiles
puifqu'il ne s'agit d'établir qu'une
chaleur graduée ; & les propriétés
particulières des plantes n'ajoutent
rien à la valeur de l'aétion du feu. Le
coton feul fuffit. On prend un mor-
ceau de toile d'un pouce de hauteur
& d'un peu plus de trois pouces de
largeur , donr on réunit & fixe les
deux extrémités par des points , ce
qui forme alors un cylindre. On I4
remplit couche par couches de co-
ton j que l'eu ptefle vivement. Aa
Z z z z
730 M U C
bas du cylindre & de chaque cô-
ré , on attache un morceau de ru-
ban de hl au moyen duquel on tient
commodément le cylindre fixé dans
l'endroit qu'on veut cautérifcr ; en-
fuite on met le feu au haut du cône.
J'ai vu réulîir avec le plus grand
fuccès , cette cautérifation dans les
commencemens des maladies de poi-
trine , en appliquant le moxa deux
pouces au-deirus du creux de l'efto-
mac ; fur les parties affectées de rhii-
matifmes , & de rhumatifmes gou-
leux. U me paroît que dans ces cas
urgens , le moxa doit très-utilement
fupplcer les vcficatoires , vu que
fon effet eft plus prompt : d'ailleurs,
on ne craint pas , comme avec les
véficatoires , les funeftes effets des
jnouches cantarides fur la veffie.
Il convient d'entretenir la plaie
faite par la brûlure , par l'application
ties feuilles de bettes ou de cardes-
poirées , ou de laitues \ ( f^oyei as
îMots ) Il en découle une eau ordinai-
rement limpide , Se c'efl la matière
de l'humeur qui fort par cette voie.
MUCILAGE, Subftance qu'on re-
tire àQi plantes , qui efl: parfaitement
mifcible à l'eau, tk la leule dans la
nature qui foit nourrilTante \ on l'ap-
pelle gilatïntufc dans le règne ani-
mal ;. quant au fond , c'eit la même
fubftance que celle qu'on tire des
végétaux : ce qui nourrit dans la fa-
rine, dans les fruits, dans les vian-
des, &c, c'eft cette partie muqueufc ou
mudlûglneufe. { f^oye^ le mot Pain)
Ce mucilage eil uni naturellem.ent
ou artiticiellemenc avec une portion
fucrée , &z tous deux étendus dans un
fiaide en quantité proportionnée, la
fermentation s'établit , ( J^oye^ ce
Bioc ) il en téfulre un vin, & de ce
M U F
vîn on retire de l'efprir ardent ou
eau-de-vie. Tel eft le réfultat de la
fermentation de la liqueur du taiiin,
du cidre , du poiré , de l'orge fer-
mentée pour la bière , &c. Le mu-
cilage eft en général plus particulier
aux femences <Sc aux racines, qu'aux
tiges & aux fleurs : les plantes gra-
minées font exceptées de cette règle.
Les gommes pures font àQS muci-
lages.
MUFLE DE VEAU. ( Foyei.
Planche XX/ÎI ^ page 6yi ) Tour-
nefort le place dans la quatrième
feétion de la quatrième clafTe des
fleurs d'inie ftule pièce irrégulière,
terminées par un mufle à deux mâ-
choires , <Sc il l'appelle anthirrinum
vulgare. Von Linné le nomme anthir-
rinum inajus _, & le claffe dans la
dydinamie angiofpermie.
Fleur. Compofée d'un tube très-
long, divifé en deux lèvres j la fupé-
rieurelendue en deux, &z l'intérieure
en trois. B repréfente la lèvre fupé-
rieure avec les quatre étamines, dont
deux plus longues & deux plus cour-
tes. C fait voir le calice, le piftil &
l'embrion.
Fruit. Capfule fingulière quand
elle eft feche ; elle repréfente le
mufle d'un veau , d'où la plante a
tiré fa dénomination. On le voit en
D : cette capfule efV partagée en deux
loges, remplies de femences menues.
