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Full text of "Cours complet d'agriculture théorique, pratique, économique, et de médecine rurale et vétérinaire , suivi d'une méthode pour étudier l'agriculture par principes ; ou Dictionnaire universel d'agriculture"

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COURS   COMPLET 

D  A  GRI eu  LTU  RE 

Théorique,    Pratique,    Economique, 
ET  de  Médecine  Rurale  et  VÉtÉe.inaire; 

Suivi  d'une  Méthode   pour   étudier  l'Agriculture 

par  Principes  : 

O     U 

DICTIONNAIRE  UNIVERSEL 

D'  A  G  R  I  C  u  L  T  u  R  E; 

P  AK  une  Société  d'Agriculteurs  ,  &  rédigé  par  M.  l'  A  B  BÈ  ROZ I E  Rj  Prieur 
Commendataire  de  Nanteuil-le-Haudouin  ^  Seigneur  de  Chevrevdle ^  Membre  de 
plu/leurs  Académies  ^   Sic. 

TOME       SIXIÈME. 


•     J      PARIS, 
RUE      ET     HÔTEL      SERPENTE. 


M.     D  C  C.     L  X  X  X  V. 

Avec   Approbation   et    Privilège   vu   Roi. 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


Al 


http://www.archive.org/details/ç^QÛrscompletdagr06rozi 


COURS    COMPLET 

D-  A  G  RI  eu  LTU  RE 

Théorique,    Pratique,    Economique, 
et  de  médecine  rurale  et  vétérinaire. 


J  A  R 


J  A  R 


J  ARDIN.  Efpace  quelconquÊ  de 
terrein  ,  ordinairement  entouré  par 
des  murs,  ou  par  des  fofTcs,  ou  par 
des  haies ,  fur  lequel  on  cultive  iè- 
parément ,  ou  des  arbres ,  ou  des  lé- 
gumes, ou  des  Heurs,  ou  le  tout  en- 
femble.  Ces  trois  objets  déterminent 
toutes  efpèces  de  jardins.  On  peut  ce- 
pendant ajouter  un  quatrième  ordre  j 
aujourd'hui  appelé  jardin  anglais  , 
qui  renferme  les. trois  premiers  ,  & 
bien  au-delà,  puifque  jufqu'aux  prai- 
ries, aux  terres  labourables,  aux  fo- 
rêts ,  &c.  font  de  fon  relTort  Se 
entrent  dans  fa  compofition.  Il  s'agit 
de  toutes  les  efpèces  de  jardin,  & 
Tome   VI. 


fur-tout  du  jardin  potager  &  fruitier, 
à  caufe  de  leur  utilité. 

Plan  du  Travail. 

CHAP.  I.   Du  jardin  por^gcr  ou  Icgumïcr. 

Sect.  I.  De  fon  expofnion. 

Sect.  II.  De  fon  fol  &  de  fa  ■préparation. 

Sect.  III.  Du  temps  de  femer ,  foit  relati- 
vement au  cUirtat  de  Paris  ,  foit  à  celai 
des  provinces  du   midi. 

CHAP.  II.  Des  jardins  fruitiers. 

Sect.  I.  De  leur  formation. 

Sect.  II.  Des  travaux  qu'ils  exigent  dans 
chaque  mois  de  l'année. 

Sect.  III.  Catalogue  des  arbres  fruitiers  les 
plus   eft'imés. 

CHAP.  III.  Des  jardins  mixtes  ,  c'efl-a- 
dire,  légumiers  &  fruitiers  en  même-temps, 

A 


1  J  A  R 

CHAP.  IV.  Des  Jardins  à  fleurs.  ^ 

Sect.   I.  De  fa  fituation  ,  de  la  préparation 

du  fol ,   &c  • 

Sect,  II.  Enumération  des  fleurs  agréables 

ou  odorantes. 
Sect.  III    Du  tems   de  femer. 
Sect.  IV.  Du  tems  de  planter  les  oignons, 

les   renoncules  &  les  anémones. 
CHAP.  V.    Des  jardins  de  propreté  ou  de 

plaifjnce. 
Sect.  I.  Des  ohfervations  préliminaires  avant 

de  former  un  jardin. 
SiCT.  II.    Des  difpofîtions  générales    d'un 

jardin. 
CHAP,  VI.  Des  jardins  anglois, 

CHAPITRE    PREMIER. 


Dv    Jardik     fotager 

ou     LÉGUMIER. 

On  doit  faire  une  très  -  grande 
d'ifFérence  entre  celui  de  l'homme 
riche  &;  celui  d'un  funple  particulier  j 
du  jardin  maraicher,  à  la  porte  d'une 
grande  ville  ou  dans  les  campagnes. 
La  difparité  eft  encore  plus  forte 
entre  les  légumiers  des  provinces  du 
nord ,  que  l'on  arrofe  à  bras ,  &  ceux 
des  provinces  du  midi  ,  arrofés  par 
irrigatiûn.  (  f^oye^  ce  moc  eflentiel  à 
lire.  ) 

La  richeiTe  enfante  le  luxe  ,  &  le 
luxe  multiplie  les  befoins ,  fur-tout 
les  befoins  fuperflas.  Le  financier  veut 
à  prix  d'argent  foumettre  la  nature 
à  fes  goûts  j  rapprocher ,  pour  ainfi 
dire,  les  climats,  afin  d'obtenir  leurs 
produdions  diverfes^  &  aidé  pat  l'art, 
jouir  des  préfens  de  Pomone  au  mi- 
lieu des  rigueurs  de  l'hiver.  Ces  jouif- 
fances  à  contre-temps  Battent  la  vue 
&  la  vanité;  le  goû:  l'eft  il?  C'eft 
ce  dont  on  fe  foucie  bien  peu.  De- 
là le  potager  de  l'homme  riche  doit 
avoir,  au  moins  dans  une  partie,  des 
quarreaux  entourés  &  coupés  par  des 


J  A  R 

murs,  afin  d'y  placer  les  couches  , 
les  chalîis  vitrés ,  les  ferres  chauoes , 
&c.i  le  maraicher  voifiu  des  grandes 
villes  où  les  fumiers  de  litière  font 
trèi-abondans ,  obtient  à  peu  près  les 
mêmes  effets  par  des  foins  multipliés 
&  jamais  fulpendus  ,  pat  des  abris 
formés  avec  des  rofeaux  ,  des  pail- 
laflbns  autour  de  fes  couches  ,  cou- 
vertes avec  des  cloches  de  verres ,  &c 
de  paille  longue  au  befoin.  Le  ma- 
raicher des  campagnes  ,  ou  voifira 
d'une  petite  ville,  profite  des  abris 
naturels,  s'il  en  a,  &  attend  patiem- 
ment que  la  faifon  de  femer  &  de 
planter  foit  venue,  fuivanc  le  climat 
qu'il  habite. 

Un  Panfien  qui  voyage  eft  tout 
étonné  de  ne  pas  trouver  dans  les 
provinces  qu'il  parcourt,  les  légumes 
aufli  avancés  que  dans  les  environs 
de  la  capitale.  Il  y  a  un  mois,  dit-il 
avec  un  air  de  fatisfaétion  ,  que  l'on 
y  mange  des  laitues  pommées  ,  des 
petits  pois  ,  des  melons ,  ôrc.  ècc.  ; 
&  auflitôt  il  conclut  que  les  marai- 
chers  &:  jardiniers  de  l'endroit  font 
des  ignorans.  Tel  eft  le  langage  de 
l'homme  qui  juge  &  tranche  fur 
rout  fans  avoir  auparavant  examiné 
s'il  eft  poftible  de  cultiver  autrement 
dans  les  provinces ,  c'eft-à  dire ,  lî  le 
jardinier  voulant  &  pouvant  très  bien 
cultiver  comme  dans  les  environs  de 
la  capitale  ,  retireroit  un  produit 
capable  de  le  dédommager  de  (q% 
avances. 

Le  s  primeurs  font  chèrement  payées 
à  Paris  fur-tout ,  parce  que  l'argent 
y  regorge  :  le  litron  de  petits  pois  , 
qui  y  eft  vendu  jufqu'à  loo  livres  , 
vaudroit  un  périt  écu  dans  les  pro- 
vinces,  &:  encore  la  vente  en  feroit 
donteufe.  Cependant,  pour  fe  pro- 
curer cette  primeur,  le  maraicher  de 


J  A  R 

province  anroic  été  obligé  de  faire 
les  avances  de  chaflis  vitrés ,  de  clo- 
ches &  d'une  quantité  de  fumier  de 
litière  ,  foit  pour  les   couches  ,  loit 
pour  les  réchaux  (  voye^  ces  mots  )  : 
mais  un  tombereau  de  fumier  for- 
çant  de  delfous   les  pieds  des   che- 
vaux, lui  coûte  40  fous  ou  3  livtes^ 
il    lui    en    f^iudra   au   moins   vingt. 
Le  malheureux  aura  donc  facritié  en 
pure  perte  fon  temps  &  fou  argent 
pour  acquérir  la  gloire  ftérile  d'avoir 
des  primeurs.  Je   mets  en  fait  que 
le  premier  melon  ne  fe  paie  pas  plus 
de  24  fous  à  Aix  &c  à  Montpellier, 
&  il  en  eft  ainfi  de  toutes  les  autres 
parties  du  jardinage.  C'eft  le  local  , 
ce  font  les  abris  naturels  qui  doivent 
décider  du  temps  de  femer,  de  plan- 
ter, &cc.\  tout  le  refte  eft  fupertluité 
&  confirme  l'antique  proverbe,  qui 
dit  que  chaque  choj'e  doit  être  mangé 
dans  Ju  faifon.   Je  ne  veux  pas  ce- 
pendant conclure  que  les  gens  riches, 
&  qui  habitent  en  province  ,  doivent 
ftri(Slement   fe  conformer  à  la   mé- 
thode  du    jardinage    adoptée    dans 
leurs  cantons ,  je  les  invite  très-fort 
au  contraire  à  envoyer  leurs  jardi- 
niers   s'inftruire  auprès  de  ceux   de 
Paris,  parce  qu'il  en  réfultera,  1°.  une 
plus   grande  dépenfe    de   la  part  du 
propriétaire  ,    &  qui  augmentera  le 
bien  être  de  la  clalîe  des  journaliers  ; 
z".  parce  que  fon  jardinier  une  fois 
inftruit  ne  bouleverfera  pas  la  mé- 
thode de  fon  canton,  mais  il  la  perfec- 
tionnera dans  plufieursde  fes  points, 
fans  augmenter    la    dépenfe  \  objet 
cffentiel ,  fans  lequel  il  ne  réuflira  ja- 
mais auprès  des  jardiniers  qui  vivent 
&  payent  leur  ferme  du  produit  de 
la  vente  de  leurs  légumes.  L'homme 
riche  ne  regarde  pas  de  li  près  \   il 
veut  jouit  ,  coûte  qui  coûte  \  voilà 


J  A  R  5 

le  but  de  fes  défirs  &  de  fes  dépen- 
fes  :  mais  une  chofe  que  l'on  ne 
conçoit  pas  ,  c'ell  que  le  finan..ier 
qui  facrilîe  pour  le  luxe  de  fon  po- 
tager des  fommes  qui  fourniroient 
au-delà  de  la  fubhftance  de  dix  fa- 
milles ,  relègue  ce  même  potager 
dans  un  coin,  &  le  dérobe  à  la  vue 
par  des  charmilles  ,  &c  fouvent  par 
des  murs,  comme  fi  c'étoic  un  objet 
méprifable  &  peu  digne  de  figurer 
dans  fon  parc  !  Il  traitera  de  provin- 
ciale ma  manière  de  juger  des  objets. 
Je  foufcris  à  toutes  les  qualifications 
qu'il  plaira  lui  donner  \  mais  à  mon 
goût ,  rien  ne  flatte  plus  agréable- 
ment la  vue,  qu'un  potager  bien  en- 
tretenu. La  diverfité  des  verds  &:  des 
formes  des  plantes  qu'on  y  cultive, 
offre  une  multiplicité  de  nuances  qui 
enchante  5  &  de  cette  efpèce  de  dé- 
fordre,  naît  la  beauté  du  coupd'œiî. 
C'eft-là  que  l'on  voit  la  végétation 
dans  toute  fa  pompe ,  l'agréable  réu- 
ni à  l'utile,  &:  ralTommante  &  fym- 
méttique  uniformité  en  eft  bannie. 
Chacun  a  fa  manière  de  voir  j  telle 
eft  la  mienne. 


Section 


P    R    E    M    I 


ÈRE. 


De  Cexpojition  d'un  Légumier. 

Elle  eft  à  peu  de  chofe  près  in- 
différente à  l'homme  riche  ,  parce 
qu'à  force  d'entafter  pierre  fur  pierre , 
d'élever  des  murs  &  des  terrafles , 
il  fe  procure  les  abris  qu'il  défire  : 
ces  dépenfes  excèdent  pour  l'ordi- 
naire la  valeur  du  fond  ;  mais,  rien 
n'eft  perdu.,  parce  que  l'ouvrier  y  a 
sagné. 

En  gcnér,il ,  l'expofition  du  levant 
&■  du  midi  font  à  préférer  \  la  n'us 
mauvaife  eft  celle  du  nord.  Ces  alfet- 
A  2 


4  J  A  R 

lions  font  générales  ;  mais  elles  foiif- 
frent  de  grandes  reftriclions.  Avant 
de  dccerminer  l'emplacement  d'un 
légumier,  on  doit  connoître  depuis 
deux  à  trois  ans  quels  font  les 
vents  dominans  du  climat ,  &  fur- 
tout  les  points  d'où  partent  les  vents 
impétueux  &  les  orages.  Les  quatre 
points  cardinaux  dcllgnent  les  prin- 
cipaux vents  y  mais  dans  tel  canton 
le  nord ,  par  exemple  ,  y  amène  les 
froids  ,  les  glaçons  &  des  coups  de 
vents  terribles^,  tandis  que  dans  d'au- 
tres le  nord-oueft  eft  le  feul  glacial 
&  orageux.  Ici  le  vent  d'eft  eft  dé- 
vorant par  fa  chaleur  ,  tandis  que 
dans  la  province  voifine  c'eft  le  vent 
pluvieux.  Que  conclure ,  Inicn  que 
toute  règle  générale  en  ce  çenre  eft 
abufive,  &  que  l'étude  feule  des  cli- 
mats &  des  abris  du  canton  doit 
fixer  l'emplacement  d'un  jardin  po- 
tager ?  Cependant ,  comme  l'eau  eft 
la  bafe  fondamentale  de  la  profpérité 
d'un  jardin  ,  on  doit  y  avoir  égard, 
à  moiiîs  que  la  fource ,  la  pompe , 
le  puits  ou  le  réfervoir  foient  placés 
fur  un  lieu  alfez  élevé  pour  que  l'eau 
coule  par  fa  pente  naturelle  près  de 
l'extrémité,  dans  de  petits  baffins  , 
Cl  on  arrofe  à  bras ,  ou  à  fon  entière 
extrémité  fur  toutes  fes  parties ,  li 
on  arrofe  par  irrigation. 

Si  le  légumier  eft  d'une  vafte  éten- 
due,  on  aura  beau  multiplier  les  ré- 
fervoirs  particuliers,  remplis  par  l'eau 
du  réfervoir  général ,  ou  par  celle  de 
la  pompe,  ou  par  celle  du  puits,  il 
ne  faudra  pas  moins  pomper  ou  pui- 
fer  cette  eau ,  iSc  arrofer  à  bras  cette 
vafte  fuperficie.  Que  de  foins  perdus, 
&  fur-tout  que  de  peines  pour  les 
malheureux  valets  chargés  des  arro- 
femens  1  La  noria,  ou  puits  à  cha-  ■ 
pelet  (  royei  ce  mot ,  &c  indiqué  à 


J  A  R 

celui  d'iRRiGATiON), diminuera  l'ou- 
vrage des  trois  quarts ,  parce  qu'il  y 
a  beaucoup  de  grolfes  plantes  que 
l'on  peut  arrofer  ainfi ,  même  dans 
nos  provinces  du  nord.  En  fuppofant 
que  la  chofe  fû:  impoftible,  il  en  ré- 
fulteroit  toujours  qu'une  mule  ou  un 
cheval  monteroit  plus  d'eau  en  deux 
ou  trois  heures,  qu'un  ou  plufieurs 
hommes  n'en  montetoient  dans  les 
vingt- quatre.  Economie  dans  la  dé- 
penfe  ,  la  première  mife  une  f^is 
faite,  &  économie  dans  l'emploi  du 
temps ,  font  les  premiers  bénéfices. 

Le  potager  doit  être  placé  près  de 
l'habitation  &  près  des  dépôts  de 
fumier  5  cependant,  fi  le  jardinier  a 
fon  logement  dans  le  légumier  même, 
il  eft  alors  prefqu'indiftcrent  qu'il  foit 
plus  ou  moins  rapproché  de  l'habita- 
tion du  maître,  parce  que  le  jardinier 
eft  dans  le  cas  de  veiller  à  fa  conferva- 
tion  &  d'empêcher  les  dégâts.  Malgré 
cela,  il  eft  bon  que  le  maître  puilfe; 
de  fa  demeure  ,  voir  ce  qui  fe  pafte 
dans  fon  potager,  furveiller  fon  jar- 
dinier ôc  fes  valets.  //  «'«/?  pour 
voir  que  l'œil  du  maure,  fur- tout 
lorfqu'il  n'eft  pas  d'humeur  &  qu'il 
ne  croit  pas  être  du  bon  ton  de.fe 
laiifer  voler  &  piller  impunément. 

Quelques  auteurs  confeillent  de 
placer  le  légumier  à  la  nailfance  d'un 
petit  vallon  ,  parce  qu'elle  forme  une 
efpèce  d'amphithéâtre  circulaire,  plus 
ou  moins  allongé.  J'adopte  leut  fen- 
timent  jufqu'à  un  certain  point.  II 
eft  clair  que  cette  firuation  offre  les 
différentes  expositions ,  &  multiplie 
les  abris-  &  par  conféquent,on  peut 
avoir  mieux  que  par-tout  ailleurs,  & 
jardin  d'été ,  &:  jardin  d'hiver.  Malgré 
ces  avar.tages  ,  il  convient  d'y  re- 
noncet  complettement,  pour  peu  que 
le  plan  incliné  foit,  je  ne  dis  pas  ra- 


J  A  R 

pide  ,   mais   un  peu  au-delà  de  la 
pente  très-douce. 

Plufieurs  de  nos  provinces  font  fu- 
jetces  à  des  pluies  fréquentes  ,  ôc 
d'autres  à  des  pluies  d'orage  ,  les 
feules  que  l'on  connoiire  pendant 
1  "été  dans  celles  du  midi.  Ces  pluies 
entraînent  l'humus  ou  terre  végétale 
(  voye-^  les  mots  Amendemens  ,  En- 
grais ,  &  le  dernier  chapitre  du  mot 
Culture),  qui  doit  faire  la  bafe 
eflentielle  de  la  terre  d'un  jardin,  & 
qui  eft  le  réfultat  des  débris  des  vé- 
gétaux, des  animaux  &  des  engrais 
qu'on  y  prodigue.  Si  j'avois  à  choi- 
fir ,  je  préféierois  le  terroir  plat  au- 
deffous  de  l'amphitliéâtre  formé  par 
le  vallon.  Une  feule  pluie  d'orage 
entraîne  plus  de  terre  végétale ,  qu'il 
ne  s'en  forme  dans  une  année. 

Le  fol  du  bas  des  vallons  ell  tou- 
jours très -bon  en  général,  &c  très- 
produdif,  parce  qu'il  eft  engrailTé  par 
la  terre  végétale  que  les  eaux  ont 
fait  defcendce  du  vallon,  &  qu'elles 
y  ont  accumulée  :  mais  fouvent  ce 
local  eft  marécageux.  Le  premier  foin 
eft  donc  d'ouvrir  un  large  &  pro- 
fond foiTe  de  ceinture  tout  autour  du 
jardin,  i*.  afin  d'y  recevoir  en  dé- 
pôt la  terre  végétale  entraînée  du 
coteau  ;  i".  d'y  contenir  les  eaux,  & 
les  empêcher  d'inonder  le  jardin  ; 
3^.  pour  fervir  d'écoulement  aux 
eaux  du  fol ,  &  l'alfainir.  Avec  de 
telles  précautions  on  aura  un  fond 
excellent.  Cependant  on  a  encore  à 
redouter  les  funeftes  effets  des  brouil- 
lards ,  que  les  cultivateurs  appellent 
des  r-'fics.  Dan-,  une  matinée,  toutes 
le^'  plantes  font  couvertes  comme 
d'u-  e  efpèce  de  rouille  qui  les  fait 
périr,  ou  du  moins  les  empêchent  de 
profpérer.  C'eft  par  la  même  raifon 


J  A  R  y 

que  les  légumiers  placés  près  des  bois, 
ou  entourés  de  hautes  charmilles,  6cc. 
ne  réullilfent  jamais  aulfibien  que 
ceux  qui  font  à  découverts  ,  &  où 
les  vents  diflipent  l'humidité  vapo- 
reufe  de  racmofphère.  Dans  les  jar- 
dins ordinaires ,  le  niveau  de  pente 
eft  trop  fort  à  deux  pouces  par  toife. 

Les  jardins  en  terralTes  les  unes 
fur  les  autres  ,  oftrent  d'txcellens 
abris  ,  de  bonnes  expofitions  ,  de 
beaux  efpaliers  ,  des  places  favora- 
bles aux  couches ,  aux  chaflis  ;  mais 
ils  ne  conviennent  qu'à  des  gens 
riches  :  leur  entretien  eft  difpendieux 
&  ruineux  pour  le  particulier,  parce 
qu'il  faut  tout  y  tranfporter  à  bras 
d'hommes  ,  fans  parler  des  frais  de 
conftrudtion.  Les  terralTes  ,  toutes 
citconftances  égales  ,  confomment 
beaucoup  plus  d'eau  lors  des  arrofe- 
mens,  que  les  terreins  plats,  à  caufe 
des  abris  qui  augmentent  la  chaleur; 
Se  comme  dans  ce  point  d'élévation 
il  y  a  un  plus  grand  courant  d'air, 
l'évaporation  eft  de  beaucoup  plus 
confidérable.  Les  légumes  cultivés 
fur  ces  terralTes  font  plus  favoureux, 
plus  parfumés  que  ceux  venus  dans 
un  bas  fond. 

L'expofuion  avantageufe  ou  nui- 
fible  d'un  jardin  ,  doit  ,  je  le  répète, 
varier  fuivant  les  climats  &  les  vents 
dominans  ,  &  fouvent  elle  dépeiid 
de  la  pofition  de  l'eau.  Comme  tous 
ces  points  font  fufceptibles  de  fe 
fous  -  divifer  à  l'infini ,  je  perfifte  à 
dire  qu'il  eft  impoffible  d'établir  des 
règles  invariables ,  ce  feroit  induire 
en  erreur  le  cultivateur  crédule.  Qu'il 
étudie  le  pays  qu'il  habite  ,  c'eft  là 
le  feul  livre  à  confulter  ;  il  y  trou- 
vera une  certitude,  dont  la  bafe  fera 
l'expérience. 


6  J  A  R 

Section     II. 

Du  fol  d'un  Légumier  ^  &  de  fa 
préparation. 

Voulez -vous  avoir  des  légumes 
monftriieux  pour  la  grofleur  5  ayez 
un  fond  de  terre  de  deux  pieds  en- 
viron ,  uniquement  compolé  de  dé- 
bris de  couches,  de  débiis  de  végé- 
taux unis  à  quantité  de  fumiers , 
enfin  une  quantité  d'eau  fuffifante 
aux  arrofemens.  Ces  légumes  feront 
magnifiques  à  la  vuej  mais  le  goût 
fera-t-il  fatisfiic  ?  nonj  ils  fentiront 
l'eau  &  le  fumier.  Les  laitues ,  les 
herbages  que  l'on  cultive  en  Hollande, 
font  monftrueux  par  leur  volume , 
ils  étonnent  ,  &  voilà  tout.  Leur 
graine  tranfportée  &  femée  ailleurs, 
quand  les  circonftances  ne  font  pas 
égales  j  la  plante  acquiert  en  qualité  , 
en  faveur  ,  ce  qu'elle  perd  en  vo- 
lume ,  &  femée  plutîeurs  fois  de 
fuite  dans  un  terrein  médiocre ,  elle 
revient  pardégénérefcence  au  premier 
point  dont  elle  eft  partie  ,  fur-touc 
s'il  y  a  une  grande  différence  dans  le 
climat.  (  Voye-^i  le  mot  Espèce.) 

Défirez-vous  obtenir  des  légumes 
bons  &  bien  favoureux  ;  ayez  une 
terre  franche ,  modérément  fumée  Se 
arrofée',  mais  ce  n'eft  pas  le  compte 
des  maraichers ,  il  leur  faut  du  beau 
&  du  promptemen:  venu;  la  qualité 
leur  imporre  peu. 

C'eft  d'après  l'un  ou  l'autre  de  ces 
points  de  vue,  qu'il  faut  thoilir  le  fol 
d'un  jardin.  Comme  on  n'eft  pas 
toujours  le  maître  du  choix  ,  l'art  doit 
fuppléer  à  la  nature,  (Se  il  en  coûte 
beaucoup  lorfqu'on  veut  la  maîtrifer. 
Ceft  au  propriétaire  à  examiner  le 
but  qu'il  le  propofe  j  il  travaille  à  fe 


J  A  R 

procurer  des  légumes  pour  fa  confom- 
mation,  ou  pour  en  faire  vendre  la 
plus  grande  partie.  Dans  ce  cas ,  qu'il 
difpofe  donc  le  fol  de  fon  jardin  en 
conféquence  \  voici  une  loi  générale , 
capable  de  fervir  de  bafe  à  la  cul- 
ture de  tous  les  légumes  en  général. 
L'infpeciion  des  racines  décide  la  na- 
ture &  la  profondeur  du  fol  qui  leur 
convient.  Les  plantes  potagères  font 
ou  à  racines  fibreufes  ,  ou  à  racines 
pivotantes.  (  f^oye^  le  mot  Racine.) 
11  eft  clair  que  les  premières  n'exigent 
pas  un  grand  fond  de  terre,  puifque 
leurs  racines  ne  s'enfoncent  qu'à  cinq 
ou  fix  pouces  de  profondeur.  Les 
fécondes ,  au  contraire ,  demandent 
une  terre  qui  ait  du  fond ,  &  une 
terre  peu  tenace.  Sans  l'une  &  l'autre 
de  ces  conditions,  elles  ne  pivoteront 
jamais  bien.  Or,  fi  le  terrein  n'eft  pas 
préparé  par  les  mains  de  la  nature , 
il  faut  le  faire  ou  renoncer  à  une 
bonne  culture.  Afin  de  diminuer  les 
frais  ,  le  propriétaire  deftinera  une 
partie  de  fon  terrein  aux  plantes  à 
racines  fibreufes ,  &  l'autre  aux  ra- 
cines pivotantes  ,  &  lui  donnera  par 
le  travail  ou  par  le  mélange  des  terres , 
la  profondeur  convenable.  Il  eft  aifé, 
dans  le  fond  d'un  cabinet,  de  pref- 
crire  de  pareilles  régies;  il  n'en  eft 
pas  ainfi  lorfqu'il  s'agit  de  les  mettre 
en  pratique;  le  travail  eft  long,  pé- 
nible ,  très- difpendieux  &  fouvent 
trop  au-defllis  des  moyens  du  culti- 
vateur ordinaire.  Celui  qui  fe  trou- 
vera dans  ce  cas,  doit  fe  réfoudre  à 
ne  défoncer  ou  à  ne  mélanger  chaque 
année  qu'une  étendue  proportionnée 
à  fes  facultés  ;  s'il  emprunte  pour  ac- 
célérer l'opération  ,  c'eft  folie. 

Il  n'eft  pas  polVible  d'attendre  au- 
cun fuccès ,  h  on  rencontre  une  terre 
argilleufe;  la  préparation  qu'elle  de- 


J  A  R 

mande,  coCueroit  plus  que  l'achat  du 
fol.  La  terre  rougeâtre ,  que  le  cul- 
tivateur appelle  aigre  j  eft  dans  le 
même  cas  ;  elle  eft  bonne  ,  tout  au 
plus  ,  à  la  cultuie  des  navets.  Un 
des  grands  débuts  de  la  terre  pour 
les  jardms,  eft  d'être  trop  forre,  trop 
compaifte,  trop  liante  \  elle  retient 
l'eau  après  les  pluies ,  fe  ferre  ,  s'a- 
glutine  &  fe  crevaffe  par  la  fcche- 
relFe.  Lorfque  le  local  ou  la  nécef- 
fité  contraignent  à  la  travailler ,  la 
feule  relTource  conhfte  à  y  tranfporcer 
beaucoup  de  fable  fin,  des  cendres, 
de  la  chaux ,  de  la  marne  ,  de  grands 
amas  de  feuilles ,  Se  toutes  fortes 
d'herbes  ,  afin  d'en  divifer  les  pores. 
Malgré  cela ,  en  fuppofant  même  tous 
ces  objets  réunis  &  tranfportés  à  peu 
de  frais ,  ce  ne  fera  qu'après  la  troi- 
fîcme  ou  quarrième  année  que  l'on 
commencera  réellement  à  jouir  du 
fruit  de  fes  dépenfes  ôc  de  fes  tra- 
vaux. 

Après  avoir  reconnu  la  qualité  de 
la  couche  fupérieure  jufqu'à  une  cer- 
taine profondeur ,  on  doit  s'alFurer 
de  la  valeur  de  la  couche  inférieure. 
Si  celle-ci,  par  exemple,  eft  fablon- 
neufe ,  elle  abforbera  promptement 
l'eau  de  la  fupérieure ,  &  le  jardin 
exigera  de  plus  frcquens  arrofemens. 
Si  au  contraire  elle  eft  argilleufe ,  il 
ne  fera  pas  néceftaire  d'autant  arrofer 
pendant  l'été  ;  mais  dans  la  faifon 
des  pluies ,  il  eft  à  craindre  que  les 
plantes  ne  pourrifTent.  Ces  atten- 
tions préliminaires  font  indifpenfables 
avant  de  fixer  l'emplacement  d'un 
jardin.  De  ces  généralités ,  palFons  à 
la  prati.que. 

Long-tems  avant  de  tracer  le  plan 
d'un  jardin,  on  doit  avoir  mûrement 
examiné  les  avantages  &c  les  incon- 
véniens  du  local ,  la  pohtion  de  l'eau. 


J  A  R  7 

la  facilité  dans  fa  diftribution  ,  la 
commodité  pour  des  charrois  ,  le 
tranfport  commode  &  le  lieu  du  dépôt 
des  engrais  ,  enfin  la  pofition  où 
feront  conftruits  le  logement  du  jar- 
dinier, le  hangard  deftiné  à  mettre 
à  couvert  les  inftrumens  aratoires,  tz 
le  tettein  deftiné  au  placement  des 
couches ,  des  challis,  des  ferres ,  Sic. 
luivant  l'objet  qu'on  fe  propofe. 

Le  plan  &  le  local  une  fois  dé- 
cidés, &  le  jardin  tracé,  il  ne  s'agit 
plus  que  de  défoncer  le  fol,  afin  que 
dans  la  fuite  on  foit  en  état  de  le 
travailler  par-tout  également.  Si  un 
particulier  aifé  entreprend  la  confec- 
tion d'un  jardin  ,  il  doit  ouvrir  des 
allées  de  communication  entre  cha- 
ques  grands  quarreaux;  celle  du  mi- 
lieu, &  qui  correfpond  à  l'entrée, 
fera  la  plus  large.  (  Confultez  le  mot 
Allée  ,  relativement  aux  proportions 
à  garder.  )  Le  jardin  de  l'humble  ma- 
raîcher n'a  pas  befoin  de  cet  agré- 
ment ,  fon  but  capital  eft  de  pro- 
fiter du  plus  de  fuperficie  qu'il  eft 
poftible. 

Les  allées  tracées ,  on  enlèvera  la 
couche  fupérieure  de  terre,  &  on  la 
mettra  en  réferve  ,  fuivant  que  le 
terrein  total  fera  pierreux;  on  exca- 
vera  les  allées,  afin  de  recevoir  les 
pierres  Se  cailloux  qui  fe  préfenteronr 
lors  de  la  fouille  générale.  Le  grand 
point,  le  point  elfentiel  eft  de  fi  bien 
prendre  fes  précautions,  qu'on  ne  foit 
jamais  obligé  de  manier  ou  tranf- 
porter  deux  tois  la  même  terre. 

Si  le  fol  eft  marécageux  ou  fim- 
pleinent  humide,  ces  pierrailles  de- 
viendront de  la  plus  grande  utilité , 
&  ferviront  à  établir  des  aqueducs , 
ou  filtres  ou  écouloirsfoii.-erreins,  qui 
tranfporteront  les  eaux  au-dehors  de 
l'enceinte.Afia  d'éviter  les  répétitions. 


s  J  A  R 

voyez  ce  qui  fera  dit  en  parlant  de 
ralfainilTement  des  Prairies. 

La  fouille  du  total  de  l'emplace- 
ment doit  ctre  de  trois  pieds  de  pro- 
fondeur. Si  on  veut  économifer,  on 
donnera  ce  travail  à  l'entreprife ,  & 
à  tant  par  toife  quarrée  de  ftiperficie 
fur  la  profondeur  convenue.  Mais 
pour  ne  pas  conclure  un  marché  en 
dupe ,  on  commencera  à  faire  fouiller , 
à  journées  d'hommes,  une  ou  deux 
toifes ,  &  on  jugera  ainfi,  toute  cir- 
conftance  égale  ,  quel  doit  être  la 
dépenfe  générale,  &  combien  on  doit 
payer  par  toife.  Si  on  délire  connoître 
bien  particulièrement  le  prix ,  il  faut 
que  le  propriétaire  ne  quitte  pas  d'un 
feul  moment  fes  travailleurs,  &  qu'il 
calcule  enfuite  à  combien  lui  revient 
chaque  toife.  S'il  s'en  rapporte  à 
d'autres  yeux  qu'aux  ficns  ,  il  eft 
difficile  qu'il  ne  foit  pas  trompé. 
Malgré  l'avis  que  je  donne  ,  mon 
intention  n'eft  pas  que  le  propriétaire 
fe  prévale  des  lumières  qu'il  a  ac- 
quifes  pour  ruiner  les  prifataires.  Il 
faut  que  ces  gens  vivent,  &  gagnent 
plus  fur  le  prix  fait ,  que  fi  l'ouvrage 
avoir  été  commencé  &  fini  à  jour- 
nées, parce  qu'ils  travailleront  beau- 
coup plus  ,  la  tâche  étant  à  leur 
compte ,  que  s'ils  remuoient  la  terre 
à  journées.  Il  ne  convient  pas  non 
plus  que  les  intérêts  du  propriétaire 
foient  léfés  j  à  prix  fait ,  bien  entendu , 
il  en  coûte  moins ,  &  l'ouvrage  eft 
beaucoup  plutôt  achevé.  C'eft  au  pro- 
priétaire à  veiller  enfuite  fur  la 
manière  dont  l'opération  s'exécute. 
Pour  cet  ertet ,  il  coupe  un  mor- 
ceau de  bois,  &  marque  la  longueur 
de  deux  ou  trois  pieds  ,  fuivant  la 
profondeur  convenue ,  Se  de  lenns  à 
autre  il  vient  fut  le  chantier,  &  en- 
fonce en  diffcrens  endroits  cette  jauge , 


J  A  R 

afin  de  fe  convaincre  que  les  ou- 
vriers fe  font  conformés  aux  condi- 
tions admifes.  Si  la  jauge  n'enfonce 
pas ,  l'ouvrier  ne  manquera  pas  d'ob- 
jeéter  qu'elle  eft  arrêtée  ou  par  une 
pierre,  ou  par  une  motte  de  terte 
mal  brifée.  C'eft  aufli  ce  que  le  pro- 
priétaire doit  examiner  auffi-tôt,  en 
faifant  enlever  la  terre  jufqu'à  l'en- 
droit qui  préfenre  de  la  réfiftance  , 
afin  de  convaincre  l'ouvrier  de  fa  fri- 
ponnerie ou  de  fa  négligence  à  ne 
pas  enlever  les  pierres,  ou  à  ne  pas 
brifer  les  mottes,  comme  il  y  étoit 
obligé  par  l'aClie  ou  les  conventions 
du  prix  fait.  Si  au  contraire  la  réfif- 
tance vient  de  ce  que  l'ouvrier  n'a 
pas  donné  à  la  rranchée  la  profondeur 
convenable,  il  doit  fur-le-champ  faire 
fufpendre  tout  l'ouvrage  ,  jufqu'à  ce 
que  le  vice  foit  réparé.  La  févérité 
eft  néceftaire  avec  l'ouvrierj  payez-le 
bien,  &  faites-vous  bien  fervirj  fi 
vous  lui  paifez  une  faute ,  il  en  com- 
mettra cent,  &  vous  finirez  par  être 
complettement  fa  dupe. 

Eft -il  néceftaire,  dans  la  fouille 
générale  du  fol,  de  comprendre  celui 
fur  lequel  les  allées  font  ou  doivent 
être  tracées  ?  Plufieurs  auteurs  font 
pour  la  pofitive;  quant  à  moi,  je  n'y 
vois  qu'une  dépenfe  fuperflue.  Les 
premiers  difent  :  fi  on  ne  fouille  pas 
tout  le  terroir,  celui  des  quarreaux 
fera  plus  élevé  que  celui  des  allées, 
&  elles  deviendront  un  cloaque  après 
chaque  pluie.  Les  féconds  convien- 
nentdu  taitj  mais,  comme  il  n'exifte 
point  de  terrein,  ou  prefque  point , 
fans  pierres ,  fans  graviers  ,  les  al- 
lées font  deftinées  à  les  recevoir.  Se 
ces  gravats  les  rehaulferont ,  les  af- 
fainironr.  Se  l'eau  ne  pourra  pas  les 
détremper,  fur-tout  h  on  a  la  précau- 
tion de  les  enfabler  6c  de  les  niveler 

lotfque 


J  A  R 

lorfque  tout  l'ouvrage  fera  fini.  C'eft 
donc  dans  le  cas  feulement  où  il  feroit 
impolîible  de  fe  procurer  du  fable  &: 
des  pierrailles  _,  qu'il  conviendroit  de 
fouiller  la  totalité  du  fol.  On  pour- 
roit  encore  éviter  les  trois  quarrs  de 
la  dépenfe,  en  portant  fur  ces  allées, 
&  avec  la  brouette,  un  peu  de  terre 
des  quarreaux  voifins  j  alors  les  allées 
feront  de  niveau,  ou,  fi  l'on  veut, 
plus  élevées  que  le  refte. 

Suppofons   aduellenient  que  tout 
foitdifpofé  pour  commencer  les  tran- 
chées fur  la  longueur  ou  fur  la  largeur 
d'un   quarreau.    On    commence  par 
enlever  la  terre  de  la  première  fouille 
de    trois    pieds    de   profondeur    fur 
quatre  à  cinq  pieds  de  largeur,  &on 
la  porte  à  l'autre  extrémité  du  quar- 
reau. Les  Brouettes  {F'ûye:[ce  mot), 
font  très-commodes  pour  l'opération  , 
d'ailleurs  ,  elles  peuvent    être   con- 
duites  par  des    femmes    ou  par  des 
jeunes  gens  ,  dont  les  journées' font 
de  moitié  moins   chères   que  celles 
des   hommes  ,  &   elles    font  autant 
d'ouvrages.  On  peut  encore  fe  fervir 
de    tombereaux  ;  mais   je  réponds  , 
d'après   ma   propre  expérience  ,  que 
ce  fécond  moyen  eft  plus  coûteux. 

La  première  tranchée  ouverte ,  &: 
la  terre  enlevée ,  les    ouvriers    com- 
mencent la  féconde  &  en  jettent  la 
terre  derrière  eux,  s'ils  fe  fervent  de 
pioches  ou  de  tels  autres  inftruments 
à  manches  recourbés  ,  en  obfervant 
que  la  terre  de  deffus  foit  retournée 
&  forme  le  delTous.  Au  contraire  fi 
l'ouvrier     rravaille    avec     la     Bêche 
(  A^oye^  ce  mor  )  il  va  à  reculons  & 
jette  devant  lui  &  dans  le  creux  ,  la 
terre  qu'il  fouleve    avec    cet    outil. 
Dès  que  le  fol  n'eft  pas  pierreux,  je 
préfère  la  Bêche  à  rout  autre  inftru- 
ment,  parce  que  la  terre   eft   mieux 
Tome  II. 


J  A  R 


9 


ôc  plus  régulièrement  divlfée,  émiet- 
tée  Se  nivelée.  L'ouvrier  conti- 
nue ainfi  fon  travail,  jufqu'à  ce  qu'il 
parvienne  à  l'extrémité  du  quarreau. 
Là  il  trouve  la  première  terre  tranf- 
portée ,  qui  lui  fert  à  remplir  le 
vuide  formé  par  la  dernière  tranchée, 
alors  le  quarreau  eft  complettemenc. 
défoncé,  &  fa  fuperficie  fe  trouve  de 
niveau. 

Plufieurs  particuliers  couvrent   de 
fumier  la  fuperficie  du  fol  à  défon- 
cer. Je  ne  vois  pas  le   but  de  cette 
opération ,  à  moins   que    le    terrein 
ne  foit  deftiné  à  être  tout  à  la  fois 
&  légumier  &  fruitier.  Dans  ce  cas, 
l'engrais  fervira  &  favorifera  l'accroif- 
femenr  des  racines  des  arbres  qu'on 
doir  planter;  mais  dans  un  fimple  légu- 
mier, les  racines  des  plantes  n'iront 
jamais  chercher  la  nourriture  à  trois 
pieds  de  profondeur  ;  ni  aucun  travail, 
à    moins  qu'il  ne  foit  femblable  au 
premier ,    ne  ramènera   jamais    plus 
cet  engrais  à  la  fuperficie.  Si  les  tran- 
chées ont    été   bien    conduites  ,   la 
terre  de  la  fuperficie  ,  une  fois   re- 
tournée ,  doit  occuper  le  tond  de  la 
tranchée,  &  celle  du  fond  le  delTus. 
Dans    quel    temps    doit- on  com- 
mencer à  ouvrir  les  tranchées  ?  Cela 
dépend  des  faifons ,  du  climat  ,  de 
la  nature  du  folj  &  de  l'époque  à  la- 
quelle  les    ouvriers    font    le    moins 
occupes.  Dans  les  pays  méridionaux  , 
il  convient  de  commencer  l'opération 
à  la  fin  de   janvier  ou    de    lévrier  , 
afin    que    la    terre   ait  le  temps  de 
s'approprier  les  influences  de  l'armof- 
phère  5i  d'être  pénétrée  parla  lumière 
&  la  chaleur  vivifiante  du  gros  foleil 
d'été;  quelques  légers  labours,  même 
à  la   charrue  ,  fuffiront   à  la  prépa- 
ration des  planches  ,  des  tables, ôcc.  ,à 
moins  qu'il  ne  foit  furvenu  de  grofles 

B 


lo  J  A  R 

pluies d'oragej  on  pourroit  encore  com- 
mencer à  femer  ik  à  planter  les  lé- 
gumes pour  l'hiver  fuivanr.  Il  eft 
bjn  cependant  d'obferver  qu'il  vaut 
mieux  donner  quelques  coups  de  char- 
rue pendant  l'été,  afin  de  détruire  les 
mauvaifes  herbes  ,  que  de  trop-tôt 
fe  hâter  de  femer  &  de  planter. 
Dans  les  provinces  du  nord  ,  l'au- 
tomne eft  la  failon  favorable  j  la 
terre  n'eft  ni  trop  fèche  ni  trop 
mouillée.  Si  elle  eft  trop  fèche  ,  le 
travail  eft  long  ,  pénible  &  coûteux  j 
fi  elle  eft  trop  pénétrée  par  l'eau , 
il  eft  inutile  de  le  commencer,  on 
paîtriroit  la  terre,  on  la  durciroit  Se 
on  la  retourneroit  mal.  Dans  quel- 
que climat  que  l'on  habite,  on  doit 
confulter  les  circonftances  ;  l'hiver 
ôc  les  glaces  produifent  dans  le  nord 
»in  effet  oppofé  à  ceux  des  provinces 
du  midi ,  ils  foulevent  le  terrein  & 
l'émiettent ,  mais  les  pluies  &  la  fonte 
des  neiges  le  taflent  &  le  plombent 
trop  vite. 

Plufieurs  Auteurs  qui  fe  font  fidè- 
lement copiés  les  uns  après  les  au- 
tres ,  confeillent  de  défoncer  le  fol 
jufqu'à  la  profondeur  de  quatre  pieds, 
li  on  ne  peut  pas  ficilement  fe  pro- 
curer de  l'eau  pour  arrofer ,  parce 
que  la  terre  ainfi  profondément 
retournée ,  conferve  la  fraîcheur  pen- 
dant plus  long-temps.  Je  deminderois 
à  ces  Auteurs  s'ils  penfent  de  bonne 
foi  que  cette  terre  fe  foutiendra 
toujours  ainfi  foulevée  j  fi  petit  à 
petit  elle  ne  fe  plombera  pas,  &  fi 
u  le  fjis  plombée  elle  confervera 
plus  de  fraî.heur  qu'auparavant  ?  Je 
crois  au  contraire  qu'il  y  aura  plus 
d'évaporation ,  di  par  conféquent  que 
ies  effets  de  la  féchereffe  fe  manifef- 
teronr  bien  plus  vite.  Sans  la  quantité 
convenable   d'eau    pour    les    arroie- 


J  A  R 

mens ,  il  faut  renoncer  à  toute  efpèce 
de  grand  légumier  ,  à  moins  que  l'on 
n'habite  un  pays  où  les  pluies  foient 
tfès-fréquentes  pendant  l'été  ,  &  en 
outre  un  pays  où  la  chaleur  foit  très- 
tempérée  dans  cette  faifon. 

J'ai  dit  plus  haut  que  le  fol  des 
tranchées  devoir  être  défoncé  à  la 
profondeur  de  trois  pieds  ,  mais 
c'eft  dans  le  cas  qu'on  planre  des 
arbres  fruitiers  dans  le  légumier  ; 
autrement  la  tranchée  de  deux  pieds 
de  profondeur  eft  très-fuffifante,  parce 
que  je  ne  connois  point  de  légumes 
à  racine  pivorante  qui  plonge  au-de- 
là de  ce  terme.  A  quoi  fert  donc  de 
multiplier  la  dépenfe  ,  &  d'enfouir 
au  fond  de  la  tranchée  de  trois  pieds 
la  terre  de  la  fuperficie  qui  ne  reverra 
jamais  le  jour,  &  qui  devient  inutile 
à  la  nourriture  des  planres  ? 

Si  la  fouille  a  été  faite  immédia- 
tement avant  l'hiver,  il  eft  à  propos 
de  couvrir  le  fol  avec  du  fumier  bien 
confommé  ,  afin  que  les  pluies  ,  les 
neiges  la  détrempent  &  imbibent  la 
la  terre  de  fa  graifte.  Si  au  contraire 
la  fouille  a  été  faite  après  Ihiver ,  il 
convient  d'enterrer  le  fumier  à  quel- 
ques pouces  de  profondeur ,  afin  que 
l'ardeur  du  foleil  &  le  couranr  d'air 
ne  détruifent  &  ne  fiffent  pas  éva- 
porer fes  principes  vivifians.Ceque  je 
viens  de  dire  fiippofe  qu'on  n'a  pas 
la  puérile  envie  de  jouir  du  terrein 
aulîî  rôt  après  que  le  travail  eft  fini. 
Je  ne  celTerai  de  repérer  ce  qui  a 
été  dit  au  mot  Défrichement ,  au  mot 
Amendement.  Il  faut  que  la  terre  de 
delTous ,  ramenée  à  la  fuperficie  ,  ait 
eu  le  temps  d'être  travaillée  6.-  péné- 
trée par  les  météores.  On  éloigne  ,  il 
eft  vrai,  le  moment  de  jouir,  mais 
on  jouit  enfiiite  bien  plus  sûremenr. 

Jufqu'à  préfent  tout  a  été  du  ref- 


J  A  R 

fort  des  manœuvres  ou  Journaliers  j 
ici  commence  le  travail  du  jardi- 
nier. Il  foudivife  fes  quarreanx  en 
tables  ou  planches ,  &  difpofe  le  local 
des  petits  fentiers  de  féparation.  Si 
Je  jardin  doit  être  arrofé  par  irriga- 
tion ,  il  trace  la  place  des  rigoles  & 
celles  des  plates-bandes,  en  un  mot, 
il  prépare  le  terrein  pour  recevoir  des 
plans  enracinés,  ou  les  femences. 

Le  fimple  jardin  légumier  ne  de- 
mande aucun  plan  étudié  j  des  quar- 
reaux  plus  ou  moins  allongés  font 
tout  ce  qu'il  exige.  C'eft  la  commo- 
dité ,  la  facilité  dans  le  fervice ,  dans 
l'arrofement,  le  tranfport  des  fumiers 
qu'il  faut  fe  procurer  par  deffus  tout, 
enfin  ne  rien  négligerde  ce  qui  tend  à 
fimpliher  le  travail  &  à  diminuer 
les  frais  de  main-d'œuvres.  C'eft  là 
le  premier  bénéfice. 

Il  me  refte  encore  une  queftion  à 
examiner.  Les  fouilles  ou  tranchées 
plus  ou  moins  profondes  font-elles 
indifpenfables  dans  tous  les  cas  lorf- 
qu'il  s'agit  de  créer  un  jardin  ?  Elles 
font  très-utiles  en  général,  mais  elles 
ne  font  pas  toujours  d'une  néceftîté 
abfolue.  Cette  diftinétion  tient  à  la 
qualité  du  fol  ;  en  effet ,  fi  la  couche 
de  terre  eft  par  elle  même  profonde, 
meuble  ,  riche,  3c  fi  elle  ne  retient 
pas  trop  l'eau  ,  à  quoi  ferviront  les 
grandes  tranchées  ?  fi  le  fol  eft  natu- 
rellement compofé  d'un  fable  gras 
&  fertile  ,  les  fouilles  le  rendront 
d'un  côté  plus  perméable  à  l'eau,  Se 
de  l'autre  plus  fufceptible  d'évapo- 
ration.  Les  fouilles  ont  pour  but  de 
faciliter  le  pivotement  &  l'exteniion 
des  racines ,  &c  dans  les  deux  cas  cités , 
rien  ne  s'oppofe  à  leur  développe- 
ment. Les  grandes  fouilles  font  donc 
ici  très-inutiles ,  il  fuftit  avant  de  tra- 
cer le  jardin ,  d'égalifer  le  terrein  à  la 


J  A  R  II 

charrue,  afin  d'enlever  les  broufailles , 
les  touffes  d'herbe,  &  de  palferenfuite 
la  herfe  fur  les  deux  labours  croifés, 
afin  de  niveler  &  d'égaler  le  terrein. 
On  parviendra  par  cette  méthode  à 
tracer  facilement  les  allées,  ôc  la  plus 
légère  raye  les  deflîaera  Se  les  fépa- 
reta,  à  l'œil ,  du  fol  deftiné  à  former  les 
quarreaux  ,  les  plates-bandes  &C.  Le 
plan  une  fois  tracé  ,  arrêté  &  fixé  par 
différents  piquets  ,  il  ne  s'agit  plus 
que  de  bien  fumer  la  fuperficie,  &  de 
donner  un  fort  coup  de  bêche  pour 
l'enterrer. 

Section     III. 
Du   tems  de  fcmer. 

Fixer  une  époque  générale  pout 
les  femailles  ,  c'eft  établir  l'erreur  la 
plus  décidée  ,  ou  bien  il  faut  fe  con- 
tenter d'écrire  pour  un  canton  ifolé, 
&  encore  doit- on  fubordonner  à  la 
manière  d'être  des  faifons,  les  pré- 
ceptes que  l'on  donne.  Cependant 
comme  je  ne  puis  traiter  ici  de  tous 
les  cantons  du  royaume  en  particu- 
lier ,  je  me  contente  d'envifager  les 
deux  extrémités ,  celle  du  midi  &  du 
nord  ,  comme  les  deux  qui  font  les 
plus  oppofées.  Les  particuliers  dont 
les  jardins  s'éloignent  des  extré- 
mités de  l'un  ou  de  l'autre  climat , 
modifieront  l'époque  des  femailles 
en  raifon  de  leur  éloignement,  Se 
fur-tout  en  raifon  des  abris  que  la 
nature  leur  fournir.  (  Voye^  le  mot 
Agriculture  ,  chap.  III  des  AbriSj 
afin  de  juger  jufqu'à  quel  point  ils 
influent  fur  la  végétation  ,  ou  com- 
bien dépendent  d'eux  fon  actéléra- 
tion  ou  fon  retard).  Lille  en  Flandres 
Se  Paris  font  les  exemples  pour  le 
nord  ,  Marfeille  Se  Béziers  pour  le 
midi.  Les  deux  *  *  indiquent  qu'il 
faut  femer  fur  couche  Se  fous  cloche 
B  1 


12  J  A  R  J  A  R 

pour  le  climat  de  Paris  feulement,  marque  que  la  graine  demande  à  être 
La  couche  &  la  grande  paille,  au  be-  femée  dans  un  lieu  bien  abrité  j  le 
foin,  fuffifent  pour  l'autre. La  feule  *     refte  fans  *  en  pleine  terre. 

ÉPOQUES    DES    SEMAILLES. 


Climat  de   Paris   et  de 
Flandres. 

Janvier. 


** 

Fèves. 

** 

Laitues  < 

r  crêpe. 
^  verfailles_. 

*,  * 

Melons. 

C  priufanière. 

■*  * 

Radis. 

*  * 

Petites  raves. 

*  * 

*  * 

Pourpier 
Chicorée 

verr. 
fauvage. 

*  * 

Cardons. 

»* 

Concoml 

Dres. 

** 

Cerfeuil. 

*  * 

Crelfon 

alénois. 

* 

Oignons 

de  S.  Antoine. 

Climat  des   bords   de  la 
Méditerranée. 


* 
* 


Janvier. 

Melons. 
Concombres. 
Pourpier. 
Céleri. 
Radis. 

Petites  raves. 
Choux -fleurs  hâtifs, 
allemande. 


*  Laitues 


panaché. 

gris. 

hâtif. 
CrelTon  alenois. 
Mâche. 
Cerfeuil. 
Poireaux. 
Oignons. 


pomme  de  Berlin." 

grofle  rouge. 

jeune  rouge. 

coquille. 

paflion. 

groiïe  blonde. 

grofle  gorge. 

bapaume. 

les  gênes. 

ritalie. 

la  royale. 

la  gotte. 

fanguine  ou  flagellée. 

chicon  rouge. 


Choux 


blancs, 
pommés, 
de  milan, 
verds. 


Fèves. 

Pois. 


PARIS. 


F  É    V   1<.   I  E  R. 


*  * 

*  * 


Melons. 
Auberoines. 
Petites  raves. 


Radis. 

Pourpier  vert. 
Concombres. 
Oignons. 

*  *  Carottes. 

**  Chou  de  milan. 

*  *  Chou  -  fleur. 
**  Bafilics. 

**  Couches  à  champignon. 

*  *  Afperges. 
**  Haricots, 

verts. 

michauds. 

domini. 

nains. 
Fèves  de  marais. 
Ail. 

Echalotes. 
Rocamboles. 
Ciboule. 


Pois 


*  * 


Oignon. 

Chicorée. 

Efcarolle. 

Chou  frifé  nain. 

Epinards. 

Cerfeuil. 

Perfil. 

Les  laicues  du  mois  précédenr. 


*  * 


MEDITERRANEE.    15 

Perfil. 

Échalote. 

Epinards. 

Février. 

fleur. 

brocoli. 
Choux  ^  cabu  ou  pomme. 

de  Milan. 

de  Strasbourçr. 
Poivre  d  Inde. 
Aubergine. 
Courges. 
Concombres. 
Melons. 
Céleri. 
Bafilic. 


*  Laitues 


coquille, 
pareffeufe." 
Verfailles. 
d'Autriche, 
brune  de  Hollande. 
Perpignan, 
petite  crêpe, 
grofle  crêpe, 
celles  du   mois  pré- 
cédent. 


Oignons  d'automne. 

Pois. 

Fenouil. 

Chervis. 

Topinambour. 

Pomme  de  terre. 

Poirée. 

Petites  raves. 

Radis  de  toute  efpèce. 

Perfil. 

Fèves. 

Fournitures  de  falades. 

Cardons  d'Efpagne. 

Haricots. 

Afperges. 

Carottes. 

Panais. 

Sallifix. 

Cerfeuil. 


H 


PARIS. 


MÉDITERRANÉE. 


M 


A     R     S. 


*  *  Couches  à  champignons. 

*  *  Melons. 

*  *  Potirons. 
**  Courges. 

*  *  Concombres. 

*  *  Chou-fleur. 
**  Céleri. 

*  *  Capucine. 
**  Bafilic. 

**  Chicorée  fauvage. 
**  Fèves  de  marais. 

*  *  Haricots. 


*  Laitues 


Verfailles. 
La  george. 
La  petite  crêpe. 
La  bagnolet. 


Perfil. 

Cerfeuil. 

Radis. 

Raifort. 

Petites  raves. 

Navets. 

Pinprenelle. 

Pourpier  verd. 

Poirée. 

Creflon  alénois. 

Oignons, 

Épinards. 

Fèves  de  marais. 

Pois. 

Carottes  jaunes  &  rouges. 

Lentilles. 

Pommes  de  terre. 

Eftragon. 

Chicorée  uuvage. 

Moutarde. 


Chicorée. 

Efcaroile. 

Mâche. 

Sénevé. 

Arroche. 

Lentilles. 


M 


A     R     s. 


Laitues  < 


à  coquille, 
de  la  paflîon. 
romaine, 
chicon  verd. 


d'Efpagne. 


d'Allemagne. 
panaché, 
alphange. 
On  peut  encore  eflayer  les  laitues 
des  mois  précédens. 
Porreaux. 
Oignons  d'été, 
d'automne, 
échalotes, 
aulx. 

/  quarrés. 
nains. 

à  parchemin, 
romain. 
d'Angleterre. 
Pois  «^    verd. 

michaud. 
baron, 
à  cul  noir. 
de  tous  les  mois. 
goulus. 
Fèves. 
Chervi. 
Raifort. 
Radis. 

Petites  raves. 
Epinards. 
Perfil. 
Poirée. 


Betteraves 


\ 


jaunes, 
rouges. 


PARIS. 


MÉDITERRANÉE.    15 

Cardons. 
Haricocs. 
Atcichauds. 
A  fperges. 
Bafilic. 
Capucine. 
Bourrache. 
Sarriete. 
Carotes. 
Panais. 
Scorfonère. 
Salfifix. 
Céleri. 
Cerfeuil. 

Chicorée  de  toute  efpcce. 
Pourpier. 
Crefion  alenois. 
Angélique. 
Courges. 
Melons. 
Concombres. 
Eftragon. 
Percepierre. 
Navets. 
Radis. 

Petites  raves. 
Pommes  de  terre. 
Topinambour. 
Pomme  d'amour  ou  tomates. 
Choux  de  toutes  les  efpèces,  & 
même  le  chou-fleur. 


** 


*  * 

*  * 


Chou 


V    R    I    l. 

de  Milan, 
fleur. 

*  *  Céleri. 

*  *  Cardon. 
Potiron. 

Différentes  laitues. 
Pourpier  doré. 
Chou  de  Milan. 
Poirée. 
Radis. 
Petites  raves. 


Avril. 


Laitues 


\ 


.Ch 


lOU 


C  la  royale. 

la  crêpe  blonde. 

la  petite  rouge. 

la  capucine. 

l'Autriche. 

Roulette  verte. 

Tous  les  chicoBS. 
fleur. 

de  Milan, 
rave, 
brocolis. 


iG         PARIS. 

Chicorées. 

Maïs  ou  blé  de  Turquie. 

Cardon. 

Haricots. 

r  à  cul  noir. 


Pois  ^ 

Fèves. 
Perfil. 

Carotte 


qu; 


arre. 


li 


aune, 
rouge. 


Laitues. 
Chicorée  fauvage. 
Salfifix. 


Betterave 

Sarriette. 
Panais. 

Laitues  < 


jaune. 

rouge. 


Chou  • 


Céleri 


r  de  Siléfie. 
^  de  Verfailles. 
C  d'Italie. 

frifcs. 

nains. 

Heurs  durs. 

de  la  S.  Rémi. 

brocolis. 


plein, 
branchu. 


Cardons. 
Potirons. 
Concombres. 


MÉDITERRANÉE. 


Pois 


à  cul  noir. 

nains. 

goulus. 


michauds. 
Oignons. 

Chicorées  endives. 
Épinards. 
Perfil. 
Fèves. 
Raifort. 

Radis  de  toute  efpèce. 
Cardons. 
Artichaux. 
Haricots. 
Oxès  ou  alléluia. 
Anis. 
OfeiUe. 
Bafilic. 
Carottes. 
Scarfonne. 
Salfifix. 
Pourpier. 

Pommes  d'amour  ou  tomates. 
Poivre  d'Inde. 
Aubergine. 
Naver. 
Fenouil. 


Mai. 

**  Chou -fleur. 
Chou  tardif. 
Cardons  d'Efpagne. 
Melons. 
Haricots  blancs. 
Fèves  de  jiiarais. 
Poirée. 
Ofeille. 
Céleri. 
Cerfeuil. 


M    A 


I. 


Laitues 


Chou 


Pois  a 

Épinards 

Raifort. 


chicans  de  toute  ef- 
pèce. 

brune  de  Hollande. 

petite  crêpe. 
'  de  Milan. 
'  fleur  tardif. 
'  rave, 
cul  noir. 


Laitues, 


PARIS. 

Laitues. 

Pourpier  doré. 

Pois,  &  fur-tout  le  quarté  blanc. 

Choux  d'hiver. 

Scorfonères. 

Betteraves. 

Concombre. 

Cornichons. 

Radis. 


Juin. 

Haricots. 

Chicorées. 

Mâche. 

Poirée  blonde  &  verte. 

Pourpier  doré. 

Laitues  d'été. 

Chicons  verds. 

Cerfeuil. 

C  pommes  hâtifs. 
Choux  ?  inÇés  hâtifs. 

C  de   Milan. 

„   .     Ç    mi  chaud. 
Pois  -x    c     .r 
l  Suille. 

Radis. 

Raves. 

Raiforts. 


MÉDITERRANÉE. 

Radis  de  toute  efpcce. 
Poirteaux. 


Haricots     / 

Carottes. 
Scorfonère. 
Céleri.  ., 

Qaicorée 


verds. 
d'Efpagne. 
blancs  communs. 


endive  fiifée. 
fcariole. 
à  la  régence. 
de  Meaux. 


Pourpier. 
Creffon  alenois. 
Concombres. 
Tomates. 
Poivre  d'Inde. 
Navets  gris. 

Juin, 

Chicons  de  toure  efpèce. 

r  verds. 
Choux  ?  Milan, 
brocolis, 
lains. 
cul   noir. 
Toutes  efpèces  de  radis,  &  fur- 
tout    le     gros    radi    noir    de 
Strasbourg. 
Epinards. 
Haricots. 
Concombres. 
Carottes. 
Bafilic. 

Chicorée  endive  ,   fcariole. 
Pourpier  doré. 
Mâche. 


Pois 


5  na 


J  u 


I  r.  L  E  T. 


Ofeille. 
Poiiée. 
Cerfeuil. 
Laitue  royale. 
Tome  f^J. 


Juillet. 

Laitues. 
Ciboules. 
Epinards. 

Radis  de  toute  efpèce. 
C 


1  s         PARIS. 

Chicorées. 
Pourpier  doré. 
p  ■     Ç   michauûs. 

\  quarrés. 
Navets. 
Radis. 
Raiforts. 
Raves. 

Chou  de  bonneuil. 
Haricots. 
Oignons  bkncs. 
Ciboule. 
Fraiiicr  des  mois. 


MÉDITERRANÉE. 

Haricots    de  toute   efpèce , 

cepré  celui  d  Efpagne. 
Cerfeuil. 

Endives  de  toutes  efpèces. 
Navet. 
Pourpier. 


cx- 


o   u    T. 


A 


G     u     T. 


Cerfeuil. 
Chicorées. 
Poirée. 
Epinards. 

Navets. 

Laitues  d'hi"ver. 

Mâche. 

Oignons  blancs. 

Raves. 

Ciboule. 

OftiUe. 


Ch 


ou 


fleurs  durs. 

pommés  hàtifs. 

fnfés  hâtifs. 

Milan. 

gros  de  Milan. 

de  bonneuil. 

d'Aubervilliers. 


Salfitix. 
Scotfonère. 


petite  crêpe. 

groiïe  blonde. 

brune  de  Hollande. 
Laitues  ^   cocaire. 

coquille. 

la  pailion. 

laitue  épinard. 
Chicons  romains  S<.  verts. 
Oignons  d'été. 
C  rieur. 


Choux 


cabus. 
de  Milan. 


Septembre. 


Epinards. 

Cardons. 

Carottes. 

Scorfonère. 

Endives. 

Chicorées. 

Mâche. 

Navets. 

Raves.  • 

Raiforts. 

Ridis  de  toute  efpèce. 

Septembre. 


Raves. 
Radis. 
Raiforts. 


Laitues 


à  coquille, 
de  la  paflion. 
pommées. 


PARIS. 

Carottes  [aunes  S<.  rouges. 
Epinards. 
MaL-he. 

Oignons  blancs. 
Cerfeuil. 
*  Pois  niicliauds.. 


MÉDITERRANÉE.   19 


Laitues 


pente  crêpe, 
brune  de  Hollande, 
la  roulette, 
la  royale. 


!a  gènes 


Epinards. 

Oignons. 
A  if. 

Rocambole 
Echalotes, 

Chou-fleur  hâtif. 

Cerfeuil. 

Endives. 

Chicorées. 

Mâches. 

Navets. 

Radis. 

Petites  raves. 


chicons  d'Allemagne, 
laitue  cpinard. 


a.    remettre 
terre. 


e» 


Octobre. 


Octobre» 


Epinards. 
Ccrheuil. 
Mâche. 
Radis. 

Petites  raves. 
*  Pois  verts. 


Laitue 


romaine. 


crêpe. 
*  Chou  fleur. 


Chou 


fleur, 
cabu. 

'^  Fèves. 

*  Concombres. 

Oignons. 

Endives. 

Chicorées. 

Raiforrs. 

Navets. 

Radis. 

Petites  raves. 

Epinards. 


:pi 
Pois 


CTOUlUS. 

barons. 

niithauds. 

nains. 

Mâche. 

Creffon  alénois. 
Coriande. 


C  1 


xo 


PARIS. 


MÉDITERRANÉE. 


NovEMsai. 


Novembre. 


r  verrs. 
Pois  >/    dominé. 
C  michau. 


à  femer  en 
maiiequin. 


D 


E   c   E  M   B  R  E. 


*  Pois  verts. 

*  Fèves  de  marais. 


On  fera  peu:  ctre  étonné  de  voir 
certaines  efpeces  femées  chaque  mois 
de  l'année,  fLirtctitdans  les  provinces 
méridionales  ,  les  radix  ,  les  épinards 
par  exemple.  Sans  cette  précaution  on 
n'enauroiràcueillirque  depuis  lemois 
de  fepcembre  /uiqu'eii  mars  ;  alors 
les  derniers  &  les  premiers  feroieiit 


Laitues 


roulette, 
la  george. 


de  Siléfie. 

panachée. 

de  la  paflion. 

capucine. 

pareiïeufe. 

d'Autriche. 

crêpe  verte. 

*  Chicons. 
Oignons. 
Raifort. 
Radis. 

Petites  raves. 
Epinards. 

*  Fèves. 

r  michauds. 
Pois   /   nains. 
<L  goulus. 

Décembre. 

Laitues ,  les  mêmes  que  dans  le 

mois  précédent,  &  en  fus  : 

la  rouge  pommée. 

la  royale. 

la  Verfailles  ,    &  les  mêmes 

qu'en   janvier. 
Oiçrnons. 
Fèves. 

*  Radis. 

*  Petites  raves. 

trop  durs  après  trois  femaines  ou  un 
mois  de  leur  femis.  Si  on  veut  jouit 
pendant  toute  l'année  ,  il  f.im  fcmer 
louvent ,  parce  que  la  grande  chaleur 
fait  promptemenr  monter  les  plantes 
en  graines.  On  peut  dire  en  géné- 
ral que  chacjue  graine  tft  dans  le 
cas    dètre    feméc   à    trois    époques 


J  A  R 

différentfjs  dans  les  mêmes  années  ; 
mais  il  faut  avoir  un  jardinier  intel- 
ligent qui  fâche  faifir  le  moment. 
Cette  clalfe  d'hommes  a  une  rou- 
tine très  -  bonne  en  elle-même  ,  Se 
fait  que  le  jour  de  la  fête  de  tel  fainc^ 
il  convient  de  femer  telle  &c  telle 
efpèce.  Si  la  faifon  eft  dérangée  ,  fes 
plantes  montent  en  graine,  ou  ne 
réulîilTent  point ,  il  rejette  la  faute 
fur  la  qualité  de  la  graine  ,  tandis 
que  cela  tient  à  la  conftitution  de 
la  faifon  qui  ne  s'accordoit  pas  avec 
fon  calendrier.  Ce  fait  prouve  encore 
combien  les  époques  générales  que 
l'on  pre-fcrit  font  abufives. 

Le  particulier  riche  croit  faire  des 
merveilles  d'appeller  chez  lui  des 
jardiniers  inftruits  auprès  des  grandes 
villes ,  fur-tout  fi  elles  font  éloignées 
de  fon  canton.  Cet  habile  homme 
fur  lequel  il  fonde  fes  efpérances , 
fera  pendant  les  deux  premières 
années  très-inférieur  aux  jardiniers 
les  plus  communs  du  pays  ,  parce 
qu'il  n'en  connoît  point  le  climat  ; 
mais  s'il  a  de  l'intelligence,  s'il  fait 
obferver  &  raifonner  la  méthode  du 
pays  j  à  coup  fur  il  la  perfedionnera 
dans  la  fuite. 

Ce  feroit  perdre  ici  fon  temps  de 
préfenrer  un  tableau  femblable  au 
précédent,  pour  indiquer  les  époques 
auxquelles  on  doit  tranfplanter  les  fe- 
mis,  cueillir  les  graines,  ferfouir,  en- 
terrer les  plantes  à  blanchir  iScc.  &:c. 
Tous  ces  objets  dépendent  du  climat, 
[e  le  répète  ,  on  tranfplante  lorfque 
1^  femis-eft  allez  fort  ,  on  travaille 
le  pied  des  plantes ,  on  les  farcie 
autant  de  fois  qu'elles  en  ontbefoin; 
on  récolte  la  graine  quand  elle  eft 
mûre  ,  on  fait  blanchir  les  cardons  , 
lés  chicorées  ,.  lorfque  les  pieds  font 
affez  larts  (Sec,  «Sec.  11  ne  taut  que  des 


J  A  R  21 

yeux  pour  juger  j  les  préceptes  font 
abufifs ,  &  l'Auteur  fait  parade  d'une 
vaine  &  inutile  érudition  ,  à  moins 
qu'il  n'écrive  pour  un  très-petit  can- 
ton j  s'ilgénéralife,  tout  eft  perdu. 

CHAPITRE     IL 

Des  Jardins  fruitiers. 

Le  règne  de  Louis  XIV  fut  l'épo- 
que de  la  perfed;ion  des  arts  en 
France  ,  comme  celui  de  François  I 
de  la  renailTance  des  lettres.  L'art 
des  jardins  huitiers  prit  une  nouvelle 
forme.  Laquintinie  parut,  &:  les  ar- 
bres autrefois  livrés  à  eux-mêmes, 
couvrirent  de  leurs  branches  ,  de 
leurs  feuilles  ,  de  leurs  Heurs  &  de 
leurs  fruits ,  la  nudiré  8c  la  rufticité 
des  murs.  Enfin  dans  fes  mains  l'arbre 
prit  la  forme  d'un  efpalier ,  d'un  éven- 
rail  &  d'un  builTon.  Ce  grand  homme 
opéra  une  révolution  prefque  aulfi  en- 
tière dans  la  culture  du  légumier. 

Pendant  que  la  France  &  l'Europe 
entière  admiroient  &  adoptoient  les 
méthodes  de  M.  Laquintinie ,  &  qu'on 
s'extafioit  à  la  vue  de  fes  efpaliers  , 
de fiiTjples particuliers,  conduits  par  le 
génie  de  l'obfervarion  &  de  l'expé- 
rience, perfettionnoient  à  petit  bruit , 
ou  plutôt  prefqu'ignorés  ,  la  théorie 
de  la  taille  des  arbres.  Enfin  après 
des  travaux  foutenus  pendant  près 
d'un  ficelé,  on  a  commencé  à  fe  douter 
que  les  feuls  habitans  du  village  de 
iMontreuil  (  f'^oye^  ce  mot  )  avoient 
découvert  le  fecret  de  la  nature.  Ce 
n'eft  que  depuis  quelques  années  que 
la  vérité  gagne  de  proche  en  proche. 
II  faudra  bien  du  remps  pour  que  U 
révolution  foit  générale  &  com- 
pletre  \  on  tient  à  fes  anciens  pré- 
jugés j  on  les  ciielfe  &  il  elt  difh- 


2i  J  A  R       . 

eile  d*en  fecouer  le  joug.  Les  parti- 
ons de  la  métliode  de  M.  de  La- 
qiiintinie  ne  croiront  pas  fur  paro- 
les ,  Se  ils  demanderont  des  preuves 
fur  la  fupcriorité  de  ctlle  des  Mon- 
treuillois.  Sans  entrer  ici  dans  aucune 
difcufiîon  ,  je  leur  dirai  feulement, 
on  voit  encore  aujourd'hui  à  Mon- 
treuil  des  pêchers  plantes  à  la  fin  du 
fiecle  dernier.  Que  1*011  cite  un  pa- 
reil exemple  dans  les  fruitiers  de 
M.  Laquintuiie,  &  dans  tout  le  refte 
du  royaume.  M.  Laquintinie  con- 
nut le  genre  de  culture  de  ces  bons 
travailleurs  ,  mais  trop  attaché  à  la 
méthode  qu'il  avoit  imaginée  ,  & 
encouragé  par  les  louanges  qu'un 
grand  Roi  &  la  nation  lui  prodi- 
guoient ,-  il  crut  au-delfous  de  lui  de 
devenir  imitateur.  Il  avoir  fait  venir 
le  jeune  Pépin,  cultivateur  de  Mon- 
Treuil ,  qui  tailla  en  fa  préfence  plu- 
sieurs arbres ,  mais  Laquintinie  jaloux 
ou  enthoufiafte  de  fa  propre  méthode, 
fe  hâta  de  le  congédier ,  &  Pepm 
de  retourner  à  Ion  village  y  cultiver 
l'héritage  de  fes  pères. 

SECrrON      PREMIERE.- 

De  la  formation  des  Jardins  fruitiers. 

Ils  fuppofent  néceiïairemenc  une 
plus  grande  profondeur  à  la  couche 
de  tetre  végétale  que  celle  des  légu- 
miers, afin  que  le  pivor  des  arbres 
plonge  de  s'enfonce  fans  contrainre  , 
&  fur-tout  fans  être  forcé  de  s'éten- 
dre horifontalemenr.  Ceci  demande 
<!es  dcveloppemens  ,  &  éprouvera 
beaucoup  de  conrradiélion.  Comme 
chacun  a  fa  manière  de  voir,  fi  on 
condamne  la  mienne  ,  je  ne  force 
pèvfonne  à  l'adopter. 

J'établis  en  ptincipes    i**.  Qu'on 


J  A  R 

ne  doit  planter  aucun  arbre  dépouillé 
de  (on  pivot,  z".  Que  tout  arbre 
doit  être  greffé  franc  fur  franc  ;  il 
reluire  donc  de  ces  deux  affertions 
que  pour  fe  procurer  un  bon  &  excel- 
lent jardin  truitier,  il  faut  une  couche 
de  terre  qui  ait  beaiKoup  de  pro- 
fondeur. On  concluroit  à  torr  que 
je  défapprouve  les  jardins  fiuiriers 
donc  la  couche  de  rerre  franche 
n'a  que  crois  ou  quatre  pieds  j  & 
qui  porte  fur  une  couche  de  gravier 
ou  de  pierrailles  &c.  Lorfqu'il  n'tft 
pas  poflible  de  fe  procurer  un  "autre 
fol,  on  eft  forcé  de  fe  contenter  de 
celui-là,  il  eft  inutile  alors  de  laifler 
le  pivot ,  &  de  ne  planter  que  des  arbres 
greffés  franc  ftir  franc.  Ces  excep- 
tions ne  détruifent  pas  les  deux  afTer- 
tions  générales  ,  elles  les  confirment 
au  contraire,  puifque  nulle  règle 
fans  exception.  Mais  je  perfifte  à 
dire  que  celui  qui  eft  alfez  heureux 
pour  avoir  un  grand  fond  de  terre 
&:  de  bonne  terre ,  doit  en  profiter 
&  en  tirer  le  meilleur  parti,  je  con- 
viens c]ue  des  arbres  ainfi  plantés  refte- 
lont  plus  long-temps  à  fe  mettre  à 
fruit ,  fur-tout  s'ils  font  taillés  fuivanc 
la  marotte  ordinaire  ;  que  cerraines 
efpèces  réuHilfent  mieux  greffées  fur 
coignaflier  ,  fur  prunier ,  (Sec.  11  ne 
s'agit  pas  ici  de  quelques  exceptions 
particulières ,  mais  de  la  maiïe  des 
arbres  fruitiers  confidérée  dans  fou 
enfemble.  En  fuivanr  les  procédés 
que  j'indique  ,  on  ne  fera  pas  obligé 
de  remplaier  chaque  année  un  grand 
nombre  d'arbres  &:  fouvenr  un  tiers 
ou  une  moitié  après  la  première  année 
de  la  plantation  j  enfin  j  on  aura  ât% 
arbres  forts  &  vigoureux  qui  fubfif- 
teront  pendant  plufieurs  générations 
d'hommes.  J'ofe  dire  plus  ,  fi  un 
particulier  avoir  la  patience  d'atten- 


J  A  R 

dre ,  je  lui  confeillerois  de  fcmer 
fur  place  le  pépin,  le  noyau  &:c  ;  de 
CLilcivei-  leur  produit  avec  les  mêmes 
foins  que  les  feniis  des  pépinières; 
enfin  de  greffer  lorfque  les  troncs 
aumienr  acquis  la  grolfeur  conve- 
nable &  décenninée  pour  recevoir  la 
greffe-,  (^oy£:(  ce  mot).  La  beauté 
.&  la  durée  de  tels  arbres  bien  conduits, 
feroient  époques  dans  le  canton , 
fur- tout  fi  on  n'avoir  pas  eu  1-a  manie 
de  les  femer  rrop  près  les  uns  des 
autres.Onaurorr  alors  l'arbre  nature', 
&  l'arbre  dans  toute  fa  force.  Que 
l'on  conlîdèie  dans  une  foret  l'arbre 
venu  de  brin  ou  celui  venu  fur 
fouche.  Se  on  décidera  auquel  des 
deux  on  doit  donner  la  préférence  !  Il 
en  eft  aipfi  de  l'arbre  fruitier.  Je  fais 
<que  la  greffe  s'oppofe  à  la  grande  & 
naturelle  extenfion  de  l'arbre  ,  mais 
par  exemple  les  abricotiers  à  noyaux 
doux  n'ont  pas  befoin  d'être  greffés 
pour  produire  leurs  efpéces  ,  ainfi 
que  pluficurs  autres  fruits  à  noyaux. 
Je  demande  h  on  pourra  comparer 
avec  eux  ,  pour  la  force ,  pour  la  vi- 
gueur, un  abricotier,  un  pêcher  greffé 
fur  un  prunier  ou  fur  amandier,  &c. 
&c. ,  fi  le  pommier  ou  le  poirier  font 
au(îj  vigoureux  greffés  fur  coignaflier 
■que  fur  franc  ?  enfin  ,  fi  un  arbre 
quelconque,  dont  on  a  fupprimé  le 
pivot  ,  végète  auffi  rapidement  ik 
dute  autant  que  celui  dont  on  a  mé- 
nagé le  pivot,  &  fur-tout  que  celui 
■qui  a  été  femé  i  demeure?  Nier  ces 
faits  ,  c'eft  vouloit  fe  refufer  à  l'évi- 
dence; il  y  a  très- peu  d'exceptions  à 
cette  loi.  L'on  veut  jouir,  &  jouir 
promptement,  dès-lors  il  faut  con- 
trarier la  nature,  &  l'atbre,  par  une 
caducité  précoce ,  la  venge  des  loix 
qu'on  a  violées. 

11  efl  ttès-ordiuaire  de  voir,  dans 


J  A  R  î's 

un  jardin  fruitier ,  les  arbres  à  fruits 
d'été  ,  d'automne  &c  d'hiver  ,  mêlés 
indiftinélement  les  uns  avec  les  au- 
.tres  5  on  ne  fcpare  pas  plus  les  arbres 
dont  la  végétation  a  une  force ,  par 
exemple,  comme  douze  de  ceux  dont 
le  degré  de  végétation  n'excède  pas 
lix.  11  réfulte  de  ces  bigarrures,  qu'une 
allée  ,  qu'une  partie  d'un  eipalier 
font  dégarnis  de  fruits  &  de  feuilles, 
tandis  que  les  arbres  de  certaines 
places  en  font  charges.  11  vaut  beau- 
coup mieux  deftinerun  emplacement 
pour  chaque  efpèc.e  en  particulier; 
par  exemple,  tous  les  bons  chrétiens 
d'été  enfemble ,  iScc.  iJcc.  Il  en  tll 
ainfi  pour  les  arbres  inégaux  en  vé- 
gétation. N'efl-il  pas  plus  agréable  à 
voir  dans  une  allée  des  arbres  raillés, 
foit  en  évantail ,  foit  en  buifïon ,  & 
tous  de  la  même  force  >?>:  de  la  même 
hauteur,  plutôt  que  d'en  voir  un 
plus  haut ,  l'autre  plus  bas  ?  Le  jar- 
dinier aura  beau  tailler  long  ou  court, 
par  exemple,  une  arménie  panachée, 
fes  branches  ne  s'élèveront  ,  ne 
s'étendront  &  ne  fe  feuilleront  ja- 
mais autant  que  celles  d'un  dago- 
bert,  (Sec,  le  premier  aura  perdu  fes 
feuilles  à  la  première  matinée  fraî- 
che ,  tandis  que  l'autre  ne  fe  dé- 
pouillera qu'aux  gelées.  Que  d'exem- 
ples pareils  il  feroit  facile  de  rap- 
porter ! 

J'infifte  fur  la  féparation  des  ef- 
pèces,  afin  que  le  jardinier  ne  falfe 
point  de  méprife  à  la  taille.  L'homme 
inftruit  connoît  la  qualité  de  l'arbre 
à  la  (eule  infpeétion  du  bois;  mais, 
pour  parvenir  à  ce  point  de  certitude, 
il  faut  une  longue  pratique.  Se  fur- 
tout  avoir  l'art  dé  bien  obferver.  Va 
autre  avantage  qui  réfulte  de  cette 
féparation  ,  confifte  dans  la  facile 
cueillette  des  fruits  ,   elle   évite  le 


i4 


J  A  R 

tranrport  çà  &  là  des  échelles,  des 
paniers,  &:c. 

Voici  encore  une  propofition  qui 
paroîcra  paradoxale  à  bien  des  gensj 
i'ofe  avancer  qu'on  doit  planrer,  dans 
les  endroits  les  plus  froids  &  les  plus 
battus  des  vents,  les  arbres  à  fleurs 
les  plus  précoces ,  comme  abricotiers , 
pêchers ,  amandiers ,  &c.  Ces  arbres , 
originaires  d'Arménie  &c  de  Perfe  , 
fe  trouvent  en  France  dans  un  cli- 
mat bien  différent  ;  cependant  ils  y 
fleurilTent  dès  que  le  degré  de  cha- 
leur de  l'atmofphère  eft  le  même  que 
celui  qui  les  metroit  en  fleur  dans  leur 
pays  natal;  ils  ont  beau  avoir  change 
de  climat ,  ils  obéilTent  ,  quand  les 
circonftances  ne  s'y  oppofent  pas,  à  la 
loi  que  la  nature  leur  a  allignce  dans 
le  nouveau.  Auflî  voit -on  ,  lorfque 
les  fortes  gelées  font  tardives,  des 
pêchers  ,  des  amandiers  fleurir  à  la 
fin  de  décembre  &  fouvent  de  jan- 
vier; or,  en  plaçant  ces  arbres  dans 
l'endroit  le  plus  froid  &  le  plus  ex- 
pofé  aux  grands  courrans  d'air,  ils 
ne  fleuriront  pas  en  pure  perte,  ni 
lî-tôt  que  les  autres  arbres  de  leur 
efpèce,  plantés  contre  de  bons  abris. 
D'ailleurs,  ils  fleuriront  plus  tard  au 
printemps,  le  développement  &  l'é- 
panouiffement  étant  retardé,  la  fleur 
craindra  beaucoup  moins  les  fnneftes 
effets  des  gelées  tardives  du  prin- 
temps. Admettons  encore  que  ces 
arbres  foient  en  fleurs  dans  le  même 
temps  que  le  feront  ceux  qui  font 
bien  abrirés ,  je  ne  crains  pas  de  dire 
que  les  fleurs  de  ces  derniers  feront 
bien  plus  malrraitées  que  les  autres, 
en  raifon  de  l'humidité  qui  les  re- 
couvre,  tandis  que  le  courant  d'air 
l'aura  diflipée  fur  les  fleurs  des  pre- 
miers. On  fera  rrès-bien  cependavt 
d'avoir  de  bons  abris  pour  les  pêchers , 


J  A  R 

les  abricotiers ,  les  amandiers  ,  fur- 
tout  dans  les  provinces  du  nord,  afin 
que  il  les  gelées  détruifent  les  fleurs 
desarbres  plantés  fur  l'élévation  ,  elles 
n'endommagent  pas  celles  des  arbres 
bien  abrités  ,  &  ainfi  tour  à  tour. 
J'ai  obfervé  un  très  grand  nombre  de 
fois ,  dans  l'intérieur  du  royaume  , 
que  les  gelées  du  printemps  nuifoient 
plus  aux  arbres  des  bas  fonds  qu'à 
ceux  des  coteaux  ou  des  éminences. 
Les  fols  argilleux  font  à  comparer 
aux  bas  fonds  ;  ils  reriennent  l'eau 
trop  longtemps,  quand  une  fois  ils 
en  font  imbibés  ;  la  chaleur  a-t-elle 
diflïpé  leur  humidité  ,  leurs  mollé- 
cules  fe  reflerrein,  s'adaptent  les  uns 
aux  autres,  &  la  malfe  fe  durcit  au 
point  que  les  racines  n'ont  plus  la 
liberté  de  s'étendre.  Les  fruirs  cueillis 
fur  ces  arbres  n'ont  ni  faveur  ni 
parfum  ,  &  ces  arbres  offrent  fans 
ceffe  le  trifte  fpeétacle  de  la  nature 
fouffranre,  &  qui  dépérit  infenfi- 
blement. 

Les  jardins  fruitiers  font  commu- 
nément environnés  de  murs  ,  foit 
afin  de  défendre  les  fruits  contre  le 
pillage  ,foit  pourfe  procurer  de  beaux 
efpaliers.  (  yoye:[  ce  mot.  )  Les  arbres 
y  font  plantés  Ik  taillés  ou  en  efpa- 
lier,ouen  conrrefpalier,  ou  en  évan^ 
tail ,  ou  en  buiffon  ,  ou  bien  j  livrés 
à  eux-mêmes,  s'ils  font  à  plein  venc. 
Tout  le  monde  convient  que  le  fruic 
de  ces  derniers  eft  infiniment  fupé- 
rieur  au  goût  ;  mais  dans  nos  Pro- 
vinces du  nord  la  chaleur  n'eft  fou- 
venr  pas  affez  forte  pour  lui  faire 
acquérir  une  parfaite  maturité  :  il 
convient,  &  on  eft  forcé  alors  de  les 
tenir  ou  à  mi-tige  ,  ou  ravalés  par 
uns  taille  quelconque,  foit  erfévan- 
tail ,  foit  en  buiffon.  Le  premier  of- 
fre le  long  d'une  allée  une  jolie  ta- 

pifferie 


J  A  R 

pUrerie  de  verdure ,  fingiilicrement 
embellie  au  temps  des  fleurs,  &  très- 
riche  lorfque  les  fruits  ont  acquis  leur 
grolFeur  &  leur  couleur  ordinaire  j 
mais  la  monotonie  eft  fatifiuante.  Les 
féconds  permettent  à  la  vue  de  péné- 
trer à  travers  le  vuide  qui  rcfte  entre 
eux,  à  mefure  qu'ils  s'éloignent  & 
forment  une  cloche  dont  l'évafement 
ell  au  iommet.  Il  elt  certain  que  fi 
tous  ces  arbres  font  à  la  même  hau- 
teur, que  s'ils  ont  un  égal  diamètre, 
ils  produifent  un  très  -  bel  effet. 
(  f^oye^  les  mots  Buisson,  Buisso- 

NIER.) 

Je  n'aime  pas  la  bigarrure  le  long 
des  allées  ou  des  elpaliers  ,  que 
préfencent  les  atbres  à  mi  tige ,  pla- 
cés alternativement  avec  les  arbres 
nains  :  ou  tout  un ,  ou  tout  autre. 
Le  mi -tige  feul  figure  très -bien, 
&  la  vue  le  promène  agréablement 
par  delfous.  L'arbre  en  éventail  fait 
tapifferie ,  &  ne  permet  pas  de  voiraii- 
delà ,  pour  peu  que  fes  branches  foient 
élevées.  Lorlqu'on  plante,  on  doit 
conlîdérer  i°.  l'utile,  2°.  l'agréable. 

Admettons  qu'on  ait  à  fotmer  la 
totalité  d'un  jardin  fruitier,  &  qu'on 
dîfire  avoir  des  arbres  fous  toutes  les 
formes  ;  les  allées  une  fois  tracées  , 
le  fol  divifé  par  plare-bandes  ou  par 
quaneaux  ,  on  rélervera  les  quarreaux 
du  fond  aux  arbres  à  plein  vent,  les 
quarreaux  qui  les  précèdent  feront 
deftinés  aux  arbres  à  mi-tige,  ceux 
en  avant  aux  arbres  taillés  en  buif- 
fons;.les  féconds  quatreaux  aux  ar- 
bres nains ,  livrés  à  eux-mêmes  ,  & 
tels  qu'ils  poufferont  après  les  avoir 
ravalés  après  leur  plantation,  &  en- 
core mieux  fins  les  avoir  ravalés  ; 
enfin  ,  les  quarreaux  fur  le  devant 
feront  occupés  par  des  atbres  taillés 
en  éventail. 

Tome  FI, 


J  A  R  15 

On  fera  peut-être  étonne  que  je 
place  dans  le  nombre  des  nains  des 
arbres  qui  ne  feront  point  fujers  à 
la  ferpetce  ni  à  la  taille  \  outre  qu'ils  , 
produiront  un  eftet  picrorelque,  &r 
un  peu  fauvage  au  milieu  de  ces 
arbres  fymétnquement  arrangés  , 
j'ofe  affurer  que  chaque  année  ils  fe 
chargeront  de  be.îucoup  plus  de  fruits 
que  les  autres,  &  l'on  fera  furpris 
de  leur  étonnante  végétation.  Enfin, 
après  une  longue  fuite  d'années,  on 
les  mettra,  fi  l'on  veut,  &  fans  cou- 
rir aucun  rifque,  en  arbres  à  plein 
vent^  il  fuffira  petit-à-petit  &  médio- 
ctement  chaque  année ,  de  fuppri- 
mer  les  branches  les  plus  baffes,  & 
de  recouvrir  foigneufement  les  plaies 
avec  Y  onguent  de  Saint  Fiacre.  (  ^'oye:;^ 
ce  mot.)  Au  furplus,  la  difpolition 
de  la  forme  des  arbres  dépend  de  la 
volonté  du  ptopriétaire. 

Lorfque  l'on  plante  un  fruitier , 
l'efpace  paroît  immenfe,  &  le  pied 
de  chaque  arbre ,  ttès-éloigné  du  pied 
voifîn,  parce  qu'alors  on  n'apperçoic 
qu'un  tronc  mince ,  fans  branches  , 
fans  feuilles ,  &  abfolument  nud  ; 
mais  pour  peu  qu'on  ait  l'habitude  de 
voit  &  de  juger  de  l'efpace  qu'il  oc- 
cupera dans  la  fuite,  on  fe  règle  alors 
fur  la  dilfance  proportionnelle  que 
les  arbres  exigeront  entre  eux  :  c'eft 
pourquoi  j'ai  confeillé  de  mettre  cha- 
que efpece  à  part,  foit  pat  rapport  au 
fruit ,  foit  par  rapport  à  la  force  de 
la  végétation  de  chaque  efpece.  Ce 
n'efl:  pas  tout  :  on  doit  encore  con- 
noître  la  manière  d'être  &  de  végé- 
ter de  chaque  arbre  ,  dans  le  pays 
qu'on  habite,  &  relativement  au  fol: 
par  exemple,  les  bons  chrétiens  d'été, 
d'Aufch  ,  à  feuilles  de  chêne,  &c. 
pouffent  bien  plus  vigoureufement, 
(  toutes  citconilanccs  égale?  )  dans 
D 


i6  J  A  R 

les  Provinces  du  midi  que  dans  celles 
du  nord  j  ils  demaudent  donc  àêcre  plus 
éloignes  enrr'eux  dans  cerre  région 
qu'aux  environs  de  Paris.  C'eft  de  cette 
manière  que  l'homme  inftruit  juge  & 
compare,  tandis  que  l'ignorant  tire 
des  coups  de  cordeaux,  aliigne  &  ef- 
pace  fymétriquement  fes  arbres.  Eh  ! 
le  coup  d'œil,  dira-t-on,  doit-il  être 
compté  pour  rien  ?  Je  réponds  :  Eh  ! 
qu'importe  votre  coup  d'œil  à  la  na- 
ture? croyez-vous  que  la  beauté  d'un 
jardin  dépend  d'une  monotone  (y- 
métrie  ?  Le  premier  point  eft  de  tirer 
du  fol  tout  le  parti  poflible,  &  d'avoir 
des  arbres  de  la  plus  grande  beauté. 
Veut-on  encore  abfolument  ne  pas 
déroger  au  total  à  l'ordre  fymctri- 
que  ?  eh  bien  ,  placez  dans  les  pre- 
miers rangs  les  arbres  qui  étendent 
moins  leurs  branches  &  s'élèvent 
moins,  &  ainfi  fucceflivement  pour 
les  autres ,  félon  l'ordre  de  la  végé- 
tation. Alors  les  coups  de  cordeaux 
feront  fur  le  devant  plus  ferrés,  & 
plus  larges  dans  le  fonds  \  mais  comme 
l'effet  de  la  perfpeftive  eft  de  pa- 
roître  diminuer  de  largeur  à  mefure 
qu'elle  fe  prolonge  ,  la  fuppreflîon 
d'un,  de  deux  ou  de  trois  ou  quatre 
arbres  fur  le  fond  fera  infenfible  , 
fuivant  la  grandeur  &  la  largeur  du 
quarreau;  alors,  au  lieu  d'avoir  des 
lignes  droites  ,  vous  en  aurez  d'o- 
bliques ,  mais  parallèles  &  fymé- 
triques.  Tout  l'art  conlifte,  avant  de 
planter,  de  mefurer  la  longueur  & 
la  largeur  du  quarreau,  de  défigner 
par  des  points  fur  le  papier  l'efpace 
qui  doit  régner  entre  chaque  arbre, 
&•  de  calculer  leur  nombre  ,  de  ma- 
nière qu'il  fe  trouve  toujours  un  ar- 
bre fur  la  bordure  tout  autour  du 
quarreau.  Sa  grandeur  (J:  la  force  de 
végétation  de  chaque  efpèce ,  déci- 


J  A  R 

dent  le  nombre  que  l'efpace  doit 
contenir,  ainfi  que  celle  à  laifTer  en- 
tr'eux.  On  ne  fe  repent  jamais  d'avoir 
éloigné  les  arbres ,  au  contraire  ,  on 
fe  repent  toujours ,  &  bientôt,  d'avoir 
planté  trop  près.  Je  plante  près,  vous 
dit-on  ,  pour  jouir  plus  vite  ,  à  la 
longue  je  fupprimerai  un  rang  d'ar- 
bres. La  précaution  eft  utile  pour 
garnir  des  efpalierSj  fi  toutefois  on 
n'attend  pas  que  les  arbres  aienr  fouf- 
fert  par  l'entrelacement  de  leurs  ra- 
cines; alors  ces  arbres, furnuméraires 
de  l'efpalier  ,  feront  choifis  parmi 
ceux  qui  fe  mettent  les  premiers  à 
fruits,  &  on  les  taillera  fort  à  fruit, 
iàns  fe  foncier  qu'ils  fafTent  jamais 
de  beaux  arbres  ,  puifqu'ils  doivent 
être  fupprimés  après  un  certain  nom- 
bre d'années.  En  général  on  atrend 
toujours  trop  rard  à  faire  cette  fouf- 
traâion  j  il  en  eft  alors  des  arbres 
plantés  près-à-près  comme  d'un  pau- 
vre petit  enfant  dont  le  corps  eft  lié 
&  garotté,  fes  membres  ne  peuvent 
ni  s'allonger  ni  s'étendre  j  les  racines 
des  arbres  éprouvent  le  même  fort, 
&  comme  les  branches  font  toujours 
proportionnées  aux  racines,  on  doit 
juger  de  la  chétive  phihonomie  de 
l'arbre  qui  fouffre.  Confultez  ce  qui 
eft  dit  au  mot  Espalier,  relative- 
ment à  la  diftance  des  arbres  ,  des 
murs  de  clôture  ,  &  à  la  multiplica- 
tion des  murs  pour  former  les  Abris  , 
&  non  pas  les  Arbres,  ainfi  qu'on 
l'a  imprimé. 

L'expérience  démontre  que  les  ar- 
bres plantés,  foit  dans  les  bas  fonds , 
foit  dans  les  terreins  goûteux-ma- 
récageux, donnoient  des  fruits  fans 
goût,  &  dont  le  parfum  ne  difFéroit 
guères  de  celui  de  la  rave  :  de  tels 
fruits  font  très-indigeftes ,  &  ne  fe 
confervent  pas.  Ces  arbres  font  dé- 


J  A  R 

vorés  par  la  moulFe ,  les  lichens ,  Sec. , 
&  la  main  attentive  du  jardinier  ne 
peut  complettement  les  dcttuire.  Je 
prélérerois  un  fol  graveleux,  ou  cail- 
louteux ,  ou  fablonneux ,  parce  que 
avec  de  l'eau  &  des  engrais  appro- 
pries ,  JQ  me  procurerois  des  arbres 
palFables,  mais  dont  le  parfum  du 
fruit  feroit  admirable.  Lorfque  le 
terrein  efl:  goûteux,  les  foires  d'écou- 
lement font  le  feul  moyen  de  les 
alîainir;  s'il  n'efi:  pas  polFible  d'en 
ouvrir,  il  vaut  mieux  renoncer  à  l'é- 
tablillement  d'un  jardin.  Heureux, 
cent  fois  heureux,  celui  qui  trouve 
une  bonne  &  profonde  couche  de 
terie  végétale. 

La  pofuion  la  plus  utile  pour  un  jar- 
din fruitier, eft  celle  d'un  coteau  à  pente 
douce,  &  à  l'abri  des  vents  otageux. 
Dans  les  provinces  du  midi ,  il  eft 
indifpenfableque  l'on  puilFe conduire 
l'eau  au  pied  des  arbres ,  au  moins 
deux  ou  trois  fois  dans  l'été,  &  après 
que  l'eau  a  pénétré  la  terre,  la  tra- 
vailler; fans  cette  précaution  le  fruit 
flétrira  fur  l'arbre,  ou  bien  s'il  y  refte 
attaché,  fa  trop  précoce  maturité  ne 
permettra  pas  qu'il  prenne  fagroffeur 
ordinaire  ni  fon  goût  parfumé. 

Peu  de  perfonnes  fe  déterminent 
à  planter  des  fruitiers  fcparés ,  &  fur- 
tout  avec  des  arbres  à  plein  vent  j 
alors  c'eft  un  verger  proprement  dit, 
&  pour  profiter  du  terrein  qui  fe 
trouve  entre  les  arbres ,  on  feme  de 
la  graine  de  foin  ,  mais  on  a  foin 
chaque  année  de  faire  travailler  deux 
fois  la  circontérence  du  pied  des 
arbres.  Si  l'entretien  de  cette  prairie 
exige  une  fréquente  irrigation  ,  ces 
arbres  fe  trouveront  dans  le  cas  de 
ceux  plantés  dans  les  terreins  hu- 
mides, dont  il  a  déjà  été  queftion. 
Cependant  cette  terre  ne  doit  pas 


J  A  R  27 

refter  inculte,  on  peut  la  femer  o^ 
la  planter  avec  des  légumes  qui 
exigent  peu  d'eau ,  Se  qui  font  en  état 
d'être  récoltés  un  peu  auparavant  l'c-  - 
poque  des  grandes  chaleurs  :  les  ar- 
bres profiteront  fingulièrement  des- 
labours  donnés  à  la  terre.  Quant  aux 
arbres  en  évantail  ou  en  buiflbn,  il 
n'eft  guères  poflible  d'en  cultiver  le 
fol  dans  la  vue  d'en  retirer  des  ré- 
coltes; leui  ombre  eft  trop  rappro- 
chée de  la  terre  ,  trop  épaifle ,  les. 
plantes  sédoleroienc.  (  royc-^ct  mot.): 
On  doit  cultiver  la  terre  en  plein 
plufieurs  fois  dans  l'année,  ôc  la  tenir 
ri^oureufement  fardée. 

Ce  que  j'ai  dit  jufqu'à  préfent  s'ap- 
plique aux  jardins  fruitiers  en  gé- 
néral. Ceux  des  provinces  méridio- 
nales, dans  le  Pays -bas,  &  par  con- 
féquent  très -chaud,  exigent  quel- 
ques précautions  de  plus  ;  ils  de- 
mandent à  être  arrofés  par  irrigation  , 
&  les  grenadiers ,  les  jujubiers ,  les 
caroubiers ,  n'y  exigent  pas  des  abris 
ainfi  que  l'oranger  &  le  citronnier.  ,• 
Quant  aux  figuiers,  ils  doivent  être 
plantés  dans  un  quartier  féparé  ou 
en  bordures;  &  ils  ne  réuflifrent  ja- 
mais mieux  que  lorfque  leurs  racines 
ont  de  l'eau  tout  au  près,  &  lorfque 
leur  tête  eft  expofée  au  plus  gros 
foleil.  Les  câpriers  ,  arbuftes  à  tiges 
inclinées,  craignent  fingulièrement 
l'humidiré  &  la  terre  forte;  les  ceri- 
fiers,  appelés ^tt/^vieri- dans  le  nord,  y 
réuililTent  très-mal  J  malgré  les  foins 
les  plus  afiidus;  les  griottièrs  à  fruits 
acides,  nommés  cerijîers  à  Paris,  y 
réullllfent  un  peu  mieux.  On  n'y 
cultive  aucune  efpèce  de  vigne  ,  ni 
en  efpalier,  ni  en  contt'efpalier,  ni 
en  treille ,  parce  que  les  raifins  de 
vignes  font  fi  bons,  fi  fucrés,  fi  par- 
fumés, qu'il  ne  vaiut  pas  la  peine  de 
D  t 


iS  J  A  R 

leur  donner  des  foins  particulierî.ll  eft 
inutile  d'entrer  ici  dans  de  plus  grands 
détails,  on  peut  confulter  chaque  ar- 
ticle au  mot  propre. 

Section     II. 

Des  travaux  du  jardin  fruitier. 

M.  de  la  Bretonnerie,  dans  l'ou- 
vrage qu'il  vient  de  publier  fous  le 
titre  d'£'co/e  du  jardin  fruitier  ^  que 
je  me  plais  à  citer,  adonné  un  précis 
des  travaux ,  diftribué  mois  par  mois. 
Il  peut  feivir  de  rudiment  aux  jar- 
diniers des  provinces  du  nord ,  &  être 
très-utile  à  ceux  des  provinces  du 
midi.  Je  ferai  obferver  les  différences 
relatives  à  ces  derniers  climats; 
copier  mot  pour  mot  cette  partie  de 
l'ouvrage  de  l'auteur,  c'eft  convenir 
de  ma  part  que  ce  qu'il  a  dit  vaut 
mieux  que  ce  que  j'aurois  pu  dire  , 
&  c'eft  avec  plaifir  que  je  lui  rends 
cet  hommage. 

Janvier. 

On  continue  pendant  les  mau- 
vais temps  tous  les  ouvrages  du 
mois  précédent  qui  fe  font  à  couvert; 
on  donne  encore  la  chalfe  aux  li- 
maçons ,  rerirés  dans  les  trous  de 
murs,  au  pied  des  efpaliers. 

Continuer  la  taille  des  arbres,  des 
pommiers  ,  poiriers  &  pruniers  , 
quand  il  vient  quelques  beaux  jours. 
On  attend  en  février  à  tailler  les  pê- 
chers, les  abricotiers  (  i  )  ;  on  a  fom 


J  A  R 

de  réferver,  en  taillant,  les  branches 
dont  on  veut  tirer  des  greffes,  qu'on 
ne  coupera  aulTi  qu'en  février. 

F   É    V   R  I  i   R. 

On  taille  les  pommiers ,  poiriers 
&  pruniers  qu'on  avoir  épargnés  juf- 
qu'à  préfent,  pour  en  tirer  des  greffes 
qu'on  prend  lur  de  bons  arbres  vi- 
goureux ,  &  l'on  choific  de  jeunes 
branches  de  l'année.  (  On  les  con- 
ferve  ainli  qu'il  a  été  dit  au  mot 
Greffe.  ) 

Si  on  a  quelques  arbres  languiffans 
dont  la  poulFe  s'arrête,  on  ne  man- 
quera pas  de  les  ravaller  fur  jeune  bois, 
pour  les  rajeunir  ,  &:  d'ébotter  tous 
ceux  qu'on  veut  grefter  en  fente  en 
avril,  afin  de  concentrer  la  fève. 

On  achève  à  couvert,  pendant  les 
mauvais  tems ,  les  ouvrages  qu'on 
n'a  pu  finir  en  janvier. 

On  prépare  les  paillalFons  de  pailles 
ou  de  rofe.iux,  afin  d'abriter  les  ar- 
bres ,  les  couches  ,  &c. 

C'eft  la  vraie  faifon  à  la  mi-février 
de  tailler  les  abricotiers  &  les  pêchers, 
(  yoye\  la  note  ci-delfous  )  fans  at- 
tendre, fui/ant  la  routine  ordinaire, 
qu'ils  foient  en  fleurs,  car  alors  on 
ne  fair  où  pofer  les  mains  fans  en 
abattre ,  &:  quelquefois  les  meilleures. 
11  fuffir  pour  tailler,  que  les  boutons 
à  fruit  marquent ,  en  s'arrondiiTanr 
coinme  des  pois  ;  on  paliffe  à  me- 
fure  qu'on  taille. 

Communément  on  peut  tailler  la 
vigne   fans   rifque  ,    depuis   la    mi- 


(  I  ■)  Dans  les  provinces  du  rriidi,  le  pcclicr  fur -tout  a  fouvent,  à  cette  tpocjue  ,  fes 
boutons  prêts  à  épanouir.  On  doit  fe  hâter  de  les  tailler  des  qu'ils  s'arrondident ,  &  lorfque 
leur  forme  annonce  s'ils  feront  boutons  à  bois  ou  boinons  a  fruit  j  afin  de  ne  lailler  de 
c«$  derniers  ^ik  le  nombre  ncccffaiic. 


J  A  R 

février  &  le  coaimencement  de 
mars.  (  i  ) 

Quand  la  terre  eft  faine ,  le  tems 
au  beau  ,  ôz  qu'on  a  beaucoup  de 
plantations  à  faire,  on  commence  à 
planter  les  arbres  qu'on  n'a  pas  pu 
planter  en  automne  dans  les  terreins 
trop  humides.  (  2) 

On  vifite  les  amandes ,  les  châ- 
taignes qu'on  a  niifes  en  automne 
dans  du  fable  à  la  cave,  &  l'on  voit 
il  elles  font  germées  &  bonnes  à 
planter,  &  fi  elles  ne  font  pas  ger- 
mées, à  caufe  de  la  trop  grande  fé- 
cherefle  du  fable  ,  on  le  change  &  on 
en  remet  de  plus  frais. 

On  plante  &  on  féme  les  pépi- 
nières conime  en  novembre  ;  celles- 
ci  ont  l'avantage  d'échapper  aux  ri- 
gueurs de  l'hiver  «Se  à  la  dent  des 
mulots ,  mais  les  plans  poulfent  un 
peu  plus  tard.  (  5  ) 

Vous  femez  les  pépins  de  citron 
depuis  la  mi-février  jufqu'à  la  mi- 
mars  ,  pour  faire  des  fujets  propres 
à  recevoir  les  greffes  des  orangers. 
Les  pépins  des  oranges  de  Malthe , 


J  A  R 


iP 


félon    quelques    habiles    orangiftes 
valent  encore  mieux.  (4) 

On  ne  doit  pas  tarder  de  planter 
les  rejetons  enracinés  de  noiietiers, 
ainfiqtieles  boutures  des  grofeilliers, 
des  ofiers,  (  5  )  qu'on  coupe  d'un  pied 
de  longueur ,   «Se  qu'on  enfonce  juf- 


qu 


à  Ja  terre   dure  ;  il 


fuffit 


nue 


la 


tête  forte  de  trois  à  quatre  pouces  . 
on  plante  les  boutures  par  un  temps 
humide,  &  jamais  par  le  hâle. 

11  ne  fuit  pas  oublier,  à  mefure 
qu'on  taille  des  arbres ,  d'écrafer  la 
punaife  grife  qui  s'attache  derrière 
les  branches  j  les  orangers  y  font  fort 
fujets ,  ce  qui  lui  a  doinié  le  nom 
de  punaife  d'oranger. 

Les  limaçons  n'ont  pas  encore 
quitté  leurs  retraites;  il  faut  les  cher- 
cher dans  les  trous  des  murs  &  dans 
les  tas  de  pierre. 

Il  frut  labourer  rous  vos  arbres 
aufiî-tôt  qu'ils  font  taillés  ,  avanc 
qu'ils  fleurilfent,  parce  que  l'humi- 
dité qui  s'éléveroit  de  la  terre,  fraî- 
chement remuée  ,  s'attachant  aux 
fleurs,  les  expoferoit  à  la  gelée.  Ce 


(  I  )  On  peut  tailler  la  vigne  dès  que  les  feuilles  font  tombées ,  (î  le  bois  cft  mûr. 
Si,  dans  le  nord,  on  craint  que  le  froid  &  les  gelées  pénétrent  l'ail  lorfqu'on  a  coupe 
]e  farinent  raz  &  au-delius,  ou  peut  laiffer  deux  pouces  de  bois  au-dcifus  de  l'œil,  Se 
le  retrancher  à  l'époque  indiquée  par  l'auteur.  C'eft  une  double  opération,  j'en  conviens, 
mais  la  première  fe  fait  dans  un  temps  où  l'on  n'eft  pas  preflc  par  le  travail,  &  la 
féconde  cft  bientôt  faite.  On  peut  paliflcr  auffi-tôt  après  qu'on  a  raillé,  .afin  d'avoir  moins 
d'ouvrage  fur  les  bras  en  février  &  en  mars. 

(i)  Ces  plantations  arriérées  réuffiifent  mal  dans  les  provinces  du  midi,  elles  font 
trop  tôt  furprifes  par  les  chaleurs. 

(  3  )  Dans  les  provinces  du  midi,  les  femis  doivent  être  faits  en  novembre. 

(4)  Dans  les  p.iys  méridionaux,  fcmcz  en  novembre,  les  pépins  fe  confervcnt  en  terre; 
tenez  les  va(es  ou  les  caiflcs  dans  de  bons  abris  pendant  les  rigueurs  de  l'hiver,  couvrez-les 
avec  de  la  paille  de  litière  ,  &  garantiffez  -  les  des  pluies  ;  ils  germeront  dès  que  la 
chaleur  de  l'atmofphèrc  fera  au  degré  qui  leur  convient ,  &  à  la  fin  de  l'année  vous 
aurez  une  forte  poulTe. 

(5)  Plantez  en  novembre.  Le  noifetier  eft  foiivent  en  fleur  en  janvier;  il  réu/Iît  bien 
lorfqu'il'  eft  arrolé  pendant  l'été  :  i!  mourroit  fans  cette  précaution  ,  à  moins  qu'il  ne 
lurvienne  des  pluies ,  ordinairement  très-raics  dans  les  provinces  du  midi. 


3®  J  A  R 

labour  eft  le  fécond  dans  les  terres 
légères  Se  fèches  qu'on  a  dû  labourer 
avant  l'hiver,  &  le  premier  dans  les 
terres  froides,  qu'on  n'a  pas  dû  au 
contraire  ouvrir  avant  l'Iiiver,  &  qui 
ne  font  même  pas  alfez  refTuyées 
encore  pour  les  labourer  dans  ce 
temps-ci  j  fi  elles  font  boueufes  , 
on  attend  en  mars,  en  avril  ou  en 
mai,  quand  les  fruits  (ont  noués. 

On  fume  en  même  temps  les  terres 
légères  avec  du  bon  fumier  de  vache 
bien  confommé,  &  les  terres  froides 
avec  du  fumier  de  cheval. 

On  plante  la  vigne  en  février  & 
en  mars.  Les  coteaux,  la  terre  légère 
Se  cailloiiteufe  lui  conviennent. 


M 


A    R    s. 


On  continue  de  planter  les  arbres , 
&  de  faire  les  labours  avant  que  la 
fleur  paroilfe  ;  (i)  on  met  une  douve 
ou  petite  planchette  au  devant  des 
pêchers  qu'on  a  plantés  pour  garantir 
les  bourgeons  qu'ils  poulleront  ,  des 
gelées  &.  du  grefil. 

Les  taupes  coupent  quelquefois 
les  racines  des  arbres  ;  elles  tracent 
&  remuent  beaucoup  de  terre  dans 
ce  remps  ci  j  on  doit  leur  tendre  des 
pièges.  (  Foye-^  le  mot  Taupe.  ) 

On  commence,  félon  l'ancienne 
coutume,  ou  l'on  continue  de  tailler 
la  vigne,  fi  on  a  commencé  à  la  mi- 
février  ,  ce  qu'on  a  pu  faire  fans  tif- 
que  de  la  tailler  trop  tôt.  (z) 

On  plante  les  grofeillers  de  bon- 


J  A  R 

rares  à  mefure  qu'on  taille  ,  Se  les 
tramboifiers  de  plant  enraciné. 

On  plante  des  mûriers,  des  gre- 
nadiers de  plant  enraciné,  des  coi- 
gnafliers  de  boutures  &  de  plant  en- 
raciné, des  noifetiers  de- plant  enra- 
ciné, (3)  des  hguiers  de  boutures, 
de  marcotes  ,  de  plant  enraciné. 

C'eft  encore  le  tems  de  planter 
des  pépinières  de  châtaignes  ,  de 
noix,  d'amandes,  &  autres  noyaux, 
îï  ou  ne  l'a  pas  fait  dans  les  mois 
précédens. 

On  continue  jufqu'à  la  fin  de  ce 
mois  tous  ces  ouvrages;  il  faut  don- 
ner un  labour  aux  ofiers,  pour  dé- 
truire les  herbes. 

11  eft  encore  remps  de  femer  des 
pépins  d'orange  fur  couches ,  ou  dans 
des  pots  qu'on  enfouit  fuccelîive- 
ment  dans  plufieurs  couches  chaudes, 
pour  les  avancer  ;  on  marcote  auflî 
des  branches. 

Si  vous  voulez  avoir  des  câpriers , 
vous  en  fémerez  ou  planterez  dans 
les  crevalfes  &  trous  des  murs. 

Les  grandes  gelées  érant  palTées ,  on 
découvre  les  figuiers  qu'on  avoir  cou- 
chés dans  terre  en  décembre ,  &:  ceux 
des  efpaliers  qu'on  avoir  empaillés.  (4) 

C'eft  le  meilleur  temps  pour  ôter 
la  moulTe  des  arbres  ,  après  quelques 
pluies  ,  à  la  fin  de  l'hiver  ,  parce 
qu'elle  ne  fe  reproduit  point  pendant 
la  fécherelfe  &  les  chaleurs  de  l'été  , 
&  fe  trouve  détruite  pour  cinq  ou 
fix    ans  ;   (5)   mais  quand   on    l'ôte 


(i)  C'cft  trop  t.ircl  pour  les  provinces  du  midi. 

(1)  Des  que  le  bois  eft  mûr  ^  on  peut  la  tailler.  (  Voyc^  noce  i  ,  page  19.  )  Dans  les 
provinces  du  midi  elle  commence  à  pleurer  à  cette  époque,  &  dans  ce  cas  la  taille  eft 
perDicieufe. 

(  3  )  C'eft  trop  tard.  (  Voyc^  les  notes  précédentes.  ) 

(4)  Double  ractliodc  plus  qu'inutile  dans  les  provinces  du  midi. 

(j)  Si  les  arbres  font  pl.wtés  dans  un  bas  fondj  fi  le  loi  eft  naturellement  humide, 
elle  reparcît  beaucoup  plus  vite  ;  j'en  ai  la  preuve. 


J  A  R 

avant  l'hiver,  l'humidicé  de  la  faifon 
la  reproduit  bientôt. 

Avril. 

Il  eft  temps  de  commencer  à  ra- 
tilTer  &  à  nettoyer  les  allées,  (i) 

11  faut  faire  la  guerre  aux  fourmis , 
dès  qu'elles  paroilfent  dans  les  ar- 
bres 'y  les  phioles  ou  petites  bou- 
teilles remplies  d'eau  iucrée  ,  font 
les  pièges  qu'on  leur  tend  ,  ainli 
qu'aux  perce-oreilles  ,  qui  rongent 
aulli  les  yeux  des  jeunes  arbres ,  ôc 
ne  s'y  répandent  que  dans  la  nuit. 

Quand  la  fève  ejl  en  mouvement, 
(z)  ce  que  l'on  connoît  lorfque  l'é- 
corce  des  arbres  fe  détache  facile- 
ment, on  greffe  en  fente,  en  écuf- 
fon  ,  ou  à  la  poulie.  11  vaut  mieux 
attendre  à  la  fin  du  mois  ou  en  Mai , 
fi  la  fève  eft  encore  languilfante. 

La  mi-avril  eft  la  faifon  de  mar- 
coter  les  grenadiers  j  c'eft  encore  le 
temps  de  planter  les  figuiers  de  bou- 
tures ,  de  marcotes ,  de  plants  en- 
racinés qu'on  trouve  fur  les  vieux 
pieds,  ou  des  morceaux  mêmes  des 
vieilles  fouches  qu'on  éclate,  pourvu 
qu'il  y  tienne  de  la  racine.  Les  pe- 
tits plants  peuvent  fe  planter  en  cailfe 
ou  en  pots.  (3) 

On  taille  les  figuiers  en  pleine 
terre  3  quand  ils  s'élancent  trop  , 
aufll-tôt  que  leurs  yeux  paroiffent  , 
&  que  le  fruit  eft  forti ,  c'eft-à-dire 


J  A  R  51 

qu'on  raccourcit  toutes  les  branches 
élancées  &  fans  couronne  ,  afin  de 
les  faire  fourcher  :  ceux  qui  font  fuf- 
fifamment  garnis  de  branches  depuis 
le  bas  jufqu'en  haut,  &  dont  les  bran- 
ches font  couronnées ,  peuvent  s'en 
palfer ,  cette  taille  n'étant  faite  que 
pour  multiplier  les  branches  &  le 
fruit.  Mais  pour  les  figuiers  en  cailfe 
ou  en  pots ,  on  ne  fauroit  fe  difpenfer 
de  les  tailler  ,  pour  leur  faire  prendre 
la  forme  qu'on  veut  leur  donner  , 
qui  doit  erre  celle  de  l'entonnoir  ou 
du  builfon.  Les  figuiers  taillés  en 
boule  fut  tige  ne  produifent  pas  de 
fruir.  (4) 

Dans  les  années  hâtives  on  com- 
mence par  éclaircir  les  abricots,  lorf- 
qu'ils  font  trop  ferrés  &  par  paquets; 
on  fupprime  les  plus  perits,  les  mal- 
faits ,  (Se  on  lailfe  de  préférence  ceux 
du  bas  des  branches  :  dans  les  trochets 
où  ils  font  ferrés ,  on  tourne  entre 
les  doigts  ceux  qu'on  veut  ôter.  Se 
on  les  tire  doucement  à  foi,  pour  ne 
pas  endommager  les  autres. 

La  greffe  en  couronne  entre  le  bois 
Si  l'écorce  fe  fait  aulli  quand  les  ar- 
bres font  en  pleine  fève  ;  elle  n'eft 
pas  fans  inconvénient. 

Le  contrafte  du  chaud  &  du  froid 
fair  quelquefois  cloquer  toutes  les 
feuilles  du  pêcher ,  (  voye:^  le  mot 
Cloque)  &  le  puceron  s'y  loge  :1e  re- 
mède eft  d'abattre  ces  feuilles ,  quand 
elles  commencent  à  fe  faner,  <Sc  de 


(i)  Commencez  en  février  dAns  les  provinces  du  midi,  &  pendant  l'année,  autant  de 
fois  qu'elles  en  auront  befoin  ,  fans  attendre  aucune  époque  fixe. 

(1)  L'époque  du  détackement  de  l'écorce  ^{i  celle  que  l'on  doit  obfcrver,  &  non  pas 
le  mois  ;   attendre  à  la  fin  d'avril  eu  en  mai  (croit  trop  tard. 

(3)  L'expérience  démontre  ici  que  les  boutures  de  figuier  reprennent  ici  mieux  que 
les   plans  enracinés  ;  le  mois  de  mars  eft  l'époque  de  leur  plantation. 

(4)  Confultez  le  mot  Figuier,  pour^connoûre  la  culture  qui  lui  convient  dans  les 
provinces  du  midi. 


31  J  A  R  J  A  R 

les  brûler ,  pour  détruire  le  puceron,  plus  d'un  côté  que  d'un  autre  ,  ce 

Si  on  les  abattoit  trop  tôt,  la  faifon  qu'on  appelle    arire   épaulé  ^  &   de 

n'étant  pas    avancée  ,   les   nouvelles  détacher  &c  lailTer  en  liberté  le  côté 

feuilles,  qui  ne  tardent  pas  à  repouf-  le  plus  loible  ,  tju'on  lâchera  alors , 

fer  ,    feroient    encore    expofées    au  n'ayant  plus  befoin  d'ttre  contraint, 

même  accident.  11   faut  commencer  à    ficher    les 

C'ell:  la  faifon  de  faire  des  inci-  échalas   au  pied    dc-s   fouches  de   la 

fions  longitudinales  au  corps  des  ar-  vigne. 

bres  dont  la  tige  eft  reftée  plus  mai-  Faire  la  guerre  aux  hannetons,  en 

gre  d'un  côté  que  de  l'autre  ,  &  fe  fecouant  les  arbres  le  matin  (ïc  à  mi- 

trouve  arquée,  ou  bien  quand  la  tige  di ,  parce  qu'alors  ils  font  engourdis, 

eft  reftée  en  totalité  plus  maigre  que  iSc  ne  prennent  pas  leur  volée  comme 

la  greffe  *,  ce   qui   s'exécute  avec   la  le  foir. 

pointe  de  la  ferpette.  en  fendant  l'é-  Chercher  far  les  poiriers  de  bon- 

corce  jufqu'au  bois.  chrétien  d'hiver  la  chenille  noire,  qui 

C'eft  aulli  le  temps  en  avril  ou  en  gâte  fes  fruits,  &  toutes  les  autres  en 
mai,  lorfque  les  nouveaux  bourgeons  général,  qui  paroilfent  à  plufieurs  re- 
çut cinq  à  î\\  pouces  de  longueur ,  de  prifes  &  en  diffétentes  faifons  les  plus 
courber  les  branches  trop  vigoureufes  chaudes  &  feches,  comme  au  temps 
de'  quelques  arbres  qui  s'emportent  du  folftice  &  de  la  canicule j  (i)  fer- 
rer 

(i)  Les  poiriers  de  ces  provinces j  ou  plutôt  leurs  jeunes  bourgeons,  font  attaqués, 
vers  l'extrcmitc  fupcricure ,  par  un  infefte  c]ui  les  pique  à  pliilieurs  reprifes  &  circulai- 
rement.  Au-deflus  de  ces  piqûres,  il  dcpofc  fon  œuf,  il  fort  un  petit  ver  qui  fe  nourrit 
de  la  moelle  &  de  la  fubOance  intérieure  du  bourgeon;  il  va  toujours  en  defcendant. 
Après  un  certain  temps  &  un  long  enfoncement,  il  fe  change  en  crj'falide ,  enfuite  en 
infecte  parfait ,  &  fait  une  petite  ouverture  par  laquelle  il  fort  pour  aller  fe  reproduire. 
Malgré  les  foins  les  plus  alfidus ,  je  n'ai  pu  découvrir  l'infedle  parfait,  mais  j'ai  tout  lieu 
de  croire  qua  c'eft  un  Charanfon  :  on  reconnoit  la  préfence  du  ver  par  les  feuilles  fupé- 
rieurcs  qui  fe  delléclient ,  ainfî  que  la  partie  du  bourgeon,  (îtuée  au-de/Tus  des  piqûres. 
Les  boutons  inférieurs ,  ainfi  que  leurs  feuilles ,  reftent  verts  pendant  toute  la  faifon  ,  mais 
l'année  fuivante ,  à  la  taille ,  on  trouve  une  branche  creufe  comme  un  chalumeau  ,  & 
qui  périt;  cette  cavité  a  Couvent  plus  d'un  pied  de  longueur,  &  même  pénétre  quelquefois 
dans  le  tronc.  Enfin  ,  le  ver  creufe  toujours  jufqu'à  ce  qu'il  fe  transforme  en  cryfalide. 

Il  faut  fe  hâter  ,  dès  qu'on  voit  les  feuilles  mortes,  de  couper  la  partie  du  bourgeon 
noire  &  flétrie,  &  de  retrancher  du  bourgeon  qui  refte  verd,  jufqu'a  ce  qu'on  ait  trouvé 
l'infecle;  alors  on  taille  près  du  premier  bon  oeil  qu'on  rencontre  au-dellous.  Cette  vifitc 
doit  être  faite  chaque  hiver  pendant  ce  mois  &  le  fuivant  ;  c'eft  l'unique  moyen  de 
détruire  un  infetle  qui  pullule  beaucoup. 

Les  mouches  menufic:  es  ,  également  très-communes  dans  ces  provinces  ,  s'attaquent  au 
tronc  &  aux  grolfes  branches,  dont  l'écorce  eft  encore  lilTe;  elles  foru  une  très-petite 
ouverture  avec  la  tatrière  dont  la  nature  les  a  pourvues,  y  dépofent  un  œuf,  d'où  il 
fort  enfuite  un  gros  ver.  Sa  marière  de  travailler  eft  toujours  en  montant,  &  ,  avec  les 
pinces  dont  la  partie  antérieure  de  fa  bouche  eft  garnie ,  il  coupe  ,  mâche  ,  taille  la 
partie  ligneufe  du  bois,  &  la  rejette  en  -  dehors  par  l'ouverture  placée  au  bas  de  fa 
galerie  ;  c'eft  une  vraie  fciurc  de  bois ,  &  en  tout  femblable  aux  débris  formés  par  la 
Icie  de  l'ouvrier,  avec  cette  différence  cependant  que  les  brins  font,  pour  ainfi  dire, 
agglutinés  &  collés  les  uns  aux  auttcs.  A  mefiirc  que  le  veigrollit,  les  fjiurcs  augraentenc 


J  A  R 

rer  entre  les  doigts  les  feuilles  roulées 
des  arbres,  pour  écrafer  le  ver  qui  s'y 
eft  logé. 

On  retourne  la  douve  ou  plan- 
chette dont  on  a  couvert  fes  jeunes 
pêchers  nouvellement  plantés  ,  pour 
donner  plus  de  place  &  d'air  aux 
jeunes  poulies  qu'ils  ont  faites. 

Mai. 

On  fera  bien  d'accoller  &  de  don- 
ner le  premier  lien  à  la  vigne,  pour 
attacher  les  branchages  longs  que  le 
vent  pourroit  décoller  ,  &  ôter  en 
même  temps  quelques  bourgeons  , 
pour  ne  lailîer  que  les  plus  beaux  far- 
mens,  au  nombre  de  deux,  trois  ou 
quatre,  plus  ou  moins,  fuivant  l'âge 
&  la  force  du  cep. 

On  vifitera  les  efpaliers  ,  pour 
retirer  les  nouveaux  bourgons  qui 
palfent  derrière  les  treillages  ;  on  at- 
tachera les  plus  longs,  &  l'on  ôtera 
les  feuilles  cloquées  &  les  limaçons. 

Il  faut  pincer  ou  rompre  les  jeunes 
branche;  des  grofeillers ,  élever  fes 
tiges ,  que  le  vent  pourroit  calTer. 

Vous  n'oublierez  pas  les  greffes  en 
éculTbns  des  châtaigniers  ,  des  ceri- 
fiers  &r  des  pruniers ,  lî  elles  ne  font 


J  A  R  5*3 

pas  encore  faites;  celles  en  flûte  ou 
en  llffletdes  figuiers  j  &  encore  celles 
en  tente  qui  relient  à  faire  des  pom- 
miers &  des  poiriers.  Les  greffes  fai-  . 
tes  en  ce  tems-ci  poufferont  au  bout 
de  quinze  jours ,  fi  le  temps  eft  fa- 
vorable ;  pendant  que  celles  faites  en 
avril  font  quelquefois  un  mois  fans 
qu'on  y  apperçoive  aucun  mouve- 
ment. 

Vous  fumerez ,  s'il  eft  befoin  ,  & 
labourerez,  aufli-tôt  que  les  fruits 
feront  noués ,  les  arbres  qui  n'ont  pu 
l'être  dans  les  terres  fortes  &  humi- 
des. 

Si  on  éprouve  une  grande  &:  lon- 
gue fécherefle  en  mai ,  les  arbres 
manquent  de  fève,  les  fruits  fe  déta^ 
chent  &  torîibent  ;  il  fiut  alors  ver- 
fer  avec  l'arrofoir  quelques  féaux 
d'eau  par  delfus  les  feuilles,  fi  l'on 
peut ,  &  au  pied  de  fes  arbres ,  pour 
les  remettre  en  fève.  Les  prunes  tom- 
bent les  premières. 

On  donne  un  fécond  ratiffage  aux 
allées,  &  l'on  tond  les  buis  pour  la 
première  fois,  afin  qu'ils  puilfent  fe 
recouvrir  de  feuilles  avant  l'été. 

Quand  on  s'apperçoit  par  des  points 
noirs,  particulièrement  au  revers  des 
feuilles  du  poirier  de  bon  -  chrétien 
d'hiver ,   qu'elles  font  attaquées   du 


&;  couvrent  la  terre.  Il  eft  alors  aifc  de  raconnoùre  la  préfcnce  du  ver,  &  l'ouvernire  par 
lai]iiclle  coule  la  fciure;  il  fuffit  de  prendre  la  perpendicidaire  fi  une  branche  cfi:  attaquée  , 
ou  d'examiner  le  tronc  de  l'arbre  du  côte  où  la  fciure  s'accumule  ;  on  prend  enfuite  un 
fil  de  fer  que  l'on  infinue  dans  la  cavité,  &  on  le  pouffe  jufqu'à  ce  que  la  réfiftancc 
mette  obftacle  à  fa  plus  forte  introduction.  Il  eft  bon  d'obferver  cependant  que  fouvent 
les  courbures  de  la  galerie  .irrêtent  le  fil  de  fer  avant  qu'il  foit  parvenu  jufqu'à  l'infedc, 
&;  on  fi;  tromperoit  grofllèrement  fi  on  s'imaginoir  l'avoir  tué'.  Pour  éviter  cette  méprife  , 
on  garnit  la  pointe  du  fil  de  fer  avec  un  gros  plomb  de  lièvre ,  l'arrondillemcnt  du 
plomb  gliffe  fur  les  irrégularités  du  tube,  &  permet  fon  intrcduûion  ;  enfin  on  le  pouffe 
&  on  le  retire  à  différentes  rcprifes,  jufqu'à  ce  qu'on  foit  bien  convaincu  d'avoir  tué 
l'infefte.  Si  la  cavité  eft  pleine  de  tours  &  de  détours ,  fi  l'introduftion  du  fil  de  fer 
jufqu'au  bout  devient  impoffiblc  ,  il  faut  alors  fendre  l'écorce,  &  aller  chercher  l'animal 
ilans  fa  retraite.  On  panfcra  enfuite  la  playe  avec  l'ongueut  de  S.  Fiacre. 

Tome  FI.  E 


34  J  A  R 

tigre,  on  les  paflefortemenr  entre  fes 
doigts ,  pour  écrafer  l'infede  &  fes 
œuh. 

On  fort  les  orangers  de  la  ferre ,  (  i  ) 
ainfi  que  les  figuiers  en  cailTes  ou  en 
potsj  on  les  travaille  enfuite  avec  de 
l'eau  échauffée  au  foleil  j  on  enlève 
toutes  les  feuilles  chancrées,  le  bois 
mort,  &  l'on  donne  l'arrondiffement 
à  la  tête  en  les  taillant ,  car  c'eft  la 
véritable  faifon.  Les  Jardiniers ,  pour 
en  tirer  plus  de  fleurs ,  remettent  à 
les  tailler  en  feptembre  ,  mais  aux 
dépens  des  arbres  qui  relient  trop 
chargés  &  mal  formés  pendant  la 
fleur  &:  tout  l'été.  Les  petits  orangers 
élevés  de  pépins  Se  fur  couches  n'ont 
plus  befoin  d'abri  j  on  continue  d'ar- 
rofer  ces  arbres  une  fois  par  femaine, 
jufqu'en  juin  qu'on  commence  à  les 
arrofer  plus  fcuvent.  On  rencailTe 
ceux  qui  en  ont  befoin.  (z) 

Les  gelées  étant  palTées ,  il  eft 
temps  d'ôter  les  petits  paillaffons 
qu'on  avoir  placés  au  delTiis  de  fes 
efpaliers  en  décembre  ou  en  fé- 
vrier ;  on  ne  les  ôtera  que  dans  un 
temps  fombre  &  couvert,  ôc  non 
dans  l'ardeur  du  foleil  j  on  enlève 
auflî  les  petites  planchettes  qu'on 
avoir  mifes  au-devant  de  (es  arbres. 

Les  greffes  faites  en  avril  com- 
mencent à  remuer,  fi  le  temps  a  été 
favorable. 

L'ébourgeonnement  du  cerifier 
hâcif  ou  précoce,  qui  eft  en  efpalier 
au  midi ,  doit  précéder  celui  de  tous 


J  A  R 

les  arbres ,  fon  fruit  mûriflant  le  pre- 
mier; on  lui  ôte  peu  de  bourgeons, 
&  l'on  attache  tout  ce  qu'on  peut  at- 
tacher. 

On  donne  le  fécond  labour  à  la 
vigne ,  quand  tous  les  rifques  font 
paffés. 

On  donne  un  léger  labour  tous  les 
mois  aux  orangers  avec  la  houlette, 
tant  qu'ils  font  hois  de  la  ferre. 

Quand  on  voit  aux  pêchers  des 
branches  qui  fe  difpofent  à  devenir 
gourmandes  ,  dominantes  ou  mal 
placées  ,  on  commence  à  la  fin  de 
mai  à  les  couper  à  moitié  de  leur 
longueur ,  près  d'un  œil ,  on  les  re- 
coupe en  juin  &  juillet,  comme  on 
le  verra;  mais  on  retranche  rout-à- 
fait  ceux  qui  viennent  aux  côtés  du 
pied  des  principales  branches  de  la 
dernière  taille,  qu'ils  arrêteroient  en 
leur  interceptant  la  nourriture,  ou 
qui  feroient  de  trop  grandes  plaies, 
f\  on  ne  les  retranchoit  qu'au  tems 
de  l'ébourgeonnement. 

On  commence  par  attacher  les 
branches  les  plus  allongées  des  jeu- 
nes arbres  ,  que  le  vent  poutroit 
caffer. 

Il  faut  chercher  la  Iifette,  qui 
coupe  le  bourgeon  des  greffes. 

Il  ne  faut  pas  attendre  la  faifon 
ordinaire  pour  ébourgeonner  les  pê- 
chers où  les  fourmis  &  les  pucerons 
fe  font  jetés ,  &  ont  formé  au  bout 
des  branches  des  houpes  ou  toupil- 
lons qu'il  faut  couper  &  jeter  au  feu. 


(i  )  A  la  fin  de  février,  fuivant  la  faifon,  on  découvre  les  citroniers  en  pleine  terre  ; 
les  orangers  ont  moin:  befoin  de  garniture  pendant  l'hiver  ,  &  on  fort  tous  les  pieds 
de  l'orangerie.  Attendre  jufqu'en  mai  ,  par  eiemple,  à  Lyon  ,  à  Bordeaux  ,  &:c.,  ce  leroit 
trop  tard  ;  on  le  peut  au  commencement  ou  au  milieu  d'avril. 

(z)  Les  arrofcmcns  doivent  être  relatifs  aux  climats.  Se  l'encaiflement  avoir  lieu  à  la 
fonie  de  l'orangerie. 


J  A  R 

Juin. 

Au  commencement  de  juin  on 
met  un  fécond  lien  à  la  vigne,  pour 
ralPembler  les  bras  qui  fe  font  allon- 
gés ,  Se  on  l'ébourgeonne  pour  la  fé- 
conde fois. 

Quelques-uns  ne  fe  contentent  pas 
d'avoir  en  avril  taillé  leurs  figuiers 
en  cailies  ou  en  pots  j  ils  pincent  & 
rompent  encore  ,  au  commencement 
de  juin  ,  à  trois  ou  quatre  yeux  , 
les  plus  forts  des  nouveaux  bour- 
geons ou  les  nouveaux  jets  les  plus 
vigoureux  ,  fuivant  leur  force.  Ces 
trois  ou  quatre  yeux  feront  une  cou- 
ronne de  branches  à  fruit  pour  l'an- 
née fuivante,  &  le  fruir  de  l'année, 
qui  profitera  de  la  fève  qui  s'y  feroit 
portée,  en  deviendra  plus  beau  j  mais 
comme  c'eft  le  temps  de  l'extravafion 
du  fuc  laiteux  que  cet  arbre  rend  avec 
abondance  par  l'extrémité  des  bran- 
ches rompues  ,  nous  croyons  cette 
opération  plus  dommageable  qu'u- 
tile ;  il  vaut  mieux  fe  contenter  de 
raccourcir  les  branches  trop  élancées 
en  avril. 

Continuez  de  palilTer  les  treilles , 
dont  le  vent  calîeroit  les  bras  les 
plus  allongés. 

On  coupe  le  lien  de  la  greffe  en 
cculfon  ,  quand  on  voit  que  l'éculfon 
eft  bien  repris  ,  afin  qu'il  n'étrangle 
pas  la  greffe. 

Il  eft  tems  de  tendre  des  pièges 
aux  loirs  ,  avant  que  ces  animaux 
commencent  à  forcir  pour  manger 
les  abricots  &  les  pêches ,  afin  qu'ils 
voient  ces  pièges  en  fortanc ,  tS:  s'y 


J  A  R 


35 


accoutument ,  fans  en  être  épouvantés, 
comme  ils  le  feroient  s'ils  ne  les 
avoientpas  vu  d'abord.  Les  meilleurs 
pièges  font  les  quatre  de  chiffres  , 
ou  les  petits  affommoirs  qu'on  tend 
à  leur  paffage  fur  le  chapiteau  des 
murs,  où  ils  courrent  pendant  la  nuit 
pour  gagner  les  efpaliers. 

A  la  mi-juin  on  recoupe  encore 
par  la  moitié  les  branches  gourman- 
des dont  on  avoir  retranché  la  moi- 
tic  en  mai. 

On  arrofe  les  fiçruiers  en  caiffes  ou 
en  pots  de  deux  jours  l'un  ,  depuis 
cette  époque  jufqu'a  ce  que  le  rruit 
Toit  cueilli. 

On  cueille  les  boutons  de  câpriers 
avant  que  les  fleurs  épanouiffent  \  les 
plus  petits  boutons  &  les  plus  fer- 
mes font  les  meilleurs. 

On  ne  donne  plus  que  des  ratif- 
fages  &  menues  façons  aux  pieds  des 
arbres  dans  les  terres  légères  j  mais 
il  faut  travailler  les  terres  fortes  , 
fraîches  &  argileufes,  qu'on  ne  fau- 
roit  trop  ouvrir  &:  remuer  après 
l'hiver. 

11  faut  donner  aux  oliviers  le  pre- 
mier labour  à  la  houe  ,  iSc  tous  les 
mois  un  petit  labour  avec  la  hou- 
lette aux  orangers,  (i) 

Ebourgeonner  les  abricotiers  ,  les 
pêchers  après  la  Saint-Jean  ,  c'eft-à- 
dire  après  le  folftice,  temps  où  le  fo- 
leil  dardant  fes  rayons  plus  à  plomb, 
caufe  à  la  fève  une  forte  fermenta- 
tion ,  iSc  fait  pouffer  une  infinité  de 
bourgeons;  en  un  mot,  c'eft  le  temps 
de  la  grande  pouffe  des  arbres  :  c'eft 
donc  une  règle  certaine,  qui  i;e  fiu- 
roit  tromper ,  que  de  ne  le  pas  pref- 


(i)  Confultcz,  les  mots  Olivier  5c  Oranger    pour  connoîtrc  leur  culture  dans  les 
provinces  du  midi. 


3<^  J  A  R 

fer  d'cbourgeonner  plutôt ,  pour  ne 
pas  recommencer,  comme  font  ceux 
qui  manquent  de  pratique  ou  d'inf- 
truiftion.  Les  poiriers  &  les  pommiers, 
qui  font  plus  tardifs,  s'ébourgeon- 
nent  plus  tard  au  déclin  de  la  cani- 
cule, quand  le  bouton  eft  formé  au 
bouc  des  branches. 

On  commence  Tébourgeonnement 
par  les  abricotiers,  enfuite  celui  des 
pêchers  à  fruits  hâtifs ,  fi  les  bour- 
geons font  alfez  allongés  ,  comme 
d'un  pied  ou  quinze  pouces  ,  pour 
foutenir  l'attache  &  pouvoir  palilfer. 
Les  jeunes  pêchers  font  toujours  ceux 
qui  preflent  le  plus,  parce  qu'ils  ont 
ordinairement  pouffé  de  fortes  bran- 
ches fort  allongées,  que  le  vent  caffe- 
roit  :  V0U3  aurez  foin  de  rélerver  en 
ébourgeonnant  quelques  branches  fu- 
perflues ,  que  vous  ne  couperez  point , 
mais  que  vous  marquerez  &  attache- 
rez au  mur,  afin  d'en  tirer  des  gref- 
fes ,  il  vous  en  avez  befoin  pour  les 
écuiïons  à  œil  dormant  en  août. 

11  eft  encore  temps  de  couper  les 
branches  attaquées  par  les  fourmis  & 
par  les  pucerons,  fi  on  ne  l'a  pas  fait 
plutôt. 

Les  arbres  étant  éboufCTeonnés,  on 
couchera  en  pallll.'.nt  les  branches  les 
plus  hautes  fous  le  chapiteau  des 
murs ,  fans  les  couper  &  arrêter,  pour 
qu'elles  ne  dépalfent  pas  le  mur ,  fi 
ce  n'eft  en  feptembre  ,  Ibrfque  la  fève 
eft  arrêtée. 

Le  paliffage  étant  fini,  il  ne  refte 
plus  qu'à  éclaircir  les  pêches  qui  font 
trop  ferrées,  qui  fe  nuifent,  &  ne 
pourroient  grollir  ni  mûrir  parfaite- 
ment. Les  abricots  ont  été  éclair- 
as  en   avril.  On   éclaircit   aulîî    les 


J  A  R 

poires  trop  ferrées ,  mais  on  n'ôte 
rien  aux  roufielets ,  ni  à  la  plupart 
des  fruits  d'été. 

On  retire  quelques  clous  des  ar- 
bres paliifés  au  clou  &  à  la  loque, 
quand  les  clous  fe  trouvent  trop  près 
du  fruit  ,  &  l'on  palfe  une  petite 
pierre  fous  les  branches  où  il  fe  trou- 
ve quelques  fruits  trop  près  du  mur 
qui  les  endommageroit. 

On  a  l'attention  de  n'éclaircir  les 
pêches  tardives  que  huit  jours  après 
les  autres  ,  parce  qu'il  en  tombe  or- 
dinairement après  rébourgeonne- 
ment. Les  prunes  des  arbres  à  plein 
vent ,  quand  il  y  en  a  trop,  perdent 
beaucoup  de  leur  qualité,  fi  l'on  n'eu 
diminue  pas  le  nombre,  en  coupant 
celles  qu'on  veut  ôter  par  le  milieu 
de  la  queue  avec  des  cifeaux.  La 
reine-cIaude  entre  autres,  quand  elle 
charge  beaucoup,  dégénère  au  point 
de  n'être  pas  reconnoilfable. 

Ce  n'eft  qu'en  juin  que  la  vigne 
défleurit ,  3v:  que  les  grains  commen- 
cent à  paroître;  (i,)  c'eft  le  temps  , 
aufiî-tôc  qu'ils  font  de  la  groiléur 
d'une  tête  d'épingle ,  d'éclaircir  les 
grappes  de  mufcat ,  dont  les  grains 
toujours  ferrés  &  enfoncés  mûrif- 
fent  difficilement  j  on  en  ôte  les  deux 
tiers  ou  les  trois  quarts ,  avec  de  pe- 
tits cifeaux  pointus  &  bien  affilés  : 
Les  plaies  fe  referment  alfez  promp- 
tement,  &  les  grains  qui  reftent  de- 
viennent plus  gros,  plus  croquans, 
prennent  plus  de  couleur,  &  mûrif- 
fent  mieux. 

La  féconde  opération  après  l'ébour- 
geonnement  des  arbres,  c'eft  de  dé- 
couvrir les  fruits  qui  font  trop  ca- 
chés fous  les  feuilles ,  à  mefure  qu'ils 


(  i  )  Beaucoup  plutôt ,  à  mefure  qu'on  approche  du  midi. 


J  A  R 

en  ont  befoiii  j  on  n'abat  point  les 
feuilles  entières  avec  leur  talon  ou 
pédicule ,  ce  qui  nuiroit  à  la  bran- 
che (Se  au  fruit ,  qui  ne  preniiroit 
pas  autant  de  nourriture  j  on  les  calfe 
adcoirement  dans  le  milieu,  en  les 
ferrant  entre  deux  doigts ,  &  les  ti- 
rant  preftement  en  tournant.  On  ne 
fait  cette  opération  qu'après  quelque 
petite  pluie  ,  &:  jamais  dans  la  fé- 
chereiïe  &  la  grande  ardeur  du  io- 
leil ,  qui  frapperoi:  les  fruits  trop  vi- 
vement. La  tache  blanche  &  lar^e 
qu'on  apperçoit  fur  des  fruits  décou- 
verts naturellement,  ou  qu'on  a  dé- 
couvert mal- à- propos  ,  vient  d'un 
coup  de  foleil ,  dont  les  pèches,  qui 
en  font  couronnées,  comme  on  dit, 
ne  profitent  plus,  &  fe  gâtent.  On 
attend  ,  pour  découvrir  les  abricots 
&  les  pèches  hâtives  que  ces  fruits 
commencent  à  tourner  ou  prendre  de 
de  la  difpofition  à  mûrir  ^  on  les  dé- 
couvre peu-à-peu  ,  à  mefure  qu'ils 
avancent  en  maturité  ^  mais  la  pê- 
che de  Magdelène  ,  particulièrement 
entre  les  hâtives,  &:  toutes  les  pèches 
tardives ,  s'efreuiUent  toutes  vertes , 
&  ne  craignent  pas  le  foleil,  parce 
qu'elles  font  plus  dures  j  la'première 
en  aura  plus  de  couleur,  &  les  der- 
nières mûriront  plutôt. 

On  achevé  d'èbourgeonner  la  vi- 
gne ,  &  on  donne  à  la  fin  de  juin  le 
troifième  &  dernier  palilfage  des 
treilles;  on  pince,  on  câfle,  à  l'en- 
droit de  quelque  nœud ,  le  bout  des 
branches  ,  pour  les  arrêter ,  &  on 
devance  de  huit  jours  cette  opération 
dans  les  climats  un  peu  plus  chauds 
que  celui  de  Patis. 


J  A  R  37 

Il  faut  fe  difpofer  à  la  Saint- Jean 
à  arrofer  tous  les  jeunes  arbres  nou- 
vellement plantés,  fi  on  veut  alTurer 
leur  réullite;  vous  faites  au  pied  de 
vos  arbres  un  petit  baflîn  d'un  pied 
de  diamètre  ,  en  ramenant  de  la 
terre  circulairement ,  &  non  pas  en 
creufant  au  pied  de  l'arbie,  comme 

■  le  tout  mal-adroitement  les  jardiniers 
ignorans  ,  qui  découvrent  ainfi  les 
racines  qui  reftent  couvertes  de  trop 
peu  de  terre  ,  «Se  s'éventent  quand 
la  terre  ,  après  les  arrofen;ens  ,  fe 
fend  pat  l'ardeur  du  foleil.  Vous 
couvrirez  le  ballm  ,  après  avoir  arrofé 
avec  de  la  litière  ou  du  crottin  de 
cheval ,  ou  du  terreau ,  ou  d'une  plan- 
che ,  &  au  défaut  de  tout,   avec  de 

•  la  terre  feche  &  émiettée  ,  (i)  afin 
d'y  conferver  la  fraîcheur ,  «Se  d'em- 
pêcher la  terre  de  fe  fendre.  Vous 
continuerez  de  les  arrofer  jufqu'à  la 
fin  d'août. 

Vous  pincerez  à  fept  ou  huit  pou- 
ces ,  &  même  à  un  pied  ,  le  maître 
jet  des  greffes  en  fente ,  quand  il  fe 
trouve  encore  feul ,  &  qu'il  s'allonee 
trop,  afin  de'le  tenir  bas ,  &  de  lui 
faire  poulfer  des  bourgeons  qui  de- 
viendront de  bonnes  branches  que 
vous  taillerez  l'année  fuivante  ,  afin 
de  les  avancer  &  de  les  faire  mettre 
à  fruit;  mais  on  ne  parle  que  des 
greffes  des  arbres  qui  font  en  place , 
&  non  de  celles  des  pépinières  & 
autres  arbres  à  replanter  ,  auxquels 
on  coupe  la  tête  en  les  tranfplantant; 
il  n'y  faut  point  toucher. 

C'eft  le  temps ,  vers  la  fin  de  juin , 
de  couper  à  moitié  de  leur  longueur 
tous  les  bourgeons  ou  nouveaux  jets 


(i)   La  baie  du  bicd,  de  l'avoine,  &c.  eA,  à  mon  avis  ,   ce  qu'il  y  a  de  mieux,  de 
l'épaLireut  de  deux  à  trois  pouces. 


38  J  A  R 

des  excrémités  les  plus  hautes  des  ar- 
bres ftériles ,  poiriers ,  pommiers  ou 
pruniers  nains ,  qu'on  veut  lallTer 
aller  fans  les  tailler,  pour  les  faire 
mettre  à  fruit  j  ils  repoulferont  de 
nouveaux  bourgeons  de  tous  les  yeux 
reftans ,  qui  auront  encore  le  temps 
de  s'aoîiter  ,  c'eft-cà-dire  de  prendre 
de  la  confirtance  &  de  la  marurité  , 
par  la  chaleur  du  mois  d'août. 

II  faut  cvider  les  grofeillers  en  en- 
tonnoir ,  en  les  ébourgeonnant  au 
dedans  &  au  dehors ,  &  pincer  tou- 
tes les  pointes  à  une  égale  hauteur, 
quand  les  grofeilles  font  tout-à-fait 
rouges  ,  tant  pour  faire  groffir  & 
achever  de  mûrir  le  fruit ,  en  le  dé- 
barrafTant  de  tous  les  bourgeons ,  & 
lui  procurant  la  vue  du  foleil  ,  que 
pour  cueillir  plus  facilement.  Se  en 
éloigner  les  moineaux  qui  fe  cachent 
dans  l'épais  feuillage,  &  détruire  en 
même  temps  les  pucerons  8c  les  four- 
mis qui  s'y  logenr.  Ces  arbrilTeaux 
étanr  aiiid  cbourCTeonnés  en  ont  meil- 
leure grâce  j  &  les  longs  rameaux  de 
ceux  qu'on  a  élevés  fur  tiges ,  feroienr, 
faute  de  cette  opération ,  callés  par 
le  vent,  ce  qui  dérangeroit  tout-à- 
faic  la  Kirme  de  leur  tête. 

G'eft  auili  dans  le  follfice  ,  où  il 
fe  fait  un  nouvel  épanchement  de 
la  fève ,  qu'il  faut  prendre  garde  au 
flux  de  gomme  qui  en  provienr  :  il 
ne  parcît  d'abord  qu'une  petire  tache 
à  la  branche  attaquée  \  mais  bientôt 
lî  vous  ne  la  coupez  deux  doigts  au 
deiïbus  du  mal,  il  gagne  prompte- 
ment ,  &  fait  mourir  toute  la  bran- 
che. 

Les  infectes  qui  ont  attaqué   les 


J  A  R 

arbres  au  printemps ,  fe  renouvellent 
(k  prennent  de  nouvelles  forces  dans 
ce  temps-ci,  ainfi  que  dans  la  cani- 
cule. Ces  infedles  font  les  punaifes, 
les  pucerons ,  les  chenilles. 

Le  blanc,  la  rouille,  la  chute  des 
feuilles  font  aulïï  des  accidens  du 
temps ,  qui  difparoilfent  l'année  fui- 
vantej  mais  les  chancres,  les  ulcères 
&  les  excroiiïances ,  qui  viennent  de 
la  même  caufe  ,  reftent  ordinaire- 
ment pour  toujours. 

Août. 

On  continue  dans  ce  mois  d'arro- 
fer  les  jeunes  arbres ,  &  on  donne 
le  rroifième  ratiiïaçe  aux  allées. 

Les  mêmes  foins  aux  orangers 
qu'en  juin  j  ils  font  en  pleine  fleur. 

On  continue  d'ébourgeonner  les 
pêchers. 

On  découvre  l'abricot  hiîtif  de 
quelques  feuilles  au  commencement 
de  juillet,  &  le  gros  abricot  quinze 
jours  après  J  lorfqu'ils  commencent  à 
jaunir  &  à  s'éclaircir,  (i)  l'abricot 
d'efpalier  étant  fujet  à  refter  verr  du 
côté  de  la  queue  ,  qui  eft  prefque 
Toujours  ferrée  contre  le  mur  ou  con- 
tre le  treillage.  La  Quintinie,  afin 
d'y  remédier,  de  les  faire  mûrir  plus 
parfairemenr ,  &c  de  leur  donwer  plus 
de  qualité  ,  détachoit  les  branches 
de  l'abricorier,  les  tiroir  en  avant, 
&  les  fixoit  à  certaine  diftance  du 
mur,  en  les  attachant  à  un  pieu.  J'ai 
pratiqué  la  même  opération  ,  en 
éloignant  les  branches  du  mur,  au 
moven  de  quelques  petites  fourches 


(  i)  Il  ne  faut  jamais  perdre  de  vue  que  ces  époques  font  relatives  au  climat  dans  lequel 
l'auteur  écrit;  elles  doivent  être  devancées,  je  le  répète,  à  mefure  qu'on  approche  du 
midi ,  foit  par  la  chaleur  que  procurent  les  abris ,  foit  en  effet  par  l'éloigncment  du  nord. 


J  A  R 

on  de  petites  planchettes  paffées  der- 
rière entre  le  mur  &c  la  branche  j  je 
m'en  fuis  ailez  bien  trouvé. 

On  coupe  les  branches  gourman- 
des pour  la  troifième  fois. 

On  donne  quelques  binages  ou 
menues  façons ,  avec  la  binette  ,  à 
tout  ce  qui  en  a  befoin ,  pour  taire 
mourir  l'herbe  ,  Se  rendre  la  terre 
meuble. 

Depuis  le  1 5  juillet  jufqu'au  com- 
mencement de  feptembre,  on  peut 
faire  des  greffes  en  écuifon  ,  à  œil 
dormanr,  fur  le  prunier  &  l'aman- 
dier ,  pour  y  élever  des  pêchers  & 
des  abricotiers,  <Sc  le  prunier  fur  fon 
propre  fauvageon  ;  on  pofe  des  écuf- 
fons  fur  le  pêcher  même ,  &  fur  l'a- 
bricotier ,  m.iis  feulement  fur  les 
branches  de  l'année,  auxquelles  on 
veut  ajouter  quelques  branches  qui 
manquent,  ou  changer  d'efpèce  ,  & 
fur  les  poiriers  &  pommiers  de  même. 

Depuis  la  mi- juillet  jufqu'à  la 
mi-feptembre  ,  on  peut  écullonner 
les  petits  orangers  de  deux  ou  trois 
ans ,  lorfqu'ils  ont  acquis  la  grolTeur 
du  doigt  à  deux  ou  trois  pouces  au- 
delfus  du  tronc,  afin  que  la  tige  foie 
formée  du  jet  de  la  greffe  ,  &  qu'elle 
ne  repoulTe  pas  des  bourgeons  francs, 
mais  de  la  greffe  :  fi  dans  la  fuite 
quelque  maladie  ou  accident  obli- 
geoit  d'étêter  l'arbre ,  on  fera  encore 
mieux  d'attendre  à  les  éculTonner  au 
commencement  d'août. 

On  découvre  un  peu  la  pêche  pe- 
tite mignonne ,  qui  mûrit  dans  ce 
mois-ci. 

Les  framboifiers ,  foit  en  haies  , 
foit  en  builTons ,  feront  tondus  à  la 
hauteur  de  trois  pieds,  quand  le  fruit 
fera  palTé,  tant  pour  la  propreté  que 
pour  donner  plus  de  nourriture  aux 
Touches. 


J  A  R  39 

On  ne  doit  point  encore  ébour- 
geonner  les  pouiers ,  pommiers  & 
pruniers ,  quoiqu'on  le  voye  faire  à 
d'autres,  arîn  que  leurs  arbres  aient 
l'air  d'être  plutôt  arrangés.  Il  n'y  faut 
pas  procéder  que  le  bouton  ne  foie 
formé  au  bout  des  branches ,  ce  qui 
eft  le  ligne  certain  que  la  fcve  elf 
arrêtée,  &  ne  produiia  plus  de  faux 
bourgeons. 

On  éboufgeonne  de  nouveau ,  on 
attache  &  on  laboure  la  vigne  avant 
le  mois  d'août  j  on  détruit  en  même- 
temps  les  limaçons  ,  les  perce - 
oreilles  ,  qui  font  logés  dans  les 
feuilles  repliées  &  dans  les  liens. 

L'écuffon  du  pêcher  doit  être  ap- 
pliqué fur  différens  fujets ,  au  déclin 
de  la  féconde  fève,  fur  le  prunier 
de  S.  Julien  à  la  fin  de  juillet  ;  mais 
fur  le  jeune  amandier,  qui  garde  fa 
fève  plus  long-temps ,  ce  n'eft  que 
vers  la  mi-feptembre. 


DUT. 


Les  arrofemens  &  les  labours  fe 
continuent  aux  orangers  comme  ci- 
devant  ,  de  même  qu'à  tous  les  jeu- 
nes arbres  de  l'année. 

On  n'ébour^eonne  les  orangers 
que  vers  le  déclin  de  la  canicule  , 
comme  les  autres  arbres  ,  après  le 
renouvellement  de  la  fève  d'août  , 
quoique  plufîeurs  jardiniers  les  ébour- 
geonnent  en  juillet  &  août,  auiîi-tôt 
que  la  fleur  eft  pafTée  ;  mais  cette 
propreté  prématurée  fait  poulTer  de 
nouveaux  bourgeons.  Après  l'ébour- 
geonnement  dont  nous  parlons ,  on 
n'y  touche  plus.  On  greffe  les  oran- 
gers en  écuffon  dormanr. 

On  découvre  la  pêche  grofTe  mi- 
gnone,  à  mefure  qu'elle  commence 
à  tourner  ou  blanchir  du  côté  de  la 


40  J  A  R 

queue  ,  qui  eft  le  côté  oppofc  au  fo- 
leil,  &  les  prunes  de  reine -claude, 
qui  font  en  efpalier  au  midi. 

Pendant  le  rencuveliement  de  la 
fève  de  la  canicule  ,  appelée  fève 
d'août,  les  arbres  poudlnt  une  mul- 
titude de  nouveaux  jets.  Le  pêcher 
principalement ,  après  avoir  été  ébour- 
geonné  exadtemenr  en  juillet,  paroît 
tout-à-coup  hcrille  d'un  nombre  pro- 
digieux de  bourgeons  confus ,  qui  fe 
reproduifent  jufqu'au-del.à  de  la  ca- 
nicule, après  quoi  cet  arbre  devient 
fagc.  Il  faut  bien  fe  donner  de 
garde  d'ôrer  aucune  de  ces  branches 
folles  5  l'expérience  apprend  qu'il  en 
repouiferoit  de  nouvelles  en  plus  grand 
nombre.  Il  faut  donc  lailTer  vos  pè- 
c'ners  jeter  leur  feu,  &:  préférer  de 
les  voir  long- temps  en  défordre,  que 
de  les  perdre  par  une  propreté  mal 
entendue  j  mais  on  eft  alfuré  qu'^.u 
déclin  de  la  canicule  il  ne  poulfera 
plus  de  ces  faux  bourgeons,  c'eft  le 
cas  alors  de  les  fupprimer ,  c'eft  à- 
dire,  à  la  tin  du  mois  5  on  n'épargne 
que  ceux  qui  peuvent  être  paliflc;. 
Ce  qui  démontre  qu'il  ne  faut  ébour- 
.geonner  les  poiriers  ,  pruniers  Se 
pommiers,  qui  font  plus  tardifs,  que 
vers  le  déclin  de  la  canicule,  c'eft-à- 
dire  vers  la  mi-aoiit  ;  le  véritable  temps 
eft  quand  ,  le  foleil  n'ayant  pas  la 
même  force ,  la  fève  s'arrête ,  &  le 
bouton  eft  formé  &  parfaitement 
arrondi  au  bout  des  branches  qui 
étoient  terminées  auparavant  par 
deux  feuilles,  qui  font  la  fourche, 
comme  il  eft  facile  de  l'obferver.  Vos 
poiriers  ,  &c.  étant  ébourgeonnés 
plutôt ,  pendant  la  force  de  la  cani- 
cule, repoulferoient  de  faux  bour- 
geons ,  des  yeux  &  des  branches- 
crochets  que  vous  auriez  fait  pour  fe 
tourner  à  truit ,  <^   ces   faux  bout- 


J  A  R 

geons,  qui  fou:  blanchâtres,  coton- 
neux &  tendres ,  qui  ne  s'aoûtent  ôc 
ne  miirllfent  point  avant  l'hiver,  ref- 
teront  non-feulement  inutiles,  mais 
même  pernicieux,  n'étant  pas  propres 
à  donner  de  bonnes  branches  à  bois 
ni  à  fruit  dont  ils  tiennent  la  place: 
on  eft  obligé  de  les  recouper,  ce  font 
autant  d'veux  perdus,  &  le  but  de 
l'ébourgeonnemert,  qui  eft  la  véri- 
table taille  d'été  pour  faire  tourner 
les  branches  à  fruit,  eft  manqué. 

On  donne  le  ttoilième  labour  à  la 
vigne  avant  que  les  vignerons  aillent 
en  moilTon. 

Repaflez  le  long  de  vos  efpaliers, 
pour  attacher  les  pointes  des  branches 
qui  fe  font  allongées  depuis  le  pa- 
liiTase  qu'on  a  fait  en  éboutgeonnant. 

Découvrez  de  leurs  feuilles  après 
quelques  pluies,  comme  il  a  été  dit, 
en  calfant  les  feuilles  par  la  moitié, 
du  poirier  du  bon  chrétien  d'hiver 
&  de  Ja  pomme  d'.api  ,  pour  leur 
donner  de  la  couleur. 

On  continue  de  greffer  en  éculTon 
jufqu'au    1 5  feptembre. 

Le  temps  eft  venu  de  fupprimer 
aux  pêchers  tous  les  faux  bourgeons 
dont  on  a  parlé  précédemment. 

Septembre. 

On  donne  quelquefois  en  feptem- 
bre un  farclage  ou  léger  labour,  pour 
détruire  l'herbe  qui  a  dû  croître  dans 
les  vignes  ,  quand  le  mois  d'août  a 
été  pluvieux  j  ce  travail  favorife  la 
maturité  du  raifin. 

Quand  on  veut  tenir  fes  arbres 
proprement ,  on  fait ,  au  mois  de 
feptembre  ,  un  troifième  paliflage  , 
pour  attacher  toutes  les  branches  de 
la  poulTe  du  mois  d'août  ,  couper 
celles    qui   débordent    le    chapiteau 

quand 


J  A  R 

qii.intl  on  ne  peut  les  coucher  en- 
delfous^  on  ne  craint  pas  qu'elles  re- 
poulTent  de  nouveaux  bourgeons. 

On  continue  de  grefter  en  ccuiron 
jiifqu'au  1 5  feptembre. 

11  faut  découvrir  de  quelques  feuil- 
les les  raifins  des  treilles ,  quinze  jours 
feuleinent  avant  leur  maruritc  ,  & 
avec  précaution ,  ne  découvrant  d'a- 
bord que  ceux  qui  fe  trouvent  étouffés 
fous  un  trop  épais  feuillage,  à  c]ui 
l'on  peut  procurer  plus  d'air,  fans  les 
découvrir  encore  tout  à-fait,  car  le 
raifui  fur- tout  ne  mûrit  pas  lorfqu'il 
eft  trop  tôt  dépouillé  de  fes  feuilles  j 
quand  il  eft  découvert  à  propos,  le 
chalfelas  prend  cette  belle  couleur 
ambrée  qu'on  eftime. 

On  découvre  auilî  de  la  même 
manière  la  poire  de  bon  chrétien 
d'hiver  8c  la  pomme  d'api,  fi  on  ne 
l'a  pas  fait  plutôt,  afin  de  leur  faire 
prendre  un  rouge  vif  qui  en  relève 
la  beauté. 

On  donne  la  quatrième  façon  ou 
ratilfage  aux  allées  ,  au  moyen  de 
quoi  elles  referont  propres  pendant 
tout  l'hiver. 

Les  arbres  qu'on  plantera  en  no- 
vembre ,  &  même  au  printemps,  en 
viendront  mieux  fi  on  fait  les  trous 
dans  ce  moment;  les  imprellions  de 
l'air  en  préparent  la  terre. 

On  continue  de  ferfouir  ou  la- 
bourer légèrement  les  orangers,  mais 
ils  ne  feront  plus  atrofés  qu'une  fois 
par  femaine  jufqu'au  commencement 
d'oârobre  ,  huit  jours  avant  de  les 
rentrer  dans  la  ferre,  ainfi  que  les 
figuiers  en  cailfe  &:  en  pots. 

On  tond  les  buis  pour  la  féconde 
fois. 

On  greffe  le  pêcher  fur  le  jeune 
amandier  vers  la  mi- feptembre. 

Quelques  jardiniers  ne  taillent 
Tome  Kl. 


J  A  R  41 

leurs  orangers  qu'en  feptembre  , 
quand  la  sève  eft  arrêtée  ,  pour  avoir 
plus  de  fleurs  j  mais  ils  (-ont  tort  î 
leurs  arbres,  &  confondent  l'ébour- 
geonnement  avec  la  taille,  car  c'eft 
le  temps  de  les  ébourgeonner  en  août 
^-  feptembre  ,  après  la  fleur.  On  a 
dû  les  tailler  en  mai.  On  lailfe 
échapper  quelques  menues  branehes 
pour  avoir  de  la  fleur  en  hiver. 

On  achève  de  découvrir  les  chaf- 
felas  de  toutes  leurs  feuilles  •,  il  n'y 
a  plus  de  rifques  à  préfent,  le  raifiii 
eft  clair  &  dans  toute  fa  grolfeur; 
il  n'a  plus  qu'à  prendre  couleur,  c'eft- 
à-dire  ,  à  devenir  blond  &  doré  eu 
mûrilfant,  ce  qui  eft  la  perftétion 
du  chalfelas.  On  lailfe  en  place  juf- 
qu'en  oélobre  celui  qu'on  veut  con- 
ferver  pour  l'hiver. 

C'eft  le  temps  de  gauler  les  noix; 
on  les  mec  en  monceau  dans  un  lieu 
fec  &  aéré  ,  où  elles  achèvent  de 
s'écaler.  On  laifle  fécher  les  noix 
dépouillées  de  leur  robe  à  l'ombre 
dans  le  grenier;  elles  fe  conferveront 
fè.hes  pendant  tout  l'hiver,  mais  on 
aura  foin  de  mettre  dans  le  fable,  à 
la  cavej  celles  qu'on  deftinera  pour 
planter  en  pépinière  au  printemps. 

Pour  cueillir  tous  les  fruits  en  gé- 
néral,  il  faut  choifir  un  temps  icCy 
afin  qu'ils  fe  ccnfervent  mieux;  ob- 
ferver  de  ne  pas  rompre  leur  queue, 
de  les  peu  toucher  j  &c  de  les  porter 
doucement  fiins  les  heurter  &  les 
meurtrir.  On  a  pour  cette  cueillette 
de  grandes  corbeilles  plates  à  deux 
anfes ,  que  deux  hommes  portent; 
on  en  garnit  le  fond  &:  les  côtés  avec 
des  feuilles  de  vigne,  on  pofe  deffus 
un  feul  rang  de  fruit,  jamais  deux 
l'un  fur  l'autre,  &  fur- tout  des  pê- 
ches ,  plus  fujettes  à  fe  meurtrir  que 
d'autres. 

F 


41                J  A  R  J  A  R 

Dans  les  années  hâtives  ,  on  ra-  On  plnnte  les  marcottes  c!es  gre- 

maire    déjà  des   châtaignes.  (  roye:^  nadiers  qu'on  a  faites  en  avril. 

ce  mot  &  la    manière  de  les  cou-  Octobre. 
ferver.  ) 

On  gardera  les  pépins  des  poires  11  eft  encore  temps  de  donner  le 

&  des  pommes,  mettant  à  part  ceux  dernier  ratiflage  aux  allées,  fi  on  ne 

de  doucin  &  de  paradis,  pour  former  l'a   déjà   fait,   &  une  petite  façon  à 

des    pépinières  en  novembre  ou  en  tout  le  jardin  j  afin  qu'il  refte  propre 

mars.  Le  moyen  de  fe  pourvoir  d'une  pendant  tout  l'hiver, 

quantité  fuffifante  de  pépins  de  poires  Dans  les  plans  de  bois  &  les  pé- 

ou  de  pommes  J  c'eft  de  ramalfer ,  pinières  qui  font  dans  des  fonds  hu- 

quand  il  eft  fec,  le  mate  de  ces  fruits  mides,où  il  a  cru  beaucoup  d'herbes, 

qui  ont  été  fur  le  prelToir  ,  on  les  il  faut  ramalTer  les  terres  en  buttes 

frotte    entre    les"  mains    &   on    les  &■  par  chaînes ,  pour  faire  pourrir  les 

crible  j  ceux  même  des  fruits  pourris  herbes    retournées  pendant  l'hiver  j 

font    aulTi   bons   que    d'autres.    On  ces  terres  s'égouttent  &  fe  miuilfcnc 

étend  ces  pépins  fur  le  plancher  d'un  ainli  :  on   les  répand   au  printemps, 

grenier  ,    oii    ils    reftent  jufqu'à   ce  Se   c'eft    la    meilleure    façon    qu'on 

qu'on  les  feme,  ou  bien,  lorfqu'ils  puilfe  leur  donner, 

font    fecs  ,   on  les  conferve  à  l'abri  On  cueille    tous  les  raifins  ,   tant 

des   fouris   dans  des  facs   fufpendus  chairdats  que  mufcats  &  autres ,  par 

au  plancher,  un   beau  temps ,  pour  les   conferver 

Il  faut  fe  tranfporter^  à  la  fin  de  dans  des  armoires  ou  fur  des  claies, 

feptembre,  dans  les  pépinières ,  pour  à  l'abri  des  gelées  &  de  toute  im- 

choifir  les  arbres  qu'on  veut  plantei  j  prellîon  de  l'air.  (  i  ) 

en  les' frappe  au  pied  d'un  petit  coup  II  n'y  a  plus  de  pêche  en  célobre 

de    marteau  J   pour   y    lailfer   l'em-  que  la  peifique  &:  la  pavie,  qui  mû- 

preinte  de  deux  lettres,  afin  de  les  rilîent  rarement,   La  pavie  fur   tout 

reconnoître,  &  de  les  lever  enfuite  ne   mûrit  guères  que  dans  les  pays 

quand  la  feuille  fera   tombée   :   les  les  plus  chauds  j  commeen  Provence, 

arbres  en   valent  mieux  de    ne    pas  où  la  grande  aidtur  du  foleil,  qui 

être  arrachés  plutôt ,  ce  qu'on  n'ob-  eft  contraire  dans  ce  pays  aux  pêches 

ferve  point  allez.  Si  on  attend  plus  tendres,  n'a  que  la  force  nécelfaire 

tard  à  marquer  fes  arbres,  on  court  pour  attendrir  la  pavie,  (Se  lui  donner 

rifque  de  trouver  les  plus  beaux  en-  la   qualité  qu'elle  n'acquiert  jamais 

levés,   &  de  n'avoir  que  le  rebut.  ici,  (i) 


(i)  Dans  les  provinces  du  midi,  cette  cueillette  demande  à  être  fiite  du  lo  au  ^o 
feprembre  pour  le  plus   tard. 

(i)  Le  fuccès  de  la  pavie  n'cft  pas  réfervc  aux  feules  provinces  qui  avoifinent  la 
Méditerranée  ;  ce  fruit  nuiriftrès-bien  dans  l'Agenois ,  la  Guyenne,  le  Danphiné  ,  le 
Lyonnois ,  Se  dans  plulicurs  de  nos  provinces  du  centre  du  royaume.  Si ,  dans  ces  climats 
chauds,  on  a  la  facilité  d'arrofer  les  pieds  d'arhres,  les  pcciies  tendres  y  font  très- 
bonnes  ,  &  infiniment  plus  parfumées  que  dans  les  environs  de  Paris. 


J  A  R 

On  cueille  les  poires  de  menîre- 
Jean  ,  de  marquife,  de  créfaiie  ,  de 
bergamote  d'nucomne,  iSc  de  S.  Ger- 
main, vers  la  S.  Denis,  les  pommes 
de  calville  rouge  (Se  de  calville  blanc. 

Dans  les  années  peu  hâtives,  on 
achève  la  récolte  des  châtaignes  & 
des  amandes  ,  &  on  met  dans  la 
cave  celles  qu'on  deftine  aux  pépi- 
nières. 

Si  on  a  empaillé  des  grofeliers  en 
juillet  ,  on  a  encore  des  grofeilles 
jufqu'aux  gelées. 

Si  votre  terrein  n'efl:  pas  trop  froid, 
ou  l'année  tardive,  vous  cueillerez 
tous  les  truits d'hiver  vers  la  S.  Denis, 
vers  le  1 5 ,  mais  dans  les  deux  cas 
ci-delfus  ,  vous  attendrez  jufqu'à  la 
hii  du  mois. 

Il  ne  faut  donc  pas  fe  ptefler  trop 
de  cueillit  ces  fruits ,  quoiqu'il  en 
tombe  même  quelcjues-uns  j  ils  ne 
fetont  pas  perdus  en  les  ferrant  fè- 
chement ,  s'ils  ne  font  pas  meurtris, 
ou  en  les  faifant  cuire  au  chaudron 
dans  l'eau  réduire  en  firop.  Les  fruits 
cueillis  trop  tôt  fe  rident,  fe  fannent 
&  fe  delféchent,  il  n'y  refte  que  la 
peau  5c  le  cœur  pierreux  fans  jamais 
mûrir. 

On  fera  bien  de  laifTer  le  bon- 
chrétien  d'hiver  huit  jouis  plus  tard 
que  les  autres  fur  l'arbre  ,'  pour  le 
perfeftionner ,  -.Se  la  pomme  d'api  le 
plus  long- temps  que  l'on  pourra, 
afin  qu'elle  prenne  plus  de  couleur. 

On  continue  de  faire  des  trous 
pour  planter  les  arbres. 

On  peut  encore ,  dans  cette  faifon  , 
changer  de  terre  les  orangers  qui  en 
ont  befoin  ;  on  réchauffe  avec  du 
petit  fumier  de  mouton  ceux  qui  font 
îanguilîans  •,  on  les  ferfouit  &  on  les 
mouille  tous  pour  la  dernière  fois, 
huit  jours  avant  de  les  renfermer. 


J  A  R 


43 


On  emporte  ceux  qu'on  a  élevés  fur 
couche,  &  on  finit  par  les  entrer 
tous  dans  la  ferre  vers  le  15  dti 
mois. 

On  porte  les  nèfles  au  grenier  fur 
de  la  paille  pour  les  faire  mûrir. 

A  l'égard  des  coins,  il  n'y  a  pas 
de  rifques  d'attendre ,  pour  les  cueillir , 
jufqu'aux  gelées,  qu'ils  ne  craignent 
pas,  &  julqu'à  ce  qu'ils  aient  acquis 
une  belle  couleur  d'or;  on  les  efluie 
pour  en  ôter  le  duvet,  &  ,  après  les 
avoir  mis  un  peu  nu  foleil  ,  on  les 
ferre  dans  un  lieu  fi:c ,  ôc  féparément, 
àcaufedc  leur  odeur  forte,  qui  feroit 
gâter  les  autres  fruits.  Malgré  toutes 
les  précautions,  ils  pourrilfent  bien- 
tôt ,  fi  l'on  n'a  pas  foin  de  bonne 
heure  d'en  faire  des  comportes  ,  de 
la  matmelade  ou   du  ratahat. 

On  finit  le  travail  de  ce  mois  par 
porter  des  terres  neuves,  àcs  gazons, 
des  gravois  ou  démolitions  de  murs 
faits  en  terre  ,  des  boues  de  rues 
long-temps  repofces  à  l'air,  &  autres 
engrais  qu'on  répand  au  pied  de  fes 
arbres,  ainfi  que  les  fumiers  qu'on  ne 
fait  non  plus  que  répandre  fur  les 
terres  froides  avant  1  hiver. 

Novembre. 

On  lève  dans  les  pépinières,  aufil- 
tôt  que  la  feuille  eft  tombée  ,  les 
arbres  qu'on  a  marqués  en  feptem- 
bre.  C'elt  la  faifon  de  les  planter 
particulièrement  dans  les  terres  légè- 
res. (Jur-rout  dans  les  Provinces  du 
midi)  Nos  cultivateurs  de  Montreuil 
préfèrent  en  général  la  plantation  du 
printemps  ;  elle  peut  être  plus  favo- 
rable dans  leur  terrein;  mais  on  con- 
viendra que  d'attendre  à  planter  au 
printemps  dans  les  terres  légères,  fi 
la  faifon  efl  fèche  ,  la  plantation 
manque  en  plus  grande  partie,  au 
F  i 


44 


J  A  R 


lieu  qu'étant  faite  avant  Thivet ,  les 
arbres  ont  déjà  poulTé  quelques  raci- 
nes, qui  ont  pris  corps,  &  fe  font 
alliées  avec  la  terre ^  de  façon  qu'ils 
craignent  moins  la  féche.rtfTe.  Le 
pommier  &  le  prunier  fur-tout  exi- 
gent ,  encore  plus  que  d'autres ,  d'être 
plantes  avant  l'hiver. 

On  répand  du  fumier  au  pied  des 
arbres ,  dans  les  terres  froides  qu'on 
ne  laboure  qu'au  printemps  j  mais 
pour  toutes  les  terres  ufées  ,  trop 
fèches  ,  les  fables,  les  terres  légères 
en  général ,  on  les  laboure  profondé- 
ment avec  la  fourche,  aux  environs 
de  ia  Toulfaint  ;  nous  difons  avec  la 
fourche,  car  ia  bêche,  qui  tranche 
la  racine  des  arbres ,  doit  être  piof- 
crite  &  bannie  pour  toujours  du 
jardin  fruitier. 

Vous  n'oublierez  pas  de  planter  en 
pépinière,  dans  cette  faifon  comme 
au  printemps,  toutes  les  boutures  & 
rejettons  enracinés  de  pruniers,  me- 
riliers  ,  poiriers,  pommiers,  &c.  en 
ini  met,  tous  les  plans,  les  châtai- 
gnes, les  amandes,  les  noyaux,  Sec. 
On  a  vu  en  février  la  raifon  de  for- 
mer les  pépinières  de  ces  noyaux  au 
piir;temps ,  en  les  confervant  pen- 
dant l'hiver  dans  du  fable  à  la  cave  , 
pour  les  faire  germer.  On  peut  tou- 
jours, fauf  à  recommencer,  femcr 
quelques  pépins ,  qui  avanceront  plus 
que  ceux  qu'on  fcme  en  février  & 
mars ,  s'ils  échappent  aux  rigueurs 
de  l'hiver. 

Quant  on  veut  avoir  du  plant  de 
mûriers  ,  on  a  foin  de  marcotter  des 
branches  ,  quand  la  feuille  eft  tom- 
bée. 

L'olivier  fe  plante  en  novembre 
dans  les  pays  chauds,  (  /^ojeç  le  mot 
Olivier.)  &  en  février  &;  mars  dans 
les  pays  tempérés. 


J  A  R 

On  coupe  les  ofiers  vers  la  Touf- 
faint ,  quand  la  feuille  eft  tombée 
après  les  premières  gelées.  On  ne 
coupera  qu'en  mars  ceux  qu'on  dei- 
tine  à  faire  du  plant. 

On  tire  les  échalas  de  la  vigne, 
pour  les  mettre  par  chevalet  dans  le 
jardin  ,  pour  palier  l'hiver  ou  les  fer- 
rer à  l'abri ,  s'il  y  en  a  peu  ,  &  l'on 
cure  les  raies  dans  les  vignes,  c'eft- 
à-dire  qu'on  en  relève  la  terre  qu'on 
jette  à  droite  &  à  gauche  fur  les 
planches  avec  la  houe ,  ce  qui  fait 
des  fentiers  propres  j  &  donne  de 
l'écoulement  aux  eaux. 

On  retire  le  petit  fumier  de  mou- 
ton qu'on  a  voit  mis  en  oélubre  au 
pied  des  orangers  languilTans,  parce 
que  ce  fumier ,  s'il  v  reftoit  plus  de 
fix  fetnaines ,  au  lieu  de  les  raviver  , 
les  brîderoit. 

Quand  les  gelées  deviennent  trop 
fortes ,  ou  les  pluies  trop  fréquentes  , 
ôc  qu'on  ne  peut  ni  labourer  ni  plan- 
ter, on  s'occupe  à  couper  des  perches, 
pour  raccomoder  des  rreillages  &  faire 
des  paillalfons;  on  coupe  Se  on  ai- 
guife  les  échalas,  on  éhte  les  oiiersj 
on  fait  des  cailTes,  &c. 

On  taille  le  câprier. 

On  peut  enfin  ,  quand  les  feuilles 
font  tombées ,  éplucher  &  préparer 
la  vigne  pour  la  taille ,  ainli  que  les 
pêchers  &:  abricotiers,  ôtant  les  chi- 
cots, les  bois  morts,  quelques  bour- 
geons &  branches  inutiles;  c'ell  au- 
tant d'ouvrage  fait  avant  la  taille, 
qui  n'aura  lieu  entièrement  qu'en 
février  pour  la  vigne  ,  (  voyc^  note  pre- 
mière,  page  19.  )  pour  les  pêchers  Se 
les  abricotiers  ;  mais  pour  les  autres, 
aulii  tôt  que  la  feuille  eft  tombée. 

On  peut  commencer  à  enlever  la 
moulfe  des  arbres  après  quelques 
pluies,  &:  continuer  de  même  pea« 


J  A  R  J  A  R               45 

dant  l'hiver,  mais  le  mieux  c'eft  à  la  raille  eu  février  ou  mars,  en  prenant 

fin  de  l'iiiver.  garde  que  la  fève  ne  foie  pas  encore 

,^  ,                    .  en  mouvemenr,  &  qu'elle  ne  coule 

D   E  C   E    M  B  RE.  ,                               .         r  •                / 

pas   par  la  coupe  qu  on  tait  au  lar- 

On  ne  railloit  autrefois  les  poiriers  ment,  par  où  elle  perdroit  beaucoup 

&:  les  pommiers  qu'en  tévritr,  coin-  fi  la  fève  ctoir  encore  long-temps  eu 

me  le  pêcher  après  les  lorces  gelées  ;  adrivitc.  La  raille  de  mars  retarde  la 

on  les    taille  à  préfent  aulli  tôt  que  pnilfe  de  la  bourre;  elle  coiut  moins 

les  feuilles  font  tombées;  il  eft  rare  de   rifque.  L'une  &  l'autre  méthode 

que  la  gelée  foit  allez  forte  en  ce  cli-  peuvent  réuflir,  félon  les  années  &  la. 

mat  pour  les  endommager.  Quelques  î'aifon   du  printemps  plus   ou  moins 

curieux  cependant  qui  n'ont  jias  beau-  froide;  mais   la  taille  de    février  ou 

coup  d'ouvrage ,  attendent  encore  à  mars  nous  a  paru  la  plus   sûre  &  la 

tailler  en  février,  fur-tout  les  jeunes  meilleure  auOi  pour  planter,  (i) 

arbres  ,  afin  d'être  hors  de  tout  rif-  Dans    les. climats   froids  on    fait 

que  t]ue  la  gelée  ne  faite  des  gerfurcs,  bien  d'attacher  les  figuiers  près  des 

&  n'endommage  l'œd  à   l'extrémité  murs,    afin  de  les  couvrir  de   pail- 

des  branches  taillées.  Les  poiriers  de  InlTcns  ou  de  litière',  de  fougère  ou 

roulltlet    de    Rheims   paroilfent  les  de  colles  de  pois,  cju'on  arrête  def- 

plus  tendres  à  la  gelée;  maison  taille  fus  avec  des  perches  Se   des  ofiers , 

à  préfent  ,  pour  avancer  l'ouvrage  ,  pour  les  garantir  de  la  gelée, 

quand  on  en  a  beaucoup.  Il  elf  boa  Quand  les  figuiers  font  adolfés  à 

de  réferver  à  tailler  en  février  ceux  des    bârimens  allez  élevés  pour  les 

de  ces  arbres  dont  ou  veut  tirer  des  mettre  à  l'abri,  ils  n'ont  befoin  ordi- 

grefFes  ,    parce    qu'en    reliant    alors  nairement  d'aucune   précaution  ;   ce 

moins  de  temps  dans  la  cave,  félon  n'ell  que  dans  les  hivers  très-rigou- 

nocre  méthode  ,  elles  fe  confervent  rcux  qu'ils  font  fujets  à  geler.  Les 

plus  facilement  jufqu'à  ta  fin  d'avril,  figuiers  fe  trouvent-ils  éloignés  àeS' 

On  palilTe  à  melure  qu'on  taille.  abris,  on  les  couche  dans  la  terre. 

Des    agriculteurs   modernes    pen-  A  mefure^que  les  arbres  font  taillés, 

fent    qu'on     peut    tailler    la    vigne  on  leur  ore  la  moulfe  facilement  dan.s 

aufli  quand  la  teudle  eft  tombée;  en  les  temps  l-.umides;  il  eft  plus  avan- 

conféquence  quelques perfonnes plan-  tageux   d'attendre   la  fiti  de  Ihiver. 

tent  en  même  temps  les  crolletes ,  L'inftrumenr  le  pUis  commode  pour 

à  mefure  qu'elles  taillent;  mais  d'au-  abattre    la    mouffe   dans    toutes    les 

très,  &:  tous  nos  vignerons,  attendent  branches,  eft  le  farder  des  maraîchers, 

à  la  fin  de  février  ou  le  commence-  avec  lequel  ils  nettoient  l'herbe  des 

ment  de  mars  pour  l'une*  ou  l'autre  planches  d'oignons, 

opération.   La   vigne    taillée    en    ce  En  enlevant  avec  le  même  inftru- 

temps-ci  pouffe  plutôt  au  printemps,  mène   les  ccorces  galeufes  &   chan- 

'&    fe   rrouve    conféquemmenr    plus  creiiies ,  on  détruit  la  retraite  d'une 

expofce  à  la  gelée  ;   au  lieu  que  la  infinité  d'infeCles. 


(i)  Consultez  le  mot  Vigne  ,   oii  cette  qucftion  fera  difcut-Jc 


^6 


J  A  R 


On  continue  de  charrier  &  de  ra- 
malîer  au  pied  des  arbres  toutes 
fortes  d'engrais  convenables  ,  tels 
qu'ils  font  uidiqucs  a  la  hn  d'oclo- 
bre. 

On  raccommode  les  treillages ,  les 
outils  de  jardin  j  on  aiguile  les  échal- 
las. 

On  fait  bien  de  placer  au-dellus 
des  efpaliers  de  pêchers  ,  de  petits 
paillalîons  de  deux  pieds  de  largeur, 
pour  garantir  ces  arbres,  pendant  l'hi- 
ver, de  la  neige  &  du  verglas  qui  les 
gâtent. 

Section     III. 

CataloBuc  des  meilleurs  fruits. 

Il  ne  fsra  pas  queftion  dans  cette 
lifte  de  toutes  les  efpèces  de  fruits  , 
mais  fimplement  des  meilleurs  & 
des  plus  utiles.  Pour  le  furplus,  con- 
fultez  ce  qui  eft  dit  lous  chaque 
rnot  propre. 

§.  I.  Des  fruits  à  noyaux. 

Abricotifr  ,  voyei  abricot  pré- 
coce... gros  abricot  ou  commun... 
abricot  blanc...  abricot  mufqué... 
abricot  d'.'\ngoumois  ,  ou  abricot 
rouge...  abricot  de  Provence...  abriccf 
de  Hollande...  abricot  alberge...  abri- 
cot de  Portugal...  abricot  noir... 
abricot  pêche  ou  de  N.'iuci...  abricot 
niont-gamet...  .abricot  alberge... 

Amandier  commun  ,  à  gros  ou 
à  petit  fruit...  amandier  à  coque  ten- 
dre ,  ou  amandier  des  dames... 
amandier  à  fruit  amer...  amandier 
pèche,  plus  curieux  qu'utile. 

AzEROLiER  à  fruit  blanc  ou  à 
fruit  rouçe.  Ce  fruit  n'eft  bon  que 
^aiis  les  Provinces  méridionales. 


J  A  R 

Cerzsif.r.  Merifier  à  frui:  doux.:; 
à  gros  fruit  doux...  [ctnÇ\txs guigniers , 
ainfi  nomniés  à  Paris  ,  &  cerificrs  en 
Province.  )  Guignier  à  fruit  noir... 
guignier  à  gros  fruit  blanc...  guignier 
à  gros  fruit  noir  (?<;  luifant. ..  gui- 
gnier à  huit  rouge  tardif  j  plus  cu- 
rieux qu'utile. 

Bigarreautiers  à  gros  fruit  rouge..> 
à  gros  fruit  blanc...  à  petit  fruic 
hâtif,. 

Cerijlers  à  fruits  ronds ,  à  Paris  , 
&  appelles  griotiers  en  Province... 
nain  précoce...  hâtif...  commun  .^ 
fruit  rond...  cerifier  à  la  feuille...  ce- 
rifier  à  trochet...  tardif  ou  de  la 
Toulfainc,  fimplement  curieux...  de 
Montmorenci  ou  gobber  gros  &  à 
courte  queue...  de  villenes  à  gros 
fruit  de  rouge  pâle...  de  Hollande... 
à  fruit  ambré...  griotier  de  Portu- 
gal... d'Allemaçne...  la  cheri-dukc... 
ceiife  guigne. 

Jujubier.  Oiin'en  connoît  qu'une 
feule  efpèce  dans  nos  Provinces  du 
midi. 

NoiSETTIER  ou  AvEtlNIER  fraUC  3. 

fruit  ovoide  <Sc  la  pellicule  du  fruic 
rouge...  à  fruit  rond  ou  commun.,, 
à  Iriiit  anguleux  ou  d'Efpagne...  à 
fruit  blanc  &  ovoide.  Le  premier 
mérite  la  piéférence. 


i 


Noyer  commun...  à  très-gros  fruit,' 
plus  agréable  qu'utile...  à  fruit  tendre 
(Se  à  écorcè  fragile...  celui  qui  donne 
deux  récoltes ,  iimplement  curieux... 
le  tardif  ou  de  la  Saint-Jean,  époque 
à  laquelle  il  fleurir.  Le  premier  &:  le 
dernier  font  vraiment  utiles-,  le  der- 
nier fur-tout  dans  les  pays  ou  l'on 
craint  les  gelées  tardives  du  prin- 
temps. 


J  A  R 

P^cHEn..  (  Suivant  l'ordre  de  matu- 
rité. )  (  i)  Avant-pêche  blanche:  Ion 
feul  mcrite  eft  d'être  précoce...  avant- 
pêche  rùuge  ,  ou  avant -pèche  de 
Troye...  double  de  Trôye  ou  pente 
mignonne...  magdelèue  blanche ,  bon- 
ne dans  les  Provinces  du  midi... 
chevreufe  hâtive...  pourprée  hâtive.., 
çrolfe  miononne...  taulfe  mignonne... 
vineufe...  magdelène  taraive  a  petites 
fleurs...  la chanceliere... pêche  malte... 
belle  garde  ou  galande...  petite  vio- 
lette hâtive...  grolTe  violette,  ou  vio- 
lette de  Courfon....  admirable,  ou 
belle  de  Vitry...  bourdine  ou  royale... 
teton  de  Vénus...  chevreufe  tardive... 
brugnon  violet...  nivette...  violette 
tardive...  pourprée  tardive...  perfi- 
que...  pavie  rouge...  de  Pomponne... 
pavie  jaune...  admirable  jaune...  jau- 
ne uire. 

Pistachier  ,  cultivé  en  pleine 
terre  dans   les  Provinces  du  midi. 

Prunier.  Prune  jaune  hâtive  ou 
de  Catalogne...  gros  damas  de  Tours... 
damas  mufqué ..  perdrigon  hâtif... 
groife  mirabelle...  prune  de  Alon- 
fieur...  la  diaprée...  perdrigon  blanc... 
perdrigon  violet.  .  perdrigon  rouge... 
impériale...  grolFe  reine  -  claude,  ou 
dauphine,^u  abricot  vert,  ou  damas 
verr...  petite  reine-claude...  impér.a- 
trice  blanche...  abricotée...  diaprée 
rouge ,  ou  roche-courbon...  diaprée 
blanciie...  fainte-catherine...  damas 
de  feptembre...  impératrice  violette, 
ou  princelTe  ou  altelTe...  prunier  du 
Canada,  non  pour  Ion  huit,  mais 
pour  fes  fleurs. 


J  A  R 


§.    II.  Des  fruits  à  pcpins. 


47 


CoiGNAssiER.  Coin  commun... 
coin  de  Portugal.  Le  dernier  eft  à 
préférer. 

Epine-vinette  ,  à  fruit ,  à  pépins 
ou  fans  pépins.  Le  dernier  feul  mé- 
rite d'être  cultivé  dans  les  jardins. 

Figuier,  (c/i/war  de  Paris)  Figue 
printanniere  ,  ou  blanche  longue... 
blanche  ronde  d'automne...  violette 
longue  ou  angélique...  violette  ron- 
de... [climat  du  midi)  la  cordelière  ou 
fervaniine...  figue  de  Bordeaux... 
grolTe  blanche  longue  ..  la  marfeil- 
loife...  petite  blanche  ronde  ou  de 
Lipari...  la  verte...  la  grofle  jaune... 
la  groffe  violerte  longue...  la  petite 
violette...  labourjafl^Lteoubarnifore... 
la  ÇTrallfane...  la  verte-brune...  fitiue 
du  Saint-Efprit. 

Framboisier.  Framboifes  blan- 
ches ou  rouges. 

Grenadier.  Grenade  douce... 
douce  &i  acide. 

Groseiller  non  épineux  à  fruit 
rouc;e...  à  truit  blanc...  à  fruit  noir 
ou  caflîs.  Epineux  à  fruit  blanc...  à 
fruit  violet  J  ou  grofeilles  à  maque- 
reaux. 

Mûrier  à  crros  fruit  noir.  Il  eft 
inutile  de  parler  ici  des  mûriers  dont 
la  feuille  fert  à  nourrir  les  vers  à 
foie.  Le  fruit  en  eft  fade. 


(  i)  Je  n'iniiicjuo  aucune  époque  fi.sc,  elle  varie  fuivant  les  laifons,  &  fur- cou:  fuivauc 
les  climats. 


4S 


J  A  R 


NÉFLIER,  fauvage...  à  gros  fruit  ou 
de  Haliaiide...  f?.iib  noyau. 

Olivier.  I!  eft  imuile  d'en  parler 
ici  :  on  ne  peut  le  cultiver  dans  le 
nord  fans  le  fecours  de  l'orangerie  , 
&:  dans  les  Provinces  du  midi  il  cou- 
vre les  champs  ,  év'  on  ne  le  cultive 
pas  dans  les  jardins, 

OiiANGER  proprement  dit.  Orange 
douce  ou  de  Portugal...  grolfe  oran<ze 
cil  de  Gralfe...  orange  rouge...  fans 
pépins...  de  Chine...  riche  dépouille... 
orange  bergamotte...  bigarade  com- 
mune... violette...  petite  bigarade 
chinoife...  pommier  d'Adam...  Bou- 
quctier. 

Limonier.  Limon  commun...  de 
Calabre...  doux  limon  poirette...  im- 
p£rial...  balotin...  de  grenade  ou 
pomme  de  paradis  ou  lime  en  Pro- 
vence... limon  de  Valence...  cédrat 
de  Floreiice. 

.Arbres  qui  participent  de  l'Oranger 

&  du  Limonier. 

Lime    douce....    pompoleum 

Scliaiideclioucliadec...  pompelmous. 


îlla  rofa 
citronier. 


he 


erm,i 


apnro 


dite... 


Poirier.  (  fuivant  l'ordre  de  ma- 
turité relative  aux  clim?.ts  &:  aux  fai- 
fons)  Amiré-joanet...  petit  mufcat  ou 
fcpt-en  geuie...  mufcat  robert...  anra- 
tc.magdelèneou  citron  des  carmes... 
cuiilè-madame...  la  belliflime...  l'é- 
pargne... gros  &z  petit  blanquet... 
l'épine  rofe  ou  poire  rofe,  ou  caillot 
rolat...  l'orange  mufquée,..  l'orange 
rouge...  la  robine  ou  royale  d'été... 
bon    chrétien   d'été   mufc^ué...   gros 


J  A  R 

rouiïelet...  rouffelec  de  Rheims...  fon- 
dante de  Breft...  Epine  d'été...  orange 
tulipée...  bergamotte  d'été...  berga- 
motte  rouge...  verte  longue...  angle- 
terre  ou  beurré  d'Anglererre...  beur- 
ré... doyeimé  blanc...  doyenné  gr:s... 
bezi  de  Montigny...  bergamotte  fuif- 
fe...  &  d'automne...  beïlillîme  d'au- 
tomne... me(Iire-jean...  fucrévert. .. 
bon  chrétien  d'Efpagne...  merveille 
d'hiver...  épine  d'hiver...  la  louife 
bonne...  la  marquife...  la  rrezane... 
l'ambrette...  l'échafferie...  bezy  de 
Chaumontel...  faint-germain...  vit- 
gouleufe.'..  martinfec...  le  colmar...  la 
royale  d'hiver...  angleterre  d'hiver... 
angélique  de  Bordeaux...  franc  réal.... 
catillac...  bon  chrétien  d'hiver...  rouf- 
felet  d'hiver...  orange  d'hiver.  .  dou- 
ble fleur...  mufcat  l'allemaiiLl...  ber- 
gamotte de  Hollande  impériale... 
poire  livre... 

AL  de  la  Breronnerie  indique  un 
choix  entre  les  poiriers  qui  eft  très- 
bien  vu  ,  &  fert  à  fixer  celui  des 
perfonnes  qui,  ne  connoilfant  pas  les 
fruits ,  veulent  fe  procurer  les  efpèces 
les  plus  eflimées.  Si  l'étendue  du  jar- 
din eft  conlidérabie,  on  peut  planter 
les  arbres  des  efpèces  que  je  viens  de 
citer  j  m,\is  fi  l'emplacement  ne  con- 
tient que  cinquante  poitiets  ,  voici 
ceux  adoptés  par  l'auteur  cité,  i 
cuilTe- madame...  i  blanquette...  i 
robine  ou  royale  d'été...  4  rouîTelet 
de  Rheims...  4  beurré...  4  doyenné 
gris  ..  5  meffire  jean...  4  crezane... 
4  fainr  germain...  i  chaumontel... 
i  royale  d'hiver...  4  virgouieufe...  4 
colmar...  2.  bon  chrétien  d  hiver...  2 
martinfec...  i  mufcat  l'allemand... 
1  betgamutte  de  Hollande...  1  franc 
real. 

Pour  un  jardin  où  l'on  n'auroit  que 
Z4  places,  on  choifuoit...   3  rouife- 

let 


J  A  R  J  A  R               49 

let  de  Rhelms...  j  beurre...  1  doyenné  quans  ;   cependant  ces   deux   arbres 

gris...  2.  crezane...  4  faint-germain...  lonc  tocalemenc  féparés  dans  l'ordre 

2   virgonleiife...    2   chaumontel...   4  de  la  nature,   &  on  ne  doit  pas  les 

colmar...  2  bon  chrétien  d'hiver.  confondre. 

Pour  un  jardin  à  douze  places,  il  Dans  les  jard'ins,  il  ne  faut  cul- 

fiiffit  de  diminuer  fur  les  nombres  tiver  que   les  châtaigniers  qui  pro- 

prccédens.  duifent  des  marons ,  &  fi  le  pays  ne 

convient  pas  à  cet  arbre ,  fon  fruit 

Pommier.  (  par  ordre  de  maturité  )  fera  toujours  au-defloas  du  médiocre. 

On  prévient  que  cet  arbre  rendît  mal  Si  on  peut  le  cultiver  dans  les  champs , 

dans  les  Provinces  du  midi,  fur-tout  il  y  figurera  mieux  que  dans  un  jar- 

les cantons  fortement  abrités.  din,  ou  il  occuperoit  trop  d'efpace. 

La  palfe  pomme...  la  calville  d'é- 
té... le  tambour  franc...  le  poftophe  CHAPITRE     III. 
d'été...  calville  rouge...  calville  blan- 
che... pomme  de  châtaigner...  court-  Du  jardin   fruitier  &    légumier    en 
pendu...  fenouillet   gris...  rouge...  même  temps, 
reinette   franche...    reinette   giife... 

drap  d'or  ou  reinette  dorée...  pomme  C'eft  le  plus  commun ,  parce  qu'il 

d'or  ou  reinette  d'Angleterre...  rei-  y  a  très-peu  de  propriétaires  en  état 

nette  de  Canada...   reinette    d'Efpa-  de  le  féparer.  Ce  que  j'ai  dit  des  deux 

gne...groire  reinette  blanche  fouettée  premiers  s'applique  à  celui-ci. 

de  rouge...  reinette  grife  de  Cham-  Ordinairement  on  fe  contente  de 

pagne...  l'api   franc...   api   gros    ou  couvrir  les  murs  par  des  arbres  en 

pomme    rofe...    l'haute    en    bonté...  efpalier,  foir  nains,  foit  à  mi-tige, 

rambout  d'hiver...  la  violette...  pofto-  &  les   bordures  des  quarreaux  avec 

phe  d'hiver.  des  nains  ,  taillés  ou   en    évantail, 

ou  en  buiflon. 

Vigne.  Il  ne  s'agit  que  de  celles  La  diftribution  des  arbres  eft  dif- 

cultivées   dans  les  jardins.  Pour  les  férente    dans    les    jardins    toujours 

autres  voy&r^  l'article  Vigne.  Le  mo  mixtes  ,    &    arrofés    par    irrigation. 

rillon  hâtitou  raifin  de  la  Magdelène,  (  Foye\  ce  mot.  )  Comme  ces  jardins 

non  à  caufe  de  la  bonté  de  fon  fruit,  font  divifés  en  grands  quarreaux,  & 

mais  parce  qu'il  eft  mûr  à  la  fin  de  ces  quarreaux  en  trois  ,    quatre  on 

juillet...  chalfelas   doré    ou  Bar-fur-  cinq  grandes  tables,  les  arbres  font 

aube...    chalfelas  rouge...    chalfelas  plantés  tout  autour  des  allées,  mais 

mufqué...  la  Cioutat...  mufcat  rouge...  encore  dans  la  platte-bande  qui  fé- 

mufcat  blanc...  mufcat  d'Alexandtie  pare  chaque  table.  Dans   les  jardins 

ou  paffe  longue...  le  cornichon...  le  de  maraîchers,  tous  les   arbres  font 

corinthe  blanc.  à  plein  vent;   chez  les  particuliers. 

Le  châtaignier  eft  un  arbre  fruitier  ceux  de  l'intérieur  des  quarreaux  font 

hors  de  rangj  &  ne  peut  être  com-  à  plein  vent,   &   ceux  des  bordures 

paré,  pour  fon  fruit,  qu'à  celui  du  font  taillés  en  évantail  ou  en  builfon; 

maronier  d'Inde,  recouvert  par  Une  quelques-uns  taillent  les  uns  &  les 

enveloppe  coiiace  &   armée  de  pi-  autres  en  évantail.  Le  buiffon  eft  in- 

Tonie  VL  G 


50 


J  A  R 


lerdit  pour  l'intérieur  ,  parce  qu'il 
gtneroic  l'ouvrier  qui  ouvre  &  ferme 
les  rigoles  lorfqu'il  s'agir  d'arrofer. 
Un  point  elTeiitiel  à  obferver  dans 
la  formation  des  jardins  à  irrigation , 
c'eft  qu'après  en  avoir  rracé  le  plan 
fur  le  fol ,  on  doit  donner  plus  de 
prolondeiic  aux  tranchées  deftiiiées  à 
recevoir  les  arbres  ,  qu'à  celles  du 
refte  du  jardin.  Fouiller  &  retourner 
Ja  terre  à  la  profondeur  de  deux 
pieds  ,  eft  trcs-fuflSfant  pour  les  lé- 
gumes ,  mais  ce  n'eft  point  allez  pour 
des  arbres  à  plein  vent.  Sans  cette 
précaution  leurs  racines ,  au  lieu  de 
plonger  dans  la  terre  ,  s'étendront 
horifonralement  dans  le  voifinage , 
&  nuiront  aux  légumes. 

CHAPITRE     IV. 

Du  jardin  dejlïné  aux  fleurs. 

Je  ne  parlerai  pas  ici  de  ce  qu'on 
appelle /'arre/'/'<rj  il  eft  du  relTort  des 
jardins  nommés  de  propreté ^  dont  il 
fera  queftion  dans  l'article  fuivant. 
11  s'agit  uniquement  du  jardin  des 
amateurs  fleuriftes. 

Section    première. 

De  fa  jiiuatïon ,   de  la  préparation 
du  fol  j  &c. 

I.  Defafîtuation.  Il  doit  être  placé 
dans  un  lieu  un  peu  élevé,  où  palTe 
un  libre  courant  d'air,  mais  cepen- 
dant abrité  contre  les  vents  du  nord  , 
&  des  cotés  par  lefquels  foufflent 
communément  les  vents  impétueux. 
Il  eft  cependant  à  fouhaiter  qu'il  ait, 
foit  par  art ,  foit  naturellement ,  toutes 
les  expofirions ,  afin  que  l'amateur 
puilTe  y  cultiver  les  plantes  agréables 


J  A  R 

qui  nailTent  foit  au  midi ,  foit  au 
nord;  elles  ne  léuiliirent  jamais  bien 
dans  un  petit  jardin,  environné  de 
maifons  trop  élevées  :  la  lumière  du 
foleil  y  arrive  trop  tard,  ou  le  quitte 
trop  tôtj  la  chaleur  s'y  concentre,  & 
elle  n'eft  pas  tempérée  par  un  courant 
d'air  frais  :  l'humidité  une  fois  in- 
troduite fe  diflipe  difficilement;  les 
rofées  &  le  ferein  y  font  plus  abon- 
dans ,  &:  les  gelées  fortes  ou  foibles 
y  font  plus  deftrudives. 

La  féconde  condition  eft  que  l'eau 
y  foit  abondante  ,  ou  du  moins  pro- 
portionnée aux  befoins  j  fi  elle  vient 
d'une  fource,  qu'il  y  ait  un  réfervoir 
fufceptibled'en  contenir  une  certaine 
quantité  ,  afin  que  fon  degré  de  cha- 
leur fuive  celui  de  l'armofphère , 
(  Voye:^  ce  qui  a  été  dit  aux  mots 
Arrosement,  Fontaine,  Irriga- 
tion. ) 

La  troifième,  que  le  jardin  ait  un 
niveau  de  pente  ,  doux  &  propor- 
tionné à  fon  étendue ,  afin  que  les 
eaux  pluviales  n'y  féjournent  pas.  Si 
la  pente  eft  trop  rapide,  la  terre  vé- 
gétale ou  humus  J  naturellement  & 
totalement  foluble  dans  l'eau  ,  fera 
enrraînée,  &  il  ne  reftera  plus  que 
la  terre  matrice. 

1 1,  De  la  qualité  du  fol.  Je  fais  , 
qu'entre  les  mains  d'un  fleurifte,  le 
fol  devient  toujours  ce  qu'il  veut 
qu'il  foit,  parce  que  s'il  eft  argilleux, 
il  le  fait  enlever,  &  le  fupplée  par 
un  terrein  préparé  ;  s'il  eft  fablonneux , 
il  donne  le  corps  &:  l'aglut-ination  né- 
ceffaires  à  fes  molécules  ;  enfin  ,  la 
terre  d'un  jardin  deftinée  aux  fleurs 
n'eft  point  une  terre  naturelle  j  on 
n'en  trouve  aucune  femblable ,  elle 
eft  créée  par  l'art.  Il  eft  cependant 
très-important,  pour  un  jardin  de  ce 
genre,  de  trouver  dans  l'origine  un 


J  A  R 

bon  fond  de  terre  ,  une  terre  bien 
végécacive,  parce  qu'elle  doit  fecvir 
de  bafc  à  routes  fes  préparations,  & 
cette  rencontre  tieareufe  diminue  les 
frais,  les  travaux  &  l'embarras. 

III.  De  fn  préparation.  Pour  ne 
pas  fe  tromper ,  on  doit  confidcrer 
les  racines  de  chaque  efpèce  de  plante  ; 
elles  indiquent  la  protondeur  de 
bonne  terre  qu'elles  exigent.  (  f^oye^ 
ce  qui  a  été  dit  au  chapitre  premier 
du  jardin  légumier.  )  Après  s'être  af- 
furé  de  la  profondeur  à  laquelle  une 
plante  plonge  fes  racines,  il  refte  à 
confidérer  comment  &  quelle  eft 
la  manière  d'ctre  des  racines.  Par 
exemple  ,  les  plantes  à  oignons  , 
comme  les  jacynthes  ,  les  tulipes  , 
&c. ,  à  tubercules  ,  comme  les  renon- 
cules ,  les  anémones,  &:c. ,  n'exigent 
pas  des  engrais  animaux  ,  à  moins 
qu'ils  ne  foient  très-vieux  ,  très-con- 
fommés  &  réduits  complettemcnt  à 
l'état  de  terreau.  Si  la  terre  retient 
l'eau ,  fi  le  tond  efl  argilleux  ,  les 
oignons  pourriront ,  parce  qu'ils  fe 
nourrilfent  plus  par  leurs  fleurs  que 
parleurs  racines;  ils  profpéreront  au 
contraire  dans  une  terre  douce ,  vé- 
gétale ,  fubft.\ncielle ,  mêlée  en  parties 
égales  avec  des  feuilles  d'arbres  bien 
pourries.  On  doit  cependant  excepter 
celles  des  noyers,  des  myrthes ,  & 
même  des  chênes  ,  parce  qu'elles 
confervent  toujours  leur  aftridion  & 
leur  amertume  naturelle  ,  très-pré- 
judiciables aux  plantes  ;  celles  de 
figuiers  produifcnc  le  même  effet.  La 
hauteur  de  huit  pouces  de  terre  pré- 
parée leur  fuffit.  Si  on  donnoit  à  des 
œillets  une  terre  aufli  douce,  ils  tra- 
vailleroient  beaucoup  en  racines ,  & 
peu  en  fleurs.  Les  giroflées  &  autres 
plantes  analogues  y  profpéreront  , 
mais  beaucoup  mieux  dans  une  terco 


J  A  R 


5« 


faite  jWmQ  aux  engrais  animaux,  fttr- 
tout  fi  elles  Trouvent  un  fond  de  fem- 
blablererre  de  douze  à  quinze  pouces 
de  profondeur.  Je  n'entrerai  pas  ici 
dans  de  plus  grands  détails  fur  l'ef- 
pèce  de  terre  préparée,  qui  convient 
à  chaque  genre  de  plante  en  parti- 
culier ,  parce  qu'elle  eft  indiquée  à 
l'article  de  toutes  les  plantes,  &  ce 
fetoit  une  répétition  inutile.  J'ai  cité 
les  exemples  ci-delfus  comme  des  gé- 
néralités, pour  indiquer  feulement  la 
néceflité  de  diverlifier  le  fol  fuivant 
le  befoin. 

Dans  le  jardin  d'un  fleurifte ,  il  doit 
y  avoir  un  local  uniquement  confa- 
cré  à  la  préparation  des  terres,  &  di- 
vifé  en  pkiheurs  cafés  féparées  par 
des  cloifons.  Ces  cafés  demandent  à 
êtreéclaitées  par  les  rayons  du  foieil, 
&  couvertes  foit  avec  des  plamhes, 
foit  avec  de  la  paille,  foit  par  un  toîc 
réel ,  afin  que  la  terre  ne  foit  pas 
délavée  par  les  pluies ,  &  qu'expolée 
au  foleil ,  elle  attire  à  elle  ce  fel  aé- 
rien ,  le  grand  combinateur  des  prin- 
cipes. (  F^oye:^  le  mot  amendement 
&c  le  dernier  chapitre  dii  mot  agri- 
culture. ) 

Le  temps ,  .pour  commencer  !a 
préparation  des  terres,  eft  après  la 
chute  des  feuilles  ;  on  amoncelé 
celles-ci  ou  féparément  ,  ou  urdes 
avec  la.  terre,  ou  mêlées  avec  la  terre 
&  les  engrais  animaux  ,  fuivant  le 
befoin.  Si  le  hangard  "recouvre  exac- 
tement  le  monceau  ,  h  la  pluie  ne 
peut  l'imbiber ,  on  le  mouillera  de 
manière  que  l'humidité  pénétre  juf- 
qu'au  fond  ;  il  refte  dans  cet  état  juf- 
qu'après  l'hiver.  Au  premier  prin- 
temps Se  par  un  beau  jour ,  on  renverfe 
le  monceau  ;  on  l'étend ,  &  à  force 
de  coups  de  pelle  la  raalTe  totale  eft 
mélangée  (Se  amoncelée  de  nouveau 
G  i, 


52  J  A  R 

fous  le  hangard.  Si  elle  fe  trouve  trop 
fèche,  on  l'imbibe  de  nouvelle  eau, 
car  fans  humidité  point  de  fermenta- 
tion, de  décompofuion,  ni  recompo- 
iîtion.  Au  mois  de  juin  ou  de  juillet 
on  recommence  la  même  opération , 
ainfi  qu'au  mois  d'oftobre. 

Les  bons  &  zélés  flcuriftes  n'em- 
ploient cette  terre  qu'après  deux  ans 
de  travail ,  &  ils  ontrailon.  Telle  eft 
la  manière  de  fe  procurer  un  fonds 
de  terre  fuffifnit  &  relatif  à  la  nature 
de  chaque  plante  en  particulier  j  c'efl: 
de  ce  mélange  bien  fait  &  bien  ap- 
proprié, que  dépendent  non-feulement 
la  beauté  des  fleurs,  mais  encore  le 
perfectionnement  des  efpèces.  [\'oye\ 
ce  mot)  Ils  ont  encore  l'attention, 
lorfqu'ils  le  peuvent,  d-e  ne  pas  faire 
fervir  deux  fois  la  même  terre  à  la 
même  efpèce  de  plante  j  alors  cette 
terre  première  eft  recombinée  avec 
d'autres ,  &  fert  aux  plantes  d'une 
conftitution  différente. 

J'ai  vu  des  fleuriftes  attacher  la 
plus  grande  importance  à  fe  procurer 
de  la  terre  des  taupinières  :  je  con- 
viens qu'elle  eft  bien  divifée,  bien 
atténuée,  mais  en  eft  elle  meilleure 
pour  cela?  Si  elle  eft  argilleufe  ,  la 
pluie  (3c  enfuite  l'exfication  la  dur- 
ciront tout  comme  auparavant  ^  fi  elle 
eft  fablonneufe,  elle  reftera  toujours 
fans  adhéfion,  &  cette  terre  ne  dif- 
fère en  rien  de  celle  du  champ,  du 
chemin,  &c.  où  l'animal  a  travaillé. 
Sa  bonne  qualité  eft  donc  (implement 
relative  ,  Se  non  pas  eirentielle.  11 
n'en  eft  pas  ainfi  de  celle  que  l'on 
retire  de  l'intérieur  des  troncs  pourris 
des  vieux  arbres,  par^e  que  c'eft  un 
vrai  débri  de  fubftances  végétales 
bien  confommées,  &  excellent  pour 
les  femis  des  graines  fines,  délicates 
&  diiîiàles  .i  germer. 


J  A  R 

Plufieurs  amateurs  fe  font  per- 
fuadés,  qu'en  combinantavecces  terres 
des  principes  coîorans  îfc  folubles  dans 
l'eau  ,  ils  parviendroient  à  colorer 
les  plantes,  par  exemple,  à  fe  pro- 
curer des  œillets  noirs ,  &c.  I!  n'exifte 
aucune  fleur  noire  dans  la  nature,  & 
elle  ne  changera  pas  fes  loix  pour 
leur  faire  plailir;  d'ailleurs,  la  sève 
ne  fe  charge  jamais  d'aucun  principe 
colorant  J  elle  monte  claire  dans  un 
état  de  vaporifation.  Le  fleurifte  doit 
donc  fe  contenter  d'avoir  des  fleurs 
fuperbes ,  &  rien  de  plus  en  ce  genre. 
Une  occupation  bien  digne  de  fes 
foins,  feroit  défaire  des  expériences 
fur  l'hybridicité  des  fleurs.  (Confultez 
le  mot  Hybride,  &  ce  qui  eft  dit 
au  mot  Abricotier.)  Mais  toutes  ces 
tentatives  feront  en  pure  perte  ,  s'il 
croit  opérer  fur  des  fleurs  doubles 
ou  privées  des  parries  organiques  de 
la  génération.  11  n'en  fera  pas  ainfi 
des  fleurs  femi-doubles ,  parce  qu'elles 
n'ont  plus  qu'un  pas  à  faire  pour 
devenir  complettement  doubles.  Ses 
eflais  fur  les  fleurs  fimples  ,  vigoii- 
reufes ,  belles  &  bien  nourries ,  feront 
couronnés  du  fuccès ,  fi  leurs  genres 
'ne  font  pas  trop  difproportionnés. 

I V.  Des  objets  néceljaires  à  un 
jardin  fleurifte.  Si  l'amateur  embrafle 
la  fleurimanic  dans  fa  totalité,  il  lui 
faut  nécelTairemenr  une  ferre  chaude, 
une  ferre  en  manière  d'orangerie,  des 
chaflis  vitrés,  des  amas  de  fumier  de 
litières,  du  ran,  des  couches  ,  des 
cloches,  &c.  Le  limple  amateur,: 
plus  reftreint  dans  fon  goût,  fe  con- 
tente des  chaflis,  de  quelques  couches, 
&  d'un  certain  nombre  de  cloches. 
Les  pots  ,  vafes ,  cailfes  de  toutes 
srandeurs ,  font  nécelfaires  à  l'un  & 
à  l'autre  ,  ainfi  que  beaucoup  de 
terrines  plattes  pour  les  femis  j  des 


J  A  R 

cribles  en  fil  de  fer  de  différent  dia- 
mètre ,  des  cribles  en  crin  pour  net- 
toyer les  graines  ,  &  de  quelques 
cribles  en  parchemin  ,  déftmés  aux 
mêmes  ufages;  des  grilles  en  fil  de 
fer,  des  clayes  en  bois  pour  pailer 
la  terre;  des  pèles,  des  bêches",  des 
râteaux,  des  tire- fleurs  ou  houlettes 
de  différentes  grandeurs  ,  des  cor- 
deaux, des  plantoirs,  des  arrofoirs, 
de  petites  pioches ,    &c. 

Il  doit  encore  avoir  un  local  fpa- 
cieux  ôc  couvert ,  fec  ,  fufceptible 
d'être  aéré  au  befoin ,  &  garni  tout 
le  tour  avec  des  tablettes  j  fur  lef- 
quelles  il  dépofe  les  oignons ,  les 
griffes ,  "Sec.  ;  une  partie  de  ces  ta- 
'blettes  doit  être  divifée  en  petits 
quarreaux,  par  destraverfes  en  bois, 
afin  que  chaque  efpèce  de  griffes  de' 
renoncule ,  par  exemple  ,  foient  fé- 
parées  des  autres  efpèces ,  &  ne  fe 
confondent  pas  avec  elles  ;  afin  d'é- 
viter les  étiquettes  qu'un  coup  de 
vent  dérange  fouvent.  Plufieurs  des 
petits  quarreaux  loin  peints  en  jaune  j 
blancs,  violets,  rouge,  (Sec,  en  un 
mot  d'une  couleur  correfpondante  à 
celle  de  la  fleur  dont  il  renferme  la 
griffe  &c  l'oignon  ;  alors  il  n'y  a 
plus  de  méprife,  &  lors  de  la  plan- 
tation ,  l'amateur  efl  à  même  de  dif- 
pofer  à  fon  gré  de  l'effet  que  chaque 
couleur  de  la  fleur  doit  produire  dans 
fon  jardin.  Les  oignons ,  le-  griffes, 
êic.  peuvent  eiicoie  être  clafTés  dans 
ces  quarreaux  ,  fuivant  leur  nomen- 
clature. La  première  méthdde  cft  à 
préférer,  parce  qu'elle  parle  plus  di- 
rectement aux  yeux. 

Le  même  ordre  d'arrangement,  la 
même  diftribution  de  café  peut-avoir 
lieu  pour  les  graines.  Quant  à  moi  , 
je  préféreroisl'ufage  des  calebaffes  ou 
courges  de  pèlerins.  Lorfqu'elles  font 


J  A  R  55 

encore  fur  la  plante,  on  grave  dans 
la  peau  extérieure  les  noms  de  chaque 
efpèce,  ou  bien  on  applique  par-def- 
fus  ôc  on  colle  un  papier  où  chaque 
lettre  du  nom  efl  découpée,  ou  bien 
encore  on  colle  chaque  lettre  féparé- 
ment,  &  le  foleil  les  fait  reparoître 
par  le  changement  de  couleur.  Lorfque 
la  caleballe  eft  mûre,  ces  caratftères 
font  ineffaçables,  &  elle  fervira  pen- 
dant plus  de  quinze  à  vingt  ans.  Les 
gtaines  s'y  confervent  mieux  que  dans 
des  facs  de  toile  ou  de  papier,  Lhie 
ficelle  palfée  &  nouée  à  leur  col ,  fert 
a  les  arracher  à  un  clou,  ou  contre 
les  tablettes ,  ou  contre  un   mur. 

Le  jardin  du  fleurifte  exige  un 
amphithéâtre  ou  des  gradins ,  afin 
d'y  placer  des  vafes ,  foit  pour  offrir 
le  plus  beau  de  tous  les  coups  d'a?ils, 
foir  pour  conferver  plus  long-temps 
la  durée  d'une  fleur.  Ces  amphi- 
théâtres font  recouverts  par  un  toit, 
ou  avec  des  toiles,  afin  de  garantir 
les  fleurs  de  l'adf  ivité  du  foleil  ou  des 
pluies  qui  les  font  paffer  brufque- 
inent,  &  ne  donne  pas  à  l'amateur 
le  temps  de  jouir  du  fruit  de  fes 
travaux. 

il  eft  effentiel  que  la  hauteur  des 
gradins  foit  proportionnée  à  celle  des 
vafes  qu'il  doit  fupporterj  fans  cette 
précaution  ,  le  petit  pot  à  oreilles 
d'ours,  à  prime- vère,  &.C.,  figureroit 
très  mal  fur  un  gradin  dtftiné  à  des 
pots  d'œilletSj  de  reine-marguerite, 
d'amaranthes  ,  &cc.  ;  il  faut  que  le 
bois  ne  paroiffe  point  à  la  vue  ,  Se 
qu'il  n'y  ait  prefqu'aucune  partie  du 
vafe  qui  foit  vifible,  C\  ce  n'eft  dans 
le  premier  rang;  alors  la  verdure  & 
les  fleurs  font  dans  une  progreilion  af- 
cendanre  &  continuelle,  d'oii  dé- 
pend la  beauté  du  coup  d'œil.  Elle 
u'exifte  plus  ,  cette  beauté,  fi  une 


H  J  A  R 

fleur  eft  cachée  par  une  autre,  ou  (i 
l'œil  la  confond  avec  elle.  La  co- 
quetterie eft  ici  nécelFaire  ,  chaque 
finit  doit  être  vue  fcparcment.  C'efl: 
dans  l'arrangement  d'un  amphithéâtre 
qu'on  cennoît  le  goût  de  l'amateur; 
alîorrir  les  nuances  &  les  couleurs, 
les  faire  relfortir  les  unes  par  les  au- 
tres, &  les  marier  fi  bien,  que  cha- 
que fleur  j  conhdcrée  féparcment , 
paroi ife  parfaite  :  c'eft  en  quoi  l'art 
condfte. 

On  cultive  rarement  les  tulipes,  les 
jacynthes ,  les  renoncales ,  les  ané- 
mones dans  des  vafes;  on  les  met  en 
pleine  terre ,  où  prefque  toujours  elles 
réulliirent  mieux.  Le  gros  foleil  & 
la  pluie  font  les  ennemis  des  fleurs, 
&  ,  pour  leur  alfurer  une  certaine 
durée ,  on  les  couvre  avec  des  toiles 
foutenues  par  des  piquets.  En  gé- 
néral ces*  piquets  font  toujours  trop 
bas,  la  plante  refpire  difficilement, 
Se  on  jouit  mal  du  coup  d'œil  ; 
il  vaut  beaucoup  mieux  avoir  de 
grandes  tentes  de  toiles,  portées  fur 
des  chaflîs  allez  élevés  pour  qu'on 
puilfe  librement  fe  promener  par  def- 
fous ,  &  voir  fes  fleurs  à  chaque 
inftant  du  jour.  Lorfque  le  foleil  eft 
couché,  on  retire  ces  toiles  fur  les 
côtés,  &  les  plantes  jouillent  de  la 
fraîcheur  de  la  nuit;  jamais  les  fleurs 
ne  paroilfent  plus  belles,  plus  bril- 
lantes que  lorfque  le  grand  jour  eft 
modéré  par  ces  toiles;  elles  font  aux 
fleurs  ce  que  les  cadres  font  aux 
tableaux. 

Section      II. 

Enumération    des    plantes    à  fleurs 
agréables  ou   odorantes. 

I.  Des  plantes  à  oignons.  Les 
arnatillis ,  <Jc  par  préférence   les  lys 


J  A  R 

de  S.  Jacques ,  &celui  de  Guernefer... 
le  pancratium  maritime  ou  narcifle 
de  mer...  le  perce  neige...  les  ja- 
cynthes... les  tulipes...  les  jonquilles  .. 
les  natciifes...  les  colchiques...  \x 
fiitillaire...  la  couronne  impériale... 
le  lys  blanc...  le  lys  martagon...  le 
muguet  ou  lys  des  vallées...  la  tu- 
béreufe. 

I I.  Des  plantes  à  tubercules.  L'el- 
lébore à  grande  fleur  blanche...  les 
anémones...  les  renoncules...  les  Iris, 
&  particulièrement  celui  de  Suze  & 
celui  de  Perfe...  l'ixia  de  Chine... 
la  pivoine  mâle  &  femelle. 

III.  Dis  plantes  annuelles  à  ra- 
cines fibreujes.  La  reine  marguerite... 
les  amaranthes,  &  fur-tout  la  crête 
de  coq  &  le  tricolor...  l'œillet  d'Inde... 
l'œiller  d'Inde  palfe  velour...  la  belle 
de  nuit...  la  balzamine...  l'anonis  ou 
goutte  de  fang...  le  réféda...  le  ba- 
filic...  la  giroflée  ou  violier  quaran- 
tain...  les  grands  pavots...  les  coque- 
licots... la  penfée...  le  thalafpi.  .  le 
pois  odorant  ou  mufqué...  les  bluets 
ou  centaurées  à  fleur  jaune,  blaache 
ou  violette  ..  le  feneçon  du  Canada... 
les  pieds  d'alouette...  l'immottelle 
violette...  le  xeranthemum  ou  immor- 
telle rayonnée. 

l  V.  Des  plantes  vivaces  à  racines 
fibreufes.  Les  prime-vères...  l'hépa- 
tique... les  oricules  ou  oreilles  d'ours... 
les  giroflées...  les  violiets  jaunes... 
les  juliennes...  les  œillets...  l'œillet 
de  Perfe...  les  juliennes...  i'ancolie  on 
gantelée...  les  grandes  mauves  tté- 
miaces ,  celle  de  Chine...  la  mauve 
en  arbre...  la  piramidale..^  la  violette. . 
la  coque  louide  ou  lychnis,.,  la  croix 
de  Jérufalem  ou  de  malthe...  la  fca- 
bieufe...  le  fouci...  la  camomille  à 
fleur  double...  le  petir  toarnefol  à 
Heur  double...  le  monatda. 


J  A  R 

V.  Desarhujîcs  odoransou  à  joues 
fiturs.  Le  tarafplc...  la  pervenche  du 
Cap...  l'héliotrope  du  Pérou...  le  lilas 
de  Perfe...  la  rofe  ^ueldres...  les  ro- 
(1ers  de  toutes  efpèces  ..  les  jafmins 
d'Efpagne ,  d'Arabie ,  des  açores  & 
le  jafmin  jaune  très -odorant..  le 
laurier  thym...  le  pécher...  l'amandier 
nain  &■  à  fleurs  doubles...  le  myrrhe... 
la  bruyère  du  Cap...  le  genêt  à  fleurs 
doubles...  le  fpirea  à  feuilles  d'obier 
&:  de  faule...  le  feringa  à  fleur  double... 
le  leonurus  ou  queue  de  lion  d'A- 
frique... le  thym...  le  ferpolet...  la 
lavande...  la  marjolaine...  le  marum... 
le  géranium  ou  bec  de  grue...  l'im- 
mortelle  jaune. 

Je  fais  qu'on  peut  ajouter  beau- 
coup à  ce  catalogue ,  mais  le  grand 
fleurimane  le  trouvera  à  coup  sûr  trop 
nombreux;  il  fe  contente  de  cultiver 
les  prime -vères,  les  auricules  ,  les 
œillets,  les  tulippes,  les  renoncules, 
les  anémones ,  &  enfuite  quelques 
plantes  de  fantailîe. 

Section      III. 

Du   temps  de  fcmcr. 

Si  on  n'eft  pas  riche  en  fleurs  de 
diftincStion, il  faut  abfolument  prendre 
le  parti  de  femer ,  à  moins  qu'on  ne 
foit  dans  le  cas  de  fatisfaire  fes  fan- 
taifies  à  prix  d'argent.  On  jouit  plu- 
tôt, il  eft  vrai  ,  mais  cette  jouif- 
fance  eft  moins  précieufe ,  moim 
flateufe  que  celle  d'avoir  obtenu  par 
fes  foins ,  ou  une  efpcce  nouvelle  , 
ou  une  efpcce  perfedrionnée.  Les 
Flamands  &  les  Hollandois  font  un 
commerce  de  graines  qu'ils  vendent 
allez  chèrement  ,  c'eft  à  eux  qu'il 
faut  s'adrefTer,  &  ils  font  en  général 
de  très-bonne  foi  :  c'eft  d'eux  fur- 
tout  qu'il   faut  tirer  la  graine  des 


J  A  R 


Î5 


prime- véres  5:  des  oreilles  d'ours. 
Les  femis  de  c^^  deux  plantes  ni 
leur  culture  ne  rcufllront  jamais  bien 
dans  nos  provinces  du  midi;  on  en 
fème  la  graine  anflltôt  qu'elle  eft 
bien  mûre,  dans  des  terrines  remplies 
de  terreau  confommé  ,  ou  avec  de  la 
terre  noire  que  l'on  retire  du  dedans 
du  tronc  des  vieux  arbres;  on  peut 
attendre  à  la  femer  à  la  lin  de  l'hiver  ; 
il  en  eft  ainfi  de  celle  des  oreilles 
d'ours ,  des  tulipes  ,  des  jacinthes  , 
des  œillets.  Quelques  amateurs  at- 
tendent le  mois  de  feptembrepour  les 
fcmis  des  graines  à  oignon  ,  fans 
doute  diins  la  crainte  des  eftlts  de  la 
chaleur  de  l'été  :  en  plaçant  les  ter- 
rines au  nord  ,  on  parera  à  cet  in- 
convénient, &  la  jeune  plante  aura 
pris  de  la  conflftance  avant  l'hiver. 
Chacun  ,  fur  cet  objet ,  doit  confulter 
le  climat  qu'il  habite  &  l'expérience; 
il  me  paroît  cependant  qu'on  ne 
rifque  jamais  rien  d'imiter  la  nature  , 
qui  confie  à  la  terre  le  foin  des 
graines  dès  qu'elles  font  mûres.  Lorf- 
que  la  plante  eft  annuelle  ,  lorfque 
les  gelées  la  font  périr,  à  coup  sûr 
elle  ne  lèvera  p.as  avant  l'hiver  ;  fi 
elles  font  vivaces,  &  fi  elles  bravent  le 
froid,  elles  germeront  &  véî^éteront 
dès  que  l'air  ambiant  fera  au  degré 
de  chaleur  qui  leur  convient.  (  f^'ove:^ 
les  belles  expériences  de  M.  Du- 
hamel, décrites  au  mot  Amandier, 
page  45  S.  )  Voilà  les  loix  invariables 
qui  doivent  guider  les  fleuriftes. 

Le  femis  des  anémones ,  des  re- 
noncules fe  fait  aux  mêmes  époques. 

Les  femis  n'ont  encore  rien  ajouté 
aux  jonquilles  ,  aux  narcilTes  ,  ni  à 
la  rubéreufe,  on  a  obtenu  des  fleurs 
doubles,  rien  de  plus.  11  n'en  eft  pas 
ainfi  des  tulipes,  les  elpèces  fe  font 
fingulièrement  multipliées  ;  la  tulipe 


5<J  J  A  R 

à  "fleur  double  eft  rejecce  p.ir  les 
amateurs,  mais  elle  figure  bien  dans 
les  bordures  d'un  grand  jardin. 

Si  on  a  des  ferres  chaudes  ,  des 
chafîîs ,  des  couches  ,  vies  cloches  , 
des  paillallons ,  &c. ,  rien  de  plus  aifé 
alors  que  d'accélérer  l'époque  des 
femis  des  fleurs  ordinaires  ,  autre- 
menc  il  f.mz  fe  réfoudre  à  attendre 
la  hn  de  l'hiver,  le  mois  d'avril  pour 
les  provinces  du  nord  ,  de  février 
pour  celles  du  midi,  «Se  de  mars  pour 
celles  du  centre  du  royaume.  Cette 
loi  générale  fouffre  peu  d'exceptions; 
il  vaut  beaucoup  mieux  préparer  des 
couches  &c  femer  par-delfus  quand 
elles  auront  jeté  leur  premier  feu, 
que  de  femer  en  pleine  terre;  mais 
on  doit  appréhender  que  la  chaleur 
n'attire  les  courtillières  ou  taupes- 
grillons ,  (  Voyei  ce  mot  )  &  ces  in- 
fedres  malfaifans  détruiront  toutes 
les  plantc?s,  fi  on  ne  fe  hâte  de  les 
fuffoquer  avec  l'huile ,  ainfi  qu'il  fera 
dit  dans  cet  atticle.  Pour  prévenir 
cet  inconvénient,  on  garnira  le  fond 
de  la  couche  avec  des  planches  bien 
jointes  &  à  languettes ,  ainfi  que  le 
tour,  jufqu'à  la  hauteur  de  cinq  à 
fix  pouces;  fi  on  n'a  pas  les  bois  né- 
ceflaites,  on  peut  employer  de  larges 
quarreaux. 

Si  on  eft  privé  de  ces  fecours , 
on  fera  réduit  à  femer  en  pleine 
terre,  au  pied  de  quelque  bon  abri, 
&  on  attendra  que  la  ch:ileur  foit 
bien  établie  dans  l'atmofphère.  Les 
gelées  tardives  font  'la  ruine  totale 
des  femis  précipités;  les  pavots,  les 
coquelicots,  les  pieds  d'alouette  de- 
mandent À  être  femcs  en  odobre , 
ils  ne  font  pas  fi  beaux  étant  femés 
en  mars  ou  çn  avril.  Si  on  veut  en- 
core une  règle  bien  sûre  qui  fixe  l'é- 
poque à  laquelle  chaque  graine  doit 


J  A  R 

être  femée,  que  l'on  confidère  celle 
à  laquelle  chaque  graine  tombée  dans 
le  jardm  germe  &  lève;  imitons  la 
nature,  elle  ne  nous  trompe  jamais. 


E    c    T    f  G    N 


I  V. 


Du  temps  de  planter  les  oignons ,  les 
renoncules  ,   les  anémones. 

I.  Des  Oignons.  On  a,  dans  chaque 
pays  ,  une  régie  sûre  qui  fixe  l'é- 
poque à  laquelle  ils  doivent  être 
plantés  ,  de  quelque  efpèce  qu'ils 
foient ,  c'eft  lorfque ,  au  centre  de 
l'oignon  ,  on  commence  à  voir  pa- 
roître  fon  dard  ou  poulie  ;  fi  on 
retarde  plus  long-temps  ,  l'oignon 
fouffre  :  il  vaut  mieux  devancer 
l'époque  que  de  la  retarder  ;  quel- 
ques exceptions  ne  décruifent  pas 
cette  loi  générale.  L'époque  de  cette 
germination  n'eft  pas  la  même  par- 
tout ;  elle  varie  fuivant  la  chaleur 
des  climats.  Pour  les  provinces  du 
nord  ,  le  mois  d'oélobre  eft  le 
temps  où  l'on  plante  les  oignons  de 
jacinthe,  de  tulipes  ,  &  en  général 
de  toutes  les  efpèces  d'oignons  qu'on 
lève  de  terre  en  été  après  que  les 
feuilles  font  lèches  ;  quant  à  ceux 
qu'on  lailfe  en  terre  pendant  pki- 
lieurs  années  de  fuite,  ils  demandent 
d'être  replantés  à  la  même  époque  ; 
cependant,  dans  le  nord  du  royaume 
on  peut ,  cà  la  rigueur  ,  planter  les 
oignons  jufqu'en  février.  Il  n'en  eft 
pas  ainfi  dans  les  provinces  du  midi; 
l'oignon  s'épuife  à  poufier  fes  feuilles 
fi  on  ne  le  plante  à  la  fin  de  fep- 
tembre  ou  au  commencement  d'oc- 
tobre ;  cette  époque  paffée ,  la  fleur 
qu'il  donne  ef1:  chétive  ,  parce  que 
fa  végétation  ,  lors  du  développement 
de  la  tige,  eft  trop  précipitée  par  les 
chaleurs, 

II. 


J  A  R 

1 1.  Des  anémones  &  des  renoncules. 
Je  ne  fliis  pourquoi ,  aux  environs 
de  Paris ,  on  donne  la  préférence 
aux  renoncules  fémi-doubies  fur  les 
renoncules  complectement  doubles  j 
chacun  a  fi  manière  de  voir,  je 
préfère  les  dernières.  Dans  le  nord , 
on  plante  les  griffes  à  la  fin  de  fé- 
vrier, lorfque  l'on  ne  craint  plus  les 
fortes  gelées.  Dans  les  provinces  du 
midi,  il  faut  abfolument  les  planter 
en  o6tobre  ou  au  commencement  de 
novembre,  les  garantir  pendant  l'hi- 
ver de  la  neige,  (  s'il  en  furvient  ) 
au  moyen  des  paillaffons  ou  avec  de 
la  paille  longue.  Si  on  plante  plus 
tard,  on  court  les  rifques  de  perdre 
beaucoup  de  griffes ,  &  à  coup  sûr 
on  n'aura  que  de  chctives  fleurs.  Les 
anémones  fe  plantent  comme  les  re- 
noncules. 

■  Ces  généralités  fur  le  temps  de 
femer  &  de  planter  j  doivent  fufïire 
pour  le  moment,  parce  qu'à  chaque 
article  en  particulier  font  indiqués  la 
manière  &  le  temps  convenable  aux 
différentes  plantes. 

Il  feroit  fuperflu  de  tracer  ici  le 
plan  du  jardin  d'un  fleurifle  \  tout 
planfuppofe  la  connoifflincedu  local, 
de  ce  qui  l'accompagne ,  de  fa  po- 
fition,  de  fes  points  de  vue,  &:c. ,  & 
ces  plans  feroient  trop  généraux  , 
&  pourroient  ne  convenir  à  aucune 
lituation  particulière.  Les  gens  très- 
riches  font  les  feuls  qui  attachent 
une  certaine  irnportance  à  cette  ef- 
pèce  de  jardin.  Le  fîeurimane  ne 
voit  que  Beur  ,  ne  parle  que  fleur , 
le  refte  lui  eft  indifférent;  la  divifion 
de  fon  jardin  confifle  dans  des  quar- 
reaux  placés  à  côté  les  uns  des  autres, 
communément  bordés  par  des  bri- 
ques de  champ,  &:  non  par  des  buis 
ou  telles  autres  plantes  dont  les  ra- 
Tome  FI, 


J  A  R 


57 


cines  affameroient  les  plantes  voifines , 
&  qui  ferviroient  de  retraite  à  une 
multitude  d'infeftes  deftrudeurs.  La 
devife  de  fon  jardin  eft  :  Argus  cfio  , 
fed  non  Briareus  ;  ou  bien  ;  foyez  tous 
yeux.  Se  n'ayez  point  de  mains.  En 
effet,  les  fleurs  font  plus  précieufes 
pour  lui  que  k  richelTe.  Chacun  a 
fa  jouilLance  &  fa  marotte. 

CHAPITRE     V. 

Des    jardins     de    propreté    ou     de 
plaifance. 

C'eft   ici  où  le  luxe  s'unit   à   \x 
belle  nature,  où  les  arts  s'emprelfent 
d'étaler  leurs  plus  riches  produâiions; 
où  la  main  habile  du  jardinier  donne 
des  formes  fymétriques  à  fes  arbres,  ..♦ 
&c   en  tient   captives   les   branches , 
en  un  mot,  où  tout  elt  décoré, paré, 
embelli  &  fait  tableau. 
L'ennui  naquit  un  jour  de   l'uniformité. 
Ce    vers    devroit    fervir    d'épi- 
graphe^ nos  jardins.  En  effet ,  une 
fymétrie  monotone  y  régne  de  toute 
part  \   toujours  des    ligues   droites  , 
des  allées  à  perte  de  vue ,   des  bof- 
quets  maniérés ,  le  feuillage  des  arbres 
fournis  aux  cifeaux,  en  tout  <?c  par- 
tout  la  nature  contrariée  &  forcée. 
Nous  ne  la  voyons  dans  nos  jardins 
que  comme  une  vielle  coquette  qui 
doit  fon  faux  éclat  aux  frais  immenfes 
d'une    toilette    rahnée.    Le    premier 
coup  d.'œil  frappe  ,  le  fécond  efl  plus 
tranquille  ,    au    troifième    l'illufion 
ceffe,  l'art  paroît ,  &  le  preftige  s'é- 
vanouit. Cela  efl  fi  vrai ,  qu'on  s'en- 
nuye  bientôt  des  jardins  artiflement 
fymétrifés ,  leurs  propriétaires   pré- 
fèrent la   promenade  des   champs  à 
celle  de  leurs  parcs,  ils  y  découvrent 
une  agréable  fimplicité,  une  variété 

H 


58  J  A  R 

charmante ,  un  beau  défordre ,  des 
beautés  toujours  nouvelles  ,  enfin  la 
nature  qu'ils  ont  exilée  de  leurs 
poirtllions.  ' 

Cependant  5  comme  ces  jardins  fy- 
mt'triques  ont  encore  leurs  partifans, 
il  eft  nécellaire  de  tracer  fommaire- 
ment  les  préceptes  généraux  ce  leur 
compofirioiî ,  tels  qu'ils  ont  été  don- 
nés  par  Lcbloni ,  élève  de   Lenotre. 