Feuilles. Entières , en forme de
fer de lance , portées par des pétioles.
Racine A. En forme de fufeaux,
avec des rameaux latéraux & che-
velus.
Port. Tige haute de deux à trois
pieds, fuivant le fol & la culture,
droite , rameufe ; les fleurs au haut
de la tige difpofces en épi, les feuilles
M U G
alternatiyenienc placées fur elles. La
fleur eft purpurine , plus ou moins
foncée en couleur ; il y en a une va-
tiété à fleur blanche & à Heur jaune.
Lieu. Les rerreins incultes , les vieux
murs. La plante eft vivace; on l'a tranf-
portée dans nos jardins , &c elle fert
de décoration dans les plates-bandes.
Propriétés. On la dit vulnéraire ,
& on l'emploie en décodion.
Culture. Le lieu où elle croit fpon-
tanément prouve que fa culture n'eft
pas difficile. On multiplie le mufle
'de veau de deux manières , & par fe-
mence & par filleule. On lefème dès
que l'on ne craint plus les gelées d»
l'hiver. Dans les provinces du midi
& du centre du royaume, les plantes
provenues des femis , fleuriront en au-
tomne , & les autres au printemps
fuivant, à moins que l'été des pro-
vinces du nord n'ait été chaud ....
On multiplie la plante par filleule ,
en en féparant les tiges , & en les
emportant avec leur racine ; chaque
bcin, ainfi garni de racines, reprend
avec la plus grande facilité. L'opéra-
tion doit être faite ou vers la fin de
l'automne, ou avant que la fève fe
foit mife en mouvement après l'hiver :
ces plantes ciaignent les terreins hu-
mides & marccigeux. Si on veut
qu'elles fleuriflent pendant prefque
toute l'année , il faut couper raz de
terre les tiges au moment qu'elles ont
palfé fleur, & répéter la même opé-
ration après chaque fleuiaifon.
MUGUET ou LIS DES VAL-
LEES. Tournefort le place dans la
féconde fedtion de la première claflTe
des herbes à fleur en grelot , dont le
piftil devient an fruit mou & alfez
petit , & il l'appelle lilium conval-
iium album. Von Linné le noram,e
M U G 73Î
convallaria majalis , & le claffe dans
l'hexandrie monogynie.
Fleur. En forme de cloche, d'une
feule pièce, découpée fut ies bords,
à quatre ou cinq fegmens recourbés.
Fruit. Sphérique , mou , rouge ,
rempli de pulpe & de femences
dures, entaflees les unes fut les autres.
Feuilles, Pour l'ordinaire au nom-
bre de deux, grandes, ovales , par-
tant des racines & enibraflant la tige
par leur bafe.
llacine. Horizontale , charnue ,
noueufe , traçante.
Port. La tige eft nue , elle s'élève
à un demi pied, porte plufieurs fleurs
difpofées en grappes, îk rangées d'un
féal coté.
Lieu. D.ans les bois du centre da
royaume , la plante eft vivace pat fa
racine tk fleurit au printemps.
Propriétés. Les fleurs ont une
odeur pénétrante très-agréable, leur
faveur eft amère \ elles font atté-
nuantes, antifpafmodiques, & tien-
nent le premier rang entre les cépha-
liques j les fleurs feules font en ufage
en médecine.
Vfao:\ L'huile par macération des
fleurs oftre un parhim agréable; elle
relâche la portion des tégumens fur
le(quels elle eft appliquée : les fleurs
fèchées, pulvérifées, tamifées &: inspi-
rées par le nez , déterminent l'évacua-
tion des humeurs féreufes qui rem-
plillent la membrane pituitaiie. Sous
cette forme elles font indiquées dans
le larmoyement par abondance d'hu-
meurs féreufes, pat des humeurs pi-
tuiteufes, dans le catarrhe humide,
L'enchifrénement, lorfqu'il n'exifte pas
de difpofitions inflammatoires.