Tout  le  monde  fe  croit  en  état  de 
tracer  le  plan  d'un  jardin  ,  &:  il  n'eft 
pas  un  feul  architeéte  qui  ne  fe  re- 
garde comme  un  grand  homme  en 
ce  genre  \  cependant  j'ofe  dire  qu'il 
faut  un  génie  particulier ,  &:  que 
cet  art  eft  un  des  plus  difEciles  , 
parce  qu'il  ne  porte  fur  aucune  bafe 
fixe.  Le  plan  total  doit  dépendre  du 
■*>jflte,  des  points  de  vue,  de  la  po- 
fition  des  eaux,  de  la  nature  du  fol, 
du  climat ,  relativement  aux  arbres , 
enfin  de  mille  &  mille  circonftances. 
Tracer  des  quarrés,  des  ronds,  des 
pattes  d'oyes ,  des  allées ,  des  contre- 
allées  ,  des  bofquets ,  des  boulingrins , 
des  portiques  j  indiquer  la  place  des 
jets  d'eau,  descafcades,  des  ftatues, 
des  vafes  ,  des  treillages  ,  &c. ,  c'eft 
moins  que  rien  \  mais  faire  concourir 
chaque  objet  ifolé  avec  l'enfemble 
général  ,  c'eft  le  maximum  de  l'art 
auquel  peu  de  perfonnes  parviennent, 
parce  qu'il  n'eft  pas  dans  la  nature. 
Avant  Lcnotrc ,cti  art  étoit  inconnu; 
il  l'a  créé  dans  le  fiècle  dernier.  On 
ne  fe  doutoit  pas  en  France  de  la 
diftribution  &  du  luxe  d'un  jardin  ; 
cet  homme  célèbre  a  eu  un  grand 
nombre  de  copiftes ,  d'imitateurs,  & 
pas  un  égal  \  il  afîujettit  tout  au 
compas,  à  la  ligne  droite  &  à  la 
froide  fymétrie  du  cordeau.  Les  eaux 
furent  emprifonnées  par  des  murs  , 
la  vue  boince  par  des  malîifs,  &c.. 


J  A  R 

enfin  on  appela  grand,  majeftueux, 
fublime,  ce  qui  dans  le  fond  n'étoit 
que  beautés  fadices,  difficultés  vain- 
cues, &   monotone  fymétrie. 

Section     première. 

Obfervatïons  préliminaires   avant  de 
former  un  jardin. 

Le  local  de  l'habitation  décide 
communément  de  celui  du  parc;  on 
tient  à  ce  qui  exifte ,  on  veut  le  lailTer 
exifter,  &  fouvent,  pour  conferver 
un  bâtiment  déjà  fait,  on  multiplie 
les  dépenfes  au  double  de  ce  qu'il 
en  auroit  coûté  fi  on  avoit  tout  abattu. 

Avant  de  fongei  au  plan  d'un  jar- 
din ,  il  faut  examiner  fi  l'emplace- 
ment qu'on  lui  deftine  eft  à  une 
expofition  faine,  bien  aérée;  fi  le 
fol  eft  bon  &  fertile  ,  fi  l'eau  eft 
abondante  &  heureufement  placée 
pour  la  diftribution  générale;  s'il  eft 
poOible  de  fe  procurer  une  vue 
agréable,  de  jolis  payfages,  l'afpeét 
d'une  ville  ou  de  plufieurs  villages, 
enfin  fi  on  peuts'y  rendre  facilement; 
fi  une  de  ces  conditions  manque , 
il  faut  renoncer  à  l'enrreprife. 

Les  plans  en"  plaine  "font  plus 
faciles  à  delfiner  que  ceux  placés  fur 
des  coteaux  ,  mais  ils  font  privés 
d'un  des  plus  beaux  ornemens,  celui 
qui  embellit  tous  les  autres,  de  la 
vue.  De  grandes  &  belles  prome- 
nades de  plein  pied ,  &  tout  le  luxe 
&  la  magnificence  polfibles  ,  ne  ra- 
chètent jamais  cette  privation.  L'air 
eft  Toujours  plus  pur  fur  les  coteaux 
fitués  du  levant  au  midi,  la  pofition 
en  eft  riante,  &  tous  les  objets  fe 
deflinent  à  la  vue;  au  lieu  que  dans 
la  plaine  l'œil  ne  s'étend  pas  au- 
delà  des  allées  &  des  paliftades,  en 


J  A  R 

nu  mot,  on  eft  comme  enfevelî  dans 
fes  ph.itations  \  la  chaleur  y  eft  plus 
étoLiftante  ,   &:   le  ferein  dangereux. 
On   veur  conftruire  un  parc  ,  on 
fait  venir  un  oidonateur  de  jardins, 
ou  un  arclnte<2:e.  Il  examine  le  local, 
fair  arpenter,  lève  le  plan,  retourne 
chez  lui  &  defTîne.  Ce  n'eft  pas  ainfi 
qu'on  doir  fe  '.âter;  les  petites  mé- 
prifes  tirent  dansla  fuite  à  de  grandes 
conféqueuLes  :  je  dcfiierois  que  l'or- 
donatetir  p.illa  huit  jours  de  fuite  fur 
les  lieux  dans  chaque  laifon  de  l'année, 
afin  qu'il  eût  le  temps  de  connoître 
Je  local  fous  tous  fes  afpeds,  d'exami- 
ner ,   de  remanier    de  nouveau  fon 
delTein  général,  &  d'établir  une  con- 
cordance exa(5te  entre  chaque  partie, 
je  ne  dis  pas  fymétrique^  mais  une 
concordance  de  goût ,   une    concor- 
dan.e  d'enfemble.   Le  plan  général 
une  fois  drefTé  ,  je  le  communique- 
rois  à  des  connoijfeurs  ,  non  pas  à  la 
foule    de    ce    qu'on   nomme    ama- 
teurs; j'irois  avec  eux  fur  les  lieux, 
le  plan  à   la  main ,   j'en  ferois  Une 
efpèce  d'application  au  local,   avec 
le  fecours  d'un  nombre  proportionné 
de  jalons;  j'écoutetois  leurs  critiques, 
faifirois  leurs  idées ,  &  j'en  confer- 
verois  une  note  fidèle.  Un  fécond  & 
un  troifième  examen ,  fait  par  d'autres 
connoifleurs,  ferviroient  de  contrôle 
au    premier   plan   &   aux    vues    des 
féconds,  il  eft  clair  que  fur  un  grand 
nombre  d'objets  de  détails,  il  y  aura 
des  contradictions  fans  nombre ,  mais 
il  eft  clair  aulli  que  ce  qui  fera  réel- 
lement beau  ,  naturel    êc  bien  vu  , 
fera  généralement  adopté.  Malgré  ces 
examens  Se   ces  vifites  réitérées ,  je 
laifterai  encore  mûrir  ce  plan  entre 
les  mains  du  premier  archireéte,  & 
je  lui  communiquerai  fuccellîvement 
les  corrections  indiquées,  non  fous 


J  A  R 


59 


le  titre  de  correétions  ,  crainte  d« 
bleffer  fon  amour  -  propre  ,  mais 
comme  des  doutes  ,  des  vues  ,  des 
probabilités  qu'on  foumct  à  fon  exa- 
men ,  avec  prière  d'y  réfléchir.  Quant 
aux  objets  qui  auront  été  générale- 
ment critiqués,  ils  font,  à  coup  sûr, 
mauvais,  &  doivent  être  fupprimés 
6i  fuppléés  par  d'autres  de  meilleur 
goût.  C'cft  un  point  fur  lequel  le 
propriétaire  doit  infifter. 

Le  plan  une  fois  arrêté  ,  il  doit 
demander  un  devis  eftimatif  des  dc- 
peiifes  J  foit  pour  la  fouille  Se  le 
tranfport  des  terres  ,  foit  pour  les 
bâtimens  ,  les  morceaux  d'architec- 
ture ,  l'achat  des  arbres ,  des  arbiiftes ,. 
leurs  plantaMons,&c.  &c.  Je  fuppofe 
que  la  dépenfe  totale  foit  poriée  , 
par  exemple  ,  à  trente  mille  livres , 
le  propriétaire  dqjt  s'attendre  qu'elle 
fera  doublée  avant  que  tout  foit 
fini  ,  &  peut-être  encore  excédera- 
t-elle  le  double.  C'eft  à  lui  actuelle- 
ment à  calculer  s'il  peut  faire  cette 
dépenfe  fans  fe  déranger  ,  fans  fe 
gêner ,  fans  nuire  à  fon  bien-être  ; 
autrement  c'eft  un  fou  ,  &  un  fou  à 
lier,  s'il  a  des  enfans.  Si  ce  pro- 
priétaire ne  veut  pas  être  trompé 
dans  fon  attente  ,  il  doit  demander 
à  l'ordonnateur  un  devis  eftimatif  de 
chaqiie  objet  en  particulier ,  &  dans 
lequel  feront  ftipulés  l'épaiiïeur  &:  la 
hauteur  des  murs,  les  déblais  «Se  les 
remblais  des  terres ,  les  plantations, 
&c.  ôcc.  &c.  Tous  ces  points  bien 
circonftanciés,  il  donnera  le  prix  fait 
de  l'exécution  à  l'ordonateur,  &  il 
veillera  de  très-près  à  ce  que  toutes 
les  conditions  du  traité  foient  ftric- 
tement  remplies  dans  la  pratique. 
C'eft  le  feul  moyen  de  ne  pas  excéder 
la  dépenfe  qu'on  s'crt  propofé  de 
faire. 

H  * 


éo  J  A  R 

Section      II. 
Des  difpojitïons  générales  d'un  jardin. 

Le  célèbre  Lchlond ,  dans  fon  ou- 
vrage intitulé  Théorie  &  pratique  des 
jardins ,  va  nous  fervir  de  guide. 

11  vaut  mieux  fe  contenter  d'une 
étendue  raifonnable  bien  cultivée  , 
que  d'ambitionner  ces  parcs  d'une 
fi  grande  étendue  ,  dont  les  trois 
quarts  font  ordinairement  négligés. 
La  vraie  grandeur  d'un  beau  jardm  ne 
doit  guères  palfer  trente  à  quarante 
arpens.  (  Vcyey^^  ce  mot)  Le  bâtiment 
doit  être  proportionné  à  l'étendue 
du  jardin,  &  i!  eft  aufli.  peu  conve- 
nable de  voir  un  magnifique  bâti- 
ment dans  un  petit  jardin  ,  qu'une 
petite  maifcn  dans  un  jardin  d'une 
vafte  étendue. 

L'art  de  bien  difpofer  un  jardin 
a  pour  bafe  quatre  maximes  fonda- 
mentales. La  première,  de  faire  céder 
l'att  A  la  nature;  la  féconde,  de-  ne 
point  trop  oflufquer  un  jardin  \  la 
troifième  ,  de  ne  point  trop  le  dé- 
couvrir; &  la  quatrième,  de  le  faire 
paroître  toujouis  plus  grand  qu'il  ne 
î'efl:  cfïcét'vement.  Tout  homme  de 
bon  feus  voit,  du  premier  coup  d'œil, 
les  réfultats  de  ces  quatre  maximes; 
leurs  commentaires  deviendroient 
inutiles  &  mèneroient  trop  loin. 

La  proportion  générale  des  jardins, 
eft  dètre  un  tiers  plus  loogs  que 
larges ,  Se  même  de  la  moitié  ,  afin 
que  les  pièces  en  deviennent  plus 
gracieufes  à  la  vue;  une  fois  ou  deux 
plus  long  que  large  ,  le  jardin  eft 
manqué. 

Voici,  à  peu  près,  les  autres  régies 
l^énérales.  Il  faut  toujours  defcendre 
d'un  bâtiment  dans  un  jardin  par  un 


J  A  R 

perron  de  trois  marches  au  moins  , 
cela  rend  le  bâtiment  plus  fec,  plus 
fain ,  &  on  découvre  .de  defliis  ce 
perron  toute  la  vue  générale,  ou  une 
bonne  partie. 

Un  parterre  eft  la  première  chofe 
qui  doit  fe  préfenter  à  la  vue  ;  il 
occupera  les  places  les  plus  proches  du 
bâtiment  ,  foit  en  face  ou  fur  les 
côtés ,  tant  parce  qu'il  met  le  bâ- 
timent à  découvert ,  que  par  rapport 
à  fa  richeffe  &  fa  beauté,  qui  font 
fans  ceiïe  fous  les  yeux  ,  &  qu'on 
découvre  de  toutes  les  fenêtres  de  la 
maifon.  On  doit  accompagner  l«;s 
côtés  d'un  parterre  de  morceaux  qui 
le  fartent  valoir,  comme  c'eft  une 
pièce  platte,  il  demande  du  relief; 
tels  font  les  bofquets,  les  paliffades, 
placés  fuivant  la  fituation  du  lieu. 
L'on  remarquera  ,  avant  de  les 
planter,  Ç\  on  jouit  d'une  belle  vue 
de  ce  côté-là  ,  alors  on  doit  tenir 
ct%  côtés  tous  découverts ,  en  y  pra- 
tiquant des  boulingrins  &  autres 
pièces  plattes,  afin  de  profiter  de  la 
belle  vue.  Il  faut  fur-tout  éviter  de 
la  boucher  par  des  bofquets,  à  moins 
que  ce  ne  foit  des  quinconces,  des 
bofquets  découverts  avec  des  palif- 
fades  baffes,  qui  n'empêchent  point 
l'œil  de  fe  promener  entre  les  tiges 
des  arbres,  &  de  découvrir  la  belle 
vue  de  tous  les  côtés. 

Si  au  contraire  il  n'y  a  pomt  d'af- 
peél  riant  ,  il  convient  alors  de  bor- 
der le  parterre  avec  des  palilTades  & 
des  bofquets ,  afin  de  cacher  des  ob- 
jets  défagréftbles. 

Les  bofquets  [^Voye\.  et  mot) 
font  le  capital  des  jardins;  ils  font 
valoir  toures  les  autres  parties ,  &: 
l'on  n'en  peut  jamais  trop  planter, 
pourvu  que  les  places  qu'on  leur  def- 
tine  n'occupent  point  celles  ;des  poir 


J  A  R 

tagers  de  des   fruitiers  ,  qu'on  doit 
toujours  placer  près  des  bâties  cours. 

On  choifir,  pour  accompagner  les 
parterres,  les  deilîns  de  bois  les  plus 
ngréabies  ,  comme  bofquets  décou- 
verts à  comparrimens,  quinconces  , 
fiilles  vertes,  avec  des  boulingrins, 
des  treillages  &  des  fontaines  dans 
le  milieu.  Ces  petits  bofquets  font 
d'autant  plus  prétieux  près  du  bâ- 
timent,  que  l'on  trouve  tout-à-coup 
de  l'ombre  fans  l'aller  chercher  loui , 
ainfi  que  la  fraîcheur,  fi  délicieufe 
en  été. 

Il  feroit  bon  de  planter  quelques 
petits  bofquets  d'arbres  verts  j  ils  fe- 
ront plaifir  dans  l'hiver  ,  &  leur  ver- 
dure contrallera  très-bien  avec  les 
arbres  dépouillés  de  leurs  feuilles. 

On  décore  la  tète  d'un  parterre 
avec  des  baffins  ou  pièces  d'eau ,  & 
au-delà  ,  une  palilfade  en  forme 
circulaire  ,  percée  en  patte  d'oie  , 
tjui  conduit  dans  de  grandes  allées. 
L'on  remplit  l'efpaoe  ,  depuis  le 
balîin  jufqu'à  la  palilfade ,  avec  des 
pièces  de  broderies  ou  de  gazon  , 
ornées  de  califes  &  de  pots  de 
fleurs. 

Dans  les  jardins  en  teiralfe  ,  foit 
de  prohl  ou  en  face  d'un  bâtiment 
où  l'on  a  une  belle  vue,  comme  on  ne 
peut  pas  boucher  la  tète  d'un  par- 
terre par  une  deini-lune  de  palif- 
fades ,  il  faut  alors,  pour  continuer 
cette  belle  vue  ,  pratiquer  plufieurs 
pièces  de  parterre  tout  de  fuite  , 
foit  de  broderies  ^  de  comparrimens 
à.  l'angloife  ,  ou  par  des  pièces  cou- 
pées ,  qu'on  fépaiera  d'efpace  en  ef- 
pace  par  des  allées  de  travcrfe,  en 
obfervanr  que  les  parterres  de  bro- 
derie foient  toujours  près  du  bàti- 
menr,  comme  étant  les  plus  riches. 
On  fera  la  principale  allée  eu  face 


J  A  R 


6l 


du  bâtiment,  <:<c  une  autre  grande 
de  traveife,  d'équerre  à  fon  aligne- 
ment \  bien  entendu  qu'elles  feront 
doubles  &  très-larges.  Au  bout  de 
ces  allées  on  percera  les  murs  par 
des  grilles  qui  prolongeront  la  vue. 
On  tâchera  de  faire  fervir  les  galles 
&  les  percées  à  plufieurs  allées,  en 
les  difpofant  en  parte  «d'oie  ,  en 
étoile,  &:c. 

S'il  y  avoit  quelqu'enôroit  où  le 
terrein  fût  bas  &  marécageux  ,  & 
qu'on  ne  voulût  pas  faire  la  dépenfe 
de  le  remplir  ,  on  y  prariquera  des 
boulingrins,  des  pièces  d'eau,  & 
même  des  bofquets ,  en  relevant  feu- 
lement les  allées  pour  les  mettre  de 
niveau  avec  celles  qui  en  font  pro- 
ches   &C    qui   y    conduifent. 

Apiès  avoir  difpofc  les  maîtreffes 
allées  &  les  principaux  illigncftiens , 
&c  avoir  placé  les  parterres  &  les 
pièces  qui  accompagnent  fes  cotés 
&  fa  tète  ,  fuivant  ce  qui  convient 
au  terrein  ,  on  pratinuera  dans  le 
haut  &  le  refte  du  jardin  ,  plufieurs 
différens  deilîns  ,  comme  bois  de 
haure  futaie  ,  quinconces  ,  cloîtres, 
gnlerieSj  falles  verres,  cabinet,  la- 
byrinthe ,  boulingiins ,  amphithéâ- 
ties  ornés  de  fontaines,  can.nix , 
figuresj,  &c.  :  routes  ces  pièces  di!- 
tinguent  forr  un  j.vrdin  du  commun, 
de  ne  conrribuent  pas  peu  à  le  ren- 
dre  magnifique. 

On  doit  obferver  en  plaçant  &: 
en  diftribuant  les  différentes  parties 
d'un  jardin,  de  les  oppufer  toujours 
Tune  à  l'autre  :  par  exemple  ,  un 
bois  courre  un  parrerre  ou  un  bou- 
lingrin ,  &  ne  pas  metxre  tous  les 
parterres  d'un  côté,  &;  tous  les  bois 
d'un  autrej  comme  auflî  un  boulin- 
grin contre  un  ba/lîn,  ce  qui  feroit 
viiide  contre  vuide. 


ëi  J  A  R 

U  faucde  la  variéré  non-feulement 

dans  le  dedin  général ,  mais  encore 
dans  chaque  pièce  féparée  ;  fi  deux 
bofquets ,  par  exemple,  font  à  côté 
l'un  de  l'autre  j  quoique  leur  forme 
extérieure  &  leur  grandeur  foient 
égales  ,  il  ne  faut  pas  pour  cela  ré- 
péter le  même  delîln  dans  tous  les 
deux ,  mais  en  varier  le  dedans.  Cette 
variété  doit  s'étendre  jufques  dans 
les  parties  fcparces;  par  exemple, 
fi  un  badin  eft  circulaire,  l'allée  du 
tour  doit  être  odogone.  Il  en  eft 
de  même  d'un  boulingrin  &  des 
pièces  de  gazon  qui  font  au  mi- 
lieu des  bolquets. 

On  ne  doit  répéter  les  mêmes 
piè.es  des  deux  côtés,  que  dans  les 
lieux  découverts  ,  où  l'œil ,  en  les 
comparant  enfemble  ,  peut  juger  de 
leur"  conformité  ,  comme  dans  les 
parterres ,  &:c. 

En  fait  de  deflîns ,. évitez  les  ma- 
nières mefquines ,  donnez  toujours 
dans  le  grand  &  dans  le  beau  ,  en 
ne  faifant  point,  de  petits  cabinets 
de  retour ,  des  allées  fi  étroites ,  qu'à 
peine  de_ux  perfonnes  peuvent  s'y  pro- 
mener de  Iront  :  il  vaut  mieux  n'a- 
voir que  deux  ou  trois  pièces  un  peu 
grandes ,  qu'une  douzaine  de  petites , 
qui  font  de  vrais  colifichets. 

Avant  de  planter  un  jardin  ,  on 
doit  attentivement  confidérer  ce  qu'il 
deviendra.,  vingt  ou  trente  ans  après 
quand  les  arbres  feront  groflis ,  &  les 
paliflades  élevées.  Un  dcllin  paroît 
quelquefois  beau  &  d'une  belle  pro- 
portion dans  le  commencement  que 
le  jardin  eft  planté,  qui  dans  la  fuite 
devient  trop  petit  &:  ridicule. 

Après  toutes  ces  règles  générales , 
il  faut  diftinguer  les  différentes  for- 
res  de  jardins  ;  elles  fe  rédutfent  à 
trois  -y  le  jardin  de  niveau  paifait  , 


J  A  R 

le  jardin  en  pente  douce ,  &  le  jaf- 
din  dont  le  niveau  &  le  terrein  font 
entrecoupés  par  des  chûtes  de  ter- 
raflfe  ,  de  glacis,  de  talus,  de  ram- 
pes, &c. 

Les  jardins  de  niveaux  parfaits 
font  les  plus  beaux,  foit  à  caufe  de 
la  commodité  de  la  promenade , 
foit  par  rapport  aux  longues  allées 
&  enfilades  où  il  n'y  a  point  du 
tout  à  defcendre  ni  à  monter  ;  cela 
les  rend  d'un  entretien  moins  dif- 
pendieux  que  les  autres. 

Les  jardins  en  pente  douce  ne  font 
pas  lî  agréables  &  (i  commodes  :  quoi- 
que leur  pente  foit  imperceptible  , 
elle  ne  lailfe  pas  de  fatiguer  &  de 
lalTer  exttaordinairement  ,  puifque 
Ton  monte  ou  que  l'on  defcend  tou- 
jours. Les  pentes  font  fort  fujettes 
à  êtte  gâtées  par  des  ravines ,  &  font 
d'un  entretien  continuel. 

Les  jardins  en  tetraffes  ont  leur 
mérite  &c  leur  beauté  particulière  , 
en  ce  que  du  haut  d'une  terrafie  , 
vous  découvrez  tout  le  bas  d'un  jar- 
din; &  les  pièces  des  autres  terraf- 
fes ,  qui  forment  autant  de  diffé- 
rens  jardins,  qui  fe  fuccèdent  l'un 
à  l'autre  j  caufent  un  afped  fort 
agréab'e  &  des  fcènes  différentes. 
Ces  jardins  le  difputent  en  beauté 
à  ceux  de  niveau  ^  fi  toutefois  ils 
ne  font  pas  coupés  pat  des  terrafles 
trop  fréquentes  j  &  fi  on  y  trouve 
de  longs  plein-pieds.  Ils  font  fore 
avantageux  pour  les  eaux  qui  fe  ré- 
pètent de  l'une  à  l'autre  \  mais  ils 
font  d'un  grand  entretien  &  d'une 
grande   dépenfe. 

C'eft  d'après  ces  différentes  fitua- 
tions  que  l'on  doit  inventer  la  dif- 
pofition  générale  d'un  jardin ,  &:  la 
diftriburion  de  fes  parties.  Tels  font 
les  préceptes  de  M.  le  Blond.  Si  on 


/ll/u 


J  A  R 

délire  déplus  grands  détails,  il  faut 
coiiiulter  fou  ouvrage  ,  enrichi  d'un 
très-grand  nombre  de  gravures  qui 
repréfencent  des  plans  fuivanc  les  dit- 
férentes  ficuations  ,  les  modèles  des 
parterres  en  tous  genres ,  des  bois  , 
des  bofquets,  des  boulingrins,  des 
paliiïades  ;  des  rampes  ,  des  glacis  , 
des  tapis  de  gazon  ,  des  portiques, 
des  berceaux  ,  des  treillages,  des  ton- 
taines,  des  baffins,  des  jets  d'eau, 
&c.  &c.  Ces  objets  font  étrangers 
à  cet  ouvrage  :  cependant  ,  pour 
avoir  une  idée  précife  de  ces  dé- 
tails ,  il  fuffit  de  confidérer  la  pîan- 
che  I ,  qui  repréfente  un  magnifique 
jardin  en  ce  genre ,  dont  le  fol  ell: 
uni  &  de  niveau. 

Je  ne  crois  pas  pouvoir  mieux  ter- 
miner ce  chapitre  ,  qu'en  rapportant 
les  paroles  de  Michel  de  Montaigne, 
quoique  de  fon  temps  l'art  des  jar- 
dins de  plaifance  fût  pour  ainfi  dire 
inconnu.  «<  Ce  n'eft  pas  raifon  ,  dit 
«  ce  philofophe ,  que  l'art  gaigne 
»  le  point  d'honneut  fur  notre  grande 
n  &  puiffante  mère  nature.  Nous 
»  avons  tant  rechargé  la  beauté  in- 
"  ttinfeque  de  ces  ouvrages  par  nos 
»  innovations,  que  nous  l'avons  du 
J5  tout  étouffée.  Si  eft  ce  que  par- 
«  tout  fa  pureté  reluit  j  elle  fait  mer- 
»  veilleufe  honte  à  nos  vaines  &  fri- 
»  voles  entreprifes  ». 

Je  fuis  bien  éloigné  de  blâmer 
cette  fomptuofité ,  cette  magnifi- 
cence dans  le?  jardins  publics  j  par 
exemple  ,  aux  Thuileries  ,  modèle 
unique  en  ce  genre  j  dans  les  jar- 
dins des  princes  &  des  grands  fei- 
gneurs  :  ces  jardins  en  impofent  par 
kur  air  de  grandeur  &  de  majefié , 
fi  toutefois  on  doit  les  qualifier  de 
ces  épithètes  ,  &  fi  la  belle  nature 
ne  leur  eft  pas  préférable  j  mais  que 


J  A  R  63 

de  fimples  particuliers  facrifient  une 
étendue  coniidérable  de  terrein  à  des 
objets  purement  de  luxe  ,  &  où  ils 
ne  promeneronr  jamais,  c'eftle  com- 
ble du  ridicule.  Palle  encore  que  ces 
particuliers  décorent  les  parties  voi- 
iines  de  leur  habitation  par  des  par- 
rerres ,  des  boulingrins,  «Sec.  «Sec.  ; 
c'eil  dans  l'ordre  reçu  :  il  faut  que 
tout  ce  qui  avoifîi'.e  l'habitation  aie 
un  air  de  propreté  &  d'arrangement; 
pour  tout  le  refte ,  on  doit  tout  au 
plus  un  peu  aider  à  la  nature  ,  & 
jamais  ne  s'écarter  du  narnrel.  C'eft 
fur  ces  parcs  que  devroient  pefer  les 
impôrs  puis  qu'ils  dérobent  à  l'a- 
griculture les  terreins  les  plus  pré- 
cieux iSc  devenus  inutiles;  mais  mal- 
heureufement  leurs  polTelîeuts  font 
ceux  qui  en  paient  le  moins.  Une 
paroifle  ell:  écrafée  parce  qu'un  finan- 
cier s'eft  mis  dans  la  tête  d'acheter  tous 
les  champs  qui  l'environnenr ,  d'en 
former  un  parc,  &;  de  faire  refluer  les 
impolitions  que  ces  champs  payoient 
auparavant  fur  le  refte  de  la  commu- 
nauté. 11  en  réfulte  que  la  mifère  eft 
identifiée  avec  les  villages  peu  éloi- 
gnés des  grandes  villes ,  parce  que 
la  moitié,  &  fouvent  les  trois  quarts 
du  territoire  font  occupés  par  des 
gens  exempts  de  tailles,  &c.  Heu- 
reufes  font  les  ptovinces  où  les  im- 
pofitions  font  réelles  &  non  perfon- 
nelles ,  alors  les  parcs  ne  font  pas 
les  detlrudeurs  &  les  fang-fues  du 
voifinage. 

CHAPITRE     VI. 

Des  Jardins  Anglais. 

Qu'eft-ce  qu'un  jardin  anglois  ? 
C'eft  une  campagne  ,  belle  par  fon 
flte  J  riche  par  fa  végétation,  boif^e 


64 


J  A  R 


convenablement,  coupée  par  des  ca- 
naux ou  pav  des  rivières  ,  par  des 
ruilleaux,  variée  dans  fes  produits, 
embellie  par  des  malles  dont  on  a  lu 
profiter  ;  en  un  mot ,  c'efl:  la  belle 
ôc  fimple  nature  pâtée  de  toutes  fes 
grâces.  Si  l'arc  vient  à  fon  fecours , 
il  ne  doit  pas  fe  faire  remarquer  dans 
l'enfemble  ,  mais  feulement  dans 
quelques  détails  de  bon  goût. 

Les  Chinois,  les  Japonois  font  les 
premiers  invenreurs  de  ces  jardins. 
Kœmpfer,  dans  ion  Hïfloire  du  Ja- 
pon j  dit  que  ce  peuple  a  toujours 
dans  Ion  jardin  ,  entr'autres  orne- 
mens,  un  petit  rocher  ou  une  col- 
line artificielle,  fur  laquelle  il  élève 
quelquefois  le  modèle  d'un  têtn- 
ple  5  que  fquvent  on  y  voit  un  ruif- 
feau  qui  fe  précipire  du  haut  d'un 
rocher  avec  un  agréable  murmure, 
&c  que  l'un  des  côtés  de  la  colline  eft 
orné  d'un  petit  bois,  &.C. 

On  imprima  à  Londres,  en  1757  , 
xm  ouvrage  intitulé  de  l'Art  de  dij- 
trïbuer  Us  jardins  juïvant  l'ufage.  des 
Chinois  ,  où  l'auteur  s'explique  ainfî  : 
j)  Les  jardins  que  j'ai  vus  à  la  Chine 
étoienc  très-petits  j  leur  ordonnance 
cependant,  &  ce  que  j'ai  pu  recueil- 
lir des  diverfes  converfations  que 
j'ai  eues  fur  ce  fujer  avec  un  fa- 
meux peintre  chinois  ,  nommé  le 
Pepqua  ,  m'ont  donné  ,  fi  je  ne 
me  trompe  ,  une  connollfance  de  ces 
peuples  fur  ce  fujet.  »  ■ 

"  La  nature  eft  leur-modèle ,  Si  leur 
but  eft  de  l'imiter  dans  routes  tes  ir- 
régularités. D'abord  ils  examinent 
la  forme  du  terrein  ;  s'il  eft  uni  ou 
en  pente  ;  s'il  y  a  des  collines  ou 
des  montagnes  j  s'il  eft  étendu  ou  ref- 
ferré,  fec  ou  marécageux  j  s'il  abonde 
en  rivières  ou  en  fources,  ou  fi  le 
manque  d'eau  s'y  fait  fentir.  Ils  font 


J  A  R 

une  très-grande  attention  à  ces  di- 
verfes circonftances  ,  &  choifilfent 
les  arrangemens  qui  conviennent  le 
mieux  avec  la  nature  du  terrein,  qui 
exigent  le  moins  de  frais  ,  cachent 
fes  défauts,  <Sc  mettent  dans  le  plus 
grand  jour  tous  fes  avantages.  » 

»  Comme  les  Chinois  n'aiment  pas 
la  promenade  ,  on  trouve  rarement 
chez  eux  les  avenues  ou  les  allées 
fpacieufes  des  jardins  de  l'Europe. 
Tout  le  terrein  eft  diftribué  en  une 
variété  de  fcènes  ;  des  pafTages  tour- 
nans  &  ouverts  .au  milieu  des  bof- 
quets,  vous  font  arriver  aux  diffé- 
rens  points  de  vue  ,  chacun  defquels 
eft  indiqué  par  un  fiége,  par  un  édi- 
fice ou  par  un  autre  objet  ». 

«'  La  perfection  de  leurs  jardins 
confifte  dans  la  beauté  &  dans  la  di- 
verfité  de  cts  fcènes.  Les  jardins  chi- 
nois, comme  les  peinrres  de  l'Eu- 
rope J  raflemblent  les  objets  les  plus 
agréables  de  la  nature  ,  &:  tâchent  de 
les  combiner  de  manière  que  non- 
feulement  ils  paroilfent  avec  plus  d'é- 
clat, mais  même  que  par  leur  union 
ils  forment  un  tout  agréable  &  frap- 
panr.  » 

»  Leurs  artiftes  diftinguent  trois 
différenres.  efpèces  de  fcènes,  aux- 
quelles ils  donnent  lès  noms  de  rian- 
tes ,  d'/xrrihies  &:  à' enchantées.  Cette 
dernière  dénomination  répond  à  ce 
qu'on  nomme  fcènc  de  roman  ,  & 
nos  chinois  fe  fervent  de  divers  arti- 
fices pour  y  exciter  la^urprife.  Quel- 
quefois ils  font  palfer  fous  terre  une 
rivière  ou  un  torrent  tapide  ,  qui,  par 
fon  bruit  turbulent ,  frappe  l'oreille 
fans  qu'on  puille  comprendre  d'où 
il  vienr  ;  d'autres  fois  ils  d'.fpofcnt 
les  rocs  &  les  bâtimens,  &  les  au- 
tres objets  qui  entrent  dans  la  com- 
pofition ,  de    manière   que   le  venc 

pafl'auc 


J  A  R 

paflanc  à  travers  des  intetftices  & 
des  concavités  qui  y  font  ménagées 
pour  cet  etFet ,  forme  des  Ions  étran- 
ges &  finguliers  :  ils  mettent  dans  ces 
compolitions  les  efpèces  les  plus  ex- 
traordinaires d'arbres ,  de  plantes  & 
de  fleurs  j  ils  y  forment  des  échos 
artificiels  &  compliqués,  &  y  tien- 
nent diftérentes  efpèces  d'oifeaux  Se 
d'animaux  monftrueux.  u 

»  Les  fcènes  d'horreur  préfentent 
des  rocs  fufpendus  ^  des  cavernes 
obfcures  ,  d'mipétueufes  catara(5les 
qui  le  précipitent  de  tous  les  côtés  du 
haut  des  montagnes;  les  arbres  font 
difFotmes ,  &  femblent  brifés  par  la 
violence  des  vents  &  des  tempêtes. 
Ici  on  en  voit  de  renverfés  qui  in- 
terceptent le  cours  du  torrent,  <Sc  pa- 
roilfent  avoir  été  emportés  par  la  fu- 
reur des  eaux;  làj  il  feinble  que, 
frappés  de  la  foudre  ,  ils  ont  été  brû- 
lés &  fendus  en  pièces;  quelques- 
uns  des  édifices  font  en  ruines  ,  quel- 
ques-autres confumés  à  demi  par  le 
tcu  :  quelques  chétives  cabannes  dif- 
petfées  çà  &  là,  fur  les  montagnes , 
femblent  indiquer  à  la  fois  l'exlf- 
tence  &  la  niifète  des  habitans.  A 
ces  fcènes ,  il  en  fuccède  commu- 
nément de  riantes.  Les  artiftes  chi- 
nois favent  avec  quelle  force  l'ame 
eft  affedée  par  les  contraftes,  &  ils 
ne  manquent  jamais  de  ménager  des 
tranfitions  fubites  ,  ôc  de  frappan- 
tes oppofitions  de  formes  ,  de  cou- 
leurs 6c  d'ombres.  Aufli  ,  des  vues 
bornées,  ils  vous  font  paiTer  à  des 
perfpeétives  étendues  ;  des  objets 
d'horreur  à  des  fcènes  agréables ,  & 
des  lacs  S:  des  rivières, aux  plaines, 
aux  coteaux  &  aux  bois  :  aux  cou- 
leurs fombres  &  triftes ,  ils  en  expo- 
fent  de  brillantes,  &  des  formes  fim- 
ples  aux  compliquées,  diftribuant,  ■ 
Tome  FI. 


J  A  R 


^5 


par  un  arrangement  judicieux. ,  les 
diverfes  malles  d'ombre  &  de  lu- 
mière ,  de  telle  forte  que  la  compo- 
fiiion  paroît  diftinéte  dans  fes  par- 
ties ,  &  frappante  dans  fon  tout.  » 

»  Loïfque  le  terrein  eft  étendu  , 
&  qu'on  peut  y  faire  entrer  une  mul- 
titude de  fcènes,  chacune  eft  ordi- 
nairement appropriée  à  un  feul  point 
de  vue  ;  mais  lorfque  l'efpace  eft 
borné ,  &:  qu'il  ne  permet  pas  aflez 
de  variété ,  on  tâche  de  remédier  à 
ce  défaut  ,  en  difpofant  les  objets 
de  manière  qu'ils  produifent  des  ce- 
préfentations  différentes ,  fuivant  les 
divers  points  de  vue  ;  &  fouvenc 
l'artifice  eft  pouftc  au  point  que  ces 
repréfenrations  n'ont  entr'elles  au- 
cune relTemblance.  » 

»  Dans  les  grands  jardins  les  chi- 
nois fe  ménagent  des  fcènes  dilfé- 
rentes  pour  le  matin,  le  midi  &  le 
foir,  &  ils  élèvent,  aux  points  de 
vue  convenables ,  des  édifices  pro- 
pres aux  divertiifemens  de  chaque 
partie  du  jour.  Les  petits  jardins  , 
où,  comme  nous  l'avons  vu,  un  feul 
arrangement  produit  plufieurs  repré- 
fenrations ,  préfentent  de  la  même 
manière  aux  divers  points  de  vue  ,  des 
bâtimens  qui,  par  leur  ufage  ,  indi- 
quent le  temps  du  jour  le  plus  pro- 
pre à  jouit  de  la  fcène  dans  fa  per- 
fection. " 

»  Comme  le  climat  de  Chine  eft 
extrêmement  chaud,  les  habitans  em- 
ploient beaucoup  d'eau  dans  leurs  jar- 
dins. Lorfqu'ils  font  petits ,  &  que 
la  fituation  le  permet,  fouvent  tout 
le  terrein  eft  mis  fous  l'eau ,  &.  il 
ne  refte  qu'un  petit  nombre  d'îles 
&  de  rocs.  On  fait  entrer  dans  les 
jardins  fpacieux  des  lacs  étendus , 
des  rivières  &  des  canaux.  On  imite 
la  natute  ,  en    diverlîfiant ,    à  fon 

1 


GC 


J  A  R 


exemple  ,  les  bords  des  rivières  & 
des  lacs.  Tantôt  ces  bords  font  ari- 
des &  graveleux  ,  tantôt  ils  font  cou- 
verts de  bois  jiirqii'au  bord  de  Teauj 
plats  dans  quelques  endroits ,  &  or- 
nés d'arbrifleaux  &  de  fleurs  ;  dans 
d'autres  ils  fe  changent  en  rocs  ef- 
carpés ,  qui  forment  des  cavernes  où 
une  partie  de  l'eau  fe  jette  avec  au- 
tant de  bruit  que  de  violence  :  quel- 
quct^ois  vous  voyez  des  prairies  rem- 
plies de  bétail ,  ou  des  champs  de 
riz  qui  s'avancent  dans  les  lacs ,  & 
qui  laiirent  entr'eux  des  palTages  pour 
des  vaiffeaux  :  d'autres  fois,  ce  font 
des  bofquets  pénétrés  en  divers  en- 
droits par  des  rivières  &  des  ruif- 
feaux  capables  de  porter  des  barques. 
Les  rivages  font  couverts  d'arbres , 
dont  les  branches  s'étendent  ,  fe  joi- 
gnent, &  forment  en  quelques  en- 
droits des  berceaux  ,  fous  lefquels  les 
batteaux  palTent.  » 

»>  Vous  êtes  ordinairement  con- 
duit à  quelqu'objet  intérelfant  ,  à 
un  fuperbe  bâtiment  placé  au  fom- 
met  d'une  montagne  coupée  en  ter- 
ralTes ,  cà  un  calln  fitué  au  milieu 
d'un  lac,  à  une  cafcade,  à  une  grotte 
divifée  en  divers  appartemens,  à  un 
rocher  artificiel ,  ou  à  quelqu'autre 
compolition  femblable.  " 

15  Les  rivières  fuivent  rarement  la 
ligne  droire  ;  elles  ferpentent  ,  & 
font  interrompues  par  diverfes  irré- 
gularités 5  tantôt  elles  font  étroites, 
bruyantes  &  rapides  ,  tantôt  lentes , 
larges  &  profondes.  Des  rofeaux  & 
d'autres  plantes  &  fleurs  aquatiques , 
entre  lefquelles  fe  dillingue  le  Lien- 
hoa,  qu'on  eftime  le  plus,  fe  voient 
&  dans  les  rivières  &  dans  les  lacs. 
Les  Chinois  y  conftruifent  fouvent 
des  moulins  3c  d'autres  machines 
hydrauliques  ,  dont  le  mouvement 
ier:  à  animer  la  fcène.  Us  ont  aufll 


J  A  R 

un  grand   nombre    de   batteaux   de 
formes  &   de  grandeurs  différentes. 
Leurs   lacs    font  femés     d'îles  ;   les 
unes  ftériles  &:  entourées  de  rochers 
&  d'écueils;  les  autres  enrichies  de 
tour  ce   que   la  nature  &;  l'art  peu- 
vent fournir  de  pkis  parfair.  Us  y  in- 
rroduifent  aufli  des  rocs  artificiels,  & 
ils  furpatTent  toutes    les   autres  na- 
tions dans  ce  genre  de  compuiition. 
Ces  ouvraîies  forment  chez  eux  une 
perfedion  diftincte  :  on  trouve  à  Can- 
ton ,   &:  probablement  dans  la  plu- 
parr  des  autres  villes  de  Chine,  un 
grand  nombre  d'artifans  uniquement 
occupée  à  ce  métier.  La  pierre  dont 
ils  le  ferveur  pour  cet  ufage  ,  vient 
des  côtes  méridionales  de  l'empire  j 
elle  eft  bleuâtre  ,  &  ufée  par  l'aétion 
des  ondes ,    en    formes  irrégulières. 
On  pouffe  la  délicatelFe  fort  loin  dans 
le  choix  de  cette  pierre.  J'ai  donné 
plufieurs  taë's    pour  un  morceau    de 
la  grofleur  du  poing,  lorfque  la  figure 
en  étoit  belle  (?c  la  couleur  vive.  Ces 
morceaux   choilis    s'emploient   pour 
les   payfages   des   appartemens.  Les 
plus  groflîers  fervent  aux  jardins  j  & 
étant  joints  parle  moyen  d'un  ciment 
bleuâtre  ,  ils  forment  des  rocs  d'une 
grandeur  confidérable  :  j'en  ai  vu  qui 
étoient  extrêmement  beaux,  &  qui 
montroienr    dans    l'artifle    une  élé- 
gance de  goût  peu  commune.  Lorf- 
que ces  rocs  font  grands,  on  y  creule 
des  cavernes  (S:  des  grottes  avec  des 
ouvertures,  au  travers  defquelles  on 
apperçoit    des   lointains.  On  y    voit 
en    divers  endroits  des  arbres,    des 
arbriiTeaux  ,  des  ronces  lîs;  des  mouf- 
fes ,  &   fur   le  fommet  on  place' de 
petits  temples  &  d'autres  bâtimens, 
oii  l'on  monte  par  le  moyen  de  de- 
erés  raboteux  ,   irréauliers  &  taillés 
'  dans   le  roc.  " 

>5  Lorfqu'il  fe  trouve  aflez  d'eau  & 


J  A  R 

que  le  ceireln  eft  convenable, les  chi- 
nois ne  nunqiieii:  point  de  tonner 
des  cafcades-"cians  leurs  jaidins.  Us 
V  évitenc  toute  forte  de  régularités  , 
imitant  les  opérations  de  la  nature 
dans  ces  pays  montagneux.  Les  eaux 
jailUllent  des  cavernes ,  des  finuofités , 
des  rochers.  Ici  paroît  une  grande  Se 
impétueufe  cataracte  \  là  c'ell:  une 
multitude  de  petites  chûtes.  Quel- 
quefois la  vue  de  la  cafcade  eft  in- 
terceptée par  des  arbres  dont  les 
Veuilles  &  les  branches  ne  permet- 
tent que  par  intervalle  de  voir  les 
eaux  qui  tombent  le  long  des  côtés 
de  la  montagne  ;  d'autres  fois  au- 
delTus  de  la  partie  la  plus  rapide 
de  la  cafcade  ,  font  jetés,  d'un  roc 
à  l'autre ,  des  ponts  de  bois  grof- 
llèrement  faits ,  Se  fouvent  le  cou- 
rant des  eaux  eft  interrompu  par  des 
arbres  &  des  monceaux  de  pierre  , 
que  la  violence  du  torrent  femble 
y  avoir   tranlportés.  » 

»  Dans  les  bolquets ,  les  chinois 
varient  toujours  les  {ormes  Se  les 
couleurs  des  arbres ,  joignant  ceux 
dont  les  branches  font  grandes  & 
touffues,  avec  ceux  qui  s'élèvent  en 
pyramide,  &  les  verds  foncés  avec 
les  verds  gais.  Us  y  entremêlent  des 
arbres  qui  portent  des  fleurs,  parmi 
lefquels  il  y  en  a  piufieurs  qui  fleurif- 
fent  pendant  la  plus  grande  partie 
de  l'année.  Entte  leurs  arbres  favoris 
eft  une  efpèce  de  faule  (i)  :  on  le 
trouve  toujours  parmi  ceux  qui  bor- 
dent les  rivières  &  les  lacs ,  Se  ils 
font  plantés  de  manière  que  leurs 
branches  pendent  fur  l'eau.  Les  chi- 
nois   introduifent    aufli    des    troncs 


J  A  R 


^7 


d'arbres  ,  tantôt  debout ,  tantôt  cou- 
chés fur  la  terre  ,  &  ils  pouffent  fort 
loin  la  délicateffe  fur  leurs  formes , 
fur  la  couleur  de  leur  écorce  ,  & 
même  fur  leur  mouffe.  .> 

»  Rien  de  plus  varié  que  les  moyens 
employés  pour  exciter  la  furprife  : 
ils  vous  conduifent  quelquefois  au 
travers  de  cavernes  &  d'allées  fom- 
bres ,  au  fortir  defquelles  vous  vous 
trouvez  fubitement  frappé  de  la  vue 
d'un  payfage  délicieux  ,  enrichi  de 
ce  que  la  nature  peut  fournir  de  plus 
beau  :  d'autres  fois  on  vous  mène 
par  des  avenues  8e  par  des  allées  qui 
diminuent  Se  qui  deviennent  rabo- 
teufes  peu  à  peu  j  le  paffage  eft  enfin 
tout  à  fait  interrompu.  Des  huilions, 
des  ronces ,  des  pierres  le  rendent 
impraticable,  lorfque  tout-d'un-coup 
s'ouvre  à  vos  yeux  une  perfpeclive 
riante  «Se  étendue  ,  qui  vous  plaît 
d'autant  .plus  que  vous  vous  y  étiez 
moins  attendu. 

»  Un  autre  artifice  de  ces  peuples, 
c'eft  de  cacher  une  partie  de  la  com- 
polîtion  par  le  moyen  d'arbres  & 
d'autres  objets  intermédiaires.  Ceci 
excite  la  curiofîté  du  fpeélateur  ;  il 
veut  voir  de  près,  &  fe  trouve,  en 
approchant,  agréablement  furpris  par 
quelque  fcêne  inattendue  ,  ou  par 
quelque  repréfentation  totalement  op- 
pofée  à  ce  qu'il  cherchoit.  La  termi- 
naifon  des  lacs  eft  toujours  cachée, 
pour  laiffer  à  l'imagination  de  quoi 
s'exercer  :  la  même  règle  s'obferve, 
autant  qu'il  eft  poffible,  dans  toutes 
les  autres  compofitions  chinoifes.  » 
n  Quoique  ces  peuples  ne  foienr 
pas  fort  habiles  en  optique ,  l'expé- 


(  I  )  Note  de  l'Éditeur.  Je  crois  cjue  le  faule  dont  il  eft  ici  qiieftion  eft  celui  que  nous 
Aç^^dons  fuulc  pleureur  on  faule  de  Babylone.  Salix  Babiio^ica.  Liir.  (  Fbycj  le 
mot  Saule.) 


I  X 


es 


J  A  R 


rience  leur  a  cependant  appris  que 
la  grandeur  apparente  des  objets  di- 
minue ,  &  que  leurs  couleurs  s'af- 
foibliflentà  mefure  qu'ils  s'éloignent 
de  l'œil  du  fpeftateur.  Ces  cbferva- 
tions  ont  donné  lieu  à  un  artifice 
qu'ils  mettent  en  pratique.  Us  font 
des  vues  en  perfpedtive  ,  en  intro- 
duifant  des  bâcimens,  des  vaifîeaux 
&  d'autres  objets  diminués  à  pro- 
portion de  la  diftance  du  point  de 
vue  :  pour  rendre  l'illufion  plus  frap- 
pante 5  ils  donnent  des  routes  grifà- 
tres  aux  parties  éloignées  de  la  com- 
pofition,  &  ils  plantent  dans  le  loin- 
tain des  arbres  d'une  couleur  moins 
vive,  &  d'une  hauteur  plus  petite  que 
ceux  qui  paroilTent  fur  le  devant  :  de 
cette  manière,  ce  qui  en  foi  -  même 
efl:  borné  &  peu  confiàérable  ,  de- 
vient en  apparence  grand  &érendu.  >> 

»  Ordinairement  les  Chinois  évi- 
tent les  lignes  droites,  mais  ils  ne 
les  rejettent  pas  toujours,  lis  prati- 
quent quelquefois  des  avenues ,  lorf- 
qu'ils  ont  quelqu'ohjet  intérelfant  à 
mettre  en  vue.  Les  chemins  font 
conftamment  taillés  en  ligne  droite, 
à  moins  que  l'inégalité  du  terrein 
ou  quelqu'obftacle  ne  fournllfe  au 
moins  un  prétexte  pour  agir  autre- 
ment. Lorfque  le  terrein  eft  entière- 
ment uni  ,  il  leur  paroît  abfurde 
de  faire  une  route  qui  ferpente  : 
car,  difent-ils,  c'eft  ou  l'art  ou  le 
paffage  conftant  des  voyageurs  qui 
l'a  faite ,  &  ,  dans  l'un  ou  l'autre 
cas,  il  ntft  pas  naturel  de  fuppofer 
que  les  hommes  vouluffent  choifîr 
la  ligne  courbe,  quand  ils  peuvent 
aller  par  la  droite.  » 

3>  Ce  que  les  Anglols   nomment 

■  dump j  c'eft-à-dire  peloton  d'arbres, 

n'eft    point  inconnu    aux    Chinois  , 

mais    ils   le    mettent  rarement   eu 


J  A  R 

œuvre;  jamais  ils  n'en  occupent  tout 
le  terrein.  Leurs  jardiniers  confidé- 
rent  un  jardin  comme  nos  peintres 
confidérent  un  tableau ,  &  les  pre- 
miers grouppent  leurs  arbres  de  la 
même  manière  que  les  derniers 
grouppent  leurs  figures ,  les  uns  & 
les  autres  ayant  leurs  mafles  prin- 
cipales &  fecondaires.  n 

Tel  eft  le  précis ,  continue  l'auteur, 
de  ce  que  m'ont  apptis ,  pendant 
mon  fèjour  en  Chine,  en  partie  mes 
propres  obfervations  ,  mais  princi- 
palement les  leçons  de  Lepquj.  ,  & 
l'on  peut  conclure  de  ce  qui  vient 
d'être  dit,  que  l'art  de  diftribuer  les 
jardins  dans  le  goût  chinois,  eft  ex- 
trêmement difficile,  &  tout -à -fait 
impraticable  aux  gens  qui  n'ont  que 
des  talens  bornés.  Quo:que  les  pré- 
cepres  en  foienr  fimples.  Se  qu'ils  fe 
prcfentent  naturellement  à  l'efprit, 
leur  exécution  demande  du  génie  . 
du  jugement  &  de  l'expérience,  une 
imagination  forte ,  &  une  connoif- 
fance  parfaite  de  l'efprit  humain  , 
cette  méthode  n'étant  alFujettie  à  au- 
cune règle  fixe  ,  mais  fufceptible 
d''autant  de  variations  qu'il  y  a  d'ar- 
rangemens  diftérens  dans  les  ouvrages 
de  la  création. 

On  ne  fauroit  fixer  l'époque  ni 
l'origine  de  ces  jardins ,  elle  paroît 
fort  ancienne  en  C?hine,  &:  les  pre- 
miers papiers  peints,  apportés  de  ces 
contrées,  ont  fans  "doute  fait  ima- 
giner de  les  imiter  en  Europe.  On 
lit,  dans  le  recueil  des  lettres  édi- 
fiantes des  miftionnaires  de  Chine, 
&:  fur-tout  dans  celles  du  F.  A t tiret , 
jéfuite  &  peintre  de  l'Empereur,  des 
détails  fort  intérelfans;  mais  ce  qu'on 
vient  de  dire  fuffit  pour  donner  une 
idée  alfez  exacle  de  la  compofitiou 
de  ces  jardins. 


J  A  R 

Pendant  que  Lenotre  foumettoît 
tout  au  cordeau,  à  l'éqiierre  în:  à  la  fy- 
métnque  coiTefpondance ,  le  célèbre 
Dufrefny  s'écoit  déjà  ouvert  une  route 
nouvelle ,  &  d'une  main  hardie,  mais , 
ami  du  beau  naturel  j  il  traçoit  les 
jardins  de  Mignaux ,  prèsPoilîy  ,ceux 
de  l'abbé  Pajot  ^  près  de  Vincennes, 
&  préfentoit  à  Louis  XIV  deux  plans 
de  jardins  pour  Verfailles.  Les  idées 
neuves  de  Dufrcfny  furent  envifa- 
gées  comme  ridicules  par  les  uns  , 
&  leur  exécution  comme  trop  dif- 
pendieufe  par  les  autres.  Leur  lîngu- 
larité  empêcha  qu'on  fentît  le  mérite 
de  ce  j^ente  nouveau  \  le  plan  de  Le- 
notre fut  préféré  à  ceux  de  Dufrefny  , 
&  bientôt  ,  à  force  de  dépenfes  , 
furent  tracés  les  froids ,  monotones 
ik.  magnihques  jardins  qui  exiftent 
aujourd'hui.  On  y  cherche  en  vain  la 
belle  (S:  fimple  nature,  à  fa  place  on 
voit  l'art  régner  d'un  bout  à  l'autre  , 
ëc  la  figure  des  arbres  attefte  l'efcla- 
vage  fous  lequel  ils  gémiirenr. 

Il  eft  conftant  qu'au  commence- 
ment de  ce  fiècle,  les  jardins  en  An- 
gleterre ne  diftéroient  en  rien  de 
ceux  de  l'Europe;  ou  plutôt  l'art  des 
jardins,  mêmes  iymétriques  ,  y  étoit 
inconnu  avant  Lenotre.  Environ  l'an 
1710,  parut  Kent ,  homme  de  génie, 
artille  plein  de  goût;  il  préfenta  à 
l'AngloiSjCe  peuple  ami  de  la  nature, 
la  nature  elle-même  dans  la  com- 
pofition  des  jardins  ,  &:  {on  entre- 
prife  des  jardins  à'Esher^  maifon  de 
campagne  du  miniftre  Pelham  ^  pro- 
duifit  une  revo!utic<n  totale. 

Le  goût  des  jarduis  appelles  an- 
gloh  j  &  qu'on  dtvroit  plutôt  nom- 
mer chinois  ,  s'étend  aujourd  huidans 
toutes  les  parties  du  continent;  mais 
on  a  la  fureur  ,  (ur  un  cfpace  très- 
circonfcritj  d'entalTer  objets  fur  ob- 


J  A  R 


Ce, 


jets;  tout  y  tft  mefquin  ^  rétréci, 
petit ,  parce  que  les  compofiteurs  de 
ces  jardins  n'ont  pas  encore  des  yeux 
exercés  à  contempler  la  nature,  ni 
alfez  de  génie  poiu"  l'imiter  dans  fa 
implicite  &  dans  fes  champêtres  dé- 
corations. 

11  a  paru,  depuis  quelques  années, 
plufieurs  ouvrages  lur  la  compofiîioa 
de  ces  jardins.  En  177  i  ,  l'art  défor- 
mer les  jardins  modernes ,  ou  l'art  des 
jardins  anglais  J,  à  Paris,  chez  Jombert, 
I  vol.  in-  8°.  En  1774,  M.  Watelet 
publia /(i;?  ejfai  fur  les  jardins  ^  im- 
primé à  Paris  chez  Saillanr.  En  \j-j6 , 
Théorie  des  jardins  ■,  chez  Piflbt.  En 
\j-j-j  ,  de  la  compofltion  des payfaaes , 
ou   des  moyens  d'embiUir   la  nature, 
autour   des  habitations ,  en  joignant 
l' agréable  a  l'uti'.e ,  par  M.  Gerardin  , 
à  Paris  ,  chez  Delaguette.  En  1779, 
fur  la  jormation   des  jardins  ^    par 
l'auteur  des  confidéraiions  fur  le  jar- 
dinage, Paris,  chez  Pilfot.  Enfin  le 
Poème  des  jardins  de  l'abbé  de  Lille. 
Ces  ouvrages  font-ils  vraiement  !<»*■- 
celfaires?  Je  ne  le  crois  pas.  Dufrefny 
&  Kent  ne  connurent  que  leur  génie, 
&  fe  frayèrent  une  route  qu'on  foup- 
çonnoit  peut-être,    mais    inconnue 
avant   eux.  Mon  but  n'cft  certaine- 
ment pas  de  déprifer  les  ouvrages  que 
je    viens    de   citer ,   &  j'en  ai  parlé 
exprès,  afin  que  ceux  qui  défireronc 
travailler  en  grand,  les    lifent ,  les 
méditent,   &    fur-tout  évitent,  en 
appliquant  les  préceptes  à  la  nature, 
quelques  défauts  qu'on  a  reprochés 
aux  pi  emiers  inventeurs.  Preft]ue  rous 
les  jardins,  nouvellement  plantés  dans 
les  environs  de  Paris,  ne  doive.nt  pas 
être    pris   pour   des   modèles  en    ce 
genre  ;  ces  jolis  colifichets  font  plutôt 
la'  caricatute  d'im  grand   jardin.   Je 
dirai  aux  amateurs  :  allez  àErmenon- 


70  J  A  R 

ville,  voilà  le  jardin ,  le  parc,  rendu 
à  la  nature  par  les  foins  de  M.  Ge- 
rardin,  fon  propriétaire  &  fon  coni- 
pofiteur;  là,  une  ccude  de  quelques 
jours  vous  inftruira  plus  que  les  livres , 
parce  que  tout  y  eft  faïUant  &  dé- 
montre par  l'exemple.  La  fcience  , 
les  beaux,  profonds  &  métaphyfiques 
raifonnemens  fur  les  fîtes,  les  eaux^ 
les  rochers,  les  bois,  «Sec.  font  plus 
qu'inutiles,  fi  le  goût  manque,  li 
l'homme  qui  étudie  n'a  pas  en  lui 
une  propeniion  décidée  pour  le  beau 
naturel,  qu'on  appelle  D'Otto j  enfin  s'il 
ne  fait  pas  voir  la  nature. 

Je  n'entreprendrai  pas  de  tracer 
ici  les  préceptes  répandus  dans  les 
ouvrages  déjà  cités,  la  forme  de  ce 
cours  d'agriculture,  fes  bornes  &  fon 
but  ne  le  permettent  pas ,  mais  la 
defcription  des  jardins  deStowe,  &c 
la  gravure  qui  l'accompagne  ,  fuf- 
firont  pour  donner  une  idée  de  ce  qui 
mérite  le  nom  de  jardin  nature/.  Il 
en  exifte  aujourd'hui  de  plus  parfaits 
en  Angletetre,  mais  je  n'en  ai  pas 
la  repréfentation  ni  celle  du  parc 
d'Ermenonville  en  France. 

Stowe  ell  à  foixante  milles  de 
Londres ,  &  à  un  mille  &  demi  de 
la  ville  de  Buckingham,  il  appartient 
à  Richard  Grenville  ,  lord  Temple 
&  baron  de  Cobham;  le  terrein  com- 
pris dans  l'enceinte  des  jardins  eft 
d'environ  quatre  cents  arpens. 

Le  château  i  (  f'oye:[  PUnche  ^  ) 
eft  fitué  fur  le  fommet  applati  d'une 
colline  plus  élevée  que  toutes  celles 
des  environs  \  La  perfpeclive  qui 
s'offre  de  la  grande  porte  d'entrée  i, 
&  fous  la  colonnade  qui  orne  le  centre 
de  la  façade  méridionale ,  eft  une 
des  plus  belles  de  ftowe.  Vous  plon- 
gez de  tous  côtés  fur  les  jardins ,  & 
vous  découvrez  l'immenfe  prairie  j. 


J  A  R 

è:  la  belle  porte  qui  eft  au-delà  du 
parc  ,  vers  Buckingham  ,  avec  un 
Icinrain  qui  eft  une  partie  du  Buc- 
kinghamfhire.  De-là  vous  defcendez 
lur  la  terralfe  4,  dont  la  longueur 
é^ale  celle  de  la  façade  du  château; 
elle  eft  couvette  de  gtavier  très-fin, 
&  domine  une  vafte  pièce  de  gazon 

5  ,  qui  ,  en  fe  rétrécilfant ,  forme 
une     larîje    avenue    6  bien   alignée 

6  bien  unie  jufqu'à  une  grande  pièce 
d'eau  7,  très  irrégulière,  où  deux 
rivières  viennent  fe  réunir  en  fer- 
pentant.  Cette  pièce  écoit  autrefois 
un  grand  ballin  exagone,  au  milieu 
duquel  s'élevoit  un  obélifque  qui  a 
été  tranfporté  dans  le  parc.  Cette 
avenue  &  la  pièce  de  gafon  foiment 
un  des  plus  beaux  tapis  vetd  animé 
par  toutes  fortes  de  troupeaux  ;  il 
préfente  une  pente  douce  depuis  la 
terralfe  jufqu'à  la  pièce  d'eau  j  aux 
deux  bouts  de  la  terraffe  font  deux 
jardins  potagers  is  ,  9 ,  entièrement 
environnés  de  bois. 

En  tournant  à  droite,  vous  trou- 
vez l'orangerie  10,  qui  fait  partie 
de  l'aile  gauche,  &  a  plus  de  vingt 
pieds  de  longueur.  Outre  les  oran- 
gers, il  y  a  des  ferres  pour  les  plantes 
étrangères  ;  le  devant  de  l'orangerie 
eft  orné  d'un  joli  parterre  1 1 . 

De  ce  même  côté,  à  l'extrémité 
du  foffé  d'enceinte ,  eft  le  fallon  de 
I^elfon  II,  portique  quarré,  dont  le 
plafond  &  les  murs  font  ornés  de 
peintures  à  frefque  j  médiocres  & 
gâtées,  avec  des  infcriptions  latines, 
une  fur  l'arc  de  Conftantin  à  fa 
louange  ,  &  à  gauche ,  une  fur  la 
nomination  de  M.irc-Auréleà  l'em- 
pire du  monde.  Deux  colonnes  & 
deux  pilaftres  ornent  la  façade  de  ce 
fallon.  De  chaque  côté,  &  à  peu  de 
diftance,  font  deux  grands  vafes  de 


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J  A  R 

plomb  doré.  Ce  repofoir  ,  oiiviage 
de  Vanbrugh ,  eft  environné  d'arbres 
verds ,  &  d'arbres  qui  quittent  leurs 
feuilles.  Ceux  qui  bordent  les  allées 
font  plus  conlidérables. 

A  l'extrémité  de  ce  bofquet  efi: 
le  temple  de  Bacchus  1 5  ,  qui  confiée 
en  un  immenfe  tapis  verd,  terminé 
par  un  grand  lac ,  au-delà  duquel  eft 
le  temple  de  Vénus  &  un  lointain. 
Le  temple  de  Bacchus  eft  d'ordre 
dorique  j  on  y  monte  par  trois  mar- 
ches ornées  de  fphinx.  Les  peintures, 
qui  font  de  NoUikins,  repréfentenc 
le  réveil  de  Bacchus  &:  des  Bacchantes. 
Aux  deux  côtés  du  temple  font  deux 
ftatues  ,  l'une  de  la  poclie  lyrique  , 
&  l'autre  de  la  poéfie  fatyrique. 

Eu  quittant  ce  temple  &;  fon  beau 
point  de  vue,  fi  vous  vous  enfoncez 
dans  le  bois,  à  droite,  vous  arrivez 
dans  une  cabane  des  plus  ruftiques , 
appelée  Vhermicage  de  S.  Auguftin  1 4  ; 
elle  eft  faite  de  racines  &  de  troncs 
d'arbres  en  leur  état  naturel,  entre- 
lacés avec  beaucoup  d'art ,  &  fur- 
montée  de  deux  croix.  L'intérieur  re- 
préfente  parfaitement  une  cellule  àcs 
pères  de  la  Thébaïdej  ce  font  des 
planches  couvertes  de  foin  &  de  far- 
ment  ,  des  racines  faillantes  fans 
ordre  &c  chargées  de  moufte  ,  des 
bancs  aux  encoignures  ,  &  des  fe- 
nêtres à  trappe  fur  lefquelles  on  lie 
desinfcriptions  ,  peu  décentes  envers 
Léoniens ,  dans  le  goût  des  fiècles 
barbares  :  cet  hermitage  eft  dans  un 
lieu  fott  obfcur,  Hc  tout- à-fait  caché 
par  des  bois. 

En  fuivant  le  fentier,  on  arrive  à 
une  ftatue  qui  repréfente  une  Dryade 
danfante  1 5.  Là  étoit  autrefois  l'obé- 
lifque  de  Coucher^  mais  ce  nom, 
ainfi  que  ceux  de  quelques  autres 
amis  de  feu  lord  Cobham  ,  ont  dif- 


J  A  R  71 

paru  des  Jardins.  Si  vous  continuez 
la  longue  terrafte ,  appellée  la  prome- 
nade de  Neifon  ,  &  qui  eft  bordée  à 
gauche  par  un  joli  bofquec  peu  pro- 
fond ,  elle  vous  conduit  à  deux  pa- 
villons \6  ,  qui  terminent  cet  an-^Ie 
des  jardins,  ils  font  d'ordre  dorique 
&  à  voûte  unie;  le  dôme  extérieur 
eft  orné  de  quatre  buftes,  (Se  furmontc 
d'une  petite  roioiule  ouverte  à  huit 
colonnes;  l'un  de  ces  deux  pavillons 
eft  hors  du  parc,  &  fert  de  ferme. 
Au  milieu  de  l'intervalle  eft  une 
belle  grille  de  fer  1 7 ,  du  dcilein  de 
Kenr ,  laquelle  donne  palfage  dans 
les  immenies  peloufes  &  les  bois  qui 
compofent  le  parc.  A  peu  de  diftance 
des  pavillons,  hors  des  jardins  &  fur 
la  même  rivière  qui  vient  de  les  ar- 
rofer,  on  voit  un  tort  beau  pont. 

Dans  le  coin  de  la  terrafte  &  au 
travers  des  arbres,  on  entrevoit  une 
piramide  iS  fort  noire.  Les  gens  qui 
aiment  ce  qui  leur  retrace  l'antiquirc, 
verront  toujours  ce  bâtiment  avec 
plaihr;  il  eft  d'une  élégante  fimpli- 
cité,  &  conftruit  précifémenc  comme 
les  pyramides  d'Egypte.  On  y  peut 
monter  extérieuremenr  jufqu'au  foni- 
met  par  les  quatre  faces  ,  fur  des 
marches  de  trois  pouces  de  largeur 
&  de  quatorze  pouces  de  hauteur  ; 
il  y  a  deux  portes  fort  baltes  iSc  d'un 
dorique  très- niaiTif  ;  l'intérieur  eft 
une  voûte  à  fix  coupes  j  la  hauteur 
de  cette  pyramide  eft  de  foixanre 
pieds  :  cette  pyramide  eft  confacrce 
à  Vanbrugh  ,  conftruéleur  de  ces  jar- 
dins. Dans  l'intérieur  de  la  pyramide 
&  fur  im  des  côtés  des  murs,  on  lie 
des  vers  d'Horace,  qui  commencent 
par  ces  mots  :  lujlfti  Jatis ,  &c. ,  i.<. 
fur  l'autre  :  lïnquenda  tcllus ^  &cc. 

De  la  pyramide  on  découvre  un 
beau  tableau ,  la  grande  peloufe  où 


72  ,  J  A  R 

domine  la  rotonde,  une  partie  du 
lac  ,  Se  de  fiiperbes  allées  d'arbres 
toujours  verts  à  droite  &  à  gauche. 

Entrez  dans  le  labyrinthe,  qui  cfl; 
à  droite,  &  fuivez-en  les  détours, 
vous  y  trouverez  de  jolies  falles  ôc 
des  lits  de  verdure  fort  agréables.  Au 
milieu  de  l'allés  qui  eft  vis-à-vis  de 
l'angle  des  pavillons ,  eft  une  ftatue 
de  iMercure  volanc.  Cette  allée  vous 
conduit  à  une  éminence  ornée  de 
cyprès,  &  fur  laquelle  eft  le  monu- 
ment de  la  reine  Caroline  19  ,  dont 
la  ftatue  eft  élevée  fur  quatre  colon- 
nes ioniques.  Comme  ce  monument 
eft  prefque  environné  de  bois  ,  le 
principal  objet  qui  irappe  de  ce  point 
de  vuCj  eft  la  rotonde  à  l'autre  bout 
de  la  prairie. 

En  continuant  votre  route  après 
avoir  traverfé  quelques  groupes  d'ar- 
bres, vous  arrivez  à  l'extrémité  d'un 
grand  lac  10  ,  dont  l'afpctt  eft  déli- 
cieux. Ses  bords  font  des  promenades 
de  gazon,  ombragées  des  plus  beaux 
arbres  :  d'un  côté  eft  le  vafte  tapis 
verd  ,  dont  l'inégale  furface  eft  cou- 
verte de  troupeaux  de  toute  efpèce  ; 
de  l'autre  ,  un  bois  touffu  ,  où  l'on 
diftin^ue  confufément  des  grottes  , 
des  fentiers  ,  des  ftatues.  L'extrémité 
oppofée  du  lac  vous  frappe  agréa- 
blement par  une  fupeibe  caj'cade  1 1  , 
dont  les  eaux  fe  précipitent  à  travers 
des  rochers ,  «S:  des  ruines  artificielles 
bien  imitées.  Le  pied  des  ro:hers  fe 
divife  en  plufieurs  grottes  remplies 
de  dieux  marins.  C'eft  à  mon  gré  de 
toutes  les  fcènes  de  Scowe  la  plus 
piquante  &  la  plus  animée.  Les  ci- 
guës nombreux  dont  le  lac  eft  cou- 
vert ,  les  polllons  qui  jouent  à  la 
furface  ,  l'éclat  des  eaux  &  de  celles 
de  la  cafcade ,  quand  elles  font  frap- 
pées des  rayons  du  foleilj  ces  bois 


J  A  R 

dont  les  teintes  font  fi  variées  ;  cette 
prairie  couverte  de,  troupeaux  ,  ces 
temples  qui  s'offrent  de  toutes  parts  j 
ces  petites  îles  ornées  de  grouppes 
d'aibres  \  les  images  des  arbres  &c 
des  rochers  réfléchies  dans  l'eau , 
tous  ces  objets  forment  une  perf- 
pective   qui  tient  du  romanefque. 

En  vous  promenant  le  long  du  lac, 
vous  vous  trouvez  infenlîblement  le 
long  de  la  terralfe  du  couchant,  dont 
l'angle  forme  une  efpèce  de  baftion 
rempli  par  un  petit  bocage  d'arbres 
verts,  &  par  le  remple  de  Fenus  22. 
Ce  bâtiment  eft  compofé  de  trois 
pavillons ,  unis  par  fix  arcades  ,  & 
il  repréfente  un  demi-cercle.  La  porte 
du  pavillon  du  milieu  eft  ornée  de 
deux  colonnes  ioniques  ,  &  fupporte 
une  demi-coupole  fculptée  en  petits 
lozanges.  Le  refte  de  la  façade  eft 
rempli  par  quatre  niches  ornées  par 
quatre  buftes  :  l'intérieur  eft  orné  de 
peintures  dont  le  fujet  eft  pris  de  la 
Reine  Fée  de  Spenfer.  C'eft  la  belle 
Hellinore  qui ,  dégoûtée  de  fon  vieux 
mari  Malbecco ,  s'eft  enhiie  dans 
les  bois  ,  où  elle  vit  avec  les  faty- 
res.  Malbecco,  après  l'avoir  long- 
temps cherchée  ,  la  trouve  enfin,  & 
veut  lui  perfuader  de  le  fuivre;  mais 
elle  le  repoufte  avec  mépris-,  &  le 
menace  de  le  livrer  aux  fatyres ,  s'il 
ne  fe  retiie  promptement.  Le  vieil- 
lard obéit,  mais  avec  les  marqr.es  du 
défefpoir.  Le  plafond  eft  orné  d'une 
Venus  :  fur  la  frife  on  lit  ces  vers 
de  Catulle  : 

NuKc  amet  qui  nundum  amdvic , 
Quique  amavit  nunc  amet. 

Ce  temple  eft  appelle  le  bâtiment 
de  Kent  ,  parce  que  cet  architecte 
a  été  le  vtai  créateur  de  Stowe,  iSc 
en  a  donné  les   deftiixs. 

Du 


J  A  R 

Du  temple  de  Vénus  ,  revenez 
fur  vos  pas  jufqu'à  l'allée  qui  croife 
la  terralfe,  &c  rraverfez  le  vafte  tapis 
verd  ,  pour  voir  enhn  de  plus  près  ce 
que  c'eft  que  cette  rotonde  zj  ,  qui 
vous  a  toujours  frappe  de  tous  les 
points  de  vue,  ôc  où  l'on  monte  infen- 
fiblement  de  tous  côtés.  Elle  eft  formée 
de  dix  colonnes  ioniques ,  qui  fouticn- 
nent  un  dôme  couvert  de  plomb ,  fous 
lequel  eft  une  Vénus  de  Médicls  ,  de 
bronze  ,  fur  un  piédeftal  noir.  Le 
contrafte  de  cette  couleur  &  du 
bronze  de  la  ftatue  avec  le  blanc 
des  colonnes  ,  produit  de  loin  un 
bel  effet.  Cette  rotonde  eft  de  Van- 
bruch  ,  perfeélionnée  par  Bora  :  fa 
fituation  eft  admirable  ;  on  ne  fau- 
roit  imaginer  une  fccne  plus  riche 
ni  plus  majeftueufe  que  celle  où  do- 
mine cet  élégant  édifice. 

Allez  vers  le  nord  ,  &  percez  dans 
les  feuillages  ,  vous  découvrirez  la 
caverne  de  Didon  14,  petit  repofoir 
fort  fimple,  où  l'on  a  peint  Enée  & 
Didon  avec  ces  vers  de  Virgile  '.Spe- 
luncam  Dido  ^  &c.  De -là,  p.ir  un 
fentier  fort  court  &  fort  fombre , 
vous  venez  au  pied  d'un  monticule  , 
fur  lequel  eft  érigée  une  colonne  25 


J  A  R  73 

corinthienne,  qui  fupporte  la  ftatue 
du  Roi  Georges  II  .•  elle  eft  envi- 
ronnée  de  fapins.  On  voit  d'ici  le 
lac  ,  la  maifon  ,  la  colonne  Cobham  , 
le  temple  des,  grands  hommes  (i), 
la  grande  porte  du  côté  de  Bucking- 
ham  ,  le  temple  de  Vénus  ,  &  la- 
rotonde.  vVi-S' 

En  defcendant  à  "auche  ,  vous  vous 
trouvez  au  bout  d'une  vafte  avenue 
de  gazon,  bordée  de  plantations  ir- 
régulières. Cette  extrémité ,  qui  n'eft 
éloignée  que  de  quelques  pas  de  la 
grande  avenue  ,  forme  une  cfpèce 
de  terraffe  ornée  de  deux  urnes  :  on 
l'appelle  le  théâtre  de  la  Reine  16. 
Le  fond  de  cette  avenue  étoit  au- 
trefois rempli  par  une  belle  pièce 
d'eau. 

Continuez  votre  route  à  gauche  , 
&  traverfez  ce  charmant  bofquet, 
dont  les  allées  bordées  de  fleurs  & 
d'arbtilfeaux  de  toute  efpèce,  vien- 
nent en  ferpentant  aboutir  à  un  cen- 
tre 27  commun.  Là  étoit  autrefois 
un  joli  bâtiment  ionique  j  appelle 
Sallon  du  repos. 

Après  avoir  traverfé  une  autre 
belle  falle  régulière,  un  fentier  vous 
conduit  à  une  petite   allée  d'arbres 


(i)  t^ote  de  l'Editeur.  M.   de  Gcrardin  .i  quelque  chofe  d'approchant   dans   Ton  parc 
d'Ermenonville,    &:  par  un  feul  mot,  pour  dcvifc  ,   il  caradc'iife  les  perfonnages  : 

Newton,  Montesquieu, 

Lucem.  Jufliciam. 

Descartes,  Rousseau, 

Nilinjeh/isinane,  Naturam, 

Voltaire,  Joseph    Priestley, 

Ridicalum.  Aerem. 

W.     PiNN,  B  E  N  I.      F  R  A  N  K  L  I  N, 

Humanitatem.  Fulmcn. 

Et  au  bas  de  la  colonne  CKlTce  i 

'*          ■                        .          '    •  Quis  hoc  perficiet. 

Tome  ru  % 


74  J  A  R 

yerts  t8,  fous  laquelle, par  le  moyen 
de  plufieurs  canaux  ,  la  pièce  d'eau 
fe  précipite  dans  le  lac  ,  &  forme 
cerce  cafcade  z  i  li  pirtorefque  dont 
on  a  déjà  parlé. 

De-là  vous  defcendez  fur  le  bord 
du  lac ,  qui  eft  tapilfé  d'un  beau  ga- 
zon ,  &  s'élève  doucement.  Tout  fe 
réunit  ici  pour  rappelier  à  votre  ima- 
gination les  idées  poétiques  j  les  ar- 
bres ,  les  plantes  &  le  gazon  dont 
vous  êtes  environné  \  le  lac,  le  vafte 
tapis  verd  qui  eft  au-delà  ,  dont  vous 
mefurez  l'étendue  j  l'afpeél  des  ruines 
couvertes  de  lière  &  d'arbres  verts  \ 
les  tritons  &  les  naïades  qui  s'of- 
frent fous  diverfes  attitudes  dans 
leurs  grottes  humides  ;  le  chant  de 
iBille  oifeaux&:  lebêlement  des  trou- 
peaux ,  mêlés  au  bruit  des  feuilles 
agitées  &  à  celui  de  l'eau  de  la  caf- 
cade  j  produifent  le  plus  beau  <5c  le 
plus  agtéable  enfemble.  Tout  près 
eft  une  grotte  ruftique  de  l'inven- 
tion de  Kent  zp  ,  appellée  VHcrml- 
tage  ou  la  Grotte  du  Berger  :  elle 
eft  couverte  de  lierre,  &  au-devant 
d'un  boccage  qui  s'élève  jufqu'à  la 
terralTe  ou  l'allée  du  midi  j  le  dedans 
eft  voûté.  On  y  trouve  une  infcrip- 
tion  angioife  prefque  effacée ,  à  la 
mémoire  d'un  lévrier  d'Italie ,  ap- 
pelle le  Signor  Fido. 

Si  vous  remonrez  en  traverfant  le 
boccage  jufqu'à  l'allée  méridionale, 
nommée  la  Terrtijfe  de  Pegs  ,  vous 
trouvez  deux  pavillons  50  en  forme 
de  pcriftiles ,  placés  aux  deux  côtés 
de  l'entrée  la  plus  ordinaire  des  jar- 
dins. La  porte  de  fer  ne  s'élève  qu'au 
niveau  de  la  terralfe,  ainfi  que  toutes 
les  autres  portes  d'entrée ,  pour  ne 
pas  marquer  les  bornes  des  jardins, 
&  afin  que  rien  n'empêche  qu'elles 
ne  s'uniftent   en  apparence  ^vec  le 


J  A  R 

refte  de  la  campagne.  On  monte  fous 
chaque  pavillon  par  fix  marches  ;  le 
plafond  ftulpté  en  hexagone  ,  avec 
une  rofe  au  centre  ,  eft  fupporté  par 
fîx  colonnes  doriques.  La  perfpec- 
tive  eft  ici  de  la  plus  grande  beauté. 
Les  maflîfs  bordés  d'arbres  verts  qui 
régnent  le  long  de  la  terralfe ,  s'ou- 
vrent pour  laifter  voir  la  pièce  d'eau 
&  ce  beau  tapis  de  verdure  &  de  bois 
qui  s'élève  continuellement  jufqu'i 
la  maifon ,  &  il  devient  aftez  large 
pour  que  la  façade  foit  pleinement 
découverte.  A  droite  &  à  gauche  on 
apperçoic  au  travers  des  arbres  & 
des  percés ,  d'autres  objets,  tels  que 
le  lac,  les  rivières,  &c. 

Continuez  votre  promenade  à 
droite,  le  long  de  la  terralfe,.  vous 
arriverez  à  une  efpece  de  demi  lune 
décorée  par  le  Temple  de  l'Amitié  3  1 . 
C'eft  un  bâtiment  d'ordre  dorique , 
&  diftingué  par  la  jufteiTe  de  fes 
proportions.  La  façade  préfente  un 
portique  à  quatre  colonnes  &  deux 
niches  ,  &  les  côtés  font  compofés 
chacun  de  trois  arcades  qui  forment 
deux  autres  portiques.  Le  delTus  de 
la  porte  eft  orné  de  l'emblème  de 
l'amitié,  &  fur  la  frife  eft  cette  inf- 
cripcion:  Amiciti^  facrum.  L'intérieur 
du  temple  offre  ime  fuite  de  dix 
buftes  de  marbre  blanc,  fur  des  pieds- 
deftaux  de  marbre  noir ,  rous  bien 
exécutés  ;  chaque  bufte  eft  le  por- 
trait d'un  ami  du  lord  Temple.  Le 
plafond  préfente  la  Grande-Bretagne 
afîife ,  &  à  fes  côtés  les  emblèmes 
des  règnes  qu'elle  regarde  comme 
les  plus  glorieux  ou  les  plus  hon- 
teux de  iti  annales.  Tels  font  d'une 
part  ceux  d'Elifabeth  &  d'Edouard 
III  ,  &  de  Taurre,  celui  de  Jacques 
fécond  ,  qu'elle  femble  vouloir  cou- 
vrir de  fon  manteau ,  &  rejecei  avec 


J  A  R 

dédain.  De  ce  temple,  la  vue  fe  porte 
immédiatement  fut  un  charmant  val- 
lon traverfé  par  une  rivière  ,  dont  le 
côté  le  plus  éloigné  eft  un  vafte  capis 
verd  j2  triangulaire, en  plan  incliné, 
coupé  très-irrégulièremenr ,  parfemé 
de  quelques  arbres,  couvert  de  trou- 
peaux ,  &  terminé  au  fommet  pat 
le  Temple  des  Dames.  Les  princi- 
paux objets  de  ce  point  de  vue  font 
d'ailleufs  le  temple  gothique,  le  pont 
de  Palladio  ,  la  colonne  Cobham  , 
&  le  château  antique  qui  eft  dans 
le  parc.  L'angle  des  jardins,  qui  eft 
peu  éloigné  du  temple  de  l'Amitié, 
eft  marqué  par  une  belle  gril/e  de 
fer  j  5  ,  élevée  de  route  fa  hauteur  au- 
deffiis  de  la  terralFe  :  cette  porte  eft 
le  paflage  pour  aller  à  l'ancien  châ- 
teau. 

Defcendez  dans  le  vallon,  le  long 
de  la  rerraffe  du  levant ,  qui  eft  la 
plus  irréguUère ,  &  vous  trouverez 
bientôt  un  très-beau  pont ,  appelle 
le  Pont  de  Pembroch  54,  ou  le  pont 
de  Palladio ,  parce  qu'il  eft  conftruit 
félon  la  manière  de  ce  dernier.  Ses 
deux  extrémités  offrent  deux  élégan- 
tes baluftrades  qui  fe  continuent  dans 
les  entre-colonnes  :  le  plafond  foutenu 
par  des  colonnes  ioniques ,  eft  divifé 
en  quatre  ceintresfculptés  en  grands 
hexagones  :  les  quatre  coins  intérieurs 
font  ornés  de  vafes  de  plomb  dorés. 
On  voit  de  deftus  ce  pont  la  prin- 
cipale rivière  ferpenter  dans  les  jar- 
dins &  dans  le  parc  ,  &  fes  bords 
couverts  de  troupeaux  qui  viennent 
s'y  défakérer.  Les  autres  points  de 
vue  font  une  ferme,  le  château  go- 
tique ,  le  temple  de  Vénus ,  l'arc 
d'Amélie  ,  &  le  temple  de  l'Amitié. 

Après  avoir  traverfé  le  pont,  con- 
tinuez la  même  allée  3  5  le  long 
du  tapis  verd ,  don(  l'élcvaciou  eft 


J  A  a 


'5 


très  -  fenfible ,  jufqu'à  ce  que  vous 
arriviez  à  un  temple  ^6  rougeâcre, 
qui  fe  voit  de  très- loin  ,  parce  qu'ii 
eft  fitué  fur  une  éminence  :  il  eft 
bâti  d'un  grès  fort  tendre  &  fort 
rouge  ,  &  fa  forme  imite  parfaite- 
ment'celle des  anciens  temples  du  trei- 
zième &  du  quatorzième  fiècle.  Ou 
l'appelle  le  Temple  Gothique.  Tout 
eft  dans  le  goût  antique  ,  les  portes , 
les  vîcreaux,  les  tours  ,  lesornemens. 
On  monte  par  un  efcalier  fort  ufé  à 
une  galerie  qui  forme  un  fécond 
érage,  &  de-là  jufqu'au  haut  d'une 
grolfe  tour ,  d'où  l'on  découvre  tout 
le  pays  d'alentour  à  la  diftance  de 
plufieurs  milles.  Ce  temple  a  foixante- 
dix  pieds  de  haut.  Le  dôme  eft  orné 
des  armes  de  la  famille  des  Gren- 
ville.  Qn  lifoit  autrefois  fur  la  porte 
d'entrée  ,  ce  vers  de  Corneille  : 

Je   rends  grâces  aux  Dieux  de  n'être  pas 
Romain. 

L'extérieur  a  trois  faces  femblables, 
&  chaque  angle  a  une  tour  penta- 
gone ,  dont  celle  qui  eft  tournée  au 
levant  eft  la  plus  élevée ,  &  furmon- 
tée  de  cinq  petites  flèches  avec  des 
croix  :  les  autres  ont  de  petits  don- 
jons à  cinq  fenêtres  ;  chaque  façade 
a  fept  pottes  &  autant  de  fenêtres 
vitrées.  Au  levant  &  à  quelques  toi- 
fes  du  temple ,  on  a  placé  en  demi- 
cercle  fur  le  gazon  les  fept  divini- 
tés /axones  ,  qui  ont  donné  leurs 
noms  aux  jours  de  la  femaine  chez 
les  Anglois.  Ces  ftatues  font  en  pierre 
&  du  cifeau  de  Risbrack  ,  célèbre 
fculpteur.  Le  lord  Cobham  les  avoit 
placées  dms  le  boccage  1 5  autour 
d'un  autel  ruftique  :  c'éroit  obferver 
le  coftume  ,  &  ne  pas  mêler  le  facré 
avec  le  profane.  Derrière  ces  ftatues, 
il  y  a  luie  porte  d'encrée  qui  s'ouvre 


7<f  J«A  R 

dans  le  parc  fur  de  vaftes  prairies. 
De  tous  les  côcés  du  temple  gothi- 
que ,  on  a  de  beaux  points  de  vue  : 
le  vallon  qui  paroît  ici  très-profond, 
couvert  de  troupeaux  &  d'arbres  ; 
la  maifon  qui  s'élève  au-delîus  des 
aibres ,  le  temple  de  Myladi ,  la  co- 
lonne Cobham  au  bout  d'une  longue 
allée  y  la  rivière  &c  le  pont  ,  d'im- 
menfes  prairies  &  des  lointains. 

Suivez  toujours  la  terraife ,  ou  fi 
vous  l'aimez  mieux  ,  la  route  irré- 
gulière j7,  qui  lui  eft  à-peu- près  pa- 
rallèle, &  quitraverfe  de  vaftes  maf- 
fifs  diverlement  grouppés ,  dont  l'en- 
femble  préfen'te  une  forme  triangu- 
laire. Vous  trouvez  à  l'extrémité  de 
cette  route  une  fuperbe  colonne  5  8 
canelce  &  otl:ogone  ,  dont  le  fom- 
met  ell;  furmonré  d'une  rotonde  ou- 
verte fur  huit  petites  colonnes  quar- 
rées.  Sur  cette  rotonde  eft  placée  la 
ftatue  du  lord  Cohham ,  habillé  à  la 
romaine  &  en  attitude  de  Jules- 
Céfar.  On  monte  jufqu'au  fommet 
par  cent  quarante-fept  marches  fort 
rudes ,  autour  de  laquelle  on  lit  ces 
mots  en  gros  caractères  :  Ut  L.  Lu- 
cuUï  fummï  viri  quis  ?  at  quam  muld 
yïllarum  magnïficentïam  imïtati  funtl 

Cette  colonne  eftapperçue  de  pref- 
que  tous  les  coins  du  jardin ,  dont 
elle  ell  un  des  objets  les  plus  remar- 
quables. Indépendamment  des  payfa- 
ges  &  des  champs  du  côté  du  parc  , 
elle  domine  dans  les  jardins,  fur  une 
belle  peloufe  qui  fe  termine  de  cha- 
que côté  par  des  bois,  &  vient  fe 
perdre  dans  un  profond  vallon ,  au- 
delà  duquel  eft  le  luperbe  temple  de 
la  Concorde  \  à  gauche  on  voit  le 
temple  gothique  ,  la  grande  arcade 
vers  Buckingham  ,  &  au  -  delà  un 
agréable  payfage. 

Achevez  de  parcourir  la  terraife 


J  A  R 

Jufqu'à  cette  grande  demi-lune  j  9  qui 
la  termine ,  &  n'eft  ornée  que  de  quel- 
ques grouppés  d'aibres  plantés  fans 
ordre  :  j'excepte  toujours  ceux  qui 
régnent  le  lonij  du  mur  &  du  folfé 
d'enceinre  dans  tout  le  circuit  des 
jardins.  M.  Whalely  a  déjà  obfeivé 
que  c'étoit  là  prefque  les  feules  traces 
de  fymétrie  qui  eulTenr  été  confervées 
à  Stowe. 

La  terrajfe  du  nord  40  eft  entière- 
ment bordée  de  bofquets  &  de  bo- 
cages percés  très-irrégulièrement.  En 
général  les  arbres  ,  les  arbnlfeaux 
toujours  verds  ,  tels  que  les  cyprès, 
les  ifs ,  les  fabines ,  les  thuya  ,  les 
lauriers  de  toute  efpèce,  les  houx, 
les  magnolia,  &c.  régnent  principa- 
lement le  long  des  bordures  dans 
toutes  les  plantations  de  Stov/e,  & 
les  arbres  qui  fe  dépouillent  de  leur 
verdure  remplilfent  l'intérieur  des 
bois  ,  quoiqu'ils  foient  également 
mêlés  d'arbres  toujours  verds.  Le 
commencement  des  bofquets  de  la 
terraife  du  nord ,  eft  orné  d'un  pa- 
villon oélogone  41  ouverr,  orné  de 
quatre  thermes  en  -  dehors  &  de 
quatre  tètes  de  bélier  en -dedans, 
avec  une  voûte  qui  le  termine  en 
pointe  j  on  l'appelle  le  temple  de  la 
poéjïe  pajiorale.  A  quelques  pas  du 
pavillon,  vers  l'angle  de  la  terraife, 
eft  une  ftatue  qui  repréfente  la  poéfie 
paftorale  40  5  elle  tient  dans  fa  main 
une  toile  déroulée,  fur  laquelle  on 
lit  ces  mots  :  Pajlorum  carmin j  canta. 

En  fe  promenant  le  long  de  la 
terralTejOn  a  pour  perfpeclives  d'im- 
menfes  peloufes,  couvertes  de  bêtes 
fauves  &  de  toutes  fortes  de  trou- 
peaux,  des  champs,  des  villages,  de 
vaftes  forêts  percées  d'allées  à  perte 
de  vue,   &c  de  l'obélifque  de  Wolfi 

Quand  vous  êtes  parvenu  au  boui 


J  A  R 

de  la  termlfe  ,  vous  êtes  arrêté  par 
une  porte  de  fer  qui  ne  s'élève  qu'à 
la  hauteur  de  l'allée.  Tournez  à  siauche 
&  percez  quelques  grouppes  d  arbres, 
vous  ferez  agréablement  frappé  de 
l'afped  du  bâtiment  le  plus  fuperbe 
de  ces  jardins  :  c'eft  le  temple  Grec  ^i , 
dont  la  forme  reétangulaire  porte  en- 
viron quatre-vingt-huit  pieds  de  lon- 
gueur; il  eft  de  l'ordre  ionique,  &: 
conlkuit  jexaélemenc  fur  le  niodèle 
du  temple  de  Minerve  à  Athènes. 
On  monte  par  quinze  marches  fous 
un  luperbe  périftile  de  vingt- huit 
colonnes,  qui  régne  tout  autour  du 
temple,  &:  dont  le  plafond ell  fculpté 
en  ipetlts  quarrés  ornés  d&  rofes.  Le 
fronton  préfente  en  demi -relief  les 
quatre  parties  du  monde,  qui  ap- 
portent à  la  Grande  Bretagne  les 
principales  produélions  qui  les  ca- 
jraétérilent  ;  c'elf  l'ouvrage  du  fculp- 
teur  Scheèmaker,  Le  fommet  du 
ftonton  eft  orné,  de  trois  ftatues , 
plus  grandes  que  le  naturel,  &  celui 
du  fronton  oppofé  en  a  autant.  Sur 
la  frife  du  portique, eft  .gravée  cette 
infcription  :  .,,i>  3^o■,f;^■i  a\~, 
.  ,  .,  ' 
Concordia.  6f  vicloria.  '  . 
••,■••■  .'1 

Sur  lé  mut- de  f^ace  aux  deux  côtés  de 
la  porte,  qui  eft  peinte  en  bleu  &  or, 
font  deux  grands  médaillons  ,  fur 
l'ur^  defquels  font  écrits  ces  mots  : 
concordia  jœderatorum  ;  &  fur  l'autre  : 
concordia  civium.  Sur  la  porte  on  a 
gravé  ce  palfage  de  Valère-Maxirne  : 
quo  tempore  falus  eorum  in  ultinia.s 
ang-ujlias  deducla  ,  nullum  amhiûohi 
locum  relinquebat.  L'intérieur  du 
temple  eft  d'une  grande  fimplicité; 
on  y  voit  quatorze  niches  vuides,  in- 
dépendamment d'une  autre  niche  où 
eft  placée  une  ftatue  avec  cette  inf- 
cription •.Itbçrcas^.pubUça.  Au-defllis 


J  A  R 


77 


de  ces  niches  font  autant  de  mé- 
daillons où  font  repréfentées,  en  bas 
reliefs  ,  les  conquêtes  des  Anglois 
fur  les  François. 

Le  temple  Grec  eft  admirablement 
bien  litué,  <k  domine  une  magni- 
fique perlpeétive  prefqu'entièrement 
compofée  de  bois  &  de  peloufes.  La 
vue  le  porte  immédiatement  fur  un 
profond  vallon,  de  traverfe  45  ,  en- 
;ièrement  couvert  de  gazon  ,  dont  les 
côtés  ont  depuis  deux  cent  cinquante 
jufqu'à:deux  cent  quatre-vingt  pieds 
de  talus.  Au-delà  du  vallon  ,  la  fcène 
fe  divife  en  trois  ouvertures,  qui, 
en  partant  du  temple,  forment  en- 
core -trois  rayons  divergens  ;  celle 
qui  eft  à  gauche  eft  une  clarière  alTez 
.étroite ,  au  bout  de  laquelle  on  ap- 
perçoit  l'obélifque  qui  eft  dans  le 
parc;  celle  de  la  droite  conlifte  eu 
un  beau  tapis  verd ,  terminé  par  la 
colonne  Cobham  3  S  \  enfin  la  divifion 
du  milieu,  qui  eft  fans  comparailon 
la  plus  fuperbe,  ptéfente,  dans  toute 
ix  longueur  ,  un  large  &  profond 
vallon,  marqué  par  de  petits  mon- 
ticules &  de  légers  enfoncemens,  & 
dont  les  bords  font  couionnés  de 
beaux  maflits  ,  d'où  fe  décachent 
quelques  grouppes  d'arbres  iufques 
dans.  J  le.  fond.  Le  long  de  ces  bords 
ont  été  placés  quelques  grouppes  de 
ftatues  de  plomb  blanchi ,  dont  les 
plus  belles  font  celles  ^Hercule  Se 
àiAntée^  de  Cain  &  lïAhel^  inor- 
ceaiix  pleins  de  vigueur.  Ce  terrein 
couvert  de  gazon ,  &  ces  bois  où  l'on 
diftingue  toutes  les  nuances  de  verd, 
ces  bàtimens  ,  ces  ftatues,  tous  ce« 
objets  placés  à  une  jufte  diftance  , 
compofentunpointde  vue  qui  étonne 
<5c  attache  le  fpeélate'ur  ;  vous  ne 
pouvez  quitter  ce  bâtiment ,  cm  règne 
taiu .  de-   goût    &   de    iunplicité  , 


7l  J  A  R 

qu'après  en  avoir  fait  le  tour  plus 
d'une  fois. 

Si  Je-là  vous  traverfez  le  vallon  à 
droire  ,  &  enfuite  la  premièfe  allée 
i^i  fe  préfente,  vous  découvrez  un 
édifice  lîtué  entre  deux  beaux  tapis 
de  verdure  Se  de  vaftes  bofquets  \  c'eft 
le  temple  des  Dames  44.  Vous  entrez 
de  plein  pied  fous  trois  rangs  d'ar- 
cades qui  fe  croifent  quarrément  & 
forment  neuf  voûtes  à  fix  coupes , 
dont  les  points  d'interfection  font 
marqués  par  une  rofe.  Le  pavé  ell 
cQtnpofé  de  petits  cailloux,  &c  varié 
par  des  delleins  de  pierre  plate,  cir- 
culaires &  exagones;  un  efcalier  allez 
joli  conduit  à  un  fallon  dont  les  murs 
font  ornés  de  peintures  de  Sleter  , 
aflez  médiocres;  elles  repréfentent 
plufieurs  dames,  occupées,  les  unes 
a  des  ouvrages  à  l'éguille ,  les  autres 
à  peindre  ,  les  autres  à  jouer  des 
inftrumens.  Ce  fallon  eft  encore  dé- 
coré de  huit  colonnes  &  quatre  pi- 
laftres  d'ordre  ionique,  ôc  de  marbre 
veiné  de  rouge  Se  de  blanc.  Ce  bâ- 
timent a,  d'un  côté,  pour  perfpec- 
tive  le  magnifique  tapis  verd  ou 
vallon  triangulaire  3 1 ,  avec  tous  les 
objers  qui  l'accompagnent,  tels  que 
la  rivière  ,  le  pont  ,  le  temple  Go- 
thique &  le  temple  de  l'Amitié;  & 
de  l'autre  côté  une  belle  peloufe  de 
niveau  ,  la  colonne  Cobham  &  la 
colonne  Roftrale. 

Defcendez  le  vallon  au  midi,  en 
côtoyant  le  bois  à  droite,  jufqu'à  ce 
que  vous  trouviez ,  à  la  féconde  allée 
ie  traverfe ,  un  petit  coteau  rapide  ^^  j 
defcendez  ce  coteau ,  Se  vous  ne  trou- 
verez plus  ,  en  vous  promenant  le 
long  des  trois  pièces  d'eau  qui  fe 
fuccèdent  jufqu'à  la  livière  &  rem- 
plirent le  fond  d'un  grand  vallon , 
qu'une  alternative  délicieufe  de  boc- 


J  A  R 

cages  fombres ,  de  pièces  de  gazon  & 
de  petits  lieux  de  repos. 

Le  premier  objet  qui  fe  préfente 
au  bas  du  coteau  &  au  milieu  d'un 
ombrage  épais,  eft  une  Jolie  grotte 
4^,  dont  la  furface  extérieure  eft 
couverte  de  petits  filex  ou  pierres  i 
fufil ,  Se  de  plaques  de  porcelaine. 
L'intérieur  eft  divifé  en  trois  com- 
partimens ,  dont  les  murs  font  in- 
cruftés  de  coquillages  &  de  filex.  La 
voûte  du  milieu  eft  ornée  de  glaces 
dont  la  forme  repréfente  un  foleil; 
les  murs  des  autres  divifions  font 
auill  couverts  de  glaces  comme  des 
cheminées ,  mais  le  plus  bel  orne- 
ment de  cette  crotte  eft  une  admi- 
rable  ftatue  de  marbre ,  qu'on  dit  re- 
prcfenter  une  Vénus ,  quoique  fon 
air  modefte  annonce  le  contraire  ; 
elle  eft  repréfentée  toute  nue ,  quoi- 
que de  grandeur  plus  qu'humaine , 
portant  une  main  fur  fon  fein ,  Se 
jetant  de  l'autre  une  légère  draperie 
qui  ne  la  couvre  que  très-foiblemenr. 
Immédiatement  derrière  la  grotte, 
le  terrein  s'élève  à  pic ,  &  il  eft  en- 
tièrement couvert  d'atbrifTeaux  ,  de 
lierres  Se  de  ronces. 

A  la  diftance  de  trois  ou  quatre 
pas  de  l'entrée  de  la  grotte  ,  font 
placées  deux  jolies  rotondes  ,  l'une 
dorique,  l'autre  ionique,  compofées 
chacune  de  fix  colonnes ,  qui  fou- 
tieiinent  une  coupole  ;  les  colonnes 
ioniques  font  torfes.  Ces  rotondes 
font  entièrement  incruftées  de  petits 
filex  Se  de  nacres,  leurs  centres  of- 
frent des  grouppes  de  quatre  enfans 
qui  fe  tiennent  par  la  main. 

Tournez  à  gauche,  en  vous  écar- 
tant un  peu  du  bord  de  l'eau,  gagnea 
le  bois,  &  vous  trouverez  un  bâti- 
ment fort  fimple,  appelle  cold-bath 
ou  les  bains  fr-oids  ^  il  contient  uu 


J  A  R 

rcfetvoir  plein  d'eau  courante,  def- 
tinée  aux  bains ,  &  il  n'eft  orné  que 
de  quelques  médaillons  où  font  des 
têtes  d'Empereurs  Romains. 

Entre  les  deux  rotondes  ,  com- 
mence la  première  pièce  d'eau,  ap- 
pellée  la  rivière  des  aulnes  47  ^  parce 
que  cette  efpèce  d'arbre  abonde  fur 
fes  bords  :  elle  contient  une  petite 
ifle  remplie  d'arbrifleaux.  Les  eaux 
fe  dégorgent  dans  la  féconde  pièce 
d'eau  fous  un  pont  de  rocaïiks  48, 
couvert  de  lierre  &  d'autres  plantes 
rampantes,  &  fotment  plufieurs  jolies 
cafcades.  Sur  le  bord  de  cette  pièce 
d'eau,  à  côté  du  pont,  étoit  aAurefois 
un  petit  pavillon  chinois. 

En  partant  du  pont  de  rocailles , 
fuivez  le  bord  du  canal  à  gauche , 
vous  trouverez  une  efpèce  de  petit 
amphithéâtre  de  gazon  ,  couronné 
par  le  temple  des  illujlres  Bretons ^'f), 
ou  des  hommes  les  plus  célèbtes 
d'Angleterre j  c'eft  une  fuite,  à  peu 
près  demi-circulaire  de  feize  niches , 
dans  chacune  defquelles  a  éré  placé 
le  bufte  de  quelque  Anglois  fameux; 
le  milieu  de  la  courbe  eft  orné  d'une 
pyramide  remplie  par  un  fort  beau 
bufte  de  Mercure,  au-delTus  duquel 
eft  cet  émiftiche  de  Virgile  :  campos 
û'//£:iri7flf£'/)'jfc)j^&  plus  bas  une  plaque 
de  marbre  noir,  où  font  gravés  ces 
vers  de  Virgile  :  hïc  manus  ob  pa- 
triam  y  Sic.  Les  illuftres  Anglois  ici 
repréfentés  font...  Alexandre  Pope... 
Thomas  Gresham...  Ignace  Jones... 
Jean  Milton...  Guillaume  Shakef- 
pear...  Jean  Locke...  Ifaar  Newton... 
François  Bacon...  Le  roi  Alhed... 
Edouard,  prince  de  Galles...  La  reine 
Elifabeth,..  Le  roi  Guillaume  IIL.. 
Walter  Raleigh...  François  Drake... 
Jean  Hampden...  Jean  Barnard... 
Cette  fuite  de  niches  eft  terminée 


J  A  R  79 

en- bas  par  trois  grandes  marches, 
&  s'enfonce  dans  un  boccage  de 
lauriers ,  dont  les  branches ,  tombant 
naturellement  fur  les  frontons,  for- 
ment une  couronne  à  chaque  bufte. 
Le  terrein  compris  entre  le  bâtiment 
&  les  eaux  forme  une  pente  douce, 
de  la  largeur  de  deux  à  trois  toifes, 
&  couverte  de  gazon. 

Le  temple  des  illuftres  Bretons  eft 
l'objet  le  plus  intéreftant  des  champs 
elifees.  On  appelle  ainfi  tout  le 
vallon  compris  entre  la  grande  ave- 
nue 5,6,  &  la  peloufe  triangu- 
laire 3 1 ,  &  dont  le  fond  eft  rempli 
par  les  uoxs  pièces  d'eau  47  ,  5  0 ,  5 1  j 
mais  la  fcène ,  divifée  par  la  pièce 
d'eau  du  milieu,  a  reçu  plus  parti- 
culièrement le  nom  de  champs  élifées. 
Pour  achever  de  les  parcourir ,  re- 
venez fur  vos  pas  ,  hc  traverfez  le 
pont  de  rocailles  48  ,  enfuite  montez 
adroite,  &  percez  quelques  grouppes 
d'arbres  verds  fort  touffus ,  vous  verrez 
une  églife paroiffiale  52  j  entourrée 
d'un  cimetière,  terminé  par  un  mur, 
&  rempli  d'épitaphes;  cette  églife, 
quoique  tout-à-fait  cachée  par  des 
bois ,  n'eft  pas  un  objet  digne  des 
champs  élifées  ,  &  des  jardins  char- 
mans  paroilîent  peu  faits  pour  ren- 
fermer un  cimetière. 

Vous  quittez  bien  vue  ce  trifte 
féjour  pour  examiner  un  monument 
plus  digne  de  votre  attention  ,  & 
qui  s'offre  à  vos  yeux  en  fortant  du 
cimetière  ;  c'eft  une  colonne  rojlrale 
5 } ,  en  l'honneur  du  capitaine  Gren- 
ville  \  fur  le  fommet  eft  une  ftatue 
qui  repréfente  la  poéfie  héroïque, 
tenant  un  rouleau  déployé  où  font 
ces  mots  :  non  nifî grandia  canto  ;  fur 
la  plinthe  &  fur  le  piedeftal  font 
gravées  plufieurs  infcripcions. 

A  quinze  ou  feize  coifes   de  la 


2o  J  A  R 

colonne  Grenville,  vous  appercevez, 
fur  un  monticule,  &  dans  une  heu- 
reufe  firuation ,  le  temple  de  l'an- 
cienne Vertu  54.  C'eft  une  très- jolie 
rotonde  qui  n'eft^pas  ouverte  de 
toutes  parts, comme  celle  de  Vénus, 
mais  feulement  entourrée  d'un  pé- 
riftile  compofé  de  feize  colonnes 
d'ordre  ionique.  On  y  entre  par  deux 
portes  tournées  au  midi  &  au  levant, 
à  chacune]  defquelles  on  arrive  par 
uh  efcalier  de  douze  marches.  On 
lit  au-delllis  de  chaque  porte  :  prifcs, 
virtuv.  L'intérieur  du  dôme  eft  fort 
bien  fculpté  ,  &  les  murs  font  dé- 
corés de  quatre  niches,  ou  font  placées 
hs  ftatues  un  peu  gigantefques  d'Ho- 
mère, de  Lycurgue,  de  Socrates  & 
d'Epaminondas,  au-delFous  defquelles 
fonr  gravées  des  infcriptions. 

Chaque  ouverture  de  périftile  entre 
lescolonnes,préfente  quelques  points 
de  vue  agréables.  De  la  porte  du 
levant ,  on  voit  la  colonne  de  Gren- 
ville, le  temple  des  fameux  Bretons, 
le  pont  de  Pembrokc  &  la  rivière. 
De  la  porte  du  midi  on  découvre  les 
colonniis  du  roi  George  &  de  là  reine 
Caroline,  &  le  château  antique. 

A  coté  de  ce  temple  eft  celui  de 
la  moderne  vertu  j  qui  n'eft  qu'un 
monceau  de  ruines,  avec  une  arcade 
&  une  ftatue  brifée  ,  le  tout  couvert 
de  ronces' i?i  de  lierre. 

Marchez  le  long  du  bofquet  à 
droite,  vous  trouvez  une  route  tor- 
tueufe  &  ornée-,  qui  vous  mène  à 
une  arcade  5  ^,'d'6tdre dorique, 'érigée 
en  l'honneur  de  la  princefle  Amélie  y 
tante  du  roi.  Ce  monument; eft  fut 
le  fommet  du  vallon  àts  champs 
ciifées  ,  prefque  fur  le  bord  de  la 
grande  prairie  d'avenue ,  &  au  mi- 
lieu d'ini  joli  bofquet.  Une  clarière 
étroite  qui  s'ouvre  dans  les  bois,  laiife 


J  A  R 

voir  fur  la  même  ligne,  mais  fort  éloi- 
gnés l'un  de  l'autre ,  le  pont  de  Palladio 
&  le  château  gothique  j  le  ceintre  de 
l'arcade,  orné  d'exagones  remplis  par 
une  belle  fleur  finement  fculpcée,  eft 
fupporté  par  des  pillaftres  canne- 
lés j  on  lit  fur  l'attique  du  coté  de 
l'avenue  :  Ameiia  Sophia  aug.  j  &  du 
coté  du  vallon  on  voit  fon  médaillon 
avec  cette  exergue,  prife  d'Homère  : 
O  colenda  femper  &  culta  ! 

Aux  deux  côtés  de  cette  arcade 
font  placées  en  demi-cercle  les  ftatues 
d'AppoUon  &  des  neuf  Mufes,  qui 
ouvrent  de  ce  côté  là  la  fcène  des 
champs  élifées. 

Entre  l'arcade  &  l'avenue,  on  ad- 
mire un  beau  grouppe  àe  gladiateurs ^ 
entrelacés  &  renverfés  l'un  fur  l'autre. 
Le  rerte  des  maffifs  ou  bofquets  vient 
fe  terminer  près  de  la  grande  pièce 
d'eau  7  ,  où  des  fentiers  tortueux 
conduifent  à  une  cabane  ^6 ,  entiè- 
rement cachée  par  des  arbres. 

En  defcendant  de  l'arcade  d'A- 
mélie iSc  du  temple  des  Vertus,  on 
fe  promène  fur  un  charmant  tapis 
verd  5  7 ,  parfemé  de  quelques  arbres , 
&  qui  préfente  une  pente  douce 
jufqu'à  la  pièce  d'eau  j  il  eft  toujours 
couvert  de  troupeaux-,  &  dès  le  com- 
mencement du  printemps  les  rofîî- 
gnols  &;  les  autres  oifeaux  y  font 
entendre  leurs  ramages.  Allîs  fous 
un  orme  antique  &:  touffu  qui  ré- 
pand au  loin  fon  ombre  fur  le  tapis 
verd,  &  au  pied  duquel 'en 'a  placé 
un  banc  des  plus  (irriples,  vous  voyez 
devant  vous  la  pièce  d'eau  jo,  oc  au- 
delà,  cette  fuite  des  grands  hommes 
d'Angleterre,  environnés  de  lauriers 
de  de  myrthes  ,  qui  fe  réfléchilTent 
dans  l'eau.  Quoique  cette  perfpeétive 
foit  véritablemeiit  clvfienne  à  beau- 
coup d'égards,  elle  feroit  encore  plus 


agréable 


J  A  R 

agréable  fi  on  y  voyoic  moins  cîe 
bâtimens. 

Des  champs  élifées,  vous  naverfez 
un  ponc  48,  borde  d'arbres,  pour 
entrer  dans  la  grande  pelouje  trian- 
gulaire 5 1  ;  ce  pont  fépare  la  pièce 
d'eau  du  milieu  de  la  troifième  , 
qu'on  appelle  rivière  inférieure  51. 
Pour  la  diftinguer  de  la  principale 
rivière,  appellée  \dL  rivière  Jupéricure 

5  8  ,  le  point  de  réunion  de  ces  deux 
rivières  eft  marqué  par  un  fimple 
poiit  de  pierre  5  9  ,  que  vous  traverfcz 
en  fortant  de  la  peloufe  pour  achever 
de  parcourir  les  derniers  bofquets 
qui  vous  reftent  à  voir  dans  l'enceinte 
des  jardins. 

Le  premier  bâtiment  qui  vous 
frappe  quand  vous  marchez  à  gauche 
fur  le  bord  de  la  rivière ,  eft  le  mo- 
nument Congrève  60  \  c'ed:  une  pira- 
mide  tronquée  ,  fur  le  fommet  de 
laquelle  eft  un  finge  affis  qui  fe  re- 
garde dans  un  miroir  :  le  refte  de  la 
piramide  eft  orné  d'un  vafe  fur  lequel 
font  fculptés  les  attributs  du  genre 
dramatique  ,  propre  à  Congrève  j  au 
bas  du  monument  font  deux  mor- 
ceaux féparés  &  appuyés  contre  le 
piédeftal,  obliquement  &  d'une  ma- 
nière fort  néçliirée  ;  c'«ft  d'un  côté 
le  bufte  du  poète  en  demi- relief  & 
en  forme  de  mafque  comique ,  & 
de  l'autre  une  pièce  de  marbre  fur 
laquelle  eft  gravée  une  infcription  en 
l'honneur  de  Congrève. 

Si  vous  vous  enfoncez  dans  le 
bofquet,  vous  voyez  encore  un  petit 
bâtiment ,  appelle  la  grotte  de  cail- 
loux 6 1  ;,  c'eft  une  demi-coupole  qui 
telTemble  à  une  coquille  \  le  fond 
en  eft  compofé  d'un  gravier  très-«îii 

6  de  petits  cailloux  ,  de  manière 
qu'ils  imitent  des  fleurs ,  &  préfen- 
teuî  dans  le  fond  les  armoiries  du 

Tome  VI. 


JAR  8x 

lordCobhamou  des  Grenvilles,  dont 
la  devife  eft  :  templa  quàm  dilecîa  ? 
On  voit  que  les  jardins  répondent  à 
la  devif.'. 

De  la  grotte  des  cailloux  vous  re- 
montez par  la  première  allée  qui  fe 
préfente  jufqu'i  la  terraffe  du  midi, 
!k  vous  revenez  aux  deux  pavillons  30, 
qui  répondent  à  l'avenue,  après  avoir 
parcouru  &:  examiné  tous  les  objets 
renfermés  dans  l'enceinte  de  Stowe. 

Au-delà  des  jardins,  il  refte  en- 
core dans  le  parc;  quelques  objets  que 
j'ai  indiqués,  en  parlant  de  certaines 
perfpedives ,  &  qu'il  faut  confidérer 
de  plus  près,  mais  ils  ne  font  pas 
repréfentés  dans  le  plan,  parce  ou'ils 
fonr  trop  éloignés. 

A  un  mille  &  demi  ou  environ 
de  l'angle  oriental  de  la  terralfe  , 
vous  trouvez,  au  milieu  des  champs 
&  des  prés ,  une  ferme  conftruite 
comme  les  forts  du  XIV  fiècle  , 
avec  des  créneaux  au  fommet  des 
murs.  On  l'appelle  le  château;  ii  eft 
environné  de  petits  bofquets  de  bois 
du  côté  oppofé  au  jardin  ;  là  eft  une 
laiterie  qui  fournit  d'excellentes  crè- 
mes &  de  bons  laitages. 

De  ce  château ,  en  allant  dired:e- 
ment  au  nord,  vous  arrivez  à  Vobé- 
lifque  que  le  lord  Temple  a  érigé  en 
1759,  à  la  mémoire  du  major  gé- 
néral Wolfe  ;  cet  cbélifque  ,  qui  a 
plus  de  cent  pieds  de  hauteur,  eft 
fitué  fur  une  éminence,  au  milieu 
d'une  immenfe  peloufe  peuplée  de 
troupeaux,  &  fur-tout  de  bîtes  fau- 
ves. La  perfpefti  ve  ici  eft  fort  étendue  , 
&  du  côté  oppofé  aux  jardins,  c'eft- 
àdire  vers  le  Northamptcnshire,  eft 
une  vafte  forêt ,  percée  d'allées  à  perre 
de  vue  ,  &  terminée  par  des  loin- 
tains. 

De  l'obélifque,  vous  revenez  à  k 


îi  J  A  R 

terrafle  du  nord,  pour  voir  hjfûtue 
équejlre  de  Georges  P'  61;  elle  eft 
placée  hors  des  jardins,  quoique  fur 
la  même  ligne  que  la  terrafle  &  à 
l'excrcmité  d'un  tapis  verd  (^5  ,  fort 
vafte  &c  parfaitement  uni,  qui  règne 
dans  toute  la  loniiueur  de  la  façade 
du  nord;  cette  ftatue  eft  très- mé- 
diocre dansibn  genre. 

A  peu  de  dillance  de  la  ftatue 
commence  une  vallée,  dont  le  bord 
règne  parallèlement  à  la  terralTe  ; 
depuis  ce  bord  jufqu'au  fond  de  la 
vallée  ,  la  pente  oblique  eft  environ 
de  fept  à  huit  cent  pieds.  Le  terrein  , 
extrêmement  diveififié  &  couvert  de 
toutes  fortes  de  troupeaux ,  tant  dans 
la  vallée  que  dans  les  campagnes  qui 
font  au-delà,  offre  une  perfpeilive 
des  plus  agréables  &  des  plus  cham- 
pêtres. 

Faites  entièrement  le  tour  de  ces 
belles  allées  qui  environnent  les  jar- 
dins de  toutes  parts  ,  excepté  au 
levant,  &c  terminez  le  petit  voyage 
de  Stowe  par  la  fuperbe  porte  ou  ar- 
cade qui  eft  au  midi  des  jardins , 
fur  le  bord  du  chemin  qui  conduit 
à  Buckingham  ;  elle  eft  conftruite 
dans  le  goût  de  la  porte  S.  Martin 
de  Paris,  quoique  moins  vafte,  & 
fans  figures  ni  trophées.  Cette  façade 
eft  ornée  de  quarre  belles  colonnes 
corinthiennes;  Tinférieur  de  la  voûte, 
■qui  eft  très -large,  eft  fculpté  en 
grands  quarrés  creux,  &.  l'entable- 
ment eft  furmonté  d'une  très -belle 
balluftrade.  Cette  porte  de  décora- 
tion répond  exaétement  à  la  grande 
avenue  des  jardins ,  au  fommet  de 
laquelle  eft  placé  le  château.  On  le 
voit  tout  entier  s'élever  au  milieu 
des  bois ,  ainfi  que  plufieurs  autres 
bârimens  ,  tels  que  le  temple  go- 
thique ,  la   rotonde ,  les  colonnes  , 


J  A  R 

Sic. ,  ce  qui  forme  un  tableau  ma- 
gnifique. 

Tels  font  les  jardins  de  Stowe,  où 
vous  roye^  j  dit  Pope ,  l'ordre  dans 
la  variété i  oh  tous  les  objets ^  quoique 
différens  j  fe  rapportent  à  un  feul 
tout  :  ouvrage  admirable  de  l'art  & 
de  la  nature  ^  que  le  temps  perfec- 
tionnera. 

On  auroit  tort  de  fe  figurer  que  ces 
temples ,  ces  rotondes ,  ces  obélifques, 
&;c.  contribuent  à  la  vraie  beauté  des 
jardins  de  Stowe;  tous  ces  objets  font 
purement  accelToires  <S:  de  décoration , 
&  jofe  dire  que  s'ils  étoient  fup- 
primés ,  ces  jardins  feroient  toujours 
beaux  &  très-beaux  ,  parce  qu'ils  font 
dans  la  belle  nature  ,  que  rien  n'y 
préfente  l'idée  de  gêne  ,  de  con- 
trainte, de  travail,  &:  l'on  croiroit 
qu'ils  ne  doivent  rien  à  l'art ,  tant 
l'arr  a  foin  de  s'y  cacher.  Le  grand 
mérite,  le  mérite  capital  eft  d'avoir 
tiré  le  parti  le  plus  avanrageux  des 
fonds,  des  élévations,  des  plateaux, 
&  d'avoir  confervé  aux  points  de 
vue  différens  leur  étendue  &  leur 
agrément  ;  enfin  on  peut  dire  que 
c'eft  le  local  lui-même  qui  a  décidé 
le  plan  de  ces  jardins,  tandis  que, 
pour  l'ordinaire  ,  il  faut  que  le  local 
foit  fournis  au  plan  de  l'archiredte. 
Il  eft  impoflîble ,  dans  ce  dernier 
cas ,  d'avoir  un  jardin  naturel.  Cette 
vérité  exigeroit  des  commentaires, 
des  dilTertations  ;  mais  comme  j'ai 
cité  les  ouvrages  qui  la  démontrent, 
il  eft  inutile  que  j'entre  dans  de  plus 
grands  détails;  d'ailleurs,  ils  feront 
toujours  fuperflus  pour  l'homme  né 
avec  le  goût  qui  lui  fait  diftinguer  le 
be^u  naturel  du  prétendu  beau  fadtice. 
Les  règles  fonr  utiles  aux  imagina- 
tions froides,  lorfqu'il  s'agit  d'objets 
de  conventions;  mais  dans  les  jardins 


J  A  R 

appelles  anglois,  il  ne  peut  exîfter 
d'objets  (Je  convencion  ,  puilqiie  tout 
doit  y  être  naturel ,  fubordonnc  au 
iîte  ,  à  fes  accidens  &  aux  objets 
qui  l'environnent. 

Le  ledeur  peut  à  préfent  com- 
parer les  diftcrentes  efpèces  de  jar- 
dins, &  choilîr  celle  qui  fera  le  plus 
conforme  à  fon  goût. 

JARDINAGE.  Terme  colledif, 
par  lequel  on  délîgne  pluiteurs  jar- 
dins placés  dans  un  même  lieu.  Il 
fe  dit  encore  de  l'art  de  cultiver  les 
jardins;  &  dans  plufieurs,  on  appelle 
jardinage  la  malfe  des  légumes  qu'on 
porte  aux  marchés. 

JARDINIER.  Homme  qui  cul- 
tive &  fûigne  les  plantes  d'un  jar- 
din. Cette  déhnitionfuftifoit  au  temps 
paiïé  j  mais  elle  eft  trop  générale  au- 
jourd'hui. On  doit  diftinguer  le  jardi- 
nier maraîcher ,  ou  celui  qui  ne  s'oc- 
cupe que  de  la  culture  des  légumes  j 
le  jardinier-tailleur  d'arbres  fruitiers, 
le  jardinier  pépiniérifte  ,  le  jardi- 
nier décorateur  ,  ou  qui  eft  fpécia- 
lement  chargé  de  l'entretien  des  bof- 
quets,  des  boulingrins,  de  la  route, 
des  palilfades  ,  &  enfin  du  jardinier 
parterrilte  oufleurifte.  Rien  de  fi  com- 
mun que  les  jardiniers  en  tous  les 
genres,  &  cependant  rien  de  h  rare 
qu'un  bon  jardinier.  En  effet,  où 
peut- il  avoir  appris  fon  métier  ?  chez 
fon  père ,  chez  fon  maître  ?  Mais  fi 
l'un  &  l'autre  n'ont  pour  guide  que 
la  routine  ,  l'élève  ne  {^lura  rien  de 
plus,  s'il  a  de  l'imagination,  s'il 
fait  obferver ,  combien  d'années  ne 
s'écouleront  pas  avant  qu'il  ait  ac- 
quis une  pratique  fi^ire  !  en  attendant , 


J  A  R 


^3 


vos  arbres  feront  mutilés,  votre  po- 
tager ruiné,  &  vos  bofquers  détruits. 
Un  garçon  fe  marie,  le  voilà  aulli- 
tÔ€  jardmier  de  protelîîon,  &  il  cher- 
che à  fe  placer,  &  croie  fa  voir  fou 
métier.  Nous  avons  des  écoles  juf- 
ques  pour  l'art  de  la  frifure ,  &  au- 
cun maître  pour  l'agriculture  &  pour 
les  jardins.  Un  attifte  s'inftruit  eu 
voyageant  J  le  jardinier  eft  fédentaire 
&  s'écarte  peu  du  lieu  qui  l'a  vu 
naître  :  ce  font  donc  toujours  les  mê- 
mes exemples  ,  les  mêmes  routines 
qu'il  a  fous  les  yeux.  Si ,  à  l'imita- 
tion des  artifans ,  il  veut  voyager  & 
parcourir  les  différentes  provinces  de 
France,  il  n'eft  guère  plus  avancé  à 
fon  retour  qu'à  fon  départ  ,  parce 
que  les  bons  exemples  lui  manquent, 
parce  qu'il  ne  trouve  pour  inftituteur 
que  des  hommes  pauvres  ,  qui  cher- 
chent moins  la  perfection  de  leur 
état,  qu'à  vivre  de  leur  travail.  Les 
environs  de  Paris  pour  les  légumiers , 
Montreuil  &  les  villages  voifins  pour 
les  arbres  fruitiers  ,  Ermenonville 
pour  les  jardins  naturels  ou  à  l'an- 
gloife  ,  font  les  feules  écoles  à  fré- 
quenter. Quant  aux  parterres  ,  bof- 
quets  &  autres  genres  faélices,  on 
en  voit  par-tout  \  c'eft  la  partie  oïi 
les  jardiniers  réuffillént  le  moins  mal , 
parce  que  tout  y  eft  foumis  à  la  règle 
&  au  cordeau. 

Un  jardinier  ,  quel  que  foir  fon 
genre,  doit  être  fort,  adroit,  intelli- 
gent, actif,  ami  de  la  propreté,  de  l'or- 
dre &  de  l'arrangement;  aimer  fon 
jardin  comme  on  aime  fa  maîtrelfe; 
admirer  fes  produélions  ,  fe  com- 
plaire dans  fon  travail ,  être  toujours 
à  la  tête  des  ouvriers  ,  le  premier 
au  jardin  &  le  dernier  au  logis ,  faire 
faire  chaque  foir  la  revue   des  ou- 

L» 


§4 


J  A  R 


tils,  pour  voir  fi  ceux  donc  on  s'eft 
fervi  dans  la  jouinée  fontrrfngés  à 
leur  place,  lî  rien  ne  traîne  d:  li  tout 
eft  dans  l'ordre.  Heureux  celui  qui 
pollcde  un  homme  pareil  !  on  ne  fau- 
roic  trop  le  payer  ,  puifque  le  tra- 
vail, l'eau  &  lui  font  l'ame  d'un  jar- 
din quelconque.  Ce  n'eft  pas  alFez 
qu'il  foit  inftruic ,  qu'il  foie  vigilant, 
il  doit  encore    être  fidèle  &   nulle- 


ment ivrogne. 


En  général  les  jardiniers  marai- 
chcrs  qui  demeurent  chez  les  bour- 
geois, font  un  commerce  clandeftin 
très- préjudiciable  aux  intérêts  du 
maître  j  c'eft  celui  des  graines,  des 
primeurs,  &c.  Communément  on 
iaille  les  plus  belles  plantes  monter 
en  graine  :  un  ou  deux  pieds  fufE- 
roient  pour  l'entretien  d'un  jardin  ; 
ils  en  lailfenc  dix  &  vingt ,  fous  le 
fpécieux  prétexte  que  fi  les  uns  man- 
quent ,  les  autres  réuflîront.  C'eft 
de  cette  manière  que  font  pourvues 
les  boutiques  des  marchands  de  grai- 
nes des  environs.  Combien  de  fois 
les  propriétaires  ne  font-ils  pas  forcés 
de  racheter  leurs  graines  chez  ces 
receleurs  ? 

L'objet  des  primeurs  eft  d'une 
grande  conféquence.  Si  le  proprié- 
taire aime  à  jouir,  leur  fouftraétion 
le  prive  du  feul  plaifir  qu'il  fe  pro- 
met de  fon  jardin  ;  fi  au  contraire  il 
veut  fe  dédommager  de  fes  dépen- 
fes,  &  avoir  un  bénéfice  fur  le  pro- 
duit des  ventes  de  fes  légumes ,  le 
jardinier  infidèle  lui  enlève  la  partie 
la  plus  claire.  Enfin  fi  ce  jardinier 
eft  chargé  des  ventes  ,  s'il  trompe 
fur  ces  ventes ,  &  les  tourne  à  fon 
profit  ,  le  bénéfice  eft  zéro  ,  i5c  la 
perte  feule  eft  réelle  :  de  là  eft  venu 
une  autre  maxime ,  qui  dit  que  le 


J  A  R 

jardin  du  bourgeois  lui  coûte  plus 
qu'il  ne  lui  rend.  Enfin  ,  laffé  de 
beaucoup  dépenfer  fans  jouir,  il  finit 
par  affermer  &  par  n'être  plus  le 
maître  chez  lui. 

Admettons  qu'on  foit  dans  la  ferme 
perfuafion  que  fon  jardinier  eft  fidèle  j 
fur  quoi   eft- elle  fondée?    Sur  une 
phifionomie    heureufe ,    un   air    de 
bonne  foi ,  &  même  de  défintéref- 
fement.  Je  croirai  à  fes  bonnes  qua- 
lités, quand  l'expérience  les  aura  prou- 
vées. Il  faut  ,  pour  fa   tranquillité , 
une  certitude  réelle  &  non  pas  idéale. 
A  cet  effet  on  choifira  un  ou   deux 
jours  de    marché  par  mois,  &  l'on 
fera  acheter  par  des  perfonnes  affi- 
dées  &  fûres  tous  les  légumes  qu'il 
y    aura  portées  ;   alors  ,  certain  fur 
le  montant  de  la  vente,  on  vetra  fi 
la  balance  fera  exaéte  avec  la  recette 
donc  il  reijdra   compte.    Cette   ex- 
périence ,  plufîeurs  fois  répétée  par 
des  perfonnes  &  à  des  reprifes    dif- 
férentes, fera  la  vraie  pierre  de  tou- 
che :  il   en  eft  ainfi  pour  les  fruits; 
&c.  Les  feigneurs ,  les  perfonnes  opu- 
lences trouveronc  peut-être  ces  pré- 
cautions mefquines  ;  mais  le  particu- 
lier qui  vit  fur  un  revenu  modéré  y 
qui   ell:    chargé  d'enfans ,   n'eft   pas 
dans  le  cas  de   fe  lai  (fer  voler  im- 
punément. Si    ee   dernier   eft  affez 
heureux  pour  avoir  un  jardinier  inf- 
truit,  laborieux  &  fidèle,  qu'il  aug- 
mente fes  gages,  lui  accorde  des  gra- 
tifications ;  enfin  qu'il  fe  l'attache  par 
fes  bienfaits  j  Se  le  conferve   avec 
le  plus  grand  foin. 

11  eft  bon  de  faire  connoître  un« 
autre  manière  de  friponner  des  jar- 
diniers chez  les  bourgeois.  Sous  pré- 
texte que  la  faifon  prelfe ,  que  les 
travaux  fout  arriéfés,  iScc.  ils  demau- 


J  A  R 

dent  des  journaliers  ,  multiplient  le 
nombre  des  journées  bien  au-delà 
des  befoins  réels ,  &.  fouvent  ils  en 
comptent  qui  n'ont  pas  été  faites. 
Ce  n'efl:  pas  tour,  ils  retiennent  pour 
eux  une  partie  de  leur  falaire.  Le 
propriétaire  qui  .  paile  une  grande 
partie  de  Tannée  à  la  ville ,  eft  à 
coup  fiir  trompé  :  quant  à  celui  qui 
vit  à  la  campagne,  s'il  l'eft,  c'eft 
fa  faute  j  les  paiemens  doivent  être 
ifaits  par  fes  mains  à  la  tin  de  cha- 
que femaine,  &  chaque  jour  le  matin 
&  le  foir,  il  doit  compter  le  nombre 
d'ouvriers  employés  ,  &  en  tenir 
une  note  :  enhn  ,  queftionner  les 
ouvriers  pour  favoir  fi  le  jardinier 
n'exige  pas  d'eux  une  certame  rétri- 
bution. Je  parle  d'après  ce  que  j'ai 
vu ,  &  les  ouvriers  me  répondirent  : 
Nous  travaillons  en  conféquence  du 
■falaire  qui  nous  refis.  D'après  cela, 
l'ouvrage  étoit  très  -  longuement  & 
très  -mal  fait. 

Lorfqu'un  jardinier  fe  préfente  , 
méfiez -vous  Ç\  vous  le  voyez  trop 
recherché  dans  fa  parure  \  ce  fera  un 
jardinier  petit  maître,  un  damoifeau 
&  rien  de  plus.  Si  la  mifère  eft  em- 
preinte fur  fes  habits ,  c'efl:  un  dé- 
bauché ,  un  dilfipateur  ;  fi  fes  habil- 
lemens  font  malpropres  &  trop  né- 
gligés ,  votre  jardin  fera  traité  de 
même  j  fi  c'eft  un  beau  parleur  & 
plein  de  jaétance  ,  c'eft  un  ouvrier 
au-delfous  du  médiocre  :  Thomme 
à  talens,  interrogé  ,  répond  :  voyez, 
examinez  comme  je  renois  &  tra- 
vaillois  le 'jardin  que  je  quitte  pour 
prendre  le  vôtre.  Ne  vous  lallfez 
pas  féduire  par  ce  propos  ;  prenez 
moi  à  l'elTai  j  quand  vous  m'aurez 
vu  travailler  pendant  quinze  jours , 
vous  fixerez  mes  gages.  Il  faut  une 
année  ruvolue  pour  conclure  fur  les 


J  A  R 


S5 


talens,  fur  la  conduite  &  la  fidélité 
d'un  jardinier. 

JARDON  ,  JARDE.  Médecine 
VErEiciN  AiKE.^Xumeur  dureiqfti  oc- 
cupe la  partie  po'aérieure  &:inférieure 
de  l'os  du-  jarret ,  jufqu'à  la  |>arti.e 
fupérieure  &  poftérieure  de  l'os  du 
canon  ,  à  l'endroit  du  tendon  flé- 
chilleur  du  pied  :  elle  eft  quelquefois 
d'une  nature  phlégmoneufe  [^Foyâ^ 
Phlegmon  )  dans  le  commencement^, 
&  fait  affez  fouvent  boiter  le  cheval. 

Une  ex  tendon  de  Tun  des  tendons 
dont  nous  venons  de  parler  ,  eft  la 
vraie  caufe  de  cette  maladie. 

On  y  remédie  dans  le  commen- 
cement par  des  fomentations  émo- 
lientes  ,  &  par  des  cataplafmes  de 
même  nature  ,  auxquels  on  fait  fuc- 
céder  les  frictions  réfolutives  &  fpi- 
ritucufes,  telle  que  l'eau-de-vie  cam- 
phrée J  &c. ,  tandis  qu'il  faut  avoir 
recours  à  l'application  du  feu  avec  les 
pointes ,  fi  la  tumeur  eft  ancienne. 

JARRET.  MÉDECINE  VÉTÉRI- 
NAIRE. Les  jarrets  du  cheval  exigent 
l'attention  la  plus  férieufej  quelques  lé- 
gers en  effet  qu'en  foient  les  défauts, 
ils  font  toujours  très-nuifibles.  Le 
mouvement  progreffif  de  l'animal 
n'eft  opéré  que  par  la  voie  de  la 
percuffion  \  la  machine  ne  peut  être 
mue  &  portée  en  avant ,  qu'autant 
qite  les  parties  de  l'arrière  -  main  , 
chaflant  continuellement  celles  de 
devant ,  l'y  déterminent  j  or,  toute 
imperfeétion  qui  tendra  à  les  affoi- 
blir  ,  &  principalement  à  diminuer 
la  force  &  le  jeu  du  jarret,  qui  d'ail- 
leurs par  fa  propre  ftruéture  eft  tou- 
jours plus  fortement  &:  plus  vivement 
occupé  que  les  autres  parties,  ne  fera 


?<î 


J  A  R 


jamais  raifonnablement  eiivifagce 
comme  médiocre  &  d'une  petite 
confcquence.  ÎVlais  palToiis  à  l'exa- 
inen  de  cette  partie. 

1°.  La  iituation  :  le  jarret  eft  fitué 
entre  le  tibia  ou  la  jambe,  &  le  ca- 
non de  l'extrémité  poftérieure. 

2''.  Le  volume  :  il  doit  être  pro- 
portionné au  tout  dont  il  fait  une 
portion  :  des  petits  jarrets  font  tou- 
jours toibles. 

5°.  La  forme  :  les  jarrets  doivent 
être  larges  &  plats. 

4*'.  La  force  :  des  jarrets  qui  tour- 
nent, qui  balancent,  qui  fe  jetient 
en  dedans  quand  le  cheval  chemine, 
font  ce  que  nous  appelions  des  jar- 
rets mous;  il  eft  encore  des  chevaux 
qui  en  cheminant  portent  les  jarrets 
en  dehors;  ni  les  uns  ,  ni  les  autres 
ne  peuvent  être  facilement  unis  , 
parce  que  dès  que  cette  partie  eft 
hors  de  la  ligne  ,  cette  faulle  direc- 
tion la  met  hors  d'état  de  fuffire 
au  poids  même  de  l'animal. 

5  " .  La  diftance  de  l'un  &  de  l'autre  : 
des  jarrets  ferrés  ,  Se  dont  la  pointe 
ou  la  tête  eft  très -rapprochée  ou 
fe  touche ,  conftituent  les  chevaux 
que  nous  nommons  jarres  ou  cro- 
chus ,  ou  clos  du  derrière.  Ils  ne  peu- 
venr  s'afTeoir  que  très-difficiiement  ; 
à  la  moindre  dcfcente  ,  leurs  jarrers 
fe  lient,  s'entreprennent  l'un  &  l'au- 
tre ,  de  le  derrière  en  eux  ne  peut 
jtvoir  aucune  force. 

6°.  Le  plis  :-s'il  eft  trop  ccnfidé- 
rable  ,  fi  la  flexion  de  cette  patrie 
eft  telle  naturellement  que  dans  le 
repos,  le  canon  fe  trouve  fort  en 
avant  i?c  fous  l'animal ,  nous  difons 
que  les  jarrers  font  coudés ,  &  il  en 
réfulte  une  féconde  efpèce  de  che- 
vaux crochus.  La  courbure  extrême 


J  A  S 

de  ceux-ci  met  l'animal  hors  d'état 
de  mouvoir  la  partie  avec  aifance  ; 
l'un  &  l'autre  de  fes  pieds  font  trop 
près  du  centre  dç  gravité,  &  pour 
peu  que  le  derrière  foit  palTé  ,  ils 
outre-palTent  ce  point ,  de  manière 
que  le  cheval  ainfi  conformé ,  ne 
peut  conferver  le  jufte  équilibre  d'où 
dépend  la  mefure  &  la  facilité  de 
fon  aélion.  Ainfi,  telle  eft  la  fourcs 
de  la  foibleffe  commune  à  ces  fortes 
de  chevaux  ,  &  le  vice  eft  bien  plus 
grand  encore  ,  fi  ,  par  une  erreur  de 
la  nature ,  il  fe  trouve  joint  à  celui 
des  reins  trop  longs,  des  hanches 
trop  étendues,  &;c.  &c. 

7°.  La  fubftance  :  elle  doit  être 
fèche  ;  nous  difons  alors  que  l'a- 
nimal a  les  jarrets  bien  évidés  :  des 
jarrets  charnus ,  des  jarrets  pleins  ou 
gras  font  toujours  chargés  d'humeurs,  • 
&  fujets  par  conféquent  à  une  mul- 
titude de  maux. 

Ces  maux  ,  outre  les  enfrorCTemen? 
&  les  enflures  qu'un  travail  exceftîr 
peut  y  produire  ,  &  que  dans  les 
jeunes  chevaux  le  foin  &  le  repos 
peuvent  garantir,  font  le  capelet  ou 
palfe-campane,  la  falandre  ,  le  veflï- 
gon  ,  la  varice,  la  courbe  ,  l'épar- 
vin  ,  le  jardon.  (  ^oye^  tous  ces 
mots,  fuivant  l'ordre  du  diétionnaire, 
quant  au  traitement  ).  On  doit  bien 
comprendre  que  tous  ces  maux  dif- 
férens ,  furvenant  à  une  partie  char- 
gée des  plus  grands  efforts  à  faire  j 
font  toujours  fort  à  craindre  ,  fans 
parler  de  ceux  auxquels  elle  peur  erre 
fujette  ,  conféquemment  à  ces  mê- 
mes eftorrs ,  &  qui  n'ont  point  en» 
core  reçu  de  dénominations  propres 
&  particulières. 

JASMIN  BLANC  COMMUN. 
Touraefort  le  place  dans  la  première 


J  A  s       ^ 

fedlion  de  la  vingtième  claffe  àef- 
tinée  aux  arbres  dont  le  piftil  de- 
vient un  fruit  mou,  à  femences  du- 
res j  ôc  il  l'appelle  jafmïnum  vulga-, 
tiùs flore  albo ;  Von  Linné  le  nomme 
jajmînum  officinale ,  &  le  clalfe  dans 
la  Diandrie  Monogynie. 

Fleur ,  d'une  feule  pièce,  divifée 
en  cinq  folioles  ,  ayant  pour  bafe 
un  tube  cylindrique,  un  calice  à  cinq 
dentelures  \  le  tout  renferme  deux 
ctamines  &   un  piftil. 

Fruit  jy  baie  molle,  ovalle  liîîe, 
à  deux  loïes,  renfermant  deux  fe- 
mences  ,  enveloppées  d'une  mem- 
brane. 

Feuilles ,  ailées  :  les  folioles  ovales, 
en  forme  de  fer  de  lance ,  terminé 
par  une  impaire  plus  longue  cjue  les 
autres. 

Racine  ,  rameufe  ,  ligneufe. 

Porc  _,  arbrilfeau  à  tiges  farmen- 
teufes ,  cju'on  élève  en  pabifade.  L'é- 
corce  des  troncs  eft  brune  ,  celle  des 
rameaux  verdâtre  ;  le  bois  jaune  & 
dur;  les  fleurs  à  l'extrémité  des  tiges; 
feuilles  oppofces. 

Lieu  j  originaire  des  Indes ,  nata- 
ralifé  fur -tout  dans  nos  provinces 
méridionales  ,  ou  les  plus  grands 
froids  peuvent  faire  périr  les  tiges  , 
&  non  pas  les  racines. 

Ce  jafmin  prouve  ce  que  j'ai  dit 
■au  mot  efpccc  &  ailleurs ,  qu'avec 
le  temps  &  des  foins  ,  il  eft  poflible 
de  naturalifer  en  France  les  plantes 
les  plus  indigènes.  On  le  cultiva 
d' .abord  dans  des  vafes  qui  furent  ren- 
fermés avec  foin  dans  les  ferres  pen- 
dant l'hiver  \  quelques  drageons  fu- 
rent enfuite  confiés  à  la  pleine  terre, 
&  bien  abrités  ;  enfin  on  voit  aujour- 
d'hui ce  chatmant  arbrilfeau  fervlr 
aux  palilTades  ,  aux  tonnelles  dans 
prefque  tous  les  jardins  des  provin- 


J  A  S 


87 


ces  du  midi  &  du  centre  du  royaume  : 
on  le  multiplie  par  marcottes ,  par 
drageons;  ils  reprennent  facilement. 
On  greffe  fur  cet  arbufle  les  autres 
jafmins. 

Jasmin  d'Espagne  ou  de  Cata- 
logne ,0«  A  GRANDES  FLEURS.  C'eft 

le  jafminum  grandiflorum  de  Von 
Linné;  lejafhiinum  Hifpanicum flore 
majore  externe  ruhente  de  Tourneforr. 
Quelques  curieux  ont  un  jafmin  d'Ef- 
pagne  à  fleurs  femi-doubles,  ce  qui 
établit  une  jolie  variété  à  multiplier 
par  la  greffe  :  il  diffère  du  premier 
par  fa  fleur  du  triple  plus  large ,  & 
dont  les  folioles  font  moins  allon- 
gées au  fommet  :  par  le  delfous  de 
ces  folioles,  qui  eft  rouge;  par  fes 
feuilles  plus  larges,  plus  ovales.  Von 
Linné  obferve  que  les  trois  dernières 
proviennent  de  la  dilatation  de  leur 
queue  ou  pétiole  ;  de  forte  qu'elles 
tombent  toutes  à  la  fois.  Le  tronc 
de  cet  arbrilfeau  ne  s'élève  pas  ;  Îq% 
rameaux  font  courts  &  non  farmen- 
teux.  11  fleurit  pendant  l'automne  & 
même  dans  la  ferre  ,  (1  on  a  foin  de 
lui  donner  de  l'air.  On  le  greffe  en 
fente  fur  le  jafmin  commun.  Un 
auteur  dit  que  ce  jafmin  grefîé  eft 
moins  délicat  que  celui  qu'on  élève 
de  graines  :  fans  doute  des  graines 
apportées  du  Malabar,  d'où  il  ert  ori- 
ginaire ;  car  il  eft  on  ne  peut  plus 
rare  de  le  voir  grainer  .  même  dans 
nos  provinces  méridionales.  Les  ha- 
bitans  de  Nice  &  des  bords  de  la 
rivière  de  Gènes  ,  font  un  commerce 
de  ces  arbufles  ;  ils  nous  les  appor- 
tent tou';  greffés  :  la  tige  &  le  tronc 
font  couverts  de  moulTe  ,  qu'ils  ont 
le  foin  de  tenir  fraîche.  la  première 
chofe  .à  examiner  en  les  achetant  , 
eft  de   voir  fi   la   greffe    eft   verte  ; 


88 


J  A  S 


fi  elle  efl:  brune  ou  flétrie  ,  il  ne  faut 
pas  acheter  le  pied. 

Dans  les  provinces  du  midi  ?c  du 
centre  du  royaume  ,  on  les  plante 
dans  des  vafes  avec  une  terre  bien 
fabftantielle ,  telle  que  la  terre  fran- 
che mêlée  avec  moitié  de  terreau,  & 
on  recouvre  le  deffus  du  vafe  avec 
du  fumier  bien  confommé.  Le  grand 
point  eft  de  faire  en  forte  que  les 
racines  foient  bien  étendues  &  tou- 
chent de  tous  leurs  points  les  mo- 
lécules de  la  terre.  On  donne  une 
petite  mouillure ,  afin  de  faire  taffer 
la  terre  ;  enfin  l'arbre  eft  planté ,  de 
manière  qu'après  le  tafiemenr  de  la 
terre  ,  le  colet  des  racines  refte  au 
niveau  de  la  furface  du  vafe.  La  par- 
tie devenue  vuide ,  eft  remplie  de 
nouvelle  terre.  Si  le  colet  des  racines 
eft  enterré ,  il  en  fort  des  branches 
qui  font  fauvageonnées ,  &c  qui  ab- 
forbenr  la  fève,  au  grand  détriment 
de  la  greffe.  Le  jafmin  planté ,  h 
c'eft  dans  l'hiver  ,  on  place  le  vafe 
dans  un  lieu  à  l'abri  des  gelées ,  qui 
ait  beaucoup  d'air  Se  ne  foie  pas  hu- 
mide. Si  le  foleil  y  donne ,  un  peu 
de  moufte  tout  autour  du  pied  em- 
pêchera que  fes  rayons  ne  le  def- 
féchent  :  la  greffe  ne  doit  point  être 
recouverte. 

Dans  les  provinces  du  nord  ,  on 
fera  très  -  bien  d'enterrer  les  vafes 
dans  une  couche  vitrée ,  &  de  l'ou- 
vrir autar.'t  de  fois  &  pendant  aufTi 
lonj^-temps  que  la  faifon  le  permet- 
tra. La  couche  les  rend  délicars  ,  (en- 
fîbles  au  froid  ,  &:  on  ne  les  en  retire 
que  lorfque  la  faifon  eft  a-tfurée  ,  & 
qu'ils  font  en  pleine  végétation  :  Thi- 
ver  fuivant  on  les  reporte  dans  l'o- 
rangerie. 

Ce  jafmin  eft  en  culture  réglée  , 
ç'éft  à^dire  cultivé  en  pleine  terre  à 


J  A  S 

GralTe,  Vence,  Antibes,  Nice  Se 
toute  la  rivière  de  Gènes  ;  la  fleur  fe 
vend  aux  parfumeurs.  L'arbre  com- 
mence deux  mois  plutôt  à  y  fleurir 
que  dans  le  nord  ;  les  gelées  feules 
arrêtent  fa  fleuraifon  :  fi  le  froid  de- 
vient âpre  (  relativement  à  ces  cli- 
mats ) ,  on  leur  fait  des  efpèces  de 
cabannes  ;  les  cannes  ou  rofeaux  de 
jardins  fervent  de  charpente  j  par- 
defluson  étend  un  lit  de  paille ,  main- 
tenu fupérieurement  par  d'autres  can- 
nes qu'on  aftiijettit  de  diftance  en 
diftance  avec  les  inférieures  ,  afin 
que  les  vents  n'enlèvent  pas  la  paille. 
Les  côtés  de  ces  efpèces  de  tables 
font ,  dans  les  cas  urgens  ,  garnis 
avec  de  la  paille  longue  ,  que  Ton 
enlève  dès  que  le  danger  cefle,  parce 
que  cet  arbre  craint  lîngulièremenc 
l'humidité.  Le  fumier  n'eft  pas  épar- 
gné fur  la  furface  de  la  terre,  & 
il  eft  enfoui  au  premier  labour  après 
l'hiver  :  la  culture  du  jafmin  en  exige 
beaucoup. 

Dans  les  provinces  du  nord  ,  oh 
ne  peut  le  cultiver  en  pleine  terre  , 
que  derrière  de  bons  abris ,  &  encore 
faut-il  multiplier  les  paillalTons  qui 
les  garantiffent  rarement  des  grands 
froids,  &  les  font  fur-tout  pourir 
par  l'humidité  qui  fe  concentre  en- 
deflous.  Je  conviens  que  ceux  qui 
palfent  ainlî  l'hiver  j  donnent  plus  de 
fleur  en  automne  :  mais  cet  excédent 
peut-il  être  mis  en  comparaifon  avec  le 
danger  que  l'arbre  court  ?  Il  vaut  beau- 
coup mieux  le  conferver  dans  des 
pots ,  &  les  enterrer  contre  àes  murs 
pendant  la  belle  fiifon ,  &  les  ren- 
termer  à  l'approche  des  grandes  ge- 
lées. Les  jardiniers  fleuriftes  des  en- 
virons de  Paris  ont  des  fleurs  pen- 
dant prefque  tout  Ihiver,  par  le  fe- 
coufs  des  couches  vitrées. 

Dans 


J  A  S 

D.'.iis  les  provinces  du  midi ,  clia- 
qiie  année  ou  tous  les  deux  ans  & 
à  la  fin  de  l'hiver,  on  coupe  raz  la 
tête  de  l'arbre  contre  les  bourgeons  , 
&  il  en  repoulFe  de  nouveaux  qui 
ont  fouvent  jufqu'à  fept  ou  huit  pieds 
de  longueur.  Comme  les-  poullces 
dans  le  nord  font  beaucoup  plus 
courtes ,  il  n'eft  pas  nécelFaire  de 
les  raccourcir  aulli  fouvent.  Dans  le 
midi  les  bourgeons  fe  diviient  dès 
la  première  année  en  petites  bran- 
ches à  fleurs  ,  &  c'eft  de  leur  mul- 
tiplicité que  dépend  l'abondance  de 
de  leurs  récoltes.  Les  bourgeons  de 
la  première  année  qu'on  lailîe  fub- 
lîfter  pendant  la  féconde,  multiplient 
ces  branches  fécondaires  ;  les  fleurs 
font  nombreufes  &  moins  belles  :  il 
vaut  beaucoup  mieux  rafer  chaque 
année  ;  fans  cette  précaution  ,  la  con- 
fuiion  règne  dans  les  bourgeons  j  ils 
occupent  un  grand  efpace ,  &  fe  nui- 
fent  entr'eux. 

Jasmin  des  Açores.  Jasminum 
AzoRiCUM.  Lin.  &  Tourn.  Ainfi 
nommé  ,  parce  qu'il  nous  a  été  ap- 
porré  de  ces  ifles.  Ses  tiges  (ont  grê- 
les, longues,  blanches,  fufceptibles 
de  s'élever  très -haut,  fi  on  leur  donne 
des  appuis  :  elles  font  Garnies  de  feuil- 
les  oppolees,  trois  a  trois,  grandes , 
rondes,  veinées,  du  même  verd  de 
chaque  côté,  &c  confervent  leur  cou- 
leur pendant  toute  l'année.  Les  fleurs 
font  grandes,  blanches,  renfermées 
dans  des  calices  profondément  décou- 
pés :  elles  paroillent  dès  que  la  chaleur 
commence  à  être  un  peu  force ,  &:  fe 
fuccodent  jufqu'aux  froids.  Ce  joli 
arbrilFeau  fe  cultive  comme  le  jaf- 
main  d'Efpagne  j  il  eft  moins  déli- 
cat que  lui ,  &  par  conféquent  palle 
plus  facilement  l'hiver  en  pleine  terre. 
Tome  FL 


J  A  S 


89 


Le  parfum  de  Tes  fleurs  eft  de  beau- 
coup fupérieur  à  celui  des  deux  jaf- 
mins  ci-dcllus.  On  le  multiplie  par 
la  grefl^e  fur  le  jafmin  ordinaire  & 
par  boutures. 

Jasmin  a  îleurs  jaunes.  Jùf- 
m'inum  fr^icans.  Lin.  Jafnùnutn  lu- 
te  uni  j  vulgb  d.clum  baccijcrum.To  u  R. 
Arbrilfeau  très- commun  en  Pro- 
vence ,  en  Languedoc  îk.  dans  les 
pays  chauds.  Ses  feuilles  font  alter- 
nativement placées  trois  .à  trois ,  & 
fimples,  portées  fur  des  tiges  angu- 
leufes  iSc  rameufes;  à  la  bafe  du  pé- 
tiole qui  porte  les  feuilles ,  s'élèvent 
deux  éminences  linéaires  qui  s'éten- 
dent fur  les  tiges.  Ses  fleurs  font  jau- 
nes ,  &:  des  baies  noires  dans  leur 
maturité  leur  fuccèdent.  La  tleur  .i 
peu  d'odeur.  Il  n'exige  aucune  cul- 
ture particulière.  11  fleurit  deux  fois, 
fur  l'arrière  -  printemps  6;  en  au- 
tomne. On  le  multiplie  par  boutu- 
res &  par  drageons. 

Jasmain  nAit^.  Jafmin um  humile. 
LiN.  HumiU  lutcum.  TouRN.  11  h.a- 
bite  les  mêmes  provinces  que  le  pré- 
cédent. Ses  tiges  ne  s'élèvent  guère 
plus  de  II  à  15  pouces;  elles  font 
flexibles  ,  un  peu  anguleufes  ;  fes 
feuilles  font  placées  alternativement, 
quelquefois  trois  à  trois,  quelquefois 
ailées.  Une  petite  baie  rouge  dans  fa 
maturité  ,  fuccède  à  une  petite  fleur 
jaune. 

Jasmin  très-odorant  a  fleurs 
JAUNES.  Jafminum  odoratijjlmum. 
LiN.  La  tige  s'élève  à  la  hauteur  de 
plufieurs  pieds  ,  ferme  &  droite,  à 
rameaux  cylindriques.  Les  feuilles  va- 
rient j  elles  font  trois  à  trois  ou  ai- 
lées j  l'aile  eft  compofée  par  fept  fo- 
M 


f>o 


J  A  s 


lioles  lifles,  ovales  6:  pointues.  La 
fleur  eft  petite  &  lépand  une  odeur 
dclicieufe  :  ii  eft originaire  des  Indes, 
£c  fleurit  pendant  tout  l'été  &C  juf- 
qu'aux  froids. 

L'orangerie  lui  fuffxt  pendant  l'hi- 
ver dans  les  provinces  méridionales  ; 
il  demande  plus  de  foins  ^ans  celles 
du  nord. 

On  pourroit  réunir  à  la  famille 
des  jafmins  le  Sambac,  &  particu- 
lièrement celui  qu'on  appelle  Jasmin 
d'Arabie.  Niclantes  Sambac,  Lin. 
Syringa  Arabica  fo'iis  mali  auranài. 
Bauh.  Pin.  Joli  arbrifleau  toujours 
verd  ,  à  tiges  flexibles  ,  à  feuilles  op- 
pofées  j  Imiples ,  très- entières ,  les 
inférieures  en  forme  de  cœur  &  ob- 
tufes;  les  fupérieures  ovales  aiguës  j 
les  fleurs  nailfent  au  fommet  des  ra- 
meaux ,  &    font   très-odorantes. 

La  creffe  fur  le  jafmin  commun 
eftune  manière  fùrc  de  les  multiplier. 
Les  raarcctes  faites  comme  celles 
des  œillets,  rcufTiiTenc  toujours  pour 
peu  qu'on  en  ait  foin. 

JASMINOIDES.Quoiquece  genre 
foit  aiïez  nombreux  ,  je  ne  parlerai 
que  de  deux  de  fes  efpèces  \  la  pre- 
mière très-utile  pour  les  haies ,  & 
la  féconde  pour  couvrir  les  murs 
de  verdure  :  ces  deux  qualités  méri- 
tent qu'on  en  prenne  foin  dans  les 
provinces  du  midi.  V^on-Linné  les 
défigne  fous  la  dénomination  de  ly- 
clum ,  &  les  clalfe  dans  la  Pentan- 
drie  Monogynie.  Toarnefort  les  nom  ■ 
me  rhamnus ,  &  les  place  dans  la 
même  clafie  que  les  jafmins. 

Jasminoide  d'Europe.  LyciumEu- 
rop&um  Lin.  Rhamnus  fpin'is  oblon 
gis  flore  candïcanic,  Bauh.  Pin. 


J  A  S 

Fleur  ;  calice  d'une  feule  pièce  , 
dans  lequel  s'impl-aite  le  tube  de 
la  fleur  en  forme  de  cloche  décou- 
pée en  cinq  parties  égales  à  ion 
fommet  ;  on  voit  au  milieu  cinq 
étamines  &:  un  piftil.  La  fleur  eft 
d'un  blanc  légèrement  violet  ,  plus 
foncé  dans  le  centre ,  &;  repréfen- 
tant  une  efpèce  d'étoile. 

Fruic ;  baie  charnue,  de  couleur 
jaune  ,  renfermant  des  fem.ences  eu 
forme  de  rein. 

Feuilles  ;  adhérentes  aux  tiges  , 
fimples  très-entières,  alfez  épailfes  & 
roides  en  forme  de  coinj  celles  des" 
tiges  plus  grandes  que  celles  des  r<a- 
meaux  \  celles  des  rameaux  inégales , 
grouppées  au  nombre  de  deux  à 
c]uacre. 

Port;  arbriffeau  nèî-rameux,  ar- 
mé de  longues  épines  à  la  bafe  de 
chaque  rameac.x  \  il  peut  s'élever  à 
la  hauteur  de  dix  pieds.  Des  ailfelies 
des  feuilles  fortent  les  fleurs  ,  ordi- 
nairement feules,  quelquefois  deux 
à  deux  i  il  fleurit  au  printemps  & 
en  automne. 

Lieu;  l'Efpagne  ,  l'Italie,  nos  pro- 
vinces méridionales. 

Cet  arbriffeau  n'exige  aucune  cul- 
turejilell:  précieux  pour  les  pro\'inces 
où  l'aubépiujle  prunelier  réuflîflènc 
peu.  On  feroit  avec  ce  jafminoide 
des  haies  impénétrables,  fi  on  prenoit 
la  peine  de  les  tondre  ou  de  les 
tailler.  Ses  épines  longues  &  roides 
fervent  à  fiire  fécher  les  figues  au 
folcil  ;  fes  fe;.i!les  fe  développent 
dès  q:i'il  ne  gèle  plus  ,  fe  fèchent 
&  tombent  pendant  les  fécherelTes 
de  l'été  :  il  en  repouffe  de  nouvelles 
en  automne.  Cet  arbre  mérite  peu 
d'être  cultivé  dans  nos  provinces  du 
noidj  il   y  périroit  par  le  froid. 


J  A  s 

Jasminoide  de  Barbarie  ou  de 
Chine.  Lycium  Barbarum.  Lin.  U 
diffère  du  précédent  par  fes  fleurs 
plus  gr.indes,  purpurines  j  par  fes  cta- 
mines  très-faillantes;  par  fes  feuilles, 
plus  grandes  ,  ovales  ,  oblongues  ; 
celles  des  rameaux  ont  à  leur  bafe 
deux  petites  folioles  :  fes  tiges  font 
très- flexibles  ,  furchargées  de  petits 
rameaux  d'un  Joli  effet  pendant  la 
fleur ,  à  laquelle  fuccède  une  baie 
d'un  rou^e  oranger  &  éclatant. 

On  doit  foutenir  &■  treillager  les 
tiges  &  les  rameaux  qui  font  chaqtia 
année  des  pouffes  vigoureufes  &  quel- 
quefois furprenantes   par   leur   lon- 
gueur ;    fans   cette  précaution   elles 
rampent  fur  terre,  &  prcfentent  un 
grouppe  informe.  Cet  arbufte  réfifte 
aux  grands  froids ,  &  il  n'exige  abfo- 
lament  aucune  culture  j  cependant  li 
on  le  travaille  au  pied,  s'il  efi:  fumé 
&  arrofé  dans  le  befoin  j  on  eft  sur 
de  lui  taire   tapiffer  &    couvtir,  en 
moins  de  trois  ans,  un  mur  de  huit 
à  dix  pieds  d'élévation.  Dans  les  pro- 
vinces du  midi,  les  charmilles ,  les 
faux , ou  fayards,  ou  hêtres,  réufùffent 
très  mal  \  on  peut  les  fuppléer  par  ce 
jafminoi'de,  &  jouir  bien  prompte- 
ment.  Comme  le  rofeau  des  jardins 
eft  très-commun  dans  ces  provinces , 
on  s'en  fert  pour  faire  les  treillages 
contre  les  nnus.  Des  doux  <Sc  du  hl 
de   fer  fufSfent  pour  fixer  les  tiges. 
Lorfque   les  feuilles  font   tombées  , 
c'eft  le  moment  de  tondre  la  palif- 
fade  ;  on  la  tond  une  féconde  fuis  au 
printemps,  après  la  chute  des  feuilles. 
Des  rameaux  farvienncnt,s"élancent, 
retombent  de  toutes  parts,  &   flcu- 
rident    de   nouveau  en  août  ,    fep- 
tembre  &  oétobre;  comme  les  fleurs 
font  multipliées  à  l'infini,  elles  de- 
viennent une  reffource  précieafe  pour 


J  A  V 


91 


les  abeilles  qui  accourrent  de  toute 
part.  De  femblables  paliffades  font 
grand  plaifir  dans  ftn  pays  où  li 
verdure  en  maffe  eft  fi  rare. 

On  multiplie  cet  arbriffeau  par 
couchées,  par  boutures  fimples,  ou 
avec  les  drageons  qu'il  pouffe  de 
toute  part. 

JA'VART,  MÉDECINE  vétéri- 
NA!?vE.  Le  javart  en  général  n'efi: 
autre  chofe  qu'un  petit  bourbillon  , 
ou  une  portion  de  peau  qui  tombe 
en  gangrène ,  &  qui  fe  détache  eu 
produifant  une  légère  férofitc. 

Dans  le  cheval ,  on  a  donné  .au' 
javart  dilïcrens  noms ,  relativement  à 
fa  fuuation;  on  l'a  appelle  javart  ten- 
dineux ,  lorfqa'il  étoit  litué  fur  le 
tendon  j  javart  encorné  ,  quand  il 
occupoit  la  couronne  près  du  fabot; 
mais  cette  dénomination  n'étant  pas 
fuflSfmte  ,  nous  le  diftinguerons  , 
d'après  M.  Lafoffe  ,  à  raifon  des 
parties  qu'il  attaque ,  en  javart  hmple , 
en  javart  nerveux,  en  javart  encorné 
proprement  dit,&:  en  javart  encorné 
improprement  dit. 

Les  principes  qui  donnent  naif- 
fance  à  ces  différentes  efpèces  de 
javart ,  font  les  contufions ,  les  meur- 
niffures ,  les  atteintes  négligées,  l'â- 
creté  des  boues ,  la  cralîe  accumulée, 
i'épailîiffement  &  l'acrimonie  de  l'in- 
fenlîble  tranfpiration  &  d'auttes  hu- 
meurs, de. 

Le  javart  auquel  le  boeuf  &  le 
mouton  fe  trouvent  quelquefois  ex- 
pofés,  s'appelle  fourcher  :  n<ius  n'en 
parlerons  feulement  qu'après  avoir 
donné  la  defcripticn  des  fignes  &  du 
traitement  de  chaque  eipèce  de  javart 
en  particulier  que  l'on  obferve  dans 
le  cheval. 

M  1 


Cjl 


J  A  V 

Du  javiirc  Jimpk.  Cq.\\\~cï  u'eft 
accompagné  d'aucun  danger,  il  at- 
taque feulen->eBC  la  peau  &  une  par- 
tie du  tilfii  cellulaire  du  paturon, 
plus  communément  aux  pieds  de  der- 
rière qu'à  ceux  du  devant.  Cette  ef- 
pcce  de  javart  eft  quelquefois  11  peu 
apparente  ,  qu'en  ne  s'en  apperçoit 
que  parce  que  le  cheval  boite  ,  &z 
qu'en  touchant  le  paturon,  on  fent 
une  tumeur  plus  ou  moins  dure  & 
douloureufe,d'oLi  fuinte  une  matière 
d'une  odeur  fœcide. 

Faire  détacher  le  bourbillon  ,  fa- 
ciliter la  fuppuration,  voili  les  in- 
dications curatives  que  cette  efpèce 
de  javart  offre  à  l'article  vétéri- 
naire. 

Après  avoir  donc  reconnu  que  les 
tégumens  du  paturon  font  les  feules 
parties  affectées,  coupez- en  les  poils, 
■&:  appliquez  fur  la  rumeur  un  cata- 
plafme  de  mie  de  pain  &  de  lait. 
Lecataplafme  lait  avec  le  levain  ,  les 
gculTes  d'ail  «Se  le  vinaigre,  recom- 
mandé par  M.  de  Soleyfel  ,  m'a 
rcufli  plufieurs  fois;  continuez -le 
jufqu'à  ce  que  l'abcès  s'ouvre,  &  que 
le  bourbillon  foit  forti ,  enfuite  panfez 
la  plaie  avec  l'onguent  bafilicum  ,  & 
terminez  la  cure  en  employant  l'on- 
guent égyptiac.  On  doit  bien  com- 
prendre que  il  l'ouverrure  de  l'abcès 
eft  trop  petite  ,  qu'il  elt  important 
de  la  dilater  avec  le  biftouri ,  dans 
la  vue  de  fîire  pénétrer  mieux  les 
remèdes  dans  le  fond  de  l'ulcère,  de 
faire  fortir  le  bourbillon  avec  plus  • 
de  facilité  ,  &  d'opérer  une  plus 
prompte  cicatrifation. 

Du  javarc  nerveux.  On  donne  ce 
nom  à  celui  qui  attaque  la  gaine  du 
tendon.  Cette  efpèce  de  javart  fixe 
ordinairement  fon  (lège  dans  le  pa- 
turon ,  &   reconnoît   pour  caufe  la 


J  A  V 

matière  du  javart  fimple,  qui  a  fafc 
ou  pénétré  juiqu'à  la  gaine  du  tendon. 
Il  eft  aifé  de  s'en  appercevoir,  lorf- 
qu'après  la  fortie  du  bourbillon  il 
fuinte  de  la  plaie  une  férofité  fa- 
nieufe,  tandis  qu'il  refte  encore  une 
petite  ouverture  &  un  fond  qu'on 
découvre  par  le  moyen  de  la  fonde. 

Avez-vous  reconnu  ce  fond  ?  avez- 
vous  découvert  la  route  que  tiennent 
les  matières  purulentes?  introduifez- 
y  une  fonde  cannelée,  fur  laquelle 
vous  ferez  ghifer  le  biftouri ,  faites 
une  incifion  longitudinale,  que  vous 
prolongerez  jufqu'au  foyer  du  mal, 
en  prenant  garde  de  ne  pas  inté- 
relTer  les  parties  tendineufes  :  mettez 
enfuite  dans  la  cavité  de  l'ulcère  âss 
plumaceaux  mollets,  chargés  de  di- 
geftif  fimple,  à  moins  que  le  tendon 
ne  foit  léfé  ;  s'il  eft  affecté,  fubf- 
tituez  des  petits  plumaceaux  ,  im- 
bibés d'onguent  diseftif,  animé  avec 
l'eau- de-vie  ou  la  teinture  d'alocs , 
pour  accélérer  la  chute  de  la  partie 
iéfée;  panfez  enfuite  le  refte  de  l'ul- 
cère avec  le  fimple  digeftif,  &  ter- 
minez la  cure  par  l'application  des 
plumaceaux  fecs. 

La  fiftule  fe  trouve  quelquefois 
en-dedans  du  paturon  &  vers  la 
fourchette;  dans  ce  cas,  faites  une 
incifion  en  tirant  vers  le  milieu  de 
la  fourchette  :  c'eft  le  vrai  moyen  de 
ne  pas  toucher  au  cartilage  latéral  de 
l'os  du  pied,  dont  la  carie  conftirue 
le  javart  encorné  improprement  dit. 

Du  javart  encorné  proprement  dit. 
On  l'appelle  ainfi,  parce  qu'il  établit 
toujours  fon  fiège  fur  la  couronne  , 
ou  au  commencement  du  fabor. 

Une  atteinte  négligée  ,  un  coup 
que  le  cheval  fe  fera  donné  ou  qu'il 
aura  reçu  dans  certe  partie,  en  font 
les  principes  ordinaires. 


J  A  V 

La  contufion  eft  elle  récente?  ap- 
pliquez-y un  léger  rcfolutif,  tel  que 
la  térébenthine  de  Venife.  La  fup- 
puration  ell-elle  établie  ?  favorilcz- 
la  par  l'application  de  l'onguent  ba- 
lîlicum.  Appercevez- vous  un  bour- 
billon ?  faites-le  luppurer,  afin  de  le 
faire  détacher  plus  promprement. 
Mais  la  contulîon  paroîr  elle  fur  la 
pointe  du  raton  ?  le  bourbilion  tarde- 
t-il  à  fê  détacher  ?  après  quatre  ou 
cinq  jours  de  panlemenr,  taitcs  un 
peu  marcher  1  animal  ^  il  eft  prouvé 
par  l'expérience  de  M.  Latoile  & 
par  la  nôtre,  que  le  mouvement  fa- 
cilite (Se  favoriîe  la  fortie  de  la  ma- 
tière dont  le  féjaur  pourroit  léfer  les 
parties  voifînes;  le  bourbillon  étant 
forti,  paniez  la  plaie  comme  un  ul- 
cère (impie,  jufqu'à parfaite  guérifon. 

Il  arrive  quelquefois  qu'après  la 
fortie  du  bourbillon ,  la  plaie  tournit 
une  matière  liquide  ;  &  qu'on  y  dé- 
couvre un  fond  au  moyen  delà  fonde; 
c'eft  une  preuve  que  la  matière  a 
attaqué  le  cartilage  placé  fur  la  partie 
latérale  &  fupérieure  de  l'os  du  pied, 
d'où  réfulte  le  javart  encorné  impro- 
prement dit,  dont  nous  allons  parler. 

Du  javart  encorné  improprement 
dit.  Celui-ci  eft  une  carie  du  carti- 
lage dont  nous  avons  déjà  décrit  la 
Situation  ,  avec  un  fuintement  fa- 
nieux  ,  &  un  engorgement  dans  la 
partie  poftérieure  du  pied  ,  à  l'en- 
droit même  du  cartilage;  ce  n'efldonc 
plus  un  javart,  puifque  c'eft  une  ma- 
ladie particulière  du  cartilage  :  mais 
pour  nous  conformer  à  l'ufage  reçu  , 
nous  avons  cru  devoir  lui  laifler  ce 
nom,  en  y  ajoutant  les  deux  mots, 
improprement  dit  ,  pour  le  faire  dif- 
tinguer  du  véritable  javart  encorné, 
dont  le  fiège  eft  fixé  à  la  couronne , 
proche  le  fabot. 


J  A  V  93 

Ce  mal  reconnoîtponr  caufes  l'hu- 
meur du  javart  encorné,  la  inanère 
d'une  bleime,  d'une  feime  ,  d'une 
atteinte  ,  «Sec. ,  dont  l'humeur  aura 
■fufé  jufqu'au  cartilage,  &:  qui  l'aura 
carié.  (  ^'oye^  Carie.  ) 

On  eft  affuré  de  la  carie  du  carti- 
lage par  le  fuintement  continuel  que 
Ton  obferve  à  cet  endroir,  par  l'en- 
i-Lire  du  pied,  de  par  le  fond  qu'on 
y  lent  avec  la  fonde. 

Cette  efpcce  de  javart  eft  un  mal 
fort  grave  &  très-difficile  à  guérir  j 
on  peut  ajourer  même  qu'il  eft  in- 
curable,  fi  l'on  ignore  la  ftruclure 
du  pied.  Pour  le  guérir,  coupez  en- 
tièrement tout  le  cartilage;  l'expé- 
rience prouvant  que  ,lorfqu'ileft  carié 
feulement;  dans  un  de  fes  ponus,  il 
eft  peu-à-peu  gagné  par  la  carie  dans 
route  fon  étendue  ;  cette  opération 
demande  donc  un  artifte  habile  Se 
éclairé.  Un  maréchal  de  village,  or- 
dinairement dépourvu  de  notions 
claires  Se  diftinéles  fur  la  ftruéture 
du  p'ed,  fans  force,  fans  adrelTe , 
auroit  donc  tort  de  l'entreprendre. 
L'extirpation  faite  ,  mettez  fur  la 
plaie  àes  petits  plumaceaux  imbibés 
dans  la  teinture  de  térébenthine  , 
que  vous  contiendrez  avec  de  larges 
plumaceaux  <Sc  une  bande  qui  les 
comprimera  doucement  contre  le 
fond  delaplaye?  Y  a-t-il  hémorragie, 
appliquez  fur  l'ouverture  de  l'artère, 
de  l'amadou  ou  de  la  poudre  de  ly- 
coperdon,  dont  nous  avons  déjà  parlé 
à  l'article  Hémorrhagie.  (  Voye^cQ 
mot  )  ou  bien  faites  compreffion ,  &c. 

Au  bout  de  quatre  ou  cinq  jours , 
levez  l'appareil  ;  en  attendant  plus 
tard,  on  s'expofe  à  faire  naître  des 
ulcères  finueux,  qu'il  eft  eiïentiel  de 
dilater,  pour  donner  illue  à  la  ma- 
tière. A  chaque  panfement ,  ne  faites 


94  J  A  V  J  A  V 

pas  lever  trop  haut  le  pied  de  l'a-  Se  la  corne;  craignez  alors  la  chute 

nimal  ,    crainte   de    rhemotihagic  ;  de  la  corne;  évitez-la  en  faifant  une 

évitez  de  le  hiire  marcher;  n'appli-  controuverture,  ou  bien  en  ouvrant 

quez  les  premiers  jours,  après  avoir  la  corne  avec  la  cornière  du  boutoir 

levé  le   premier   appareil,   que   des  dans  toute   la  longueur   de  l'abcès; 

plumaceaux  imbus  de  teinture  d'aîocs  enfuite  appliquez  fur  route  la  plaie 

ou  de  térébenthine,  enfuite   du  di-  des  plumaceaux  imbus  de  ceinture  de 

geftif  animé    avec    plus   ou   moins  térébenthine  que  vous  renouvellerez 

d'eiu  de-vie;  dilatez  tous  les   hnus  toutes   les  vingt-quatre  heures;   ré- 

qui    pourront  fe  former  pendant   le  primez  les  chairs  fcn2;i!eufes ,  molles 

traitement,   tenez   la  foie  de  corne  &  baveufes  par  l'ufage  de  l'onguent 

toujours  humeélée  avec  l'onguent  de  égyptiac;  les  chairs  étant   d'un  bon 

pied,    nourriiFez   l'animal  avec   peu  caractère,  maintenez-les  dans  leurs 

de  toin  ,  beaucoup  de  paille  &  de  fon  juftes    bornes    par    des   plumaceaux 

mouillé,   faites-lui  boire  fouvent  de  foutenus    par    un    bandage    conve- 

l'eau   blanchie,    &   donnez -lui   de  nable.  M.  T. 
remps-en-temps    quelques  lavemens 
émoUiens.  JAVELLE.    JAVELLER.    C'eft 

Du  fciurchet.  NoiiS'  avons  dit,  au  mettre  les  bleds  en  poignées,  &  les 

commencement  de  cet  article,  que  lailfer  couchés  fur  les    filions  ,  afin 

le  bœuf  &  le  mouton  étoient  quel-  que  les  grains  féchent  &  jaunilTenr. 

quetois  fujets  à  une  efpèce  de  javart,  Trois  ou  quatre  javelles  forment  la 

appelle  fourcheti  gerbe.  On  dit  que  Vavoine  a  été ja- 

Le  pied    de  ces    deux  animaux  ,  velUe  ,  lorfqu'elle  eft  devenue  noire 

dont  la  conftruclion  eft  fi  différente  par  l'eftet  de  la  pluie, 
de  celle  du  cheval,  n'eft  aflecté  que 

du  fourchet    fimple  &  du  fourchet         JAUGE. JAUJ AGE.  JAUGEUR. 

encorné.  La  jauge  eft  une   verge   de  bois  ou 

Le  fourchet  fimple   n'eft  accom-  de  fer,  divifée  en  travers  par  pieds, 

pagné  d'aucun  danger;  mais  le  four-  pouces   &:  lignes^   avec  laquelle   on 

cher  encorné ,  que  l'on  obferve  entre  prend  la   longueur  &  la  largeur  de 

la  dernière   phalange  du  pied  &  la  la  futaille.   Ji^::gcc;gc  eft  l'action  de 

corne,  mérite   un  traitement  parti-  jauger    les  tonneaux,   les   futailles, 

culier.  Dilatez  l'abcès  formé  par  le  ^    l'art   de   connoître    combien    ils 

pus,  jufqu'au  commencement  de  la  contiennent    de    fluides  ,   Sec.    Jau- 

corne.  L'ulcère  ne   pénétre- t-il  que  geur  eft  l'officier   dont  l'emploi   eft 

dans  la  partie  poftérieure    du  pied ,  de  jauger. 

fans  gagner  la  corne  &  l'os  du  pied  Développer  ici  l'arr  de  jauger  feroit 
de  l'un  ou  l'autre  ongle?  la  feule  di-  trop  long,  il  taudroir  encore  rapporter 
latation  de  l'uîrère,  avec  l'application  la  méthode  employée  dans  chaqua 
de  la  teinture  d'aîocs  &  le  digeftif  province,  ce  qui  excéderoit  les  bor- 
iimple,  fiifiifent  pour  conduire  l'ul-  nés  prefcrites  à  cqz  ouvrage,  &  m'é- 
cère  à  parfaite  guérifon.  Mais  il  n'en  carteroit  de  mon  but.  Dailleurs,  dans 
eft  pas  de  même  lorfque  l'ulcère  a  toutes  les  villes,  dans  tous  les  vil- 
fait  des  progrès  entre  l'os   du   pied  lages,  îly  a  des  tonneliers  qui  font 


J  A  U 

jaugenrs  nu  beroin.  Si  on  tléfive  ce 
plus  gt.indi  renfeignemens  à  ce  fiijet, 
on  peut  confulter  le  Dictionnaire 
cconoiniquedeOo.Tze/au  mot  Jauge, 
les  Mémoires  de  l'Académie  des 
Sciences,  année  1716,  pag.  74... 
1741  ,  P'ig-  100...  1741  ,pag.  585. 

JAUNISSE.  C'eft  un  cpanchement 
de  bi'e  fur  toute  l'habitude  du  corps, 
qui  change  en  jaune  fa  couleur  na- 
turelle. 

Cette  maladie  fe  reconnoît  d'a- 
bord au  blanc  des  yeux,  qui  fe  teint 
infenfiblemenc  en  jaune;  cette  cou- 
leur fe  répand  bientôt  fur  toute  l'ha- 
bitude du  corps.  Les  urines  que  les 
malades  rendent  font  très -jaunes, 
&:  impriment  au  linge  une  couleur 
fafFranée;  les  excrémens  font  au  con- 
traire pâles;  le  pouls  eft  foible  ,  lent 
&  quelquefois  fébrile;  la  peau  eft  fc- 
che  Se  âpre  au  toucher  ;  les  malades 
éprouvent  une  démangeaifon  allez 
Vive  ,  qui  reflemble  parfaitement 
bien  à  celle  des  piqûres  d'épingles 
fur  le  corps;  ils  ont  la  bouche  amcre 
ainfi  que  la  falive;  les  alimens  qu'ils 
prennent  acquièrent  de  l'amertume 
dans  la  maftication  ;  quelquefois  ce 
goût  eft  fi  piquant,  qu'il  leur  femble 
avaler  de  l'abfynthe  ,  ou  le  fiel  le 
plus  amer;  les  ol-jr.ts  qu'ils  regardent 
leurs  paroilfent  jaunes,  A  tous  ces 
fymptômes  fe  joignent  le  dégoût, 
<ies  rapports  ,  une  fombre  triftefte 
qui  participe  de  la  mélancolie  ,  une 
douleur  mordicanre  au  creux  de  l'cf- 
tomac  ,  une  difficulté  de  refpirer , 
une  tendon  aux  hypocondres  ,  une 
preffion  &  une  péfanteur  à  la  région 
du  foie. 

Elle  dégénère  quelquefois  en  iftère 
noir  ,  Cl  la  bile  qui  en  eft  la  princi- 
pale caufe,  contraéte  une  efpcce  de 


J  A  U  95 

purridué  acide.  Les  mcmcs  fymptô- 
mes le  caraétérifeat  ;  la  feule  diffé- 
rence eft  dans  la  couleur  du  malade, 
qui  tire  fur  le  bleu  ,  le  veraâtre  , 
le  livide,  l'obfcur  ou  le  plombé;  la 
conjonctive  des  yeux  eft  d'un  jaune 
plus  foncé  ;  fc  les  urines  ont  la 
couleur  de   caffé  brûlé. 

La  jauniiïe  reconnoît  une  infinité 
ds  caufes  ;  elle  dépend  le  plus  fou- 
vent  de  l'obftrudion  du  foie,  d'un 
engorgement  de  la  bile  dans  fes 
propres  couloirs.  Les  ouvertures  des 
cadavres  des  perfonnes  mortes  de 
cette  maladie  ont  toujours  démontré 
des  vices  dans  le  foie. 

Elle  eft  quelquefois  produite  par 
des  pierres  trouvées  dans  la  propre 
fubrtance  de  ce  vifcère  ;  elle  vient 
aulli  fouvent  à  la  fuite  des  fatigues 
exceflives  ,  d'un  travail  forcé  ,  d'une 
longue  expofition  aux  ardeurs  du 
foleil. 

Une  vie  trop  molle  d<.  oifive,  les 
paftions  vives,  un  régime  dévie  trop 
échauffant,  l'ufige  des  liqueurs  Se 
des  vins  qui  n'ont  point  fermenté  , 
les  alimens  de  haut  goût ,  l'inHatn- 
mation  du  foie,  une  méiancolie  très- 
longue,  un  amour  malheureux,  dés 
dcfirs  effrénés  &  rendus  vains,  font 
autant  de  caufes  éloignées  qui  pcu- 
vent  déterminer  la  jauniile. 

Elle  paroît  quelquefois  à  la  fuite 
de  quelque  maladie  aiguë  ^  &  des 
fièvres  intermittentes  trop  tôt  arrê- 
tées ,  (^  conféqucmment  mal  guéries, 
fur- tout  lorfqu'ons'eft  liâtéde  donner 
du  quinquina  &:  des  aftringcnts.  Elle 
eft  alors  très-opiniâtte,  &  cède  diffici- 
lement aux  remèdes  qu'on  luioppofe. 
I!  n'eft  pas  rare  de  la  voir  dégénérer 
en  hydropifie. 

La  fuppreftion  des  règles,  des  hé- 
morrhoïdes  ,    d'un    cautère  ;   la   ré- 


9^ 


J  A  U 


perculîîon  des  erruptions  cutanées , 
comme  les  darrres  ,  la  gale  ,  peu- 
vent encore  lui  donner  naifFance. 

La  j^iunilfe  ,  qui  paroîc  avant  le 
feptième  jour  d'une  maladie  ai^ue  , 
eft  tpujours  fymptomatique;  celle  qui 
vient  beaucoup  plus  tard,  &  qui  ter- 
mine la  maladie  eft  toujours  critique. 

La- dureté  de  l'hypocondre  droit 
eft  toujours  d'un  mauvais  augure  dans 
la  jaunilfej  la  démangeaifon  qui  fur- 
vient  à  la  peau  eft  un  bon  ligne,  & 
annonce  toujours  la  guérifon  pro- 
chaine du  malade,  fur -tout  fi  les 
urines  font  chargées,  épailfes,  &  dé- 
pofent  un  fédiment.  La  jaunille  ne 
doit  pas  être  regardée  comme  une 
maladie  dangereuse  j  il  eft  rare,lorI- 
.qu'elle  eftlimple,  d'y  voirluccombcr 
les  malades  :  lorfqu'il  va  du  danger, 
il  eft  toujours  prodiùt  par  des  caufes 
accidentelles  &  particulières  qui  ont 
déterminé  la  jaunille. 

Refondre  les  obftruétions  du  foie, 
.évacuer  la  bile  furabondante ,  &  for- 
tifier la  conftitution  énetvée  par  le 
vice  de  la  bile,  font  les  feules  indi- 
cations curatives  que  l'on  doit  fe  pio- 
pofer  dans  cette  maladie. 

On  parviendra  à  fondre  &  à  ré- 
foudre les  embarras  du  foie,  en  don- 
ixant  des  apéritifs  &  des  réfolutits 
propres  à  l'organe  affecté  j  mais  il 
faut  plutôt  faire  précéder  les  émol- 
liens  &  les  bains.  Ce  n'eft  que  dans 
la  détente  qu'on  donnera  les  fondans. 
Le  favon  eft  un  remède  très-efiicace  5 
la  gomme  ammoniac,  diffoute  dans 
l'oximel,  a  très-bien  réullij  mais  je 
ne  connois  pas  de  meilleur  remède, 
dont  les  eftets  foient  plus  falutaires 
&  plus  prompts  ,  que  le  fuc  des 
plantes  chicoracées,  de  pifTenlit,  & 
autres  plantes  laclelcentes  qui  font 
4e  vrais  favons  naturels.  Quand  leur 


J  A  U 

action  eft  trop  lente,  on  y  combine 
le  fel  de  glauber  à  la  dofe  d'une 
drachme  pour  chaque  verre,  Ik  de 
dix  grains  de  terre  foliée  de  tartre. 
L'intufion  des  feuilles  de  chélidoine 
dans  du  vin  blanc  fec ,  le  petit-lait, 
bien  clarifié  &  mêlé  au  fuc  de  quelque 
cloporte  ,  méritent  les  plus  grands 
éloges.  Les  eaux  minérales,  galeufes, 
aiguifées  avec  le  fel  de  glauber,  font 
fouveraiives  dans  leur  effet  contre 
l'iclière  chaud  j  mais  on  ne  doit  pas 
trop  fe  preffer  de  faire  ufage  des  apé- 
ritifs iSc  des  fondans,  en  caufant  une 
fonte  trop  précipitée  des  humeuts, 
ils  peuvent  occafionner  les  accidens 
les  plus  graves. 

L'émctique  doit  être  donné  de 
très-bonne  heure,  pour  enlever  les 
matières  muqueufes  &  glutineufes 
qui  obftruent  les  conduits  biliaires. 
On  doit  même  le  répéter,  s'il  a  déjà 
produit  de  bons  effets. 

On  doit  s'en  abftenir  lorfqu'il  y 
a  conftriclion  fpafmodique  &  éré- 
tifme  dans  les  canaux  biliaires,  quoi- 
qu'il femble  indiqué  par  les  naufées 
&  le  défit  des  malades;  il  porteroic 
à  l'excès  la  crifpation  &c  l'inflam- 
mation. 

Il  eft  encore  contr'indiqué  par  la 
préfence  des  pierres  dans  la  véficule 
du. fiel,  parce  qu'il  pourrci:  les  faire 
paffer  dans  le  conduit  choledocque, 
par  les  diverfes  fecouffes  qu'il  pro- 
cure. 

Les  purgatifs  ne  doivent  jamais 
être  donnés  dans  le  principe,  ils  fe- 
roient  dangereux,  &  augmenteroient 
l'inflammation  ;  il  faut  attendre  que 
la  bile  ait  acquis  une  certaine  flui- 
dité ;  ils  doivent  être  pris  dans  la 
claffe  des  minorants.  On  pourra  pur- 
ger les  malades  avec  le  tamarin,  le 
fel  policrefte  de  Glafer,  la  crème  de 

tartre 


J  A  U  J  A  U               97 

taitre  &  la  rlnibavbe  ;  celle-ci  pour-  le  torrent  de  la  circulation  ,  &  de 
roit  ctre  nuifible,  fi  elle  ccoit  donnée  pafler  en  partie  par  les  vaiffeaux 
feule;  mais,  en  la  combinant  avec  exhalans  qui  fe  terminent  à  la  fur- 
ie nitre  &  le  fel  de  Glauber ,  elle  face  extérieure  des  tégumens ,  &  en 
ne  peut  qu'être  très-utile,  en  hvoii-  partie  par  les  autres  conduits  excré- 
fant  une  plus  grande  évacuation  de  toires. 

bile.  Nous    diftinguons    trois    efpcces 

On  appliquera  fur  la  région  du  foie,  de  jaunifle;  nous  allons  les  décrire, 

des   emplâtres  réfolutifs  ,    tels   que  Première  efpèce.  Jaunille  avec  cha- 

celui  de  fa  von  camphré  & -celui  de  leur. 

ciguë;  on  y  fera  quelques  fridions  Elle   fe   manifefte   par  les   fignes 

fèches,  ou  bien  avec  l'huile  de  rhue  fuivans.  L'animal  eft  pefant ,  trifte, 

ou  de  camomille.  accablé;  la  chaleur  de   la  fuperhcie 

U  eft   encore   très-avanrageux   de  du  corps  eft  confidérable,  les  veines 

faire   brolfer  la  peau   des  malades  ,  qu'on  apperçoit  fur  les  tégumens ,  Se 

afin  de  déterminer  une  tranfpiration  principalement  fur  la  cornée  opaque , 

plus  abondante.  Les  martiaux ,  le  quin-  font  gonflées,  la  langue  eft  trcs-chauoe, 

«juina,  l'extrair  de  gentiane,  propres  à  l'animal  témoigne  beaucoup  de  défit 

fortifier  la  conftitution  énervée ,  font  de  boire  frais  dans  les  premiers  jours 

aulTi  dangereux  quand  ils  font  donnés  de  la  maladie,  enfuite  la  fièvre  aug- 

trop  tôt,  fur-tout  quand  il  y  a  fur-  mente,  l'appétit  diminue  ,  la    ref- 

abondance  de    bile.   La  perite  cen-  piration  eft  plus  laborieufe,  les  oreilles 

taurée  produit  de   bons    effets  dans  deviennent  froides ,  le    poil  fe   hé- 

l'iétère  ,  lorfque   l'obftruclion  com-  rifie,  la  conjonélive,  la  commilTure 

mence  à  fe  réfoudre.  M.  Ami.  des    lèvres    prennent    une    couleur 

jaune,  les  urines  fe  colorent  &  font 

Jaunissk.    Médecine    vétérinaire,  plus   ou  moins    troubles  ,  en  tirant 

Si,  dans  un  animal  quelconque,  la  ordinairement  fur  le  brun  obfcur,  & 

langue,   les    lèvres,   l'intérieur  des  les  excrémens  font  plus  fouvent  durs , 

nafeaux,  &  principalement  la   cou-  fecs  &:  noirs,  que  fluides  &  de  cou- 

jonétivepréfententunecouleur jaune,  leur  jaune. 

fi   les   urines  dépofent  un   fédiment  Les  principes  les  plus  frcquens  de 

jaunâtre,  les    fonétions  Aqs  organes  la  jaunitTe   avec    chaleur,  font  l'eau 

de  la  digeftion  font  dérangées,  en  un  impure  &    marécageufe  ,    la  longue 

mot,  fi  l'animal  rend  ordinairement  expcfition  aux  ardeurs  du  foleil ,  le 

par  l'anus  des  excrémens  jaunes  &  paflage  fubit  d'un  air  chaud  dans  une 

fluides  ,   quelquefois  durs    Se   fecs  ,  atmofphère    froide  ,    un    bain    pris 

nous  difons  qu'il  eft  atteint  de  l'ic-  lorfque  l'animal  eft  couvert  de  fueur, 

tère  ou  de  la  j-umllfe.  tnhw  l'ufage  immodéré  des  plantes 

Cecce    maladie   arrive   toutes    les  acres  &  trop  nutritives,  &c. 

fois  que  la  bile,   préparée   dans    le  Le  bœuf  &  le  moutcMi  font  plus 

toie,  &  reçue  par  les  conduits  bili-  fujets  à  cette  efpèce  de  jauniffe  que 

ftres  ,  au  lieu  de   palier  continuel-  le  cheval    &    l'âne  ;   le   bouc  &    le 

lement  de  ce  vifcère  dans  les  petits  cochon  échappent  rarement  à  cette 

inreftins,  eft  obligée  de  rentrer  dans  maladie,  s'ils  font  foibles  &   âgés; 

Tome  FI.  N 


çS 


J  A  U 


mais  s'ils  font  jeunes ,  &  le  mal 
récent ,  on  peut  compter  fur  une 
parfaite  guérifon  par  l'ufage  des  re- 
mècles  que  nous  allons  indiquer. 

Dès    l'apparition     des     premiers 
fympccmes,  tels  que   la  perte  d'ap- 
pccit ,   la  chaleur ,   la  couleur  jaune 
de  la  conjondive,  &  la  difficulté  de 
refpirer,  faignez  l'animal  à  la  veine 
jugulaire  j  ik.  réitérez  la  faignée  félon 
la  plénitude  des    vaiffeaux  ,    l'âge  , 
J'efpèce  du  fujet,  &  la  conftitution 
de  l'air;  donnez  quelques  lavemens 
compofés  de  décodrion  d'orge  &  de 
fel  de  nitre  -,   adminiftrez  des  breu- 
vages de  petit  lait,  de  l'infufion  des 
ftuilles   d'aigremoine   aiguifée    avec 
du  nitre  ou  du  vinaigre;  mettez  l'a- 
nimal dans  une  écurie  fèclie  &  bien 
aérée,  &:  donnez  lui  pour  nourriture 
du  fon  liumeéléavec  de  l'eau  nitrce, 
quant  au  bœuf  &  au  cheval,  (?c  de 
fel  marin  pour  le    mouton.  Si,  cinq 
à  fix  jours  après    ce  traitement  ,   la 
couleur  jaune  de  la  conjonctive   fe 
foutient,  fi  l'appétit  ne  revient  pas, 
fi  les  excrémens  deviennent  jaunes  & 
fluides ,  fi  la  chaleur  des  régumicns 
&   celle  de  la  langue  difparoiifenr , 
adminiftrez    les  remèdes    que    nous 
allons   prefcrire   dans  la  jaunifle  de 
l'efpèce  fuivante. 

Deuxième  efpèce.  JaunilFe  froide. 
Celle-ci  s'annonce  par  la  diminu- 
tion des  forces  ,  la  triftelfe  de  l'a- 
nimal ,  la  perte  de  l'appétit,  la  cou- 
leur jaune  des  yeux  ,  les  vailleaux  de 
l'œil  variqueux,  la  langue  jaunâtre, 
la  difficulté  de  refpirer ,  la  contrac- 
tion plus  ou  moins  forte  des  mufcles 
du  bas  ventre ,  la  froidure  des  tégu- 
mens,  la  petiteiïe  desvaifleaux  fuper- 
ficiels,  la  fluidité  &  la  couleur  jaune 
des  matières  fécales,  la  répugnance 
de  la  boiiïon  ,  &  les  battemens  de 


J  A  U 

l'artère   maxillaire    plus   petits    que 
dans  l'état  naturel. 

Le  bœuf,  &c  encore  plus  le  mou- 
ton, font  plus  expofés  à  cette  efpèce 
de  jauniffe  que  les  autres  animaux. 
Nous  rangeons  parmi  les  caufes 
les  plus  connues  de  la  jaunifle  froide, 
le  pafl^age  fubit  du  chaud  au  froid, 
les  bains,  la  pluie  après  une  courfe 
violente,  la  fuppreflion  de  la  tranf- 
piration,  ou  une  fueur  tout-à-coup 
arrêtée,  une  diarrhée  fufpendue  par 
l'ufage  des  remèdes  aftringens  ,  les 
eaux  impures  &  ftagnantes  pour 
boifTon  ,  les  pâturages  marécageux  , 
la  boilIon  trop  copieufe  ,  fur  -  tout 
chez  le  mouton ,  le  long  féjour  dans 
les  écuries  humides  &  mal  difpofées, 
ôc  les  concrétions  pierreufes  dans  le 
foie. 

Loin  de  prefcrire  ici  la  même  mé- 
thode de  la  jauniiTè  avec  chaleur, 
nous  recommandons  au  contraire 
l'ufage  du  fuc  exprimé  des  feuilles 
de  chclidoine,  incorporé  avec  parties 
égales  de  miel  ,  le  favon  incorporé 
avec  fiiffifanre  quantité  d'extrait  de 
genièvre ,  de  ciguë ,  à  la  dofe  de 
demi-drachme  pour  le  cheval  ,  dé- 
layé dans  une  décoction  de  pariétaire, 
ou  de  garance,  ou  d'afperges  ,  con- 
tinués pendant  neuf  à  dix  jours,  fans 
oublier  les  lavemens  indiqués  dans 
la  jaunifle  précédente. 

Troifième  efpèce.  Jaunifle  par  les 
vers. 

Le  foie  du  cheval,  du  bœuf,  du 
mouton,  contient  des  vers  dont  la 
figure  &  la  grandeur  varient  félon 
l'efpèce  de  l'individu.  Leur  multipli- 
cation efl:  fouvent  fi  dangereufe,  que 
la  fécrétion  de  la  bile  fe  trouvant 
dérangée,  fon  tranfport  dans  les  vaif- 
feaux  bilifères  efl:  gêné  ,  de  -  là  le 
reflux  de  cette  humeur  dans  le  ter- 


J  A  U        ■ 

rent  de  la  ciLculanon  ,   &   la    jau- 
ni iTe. 

On  doit  bien  comprendre  que 
cette  efpèce  de  jaunille  n'étant  qu'ac- 
cidentelle, on  ne  peut  parvenir  à  la 
faire  celFer^fic  à  rétablir  l'animal  ^ 
qu'en  ôtant  ou  détruifant  les  vers 
par  les  remèdes  appropriés.  (  /'oyf^ 
l'arcicle  Ver  s,  maladies  vermineufes) 
où  nous  nous  propofons  de  traiter  au 
long  des  efpèces  des  vers  qui  affec- 
tent les  animaux ,  de  ce  qui  les  pro- 
duit ,  de  leurs  défordres  ,  des  difté- 
rentes  maladies  qu'ils  occafionnenr , 
&  de  la  préparation  de  l'huile  em- 
pyreumatique  pour  les  détruire.  M.  T. 

Jaunisse.  (  Maladies  des  plantes 
&  des  arbres).  Elle  eft  quelquefois 
fubite  ,  &  plus  fouvent  elle  le  pré- 
pare de  loin. 

La  jaunilfe  fubite  ell:  plus  fré- 
quente dans  le  printemps,  que  dans 
le  refte  de  l'année.  Elle  tient  .1  un 
paiïage  trop  prompt  duchaud  au  froid , 
&  par  conféquent  à  une  fupprefilon 
ou  diminution  de  tranfpiration.  La 
fève  regorge  dans  toutes  les  parties 
fupérieures  de  l'arbre  ,  redefcend  avec 
peine  &  lenteur  vers  les  racines , 
&c  refte  confondue  avec  la  matière 
excrétoire  de  cet  engorgement  <Sc  de 
ce  mélange;  la  fève  le  détériore  ; 
&:  Il  la  chaleur  ne  rétablit  prompte- 
ment  le  cours  de  l'excrétion  ,  en  un 
mot,  C\  la  fève  tarde  à  fiiivre  fa  route 
naturelle,  le  mal-êtiv  devient  géné- 
ral dans  toutes  les  parties  de  la  plante. 
Le  parenchyme  des  feuilles  eft  vicié  , 
&c  de  vert  qu'il  étoit  auparavant,  il 
palTe  à  la  couleur  jaune  ,  plus  ou 
moins  claire  ,  fuivant  le  degré  de 
fon  altération. 

La   greffe  trop  enterrée  ,  &    fur- 
rou:  dans  les  fols  naturellement  çras 


J  A  U  99 

&  humides,  eft  une  des  caufes  de 
la  jaunilfe  lente. 

L'arbre  furchargé  de  lichen  &  de 
moulfe  eft  fujet  à  cette  maladie. 

Si  l'amandier,  par  exemple,  a  (as 
racines  chargées  de  nodus,  d'exofto- 
fes  ,  la  jaunifte  fait  de  grands  pro- 
grès &:  fait  périr  l'arbre  ,  fi  avant 
l'hiver  on  n'a  pas  le  foin  de  fouil- 
ler tout  autour  de  fes  racines  ,  &  de 
fupprimer  ces  excroiftances  contre 
nature  qui  vicient  la  fève  du  mo- 
ment qu'elle  s'introduit  dans  la 
plante. 

On  voit  fouvent  des  arbres  forts 
&:  vigoureux  pendant  plufieurs  an- 
nées depuis  leurs  plantations ,  com- 
mencer à  jaunir.  Si  on  fouille  juf- 
qu'à  la  plus  grande  profondeur  des 
maîtrenfes  racines ,  on  trouvera  011 
que  leurs  extrémités  plongent  dans 
l'eau  ftagnante ,  ou  qu'elles  ne  peu- 
vent pénétrer  un  tuf  par  couche,  011 
enfin  que  les  vers  âw  hanneton  (  P'oye^ 
ce  mot  )  fe  font  acharnés  à  ronger 
les  maîtrelîes  racines.  Enfin  fi  l'arbre 
eft  trop  vieux  &  tend  à  fa  fin ,  il 
n'eft  pas  furprenant  que  fes  feuil- 
les jauniftent  &  tombent  avant  le 
temps. 

Les  arbres  plantés  dans  des  ter- 
reins  arides  ,  fablonneux  ,  &  qu'on 
ne  peut  arroler  pendant  les  grandes 
chaleurs ,  jauniffent.  LTn  mélange  d'ar- 
gille  bien  fèche  ,  divifée  en  pouf- 
licre  ,  mêlée  avec  ces  fables ,  leur 
donnera  du  corps,  parce  qu'à  la  pre- 
mière pluie  elle  fe  mêlera  avec  eux , 
laillera  moins  évaporer  Thumidiré 
de  la  terre,  &  retiendra  plus  long- 
temps l'humidité  occafionnée  par  les 
eaux  pluviales.  S'il  n'eft  pas  facile  de 
fe  procurer  de  l'argille ,  on  la  fup- 
-  pléera  par  une  couche  entre  deux 
terres ,  flûte  avec  des  feuilles  d'ar- 
N  2. 


^ 


BIBLiOTHECA 


îoo  J  A  U 

brcs,  &c  fur -tout  avec  la  bâie  des 
blés,  orge ,  avoine  iScc.  Si  on  cft  privé 
de  ces  iecours ,  le  dernier  parti  à 
prendre  ,  e(t  de  couvrir  le  pied  de 
l'arbre ,  à  une  circonférence  de  trois 
à  quatre  pieds ,  avec  des  cailloux  ,  des 
pierres,  qu'on  enlèvera  dès  que  les 
grandes  chaleurs  ne  feront  plus  à 
redouter. 

Si  le  fond  du  fol  eO:  trop  humide 
naturellement ,  c'eft  un  grand  mal- 
heur pour  un  jardin  fruitier  5  le  feul 
remède  eft  d'ouvrir  de  grands  folfés 
d'écoulement  dans  la  partie  la  plus 
baffe  du  jardin ,  ou  non  loin  des 
arbres  (Se  à  une  profondeur  au-deifous 
de  leurs  racines  dont  on  remplira  le 
fond  avec  des  pierrailles  &  des  cail- 
loux. 

Si  l'arbre  jaunit  par  vieillelTe,  il 
faut  le  fuppléer  par  un  autre ,  &  fi 
la  terre  eft  épuifée ,  changer  iSc  tranf- 
porter  l'ancienne  ,  enfin  remplir  le 
grand  creu  avec  de  la  nouvelle.  Les 
gazonnées  produifent  de  très- bons 
effets. 

L'arbre  dont  on  a  étronçonné , 
mutilé  les  racines  avant  de  le  plan- 
ter ,  eft  tiès-fujet  à  la  jaunilfe,  parce 
qu'il  ne  peut  plus  produire  que  des 
racines  latérales ,  peu  profondes  ,  &c 
par  conféquent  fujettes  à  éprouver 
les  effets  de  la  féchereffe.  Les  pom- 
miers &  poiriers  greffés  fur  coignaf- 
fiers ,  font  dans  le  même  cas  par  la 
même  raifon. 

Les  jeunes  arbres  expofés  au  gros 
midi  contre  un  grand  mur,  éprou- 
vent trop  de  chaleur  dans  leur  tronc, 
&c  leurs  feuilles  jauniffent.  Une  plan- 
che ,  une  douve  ,  dont  on  recouvrira 
ie  tronc,  préviendra  la  maladie. 

Lorfqu'on  découvre  les  racinespour 
connoître  lacaufe  du  mal,  produit  foit 
par  ks  inXedes ,  foit  par  la  moifiiTure 


JET 

&  noirceur  des  racines ,  &c.  il  fiiut 
commencer  par  viiîttr  celles  d'un 
côté  ,  S<  procéder  ainfi  de  fuite  ; 
mais  à  chaque  fouille  remettre  de 
la  terre  neuve  &  bonne.  LorfqueTon 
trouve  l'origine  du  mal ,  il  faut  tuer 
les  vers  avec  la  ferpette  ,  enlever  les 
parties  mâchées ,  Si  cerner  jufqu'au 
vif;  enfin  fupprimer  jufqu'au  vit  les 
racines  chancies  ,  noires,  Sec.  On 
doit  bien  le  donner  de  garde  de  dé- 
couvrir toutes  les  racines  à  la  fois. 
Après  ces  opérations  ,  on  donne  un 
bouillon  à  l'arbre  (/^oye^  ce  mot), 
afin  de  lui  aider  à  réparer  fes  forces. 

JET.  C'efl  la  pouffe  perpendicu- 
laire d'un  arbre  pendant  une  année. 

JETER.  C'eft  un  mot  fynonyme 

de  celui  ejfj'aimer.   [f'oye^  ce  mot), 

J  EUNE.  Faire  JEUNER  UN  ar- 
bre. Expreilion  nouvelle,  introduite 
dans  la  pratique  du  jardinage  par 
M.  l'abbé  de  Schabol.  "V^oici  comme 
il  s'explique  :  "  C'eft  une  invention 
nouvelle  pour  empêcher  qu'un  arbre 
ne  s'emporte  tout  d'un  coté ,  tandis 
que  l'autre  côté  ne  profite  point ,  & 
au  contraire  dépérit.  On  y  remédie 
en  étant  toute  la  nourriture  &  la 
bonne  terre  au  côté  trop  en  embon- 
point, mettant  à  la  place  de  la  terre 
maigre  ou  du  fable  de  ravine,  pen- 
dant qu'on  fume  &  qu'on  engraiffe 
bien  le  côté  rfiaigre  :  de  plus ,  on 
courbe  un  peu  fortement  toutes  les 
branches  du  côté  trop  gras ,  &  on 
laifle  en  liberté  entière  le  côté  mai- 
gre. Voilà  ce  qu'on  appelle  faire 
jeûner  les  arbres ,  &  leur  faire  pra- 
tiquer l'abftinence  &  la  diète  ;  c'eft 
ainfi  que  fans  tourmenter  les  arbres 
qui  ne  fe  mettent  pas  à  fruit ,  fans 


J  O  N 

en  couper  les  racines,  &  les  miiii- 
1er  en  cent  façons ,  fiiivan:  l'ufage ,  on 
parvient  à  leur  faire  porter  du  fruit  ». 

JONQUILLE.  Tournefort  la  place 
dans  la  première  feilion  de  la  neu- 
vième claiie  des  liliacées, d'une  feule 
pièce;  divifée  en  fix  parties,  &  dont 
le  calice  devient  le  fruit,  &  il  l'ap- 
pelle narc/ffi/s  junci  fo/ius  luicus.  Non 
Linné  la  claire  dans  l'Hexandrie  Mo- 
nogynie,  &  la  nomme  narciJJ'us  jun- 
quilla. 

Fleur  ;  phifîeurs  &  rarement  une 
feule  ,  renfer)iiées  dans  le  fpathe  ou 
feuille  membraneule,  qui  fert  de  ca- 
lice avant  le  développement  \  la  co- 
rolle eft  divifée  en  fix  parties  inlé- 
rées  fur  la  bafe  du  tube  du  nettaire, 
qui  eft  d'une  feule  pièce  cylindrique  ; 
les  étamines  au  nombre  de  fix,  dont 
ordinairement  trois  plus  longues  & 
trois  plus  courtes. 

Fruit  ;  capfule  longue,  à  trois  cô- 
tés, à  trois  loges ,  à  trois  valvulvcs  ; 
les  femences  nombreules ,  prefque 
rondes. 

Feuilles  ;  fimples ,  très-entières  ; 
partant  de  la  racine,  elles  font  en 
forme  d'alêne. 

Racine;  oignon  étroit,  allongé, 
recouvert   d'une  pellicule  brime. 

Porc  j  du  centre  de  l'oignon  s'é- 
lève une  hampe  ou  rige  ,  au  fom- 
met  de  laquelle  les  fleurs  font  por- 
tées ;  elles  font  d'une  couleur  jaune  , 
qui  a  fixé  la  dénomination  de  cou- 
leur jonquille. 

Lieu  ;  originaire  d'Efpagne  ,  de 
l'Orient  :  on  la  trouve  encore  dans 
le  bas  Languedoc. 

Culiure  ;  je  ne  connois  que  deux 
efpèces  jardinières  ,  bien  caradléri- 
fées;  la  jonquille  à  fleur  fimple  & 
À  fleur  double  j  les  unes  &:  les  au- 


J  O  N  loi 

très  à  plus  ou  moins  grandes  fleurs. 
Quelques  fleuriftes  mettent  au  nom- 
bre des  jonquilles  des  individus  qui 
appartienneiuà  l'efpèce  nommée  nar- 
ajie. 

La  terre  légère  &  fubftantielle 
convient  à  la  jonquille  j  elle  craint 
l'humidité  comme  prelque  routes  les 
plantes  bulbeufes.  L'oignon  demande 
à  être  enterré  peu  profondément , 
parce  qu'il  s'entonce  beaucoup  j  & 
alors  il  ne  fleurit  pas.  La  profondeur 
de  trois  pouces  eft  plus  que  fuffi- 
fante  ,  &  on  fera  bien  d'incliner 
l'oignon  fur  le  côté  ,  afin  qu'il  s'en- 
fonce moins.  11  eft  inutile  &  très- 
inutile  d'arrofer  aptes  la  plantation  , 
pourvu  que  la  terre  foit  un  peu  hu- 
mide. Dans  tous  les  pays  quelcon- 
ques ,  l'époque  à  laquelle  on  doit 
planter  eft  indiquée  par  l'oignon 
lui-même.  On  peut  différer  jufqu'à 
ce  que  fon  dard  ou  jer  commence 
à  paroître  au  fommet  de  l'oignon. 
Si  on  attend  que  ce  jet  ait  une  cer- 
taine longueur ,  l'oignon  fouftre.  11 
fuffit  de  confidérer  le  lieu  natal  , 
pour  voir  que'  cette  plante  ne  craint 
pas  la  chaleur;  cependant  elle  la 
craint  dans  nos  provinces  du  nord  , 
parce  que  fa  première  végétation  eft 
lente  ,  retardée  par  la  longueur  des 
hivers,  &  la  chaleur  la  furprend  trop 
vire.  Dans  les  pays  chauds  elle  vé- 
gète pendant  Ihiver,  &  fleurit  lorf- 
que  la  chaleur  eft  au  point  qui  lui 
convient.  On  ne  fait  point  aflez  d'at- 
tention aux  différences  manières  d'ê- 
tre des  climats,  &  à  l'époque  natu- 
relle de  fleuraifon  du  pays  natal. 

Comme  les  feuilles  de  la  jon- 
quille reffemblent  affez  pour  leur 
forme  &  en  petit  à  celles  des  joncs; 
comme  ces  feuilles  font  peu  nom- 
breufes ,  &  occupent  peu  d'efpace  ; 


lot  J  O  U 

enfin ,  comme  l'oignon  a  peu  de 
largeur  fur  fa  hauteur,  on  peut  plan- 
ter à  trois  pouces  de  diftance.  Dans 
les  provinces  du  nord  ,  il  eft  prudent 
de  couvrir  la  terre  avec  de  la  paille 
pendant  les  grandes  gelées. 

On  lève  de  terre  l'oignon  tous  les 
trois  a  quatre  ans,  &  on  en  fépare 
les  cayeuxj  ils  doivent  être  confer- 
vés  dans  un  lieu  fec  &:  bien  acre  j 
places  dans  un  endroit  humide ,  la 
iiioihirure  s'en  empare ,  &  ils  pour- 
rilTent.  L'oignon  ne  doit  être  déplanté 
que  lorfque  les  feuilles  font  fechces. 

La  jonquille  hgure  très-bien  dans 
les  vafes  j  dans  les  cailles ,  &  c'eft 
fa  véritable  place  j  car  en  platte- 
bande  ,  en  carreaux  ,  l'effet  eft  trop 
nud  à  l'œil. 

Des  fleuriftes  prétendent  que  l'oi- 
gnon Se  les  caycux  doivent  être  re- 
mis en  terre  aufli-tôt  que  leur  fé- 
paration  eft  faite ,  ou  ne  pas  atten- 
dre au-delà  de  huit  jours,  je  réponds 
d'après  l'expérience  que  cette  précau- 
tion eft  inutile  ,  &  qu'ils  font  dans 
le  cas  d'attendre  autant  de  temps 
que  les  hyacinthes,  les  tulipes,  ôcc. 
pourvu  qu'ils  foient  tenus  dans  un 
lieu  bien   ùc. 

Des  jonquilles  placées  dans  des 
vafes  peuvent  fleurir  deux  fois.  On 
les  plante  à  la  fin  de  l'été,  Se  au 
commencement  de  l'hiver  on  les 
porte  dans  des  ferres  chaudes.  Auftl- 
tot  après  leur  fleuraifon  ,  ces  mêmes 
pots  font  mis  en  terre  dans  le  jar- 
din, &  au  remps  ordintire  il  parcît 
de  nouvelles  tiges  j  de  nouvelle? 
fleurs. 

JOUBARBE.  (  royc^  pi.  III.  ) 
Tournefort  la  place  dans  la  fixième 
feclion  de  la  fixième  clafte  qui  com- 
prend les  fleurs   en   rofe ,  dont   le 


J  O  U 

piftil  devient  un  fruit  compofé  de 
plulîeurs  capfales,  &  il  l'appelle yè- 
dum  majus  vulgarè.  Von  Linné  la 
nomme  fcmper  vivum  tectorum  ,  &C 
la  clafle  dans  la  Dodécandrie  Dodé- 
caginie. 

Fleur;  ordinairement  compofée 
de  douze  pétales  B  ovales,  pointus , 
velus ,  portant  chacun  une  étamine. 
Le  piftil  C  eft  compofé  de  douze  à 
quinze  ovaires;  il  repofe  fur  le  pla- 
centa qui  eft  au  centre  du  calice  D, 
dont  le  nombre  des  divifions  égale 
celui  des  pétales. 

Fruic  ;  le  piftil  ne  change  point 
de  forme  en  miiriirant.  Les  ovaires 
fe  changent  chacun  en  une  capfule 
E  à  une  feule  loge  remplie  de  fe- 
menées  F. 

Feuilles  ;  oblongues  ,  charnues  , 
fucculentes,  convexes  en  dehors,  ap- 
platies  en  dedans,  couvertes  de  poils 
fur  leurs  bords  ,  implanrées  fur  la 
racine,  rafl^mblées  par  leur  bafe  en 
forme  hémifphérique. 

Racine  A,  petite,  fibreufe. 

Port  ;  la  tige  s'élève  du  centre 
des  feuilles ,  droite ,  rougeâtre ,  pleine 
de  moelle,  revêtue  de  feuilles  plus 
étroires  que  celles  des  racines.  Les 
fleurs  nailTent  au  fommet  difpofées 
en  bouquet.  Les  tiges  fèchent  dès 
que  la  lemence  eft  mûre. 

Lieu  j  les  vieux  murs  ,  les  rochers. 
La  plante  eft  vivace  ,  fleurit  depuis 
juillet  jufqu'à  la  fin  de  fcptembre, 
fuivant  les  climats. 

Proprie'te's  ;  le  fuc  des  fleurs  a  une 
odeur  légèrement  nauiéabonde  ,  & 
une  laveur  un  peu  acre.  La  plante 
eft  aqueufe,  raftaîchiflante  (S:  aftrin- 
gente. 

V/'^ge  j  le  fuc  exprimé  des  feuil- 
les récentes  ,  fe  donne  depuis  une 
ouce  jufc|u'à  quatre  ,  leul  ou  mêlé  avec 


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J  o  u 

parties  égales  d'eau  dans  les  fièvres 
intermittentes ,  qui  n'ont  point  de 
froid  marqué. 

Les  feuilles  dépouillées  de  la  peau, 
macérées  dans  l'eau,  lont  employées 
dans  les  fièvres  ardentes,  &  les  inflam- 
mations qui  menacent  degangrenne. 
Pour  les  animaux ,  la  dofe  de  ce  fuc 
eft  de  demi-livre. 

Joubarbe  des  vignes.  (  J'''oye-:i 
ORPIN  ). 

JOUG.  Pièce  de  bois  traverfantpar 
delTus  la  tête  des  bœufs, avec  laquelle 
ils  font  attelés  pour  tirer  ou  pour  la- 
bourer :  on  en  trouve  de  tour  faits 
dans  les  foires  &  chez  les  marchands. 
Il  faut  en  ellayer  trente  &  quarante 
avant  d'en  trouver  un  exademenc 
proportionné  à  la  tête  d'un  bœuh  Ne 
vaudroit-il  pas  infiniment  mieux  taire 
venir  chez  foi  les  conltruéteurs  ?  ils 
prendroient  leurs  mefures  fur  l'ani- 
mal même,  &  dès-lors  il  ne  feroit 
point  gêné  ou  blelfé.  Au  lieu  d'un 
joug  par  paire,  il  faudroit  en  avoir 
au  moins  deux  &:  même  trois ,  afin 
qu'en  cas  de  rupture ,  les  bœufs  ne 
reftaffent  pas  pendant  plufieurs  jours 
de  fuite  dans  l'écurie  fans  travailler. 
L'orme ,  le  frêne  &  le  hêtre ,  bien  fc es , 
font  le  meilleur  bois  pour  en  faire. 
Celui  de  hêtre  prend  riiieux  le  poli, 
mais  il  eft  plus  cafianc  que  les  deux 
premiers.  On  doit  tenir  dans  un  lieu 
fec  &  à  l'ombre  ceux  que  l'on  garde 
en  réferve  ;  les  étendre  fur  le  plan- 
cher, &:  non  pas  les  placer  perpen- 
diculairement, parce  que  le  bois  tra- 
vaille &  f e  déjette,  fi  l'atmofphère 
eft  long-temps  humide. 

JOURNAL  DE  TERRE.  Efpace 
de  terrein  qu'on  peut  labourer  dans 


J  U  C  103 

un  jour.  Cette  dénomination,  ainfi 
que  celle  de  fecérée,  d'ouvrd'e  de  vi- 
gne ^  &c.  ne  préfente  aucune  idée 
exaéte  ,  puifque  telle  paire  de  bœufs , 
de  chevaux  ou  de  mules  peuvent  la- 
bourer dans  un  jour  un  tiers  plus  de 
terrein  que  telle  autre  paire.  Le 
grain  de  terre  plus  oci  moins  tenace, 
fait  encore  varier  le  rravail, ainfi  que 
la  circonftance  de  la  faifon.  Il  arrive 
de  là  que  les  mefures,  quoique  fous 
la  même  dénomination,  varient  d'une 
province  à  une  autre  ,  &  fouvenc 
de  villasre  à  village  dans  la  même 
province.  Quand  verrons  -  nous  en 
France  une  feule  loi ,  un  feul  poids 
oc  une  feule  mefure  ! 

JUCHOIR  A  POULES.  Endroit 
où  les  poules  palfent  la  nuit.  C'eft 
un  alîemblage  de  traverfes  qui  fe 
tiennent  enfemble  ,  mais  alfez  éloi- 
gnées pour  que  les  poules  d'un  rang 
ne  touchent  pas  celles  du  rang  voi- 
fin.  II  doir  être  placé  dans  un  lieu 
fec ,  expofé  au  midi  ,  &  fi  on  le 
peut ,  près  de  l'endroit  où  le  fouc 
eft  placé.  Si  le  lieu  eft  humide  Se 
froid ,  les  poules  feront  peu  d'œufs 
pendant  l'hiver  ,  fe  mettront  à  cou- 
ver très-tard  j  dès- lors  on  fera  privé 
des  premiers  petits  poulets  qui  fe 
vendent  toujours  bien  ;  les  petits  de 
l'arrière  -  faifon  réuflîflent  mal ,  & 
palTent  difficilement  l'hiver.  La  proxi- 
mité du  four  répand  une  chaleur 
douce  &  foutenue,  qui  fait  le  plus 
grand  bien  aux  petits  &  aux  poules. 
Si  l'endroit  eft  trop  chaud  pendant 
l'été ,  il  convient  alors  d'ouvrir  une 
fenêrre  au  nord,  &  d'établir  un  cou- 
rant d'air. 

La  perfonne  chargée  du  foin  des 
poules  doit  de  temps  en  temps ,  Sz 
pendant  la  nuit ,  entrer  dans  le  ju- 


104  J  U  G 

choir,  faire  forcir  celles  qui  fe  cou- 
chent dans  les  paniiiers  ,  &  les  for- 
cer à  rerourner  fur  le  juchoir  :.  elles 
les  remplillent  d'ordures,  &  les  pou- 
les abandonnent  &:  vont  pondre  leurs 
œufs  fouvent  dans  des  lieux  écar- 
tés; alors  ils  font  prefque  toujours 
perdus  pour  le   maître. 

Le  juchoir  pour  les  dindes  pendant 
l'été  ,  eu  ordinairement  une  vieille 
roue  de  chatrette,  implantée  fur  un 
pied  droit  au  milieu  de  la  baiTe- 
cour. 

JUGEREE.  Mefure  de  terre  en 
ufage  chez  les  Romains  ;  elle  dcfi- 
gnoit,  comme  le  mot  journal ,  l'é- 
tendue de  terrein  labourable  dans  un 
jour  par  une  charrue. 

JUJUBE.  JUJUBIER.  (  F"c.j^j 
pi.  Illjpûge  loz).  Tournefortclafle 
cet  aibre  dans  la  feptième  feétion 
de  la  vingt-unième  clalfe  des  arbres 
à  fleur  en  rofe,  dont  le  piftil  de- 
vient un  fruit  à  noyau,  Se  il  l'appelle 
^l:iiphus.  Von  Linné  le  nomme  rhii- 
mus  ^ii^iphus  ,  Se  le  claiïe  dans  la 
Pentandrie  Alonoçynie. 

Fleur  ;  en  rofe  ,  compofée  de  cinq 
pétales  très-petits,  attachés  par  leur 
bafe  fur  le  bord  du  tube  du  calice, 
de  manière  qu'ils  font  fort  éloignés 
de  l'ovaire  ,  comme  on  le  voit  en 
A  ,  où  la  fleur  efl:  repréfentce  de 
face.  Les  étamines  au  nombre  de 
cinq;  le  piftil  au  centre  de  la  fleur; 
B  repréfente  le  calice  vu  en-delîous. 


f^r-r/r 


uic  C;  baie  ovale,  verte  avant 
fa  matuiicé  ,  d'un  rouî^e  orangé 
lorfqu'elle  eft  mure.  D  la  repréfente 
coupée  tranfverf.ilement  ,  pour  laif- 
fcj:  voir  l'efpace  qu'occupe  le  noyeau 
E  ,  lequel  eft  coupé  en  F  ,  &:  ren- 
ferme l'amende  G. 


J  U  J 

Feuilles  j  allées  ,  à  queues  cour- 
tes ,  portées  fur  une  queue  longue 
ou  pétiole  commun  ;  elles  font  ova- 
les, oblongues ,  limples ,  à  trois  ner- 
vures principales  ,  dentées  en  ma- 
nières de  fcie  ,  luifautes  ,  unies  , 
d'un  verd  clair. 

Port\  je  ne  fais  pourquoi  tous  les 
écrivains  le  placent  parmi  les  grands 
arbriffeaux  ;  fans  doute  que  dans 
nos  provinces  du  nord  il  n'y  excède 
pas  la  grandeur  ordinaire.  11  n'en 
eft  pas  amfi  dans  celles  du  midi ,  où 
l'on  voit  des  troncs  de  douze  à  quinze 
pouces  de  diamètre  ,  s'élevér  auflî 
haut  que  les  plus  grands  poiriers , 
«Se  fe  charger  de  branches  aufl^  for- 
tes. L'écorce  de  cet  arbre  eft  rude  , 
gercée;  les  jeunes  branches  pliantes, 
"amies  à  leur  infertion  de  deux  ai- 
guillons  durs  ,  piquans  j  prefque 
égaux.  Les  fleurs  très-petites ,  pref- 
que blanches  ,  nailfent  des  aifelles 
des  feuilles,  foutenues  par  de  courts 
pédicules  ;  les  feuilles  font  alterna- 
tivement placées  fur  leur  pétiole  com- 
mun. 

Lieu  ;  nos  provinces  méridionales, 
où  il  fleurit  en  mai  &  en  juin.    . 

Propriétés  ;  le  fruit  eft  nourrif- 
fant  ,  doux ,  agréable  ,  quoiqu'un 
peu  fade.  Il  eft  expeéloranr ,  adou- 
ci ifant  ,  légèrement  diurétique.  U  eft 
indiqué  dans  la  toux  eiïentielle,  la 
toux  catharale  ,  l'afthme  convullîf, 
dans  les  efpèces  de  maladies  où  il 
faut  aider  &  foutenir  l'expectora- 
tion, Se  dans  la  colique  néphréti- 
que  par  des  graviers. 

Ufages  ;  le  fruit  defleché  dans  les 
tifanes  &  apozèmes  peéloraux. 

Culture  ;  on  le  plante,  dans  les 
provinces  du  midi ,  avec  les  arbres 
fruitiers  ordinaires.  Il  n'exige  au- 
cune  culture  patticulièiç.  Sa  végera- 

tioii 


J  U  L  J  U  L             105 

tion  eft  lente;  mais  comme  fes  ra-  ingrcdiens,  unis  à  une  certaine  quan- 

meaux  fegamillent  d'un  grand  nom-  tiré  de  firop  quelconque;  par  exem- 

bre   de  feuilles,  on  peut  en  couvrir  pie  d'une  once  fur  fix  onces  d'eau, 

des    tonnelles  ,   en   s'y    prenant  de  Je  crois  les  juleps  plus  avantageux 

bonne  heure  :  ils  n'auront  pas  dans  la  aux  apothicaires  qu'aux  malades.  Les 

fuite  befoin  de  foutien.  juleps   fe  confervent  peu;  on    doit 

On  ne  s'amufe  pas   à  le   multi-  les   faire  au  moment  de  les  donner, 
plier  par  les  noyaux;  cette  voie  eft 

trop  lente  :  il  vaut  mieux  déraciner  Julep  cordial.  Mêlez  une  once 

les  jeunes  pieds  qui  fortent  de  terre  de  firop  d'écorce  de  citron  avec  les 

au-tour  du  tronc.  eaux  diftillées  de  fcorfonère  ,  de  chi- 

Si  on   eft  curieux  de  fe  procurer  corée  fauvage  ^  de   chardon  béni  & 

cet  arbre  dans  le  nord  ,  où  le  fruit  de  méliire  ,  de    chacun    une   once. 

ne  mûrira  jamais  bien,  quelle  que  Ajoutez -y  deux   de  canelle   orgée. 

foit    la  chaleur    de   l'année ,   il    eft  Les    trois  premières  eaux  n'ont  pas 

plus  expéditif  de  tirer   du  midi  de  plus  d'efficacité  que  l'eau  de  rivière. 

jeunes  pieds  bien  enracinés ,   &   de  Une  infufion  de  canelle  dans  l'eau 

les  planter  dans  des  vafes  de  gran-  commune  avec    le  firop  ,  produiroit 

deur  convenable,  qu'on  renfermera  le  même  effet,  ainfi  que  de  fimples 

dans  l'orangerie  pendant   l'hiver.  Si  infufions  de  plantes  aromatiques, 
on  veut  le  multiplier  par  femenccs, 

on  prend  des  noyaux  qu'on  met  dans  Julep  rafraîchissant.  Sans  ra- 
des vafes  remplis  de  terre  douce,  courir  aux  mélanges,  un  peu  de  vi- 
&  qu'on  enfonce  dans  une  couche,  naigre  étendu  dans  l'eau  commune. 
Si  le  noyeau  a  trempé  dans  l'eau  pen-  jufqu'à  agréable  acidité;  la  limo- 
dant  douze  à  vingt  -  quatre  heures  nade ,  le  fuc  de  grofeilles ,  d'épine 
avant  de  le  femer  ,  il  germera  plus  vinette,  avec  un  peu  de  firop  ou  du 
facilement.  Chaque  année  on  acli-  fucre. 
mate   peu-à-peu   l'arbre  ;    enfin    on 

le  plante  en  pleine  rerre  derrière  un  JULIENE  ou  Juliane  des  jar- 

bon  abri.  Pendant  les  premières  an-  bins.   Tournefort   la  place    dans  la 

nées ,  on  aura  foin  de  garnir  tout  le  quatrième  feûion    de  la  cinquième 

tour    du  tronc   avec    du    fumier  de  clafte  des  herbes  à  fleur  en  croix,  dont 

litière,  &   d'envelopper  le   tronc  &  le  piftil  devient  une  filique  à  deux 

les  branches  avec  de  la  paille,  feu-  loges  féparées ,  &  il  l'appelle   hef- 

lement  pendant  les  fortes  gelées.  péris  hortcnjis.  Von  Linné  la  nomme 

En  plantant  près  &  en  inclinant  hefperis  matronalis ,  &  la  claiïe  dans 

les  jeunes  branches ,    on  feroit    des  la  Tétradynamie  filiqueufe. 

haies  impénétrables  avec  cet  arbre.  F/car  ;  en  croix,  les  pétales  oblongs, 

{yoye-^  le  mot  Haie).  terminés  par  des  onglets  de  la  lon- 
gueur du   calice ,  dont  les  folioles 

JULEP.  Potion  médicinale  ,  faite  font  linéaires,  excepte  deux  qui  font 

avec  une  eau  diftillée,  ou  avec   de  renflés;  les  étamines  au  nombre  de 

l'eau  commune  ,  ou   avec   une  dé-  fix ,  dont  quatre  plus   longues  ,    & 

codion  légère  de  plantes  &  d'autres  deux  plus  courtes. 

Tome  FI.  O 


loC.  J  U  M 

Fruit  ;  filique  longue  ,  canelée  , 
fcparée.par  une  cloifon  membraneiife 
de  la  lengLieur  des  battans  \  les  fe- 
mences   ovales  ,    aplaties  ,    rouffes. 

Feuilles  ;  ovales,  en  forme  de 
lance,  à  légères  dentelures,  avec  de 
courts  pétioles. 

Racine  ^  petite,  en  forme  de  na- 
vet ,   blanche. 

Port;  tiges  de  deux  pieds  de  hau- 
teur environ,  rondes ,  velues j  rem- 
plies de  moëles ,  droites,  funples, 
ou  ramenfes.  Les  rameaux  nailfent 
des  aifelles  des  feuilles.  Les  fleurs 
naiiTenr  au  fommec  des  tiges  ,  & 
les  feuilles  font  alternativement  pla- 
cées fur  les  tiges. 

Lieu  ;  originaire  d'Italie  ;  cultivé 
dans  nos  jardins.  La  plante  dure  deux 
ans. 

Cette  plante  varie  dans  nos  jar- 
dins pour  la  couleur  de  fa  fleur;  fur 
des  pieds  elle  eft  blanche,  &  vio- 
lette fur  d'autres.  A  force  de  foins , 
on  eft  parvenu  .à  la  rendre  double 
&  très-double.  Elle  produit  alors  un 
très -bel  effet  dans  les  platte-bandes 
d'un  jardin  d'  dans  des  vafes.  Ces 
plantes  n'exigent  aucune  culture  par- 
ticulière ;  elles  aiment  la  terre-meu- 
ble &  très-fabftancielle  :  on  en  fème 
la  graine  après  l'hiver. 

JUMART.  On  trouve  dans  Car- 
dan pluheurs  particularités  fur  cet 
animal  ,  qui  tiennent  prefque  toutes 
de  la  fable.  Nous  nous  bornerons 
feiilement  à  dire  que  le  jumart  naît 
toujours  d'un  accouplement  entre  les 
races  du  bœuf  &  du  cheval ,  c'efl- 
à-dire  ,  du  taureau  &  de  l'ânelfe, 
ou  bien  de  lâne  &  de  la  vache  ; 
qu'A  n'a  ni  corne  j  ni  on^le  fendu  , 
ni  quatre  efl:omacs  ;  que  fa  queue 
eft  plus  grofle  que  celle  de  l'âne  j 


J  U  M 

Se  qu'on  en  exige  le  même  travail. 
Cet  animal  devant  donc  être  re- 
gardé comme  un  véritable  âne,  con- 
fultez  cet  article  J  relativement  aux 
ufages  auxquels  il  eft  deftiné  ,  à  la 
manière  de  le  nourrir,  &;  à  fes  ma- 
ladies. Il  eft  extrêmement  fort.  (  l^oy. 

ANE  ).    M.    T. 

M.  de  Buffon  nie  la  po/fibilitc 
de  l'exiftence  de  cet  animal  ,  à 
caufe  de  la  trop  grande  ligne  de 
démarcation  qui  fépare  fes  généra- 
teurs ,  &  il  regarde  le  jumart  comme 
un  être  chimérique.  On  convient  qu'il 
n'eft  pas  comsnun ,  parce  qu'on  ne 
s'occupe  point  aflez  du  foin  de  croifer 
les  efpèces.  Cependant ,  malgré  la  dé- 
cifion  du  Pline  françois ,  on  peut  & 
on  doit  erre  très-perfuadé  de  l'exif- 
tence des  jumarts.  Pendant  très-long- 
temps il  en  a  exiftc  un  à  Lyon,  qui 
trainoit  la  charrette  dans  toute  la 
ville,  &  ,  fi  je  ne  me  trompe, on  en 
voit  encore  un  à  l'école  vétérinaire 
d'Alforr. 

Je  fais  &  je  conviens  que  l'autcr- 
rite  de  M.  de  BufFon  doit  être  d'un 
grand  poids  5  mais  ce  célèbre  nam- 
ralifte  n'a  pas  été  dans  le  cas  de 
tout  voir  J  de  tout  examiner  par  lui- 
même.  Cependant,  fi  on  doute  en- 
core de  l'exiftence  des  jumarts ,  on 
peutconfulter  les  lettres  de  M.  Bour- 
gelat  ,  inférées  page  54(î  du  tome 
troifième  des  Conjidérations  fur  les 
corps  organifes ,  par  le  célèbre  & 
exa6t  obfervateur  M.  Charles  Bon- 
net, de  Genève.  Dans  la  vallée  de 
Barcelonnette  ,  les  jumarts  ne  font 
pas  rares  ,  &  on  les  y  appelle  ju- 
merre.  Tous  ces  animaux  ne  font 
pas  égaux  ;  ils  tiennent  quelquefois 
plus  du  bœuf  que  de  l'âne,  &ainfi 
tour-à-tour.  Cette  diverfité  dans  la 
conformation ,  a  été  l'origine  de  l'ef- 


J  U  M 

pèce  de  contradidtion  qu'on  rencon- 
tre dans  les  defcripcions  de  cet  ani- 
ma!. 

JUMENT.  (  Voyci  Chhval. 

JUSQUIAME  ou  Haneb.ane  po- 
telée. (  Voyc\pl.  lit  j  pas,c  loi  ). 
Tourneforc  la  range  dans  la  première 
feâion  de  la  première  clafTe  des  her- 
bes à  fleur  en  entonnoir,  donc  le 
piftil  devient  le  fruir,  &  il  l'appelle 
hyofcïamus  vulgarls  vel  nigcr.  Von 
Linné  la  nomme  hyofciamus  niger , 
&  la  clalfe  dans  la  Pencendrie  Mo- 
no^ynie. 

Fleur  ;  d'une  feule  pièce  en  forme 
de  tube  B  ,  évafc  8c  divifé  en  cinq 
fegmens  obtus.  Dans  la  figure  C  elle 
eft  reprcfentée  ouverte  ,  &  laifTe  voir 
les  cinq  ctamines  donc  elle  elt  pour- 
vue. Le  piftil  eft  placé  au  fond  du 
calice  D  à  cinq  fegmens  ovales  & 
pointus. 

Fruit  E  ;  il  refte  caché  au  fond  du 
calice  :  c'eft  une  capfule  de  la  forme 
d'un  petit  vafe  couvert  :  elle  eft  par- 
tagée en  deux  loges  par  une  cloilon  , 
comme  on  le  voit  dans  la  ht^ure  F  , 
où  le  couvercle  eft  repréfenté  ren- 
verfé.  Cette  capfule  renferme  des 
femences  G  inégales ,  aplaties ,  ridées. 

Feuilles  ;  amples ,  molles  ,  coto- 
neufes  ,  découpées  profondément  fur 
leurs  bords,  &  elles  embralfent  la 
tige  par  leur  bafe. 

Racine  A;  épailfe,  ridée,  en  forme 
de  navet ,  brune  en  dehors,  blanche 
en  dedans. 

Port;  tiges  hautes  d'une  coudée, 
branchues ,  épaiftes ,  cylindriques , 
couvertes  d'un  duvet  épais  :  les  fleurs 


JUS  107 

font  entourées  de  feuilles  j  les  feuil- 
les placées  alternativement  fur  les 
tiges,   &   quelquefois   fans    ordre. 

Lieu  ;  les  endroits  pierreux  ,  le 
long  des  chemins  :  la  plante  eft  an- 
nuelle, (Se  fleurit  en  mai  &  en  juin. 

Propriétés  ;  toute  la  plante  a  une 
odeur  forte,  défagréable  ,  puante^ 
fa  faveur  eft  naufcabonde  &  acre. 
L'odeur  des  femences  récentes  eft 
virulente  ,  d'une  faveur  fade  &  nau- 
féabonde.  Toute  la  plante  eft  alTou- 
pilfante,  vénéneufe  ,  anodine,  réfo- 
lutive. 

L'extrait  des  feuilles  pris  à  haute 
dofe  ,  caufe  des  anxiétés  ,  des  maux 
de  cœur ,  une  efpèce  d'ivrelTe ,  un 
fommeil  inquiet  ,  le  vomillement  , 
&  quelquefois  des  convulfions.  .  .  . 
A  dofe  médiocre  ,  il  rend  la  tète 
lourde  ,  le  ventre  libre,  «.^  fouvenc 
excire  l'appétit  ,  fans  faire  éprouver 
de  vives  douleurs  dans  la  région  épi- 
gaftrique.  Il  a  réufli  plufieurs  fois  dans 
la  folie  (?c  dans  les  maladies  con- 
vulfives.  Les  autres  qualités  qu'on 
lui  fuppofe ,  ne  font  pas  bien  conf- 
tatées.  Il  faut  beaucoup  de  prudence 
pour  prefcrire  un  tel  remède  \  on 
donne  l'extrait  depuis  un  grain  juf- 
qu'à  vingt ,  exaétement  mêlé  avec 
trois  parties  de  fucre.  On  regarde 
fon  fuc  mêlé  avec  du  lait  comme 
nn   bon  gargarifme   contre   les    au- 


gmes. 


La  feule  infpeiftion  d'une  plante 
en  fleur  ,  annonce  en  général  fes 
propriétés  :  on  doit  fe  méfier  de 
toutes  celles  dont  l'odeur  eft  naufca- 
bonde,  de  celles  donc  la  fleur  a  une 
couleur  mal  prononcée  ,  trifte  5c 
brune. 


O2; 


IC^ 


K  A  L 

KaLI.  (  Foyei  Soude.  ) 

KERMES  oa  Graine  d'écarlate. 
Jiijl.  Nût,  Il  ne  faut  pas  confondre 
le  kermès  de  Provence  &  de  Lan- 
guedoc ,  avec  la  cochenille  que  l'on 
ramalTe  dans  l'Amérique  efpagnole 
fur  une  efpèce  de  carcus  ou  figuier 
d'Inde  ,  qui  s'élève  en  arbre.  L'in- 
fede  dont  il  s'agit  vit ,  s'accouple , 
pond  &  meurt  fur  le  petit  chêne- 
vert.  {Voyeicemoi).  Le  kermès  eft 
un  gaile  -  injecie.  {  F'oyei  ^^  rnot). 
Je  vais  tirer  ce  qui  fuit  du  Diclion- 
«aire  d'Hiftoire  Naturelle  de  M.  Val- 
mont  de  Bomarre. 

KeRM-ES  aut  ChERMES  ,au[COC- 
eus    TIKCTORIUS    ILICIS  J    eft    la 

plus  renommée  des  galle  -  infectes 
(d'Europe)  5  fa  figure  approche  de 
celle  d'une  boule  dont  on  auroit 
retranché  un  affez  petit  fegment.  Cet 
infecte  vit  fur  les  feuilles  du  périt 
chêne  vert ,  &  fur  fes  bourgeons  en- 
core tendres.  Les  femelles  font  plus 
aifées  à  trouver  que  les  mâles  :  elles 
reflemblent  dans  leur  jeunefle  à  de 
petits  cloportes  ;  elles  pompent  leur 
nourriture  en  enfonçant  profondé- 
ment leur  trompe  dans  l'écorce  des 
bourgeons  i  alors  elles  courent  avec 
agilité.  Lorfque  l'infedre  a  acquis 
toute  fa  croiflance,  il  paroît  comme 
une  petite  coque  fphérique  membra- 
neufe,  attachée  contre  le  bourgeon  j 
c'eft-là  qu'il  doit  fe  nourrir  ,  muer , 
pondre,  &  terminer  enfuite  fa  vie. 
Les  habitans  de  Provence  &  de  Lan- 
guedoc ne  font  la  récolte  du  kermès 
que  dans  la    fiifon  convenable ,  Sc 


K  E  R 

ils  confidèrent  cet  animal  en  trois 
états  difFérens  d'accroilfement.  Vers 
le  commencement  du  mois  de  mars, 
ils  difent  que  le  ver  couve  ,  alors  il 
eft  moins  gros  qu'un  grain  de  mil- 
1er....  Au  mois  d'avril ,  ils  difent  qu'il 
commence  à  éclore  ,  c'eft-à-dire  que 
lever  a  pris  tout  fon  accroilTement... 
Enfin ,  vers  la  fin  de  mai  on  trouve 
fous  le  ventre  de  l'infeéte  1800  ou 
2C00  petits  grains  ronds.  Ce  font 
des  oeufs  qui  ,  venant  enfuite  à 
éclore ,  donnent  autant  d'animaux 
femblables  à  celui  dont  ils  font  for- 
tis.  Ces  Œufs  font  plus  petits  que  la 
graine  de  pavot  ;  ils  font  remplis  d'une 
liqueur  d'un  rouge  pâle  j  vus  au  mi- 
crofcope,  ils  femblent  parfemés  de 
points  brillans  couleur  d'or  :  il  y  en 
a  de  blanchâtres  &  de  rouges.  Les 
petits  qui  fortent  des  œufs  blancs 
font  d'un  blanc  fale  ;  leur  dos  eft 
plus  écrafé  que  celui  des  autres  :  les 
points  qui  brillent  iur  leur  corps , 
font  de  couleur  d'argent;  les  gens  du 
pays  les  appellent  /a  n:ère  du  kermès. 
Les  petits  œufs  étant  fecoucs,  il 
en  fort  autant  de  petits  animaux  en- 
tièrement femblables  à  l'infeifte  qui 
les  produit.  Ils  fe  difperfent  fur  le 
chêne  jufqu'au  printemps  fuivant;  ils 
fe  fixent  dans  la  divifion  du  tronc  & 
des  rameaux  pour  faire  leurs  petits. 
On  doit  obferver  que  lorfque  le  ker- 
mès acquiert  une  grolfeur  convena- 
ble ,  alors  la  partie  inférieure  du 
ventre  s'élève  &  fe  retire  vers  le  dos, 
en  formant  une  cavité ,  &  de  cette 
manière  ,  il  devient  femblable  à  un 
cloporte  roulé.  C'eft  dans  cet  efpace 
vuide  qu'il  dépofe   fes    œufs  ;  aprt^s 


K  E  R 

quoi  il  meurt  &  fe  delTcche.  Ce 
cadavre  informe  ne  conferve  poinc, 
comme  la  cochenille  ,  l'extérieur  ani- 
mal :  fes  traits  s'etiacent  ^  difparoif- 
fenr.  On  ne  voit  plus  qu'une  efpèce 
de  galle ,  trille  berceau  des  petits  œufs 
qui  doivent  cclorre.  A  peine  les  œufs 
font  ils  éclos,  que  les  petits  animaux 
veulent  fortir  de  delfous  le  cadavre  de 
leur  mère,  pour  chercher  leur  nourri- 
ture fur  les  feuilles  du  petit  ciiêne ,  non 
en  les  rongeant  comme  les  chenilles, 
mais  en  les  fuçant  avec  leur  trompe. 