Il n'eft aucun propriétaite habitant
la campagne, qui ne doive avoir chez
foi une petite provilion de bonne
Z z z z 1
732 M U I
cau-de-vîe, dans laquelle on fait in-
fufer les fleurs du muguet. Si l'eau-
de-vie marchande eft trop foible ou
trop aftoiblie par l'eau , il faut fe fervir
d'efprit-de-vin. On remplit une ou
deux bouteilles de pinte , avec des
fleurs de muguet, fans les prellerj on
ajoute pat- dedus autant de bonne
eau-de-vie ou d'efprit-de vin que cha-
que bouteille peut en contemrj enfin
on les bouche exactement j on les
lailTe ainfi macérer pendant quelques
mois dans un endroit naturellement
chaud. Au bout de ce temps, on palIe
la liqueur à travers un papier gris j on
retire les fleurs, on exprime, à l'aide
d'un linge, le fluide qu'elles ont re-
tenu, afin de la pafler par le papier
gris, & tout le produit en liquçur eft
mêlé enfemble , & renfermé dans des
bouteilles bien bouchées Voici les
ufages auxquels on peut employer cette
liqueur , dont je répond de l'efHcacité
après une expérience de trente années.
Dans les indigeftions , dans les
dérangemens d'eftomacpar foiblelfe,
on en prend une cuillerée à bouche.
Cet élixir bien fimple réuilît fingu-
liètement dans les coliques , lors de la
fupprellion du flux menftruel , dans
les défaillances , les fyncopes , à la
dofe indiquée ci-deflus ; dans les pre-
miers momens de l'apoplexie féreufe
on double la dofe.
Cet élixif , infpiré par le nez lorf-
qu'une abondance d'humeurs féreufes
fe jette fur les yeux , fait beaucoup
cternuer , & détourne cette humeur.
C'eft ainfi que j'ai rendu la vue à un
Jellinateur , après avoir , pendant
quinze jours de luire, infpiré chaque
matin un peu d'élixir.
MuGtJEr DES BOIS , OU HÉpa-
riqvz ÉToiLÉE. { Voyez Planche-
M U L
XXIII 3 page 6-ji. ) Tournefort
nomme cette plante aparine lati-
folia j humllior j montana ; Se Von
Linné la déligne fous le nom de-
afperula odorata j & la place dans la
tétandrie monogynie. ■
Fleurs. PéJunculées, ternifnales,.
blanches & compofées d'un tube di-
vifé en quatre parties B.
Fruir. Sec & un peu velu E & F,
furmonté d'un piftil D.
Feuilles. Ovales , lancéolées , nn'
peu ciliées fur leur bord, au nombre-
de huit par verticilles j les fupérieutes-
font plus grandes que les inférieures.
€ fait voir le calice.
Racine A. Branehue , chevelue
Se vivace.
Porc. Tiges hautes de fix à fept-
pouces, fimples, lifles, feuillées &-
légèrement anguleufes.
Lieu. Les bois Se les lieux couverts.-
Propriétés. L'herbe verte &c à/
demi formée, a une odeur agréable :-
elle eft resardée comme tonique,
vuhieraire , tk. légèrement emeija--
çocrue.
MUID. Mefure dont on fe fert
pour les liquides & pour les folides.
A Paris le muid pour tous les grains-
eft compofé de douze fetiers ; chaque'
fetier contient deux mines j chaque,
mine deux minots; chaque minoC'
trois boiffeaux; chaque boifleau quatre-
quaits de bollfeau ou feize litrons;
chaque litron trente- fix pouces cubes,^
qui excèdent notre pinte de i ~{ pouces
cubes : le fetier de froment pèfe de
deux cent quarante à deux cent cin-
quante livres , poids de marc , fuivant
la bonté du gtain.