Le  mâle  du  kermès  reffemble  dans 
le  commencement  à  la  femelle  ;  mais 
bientôt  après  s'êcre  fixé  comme  elle, 
il  fe  transforme  delfous  fa  coque  en 
une  nymphe  qui  ,  devenue  infeéte 
parfait,  foulève  la  coque.  i?c  en  fort 
Je  derrière  le  premier  :  alors  c'eft  une 
petite  mouche  qui  relîcmble  en 
quelque  manière  au  couini  j  fon  corps 
eft  couvert  de  deux  grandes  ailes 
tranfparentes  ;  il  faute  brulquement 
comme  les  puces ,  &  cherche  en 
volant  fes  femelles  immobiles,  qui 
l'attendent  patiemment  pour  être 
fécondées.  Les  a-t-il  trouvées  ,  il  fe 
promène  plufieurs  fois  fur  quelqu'une 
d'elles ,  va  de  fa  tète  à  fa  queue  , 
pour  l'exciter;  alors  la  femelle,  hdelle 
Se  foumife  au  vœu  de  la  nature  , 
répond  aux  carelFes  de  fon  mâle  ,  (Se 
l'aéle  de  fécondation  a  lieu. 

La  récolte  du  kermès  eft  plus  ou 
moins  abondante  félon  que  l'hiver  a 
été  plus  ou  moms  doux.  On  a  re- 
marqué que  la  n.-^.ture  du  fol  con- 
tribue beaucoup  à  la  grofleur  &  à 
la  vivacité  du  kermès;  celui  qui  vienr 
fur  des  arbrideaux  le  long  de  la  mer, 
eft  plus  gros  &  d'une  couleur  plus 
vive  que  les  autres.  Des  femmes  ar- 
r.achent  avec  leurs  ongles  le  kermès 
avant  le  lever  du  foleil.Il  faut  veiller. 


K  £  R 


109 


dans  ce  temps  de  récolte,  à  deux 
chofes;  1°.  aux  pigeons,  parce  qu'ils 
aiment  beaucoup  le  kermès,  quoique 
ce  loir  pour  eux  une  alTez  mauvaife 
nourriture  ;  1°.  on  doit  arrofer  de 
vinaigre  le  kermès  que  l'on  deftine 
pour  la  teinture,  &:  le  faire  fécher  ; 
cette  opération  lui  donne  une  couleur 
rougeâtre  ;  fans  cette  précaution , 
l'inleéte,  une  fois  métamorphofé  en 
mouche,  s'envole  &  emporte  la  tein- 
ture. Lorfqu'on  a  ôté  la  pulpe,  ou 
poudte  rouge  ,  on  lave  ces  grains 
dans  du  vin ,  on  les  fait  fécher  au 
foleil,  on  les  frotte  dans  un  fac  pour 
les  rendre  luftrés,  enfuite  on  les  en- 
terme  dans  des  fachets  011  l'on  a  mis, 
fuivant  la  quantité  qu'en  a  produit 
le  grain,  dix  à  douze  livres  de  cette 
poudre  rouge  par  quintal.  Les  tein- 
turiers acliettent  plus  ou  moins  le 
kermès ,  félon  que  le  grain  produit 
plus  ou  moins  de  cette  poudre.  La 
première  poudre  qui  paroît  fort  d'un 
trou  qui  fe  trouve  du  côré  par  oii  le 
grain  renoir  à  l'arbre  :  ce  qui  paroît 
s'attacher  au  grain  vient  d'un  ani- 
malcule qui  vit  fous  cette  enveloppe, 
(Se  qui  l'a  percée  ,  quoique  le  trou 
ne  foit  pas  vifible.  Les  coques  de 
kermès  font  la  matrice  de  cet  infeéèe  j 
c'eft  ce  qu'on  appelle  graine  d'écar- 
latte ,  dont  on  tire  une  belle  couleur 
rouge,  la  plus  eftimée  autrefois,  avant 
qu'on  fe  fervît  de  la  cochenille. 

On  connoît  encore  un  kermès  ap- 
pelle de  Pologne  j  &  qui  donne  une 
très-belle  reinture  rouge  avec  les  pré- 
parations précédentes.  L'infeéte  vit 
fur  les  racines  de  la  renouée  ou  irai- 
iJûJJej  poUgonum  aviculure.  Lin.  Les 
perfonnes  propofées  à  cette  récolte 
font  forr  foigneufes  d'examiner,  veis 
le  folftice  d'été  ,  fi  ces  grains  font 
parvenus  .à  leur  m.-ituritc,  &:  s'ils  font 


no  K  E  R 

pleins  d'un  fuc  rouge  5  alors  ,  avec 
une  efpèce  de  truelle ,  ils  foulèvenc 
la  racine  de  la  plante,  cueillent  les 
grains ,  &  mettent  la  planté  dans  le 
même  trou  dont  elles  l'ont  tirée.  On 
fépare  enfuite  toutes  les  impuretés 
mêlées  avec  ces  grains,  pat  le  moyen 
d'un  crible  dcftiné  à  cet  ufage.  Lorf- 
qu'on  voit  que  les  vetmilFeaux  font 
piêts  à  fortir  de  ces  grains,  on  arrofe 
avec  du  vinaigre  ou  avec  de  Teau 
très-froide  jufqu'à  ce  qu'ils  foient 
morts;  après  cela  on  les  fait  fécher 
dans  une  étuve  ou  au  foleil  ,  mais 
lentement  ;  car  i'i  on  les  deflechoit 
trop  Se  tfop  Vite  ,  ils  psrdroient  ce 
beau  pourpre  qui  fait  tout  leur  prix. 
Quelquefois  les  ouvriers  tirent  les 
vermiiTeaux  de  la  coque,  ils  les  en- 
talfent  &  en  font  une  matfe.  Cette 
préparation  exige  encore  beaucoup 
de  précaution  ,  cnt  (i  on  prelToit  trop 
ces  vers ,  on  en  exprimeroit  le  fuc , 
qui  en  eft  la  partie  la  plus  précieufe. 
Les  teinturiers  font  plus  de  cas  de 
cette  malTe  de  vers  entaffes  ,  que  des 
coques  en  entier,  auflî  fe  vend-t-elle 
beaucoup  plus  cher. 

Je  fuis  très  -  perfuadé  que  fi  on 
vouloir,  en  France,  prendre  la  peine 
de  vifiter  les  racines  des  renouées  , 
plantes  fi  communes  fur  nos  grands 
chemins  &c  fur  le  bord  des  champs , 
on  y  récolteroit  tout  autant  de  ker- 
mès qu'en  Pologne  ....  Celui  qui  vit 
fut  la  vigne,  ne  donnetoit-il  pas  une 
femblable  couleur  ?  Ce  fait  mérite 
d'être  vérifié. 

Kermès  animal.  Préparation 
pharmaceutique  j  avec  la  fubftance  ap- 
pellée  graine  de  kermès  _,  n'efl:  autre 
chofe  que  l'animal  dont  nous  venons 
de  parle/...  ces  graines  s'oppofent 
quelquefois  au  vomillement  par  foi- 


K  E  R 

blefie...  à  la  diarrhée  par  foibleiïe 
d'eftomac  &  des  inteftins,  &  à  la 
diarrhée  féreufe  ...  à  la  dilfenterie  , 
quand  les  forces  vitales  font  abbatues, 
lorfque  l'inflammation  &  la  douleur 
font  diminuées...  à  la  difpofition 
pouf  l'avortement  par  foiblelfe  des 
parties  contenantes...  aux  hémor- 
rhagies  internes  qu'il  eft  efientiel  de 
fufpendre  par  degrés  infenfibles.  Le 
firop  de  kermès  eft  indiqué  dans  les 
mêmes  maladies  \  la  dofe  des  graines 
eft  depuis  qumze  grains  jufqu'à  deux 
drachmes,  incorporées  avec  un  firop, 
ou  délayées  dans  quatre  onces  d'eau. . . 
lagraine  concaiïee  depuis  une  drachme 
jufqu'à  une  once,  en  macération  au 
bain- marie  dans  cinq  onces  d'eau. 
Le  firop  fe  prefcrit  depuis  une  once 
jufqu'à  trois ,  feul  ou  étendu  dans 
cinq  onces  d'eau. 

On  a. dit  dans  l'article  précédent, 
que  les  pigeons  fe  jetoient  fur  le 
kermès  j  cette  nourriture,  très- mal 
faine  pour  eux  ,  communique  une 
teinte  rouge  à  leurs  excrémens;  lorf- 
qu'on  s'en  apperçoit,  il  faut  mettre 
dans  le  pigeonnier  plufieurs  pains 
d'argille  ,  imbibés  d'eau  nitrée ,  & 
enfuite  bien  paîtrie. 

Kermès  minéral.  Préparation 
pharmaceutique.  A  petite  dofe  j  il 
excite  desnaufées,  purge  légèrement 
fins  colique  ni  foibleffe  confidérablej 
il  f-avorife  l'expeéloration  &  la  ré- 
folution  des  maladies  inflammatoires 
de  la  poitrine,  &  il  y  eft  employé 
avec  fuccès.  On  a  fouvent  obfeivé 
qu'il  aidoit  à  la  détorfion  &  à  la  ci- 
cattice  de  plufieurs  efpèces  d'ulcères 
internes  &  externes ,  exempts  de  vices 
fcrophuleux  ,  fcotbatiques  &  véné- 
riens. A  dofe  médiocre ,  il  procure  un 
vomifiement  très- rarement  accom- 


K  I  L 

pagne  de  mauvais  ertccs,  excepté  chez 
les  malades  dont  la  poitrine  eft  dé- 
licate ou  difpofce  à  cracher  du  fang. 
Après  avoir  fait  vomir,  il  lailFe  pour 
l'ordinaire  un  mal-aife  univerfel,  une 
anxiété  qui  ne  tarde  pas  à  fe  difliper 
il  le  fujet  eft  robufi:e....A  haute 
dofe  ,  il  produit  de  violens  efforts 
pour  vomir  ,  il  purge  confidérable- 
ment,  caufe  un  vomiirementexcelîit, 
des  maux  de  cœur,  des  coliques, 
des  convulfions  ,  un  froid  prefque 
général ,  6z  quelquefois  la  mort. 

On  le  prefcrit  comme  altérant  de- 
puis un  quart  de  grain  jufqu'à  un 
grain ,  délayé  dans  un  véhicule  aqueux, 
ou  incorporé  avec  un  firop  j  comme 
vomitif,  depuis  deux  grains  jufqu 'à  (îx. 

KILOOGG  ou  KLIYOOGG.  J'ai 
fait  coimoître  la  fociété  utile  des 
Bousbots  j  &  la  juridiélion  qu'ils 
exercent  en  Franche- Comté;  il  eft 
jufte  que  je  paie  ici  le  tribut  de 
louange  dû  au  mérite  de  Jacques 
GouYER,  natif  de  Wermetfchv/el  , 
dans  la  patoiffe  d'Ufter  en  Suilfe  , 
plus  connu  f-ous  le  nom  de  Kliyoogg  , 
qui  veut  dire  Petit-Jacques  ^  que  fous 
fon  nom  propre.  Pour  le  peindre  en 
deux  mots ,  fa  morale  &  fa  conduite 
lui  ont  mérité  le  nom  de  Socrate 
RUSTIQUE.  Je  dois  au  zèle  empreiïe 
de  M.  le  chevalier  de  Bourg, le  précis 
fuivant  de  fa  vie  Se  de  fes  maximes, 
&  je  ne  crains  pas  de  propofer  ce 
Socrate  moderne  pour  modèle  à  tous 
les  cultivateurs  :  heureux  fi  je  pcuvois 
lui  reffembler  en  tous  les  points. 

Vie  du  Socrati. 

Pour  l'avantage  de  l'agriculture  , 
l'on  fe  jette  avec  trop  d'ardeur  dans 
les  nouveautés ,  &  avant  d'avoir  ap- 
pris à  bien  connoîcre  les  méthodes 


K  I  L  m 

anciennes  \  les  uns  croient  avoir  at- 
teint au  but,  lorfqu'ils  ont  fait  cou- 
noître  aux  cultivateurs  ,  des  plantes 
&  des  graines  d'une  efpèce  nou- 
velle y  d'autres  ,  lorfqu'ils  ont  pro- 
pofé  des  inftrumens  de  labourage 
d'une  invention  récente,  ou  une  autre 
manière  de  labourer  ,  îs;c.  Je  penfe 
au  contraire  qu'il  faudroit  ,  avant 
tout  ,  commencer  à  connoître  par- 
faitement la  nature  du  fonds  j  les 
moyens  mis  en  ufage  pp.r  les  plus  la- 
borieux &:  les  plus  induftrieux  éco- 
nomes du  pays  ,  &  alors  fans  pré- 
jugés lîv"  fans  entêtement  pour  la  nou- 
veauté, fe  décider  en  faveur  du  pins 
utile  ,  &c.  Enfin  ,  il  fcroit  à  délirer 
de  trouver  un  moyen  d'exciter  une 
noble  émulation  parmi  les  habitans 
de  la  campagne. 

Ce  feroit ,  félon  moi  ,  la  voie  la 
plus  facile  pour  ramener  les  beaux 
jours  de  l'agricuitute  :  le  génie  le  plus 
borné  peut  fuivre  l'exemple  ,  fans 
qu'aucun  obftacle  l'atrcte  j  tandis  que 
les  difficultés  fe  préfentent  en  foule 
lorfqu'il  s'agit  d'inventions  nouvelles. 
Les-  uns  croiroient  en  les  adoptant  , 
infulter  à  la  mémoire  de  leurs  an- 
cêtres ,  en  ne  fuivant  pas  en  tous 
points  leur  exemple  j  d'autres  con- 
viendront que  ces  inventions  peuvent 
être  bonnes  pour  certains  pays ,  mais 
ne  conviennent  pas  du  tout  à  la  na- 
ture du  notre;  d'autres  enfin,  objec- 
teront que  toutes  ces  méthodes  ont 
des  avançâmes  à  certains  égards  ;  mais 
que  leur  fupérioriré  ,  fur  la  méthode 
ordinaire  ,  tfl:  fi  équivoque  ,  qu'on 
peut  les  regarder  au  moins  comme 
inutiles. 

Au  lieu  qu'en  propofant  la  ma- 
nière dont  ces  économes  laborieux 
cultivent  leurs  champs,  chacun  pourra 
fe, convaincre  de  fon  utilité  par  le 


112  K  I  L 

témoignage  de  fes  propres  fens.  Au 
refte ,  les  inventions  nouvelles ,  quel- 
ques bonnes  qu'elles  foient ,  font  tou- 
jours lentes  à  produire  de  grands 
effets  ,  &  pour  y  parvenir  ,  il  faut 
de  toute  néceflité  qu'elles  aient  tourné 
en  coutume. 

Maximes. 

Pour  convaincre  le  payfan  des  avan- 
tages qu'on  lui  propofe  ,  pour  le 
faire  renoncer  à  fes  anciens  préjugés , 
&  changer  la  routine  dont  il  a  hérité 
de  fes  pères ,  c'eft  l'affaire  du  temps 
&:  de  la  perfuafion.  Je  ne  puis  m'em- 
pêcher  de  citer  le  confeil  donné  par 
Socrate  dans  Xénophon.  »  J'ai  em- 
»  ployé,  dit -il,  une  attention  toute 
M  particulière,  pour  connoître  à  fond 
M  ceux  qui  palfoient  pout  les  plus 
n  fages  &  les  plus  prudens  dans  chaque 
»  senre  de  profelîîon.  Etonné  de  voir 
»>  parmi  les  gens  qui  s  occupoient  des 
«  mêmes  chofes ,  que  les  uns  reftoient 
jî  dans  la  mifère  ,  tandis  que  les 
«  autres  s'enrichilfoientconfidérable- 
«  ment,  js  trouvai  cette  obfervation 
»  digne  des  recherches  les  plus  exaftes, 
»  &  de  l'examen  le  plus  rigoureux. 
n  Les  foins  que  je  me  donnai  m'éclai- 
3>  rèrent  fur  la  véritable  caufe  de 
n  cette  différence  j  je  vis  que  ceux 
»  qui  travailloient  fans  réflexion  ,  & 
-*  comme  au  jour  la  journée  ,  ne  de- 
»  voient  s'en  prendre  qu'à  eux  de  leur 
»  mifère  ^  ceux  au  contraire  qui ,  ap- 
»  puyés  fut  des  principes  ftables  & 
»  réfléchis ,  &  guidés  par  des  vues 
j>  faines  &  déterminées  ,  joignoient 
j>  dans  leur  travail ,  l'aflîduité  à  l'at- 
»  tention  ,  &  l'ordre  à  l'exa^bitude , 
»  fe  rendoient  ce  même  travail  plus 
»  facile,  plus  prompt,  &  infiniment 
»  plus  profitable.  Quiconque  voudra 
M  aller  .à  l'école  de  ces  derniers ,  aug- 


K  I  L 

»  mentera  fon  bien  ,  fans  que  rien 
»  puiife  jamais  le  rebuter,  &  il  amaf- 
))  fera  des  tréfors ,  quand  même  une 
»  divinité  ennemie  fe  déclareroic 
»  contre  lui.  »  Ce  qui  vient  d'êrre 
dit ,  fert  de  préliminaire  au  précis  de 
la  vie  &  des  maximes  du  Socrate  ruf- 
tique  ,  connu  dans  fa  contrée  fous 
le  nomdeKliyoogg.Cet  homme  rare, 
ce  vrai  philofophe  ,  doit  toutes  fes 
connoiflances  à  fes  réflexions.  Sans 
ambition ,  il  n'a  d'autre  but  que  l'uti- 
lité ,  aufli  il  prêche  avec  force  de  pa- 
role &  d'adion  ,  ce  qu'il  croit  être  le 
plus  avantageux. 

11  vit  avec  l'un  de  fes  frères  ;  ces 
deux  familles  ne  forment  qu'un  feul 
ménage.  Kliyoogg  a  fix  enfans ,  &  fon 
frère  en  a  cinq.  Leur  fortune  étoit  des 
plus  médiocres ,  à  caufe  des  liquida- 
tions qu'il  falloit  faire  ,  &  les  diffi- 
cultés paroilfoient  infurmontables. 
Tant  d'obftacles  réunis ,  réveillèrenc 
le  zèle  du  célèbre  cultivateur ,  &  l'ani- 
mèrent à  redoubler  d'ardeur  &  d'ap- 
plication ,  afin  de  patvenir  à  les  fur- 
monter.  Il  fongea  bien  férieufemenc 
à  remettre  fon  héritage  en  valeur,  Sc 
fe  porta  gaiement  ,  &  fans  délai,  à 
exécuter  fes  projets. 

Notre  Socrate  ruftique  obligé  de 
fpéculer  fur  tout ,  trouve  d'abord  que 
fon  cheval  eft  plus  dommageable  que 
utile  ,  aufll  il  eft  déterminé  .t  s'en  dé- 
faire ,  &  augmenter  du  produit  de 
cette  vente  le  nombre  de  fes  bœufs. 
L'entretien  d'un  cheval  eft  ,  dit-il  , 
très  -  difpendieux  ;  cet  animal  con- 
fomme  autant  de  foin  qu'une  vache, 
&  outte  l'avoine  qu'il  lui  faut  de  plus , 
nous  devons  compter  au  moins  une 
piftole  par  an  ,  pour  le  ferrage.  De 
plus ,  le  cheval  diminue  de  prix  en 
vieilliffant ,  au  lieu  qu'un  bœuf  qui 
vieillit  ,  fe  met  à  l'engrais  ,  &  fe 

revend 


K  I  L 

revend  encore  avec  quelque  bénéfice. 
Il  a  calculé  qu'on  pouvoir  enrrerenii 
deux  bœufs  avec  ce  qu'il  en  coûroir 
pour  un  cheval  ,  à  quoi  on  peur  en- 
core ajourer  que  le  fumier  de  cheval 
n'efl  pas  à  beaucoup  près  d'un  auiïï 
bon  engrais  pour  les  rerres  ,  que  le 
fumier  des  bcces  à  corne.  (  i  ) 

Notre  fage  économe  ne  tienrqu'au- 
tanr  de  beftiaux ,  qu'il  peut  en  nourrir 
largemenr  pendant  route  l'année  , 
avec  le  foin  &  l'herbe  qu'il  recueille  j 
fa  paille  eft  ménagée  avec  le  plus  grand 
foin,  pour  rout  autre  chofe  que  pour 
la  litière  ,  qui  efl:  tellement  prodiguée 
dans  fon  étable ,  qu'on  y  enfonce  juf- 
qu'aux  genoux. 

Il  a  foin  de  ramaffer  dans  l'éten- 
due de  fes  polfellions ,  routes  les  ma- 
tières propres  à  la  litière,  relies  que 
des  feuilles  d'arbre,  de  la  moulTe,  des 
feuilles  de  jonc,  &c.  Les  branches  les 
plus  minces,  &  les  piquans  des  pins 
Ôc  des  fapins,  lui  fournilTein  fur-tout 
une  ample  provilion  de  ces  marières. 

Voici  fa  mérhode  par  rapporr  aux 
fumiers  j  il  lailfe  toujours  la  même 
lirière  fous  fes  beftiaux  pendant  huit 
jours,  &  chaque  jour  il  en  répand  de 
fraîche  par-deOus,  de  forte  que  cette 
litière  fe  trouve  bien  imbibée  par  les 
excrémens,  5c  elle  a  déjà  acquis  un 
degré  de  fermentation  avant  d'être 
tranfporrée  fur  le  ras  de  fumier  ;  au 
refte ,  cer  ufage  ne  lui  a  pas  paru  mal- 
fain  pour  fes  beftiaux.  (  i  ) 


K  I  L 


ÏÏ3 


Quand  à  ce  qui  concerne  l'adnil- 
niftiation  du  fumier  ,  voici  comment 
il  s'y  prend  j  il  apporre  la  plus  grande 
attention  à  empêcher  que  fon  fumier 
ne  fe  defïéche  pas,  de  crainte  que  la 
fermentation  ne  vienne  à  fe  fuppri- 
mer  rout-à-coup ,  ce  qu'il  prévient  par 
de  fréquens  arrofeniens  j  il  a  fait 
creufer  pour  cet  effet ,  fept  grands 
trous  quartés  &:  àpoitée ,  dans  lel'quels 
il  laide  corrompre  l'eau  néceifaire  à 
les  différentes  opérations.  Après  avoic 
couvert  le  fond  de  ces  trous  de  fu- 
mier de  vache  bien  fermenté,  de  jeté 
par-deiTus  une  affez  grande  quantité 
d'eau  bouillante ,  il  achevé  de  les  rem- 
plir avec  de  l'eau  fraîche  fortant  dii 
puit. 

Cer  ufage  lui  procure  d'excellens 
fumiers,  parfaitement  corrompus  dans 
un  très-court  efpace  de  tems.  Cette  eau 
ainh  préparée  ,  ne  fert  pas  feulement 
pour  le  fumier,  Kliyoogg  l'emploie  en- 
core à  l'amélioration  de  fes  terres  Se 
de  fes  prés  ;  mais  il  faut  avoir  l'eau 
à  portée  ,  &  du  bois  affez  aifément 
pour  que  la  dépenfe  ne  foit  pas  ex- 
ceflive. 

Kliyoogg  eft  fî  fort  convaincu  de 
l'utilité  de  la  chaleur  pour  opérer  la 
fermentation  putride,  qu'il  croit  que 
tout  tei rein ,  même  le  plus  ftérile ,  eft 
fufceptlble  d'îrre  fertdifé  en  y  met- 
tant le  feu.  il  le  fonde  fur  les  mêmes 
principes,  pour  conclure  qu'une  an- 
née, dont  l'été  aura  été  fort  chaud  Sc 


(  I  )  Note  du  Rédalieur.  Cela  dcpeiid  de  la  qualitc  du  fol  qu'on  doit  enricliir;  le  fumier 
produit  par  les  animaux  ruminans ,  contient  moins  de  parties  falines  que  celui  des  non 
ruminans.   C  Koyf^  les  mots  Engrais  ,   Amendemens.  ) 

(2)  Il  faut  coiifidérer  qu'il  s'agit  ici  de  la  Suille  ,  pays  froid,  &  que  la  litière  eft 
très  -  cpailTe.  Dans  les  p.iys  plus  chauds,  dans  les  provinces  méridionales,  ce  procédé 
fcroit  funefte;  il  vaut  beaucoup  mieux  pour  le  fnraier  ,  que  fa  fermentation  mvî  fois 
ccramencce   ne  foit  pas  interrompue. 

Tome  VL  P 


114  K  T  L 

bien  lec,  fera  fuivie  d'une  abondante 
récolte.  (  i  ) 

Ce  font  les  engrais  qui  procurent 
la  «grande  fertilité  ;  aiilli  notre  éco- 
nome s'en  procure  de  toutes  manières  : 
il  fe  fert  utilement  de  cendres  de 
tourbe.  A  fon  grand  regret ,  il  n'a  pu 
trouver  chez  lui  de  marne  j  mais  fon 
indultrie  lui  a  fait  découvrir  un  ef- 
pèce  de  f.ible  ou  menu  gravier ,  qui 
lui  donne  à  peu-près  le  même  engrais 
que  feroit  la  marne.  Il  rrouve  encore 
dans  les  gazons  enlevés  de  delfus  la 
furface  des  pâtures  ou  jachères  qui  ont 
pouiïe  beaucoup  d'herbe ,  une  matière 
très-propre ,  lorfqu'elle  eft  bien  prépa- 
rée ,  à  fervir  d'engrais.  Cette  prépa- 
ration confifte  à  lailfer  ces  gazons  pen- 
dant deux  ans  en  plein  air ,  expofés 
ainfi  à  fes  influences  &  aux  intem- 
péries des  faifons  ;  au  bout  de  ce 
temps- là  ils  font  bien  pourris,  &  ils 
font  très -propres  à  être  rranfportés 
avec  fuccès ,  tant  fur  les  prairies ,  que 
fur  les  champs  que  l'on  veut  amender. 

Jamais  aucun  préjugé  ne  lui  a  fait 
rejeter  de  nouvelles  ouvertutes  \  il 
les  juge  toutes  dignes  d'être  appro- 
fondies ,  Se  témoigne  fa  reconnoif- 
fance  à  ceux  qui  les  lui  commu- 
niquent. Il  penfe  qu'en  général  , 
tout  mélange  de  deux  terres  diffé- 
rentes peut  tenir  lieu  d'engrais ,  quand 
même  elles  nedirt:creroient  que  parla 
couleur.  11  croiroit  donc  avoiramendé 
un  champ  lorfqu'il  auroit  pu  y  ttanf- 


K  I  L 

porter,  fans  beaucoup  de  frais,  de  la 
terre  d'un  autre  champ.  C'cft  ainfi  , 
félon  lui,  qu'une  terre  légère  eft  amé- 
liorée par  une  terre  pefante;  une  terre 
fabloneufe,  par  une  terre-glaife;  une 
terre  -  glaife  bleue  ,  par  une  terre- 
glaife  rouge ,  &c.  (  i  ) 

C'eft  dans  ces  différens  moyens  de 
fe  procurer  des  engrais,  que  norre  ju- 
dicieux laboureur  fait  confifter  la  bafe 
fondamentale  de  l'açriculrure. 

Un  arpent  de  pré  exige  félon  lui , 
pour  être  fuffifamment  amendé  ,  de 
deiiX  en  deux  ans  ,  dix  charois  de  fu= 
mier,  ou  vingt  tonneaux  de  cendres 
de  tourbe;  il  penfe  que  cette  dernière 
matière  cil:  le  meilleur  engrais  pour 
les  prés  que  l'on  peut  arrofer.  (  3  ) 

Les  arrofemens  lui  fourniffent  une 
féconde  manière  d'amender  un  pré, 
qui  n'eft  pas  moins  avanrageufe ,  de 
lorte  qu'il  fait  très-peu  de  différence 
d'un  pré  bien  arrofé ,  à  un  pré  bien 
fumé  ,  fur  tout  fi  la  qualité  de  l'eau 
eft  bonne  pour  cet  objet. 

Un  grand  principe  de  Kliyoogg  eft 
qu'il  ne  faut  point  fonger  à  aug- 
menter le  nombre  de  fes  poiTeffions , 
avant  d'avoir  porté  celles  que  l'on 
poflede  à  leur  plus  haut  degré  de  per- 
fection :  l'on  en  fenr  ailément  la 
raifon;  car,  dit- il,  fi  un  cultivateur 
n'a  pu  encore  parvenir  à  donner  à  fon 
champ  la  meilleure  culrure  poflîble, 
combien  moins  en  viendr.i-t-il  à  bout 
fi ,  augmentant  l'étendue  de  fon  do- 


(  I  )  Je  fuis  fâché  de  n'ccre  pas  de  l'avis  de  Socrate  rnftic]\ie  ;  (  Voye^  ce  oui  a  été  dit 
au  mot  EcOBUER  &  au  met  Dîfrichemint.)  mais  fa  remarque  fut  la  chaleur  de  l'été 
eft  tfès-bonne  ,  fur-tout  fi  on  n'a  pas  excité  trop  d'cvaporation  des  principes  pat  la 
fréquence  des  labours.  (  Voye^  ce  mot.  ) 

(1)  En  fait  d'arçillc,  la  couleur  importe  peu;  la  bonification  vient  de  ce  que  l'une 
contient  plus  de  fubftance  calcaire  que  l'autre,  &  fur-tout  de  ce  que  la  nouvelle,  n'ayant 
pas  eu  le  temps  de  s'as^glutincr  avec  l'ancienne,  elle  en  tient  les  molécules  plus   féparées. 

(5)  (  yoyc'i  ce  qui  a  été  dit  au  mot  Cendre.  ) 


K  I  L 

maiiie ,  il  fe  met  dans  le  cas  de  par- 
tager, &  fou  attention  ,  &  fes  tra- 
vaux ? 

Nous  finirons  ce  qui  a  rapport  aux 
prairies ,  par  une  circonftance  qui  peut 
ruiner  un  pré  j  t'eft  lorfque  le  plan- 
tain y  prend  trop  le  delTus  ;  fes  feuilles 
larges  o>;  ferrées  contre  la  terre ,  la 
couvrent  entièrement ,  &  empêchent 
les  bonnes  plantes  de  poulTer,  ce  qui 
rend  un  pré  tout-à-tait  ftérile;  le  feul 
remède  à  employer  dans  pareille  cir- 
conllance  ,  c'eft  de  labourer  cette  prai- 
rie, Se  après  lui  avoir  fait  porter  du 
bled  pendant  quelques  années,  il  £iu- 
dra  la  remettre  en  pré. 

Nous  allons  conlidérer  à  préfent  la 
manière  dont  notre  judicieirx  cultiva- 
teur adminiftre  fes  terres  à  bled. 

Les  terres  de  fa  communauté  font, 
fuivant  l'ufage  général  ,  affolées  en 
tiers.  Kliyooggdeftine  toujours  la  pre- 
mière foie  pour  le  froment  ou  l'é- 
pautre ,  ce  dernier  grain  eft  celui  qu'il 
préfère  pour  l'ordinaire.  La  féconde 
foie  eft  enfemencée  en  feigle  ,  ou 
avoine  ,  ou  pois ,  ou  fèves.  La  rroi- 
fième  foie  refte  en  jachère  ;  les  champs 
clos  font  enfemencés  toutes  les  an- 
nées ^  mais  en  outre  ,  il  a  grande  at- 
tention d'y  variet  les  efpèces  de  grains. 
Il  fume  ces  champs  deux  fois  en  trois 
ans,  «Se  leur  donne  des  foins  tout  par- 
ticuliers. 

Il  compte  pour  labourer  un  arpent, 
la  journée  complettededeux  hommes 
&  de  quatre  bœuft.  (  i  )  il  donne  , 
fuivant  l'uTage  ordinaire ,  trois  labours 
à  la  première  foie.  Le  premier  ,  au 
piintems  ;  le  fécond,  d'abord  après 
la  fenaifon  j  &  le  troifième ,  après  la 


K  I  L  1 1 5 

récolte;  II  donne,  autant  qu'il  lui  eft 
podible ,  deux  labouts  à  la  féconde 
lole.  Le  premier  ,  immédiatement 
après  la  récolte;  le  fécond  ,  immé- 
diatement avant  que  d'enfemencer. 
On  doit  fur-tout  obfeiver  de  ne  don- 
ner que  de  légers  labours  dans  les 
terres  légères  ,  &:  d'en  donner  au  con- 
traire de  très-profonds  dans  les  terres 
pefantes  &  argilleufes. 

Kliyooggaobfervéque  pour  fepro- 
curer  d'abondantes  récoltes ,  il  eft  très- 
eflentiel  de  varier  fouvent  les  efpèces 
de  grains  dans  le  même  terrein  ;  auHî 
marque-t'il  le  plus  grand  emprelFe- 
nient  lorfqu'on  lui  indique  quelque 
nouvelle  efpèce  de  grains.  Il  eft  tel- 
lement convaincu  de  l'utilité  de  cette 
méthode ,  qu'il  trouve  un  avantage 
fenfible  lorfqu'il  acheté  feulement  fa 
femence  à  quatre  lieues  de  diftance 
de  chez  lui. 

Un  des  engrais  dont  il  fe  fert  avec 
beaucoup  de  fuccès  pour  fertilifer  fes 
champs  les  plus  ftériles ,  de  manière 
qu'ils  portent  d'abondantes  récoltes 
en  bled,  eft  ce  même  fable  ou  petit 
gravier  dont  j'ai  parlé  rapidement  au 
fujet  des  engrais  pour  les  prés  ;  il 
mêle  ce  petit  gravier  avec  la  rerre  de 
fes  champs.  Le  gravier  dont  il  fe  fert 
eftbleuàtre&  marneux  ;  Kliyoogg  le 
prend  le  long  de  quelques  coteaux 
arides  de  fon  voifinnge  ;  il  a  foin 
d'en  ôter  les  gros  cailloux. 

Voici  encore  unnouveau  genre  d'a- 
méliorarion  que  notre  Kliyoogg  em- 
pk'ie  dans  fes  terres  labourées.  Ayant 
obfervéque  les  filions  deltinés  à  l'écou- 
Itment  des  eaux  enlevoient  plufieurs 
toifes  de  terrein  qui  devenoit  par-là 


(  1  )   Nom.  Ce  calcul  (loir  varier  félon  la  qualité  du  terrein ,   &    la  facilité    plus  oa 
moins  grande   que  procure  la  l.;ifcn.  ; 


Pi 


i\3  K  I  L 

inutile ,  il  avoic  remarqué  de  pins 
que  le  bled  qui  venoit  fur  les  deux 
côtés  de  ces  lillons  réuiîinoit  allez 
mal  ;  pour  obvier  à  cet  inconvénient, 
il  a  changé  fes  filions  ou  fangfues  , 
ou  rigoles,  en  fofles  couverts.  11  creufe 
à  cet  effet ,  dans  le  lieu  convenable, 
&  à  la  place  de  ces  filions,  un  {oCCé 
de  deux  pieds  de  profondeur  qu'il  rem- 
plit de  ca:iIoux  jufqu'à  moitié  ;  il 
met  par  defTus  des  branches  de  fapin, 
&  achève  enfin  de  remplir  fun  fo/Ié 
avec  la  terre  qu'il  en  avoir  fortie ,  de 
manière  que  tout  fe  laboure  fans  au- 
cun inconvénient. 

Les  pâtures  n'ont  rien  de  parti- 
culier j  ce  font  de  mauvailes  terres 
anciennement  couvertes  de  bois  ra- 
bougris par  la  dent  du  bétail  ,  lorf- 
que  les  arbres  faifoient  leur  première 
poulfe  j  aulll  ces  friches  font  peu  pro- 
fitables au  bérail ,  puifqu'elles  ne  pro- 
duifent  que  quelques  plantes  de  mille- 
pertuis, de  thithimale  ou  de  fougère. 

Je  paiïerai  à  l'efpèce  de  culture 
qu'il  donne  à  fes  bois.  Son  premier 
objet  eft  la  multiplication  de  fes  fu- 
miers ,  comme  nous  l'avons  dit  plus 
haut  j  il  nettoie  très-exattement  fes 
bois  &  même  fes  arbres ,  ce  qui  fait 
que  tout  le  terrein  eft  couvert  de 
jeunes  rejettons  qu'il  recueille  exac- 
tement pour  l'augmentation  de  fes 
fumiers  ,  &  pour  la  litière  de  fes 
étables  j  il  évalue  à  deux  chatrois  par 
an,  ce  qu'il  retire  par  chaque  arpent 
de  bois. 

Après  avoir  donné  un  détail  très- 
raccourci  des  moyens  employés  pat 
Kliyooggpouraméliorerfon  domaine, 
il  ne  ftra  pas  inutile  de  faire  part  de 
fa  fai^on  de  penfer  par  rapport  à  l'agri- 
culture en  général.  Un  philofophe , 
(  &  celui-ci  en  mérite  le  nom  ) ,  ne 
borne  pas  le  bien  ,  il  n'a  rien  tant  à 


K  I  L 

cœur  que  de  le  voir  propager  ;  telle 
eft  l'ambition  de  notre  Socrate  ruf- 
tique.  Il  penfe  que  fi  on  veut  par- 
venir à  perfeélionner  l'agriculture 
d'un  canton,  il  faut  commenter  pat 
réf-ormer  les  mœurs  de  fes  habirans  ; 
alors  ces  hommes  feront  fufceptibles 
de  prendre  une  véritable  ardeur  pour 
les  travaux  de  la  campagne.  L'on 
pourra  fonger  à  améliorer  les  terres 
par  des  moyens  phyfiques ,  &  à  chan- 
ger des  pratiques  qui  n'ont  en  leur 
faveur  que  l'ancienneté,  contre  d'au- 
tres dont  un  examen  fuffifamment  ré- 
fléchi aura  démontré  la  fupériorité. 
Notre  fage  prétend  qu'un  moyen  de 
redrelTer  bien  des  abus ,  feroit  que  le 
gouvernement  &  l'habitant  de  la  cam- 
pagne fe  prêtalTent  mutuellement  la 
main ,  afin  de  concourir  au  bien  «vé- 
nérai ;  alors  l'intelligence  viendroit 
diriger  les  mains  laborieufes  de  l'ha- 
bitant de  la  campagne  5  il  y  auroic 
bien  peu  de  pays  qui  ne  fuffife  & 
au-delà  ,  à  la  nourriture  de  fes  ha- 
bitans.  Il  voudroit  aufli  que  les  paf- 
teurs  ,  au  lieu  d'être  fi  favans  dans 
leurs  fermons,  où  le  payfan  n'entend 
rien ,  s'arrêtalfent  un  peu  plus  à  ex- 
pliquer ,  d'une  manière  alfez  claire 
&  affez  fiinple  ,  comment  il  faut  fe 
conduire,  &  que  l'elTence  de  la  piété 
confifte  à  remplir  exaftement  envers 
le  prochain  les  devoirs  de  la  Juftice. 
Enfin ,  il  n'y  a  que  celui  qui ,  tou- 
jours fidèle  à  la  probité,  &  conftant 
dans  fon  travail  ,  mange  fon  pain  à 
la  fueur  de  fon  fronr,  qui  puilfe  fe 
promettre  la  bénédidion  du  Tout- 
Puiilant.  Un  cultivateur  laborieux  ne 
connoît  point  de  mauvaife  année,  & 
rien  ne  fauroit  troubler  le  contente- 
ment dont  il  jouit.  Un  fainéant  au  con- 
traire attend  tour  du  ciel ,  &  s'en  prend 
à  l'injuftice  du  fort,  lorfqu'il  recueille 


K  I  L 

moins  que  celui  qui  a  érc  plus  aiTioa 
à  Ion  travail.  11  faudroi:  que  le  gou- 
vernemen:  envoyât  des  députes  char- 
gés de  donner  des  diftindions  à  ceux 
des  habitans   de  la   campagne  dont 
les  biens  annonceroienc  l'alliduité  au 
travail,  tandis  qu'ils  traiteroieiit  avec 
la  dernière  rigueur  les  lâches  5^:  les 
fainéans.  Il  vaudroit  mieux  ne  point 
faire  de  loi ,  que  de  lailfer  entrevoir 
au  payfan  qu'on  n'en  exige  pas  l'exé- 
cution à  la  rigueur.  Le  payfan  recon- 
noît  tôt  ou  tard  que  c'eft  pour  fon 
bien  qu'on  fe   fert  de  la  force  pour 
lui  faire  exécuter  ce  qui  eft  avanta- 
geux. Ne  craignez  pas  l'imptobation 
du  public  j  douterions-nous  que  ce 
qui  eft  honnête  &  utile  n'entraîne  pas 
à  la  longue  fon  fuffrage  !  il  eft  cer- 
tain qu'il  y  a  quelque  chofe  au-dedans 
de  nous  qui  dit  oui ,  lorfqu'on  nous 
prêche  la  vérité  ,  lors  même  qu'elle 
nous  eft  défagréable.  La  fatisfadèion 
qu'on  éprouvera  au-dedans  de  foi- 
même  ,  lorfqu'on   pourra  du  moins 
fe  rendre  témoignage  qu'on  a  rempli 
tout  ce  à  quoi  l'on  croyoit  être  obligé, 
n'eft-elle  pas  déjà  une  récompenfe  , 
&  la  plus  belle  qu'on  puilTe  éprou- 
ver? Fiez-vous-en  à  la  Providence  di- 
vine fur  la  réuflîte  d'une  entreprife 
utile;  quand  même  elle  viendroit  à 
échouer  ,  elle   peut  encore  produire 
des    effets  falutaires   dans  un    autre 
temps.  Souvent  lorfque  le  défordre  des 
faifons  &   des    élémens  fembloient 
m'a  voir  enlevé  rout  efpoir ,  le  ciel 
me  favorifoit   encore   d'une    récolte 
affiz  bonne  &  honnête. 

En  entrant  dans  l'intérieur  de  la 
m  ai  fon  de  Kliyoogg,  nous  nous  con- 
firmerons dans  la  vérité  de  cette  Sen- 
tence de  Socrare  ;  de  toutes  les  pro- 
feflions,  l'agriculture  eft  celle  qui  nous 


K  î  L  11-7 

enfeigne   le  mieux  la  juftice   &:  ia 
fcience  du  gouvernement. 

C'eft  lui  qui  exerce  dans  le  mé- 
nage les  foiidl.uns  de  père  de  famille  ; 
il^  eft  cependant  le  cadet  ;  mais  fon 
aîné  a  eu  alfez  de  lumière  &  de  fa- 
gefle  pour  reconnoître  ia  fupériorité 
que  le  génie  &  les  talens  de  fon 
frère  lui  donnoient  fur  lui  ;  il  eft  en 
conféquence  chargé  de  toute  l'admi- 
niftration  du  travail  j  il  fe  contente 
de  l'y  féconder  avec  ardeur.  En  ad- 
mettant le  fyftême  que  KliyoogcT  s'eft 
formé  fur  les  devoirs  d'un  père  de 
famille,  on  trouveroit  au  refte  peu 
de  perfonnes  qui  ne  lui  en  cédalîent 
très-volontiers  l'honneur;  il  faut,  fui- 
vaut  lui ,  que  Je  père  de  famille  fe 
trouve  toujours  le  premier  &  le  der- 
nier à  tous  les  ouvrages  ,  &  l'elTence 
de  fon  autorité  confîfte  à  prêcher 
d'exemple  aux  autres  individus  de  la 
famille ,  fans  cela,  tous  les  efforts  que 
l'on  fait ,  tous  les  foins  q.ue  l'on  fe 
donne ,  deviennent  inutiles. 

Le  père  de  famille  eft  la  racine  qui 
donne  à  l'arbre  entier  la  force  &  la 
la  vie  ;  Ci  la  racine  périt,  l'arbre,  quel- 
que vigoureux  qu'il  foit,  périra  avec 
elle.  De  quel  front  le  maître  pourra- 
t-il  exiger  de  fes  gens  qu'ils  ne  fe 
rebutent  pas  dans  leur  travail  ,  lorf- 
qu'il  fera  le  premier  à  fe  rebuter  ? 
Avec  quelle  autorité  pourra-t-il  ré- 
gler &  ordonner  tout  ce  qui  devra  fe 
faire ,  lorfque  le  valet  fera  mieux  que 
lui  au  fait  de  la  befogne  ?  au  lieu 
qu'un  maître  intelligent,  &  qui  don- 
nera l'exemple  du  travail ,  aura  tou- 
jours des  valets  foumis  &  laborieux. 
Lorfque  Kliyoogg  a  formé  une  fois 
une  bonne  &  faine  réfolution  ,  il  fait 
forcer  ,  avec  une  fermeté  inébran- 
lable j  tout  fon  ménage  à  concourir  à 


1 1  s  K  I  L 

fou  exécution;  &  lorfqu'il  regarde  une 
cKofe  comme  nuidble,  ou  feulement 
iiuicile  ,  il  lait  pareillement  obliger 
tout  fon  monde  à  la  rejeter  ,  ou  à 
s'en  abftenir.  C'eft  encore  une  de  fes 
grandes  maximes  ,  qu'il  faut  com- 
niencer  par  extirper  tout  ce  qui  eft 
nuilible  î<.:  inutile  ,  avant  de  fonger 
à  la  moindre  amélioration. Tant  qu'on 
n'a  pas  arraché  les  mauvaifes  herbes 
d'un  champ,  tout  engrais  ,  bien  loin 
d'être  avantageux,  ne  fert  qu'à  fjire 
multiplier  ces  plantes  parafites  ,  qui 
enlèvent  à  la  bonne  femence  toute  fa 
nourriture. 

Kliyooggtenoit le  feul cabaretqu'il 
y  eut  dans  le  village  ;  il  en  refultoit 
en  apparence  un  profit  affez  conli- 
dérable  pour  le  ménage  :  un  examen 
plus  réfléchi  l'eut  bientôt  convaincu 
du  contraire  ;  il  frémit  à  la  feule 
penfée  des  funefles  impreOions  que 
l'exemple  dangereux  des  gens  qui  tré- 
quentoient  fon  cabaret,  teroit  fur  fes 
enfanç. 

Il  découvrit  un  autre  fource  de  la 
ruine  du  ménage  dans  la  coutume  où 
l'on  eft  de  hiire  de  petits  préfcns  aux 
enfans  jàl'occalion  d'un  baprème,  ou 
pour  les  étrennes,  &:c.  Ces  fortes  de 
préfens  ,  dit-il  ,  font  que  les  enfins 
s'accoutument  de  bonne  heure  à  fe 
faire  de  petits  revenans  bons  par 
daurres  voies  que  par  leur  travail,  ce 
qui  devient  un  germe  de  fainéantife 
qui  eft  la  racine  de  tous  les  maux. 

11  ne  veut  pas  que  dans  fon  mé- 
ra^e,  aucun  jour  de  l'année  joui'.Te 
■d'aucune  diftinclion  par  rappoit  à  la 
table.  Chez  lui  ,  les  dimanches  Se 
fètcs  ,  la  clôture  des  fenaifons  de  la 
récolte ,  la  fête  du  village ,  les  bap- 
têmes de  fes  enfans  ,  &c.  n'or.t  au- 
cune préférence,  quant  à  la  bonne 


K  I  L 

chère.  II  penfe  qu'il  eft  abfolument 
contre  le  bon  fens  de  donner  plus  de 
nourriture  au  corps  dans  les  jours  def- 
tincs  au  repos,  que  dans  les  jours  ou- 
vrables où  les  forces  épuilées,  par  un 
travail  pénible  ,  ont  befoin  de  beau- 
coup plus  de  réparations.  C'eft  pour- 
quoi il  a  foin  de  régler  les  repas  fui- 
vant  la  nature  du  travail.  Ainfi,  c'eft 
lors  des  grandes  fatigues,  que  l'ordi- 
naire fe  trouve  le  plus  abondanr.  Il 
ne  boit  pas  de  vin  à  fes  repas,  mais 
il  en  prend  fa  melure  réglée  avec  lui 
dans  les  champs;  là,  il  lui  rient  lieu 
de  confortatif ,  lorfqu'il  fent  que  fon 
corps  s'épaife  par  la  fatigue  C'eft  le 
feul  ufage  auquel  l'ait  dcftiné  la  pro- 
vidence. 

L'objet  que  notre  Sage  regarde 
comme  le  plus  important,  iSc  fur  le- 
quel il  porte  le  plus  d'attention ,  eft 
l'éducation  de  Ces  enfans  ,  qu'il  en- 
vilage  comme  le  plus  facré  de  tous 
fes  devoirs.  Il  confidère  fes  enfans  , 
comme  autant  de  bienfaits  de  la  Di- 
vinité à  laquelle  il  ne  peut  marquer 
fa  reconnoilfance  qu'en  leur  appla- 
nilT.uu  le  chemin  qui  conduit  à  la 
vraie  félicité  ,  perfuadé  qu'ils  ciie- 
roient  vengeance  contre  lui  ,  s'il  les 
mettoit  dans  la  mauvaife  voie.  Son 
grand  principe  à  cet  égard  ,  eft  de 
tout  mettre  en  ufage  pour  empêcher 
qu'il  ne  fe  glilTe  des  idées  faulfes  6c 
des  déûrs  déréglés  dans  ces  âmes 
tendres.  Il  avoir  obfervé  que  toutes 
les  opinions  &  les  manières  d'agir 
des  enfans  prenoient  leur  fource  dans 
ce  qu'ils  en  tendoienr  dire  &  voyoient 
faire  aux  perlonnes  plus  âgées  ;  c'eft 
pourquoi  il  veut  qu'ils  fo-ent  con- 
tinuellement fous  fes  yeux  ;  il  fe 
fait  (  autant  qu'il  eft  poflible)  accom- 
p.agner  par  fes  eulans  dans  fes  tra- 


K  I  L 

vaux ,  afin  de  les  accoutumer  de  bonne 
heure  à  la  vie  adive  :,  il  proportionne 
à  leurs  forces ,  le  travail  qu'il  leur 
donne;  il  tâche  ainfi  de  les  habituer 
de  bonne  heure  à  fon  genre  de  vie, 
de  leur  firire  adopter  fes  mœurs  ,  & 
de  leur  infpirer  ce  vrai  contentement , 
qu'il  regarde  comme  l'unique  moyen 
d'arriver  au  bonheur  ;  confcquem- 
ment  à  ces  principes,  il  s'eft  chargé 
du  foin  d'inltruire  fes  enfans  ,  &  il 
deftine  à  cette  occupation  ,  le  repos 
du  dimanche  ;  ik  par  une  fuite  des 
mêmes  motifs ,  les  deux  frères  ne  fe 
rendent  jamais  cà  l'églife  tous  deux 
à-la-fois.  L'un  d'eux  refte  toujours  à 
la  maifon,  tant  pour  contenir  les  en- 
fans  dans  la  règle,  que  pour  leur  en- 
feigner  leur  catéchifme  &  les  exercer 
à  la  lecture  &  à  l'écriture. 

La  manière  dont  Kliyoogg  s'y  prend 
pour  exciter  fes  enfans  au  travail  , 
mérite  d'être  rapportée.  Tant  que  les 
plus  jeunes  ne  font  pas  encore  en 
état  de  travailler  la  terre  ,  il  leur  fait 
prendre  leur  repas  fur  le  plancher.  Ce 
n'eft  que  du  moment  qu'ils  ont  com- 
mencé à  lui  être  de  quelques  fecours 
dans  la  culture  de  fes  champs,  qu'il 
les  admet  à  fa  table  avec  les  plus  âgés. 
Il  leur  fait  comprendre  par  là ,  que 
tant  que  l'homme  ne  travaille  pas  & 
n'eft  d'aucun  fecours  à  la  focic:é  ,  il 
ne  fauroit  être  conlidéré  que  comme 
un  animal  qui  peut  avoir  droit  à  fa 
fublîftance  ,  mais  non  à  l'honneur 
d'être  traire  comme  un  membre  de  la 
famille.  Du  refte  ,  il  fe  tient  fort  en 
garde  pour  ne  faire  aucune  diftinc- 
tion  entre  eux  ]  il  aime  également 
ceux  de  fon  frère  comme  les  fiens  ; 
il  les  conduit  tous  vers  le  bien  avec 
le  même  zèle  &c  la  même  confiance. 
Ce  n'eft  qu'en  fe  montrant  obéif- 
fans  Se  en  taifant  bien  ,  qu'ils  peuvent 


K  I  L  115 

gagner  fon  amitié,  &:  s'attirer  fes  ca- 
relies  ;  fon  approbation  eft  la  feule 
rccompenfe  à  laquelle  ils  afpitent. 
Enfin  ,  il  a  fu  trouver  le  moyen  de 
fe  faire  également  chérir  &  craindre. 
Il  les  accoutume  de  bonne  heure  aux 
mets  grodiers  dont  il  fait  ufage ,  & 
leur  en  donne  autant  qu'il  leur  en 
faut  pour  être  pleinement  raflafiés  j 
mais  il  fe  garde  bien  foigneufement 
d'exciter  leur  gourmandife  ,  en  leur 
offrant  ,  fuivant  la  pernicieufe  cou- 
tume de  prefque  tous  les  parens,  des 
friandifes  en  guife  de  récompenfe. 
Auili  ces  enfans  n'ont  aucune  efpèce 
de  paflion  pour  tout  ce  qui  s'appelle 
mangeaille,  &  ne  connoiifent  d'autre 
félicité  ,  à  l'égard  du  manger ,  que 
le  plaifir  d'appaifer  leur  faim.  Cela 
fait  auili  que  l'on  peut ,  avec  toute 
sûreté  _,  lailfer  ouvertes  les  armoi- 
res &  les  chambres  où  font  les  provi- 
(ions. 

U  en  ufe  de  même  à  l'égard  de  la 
cailfe  où  il  tient  l'argent  ;  elle  eft 
également  ouverte  à  tous  les  mem- 
bres de  la  famille  ,  qui  font  en  âge 
de  raifon  ;  tous  y  ont  les  mêmes 
droits.  Comme  tout  le  bien  eft  en 
commun,  on  évite  avec  le  plus  grand 
foin  jufqu'à  la  moindre  apparence  de 
profit  perfonnel,  &  par  ce  moyen, 
tout  amour  immodéré  pour  l'argent 
eft  banni  de  fa  maifon.  On  n'y  en- 
vifage  exaélement  l'argent  que  com- 
me  un  moyen  de  fe  procurer  les  chofes 
nécelfaires  aux  befoins  du  ménage, 
ôi  chacun  des  membres  de  fa  fa- 
mille fe  trouvant  abondamment 
pourvu  du  nécelfaire  ,  il  ne  s'élève 
jamais  chez  eux  le  moindre  défit  de 
s'en  pourvoir  ailleurs. 

L'un  des  grands  plaifirs  qu'ait  ref^ 
fenti  notre  philofophe,  (  Se  qui  dé- 
cèle la  beauté  de  fon  ame  )  eft  lorf- 


113  K  I  L 

que  fon  frère  fut  nommé  par  la 
Communauté  maîcre  d'école  de  fon 
village;  Kliyoogg regarda  cet  événe- 
ment comme  un  des  plus  heureux 
dont  Dieu  pût  le  favorifer.  11  conçut 
dès  ce  moment  l'efpoir  de  pouvoir 
rendre  déformais  fes  principes  d'un 
ufage  plus  étendu,  &  de  procurer  à 
fes  concitoyens  un  bonheur  pareil  à 
celui  que  le  bon  ordre  ,  qu'il  avoir 
fu  introduire  dans  fon  adminiftration 
domeftique ,  lui  faifoit  éprouver.  L'on 
ne  fauroit  croire  ,  à  ce  qu'il  dit , 
combien  l'autorité  influe  fur  le  bien 
qu'on  fe  propofe,  quand  on  fait  l'em- 
ployer à  propos.  11  fuivit  avec  fer- 
meté, par  rapport  à  (es  écoliers,  les 
mêmes  principes  qui  lui  avoient  fi 
bien  réulîi  chez  lui,  Se  pour  mieux 
affurer  l'obfervation  des  règles  qu'il 
introduifoit  dans  fon  école,  il  réfolut 
dès  le  commencement  de  fe  borner 
au  très-modique  falaire  qui  lui  étoit 
afligné  ,  &  de  ne  pas  accepter  le 
moindre  préfent  de  qui  que  ce  fût. 
C'eft  là  ptécifément,  dit-il,  ce  qui 
affoiblit  le  maintien  des  meilleurs 
réglemens  :  on  offre  aux  fupérieurs 
l'amorce  flateufe  des  préfens  ;  du 
moment  qu'ils  ont  tendu  les  mains 
pour  les  recevoir,  ces  mains  devien- 
nent impuilfantes  pour  arrêter  les 
progrès  du  mal. 

Son  grand  principe  dans  fes  opé- 
rations ,  c'efl:  d'aller  toujours  à  fon 
but  par  la  voie  la  plus  courte  ,  &  fa 
fagacité  naturelle  la  lui  fait  faifir 
aifément;  de-là  vient  que  l'ordre  le 
plus  exa£t  règne  dans  toute  fa  mai- 
ion ,  &  que  chaque  uftenfile  fe 
trouve  à  portée  du  lieu  où  l'on  peut 
en  avoir  befoin. 

Ce  principe  n'eft  pas  feulement  la 
bafe  de  (on  fyftême  économique,  il 
lui  fert  encore  de  guide  dans  toute 


K  I  L 

fa  conduite  morale  ;  rien  ne  lui  paroîc 
plus  précis  &  plus  clair  que  les  idées 
que  nous  devons  nous  former  du 
jufte  &  de  l'honnête.  Nous  pouvons 
lire ,  dit-il,  au-dedans  de  nous-mêmes 
ce  que  nous  devons  faire  ou  omettre 
dans  chaque  circonftance  ;  il  n'y  a 
qu'à  fe  demander ,  lorfqu'on  agit 
vis-à-vis  d'autrui ,  ce  que  nous  fou- 
haiterions  qu'on  fît  à  notre  égard  en 
pareil  cas ,  &  obferver  G. ,  pendant 
tout  le  temps  qu'on  agit,  le  coeur  eft 
fatisfait  &  tranquille.  C'eft  dans  le 
témoignage  qu'on  peut  fe  rendre  à 
foi-même  d'avoir  rempli  tous  fes 
devoirs ,  &  dans  la  paix  intérieure 
qui  en  réfulte,  que  Kliyoogg  renferme 
l'idée  du  bonheur;  il  découvre,  dans 
les  fuites  que  nos  aétions  entraînent 
naturellement  après  elles,  les  récom- 
compenfes  ou  les  punitions  de  là 
Juftice  divine.  Tout  comme  la  fer- 
tilité devient  le  prix  d'une  culture 
laborieufe  iScaiTidue,  la  paix  de  l'ame 
&  la  tranquillité  d'efprit  font  la  ré- 
compenfe  d'une  conduite  vertueufe. 
Lorfqu'il  a  fait  quelque  bonne  dé- 
couverte, il  n'a  rien  de  plus  preffé 
que  d'en  faire  part  à  d'autres;  il  fe 
donne  même  alors  toutes  les  peines 
imaginables  pour  les  convaincre  de 
l'utilité  de  ce  qu'il  propofe ,  &  com- 
battre les  préjugés  ;  il  n'eft  jamais 
plus  fatisfait  que  lorfqu'il  peut  aflîfter 
à  quelque  conférence ,  où  l'on  dif- 
cute  avec  cette  chaleur  qu'infpire 
un  véritable  intérêt  pour  tout  ce  qui 
a  pour  objet  le  bien  public.  C'eft  là 
qu'il  préfente  Cas  idées  avec  cette 
noble  franchife  qui  annonce  la  pu- 
reté de  fon  intention  ,  &  qu'il  pref- 
crit  à  chaque  éi:^z  fes  devoirs  avec 
une  juftede  d'efprit  étonnante  ,  fe 
fervant  à  cet  effet  de  comparaifons 
tirées  de  l'économie  champêrre.    11 

attaque 


Kl  L 

attaque  les  vices  qui  le  blefTent  avec 
beaucoup  de  liberté ,  mais  d'une  ma- 
nière qui  ne  fenr  pas  la  rulHcite.  ^ 

C'ed  ainlî  qu'il  fait^s'attirer  l'ef- 
time  de  tous  les  honnêtes  gens  qui 
favent  apprécier  fon  mérite. 

Nous    terminerons  cet   article  en 
rapportant  ce  qui ,  félon    notre  So- 
crate  ruftique,  donneroi:  à  l'agricul- 
ture toute  l'activité  dont  elle  ell;  Aii- 
ceptible.  Il  faudroit  exciter  l'ardeur 
du  travail  parmi  nos  cultivateurs ,  au 
moyen  des  rccompenfes  &  de  certains 
honneurs;  il  faudroit  mettre  l'atten- 
tion  la   plus  exacte  à  en  faire  une 
jufte  diftribution.  Ce  moyen  exigeroit 
l'établiffement  d'une   fociété  choifie 
d'hommes  refpedables ,  qui,réunif- 
fant  à  la  probité  la  plus  inébranlable 
une  connoilFance  approfondie  de  tout 
ce  qui  concerne  l'économie  ruftique, 
jouiroient  de  l'eftime  générale.  Lorf- 
que   cette  fociété   aucoit   acquis   les 
connollfances   nécelTaires  à  fa   mif- 
fion ,  il  faudroit  qu'elle  fe  tranfportât 
dans  les  divers  villages  qui  devioient 
être  vifités ,   &    qu'elle  donnât   des 
idées  faines  fur  les  travaux  des  di- 
vers objets  de  la  récolte  du  pays.  Il 
faudroit  enfuite   faire  affembler  les 
habitans ,   &  donner  aux  économes 
qui  auroient  été   les  plus  attentifs, 
éc  qui  fe  feroienr  le  plus  diftingués 
dans    la  culture  de  leurs  terres  ,  les 
éloges  qui  leur  feroient  dus ,  en  les 
propofant comme  modèle  aux  autres, 
&    comme    de    véritables    bientai- 
teurs  de  l'humanité.  Enfin,  on   leur 
donnerolt,  en  témoignage  de   l'ap- 
probation publique  ,  les    prix  qu'on 
auroit  établis.  Je  chéifirois  pour  cet 
effet  une    médaille   frappée  exprès  ; 
elle   pourroit   repréfenter    d'un  côté 
un  laboureur  conduifanc  Hi  charrue  , 
un  génie  viendroic  lui  pofer  fur  la 
Tome  FI, 


K  I  O     ,  _  lii 

tête  une  couronne  compofée  des  dif- 
férens  fruits  de  la  terre  ,  entrelaces 
les  uns  aux  autres ,  avec  ces  mots  : 
pour  le  meilleur  cultivaceur. 

De  pareilles  rccompenfes  influe- 
roient  infiniment  plus  fur  une  amé- 
lioration générale  dans  la  culture  des 
terres,  que  la  méthode  ordinaire  d'é- 
tablir un  prix  pour  la  meilleure  dif- 
fertation  fur  un  fujet  propofé  ;  eu 
fui  vaut  mon  idée,  on  parvient  im- 
médiatement à  l'exécution  j  dont  les 
plus  beaux  piojets  font  encore  bien 
éloignés. 

Tel  eft  en  abrégé  le  précis  de  \x 
morale  &  de  la  conduite  de  ce  fimple 
cultivateur,  qui  fixe  avec  raifon  l'ad- 
miration de  la  république  helvétique , 
&  qu'elle  confulte  fouvent.  Il  leroic 
à  délirer  que  dans  chaque  village  il  y 
eût  un  Jacques  Gouyer^  cc  l'on  ver- 
roit  bientôt  les  mœurs  reprendre  leur 
antique  pureté  ,  fc  la  culture  des 
champs  conduite,  non  par  la  routine, 
par  le  préjugé  ,  mais  par  de  bons 
principes  fondés  fur  l'expérience. 
Heureux  Kliyoogg ,  reçois  ici  !e  rribut 
de  mon  admiration,  de  tes  vertus  ^ 
de  ton  favoir  ! 

KIOSQUE.  Mot  emprunté  du 
turc,  qui  défigne  un  petit  pavillon 
ifolé  (Se  ouvert  de  tous  côtés,  où  l'on 
va  prendre  le  frais  &  jouir  de  quel- 
que vue  agréable.  Les  kiofques  des 
riches  de  Conftantinople  font  peints, 
dorés,  pavés  de  carreaux  de  porcelaine, 
&:  ont  vue  pour  la  plupart  fur  le 
canal  de  la  mer  Noire  &C  fur  la  Pro- 
pontide.On  a  établi  ce  genre  de  dé- 
.  cotation  pour  nos  jardins  appelles  .an- 
glois;  mais  on  a  fupprimé  avec  rai- 
fon ces  dorures,  qui  annoncent  plus 
l'opulence  que  le  bon  coût. 


121  K  I  s 

KISTE.  Médecine  VkTÉRiNAiRF. 
C'efl:  aiiifi  qu'on  appelle  une  tumeur 
infenfible  ,  contenan:  un  fac  mem- 
braneux, dans  lequel  fe  trouve  quel- 
quefois une  matière  purulente,  mais 
le  plus  fouvent  huileufe  &  jaunâtre. 

La  différence  qu'il  y  a  entre  le 
Kifte  &  )e  fquirre  ,  c'eft  que  celui- 
ci  efl:  dur  dans  fon  centre,  tandis 
que  l'autre  eft  mou. 


K  I  S 

Lorfqu'on  foupçonne  de  la  ma- 
tière dans  le  kifte  ,  on  l'incife  comme 
l'abfcès ,  on  fait  fortir  le  pus,  Se  on 
termine  la  cure  avec  le  digeftif  ani- 
mé j  &:  dans  les  cas  où  l'on  doit  en- 
lever le  kifte  comme  le  fquirre  eit 
totalité  ou  en  partie  ,  confultez  le 
mot  Squirrhe ,  où  il  fera  traité  de 
la  manière  d'y  procéder.  M.  T. 


L  A  B 


L 


ADDANUM  ou  Ladanum. 
(  Planche  IF)  Tournefort  le  place 
dans  la  cinquième  feétion  de  laclalTe 
fixième ,  confacrée  aux  fleurs  à  plu- 
fieurs  pièces  régulières  &  en  rofe , 
dont  le  piftil  devient  un  fruit  qui , 
dans  fon  épailTeur,  renferme  plufieurs 
femences ,  &■  il  l'appelle  cijlus  lada- 
nifera  ,  cretïca  flore  pupureo.  Von 
Linné  le  nomme  cijius  creticus ,  &c 
le  claiïe  dans  la  Polyandrie  Mono- 
gynie. 

Fleur  A  \  à  cinq  pétales  égaux  , 
difpofés  en  rofej  B  la  Heur  vue  par- 
derrière  ^  C  pérale  féparée  de  la  fleur. 
Elle  eft  de  couleur  jaune  ,  mais 
marquée  par-derrière  d'une  tache  pur- 
purine. Les  étamines  D  très-nom- 
breufes.  Le  piftil  E  feul  &  unique. 
Toutes  les  parties  de  la  fleur  re- 
pofent  dans  le  calice  F  à  cinq  fo- 
lioles. 

Fruit  G  ;  capfule  partagée  en  plu- 
fieurs loges  ,  difpofées  ,  comme  on 
le  voit  en  H  ,  où  la  capfule  eft  cou- 
pée dans  fa  longueur.  1  repréfente 
une  des  valves  ,  &  les  femences 
menues ,  anguleufes  K ,  font  renfer- 
mées dans  chaque  loge. 

Feuilles  ;   {impies  ,   oblongues  , 


L  A  B 

pointues',  épalfles  ,  couvertes  d'un 
lue  gluant  &  embraflant  les  tiges  par 
leur  bafe. 

Racine  ;  ligneufe. 

Port  ;  arbrilfeau  de  deux  à  trois 
pieds  de  hauteur,  branchu;  les  feuil- 
les oppofées  j  les  fleurs  au  fommet 
des  tiges ,  ou  feules  ,  ou  plufieurs 
réunies  enfemble. 

Lieu;  l'Italie,  les  provinces  mé- 
ridionales du  Royaume. 

Propriétés  ;  naturellement  &'  par 
incifionil  découle  du  tronc  &  des  bran- 
ches une  réfine  gommeufe,  appellée 
lahdanum  ,  molle  lorfqu'elle  eft  cueil- 
lie depuis  peu  de  remps ,  &  d'une  cou- 
leur noirâtre.  Son  odeur  eft  douce, 
aromatique  ;  fa  faveur  acre ,  amère  , 
aromatique.  Cette  fubftance  eft  plus 
folubledans  l'efprit-de-vin  que  dans 
l'eau;  elle  l'eft  également  dans  les 
jaunes  d'œufs ,  les  huiles ,  le  firop 
&  le  miel. 

UJages  ;  on  ordonne  le  labdanum 
depuis  demi-gros  jufqu'à  un  gros  dans 
la  gelée  de  coin  ,  contre  les  cours  de 
ventre  &  la  dyffenterie.  L'emplâtre 
fait  avec  le  labdanum  eft  regardé 
comme  réfolutif. 


;,•  y/ 


7'/J^7i^722.  f 


/■-<î*i' .'■'ii;r''1m 


,1' 


v-^y 


T^a/xuij 


7jC  J^tz/n/i'/^f  ûii  Û/'//c    /'^i/ir/ic  ^  - 


LiT///'iVi  //v/.i- 


7.tii/ife  Jt/rfih7i^f 


^. 


L  A  B 

•  LAB11:E.  (5cv.)  M.  Toiirnefort 
a  ainll  nommé  une  Heur  donc  la  co- 
rolle monopécale  offre  deux  lèvres. 
(yoye^  au  mot  Meur  la  defcripcion 
&  le  deflln  d'une  corolle  labiée.  )  MM, 

Labiée.  {FUur.  ) 

LABOUR.  LABOURAGE.  Ceft 
l'aûion  de  remuer  la  terre  ,  ou  avec 
la  charrue  ,  on  avec  la  bêche  ,  ou 
avec  la  houe,  ou  enfin  avec  un  inf- 
trumenc  quelconque.  Quoique  tout 
travail  qui  remue  la  terre  foit  un  vrai 
labour  ,  cependant  on  entend  plus 
communément  par  ces  mots  le  tra- 
vail en  grand,  fait  avec  la  charrue  , 
&  il  n3  s'.igira  que  de  celui-là  dans 
cet  article.  Au  mot  bêche ,  on  eft 
entré  dans  de  grands  détails  fur  cet 
inftrumenc  &  fur  la  manière  de  s'en 
fervir.  (  J^oy€\  ce  mot ,  afin  d'éviter 
les  répétitions.  )  Quand  doit-on  labou- 
let?  comment  doit-on  labourer?  font 
les  points  à  examiner. 

Plan  du  Travail. 

CHAP.  I.    Quand  dalr-on  labourer, 

CHAP.  II.    Comment  fuut'il  labourer. 

SiCT.  I.   Quelle  doit  être  la  profondeur  du  ' 
labour  ,  relativement  à  la  qualité  de  la 
terre. 

SiCT.  II.  Dans  quelles  circonflanees  doit-on 
labourer, 

StCT.  III.  Comment  doit-on  labourer. 

CHAP,  III.  Ejl-il  plus  avantageux  de  la- 
bourer avee  des  bœufs,  ou  avec  des  che" 
vaux ,  ou  avec  des  mules. 

CHAPITRE   PREMIER. 

Quand  doic-on  labourer. 

Le  premier  but  du  labourage  eft 
de  foulever  une  couche  de  terre  , 
d'amener  iis  parties  inférieures  fur 


L  A  B 


1 1 


la  furface,  de  celles  de  la  furface 
de  les  retourner  en- deflous.  Le  fé- 
cond ell  de  divifer  &  féparer  les  mo- 
lécules  de  la  terte  les  unes  des  au- 
tres, afin  qu'un  plus  grand  nom- 
bre foi:  expofé  aux  effets  de  la 
chaleur ,  de  la  lumière  du  foleil , 
delà  pluie,  des  rofées,  enfin  de  toas 
les  météores.  Lifez  l'article  Amendc~ 
ment ,  dans  lequel  l'aftion  des  mé- 
téores eft  mife  en  évidence  :  il  efl:  ef- 
fentiel  à  l'objet  prêtent. 

Quand  faut-il  labourer?  Indiquer 
des  jours ,  des  mois  pour  tout  le 
royaume  ,  ceferoit  le  comble  de  l'er- 
reur. L'époque  des  labours  dépend 
de  la  polîrion  locale  des  champs  & 
de  la  manière  d'être  des  faifons  , 
objet  qu'on  ne  doit  jamais  perdre 
de  vue. 

J'ai  déjà  dit  plufieurs  fois  dans  le 
cours  de  cet  ouvrage,  que  le  meilleur 
labour  étoic  celui  qu'on  donne  à  la 
terre  auOi-tôc  que  la  récolte  eft  levée, 
i".  parce  qu'il  enterre  le  chaume  , 
les  grains  tombés  des  épis;  z^.  qu'il 
détruit  les  mauvaifes  herbes  pouiîées 
avec  le  bled,  &  les  empêche  de  grai- 
ner;  3**.  qu'il  enterre  égalemenî:  les 
graines  mûres  des  différences  plantes 
appellées  mauvaifes  hsibes.  Si  h.  terre 
doit  refter  tn jachère  (^cjye^  ce  mot } , 
il  eft  clair  qu'une  très-grande  partie 
de  ces  graines  germera  ,  foit  pendant 
le  refte  de  la  faifon  de  l'été  ,  foit 
pendant  l'automne  ,  &  elles  produi- 
ronc  beaucoup  d'herbes ,  beaucoup 
de  plajites  ou  vivaces ,  ou  annuelles. 
Toute  cette  verdure  encense  par  un 
fécond  labour  donné  avant  l'hiver , 
périra  ,  pourrira  ,  &c  rendra  à  la  terre 
plus  de  principes  qu'elle  n'en  a  perdu. 
Voilà  déjà  les  matériaux  tous  for- 
més de  la  fèvç.  Lifez  le  dernier  cha- 
pitre du  mot  Culture  j  &  même  cet 


124  L  A  B  L  A  B 

article  en  entier,  afin  de  connoître  qui  n'a  pas  été  labourée.  Dès-lors^ 

les  opinions  des  ditïérens  auteurs  fur  à  la  première  gelée  ,  chaque  goute- 

la  manière  de  labourer  &  fur  les  effets  lette  d'eau  glacée  &  interpofée  entre 

réfultans  de  ce  travail.  Lifez  égale-  chaque    molécule  ,    fera    l'office    de 

ment  l'article  Engrais.  levier ,  &  de  proche  en  proche,  fou- 

Par  le  premier  labour,  celui  d'été  ,  lèvera  de  plufieurs  pouces  la  terre 
une  plus  grande  fuperhcie  de  rerre  déjà  remuée  j  &  lorfque  le  dégel 
eft  expofée  à  la  chaleur ,  à  la  lu-  viendra  ,  elle  reliera  dans  cet  état 
mière  du  foleil  ,  &.  à  l'aélion  des  jufqu'à  ce  qu'une  pluie ,  &  à  la  Ion- 
météores.  Pour  peu  que  la  terre  foit  gue  fon  propre  poids ,  la  falTen:  af- 
Inimide,  la  fermentation  s'établit  dans  failfer.  Si  la  neige  a  recouvert  ces 
toutes  le  fubftances  végétales  &  ani-  filions  pendant  un  temps  alTez  con- 
males  qui  ont  été  enterrées  j  de  cette  fidérable  ou  à  plufieurs  reprifes ,  cette 
fetmentation  réfulte  nécelfairement  neige  a  retenu  les  principes  qui  s'é- 
leur  décompofition  ,  corruption  &  pu-  vaporoient  de  la  terre,  &  fur-tou" 
trélaction  ^  &  dès-lors  le  mélange  in-  Vair  fixe  (  Voye\  ce  mot  ) ,  qui  s'en 
rime  de  leurs  principes  avec  ceux  de  échappe  ,  &  qui  eft  fourni  par  les 
la  terre  végétale  ou  humus  cjui  refte,  corps,  foit  végétaux,  foit  animaux, 
^j   avec  la  terre  matrice  du  champ,  qui  fe  décompcfent  &   fe  putréfient 

Par  le  fécond  labour  ou  hivernage ,  dans  fon  fein.  Lorfque  la  neige  fond, 

la  terre  du  champ  eft  préparée  mé-  elle  rend    à   la   terre    les    principes 

caniquemenr,    mais   d'une    manière  combinés    avec  fon  eau.  11   réfulte 

différente;   i°.  les  graines  enterrées  donc    du   labourage    avant    l'hiver, 

^'  donr  les  plantes  ne  craignent  pas  \°.   la    germination   d'une    certaine 

le  froid,  germent,  pouflent  &  vé-  quantité  de  plantes;  i".  une  divilion 

gètent  dès  que  la  chaleur  ambiante  confidérable  des  molécules  de  la  terre 

2e  l'atmofphère  eft  au  degré  qui  leur  des  filions  \  3°.  la  confervation    par 

convient.  (Foye^  les  belles  expérien-  la  neige  de  Y  air  fixe  qui   fe  fercic 

ces  de  M.  Duhamel  au  mot  Amen-  évaporé.  ( /'o)'e:^  ce  met  ).  Voilà  pour- 

dier).  Voilà  encore  de  nouvelles  her-  quoi  on  dit  que  la  neige  engraijje  la 

tes  pour  l'hiver ,  &  par  conféquent  terre.  Ce  n'eft  pas  par  elle  même  , 

de  nouveaux  engrais  &  de  nouveaux  puifqu'elle    eft   un    fimple  compofé 

matériaux   de   la    levé,   qui    feront  aqueux,  une  eau  très -pure  &  infini- 

enterrés  par  le  premier  labour  après  ment  moins  chargée  de  fel  que  l'eau 

l'hiver  ;    z".  les  frimats,  la   neige  ,  de    pluie.  Cette   eau    a  été  rendue 

la  qlace  ,  £.:c.  font  les  meilleurs  la-  neige  ou  criftallifée  par  l'air  fixe  de 

boureurs   que    je    connoifTe.   Jamais  l'atmofphère;  elle  a  retenu  celui  qui 

charrue  la  mieux  montée  ne  divifera  s'échappoit  de  la  terre ,  fe  l'eft  en- 

&   ne  féparera  les  molécules    de  la  core    approprié  ;    enfin  elle  rend  le 

terre  auffi-bien  qu'eux.  La  terre  gelée  tout  à   la  terre  foulevée  lorfque  le 

occupe  beaucoup  plus  d'efpace  que  dégel    furvient.    Cet  agent  actif  & 

lorfqu'elle  ne  l'eft  pas.  La  terre  fou-  puilTant ,    V air  fixe  ^   n'a  point    été 

levée  par  la  charrue,  &  déjà  en  partie  connu  àes  cultivateurs  :  M  Fabroni, 

divifée  ,  fera  donc  plus   fufceptible  dans  fes  Reflexions  fur  l'état  aciuel 

de  s'imprégner  d'eau ,  que  la  terre  ds  l'JgricuUure  j  eft  le  feul  qui  ait 


L  A  B 

examiné  fes  effets.  Si  on  place  fous 
un  rc^ipien:  lempli  d'air  fixe  ,  un 
peticvafe  quelconque  avec  de  laterre, 
6c  nouvellemen:  enfemencce  ,  l'air 
fixe ,  cet  air  mortel  fera  abforbé  par  les 
graines  à  mefure  qu'elles  germeront, 
&:  rendu  pur  &  refpirable  :  celui  de  la 
neige,  &c  celui  qui  fe  feroit  échappé 
de  la  terre  fans  la  neige  ,  pro- 
duit le  même  effet  fur  les  plantes 
du  champ.  Elles  ne  travaillent  pas 
en-delfus ,  puilque  l'air  ambiant  eft 
trop  frais  ;  mais  leurs  racines  pouf- 
fent avec  force  ,  Se  infiniment  plus 
à  cette  époque  que  dans  toute  autre  : 
vérité  palpable,  qui  démontre  juf- 
qu'à  l'évidence  la  néceffité  du  labour 
avant  l'hiver,  Se  du  labour  aufli-tôt 
après  l'hiver ,  afin  de  mélanger  cette 
couche  fupérieure  de  terre  avec  l'in- 
férieure, &  l'enrichir. 

J'ai  conleillé  un  troifième  labour 
après  l'hiver,  c'eft-à  dire  à  l'époque 
que  la  plus  grande  partie  des  grai- 
nes qu'on  appelle  rtiauvaifes  herbes  , 
aura  germé ,  fera  fortie  de  terre , 
&  même  avancée  en  végétation  juf- 
qu'au  point  d'être  fleurie  ,  parce  qu'a- 
lors ces  herbes  font  dans  leur  plus 
grande  force,  rendent  infiniment  plus 
de  principes  à  la  terre  qu'elles  ne 
lui  en  ont  dérobé.  On  ne  doit  ja- 
mais perdre  de  vue  que  la  terre  vé- 
gétale ou  humus  ,  ou  terre  foluble 
dans  l'eau  ,  enfin  cette  terre  précieufe, 
l'ame  de  la  végétation  ,  n'eft  autre 
chofe  que  la  terre  qui  a  déjà  fervi 
à  la  charpente  des  végétaux  &  des 
animaux;  que  c'eft  la  feule  qui  fubf- 
tente  la  végétation ,  Se  la  feule  qui 
entre  dans  la  compcfuion  de  la  fèvej 
car  la  terre  -  matrice  n'eft  que  fon 
réceptacle,  &  n'tft  rien  par  elle-même. 

J'appelle  ces  trois  labours  prépa- 
ratoires j  parce  que ,  -fuivciuc  moi ,  ils 


L  A  B  115 

n'ont  pour  but  que  d'empêcher, 
1  0.  les  mauvaifes  herbes  de  grainer  j 
10.  (le  les  enfouir,  afin  de  créer  de 
leurs  débris  la  terre  végétale  ;  5  c  pour 
mettre  la  terre  dans  une  difpofition 
de  s'imprégner  des  effets  des  météo- 
res. Les  labours  dont  il  va  être  quef- 
tion  méritent  d'être  appelles  labours 
de  dlvi/ion  j  c'ed-à- àïïe ,  propres  à 
divifer  k  terre  déjà  foulcvie  par  les 
travaux  précédens  ,  à  en  brifer  les 
motes,  en  un  mot,  à  la  rendre  affez 
meuble  &  affez  atténuée  pour  que 
la  radicule  du  grain  qui  fera  femé, 
puiffe  pivoter  avec  facilité  &  promp- 
tement  à  cinq  à  dx  pouces  de  pro- 
fondeur ;  enfin ,  pour  que  les  racines 
latérales  &  chevelues  ne  trouvent 
aucun  obftacle  à  s'étendre  &  à  fe 
multiplier. 

Les  labours  de  divijion  doivent  être 
faits  coup  fur  coup ,  c'eft-à-dire ,  qu'il 
faut  labourer,  croifer  Se  recroifer  eu 
tout  fens  jufqu'à  ce  que  la  terre  foie 
allez  ameublie.  Se  femeraudî-tètpar- 
deilus.  Si  les  trois  premiers  labours ,  Se 
fur- tout  le  fécond  Se  le  troifième ,  ont 
été  donnés  à  la  profondeur  convena- 
ble y  s'ils  ont  été  donnés,  non  en 
croix,  mais  fur  des  lignes  très-obli- 
ques  les  unes  à  l'égard  des  autres  , 
il  cft  clair  que  toute  la  malfe  de 
terre  aura  été  foulevée  «Se  bien  fou- 
levée  ,  puifqu'on  aura  eu  le  choix  du 
temps  où  la  terre  n'aura  été  ni  trop 
fèche,  ni  trop  humide,  &  par  con- 
féquent  elle  ne  fera  ni  trop  dure  , 
ni  foulevée  en  mottes.  Si  au  con- 
traire, d'après  lefyffême  de  plufieurs 
auteurs  modernes,  qui  font  confif- 
ter  toute  l'agriculture  en  labours  mul- 
tipliés ,  on  n'a  ceffé  de  labourer  le 
même  champ  à  intervalles  très-rap- 
prochés ,  il  réfultera  de  ces  labours 
naultipliés  ,  i".  le  ûérangemeuc  de 


Il<î 


L  A  B 


certe  fermentation  inteftine  qui  dc- 
compofe  les  lunllances  animales  & 
végétales,  &  qui  de  leur  décompo- 
fition  prépare  \x  terre  végétale  ,  & 
la  combine  avec  les  matériaux  de 
la  fève  ;  i".  ils  cauferont  une  évapo- 
ration  lenfibîe  ,  iSc  ttès-fenfible,  des 
principes  de  la  terre. 

On  niera  peut-être  cette  féconde 
alTertion  ;  mais  que  répondre  à  ces 
points  de  fait  ?  Le  dépôt  de  rofée 
eft  plus  abondant  fur  un  cliamp  bien 
labouré ,  que  fur  celui  qui  ne  l'eft 
pas  (toute  circonftance  égale  de  ciiamp 
à  champ,  ce dernierfuppofé  dépouillé 
d'herbes  ).  Or ,  la  rofée  efl:  plus  for- 
tement attirée  par  ce  premier  champ. 
11  y  aura  donc  au  lever  du  foleil, 
&  pendant  fa  vive  aétion  dans  la 
journée,  une  plus  forte  évaporation? 
La  preuve  en  efl:  que  tous  les  fluides 
doivent  fe  mettre  en  équilibre  ,  & 
que  l'eau  contenue  entre  les  molé- 
cules de  la  terre,  doit  fe  fublimec 
en  raifon  de  la  chaleur  qui  l'attire  ; 
&  cette  attradion  de  l'air  fixe  & 
de  l'humidité  intérieure,  ell  encore 
aiguillonnée  par  l'évaporation  de  la 
rofée  qui  donne  ,  fi  je  puis  m'es- 
primer  ainlî ,  des  ailes  aux  deux  au- 
tres. En  effet,  une  terre  labourée  fe- 
che  bien  plus  vîte  qu'une  terre  qui 
ne  l'eft  pas  ;  &  fa  ficcité  dépend  de 
la  plus  grande  évaporation.  Voici 
une  preuve  plus  forre  encore  :  dans 
un  jour  très-chaud  d'été,  &  lorfque 
le  foleil  eft  près  du  milieu  de  Ion 
cours ,  placez-vous  de  manière  qu'une 
grande  partie  du  champ,  fortement 
labouré,  foit  horifontale  à  votre  vue, 
&  vous  appercevrez  à  la  hauteur  de 
deux  à  trois  pieds  au-delfus  de  la  fur- 
face  du  fo!  ,  une  fcintillation  très- 
vive  ,  très-fémillante  :  mettez  -  vous 
dans  la  même  pofuion  vers  ua  champ 


L  A  B 

non  labouré  ou  anciennement  la- 
bouré ,  l'activité  de  cette  fcintïHa- 
tion  fera  bien  moins  forte.  (Quelle 
eft  donc  la  matière  de  cette  fv;in- 
tiilation  ,  linon  celle  des  vapeurs  qui 
fe  fubliment  ?  Dira- 1- on  qu'elle 
tient  hmplement  à  la  réverbération 
des  rayons  du  foleil  ?  Si  cela  ctoit , 
un  champ  non  labouré  les  réfléchi- 
ro't  beaucoup  mieux.  En  effet,  il  les 
réfléchit  mieux,  ainfi  que  tous  les 
corps  durs  ;  mais  on  n'y  remarque 
pas  la  même  fcintillation.  La  terre 
nouvellement  labourée  eft  plus  brune 
que  celle  qui  l'eft  depuis  long  temps, 
elle  doit  donc  abforber  beaucoup  plus 
de  rayons  folaires  ,  s'échauffer  da- 
vantage [f"oye:[\e  mot  chaleur),  Se 
produire  moins  de  fcintillementi  & 
c'eft  précifément  tout  le  contraire, 
ils  y  font  plus  hauts  Si  plus  abon- 
dans....  Les  labours  faits  pendant  les 
groffes  chaleurs  font  plus  nuifibles 
qu'utiles,  fur-tout  s'ils  font  fouvenc 
répétés.  Ces  principes  paroiflent  en 
contradiction  avec  ce  vieux  &  utile 
proverbe  :  labour  d'été  vaut  jumier. 
Mais  il  s'agit  de  s'entendre  :  les 
proverbes  ne  feroient  pas  devenus 
tels,  s'ils  n'étoient  fondés  fur  l'ex- 
périence. Ce  labour  vaut  fumier , 
parcequ'il  accélère  la  décompofuiou 
des  fubftances  animales  &  végétales, 
&  fur-tout  parce  qu'il  enfouit  beaucoup 
d'herbes  prêtes  à  grainer ,  &  qui  au- 
ront le  temps  de  pourrir  avant  les 
femailles  5  mais  fi  on  laboure  à  plu- 
fieurs  reprifes  confécutives  ,  afin  de 
rendre  la  terre  du  champ  meu- 
ble comme  celle  d'un  jardin  ,  on 
épuife  cette  terre ,  &  le  mal  ne 
peut  fe  réparer  que  par  les  engrais, 
11  n'ert  pas  encore  temps  de  fonger 
à  cette  grande  divilion.  On  ne  doit 
jufqu'à  ce  moment  avoir   en  vue  , 


L  A  B 

ï*.   que  (î'enterrer  le  plus  d'iierbe"! 
qu'il  eft  poOlble.  Or,  Ci  on  laboure 
coup  fur  coup ,  il  n'y  aura  point  d'her- 
bes &•    beaucoup  d'évaporation   inu- 
rile.    J'ai    dit   &   je  dirai   fans  ceife 
que  ces  herbes  rendent  plus  à  la  terre 
qu'elles  n'en  ont  reçu  ,   &:  c)ue  par 
leurs  décompcfitions  elles  deviennent 
un  des  premiers  élémens  de  la  fève 
&  de  la  charpente  des  plantes  à  venir. 
i°.  De  ramener  la  terre  de  delluus 
audeilus,  ahn  de  lui  donner,  non  le 
tems  de  fe  cuire  j  fuivant  l'expreflion 
triviale,  mais  de  s'imprégner  des  ef- 
fets des  météores  ,  de  la  chaleur  &c 
de  la  lumière  du  foleil.  Or ,  par  les 
labours  répétés <Sc  multipliés, ces  opé- 
rations ne  peuvent  avoir  lieu  ,  fur- 
tout  la  dernière^  &  par  la  première, 
la  terre  ,  il  eft  vrai ,  eft  bien  remuée  , 
mais  celle  de  delfous  y  revient  trop 
vite  ,  8c  ne  refte  pas  allez  long  temps 
expofée  à  l'air.  Ces  faits  font  fi  vrais , 
que  les  plus  grands  parnfans  des  fré- 
quens  labours  ont  vu  &  font  convain- 
cus par  l'expérience ,  que  leurs  terres , 
après  plufieurs  années  ,  ont  été  plus 
cpuifées,  qu'en  fuivant  les  méthodes 
ordinaires.   On  échaffaude   des    fyf- 
têmes  ,  on  prend  pour  leur  bafe  un 
objet  de  comparaifon  quelconque  ; 
par  exemple ,  la  fécondité  du  fol  d'un 
jardin;  on  conclut  du  petit  au  grand; 
tout  l'édifice   s'écroule  enfin  ,  après 
avoir  ruiné  le  zélateur  du  fydême, 
Perfonne    n'a    jamais    douté    de   la 
bonne  qualité  des  terres  des  jardins; 
mais  vouloir  rendre  celles  des  champs 
égales  ,    la    chofe   eft  ,    moralement 
parlant,  plus  qu'impoflible.  Si  on  le 
tente  ,  la  dépenfe  excédera  la  valeur 
de  l'achat  du  champ,   &  on  l'épui- 
fera  à  coup  sûr  à  la  longue,  à  moins 
«^u'oii  n'y  multiplie  les  engrais;  eux 


L  A  B  117 

feuls  peuvent  réparer  les  pertes  eau- 
fées  par  l'évaporation.  jNc  voit -on 
pas  que,  dans  un  jardin,  les  engrais 
animaux  font  très-multipliés,  ^-  que 
chaque  quarceau  eft  fumé  au  moins 
une  tois  par  année  ;  que  les  débris 
des  feuilles ,  des  tiges ,  6cc.  fourni f- 
fent  perpétuellement  les  matériaux 
de  la  fève  ,  &  qu'il  en  eft  de  ces 
herbes,  relativement  au  jardin,  com- 
me des  herbes  pour  un  pré.  11  n'y  a 
qu'une  feule  méthode  capable  de 
faire,  très  à  la  longue,  reflembler  Is 
fol  d'un  champ  à  celui  d'un  jardin 
ou  d'un  pré ,  c'eft  d'aàer/ier  ce  champ , 
(  Fo\e~  ce  mot  )  c'eft  d'y  créer ,  d'y 
multiplier  des  plantes,  (Se  de  les  y 
enterrer. 

Les  groffes  chaleurs  paftces,  cha- 
cun fuivant  fon  climat,  il  eft  temps 
alors  de  commencer  les  labours  de 
dïvifwns  y  c'eft-à-dire,  ceux  qui  doi- 
vent émietter  la  terre.  On  fuppofe 
que  les  trois  premiers  auront  été  don- 
nés à  une  profondeur  convenable  ; 
dès  -  lors  ces  derniers  s'exécuteront 
fans  peine,  C'eft  le  cas  de  croifer  & 
de  recroifer  les  premiers;  mais  après 
ce  premier  labour,  de  palier  la  herje, 
(  /  t))'e^  ce  mot  )  qui  divifera  les 
mottes ,  par  conféquent  le  fécond 
croifage  n'en  foulévera  plus,  &  s'il 
en  fouléve  encore  un  grand  nombre, 
on  herfera  de  nouveau.  Si  la  terre  eft 
alTez  ameublie,  ces  deux  labours  fuf- 
firont,  «Se  la  terre  recevra  la  fcmence 
fur  un  troifième  labour,  ou  fur  un 
quatrième,  fi  le  befoin  l'exige,  ce 
que  je  ne  crois  pas.  L'avantage  de 
palfer  la  herfe  fur  chaque  labour,  ex- 
cepté fur  le  dernier  avant  de  fcmer, 
ne  confifte  pas  feulement  à  biifer  les 
mottes  ,  il  empêche  que  l'évapora- 
tion ne  foit  aufli  forte  que  fi  le  Sillon 


iiS 


L  A  B 


écoit  refté  inr.'.â:,  ce  qui  eft  un  grand 
&  an  très-grand  point. 

De  toutes  les  pratiques,  la  plus 
abfui.de  elT:  de  femer  fur  des  labours 
anciennement  faits  j  on  dit  pour  rai- 
fon  ou  pour  excufe,  qu'on  refroidit 
la  terre,  que  le  grain  germe  moins 
bien.  Que  l'onfème  tard  ou  de  bonne 
heure  ,  l'excufe  eft  pitoyable  ,  à 
moins  qu'on  iie  fème  pendant  la 
gelée,  &;  je  ne  crois  aucun  cultiva- 
teur affez  dépourvu  de  bon  fens  pour 
agir  de  la  force.  Dans  les  pays  où  la 
lemence  eft  enterrée  par  la  herfe  , 
comment  la  herfe,  quelques  longues 
que  foient  fes  dents,  pourra-t-elle 
enterrer  &  recouvrir  le  grain  ?  à  peine 
les  dents  s'enfonceront- elles  dans  la 
terre ,  &  le  grain  fera  enfeveli  fous 
une  morte  de  terre ,  ou  nullement 
enterré.  Dans  ceux  où  l'on  recouvre 
le  grain  avec  la  charrue  ,  appellée 
araire  j  on  avec  la  petite  charrue  à 
oreille  ou  verfoir,  ce  fera  encore  des 
mottes  que  l'on  foulévera ,  &  le  grain 
qu'elles  recouvriront  ne  germera  pas; 
au  lieu  que  dans  tous  ces  cas,  fi  la  terre 
avoir  été  fraîchement  remuée  avant 
les  femailles,  &  le  grain  recouvert  à 
la  herfe  ou  par  un  léger  labour ,  il  fe 
feroit  trouvé  dans  une  terre  meuble, 
&Ies  racines  l'auroient  promptement 
pénétrée  5  enfin  aucun  grain  n'auroit 
été  perdu. 

Eft-il  poflible  de  fuivre  la  méthode 
de~labourer  que  je  propofe  dans  toute 
l'étendue  du  royaume?  Elle  l'eft  jaf- 
qii'à  un  certain  point  pour  tous  les 
climats  j  &  louffre  peu  de  modihca- 
trons.  Dans  toutes  nos  provinces  on 
éprouve  les  quatre  faifons ,  quoi- 
qu'elles commencent  ou  finilTent  plus 
tard,  fuivant  les  lieux;  ainfi  dans 
chacjue  endroit  on  a  la  libeité  <Sc  le 


L  A  B 

choix  du  temps  pour  donner  un  la- 
bour avant  Thiver;  on  a  le  même 
choix  après  l'hiver  &c  à  la  fin  du  prin- 
temps ;  ainfi  nulle  difficidté  quant  aux 
labours  préparatoires.  Quant  à  ceux 
de  divifi'ons  y  on  objedlera  qu'on  n'a 
pas  a  (lez  d'animaux,  qu'il  y  a  trop 
peu  de  temps,  &  enfin  que  î\  on 
attend  l'approche  de  l'époque  des  fe- 
mailles, il  fera  impoffible  de  bien 
divifer  la  terre  de  tous  les  champs; 
que  prouvent  ces  exceptions  ?  Rien 
du  tout,  finon  que  le  travail  eft  tou- 
jours au-delfus  des  forces ,  qu'on  la- 
boure beaucoup  &  qu'on  laboure  mal , 
enfin  que  tout  fe  fiit  à  la  hâte.  Je 
prefcris  ici  la  méthode  de  labourer 
qui  me  paroît  &  que  l'expétience 
me  prouve  la  plus  avanrageufe;  cha- 
cun s'y  conformera  autant  que  fa  vo- 
lonté ou  fes  moyens  le  permettront. 
On  objectera  encore  (S:  on  dira  : 
A  quoi  employera-t-on  les  animaux 
pendant  l'intervalle  des  labours  pré- 
paratoires ^  ou  pendant  l'intervalle  de 
ceux-ci  à  ceux  de  divijions.  L'occupa- 
tion ne  manque  jamais  dans  une 
grande  métairie  lorfqu'elle  eft  bien 
conduite;  c'eft  le  temps  qui  manque, 
parce  qu'on  n'eft  jamais  alfez  fort  en 
beftiaux,  en  valets,  ^'c.  N'a-t-on  pas, 
à  ces  époques ,  les  fumiers  à  tranf- 
porter  ainlî  que  les  terres,  pour  en- 
richir les  champs  pauvres;' n'eft- ce 
pas  encore  la  faifon  de  charier  les 
bois,  les  fiibles ,  les  pierres  nécefiaires 
aux  réparations ,  &c.  Si  tous  ces  tra- 
vaux font  inutiles ,  ce  que  je  ne  crois 
pas,  aidez  vos  voifinsà  labourer  leurs 
champs  fuivant  leur  fantaifie ,  mettez- 
les  en  avance  pour  le  travaili  mais  à 
condition  qu'ils  vous  rendront,  lors 
des  labours  de  divijicns  j  journées  pour 
journées,  d'hommes  &  de  beftiaux, 

alors 


L  A  B 

alors  tout  fera  fait  à  l'aife ,  fans  prc- 
cipitation  &:par  conféquenc  coiic  lera 
bien  fait. 

Je  connois  pliifieurs  cantons  dans 
le  royaume,  où  l'an  ne  laboure  les 
terres,  très-boniies  à  la  vérité  ,  qi;e 
pendant  le  mois  ou  les  fix  femaints 
qui  précédent  l'époque  des  femailles , 
c<  où  cependant  les  bleds  font  de  la 
plus  grande  beauté.  Ce  genre  de  cul- 
ture me  furprit,  isrj'obfervai  i°.  que, 
depuisunerécoltejufqu'aux  femailles 
fuivantes,  ces  champs  fervoient  de 
parcours  au.\  troupeaux  ,  t*^  que  les 
propriétaires  avoient  grand  foin  de 
détruire  les  berbes  que  les  moutons 
dédaignoienr&  reKifoient  démanger. 
2°.  Qu'ils  y  conduifoient  leurs  trou- 
peSftx  à  des  époques  éloignées,  afih 
que  l'herbe  broutée  eut  le  temps  de 
"repoulfer.  3°.  Que  les  enfans  arra- 
choient  les  coque! icos  &  autres  her- 
bes (que  les  moutons  ne  mangent 
pas)  lorfqu'ils  éuoienten  pleine  fleur, 
ôc  ils  laifioient  la  plante  furie  champ 
fe  confommer.  4".  Si ,  lors  des  pre- 
miers labours,  la  terre  éroit  dure, 
fèche  ,  ils  atteloient  à  la  charrue 
quatre  bœufs  au  lieu  de  deux,  &  la 
charrue  palToit  deux  fois  dans  la 
même  raye  ,  afin  d'ouvrir  un  fdlon 
de  fix  pouces  au  moins ,  ou  de  huit 
pouces  au  plus  de  prol-ondeur.  5°. 
•Que  des  enfrns  ,  des  femmes  ,  ar- 
més de  petits  maillets  de  bois,  lon- 
guement emmanchés,  frappoient  fur 
les  mottes  &  les  brifoient ,  de  ma- 
nière qu'en  fix  femaines  de  temps 
la  terre  croit  parfaitement  labourée, 
&  fes  molécules  bien  divifées.  J'avoue 
n'avoir  pas  mis  en  pratique  cette  mé- 
thode de  cultiver;  malgré  cela  elle 
me  paroit  mériter  d'être  examinée 
&  fuivie  de  près  dans  plufieurs  can- 
tons,  fur- tout  dans  ceux  où  les  bras 
Tome  FI. 


L  A  B 


119 


S.<    les  animaux  ne   manquent   pas. 

Cette  méthode  confirme  ce  que 
j'ai  dit  plus  haur  au  fujet  de  l'éva- 
poration.Ces  labours,  dans  ce  cas, 
donnés  coup  fur  coup,  détruifent  &c 
enfouiflent  les  racines  des  plantes, 
mêlent  le  crorin  des  moutons  avec 
les  molécules  de  la  terre,  &c  celles 
du  delfous  comme  du  deiïlis  fe 
trouvent  bien  mélangées.  Le  crotin 
fert  d'engrais ,  il  facilire  ia  geimi- 
nation  &  Çon  développement  ,  Se 
cà  mefure  que  les  herbes  pourrilfent, 
le  nombre  &  l'extenfion  des  racines 
augmente.  Je  penfe  qu'une  pareille 
méthode  feroit  très-utile  fur  un  fol 
de  médiocre  qualité  ;  la  grande  at- 
tention à  avoir  eft  de  détruire  les 
herbes  dédaignées  par  les  troupeaux, 
afin  de  les  empêcher  de  fe  reproduire 
par  la  graine.  '  ;  ',  \ 

Les  principes  que  j*ai  établis  font 
en  conrradiélion  formelle  avec  ceux 
des  fyftêmes  de  culture  qui  furent  fi 
fort  à  la  mode  il  y  a  vingt  à  trente 
ans,  c\'  rapportés  au  mot  Culture; 
je  crois  les  miens  fondés  en  théorie, 
&:  j'ai  l'expérience  de  leur  réiifllte. 
Je  ne  demande  pas  qu'on  les  adopte, 
mais  qu'on  ait  la  complaifance  de  les 
mettre  en  pratique  fur  un  champ 
quelconque,  &  fui-tour  que  l'on  juçe 
par  comparaifon  ,  en  rendant  les  clr- 
conftances  égales  :  alors  on  pronon- 
cera d'une  manière  sûre  fi  j'ai  tort 
ou  fi  j'ai  raifon.  L'expérience  doit 
être  le  feul  guide  en  agriculture,  Se 
l'art  de  préparer  les  terres  n'admet 
point  d'hypothèfe.  Je  n'attache  au- 
cune prétention  à  ma  manière  d'é- 
crire, je  dis  ce  que  je  vois,  ce  que 
j'exécute  &  ce  qui  me  réufiir;  je  ferai 
trcs-reconnoiiïant  envers  celui  qui 
me  fera  connoître  un  meilleur  plan 
de  labour. 

R 


ijo  L  A  B 

CHAPITRE     II. 

Comment  faut-il  labourer  ? 

Jufqu'à  préfent,  tout  a  été,  pour 
aiufi  dire,  fpéciilation  pour  le  cul- 
tivateur &  objet  de  méditation  :  il 
s'agit  actuellement  de  la  pratique  , 
&  cette  pratique  fuppofe  l'examen 
d,  trois  queflionsj  \° .  quelle  doit 
être  la  profondeur  du  labour  rela- 
tivement à  un  champ?  i*' .  Dans 
quelle  circojiftance  doit -on  labou- 
rer? 3°.  Comment  faut-il  labourer? 


S  E 


CTION        PREMIERE. 


Quelle  doit  être  la  profondeur  du 
labour  relativement  à  la  qualité  de 
la  terre  ? 

Le  cultivateur  ,  avant  de  labou- 
rer, doit  avoir  étudié  &  connoître, 
i*".  quelle  eft  la  profondeur  de  la 
couche  fupérieure  du  champ,  &  fa 
qualité  ?  z".  Dans  la  fuppoiuion 
qu'elle  foit  mince  ,  de  quelle  nature 
eft  celle  dé  delTous  ?  3".  Quel  eft 
le  parallèlifme  ou  l'inclinaifon  de 
fon  champ  ?  enfin  les  avantages  qu'il 
peut  retirer,  ou  ce  qu'il  doit  craindre 
de   l'inclinaifon? 

I.  De  la  profondeur  de  la  couche 
fupérieure ,  &  de  fa  qualité.  Toute 
plaine  en  général  eft  primordialement 
l'ancien  lit  des  eaux  lorfqu'elles  cou- 
vrirent la  furface  de  la  terre  \  par- 
conféquent  elle  eft  toujours  formée 
par  un  dépôt  :  ce  dépôt  eft  fertile  , 
ou  de  médiocre  qualité,  ou  mauvais, 
fuivant  les  matériaux  dont  il  eft 
compofé.  On  doit  les  appeller  dé- 
pôts de  première  formation.  Pour 
nvoir  une  idée  générale  de  la  ma- 
jiièredont  ils  fe  font  établis,  il  fufRt 
de  jeter  un  coup-d'ceil  fur  la   carte 


L  A  B 

géographicfue  des  badins  de  Franc*-, 
&  lur  leurs  defcriptions ,  inférées  au 
mot  Agriculture.  Tel  eft,  par  exem- 
ple ,  le  banc  de  craie  qui  traverfe 
toute  la  France  de  l'eft  au  nord-oueft, 
&  qui  fe  prolonge  jufqu'à  l'extrémité 
de  l'Angleterre  \  tels  font  les  faluns 
de  Tourraine,  (Sic.  &:c.  Ces  premiers 
dépôts  dans  la  plaine  ont  été  enfuite 
améliorés  oudérériorés  par  des  caufes 
accidentelles  ;  tels  font  les  dépôts  des 
rivières,  des  fleuves ,  qui  dans  leurs  dé- 
bordemens  exhaulTent  les  plaines  avec 
les  terres  ou  fables ,  ou  pierres  qu'ils 
charrient  :  enfin  ,  pat  leur  change- 
ment de  lits  fucceffifs,  attirés  tantôt 
par  une  montagne,  tantôt  par  une 
autre.  De  ces  différentes  circonftaa- 
ces  préfentées  ici  très  en  abr^é  , 
dépend  la  qualiré  de  la  couche  & 
fa  profondeur.  On  peut  encore  ajou- 
ter quCj  pour  l'ordinaire,  la  couche 
de  terre  de  la  plaine  eft  toujouts  de 
même  nature  que  celle  des  pierres 
des  montagnes  voihnes  ,  6c  que  le 
grain  de  terre  n'eft  que  le  débris  de 
ces  pierres.  Ainfi,  en  fuppofant  les 
montagnes  circonvoifines  calcaires, 
les  terres  de  la  plaine  feront  bonnes. 
Si  les  montagnes  font  de  granit , 
ou  d'autres  fubftances  vitrefcibles. , 
le  fol  fera  maigre ,  pauvre  &  ttès- 
fablonneux,  &c.  On  doit  encore  con- 
fidérer  fi  le  courant  des  fleuves  &: 
des  rivières  eft  rapide  ou  lent  j  dans 
le  premier  cas ,  la  bonne  terre  en- 
traînée &  dilfoute  par  l'eau  ,  eft  por- 
tée au  loin,  &  le  fable  vif  fait  la 
moitié  du  dépôt  ou  fa  totalité.  Si 
le  cours  eft  lent ,  la  terre  dilfoute  a 
le  temps  de  fe  dépofer ,  &  le  fol  de- 
vient fertile.  Il  réfulte  de  ces  circonf- 
tances  foit  éloignées  ,  foit  nouvel- 
les ,  que  les  couches  de  terre  font 
en  raifon  d'^s  caufes  qui  les  ont  fot-; 


L  A  B 

Bîées.  Cette  origine  importe  peu  au 
commun  des  culcivateurs  5  mais 
elle  devient  inftrudive,  curieufe  «Se 
amufiinte  pour  celui  qui  étudie  le 
grand  livre  de  la  nature. 

Pour  connoître  la  profondeur  & 
la  qualité  de  la  couche  fupcneure,  il 
■faut,  avec  unebcche  ,  une  pioche,  &c. 
faire  ouvrir  des  tranchées  à  diftcreiis 
endroits  du  champ,  &  fouillera  la 
profondeur  de  deux  pieds.  Heureux 
celui  qui  trouvera  une  terre  homo- 
gène &  de  bonne  qualité.  Des  re- 
cherches poftérieures  font  inutiles , 
ou  du  moins  de  pure  curiofité  ,  tant 
qu'il  ne  s'agira  que  de  la  culture  des  • 
grains  j  mais  s'il  eft  queftion  d'un 
jardin  fruitier  (  J^oye~  ce  mot  ) ,  cette 
couche  fiipérieure  ne  fera  pas  fuffi- 
fante.  Ce  n'eft  point  ici  le  cas  d'en- 
trer dans  de  plus  grands  détails. 

II.  De  la  couche  inférieure.  Si  la 
couche  fiipérieure  porte  fur  une  cou- 
che épaille  d'argille,  la  première  fera 
naturellement  humide  ,  parce  que 
les  eaux  n'auront  pas  la  facilité  de 
s'écouler.  11  en  fera  ainh  ii  la  cou- 
che inférieure  eft  ferrugineufe  &  par 
lit,  comme  dans  les  landes  de  Bor- 
deaux, delà  Hollande,  de  la  Flandre 
Autrichienne  près  d'Anvers ,  ou  s'il 
fe  trouve  des  bancs  calcaires  à  gran- 
des couches  \  h  au  contraire  la  partie 
inférieure  eft  fabloneufe,  caillouteufe, 
la  fupérieurc  fera  toujours  fèche,  à 
caufe  de  la  facile  inhltratiou  des 
eaux. 

Dans  le  premier  cas ,  les  labours, 
même  les  plus  profonds,  font  muti- 
les; il  vaut  beaucoup  mieux  ouvrir 
des  tranchées  d'écoulement  qui  tra- 
verferont  le  champ  j  &  pour  ne  point 
perdre  de  terrein ,  les  remplir  de 
cailloux  ,  de  groffes  pierres  ,  3c  re- 
couvrir le  tout  avec  deux  pieds  de 


L  A  B  131 

bonne  terre.  Ce  moyen  aiïainit  le 
champ  ,  &  rend  la  terre  labourable 
à  la  profondeur  qu'on  exige.  Dans 
le  fécond  ,  on  peut  fouiller  proton- 
dément  par  les  labours  préparatoires  ; 
mais  on  a  à  craindre  dans  la  fuite 
les  eftets  de  la  fécherelTe ,  fur-tout  dans 
les  pays  méridionaux ,  à  caufe  de  la" 
grande  évaporation. 

Si  la  couche  fnpérieure  eftargilleufe 
ou  créracée  ,  les  labours ,  foit  de  prépa- 
ration ,  foit  de  divilion  ,  ne  fauroient 
être  rrop  profonds,  parce  que  cette 
terre  rebelle  a  malheureufement  une 
forte  tendance  au  rapprochement  de 
fes  molécules  extrcmemenr  déliées 
dès  qu'il  furvienr  de  la  pluie. 

Si  au-delîous  d'une  couche  mince 
d'argille  ou  de  craie,  il  fe  trouve  de 
la  terre  végétale  ou  du  fable,  ou  du 
petit  cailloutage  ,  c'eft  le  cas  de  ne 
rien  épargner,  ahn  de  percer  cette 
première  couche.  Alors,  du  mélange 
de  ces  fubftances  de  différens  lits , 
il  en  réfulrera  une  terre  très-pro- 
dud:ive  en  bled.  Défoncer  le  fol  à 
la  bêche  ou  à  la  noue  (  f'^oye'^  ces 
mots  ) ,  vaudroit  beaucoup  mieux  que 
les  labours ,  &:  feroit  plus  coûteux  , 
mais  le  produit  dédommageroit  de 
la   dépenfe. 

Si  au  contraire  la  couche  fiipé- 
rieure eft  caillouteufe,  &  l'inférieure 
tenace ,  c'eft  encore  le  cas  des  dé- 
foncemens  ou  des  labours  très-pro- 
fonds :  fi  la  première  eft  fabloneufe 
ou  caillouteufe  ,  ou  maigre  &  rou- 
geâtre  par  le  fer  qui  la  colore,  & 
la  couche  inférieure  une  bonne  rerre 
végérale  j  on  ne  doit  rien  épargner 
pour  ramener  celle-ci  à  la  furface  , 
&  la  bien  mélanger  avec  le  refte. 

Si  la  couche  fupérieure  eft  bonne, 
mais  de  peu  d'épaifteur,  (?c  que  l'infé- 
rieure foie  maigre  (Se  mauvaife  ,  il  faut 

R  1 


132            L  A  B  L  A  B 

fe  contenter  de  labours  légers  5  &  ce-  lité  eft  beaucoup  fupérieure  à  celle 
pendantchaque  année  foulever  un  tra-  des  blés  de  la  plaine,  ou  venus  dans 
vers  de  doigc  ou  deux  de  l'inférieure  de  bons   fonds, 
(fuivanc  l'épaiireur  de  la  couche  fu-  On  doit   conclure  que  la  profon- 
périeure) ,  ahn    de  la  inétamorpho-  deur  des  labours  fagemenc  fairs ,  dé- 
1er  petit  à  petit  en  bonne  terre.  Trop  pend   de    la  qualité    de    la    couche 
hâter  ce  défoncement,  c'eft  nuire  à  fupérieure  &  de  celle  de  la  couche 
la  inaiïe  du  champ.  Cette  terre  ché-  inférieure  ;  que  fans  cette  attention, 
tive  appauvriroit  trop  la  bonne   tout  on  cultivera   toujours    mal  ^    enfin, 
a  la  foisj  &  n'auroit  pas  le   temps  que  chaque   champ  demande  un  !a- 
de   s'imprégner   des   effets  des   mé-  bout  particulier  ,  dès  que  les  circonf- 
téores ,  &  de  s'amalgamer  avec   les  tances  ne  font  plus  les  mêmes, 
débris  des  fubftances  animales  &  vé-  III.  Des  labours  relatifs  au  paral~ 
gétales,  &   de  compofer   \ humus  qw  lèlifme ,  ou  à  l'inclinaifûii  du  champ, 
terre   végétale  principe.  1°.  Du  parallèlifmc.W  t9i^x(:ic^v.Q 
Si   fous  la    couche   fupérieure  &  moralement    impolfible    que   le  fol 
mince  fe  trouvent  des  rochers,  des  d'un  champ  foit  parfaitement  de  ni- 
liancs  de  pierres  ,  il  n'cft  pas  nécef-  veau,   &  qu'il    n'y     ait    une    pente 
faire  de  prévenir  que  les  labours  pro-  quelconque  vers  un  ou  plulieurs  de 
fonds  font  inutiles ,   puifqu'ils  font  fes  côtés.   Dans   ce  cas  ,   il   eft  aifé 
jmpofllbles.  Mais  fi   ces   rochers,  fi  de   donner  ilfue  aux    eaux  furabon- 
ces  bancs  font  calcaires ,  &  fur-tout  dantes  ,  &c  par  conféquent  de  labou- 
s'ils  le  lèvent  par  feuillets  minces  ,  rer  comme  on  le   jugera  à  propos , 
comme  dans  le  grand  banc  de  cette  après  avoir  auparavant  bien  étudié  la 
nature  j   qui  s'entend  depuis    Blois  nature  du  terrein.  La  coutume  eft  , 
julqu'à  l'extrémité  de  l'Angoumois,  lorfque  le  fol  eft  goutteux  &  qu'il 
Se  dans  plufieurs  autres  endroits  du  retient  l'humidité ,   de  labourer   on 
royaume  ,  on  fera  ttès-bien  de  fou-  en  planche,  ou  en  bïllons  {Voye\  ce 
lever    ces   feuillets,    de  les   divifer  mot  )  ou  enfin  à  plat;  mais   en  ou- 
à  fotce  de  palTer  la  charrue ,   parce  vrant  de  grandes  rigoles  de  diftan- 
qu'ils  font  tendres ,  qu'ils  fe  décompo-  ces  en  diftances ,  plus  ou  moins  mul- 
fent   6c  fe  réduilent  en  terre,  lorf-  tipliées  ,   fuivant  le  befoin.  11    con- 
qu'ils  font  expofés  à  l'air.  Quoique  vient  de  relire  l'article  liillon  j  afin 
de  tels  champs  n'offrent  à  l'œil  que  de  fuivre  ce  qui   a   été  dit  telative- 
l'afpeét  d'un  débris    de   pierrailles ,  ment  au  parallèlifme  du    foi.    Pour 
ils  donnent   des  blés    fuperbes.   Les  peu  qu'il  air  de  pente  ,  je  préfère  à 
pierres,  les   cailloux    empêchent   la  tous  égards  le  laboura  plat,  coupé 
grande  évanoration  de  l'humidité,  &  par  des  fang  fues  ou  rigoles,  parce 
cependant  ils  augmentent  la  ihaleut  qu'on  n'a   pas   à  craindre  la  ftagna- 
du  fol  par  celle  qu'ils  s'appropiient  tion  des  eaux  ,  &  fur-rout  parce  qu'il 
en   raifon  de  leur  dureté.  Cela  eft  iî  n'y  a  point  de  terrein  perdu  ou    de 
vrai ,  que  dans  nos  provinces  même  grain  fubmergé  comme  dans  les  la- 
ies plus  méridionales ,  ces  terrcins  pro-  bours  à  planches  ou  à  billons. 
duifent  d'excellens  bleds  ,  pour  peu  Le  climat  que  l'on  habite,  la  ra- 
que la  faifon  les  favorife ,  «Se  leur  qua-  reté  ou  la   fréquence  des  pluies  ,  a 


L  A  B 

décidé  (  en  général  )  la  manière  c!ô 
labourer  fuivie  dans  le  pays;  l'ex- 
périence a  même  démontré  qu'elle 
éroit  à  certains  égards  préférable  à 
toutes  autres;  mais  a-t-on  bien  exa 
miné  fi,  en  ouvrant  un  folié  masif- 
tral  ,  d'une  toife  de  largeur  fur  au- 
tant de  profondeur  ,  &;  le  condui- 
fant  vers  une  extrémité  du  champ  , 
où  des  fondes  auront  appris  que  la 
terre  eft  perméable  à  l'eau  ,  cette 
vafte  faignée  ne  fuffiroit  pas  pour 
aflTainir  le  fol  ?  Ne  pourroit-on  pas 
faire  correfpondre  à  ce  foflé  magif- 
rral  ,plufieurs  foliés  latéraux  qui  cou- 
peroient  le  champ  dans  toutes  fes 
parties?  Je  conviens  que  ces  travaux 
entraînent  à  de  grandes  dépenfes  ; 
qu'elles  font  encore  multipliées  par 
le  tranfporr  des  pierrailles  qui  doi- 
vent remplir  aux  deux  tiers  le  fond 
de  ces  folfés  ;  qu'il  en  coûtera  beau- 
coup pour  finir  de  les  remplir  avec 
la  terre  qu'on  en  aura  retirée  ;  enfin  , 
pour  égaler  la  terre  fuperflue  fur  ce 
champ  ;  mais  ici  c'eft  une  affaire 
de  calcul.  Tout  propriétaire  peut 
voir  ,  en  remontant  aux  fix  ou  dix 
récoltes  précédentes  ,  combien  il  a 
perdu  de  grains  par  la  ftagnation  des 
eaux^eftimer  fur  la  totalité  du  champ, 
la  portion  de  terre  non  couverte  par 
l'eau  ,  qui  a  produit  du  grain;  enfin 
comparer  cette  produétion  avec  celle 
qu'auroit  donné  le  même  champ  ,  Ci 
tout  le  fol  avoir  été  couvert  d'épis. 
De  cette  comparaifon  première,  il 
doit  en  faire  une  féconde  ;  eftimer 
ce  que  lui  couccront  les  travaux  de 
recreufement ,  de  tranfports,  &;c.  &: 
les  mettre  en  balance  avec  le  fur- 
plus  des  récoltes  qu'il  eft  en  droit 
d'attendre  après  le  deirèchcmenr.  Si 
le  produit  net  eft  complètement  in- 
férieur,  il  doit  y  renoncer;  mais  fi 


L  A  B 


•13:3 


les  frais  font  couverts  par  l'excèdent 
de  trois  ou  quatre  récoltes ,  c'eft  met- 
tre (on  argent  à  gros  intérêts  j  &  le 
champ  doublera  de  valeur.  11  faudra 
moins  de  travaux,  Cs:  la  recette  fera 
de  beaucoup  plus  forte  par  la  fuite. 
J'mfifte  fur  cette  manière  d'opérer , 
parce  que  j'en  ai  vu  des  effets  fur- 
prenans.  Le  pauvre  cultivateur  n'eft 
pas  en  état  de  faire  ces  premières 
avances;  je  le  plains;  cependant, 
s'il  le  vouloir  bien,  il  en  viendroit 
à  bout  avec  de  la  patience.  L'hiver 
eft  fi  long  dans  plufieurs  de  nos  pro- 
vinces !  il  y  a  un  grand  nombre  de 
journées  pendant  lefquelles  il  ne  peut 
pas  laboiûer;  qu'il  emploie  ce  temps  à 
ramaffer  ou  .à  charrier  les  pierrailles, 
à  ouvrir  ai:tanc  qu'il  le  pourra  &  à 
prolonger  le  foffé  magiftral  :  ce  qu'il 
jie  fera  pas  dans  uriC  année,  il  l'exé- 
cutera dans  une  autre;  enfin  petit  à 
petit  il  parviendra  à  defiécherfa  pof- 
fellion. 

Si  ces  débris  de  pierres  ou  groffes  ' 
pierres  que  je  préfère  aux  cailloux', 
enfin  fi  les  cailloux  font  rares,  comme 
dans  plufieurs  de  nos  provinces  ,  il 
ne  refte  plus  que  la  petite  reffource 
d'ouvrir  de  larges  foflès  de  ceinture, 
afin  d'y  dégorger  les  eaux  du  champ. 

On  peut  à  la  longue  parvenir  à 
détruire  le  parallèlifme  du  champ  pat 
les  labours  continués  fur  le  même 
plan  :  ceci  demande  une  explication. 
Ayez  une  charrue  armée  d'un  fort 
verfoir  ou  oreille,  <?>:  capable  de  fou- 
lever  la  terre  de  fix  à  huit  pouces; 
commencez  à  ouvrir  le  premier  fillon 
fur  le  bord  du  champ,  év'  l'oreille 
tournée  contre  le  champ  :  continuez 
de  labourer  ainfi,  en  fuivant  le  con- 
tour du  champ  entier.  Lcilqne  la 
charrue  fera  arrivée  au  point  dont 
elle  eft  partie ,  faites  entrer  le  foc 


^34 


L  A  B 


fous  l'endroit  où  la  rené  eft  déjà  fou- 
levée  ;  labourez  de  manière  que  ce 
fécond  fillon  reporre  encore  plus  en 
ded.'.ns   la  rerre   qui   fera  foulevce  , 
ik   une  parcie  de   celle  qui   l'a  déjà 
été.  Continuez  le  fillon  tout  pics  du 
premier  j  c'eft  à-dire  ,  labourez  ferré, 
év'    ainfi   de    fuite  ,   en    contournant 
toujours  le  champ,  comme  dans  les 
deux  premiers  filions.   Il  faut  avoir 
grande  attention  que  -la  terre  ne  re- 
tombe pas  dans  le  iillon  qui  ei^  déjà 
lait.  Vouloir  tout  à  la  fois  renverfer 
beaucoup  de  terre  contre  l'intérieur 
du  champ  ,  ce  feroit  faire  des  amon- 
celemens   préjudiciables,  &  il  feroit 
impoffible  d'aller  jufqu'au  centie  de 
ce  champ.  Ce  déplacemenr  de  terre 
eft  l'ouvrage  du  temps;  mais  comme 
il  ne  coûte  pas  plus  de  labourer  d'ane 
façon  que  d'une  autre, je prétcre celle- 
ci.  On   convient  cependant  que    le 
milieu  du  champ  fera  mal  labouré , 
parce  que    les  fpiraies    feront  trop 
courtes,  &   une   partie  reftera  plus 
baife  que  le  refte.  Comme  perfonne 
ne   pollède  un   champ  partairement 
rond  ,  il    fera  poflible  de  porter  fur 
ce  milieu  une  partie  de  la  terre  des 
angles  qu'on  n'aura  pas  pu  labourer 
de  la  manière  que  je  propofe. 

Les  valets  s'oppoferont  à  cette  mé- 
thode :  ce  n'ejl  pas  la  coutume  dif 
pays  ^\ov\s  diront-ils;  le  grand  point 
efl:  de  leur  en  faire  naître  l'idée  , 
&  de  leur  perfuader  qu'elle  vient 
d'eux.  Lorfqu'ils  font  ralfemblés  , 
ayez  l'îir  de  les  confulter  ;  propo- 
fez-leur  plufieurs  expédiens,  bons 
ou  mauvais  \  engagez  les  à  les  dif- 
Ttuter  entr'eux  ;  lailfez-leiir  apperce- 
voir  celui  auquel  vous  voulez  venir , 
&  dès  que  l'un  d'entr'eux  aura  ap- 
proché du  but,  louez-le,  paroillez 
laikr   fon  idée,  &  commejicez  -  l.i 


L  A  B 

avec  eux  tous  ;  enfin  échauffez  leur 
imagination  fans  avoir  l'air  de  trop 
vous  en  occuper.  Rccommar.dez-leur 
d'y  réfléchir,  &  allurez-les  bien  que 
vous  ferez  ce  qu'ils  voudront.  La 
réullîte  alors  eft  aflurée.  Si  au  con- 
traire vous  agilfez  d'autorité  ,  ils  abî- 
meront vos  bêtes  par  un  travail  inu- 
tilej  (^c  la  befogne  fera  mal  faite, 
très-mal  faite  (k  manquée  pour  tou- 
jours. 

Le  premier  point  eft  de  chercher 
tous  les  moyens  poilibles  &:  les  moins 
coûteux,  afin  que  le  parallèlifme  du 
champ  celle  d'être  préjudiciable;  une 
fois  obtenu  ,  abandonnez  les  labours 
à  planches  &  à  billons;  labourez  à 
plat ,  &  multipliez  les  rigoles  ou 
iang-fues. 

i".  De  l'inclinalfon  du  champ. 
Avant  d'entrer  dans  aucun  détail ,  il 
convient  de  parler  des  rigoles  on 
fang-fues. 

La  rigole  eft  un  petit  foffé  d'é- 
coulement ,  creufé  par  le  (oc  de  la 
charrue  ,  &  dont  la  terre  eft  foule- 
vée  fur  le  bord  par  fon  oreille.  Com- 
munément on  le  fert  d'une  charrue 
à  deux  oreilles  ;  mais  dans  tous  les 
cas,  on  palfe  deux  fois,  afin  de  ren- 
dre le  fillon  plus  large  &  plus  pro- 
fond. 

La  difpofition  Se  la  direélion  des 
fang-Jues  (ce  mot  eft  également  reçu 
dans  plulieurs  de  nos  provinces)  ,  ne 
peuvent  être  ici  déterminées  ;  elles 
dépendent  entièrement  du  local  6c 
de  fon  niveau  de  pente. 

Cette  opération  en  général  eft 
toujours  tiès  -  mal  faite.  On  com- 
mence par  ouvrir  une  rigole  princi- 
pale fur  toute  la  longueur  du  champ, 
&  on  difpofe  les  autres  en  manière 
de  patte  d'oie  ,  qui  y  viennent  abou- 


L  A  B  L  A  B             135 

tir  ;  de  toures  les   méthodes  c'ell  la  rehauiTé  ,   piiirqu'il  eft  cc-nfc  que  le 

plus    défectiieufe  ,  à  moins    que    la  (îllon  eft  allez  large  &  zlTez  profond 

nacure  du  lotal  ne   la  décide  irrévo-  pour  contenir  l'eau.  S'il  ne  l'eft  pas , 

cablement  :  il  eft  aifé  de  prévoir  qu'à  ce  peu  de  terre   n'eft  pas  allez    fore 

la  moindre  pluie  d'orage  ,  cette  ri-  pour  empêcher  que  l'eau  ne  s'échappa 

gole  Ce  métamorphofera  en  torrent,  à  travers   le   champ.    Il   vaut    beau- 

ik   par   conféquenc    qu'elle    formera  coup  mieux    faire   luivre  la  charrue 

une  ravine  j  enfin  petit  à  petit  elle  par  un  valet  armé  d'une  pèle,  &  lui 

doublera  d:  quadruplera  fon  niveau  taire    jeter    la    terre    de    l'intcrieuc 

de  pente  au  grand  dctrimenr  des  ter-  fur  le  bord  fupcrieur  de  la  rigole.  Ce 

les  voifines.  Le  vice  provient  1°.  de  petit  rehauiremenc  formera  une  ef- 

ce    qu'on  a  donné    une    ligne  trop  pèce  de  petite  digue  qui  retiendra  la 

droite  à  la  rigole  ^   2'"\  de  fa  pente  terre  entraînée  du  haut  j   ce    il  l'eau 

trop  rapide;  5*^.   de  la  trop  grande  eft  trop  abondante,  comme  cela  ar- 

quantité  d'eau  qui  s'y  rend.  rive  par  fois ,  elle  fera  fa  trouée  dans 

L'œil  accoutumé  à  juger  des  ni-  l'endroit  le  plus  foible  de  cet:e  pe- 
veaux,  doit  parcourir  le  champ;  on  tite  chauffée,  &  la  terre  ne  fera  en- 
doit  fixer  par  de  petits  piquets  les  en-  traînée  que  fur  les  bords  de  la  trouée, 
droits  à  fillonner  par  la  charrue,  &  tandis  qu'elle  fera  retenue  par  le 
leur  faire  fuivre  les  plus  grands  Con-  refte. 

tours    podibles    qui    modéreront   la  Auilî  -  tôt  après  la  première  pluie 

rapidité  de  l'eau  ,  &  la  forcerc\,nt  à  un  peu  forte,  le  propriétaire,  accom- 

s'écouler  avec  tranquillité.  P-'^g"^  "^^  ^'=s  gens   avec  leur  pèle. 

Il  eft  encore  très  -  important  de  fuivra  routes  les  rigoles,  les  fera  creu- 
multiplier  les  fang-fues  capitales ,  &  fer  dans  les  places  où  la  terre  a  été 
d'écarter  les  points  de  leur  dégorge-  dépofée;  ou  encore  mieux,  il  fera  re- 
ment ;  par  habitude  ou  par  ignorance  haLilfer  les  deux  bords,  puifque  les 
ces  points  font  chaque  année  placés  atternircmens  prouvent  que  le  niveau 
dans  le  même  endroit,  &  pendant  de  pente  eft  en  détaut.  Il  vifitera  avec 
cinq  ou  llx  récoltes  confécutives  ;  le  même  foin  les  bords  fupérieurs 
les  terres  voifines  ont  été  entraînées;  de  la  rigole,  &:  fera  boucher  les 
le  niveau  de  pente  s'eft  formé  bien  au-  trouées ,  Se  les  fortihera.  On  traitera 
delà,  &  les  rerres  feront  encore  plus  de  minutieufe  la  précaution  quej'jn- 
enrraînées  à  l'avenir  :  au  lieu  que  fi  dique  ;  mais  c'eft  le  cas  de  citer  cet 
à  chaque  récolte  ,  le  point  de  dé-  aàa^e ,  prinàpiis  oèj'a.  Plus  des  trois 
gorgement  avoit  été  changé,  la  fur-  quarts  du  fol  en  pente,  jadis  culti- 
face  du  champ  n'auroit  point  va-  vcs  &  aujourd'hui  décharnés ,  ne  fé- 
rié ,  ik  on  en  auroit  confervé  la  roicnt  pas  dans  cet  état  déplorable  , 
terre.  fi  leurs  propriétaires  avoient  eu  cette 

Un  autre  défrut   à  éviter  dans  la  légère  attention.                                ^ 

formation    des    rigoles    par  la  char-  Plus  le  champ  a  d'inclinaifon ,  & 

rue,    eft   de    jeter    la   terre    fur   un  plus  on  doit   augmeiîter    les  rigoles 

bord  en    montant  ,    &    fur   l'autre  générales  &  les  rigoles  partielles.  C'eft: 

bord  en   defcendant.   La  partie  infé-  d'eux  &  de  leur  entretien  continuel 

rieure  n'a  pas  befoin  d'avoir  fon  bord  que  dépend  fa  fertilité ,  fut-tout  dans 


13^ 


L  A  B 


les  pays  fujecs  aux  longues  ou  fré- 
quenres  pluies  d'orage.  Sans  leur  fe- 
cour;,  il  n'y  reftera  bientôt  plus  que 
le  tut,  &  ce  fera  un  champ  perdu 
pour  toujours. 

En  fuivanc  les  bonnes  règles  de 
culture  ,  un  champ  incliné  ,  donc 
la  pente  s'écarre  de  l'angle  de  qua- 
rante-cinq degrés  ,  ne  d(.m3nde  pas 
à  être  cultivé  en  grain,  puifque  cha- 
que année  la  couche  de  terre  remuée 
par  la  charrue  ,  eft  à  peu  de  chofe 
près  entraînée  par  les  pluies.  Si  l'on 
habite  un  climat  tempéré  ,  il  vaut 
mieux  le  convertir  en  prairies,  fur- 
tout  fi  on  peut  lui  donner  de  l'eau. 
Dans  l'es  provinces  du  midi ,  l'inré- 
tèc  bien  entendu  follicite  le  proprié- 
taire à  le  couvrir  de  bois.  Je  n'in- 
lifte  pas  fur  cette  dernière  alFertion 
démontrée  par  l'expérience  ,  Se  fur- 
tout  par  le  befuin  de  bois  de  tous 
sentes ,  donc  on  eft  à  la  vc-ille  de 
manquer  dans  tour  le  royaume  ,  Se 
qui  elt  déjà  fi  rare  &  fi  cher  dans 
fes  provinces  du  midi. 

Cependant  fi  on  a  la  manie  de 
vouloir  encore  le  mettre  en  culture 
réglée,  ou  de  la  continuer,  voici  les 
procédés  diélés  par  le  bon  fens.  Le  pre- 
mier travail  confifte  à  ouvrir  un  folFé 
dans  la  partie  fupérieure  du  champ, 
s'il  eft  dominé  par  des  terrêins  plus 
élevés  j  lailfer  d'efp.rce  en  efpace  des 
féparations  dans  le  toile,  d'une  épaif- 
feur  de  douze  à  dix -huit  pouces, 
mais  moins  élevées  de  quelques  pou- 
ces feulement  que  les  bords  du  folTé 
général.  Les  creux  fe  rempliront  in- 
fenfiblement  de  la  terre  entraînée 
par  la  p.artie  fupérieure  au  champ  ; 
chaque  année  on  les  fouillera  une  ou 
deux  fois ,  fuivant  le  befoin  ,  &  leur 
terre  fera   jetée  fur  le    champ ,  & 


L  A  B 

étendue  autant  que  faire  fe  pourra. 
Avec  cette  précaution,  on  redonnera 
chaque  fois  autant  de  terre  nouvelle 
qu'il  en  aura  été  entraînée  par  les 
pluies  ,  &  le  champ  fe  confervera 
à- peu-près  de  même  valeur. 

Le  folié  de  ceinrure  fupérieure  fera 
dirigé  fur  les  deux  côtés  du  champ , 
où  l'on  formera  &  multipUera  au- 
tant que  l'on  pourra  des  creux  fem- 
blables  à  ceux-  du  foffe.  Ils  diminue- 
ront la  rapidiré  de  la  chute,  &  de- 
viendront également  des  réfervoirs  à 
terre  ,  qui  feront  nettoyés  au  befoin  ; 
enfin,  au  bas  du  champ,  on  ouvrira 
un  vafte  folfé  qui  achèvera  de  rete- 
nir les  terres  ,  &  en  fournira  fans 
cefie  de  nouvelles  au  champ. 

L'inclinaifon  du  fol ,  plus  ou  moins 
grande,  diète  quelle  doit  être  la  profon- 
deur des  labours,  même  abftraclion 
faire  de  la  qualité  du  fol  &  du  climat  : 
plus  la  couche  fupérieure  de  terre  fou- 
levée  fera  force,  &  plus  il  y  en  aura 
d'entraînée  par  une  pluie  dorage  , 
&  plus  enfin  la  fuperficie  fera  fuc- 
ceflivement  abaiftce.  Si  on  laboure 
fur  un  forr  maflif  de  terre  végétale 
&  tenace  ,  le  danger  fera  moins  à 
craindre;  mais  il  le  fera  toujours.  On 
doir  d'ailleurs  conhdérer  que  la  cou- 
che inférieure  a  beau  être  de  bonne 
qualité ,  elle  ne  le  fera  jamais  au- 
tant que  la  fupérieure  ,  parce  qu'elle 
n'aura  pas  été  élaborée  par  les  mé- 
téores {f^'oyc^  le  mot  Amendement). 
Règle  générale,  plus  la  pente  eft  ra- 
pide, &  moins  les  labours  doivent 
être  profonds.  Les  folfés  de  ceinture 
ferviront  à  recevoir  les  eaux  des  ri- 
goles ,  qu'on  ne  fruroic  trop  multi- 
plier fur  de  rels  champs. 

Si  au  conrraire  la  pente  eft  douce, 
le  folié  fupérieur  produira  toujours 

d'excellens 


L  A  B 

3'excel!ens  effets,  &  les  rigoles  ne 
demancien:  ni  le  même  nombre,  ni 
la  mênie  protondeur.  Daii:>  l'un  Se 
dans  l'autre  cas,  pour  peu  que  le  champ 
aie  une-  certaine  étendue  ,  on  tera 
très-bien  d'avoir  des  ricroles  générales 
à  demeure ,  c'eft  à-dire  qu'on  ne  les 
changera  pas  ,  mais  feulement  les 
rigoles  partielles.  Si  on  le  fème  en 
gazon,  Il  on  forme  une  platte  bande 
de  chaque  côté  oc  de  lix  à  huit 
pouces  de  largeur,  on  doit  être  afïurc 
qu'il  ne  fe  formera  jamiis  des  trouées 
ni  des  ravins  ,  à  moins  d'un  cas 
extraordinaire.  11  eft  bon  cependant 
d'en  nettoyer  le  fond  au  befoin  , 
parce  que  l'herbe  retient  la  terre 
charriée  par  les  eaux  ;  ce  fond  s'élève, 
&  bientôt  il  fe  trouve  de  niveau 
avec  les  côtés  j  alors  ces  rigoles  ne 
font  plus  d'aucune  utilité  :  elles  de- 
mandent à  être  fouvenc  vifitées,  afin 
de  prévenir  les  engorgemens ,  &  la 
terre  qu'on  en  retire,  doit  être  jetée 
fur  le  bord  du  côté  fupéneur. 

Les  champs  à  plan  incliné  ,  foie 
du  côté  du  levant,  foit  du  côté  du 
midi,  font  moins  fujets  aux  mau- 
vaifes  heibes  que  ceux  inclinés  des 
deux  autres  côtés  (  toute  circonftance 
égale),  ils  demandent  à  être  labou- 
rés ôc  femés  de  bonne  heure ,  parce 
qu'ils  craignent  beaucoup  la  féche- 
relfe  &  la  chaleur ,  relativement  au 
climat  ôc  en  raifon  de  leur  inclinai- 
fon  ,  qui  les  met  dans  le  cas  de  re- 
cevoir plus  perpendiculairement  les 
rayons  du  foleil. 

Il  ne  rerte  plus  qu'une  feule  ob- 
fervation  à  faire  ,  relarive  aux  champs 
inclinés ,  &c  elle  eft  de  conféquence. 
Après  que  tout  le  champ  eft  labouré 
en  plein  ,  foit  après  le  premier  ,  le 
fécond  ,  enfin  ,  après  chaque  labour , 
pn  cloir  tracer  &c  ouvrir  les  rigoles 
Tome  FI, 


L  A  B  137 

comme  s'il  venoit  d'être  femé.  Il  eft 
aifé  de  fentir  que  fur  cette  terre  fraî- 
chement retournée  ,  s'il  furvient  une 
grolfe  pluie,  une  pluie  d'orage  ,  elle 
fera  promptement  entraînée  du  haut 
en  bas  j  au  lieu  que  les  rigoles  dé- 
tourneronr  les  eaux,  &:  préviendront 
les  dégradations.  C'eft  une  mauvaife 
nature  de  bien  que  celle  des  champs 
amli  inclinés,  à  moins  qu'ils  ne  fuient 
convertis  en  prairies  ou  en  bois  j-  & 
encore,  pendant  les  premières  an- 
nées ,  la  prudence  exige  qu'on  ait  le 
plus  grand  foin  des  rigoles....  Règle 
générale,  plus  un  terrein  eft  incliné, 
plus  le  fol  en  eft  maigre  ,  moins  il 
doit  être  labouré  fouvent.  Dans  le 
le  premier  cas ,  la  terre  eft  empor- 
tée ,  &  dans  le  fécond  ,  on  l'appau- 
vrit encore  ,  &  l'on  diminue  fa  qua- 
lité végétative  par  la  grande  évapo- 
ration  de  fes  principes ,  &  fur-roue 
de  fon  air  fixi   (  Foyc'^  ce   mot  ).  '  ' 

Section       II. 

Dans  quelles  cbxonjlances  doit -on 
labourer  ? 

Les  méthodes  ordinaires  -Se  admi- 
fes  dans  prefque  rout  le  roy.aume, 
lailfent  rarement  le  choix  des  circonf- 
tances ,  à  caufe  que  l'on  n'eft  jamais 
afl'ez  fort  en  beftiaux  &  en  valets  : 
on  laboure  ,  quand  on  peut ,  pendant 
toute  l'année  ,  &  l'on  eft  forcé  de 
travailler  pendant  les  grandes  cha- 
leurs. Celle  que  j'ai  propofée  précé- 
demment ,  allure  une  liberté  entière. 
En  effet  ,  il  m'importe  peu  avant 
l'hiver  que  la  terre  foit  mouillée 
(elle  ne  peut-être  trop  fèche  dans 
cette  faifon)  ,  que  la  ch.arrue  la  fou- 
lève  par  bandes  tenaces  dans  un 
fol  fore  ou  argilleuxj  n'ai-je  pas  U 

S 


13S            L  A  B  L  A  B 

reirource  précieufe   des  gelées,  qui  ou  trois  premiers  prépararoires  ont  été 

les  divifera  &  les  émiettera  plus  que  exécutés  avec  foin  &   à  une  profon- 

deux  ou  trois  coups  de  charrue  dans  deur  requife. 

toute  autre  faifon  !  11  {"ufïit  que  ce  Je  conviens  qu'il  eft  des  faifons 
labour  préparatoire  foit  protond  &  à  capables  de  déranger  tous  les  rai- 
iillons  féparés  dz  larges  ,  afin  qu'une  fonnemens  les  mieux  fuivis.  S'il  fur- 
grande  furface  foit  expofée  à  l'action  vient  des  pluies  longues  &  fréquen- 
des'  météores  ,  puifque  dans  cette  tes  avant  les  femailles ,  alors  le  champ 
laifon  l'évaporation  ,  h  redoutable  cultivé  fuivant  la  méthode  décrire  ci- 
dans  les  autres,  ne  l'eft  aucune-  delfus ,  eft  dans  le  cas  de  tous  les  au- 
ment.  très  champs ,  puifqu'il  a  eu  autant  de 
Il  n'en  eft  pas  ainfi  du  labour  pré-  labours  qu'eux,  à  la  feule  différence 
paratoire.  Dès  qu'on  ne  craint  plus  des  intervalles.  Dans  l'un  &  dans 
les  rigueurs  de  l'hiver,  il  convient  l'autre  cas,  on  fait  comme  l'on  peut  j 
d'attendre  ,  autant  qu'on  le  peut  ,  &  au  lieu  de  donner  trois  à  quatre 
que  la  terre  foit  fuftilamment  ref-  labours  confécunfs  ,  on  n'en  donne 
fuyce ,  c'eft-à-dire,  moins  imbibée  qu'un  ou  deux,  afin  de  ne  pas  dé- 
d'eau  que  dans  l'hiver,  afin  qu'elle  palfer  l'époque  des  femailles;  épo- 
foit  peu  tallée  par  le  piétinement  que  très  -  intérelfante  ,  &  de  la- 
des  animaux  qui  labourent.  Comme  quelle  dépend  fouvent  le  fuccès  de 
on  a  beaucoup  d'efpace  de  temps  de-  la  récolte.  D'ailleurs ,  fi  ,  comme 
vaut  foi ,  on  eft  donc  libre  de  choifir  je  l'ai  dit,  le  propriétaire  a  eu  la 
un  moment  5»:  des  jours  favorables,  fage  précaution  d'aider  fes  voifins 
Si  on  a  degrandes  polTellions ,  c'eft  le  pendant  la  difcontinuation  de  fes 
cas  de  fe  iaire  aider  par  Ces  voifins ,  travaux  ,  il  trouvera  alors  des  fe- 
&de  leur  rendre  enfuite  travail  pour  cours  alfurés ,  &  qui  le  mettiont  au 
travail.  courant  de  fes  opérations. 

Le  troihème  labour  préparatoire ,  On  objeélera  contre  le  confeil  que 

ou  à  la  hn  du  printemps,  eft  moins  je  donne  de  labourer  le  champ  auffi- 

utile  que  les  premiers,  &:  je  le  fup-  tôt  que  la  récolte  eft  levée,  1°.  que 

primerois  totalement,  fi  je  ne  crai-  j'occafionne  une   très-grande  évapo- 

gnois  la  fruétification  des  mauvaifes  ration  ;  1°.  que  fouvent  la  terre  eft 

herbes ,  &  fur-tout  fi  les  champs  ne  fi  fèche  ,  que  la  charrue  ne  peut  la 

fourniAment  que    des  herbes   utiles  fiUonner.    Ces    objedions   font  fpé- 

-S^'  faines  pour  la  nourriture  des  trou-  cieufes. 

peaux. Ce  labour  trop  voifin  de  l'été,  1°.   Il    eft   clair    qu'on  augmente 

occafionnera  beaucoup  d'évaporation,  l'évaporation  &  la  perte  des  princi- 

&  ce  mal  ne  peut  être  compenfé  que  pes  ^   mais  en    même  temps  on  lui 

par  l'engrais  des  moutons,  &  par  celui  rend  le   chaume,  on  enfouit  les  her- 

des  mauvaifes  herbes  que   l'on  en-  bes  ,  les    graines  de  bonnes  ou  de 

fouit.  mauvaifes   plantes    qui  repoulTeront 

Quant  aux  labouts  de  grandes  di-  dès  que  l'air  fera  .à  la  Température  qui 

vifions,  ceux  quidoivenr,  coup  fur  leur  convienr.  J'augmente    l'évapo- 

coup  ,  précéder  les  femailles  ,  ils  fe-  ration  jufqu'à  ce  que  l'herbe  ait  re- 

ront  faits  avec  facilité.  Ci  les  deux  pouffé,  la  graine  germée,  £cc.  mais 


L  A  B 

alors  ces  herbes  s'imprègnent  ,  fe 
noiirrilTent  &  s'approprient  l'air  fixe 
qui  fort  de  la  terre  ,  comme  les  grai- 
nes mifes  à  germer  fous  un  réci- 
pient rempli  d'air  fixe  ,  comme  il 
a  été  die  plus  haut.  Ainfi  le  petit 
mal  eft  compenfé  par  un  grand  bien  , 
par  la  végccation  des  herbes  qui  pro- 
duiront dans  la  fuite  Vhumus  ou  terre 
végétale. 

D'ailleurs  tout  propriétaire  intel- 
ligent doit  faifir  cette  époque  pour 
femer  fur  ce  même  champ  des  ra- 
ves ,  des  navets  ,  du  farrafin  ,  des 
carottes  ,  &c.  qui  ferviront  de  nour- 
riture au  bétail  pendant  l'hiver  lui- 
vant,  &  qui  feront  enfuice  entouies 
au  commencement  du  printemps, par 
deux  forts  labours.  Cette  manière 
d'opérer  vivifie  les  terres  mêmes  les 
plus  maigres  (  f^oye\  le  mot  Al- 
terner ). 

2".  La  fécherefTe  ,  j'en  conviens  , 
eft  un  grand  obftacle  à  ce  labour  fur 
le  chaume  ,  &  fur  tout  dans  les  pro- 
vinces du  midi  j  mais  comme  &n  a 
du  temps  devant  foi ,  quatre  bœufs, 
ou  mules,  ou  chevaux  ,  laboureront 
avec  la  charrue  le  fol  qui  ne  peut 
l'être  avec  deux.  Il  ne  s'agit  pas  ici 
de  détfuire  le  chaume  au  moment 
même  qu'il  eft  coupé  :  ce  n'eft  ni  un 
befoin  urgent ,  ni  de  première  nécef- 
fité  ;  &  prendre  ce  confeil  à  la  vi- 
gueur ,  feroit  un  abus.  Si  on  ne 
peut  faire  autrement  ,  on  attendra 
qu'une  pluie  bienhifante  vienne  ou- 
vrir les  pores  de  la  terre  ,  &  on  pro- 
fitera de  cet  heureux  moment. 

On  voit ,  en  fuivant  cette  méthode , 
que  dans  tous  les  cas,  il  eft  pofli- 
ble  de  labourer  ,  de  bien  labourer 
^  de  labourer   frudueufemenr. 

Les   méthodes  ordinaires  lailfent 
moins  la  liberté  dans  le  choix  ^  ce- 


L  A  B 


139 


pendant  ,  dans  tout  état  ce  caufe , 
fi  on  laboure  les  terres  fortes ,  ar- 
gilleufes,  crayoufes,marneufes,  lorf- 
qu'elles  font  pénétrées  par  l'eau  , 
les  pieds  du  bétail  les  paîtrllfenr,  le 
dellous  de  la  charrue  les  prefle,  Se 
l'un  de  fes  côtés  les  ferre  ,  &:  celui 
du  verfoir  retourne  des  tranches  tou- 
tes d'une  pièce  j  qui  fe  durciront  en 
fechant ,  à  moins  que  le  labour  ne 
foit  donné  avant  l'hiver.  Ces  tran- 
ches ,  une  fois  fechées ,  feront  dif- 
ficilement dilToutes  par  la  pluie,  à 
caufe  de  leur  ténacité  ;  Ik  les  la- 
bours fur  les  labours  les  déplaceront, 
les  porteront  plus  haut  ou  plus  bas 
fans  les  divifer  ,  ainfi  qu'il  convienr. 
Cependant  ce  labour  lera  compté 
pour  un  ,  &:  il  ne  produira  prefque 
aucun  eftcr. 

Si  au  contraire  cette  terre  eft 
trop  fèche,  le  bétail  fera  excédé  de 
hitigue  ,  la  charrue  entrera  peu,  &* 
la  terre  foulevée  fera  en  mottes,  &c. 
Le  point  i  choifir  d'où  dépendent  les 
bons  labours  ,  eft  celui  où  la  terre 
n'eft  ni  trop  ni  trop  peu  hamedtée; 
mais  dans  les  cantons  où  les  pluies 
font  fréquentes  ,  &;  dans  quelques- 
uns  où  elles  font  prefque  journal- 
lières,  cette  difpofition  heureufe  du 
fol  n'eft  pas  de  longue  durée,  &  on 
doir  fe  dépêcher  d'en  profiter ,  en 
fe  fervant  de  tous  les  movens  pof- 
fibles. 

Dans  les  cantons,  au  contraire, 
où  les  pluies  font  rares,  &  où  les 
chaleurs  furviennent  de  bonne  heure, 
la  nécefiîté  eft  encore  plus  urgente 
de  faifir  le  moment,  parce  qu'une 
fois  pafié  ,  il  eft  rare  de  le  retrouver 
penclant  l'été.  Mais  (\  on  avoit  donné 
un  fort  labour  avant  &  après  l'hi- 
ver, &  au  point  convenable,  on  ne 
feroit  pas  embarraffé  pour  les'  laboura 
Sa 


140  L  A  B 

déré.  On  feue  donc  de  quelle  im- 
portance il  eft  que  les  deux  premiers 
labours  foient  profonds  &  donnes 
dans  des  circonftances  fa,vorables  , 
puifque  c'eft  d'eux  que  dépend  la 
iacilité  de  ceux  qui  doivent  leur  fuc- 
céder.  Cette  néceffitc  eft  moins  ur- 
gente pour  les  terreins  légers  &  fa- 
bloneux,  la  charrue  les  hllonne  fans 
peine  dans  tous  les  temps  j  mais  pen- 
dant l'été  ,  les  labours  y  excitent  une 
évaporation  très-nuiûble. 


E    C    T    I    G     N 


I    1    I. 


Comment  doit-on  labourer  ? 

L'a<ftion  mécanique  du  labourage 
a  pour  but,  i"^.  de  divifer  la  terre; 
i*-".  de  ramener  à  la  furface  une 
portion  plus  ou  moins  forte  de  la 
couche  inférieure ,  qu'on  pourroit 
'appeller  terre   vierge. 

i'^.  Pour  divifer  la  terre,  on  ou- 
vre le  premier  fillon  fur  une  ligne 
droite  ,  &:  le  fécond  coupe  le  pre- 
mier à  angle  droit,  ce  qui  lotme 
la  croix.  Telle  eft  la  coutume  géné- 
rale :  eft-elle  la  meilleure  ?  Je  ne 
le  crois  pas.  11  n'y  a  déterre  vraiment 
remuée  que  celle  du  fillon  \  mais 
celle  de  l'intérieur  du  quarré  refte 
intafte;  tandis  que  fi  on  avoit  donné 
le  fécond  labour  en  lozange,  même 
allongé ,  toute  la  terre  auroit  été 
foulevée  par  ces  deux  labours  ,  ou 
du  moins  plus  d'un  grand  tiers  en 
fus  que  dans  les  deux  autres  labours. 
On  dira  :  mais  en  donnant  les  la- 
bours poftérieurs ,  le  quarré  eft  tra- 
verfé  de  nouveau  par  fes  angles  :  cela 
eft  vrai;  mais  enfuppofant  une  dou- 
ble fettion  par  les  angles  du  lozange, 
n'y  auroit-il  pas  plus  de  terre  fou- 
levée  ?  Cette  vérité  eft  trop  palpa- 


L  A  B 

b!e  ,  pour  s'appefantir  fur  fa  démonf^ 
tration.  11  convient  donc  d'abandon- 
ner les  labours  par  quarrés ,  &  d'a- 
dopter ceux  par  lozanges. 

i''.  Dans  la  main  du  laboureur ^ 
dit  le  ptoverbe,  ejî  la  clef  du  grenier 
du  propriétaire  :  c'eft -à -dire,  que 
du  labourage  plus  ou  moins  bien  fait, 
dépend  la  bonne  ou  la  chétive  ré- 
colte ,  toutes  circonftances  égales. 

La  couche  fupérieure  du  fol  s'ap- 
pauvrit par  l'évapoiation  &  par  les 
principes  enlevés  par  la  végcration 
des  blés  ,  puifqu'on  fcme  &  l'on 
récolte  fans  ce(Te,  fans  rendre  à  la 
terre  les  matières  premières  de  la 
végétation. 

On  fait  aulfi  que  l'eau  des  pluies 
diflout  V humus ,  les  fels,  les  fubf- 
tances  favonneufes ,  ^  qu'elle  les 
entraîne  vers  la  couche  inférieure  ; 
enfin  qu'elle  les  en  pénètre  :  c'eft 
donc  la  portion  la  plus  rapprochée 
de  cette  couche  inférieure  j  qu'il  con- 
vient de  ramener  en-deffus  &c  de 
mélanger  avec  la  fupérieure.  Aiifll  le 
bon  laboureur,  celui  qui  n'eft  pas  un 
automate ,  ne  fuit  pas  machinalement 
fes  bcEufs  ;  il  fonde  fon  terrein;  il 
examine  fi  la  chanue  amène  à  la 
furface  une  partie  de  la  couche  du 
deffous ,  toujours  de  couleur  diffé- 
rente de  celle  du  delfus  ;  il  pique  plus 
profondément  ,  ou  foulève  moins  , 
fuivanr  la  circonftance.  C'eft  la  na- 
ture du  fol ,  la  qualité  de  la  couche 
inférieure  qui  l'indiquent  de  rappro- 
cher ou  d'allonger  la  flèche  de  la 
charrue,  fuivant  qu'il  vient  trop  oit 
trop  peu  de  terre  du  delfous,  &  fur- 
tout  fuivant  fa  qualité  bonne  ou 
médiocre ,  ou  mauvaife.  Dans  un  bon 
fol,  les  labours  profonds  font  mer- 
veille ;  dans  les  mauvais ,  ils  font  très- 
pernicieux.   Un  bon  laboureur ,  un 


L  A  B 

inbourenr  intelligent  eft  un  liomme 
eirentiel  ,  ^  que  l'on  doit  ménager 
&'  bien  payer. 

Pour  éviter  la  peine  ,  les  labou- 
reurs ordinaires  ne  manqueront  pas 
de  dire  au  propriétaire  peu  inftruit  : 
La  couche  de  delTous  elt  aigre  ,  elle 
n'aura  pas  le  temps  de  fe  cuire  ,  la 
récolte  fera  perdue  ,  &c.  ;  tous  ces 
propos  font  ceux  de  la  fainéantife 
ou  de  l'ignorance.  LallFez  dire  ,  &c 
ramenez  toujours  plus  ou  moins  une 
portion  de  la  terre  intérieure ,  & 
qui  n'a  pas  encore  travaillé.  Sa  qua- 
lité ,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  décide 
de  la  quantité.  On  peut  augmenter 
cette  quantité,  i\  dans  le  temps  con- 
venable on  a  porté  des  engrais  fur 
le  champ,  c'eft-à-dire ,  avant  le  pre- 
mier labour  d'hiver,  ou  au  fécond, 
au  plus  tard. 

L'exécution  de  ce  renouvellement 
de  la  couche  fupérieure,  efl:  morale- 
ment impolîiblej  ou  du  moins  très- 
diflicile  ,  tant  qu'on  fe  fervira  de  la 
charrue  nommée  araire  ,  ou  de  la 
petite  charrue  à  verfoir.  La  première, 
dans  quelques  endroits ,  ell  appellée 
dentel ,  &  la  féconde  ,  moujje.  Ce  font 
prefque  les  feules  dont  on  fe  ferve 
dans  le  Bas- D.mphiné  ,  le  Comtat 
d'Avignon,  la  Provence  ,  le  Langue- 
doc. Elles  îrrattent  la  terre  à  trois  ou 
quatre  pouces  au  plus  de  profondeur 
réelle  :  ce  n'eftpas  labourer.  Le  liUon 
cependant  paroît  profond  ,  à  caufe 
de  l'élévation  de  la  terre  poiiflée  fur 
fes  bords;  mais  ce  labour  n'elt  qu'ap- 
parent; il  peut  erre  &  il  eft  même 
fuftifant  fur  un  fol  maigre  ,  &  dont 
la  couche  fupérieure  repofe  fur  une 
couche  encore  plus  mauvaife.  Dans 
tout  autre  terrein  ,  c'eft  du  travail 
perdu  ou  prefqu'inutile.  Dans  ces 
provinces  dévorées  par  la    chaleur , 


L  A  B 


Ï4Ï 


on  fc  plaint  de  la  fécherefle  ,  de  ce 
que  les  bleds  font  trop  tôt  furpris 
par  le  chaud  ,  &c.  ces  plaintes,  ces 
lamentations  perpétuelles  ne  font  pas 
ouvrir  les  yeux  aux  cultivateurs ,  &c 
ils  ne  voient  pas  que  (i  les  labours 
avoientéré  plus  protonds,  les  racines 
fe  feroient  enfoncées  dans  la  terre,  & 
auroient  moins  promptement  été  pri- 
vées de  cette  humidité  qui  conftitue 
la  bonne  végétation  Si  la  contrariété 
des  faifons,  fi  le  peu  de  beftiaux  de 
labour  que  l'on  nourrit,  ont  retard» 
les  labours,  enfin  fi  le  travail  prelTe, 
on  loue  des  paires  de  labours,  d'  ou 
les  paie  à  tant  par  jour  ou  par  me- 
fures  du  pays  ;  les  propriétaires  des 
mules ,  des  bœufs  ou  des  chevaux  , 
veulent  être  bien  payés  ,  &  rien  n'eft. 
plus  Julie  ;  mais  pour  ménager  leurs 
bêtes,  le  travail  eft  mal  fait,  ils  in- 
clinent la  charrue  à  verfoir  ;  la  terre 
paroît  très-foulevée  fur  le  côté  du 
fillon  ,  &  elle  l'tft  en  eflct,  &  le 
iiUon  n'a  point  de  profondeur  réelle. 
Si  on  les  paie  par  tache ,  le  labour 
eft  encore  plus  mauvais.  J'ai  fouvenc 
offert  à  ces  laboureurs  à  journées  de 
prendre  leurs  bctes,  à  condition  qu'ils 
fe  fervirnient  de  mes  charrues  qui 
piquent  bien  en  terre,  &  aucun  n'a 
jamais  voulu  s'en  fervir ,  quoique 
j'ofrrilfe  de  payer  leurs  journées  au- 
delà  du  prix  courant.  Les  faifons,  j'en 
conviens, diminuent  ou  perdent  quel- 
quefois les  récoltes  ;  mais  leur  perte 
habituelle  vient  i".  de  ce  que  l'on 
laboure  mal  ;  i".  de  ce  que  l'on  la- 
boure à  contre  temps. 

Les  partifans  des  labeurs  multi- 
pliés, fyflcme  jadis  ii  accrédité  par 
M.  Tull ,  &  mis  à  contribution  par 
pluiieurs  auteurs  qui  l'oin  fuivi  ,  ne 
manqueront  pas  de  fiiire  une  lon- 
gue   énumération   des  principes    de 


i4t  L  A  B 

de  leur  maîcre  ,  rapportés  au  mot 
culture  ,  &  de  finir  par  dire  :  com- 
parez un  ch.imp  labouré  d'après  votre 
méthode,  <Sc  comparez  la  récolte  que 
l'on  obtiendra  d'après  la  nôtre  :  je 
conviendrai  avec  ces  Meilleurs  que 
dans  l'oriçiine  ils  auront  un  grand 
avantage  fur  moi  \  c'eft-à-dire  que  Ci 
MOUS  prenons  tous  deux  un  champ 
quelconque,  &  parhaitfiment  égal 
dans  toutes  les  circonftances  ,  ils 
auront  la  première  année  une  récolte 
bien  fupcrieure  à  la  mienne  ,  parce 
que  leurs  labours  réitérés  &  multi- 
pliés au  point  de  rendre  la  teire 
meuble  comme  celle  d'un  jardin , 
ont  forcé ,  ont  aclionné  tout-à-la- 
fois  ,  (î  je  puis  m'exprimer  ainfi, 
jufqu'aux  dernières  molécules  du  fol; 
il  n'eft  donc  pas  étonnant  li  la  ré- 
colte efl:  belle.  Voilà  le  beau  côté 
du  tableau  ;  voyons  actuellement  le 
revers  ;  comptons  combien  il  a  tallu 
de  labours  pour  faire  acquérir  à  cette 
terre  cette  foupleife  ,  cette  divifion 
forcée.  Eftimons  la  valeur  ou  le  prix 
qu'on  aura  payé  pour  chaque  labour,  & 
du  tout  faifons-en  un  total.  Aéluel- 
ment,  il  faut  ellimer  la  valeur  du 
produit  de  la  récolte ,  &  faire  le 
tableau  de  comparailon  de  dépenfe 
&:  de  recette.  La  même  opétation 
doit  être  répétée  pour  le  champ  la- 
bouré à  grands  intervalles  ,  mais  dans 
les  tirconftances  couvenables,  &  on 
verra  que  le  produit  réel ,  déduébioii 
faite  de  toutes  dépenfes  ,  fera  au 
moins  au  pair  par  les  deux  métho- 
des. Admettons  que  celui  de  la  pre- 
mière foit  fupérieur  &  très-fupérieur, 
il  ne  prouvera  tien ,  finon  que  la 
terre  de  ce  champ  a  été  forcée  ,  Se 
que  la  végétation  des  bleds  l'a  épui- 
fée.  Il  eft  .lifé  de  le  prouver ,  en  ré- 
pétant plulîeurs  années  de  fuite  les 


L  A  B 

mêmes  opérations  fur  chaque  champ, 
&  l'on  verra  que  peu-à-peu  le  pre- 
mier s'appauvrira  &  le  fécond  s'en- 
richira :  cela  eft  h  vrai ,  que  les  par- 
ti fans  les  plus  zélés  du  fyftème  de 
M.  TuU  ,  ont  ouvert  les  yeux  ,  & 
qu'ils  ont  vu  enfin  que  la  dépenfe  ex- 
cédoit  le  produit.  Il  n'eft  donc  pas  fur- 
prenant  d'entendre  dire  que  la  terre 
s'appauvrit  :  cela  eft  vrai ,  loifque 
l'on  travaille  mal,  lorfque  l'on  force 
fon  évaporation  ,  &  fur  tout  quand 
on  croit  fuppléer  les  engrais  par  des 
labours  multipliés.  Les  avantages 
rcels  des  engrais,  conliftent  dans  la 
fiibftance  huileufe  &  grailleufe  qu'ils 
fûurnilfent  à  la  teite ,  &  qui  devient 
favoneufe,  en  s'uniilant  avec  Iïs  fels 
&  l'eau;  dans  cet  état^  elle  forme 
la  matière  de  la  fève ,  ainfi  qu'il  a 
déjà  été  dit  fi  fouvent  dans  le  cours 
de  cet  ouvrage.  Mais  un  avantage  bien 
réel  encore  que  la  terre  tire  d'eux  , 
c'eft  l'abforption  de  leur  air  fixe  , 
furabondant,  qui  fe  dégage  lors  de 
leur  décompolition ,  ou  lors  de  leur 
converfion  en  matériaux  de  la  fève. 
Une  partie  de  cet  air  eft  pompé  par 
les  racines  avec  la  fève  ,  &  l'autte 
eft  réabforbée  par  les  feuilles  à  me- 
fure  qu'elle  s'échappe  de  la  terre. 
L'exemple  du  vafe  mis  fous  le  réci- 
pient dont  on  a  parlé,  fuffit  pour  le. 
prouver.  [I^oye^  encore  les  trois  ex- 
périences citées  tome  I,  page  481  , 
au  mot  Amendement  ).  11  me  paroît 
bien  difficile  de  fe  refufer  à  ce  genre 
de  preuves. 

Il  ne  me  refte  plus  qu'à  exami- 
ner fi  les  labours  profonds  &  très- 
profonds,  méritent  les  éloges  que  leur 
ont  donné  plufieurs  auteurs. 

On  a  déjà  vu  que  le  bon  agricul- 
teur proportionnoit  la  profondeur  des 
labours,  fuivant  l'épallfeur  de  la  cou- 


L  A  B 

che  lupérieure  &  fa  qualité ,  8c  fuivant 
celle  de  rinférieure  ,  &c.  ôcc.  Si  la 
rerre  eft  bonne  j  à  quoi  ferviront 
des  labours  plus  profonds  que  le  point 
auquel  doit  s'étendre  l'extrémité  des 
racines?  A  rien  quant  au  befoin 
réel,  &  à  beaucoup  quant  à  la  perte 
des  principes  par  l'évaporation.  Si  le 
fol  eft  depuis  long -temps  fimple- 
ment  égratigné  par  de  petits  labours, 
il  eft  clair  que  cette  couche  de  terre, 
fans  ceffe  remuée  ,  eft  appauvrie  ,  & 
qu'il  convient  de  la  mélanger  avec  l'in- 
férieure, mais  non  pas  en  une  quan- 
tité difproportionnée  ,•  excepté  dans 
les  labours  d'hivernage.  Pendant  les 
labours  de  divilîon  ou  les  derniers , 
elle  n'auroit  pas  le  temps  de  s'im- 
prégner des  effets  des  météores.  Les 
protonds,  Se  très- profonds  labours 
écrafent  les  bêtes  de  fatigue  ,  don- 
nent de  belles  récoltes  pendant  quel- 
que temps  ,  &  hnilFent  par  ruiner 
le  fol  ,  à  moins  qu'on  ne  répare  fes 
pertes  en  multipliant  les  engrais.  Dans 
un  champ  mal  travaillé  de  longue 
main  ,  un  labour  de  fix  à  huit  pou- 
ces de  profondeur  réelle,  eft  plus 
que  fuftifant.  S'il  furvient  de  gref- 
fes pluies ,  pour  peu  que  ce  champ 
ait  de  pente,  une  grande  partie  de 
la  terre  eft  entraînée  :  voilà  comment 
s'abaiflentfuccelTîvement  les  coteaux, 
&  les  plaines  s'eniichilTent  à  leurs 
dépens.  Dans  ce  cas  ,  on  appauvrie 
la  terre  matrice  ,  c'eft  une  perte 
réelle  ,  puifque  Vhuwus  qui  a  été 
diflout  &  entraîné  par  l'eau  ,  fournie 
lui  feul  la  charpente  des  plantes. 

Dans  un  terrein  de  qualité  mé- 
diocre ,  ou  fabloneux  ,  ces  profonds 
labours  font  défaftreux  ;  ils  facilitent 
l'évaporation  du  peu  d'air  fixe  qu'ils 
contiennent. 


L  A  B 


'43 


Les  terreins  tenaces  ,  argilleux  , 
crayeux  ,  font  les  ieuls  qui  exigent 
de  protonds  labours  j  mais  on  ne 
doit  venir  à  une  grande  profond ;ur 
que  petit  à  petit.  En  effet  ,  à  quoi 
ferviraune  mafle  d'argilleou  de  craie 
qu'on  amènera  à  la  furface ,  &  dont 
le  volume  fera  du  double  de  celui 
de  la  terre  que  les  météores ,  les 
labours  &  les  engrais  ont  rendue  vé- 
gétale? Ici ,  toute  proportion  eft  rom- 
pue ,  le  mauvais  domine  fur  le  mé- 
diocre, le  médiocre  fut  le  bon-,  une 
chétive  récolte  fera  la  récompenfe 
d'un  travail  fait  à  contre-fens.  Je  con- 
viens cependant  qu'à  la  longue,  & 
en  foutenant  toujours  la  même  pro- 
fondeur des  labours  ,  on  parviendra 
à  améliorer  la  maffe  de  terre  fou- 
levée.  Il  auroit  mieux  valu  le  faire 
petit  à  petit ,  on  auroit  eu  chaque 
tois  des  récoltes  pallables. 

On  auroit  tort  de  conclure  que  Je 
fuis  ennemi  des  profonds  labours; 
au  contraire ,  je  perfifte  à  dire  qu'ils 
font  excellens  ou  trcs-nuifibles ,  fui- 
vant les  circonftances;  enfin,  que  les 
labours  avant  &  après  l'hiver  doivenc 
nécelTairement  être  de  iîx  à  huit  pou- 
ces de  protondeur,  lorfque  le  local 
le  permet.  Cette  profondeur  ramène, 
à  une  jufte  proportion  ,  la  terre  neu- 
ve fur  la  fuperficie;  elle  a  le  temps 
de  fe  combiner  intimement  avec 
l'ancienne  ,  de  s'imprégner  du  fel 
aérien  ,  de  la  lumière  du  foleil  ,  dcc. 
enfin  la  profondeur  de  ces  premiers 
labours ,  facilite  le  travail  des  der- 
niers. 

Des  écrivains  engagent  à  fiire  des 
labours  francs  ,  d'un  pied  de  profon- 
deur, d'un  feul  coup  ,  &  ils  en  par- 
lent comme  d'une  chofe  très-facile. 
Je  fuis  fâché  de  ne  pas  avoir  leurs 


144 


L  A  B 


yeux ,  &  d'ignorer  leurs  moyens. 
Mes  charrues  lonc  fortes  j  bien  mon- 
tées ,  tirées  par  de  bons  bœuis,  Sc 
malgré  cela,  j'ai  vainement  tenté, 
même  en  mettant  trois  paires  de 
bœufs ,  de  parvenir  à  cette  profon- 
deur, je  ne  dis  pas  dans  des  terreins 
tenaces,  comme  l'argille ,  &c.  mais 
dans  de  bons  fonds  ordinaires.  L'on 
peut  dire  que  leur  plume  fillonne 
mieux  que  leur  charrue.  Si  on  prend 
pour  un  pied  de  profondeur  depuis 
le  fommet  de  la  terre  remuée  & 
montée  fur  le  bord  du  lîllon  ,  juf- 
qu'à  fa  bafe  réelle  ,  il  n'eft  pas  éton- 
nant que  l'on  compte  un  pied;  mais 
ce  n'eft  pas  ainfî  qu'on  doit  calculer , 
il  s'agit  de  la  profondeur  réelle  & 
intrinféque  du  fiUon  ,  non  comprife 
la  hauteur  de  fes  bords ,  puifque 
cette  hauteur  dépend  du  plus  ou  du 
moins,  i  ''.  d'e  la  manière  dont  le  la- 
boureur tient  fa  charrue  j  2.0.  de  l'é- 
cartenient  ou  du  rapprochement  de 
l'oreille  au  verfoir  contre  le  corps 
de  la  charrue;  5°.  enfin  de  la  lon- 
gueur (?c  hauteur  que  l'on  donne  à 
ce  verfoir.  Je  regarde  donc  toujours 
comme  trcs-difEcile  ou  comme  im- 
poffible  l'exécution  de  ces  labours 
frimes  de  douze  pouces  de  profon- 
deur. Admettons  les  poflîbles;  à  quoi 
ferviront-ils  ?  À  trop  ramener  de 
rerre-vierge  fur  la  fuperfîcie,  &  à  la 
longue ,  à  épuifer  le  champ.  Des 
exceptions  particulières  ne  dctruifent 
pas  cette  allertion  générale.  Afin  d'é- 
viter les  répétitions ,  voyez  ce  qui 
eft  dit  dans  le  premier  chapitre  de 
la  quatrième  partie  de  l'article  Char- 
rue ,  fur  leur  attelage ,  la  manière 
de  les  conduire  ,  (Se  d'exécuter  les 
diffcrens  labours  pour  lefquels  on 
les  emploie.  Tome  JIl ,  page  131. 


L  A  B 

CHAPITRE     III. 

EJl-'d  plus  "avantageux  de  labourer 
avec  des  bxufs  j  ou  avec  des  che- 
vaux,  ou  avec  des  mules, 

La  folution  de  ce  problème  eft 
facile ,  Il  on  fe  dépouille  de  boime 
foi  de  toute  ptévention  contraétée 
par  l'habitude ,  ou  11  l'on  voit  (?c  l'on 
examine  les  chofes  fans  partialité. 

Il  eft  démontré  en  mécanique  que 
l'homme  ou  l'animal  quelconque  , 
ne  tire  qu'en  raifon  de  fon  poids 
ou   de    fa  malfe  :  premier  principe. 

11  eft  encore  démontré  que  la  force 
de  l'animal  diminue,  s'il  n'eft  pas 
bien  proportionné  ,  &  que  plus  il 
feia  monté  haut  fur  fes  jambes,  moins 
fa  maffe  aura  de  force  ,  attendu  la  foi- 
blelfe  ou  la  dilprcportion  des  points 
d'appui  :  fécond  principe  ;  d'où  il 
feroit  aifé  d'en  déduire  plufieurs  au- 
tres, &  que  le  leéteur  peut  aifcment 
fuppofer. 

Prenons  acluellement  un  bœuf  & 
un  cheval  bien  conformés,  &c  de  poids 
égaux;  je  dis  que  le  bœuf  tirera  plus 
que  le  cheval,  parce  qu'il  eft  moins 
monté  haut  en  jambes  ,  parce  que 
que  fes  membres  font  plus  ramaiïés, 
enfin  parce  qu'il  tire  du  poids  de 
tout  fon  corps ,  puifque  le  joug  eft 
attaché  à  fes  cornes,  tandis  que  le 
cheval  ne  tire  que  par  les  épaules, 
foit  avec  un  collier,  foit  avec  un  poi- 
trail. 

Il  y  a  deux  manières  de  faire  cette 
expérience  ;  la  première,  de  mettre 
l'un  après  l'autre  chaque  animal ,  pat 
exemple,  dans  la  grande  roue  d'une 
machine  appellée^^r.7t: .-  on  verra  alors 
qu'ils  foulèveront  le  même  fardeau  , 

parce 


L  A  B 

parce  qu'ici  ils  n'agillent  que  comme 
malle.  Dans  la  féconde,  attelez-les 
fiicceiîivement  à  une  corde  attachée 
à  une  poutre  ou  à  un  fardeau  quel- 
conque à  tirer.  Ici  le  bœut  "jiura  l'a- 
vantage furie  cheval,  parce  qu'il  eft 
plus  ramallc  dans  fes  membres  ,  plus 
court  jointe ,  &  fes  points  d'appui 
plus  forts.  Cependanton  doit  oblerver 
que  les  bœuh  font  accoutumés  à  tirer 
deux  à  deux,  au  lieu  que  le  cheval 
tire  fouvent  feul  ;  il  faut  donc,  pour 
rendre  l'expérience  concluante  ,  iup- 
pofer  deux  bœufs  &  deux  chevaux 
égaux  de  bien  proportionnes  dans  leur 
genre.  Ce  que  je  dis  du  ba-uf-  & 
du  cheval  s'applique  aux  mules  Se  aux 
mulets. 

Voyons  aétuellement  quels  font 
les  animaux  les  moins  coûteux  pour 
l'achat  &  pour  l'entretien. 

On  a  dans  tout  le  royaume  en  gé- 
nérai une  belle  paire  de  bœuh  de 
5  à  <î  ans  pour  400  liv.5  une  paire  de 
mules  de  même  âge,  fans  être  de  qua- 
lité première,  coûte  1000  à  1200  1. 
Le  prix  d'une  paire  de  chevaux  cft 
à-peu-près  le  même  :  donc  pour  la 
.piême  fomme  j'aurai  trois  paires  de 
bœufs. 

Il  faut  à  préfent  eftimer  le  prix 
d'achat  des  harnoisdes  chevaux,  & 
leur  entretien  ,  &  le  comparer  avec 
celui  d'un  joug  &  de  la  longue  cour- 
roi  qui  fert  à  l'alfujettir  aux  cornes 
de  l'animal.  Je  demande  de'quel 
côté  eil  l'économie  ? 
.  Le  cheval,  le  mulet,  démandent 
à  être  ferrés  ;  nouvelle  dépenfe.  Le 
bœuf  n'a  pas  befoin  du'  maréchal. 
Je  fais  cependant  que  dans  certai- 
nes provinces  du  royaume ,  on  ferre 
les  bœufs.  Cette  précaution  eft  tout 
au  moins  inutile.  Par- tout  ailleurs 
l'animal  eft  fans  fer;  &•  oii  objec- 
Tome  VI, 


L  A  B      ^       Hî 

teroit  en  vain  k  dift'éteihcé  des  fols; 
des  climats,  &c.  '''•    ^"^ 

La  nourriture  du  bœuf  eft  peU 
ccûtéufe  ;  de  là  paille  &  quelque 
peu  de  toin  lui  fuftifcnt  chaque  jour 
vers  le  midi,  &  les'  jours  fériés  it 
va  pâturer  dans  lés  prés ,  dans  les 
champs  ,  &  cette  nourriture  accef- 
foire  économife  les  providons  de  la 
maifon.  Le  mulet,  le  cheval  au  con- 
traire .exigent  des  repas  réglés ,  tou- 
jours du  fourrage,  de  la  paille,  & 
fur-tout  de  l'avoine.  Il  eft  donc  clair 
que  la  dépenfe  pour  la  nourriture, 
eft  d'un  tiers  plus  forte  pour  ces  ani- 
maiix  que  pour  le  bœuh  Voilà  trois 
économies  réunies",  maréchal,  bour- 
relier &:  nourriture  ;  que  l'on  calcule 
actuellement  à  combien  elles  mon- 
tent à  la  fin'de  l'année  dans  une  gtande 
métairie  ! 

Si  j'avûis  à  choifir  entre  le  che- 
val &  le  mulet  ou  la  mule,  je  pré- 
féretois  ces  derniers ,  parce  qu'ils  font 
moins  fujets  à  de  grandes  maladies, 
(S;  demandent  rarement  les  foins  du 
maréchal  :  de  là  eft  venu  le  proverbe ,  il 
cjl  coûteux  comme  un  cheval  à  l'ccurie. 

Je  connois  les  objeélions  que  l'on 
fait  communément  contre  le  fervice 
des  bœufs  ,  &  je  les  réduis  à  deux 
principales.  Ils  font  moins  expéditifs 
au  travail ,  &  on  rifque  de  les  per- 
dre par  une  épizootie. 

Je  conviens  en  général  que  les 
bœufs  ont  un  pas  tardif  &  lent;  mais 
eft-'ee  leur  t-aute  ?  Non,  fans  doute;; 
elle  tient  plus  à  la  pirelîe  du  pre< 
mier  condudeur ,  xju'à  i'impuilfance 
de  l'animal  :  ceci  paroîtra  peut-être 
un  paradoxe;  un  leul  point  de  fait 
prouve  ce  que  j'avance.  Au  Pérou. 
&:  au  Brélîl ,  où  l'on  a  tranfporté  cette 
race  de  l'Europe ,  d<  où  elle  eft  fi  mul- 

T 


144  L  A  B 

tipl.iée  aujourd'hui ,  que  fouvent  on 
tue  un  bauf  pour  le  feul  plaitir 
d'en  nifiD^er  la  langue  ,  on  y  fait  des 
courfes  de  rrois  ou  quatre  lieues  , 
monté  far  ces  animaux  j  aullî  vite  &z 
en  aulTi  peu  de  temps,  qu'avec  les 
chevaux  de  porte  en  France.  Il  ne  s'a- 
git pas  ici  d'examiner  fi  ces  bœuts 
au  galop  ont  les  allures  &  la  fou- 
plelie  du  cheval,  il  fuiïît  de  prouver 
qu'ils  font  fufceptibles  d'aller  vite. 
Se  très-vîte  j  Se  j'ajoute  que  j'en  ai 
depuis  deux  ans  une  paire  qui  mar- 
che aufiTi  vîte  qu'une  paire  de  che- 
vaux ou  de  mules ,  fans  être  plus 
fatigués  que  ceux  qui  vont  plus  len- 
tement. Tout  dépend  du  premier 
conduéleur  que  l'on  a  donné  à  l'ani- 
mal, &:  je  réponds  du  fiit  d'après 
mon  expérience.  Le  cultivateur  peu: 
donc  acheter  des  bœufs  qui  n'aient 
pas  encore  labouré,  &  les  mettre  peu 
à  peu  au  pas  qu'il  défire.  11  ne  fera 
pas  difficile  d'y  parvenir  ;  mais  la 
difficulté  extrême  fera  de  foumettre 
à  cette  marche  prefte,  le  laboureur, 
fur-touc  dans  les  pays  où  la  coutume 
eft  établie  de  labourer  avec  des  bœufs. 
Dans  les  provinces  où  la  culture  fe 
fait  avec  des  chevaux ,  la  chofe  eft 
facile ,  parce  que  le  valet  eft  accou- 
tumé à  marcher  plus  vîte. 

J'ai  voulu  me  convaincre  par  mes 
propres  yeux  de  la  différence  qu'il  y 
a  entre  la  marche  des  mules  avec 
celle  des  bœufs  dans  les  premiers 
labours,  ou  labours  de  défoncemenr  , 
&  j'ai  vu  que  fur  un  flllon  d'un 
quart-d'heure  de  marche,  il  n'y  avoit 
pas  fix  toifes  de  différence.  Je  con- 
viens qu'elle  feroit  plus  confidérable 
au  troifième  ou  au  quarrième  labour, 
parce  que  les  mules  doivent  avoir 
moins  de  peine  que  dans  les  pre- 
tniets,  attendu  cpe  leuc  mafTe  eA 


L  A  B 

moins  forte  que  celle  des  bœufs  ,  & 
que  c'eft  en  raifon  des  maffes  que 
rélîde  la  force  pour  tirer.  J'invite  le 
cultivateur  ,  amateur  de  l'ouvrage 
bien  fait,  de  comparer  le  fiUon  tracé 
par  des  bœufs  ,  à  celui  fait  avec 
des  mules  ou  avec  des  chevaux  j  il 
verra  combien  le  premier  eft  net  , 
droit,  fans  inégalité,  ôc  plus  pro- 
fond que  les  autres.  J'ai  des  chevaux, 
des  mules  &  des  bœufs ,  &  je  trouve 
une  très-grande  économie  à  me  fer- 
vit  des  derniers ,  fans  parler  de  la 
fupériorité  de  leur  travail. 

Un  point  elfentiel  àobfetverlorfque 
l'on  achette  des  bœufs ,  eitde  s'aflurer 
de  l'endroit  où  ils  ont  été  élevés.  Par 
exemple  ,  des  bœufs  nés  &;  nourris 
fur  les  montagnes  &  dans  les  lieux 
élevés  de  l'Auvergne  ,  du  Limolin  , 
dcc.  font  en  général  très-peu  propres 
aux  pays  de  plaine  ,  &  ils  ont  beau- 
coup de  peine  <à  s'y  accoutumer, 
foit  à  caufe  du  changement  de  nour- 
riture ,  foit  à  caufe  de  la  différence 
du  climat ,  &c.  S'ils  ont  été  élevés 
dans  des  endroits  fecs  naturellement, 
6c  par  le  fol ,  &  par  le  climat ,  ils 
dégénéreront  dans  les  lieux  bas  & 
humides,  ainfi  de  fuite,  lorfqu'il  fe 
trouve  une  difproportion  marquée. 
Peut-on  fe  figurer  que  les  bœufs  vi- 
goureux ,  par  exemple  de  la  Ca- 
margue ,  fulTent  d'un  grand  fecours 
dans  nos  provinces  du  nord  ?  Ils  pâ- 
tiront, languiront,  &  fouffriront  juf- 
qu'à  ce  qu'ils  foient  acclimatés.  On 
ne  fait  point  affez  ces  réflexions , 
lorfque  l'on  achette  le  bétail  dans 
les  foires.  On  fe  contente  d'obferver 
s'il  eft  en  bon  état  ,  jeune  &  bien 
proportionné  j  &  on  eft  tout  étonné 
enfuite  de  le  voir  chez  foi  dépérir 
à  vue  d'œil  !  On  doit,  autant  qu'on 
le  peut ,  fe  procurer  le  bétail  ué  dans 


L  A  B 

le  voifinage  :  changeant  d'écurie ,  il 
retrouve  le  même  climat  &  la  même 
nourriture.  On  dit  que  les  bœufs  ne 
réufllirent  pas  dans  nos  provinces  mé- 
ridionales ;  c'eft  une  erreur  :  il  y  fait 
moins  chaud  qu'au  Pérou,  qu'au  Bré- 
fil ,  qu'au  Cap  de  Bonne-Efpérance , 
où  ces  animaux  ont  fi  bien  téuffi. 
11  fuffit  de  les  faire  boire  trois  fois 
par  jour ,  &  de  les  tenir  à  l'orge  ou 
à  l'avoine  verte  pendant  deux  femai- 
nes.au  printems.  La  cherté  des  che- 
vaux &  des  mules  commence  à  for- 
cer les  cultivateurs  à  revenir  à  la  cul- 
ture exécutée  par  les  bœufs ,  ainfi 
qu'elle  l'a  été  autrefois  dans  tout  le 
royaume,  fans  exception  d'aucune  de 
fes  provinces.  C'eft  un  point  de  fait 
qu'on  ne  fauroit  nier. 

Un  auteur  ,  très  -  eftimable  dans 
fon  ouvrage  intitulé  :  Manuel  d'A- 
griculture pour  le  Laboureur  j  dit  : 
«  11  y  a  une  raifon  qui  rend  le  che- 
»  val  préférable  au  bœuf,  c'eft  que , 
«pour  une  charrue,  il  ne  faut  qu'un 
»  attelage  de  chevaux  ;  au  lieu  qu'il 
»  en  faut  deux  de  bœufs ,  dont  l'un 
M  foit  pour  le  travail  de  la  matinée, 
j>  &  l'autre  pour  celui  de  l'après-midi , 
»  toujours  ainfi  alternativement ,  afin 
»>  que  l'un  des  deux  fe  repofe  :  au- 
9s  trement  le  même  attelage  qui  ne 
n  difcontinueroit  pas  fon  travail , 
3>  iroit  extrêmement  lentement  ,  ce 
»  qui  obligeroit  d'en  avoir  deux  pour 
>>  bien  faire  aller  une  charrue  ». 

Je  ne  nie  pas  que  cette  méthode 
exifte  dans  certains  cantons  du  royau- 
me ,  puifque  M.  de  la  Salle  de  l'Etang 
en  fait  mention;  mais  quoique  j'aie 
parcouru  prefque  l'étendue  du  royau- 
me dans  tous  fes  points ,  j'ofe  avan- 
cer que  je  ne  l'ai  vu  fuivie  nulle  part, 
&  que  par -tout  les  mêmes  bœufs 
travaillenc  trois  à  quatre  heures  d^us 


L  A  B  ii^ 

la  matinée  ,  fuivant  la  faifon  ,  & 
autant  dans  l'après-midi.  On  ne  les 
feroit  travailler  qu'une  heure  par  jour , 
qu'ils  n'en  iront  pas  plus  vite,  & 
qu'ils  marcheront  toujours  du  même 
pas  auquel  leurs  premiers  condudteurs* 
les  auront  accoutumés. 

Il  eft  bien  démontré  à  mes  yeux ,  & 
par  ma  propre  expérience,  que  la  dé- 
penfe,  foit  pour  l'entretien  ,  foit  pour 
la  nourriture  de  deux  paires  de  che- 
vaux ,  équivaut ,  à  uhs-peu  de  chofc 
près  y  à  celle  de  quatre  paires  de 
bœufs,  &  beaucoup  au-delà  à  celle  de 
trois  paires;  fut-tout  fi  l'on  compte 
l'intérêt  de  la  mife  d'argent  pour  1  a- 
chat,  &  fi  l'on  y  ajoure  la  perte  & 
la  non-valeur  que  le  temps  amène  fur 
le  prix  des  chevaux,  à  mefure  qu'ils 
vieillifient.  Les  bœufs  au  contraire, 
hors  de  fervice,  font  misa  l'engrais, 
&  on  les  vend  enfuite  prefqu'aufll 
cher  qu'ils  ont  coûté.  Je  ne  crois 
pas  qu'on  puilTe  nier  ces  points  de 
fait.  Admettons  aduellement  que 
le  travail  de  deux  paires  de  che- 
vaux égale  celui  de  trois  paires  de 
bœufs ,  à  caufe  de  leur  lenteur  ,  il 
n'en  fera  pas  moins  vrai  que  le 
travail  aura  moins  coûté  ,  &  qu'il 
fera  mieux,  &  plus  folidement,  & 
plus  profondément  fait.  Je  demande 
encore  de  quel  côté  doit  pencher  la 
balance?  fur-tout  fi  l'habitude  &  le 
préjugé  n'ont  aucune  part  dans  la 
décilion. 

Les  bœufs  font  attaqués  par  les 
épï\ooties  (  Voye\  ce  mot  ) ,  &  fou- 
vent  ces  terribles  maladies  enlèvent 
tout  le  bétail  d'un  canton  &  d'une 
province.  Telle  eft  la  féconde  objec- 
tion que  l'on  fait  contre  l'ufage  des 
bœufs.  Laclavellée  ou  petite-vérole, 
ou  picotte  ,  n'eft-elle  pas  une  mala- 
die contagieufe  pour  les  troupeaux  ? 
T  2, 


}^^ 


L  A  B 


La  morve  ,  le  farcin  ,  Sec.  nefpnt-ils 
p_.1s.,épizootiques  pour  les  chevaux, 
pour  les  mules  &  les  mulets  ?  Ce- 
pendant )ie  fe  ferc-on  pas  des  uns  & 
des;  autçps^?  ,iSç  j'objedioii  ;  n'fft'-elîe 
•  pas  la  m,ême  dans  tous  les  cas?  Si 
le  culciviceur  a  lu  iSc  médite  atte^- 
tivenient  ce  qui  eft  die  au  mot  Epi- 
^Ootié  j  il  vetra  que  rien  n'eHr.pIus 
aifé.que  de,  garantir  foii  bétail  de 
la  .contagion  .générale  ,  .foit  par  dçi 
foins  &  des  remèdes  de  précaution  , 
foit^par  une  rigoureufe  féparation 
des^nimaux  fain's, .d'avec  lesy.nimaux 
malades,  &z  en  empêchant  que  les 
perfonnes  qui  fervent  les  uns ,  n'ap' 
prochent  des  autres  dans  aucun  cas. 
Les  maréchaux  font,  à  l'égard  du 
bétail,  lorfqu'il  règne  une  épizootip, 
ce  que  les  méc^ecins  &  leschiriii- 
giens  font  à  l'égard  de  la  petite-vé- 
role. Ils  fortent  devifiterun  malade, 
aprçs  l'avoir  touché  ,  ou  (es  vête- 
iTiens^  ils  s'imprègnent  du  venin  con- 
tagieux ,  &  le  répandent  par-tout  où 
ils  vont.  Cela  eft  fi  vrai  que  lorf 
C[ue  toute  communication-  quelcon- 
que a  été  interdite ,  la  maladie  relie 
.circonfcrite  dans  le  lieu  même ,  Se 
le  voifinage  en  eft  exempt.  Il  en  eft 
■ainfi  de  la  pefte  ,  <3cc. 

Perfonne  n'ignore  que  le  cheval 
(  l-^oje:^  ce  mot  )  eft  fujet  à  un  trcs- 
grand  nombre  de  maladies,  tant  in- 
térieures qu'extérieures ,  tandis  que 
le  bœuf  en  eft  très  -  rarement  atta- 
qué, fur-tout  pour  les  maladies  exté- 
rieures. Il  eft  donc  clair  que  le  bœuf 
mérite  à  rous  égards  la  préférence  fur 
le  cheval  ,  lorfqu'il  s'agit  de  l'éco- 
jdomie  rurale.  Il  eft  également  dé- 
montré, par  l'expérience  journalière, 
qu'il  réfifte  beaucoup  plus  à  la  fati- 
.gcie.  J'aurai  peine  à  convaincre  de 
-ces    vérités   un  Flamand ,    un   Pi- 


L  A  B 

card ,  &'c.  parce  qu'ils  font  dans  Tu- 
fage  de  fe  feivir  des  chevaux  j  mais 
je  les  invite  à  fiire  des  expériences 
comparatives  :  elles  prouveront  plus 
que  les  difcours  ,  &  c'eft  le  feul 
moyen  de  djlîiper  l'illufion. 

LABOUREUR.  C'eft  celui  qui 
laboure  ou  fait  profefllon  de  faire  la- 
bourer &  cultiver"  des  terres.  Con- 
d,ulre  .une  charrue  paroît  une  aflion 
bien  facile  j  cependant,  fur  vingt  la- 
boureurs ,  on  en  trouve  à  peine'  un 
excellent,  deux  paftables,  &  le  refte 
au-deftbus  du  médiocre.  On  recon- 
roît  un  bon  laboureur  à  la  manière 
aifée  dont  il  conduit  ce  mani£  fa 
charrue  j  à  la  facilité  que  l'habitude 
lui  a  donnée  de  la  faire  enfoncer 
ou  foulever  à  volonté  ;  à  l'art  d'ou- 
vrir des  (liions  égaux  &  droits  ;  au 
verfement  des  terres  fur  le  bord  du 
fillon  ,  &c.  Enfin  ,  un  bon  laboureur 
eft  celui  qui  ne  fatigue  pas  fes  bê- 
t;es  ,  &  qui  fait  proportionner  la  pro- 
fondeur du  lillon  à  la  qualité  de  la 
terre.  Quant  aux  laboureurs  ordinai- 
res ,  tout  fol  à  leurs  yeux  eft  le  même; 
ce  font  autant  de  machines  traînées 
plutôt  pat  les  bêtes  confiées  à  leurs 
foins.  Un  bon  laboureur  s'affetirionne 
à  fes  animaux;  il  les  aime,  les  ca- 
relfe,  les  bat  rarement,  &z  ils  obéif- 
fent  à  fa  voix.  Si  la  fatigue  eft  con- 
fidérable  ,  il  fait  ce  qu'il  peut  pour 
la  dnninuer ,  en  redoublant  fes  ef- 
forts. A  peine  le  bérail  eft-il  rentré 
dans  l'écurie  ,  qu'il  le  bouchonne, 
s'ileft  enfueur  ,  le  couvre  aubefoin  , 
veille  à  lui  procurer  une  bonne  li- 
tière ,  le  panfe  &  l'étrille  plufieurs 
fois  chaque  jour  ,  &  fon  zèle  fouvenc 
trop  emprelfé  ,  le  porte  à  procurer 
à  l'animal  beaucoup  plus  de  four- 
rage qu'il  ne  doit  en  confommer  : 


L  A  B 

l'eii  ai  vu  qui  parugeoient  avec  lu: 
le  p.iin  de  leur  dcjeûiiCr.  L'on  ob- 
ferve  prefque  toujours  que  les  labcu- 
reurs  qui  ne  favent  pas  travailler, 
s'attachent  rarement  à  leurs  bêtes  ; 
elles  font  fales,  crottées,  mal  foi- 
gnces  ,  mal  nourries  j  &  cette  né- 
gligence vient  de  ce  qu'ils  labourent 
lans  le  délir  de  bien  faire  ,  en  un 
mot,  parce  qu'ils  font  obligés  de  tra- 
vailler pour  vivre.  De  ce  peu  d'ap- 
titude ,  de  cette  inditrérence  ,  naît 
l'infouciance  où  ils  iont  de  la  con- 
fervation  du  bétail.  Il  eft  battu,  mal 
nourri  Se  mal  foi^né.  Des  c]ue  vous 
connoîtrez  un  bon  laboureur  dans  le 
canton  ,  n'épargnez  ni  foin  ni  argent 
pour  vous  le  procurer  ,  &  tâcl\ez 
de  vous  l'affeélionner  par  de  bons 
procédés,  &  fur -tout  par  de  bons 
gages  ;  votre  argent  fera  placé  à  gros 
intérêt. 

LABYRINTHE.  Lieu  coupé  par 
plulieurs  chemins  ou  allées,  &  où  il 
y  a  beaucoup  de  détours,  en  forte 
qu'il  ell  diflicile  d'en  trouver  l'ilTue. 
On  a  introduit  ce  genre  de  décora- 
tion dans  les  grands  parcs  ,  &  il  pro- 
duit un  eftet  agréable,  s'il  eft  bien 
delliné.  11  fuppofe  nécelTairement 
beaucoup  d'efpace,  fans  quoi  les  al- 
lées font  les  unes  fur  les  autres , 
trop  étroites ,  &  les  plantations  pri- 
vées du  grand  air  ,  sccioUnt  (  Voye'^ 
ce  rnot).  Le  local  doit  décider  de  la 
forme  du  labyrinthe  ;  le  grand  point 
eft  d'éviter  la  confufion,  Se  de  maf- 
quer  avec  art  la  véritable  route  qui 
conduit  à  l'ilTue,  afin  de  caufer  une 
légère  inquiétude  à  celui  qui  s'eft 
engagé  dans  les  routes.  Communé- 
ment le  centre  du  labyrinthe  eft  dé- 
coré par  uu  pavillon  ou  par  tel  autre 


LAC 


149 


objet,  qui  dédommage  de  la  peine 
que  l'on  a  eu  à   y  parvenir. 

LACRYMALE  {Flftulc).  Méde- 
cine vÉTEr;.iNAiRE.  Elle  s'annonce 
au  grand  angle  de  iœil  du  cheval  , 
par  une  tumeur  phlegmoneufe ,  qui, 
en  s'abcédant ,  produit  du  pus  qui 
s'écoule  le  long  de  cette  partie.  Les 
points  lacrymaux  font  engorgés  Sz 
fouvent  ulcérés  \  mais ,  pour  l'ordi- 
naire ,  on  obferve  un  ulcère  entre  les 
paupières  ,  à  l'endroit  de  la  caron- 
cule lacrymale.   (  J'oycr  ce  jnot). 

Luette  maladie reconnoît  pour  caule 
l'âcreté  des  larmes ,  le  grand  fioid  , 
Se  quelquefois  une  caufe  interne, 
telle  que  le  virus  de  la  morve  ,  dit 
farcin  ,  &c.   fyFoyc-^  ces  mots).    - 

Traitement.  Dès  que'^■ous  appcr- 
cevrez  de  la  tumeur  ,  appliquez  fur 
la  partie  A^'i  comprelfes  imbibées 
dans  une  décoftion  émolliente ,  réi- 
térez-en l'application  fçpt  à  huit 
fois  le  jour.  Mais  la  maladie  eft -elle 
avancée?  Y  a-t-il  écoulement  de 
matière  purulente  ?  Tentez  d'abord 
de  déterger  l'ulcère  avec  des  injec- 
tions faites  par  le  canal  lacrymal  , 
dont  vous  trouverez  l'ouverture  an 
bord  àt%  narrines,  au  haut  de  la  lè- 
vre poftérieure  j  &:  fi  les  points  lacry- 
maux font  engorgés  de  manière  à  ne 
pas  permettre  à  la  liqueur  de  palfer, 
injeclez  de  bas  en  haut. 

Il  eft  des  cas  néanmoins  où  il  faut 
incifer  cv  ouvrir  le  facj  on  y  pro- 
cède de  la  manière  fuivante  :  faites 
contenir  les  paupières  par  un  aide, 
inrroduifez  la  fonde  cannelée  ,  êc 
faites  une  incifion  avec  le  biftoury  ; 
■cela  fait  ,  lavez  la  partie  avec  du 
vin  chaud,  appliquez  enfuite  des  pe- 
tites  tentes   de  digeftif  fimple ,  & 


I50            LAD  LAD 

continuez  ce  panfement  jufqu'à  ce  vage  ne  fe  remplifTant  point  defem- 

que  iafuppuiation  nefoit  plusliabon-  blables ordures,  &  vivant  communé- 

dante,  &  que  la  plaie  foit  belle,  &  ment  de  grains,  de  fruits,  de  glands 

terminez  la  cure  par  l'ufage  du  beau-  &  de   racines.  Voilà  pourquoi  auHi 

me  de  Copahu  ou  du  Pérou.  le   jeune  cochon  domeftique  n'y  eft 

On  doit  bien  comprendre  que  ce  po:nt  expofé,  tant  qu'il  tette. 
traitement  local  ne  fuffiroit  point  L'expérience  prouve  que  cette  mala» 
pour  remédier  à  la  fiftule  lacrymale ,  die  n'eft  point  contagieufe ,  &  qu'elle 
qui  reconnoît  pour  caufe  le  virus  de  ne  fe  communique  pas  d'un  porc  ma- 
la  morve ,  du  farcin  ,  Sec.  (  Foye^  lade  à  un  porc  fain.  Elle  eft  très- 
ces  mots).  M.  T.  difficile  à  guérir  dans  le  commence- 
ment, &  lorfqu'elle  eft  parvenue  vers 

LADRERIE.  Médecine  vétéri-  fon  dernier  degré  d'accroiflement  , 
NAiRE.  La  ladrerie  eft  une  maladie  elle  eft  incurable, 
familière  aux  cochons  domeftiques  :  Traitement.  Pour  guérir  l'animal 
elle  a  beaucoLip  de  rapport  avec  la  dans  le  principe  de  la  maladie ,  met- 
lèpre  de  l'homme.  C'eft  fans  doute  tez-le  fous  un  hangar  exaélement 
pour  cette  raifon  que  Moïfe  en  dé-  pavé ,  propre  &  bien  aéré  :  étrillez- 
fendit  autrefois  l'ufage  à  fon  peuple,  le  deux  fois  par  jourj  faites -le  bai- 

Symptôines.  Les  tégumens   font  gnet   tous  les  jours    dans   une  eau 

infenfibles  ,  l'animal  fe  remue  avec  courante  &  pure;  au  fortir  du  bais, 

peinel,  &  paroît  trifte  \    les  bords  bouchonnez-le  exadement,  enfuite 

&  la  partie  inférieure  de  la  langue,  ramenez-le  à  l'étable  ,  où  vous  chan- 

quelquefois   le  palais ,  font  chargés  gérez  de  litière  deux  fois  par  jour  ; 

de  petits  grains  &  de  tubercules  blan-  faites-le  promener  une  heure  le  ma- 

châtres,  rarement  noirâtres,  fouvent  tin  ,  autant  le  foir,  fans  lui  permet- 

remplis  d'une  humeur  épailfe.  Lorf-  tre  de  manger  aucune  fubftance  in- 

que  la  maladie  eft  avancée,  la  ra-  fede;  nourrifTez-le  de  grains  de  fro- 

cine  des  poils  eft  pour  l'ordinaire  en-  ment ,  &  de  fon  humedté  d'eau  ai- 

fanglantée ,  l'animal   fe    foutient  à  guifée  de  fel  de  nître;  tenez -le  à 

peine  fur  le  train  de  derrière.  Nous  cette  nourriture ,  mais    à  une  dofe 

avons  vu  des  cas  où  cette  maladie  modérée,  &  dans  des  temps  réglés, 

ne  feconnoiflbit  qu'après  avoir  égorgé  Prenez  de  fleur  de  fouffre  trois  on- 

l'animal,  &  l'avoir  mis  en   pièces,  ces  j  de  fon  environ  une  livre;  mê- 

Alorsnous  avons  trouvé  letiflu  cellu-  lez  exadlement,  &  humeftez  le  mê- 

laire  des  mufdes,  parfemé  de  grains  lange  avec  de  l'eau  fimple;  réitérez 

blanchârres.  ce  breuvage  tous  les  jours   à  jeun , 

Caufes.  La  ladrerie  vient  ordinal-  pendant  l'efpace   d'un  mois ,  ou  en- 

rement  de  la  malpropreté  où  on  aban-  viron;  parfumez  le  malade  une  fois 

donne  le  cochon  ,&  de  la  corruption  le  matin,  autant  le  foir,   avec  les 

des  fubftances  infedes  dont  il  a  cou-  vapeurs  de  deux  parties  de  fouffre  8c 

tume  de  fe  nouirir.  Voilà  pourquoi  d'une  partie  d'encens  ;  donnez  tous 

le  fanglier  n'eft  point  fujet  à  cette  les  jours  avec  le  grain  de  froment, 

maladie  j  cetce  efpèce  de  cochon  fau-  la  racine  de  patience  pulvérifée  ,  à 


LAI 

la  dofe  de  quatre  onces.  M.  Vite: 
confeille  ce  dernier  remède  ;  quel- 
ques-autres auteurs  ont  propofé  l'u- 
fage  interne  des  préparations  mercu- 
rielles  &  antimoniales  ;  mais  dans 
ce  cas ,  la  chair  de  l'animal  eft  très- 
fufpede.  M.  T. 

LAINE.  Efpèce  de  poil  qui  cou- 
vre la  peau  des  moutons ,  des  bre- 
bis, des  agneaux,  &  de  quelques 
autres  bêtes.  Il  ne  fera  queftion  dans 
cet  article  que  de  celle  des  trois  pre- 
miers. La  maiïe  de  laine  qui  fe  lève 
tout  d'une  pièce  lorfque  l'on  tond  l'a- 
nimal ,  fe  nomme  toifon. 

La  laine  eft  une  matière  fouple 
&  folide ,  qui  nous  procure  la  plus 
fûre  défenfe  contre  les  injures  de 
l'air.  Les  poils  qui  la  compofent,  of- 
frent des  filets  très-déliés  ,  flexibles 
&  moelleux.  Vus  au  microfcope,  ils 
font  autant  de  tiges  implantées  dans 
la  peau  par  des  radicules.  Ces  petites 
racines  qui  vont  en  divergeant,  for- 
ment autant  de  canaux  qui  leur  por- 
tent un  fuc  nourricier  que  la  circu- 
lation dépofe  dans  des  follicules  ova- 
les ,  compofées  de  deux  membranes  j 
Tune  externe ,  d'un  tiflu  alTez  ferme 
&  comme  tendineux;  l'autre  interne, 
enveloppant  la  bulbe.  Dans  ces  cap- 
fules  bulbeufes ,  on  apperçoit  les  raci- 
nes des  poils,  baignées  d'une  liqueur 
qui  s'y  filtre  continuellement,  outre 
une  fubftance  mocUeufe  qui  fournie 
amplement  la  nourriture.  Comme 
ces  poils  tiennent  aux  houpes  ner- 
veufes,  ils  font  vafculeux,  &  pren- 
nent dans  des  pores  toitueux  la  con- 
figutation  frifée  que  nous  leur  voyons 
fur  l'animal. 

Avant  l'invention  des  toiles  de 
fil ,  dont  l'ufage  habituel  remonte  peu 


L  A  î  151 

au-delà  avant  Jules-Céfar,  les  étoffes 
de  laine  étoient  plus  recherchées , 
parce  que  rien  ne  pouvoir  les  fup- 
pléer  ;  mais  aujourd'hui  les  étoffes  de 
foie  &  de  coton  en  ont  finguliére- 
ment  diminué  la  confommation.  La 
qualité  de  ces  objets  ,  plutôt  de  luxe 
que  d'utilité  réelle,  ne  défendra  jamais 
aufli-bien  l'homme  contre  les  inju- 
res des  faifons ,  que  la  laine.  De 
toutes  les  matières  connues ,  elle  eft 
celle  qui  tient  le  plus  chaud,  Se  l'é- 
toffe qu'on  en  fabrique,  eft  celle  qui 
dure  le  plus.  La  beauté  &  la  bonté 
de  la  laine  tient  à  l'efpèce  du  trou- 
peau ,  au  pâturage  qui  le  nourrit ,  au 
climat  qu'il  habite  ,  &  à  la  manière 
dont  il  eft  foigné  &  conduit  :  c'eft 
ce  qu'il  faut  démontrer. 

Plan   du   Travail. 

CHAP.  I.   Précis  kiftorique  du  perfecîion— 

nement  des  laines. 
CHAP.  II.  Des  moyens  de  perfectionner  les 

laines. 
SïcT.  I.    Du   climat. 
Sect.  II.  Du  croifement  des  races  de  qua- 

lité  fupérieure ,  avec    celles   de    qualité 

inférieure, 
CHAP.  m.   Eft-il  poftble  de  perfectionner 

les    laines    en   France  ,    &    quelles  font 

les  qualités  des  laines  actuelles. 
Sect.  I.   De  la  pojfibilité   de  perfelîionner 

les  laines   en  France. 
Sect.  II.  Des  qualités  des  laines  actuelles , 

des  troupeaux  &  des  pâturages   dans  le 

royaume, 

CHAPITE    PREMIER. 

Précis  hijlorique  du  perfeclionner 
ment  des  laines. 

Il  eft  inutile  de  remonter  au  temps 
des  patriarches,  quoique  leurrichefîe 
coniiftàt  dans  les  troupeaux  j  de  par- 


ijz  LAI 

1er  de  l'empire  des  Elamltes,  le  peu- 
ple le  plus  ancien  donc  1  hiftoire  fait 
mention,  des  Moabices ,  des  Juifs, 
&c.  nous  favons  feulemenc  qu'ils 
pofl'édoienc  de  nombreux  troupeaux , 
&  nous  ignorons  s'ils  fe  font  occu- 
pés de  perfectionner  les  efpèces ,  & 
par  confcquent  les  laines. 

Les  Phéniciens ,  peuple  toujours 
actif  &  vigilant,  ie  livrèrent  au  tra- 
vail des  manufactures ,  &  les  colo- 
nies qu'ils  érablirenc  dans  prefque 
toutes  les  parties  du  monde  ,  alors 
connues ,  y  portèrent  le  fruit  de  leurs 
obfervations  &  de  leur  indulirie.  Les 
champs  del'Arcadieétoient  déjà  cou- 
verts, mille  ans  avant  l'Ere -Chré- 
tienne, d'un  nombre  prodigieux  de 
troupeaux  :  la  laine  y  étoit  tellement 
eftimée  ,  de  même  que  dans  l'Afri- 
que ,\qu'il  n'étoit  permis  d'égorger 
que  les  vieilles  brebis ,  &  après  les 
avjîir  tondues.- Les  Phéniciens  tranf- 
portèrenc  leurs  manufaétures  dans 
l'ifle  de  Malthe,  où,  fuivant  Dio- 
dore  de  Sicile  ,  on  fabriquoit  des 
étoffes  de  laine  fins  ,  vingt-un  ans 
avant  Jéfus-Chrill.  On  peut  raifon- 
uablement  penfer  que  les  Efpagnols 
&c  les  Portuguais  doivent  aux  Phéni- 
ciens fart  de  préparer  les  laines. 

Rome  eut  à  peine  élevé  fes  murs, 
&  nommé  fes  rois ,  que  fes  premiers 
foins  fe  tournèrent  du  côté  des  ber- 
geries 5  &  les  troupeaux  y  furent  en 
il  grande  conlîdératiort  ,  qu'on  exploit 
le  crime  d'homicide  par  l'amende 
d'im  bélier.  Peuble  féroce  ,  la  vie 
d'un  citoyen  n'étoit  pas  plus  priiee 
chez  vous  que  celle  d'un  animal! 

Çolumelle,  contemporain  de  i'em: 
perèur  Claiidè  ,  avoif  en  grande  re- 
ppmmàiîdation  les  brebis;  aufli  il  re- 


L  A  I 

proche  fans  cefle  aux  dames  Romai- 
nes ,  énervées  par  la  moleiïe  afia- 
tique  ,  introduite  dans  Rome  ,  de  ne 
plus  donner  aucun  foin  aux  bêtes  à 
laine,  6c  d'avoir  perdu  de  vue  l'exem- 
ple que  Tanaquil ,  époufe  de  Lucius 
Tarquïnus  Pnjius ^  leur  avoir  donné, 
en  filant  &  lilfant  elle-même  la  laine 
pour  l'habit  royal  de  Servi/us  Tul- 
lius.  Ces  habits  furent  dépofés  après 
fa  mort  dans  le  temple  de  la  For- 
tune ,  &  fon  fufeau  dans  celui  de 
Sancus.  Les  Romains  ordonnèrent 
en  fon  honneur ,  qu'une  fiancée  fe 
préfenteroit ,  avec  fon  fufeau  à  la 
main  ,  devant  celui  qu'elle  dévoie 
époufer,  &  qu'elle  orneroit  de  fef- 
tons  de  laine  la  porte  de  la  maifon 
de  fon  futur, 

Columelle  dont  on  vient  de  par- 
ler, &  natif  de  Cadix  ,  eft  peut- 
être  le  premier  qui  fe  foit  imaginé 
de  croifer  les  races  :  la  narion  Efpa- 
gnole  lui  doit  fes  belles  laines.  Ce 
grand  homme  ,  frappé  de  la  blan- 
cheur &  de  l'éclat  de  quelques  mou- 
tons fauvages  ,  amenés  d  Afrique  à 
Cadix  pour  les  fpectacles ,  apperçut 
qu'il  étoit  poffible  d'apprivoifer  ces 
animaux  ,  &  d'en  établir  la  race  dans 
fa  patrie.  Il  exécuta  fon  projet,  & 
accoupla  des  béliers  africains  avec 
àss  brebis  efpagnoles.  Les  moutons 
qu'il  obtint  avoient  le  moelleux  & 
le  délicat  de  la  toifon  de  leur  mère, 
réclat  S<.  la  blancheur  de  la  laine 
de  leur  père. 

La  nation  Efpagnole  touchoit  au 
moment  d'être  une  des  pliis  puif- 
fantes  de  l'Europe  ,  par  le  feul  avan- 
tage de  fes  laines ,  lorfque  les  dé- 
couvertes de  Chriftophe  Colomb  la 
plongèrent  dans  une  efpèce  de  lé- 
thargie j  elle  préféra  l'or  du  Alexi- 

qiiQ 


L  A  I 


] 


L  A  I 


Mî 


que  à  fes  laines ,  ou  du  moins  les  lai- 
nes ne  furent  plus  le  premier  objet  de 
fes  foins  &  de  fon  ambition  :  l'Efpa- 
gnol  embralfa  le  ligne  pour  la  réalité. 

Vers  l'an  Sic,  Charlemagne  re- 
leva la  fplendeur  des  laines  &  des 
manufactures  de  France  par  des  éta- 
blilfemens  à  Lyon ,  à  Arles ,  à  Tours. 
Bientôt  après ,  forcé  de  traverfer  les 
Alpes  pour  fe  rendre  en  Italie,  il  en 
forma  de  nouvelles  à  Rome  &  à 
Ravenne.  Les  premières  fe  font  main- 
tenues jufqu'à  ce  qu'elles  ont  été 
transtormées  en  manufactures  de 
foie,  mais  à  peine  s'elU-on  fouvenu 
en  Italie  des  foins  &  des  encoura- 
gemens  accordés  par  l'Empereur. 

Les  villes  de  l'ancien  royaume  de 
Bourgogne,  fur-tout  celles  du  Bra- 
bant  &  de  Flandres,  goûtèrent  un  re- 
pos dont  ne  jouirent  pas  celles  de 
France  ôc  d'Italie.  Comme  les  arts 
aiment  la  tranquillité  ,  les  manufac- 
tures de  Flandres  attiroient  déjà  les 
regards  en  9(^0.  Leur  plus  haut  degré 
de  confidération  fut  en  ii6y  ,  & 
l'époque  de  leur  décadence  en  1505. 
La  ville  de  Louvain  polfédoic  feule 
quatre  mille  maîtres  &:  cent  cinquante 
mille  ouvriers.  Les  maîtres  difpu- 
lèrenc  le  falaire  aux  ouvriers ,  &  ceux- 
ci,  après  s'être  livrés  à  d'horribles 
excès ,  abandonnèrent  le  pays  ,  afin 
de  fe  fouftraire  aux  punitions  qu'ils 
méritoient.  Les  Anglois  &  les  Hol- 
landois  tendirent  les  bras  aux  fugitifs, 
&  quelques  autres  paffèrent  dans  les 
différens  états  d'Allemagne. 

Les  étoffes  de  laine  ne  tardèrent 
pas  à  acquérir  de  la  célébrité  en  Hol- 
lande. En  16Z4  ce  peuple  fabriquoit 
vingt-cinq  mille  pièces  de  drap  de 
qualité  fupérieure  ,  que  l'on  diftin- 
Tome  yi. 


guoit  par  la  beauté  de  leur  couleur, 
&  par  leur  finelfe.  En  1650  la  fabri- 
cation annuelle  d'une  feule  province 
méridionale  de  Hollande,   monta  i 
deux  mille   fix  cens  pièces  de  drap. 
Si  les  Anglois  &:  les  Suédois  ont 
été  jufqu'au  feizième  ficelé  allez  peu 
inftruits  dans   la  culture  des  jardins 
potagers  ,  pour  avoir   fait   venir   de 
l'étranger  de  la  falade ,  des  choux  , 
des  navets   &  autres  légumes    fem- 
blables  ,    il   faut  convenir    que   ces 
nations  penfantes  ont  beaucoup  fur- 
palfé  leurs  rivales  dans  la  perfeftioii 
des  laines.  Les  Anf^lois,  à  l'exemrle 
des  Romains ,  attribuent  leurs  progrès 
à  une  de  leurs  reines ,  époufe   d'E- 
douard le  vieux  ;  elle  éleva  les  prin- 
celTes  fes  filles  dans  l'exercice  de  l'art 
qu'elle  avoir  elle  même  appris  à  la 
campagne   avant   fon   mariage   avec 
le  roi  en  518;  depuis  cette  époque 
les    manufaétures  fe  multiplièrent , 
&  on  forma  en    1080   des   commu- 
nautés à  Lincolk,  à  Ycrck  ,  à  Win- 
chefter.Ce  fut  en  1 3  5 1  que  les  Flam- 
mands  exilés  apportèrent  en  Angle- 
terre  leurs  talens  &  leur  induftrie  , 
attirés  par  les  privilèges  qu'on  leur 
accorda.  C'eft  à  cette  époque  à  la- 
quelle il   faut  remonter  pour  la  cé- 
lébrité   des    draps    de    l'Angleterre. 
Vers  l'an  1582,  on  exportoit  annuel- 
lement deux   cent   mille    pièces   de 
drap;  en  1600  ,  on  en  exporta  poui: 
la   valeur  d'un  million;    en   1695, 
pour  deux  millions  neuf  cent  trente- 
deux  mille  deux  cent  quatre-vingt- 
douze  livres  fterlings,  dont  la  valeur 
faifoit  la  cinquième  partie  de  tous  les 
effets  exportés  pendant  cette  année. 
La  liberté  &  la  protedion  fpéciale 
du    Gouvernement    n'ont   pas    peu 
contribué  à  augmenter  &  à  perfec- 

V 


M4 


L  A  r 


tionner  cette  branche  de  commerce. 

Cette  liberté  &  cette  protedlion 
ont  été  accordées  en  Hollande  ,  & 
cependant  certains  draps  d'Angleterre 
l'emportent  en  beauté  fur  ceux  de 
Hollande, deFrance,  de  Venife,  &:c. 
il  faut  en  chercher  la  raifon  dans  la 
produ^ion  des  matières  premières  , 
fournies  par  le  pays  même. 

Le  premier  trafic  de  laine  dont 
l'hilloire  fait  mention,  fut  en  711  & 
7i7  ,  fous  le  roi  Ina,  à  qui  la  nation 
doit  de  fages  loix  concernant  la 
multiplication  de  la  bonne  race  de 
brebis.  Le  roi  Alfred,  en  885  ,  ht 
encore  plus  que  fes  prédécelteurs  : 
enfin  la  viçrilance  du  gouvernement 
anglois  alla  fi  loin,  qu'en  961,  le 
roi  Edgard  entreprit  d'exterminer  les 
loups  dans  toute  l'étendue  de  fon 
royaume  ;  les  récompenfes  furent 
prodiguées  ,  &:  dans  l'efpace  de 
quatre  années  ce  projet  fut  entière- 
ment exécuté.  Depuis  cette  époque, 
la  race  de  brebis  à  laine  fine  s'accrut 
de  telle  forte  ,  que  le  roi  Henri  II 
défendit,  en  1172,  la  fabrication 
des  draps  faits  avec  la  laine  d'Efpa- 
•gne  mêlée  avec  celle  d'Angleterre. 
Vers  l'an  1357,  les  Anglois  vendirer.t 
par  an  à  l'étranger  cent  mille  facs 
de  laine  j  ils  en  exporccient  chaque 
année ,  fous  le  règne  de  Henri  IV , 
cent  trente  mille  facs  ,  &  on  fup- 
pute  aujourd'hui  en  Angleterre  la 
valeur  de  la  laine  brute  à  deux  mil- 
lions fterlings  ,  &  à  huit  millions 
fterlings  celle  qui  a  été  manufac- 
turée. 

L'émulation  devint  fi  forte  ,  que 
plufieurs  habitans  de  la  campagne 
négligèrent  l'agriculture  pour  entre- 
tenir au-delà  de  vingt-quatre  mille 
brebis  ;  mais  Henri  VIII  défendit  en 
1534a  tout  colon  d'en  entretenir  plus 


L  A  I 

de  deux  mille.  Ce  règlement  a  fouffert 
depuis  quelques  exceptions. 

L'Angleterre,  jaloufe  de  conferver 
la  race  précieufe  de  fes  brebis,  ne 
permit  pas  l'exportation  des  béliers. 
Edouard  III  fut  le  premier  qui  dé- 
fendit ,  en  1(538,  leut  fortie  du 
royaume,  afin,  dit-il,  que  la  laine 
angloife  ne  bailfe  pas  de  prix  ,  Se 
que  la  lame  étrangère  ne  foit  pas 
améliorée  au  défavantage  évident  de 
la  nation.  Henri  VI  renouvella  la 
même  défenk  en  1414,  &  la  reine 
Elifabeth  ,  par  fon  édit  de  1^66^ 
ajoute  à  la  rigueur  des  édits  précé- 
dens;  elle  fhtue  que  quiconque  ex- 
portera des  béliers  ,  fera  puni  pour 
la  première  fois  de  la  perte  de  fes 
biens,  mais  qu'il  fera  puni  de  mort 
s'il  retombe  une  féconde  fois  :  ces 
loix  rigoureufes  exiftent  encore  au- 
jourd'hui, mais  la  cupidité  a  fouvenc 
furmonté  les  obftacles. 

Tout  le  monde  convient  que  les 
laines  d'Elpagne  furpalTent  en  finelTe 
celles  d'Angleterre,  &  que  leur  prix 
eft  bien  fupérieur.  Cette  qualité  eft- 
elle  due  au  climat,  ou  aux  foins  qu'on 
y  prend  des  brebis  ?  Le  climat  y 
contribue  fans  doute  ;  mais  celui 
d'Efpagne  ne  lui  eft  pas  tellement 
particulier,  qu'on  ne  puilTe  en  trouver 
un  fcmblablej  c'eft  donc  plutôt  x 
l'attention  continuelle,  &  prefquepa- 
rriarchale,  que  les  Efpagnols  ont  eu 
de  leurs  troupeaux  depuis  des  temps 
très- reculés,  que  l'on  doit  atttibuer 
cette  perfeétion. 

De  toutes  les  nations ,  il  n'en  eft 
point  qui  ait  plus  encouragé  le  foin 
des  troupeaux  :  les  polTelfeurs  des 
bergeries  ont  formé  de  tout  temps 
en  Efpagne  une  fociété  dont  les  dé- 
putés s'alfemb'oient  dans  des  lieux 
indiqués ,  afin  de  difpofer  la  marche. 


L  A  I 

Se  pourvoir  aux  befoins  des  trou- 
peaux ambulaus ,  mais  fur- roue  pour 
rendre  aux  propriéraires  les  brtbis  mê- 
lées avec  celles  d'un  autre  troupeau. 
Ces  airemblées  furent  ordonnées  dans 
la  première  loi  écrite  ,  connue  en 
Efpagne  en  ^66  par  Enrico  IX, 
roi  des  Goths....  Le  roi  bifnando  , 
au  quatrième  concile  de  Tolède  en 
(jj 3  ,  changea  le  nom  de  député  en 
celui  de  confeiller,  &  peu  après  les 
députés  devinrent  des  officiers ,  des 
juges  royaux  ,  dont  les  fondions 
étoient  d'examiner  &  de  prononcer 
d'après  les  loix. 

On  eft  por:é  à  penfer  que  ce 
confeil  avoir  beaucoup  d'autorité , 
puifqueLéonore,  reine  douairière  de 
Portugal,  fir  en  1499,  par  fon  am- 
balfadeur,  propofer  à  ces  bergers  de 
pader  les  limites  d'Efpagne ,  &  de 
venir  taire  paître  leurs  troupeaux  fur 
le  territoire  de  fon  royaume  ,  où 
elle  leur  promettoit  les  fecours  les 
plus  efficaces.  Le  confeil  accepta  les 
propolitions  de  l'ambatladeur ,  tk  de- 
puis ce  temps  les  brebis  efpagnoles 
palTenc  en  Portugal  dans  un  certain 
temps  de  l'année  ,  moyennant  une 
légère  rétribution.  Il  eft  détendu  aux 
bergers  d'y  tondre  les  brebis  &  de 
les  vendre  hors  de  l'Efpagne.  L'auto- 
rité royale  vint  à  l'appui  du  décret 
des  bergers  ;  le  roi  Ferdinand  &  la 
reine  Elifabeth  ordonnèrent  en  1 500 
qu'un  confeiller  du  roi  préfideroit  à 
ces  alTemblées. 

Les  brebis  à  laine  fine  font  l'objet 
fpécial  des  loix  &  des  privilèges. 
Les  pâturages  deftinés  à  cette  race 
privilégiée  ,  font  différens  fuivanr  les 
faifons  de  l'année  j  elles  palTetit  l'hi- 
ver dans  les  provinces  baffes  &  mé- 
ridionales d'Efpagne ,  comme  l'Ef- 
tramadure,  l'Andalcufie,  la  nouvelle 


LAI  155 

Caftille,  ou  dans  celles  de  Portugal, 
&  on  les  conduit  en  été  fur  les  hau- 
teurs &  les  montagnes  de  la  vieille 
Caftille  &  du  royaume  de  Léon. 

Ces  troupeaux  ambulans  ont  une 
liberté  pleine  &  entière  pour  pâturer 
fur  les  endroits  par  où  ils  palfent, 
fans  payer  la  plus  légère  redevance  j  les 
polTciFeurs  du  terrein  ne  peuvent  s'y 
oppofer.  Les  champs  labourés ,  les 
prairies,  les  vignes,  les  jardins  po- 
tagers même  doivent  leur  être  livrés; 
les  feuls  terreins  fermes  par  des  murs 
font  exempts.  Comme  ces  tranfmi- 
çrations  fe  font  au  commencement 
&  à  la  fin  de  l'hiver,  les  troupeaux, 
dit- on  ,  caufent  peu  de  dommages. 

La  bonne  race  de  brebis  à  laine 
fine  étoit  beaucoup  diminuée  avant 
l'avènement  de  Philippe  IV  au  trône 
d'Efpagne  j  ce  monarque  n'oublia 
rien  pour  l'augmenter  &  pour  en- 
courager les  propriéraires  à  la  mul- 
tiplier-, il  publia  à  cet  effet  un  édir 
en  1635  ,  dont  voici  les  articles  in- 
térelfans. 

i''.  Pour  prévenir  les  défordres  , 
alfurer  l'abondance  des  pâturages,  ik 
les  avoir  à  un  prix  modéré ,  il  fera 
fait  un  cadaftre  général  dans  tout 
le  royaume  ,  dans  lequel  on  fpéci- 
fiera  l'étendue  &  les  bornes  de  cha- 
que pâturage  particulier.  1".  Il  fera 
défendu  d'enclore  ou  de  labourer,  ou 
cultiver  aucun  endroit  lans  une  per- 
milîion  fpéciale  qui  ne  fera  accordée 
qu'en  cas  de  nécellité.  ^°.  La  planta- 
tion de  nouvelles  vignes  fera  prof- 
crite  comme  nuifible  .à  l'asriculture  , 
&  principalement  aux  troupeaux. 
4^.  Si  un  berger  fe  plaint  que  le 
propriétaire  d'un  champ  veut  lui 
vendre  trop  cher  le  pâturage,  le  pof- 
felfeur  &  le  berger  nommeront  cha- 
cun un  député  pour  régler  le  pri.-c  ; 

V        2à. 


1^6            LAI  LAI 

fi  ces  arbitres  ne  s'accordenr  pas  ,  pays  à  un  autre ,  de  fe  répandre  1 
un  troificme  fera  nommé  par  le  tri-  leur  gré  fur  les  champs  incultes  Se 
bunal  le  plus  prochain,  pourvu  ce-  dans  les  champs  cultivés  le  long  des 
pendant  que  le  pâturage  dont  il  s'agit  chemins  par  où  ils  patTent.  Les  prô- 
ne foit  pas  foui  la  jurifditlion  de  ce  priétaires  doivent  laifTer  une  efpace 
tribunal.  de  terre   de  quatre-vingt-dix  var^jj 

Cet  édic  abolit  plufieurs  redevances  afin  que  les  troupeaux  trouvent  de 

payées  auparavant  par  les  troupeaux,  quoi  vivre  dans  leur  marche, 

ïorfqu'on  les  conduifoit  d'un  pays  à  Les  bergers  jouifTent  de  l'exemp- 

un  autre  j  il  défendit  aux  bergers  de  tion  de    plulieurs    impôts  ,    comme 

céder  leurs  prétentions  aux  pâturages  ceux  pour  l'entretien  des  ponts,  des 

qui  leur  appartenoient  par  l'ufage  in-  chemins,   des  jurifdiétions  ,  &c.  Si 

contefté  d'une  faifon,  parce  que  le  un  berger  a  trouvé  une  brebis  égarée, 

pâturage  n'eft  point  à  eux  ,  mais  aux  &  s'il  la  perd  de  nouveau ,  il  eft  obligé 

troupeaux.  Perfonne  ne  pouvoit  en-  d'affirmer  par  ferment  à  celui  qui  la, 

chérir  fur  un  bail ,  ni  le  pofTelleuraf-  demamie  ,  qu'elle   a  été  perdue  de 

fermer  fon   terrein    par  la   voie  de  nouveau,  &  non  par  fa  faute,   fans 

l'enchère  ;   il    étoit  défendu   à  celui  quoi  il  doit  dédommager  le  deman- 

qui  n'avoit   point   de  troupeaux  de  deur. 

prendre  des  pâturages  à  bail,  &  s'il  Le  fel  eft  fort  cher  en  Efpagne; 
en  avoir,  de  ne  contraéler  que  pour  mais  comme  il  eft  important  d'en 
rétendue  dont  il  avoit  réellement  donner  aux  brebis,  les  bergers  vont 
befoin.  Les  communes  ne  pouvoient  en  prendre  à  un  prix  plus  modéré 
être  affermées  fous  quelques  prétextes  dans  les  magafins  du  roi,  fans  ob- 
que  ce  fût.  Si  un  propriétaire  ne  ferver  les  formalités  mentionnées  & 
payoit  pas  fes  dettes,  les  créanciers  gênantes  pour  l'achat  &  le  tranf- 
n'avoient  le  droir  de  faire  faifîr  que  port  du  fel.  La  diminution  du  prix 
]e  nombre  des  brebis  excédant  celui  eft  d'un  quart,  &  on  délivre  dans  ces 
de  cent ,  &:  ce  nombre  devoir  toujours  magafins  un  fanega  pour  chaque  cent 
lui  refter.  Le  pofTelTeur  d'un  fonds  de  brebis  j  le  fanega  contient  deux 
ne  peut  le  vendre  ni  l'aliéner  fans  mille  deux  cent  quatre-vingt-un  pou- 
céder  en  même-temps  le  troupeau,  ces  cubiques  de  France. 
êc  il  n'eft  en  droit  de  renvoyer  fon  Les  bergers  ont  droit  de  demander 
fermier  que  lorfqu'il  s'eft  procuré  un  fur  leur  route, foit  en  temps  depaix, 
nombre  fuffifant  de  brebis.  Afin  de  foit  en  temps  de  guerre,  une  efcorte 
prévenir  le  haudement  du  prix  des  militaire  pour  les  garantir  de  toute 
pâturages,  il  fut  fixé  &  défendu  de  violence j  ils  peuvent,  par-tout  où  ils 
l'augmenter.  Le  droit  de  demander  palfent ,  abattre  du  bois  pour  leur 
la  fixation  du  pâturage  n'appartenoit  ufage  fans  en  demander  la  permif- 
qu'aux  pofTefTeurs  de  troupeaux  ,  &  fion  ,  &-  on  eft  obligé  de  leur  procurer 
les  champs  dépendans  du  domaine  des  pârurages  féparés  pour  les  brebis 
de  la  couronne,  furent  fournis  comme  attaquées  du  claveau  ou  ce  quel- 
les autres  à  la  même  taxe.  qu'autre   maladie  contagieufe.  Si  la 

Les  troupeaux  onc  en  Efpagne  la  marche  des  troupeaux  eft  fufpendue 

liberté,   durant  leur   marche   d'un  parle  débordement  de  quelque  fleuve 


LAI 

«u  de  quelque  ruilleau ,  les  officiers 
du  Heji  font  fpécialemenc  charges  de 
procurer  des  pâturages  à  un  prix  très- 
modique. 

De  tous  les  privilèges  accordes , 
foit  par  le  roi  Sifnando  en  635,  foit 
par  les  rois  fes  fuccelfeurs,  le  plus 
remarquable,  fans  contredit,  eft  ce- 
lui que  le  roi  Alphonfe  XI  donna  à 
Villa-Real ,  le  17  janvier  1355  ou 
1347 ,  par  lequel  il  prit  fous  fa  pro- 
tedion  fpéciale  les  troupeaux  du 
royaume  fous  le  titre  de  troupeau 
royal.  Le  roi  s'exprime  ainli  en  s'a- 
dreflTant  aux  tribunaux  fupcrieurs  : 
j>  Sachez  qu'à  caufe  des  grands  maux  , 
»'  torts,  brigandages  &  violences  aux- 
3>  quels  les  bergers  de  notre  royaume 
»  font  expofcs  de  la  part  des  hommes 
»>  riches  &  puilfants,  nous  trouve- 
"  rons  bon  de  prendre  fous  notre 
>'  protection,  garde  &:  puillance,  tous 
»  les  troupeaux  ,  tant  les  vaches  que 
>'  les  juments ,  les  poujins ,  mâles  & 
»  femelles  ,  les  porcs  &  les  truyes  , 
3'  les  béliers  &:  les  brebis,  les  chèvres 
»'  &  les  boucs ,  afin  qu'ils  foient  notre 
»'  troupeau  ,  &  qu'il  n'y  ait  point 
»  d'autres     troupeaux     dans     notre 


L  A  I 


57 


"  royaume.  »  Les  brebis  obtinrent 
bientôt  la  préférence  fur  tour  autre 
bétail;  elles  font  aujourd  hui  la  vé- 
ritable (^'  première  richelTe  de  l'Ef- 
pagne. 

Cette  nation  a,  pour  ainfi  dire, 
négligé  prefque  toutes  les  branches 
de  l'économie  ;  cependant  on  doit  lui 
rendre  juftice,  &  convenir  que  dans 
tout  ce  qui  a  des  rapports  à  cette 
partie,  elle  fert  de  modèle  aux  autres 
nations.  (  i  ) 

Les  foins  que  l'on  prend  en  Efpa- 
gne  de  ces  brebis  à  laine  fine,  con- 
liftent  1°.  A  les  conduire  en  été  dans 
les  pays  montagneux  (!<c  froids,  rela- 
tivement au  rerte  de  lEfpagne,  & 
en  hiver  dans  les  plaines ,  de  forte 
qu'ils  font  prefque  toujours  expofcs  à 
la  même  température. 

1" .  Les  troupeaux  n'entrent  qu'une 
fois  l'année  dans  des  endroits  cou- 
verts, &  c'eft  au  temps  de  la  tonte, 
dans  le  mois  de  mai.  Quand  imitera- 
t-on  cet  exemple  en  France! 

5  ".  Les  bergers  rallemblent  chaque 
foir  le  troupeiu,  au  moment  que  la 
rofée  commence  à  tomber,  &,  à  l'aide 
des  chiens,  ils  réunillent  les  ^brebis 


(l  )  l^ote  de  l'Editeur.  En  n'envifageant  que  le  bien-être  &  la  profpL'ritc  des  troupeaux, 
les  loix  clpagnoles  lonc  admirables  ;  mais  ne  peut -on  pas  diic  que  des  loix  qui  atraqucnc 
&  s;cncnt  les  propriétés  des  particuliers,  qui  mettent  le  prix  des  pâturages  dans  les  mains 
des  bergers,  &c, ,  font  des  loix  dcftru<flivcs  de  l'agriculture,  qui,  ainli  que  les  arts,  ne; 
demandent  que  liberté  &  protcilion.  L'état  de  langueur  de  l'agriculture  en  Efpagne  n'eft  il 
pas  plutôt  dû  à  ces  loix  décourageantes  pour  le  cultivateur,  qu'àlexpulfion  des  Maures,  ou  à 
l'expatriation  qui  eut  lieu  lors  de  la  découverte  de  rAmcriquc.  Pourquoi  ce  peuple  s'expatrioit- 
il  en  fi  grand  nombre?  c'eft  qu'il  étoit  rtiallieureux  dans  fon  pays  ,  &  vexé  par  les  loix. 
L'Elpagne  a  un  beau  problême  à  réfo-udre  :  lui  eft-il  plus  avantageux  de  réduire  le  nombre 
prodigieux  de  fes  troupeaux  ,  &  d'encourager  toutes  les  branches  de  l'agriculture ,  ou  de 
laifFer  les  ciiofes  fur  le  pied  où  elles  font  aujourd'liui?  En  France,  par  exemple,  ks 
troupeaux  y  lont  moins  nombreux  ,  la  laine  moins  belle  ;  excepté  dans  quelques-unes  de 
nos  provinces ,  ils  voyagent  peu  d'un  canton  dans  un  autre;  mais  prefque  tout  y  cft  cultivé, 
&,  à  coup  sûr ,  le  produit  des  récolres  en  tout  génie  excède  infiniment  celui  que  l'on 
retireroit  en  admettant  la  méthode  &  la  léçriflation  cfpagnole  fur  les  troupeaux.  On  doit 
dire   cependant  qu'iil  cft  pofiibk  d'améliorer  nos  l.iiiKs  j  coirunc   on  le  verra  ci-après. 


158 


L  A  I 


très-prcs  les  unes  des  autres,  &  ne 
les  laillenc  difperfer  le  lendemain, 
que  lorfque  la  rofce  eft  enùètemenc 
dillîpce. 

4'-'.  Les  troupeaux  font  divifés 
en  plufieurs  clalFes;  la  première  com- 
prend les  vieilles  brebis  ôc  les  béliers 
qui  doivent  les  couvrir  j  la  féconde, 
les  jeunes  brebis  Se  les  jeunes  béliers; 
la  troihème  enhn  les  plus  jeunes  bre- 
bis. Le  temps  de  l'accouplement  fini , 
ou  ne  les  fépare  plus  qu'en  deux 
clalTes  ;  favoir  celle  des  béliers  Se  celle 
des  brebis. 

5°.  On  fait  abreuver  les  troupeaux 
dans  les  ruilTeaux  d'eau  claire  &:•  cou- 
lante ,  &  on  les  lailfe  boire  autant 
qu'ils  le  défirent. 

6".  Dq  trois  jours  l'un,  le  fel  ell 
diftribué  à  tout  le  troupeau  ,  &  quel- 
ques propriétaires  donnent  par  an 
jufqu'à  quinze  fa/iegu  pour  mille 
btÊbis. 

Les  propriétaires  des  troupeaux  ont 
le-  plus  grand  foin  de  fe  procurer  la 
race  de  brebis  dont  la  laine  efl:  la 
plus  belle  &  la  plus  fine,  &  ils  n'é- 
parcfnenr  nen  pour  y  réuilir.  Ils  choi- 
filfent  A  cet  effet  les  meilleurs  béliers, 
&z  les  accouplent  avec  des  brebis  dont 
la  laine  eft  auffi  belle  que  celle  du 
mâle.  Le  temps  de  l'accouplement  elt 
fixé  fur  le  temps  de  la  tranfmigra- 
ïion  d'un  pays  à  un  autre  ;  il  fe  fait 
ordinairement  en  juin ,  &  cent  cin- 
quante jours  après  les  agneaux  naif- 
fenc;  on  les  lailfe  téter  autant  qu'ils- 
défirent  ,  Se  on  ne  trait  jamais  les 
brebis.  Un  bélier  ne  couvre  jamais 
plus  de  quinze  à  vingt  brebis  ,  & 
encore ,  fi  on  a  un  nombre  fuffifant 
de  béliers  ,  on  diminue  celui  des 
brebis.  Les  béliers  ni  les  brebis  ne 
s'accouplent  jamais  qu'à  la  ttoifième 
année,  Se  la  brebis  ne  l'efi:  plus  à  la 


L  A  I 

feptième ,  temps  auquel  elle  com- 
mence à  perdre  les  dents  de  devant. 
Ceux  qui  défirent  fe  procurer  des 
brebis  Se  des  béliers  vigoureux  pour 
l'accouplement  ,  égorgent  quelques 
agneaux  ,  afin  que  les  mâles  fur-touc 
puillent  téter  deux  brebis.  On  recon- 
noît  un  bon  bélier  aux  marques  fui- 
vantes  :  s'il  efl;  grand  ,  fort  &  ner- 
veux ;  s'il  a  beaucoup  de  laine  fur 
les  jambes,  furies  joues,  furie  front  j 
fi  la  laine  efl  par-tout  fine  ,  ferrée, 
blanche  ;  fi  le  dedans  de  la  bouche 
Se  de  la  langue  n'a  point  de  taches 
noires.  On  fcie  les  cornes  dans  la  fai- 
(on  de  l'accouplement,  aufii  près  qu'il 
efl  polfible  de  la  tête  ,  en  obfervanc 
cependant  de  ne  point  faire  faigner 
l'animal.  Un  bon  bélier  efl  toujours 
payé  à  très-haut  pri.x. 