Le muid d'avoine eft double do.-
muid de froment, quoique compofé- .
comme celui - ci de doaze fetisrs ;,-,
MUE
maïs chaque fecier contient vîng>
quatre bollfeaux- le muid de charbon
de bois contient vingt mines, facs ou
charges, chaque raine deux minots ,
chaque minot huit boilleaux , chaque
boideau quatre quarts de boilTeau.
On mefure également le vin par
muid, ainlï que les autres liqueurs.
Le muid de vin fe divife à Paris en
demi muid, quatre quarts de muid,
& huit demi - quarts de muid. Le
muid de Paris contient deux cent
quatre-vingt-huit pintes j celui du
Bas-Languedoceftde(ixcent foixante-
quinze bouteilles, mefure de Paris,
& en temps de guerre cette mefure
ne coûte fouvent que dix -huit à
vingt livres.
MULE. ( F'oyei Engelure)
MULES TRAVERSINES. Mé-
decine VÉTÉRINAIRE. On douiie ce.
nom à des efpèces de crevaffes, d'où
fuinte une fcrofité tétide, & qui font
fîtuées fur le derrière du bouler. 11
sft rare qu'elles arrivent aux pieds
de devant : c'eft fans doute à raifon
de leur pofuion tranfverfale , qu'on
les appelle travcrfines ^ travcr/icres j
ôcc.
Elles font toujours douloureufes,
& ne fe guérllfent pas facilement,
attendu que le cheval en marchant,
meut , étend & plie fuccelhvement
l'articulation , ce qui les ouvre , &
les irrite continuelkment.
On les guérit dans le commen-
cement, en y appliquant des cata-
plafmes émoUiens & adoucillans , &
enfuite des deflîcatifs' qu'on fait
tomber avec la brolfe. Quant aux
mules traverjines invétérées & de mau-
■çaife qualité, on emploira les remèdes
indiqués aaix mots Creyasse, Cra-
M U L
733
rAUDiNE , & fur- tout à l'excelienc
traité des eaux aux jambes ^ inféré
dans cet ouvrage , tom. IV. pag. 84.
par M. Huzard, vétérinaire rrès-dif-
tingué dans la capitale. M. T.
MULET , MULE. Le mulet eft
un quadrupède, pour l'ordinaire , en-
gendré d'un âne & d'une jument,,
quelquefois d'un étalon & d'une
âneife. La croups de cet animal eft
affilée & pointue , fa queue & fes
oreilles tiennent beaucoup de celles
de l'àne ; pour le refte, il refiemble
au cheval. 11 tient de l'âne la bonté
du pied , la sûreré de la jambe &:
la famé j il a les reims très- forts, &
il porte des fardeaux plus cunfidé-
rables que le cheval. On donne le
nom de mule à la femelle de cet
animal. Nous allons traiter un peiîi
au long de l'un & de l'autre.
CHAPITRE PREMIER.
Parallèle du mulet avec le Bardeau, •
En confervant , dit M. de Buffon , ,
le nom de mulet à l'animal qui pro--
vient de l'âne & de la jumenr, nous-
appellerons bardeau _, celui qui a le;
cheval pour pèrec^i l'àiielfe pour mère,.
Perfonne n'a jufqu'à préfent obfervc.
les différences qui fe trouvent entre:
ces deux animaux d'efpèt:e mélançce;.
c'ell néanmoins l'un des plus sûrs
moyens que nous ayons pour recon-
noître & diflinguer les rappotts ds:
l'influence du mâle & de la femelle j.
dans le produit de la génération ,
Le bardeau eft beaucoup plus périt,
que le mulet, il paroît donc tenir def
fa mère l'ânelfe , les dimenfions du.
corps; & le mulet, beaucoup pUiss
grand & plus gros que le bardtau ,,
734 M U L
les tient également de la jument (x
mère ; la grandeur & la grolfeur du
corps , paroilTenc donc dépendre plus
de la mère que du père , dans les
elpèces mélangées. Maintenant , û
nous contîdérons la forme du corps ,
ces deux animaux, pris enfemble ,
paroiflent être d'une êgure différente j
le hdrdeau a l'encolure plus mince,
le dos plus tranchant , en forme de
dos de carpe , la croupe plus pointue
& avalée , au lieu que le mulet a
l'avant -main mieux tait, l'encolure
plus belle & plus fournie , les côtes
plus arrondies , la croupe plus plei-
ne , & la hanche plus ur.ie. Tous
deux tiennent donc plus de la mère
-que du père, non-feulement pour la
grandeur, mais aulli pour la forme
du corps. Néanmoins , il n'en eft pas
de même de la tère, des membres
&c des ancres extrcmicés du corps.