7°.  Les  agneaux  naififent  dans  le 
temps  que  les  brebis  font  aux  pâturages 
d'hiver.  Si  quelqu'agneau  vient  à 
mourir ,  le  berger  a  foin  d'accou- 
tumer un  autre  agneau  à  téter  la 
brebis  qui  a  perdu  le  lien.  On  coupe 
la  queue  à  chaque  agneau  dès  l'âge 
de  deux  mois ,  Se  on  ne  lui  lailTe  que 
trois  pouces  de  longueur ,  afin  que 
certe  partie  ,  qui  efl  ordinairement 
fale,  ne  gâte  point  la  laine  des  cuilfes, 
&  ne  gêne  pas  dans  l'accouplement. 

8°.  Le  propriétaire  des  troupeaux 
les  divife  en  petites  troupes  de  mille 
chacune  ,  Se  chaque  troupe  à  un 
nombre  fuffifant  de  parteurs  pour  la 
conduire.  Le  premier  berger  fe  nom- 
me pajlor  majorai j  &  il  a  l'inten- 
dance du  troupeau  entier.  Pour  cha- 
que troupe  de  mille  brebis,  il  y  a 
un  ravadan jUn  adjudant  Se  un pajlcur 
adjudant  ;  enfin  un  ^^igat.  On  donne 
au  berger  un  ou  deux  gros  mâtins, 
pour  garder  les  brebis  contre  le  loup, 
un  âne,  ou  un  mulet,  ou  un  cheval 


LAI 

pour  porter  les  vivres,  (Se  vingt  clic- 
vres  pour  traire  j  mais  dans  la  faifon 
des  agneaux ,  comme  leurs  travaux 
font  plus  multipliés,  de  même  que 
dans  celle  de  la  tonte ,  on  leur  permet 
alors  de  prendre  deux  gardiens  ex- 
traordinaires. On  compte  encore  deux 
perfonnes  occupées  à  faire  le  paiji, 
la  cuiline,  &  à  pourvoir  aux  befoins 
ncceflaires  pendant  la  marche. 

9°.  Lorfque  le  temps  de  la  tonte 
eft  venu,  on  conduit  les  brebis  dans 
des  maifons  particulières ,  difpofées 
pour  cet  ufage.  Cette  opération  com- 
mence à  Ségovie  dans  les  premiers 
jours  de  mai,  ou  au  commencement 
de  juin  ;  G  le  temps  eft  pluvieux,  on 
diffère  de  quelques  jours ,  parce  que 
la  laine  eft  endommagée  li  elle  eft 
mouillée  quand  on  la  tond,  &  l'a- 
nimal fouftre  beaucoup  s'il  pleut  fur 
lui  quand  il  eft  nouvellement  toi:du  j 
il  en  meurt  quelquefois.  Les  jours 
deftinés  à  cette  opération  font  des 
jours  de  têtes  &  d'allégrelfe;  ils  dif- 
férent bien  peu  des  folemnités  ob- 
fervées  chez  les  Juits.  Il  eft  bon  de 
remarquer  que  les  Efpagnols ,  avant 
de  tondre  les  brebis  ,  les  tiennent 
étroitement  ferrées  dans  un  endroit 
fermé,  afin  de  les  y  faire  fuer ,  ce 
'qui  augmente  le  poids  de  la  laine  , 
^'  peut-être  en  facilite  la  tonte.  Le 
tondeur,  après  avoir  lié  les  pieds  de 
la  brebis  ou  bélier,  fe  tient  debout 
pendant  le  travail;  il  commence  le 
long  d'un  côté  du  ventre  ,  avance 
jufqu'au  dos ,  aux  cuifles ,  au  col ,  & 
continue  également  de  l'autre  côte, 
de  forte  que  toute  la  toifon  tient 
enfemble.  La  laine  du  ventre,  de  la 
queue  &  des  jambes  eft  mife  à  part, 
&  eft  nommée  dichet ;  elle  fert  dans 
le  pays  comme  bourre  aux  ufages 
grolïïers.  Auflî;6:  que  la  brebis  eft 


L  A  I 


M9 


tondue  ,  on  recouvre  les  incifions 
faites  dans  la  chair  par  les  cifeaux, 
avec  ces  petites  lames  très-minces  , 
qui  fe  féparent  du  fer  quand  on  le 
bat  fur  une  enclume.  Un  tondeur 
peut  dans  un  jour  lever  dix  roifons. 

Des  que  la  toifon  eft  levée  &z  fé- 
patée  de  la  mauvaife  laine  ,  on  la 
porte  dans  un  magafin  humide,  afin 
qu'elle  ne  perde  pas  de  fon  poids; 
c'eft  dans  ce  même  endroit  qu'on 
détache  les  laines  des  peaux  de  mou- 
tons morts  dans  les  pâturages  ,  ou 
tués  pour  les  befoins  de  la  vie  ;  cette 
laine  eft  appelée  pclada  :  voici  la 
manièredonton  s'y  prendpour  l'avoir. 
On  mouille  les  peaux  ,  &  on  les 
amoncelé  les  unes  fur  les  autres,  afin 
qu'elles  s'échauffent  &  commencent 
à  acquérir  un  petit  mouvement  de 
putrétaction  :  alors  les  peaux,  prifes 
chacune fcparément, détendues,  fonc 
raclées  avec  une  efpèce  de  couteau  , 
dont  le  côté  tranchant,  armé  de  dents, 
reftembleàun  peigne.  Celles  qui  fonc 
trop  fèches  &  qui  n'ont  pu  être  hu- 
meélées,  font  tondues  au  cifeau.  Les 
peaux  fraîches  font  enduites,  du  côté 
de  la  chair,  d'un  mélange  de  chaux 
6<:  d'eau,  après  quoi  elles  font  plices 
du  même  côté,  laillées  pendant  vingr» 
quatre  heures  dans  cet  état ,  &  la 
laine  s'en  détache  enfuite  facilement, 

L'alfortillement  des  laines  fe  fait 
auftîtôt  après  la  rente;  l'ouvrier  place 
la  laine  fur  une  table  formée  par  des 
claies,  dont  les  ouvertures  font  allez 
efpacées  pour  lailTer  tomber  la  pouf- 
ficre  &  les  ordures.  La  laine  eft  di- 
vifée  en  trois  parties;  la  plus  fine  , 
marquée  R,  eft  celle  du  dos  &;  des 
côtés  ;  la  féconde,  moins  fine  ,  mar- 
quée G,  eft  celle  des  cuilfes  &  du 
col;  la  tioifième ,  marquée  S,  eft 
celle  de  dellous  le  col ,  é^^s  pattits 


i<?o  LAI 

inférieures  des  ciiifiTes  &  des  épaules. 
On  fair  encore  aiïez  communément 
une  quatrième  dividon,  formée  de 
la  laine  du  delFous  du  ventre,  de  la 
queue  &  du  derrière  des  cuilfes, 
inarquée  F,  c'eft:  la  plus  mauvaife  de 
toutes.  Ces  laines  l'ont  mifes  dans 
dis  facs.  On  fait,  dans  les  environs 
de  Ségovie  ,  une  clalfe  à  part  des 
laines  des  agneaux  j  cerre  efpèce  eft 
moins  chère  que  celle  des  brebis  (S^ 
des  béliers,  &c  il  eft  défendu  d'en  fa- 
briquer des  draps.  Dans  quelques 
endroits  de  la  vieille  Caftille  ,  on 
mêle  la  laine  des  agneaux  à  la  laine 
la  plus  fine  R  j  à  Soria,  on  mêle  la 
Jaine  là  plus  fine  des  agneaux  avec 
celle  G  ,  &:  le  relte  avec  S.  On  fup- 
pure  en  Efpagne  que  la  laine  des 
agneaux  fait  la  dixième  partie  de  la 
laine  d'un  troupeau  ,  &c  celui  qui 
achette  la  laine  avant  la  tonte,  fait 
fon  calcul  en  confcquence. 

On  a  pour  laver  les  laines  des 
canaux  ou  des  réfervoirs  conftruits 
en  maçonnerie,  &  une  grande  chau- 
dière de  cuivre,  montée  furfon  four. 
L'ouvrier  fait  tremper  la  laine  pen- 
dant deux  heures  dans  l'eau  chaude, 
il  la  remue  &:  la  foule  pendant  ce 
temps  &  la  nettoie;  de-là  elle  eft 
portée  dans  l'eau  claire  &  courante, 
&  enfuite  laiiTée  en  monceau  fur  le 
pré,  jufqu'au  lendemain.  L'eau  s'é- 
coule, la  laine  fe  fèche  en  partie,  & 
pour  la  fccher  entièrement,  elle  eli 
étendue  fur  le  gazon.  Les  gens  em- 
ployés au  lavage,  laiftent  dans  le  ré- 
fervoir  au  moins  une  partie  des  or- 
dures produites  par  la  laine  qui  vient 
d'être  lavée  ,  parce  qu'ils  penfent 
qu'elles  font  l'effet  du  favon  ,  ôc 
qu'elles  fervent  à  dégtaifter  celles 
qu'on  y  met  enfuite.  La  diminution 
Ifiu  poids  de  la  laine  n'eft  pas  la  même 


L  A  I 

dans  toutes  les  contrées  de  l'Efpagnej 
à  Ségovie,  elle  eft  à  peu  près  de  cin- 
quante-quatre pour  cent,  ailleurs 
de  quarante-huit,  &c. ;  cela  dépend 
de  la  chaleur  de  l'eau  dans  laquelle 
le  premier  lavage  a  été  fait. 

11  eft  conftant  que  la  laine  des 
brebis  efpagnoles  eft  la  plus  fine  de 
toutes  les  laines  connues  ,  &  que 
depuis  un  temps  immémorial  ,  les 
troupeaux  ont  été  très- nombreux  Sc 
ttès-foiçnés  dans  ce  rovaume. 

Les  Suédois  ,  peuple  adif  &  la- 
borieux, à  l'exemple  des  Anglois  Sc 
des  Efpagnols  ,  ont  cherché  à  perfec- 
tionner la  laine  de  leurs  troupeaux, 
&  la  rigueur  &  l'âpreté  de  leur  cli- 
mat ne  les  ont  point  empêché  de 
venir  à  leur  but.  11  eft  certain  que  la 
reine  Chriftine  fit  venir,  foit  d'An- 
gleterre, foit  d'Efpagne,  diverfes  ef- 
pèces  de  béliers  &  de  brebis;  ces  ef- 
pèces  précieufes  s'abbatardirent  infcn- 
fiblement  par  le  peu  de  foins  qu'on 
leur  donna;  celles  tranfportées  d'Al- 
lemagne en  Suède  réuflîrent  beaucoup 
mieux  ,  &  furpafsèrent  de  beaucoup 
l'ancienne  race  Suédoife  ,  mais  la 
laine  qu'elles  fourniftoient  étoit  grof- 
fière  ,  peu  ferrée  &  peu  propre  à  la 
fabrication  des  étoffes  fines,  ce  qui 
forçoit  la  nation  à  tirer  de  l'étrangec- 
la  matière  première  des  draps. 

M.  Alftroemer  le  père,  zèle  pour 
le  bien  public,  entreprit,  non  fans 
beaucoup  de  rifques,  d'être  utile  à  fa 
patrie  en  parcourant  l'Efpagne,  en  y 
examinant  les  foins  qu'on  prenoit  des 
troupeaux  ,  enfin  en  faifant  venir 
d'Angleterte ,  en  1 7 1 5  ,  trente  béliers 
qu'il  diftribua  à. [es  amis,  auxquels  il 
donna  en  même  temps  les  documens 
néceflaires.  Depuis  cette  époque  il 
s'eft  procuré  chaque  année  des  brebis 
de   tous  les  pays  où  la  beauté  ,  la 

qualité 


L  A  I 

qualité  &  la  fineffe  de  la  Wme  font 
reiiommées.  Les  environs  '.e  la  ville 
d'Alinyfas ,  la  terre  royale  d'Hogen- 
trop  ,  les  environs  de  Herga  furent 
les  dépôts  où  il  plaça  fii;ci;(li/c:nent 
des  brebis  d'Angleterre  ,  c'Efpagne, 
de  Portugal,  de  Sardaig:ie,  du  Texel, 
&  même  d'Afie  &  d'Afrique  ,  afin 
de  s'alïïirer  quelle  feroit  l'eipèce  qui 
s'accoutumetoit  le  mieux  à  la  rif^ueur 
du  climat  de  Suède,  &  à  laquelle  les 
pâturages  conviendroient  le  mieux. 

Ces  elfais  réulîîretit  parfaitement. 
Les  brebis  Angloifes  furent  intro- 
duites  en  171 5,  les  Efpagnoles  de- 
puis 1723,  celles  d'Eyderftadt  depuis 
I7i(>,  les  chèvres  d'Angola  en  1742J 
ces  animaux  n'ont  point  foufFert  du 
changement  de  climat,  &  ils  ne  de- 
mandent que  des  foins  continués  pour 
profpérer  &  fe  maintenir.  Il  eftconf- 
rant  que  le  produit  des  laines  fines 
fournit  aujourd'hui  la  moitié  de  celle 
que  l'on  y  confomme  dans  la  ma- 
nufacture des  draps,  &  que  bientôt 
la  Suède  fe  palTera  des  laines  fines 
étrangères.  11  feroit  important  de 
favoir  fi  le  changement  de  climat, 
&c.  n'a  apporté  aucun  changement 
dans  la  laine ,  car  l'expérience  a  prouvé 
que  celle  des  bêtes  Efpagnoles ,  tranf- 
portées  en  Angleterre ,  eft  devenue 
plus  longue,  un  peu  moins  fine  que 
la  laine  d'Efpagne,  mais  qu'elle  eft 
plus  blanche.  Le  gouvernement  de 
Stockohn  a  fait  publier  &  diftribuer 
dans  chaque  paroilfe  des  inftrudlions 
pour  les  bergers ,  &  des  commiffaires 
veillent  cà  ce  qu'elles  foient  mifes  en 
pratique. 

Après  avoir  fait  connoître  le  pcr- 
feétionnement  des  laines  dans  les 
diiférens  royaumes  d'Europe  ,  il  eft 
temps  de  prouver  que  le  même  per- 
feélionnemetit  peut  avoir  lieu  en 
Tome  FI, 


LAI  i(fc 

France.  Columelle,  bon  juge  en  cette 
partie,  difoit  que  de  fon  temps  les 
moutons  &  les  laines  de  la  Gaule 
l'emportoient  en  bonté  fur  toutes  les 
efpèces  connues.  Les  autres  nations 
fe  font  occupées  de  leurs  troupeaux, 
&  nos  ancêtres  les  Gaulois  &  les 
François,  qui  leur  ont  fuccédé,  font 
reftés  bien  au-delfous  d'elles  à  cet 
égard  pendant  un  grand  nombre  de 
fiècies.  Ce  n'eft  guère  que  fous  Louis 
XIV  que  le  gouvernement  fit  at- 
tention au  dépérifiement  des  laines 
de  France. 

Le  Rouiïillon  &  nos  autres  provin- 
ces méridionales  ont  toujours  fourni 
des  laines  fines,  &  bien  fupcrieures 
.à  toutes  celles  du  refte  du  royaume  ; 
elles  doivent  leur  qualité  fans  doute 
au  renouvellement  des  efpèces ,  fa- 
cilité par  le  voifinagederEfnngne,&; 
à.  leur  climat,  mais  non  pas  à  la  ma- 
nière d'y  conduire  &  d'y  foigner  les 
troupeaux ,  qui ,  en  certains  endroits , 
eft  peut-être  la  plus  abfurde  de  toutes 
celles  fuivies  en  France. 

Colbert ,  fous  Louis  XIV,  à  qui  la 
nation  doit  de  la  reconnoilfancepour 
la  proteélion  fpéciale  qu'il  fit  accor- 
der à  nos  manufnâures,  &  qui  né= 
gligea  un  peu  trop  les  progrès  de 
l'agriculture ,  porta  un  œil  attentif 
fur  le  perfeftionnement  des  laine?. 
Il  fit  venir  un  grand  nombre  de  brebis 
&  de  béliers  Efpagnols  &:  Anglois , 
&  les  diftribua  dans  nos  différentes 
provinces.  Les  encouragemens  furent 
multipliés,  &:  chaque  polfelTeur  de 
ces  races  fines  eut  la  liberté  de  fuivre 
la  méthode  qu'il  jugeroit  la  plus  avan- 
tageufe  au  bien-être  de  fon  ttoupeau. 
De  tels  foins  méritoient  d'être  cou- 
ronnés pas  le  fuccèsj  mais  bientôt, 
&  peu -à- peu,  ces  bêtes  précieufes 
dégénérèrent    (Se    périrent.    Colbef 

X 


iCi  LAI 

manqua  le  but  auquel  il  vouloit  at- 
teindre, parce  qu'en  dilhùbuant  les 
béliers  &:  les  brebis,  il  n'apprit  pas 
aux  propriétaires  de  quelle  manière 
ils  dévoient  les  foigner  &  les  con- 
duire. Les  brebis,  fans  celFe  expofces 
au  grand  air  dans  leur  pays  natal, 
n'entrant  jamais  dans  les  maifons 
,  qu'au  jour  de  la  tonte,  palîant  l'hiver 
dans  les  plaines  tempérées,  &  l'été 
fur  les  montagnes  ,  trouvèrent  une 
fî  grande  différence  dans  le  climat , 
dans  les  pâturages,  &  fur-tout  dans 
l'air  étouffé  &  cotrompu  qu'elles  ref- 
piroient  dans  les  bergeries  où  elles 
furent  entaflées ,  qu'il  leur  fut  im- 
pofiible  de  réfifter  à  une  tranlinon 
aufli  fubite  &  auiïi  peu  proportion- 
née à  leur  tempéramment^  cependant 
elles  réufîirenr  mieux  dans  nos  pro- 
vinces méridionales  que  par-tout  ail- 
leurs. Dans  la  gaule  Narbonoife  on  a 
confervé  le  nom  de  majorai  au  pre- 
mierberger,  &  à'adjudancz\x(Qconà, 
preuve  allez  évidente  de  la  commu- 
nicarion  qu'il  y  a  eu  de  ce  pays  avec 
l'Efpagne. 

Après  lamortdeColbert,en  16S2, 
le  fyftème  du  gouvernement,  relatit 
aux  laines  &c  aux  manuhiétures  de 
draps,  changea  tout-à  coup;  la  liberté 
fut  anéantie,  &c  la  contrainte  &  les 
extorfions  qui  en  iont  une  fuite  né- 
ceffaire,  prirent  fa  place.  L'exportation 
de  nos  laines  fines  fut  défendue  avec 
févérité,  parce  qu'on  fe  figura  que 
celles  des  provinces  méridionales  dé- 
voient fuffire  à  la  confommation  de 
i>os  manufactures.  Les  propriétaires 
furent  obligés  de  vendre  leurs  laines 
aux  manufacturiers ,  &  dès-lors  ceux- 
ci  devinrent  les  maîtres  du  prix. 
Enfin  on  contraignit  ces  malheureux 
à  conduire  leurs  troupeaux  dans  le 
local   des  manufatlures  pour  y  être 


L  A  I 

tondus ,  ou  d'appeller  chez  eux  un 
commllfaire  lors  d-e  la  tonte ,  ou  enfin 
de  faire  une  déclaration  exacfte  du 
nombre  des  toifons  j  le  tout  fous  pei- 
nes de  punitions,  d'amendes,  &c. 

Ces  gènes,  ces  entraves  ,  ces  dé- 
coi'.ragemens  accumulés  les  uns  fur 
les  autres ,  portèrent  la  confternation 
dans  l'ame  du  poIlefTeur  des  troupeaux; 
bientôt  ils  les  négligèrent,  enfin  lea 
vendirent  aux  bouchers  pour  fe  fouf- 
trnire  à  la  contrainte.  Le  gouvernement 
eut  beau  donner  des  interprétations, 
ajouter  des  modifications  à  fon  pre- 
mier édit,  le  mal  étoit  fait;  ces  pal- 
liatifs ne  difîîpèrent  pas  la  crainte  , 
ô<  toute  émulation  fut  éteinte.  Tanc 
il  eft  vrai  que  le  gouvernement  ne 
doit  s'occuper  qu'à  alîurer  la  liberté 
des  propriétés,  &  à  multiplier  les  en- 
couragemens.  Le  bien  s'opère  lente- 
ment, &:  le  mal  très-vîte;le  premier, 
enfant  de  la  liberté,  relfemble  au 
grain  qui  végére  &  mûrit  peu-à-peu, 
&;  le  fécond,  ou  la  contrainte,  ptoduit 
les  effets  de  la  grêle,  qui  anéantit  eu 
im  inftant  les  douces  efpérances  du 
cultivateur,  d'  qui  le  ruine. 

Sous  le  dernier  règne  ,  le  gouver- 
nement fit  venir  de  temps  à  autre 
des  races  à  laine  fine;  elles  ont  un 
peu  perfeétionné  nos  laines  ;  mais 
comme  ces  opérations  ont  été  par- 
tielles, la  maffe  générale  n'en  a  retiré 
aucun   avantage. 

Nous  touchons  à  linllant  heureux 
de  voir  un  changement  lotal  dans 
cette  partie  ,  &  cette  révolution  fera 
due  à  la  patience,  au  zèle  &  aux  lu- 
mières de  M.  Daubenton  de  l'Aca- 
démie Royale  des  Sciences.  Il  y  a 
environ  quinze  ans  que  cet  excel- 
lent &  modefte  patriote  s'occupe  en 
filence  du  perleétionnement  de  nos 
efpèces  de  bêtes  à  Irane.  Le  Gouver- 


L  A  I 

itement  lui  en  a  procuré  de  toutes 
les  provinces  de  France ,  &:  de  cha- 
que pays  étranger  où  les  brebis  & 
les  béliers  ont  de  la  réputation.  Peu 
à  peu  il  a  enrichi  les  races  médio- 
cres, ennobli  celles  déjà  liches  \  enfin 
il  eft  parvenu  à  avoir  des  laines  fu- 
perfines ,  qui  le  difputent  en  beauté, 
en  qualité,  aux  plus  parfaites  d'Ef- 
pagne  ou  d'Angleterre.  Les  draps  fa- 
briqués avec  ces  laines  ,  font  de  la 
qualité  la  plus  fupérieure.  O  homme 
précieux  à  la  nation  ^  recevez  ici  le 
tribut  de  louanges  que  vous  méritez, 
&  que  votre  modeftie  refufe  !  Votre 
nom  immortel  fera  placé  avec  ceux 
des   bienfaiteurs  de  la  patrie. 

M.  Daubenton  a  confidéré  que 
le  perfeétionnement  àçs  laines  ne 
feroit  général  en  France  qu'autant 
que  les  bergers  feroient  inftruits.  A 
cet  efFet,  il  vient  d'établir  une  école 
pour  eux,  &  il  leur  apprend  ,  l'expé- 
rience fous  les  yeux  ,  que  les  ber- 
geries font  la  première  caufe  de  l'ap- 
pauvriiTement  de  la  laine.  Son  école 
eft  établie  près  de  Mont-Bard  en 
Bourgogne  ,  &  fa  bergerie  eft:  une 
vafte  enceinte  fermée  de  murs.  On 
lui  doit  déj.à  un  excellent  ouvrage , 
par  demandes  &  par  réponfes ,  in- 
titulé :  Injlruciion  pour  Us  bergers 
&  pour  les  propriétaires  des  trou- 
peaux,  à  Paris,  chez  Pierres,  rue 
Saint- Jacques.  Il  promet  encore  plu- 
fieurs  traités  en  ce  genre.  Il  feroit 
à  défiler  que  cet  ouvrage  précieux , 
écrit  avec  la  plus  grande  (implicite 
.  &  clarté,  fût  répandu  aux  frais  du 
Gouvernement  dans  toutes  les  pa- 
roilfes  du  Royaume  :  c'cft  le  feul  (Se 
unique  moyen  d'étendre  promptement 
les  connoilTances.  11  ne  refte  plus  qu'à 
diftribuer  de  bons  béliers  dans  les 
provinces  du  royaume  aux  proprié- 


L  A  I 


i^y 


raires  qui   auront  des  bergers  à  l'é- 
cole de  M.  Daubenton. 

CHAPITRE     IL 

Des   moyens  de  perfecîionner   l&s 

laines. 

La  France  eft  peut-être  de  tons 
les  royaumes  celui  où  il  eft  le  plus 
facile  d'élever  un  grand  nombre  de 
troupeaux,  &  de  qualité  fupérieure, 
fans  nuire  à  l'agriculture  :  ce  qui 
fera  prouvé  dans  le  chapitre  fuivant 
par  rénumération  de  la  qualité  des 
troupeaux  dans  nos  diftérentes  pro- 
vinces, &  par  celle  de  leur  laine.  Le 
particulier  n'y  aura  pas  ,  il  eft  vrai , 
un  troupeau  de  looo  bêtes;  mais  la 
multiplicité  des  petits  troupeaux  , 
chacun  fuivant  l'étendue  de  fes  pof- 
feftions ,  équivaudra  au  grand  nom- 
bre réuni  en  malle.  Deux  chofes  con- 
courrent  au  perfeélionnement  des 
laines,  i°.  le  climat  &  l'habitude 
des  bêtes  d'être  fans  cefte  expofées 
au  grand  airj  i".  le  croifement  des 
races  fupérieures  en  qualité  ,  avec 
les   races  inférieures. 

Section    première. 

Du  climat. 

lettons  un  coup-d'œil  rapide  fur 
la  policion  des  provinces  de  France. 
La  Provence  a  deux  climats  bien 
ditférens  ,  celui  de  l'hiver  le  plus 
tempéré  dans  le  pays  bas  ,  5c  les^ 
montagnes  de  la  haute  Provence  , 
fourniront  pendant  l'été  des  pâturages 
abondans  &  fains.  La  partie  du  Lan- 
guedoc, qui  avoifine  la  mer,  eft  dans 
le  même  cas  que  la  Provence.  Les 
montns'nes  du  Vêlai  ,  des  Cevènes, 

X    2 


I  64  L   A   î 

la  grande  chaîne  qui  ciaverfe  de 
l'eft  à  l'oueft  le  Laiiijuedoc,  Sec.  of- 
frent des  relfources  auili  précieufes. 
Le  Rouliillon  a  dans  fes  parties  baf- 
fes un  climat  femblable  à  celui  d'Ef- 
pagne ,  iSc  les  Pyrénées  ,  qui ,  à  mefure 
que  la  neige  fond ,  appelle  fes  trou- 
peaux. Le  Comté  de  Foix ,  la  Gaf- 
eogne  ,  le  Béarn  ,  la  Navarre,  font 
dans  la  même  pofition.  La  Guienne , 
dans  fa  partie  du  nord  ,  touche  au 
Limofiii  ,  &  à  l'Auvergne  par  l'eft. 
La  Saintonge,  l'Angoumois ,  trouve- 
ront dans  ces  pays  montagneux  des 
pâturages  d'été.  Le  Dauphiné  a  éga- 
lement fa  partie  bafle  &  fa  partie 
haute  j  ainfi  que  le  Lionnois  ,  le  Fo- 
rez (Se  le  Beaujolois.  Le  Bourbonnois, 
la  Bourgogne,  la  Franche- Comté, 
l'Alface,  la  Lorraine,  font  dans  le 
même  cas.  Par- tout  on  trouve  de 
grandes  plaines  &  de  très  -  hautes 
montagnes.  Ces  montagnes  s'abbaif- 
fent,  ou  plutôt  fe  métamorpholent 
en  coteaux,  loifqu'on  s'appioche  du 
nord  du  royaume  Se  du  voilinage  de 
l'Océan,  foit  au  nord,  foit  à  l'uucft. 

II  eft  donc  démontré ,  par  la  pofi- 
tion géographique  de  la  France,  que 
dans  la  m.ijjure  partie  de  la  France 
méridionale ,  il  tftpoflible  d'établir  les 
tranfmigrrtions  des  troupeaux,  fans 
les  faire  autant  &  fi  longuement  voya- 
ger que  ceux  d'Efpigne.  î.  es  expé- 
riences &  les  fuccès  de  AI.  Dauben- 
ton  démontrent  encore  que  les  laines 
acquerront  dans  le  notd  de  la  France 
une  qualité  fupérieure  ,  fans  avoir 
recours  à  ces  voyages.  Ainfi  ,  dans 
les  deux  fuppofitions ,  la  poffibilité 
du  perfectionnement  des  laines,  eft 
d'une  facile  exécution. 

Il  y  aura  beaucoup  de  préjugés  à 
vaincre,  d'obftacles  à  furmoiiper,  de 
vieux  abus  à  détruite  &  à  faire  ou- 


L  A  I 

uiier.  C'eft  l'affaire  du  temps  vc  de 
l'exemple;  mais  il  ne  faut  pas  que 
le  Gouvernement  s'en  mêle ,  finoa 
pour  protéger  Se  pour  encoutager; 
oc  même  le  peuple  eft  fi  prévenu 
contre  les  encouragemens  qu'il  pro- 
pofe  ,  que  je  lui  ai  vu  dans  plufieurs 
endroits ,  refufer  les  mûriers  qu'il 
lui  donnoit  gratuitement  pour  plan- 
ter. 

M.  Daubenton  ^  quoique  fon  mr- 
rite  fût  certainement  bien  connu  , 
a  fûtement  été  ,  pendant  plufieurs 
années ,  l'objet  des  farcafmes  &  des 
pkifanteries  de  fes  voifins  ,  parce 
qu'il  fuivoir  une  méthode  nouvelle; 
mais  à  coup  fCir  fon  exemple  va  pro- 
duire une  révolution  dans  fon  canton  , 
&■  un  mot  de  lui  fera  un  oracle. 
Voilà  comme  nous  fommes  extiêmes 
pour  le  bien  comme  pour  le  mal  ! 
Il  faut  que  l'exemple  &  le  fuccès 
forcent  la  confiance  ■,  &c  une  fois  éta- 
blie, elle  furmonte  les  plus  grands 
obftacles.  Qui  peut  donc  établir  & 
propager  cette  confiance  dans  toute 
l'étendue  du  royaume?  Sont- ce  les 
livres  ?  le  paylan  ne  lit  pas  ;  &.  le 
cultivateur  a  fi  fouvenr  été  trompé, 
&  il  eft  fi  peu  en  état  de'  diftinguer 
le  bon  du  mauvais ,  que  cette  ref- 
fource  précieufe  dans  l'origine  ,  eft 
aujourd  hui  de  nul  effet.  Ce  feront 
les  bergers  fortis  de  l'école  de  Mont- 
hard,  qui  parieront  aux  yeux  &  a  la 
raifon  ,  par  l'exemple  qu'ils  donne- 
ront dans  les  provinces  :  eux  feuls 
doivent  produire  une  révolution  géné- 
rale ,  &  eux  feuls  peuvent  l'efteéluer. 

La  France  ne  pofsède  aucune  pro- 
vince plus  approchante  de  l'Efpagne, 
&  plus  propre  à  élever  des  troupeaux 
à  laine  fine,  que  la  Corfe.  La  mé- 
thode du  parcoure  &  des  voyages  à 
l'Efpagnole  ,  y  eft  déjà  introdui«  j 


.     /-      LAI 

aiuu  nuls  préjugés  à  vaincre  fur  ce 
point.  Les  troupeaux  y  pâlfent  l'hiver 
dans  le  pays  plat  ôi  voihn  de  la  metj 
&  à  mekire  que  les  chaleurs  appro- 
chent ,  ils  montent  dans  le  Nlolo  & 
le  Nébio,  pays  de  montagnes  allez 
élevées  pour  être  couvertes  de  neige 
pendant  neuf  à  dix  mois  de  l'année. 
Comme  les  Arts  font  encore  dans 
l'enfance  dans  cette  île ,  dont  les 
deux  tiers  au  moins  font  incultes , 
les  Corfes  préfèrent  les  brebis  &  les 
béliers  à  laine  noire ,  brune  ou  roulTe , 
aux  bêtes  à  laine  blanche ,  parce 
qu'elles  font  naturellement  teintes 
pour  la  fabrication  de  leurs  étoftes 
groffières.  Jamais  les  unes  ni  les  au- 
tres n'entrent  dans  les  habitations, 
pas  même  pour  la  tonte  ;  il  n'y  a 
donc  rien  à  changer  de  ce  côté-là  j 
mais  la  laine  y  eft  courte  ,  groflière, 
jarreufe&  ttès-maltraitée,  parce  que 
l'on  conduit  les  troupeaux  dans  les 
maquis  ou  bois  taillis  très-fourrés  , 
qui  déchirent  les  poils  fur  le  dos 
de  l'animal.  Cette  île  ,  prefque  en 
tout  femblable  à  TEfpagne  ,  relati- 
vement à  fes  deux  climats ,  &:  par 
conféquent  à  fes  pâturages,  demande 
que  l'efpèce  de  fes  béliers  &  de  fes 
brebis  foit  entièrement  changée  ou 
peu  à  peu  perfeûionnée  j  attendu 
qu'ils  font  d'une  ftature  bien  au- 
deflbus  de  la  médiocre.  11  faudroit 
encore  défendre  aux  bergers  de  les 
conduire  dans  les  maquis ,  de  traire 
les  brebis,  dont  le  lait  converti  en 
fromage ,  fait  leur  unique  nourri- 
ture &  la  principale  des  propriétai- 
res des  troupeaux.  11  vaudroit  mieux, 
à  l'exemple  des  Efpagnols  ,  donner 
quelques  chèvres  aux  bergers ,  îk  les 
obliger  à  laifler  tetter  les  agneaux 
autant  de  temps  que  leurs  mères  au- 
roienc  du  lait.  La  dégénéreftence  ou 


L  A  I  165 

la  petiteiïe  de  chaque  efpèce  d'ani- 
maux ,  dépend-elle  dans  ce  pays  du 
climat  ou  du  peu  de  foin  qu'on  leur 
donne?  La  grolleur  &  la  grandeur 
des  renards,  des  cerfs ,  des  biches, 
des  fangliers  ,  font  de  moitié  moin- 
dre que  celle  des  mêmes  animaux 
en  France.  Il  en  eft  ainfi  de  la  race 
des  chevaux  qui  y  vivent  dans  un 
état  fauvagc.  Les  bœufs  ftuls  &  les 
vaches  ont  confervé  à-peu-ptcs  le  vo- 
lume ordinaire  des  petites  races.  Mais 
quand  il  feroit  démontré  que  le  cli- 
mat nécellite  la  petitefTe  des  béliers 
&  des  brebis ,  il  n'en  eft  pas  moins 
vrai  qu'en  croifant  les  races  du  pays 
avec  des  béliers  efpagnols  ou  afri- 
cains ,  on  remonteroit  infenfibitmeiit 
la  race,  &;  on  auroit  des  laines  très- 
fines  j  mais  il  faudroit  complètement 
immoler  toute  brebis  à  laine  brune, 
ou  noire,  ou  tigrée.  11  y  a  grande 
apparence  que  la  race  aéluclle  eft 
la  même  ,  <Sc  s'eft  perpétuée  fans 
mélange  depuis  le  temps  des  Romains. 
Revenons  aux  provinces  du  Conti- 
nent. 

L'exemple  Se  les  tentatives  qui 
ont  été  faites  par  le  palfé ,  font  une 
leçon  bien  inftruârive  pour  l'avenir. 
Les  races  étrangères  ,  tranfportces 
à  grands  frais  en  France ,  y  font  dé- 
générées ou  perles  ,  non  à  caufe  du 
changement  fubit  du  climat ,  mais 
par  le  régime  infenfé  auquel  on 
les  a  foumifes.  Ces  animaux  ,  accou- 
tumés &  vivant  perpétuellement  au 
grand  air , ont  été  entalfésdans  des  ber- 
geries prefqu'entièrement  fermées , 
où  du  moins  la  lumière  du  jour  ne 
pénèrre  que  par  un  petit  nombre  de 
larmiers  j  qu'on  a  encore  grand  foin 
de  fermer  pendant  l'hiver  ,  comme 
il  la  nature  n'avoir  pas  donné  à  l'a- 
nimal une  fourrure  capable  de  ga- 


i66  LAI 

rancir  fon  corps  de  la  pluie  Se  de 
la  froidure  des  faifons. 

M.  Daubeiuon  fait  à  ce  fujet  une 
remarque  bien  judicieufe  ;  la  voici  : 
«  La  laine  préferve  du  froid  &  des 
M  fortes  gelées  toutes  les  parties  du 
„  corps  des  moutons  qui  en  font 
"  couvertes  j  mais  le  grand  fioid  pour- 
j>  roit  faire  du  mal  aux  jambes  ,  aux 
»  pieds,  au  mufeau  &  aux  oreilles , 
«  lî  ces  animaux  ne  favoient  les  te- 
3>  nir  chauds.  Etant  couchés  fur  la  li- 
»  tière,  ils  ralfemblenc  leurs  jambes 
M  fous  leur  corps ,  en  fe  ferrant  plu- 
3>  fieurs  les  uns  contre  les  autres  \  ils 
S)  mettent  leurs  tètes  &  leurs  oreilles 
"  à  l'abri  du  froid  dans  les  petits 
«  intervalles  qui  reftent  entt'eux,  & 
5j  ils  enfoncent  le  bout  de  leur  mu- 
«  feau  dans  la  laine.  Les  temps  où 
»  il  fait  des  vents  froids  &  humides, 
»  font  les  plus  pénibles  pout  les  mou- 
»  tons  expofés  à  l'air;  les  plus  foi- 
«  blés  tremblent  &  ferrent  les  jam- 
j>bes,  c'eft-à-dire,  qu'étant  debout, 
3j  ils  approchent  leurs  jambes  plus 
>3  près  les  unes  des  autres  qu'à  l'or- 
j>  dinaire,  pour  empêcher  que  le  froid 
»  ne  gagne  les  aines  (Se  les  aifelles  , 
»  où  il  n'y  a  ni  laine  ni  poil  ;  mais 
w  dès  que  l'animal  prend  du  mou- 
3>  vement  ou  qu'il  mange,  il  fe  ré- 
3>  chauffe,  &  le  tremblement  celfe». 

La  chaleur  &  l'adion  directe  des 
rayons  du  foleil,  font  le  fléau  le  plus 
redoutable  pour  les  troupeaux.  La 
première  ,  dans  les  bergeries  (  T-^oye-^ 
ce  mot  )  jointe  à  l'humidité  &z  à 
l'air  acre  &  prefquê  méphitique  qui 
y  règne,  leur  caufe  des  maladies  pu- 
trides &  inflammatoires.  Cet  air  eft 
fiâcrCj  que  la  majeure  partie  des  ber- 
gers des  provinces  du  midi ,  ont  la 
peau  des  mains  &  du  vifage  par- 
femés    de   dartres.  La   féconde  fait 


l.  A  I 

parter  le  fang  à  la  tète  de  l'animal , 
il  chancelle ,  tourne  ,  tombe  &:  périt , 
s'il  n'elt  promptement  fecouru  par 
la  faignée.  Dans  les  provinces  du 
midi,  l'ombrage  y  efi:  fort  rare.  Où 
faut  -  il  donc  conduire  les  troupeaux 
pendant  la  chaleur  du  midi  ,  lorf- 
qu'on  n'a  pas  la  facilité  de  les  faire 
voyager  fur  les  hautes  montagnes  ? 
Un  olivier  devient  le  feul  abri  con- 
tre la  violence  du  foleil;  ciiaque  bre- 
bis fe  poulfe,  fe  prelfe  ,  fe  joint  con- 
tre la  brebis  voifine ,  &  palfe  fa  tète 
fous  fon  ventre  :  tel  eft  l'état  forcé 
&  pénible  dans  lequel  refte  un  trou- 
peau pendant  près  de  quatre  heures. 
Afin  de  remédier  à  un  abus  auflî 
meurtrier  &  aulîî  détetlable,  il  fau- 
droitque  chaque  propriétaire  eût  une 
bergerie  d'été,  ainfi  que  je  l'ai  décrit 
page  m  du  Tome  II  ,  avec  cette 
différence  cependant  que  je  la  vou- 
drois  environnée  de  grands  arbres  à 
rameaux  touffus ,  &  que  toute  la  cir- 
conférence fût  fermée  pardescloifons 
faites  comme  des  abats-jours.  Si  on 
trouve  cetteclôture  trop  difpendieufe, 
on  peut  la  fuppléer  par  des  fagots  peu 
ferrés ,  traverfés  par  des  piquets  que 
l'on  fichera  en  terre.  11  en  réfulte  i  "'. 
une  efpèce  d'obfcurité  qui  éloignera 
les  mouches  &  les  tans  ,  animaux 
très-incommodes  &  vrais  perfécuteurs 
des  troupeaux;  2°.  un  courrant  d'air 
fans  celfe  agiffant,  &  par  conféquenc 
une  agréable  fraîcheur;  j".  enfin,, 
comme  je  fuppofe  cette  bergerie  très- 
vafte ,  les  animaux  ne  feront  pas  ferrés 
Se  prelfés  les  uns  contre  les  autres. 
Cependant  j'aimerois  mieux  les  voir 
paître  fur  les  hautes  montagnes,  & 
employer  toutes  les  parties  du  jour, 
dès  que  la  rofée  eft  diOîpée  &  avant 
qu'elle  tombe  ,  à  brouter  6c  à  fe 
nourrir. 


LAI 

Nous  r.Vûiis  faic  voir  jufqu'à  quel 
point  la  polition  de  la  France  per- 
niectoic  les  voyages  des  troupeaux  \ 
examinons  comment  il  eft  pollible  de 
les  eft'eâuer  de  gré  à  gré  j  fans  que 
le  gouvernement  s'en  mêle;  car  La 
foUicitude  révcilleroit  peut-être  en- 
core les  anciens  foupçons  ,  les  an- 
ciennes allarmes  du  temps  palfé. 
Suppofons  qu'un  propriétaire  du  pays 
bas  ait  un  troupeau  de  cent  brebis; 
fuppofons  un  pareil  troupeau  chez  le 
proptiécaite  habitant  les  pays  élevés: 
ils  feront  d'un  grand  lecours  l'un  A 
l'autre  s'ils  veulent  s'entendre  &  for- 
mer entr'eux  une  lociéré,  dont  la 
bafe  fera  que  l'un  nourrira  les  deux 
cent  brebis  pendant  l'hiver,  &  l'autre 
pendant  l'été  ;  enhii  que  ces  trou- 
peaux n'entreront  jamais  dans  les 
bergeries.  Cette  alFociation  eft  hmple 
à  établir,  il  ne  s'agit  plus  que  d'avoir 
de  bons  bergers.  Les  deux  proprié- 
taires y  trouveront  d'abord  le  même 
avantage  quant  au  fumier ,  puifqu'ils 
feront  parquer  ,  &  que  le  parcage 
de  deux  cent  moutons  pendant  fix 
mois,  équivaut  à  celui  de  cent  pen- 
dant une  année.  Un  fécond  avantacre 
pour  tous  les  deux,  eft  d'avoir  l'en- 
grais tout  tranfporté  fur  les  lieux , 
aulieu  qu'il  auroit  fallu  le  charier  de 
la  bergerie  aux  champs  ,  opération 
très -longue,  qui  occupe  beaucoup 
ci'hommes  &  d'animaux.  Les  champs 
les  plus  éloignés  de  la  métairie  font 
par- tout  &  toujours  les  plus  mal 
fumés,  ou,  pour  mieux  dire,  ne  le 
font  jamais,  foit  à  caufe  de  la  dif- 
ficulté ,  foit  par  l'éloignement  des 
charrois  ,  tandis  que  les  claies  qui 
forment  le  parc  font  tranfportées  fans 
peine  fur  les  lieux.  Le  parcage  offre 
encore  la  manière  de  répandre  plus 
unilormémen:  1  engrais  ,  &;  dans  la 


L  A  [ 


167 


failon  la  plus  convenable,  chacua 
fuivant  ion  climat.  La  conftruétion 
&:  les  trais  d'entietien  d'une  bergerie 
doivent  être  comptés  pour  quelque 
chofej  leur  fupprellion  eft  donc  bé- 
néfice réel  pour  le  propriétaire  ,  Se 
les  bergeries  exiftantes  deviennent  un 
débarras  &.'  un  objet  d'aifancede  plus 
dans  fa  maitairie.  (  F'oye^  le  mot 
Parc.)  U  eft  donc  pollible  &  très- 
pollible  de  former  des  aftociations  , 
&  elles  font  en  général  plus  fiiciles 
que  la  location  des  pâturages  fur  les 
endroits  élevés ,  quoiqu'elles  foient 
connues  &  pratiquées  dans  quelques 
unes  de  nos  provinces ,  telles  que  la 
Provence,  le  Rouflillon  ,  le  Comté 
de  Foix,  le  Béarn,  la  Navarre  ,  6cc. 

On  doit ,  autant  qu'il  eft  poftible  , 
éviter  les  tranlîtions  tropfubites  lorf- 
que  l'on  fait  venir  des  béliers  &  des 
brebis  de  l'étranger,  foit  en  raifoa 
du  climat ,  foit  en  raifon  du  pâturage  j 
il  eft  conftant  que  les  bêtes  à  laines 
Angloifes,  HoUandoifes,  &c.  réuf- 
firont  mieux  dans  les  provinces  àa 
nord  du  royaume  que  dans  celles  du 
midi  ;  de  même  les  béliers  de  les 
brebis  efpagnoles  &  africaines  prof- 
péreront  beaucoup  plus  dans  celles 
du  midi  que  dans  celles  du  nord,  à 
.caufe  de  l'efpèce  d'analogie  des  cli- 
mats &  des  pâturages,  fur-tout  fi  on 
ne  ferme  pas  les  animaux  dans  les 
bergeries  lorfqu'ils  font  accoutumés 
au  grand  air;  tels  font  ceux  d'An- 
gleterre, d'Efpagne,  ôcc. 

Comment  fera-t-il  poftible  de  dé- 
raciner un  préjugé  peut-être  auili  an- 
cien que  la  monarchie  ;  comment  faire 
comprendre  aux  propriéraires  «.'s:  aux 
bergers  que  les  bergeries  font  la  ruine 
de  leurs  troupeaux,  qu'ils  fe  portent 
infiniment  nieux  à  l'air  lib.re  pendant 
toute  l'année,  enliii  que  ce  grand  air. 


i68  LAI 

ies  rofces ,  les  pluies ,  la  ptoprecé  8z 
la  lumière  du  foleil  blanchiirenr,  af- 
fouplilFenc  les  bines ,  &  leur  donnent 
une  qualicé  fupérieure  en  finelTe  & 
en  moelleux.  Une  longue  diirercarion, 
quoique  très-bien  raifonnée,  gliire- 
roit  lur  leur  efprit  j  propofons  leur 
donc  des  exemples _,  &  répondons  à 
leurs  objections. 

Perfonne  ne  contefte  la  qualité  fu- 
périeure des  laines  d'Efpagne  ,  d'An- 
gleterre, de  Hollande  &  de  Suède: 
voilà  à  peu  près  les  extrêmes  pour  les 
climats;  pourquoi  n'aurions- nous 
donc  pas  en  France  ,  pays  tempéré, 
ce  que  l'art  -^  les  foins  ont  créé  & 
multiplié  avec  le  plus  grand  fuccès 
au  nord  &  au  midi  de  l'Europe?  c'eft 
donc  vouloir  s'aveugler  lur  fes  propres 
intérêts,  que  de  rehifer  d'imiter  des 
exemples  couronnés  par  les  fuccès  les 
plus  décidés.  En  Angleterre  les  trou- 
peaux parquent  pendant  toutes  les 
faifons  de  l'année  ,  quelque  temps 
qu'il  f-alFe  ;  on  y  eft  même  obligé 
d'aller  les  chercher  au  milieu  de  la 
neige,  5c  de  leur  porter  à  manger, 
ou  dans  ces  cas  de  les  retirer  fous  des 
hanoars.  Combien  de  fois  n'a- 1- on 
pas  lu  dans  les  papiers  publics  les 
plus  authentiques  ,  que  les  neiges 
abondantes  ,  fubites  &:  imprévues , 
avoient  enfeveli  des  troupeaux  en- 
tiers pendant  un  mois  &  jufqu'à  fix 
femaines  ;  on  a  toujours  remarqué 
qu'ils  ont  peu  ou  point  fouflert;  leur 
chaleur  naturelle  la  fond  graduelle- 
menr,  i5c  ils  font  toujours  fur  la  terre, 
où  ils  trouvent  quelques  plantes  qui 
aident  à  les  foutenir.  Mais  pourquoi 
emprunter  des  exemples  chez  les 
étrangers,  tandis  que  nous  en  avons 
de  lî  convaincans  en  France!  M.  le 
maréchal  de  Saxe  fit  jeter  dans  le 
parc  de  Chambort  un  certain  nombre 


L  A  I 

de  béliers  Sz  de  brebis  de  Sologne  ; 
ils  furent  livrés  à  eux-mêmes,  ils  s'y 
mulriplièrent,  leut  laine  acquit  une 
fupériorité  très-décidée.  La  bergerie 
de  M.  Daubenton  ,  fituée  dans  un 
p.iys  naturellement  froid,  n'eft qu'une 
vafte  cour  ou  enclos,  fermé  par  des 
murailles  ,  où  les  troupeaux  paflent 
tout  le  temps  qu'ils  ne  peuvent  par- 
quer dans  les  champs;  cependant  ils 
font  compofés  de  races  Efpagnoles, 
Angloifes,  du  Tibet,  de  toutes  ef- 
pcces  des  différenres  provinces  du 
royaume.  Que  répondre  à  da  points 
de  fait  de  cette  évidence,  dont  cha- 
cun peut  fe  convaincre  par  fes  pro- 
pres yeux  ;  il  faut  nier  l'évidence,  fi 
on  s'y  refufe.  Souvent  les  mères 
mettent  bas  au  milieu  de  la  neige 
&  des  glaçons,  &  leurs  agneaux  font 
par  la  fuite  les  plus  vigoureux  du 
troupeau.  \'^enez  &  voyez,  vous  dira 
M.  Daubenton  ,  je  n'ai  pas  de  meil- 
leure preuve  à  vous  donner. 

Ce  feroit  le  comble  de  l'erreur  de 
penfer  qu'on  doive  tout-a-coup  ren- 
verfer  les  bergeries,  &  faire  parquer 
les  troupeaux  pendant  toute  l'année; 
la  chofe  conçue  ainfi  eft  impoffible, 
on  leroit  prefqu'alluré  d'en  perdre  la 
majeure  partie.  En  effet  ,  comment 
concevoir  qu'une  brebis,  qu'un  mou- 
ton ,  tout  en  fueur  ,  &  accoutumé 
dans  une  betgerie  à  refpirer  un  air 
dont  la  chaleur  eft  preique  toujours, 
&  même  en  hiver,  de  vingt  à  trente 
degrés,  puifTent  tout  à-coup  fuppor- 
ter  de  ilx  à  dix  degrés  de  froid.  Il 
faut  àonc  les  y  accoutumer  infenfi- 
blement,  &  s'y  prendre  de  bonne 
heure.  Pendant  toute  la  belle  faifon 
les  laifTer  coucher  à  l'air;  à  l'époque 
des  neiges  &  des  gelées,  fe  conrenter 
de  les  tenir  fous  des  hangars  bien 
aérés,  &:  dès  eus  le  rroid  fe  radoucit, 

les 


I  A  I 

Jes  faire  parquer.  C'efl:  ainfi  que 
peu  â  peu  on  les  accoucuniera  à 
toutes  les  rigueurs  des  faifoiis  ,  & 
l'hiver  fuivant  ,  ou  le  fécond  hiver, 
les  pères  ,  les  mères  &  les  petits 
n'auront  plus  beloiii  d'aucun  ména- 
gement. 

Il  eft  reconnu ,  dira-t-on ,  que  l'hu- 
midité eft  le  llcau  le  plus  crue!  pour 
les  bêtes  à  laine.  La  propofition  eft 
vraie  dans  toute  fon  étendue ,  mais 
c'eft  l'humidité  jointe  à  la  chaleur , 
telle  que  celle  d'une  bergerie  bien 
fermée,  dans  laquelle  on  Liille  amon- 
celer le  fumier  ,  &  d'oii  on  ne  le 
fort  qu'une  à  deux  fois  l'année.  On 
ne  niera  pas  que  du  fumier  qui  fer- 
mente, il  ne  s'élève  beauLOun  d'hu- 
midité ,  &  qu'elle  ne  foit  fublimée 
ou  réduite  en  vapeurs  par  la  chaleur. 
On  ne  niera  pas  que  cette  humidité 
ne  foit  acre  ,  pulfqu'elle  produit  des 
cuilfons  aux  yeux  &  des  irritations 
dans  le  gofier.  Se  par  conféquent  la 
toux  à  ceux  qui  y  entrent,  iSc  qui  ne 
font  pas  accoutumés  à  refpirer  l'air 
vicié  qui  remplit  la  bergerie;  enfin 
on  ne  niera  pas  que  la  chaleur  n'y  foit 
très  forte,  puifque  j'ai  vu  des  ber- 
geries où  la  neige  fondoit  fur  les 
tuiles  à  mefure  qu'elle  tomboir,  tan- 
dis que  le  toit  voilln  en  étoit  fur- 
chargé. 

Si  on  mène  paître  des  troupeaux 
dans  des  pâturages  humides  ,  s'ils 
font  expofés  à  la  pluie,  enfin  ii  on 
les  ramène  enfuite  dans  les  bergeries 
dont  on  vient  de  parler,  il  tft  certain 
que  la  chaleur  du  lieu  &  celle  de  l'a- 
nimal chafferont  l'humidité  de  la 
laine,  mais  cette  humidité  s'évapo- 
rera, reftera  dilfoute  dans  l'air  de  fi 
bfrgerie,  &  comme  on  ne  lui  laiife 
aucune  illue pour  sYchapper,  elle  aug- 
mentera encore  &  viciera  l'air,  U 
Tome  VI, 


L  A  I 


\C<>) 


n'efl:  donc  pas  étonnant  que  l'animal 
foulfre,  patilfe,  dégénère  &  péiilTe; 
m.iis  au  contraire  s'il  relie  expoie  à 
l'air  libre,  l'évaporation  de  la  toiion 
fe  dilîipera  ,  &  il  refpirtia  un  air 
pur.  Des  troupeaux  entiers  (ont  fu- 
jets  à  être  galeux  ;  la  clavelée  ou 
claveau  ,  (  Voye\  ces  mots  )  ou  pi- 
cotte  ou  petite  vérole  des  moutojis, 
eft  pour  eux  une  maladie  très-dan- 
geteafe,  parce  que  cette  maladie  de 
la  peau  eft  répercutée  pat  la  chaleur 
dans  la  malTe  des  humeurs.  La  "aie 
eft  infiniment  rate  dans  les  troupeaux 
fans  bergerie,  &  le  claveau  eft  pour 
eux  une  maladie  fans  danger  ni  fuite 
fàcheufe. 

Un  troupeau  parqué  fur  un  io\ 
humide  ,  ajoutera-t-on  encore  ,  ou 
expolé  aux  grandes  pluies,  fera  né- 
celLiirement  expofé  à  l'humidité,  & 
des-lors  fujet  à  un  grand  nombre  de 
maladies.  U  s'agit  ici  de  s'entendre; 
jamais  on  n'a  confeillé  de  faire  par- 
quer les  troupeaux  dans  des  lieux  bas 
ou  aquatiques;  on  doit  au  contrana 
réferver  les  lieux  élevés  &  en  pente 
pour  le  parcage,  dans  les  temps  hu- 
mides. Les  prairies  fèches  font  ex- 
cellentes dans  ce  cas  \  mais  comme 
chaque  jour  on  change  les  claies 
du  parc ,  le  piétinement  de  l'animal 
n'a  pas  le  teinps  de  convertir  la  terre 
en  bourbier,  «Se  quand  même  il  feroic 
dans  cette  ef)'èce  de  bourbier,  cette 
humidité  lui  leroit  moins  funefteque 
celle  de  la  bergerie....  Les  pluies  lon- 
gues 6i-  fréquentes  imbiberont  La 
toifon  jufqu'à  la  peau  de  l'animal , 
&  l'expérience  prouve  que  lorfqu'elle 
eft  mouillée  l'animal  fouffre.  Je  nie 
décidément  la  première  fuppofî- 
îion  \  fi  on  prenoit  la  peine  d'exanr- 
ner ,  o\\  ne  l'avanceroit  pas  comme 
une  alTertion  démontrée.  Expofe/.  un 


170            LAI  LAI 

mouton,  un  bélier,  une  brebis  à  la  pendant  la  règle  de  leur  conauîte? 
plus  grande  pluie  battante  d'ctc,  ou 

aux  loi:(;ues  pluies  d'hiver,  &  vous  Section      II. 
verrez  toute  la  furface  de  fa  toifon 

imbibée   &   trempée  j  mais  la  bafe  Du  cro'ifcmcnt  des  races   de  qual'ué 

fera   toujours   fèche  ,    parce   que    le  fupcrleure    avec  celles    de   qualité 

fui nt  que  l'animal  tranfpire,  immif-  inférieure. 
cible  à  l'eau ,  forme  une  efpèce  de 

vernis  fur  lequel  elle  glilTe;  d'ailleurs.  Le  climat  n'influe  pas  abfolument 
les  poils  très-ferrés,  très-rapprochés  éc  en  général  fur  la  qualité  de  !a  laine, 
&c  couchés  les  uns  fur  les  autres,  re-  mais  feulement  fur  le  tempérammenc 
préfentent  les  thuiles  qui  couvrent  de  l'anima!  ;  il  en  eft  ainfi  de  fa 
les  toits  ,  &  garantilfent  l'intérieur  nourriture.  Cette  alfertion  foufFre 
de  la  maifon.  Il  y  a  plus  j  lorfque  quelques  modifications  ,  comme  on 
l'animal  fent  fa  toifon  trop  chargée  le  verra  dans  le  chapitie  fuivanr.  La 
d'eau,  il  procure,  à  l'aide  des  mufcles  preuve  en  eft  que  les  brebis  de  Bar- 
peaufliers,  un  trémoulfement  général  barie,  les  chèvres  &  les  chats  d'An- 
à  la  peau,  &  parconféquent  à  la  laine,  gola,  tranfportés  en  France  ,  confer- 
qui  fait  tomber  la  majeure  partie  de  vent  la  finelTe  ,  la  blancheur  (Se  le 
l'eau  dont  elle  eft  chargée  j  ce  tré-  moelleux  de  leurs  poils.  Si  l'on  tranf- 
moulfement  de  la  peau  dans  le  mou-  porteenAtrique,&c.nosbr£bis&nos 
ton,  relfemble  aifczàcelui  du  cheval  béliers  à  laines  chétives,  elles refteronc 
lorfqu'il  veut  fe  débarralTer  des  mou-  ce  qu'elles  font,  &  leur  laine  n'y  dé- 
dies qui  le  piquent.  viendra  pas  plus  belle.  Les  voyages 
Etudions  donc  la  nature,  &  nous  des  troupeaux,  à  l'exemple  des  Ef- 
verrons  qu'elle  n'a  rien  épargné  pour  pagnols,  ne  changent  pas  les  laines 
la  confervation  des  animaux  deftinés  mauvaiies  en  médiocres,  ni  les  mé- 
à  vivre  au  grrnd  air-,  nous  nous  diocres  en  hnes,puifque  les  trou- 
écartons  de  fes  loix,&'nos  animaux  peaux  voyagent  perpétuellement  en 
domeftiques  font  la  vidtime  de  notre  Corfe,  &r  ils  y  iont  prefque  toute 
prérendue  fageiïe.  Voit-on  dans  les  l'année  dans  une  égale  température 
villes  les  vendeufes  fur  les  places,  &  d'air;  cependant  leur  laine  eft  détef- 
les  payfans  dans  les  champs  s'enrhu-  table.  On  voit  en  Efpagne  des  trou- 
mer,  tandis  que  les  habirans  cafa-  peai.x  .à  laine  commune,  voyager 
niers  for.t  afFedtés  du  moindre  froid?  comme  ceux  à  laine  fine  ,  &  leur 
C'eft  que  les  uns  font  plus  près  de  laine  n'acquérir  aucune  qualité,  quoi- 
la  nature  que  les  autres,  &  l'habitude  que  le  climar  &  la  nourriture  foienc 
d'èrre  au  grand  air  foutient  la  force  les  mêmes.  La  maigreur  ou  l'em- 
de  leur  corps,  &  les  préferve  d'une  bonpoinc  de  l'animal,  caufés  ou  par 
infinité  de  maux  qui  affligent  les  ci-  le  climat  ou  par  la  nourriture,  in- 
tadins.  La  fanté  des  troupeaux,  leur  fluenr  fur  la  plus  ou  mo.uis  grande 
profpéritc  &  leur  perfeftionnement,  quantité  de  laine,  &  non  pas  fur  fa 
dépendent  de  l'homme  ;  une  faufle  groffiéreté  ou  fur  fa  fineffe.  Si  les 
fagcffe,  une  faufle  prudence,  fondées  laines  des  provinces  méridionales  de 
fur  des  préjuges  abfurdes,  font  ce-  France  font  fines,  elles  doivent  cette 


L  A  î 

qualiré  aux  brtbi5  efpagnoles  qui  y 
ont  et-  jadis  6:  '".ui  y  Ion:  encore 
quelquefois  incrociuites,  ik.  pas  aufiî 
fouvent  que  le  bufoin  l'exige,  par  la 
mauvaife  renue  des  troupeaux. 

Dans  tour  le  cours  de  cec  ouvrage, 
on  n'a  celTé  de  faire  remarquer  l'a- 
nalogie frappante  qui  fe  trouve  entre 
le  règne  végétal  ëc  le  règne  animal  ; 
elle  fe  préfente  ici  fous  un  nouveau 
jour  également  dimonftratif.  Des 
circonftances  qu'on  ne  peut  prévoir 
font  que  dans  un  feniis,  par  exemple, 
de  pépins,  de  pommes,  de  graines, 
de  renoncules,  de  jacynthe,  &c. ,  on 
trouve  ,  ce  que  les  jardmiers  appel- 
lent des  efpèces  nouvelles  j  ou  des  ef- 
pèces  déjà  exiftantes ,  mais  perfec- 
tionnées ;  c'eft  à  ces  heureux  hafards 
que  Ton  doit  les  pommes  de  reinette , 
de  Calville,  &c. ,  &  fur-tout  le  bezi 
de  Montigné,  venude  lui  même  fans 
foins  &  fans  cultute  au  milieu  des 
forêts  de  M.  de  Trudaine.  Il  feroit 
aifé  de  citer  une  foule  d'exemples 
femblables  relativement  aux  arbres, 
6c  plus  encore  parmi  les  fleurs  des 
parterres.  11  en  eft  de  même  parmi 
les  animaux.  On  peut  confulter  à  ce 
fujet  les  ouvrages  du  Pline  françois, 
&c  l'on  y  verra  avec  quelle  diverfité 
la  nature  a  multiplié,  par  exemple, 
la  famille  des  chiens,  &c.  Qu'avec 
<les  yeux  exercés ,  un  amateur  examine 
un  troupeau  ,  il  trouvera  sûrement 
dans  le  nombre  quelques  individus 
dont  la  laine  fera  un  peu  plus  fine, 
plus  longue  &  plus  étoffée  que  celle 
des  autres  ;  cependant  il  elî  prouvé 
qu'ils  ont  tous  eu  un  père  &:  une 
mère  à  peu  près  égaux  en  qualité. 
Suppof  Mis  aduellement  que  cet  ama- 
teur fépare  le  bélier  ^  la  brebis  du 
plus  beau  corfage,  &  à  laine  moins 
gfolïïère  ,  du  refte  du  troupeau  ,  & 


17Ï 


LAI 

qu'il  les  falTe  foigner  &  accoupler  , 
il  en  réfultera,  à  coup  sûr,  un  indi- 
vidu qui  tiendra  du  père  ce  de  la 
mère,  &  qui  lera  fupérieur  en  cor- 
fage &:  en  laine  au  refte  du  troupeau. 
Si  le  hafard  fait  qu'il  rencontre  chez 
lui  un  bélier  plus  beau  que  le  pre- 
mier, &:  qu'il  croife  fa  rate  avic  la 
brebis  choifie,  il  eft  encore  démontré 
par  l'expérience  que  l'animal  réfultant 
de  cet  accouplement,  fera  beaucoup 
plus  grand  que  la  mère  ,  &  fouvent 
plus  beau  que  le  père.  Or  ,  en  con- 
tinuant les  mêmes  foins,  les  mêmes 
attentions  &  les  mêmes  accouple- 
mens ,  on  parviendra  petit-à-petit  à 
remonter  l'efpèce  de  fon  troupeau. 
Certe  progreilîcn  n'eft-elle  pas  dans 
tous  les  points  la  même  que  celle  qu3 
la  nature  fuit  dans  le  perfedionne- 
ment  des  efpèces  végétales ,  fait  en 
formant  des  ej'pèces  hybrides ,  (  J^'oye^ 
ces  deux  mots)  foit  en  couronnant  les 
foins  du  fleurifte  qui'métamorphcie 
fucceflîvement  en  fleurs  doubles  les 
fleurs  fimples  d'une  plante,  &  qu'il 
perpétue  enfuite  par  la  greffe ,  par  les 
caïeux  ,  ou  par  les  boutures.  Mais 
fi  à  une  brebis  déjà  perfedionnée  par 
le  corfage  Se  par  la  qualité  de  la 
laine,  vous  donnez  un  bélier  à  laine 
grofl^ère  &  de  petite  ftature  ,  l'rHimal 
qui  proviendra  fera  très-inférieur  à 
la  mère,  &  peut-être  au  père  11  faut, 
dans  les  accouplemens,  employer  tou- 
jours les  individus  les  plus  beaux. 

H  eft  à -peu -près  démontré  que 
les  petits  reffemblent  à  leur  mère 
par  leurs  parries  intérieures,  mais 
à  leur  père  par  i'exrérieur,  &  prin- 
cipalement par  Itur  fitrface  &  par 
leurs  poils.  En  voici  la  preuve  :  fi  t;n 
bouc  d'Angola  ,  à  poils  fi  fins  ,  ù 
doux,  fi  blancs  &i  fi  longs,  couvre  une 
chèvre  d'Europe  ,  à  poils  greffiers  & 

y  i 


i7i  LAI 

variés  en  couleurs  ,  il  tranfmet  à 
fon  petit  l'éclat  &  la  nobielîe  de 
fa  coiron.  Si  au  contraire  un  bouc 
d'Europe  couvre  une  chèvre  d'An- 
gola, l'iiiûividu  qui  en  naîtra  aura 
Je  poil  de  fon  père.  Lorfqu'un  che- 
val couvre  une  ânefle,  le  mulet  ref- 
femble  plus  au  père  qu'à  la  mère  par 
.les  oreilles,  le  crin,  la  queue,  la 
couleur  &  le  port.  Au  contraire,  lorf- 
qu'une  jument  eft  couverte  par  un 
âne  ,  l'efpèce  qui  en  fort  tient  du 
mâle  par  les  longues  oreilles ,  par 
une  queue  de  vache  très-courre,  par 
une  couleur  fouvenr  grife ,  &  une 
croix  noire  fur  le  dos.  Les  béliers 
anglois  font  fouvent ,  &  pour  la  plu- 
part,  fans  cornes,  parce  que,  dans 
le  principe,  on  a  choilî  par  préfc- 
lence  les  pères  qui  n'en  avoient  pas, 
&  cette  privation  s'eft  perpétuée  de 
race  en  race.  La  railon  a  déterminé  ce 
choix  :  l'animal  fans  cornes  a  la  tête 
moins  grofle;  Ha  mère  le  met  plus 
facilement  bas  ,  &:  il  ne  peut  pas 
blefler  les  autres.  C'eft  par  de  fem- 
blables  accouplemens  que  l'on  par- 
vient à  avoir  des  troupeaux  entiers , 
ou  à  laine  blanche ,  ou  à  laine  brune, 
noire  ,  roulle,  ^'c. ,  tout  dépend  des 
premiers  accouplemens ,  (Se  des  foins 
que  Ton  donne  aux  fuivans. 

Il  fuivroit  de  ce  qui  vient  d  être 
dit,  qu'une  belle  race  une  fois  éta- 
blie, foit  en  mâles,  foir  en  femel- 
les, ne  doit  jamais  fe  détériorer.  Cela 
eft  vrai  ,  jufqu'à  un  certain  point, 
&  tant  que  les  animaux  fe  trouve- 
ront dans  les  mêmes  circonjlances  ; 
mais  fi  au  lieu  de  les  tenir  Toujours 
en  plein  air,  on  prelTe  &  on  enralfe 
les  troupeaux  dans  une  étouffante 
bergerie  j  les  maladies  de  la  peau 
affectent  la  qualité  de  la  laine  qui 
s'y  implante  iSc  qui  y  prend  fa  nout- 


L  A  I 

riture  j  une  fois  viciée  chez  le  père  oa 
chez  la  mère ,  les  circonftances  ne  font 
plus  égales,  &  la  laine  perd  de  fa  qua- 
lité.  La  mauvaife    nourriture  ,   l'air 
étouffé  &  rendu  acre  &  prefque  mé- 
phitique, agiffent  fortement   fur  la 
conftitution  de  l'animal,  5c  la  laine 
eft  moins  épailTe,  &  diminue  de  lon- 
gueur, parce  qu'elle  ne  rrouve   plus 
dans  la   peau  de  quoi  fe  fubftanter, 
C'eft  donc  toujours  la  faute  du  pro- 
priétaire ,   fi   le  troupeau  dégénère  j 
mais  en  revanche ,  avec  des  attentions      • 
fùutenues,  &  qui  font  plutôt  un  amu- 
fement  qu'un  travail,  il  peut  remon- 
ter {q\\  troLipeau  prefque  fans  fortic 
de  fa  province;  &  lorfqu'il  aura  at- 
teint un  certain  genre  de  perfection, 
il  doit  alors ,  fuivant  le  climat  qu'il 
habite  ,    faire  venir  des   béliers  an- 
glois ou   efpagnols  ,  leur   donner  à 
couvrit  les  plus  belles  brebis ,  &  con- 
ferver    aux  nouveaux  nés  la  même 
manière  de  vivre  que   fuivoient  les 
béliers   dans  le  pays   d'où  on  les  a 
tirés.  Si  avec  ces  béliers  il  peut  faire 
venir  de  belles  brebis,  le  perfection* 
nement   de  fon  troupeau   fera    plus 
rapide ,  &  un  produit  alfuré  le  dé- 
dommagera dans  peu  de  fes  premières 
avances.  Les  peuples  amateurs  &  con- 
fervareurs  des  troupeaux,  font  plei- 
nement convaincus   de    la    néceflité 
d'avoir  de  beaux  &  d'excellens  béliers; 
&  un  François  feroit  étonné  du  haut 
prix  auquel  on  vend  ceux  qui  font 
fupétieurs.  On  a  vu  en  1758,  chez; 
Guillaume  Stori ,  cultivateur  Anglois , 
un  bélier  de   j  ans ,  qui  pefoit   39S 
livres    d'Angleterre ,  &  qu'il  vendit 
à  M.  Banks  de  Harsworth  quatorze 
guinées.  Les  agneaux  qui  naquirent 
des  brebis  couvertes  par  ce  bélier, 
relTembloient  fi  fort  au  père,  qu'on 
payoit  au    polleiTeur  de  cet  animal 


L  A  I 

Une  demi-galnée  pour  chaque  brebis 
qu'il  lui  f.iifoic  couvrir,  c'cll-à-dire, 
un  peu  plus  de  i  z  liv.  argent  de 
France.  M.  Robert  Gilfon  avoir  un 
bclier  delà  même  race,  &  en  1765, 
ou  payoit  une  guinée  entière  pour 
chaque  accouplement.  En  tondant 
un  agneau  venu  du  premier  de  ces 
béliers ,  on  tira  vingt-deux  livres  an- 
gioifes  de  laine  hne.  En  Efpagne  on 
paie  encore  aujourd'hui  un  excellent 
bélier  jufqu'à  loo  ducats.  C'eft  ainli 
qu'en  croifant  fans  celFe  les  races 
par  des  béliers  forts  &  vigoureux  , 
on  eft  parvenu  en  Angleterre  à  avoir 
des  laines  de  vinçr,  vingt  un  à  vingt- 
deux  pouces  ds  longueur,  &  un  bé- 
lier à  laine  de  vingt-trois  pouces  de 
longueur,  a  été  vendu  en  Angleterre 
jufqu'à  I  200  liv.  De  ces  exemples 
on  doit  conclure,,  i*'.  que  le  premier 
point  &  le  plus  elfentiel ,  confille  dans 
la  qualité  fupérieure  du  bélier  ;  que 
c'eft  lui  qui  propage  la  bonne  qualité 
de  la  laine.  Se  que  fans  lui  elle  dé- 
génère, i"'.  Qu'on  ne  doit  lui  don- 
ner à  couvrir  que  des  brebis  recon- 
nues très-faines,  jeunes,  c'eft-à-dire, 
de  trois  ans,  &  jamais  après  fept  ans. 
Le  mâle  ou  la  femelle ,  rrop  jeu- 
nes ou  trop  vieux ,  aftoiblilTent  le 
troupeau ,  au  lieu  de  le  perfeélion- 
ner  :  douze  à  quinze  brebis  fuffifent 
à  un  bélier  qui ,  dans  le  temps  de 
l'accouplement  ,  exige  d'être  large- 
ment nourri. 

Si  on  peut  faire  teter  deux  mères 
au  même  agneau,  il  eft  certain  qu'il 
deviendra  plus  fort  que  celui  qui  té- 
tera une  feule  m.cre,  fur-tour  l'i  (on 
père  &  fi  fa  mère  étoient  fains  Se 
dans  l'âge  convenable.  L'accouple- 
ment bien  ménagé ,  perfeftionne  donc 
ôc  la  charpente  de  l'animal ,  &  la 


L  A  I  ry^ 

qualité  de  fa  laine.  Des  expériences 
journalières  ont  prouve  que  des  béliers 
de  2 S  pouces  de  hauteur,  accouplés 
avec  des  brebis  de  20  pouces  ,  ont 
produit  des  agneaux  qui  dans  la  fuite 
ont  eu  27  pouces  de  hauteur.  Les 
mêmes  expériences  démontrent  que 
de  l'union  des  béliers  dont  la  laine 
avoit  6  pouces  de  longueur,  avec  des 
brebis  dont  la  laine  n'avoit  que  5 
pouces  ,  il  réfuiroit  des  individus 
qui  avoient  une  laine  de  cinq  pouces 
à  cinq  pouces  &  demi  de  longueur. 
i,es  mêmes  expériences  répétées  fur 
des  brebis  à  laine  commune  Se 
grollière  ,  ^'  couverres  par  des  bé- 
liers à  laine  fuperfine  ,  il  en  ell 
réfulté  des  agneaux  à  laine  hne  ôc 
quelquefois  de  qualitt  fupcrleure  à 
celle  du  père.  C'eft  par  de  pareils 
procédés  &:  par  des  foins  ailitlus,que 
M.  Daubenton  a  amélioré  près  de 
Montbard  ,  un  troupeau  de  trois 
cents  bêtes  ,  dont  la  laine  étoit  au- 
paravant courte,  jarreufeiS:  mauvaife»  ' 
ôc  fur-tout  en  le  laillant  jour  &  nuit 
&  pendant  toute  l'année  expofé  au 
grand  air. 

La  manière  de  conduire  le  trou- 
peau ,  iSc  le  choix  des  mâles  pour 
l'accouplement,  contribuenr,  comme 
on  vient  de  le  voir,  à  la  forte  conf- 
titution  de  l'animal ,  à  l'augmenta- 
tion de  fon  volume ,  à  la  longueur 
&  à  la  fînelTe  de  la  laine ,  mais  en- 
core augmentent  la  quantité  de  la 
laine.  En  voici  la  preuve  :  un  bélier 
de  Flandres  ,  dont  la  toifon  pefoir  , 
cinq  livres  dix  onces  ,  allié  à  une 
brebis  du  Roullillon  ,  qui  n'avoit  que 
deux  livres  deux  onces  de  laine,  a 
produit  un  agneau  m.ile  ,  qui  dans 
fa  troiiième  année  en  portoit  cinq 
livres  quatre  onces  fix  gros. 


174  LAI 

CHAPITRE     III. 

Est-il  possible  de  per- 
fectionner LES  LAlNES  EN 
France  ^  et  quelles  sont 
les  qualités  des  laines 
actuelles  ? 

Section     première. 

De  la  pofflbUké  de  perfeclionner  les 

Lunes  en  France, 

La  première  partie  de  cette  quef- 
tion  elî  décidée  par  ce  qui  a  été  dit 
dans  les   chapitres  précédens ,   &  je 
répète  que  l'école  des  bergers  élevés 
par  M.  d'Aubenton,  donnera  la  pre- 
mière &c  la   plus    fùre   impuliîon    à 
une  révolution  générale ,  parce  que 
l'expérience  eft  le  terme  &  Ja  conhr- 
mation   des  leçons  <?c  des   principes 
que  l'élève  reçoit.  II  ne  lui  faut  que 
des  yeux  ;  &   la  nature   eft  le  livre 
qu'il  étudie    &  où  il  s'inftruit.  Il  eft 
encore   démontré  que  la  France  eft 
le  royaume  le  mieux  fitué  de  toute 
l'Europe.  Elle  eft  modérément  froide 
dans  fes  provinces  du  nord,  tempé- 
rée dans  celles  du   centre ,  &  alîez 
chaude  dans  celles  du  midi.  Il  réfulte 
de  cette  fituation   la  pollîbilité  d'é- 
lever &    d'entretenir  de    nombreux 
troupeaux  ,   de    quelque    pays  ,    de 
quelque  contrée    du    monde    qu'on 
tire   les  efpèces  j  il  fuffit  de  les  pla- 
cer d'une    manière    convenable.   La 
rranstormation  des  troupeaux  à  laine 
commune ,  s'exécuteroit  fans   peine 
&  plus  facilement  qu'on  ne  détruira 
les   préjugés  :  toutes  les  inftruétions 
publiées,  fou  par  le  Gouvernement, 
foit  par  des  particuliers ,  produiront 
peu  d'effets  j   la   conviélion  dépend 


L  A  I 

de  l'exemple  mis  fous  les  yeux  ,  con- 
templé chaque  jour ,  &  non  pas  cou- 
lldéré  dans  l'éloigné  ment. 

Par  qui  doit  commencer  la  révo- 
lution ?  par  les  grands  propriétaires 
de  fonds  j  ils  doivent  envoyer  un  de 
leurs  bergers  à  l'école  deMont-Bard, 
<Sc  choifir  celui  qui  paroîtra  le  plus 
intelligent.  A  fon  retour,  il  exécu- 
tera chez  fon  maître  ce  qu'il  a  vu 
mettre  en  pratique  ,  &  l'exemple 
de  ce  berger  influera  fur  toutes  les 
paroilfes  voiiines.  Les  payfans  &c  les 
hommes  du  peuple  diront  :  Il  n'eft 
pas  furprenant  que  de  tels  troupeaux 
profpèrent ,  que  la  laine  en  fait  de- 
venue fine,  (Sec.  le  propriétaire  eft  un 
homme  riche ,  qui  peut  faire  de  la 
dépenfe  :  il  en  fait  cependant  moins 
qu'eux,  puifqu'une  cour  &  les  champs 
lui  ferviront  de  bergerie,  &  même 
fans  fortir  de  fa  province  ,  il  perfec- 
tionne fes  efpèces,  en  accouplant  les 
meilleures. 

Il  feroïc  cependant  fort  à  défirer 
que  l'homme  riche  fît  venir  de  l'é- 
tranger des  brebis  &  des  béliers  j  Se 
lorfque  fon  troupeau  feroit  monté, 
qu'il  permît  &:  accordât  gratuitement 
l'accouplement  de  fes  béliers  avec 
les  brebis  des  petits  particuliers  ,  à 
la  charge  par  eux  de  foigner  leurs 
troupeaux  de  la  même  façon  qu'il 
foigne  les  liens.  C'eft  par  cette  voie 
que  le  bien  fe  fera  ,  que  l'inftruélion 
s'étendra  de  proche  en  proche  ,  & 
qu'enfin  on  parviendra  à  une  révolu- 
tion générale. 

Les  communautés  d'habitans ,  un 
peu  numbreufes ,  devroient  fe  coti- 
fer  pour  avoir  un  berger,  &  faire 
les  frais  pour  fe  procurer  des  béliers 
de  qualité.  Si  plufieurs  communaii- 
rés    fe  réunillenc,   les    frais   feront 


L  A  I 

moins  confidérables^  il  ne  refterapliis 
qu'à  s'arrangera  à  convenir  entr'elles 
du  parcage,  du  pâturage,  <Sc.  un 
berser  avec  (on  chien  conduit  aullî- 
bien  un  troupeau  de  deux  cents  bc- 
tcs  ,    qu'un  de  cent. 

La  multiplicité  des  troupeaux  nuira 
à  l'agriculture  :  cette  objeélion  ne 
manquera  pas  d'ctre  mife  en  avant. 
Il  ne  s'agit  pas  de  couvrir  de  trou- 
peaux tout  le  fol  du  royaume  ;  mais 
de  perfeilionner  la  laine  &  les  ef- 
pèces  de  bètes  qui  y  exiftent.  11  efl: 
plus  que  probable  que  cli.ique  pro- 
priétaire nourrir  autant  de  bctes  que 
les  moyens  &  fes  pollellions  le  per- 
mettent; ainfi  on  ne  fauroit  en  raie- 
menter  le  nombre  5  mais  la  valeur 
du    produit  doublera  par  la  qualué. 

C'eft  une  erreur  de  peniev  que 
les  communaux  &  les  landes  foient 
néceiïaires  à  la  profpérité  des  trou- 
peaux. A  force  d'ctre  broutés ,  piéti- 
nes, dégradés,  l'animal  n'y  trouve 
qu'une  maigre  (Se  très-rare  nourri- 
ture j  les  mauvailes  herbes  qu'il  dé- 
daigne, gagnent  bientôt  le  dellus , 
&  étouffent  à  la  longue  les  plantes 
utiles.  Enfin  ,  i!  ell:  prouvé  que  dans 
les  pays  où  il  n'y  a  point  de  com- 
munes ,  (  Voyc-^  ce  mot  )  on  élève 
&  on  nourrit  un  plus  grand  nombre 
de  bctes,  que  dans  ceux  qui  en  ont 
de  trcs-ctendues. 

I!  n'en  eft  pas  tout-à  fait  ainli  chez 
les  particuliers  qui  ont  des  friches  ou 
des  terreins  incultes.  Si  leur  berger 
n'a  pas  dans  le  troupeau  des  bre- 
bis qui  lui  appartiennent,  il  ména- 
gera l'heibe  ;  &  après  avoir  fiit  brou- 
ter une  partie  du  terrcin,  il  n'y  re- 
viendra pas  de  quelque  temps,  :Xm\ 
de  lui  donner  le  temps  de  noudcr. 
Les  troupeaux  au  contraire  ne  quir- 
£enc   pas  les  communes   d'un  foieil 


L  A  I 


75 


à  un  autre  ,  6c  pendant  toute  l'année. 
Que  l'on  compare  aéluellemen.t  les 
terres  labourées  ou  en  chaume,  fur- 
tout  h  on  fuit  ce  qui  eft  dit  au  mot 
labour ,  avec  les  landes  &  les  friches, 
&  l'on  verra  h  le  mouron  ne  trou- 
vera pas  dans  ces  premières  une  nour- 
riture plus  abondante,  des  herbes 
plus  tendres,  plus  délicates  que  fur 
les  fécondes.  Dès-lors  il  faur  con- 
clure qu'une  culture  bien  entendue 
vaut  infiniment  mieux  pour  les  trou- 
peaux, «S:  qu'il  efl:  pofiîble  d'en  aug- 
menter le  r.ombre  jiifc^u'à  un  cer- 
tain point,  fins  nuire  .1  l'abondance 
des  récoltes  ordinaires.  Les  tiiches , 
les  landes,  les  lieux  incultes,  ne 
font  vraiment  utiles  aux  troupeaux  , 
que  parce  qu'ils  les  forcent  à  mar- 
cher &  à  parcourir  un  grand  efpace  , 
afin  de  fe  procurer  leur  nourriture. 
D'ailleurs  (1  elles  convienncnr  aux 
petites  efpèces  ,  elles  font  luiilibles, 
ou  tlu  moins  peu  profitables  aux 
moyennes  ,  &  fur-rout  aux  grofies. 
Le  propriétaire  inrelligent  propor- 
tionne la  quaTitité  de  fes  troupeaux  à 
l'abondance  &c  à  la  qualité  des  plan- 
tes qui  doivent  le  nourrir.  Enfin, 
l'entretien  d'un  troupeau  quelcon- 
que de  brebis  .à  laine  fine  ,  ne  lui 
coûte  pas  plus  à  errretenir  que  celui 


pas  p 


à  laine  con-,mane  &  grollière.  Si  on 
a  un  reproche  à  faire  à  la  rnnjeure 
partie  des  teranciers^  c'eft  de  con- 
ferver  ur.e  p'us  grande  qnanrité  de 
bctes  blanches  que  leurs  pofieflions 
ou  leurs  moyens  ne  peuvent  en  nour- 
rir; alors  tour  le  troupeau  eft  maigre 
ou  étique,&  ils  fontobligésde  lui  faite 
parcourir  les  champs  des  voifins,  ce 
qui  eft  un  vol  manifcfte.  Dix  brebis 
bien  nourries,  bien  foignées,  rendent 
plus  que  quinze  à  dix-huit  brebis  affa- 
mées y   objet  ellentiel   que  ne  doit 


17^            LAI  LAI 

jamais  perdre  de  vue  un   bon  culti-  La  Salanque  eft  auiïi  nn  bas  ter- 

vateur.  rein,  mais  qui  règne  le  long   de  la 

liefl  donc  démontré  que  même  fans  mer. 

faire  voyager  les  troupeaux   fuivant  Les  Afpres  &  la  plaine  font    un 

la  méthode  efpagnoie  ,   il  eft  de   la  p^ys  haut  &  {^z ,  garni  d'herbes  fines 

plus  grande  facilité  d'avoir  en  France  ^  odoriférantes. 

lies  troupeaux  à  laine  fine.  Il  eft  en-  n     j        m  •          i                        j^ 

■ ,  '          ,             r                    1  Fendant  1  hiver .  les  troupeaux  de 

core  démontre   que    li  on  peut    les       ,         ■         j    ■       ■  f       ' ~. 

•i.   ^       .  ,    r  ,  ,     ,.  ces  trois  endroits  vivent  leparement 

taire  voyager ,   ainu  qu  il  a  ete  ait  j        ,                •     •  '        ,-     n'r    n  ^n 

,        ,    ',f  .  '        ,   ,\          II-  dans  leurs  territoires  re'pettirs.  11  elt 

dans  le  cnapitte  picccdent ,  la  lame  j                    r  -r          i 

r         ■    '■i    <t      T-   r             .         .V  r^re   que  pendant   cette   iailon  ,    la 

en  lera  plus  belle.  Lnhn  on  n  a  qu  a  ■      ^  ■    '^        m      \                       „  .- 

,  .    r          ,       .                       ^  neiçe  tienne  allez  loncr-temps  pour 

vouloir  pour  obrenir.  -  u      ]      u             j            J  ^., 

'  empêcher  les   bergers   de  mener  en 

Section     II.  pleine  campagne.   Dans   le   cas    de 

longues  pluies ,  on  nourrit  les  bêtes 

Des   qualités    des    laims  acluellts  ,  à  la  bergerie  avec  du   fourrage  isc. 

des   troupeaux    &    des   pâturages  Lorfque  les  gelées  ou  les  contre- 

^   dans  le  Royaume,  temps  détruifent  les  prairies  artifi- 

Tout  ce  qui  fera  dit  dans   cette  nielles ,  ou  qu'il  y  a  difette  de  bons 

feftion  ,  eft  le   précis  de  l'excellent  fourrages  ,  on  fait  palier  les  brebis 

onvtagc    de    M.    Carlier ,  incitulé  :  au  Riverai. 

Truite  des   l'êtes  à   laine  ,   en   deux  Aux  approches  des  grandes  cha- 

voîumes  i;2 -4^.  Paris,    1770,  chez  leurs  de  l'été,  &  lorfque  les  herbes  de 

'Vallat-la-Chapelle,  au  Palais.  L'au-  la  plaine  commencent  à  fe  defftcher, 

têur  a  parcouru  tout  le  royaume  j  &  qu'il  y  a  dilette  d'eau,  &c.  on  con- 

il  parle  de  ce  qu'il  a  vu  &  examiné  duit  les  troupeaux  aux  montagnes  du 

3vec  le  plus  grand  foin.  Il  commence  haut  Confiant  &;  Capfir.  Ils  y  paf- 

par  les  provinces  méridionales.  fent    fix    mois    dans    les    pafquiers 

i".  Le  Rou[fdion.  Cette  province  royaux  ,  au  nombre  de  fix  à  fepc 
avoifine  l'Efpagne  j  elle  eft  remplie  milles.  Ceux  qui  ne  vont  pas  à  la 
de  hautes  montagnes  ,  de  coteaux  montagne  ,  fe  réfugient  au  Riverai 
&  de  vallons  couverts  de  gras  pâtura-  &  en  Salanque,  dans  les  cantons 
ges  :  dans  certains  cantons  les  laines  où  les  chaleurs  font  moins  vives  & 
y  font  aufti  belles  qu'en  Efpagne.  les  herbes  plus  fraîches  que  dans  la 
Le  Roallilion  proprement  dit  fe  di-  plaine  &  aux  Afpres. 
vife  en  trois  cantons  principaux  ,  le  Les  moutons  des  Afpres  ne  font 
Riverai ,  la  Salanque  ,  les  Afpres  ou  ni  aulli  forts ,  ni  aulîi  corfés  que  ceux 
la  plairie.  On  donne  les  noms  de  du  Riverai  &  de  la  Salanque.  La 
iiiyeralS<.  de  terres  arrofables ,  à  une  longueur  des  premiers  eft  de  trente 
ttendue  de  lieux  bas,  dans  lelquels  pouces,  &  la  hauteur  en  proportion, 
on  conduit  l'eau  des  rivières  &  des  Tous,  jufqu'aux  ferntlles ,  ont  le 
ruiifeaux  par  des  rigoles  &  par  des  détaut  de  porter  des  cornes.  On  re- 
canaux ,  pour  arrofei  les  rerres  &  les  jerte  les  bêtes  à  toifon  noire, 
rendre  plus  [ertiles  dan^.  le  genre  de  Le  mouton  de  Salanque  ne  palfe 
prpdijdiyn  qui  leur  tft   propre,  guère  l'âge  de  cinq  ans  fans  dépérir  î 

celui 


LAI  LAI 

celui  des  Afpres  &  de  la  plaine  vît  plaine ,  mais  encore  pour  ceux  des 

trois  ans   de  plus ,  &  demeure  fain  mor.c.ignes  pendant  quatre  mois  &    . 

jufqu'à  huit  ans  «Se  au-deli.  Le  pre-  demi. 

mier  eft  fujec  à  la  pourriture.  Les  autres  cantons  du  Rouffillon 

La  toifon  du  mouron  des  Afpres  (onth  Fa/fpir  j[q  Confiant  Se  Capjirj 

eft  tîue  ,  lerrée  ,  foyeufe ,  légère  &  la  Cerdagne. 

douce  au  toucher  j  les  mèches  font         Les  moutons  de  Valfpir  tiennent 

courtes  &  frifées  ,  d'un  pouce  à  un  beaucoup  de  ceux  du  Riverai  &  de 

pouce  iSc  demi  de  long  ;  elles  allon-  la  Salangue  par  le  corfage  &:  par  la 

gent  fans  rien  perdre  de  leur  qualité  toifon  j  ils  en  diftèrenc  en  ce  que  les 

quand  la  nourriture  a  été  -bonne.  derniers   palTent  toute   l'année  dans 

Les  belles    toifons  des  Afpres  «Se  leurs  gras  pâturages,  au  lieuque  ceux 

d'une    partie    de    la    Salangue    fur-  du  Valfpir  vont  pendant  l'été  à   la 

pafTent  en  fineire  les  laines  d'Efpa-  montagne. 

gne,  dites  Arragons,  Garcies,  And:.-  Le  Gonflant  fe  divife  en  deux 
loufie,  &  le  cèdent  peu  auxSégovies,  parties  ,  le  haut  qui  eft  montueux  , 
lorfqu'elles  font  pures  &  fans  mê-  &  le  bas  qui  eft  un  pays  de  plaine, 
langes.  On  les  vend  dix  à  douze  fols  à  peu  près  comme  le  Roullillon  &c  le 
la  livre  en  fuint,  &  trente-fix  à  qua-  Valfpir.  Le  Gapfir  eft  rempli  de  mou- 
rante fols  lavées  \  elles  ne  font  pas  tagnes ,  de  même  que  le  haut  Con- 
d'un  blanc  parfait  ,    elles  tirent    un  flant. 

peu  fur  le  jaune ,  ce  que  les  fabri-  Les  propriétaires  des  troupeaux  du 

quans    regardent    comme    une    per-  bas    Gonflant    imitent    ceux    de     la 

feétion.  plaine  du  Rouflilloi:;  ils  les  gardent 

Une  toifon   fine  pèfe   trois  livres  chez  eux  pendant  l'hiver  «Se  une  bonne 

&  demi,  &  quelquefois  quatre  livres  partie  du  printemps  \  aux  premières 

en  furge,  &  cinq  quarts  étant  lavée,  chaleurs  ils  les  conduifent  à  la  mon- 

Le  Roullillon  peut  produire  ,  année  tagne. 

commune,  huit  mille  quintaux  fur-  La    branche    du    bas    Gonflant, 

ges  de   laine  fine,  &c  quatre  mille  quoiqu'intérieure  à  celle  des  Afpres, 

d'inférieures.  vaut  mieux  que  celle  du  Valfpir  j  on 

Les  troupeaux  des  gros  tenanciers  y  voit  peu  de  toifons  noires, 
vont  de  dix-huit  cens  à  deux  mille  Les  neiges  abondantes  qui  com- 

bêces ,  &  ils   les  partagent  en  trois  mencent  à  tomber  vers  le  mois  de 

bandes   égales.    Pendant   l'hiver    un  novembre,  &:  qui  couvrent  pendant 

propriétaire  de  quatre  cens  bêtes  les  cinq  ou  fix  mois  la  furface  des  mon- 

divife  en  trois  lots,  qu'il  fait  garder  tagnes  du  haut  Gonflant  &  du  Gap- 

féparément.  Après  la  tonte,  on  raf-  fir,  ne  permettent  pas  aux  habitans 

femble  plufieurs  troupeaux  pour  en  de  conferver    chez   eux  leurs  trou- 

compofer  un  feul ,  lorfqu'on  eft  fur  peaux  ^  ils  vont  tous  les  ans  chercher 

le  poinr  de  palfer  à  la  montagne.  ailleurs  des  afyles  contre  la  rigueur  de 

Les  pâturages  artificiels  des  terres  la  faifon  qui  les  prive  des  pâturages, 
arrofables du  Riverai,  &^  des  exccllens  Les  ménagers  du  haurGonflanr, 

fonds  des  Afpres,  fufïifent  non-feu-  après  avoir  doimé  pendant  lix  mois 

lement   pour   les   troupeaux    de    la  l'hofpitalicé  aux  bergers  des  Afpres, 
Tome  VI.  Z 


178  LAI 

Sec,  viennent  à  leur  tout  laciemanJer 
à  ceux-ci   pendant  l'hiver. 

Aux  approches  des  premières  nei- 
ges, les  bergers  du  haut  Gonflant  & 
du  Capfir  font  un  choix  des  Dc-tes 
qu'ils  fe  propofent  de  garder  chez  eux , 
éc  marquent  celles  qui  doivent  def- 
cendre  dans  la  plaine.  C'elt  un  ufage 
reçu  de  ne  retenir  que  les  moutons, 
■  &  d'envoyer  les  brebis  portières  ; 
quand  leurs  moyens  &  les  circonf- 
tances  locales  le  permettent,  ils  mê- 
lent des  lots  de  moutons  avec  les 
brebis  ,  mais  ils  gardent  les  béliers. 

Comme  ces  pays  ne  foiU  pas  aifcz 
étendus  pour  contenir  le  nombre  pro- 
digieux de  bétail  qui  arrive  de  la 
montagne,  ce  qui  refte,  traverfe  la 
Cerdagne  cfpagnole  &  françoife,  & 
va  s'établir  dans  les  environs  d'Urgel 
en  Catalogne.  Dès  que  les  neiges  font 
fondues,  les  troupeaux  retournent  à 
leur  montagne. 

Les  bêtes  à  laiue  du  haut  Confiant 
&  du  Capfir ,  l'emportent  en  poids 
&  en  longueur  de  corfage  fur  celles 
du  Valfpir  &  du  bas  Confiant.  Les 
moutons  du  haut  Confiant  ont  la 
tête  &  les  pieds  d'une  couleur  dif- 
férente de  la  toifon  ;  tantôt  ces  par- 
ties font  entièrement  roulTes,  tantôt 
mouchetées  ou  tachetées  de  noir  ou 
de  rouge.  La  moitié  porte  des  toi- 
fons  grifes  ou  noires ,  de  l'autre  moitié 
une  laine  blanche  fans  mélange;  une 
partie  a  le  ventre  chauve,  tandis  que 
l'autre  l'a  garni  de  laine. 

Dans  /a  Cerdagne  on  gouverne  les 
troupeaux  comme  dans  le  Valfpir  ëc 
le  bas  Confiant  ;  l'efpèce  en  eft  la 
même,  fi  ce  n'eft  que  les  bêtes  ont 


L  A  I 

la  taille  longue  de  quarante  pouces 
environ  ,  &  qu'elles  péfent  quelques 
livres  de  plus.  On  fait  plus  de  cas 
des  ventres  pelés  que  des  ventics 
garnis. 

Les  laines  de  Cerdagne ,  du  haut 
Confiant ,  du  Valfpir  ,  différent  de 
celles  dubasCcnfiant&  decellesdela 
plaine  du  Rouflillon ,  en  ce  que  leurs 
mèches  ont  plus  de  longueur  &  moins 
de  hnelfe';  elles  valent  quelques  fous 
de  moins  par  livre  ,  &  ne  perdent 
au  lavage  que  la  moitié  de  leur  poids. 

II.  Le  Languedoc  a  de  cominuii 
"avec  le  Roufiillon  d'avoir  pluheurs 
fortes  de  troupeaux  ,  les  uns  à  laine 
fine,  &  les  autres  à  laine  médiocre; 
il  eft  coupé  fur  toute  fa  longueur  par 
une  chaîne  de  montagnes  allez  éle- 
vées. La  Clappe  de  Narbonne  &  les 
baffes  Corbièies  font  au  refte  du 
Languedoc  ,  par  rapport  aux  pâtu- 
rages ,  ce  que  font  Iss  Afpres  au  refte 
du  Roufiîiloa.  Il  en  eft  ainfi  d'une 
partie  du  territoire  de  Béziers  ;  les 
bêtes  de  ces  cantons  prennent  plus 
d'accroifiement  en  corfage  &;  en  laine, 
elles  ont  la  taille  plus  haute  &  la 
laine  plus  longue.  \Jn  bon  mouton  , 
long  de  trois  pieds  ,  péfera ,  gras , 
trente-fix  à  quarante  livres ,  au  lieu 
qu'un  mouton  hn  des  Afpres  ne  pé- 
fera pas  plus  de  trente  livres. 

Les  bêtes  à  laine  y  pâturent  pendant 
toute  l'année  j  excepté  dans  les  temps 
de  pluie  ,  de  neige  ou  de  gelées  ; 
alors  on  les  nourrit  dans  les  bergeries. 
Les  hautes  mont.\gnes  du  Gévaudan 
&  des  Cevennes  ,  fervent  comme 
celles  du  haut  Confiant  pendant  les 
mois  de  juin ,  de  juillet  ^  d'août.  (  i  ) 


(i  )  Note  de  l'Éditeur.  Cette  affertion  eft  malheureurci.ient  trop  générale  pour  ce  qtâ 
■'concerne  les  diecèfcs  de  Narbonne  &  de  Béziers^  il  Icroitbkn  à  louliaiter  c^ue  la  niéthoûe 


LAI 

La  manière  d'engraifTer  dépend 
des  pâturages  :  ici  on  fépare  des  trou- 
peaux, en  divers  temps  de  l'année, 
les  bêres  qui  ont  pris  grailTe  natu- 
rellement dans  les  vaines  pâtures , 
Sec.  ;  là  on  retranche  des  troupeaux 
d'élèves ,  les  moutons  qui  font  fur  le 
point  de  dépérir,  ainll  que  les  vieilles 
brebis,  pour  les  placer  dans  des  pâ- 
turages abondans  ;  elles  y  prennent 
de  l'embonpoint  en  un  mois  ou  iix 
femaines  au  plus;  la  qualité  de  la 
chair  dépend  beaucoup  du  canton. 

Année  commune ,  les  ménagers  du 
Languedoc  font  alfez  d'élèves  pour 
remplacer  les  moutons  que  l'on  vend 
ou  qui  meurent,  &  dans  les  cas  de  cala- 
mité ,  ils  vont  fe  recruter  en  Rouergue 
ou  en  Auvergne  (  i  ).  Dans  philieurs 
territoires  ,  le  long  de  la  côte  du 
Rhône,  où  la  difficulté  de  faire  des 
élèves  eft  habituelle  ,  on  vend  les 
agneaux  à  cinq  mois ,  Se  on  aciiette 
des  brebis  en  Provence  pour  les  rem- 
placer. 

Le  gros  mouton  du  Gévaudan  , 
remarquable  par  fon  corps  ramalfé, 
péfe,gras,  de  cinquante  à  fpixante 
livres;  celui  des  diocèfes  deNarbonne 
&  de  Béziers,  de  trente  à  quarante 
livres  ;  il  eft  auffi  mieux  membre  & 
plus  râblé;  il  a  le  cou  long  &  la  tète 
grolTe  ,  les  jambes  de  même  ,  les 
oreilles  longues  &  larges  ;    fa  forte 


L  A  I 


ï79 


complexion  le  met  à  l'abri  de  bien 
des  maladies.  Toutes  les  efpèces  du 
Languedoc  fe  rapportent  à  trois 
clalfes;  la  moindre,  longue  de  vingt 
&c  quelques  pouces,  eft  du  poids  de 
vingt  à  vingt-deux  livres;  la  moyenne, 
de  trente  pouces  ,  eft  du  poids  de 
vingt-huit  à  trente  livres;  lagrolTe, 
pefant  quarante  ,  cinquante  &  foi- 
xanre  livres  ,  eft  longue  de  trois 
pieds. 

Il  n'eft  pas  poiîible  d'afleoir  un  jur 
gement  invariable  fur  le  prix,  fur  la 
hnefte,  fur  la  longueur  ôc  fur  la  cou- 
leur des  laines  d'un  canton  ,  parce 
que  ks  efpèces  varient  beaucoup,  & 
que  l'on  prend  très-peu  de  foin  des  ac- 
couplemens.  Les  belles  laines  de  Nar- 
bonnej  des  Corbières,  (S^.'  du  diocèfe 
de  Béziers,  palfent ,  àphis  jufte  titre, 
pour  être  les  plus  fines  du  bas  Lan- 
guedoc,  &  elles  égaleroient  en  fi- 
nefte  celles  de  Ségovie  ,  fi  les  pro- 
priétaires adoptoient  la  méthode  ef- 
pagnole,  &  étoient  plus  foigneux  de 
leurs  troupeaux,  &  fut- tout  fi  les 
bètes  reftoient  expofées  au  grand  air 
pendant  toute  l'année.  Les  laines  font 
achetées  par  les  fabriquans  de  draps 
pour  les  échelles  du  Levant ,  fur  le 
pied  de  treize  ou  quatorze  fols  la  livre 
•  en  fuint.  Les  laines  communes  por- 
tent entre  deux  &  trois  pouces  de 
longueut;  elles  valent  neuf  à  dix  fols 


cfpagnole  fût  p'us  générale,  &  que  les  troupeaux  ne  reftaflent  pas  expofc's  au  plein  midi 
de  l'été  au  milieu  d'un  champ  à  l'ombre  d'un  olivier;  l'animal  fe  prcffe  &  fe  (erre  contre 
fon  voifin ,  afin  de  glifler  fa  tête  fous  fon  ventre,  &  Ja  garantir  de  l'ardenr  du  folcil  ; 
dans  cet  état  de  gêne  &  de  contradion  ,  fa  tranfpiration  eft  très-confîdcrable,  &  elle  l'énervé. 
On  ne  doit  donc  pas  être  étonne  du  grand  nombre  de  bêtes  que  l'on  perd  chaque  année  ; 
la  chaleur  étouffante  des  bergeries ,  &  la  grande  adivité  du  foleil ,  en  font  la  caufc  première 
&  infaillible.  Si  la  dixième  partie  des  troupeaux  de  la  plaine gravifioient  les  hautes  montat^nes, 
le  local  ne  fourniroit  pas  alfcz  de  nourriture,  parce  que  les  habicans  des  mcntaçnes  &  des 
plaines  tiennent  autant  de  bètes,  &  trop  fouvent  au-delà  de  ce  qu'ils  peuvent  en  nourrir. 
(i)  Il  vaudrôit  beaucoup  mieux  aller  en  Kouiïillon,  &  encore  mieux  en  Efpao-ne  ;  il 
n'eft  pas  rare,  année  commune,  de  voir  périr  de  fcp:  à  dix  bêtes  fur  cent. 

Zx 


i8o  I  A  I 

la  livre  en  fninc,  mais  elles  percîent 
peu  de  leur  poids  au  lavage. 

m.  Du  Dauphiné  &  de  la  Pro~ 
vence.  Ces  deux  provinces  ont  ceci 
de  commun  ,  que  leurs  meilleures 
bêces  à  laines  occupent  les  territoires 
vojfms  de  la  côte  orientale  du  Rhône. 
En  Provence,  en  Dauphiné,  ainfique 
dans  le  Rouffillon  &  le  Languedoc,' 
on  diftingue  deux  clalîes  générales  de 
pâturages,  ceux  d'hiver  à  la  plaine, 
&  ceux  d'été  à  la  montagne. 

Le  climat  du  Dauphiné,  plus  tem- 
péré que  celui  d'Efpagne  ,  eft  en 
même- temps  plus  avantageux  que 
celui  du  RoulîiUon.  La  plupatt  de  ces 
montagnes  font  couvertes  d'une  heibe 
fine  &  faine,  &  dont  on  ne  peut  tirer 
parti  que  pour  la  dépailfance  des 
troupeaux. 

Les  Provençaux  connoinent  très- 
bien  la  propriété  de  ces  montagnes, 
ils  y  conduifent  tous  les  ans  plus  de 
deux  cens  mille  bêtes,  qui  y  palïent 
fept  mois  de  l'année.  Le  Gapençois 
eft  la  partie  du  Dauphiné  la  plus 
abondante  en  herbe. 

Les  pâturages  des  plaines  l'empor- 
tent en  fineffe  fc  en  qualité  fur  ceux 
des  montagnes.  Les  cultivateurs  de 
la  province  s'accoident  à  donner  le 
premier  rang  aux  herbes  de  la  plaine 
de  Bayonne  6c  du  nord  de  Valence. 
La  plaine  de  Valoire,  le  coteau  du 
Viennois ,  le  long  du  Rhône  &  juf- 
qu'àlacôtedefaint  André,  produifent 
des  herbes  prefqu'auffi  faines. 

Les  pâturages  de  Provence  ne  va- 
lent pas  ceux  du  Dauphiné  ,  l'herbe 
en  eft  trop  fèche.  Il  faut  en  excepter 
la  Crau  &  la  Camargue.  La  plaine 
de  la  Crau  eft  de  fept  à  huit  lieues , 
&  elle  commence  au  deffousd'Arles  j 
fon  fol  eft  couvert  de  cailloux ,  entre 
iefquels  il  croît  de  très-bonnes  herbes. 


LAI 

Les  moutons  en  profitent  par  préfé- 
rence au  gros  bétail,  parce  qu'ils  ont 
rinftmtt  de  détourner  avec  leurs 
pieds  èc  de  lever  avec  le  nez  les 
pierres  qui  les  empêchent  de  pincer 
l'herbe. 

La  Camargue  eft  un  petit  pays 
htué  au-dellous  des  deux  villes  de 
Tarafcon  &  d'Arles;  fa  bafe  eft  bai- 
gnée des  eaux  de  la  mer  &  des  eaux 
qui  s'y  déchargent  par  les  fept  bou- 
ches du  Rhône.  Ce  territoire,  meil- 
leur encore  que  celui  de  la  Salangue 
&  du  Riverai  du  Rouflîllon  ,  con- 
ferve  en  été  un  air  frais  &c  des  pâ- 
tutages  abondans,  &  les  troupeaux 
n'y  fouftrent  pas  de  la  chaleur. 

Les  bêtes  qui  vivent  habituelle- 
ment dans  ce  pays ,  portent  des  toi- 
fons  très- nettes,  très  -  blanches,  au 
lieu  que  celles  de  la  Crau  les  ont 
fales  &  chargées  de  fuint.  Le  bon 
mouton  de  la  Crau,  engraiflé  en  Ca- 
margue, a  la  viande  prefque  aulli  re- 
cherchée que  celle  du  mouton  de 
Gange  en  Languedoc. 

Tant  que  les  chaleurs  ne  font  pas 
accablantes ,  &  que  la  fanté  des  bêtes 
nefoufFrepaSjOn  les  laiffe  à  laplkine, 
mais  enfuite  on  les  conduit  aux  mon- 
tagnes de  la  haute  Provence  ,  du 
Dauphiné  &  du  Piémont. 

Les  meilleurs  troupeaux  de  la  Pro- 
vence &c  du  Dauphiné  rentrent  dans 
les  deux  clalFes  de  moyenne  &  de  pe- 
tite taille  ,  depuis  vingt  deux  jufqu'à 
trente   &  trente- lix  pouces.  • 

Un  mouton  de  la  Crau  &:  de  la 
Camargue ,  de  taille  ordinaire  ,  eft 
long  de  trente  à  trente  trois  pouces, 
&  pèfe ,  gras  ,  trente  &  trente  -  fix 
livres ,  dépouillé  ^  vuide.  Les  bêtes 
de  petite  taille ,  de  vingt  à  vingt  deux 
pouces,  pèfent  ordinairement  vingt- 
cinq  livres. 


L  A  I 

Toutes  les  efpèces  de  la  Provence 
fe  rcdiiifenc  à  lîx  braïuhes  princi- 
pales, qu'on  retrouve  fans  lorcir  des 
territoires  de  Cuers  ôc  de  Saint-Ma- 
ximin. 

La  preaiière  comprend  les  moutons 
du  pays  qui  ont  vingt- fept  pouces, 
&  ont  un  corfage  bien  proportionné  j 
la  laine  en  eft  fine  par  comparaifon 
avec  celle  des  autres  branches.... 
Les  raigues  Se  les  bigourets  appar- 
tiennent plus  particulièrement  au 
Dauphiné  ,  &  viennent  enfulte  .... 
Les  ravats  de  Piémont  tiennent  le 
quatrième  rang,  la  chnir  en  efl  peu 
délicate  Se  la  laine  en  efl:  grollîère  .... 
Les  motys ,  autre  race  du  Piémont, 
&  les  canu5S  d'Auvergne  font  feule- 
ment  reçus  dans  les  années  ingrates; 
il  eft  défendu  d'en. acheter  &:  d'en 
faire  palier  dans  la  province  en  tout 
autre  temps.  Le  moty  a  le  corps  gros , 
le  nez  crochu  &  la  tête  femblable  a 
celle  du  cheval  d'Efpagne  ;  il  s'en 
trouve  dans  le  nombre  qui  ont  de 
belles  toifons.  Les  canins  d'Auvergne 
tirent  ce  nom  de  leur  corps  bas  &' 
court. 

On  remarque  parmi  les  troupeaux 
qui  garnilfent  les  territoires  des  en- 
virons de  Vence  ,  une  race  de  mou- 
tons farouches  qu'on  nomme fuilaire  j 
ils  portent  des  toifuns  noires,  s'en- 
graiirent  naturellement  ,  &  pèlent 
alors  trente-cinq  à  quarante  livres. 

Les  moutons  du  Dauphiné  fe  ré- 
fluifent  à  trois  races  principales ,  la 
bayanne  y  la  raigues  &  les  ravats.  La 
première  relTèmole  beaucoup  à  celle 
du  Barrois ,  de  Champagne  &:  du 
Berry  ;  on  la  croit  originaire  d'Ef- 
pagne. Autrefois  elle  fournilToit  une 
laine  aulll  belle  ,  auHl  fine  ,  aulîi 
courte  que  celle  de  prime  de  Sé- 
govie  j    la   race   s'eft  abâtardie    en 


L  A  I  tSi 

faifant  les  remplacemens  du  Vi- 
varais. 

Les  raigues  habitent  l'étendue  du 
pays  au  midi  de  Valence  ;  leur  laine, 
plus  longue  &  plus  propre  au  peigne 
que  celle  du  mouton  de  Bayanne  , 
approche  allez  des  qualités  de  Hol- 
lande Se  d'Angleterre  ;  les  toifons 
pèfent  en  fuir.t  de  fept  à  neuf  livres , 
&  fe  vendent  à  raifon  de  lept  fols  la 
livre.  Les  remplacemens  fe  tirent  de 
la  foire  d'Arles. 

Les  ravats  donnent  huit  livres  de 
laine  en  fuint,  &;  habitent  les  mon- 
tagnes du  Briançonnois.  Le  mouton 
bigouret  eft  un  diminutif  des  efpèces 
précédentes. 

IV.  L'Auvergne  eft  de  tous  les 
pays  le  plus  commode  &  le  mieux 
pourvu  :  les  élèves  qu'on  y  fait  ne  lui 
fuffifent  pas.  Elle  tire  du  Quercy  & 
du  Rouergue  des  moutons  grands  Ôc 
moyens ,  qui  font  diftribués  dans  ceux 
de  fes  pâturages  qui  demeureroient 
vacans  fans  ce  furcroît.  La  première 
eft  la  haute  Auvergne  &  très-mon- 
tueufe  i  la  féconde  la  balte  ou  plaine 
de  Limagne.  On  donne  le  nom  de 
mi-cote  a  pludeurs  territoires  mi- 
toyens qui  participent  de  la  montagne 
&  de  la  plaine. 

On  nourrit  dans  cette"  province 
trois  races  principales  ,  celle  du 
Quercy  &  des  moutons  de  Sagala  , 
canton  du  bas  Rouergue.  Le  mélange 
des  efpèces  donne  beaucoup  de  métis, 
provenant  des  trois  races  croifées. 

Le  mouton  d'Auvergne ,  propre- 
ment dit,  eft  long  de  trente  pouces, 
&  du  poids  de  trente  livres,  gras  & 
vuidé;  il  vit  dans  la  plaine,  &  cède 
.1  celui  du  Quercy  qui  eft  plus  gros  & 
plus  fort,  étant  élevé  dans  les  pâtu- 
rages abondans  de  la  montagne.  Il  a 
la  corne  petite,  le  nez  uni  &  plat. 


i82  LAI 

Le  dixième  des  toifons  eft  à  laine 
noire  ou  brune  ;  le  mouton  de  la 
plaine  vi:  moins  que  celui  de  la  mon- 
tagne, &:  fa  chair  n'a  pas  aulîi  bon 

On  diftingue  trois  fortes  de  pâtu- 
rages, ceux  delà  montagne,  qui  fout 
plus  nourrifTans ,  ceux  de  la  plaine 
&  des  terres  en  chaume,  ceux  de  la 
mi-côte  qui  pouflent  des  bruyères  & 
des  herbes  courtes.  Le  mouton  de  la 
plaine  profite  à  la  montagne,  lorf- 
qu'on  l'y  conduit ,  ce  qui  arrive  ra- 
rement, &  celui  de  la  montagne 
dépérit  dans  la  plaine.  Les  pâturages 
des  mi-côtes  font  réputés  les  meil- 
leurs i  le  fel  eft  regardé  comme  très- 
falutaire^à  la  montagne  &  nuilîble 
dans  la  plaine. 

V.  Le  Quercy  &  le  Rouergue.  Leurs 
moutons  font  longs  de  trois  pieds , 
gros  &  râblés,  à  laines  groflières,  à 
cornes  longues  <?:  applaties  ;  celui  de 
CaufTé,  de  race  moyenne,  eft  eftimé. 
Près  de  Rhodes,  le  mouton  a  la  laine 
plus  courte  &  plus  foyeufe^  il  eft  al- 
longé, menu  de  corps  &:  bien  pris 
dans  fa  taille;  on  en  voit  peu  dont 
la  tête  foit  chargée  de  cornes;  tous 
ont  le  front  garni  d'un  toupet  de 
laine. 

La  branche  de  Sagala  diffère  peu 
de  celle  de  la  Limagne  en  longueur 
&  en  poids;  la  laine  en  eft  un  peu 
plus  fine. 

Le  nombre  des  élèves  que  l'on  fait 
tous  les  ans  dans  ces  deux  provinces 
eft  fort  grand;  fi  on  vouloir  les  con- 
ferver  tous  dans  le  pays,  on  ne  pour- 
roit  les  nourrir  :  on  les  fait  palTer 
ailleurs  par  peuplades,  &  fur- tout 
pour  les  boucheries  de  Paris. 

Ces  troupeaux  font  nourris  dans 
les  pâturages  des  particuliers  du  pays, 
&  dans  les  communaux  ;  quelques- 


L  A  I 

uns  y  reftent  pendant  toute  l'année , 
ik  les  autres  gagnent  les  montagnes 
d'Auvergne  pendant  l'été.  Il  y  monte 
annuellement  plus  de  vingt  mille 
bctes  des  divers  cantons  du  Qne-Tcy, 
&:  près  de  rrente  mille  du  Languedoc 
&  du  Rouergue. 

On  règle  l'ufage  du  fel  dans  ces 
montagnes  fur  les  raifons  qui  déter- 
minent à  y  conduire;  les  troupeaux 
qui  n'y  demeurent  que  cinq  à  fix 
femaines  pour  fe  rafraîchi/  ,  en  font 
privés. 

VI.  Béarn  j  Bigorre  ■,  Gafcogne  j 
Guyenne  ôc  Pm^orc/.  Les  landes,  qui 
tiennent  au  Béatn  d'un  côté,  &  à 
la  Guyenne  de  l'autre  ,  offrent  une 
variété  fingulière  de  pâturages ,  fui- 
vant  la  qualité  du  loi.  Les  landes 
arides  font  inutiles  aux  troupeaux  , 
mais  fur  les  autres  les  troupeaux  y 
pailfent  pendant  toute  l'année. 

En  Béarn  on  diftingue  trois  fortes 
de  pâturages,  ceux  de  la  montagne 
ou  des  Pyrénées,  ceux  de  la  plaine  & 
ceux  des  landes. 

Le  Bigorre ,  fitué  au  pied  des  Py- 
rénées comme  le  Béarn  ,  a  les  mêmes 
pâturages,  de  même  que  l'Armagnac, 
le  Condomois  &  le  Bazadois  qui  con- 
finenr  à  la  Guyenne. 

Les  pâturages  de  la  Guyenne  con- 
fiftent  en  bords  de  rivières ,  en  champs 
en  partie  cultivés  ,  en  partie  vacans, 
&C  en  quelques  cantons  de  landes. 

Il  y  a  une  parfaite  conformité  entre 
le  corfage  &  la  qualité  des  toifons 
du  mouton  de  rivière  en  Guyenne  , 
8c  ceux  de  la  grande  branche  axa 
Quercy  ,  du  Gévaudan  &  des  Pyré- 
nées,  tant  pour  le  Béarn  que  pour  le 
Bigorre;  les  moyennes  de  les  petites 
branches  de  la  lande  &  des  plaines, 
fe  rapprochent  ,  à  quelques  diffé- 
rences près,  Feu  M.  d'Etigny,  inten- 


L  A  I 

dant  de  Bcarn ,  ayant  remarqué  l'a- 
nalogie entre  les  pâturages  di:  "éarn 
&  ceux  d'Efpagiie  ,  fe  détermina 
à  faire  l'acquifkion  de  plufieurs  bé- 
liers à  toifon  fine,  qu'il  tira  de  l'Ef- 
tremadure  j  il  les  accoupla  avec  àcs 
brebis  béarnoifes,  plus  fortes  de  cor- 
fage,  mais  inférieures  en  qualité  de 
laine  ;  ces  brebis  lui  donnèrent  des 
agneaux  qui  participoient  de  la  taille 
du  père  &  de  la  mère,  Se  qui  croient 
couverts  d'une  laine  peu  intérieure  à 
celle  des  étalons  étrangers. 

VII.  Lu  Marche  &  le  .Lïmofin.  La 
première  province  eft  peuplée  de 
bctes  à  laine  ,  originaires  ^t%  Bois- 
Chaux  j  de  Brenne  en  Berry  ,  (Sj  de 
la  petite  efpèce  du  Bourbonnois.  Nous 
renvoyons  à  ce  qui  fera  du  ci-après 
de  ces  races.  On  y  voit  aiillî,  par 
cantons,  de  la  grande  race  du  Limohn 
&  de  l'Auvergne. 

La  féconde  eft  du  petit  nombre 
des  pays  où  les  pâturages  ne  re- 
çoivent pas  autant  de  bètes  qu'on 
pourroif  en  élever.  La  grande.  &  la 
moyenne  branche  du  Limofin  ,  ne 
diffèrent  pas  de  celle  d'Auvergne.  La 
petite  ,  qui  eft  aufli  la  plus  fine  pour 
a  toifon  ,  tient  beaucoup  de  celle 
de  Cauifé  en  Rouergue.  On  affure 
même  que  dans  le  nombre  des  toi- 
fons  abattues  à  la  tonte ,  il  s'en 
trouve  de  comparables  à  celles  d'Ef- 
pagne,  qui  étant  employées  en  bon- 
neterie ,  donnent  des  ouvrages  qui 
vont  de  pair  avec  les  bonnets  & 
les  bas  de  Ségovic.  Il  eft  rare  qu'oia 
fouffre  des  bètes  à  toilon  noire  dans 
les  troupeaux  de  cette  dernière  ef- 
pèce. On  les  rélègue  dans  les  vallées. 

Les  territoires  du  Limofin  diftèrent 
de  ceux  d'Auvergne  ,  en  ce  que  la 
petite  efpèce  à  toifon  fine,  pâture  fur 
les  montagnes,  au  lieu  que  les  bètes 


L  A  I 


1S3 


à  laine  grôlTière  &  à  grand  corfage  , 
cherchent  la  nourriture  dans  les  val-      * 
Ions  (Se  dans  les   pays  plats. 

Abandonnons  les  pays  montueux 
de  France  ,  pour  envif.iger  le  pays 
plat,  c'tft-à-dire  ,  la  France  fepten- 
ttionale. 