La tète du bardeau eft plus longue ,
&: n'eft pas fi grofle à proportion
que celle de l'àne \ &: celle du mulet
eil plus courte & plus grolTe que
celle du cheval. 11 tiennent donc pour
la forme & les dimenfions de la tête ,
.plus du pète que de la mère. La queue
du bardeau eft garnie de crins, à-peu-
près comme celle du cheval : la queue
du mulet eft ptefque nue , comme
celle de l'âne ; ils relTemblent donc
à leur père par cette extrémité du
corps. Les oreilles du mulet font
plus longues ^ue celles du cheval , &
les oreilles du bardeau font plus cour-
tes que celles de l'âne; les autres ex-
trémités du corps appartiennent donc
aufli plus au père qu'à la mère : il
en eft de même de la forme des
jambes, le mulet les a sèches comme
l'âiw \ &■ le bardeau les a plus four-
nies : tous deux relTemblent donc par
îa tête , par les membres , & par les
M U L
autres extrémités du corps , beaucoup
plus à leur pète qu'à leur mète.
CHAPITRE II.
Des moyens pour avoir de beaux
& bons mulets.
Pour avoir des mulets pour la pa-
rade & .pour voyager , on fe fert des
ânes, les plus gros & les mieux cor-
fés qu'on peut trouver , & on leur
fait fauter des jumeni efpagnoles. Ces
animaux ainfi accouplés , produifent
des mulets fuperbes , d'une couleur
qui tire ordinairement vers le noir.
On en fait venir encore de plus forts,
en leut faifant fauter des jumens fla-
mandes; cette efpèce eft ordinaire-
ment aulli vigoureufe que les plus
forts chevaux de caroffe ; ils réfiftent
même à des travaux plus rudes, font
nourris à moins de frais, & font ex-
pofés à moins de maladies.
CHAPITRE I I L
Tics Joins qu'il faut avoir pour Je
procurer de bons mulets , relative-
ment à l'ufage auquel on les def-
tine.
Les mulets fervent à la felle , à
la charrette ou à la charrue ; leur pas
eft doux & aifé , & leur trot n ell
pas fi fuiguant que celui du cheval.
En général , avant que de faire pro-
pager ces animaux , il hiut favoir quel
fervice on prérend eii tirer ; on choifit
en conféquence fes Jumens ; car il
eft de fait , que le mulet tient plus
de la mète que du pète ; fi les mu-
lets, donc, font deftinés à la felle,
il faut choifir une jument alongée
& légère, tandis que l'on doit choifir
les jumens les plus fortes & les plus
M U L
mafîîves , quand ou les deftine à la
eharrecte ou au labourage.
CHAPITRE IV.
Ce qu'il y a à rechercher dans la
mule & le mulet , pour qu'ils fuient
.bons.
Xj\\Q mule bonne & propre au tra-
vail doit avoir le corfage gros &
rond, les pieds petits , les jambes
menues & sèches , la croupe pleine
& large , la poitrine ample , le col
long Se voûté, la tête sèche & petite.
Le mulet, au contraire, doit avoit
les jambes un peu grolFes 6c rondes,
le corps étroit, la croupe pendante
vers la queue. Les mulets font plus
forts, plus puilTansj plus agiles que
les mules, & vivent- plus long-tems.
CHAPITRE V.
Du climat le plus propre au mulet.
De la durée de fa vie. De fon âge.
De la manière de le nourrir & de
connaître l'â^'c.
a
Le mulet efl: un animal d'autant
plus précieux, qu'il vient & Te main-
tient vigoureux dans toutes fortes de
climats. Ceux qui font jiés dans les
pays froids font toujours les meil-
leurs j l'expérience prouve qu'ils vi-
vent plus long-tems que ceux qui
viennent dans les pays chauds. On en
élève beaucoup en Auvergne, en Poi-
tou, dans le Mirebalais. Il y en a
de très-beaux en Efpagne : on en fait
des attelages de carrolfes.
M U L
73 5
Quant à la durée de la vie de cet
animal , & à la manière de le nour-
rir , elle eft la mcme que pour le
cheval. ( Voye^ cet article j tom, IIL
236.)
CHAPITRE
V I.
Des maladies auxquelles le mulet eji
fujet.
On trouve dans le dictionnaire éco-
nomique, plulleurs recettes contre les
maladies des mulets. Il en eft; fur-tout
une contre la fièvre que nous ne fau-
rions approuver. Il faut, dit-on, leur
donner à manger des choux verds.
Quelle peut être la raifon d'une pa-
reille indication ? Ne vaudroit-il pas
mieux confultcr l'expérience, & dire,
(i la manière de vivre des mulets eft:
la même que celle du cheval, fi les
caufes des maladies qui affligent l'un
& l'autre de ces animaux, dépendent
également de la manière peu con-
venable dont ils font foignés ou con-
duits j fi l'état de fervitude & de
contrainte dans lequel on les tient
perpétuellement, état h t)ppofé à leur
nature , font la fource ordinaire de
leurs maladies; fi les fignes , la mar-
che , les progrès de ces maladies ,
font à-peu-près.les mêmes, pourquoi
n'emploieroit-on pas les mêmes re-
mèdes ? Ainfi l'oyei Chlval, en
ce qui concerne la divifîon des mala-
dies j & chaque maladie en particu-^
lier fuivant l'ordre du diclionnaire ^.
quant au traitement qui leur ejl prch-
pre. M. T.
Pj.jV du Tome Si.xième-
Univer^ftaT"
BIBLIOTHECA
ERRATA.
Aux mots Bergerie, Écurie, Étable, il eft dit Voye'^ Fumigation
îorfqu'il s'agit de les définfedter, & cependant le mot Fumigation a été
omis 5 cet oubli eft réparé au mot Mei'hitisme , à la page 49.1. de ce
lîxième Volume.
Je ne lais par quelle fingularité , ou fi c'eft la faute de celui qui a cor-
rigé les épreuves, il s'eft glillc une erreur manifefte au mot Fromjnt ,
Tome V,page izi, ligne 34, II^' colonne, voilà donc deux points connus ^
&c. ; il faut lire jufqu'à la fin de l'article : « Voilàdonc deux points connus,
»5 celui du total de la fuperficie, exprimé par le nombre 14400, & le total
»> des grains par 368^^40. Pour favoir combien il y aura de grains de
j> femence par pied quarré , il fuffit d'établir cette proportion 14400: i :;
j> 3(^8640 : X la valeur ; la valeur de X ejl en ce cas 157 j ce qui exprime la.
s> quantité de grains de femence contenus par chaque fuperficie de pied quarré^
j5 Le pied quarré contient 144 /'oaa'j quarrés , & chaque fupeficie de pied
»> quarré ayant 2 5 grains \ , chaque grain aura donc un peu plus de cinq
»> pouces quarrés de fuperficit. >>
Page 113, I"^ colonne , ligne 12 j efpacé de deux pouces ; lifez : efpacé
■de cinq pouces.
Ibid.... ligne 2<j, en femant 400 livres; lifes •• en femant /^o livres^
De l'Imprimerie de Cl. SIMON , Imprimeur de Mgr. l'Archevêqua
de Paris , rue Saiw-Jacgues , près S. Yvej. N°. 2.7. 17S5.
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