Vlll.  Le  Poitou.  C'eft  de  cette  pro- 
vince c]u'on  tire  tous  les  ans  des 
troupeaux  confidérables  pour  repeu- 
pler, améliorer  &  renouveller  tes 
troupeaux  des  cantons  d'alentour.  Le 
pays  eft  partagé  en  vignobles  & 
eu  pays  de  Cafi'me  ,  qui  comprend 
les  terres  cultivées  ,  t^  les  friches, 
fur-tout  du  coté  de  la  Bretagne  &c 
de  la  mer.  Les  pâturages  du  bas  Poi- 
tou valent  mieux  que  ceux  du  rcfte 
de  la  province.  Plufieurs  territoires 
de  l'Eleélion  deThouars,  fourniffent 
des  pâturages  variés  j  lains  &  abon- 
dans  :  on  réferve  les  meilleurs  pour 
les  haras.  Le  Po.itûU  a  fes  landes  , 
&  elles  forment  en  quelque  forte 
la  jonétion  des  brandes  du  Berry  & 
des  friches   de  Guyenne. 

Les  bètes  à  laine  ont  dans  le  Poi- 
tou une  efpèce  de  patrimoine  &  de 
pays  héréditaire  :  elles  font  en  plus 
grand  nombre  ,  &  réafliffent  mieux 
qu'ailleurs ,  dans  toute  la  plaine  qui 
s'étend  de  Niort  à  Fontenay  ,  &  de 
Fontenay  à  Luçon. 

On  diftingue  les  mourons  de  Poi- 
tou  par  les  noms  génériques  des  ter- 
ritoires qu'ils  occupent.  On  en  fait 
deux  claffes ,  dont  l'une  comprend 
les  mçutons  de  plaine ,  &:  l'autre  les 
moutons  de  marais.  Ceux-ci  ,plu-;gros 
&  plus  forts,  pèlent  gras,  de  foixante 
à  quatre-vingts  livres  ,  &  les  pre- 
miers de  quarante -cinq  .à  cinquante 
livres  au  plus.  La  longueur  des  mou- 
tons de  marais  excède  de  quelques 
pouces  lalongeur  de  trois  pieds  j  celle 


i34  LAI 

des  autres  va  en  diminuant  depuis 
trente  jufqu  a  vingr-cinq  pouces. 

Le  mouton  de  Poitou  ell  bien  pris 
dans  fa  taille  ;  il  n'elt  ni  court,  ni 
élancé  ;  il  a  la  tête  longue  ik  fine. 
On  en  voit  peu  qui  aient  des  cornesj 
■  les  bergers  les  coupent  aux  agneaux, 
lorfqu'U  leur  en  poulfe.  C'eft  une 
opinion  dans  ce  pays  qu'il  faut  châtier 
de  bonne  heure  pour  empêcher  les 
cornes  de  pouffer. 

La  bonne  laine  du  Poitou  étant 
courte  &:  frifée  ,  rend  peu  d'étaim. 
Les  bêtes  à  toifons  noires  font  au- 
jourd'hui rejetées.  Les  bonnes  bre- 
bis portières ,  bien  nourries  &  bien 
foignées ,  vivent  huit  à  neuf  ans  ,  & 
on  vend  à  la  quatrième  ou  à  la  cin- 
quième année  les  moutons  à  l'engrais. 

La  méthode  de  parquer  pendant 
l'été  a  feulement  lieu  à  la  plaine. 
Dans  les  marais,  on  a  l'artention  de 
féparer  les  jeunes  bêres  qui  n'ont  pas 
encore  trois  ans ,  d'avec  celles  d'un 
âge  plus  avancé.  On  réferve  aux  pre- 
mières les  plus  Uns  pâturages. 

11  arrive  dans  le  Maine,  aux  bêtes 
tranfplantées,  la  même  chofe  qu'aux 
moutons  d'Elpagne  à  toifons  rines  , 
lorfqu'on  les  fait  pafler  en  Angle- 
terre. Les  mèches  des  toifons  s'a- 
longent  (Se  deviennent  propres  au 
peigne. 

On  diftingue  en  Poitou  deux  efpè- 
ces  de  laine,  celle  du  marais  &  celle 
de  la  plaine.  La  laine  de  marais , 
groflière  &  longue  de  trois  à  (juatre 
pouces  ,  efl:  de  moindre  valeur  que 
celle  de  la  plaine,  qui,  en  général  a 
le  mérite  d^être  fine,  courte,  frifée  & 
rarement  mêlée  de  jarre.  Ses  mèches 
ont  depuis  deux  jufqu'à  deux  pouces 
&  demi  lors  de  la  tonte  :  elles  ap- 
prochent de  celles  de  Champagne  & 
du  Berry.  On  en  tire  fi  peu  d'étaim, 


L  A  I 

qu'à  peine  trouve-t-on  dans  dix  bal- 
les de  quoi  en  compofer  une  de 
laine  propre  au  peigne 

IX.  Saintonge  &  P<^y^  d'Aunis, 
L'afpeâ:  du  pays  eft  agréable  par  la 
variété  des  colunes ,  des  plaines  cou- 
pées de  ruliïeaux  ,  &  par  des  riviè- 
res qui  traverfenr  &  qui  arrofenc 
les  prairies  des  vallons.  Les  bords 
de  la  mer  font  plats  &  coupés  d'une 
infinité  de  canaux,  pour  deffécher 
les  marais  à  eau  douce ,  ou  pour 
fournir  l'eau  de  la  mer  aux  marais 
falans.  Les  troupeaux  y  trouvent 
toutes  fortes  de  pâtures  &  un  cli- 
mat tempéré. 

Les  troupeaux  fe  partagent  en 
deux  clalfes  générales ,  les  uns  fe 
nomment  moutons  de  grois ,  &  fe 
rapportent  à  ceux  de  la  p'aine  du 
Poitou,  &  les  autres  s'appellent  mou- 
tons de  marais.  Le  g^ois  eft  long  de 
vingt-deux  à  trente  pouces,  &  pèfe 
vingt-deux,  vingt-cinq  &  trente  li- 
vres: celui  de  marais  t{\.  un  peu  moins 
long  que  celui  de  Poitou  j  &  pèfe  de 
quarante-cinq  à  cinquante  livres  au 
plus. 

Les  laines  de  la  Saintonge  &  du 
Rochelois  ne  difïerent  pas  de  celles 
du  Poitou.  On  vend  les  toifons  l'une 
dans  l'autre  à  ration  de  dix  fols  la 
livre  furge  ,  &:  de  vinot  fols  la  laine 
lavée.  Celles  de  l'iflede  Rhé,  Icngues 
d'un  pouce  &  demi ,  &  même  de  deux 
pouces ,  ont  la  réputation  d'être  plus 
fines  &  plus  foyeufes  :  elles  fe  veir- 
dent  quatre  à  cinq  fols  de  plus  par 
livre  ,  &  rendent  plus  d'étaim  que 
celles  de  Poitou. 

Les  troupeaux  font  en  trop  petite 
quantité  dans  l'Angoumois,  pour  en 
parler. 

X.  La  Bretagne.  En  général ,  les 
Bretons  n'ont  aucun    foin  de   leurs 

troupeaux , 


LAI 

troupeaux;  ils  vivent  comme  ils  peu- 
vent :  on  doit  cependant  en  excepter 
le  Comté  de  Nantes.  On  y  élève  trois 
fortes  de  bètes  à  laine  ;  le  mouton 
rochelois,  celui  d'Anjou  &  de  Poitou. 
Les  deux  premiers  n'ont  point  de 
cornes,  &  ceux  d'Anjou  font  blancs 
à  un  quinzième  près  des  bêtes  à 
toifons  noires.  Ceux  que  l'on  dif- 
tingue  par  le  nom  de  Poitou,  noirs 
ou  gris ,  font  moins  forts  que  les 
précédens  ;  ils  n'ont  guère  que  vingt 
pouces  de  longueur ,  &  peuvent  paf- 
fer  pour  une  race  dégénérée.  Le 
mouton  de  plaine  peut  avoir  deux 
pieds  6c  demi ,  &  celui  d'Anjou  trois 
pieds. 

On  voit  du  côté  de  MilTillac , 
dans  les  troupeaux  qui  pâturent  fur 
les  landes ,  des  brebis  dont  la  tête 
fifl:  chargée  de  cornes. 

Il  y  a  2c  ans  environ  que  M.  Grou, 
Négociant  de  Nantes,  fit  venir  de  Hol- 
lande un  troupeau,  qu'il  établit  fur  les 
bords  de  la  Loire,  du  côté  d'Ancenis. 
Les  bêtes  étoient  longues  de  trente- 
fix  à  quarante  pouces,  la  tète  grolle 
&  longue  ,  les  yeux  grands  j  la  queue 
platte ,  de  cinq  à  fix  pouces  &  couverte 
«de  poils  raz.  Leurs  toifons  compo- 
fées  de  mèches  de  huit  à  neuf  pouces , 
foyeufes ,  fans  mélange  de  jarre,  pe- 
foienti^  à  8  livres  en  fuint,&  nedimi- 
nuoient  pas  d'un  quart  au  lavage.  Les 
b;ebis  portoient  deux  agneaux.  Ces 
animaux  ,  vigoureux  &  d'une  forte 
complexion,  fupportoient  l'humidité 
&  le  foid  pendant  l'hiver,  fans  autre 
couvert  qu'un  fmiple  appentis.  La 
chair  du  mouton  gras,  pefant  depuis 
quatre-vingt  jufqu'à  cent  livres,  étoit 
beaucoup  plus  tendre  &c  plus  fuccu- 
lente  que  celle  des  meilleurs  moutons 
du  pays.  Lesbrebis  qui  n'avoient  qu'un 
agneau  rendoient  par  jour  une  pinte 
Tome  n. 


LAI  1S5 

de  lait.  Ce  troupeau  n'exigeoit  au- 
cun foin  extraordinaire  j  mais  il  lui 
falloir  beaucoup   de  nourriture. 

11  y  a  dans  le  diocèfe  de  Léon 
des  veines  de  terrein ,  où  les  bêces 
à  laine  réudilfent  ,  tandis  qu'elles 
langLUlfent  plus  loin,  &:  qu'elles  font 
chctives. 

Tous  les  troupeaux  de  cette  par- 
tie de  la  Bretagne  fe  rcduifent  à  deux 
efpèces  principales;  lune,  des  gros 
moutons  de  marais,  qui  paillent  dans 
les  gras  pâturages  des  bords  de  la 
mer;  &  l'autre,  des  moutons  de 
plaine  &  de  montagne.  La  chair  des 
premiers  eft  dure  &  d'un  goût  peu 
agréable,  &  leur  laine  eftgroÀière.  Les 
autres  font  bons  fuivant  les  cantons. 

A  mefure  qu'on  quitte  les  côtes 
de  cette  partie  de  la  Bretagne  pour 
s'avancer  dans  la  plaine,  on  ne  trouve 
que  des  races  dégénérées. 

X.  Maine  Se  Anjou.  Il  y  a  dans 
le  Maine  peu  de  plaines  découvertes 
6c  nues.  Le  pays  eft  coupé  de  haies, 
rempli  de  landes  &  de  vaines  pâ- 
tures. Le  haut  Maine  eft  plus  précoce 
&:  plus  tempéré  que  le  bas  Maine  : 
fes  plaines  arides  &  fabloneufes  pour 
la  plupart  j  ne  produifcnt  tpe  des 
bruyères  aifez  propres  à  la  nourri- 
ture des  bêtes  à  laine.  Cette  partie 
eft  plus  fpécialement  deftinée  aux 
bêtes  à  corne  qu'aux  troupeaux  ;  oa 
en  voit  feulement  dans  les  grands 
domaines ,  (Se  encore  ils  y  font  peu 
nombreux.  La  race  eft  foible  &  dé- 
générée ,  &  fes  toifons  détectueufes 
&   de  peu  de  poids. 

Le  climat  du  bas  Maine  eft  plus  rude 
à  mefure  qu'on  approche  de  l'extré- 
mité de  cette  province.  Le  fol  en  eft 
allez  généralement  ingrat ,  fi  ce  n'eft 
dans  le  canton  qu'on  nomme  Cham- 
pagne du  Maine ,  où  l'on  recueille  pour 
A  a 


lU 


L  A  I 


l'ordinaire  du  blé  &  d'autres  srains. 
Les  terres  pour  le  uuplus  rtftent 
communément  en  jachères  pendant 
trois  ,  fix  &  quelquefois  douze  ans  j 
ce  qai  ficilire  l'éducation  des  che- 
vaux ,  des  bœufs  &  de  beaucoup  de 
moutons. 

Les  bètes  s'y  foutiennent  mieux 
que  dans  le  haut  Marne,  parce  que 
tous  les  deux  ou  trois  ans  on  les  re- 
nouvelle par  celles  du  Berry  Se  du 
Poitou.  La  laine  de  ces  régénéra- 
teurs ,  après  un  féjour  d'un  an  ou 
de  dix-huit  mois  dans  le  bas  Maine, 
acquiert  une  qualité  de  laine  haute, 
nerveufe  ,  longue  &  foyeufe  ,  d'où 
on  tire  le  bel  étaim  ,  avec  lequel  on 
fabrique  les  étoffes  fi  connues  6c  ii 
recherchées  fous  le  nom  à'etamine 
du  Mans. 

Le  mouton  de  bonne  race  eft 
ordinairement  long  de  vingt -fix  à 
vingt-fept  pouces  ,  comme  celui  de 
plaine  de  la  Bretagne  &  du  Poitou. 
Les  troupeaux  ne  parquent  point , 
&  leur  laine  chargée  de  toute  ef- 
pèce  de  faleté  dans  la  bergerie ,  en 
eft  beaucoup  altérée  par  le  mélange 
avec  le  fuint  :  elle  donne  au  lavage, 
un  déchet  confidérable. 

L'Anjou  eft  plus  uni  que  montueux. 
11  y  a  deux  fortes  de  moutons  ;  les 
uns  viennent  du  Poitou ,  &  les  au- 
tres de  la  Sologne.  Les  bètes  qui 
arrivent  dans  ces  deux  provinces  pour 
compléter  les  troupeaux  ,  produifent 
des  toifons  compofées  de  mèches 
plus  longues  ,  à  mefure  qu'elles  fe 
haturalifent  dans  les  pâturages  du 
pays.  Les  moutons  du  Poitou  fe  fou- 
tiennenr  à  tous  égards  ;  mais  ceux 
de  la  Sologne  perdent  quelque  chofe 
du  prix  de  leur  laine  j  qui  devient 
plus  ferme  &  plus  ïonde  en  s'allon- 
geant. 


L  A  I 

XL  Le  Berry  Si  la  Tourraine.  La 
Champagne  du  Berry  eft  une  plaine 
de  quarante  lieues  de  tour.  Les  terres 
cultivées  ou  fans  culture  fe  parta- 
gent en  guérets ,  en  jachères  &:  en 
friches  ,  dans  lefquels  on  conduit 
les  troupeaux,  &  en  terres  enfemen- 
cées  ,  dont  on  a  foin  de  les  écarter. 
Les  herbes  tendres  des  guérets,  pri- 
fes  en  petite  quantité,  font  bonnes 
&  nournlîaïues  :  elles  caufent  la 
pourriture  ou  les  maladies  de  fang 
aux  bèces  qui  en  mangent  outre  me- 
fure ,  pour  peu  que  la  rofée  les  ait 
humeétée^. 

On  donne  le  nom  de  Bois-Chaud 
au  rtfte  du  Berry  ,  qui  confifte  en 
pays  couvert  de  bois  entremêlé  de 
brandes  ou  landes,  &  de  quelques 
prairies.  Les  herbes  qui  y  croiffenr, 
forment  mie  féconde  branche  de  pâ- 
turage ;  ils  font  bien  intérieurs  aux 
précédens  en  finelfe  &  en  goût.  Les 
bonnes  landes  font  une  reflource  habi- 
tuelle pour  les  troupeaux  de  bonne 
qualité,  &  la  lande  maigre  eft  le  par- 
tage du  mouton  de  petite  taille  , 
nommé  de  brandes  ou  de  Bois  Chaud. 
Le  Berry  réunit  à  la  faveur  de  fes 
pâturages  variés  ,  les  différentes  efpè- 
ces  de  bètes  à  laine.  Les  territoires 
de  certaines  parties  ne  font  propres 
qu'à  former  des  élèves  jufqu  a  l'âge 
d'antenois  ;  dans  d'autres  ils  ne  font 
propres  qu'aux  engrais. 

Les  troupeaux  confidérés  fous  le 
rapport  de  leurs  toifons,  fe  divifenc 
en  fins,  mi  -  fins  &  g^os-  Ou  ap- 
pelle moutons  fins  ou  de  Champa- 
gne ,  ceux  qui  paiffent  habituelle- 
ment dans  la  plaine  de  ce  nom.  Les 
bètes  de  cette  première  branche, lon- 
gues de  deux  pieds  neuf  pouces  à 
trois  pieds  ,  portent  une  laine  fine 
&  blanche ,  courte  ,  ferrée  &  ftifée , 


L  A  I 

d'une  qualité  équivalente  à  celle  des 
laines  de  Ségovie  Elles  ont  le  cou 
allongé  ,  la  tête  fans  cornes  (?c  lainée 
furie  fommet jufqu'aux  yeux,  roiiire 
ou  blanche  de  même  que  les  pieds. 
Le  tront  un  peu  relevé  en  belle  j  le 
nez  long  &  camus  j  le  ventre  des 
mâles  elt  garni  de  laine  jufqu'à  quatre 
ans  :  les  femelles  perdent  la  laine  de 
cette  partie,  la  première  ou  la  deuxiè- 
me fois  qu'elles  mettent  bas. 

Une  bête  de  Champagne  -  Berry 
pèle,  grade,  trente  quatre  à  trente- 
fix  livres,  dépouillée  &  vuidée.  Le 
mouton  fin  de  Berty  a  pkiheurs  traits 
de  conformité  avec  le  mouton  des 
Afpres  &  de  la  plaine  du  RcniiîiU 
lon  ,  aux  cornes  près  &  à  la  laine 
que  ces  derniers  ont  plus  fine. 

On  croit  que  le  mouton  brion,  qui 
tire  fon  nom  de  la  paroi ife  où  on 
l'élève ,  eft  originaire  d'Efpagne.  Il 
eft  plus  gros  que  le  mouton  de  Cham- 
pagne ,  fans  lui  être  intérieur  du 
côté  de  la  toifon^  il  fe  reconncît  à 
une  touffe  de  laine  qu'il  a  fur  le 
froïK.  Les  meilleures  bêtes  de  cette 
branche  ,  rendent  jufqu'i  fix  livres 
de  laine  très-fine. 

Un  quart  des  troupeaux  de  Cham- 
pagne porte  une  laine  plus  précieufe 
que  le  reUe.  Les  propriétaires  font 
en  forte  que  le  nombre  des  féconds 
prévale  fur  celui  des  premiers,  parce 
que  ces  derniers  prennent  le  gras  plus 
facilement ,  (3c  qu'ils  les  vendent  qua- 
rante fols  de  plus  par  paire» 
■  Le  mouton  mi-fin  de  Bois-Chaud 
eft  de  même  figure  que  celui  de 
Champagne  \  fa  laine  moins  fine 
-  &  moins  corfée  que  celle  du  pre- 
mier ,  eft  ordinairement  molle  & 
fans  Herf  On  y  diftingue  deux  fortes 
de  troupeaux  ,  les  uns  grands  &  de 
même  cailie  que  teux  de  la  plaine  j 


LAI  1S7 

les  autres  plus  petits  &  de  ditfé- 
rentes  couleurs.  Us  tiennent  des  lieux 
où  on  les  mène  pacager.  Longs  de 
vingt  à  vingt-quatre  pouces ,  leur 
poids  n'excède  pas  dix-huit  à  vingt 
livres ,   gras  &  chair  nette. 

Le  mouton  de  Faux ,  nourri  ou 
engrailfé  en  Bois -Chaud,  plus  gros 
&  plus  long  de  trois  à  quatre  pou- 
ces que  celui  de  Champagne,  a  la 
laine  grofiîère  ,  jarreufe  ,  &  varie  da 
couleur  comme  le  bocager  des  bran- 
des.  Quelques-uns  ont  le  mufeau  & 
les  pieds  tachetés  de  noir  \  d'autres 
portent  des  cornes.  Us  font  originai- 
res de  la  Marche  &:  du  Limofin  y  où 
ils  retournent  après  qu'ils  ont  pus 
de   l'embonpoint, 

La  bonne  laine  de  Champagne  fe 
vend  en  Berry  quinze  .à  dix  huit  fols 
la  livre  en  fiiint,  trente-fix  à  quarante 
fols  étant  lavée.  La  laine  de  Bois- 
Chaud  vaut  communément  huiï  à 
douze  fols  furge ,  &  le  double  après 
le  lavage. 

La  Tourraine  élève  peu  de  trou- 
peaux. L'efpèce  qui  y  domine  efl  îi 
même  que  celle  desbrandes  en  Bois- 
Chaud.  Cependant  la  Touriaine  le 
difputoic  autrefois  au  Berry  pouï  le 
nombre   de  fes  bêtes  à  laine. 

XII.  La  Sologne  &:  le  Gâtinois.  La 
Sologne  eft  un  pays  fabloneux ,  ingrat» 
quoique  traveric  par  des  rivières  ;on 
donne  le  nom  de  mouton  de  Solo- 
gne aux  efpcces  de  l'Orbanois  »  du 
Blaifois  Ik  du  Gâtinois  ,  parce  qud 
eifeétivement  elles  ont  toutes  des 
rapports  entr'elles.  Dans  ces  derniers 
pays ,  l'air  y  eft  pur  &  fain ,  6c  le 
terrein  par-tout  uni  &  cultivé.  Le 
bétail  bl.mc  y  eft  d'un  très- bon  rap 
port  ,  tant  pour  la  laine  que  pout 
U   gras. 

Aa  i 


ï88  L  A  I 

Les  pàrnrages  de  la  Sologne  pro- 
pre confifteiu  en  bruyères,  en  frit  lies 
&  en  herbes  qui  pouffent  dans  les 
terres  de  labour  qu'on  lailFe  repofer. 
La  taille  ordinaire  du  mouton  Solo- 
gneau  ,  eft  de  trente  à  trente-trois 
pouces.  11  a  la  tête  fine  ,  effilée ,  me- 
nue ,  blanche  &  quelquefois  roulTe  , 
fans  cornes ,  à  l'exception  de  quel- 
ques béliers.  Les  marchands  prêtè- 
rent les  ventres  garnis  aux  ventres 
chauves.  Le  mouton  fin  de  Solo- 
gne ,  comparé  à  celui  de  la  Cham- 
pagne-Berry,  eft  plus  petit,  fa  chair 
plus  délicate,  fa  laine  plus  courte, 
plus  fine  &    moins  ferrée. 

Les  bctes  de  Sologne  vieilliirent 
&  perdent  leurs  dents  de  bonne  heure 
à  caufe  de  la  dureté  de  la  bruyère, 
Si  fur- tout  des  cailloux  auxquels  elles 
touchenr  pour  pincer  l'herbe  tjiii  elt 
à  côté.  On  élève  dans  ce  pays  plus 
de  b  cbi";  que  de  moutons ,  à  caiife 
de  la  diffi  ultc  de  la  fubfift  ince.  On 
fait  deux  clalfes  de  pâturages,  les 
plus  fins  font  pour  les  agneaux  ,  3c 
les  autres  pour  les  mères.  Les  brebis 
porrières  fe  confervent  jufqu'à  fepc  i 
huir  ans. 

La  laine  de  Sologne  a  reci  de  par- 
ticulier ,  qu'elle  eti  frifée  à  l'extré- 
mité de  fes  mèches  :  elle  eft  aulli 
fine  que  celle  de  la  Champagne- 
Berry  j  mais  elle  n'a  pas  autant  de 
corps,  &  ne  porte  que  dix  huit  à 
vingt  lignes  de  longueur  j  celle  qui 
pafle  deux  pouces  eft  de  moindre 
valeur.  On  la  vent  en  fuinr  quinze 
à  dix- huit  fols  la  livre  j  elle  perd 
huit  à  neuf  onces  de  fon  poids  au 
lavage,  qui  eft  d'une  livre  &  demie. 

Le  Gdtinois  eft  une  continuation 
de  la  So'ogne  ;  il  fe  divife  en  pâtu- 
rages de  nourriture  &  en  pâturages 
d'engrais.  La  race  de  Sologne  fe  fou- 


L  A  I 

tient  très-bien  en  certains  endroits, 
&  dégénère  dans  d'autres ,  ce  que 
l'on  reconnoît  à  la  to;lon ,  qui  eft 
moins  fine. 

11  y  a  une  race  de  moutons  Gâti- 
nois  à  grand  corfage  ,  originaire  du 
pays.  Elle  eft  mife  par  pluheurs  dans 
la  dalle  des  moutons  de  Faux.  Ea 
fait  de  troupeaux  ,  le  commerce  le 
p'us  lucratif  du  Gâtinois,  confifte  en 
bêtes  à  laines  vieilles,  maigres  ou 
chcnves  ,  qu'on  achette  pour  en- 
grailfer  &  pour  revendre.  Le  mouton 
Sologneau  ,  qui  a  pris  grailfe  en  Ga- 
rinois  ,  eft  un  manger  tendre  &  ex- 
quis. 

XI IL  La  Beauce  6^  le  Perche.  Dans 
la  Beauce  propre  ,  les  b^tes  à  laine 
reçoivent  une  éducation  complette. 
Ses  plaines  immenfes  &  cultivées 
produifent  des  herbes  très- faines  j 
les  teries  y  retiennent  peu  l'eau,  & 
par -tout  elles  lont  dépourvues  de 
bois,  d'aibres,  de  haies  &  de  buif- 
fons. 

La  Beauce  fe  divife  en  deux  par- 
ties ,  la  haute  &  la  petite  Beauce.  La 
petite  &  le  Perche  ont  ceci  de  com-^ 
mun,  que  le  pays  change  fouvent  de 
face,  tant  en  pâturages  qu'en  afpeâs. 

Les  pâturages  de  la  haute  Bauce 
nourrilfentune  efpèce  de  bêtes  à  laine 
pareille  à  cel'e  des  gros  moutons  de 
Cerdagne ,  de  Gafcogne  &  du  Querci, 
excepté  qu'elles  n'ont  point  de  cor- 
nes ,  &  que  leurs  couleurs  noires  & 
grifes  détériorent  moins  de  toifons 
en  Beauce  que  dans  les  pays  prece- 
dens.  Leur  laine  ronde,  plus  droite 
que  frifée  ,  pafTe  pour  être  molle  , 
creufe  ,  fur  -  tout  pendant  les  an- 
nées fèches,  lorfque  faure  d'une  fuf- 
fifante  quantité  d'herbages ,  elles  ont 
foufFert  la  faim.  Cette  première  ef- 
pèce de  moutoR  eft  nommée  Bcau", 


L  A  I 

eeron ,  &  celle  de  la  petire  Beauce , 
Percheron ,  parce  qu'Élle  ert  efttdiive- 
ment  répandue  dans  une  grande  par- 
lie  de    la   province  du  Perche. 

C'eft  une  fuire  néccllaire  de  la  di- 
verfité  qui  règne  dans  les  pâturages 
de  la  petite  JBcauce  i<i  du  Perche  , 
qu'il  y  ait  beaucoup  de  mélange 
dans  les  troupeaux  ,  tiSc  on  a  la  mal- 
adceire  en  général  de  ne  point  laire 
parquer  les  troupeaux.  Cependant 
l'exemple  donné  par  MM.  Guerier, 
auroit  dû  faire  changer  cette  pré- 
judiciable coutume.  Ils  ont  fait  palFer 
d'Angleterre  en  France  un  troupea-U 
de  bêtes  à  laine  à  grand  corfage  :  ils 
l'ont  établi  auprès  de  Saint -Martin 
de  Belefme  ,  &  continuent  encore 
de  le  gouverner  fuivanc  la  méthode 
angloife.  Ils  les  tiennent  continuel- 
lement expofés  au  grand  air  en  hiver 
&  en  été  ;  &  dans  la  crainte  que 
les  pluies  abondantes  ,  les  neiges  & 
les  frimats,  ne  leur  occafioiniallent 
des  maladies,  ils  ont  fait  drelfer  des 
appentis  ,  à  l'abri  defquels  ces  ani- 
maux peuvent  fepréferverdu  mauvais 
temps.  Ce  troupeau  furpalTe  en  beauté 
&  en  force,  tout  ce  qu'un  choix  fcru- 
puleux  pourroit  trouver  de  plus  par- 
fait dans  la  grande  branche  du  pays. 

La  laine  de  la  haute  Beauce,  lon- 
gue de  quatre  à  cinq  pouces  ,  tft 
ordinairement  laie ,  gralfe  &  luzer- 
neufe,  à  caufe  de  la  malpropreté  des 
bergeries.  On  la  vend  huit  fols  en 
fuint,  &  le  double  lavée.  Le  poids 
commun  de  la  toifon  d'une  bête,  eft 
de  quatre  livres  à  deux  ans,  &  de 
huit  à   quatre   ans. 

XIV.  Champagne  6c  Brie.  Les  plai- 
nes de  la  Champagne  occupent  le 
milieu  de  fon  arrondifTement  ;  (es 
bordures  font  remplies  de  bois  & 
de  collines.  On   diAingue  dans  ces 


LAI  189 

deux  provinces  plufieurs  efpèces  de 
bctes  à  lame,  dont  la  dominante  eft 
celle  qui  porte  le  nom  de  chaque  pro- 
vince. Le  mouton  champenois  ref- 
femble  au  bauceron  de  grande  bran- 
che ,  à  la  laine  près,  que  ce  der- 
nier  a  ordinairement  plus  fèche  &c 

plus   creufe Le  moyen    mouton 

de  Chainpagne  eft  un  diminutif  de 
la  grande  branche  ,  eu  égard  à  la  lon- 
gueur de  la  taille  &  à  la  groffeur  du 
corfage  feulemenr.  La  petite  bran- 
che n'eft  pas  une  race  indigène  j  elle 
y  eft  introduite  de  la  Bourgogne  &c 
du  Bourbonnois.  La  toifon  qui  la 
couvre  eft  compofée  d'une  laine 
courte,  f'.ifée  <?>:  fine  pour  l'ordi- 
naire, à -peu -près  comme  celle  du 
petit  mouton  bigoret  du    Dauphinc. 

On  élève  trois  fortes  de  moutons 
dans  l'Eleftion  de  Troye ,  le  cham- 
penois de  grande  branche,  le  fo!o- 
gneau  &  le  mouton  de  Bourgogne  : 
ce  qu'on  nomme  menton  de  plaine 
&  mouton  de  montagne  dans  l'é- 
leftion  de  Rheims,  fe  rapporte  à  la 
grande  &  à  la  moyenne  branche  de 
Champagne. 

Les  troupeaux  qu'on  élève  dans  la 
Brie  Françoile  ,  font  une  race  pi- 
carde j  ceux  de  la  Brie  Champei.oife 
viennent  de  diftérens  cantons  de  la 
province  de  Champagne.  Les  pâtu- 
rages de  la  Etie  ont  la  propriété  d'a- 
doucir la  rudfclle  de  la  laine  du  mou- 
ton picard,  de  rendre  plus  ferme  & 
pluscorfée  celle  du  mouron  de  C  ham- 
pagne.  Le  changement  dev.ent  fen- 
iîble  après  un  an  ou  dix -huit  mois 
de  féjour.  On  amène  auflî  dans  la 
la  Brie  Champencife  beaucoup  de 
bétail  de  la  Sologne  ,  du  Gatinois  & 
de  la  Beauté.  Les  meilleurs  moutons 
briards  fe  trouvent  dans  les  environs 
de  Ciéci  &  de  Coulommiers. 


150 


L  A  I 


Les  laines  de  Champagne ,  telles 
qu'on  les  rccolte  fur  les  lieux,  font 
de  médiocre  qualité  ,  molles  &  creu- 
fes.  Les  toifons  fines  &  courtes  qui 
fe  trouvent  dans  le  nombre,  provien- 
nenc  des  moutons  de  Li  Bouriiogne  & 
du  Bourbonnois,  qui  ne  font ,  a  pro- 
prement parler,  que  des  races  d'em- 
prunt. La  laine  de  Brie  eft  préféra- 
ble à  celle  de  Champagne. 

XV.  Breffe  ,  Franche-Comté^  Bour- 
gogne ,  Bourbonnois  ,  Lorraine  ik. 
Alface. 

Brejj'e  &  Bugey.  La  première  eft 
divifée  en  deux  parties  par  la  rivière 
qui  fe  jette  dans  le  Rhône.  La  moi- 
tic,  (îaiée  du  côré  de  la  Saône  ,  re- 
tient le  nom  de  Brelfe  ,  &  l'autre 
qui  regarde  la  Savoie ,  prend  le  nom 
de  Bugey.  La  BrelTe  eft  un  pays  uni 
&  fertde  en  p.uur.iges.  Le  Bugey  eft 
montueux  ,  &  les  habitans  tirent  plus 
de  profit  de  leurs  pârurages ,  que  de 
leurs  récoltes ,  quoique  celles- ci  y  fuf- 
fifent  aux  befoins  de  la  vie.  La  vraie 
richelle  y  confifte  dans  les  troupeaux. 
Ils  palTent  l'hiver  dans  la  plaine  &  l'été 
à  la  monragne.  Cette  trinfmigra- 
tion  n'eft  pas  occafionnée  par  l'excès 
des  chaleurs,  comme  en  Provence  & 
en  Rouilillon  :  ce  font  les  pârurages 
qui  invitent  à  la  faire.  Le  départ  de 
la  plaine  pour  aller  à  la  montagne  fe 
fait  ordinairement  vers  le  temps  de 
Pàque,  &  le  retour  a  lieu  vers  la  fin 
de  Septembre. 

Boursc^ne  ôc  Franche-ComtJ.  La 
première  eftappellée  le  Duché  jy  Se  la 
féconde  le  Comté  de  Bourgogne.  On 
remarque  dans  l'une  &  dans  l'autre  les 
mêmes  propriétés ,  la  même  divifion 
des  territoires,  la  même  nature  de  pâ- 
turages, &:  par  uneconféquencenécef- 
laire,  la  même  efpêce  de  bétail  blanc, 

La  Funche-Conué  fe  divife,  cora- 


L  A  I 

me  la  Brelfe,  en  pays  plat  &  en  pays 

de  montagne  j  fes  plaines  peuvent 
être  comparées  à  celles  de  la  Beauce 
pour  les  récolres,  mais  on  n'y  élevé 
pas  autant  de  bêtes  .à  laine  que  les 
pâturages  en  peuvent  nourrir.  Les 
pâturages  des  collines  offrent  une  ref- 
lour.e  précieufe  pour  l'éducation  du 
gros  &  du  menu  bérail ,  &  dont  on 
tire  le  meilleur  parti. 

Le  pays  plat  de  la  Bourgogne 
fournit  d'excellentes  récokes  fans 
amen-lemens.  11  n'en  eft  pas  ainfi 
dans  les  bailliages  d'Autun  ,  d'Au- 
xone,  de  Châcillon  fur  Seine,  dans 
le  Brionnois  &  dans  le  Charolois  , 
&  même  dans  une  parrie  du  Ma- 
connois  j  mais  les  parcours  &c  les  pâ- 
turages y  font  multipliés. 

Le  Bourbonnois  ,  placé  entre  le 
Berry  &;  la  Bourgogne,  parricipe  aux 
propriétés  &  à  la  température  qui 
diftinguent  ces  deux  provinces  ;  fes 
rapports  avec  le  Berry  font  un  peu 
plus  marqués  qu'avec  la  Bourgogne, 
tant  à  l'égard  de  la  culture  &  àts 
fonds  de  terre  ,  que  relativement  au 
nombre  &  au  gouvernement  des 
troupeaux. 

La  Lorraine  &  l'Alface  font  tel- 
lement une  conrinuiré  de  la  Bout* 
gogne  &  de  la  Franche-Comté,  qu'eu 
y  rrouve  par- tout  les  mêmes  traces 
des  opérations  de  la  nature ,  en  partant 
de  la  plaine  à  la  montagne  »  &  des 
coteaux  aux  vallées. 

Les  Vofges,  qui  traverfent  la  Lor- 
raine depuis  l'Aliace  jufqu'à  la  Cham» 
pagne,  fournilfent  d'excellens  pâtu-» 
rages  pendant  huit  mois  de  l'année  , 
&  dans  la  Lorraine  allemande  ou 
parque  environ  pendant  (îx  mois. 

L'Alface  eft  traverfée  par  le  Rhîn 
&z  l'Ul,  coupée  par  une  infiiiité  de 
petits  luifl'eaux ,  &  arrofce  de  plu» 


L  A  î 

Jîeurs  petites  rivières.  La  hante  Al- 
face  elt  remplie  de  montagnes  \  le 
terrein  entre  l'IU  &  le  Kliin  efl  bas, 
très-humide  &  fouvenc  inonde  ,  il 
ne  convient  point  aux  moutons  ^  le 
centre  de  la  province  fourni:  pour 
leur  nourriture  des  jachères  ,  des 
communes  &  des  bois.  Ce  n'eit  pns 
l'ufage  en  Alface  de  conduire  les 
bctes  à  laine  fur  les  plattes  formes 
des  montagnes ,  ces  lieux  font  ré- 
fervés  au  gros  bétail.  En  Alface  comme 
en  Dauphiné,  l'élévation  des  mon- 
tagnes n'eft  pas  uniforme,  il  y  en  a  de 
irès-haures ,  dont  la  furface  eft  cou- 
verte d'une  grande  étendue  de  gras 
pâturages,  qu'on  abandonne  à  l'en- 
grais des  bœufs  &  des  vaches  pendant 
huit  mois  de  Tannée  ,  depuis  la  fonte 
des  neiges  jufqu'à  ce  qu'elles  recom- 
mencent. Les  bergers  ont  la  liberté 
de  faire  pâturer  leurs  ouailles  fur  les 
monticules  &  fur  les  côreaux. 

Les  pâturages  propres  à  ce  bétail 
font  audi  fort  communs  dans  la  partie 
occidentale  de  la  balle  Alface;  ils 
confiftent  en  herbes  qui  croillent  fur 
des  haureurs,  fur  des  landes  &  dans 
des  terreins  plus  fablonneuxque  gras. 

Il  luit  de  cette  expolîtion  ,  qu'à 
partir  de  la  BrelFe  ,  on  retrouve  par- 
tout fucceffivement  les  mêmes  af- 
pedts  ,  les  mêmes  expofiiions  ,  les 
mêmes  natures  de  rerrein  ,  &  par 
conféquent  les  mêmes  facilités  de 
pourvoir  aux  befoins  des   troupeaux. 

On  vient  d'obferver  <^ue  toutes  les 
efpèces  de  bêtes  à  laine  du  pays , 
contenues  entre  le  Dauphiné,  le  Rhin 
Si  l'Allemagne  d'une  parr,  la  Cham- 
pagne de  l'autre  ,  fe  partagent  en 
moutons  de  Faux  ,  auxquels  les 
grandes  branches  de  Champagne  & 
d'Allemagne  fe  rapportent  j  en  mou- 
tons Barrois  Se  en  moutons  de  So- 


L  A  1  içf 

logne.  11  ne  faut  p;sen  conclure,  que 
tout  ce  qui  exifte  de  bêtes  à  lame 
dans  ces  quartiers,  foit  habituelle- 
ment renouvelle  par  des  elfainis  du 
dehors;  il  n'y  a  pas  de  cantons  cù 
on  ne  falledes  élèves,  pour  peu  qu  oa 
ait  des  pâturages  &;  des  fourrages; 
mais  au  défaut  d'un  nombre  fiiflifint 
de  bêtes  indigents,  c'cfl  une  coutume 
fondée  fur  l'économie,  d'avoirre;ours 
à  des  efpèces  homogènes  des  auties 
pays.  Ces  trois  races' font  celles  qui 
y  réullilfent  le  mieux  ;  elles  engen- 
drent des  méris,  tels  que  les  mou- 
tons d'Auxois ,  qui  eft  une  branche 
dont  les  individus  onr  de  vinct-fent 
a  trenre  pouces,  tenant  de  celle  du 
Berry  &:  de  la  Sologne  par  h  toifon, 
&:  dont  on  efiiime  la  chair  autant  qi;e 
celle  du  mouton  de  Sologne. 

La  Brede  nourrit  une  grande  quan- 
tité de  bêtes  à  laine  ,  &  principale- 
ment dans  le  Bugey  ,  du  côté  de 
Nantua  ;  on  en  compte  jufqu'à  cinq 
à  fix  mille  dans  le  feul  territoire  de  "^ 
Valbonne.  La  plupart  des  bêtes  font 
longues  de  vingt- fepr  à  trente-trois 
pouces  ,  elles  ont  la  tête  garnie  de 
cornes  en  volures,  &  font  une  race 
moyenne  de  Faux  ,  partie  blanche  , 
&:  partie  noire  ou  brune. 

Le  mouton  originaire  de  Berry 
fait  race  dans  le  Boutbonnois. 

La  petite  efpèce  ,  connue  en 
Champagne  fous  le  nom  de  mouron 
Bourguignon  ,  n'efl:  autre  chofe  que 
le  mouron  du  Bourbonnois. 

La  race  dominante  dans  le  Ni- 
vernois  eft  plus  haure  de  corfige ,  & 
a  beaucoup  de  rellembiance  avec  U 
grande  branche  du  Gâtinois  Se  du 
Limolin. 

Le  mouton  d'Auxois  doit  être  re- 
gardé comme  la  race  priiKipale  de 
la  Franche -Comté   &  de  la  Bour- 


191  LAI 

gogne  ;  toutes  les  ancres  s'y  rappor- 
reiit  pour  la  longueur  tk  pour  la  qua- 
lité, (î  ce  n'eft  du  côté  de  l'Auxer- 
rois ,  où  le  mouton  elt  plus  gros  & 
d'une  toifon  plus  commune. 

Les  autres  efpèces  vont  en  dimi- 
nuant de  vingt- huit  à  vingt -quatre 
pouces;  les  laines  tiennent  beaucoup 
de  celles  du  Dauphiné. 

Il  y  a  en  Lorraine  «Se  dans  les  Trois- 
Evcchés  quatre  branches  principales 
de  bêces  à  laine  j  une  petite,  connue 
fous  le  nom,à\4rden7:oije 3  portant  une 
laine  fine  iS:  peu  garnie;  elle  elt  très- 
répandue  dans  les  Vofges.Lafeconde, 
appellée  petite  Allemande  ,  qui  eft 
plus  grolTe,  &  a  le  double  de  laine 
de  la  première.  La  troilième,  qui  eft 
celle  du  pays  ,  furpalTe  en  poids  les 
précédentes.  La  quatrième  ,  qu'on 
jiomme  crrande^/.ewa«(/f,  originaire 
du  pays  d'Hanovre ,  eft  plus  forte 
que  les  trois  autres  en  poids  &  en 
lame.  Les  bètes  à  toifon  noire  font 
rares  dans  les  Trois-Evéchcs. 

La  plus  grande  partie  des  moutons 
de  la  Lorraine  eft  pareille  en  corlage 
au  mouton  de  Vallage  de  la  Champa- 
gne ,mais  leur  laine  eft  plus  moclleufe 
<:<:  plus  recherchée  ;  le  refte  eft  inté- 
rieur à  cette  efpèce  du  coté  de  la 
raille,  (Si  a  beaucoup  de  rapport  avec 
les  petits  moutons  bocagers  des  Ar- 
<lennes. 

L'-Alface  j  auttefois  renommée  par 
la  quantité  de  fes  troupeaux  &  par 
leur  bonne  qualité,  n'en  auroit  pas 
iiujourd'hui  pour  fa  confommacion 
fans  la  Suifte  &  la  Lorraine  \  la  mé- 
thode de  parquer  eft  prefque  fans 
exemple  dans  cette  province. 

XVL'  ijle  de  France  j  Normandie  , 
Picardie  Se  Flandres. 

La  Flandre,  dont  on  confidére  le 
Hainaulc  comme    une  partie  ,    lur- 


L  A  I 

pafTe  tous  les  autres  pays  par  la  force 
&  par  la  grandeur  des  bêtes  à  lame 
qui  s'élèvenr  dans  les  meilleurs  can- 
tons j  cette  race ,  qui  c.^ufe  de  la  fur- 
prife  à  ceux  qui  la  voient  pour  la 
première  fois ,  fe  foutient  à  la  faveur 
des  gras  pàrurages  qui  font  ,  à  tous 
égards ,  les  plus  fubftantiels  de  tout 
le  refte  du  royaume.  La  Picardie  & 
la  Normandie  font  de5  pays  très- 
propres  à  l'éducation  du  bétail.  L'Hle 
de  France  fe  fuftiroit  .à  elle-même,  iî 
elle  n'avoit  d'autres  befoins  à  remplir 
que  ceux  des  villes  du  fécond  ordre, 
mais  Paris  eft  un  gouffre  pour  la 
confommation. 

ISTjle  de  France.  Les  troupeaux 
y  accourent  de  tous  les  environs , 
la  confommation  de  la  capitale  les 
y  appelle,  &  l'on  peut  dire  en  gé- 
néral que  les  propriétaires  font  peu 
attentifs  auxremplacemens.  L'efpèce 
dominante  fe  rapporte  à  la  branche 
picarde  du  Beauvoifis  \  les  autres  font 
des  moutons  Bricads  ,  des  Bauce- 
rons ,  des  Sologneaux  ,  du  Barrois,  du 
Cauchois,  des  Normands,  même  des 
Liégeois  &  des  moutons  de  Faux. 
Les  beigers  de  l'Hic  de  France  fe 
conduifent ,  dans  le  gouvernement 
des  troupeaux  ,  comme  ceux  de  la 
Picardie. 

La  Normandie  ,  dans  fa  partie 
haute,  eft  abondante  en  excellens  pâ- 
turages. La  balfeeftune  continuation 
de  la  Bretagne  ,  &  a  beaucoup  de 
rapports  avec  elle. 

Les  pâturages  de  la  haute  Nor- 
mandie fe  partagent  niturellemenc 
en  deux  clalîes.  Les  herbages  des 
prairies  &  les  pâtures  vaines  &;  va- 
gues, auxquelles  il  hiut  joindre  celles 
des  jachères  &C  des  plauies  cultivées 
après  la  moilfon.  Cette  divifion  en 
auK'ue  une  autre,  qui  eft  celle  des 

pâturages 


L  A  I 

pâturages  d'engrais  &  des  pâturages 
de  nourriture.  Les  principaux  cantons 
de  nourriture  fe  remarquent  dans  le 
pays  de  Caux ,  qui  eft  le  premier  de 
toute  la  Normandie,  &  d'où  le  mou- 
ton cauchois  prend  fon  nom.  Les 
deuxVexins  participent  l'un  &  l'autre 
de  la  propriété  des  territoires  de  l'Hle 
de  France  &  de  la  Picardie  qui  les 
avoiiinent.  Le  pajs  d'Auge  eil  fans 
■difficulté  fupérieur  à  tous  les  autres 
cantons  de  Normandie  par  l'abon- 
dance de  les  herbages  \  il  n'eft  pas  le 
ieul  en  Normandie  où  l'on  travaille 
à  l'engrais ,  mais  les  pâturages  def- 
tinés  à  cet  effet  y  font  plus  ralfemblés 
que  par-tout  ailleurs. 

La  variété  des  efpèces  de  bêtes  à 
laine  eft  très-grande  en  Normandie, 
tant  par  la  diftcrence  des  noms,  que 
par  la  figure  <Sc  la  proportion  du  cor- 
fage.  Elles  peuvent  cependant  fe  ré- 
duire à  trois  branches  principales  :  les 
cauchois  ,  les  moutons  vexins  Se  les 
moutons  bocagers  ou  bifquains.  Les 
deux  premières  variétés,  plus  grandes 
6c  plus  fortes  que  la  troifième  ,  fe 
trouvent  fréquemment  dans  la  haute 
Normandie  j  cette  dernière  fe  ren- 
contre plus  communément  dans  la 
balTe  Normandie. 

Le  mouton  cauchois  eft  une  race 
de  Poitou  &  de  Bcrry  à  laine  frifce, 
affez  ordinairement  ronde  ,  longue 
de  trente-fix  à  quarante  pouces,  forte 
Se  médiocre  à  raifon  des  lieux  où  cette 
race  eft  élevée.  11  y  en  a  de  deux 
fortes,  le  franc  &  le  bâtard  cauchois. 
Ce  dernier  n'a  pas  d'état  certain,  il 
dépend  des  lieux  où  il  vit,  î?c  des 
efpèces  avec  lefquelles  on  croife  le 
franc  cauchois.  Celui-ci  a  la  tète 
roufteou  blanche,  les  pieds  de  même, 
fa  toifon  eft  blanche,  quelle  que  foit 
la  couleur  de  la  tête  &  des  pieds.  On 
Jome  f^I, 


L  A  ï 


1-99 


préfère  le  cauchois  des  parties  ma- 
ritimes à  celui  de ''intérieur  des  terres; 
les  moutons  de  Pré -Salé,  du  côté  de 
Dieppe,  fi  renommés  par  le  goût  dé- 
licieux de  leur  chair,  ne  font  autre 
chofe  que  des  cauchois  ,  dont  les 
quatre  quartiers  pèfent  cinquante  à 
loixante  livres. 

La  race  cauchoife,  confidérée  du 
côté  de  la  toifon,  fe  divife  en  plu- 
fieurs  branches ,  favoir  en  celles  qui 
ont  la  laine  longue ,  celles  qui  l'ont 
courte ,  celles  qui  l'ont  groffe  ou  fine  : 
ces  modifications  dépendent  des  pa- 
tutages. 

Nous  avons  parlé,  à  l'occafion  du 
mouton  fin  de  Champagne- Berry, 
de  la  préférence  qu'on  donne  aux 
bêtes  à  toifon  moins  ptécieufe  fur 
les  fuperfines  ,  c'eft  la  même  chofe 
en  Normandie  ;  on  y  fait  moins  de  cas 
des  troupeaux  à  laine  juine  ou  fine  ,* 
que  de  ceux  qui  l'ont  rude  &  ferme.' 

La  quantité  d'élèves  qu'on  iorme 
dans  les  deux  Vexins,  eft  inférieiue 
à  celle  du  pays  de  Caux  &c  des 
lieux  voifins  ;  les  habitans  athettenc 
beaucoup  de  troupeaux  des  provinces 
voifines,  &  les  bêtes  tranfportées  , 
profitent  &  y  deviennent  meilleures, 
après  un  féjour  de  deux  à  trois  ans , 
que  fi  elles  étoient  reftces  dans  leur 
lieu  natal.  La  toifon  du  mouton  Vexin 
proprement  dit  ,  eft  ordinairement 
compofée  de  mèches  plus  droites  &: 
plus  longues  que  celles  du  mouton 
cauchois. 

Le  bifquain  de  Normandie  eft  une 
petite  efpèce  de  vingt  d  ux  vingt- 
quatre  &:  vingt- huit  pouces,  pareille 
à  celle  des  moutons  de  Varrèi^e  en 
Berry  \  ils  font  de  deux  ferres ,  par 
rapporr  à  leurs  toifons,  que  le5  uns 
ont  fii!ts  i\  les  autres  riidts  &■  ccm- 
munes:  la  chair  en  eft  délicate,  après 
Bb 


194 


L  A  I 


qu'ils   ont   cré   engraillés    di\)S    cies 
pâturages  convenables. 

Les  moutons  normands  ci' Alençoii, 
cîu  Cotcentin  ,  de  Valogne  ,  ikc. , 
quoique  qualifies  par  les  noms  des 
territoires  qu'ils  occupent ,  fe  rap- 
portent chacun  à  l'une  des  trois  ef- 
pèces  précédentes,  Se  principalement 
aux  cauchois  &  aux  bilquauis.  Les 
excellens  moutons  de  Condé  fur 
Ncraut  proviennent  de  la  race  cau- 
choife.  Le  prix  ordinaire  de  la  laine 
eft  de  vingt  fols  lavée;  la  dernière 
qualité  fe  vend  quinze  fols,  &  la 
tcte  vaut  trente  folsj  la  laine  juine 
eft  toujours  achetée  quelque  chofe 
de  plus. 

La  Picardie  eft  comme  de  plein 
pied  avec  la  haute  Normandie  \  toutes 
les  races  de  bêtes  à  laine  ^  répandues 
dans  la  Picardie,  fe  rapportent  i".  à 
la  branche  du  Vermandois,  qui  eft 
la  plus  foire;  2°.  à  celle  du  mouron 
picard  proprement  dit ,  qui  eft  une 
race  moyenne  &  commune  dans  le 
Beiuvuifis;  i'^.  à  celle  du  mouton  de 
Thiérai-he  ,  qui  eft  la  moindre  des 
trois. 

Le  mouton  Vermandois  ,  ainlî 
nommé  de  la  partie  orientale  de  la 
Picardie,  où  il  eft  plus  nombreux, 
a  la  tète  grolfe,  l'oreille  longue  & 
lariJ^e .  le  col  gros  &  lonti  la  jambe 
grolfe  ;  il  eft  long  de  trente- lix  a 
quarante  pouces.  La  torce  de  fa  com- 
plexiou  exigeant  qu'on  lui  donne 
une  nourriture  abondante,  il  profite 
dans  les  vallées,  &c  fe  plaît  dans  les 
gras  pâturages  ;  il  n.\  point  de  canton 
atitré,  on  le  retrouve  dans  tous  les 
lieux  où  les  fourrages,  où  les  her- 
bages ne  manquent  point,  depuis  les 
confins  de  la  Thiérache  jufques  dans 
le  Boulonnois  &  dans  le  Ponthieu. 
Les  moutons  picards  lont  de  deux 


L  A  I 

fortes  ;  on  diftingue  les  uns  par  un 
toupet  de  laine  qu'ils  ont  au  front, 
iSc  qui  ne  fe  trouve  point  dans  les 
autres;  les  derniers  engraiffent  plus 
promptemenr,  ont  la  laine  plus  fine 
Ôc   la   chair   meilleure. 

Les  moutons  de  la  Thiérache  ont 
trente  pouces ,  cette  race  eft  commune 
du  côté  de  Guife  &  de  Vervins ,  elle  eft 
balfe  de  taille  ,  ayanr  la  tcte  grolîe  , 
l'oreille  large  &  courte,  ainli  que  le 
nez.  La  plus  commune  de  ces  rrois 
races  eft  celle  du  mouton  picard.  Les 
laboureurs,  peu  attentifs,  achetrent 
aux  foires  les  bètes  de  remplacement, 
&  prennent  indiftinétemcnt  toutes  les 
efpècesqni  le  prélen te nt,  comme  dans 
riUe  de  France  :  de  là  vient  le  mé- 
lange des  efpèces. 

Les  bergers  en  picardie  ,  comme 
dans  prelque  routes  les  autres  pro- 
vinces ,  or.t  la  manie  de  boucher  tel- 
lement les  ouvertures  des  bergeries 
pendant  l'hiver, -que  l'air  extérieur 
ne  fauroit  y  pénétrer  ,  &:  ils  font 
fuer  excellivement  l'animal  avant 
l'opération  de  la  tonte.  Ces  deux  vices 
déducarion  font  la  fource  des  ma- 
ladies &:  des  pertes  qui  découragent 
par  la  fuite  les  laboureurs,  le  routpar 
entêtement  &  ignorance  fur  leurs 
véritables  intérêts. 

La  chair  de  ces  animaux  eft  alfez 
fouvent  ferme  &  peu  délicate.  Lx 
Picardie  n',!.  pas  de  lieux  deftinés  aux 
entrais  comme  la  Normandie  ;  une 
partie  des  bètes  s'engralifent  natu- 
rellemenr. 

La  laine  du  gros  mouton  verman- 
dois eft  dure  :  les  toifons  du  Santerre 
font  eftimces  à  caufe  de  la  netterc 
&  de  la  tranfparence  des  filets  qui 
les  rendent  propres  à  recevoir  les 
apprêts  du  lavage  5:  tontes  fortes  de 
teintures.  La  laine  du  Beauvoifis  eft 


L  A  I 

plus  rude  que  celle  du  Santerre,  mais 
on  prétend  que  les  eaux  de  la  perite 
rivière  du  Terrein  onc  la  propriété 
d'adoucir  cetre  rudelTe  ;  celles  de 
Soilîbns  &  de  Noyon  onc  le  mérite 
d'être  plus  douces  que  les  toifons  du 
Laoaoïs  &  de  la  Tiiiérache.  Le  poids 
commun  des  toifons  eft:  de  quatre  à 
cinq  livres  non  lavées,  &  la  longueur 
des  mèches  de  cinq  à  fix  pouces  :  ces 
laines  font  plus  droites  que  frifées. 

Artois  j  HainauU  &  Flandres. 
L'Artois  eft  prefque  par-tout  uni  & 
plat ,  &  c'eft  ici  que  commencent  les 
P.iys-bas.  La  température  de  l'Artois 
eft  par- tout  allez  égale  :  il  y  a  peu  de 
bois ,  peu  de  foms  j  les  pâturages  y  font 
médiocres  dans  le  pays  plat,  le  fut  plus 
fe  rapporte  à  ce  qu'on  voit  en  Flan- 
dres. Plufieurs  donnent  le  nom  de 
mouton  d'Artois  à  une  branche  de 
bètes  à  laine  à  oreilles  pendantes , 
plus  groffe  que  le  mouton  Verman- 
dois,  &  moins  forte  que  le  mouton 
Flamand,  parce  qu'elles  font  alkz 
communes  en  Attois;  mais,  attendu 
qu'on  trouve  dans  bien  d'autres  pays 
de  ces  oreilles  pendantes  ,  il  fullit 
d'obferver  qu'on  en  voit  dans  l'Artois. 

Les  bètes  blanches  qu'on  élevé  dans 
le  Hainault  font  des  branches  de 
l'efpèce  de  Thiérache  &  de  la  petite 
race  de  Vermandois ,  longue  de  trente 
pouces. 

La  Flandres  eft  une  partie  des  Pays- 
bas,  fupérieure  au  refte  de  la  France 
en  bétail  &  en  pâturages.  Les  pre- 
miers moutons  qu'on  fit  pafler  des 
Indes  en  Flandres  par  la  Hollande , 
furent  regardés  comme  un  effort  de 
la  nature,  qui  s'étoit  furpafiee  dans 
ce  gente  de  production.  Ces  bètes 
parurent  d'abord  un  objet  de  cu- 
riolué.  L'on  ne  foupçonna  pas  qu'il 
fût  poffible  de  lesmultiplier  au  point 


L  A  I 


Î9Î 


d'en  peupler  la  plus  grande  partie  de 
la  Flandres.  Ces  brebis  donnoient 
alors  fept  agneaux  j  cette  fécondité 
diminua  à  mefure  que  l'efpèce  fe 
perfedionna.  Les  brebis  flandvines  ne 
donnent  plus  qu'un  agneau,  deux  au 
plus ,  &  dans  ce  cas  on  prend  le  parti 
d'enlever  le  moindre,  afin  que  celui 
qui  refte  profite  mieux  ,  &:  que  le 
tempérammentde  la  mère  ne  foitpas 
afFùibli.  Lorfque  les  femelles  don- 
noient cinq  agneaux  ,  leur  laine  étoic 
moins  belle,  les  élèves  moins  forts 
de  corfage,  moins  robuftes ,  &:  plus 
fujets  aux  maladies.  Le  mouton  fla- 
mand, foigné  &  tenu  proprement, 
réunit  dans  fon  état  aéluel  toutes  les 
perfeftions  des  autres,  fans  en  avoir 
les  défauts.  Une  démarche  libre  & 
ferme,  un  port  avantageux,  un  cor- 
fage bien  proportionné  dans  toutes 
fes  parties  ,  annoncent  une  bonne 
conftitution,  un  tempéramment  ro- 
bufte,  exempt  des  maladies  fi  com- 
munes aux  efpèces  plus  délicates  ou 
plus  foibles. 

Les  autres  races  fe  diftinguent  par 
un  corfage  allongé,  menu,  efflanqué  j 
d'autres  par  une  taille  ramallée  :  ceux- 
ci  par  un  large  collier,  de  longues 
foies,  ou  par  un  toupet  de  laine  au- 
delfus  du  front  :  ceux-là  par  une  cou- 
leur roulfe  de  la  tète  Si  des  pieds ,  par 
des  taches  noires  ou  griles  qui  dé- 
tériorent leurs  toifons  \  par  des  cornes 
ou  par  une  qualité  de  laine  rouffe  & 
jarreufc,  ou  enfin  par  un  naturel  fau» 
vage  ou  timide  qui  les  rend  difficiles 
à  garder.  Le  mouton  flamand  ne  porte 
aucun  figne  qui  le  défigure  ,  tout  eft 
allorti  dans  les  parties'  qui  le  confti- 
tuent  ;  fa  laine  eft  non -feulement 
blanche  &c  fans  tache  ,  mais  cette 
blancheur  eft  aulli  d'un   bel  éclat. 

Les  plus  grands  montons  de  Flan- 
Bbi 


1^6  LAI 

dres  peuvent  avoir  depuis  quatre  juf- 
qu'à  cinq  pieds  &  demi  de  la  tête  à 
la  queue  ;  la  hauteur  &  la  grolTeur 
font  en  proportion. 

On  diftingue  cinq  branches  de 
moutons  flamands.  On  nomme  mou- 
tons/r^/c'j,  ceux  de  la  première  ef- 
^èce,  moutons  grenésoagrenetés  ceux 
de  la  féconde  j  la  troifième  porte  une 
laine  frifée  comme  la  première  , 
mais  cette  qualité  de  laine  eft  peu 
longue  &  moins  fine.  On  appelle 
mouton  de  Dunkerijue  ceux  de  la 
quatrième  qualicé,  parce  qu'ils  font 
communs  aux  environs  de  cette  ville. 
La  cinquième  efpèce  eft  celle  des 
moutons  rtj^ij  j  que  Ton  nomme  ainfl 
à  caufe  que  la  toifon  en  eft  courte  & 
retapée.  Les  bêtes  de  ces  cinq  efpèces 
ont,  à-peu  près,  le  même  corfage, 
elles  diftérent  feulement  par  la  qua- 
lité de  leur  laine ,  ce  qui  fait ,  qu'im- 
médiatement après  la  tonte ,  leur  prix 
eft  à  peu  près  le  même,  le  mouton 
à  laine  fuperfine  ou  frifée  le  cède  peu 
à  ceux  d'Angleterre  &  de  Hollande, 
mais  les  cultivateurs  imitent  ceux  du 
Berry,  c'eft-à-dire  qu'ils  ne  confer- 
ventdans  leurs  troupeaux  qu'une  très- 
petite  quantité  de  bêtes  de  cette 
branche,  qui  n'eft  guère  que  le  Cï- 
xième  du  total.  En  Flandres  ,  c'eft 
une  mauvaife  combinaifon  de  l'in- 
térêt public  &:  particulier;  les  maîtres 
des  troupeaux  ne  demanderoienr  pas 
mieux  que  de  multiplier  cetre  bran- 
che, mais  ils  fe  plaignent  de  n'avoir 
pas  un  débit  aullî  réglé  de  la  laine 
fine  que  de  la  laine  commune. 

Les  herbages  de  Flandres  ont  une 
vertu  merveilleufe ,  qu'on  ne  retrouve 
pas  dans  les  autres  pays.  Cette  pro- 
priété fait  auflî  que  le  mouton  flarn- 
mand  ne  peut  guère  réufîîr  que  dans 
cette  province.  La  race  de  Flandres  a 


L  A  I 

ceci  d'avantageux  pour  la  propagation, 
que  les  brebis  &  les  béliers  font  pro- 
pres <à  l'accouplementune  année  plutôt 
que  les  efpèces  ordinaires.  Quant  au 
prix  des  bêtes  faites ,  un  mouton  razis 
coûte  iS  liv.  ,  s'il  eft  en  bon  état, 
de  même  qu'un  mouton  à  laine  fri- 
fée. Le  prix  change  &  augmente  à 
mefure  qu'on  s'éloigne  ou  qu'on  ap- 
proche du  temps  de  la  tonte.  Dans  le 
dernier  cas ,  le  mouton  frifé  augmente 
de  8  livres,  année  commune  :  celui 
grené  de  6  livres ,  &  les  autres  de 
5  livres.  La  valeur  des  bêtes  varie 
félon  les  années. 

Nous  n'enrrerons  pas  dans  de  plus 
grands  détails  fur  les  laines  en  gé- 
néral, ni  lur  le  temps  auquel  on  doit 
tondre  les  bêtes  à  laine,  fur  la  ma- 
nière de  les  tondre  ,  de  féparer  les 
l.iines;  ces  objets  feront  examinés  à 
l'article  Ivlouiojj. 

LAIT.  Liqueur  blanche  qui  fe 
forme  dans  les  mamelles  de  la  fem- 
me &  àss  femelles  des  animaux  vi- 
vipares,  pour  la  nourriture  de  leurs 
petits. . .  .  C'eft  de  routes  les  fubf- 
tances  animales  celle  qui  fe  rap- 
proche le  plus  du  règne  végétal  , 
(Se  qui  a  fouffert  le  moins  d'altéra- 
tion. En  effet ,  le  lait  ne  diffère  du 
chyle  quepar  quelques  légers  chan- 
gemens  ,  éprouvés  dans  le  torrent 
de  la  circulation,  &:  qui  le  rendent 
plus  fluide  &  plus  délié.  On  peur 
regarder  ce  fluide  comme  une  vé- 
ritable émulfion....  [Foye^  ce  mot). 
D.ins  les  animaux  herbivores ,  il  fenc 
encore  les  plantes  dont  l'anima!  a 
été  nouiri.  Les  vaches ,  dont  la  prin- 
cip.ile  nourriture  a  été  la  luzerne  , 
le  treftle  à  fleur  jaune.  Sec.  donnent 
un  lait  dont  le  beurre  eft  toiyiurs 
haut  en  couleur.  On  pourroit  à  ce 


LAI 

fujet  varier  les  expériences,  afin  de 
connoître  au  jufte  les  plantes  qui  in- 
fluent le  plus  fur  la  quantité  &c  fur 
la  qualité  du  lait  ;  fi  chaque  année 
&  dans  chaque  faifon  elles  ont  la 
mêmeaftion;  enfin  quelle  différence 
fenfible  il  reluire  de  la  fituation  de 
tel  ou  tel  pâturage.  11  faut  convenir 
que  fur  ces  points ,  on  a  feulement 
des  apperçus  généraux ,  &:  non  des 
expériences  bien  conftatées.  11  s'agit 
aduellement  d'examiner  quelles  font 
les  parties  conftituantes  du  lait,  de 
la  manière  de  le  retirer  des  mamel- 
les des  animaux;  du  petit  lait,  & 
de  la  qualité  &  des  ufiiges  auxquels 
on  peut  employer  le  lait  des  difté- 
rens  animaux.  On  ne  répétera  pas 
ici  ce  qui,  a  été  dit  aux  mocs  Beurre 
&:  Fromage.  (  f'^'oye:^  ces  mots.  ) 

I.  Des  parties  conftituantes  du  lait. 
Le  lait,  abandonné  à  lui-même, 
fe  fépare  en  trois  fubftances;  la  bu- 
tireufe  ,  qui  efl;  la  crème  ou  Ihuile 
du  lait ,  eft  celle  qui  rend  mate  fa 
couleur  j  la  partie  cafeufe  ou  le  corps 
muqueux  ,  qui  tient  en  fufpenfion  le 
corps  huileux  ou  butireux  ;  enfin 
la  férolité  ou  petit  lait  j  quiconcou- 
roir  à  l'union  des  deux  premiers  prin- 
cipes. Ce  petit-lait  efl:  véritablement 
un  acide  végétal  qui  fe  développe 
par  le  progrès  de  la  fermentation  5 
mais  il  cft  tellement  combiné  dans 
le  lait  ,  (]u'il  ne  s'y  maniicfte  par 
aucune  de  fes  qualités.  Cet  acide  eft 
dans  le  lait  à- peu-près  dans  le  même 
état  que  le  tartre  (  ï^oye^  ce  mot  ) 
l'eft  dans  le  vin,  &  il  lui  eft  ana- 
logue, c'eft-.à-dire,  qu'il  eft,  comme 
le  tartre,  uni  à  une  huile  6':  à  une 
terre.  La  partie  butireufe,  qui  n'eft 
autre  chofe  qu'une  huile  végétale  , 
a  aufiî  fon  acide.  Cette  décompo- 
iliion  du  lait  abandonne  à  lui-mcme, 


L  A  I 


197 


peut  être  regardée  comme  le  pre- 
mier temps  d'une  fermentation  très- 
prompte,  parce  que  les  principes  du 
lait  ont  peu  de  liaifons  entr'eux. 
Après  cette  première  fermentation  , 
le  lait  pafte  à  la  putréfadion  ,  &  dans 
cet  état  il  donne  beaucoup  d'alkali 
volatil. 

On  peut  regarder  le  lait  comme 
une  véritable  ému.fwn  animale.  11  eft 
opaque,  ainfi  que  toutes  les  liqueurs 
fur-compofées,  en  quoi  il  reflemble 
encore  aux  émulfions  qui  ne  font 
que  l'huile  du  corps  muqueux,  flo- 
tante  dans  un  liquide  :  il  en  eft  de 
même  du  lait.Lorfque  le  lait  eft  frais, 
les  alkalis  ou  les  acides  qu'on  jette 
dt'llus,  ne  produifent  aucune  efter- 
vufcence  ;  mais  ils  le  coagulent  ,  & 
unllfent  enfemble  la  partie  buti- 
reufe &  cafeufe  ,  iSj  en  féparant  la 
partie  féreufe  ou  petit  -  lait  ,  qui 
demeure  unie  &  imprégnée  d'acide. 
Il  y  a  cependant  une  dificrence  entre 
la  coagulation  produite  'par  les  fels 
acides  ou  par  les  fels  alkalis  fixes  ou 
volatils;  ces  derniers  défunllfent  la 
mafle  ,  au  lieu  que  l'acide  produit 
un  Cûûoulum. 

Si  on  examine  le  lait  avec  le  fe- 
cours  d'un  microfcope ,  on  y  .apper- 
çoit  une  multitude  de  globules  très- 
inégaux  pour  la  grolTeur&  pour  leur 
forme,  qui  nagent  dans  une  liqueur 
diaphane.  11  eft  aifé  de  reconnoitre 
que  les  uns  appartiennent  à  la  partie 
butireufe,  &  les  auttes  .à  la  paitie 
cafeufe  ;  enfin  que  le  fluide  diaphane 
eft  ce  qui  forme  dans  la  fuite  !e  petit- 
lait  ou  fcruni.  Cette  obfervaiion 
prouve  encore  que  les  deux  premiers 
principes  font  fimnlement  étendus, 
interpofés  dans  le  fluide,  mais  non 
pas  didous  par  lui  ;  &  combien  leur 
défagrégation    eft    facile  .lorfqu'on 


198  L  A  I 

emploie  la  chaleur,  ou  les  acides  , 
ou   les  alkalis. 

1 1.  De  la  manière  de  retirer  le 
laie  des  mamelles  des  animaux.  Les 
détails  dans  lefqueis  je  vais  encrer, 
font  minucieux  en  apparence  ,  & 
non  pas  dans  la  réalité,  ptiifque  l'a- 
bondance ou  l'ex^cation  du  lait  tient 
à  plufieurs  caufes. 

Lorfqu'on  a  privé  la  mère  de  fon 
petit  quelque  temps  après  qu'elle  a 
mis  bas ,  les  tétines  fe  rempliirent , 
fe  çorgen:  ,  &  deviennent  doulon- 
reufes  ,  fi  on  ne  trait  pas  l'animal  : 
livré  à  lui-même,  il  foufifre,  &  peu 
à  peu  le  lait  tarir ,  ce  qui  détruit 
le  profit  que  le  propriétaire  eft  en 
droit  d'en  attendre  &  d'en  retirer  ; 
mais  fi  l'animal  eft  bien  foigné ,  il 
donnera  du  lait  jufqu'à  ce  qu'on  le 
falFe  couvrir  de -nouveau,  iouvent 
même  prefque  jufcju'au  moment  de 
mettre  bas.  Quoique  ce  cas  ne  foit 
pas  rare ,  il  vaut  beaucoup  mieux  ne 
pas  demander  à  l'animal  une  liqueur 
peu  laine  alors ,  &  dont  la  fouftrac- 
tion  nuit  à  la  mère  &  au  petit. 

Si  on  veut  qu'une  vache,  qu'une 
ânelFe,  &c.  donne  du  lait  en  abon- 
dance &  pendant  long  -  temps ,  on 
doit  la  traire  à  des  heures  réglées , 
à  des  diftances  égales,  deux  fois  par 
jour,  &  non  pas  trois  fois,  comme 
on  le  pratique  en  certains  endroits , 
ou  un  peu  chaque  fois  à  diverfes  re- 
prifes  dans  la  journée.  Il  taur  cepen- 
danr  convenir  que  lorfque  l'animal 
a  mis  bas  deptus  peu  de  temps  , 
&  lorfque  le  lait  eft  bien  abondant, 
il  eft  néceiïaire  de  rraire  trois  fois 
par  jour;  mais  cerre  exception  ne 
détruit  pas  la  règle  générale;  elle  dé- 
pend beaucoup  de  la  qualité  de  l'in- 
dividu particulier  de  l'animal ,  &  des 
herbages  donc   il  eft  nourri. 


L  A  I 

Il  réfulte  du  premier  régime  que 
la  natute  dans  la  formation  du  lait, 
fuit  une  marche  téglée  ,  &  elle  en 
fournit  en  plus  grande  quantité.  Par 
les  auttes  an  contraire  elle  eft  fans 
cefte  contrariée,  &  infenfiblement  le 
lait  tarir. 

Le  fécond  avantage  tient  à  Ten- 
vie  &  au  befoin  où  l'animal  fe  trouve 
de  donner  fon  lait.  Lorfqu'il  eft  ré- 
glé ,  il  attend  avec  inquiétude  le 
moment  du  trait,  afin  d'crre  foulage 
du  poids  qui  fatigue  fes  tétines  ; 
alors  il  fe  préfente  de  lui-même  au 
feau  ou  baquet  deftiné  à  recevoir  le 
lait,  fur-tout  fi  après  l'opération ,  la 
trayeufe  a  la  coutume  de  lui  don- 
ner à  manger.  Une  perfoime  mal 
habile  fatigue  fouvent  l'animal;  elle 
le  brufque  ou  le  bat.  Ces  mauvais 
traitemens  le  rendent  revêihe  ,  dif- 
ficile à  gouverner  ;  il  redoure  un  mo- 
ment quidevroit  être  pour  lui  plutôt 
fenfuel  que  pénible,  puifque  le  traie 
eft  un   befoin   réel. 

La  trayeufe  doit  manier  doucement 
les  tettines ,  les  carelfer,  les  prefter 
du  haut  en  bas,  &c  traire  jufqu'à  ce 
qu'elles  aient  donné  tout  leur  lait  j 
mais  elle  ne  commencera  réellement 
à  traire  que  lorfqu'elle  verra  l'ani- 
mal tranquille.  Sans  cette  petite  pré- 
caution ,  le  feau  feroit  bientôt  ren- 
verfé    &  le  lait  petdu. 

Si  on  néglige  de  traire  jufqu'à  la 
dernière  goutte  ,  fi  on  trait  à  diffé- 
rentes reprifes  dans  le  jour,  &  tan- 
tôt à  une  heure  ou  à  une  autre  ,  on 
verra  infenfiblement  diminuer  la  quan- 
tité du  lait ,  l'c  enfin  les  mammelles 
devenir  fè^hes.  Le  propriétaire  qui 
ne  voit  rien  ,  ou  cjui  s'en  rapporte 
trop  facilement  à  fes  valets  ou  aux 
pcrfonnes  chargées  de  la  laiterie  ,  fe 
plaint  du  peu  de  produit  de  l'ani- 


L  A  T 

ma!  ,  le  condamne  à  être  vendu  à 
la  toire,  tandis  que  le  vice  réel  pro- 
vien:  prefqus  toujours  de  la  négli- 
gence de  la  trayeufe. 

Après  avoir  trait  Kanimal ,  on  palTe 
le  lait  à  travers  un  linge  bien  blanc, 
bien  lavé  ,  afin  de  retenir  &  féparer 
du  lait  toute  efpèce  d'ordure  qui 
peut  ctre  tombée  dans  le  leau  pen- 
dant l'opiracion.  La  manière  de  con- 
ferver  le  lait,  de  l'écrémer,  dcc.  fera 
détaillée  au  mot  Laiterie;  &  il  en 
-a  déjà  été  parlé  à  l'article  Bf.urue  , 
■  Fromage  (  P'oye^  ces  mots  ). 

111.  Du  petit-lait  &  des  proce'd-.-'s 
pour  l'obtenir.  On  a  vu  dans  les  ar- 
ticles déjà  cirés,  de  quelle  manière 
on  ("aie  cailler  le  lait  ,  l'oit  avec  la 
préfure,  foit  avec  les  fleurs  du  caille- 
lait,  blan.hcs  ou  jaunes  ,  fv)it  avec 
celles  d'arri.hands ,  de  cardons  d'£f- 
pagne  ,  &c,  ainh  il  eft  inutile  de 
revenir  fur  ces  articles.  Le  petit- lait 
eft  la  partie  féreufe  qui  fe  fépare  du 
lait  lorfqu'il  eft  caillé  ,  &  elle  eft 
plus  o.i  moins  acide  ,  fuivant  la  fubf- 
tance  employée  à  le  taire  cailler  ;  (1 
on  fe  fert  tles  acides  végétaux,  tels 
que  le  vinaigre  ,  la  crcme  de  tartre 
[/'^oyei  ce  mot)  ,  il  conferve  plus 
d'acidité  que  lorfqu'il  eft  tait,  par 
exemple,  avec  les  fleurs. 

Dans  les  grands  atteliers  à  beurre 
&c  à  fromage ,  la  même  opération  qui 
coagule  le  lait,  en  fépare  le  petit-lait; 
mais  pour  les  ufiges  d'une  pharmacie 
ou  de  l'intérieur  d'une  maifon,  quoi- 
que la  pratique  foit  à -peu- près  la 
mjme,  elle  exige  cependant  plus  d'at- 
tentions. Chaque  particulier  luit  un 
procédé  différent  ,  quoique  tendant 
toujours  au  même  but.  Cependant  la 
manière  de  préparer  le  petit- lait  de- 
vroît  varier  fuivant  l'indication  de  la 
maladie  que  l'on  fe  propofe  de  com- 


L  A  I  199 

battre.  Par  exemple  ,  fi  on  fe  fert 
d'un  acide  trop  développé  ,  comme 
celui  du  vinaigre  ou  de  la  crème  de 
tartre,  le  petit -lait  conferve  un 
gain  aigrek-t.  11  en  eft  ainfi  avec  la 
levure  de  bierre ,  &:c.  Ce  petit-lait, 
avec    une    pointe  d'acide  ,  convient 


dans    tous   les   cas   où    il 


y   a  putri- 


dité.  Les  fleurs  du  caille  lait  blanc  ou 
jaune,  communiquent  un  léger  goût 
mielleux,  &  qui  n'efl  pas  dcfagréa- 
ble  :  celles  du  cardon  d'Efpagne  n'en 
donnent  point,  îk  elles  doivent  être 
préférées. 

Choifllfez  le  meilleur  lait  &  de  l'a- 
nimal le  plus  la;n  ,  faites  le  un  peu 
chauffer,  &  verlez  enfuite  une  infu- 
fion  de  lîrur  de  cardon  d'Efpagne. 
Lorlque  le  lait  fera  coagulé,  placez-le 
fur  une  étaminc  ,  afin  de  le  lailfer 
égoiuter.  Ce  qui  a  coulé  e  11:  le  petit- lait, 
&  demande  à  être  clarifié-  A  cet  effet  y 
prenez  des  blancs  d'œufs ,  fouettez- 
les  avec  le  petit  lait,  laillcz  repofer, 
filtrez  quand  il  fera  clair ,  «Se  limpide 
comme  l'eau.  On  obtient ,  par  ce 
procédé,  une  liqueur  qui  aune  lé- 
gère teinte  jaunâtre,  iSc  qui  a  le  goCic 
de  lait. 

V^oici  un  autre  procédé  :  prenez 
bon  lait  de  vache,  quatre  livres; 
préfure  délayée  dans  une  cuillerée 
d'eau,  demidracme;  mêlez  le  tout 
dans  une  terrine  de  fayance  ,  que 
vous  expoferez  à  une  douce  chaleur 
fur  les  cendres  chaudes  ;  dès  que  le 
lait  fera  coagulé  ,  verfez  -  le  fur  un 
tamis  de  foie  ou  de  crin  ;  recevez 
le  petit-lait  qui  en  découlera,  dans 
un  vaiffeau  de  tavance  ou  de  "tes  ; 
ajourez  fur  chaque  livre  de  petit- 
lait,  un  blanc  d'œuf;  mêlez  exac- 
tement ;  faites  bouillir  le  tout  juf- 
qu'à  ce  que  les  blancs  d'œufs  foienc 
coagulés.  Pendant  le  temps  de  l'ébul- 


2O0  LAI 

licion  ,  jettez-y  crème  de  tartre  pul- 
vérifée  ,  huic  grains  ;  palfez  le  ir.ê- 
lange  à  travers  un  linge  fin  &  pro- 
pre,  fans  exprimer;  filtrez  la  coU- 
ture  à  travers  le  papier  gris,  &  vous 
aurez  le  petit-lait  clarifie. 

Ce  travail  demande  la  propreté  la 
plus  rigoureufe  ,  parce  que  de  toutes 
les  fi.rbftances  ,  le  petit-lait  eft  une 
de  celles  qui  fermentent  le  plus  ailé- 
ment,  &  par  confequent  qui  fe  dé- 
tériorent avec  la  plus  grande  facilité. 
On  doit  donc  chaque  jour  laver  dans 
une  lelîive  faite  de  cendres  ,  tous 
les  vailTeaux  en  bois  deftinés  à  cet 
ufage;  Se  à  plufieurs  reprifes  dans 
l'eau  commune ,  les  vailleaux  en 
verre  ou  en  layance  ,  &  les  tenir  ren- 
verfés,  afin  qu'il  n'y  reile  aucune  hu- 
midité, L'étamine  ou  le  filtre  exige 
les    mêmes  précautions. 

IV.  Des  différentes  qualités  de  lait. 
Celui  de  femme  eft  le  plus  nutritif 
&  le  plus  agréable  de  toutes  les  el- 
pèces  de  lait  ;  il  mérite  la  préfé- 
rence dans  la  plupart  des  maladies 
où  cette  liqueur  eft  recommandée  , 
à  caufe  de  fon  analogie  avec  la  conf- 
titution  de  l'homme.  Il  fe  digère  fa- 
cilement ,  reftaure  promptement  les 
forces  vitales  &  mufculaires  ;  mais 
dans  un  très  grand  nombre  de  mala- 
dies auxquelles  ce  lait  convient,  il  eft 
dangereux  &  très -dangereux  de  faire 
tetter  une  nourrice;  elle  rifque  d'être 
bientôt  attaquée  de  la  rraladie  de 
celui  qui  la  tette.  Cet  inconvénient 
a  fait  recourir  à  plufieurs  autres  laits. 

Le  tau  d'ûnejje  eft  moins  abon- 
dant en  fromage  &  en  beurre ,  que 
celui  de  femme,  &•  il  conrient  une 
plus   grande  quantité  de  petit-lait. 

Le  lait  de  jument  eft  plus  lucre 
que  celui  d'âneffe  :  on  y  trouve  moins 
de  beutie  &:  de  fromage. 


LAI 

Le  lait  de  vache  eft  très -chargé 
de  beurre  &  de  fromage  ,  relarive- 
ment  à  la  quantité  de  petit-lair. 

Le  lait  de  chèvre  fournit  plus  de 
fromage,  moins  de  beurre  &  de  petit- 
lait. 

Le  lait  de  hrehis  contient  plus 
de  fromage ,  moins  de  beurre  &i  de 
petit-lait  que  les  préccdens.  Tel  eft 
en  fubftance  le  réfultat  des  expérien- 
ces faites  par  M.  Vitet ,  célèbre  Mé- 
decin de  Lyon.  Ceux  qui  les  répé- 
teront après  lui,  trouveront  ces  allér- 
tions,  prifes  en  général ,  très-vraies  , 
mais  elles  varieront  fuivant  la  ma- 
nière de  nourrir  les  animaux,  &  fui- 
vant la  qualité  de  l'herbe  qu'on  leur 
donne  ou  qu'elles  pâturenr. 

11  eft  bien  reconnu  aujourd'hui  que 
le  lait  dânefTe  fe  digère  facilement, 
qu'il  ne  fatigue  pas  l'eftomac ,  qu'il 
nourrit  peu  \  c'eft  pourquoi  on  doit 
le  donner  à  plus  grande  dofe  que  les 
autres.  11  calme  fenfiblement  l'irrira- 
tion  des  branches  pulmonaires  ,  & 
tient  le  ventre  libre. 

Le  lait  de  jument  nourrit  davan- 
tage :  il  paroit  produire  le  même 
effet  que  le  précédent. 

Le  lait  de  vache  donne  fouvent 
une  douleur  çravative  aux  eftomacs 
foibles ,  conftipe  &  fe  digère  mal. 
Son  ufage  caule  des  coliques ,  la 
diarrhée ,  &  quelquefois  le  vomilTe- 
ment. 

Le  lait  de  chèvre ,  affez  analo- 
gue à  celui  de  vache  ,  le  fupplée 
dans  les  provinces  où  les  vaches  font 
peu  communes  :  il  en  eft  ainfi  de 
celui  de  brebis. 

Avant  de  parler  du  lait  de  femme  , 
il  eft  important  de  combattre  une 
faulTe  opinion  dans  laquelle  on  eft , 
lorfqiie  le  lait  ne  palfe  pas.  On  dit 
Lp'il    fe  caille  dans    l'eftomac  ,    & 

que 


LAI 

que  de  là  naît  la  difficulté  de  le  di- 
ocrer. 

Le  lait  fe  coagule  en  paffant  dans 
l'ertomac;  c'eft  la   liqueur  gaftnque 
qui  produit  cet  effet  :  c'eft  une   ii- 
queurlégère,tranfparente,ccumeuie, 
favoneufe,   faline^  qui  découle  con- 
tinuellement   des   glandes  de  l'efto- 
mac  ,   &  dont  rufa^e  eft  de  fervir  à 
la    dilTolution    !k   au    mélange    des 
alimeus....  On  trouve  jufque  dans  le 
gofier  des  poulets  une  femblable  li- 
■queur  ,  Se  tous  les  animaux  le  vo- 
miffènt  caillé.  Cette  coagulation  eft 
il  eirentiélle  à  la    digeftion    de    cet 
aliment ,  qu'on  ne  le  trouve  jamais 
que  coagulé  dans  l'eftomac  -,   &  elle 
■eft   fi  prompte,   que   malgré  la  plus 
-grande   célérité   à  ouvrir    le  ventri- 
cule    d'un    animal    vivant  ,    auquel 
■on  vient  de  donner  du  lait,  on   le 
trouve   toujours   coagulé.  C'eft  donc 
à  tort  que  l'on  craint  la  coagulation 
du  lait  dans  l'eftomac,  puifque  cette 
coagulation  eft  àbfolument  eflentielle 
à    la  digeftion.  Pour  la  faciliter ,  on 
donne  du  fucre  avec  le  lait ,  Se ,  fans 
le  favoir,  on  augmente  les   moyens 
<ie  le    faire    coaguler  plus   vite.   Il 
eft  vrai  que  dans   les  eftomacs   foi- 
bles ,  &  qui  ne  peuvent  pas  le  di- 
•gérer,il  fermente  &  s'aigrit  au  point 
qu'il  caufe  des  tranchées  ,   des   dé- 
voiemens  ordinaires  aux  enfans  à  la 
mammelle  ,  &  qu'on  fait  difparoître 
avec   les  alkalis  ou   avec  les   abfor- 
bans.  Le  lait  qui  a  été  coagulé  dans 
l'eftomac ,  fe  diftbut  enfuite  dans  le 
duodénum  ,  s'y  change  en  chyle,  en 
fe    mêlant  avec   les  autres    liqueurs 
digeftivesj  mais  il    y  en  a  toujours 
une  partie  qui  pafte  avec  les  excré- 
-mens ,  fans  être  décompofée.  De-là 
*ient  que  les  femelles  des  animaux 
Tome  VI. 


LAI  201 

qui  allaitent ,  mangent  fi  avidement 
les  excrémens  de  leurs  petits ,  ce 
qu'elles  ceffent  de  faire,  dès  qu'ils 
ont  commencé  à  manger  de  quel- 
qu'autre   aliment  que  du  lait. 

Le  laït  de  femme,  [cet  article  ejl 
de  M.  Amilhon  )  C'eft  la  nourriture 
naturelle  des  enfans.  Il  fe  fépare  du 
fang ,  &  fe  filtre  dans  les  mamel- 
les. Il  mérite  la  préférence  fur  tou- 
tes les  autres  efpèces  de  lait,  comme 
étant  plus  analogue  à  nos  humeurs. 
Il  n'eft  pas  employé  à  la  feule 
nourriture  des  enfans.  Les  hommes 
font  forcés  quelquefois  d'y  avoir  re- 
cours dans  certaines  maladies.  D'a- 
près cette  obfervation  ,  M.  de  La- 
mure,  célèbre  profefteur  de  l'Uni- 
verliré  de  Montpellier,  dit  qu'on  doit 
le  préférer  à  toutes  les  autres  efpèces 
de  lait,  dans  lapthyfie,  la  confomp- 
tion.le  marafme,  &:  dans  les  ulccres 
cancéreux. 

La  meilleure  façon  de  le  donner, 
eft  de  faire  fucer  le  lait ,  immédia- 
tement à  la  mammelle  de  la  femme. 
Si  on  le  falfoit  traire  dans  un  vaif- 
feau,  dans  le  temps  qu'on  mettroic 
à  en  ramaffer  une  fuffifante  quan-  • 
tité,  il  perdroit  &  exhaleroit  plufieurs 
parties  volatiles  qui  font  très-utiles 
aux  malades.  L^ne  infinité  d'obfer- 
vations  prouvent  les  bons  effets  de 
cette  façon  de  prendre  le  lait  de 
femme  dans  des  pthyfies  défefpé- 
rées.  Ce  lait  fe  donne  ordinaire- 
ment deux  fois  par  jour.  Le  malade 
peut  le  prendre  pour  toute  nourri- 
ture ;  il  eft  quelquefois  employé 
à  l'extérieur,  comme  remède  adou- 
ciffant ,  &  on  s'en  fert  affez  fou- 
vent  pour  calmer  les  douleurs  aux 
dents  &  aux  oreilles.  Le  lait  de  fem- 
me ,  pour  être  bon ,  doir  être  blanc , 

Ce 


zoz  LAI 

ôi  avoir  un  goût  doux  Se  fucré  ;  il 
ne  doit  être  ni  trop  aqueux  ,  ni 
trop  épais,  il  doit  avoir  une  certaine 
confiftance  ,  ou  ,  pour  mieux  dire , 
une  ceiTaine  crade.  Pour  qu'il  ait 
toutes  ces  qualités ,  on  doir  fe  pro- 
curer une  bonne  nourrice,  {  l'^oyc^  ce 
mot  ) 

Le  lait  des  animaux  peut  rempla- 
cer celui  des  femmes  dans  prelque 
toutes  les  circonftances,  &  fur-tout 
pour  la  nourriture  des  enfans.  Mais 
la  manière  d'élever  les  enfans  en 
France ,  ôc  de  les  nourrir  de  lait  de 
femme  ,  eft  fi  générale  ,  qu'elle  for- 
me dans  les  efprits-  un  préjugé  qui 
les  porre  à  fe  révolrer  contre  la  pro- 
pofition  de  s'en  palier,  &  de  leur 
faire  ufer  du  lait  de  vache  ou  de 
chèvre. 

L'exemple  de  tous  les  pays  du  nord, 
où  les  .entans  font  nourris  avec  du 
lait  de  vaches ,  quelques  exemples 
particuliers  qu'on  a  eu  en  France  de 
cette  nourriture  ,  doivent  raffurer 
fur  une  méthode  qui  effraie  d'abord, 
&c  qui ,  bien  combinée  par  les  exem- 
ples Si  les  avantages  qui  en  réful- 
tent ,  fera  adoptée  par  les  perfonnes 
capables  de  réflexion. 

En  Ruflie  &  en  Mofcovie  tous 
les  enfans  font  nourris  avec  du  lait 
de  vache  ,  tant  ceux  des  princes  que 
ceux  du  peuple.  L'ufage  de  nourrir 
les  enfans  avec  le  lait  de  femme  , 
y  eft  pour  ainfi  dire  inconnu  ;  les 
hommes  y  font  forts  &:  robuftes  j  ils 
y  vivent  longtemps ,  &:  foutiennent 
très-bien  les  fatigues  du  travail  & 
celles  de  la   guerre. 

Perfonne  n'ignore  le  fameux  exem- 
ple d'une  chèvre ,  dont  L'inftin(ft  la 
conduifoit  tous  les  jours  à  différen- 


L  A  I 

tes  heures  au  berceau  d'un  enfant 
pour  l'a'aiter,  <Sc  l'enfant  fuçoit  avec 
avidité  le  lait  que  cet  animal  lui 
fournilfoit.  La  nature,  en  donnant 
du  lait  aux  femelks  des  animaux , 
ne  l'a  pas  réfervé  feulement  pour 
leurs  petits ,  elle  a  voulu  encore  don- 
ner aux  hommes  un  fecours  dans  les 
befoins  les  plus  urgens. 

Pourquoi  n'en  profiteroit-on  pas?- 
M  faut  cependant  convenir  que  le 
lait  de  la  mèie  doit  être  la  nour- 
riture la  plus  analogue  au  tempéra- 
ment &  à  la  foiblcfie  de  l'enfant. 

En  convenant  de  ces  principes  , 
on  doit  avouer  aurtl  qu'ils  ne  font 
pas  fuivis  en  France.  On  y  élève  , 
il  eft  vrai  ,  les  enfans  avec  du  Lit 
de  femme;  mais  ce  font  des  fem- 
mes étrangères  ,  des  nourrices  mer- 
cenaires ,  dont  le  tempérament  ne 
fe  rapporte  aucunement  à  celui  de 
l'enfant. 

On  devroit  adopter  ce  fyftème  : 
il  tariroit  une  fourceinépuifable  d'in- 
convéniens  auxquels  les  enfans  font 
expofés.  Nourris  d'un  lait  pur  en  lui- 
même  ,  ils  deviendroient  forts  & 
robuftes  ;  ils  ne  participeroient  ni  aux 
vices  du  tempérament,  ni  à  ctux 
du  caraûère  qu'ils  fucent  avec  le 
lait  des  nourrices.  Les  maladies  du 
corps  5  les  pallions  de  l'ame  ,  tout 
palTe  dans  le  fang;  &  le  lait  qui 
en  eft  la  partie  la  plus  eflentielle, 
eft  reçu  par  l'enfant,  qui  reçoit  en 
même  temps  le  germe  des  infirmités 
&  des  partions  de  fa  nourrice. 

Parmi  les  gens  du  peuple  &  ceux 
de  la  campagne,  dont  l'intérêt  eft  la 
mefure  &  la  règle  de  leur  conduite, 
la  même  nourrice  allaite  fouvent 
plufieurs  enfans  :  elle  commence  par 
le  fien;  mais  bientôt  entraînée  par 


L  A  I 

l'appât  du  gain  ,  elle  fe  perfuade  que 
{on  eiitaiK  eft  en  état  d'être  fevrc  ; 
elle  le  prive  de  fon  lait ,  qui  lui 
feroit  encore  néceflaire,  pour  le  ven- 
dre à  un  étranger.  Cet  infortuné 
devient  foible  ,  languilfant  &  fuc- 
combe;  mais  elle  n'impute  point  à 
fa  cupidité  la  perte  de  Ion  enfant  , 
qui  tout  au  moins  auroit  traîne  une 
vie  foible  &  languilfante  ,  s'il  ciiz 
furvécu. 

L'intîdclité  des  nourrices,  qui  ne 
veulent  pomt  découvrir  leur  état,  dans 
Ja  crainte  de  perdre  le  falaire  qu'elles 
tirent  de  la  nourriture  d'un  autre 
enfant,  eft  un  des  inconvcniens  qui 
demandent  l'attention  la  plus  fcrieufe 
Se  la  plus  rértcchie.  Si  elles  devien- 
nent enceintes,  elles  perdent  le  lait, 
ou  la  qualité  en  eft  altérée.  Il  en  eft 
de  même  fi  elles  tombent  malades, 
elles  donnent  à  l'enfant  un  lait  per- 
nicieux ,  ou  fans  ufer  de  prudence"  & 
de  circonfpeftion,  elles  le  remettent 
Se  le  confient  à  une  voilmeoftîcieufe, 
pour  le  nourrir,  en  attendant  une 
ptompte  guérilon. 

On  doit  encore  compter  pour  beau- 
coup le  rifque  que  court  l'enfant, 
fi  la  nourrice  a  été  dérangée  dans  fa 
conduite,  ou  Ci  fon  mari  a  vécu  ou 
vit  encore  dans  la  débauche.  L'u- 
fage  du  laie  de  chèvre  ou  de  va- 
che remédie  à  tout ,  &  n'a  d'autre 
inconvénient  que  celui  du  préjugé  , 
iju'on  nomme  ,  avec  juftice  ,  l'çn- 
nenii  de  la  faine  raifon.   M.  AMI. 

Toutes  les  efpèces  de  lait  dont 
on  vient  de  parler  ,  produifcnt  de 
bons  effets  dans  les  différentes  efpè- 
ces de  toux ,  dans  les  différentes  hé- 
mophtyfies  &  pthyfies  ;  mais  leur 
iifage  ell:  dangereux  aux  perfonnes 
attaquées  de  la  fièvte  ,  de  maux  de 


I  A  I  205 

tète  ;  dont  le  foie  ,  la  rate  ou  le 
méfentère  font  obffrués  j  dont  les 
hypocondres  four  tuméfiés  j  à  celles 
qui  font  tourmentées  de  la  foif  fé- 
brile, atïeélées  d'une  maladie  aigiie  , 
infiammatoire  ,  ou  d'une  violente  hé- 
morragie, de  la  diarrhée,  de  la  difien-  - 
tetie;  aux  fcorbutiques,  aux  véroles, 
aux  ftrophuleux  ,  aux  afthmatiques  , 
aux  pituiteux  &  aux  mélancoliques. 

Le  petit-lait  rafFraîchit,  poulfe  par 
les  urines,  rarement  par  les  felles  : 
quelquefois  il  affoiblit  l'eftomac,  Sc 
le  rend  moins  propre  à  la  digeftion.  Il 
tempère  la  chaleur  excelTive  de  la  poi- 
trine, il  calme  la  foif  dans  la  fièvre  ar- 
dente &  dans  la  fièvre  inflammatoire , 
lorfque  les  premières  voies  ne  con- 
tiennent point  d'humeur  acide.  Il 
diminue  la  chaleur  &  la  douleur 
qui  accompagnent  les  maladies  in- 
flammatoires des  voies  urinaircs.  Il 
eft  même  préférable  aux  émul fions 
dans  ce  dernier  genre  de  maladies. 
Il  eft:  encore  crès-utile  dans  le  fcor- 
but ,  la  vérole  ,  le  cancer  oculte  8c 
la  difpofition  aux  maladies  fopo-  . 
reufes. 

V.  Du  fel  ou  du  fucre  de  lait. 
Cette  dernière  dénomination  lui  ell: 
donnée  à  caufe  de  fon  goût  doux  , 
agréable  Sc  fucré.  Ce  n'eft  point  dans 
la  boutique  des  apothicaires  qu'on 
le  prépare,  mais  fur  les  hautes  mon- 
tagnes de  Sullfe ,  de  Franche-Comté  , 
de  Lorraine  ,  &c.  c'eft  l'ouvrage 
des  pâtres ,  Sc  leur  manipulation  a. 
été  pendant  long  -  temps  un  fecrer. 
11  y  a  environ  quarante  ans  que, pour 
la  première  fois ,  on  ne  parloir  à  Pa- 
ris que  du  fucre  de  lair.  11  étoit  forr 
cher  ,  Se  il  eut  une  vogue  prodi- 
gieufe.  M.  Prince  ,  apothicaire  de 
Berne,  en  étoit  le  grand  promoteur  j 
maisl'enthoufiafme  diminua  bientôt, 
C  c  i 


204             LAI  LAI 

des  que  le  nombre  des  fabrîcareurs  l'eau  très-pure ,  il  y  ajontoit  de  la 
eut  augmenté.  crème  de  tartre  ,  de  faifoir  évaporen 
Après  avoir  retiré  du    lait  toutes  lentement  jufqu'à  pellicule.  Au  fond 
les  parties   propres  au    fromage  ,  il  de   la  chaudière   étoit    un   fédimenc 
refte  le  petit-lait^   &  dans  ce  petit-  blanc,  qu'on  enlevoit  &  qu'on  cou- 
lait, le  fera  o\x  feret   eu:  encore    fé-  poic   en  tablettes^  mais  il  fiut  que 
paré,  de  forte  qu'il  ne  refte  plus  que  la  liqueur    foit   tenue  dans  un  lieii 
le  petit  lait  proprement  dit,  que  l'on  frais  pendant  fix.  femaines  ou  deux 
donneauxcochonsj  ou  que  l'on  jette,  mois,  afin  que  la  cryftallifation  s'o- 
à   moins  qu'on  ne  veuille  en  retirer  père.  Ce  fucre  de  lait  vaut  24  fols 
le  fel.  Dans  ce  cas,  on  jette  le  petit-  la  livre  de  Suilfe,  un  peu  plus  forts 
lait    dans   un    vaiffeau ,  on    le   fait  que  celle   du  poids  de  marc, 
bouillir  à  petit  feu,  jufqu'à  ce  qu'il  Toute  cette  opération   peut  être 
foit  évaporé  au  moins  aux  trois  quarts,  fimplitiée  ^  il  fuffit  de  ne    pas  faire 
On  porte  le  tout  dans  un  lieu  frais  ,  évaporer  jufq^ii'à  liccité,  alin  que  les 
&:   tout  autour  dii  vafe  j  il  fe  forme  parties    falines  ou   fucrées  ne  foient 
des    cryftaux.    On  verfe   doucement  pas  calcinées  dans  le  fond  de  la  chau- 
&  pat  inclinaifon  l'eau  reftante  ;  &  diète.  Lorfqu'on  a  retiré  les  premiers 
lorfque    les    cryftaux    font  tirés    du  cryftaux,  ilfautlesfairedilloudredans 
vafe,  on  les  met  fécher  fur  du  papier  de  l'eau  de  rivière  ,  &  recommencer 
gris  j  enfin  on  les  conferve  dans  des  l'évaporation  jufqu'à  pellicule  j  fi  une 
boëtes.  Si  l'cvaporation    a  été  trop  fois  ne  fuflit  pas,  on  procède  à  une  fe- 
forte  ,  les  cryftaux  font  beaucoup  plus  conde  &:  même  à  une  troiûème  j  lorlr 
colorés  que    lorfqu'elle  a   été  lente,  que  ce  fcl  eft  fuSilamment  blanc,  on 
Cette  première  opération  ne  fuflit  pas  le  fait  fécher  à.  l'étuve ,  &  on  le  cou- 
peur les  rendre  parfaitement  blancs  &:  ferve  dans  des  boëtes  garnies  de  pa- 
purs  ;  il   en  faut  une  féconde  ,  dont  pier  blanc  :  cent-vingt  livres  de  cryf- 
on  parlera  ci-après.  Les  montagnards  taux  jaunes  fe  réduifent  à  vingt  livres 
de  l'Emmenthal  en  Suifte  ,  font  éva-  de  cryftaux  blancs  &  commerçables. 
porer  jufqu'à  ficcité,    &  il  refte  au  Le  fel  ou  fucre,   ou  fel  eflentief 
fond    de  la    chaudière    une    poudre  du  lait  ,  ne   produit  pas   les  mêmes 
brune;   ils  portent  cette  poudre  aux  effets   que   le  petit-liiit,  à  quelque 
apodiicaires  des   villes   voifmes ,   &  dofe  &  de  quelque  manière  qu'il  foie 
la  leur   vendent   fix  liards   la  livre,  prefcrit.  Dans  le  temps  de  l'ènthou- 
Le  fameux   Michel  SJiuppak  ,    plus  fiafme  pour  cette  nouveauté,  on  le 
connu   fous  le   nom  de   Micheli   ou  regardoit  comme  un  grand  remède 
Mcdecin   de  la  montagne  ^  non  loin  dans  les  maladies  pulmonaires,  can- 
de  Berne,  traité  de  charlatan  infigne  céreufes,  dans  la  goutte,  enfin  dans 
par  les  uns ,  &  de  Médecin  par  ex-  toutes  les  maladies  où  il  falloit  cor- 
cellence  par  les  autres,  préparoit  cette  riger  l'acrimonie  &:   renouveller  les 
poudre  brune,  &  la  réduifoit  en  un  pùncipes   du    fang.   Ce   remède  ,  It 
vrai  fucre  de  lait  ou  en  tablettes.  11  prôné,  a  eu  le  fort  de  beaucoup  d'au- 
expofoit  CÇ.X.XQ  poudre  brune  à  l'air,  très  :  on  le  prefcritdepuis  une  drachme 
&  la  faifoir  blanchir  à  la  rofée ,  il  jufqu'à  demi-once,  en  foiurion  dans 
la  faifoir  dilToudre  eiifuice  dans  de  huit  onces  d'eau,  ou  bien  ou  le  mange 


L  A  î 

en  tablette-,  il  eft  peu  foluble  dans 
la  bouche. 

Lait  des  plantes.  Le  figuier, 
les  tithymales ,  les  laitues ,  &C. ,  lors- 
qu'on fcpare  les  feuilles  de  la  tige, 
ou  loiTque  l'on  coupe  la  tige  ,  laif- 
feut  fuinter  une  liqueur  blanche  , 
femblable,  pour  la  couleur  l?c  pour  la 
conliftance ,  au  lait  des  animaux  -,  d'au- 
tres plantes  fournifTent  un  lait  jau- 
ne,  ^'c. ;  en  général,  ces  efpcces  de 
lait  font  acres  &  cauftiques. 

LAITERIE.  Lieu  defiiné  à  len- 
fermér  le  lait  des  vaches,  des  chèvres, 
des  brebis  ,  &c. ,  où  l'on  fut  la 
crème,  le  beurre,  les  fromages ,  &c. 

Dans  les  pays  où  l'on  fait  beau- 
coup de  beurre  Se  de  fromage  ,  le 
choix  de  l'emplacement  d'une  bon- 
ne laiterie  eft  au(Ti  important  que 
celui  d'une  bonne  cavi:  (  Foye'^  ce 
mot)  dans  les  grands  pays  de  vigno- 
bles pour  y  conferver  le  vinj  fans 
l'une  &  l'autre ,  on  ne  peut  efpcrer 
aucune  perfeftion  dans  ces  deux  gen- 
res. C'efl:  à  la  quahté  du  local  de  la 
laiterie  que  font  dues  les  qualités 
fi  différentes  des  crèmes  renommées 
de  Blois  ,  des  petits  fromages  d'An- 
gelot en  Normandie ,  de  Roquefort 
fur  les  confins  du  Rouersue  Se  du  Lan- 
guedoc  ,  de  Sallenage  ,  &c.  (  ^oye^ 
ce  qui  a  été  dit  en  parlant  de  ces 
fromages  ,  ôc  à.  l'article  Beurre.  ) 
Il  eft  démontré  que  la  meilleure  lai- 
terie eft  celle  où  les  variations  de 
l'atmolphère  font  peu  fenlrbles  ;  ce 
n'eft  pas  tout ,  la  laiterie  doit  être 
éloignée  de  tout  fumier,  de  tout  en- 
droit infeéle,  &  tenue  dans  la  plus 
rigoureufe  propreté. 

On  aura  rarement  une  boniie  lai- 
terie li  on  la  place  au  niveau  du  fol> 


LAI  Ï05 

Ci  la  porte  par  laquelle  on  y  entre 
donne  à  l'extérieur;  fi  l'eau  néceiïaire 
au  lavage ,  ou  l'eau  des  laits  n'a  pas 
un  endroit  pour  s'écouler  au  loin,  ou 
dans  un  puits  perdu,  ou  puifard  ,  Sc 
fur-tout  fi  cepuifatd  exhale  une  mau- 
vaife  odeut. 

Tout  ouvrage  en  bois ,  &:  même  les 
vaifTeaux  de  bois ,  doivent  être  bannis 
du  fervice  de  la  laiterie;  on  a  beau 
les  laver  avec  foin ,  ils  contradtent  à. 
la  longue  une  odeur  aigre  qui  fe 
communique  au  lait.  Il  eft  important 
que  des  fabots,  ou  telles  autres  chauf- 
fures  à  femelles  en  bois,  foient auprès 
de  la  poite  d'entiée  en  nombre  pio- 
poitionné  à  celui  des  perfonnes  em- 
ployées au  fervice  de  la  laiterie;  elles 
doivent  quitter  ces  chaulfures  en  for- 
tant ,  &  prendre  celles  qu'elles  avoienc 
auparavant. 

Une  bonne  laiterie  doit  être  fouter- 
raine,  voûtée,  carrelée  avec  un  niveau 
de  pente  deftiné  à  l'écoulement  des 
eaux.  Quelques  foupiraux ,  dirigés 
vers  le  nord,  ferviront  à  établir  un 
courant  d'air  frais ,  qui  dillipera  l'hu- 
midité. Ces  foupitanx  feront  fermés 
pendant  les  grandes  gelées,  pendant 
les  grandes  chaleurs,  tant  que  le  foleil 
eft  fur  l'horifon  ,  &  fur-  tout  lorfque 
l'on  craint  quelqu'orage.  Il  eft  inutile 
de  dite  que  le  pavé  doit  être  balayé 
autant  de  fois  par  jour  que  le  befoin 
l'exigera,  qu'on  ne  doit  laifter  aucune 
ordure  fe  former  dans  les  foupiraux, 
contre  les  murs ,  contre  la  voûte ,  6cc. , 
en  un  mot  qu'il  faut  la  plus  fcriipuleufe 
propreté.  Tout  autour  de  la  laiterie 
feront  conftruites  des  banquettes  ea 
maçonneiie  ,  &  recouveites  par  des- 
dales  ou  pierres  platces  polies ,  ou  de 
grands  carreaux  ,  le  tout  jointe  exac- 
tement, &  chaque  joint  revêtu  de 
ciment,  afin  que  le  coup  de.  balai  ea 


zo<;  LAI 

enlève  fans  peine  jiifqu'l  la  plus  lé- 
gère malpropreté.  Que  de  leifteurs 
traiteiont  de  minuties  ces  précau- 
tions, cette  continuité  de  vigilance 
&  de  foins  î  Je  leur  répondiai  :  la 
coutume  une  fois  bien  établie  dans 
l'intérieur  de  votre  métairie,  fe  con- 
tinuera fans  peine  fi  vous  veillez  à 
fon  exécution.  Si  le  propriétaire  com- 
pare enfuite  la  crème,  le  beurre,  le 
fromage  qu'il  fabriquera  dans  une 
bonne  laiterie,  avec  la  qualité  des  pro- 
duits qu'il  retiroit  auparavant,  il  lera 
forcé  de  convenir  que  la  perteélion 
tient  à  de  très-petits  détails,  êc  qui 
ne  fout  ni  plus  coûteux  ,  ni  plus 
gènans  que  ceux  qu'ils  remplacent. 
Li  meilleure  laiterie,  je  le  répète, 
eu.  celle  qui  efl:  fraîche  fans  être 
humide  ,  celle  où  la  température  de 
l'air  varie  le  moins,  enfin  celle  qui 
eft  moins  fujette  aux  imprelîîons 
fuccellives  de  pelanteur  ou  de  légè- 
reté de  l'atmofphère.  J'ai  dit  plus 
haut  qu'on  devoir  profcrire  l'ufige 
des  vaiifeaux  de  bois  deftinés  à  conte- 
nir le  lait  :  cette  profcription  eft  jufte, 
mais  trop  générale,  parce  que  dans 
beaucoup  de  nos  provinces,  il  n'eftpas 
facile  de  fe  procurer  des  vailfeaux  de 
faïence  ou  de  rerre  vernlifée  \  lorf- 
qu'on  le  peut,  on  doit  les  préférer  à 
tous  égards  ;  ils  ne  s'imprégnenc  pas, 
comme  le  bois ,  de  l'odeur  aigre ,  &  il 
eft  plus  facile  de  les  laver  &  de  les 
tenir  propres  :  fraîcheur  Se  propreté 
recherchées ,  font  les  deux  grands  con- 
fervateurs  du  lair,  de  la  crème,  du 
beurre  &  du  fromage.  Le  nombre  des 
terrines  ou  vailTeaux  de  terre  ver- 
nilféejdoit  ètreproporrionné  aux  be- 
foins  du  fervice  journalier  ,  &  il  con- 
vient d'avoir  plulieurs  terrines  de  ré- 
ferve,ahn  de  fuppléer  celles  que  l'on 
cafle ,  ou  dont  le  vernis  fe  détache. 


L  A  I 

Lorfiue  l'argile  cuite  ,  qui  fait  le 
corps  de  ces  vaiifeaux  ,  fe  trouve  à 
nud  ,  car  le  vernis  n'en  eft  que  la 
couverte  rrès- mince,  elle  s'imprègne 
d'un  goût  &  d'une  odeur  a  igre,&  dans 
cet  état  elle  vaut  moins  que  les  vaif- 
feai:x  de  bois. 

Quelques   auteurs   ont    confeillé 
l'ufage  des  vailfeaux  d'étaim   ou   de 
plomb  ,  comme   moins  difpendieux 
que  les  premiers.  A  p.irité,ils  ieront 
plus  chers  que  des  vailfeaux  de  terre 
vernilfésj  mais  comme  ils  dureront 
beaucoup  plus,  à  la  longue  la  parité 
de  dépenfe  deviendra  égale.  Je  regarde 
cependant  l'ufage    des   vailfeaux    de 
plomb  &  d'éraim  comme  dangereux, 
&:  bien  plus  encore  celui  des  vailfeaux 
en  cuivre.  On  fait  que  le  lait  contient 
un  acide,  mafqué,à  la  vérité,  quand 
il  eftnouvellement  tiré  j  que  cet  acide 
fe    manifefte  aifément  ,  &    qu'il  eft 
ttès-fenlible  dans    le  petit-lait.  Cet 
acide  agit  fur  le  plomb  &  fur  le  perit- 
lait   ,    change  en   chaux   les   parties 
qu'il  corrode  \  enfin  ,  l'expérience  a 
prouvé  combien  cette  chaux  étoit  dan- 
gereufe  j  comment  elle  occafionnoit 
la   terrible   maladie  appellée  colique 
d^s  peintres.  On  dira  que  cette  chaux 
eft  un  inhnimenr  périt  j  mais   rous 
ces  infiniment    petits   accumulés  de 
jour  en  jour  dans  le  corps,  forment 
une  ma  (Te  qui  produit  des   effets  fu- 
neftes    &  certains   ,    quoique  lents. 
Une   chétive  économie  l'emporte  ici 
fur  la  fantéiSc  fur  la  vie  des  ciroyens. 
Quanr  au  cuivre  ,  il  eft  inutile  d'in- 
fifter  fut  cet  article  ;  perfonne  n'ignore 
avec  quelle  facilité  il  fe  convertit  en 
verd-de-gris.  Se  combien  il  eft  dan- 
gereux.  Les  vailTeaux  d'une  laiterie 
doivenr  être  larges  &  peu  profonds  j 
on  retire  une  plus  grande  quanriré  de 
crème  de  ceux-ci ,  que  lorfqu'ils  onc 


V 


L  A  I 

plus  de  profondeur  :  c'efl:  un  point  de 
tm  flicile  à  vériher. 

Après  avoir  pafTé  par  le  tamis ,  ou 
par  un  linge  ferié  ,  le  lait  qu'on  vient 
de  traire  ,  on  le  porte  à  la  laiterie, 
pour  le  vuiJer  dans  les  terrines  pla- 
cées lut  les  hauteurs  d'appui  dont 
on  a  parlé,  ou  par- terre  fur  le  fol 
carrelé.  Le  peu  de  profondeur  du 
vaifleau  lui  fera  perdre  plus  facile- 
ment la  chaleur  qui  lui  aura  été 
communiquée  par  le  lart  ,  £>:  la 
crème  montera  plus  vite.  L'afuerî- 
fîon  de  la  crème  dépend  de  la  f.iifon 
&  du  climat  :  huit  à  drx  heures  lui 
fufïîfent  ordinairement.  Si  on  la  lève 
trop  tôt  ,  on  en  perd  beaucoup  qui 
refte  mêlée  avec  le  lait;  trop  tard, 
elle  commence  à  travailler  ,  &  le 
beurre  en  efE  moins  bon  j  &  plus 
fort  au  goût.  Plus  la  crème  eft  nou- 
velle, meilleur  eft  le  beurre.  (  Foye^ 
ce  qui  a  été  dit  au  mot  Beurre,  fur 
la  manière  de  le  faire.  ) 

LAlTRON    DOUX      ou      ÉPINEUX. 

{[  f^oye:;^  planche  IV  ^  f^ë^  '^-  ) 
Tournefort  le  place  dans  la  première 
fcétion  de  la  treizième  clalle  des 
herbes  à  fleurs  à  demi-fleurons,  dont 
les  femences  font  aigretées  ,  &  l'ap- 
pelle fonchus  /itvis  j  lacïniatus  j  la- 
tifolius.  Von  Linné  le  nomme  fon- 
chus oleraccus  ,  &  le  clafle  dans  la 
fîngérréfie  polygamie  égale. 

Fleur  à  demi-fleurons ,  ordinaire- 
ment jaunes  ,  quelques  fois  blancs  , 
hermaphrodites.  B  repréfente  le  demi- 
fleuron  ;  C  ,  le  filet  qui  fort  du  demi» 
fleuron  ^  D  ,  le  fruit  fur  lequel  il 
porte  j  E  ,  le  placenta  montré  .à  dé- 
couvert dans  le  calice  fur  lequel  il 
porte.  Les  écailles  du  calice  font  li- 
néaires ,  inégales  ,  lifles  &  placées 


L  A  I 


107 


en   recouvremer.t   les    unes   fur   les 
aunes. 

Fruit.  Semences  folitaires,  un  peu 
oblongues ,  couronnées  d'une  aigiette 
fimple  \   le   réceptacle   eft  nud. 

FeuUle.  Sans  pétiole  ,  embralTanc 
la  tige  par  la  bafe,  plus  large  que  le 
refte  de  la  feuille  ,  terminée  en  pointe  y, 
&  qui  eft  plus  ou  moins  découpée,, 
&:  épineufe  fuivant   les  variétés. 

Racine  A.  grêle,  longue,  hbreufe», 
blanche. 

Port.  Tige  creufe  ,  haute  d'un  à 
deux  pieds  ,  cannelée  ,  rameufe  ,. 
pleine  d'un  fuc  laiteux  &  blanc;  les 
fleurs  naiftent  au  fommet ,  foutenues 
d'un  péduncule  velu  ;  les  feuilles  al- 
ternativement placées  fur  les  tiges^ 

Lieux.  7  rès  commun  dans  les  fols 
cultivés  ,  dans  les  bons  terreins  ,  le 
long  des  chemins  ;  la  plante  eft  an- 
nuelle ,  (Je  fleurir  pendant  tout  l'été. 
Lorfque  la  plante  végète  dans  un  fol 
riche  &  travaillé,  elle  perd  fes  épines. 

Propriétés.  Cette  plante  a  un  goûc 
amer.  Elle  eft  raftraîchiffante  ,  apé- 
ritive  ,  adoucilfante.  Son  plus  grand 
ufage  eft  en  décodion  pour  les  ca- 
taplafmes.  Comme  elle  devient  pa- 
rafue  dans  nos  champs  ,  qu'elle  s'y 
multiplie  beaucoup  ,  il  faut  l'arra- 
cher &  la  détruire,  fcparer  la  partie 
fijpérieure  de  celle  qui  eft  terreufe , 
6:  la  porter  dans  le  latelierdes  bœufs , 
des  vaches  ,  des  cochons.  C'eft  une 
très-bonne  nouruture  pour  ces  ani- 
maux. Quelques  auteurs  ont  piétendu: 
que  l'infiifion  ou  la  détoétion  de 
cette  plante  augmentoic  le  lait  des- 
nourrices ,  mais  c'eft  une  erreur. 

LAITUE  SAUVAGE.  (  Voye-^  plar:- 
che  IV 3  page  izi.  )  Tournefort  &. 
Von  Linné  la  placent  dans  la  même; 
claiïe  que  la  plante  précédente.    Le; 


îoS  LAI 

premier  la  nomme  laciuca  Jîlvejlrls 
cofla  fpïnofa  ,  &  le  fécond  lacluca. 
virofa. 

Fleur  B.  Offre  un  des  demi- fleu- 
rons dont  la  fleur  rorale  eftcompofc-e. 
Ces  demi  -  fleurons  hermaphrodites 
repofent  fur  un  réceptacle  nud  ,  au 
tond  d'une  enveloppe  commune  , 
repréfentée  en  D.  Le  piftil  C  oc- 
cupe le  centre  du  tube  ^  il  eft  com- 
pofé  d'un  ovaire  ,  d'un  ftile ,  dont 
la  longueur  égaie  celle  du  tube  , 
comme  on  le  voit  en  B,  &  de  deux 
ftigmates    recourbés  en  arc. 

Fruit  £.  Succède  à  chaque  demi- 
fleuron  j  l'aigrette  qui  le  couronne 
eft  foutenue  par  un  pédicule  allez 
long,  qui  adhère  à  la  femence,  fans 
faire  corps  avec  elle.  Les  femences 
F  font  reprélentées  dépouillées  de 
leurs  aigrettes  j  elles  font  ovales  , 
comprimées   &  pointues. 

Feuilles.  Oblongues ,  étroites ,  gar- 
aiies  de  poils ,  armées  d'épines  le  long 
de  leur  côte  qui  eft  blanchâtre.  11  y  a 
une  variété,  à  feuilles  très-découpées. 

Racine  A.  Plus  courte  ,  plus  pe- 
tite que  celle  des  laitues  cultivées. 

Port.  Tige  rameufe ,  blanchâtre, 
plus  grêle  ,  plus  sèche  que  celle  de 
la  laitue  cultivée  ,  fouvent  épineufe  ; 
les  fleurs  fontraflemblées  aufommet, 
&:  les  feuilles  alternativement  placées 
fur  les  nges. 

Lieu.  Le  bord  des  chemins  ,  les 
murailles j  fleurit  en  mai  ou  juin, 
fuivant  les  climats.  La  plante  eft  an- 
jiuelle. 

Propriété'.  Elle  eft  très-Iaiteufe ,  un 
peu  amère ,  plus  apéritive  &  plus  dé- 
terfive  que  la  laitue  cultivée,  &  fes 
propriétés  font  les  mêmes.  Je  vais 
îes  décf  ire ,  afin  de  ne  pas  y  revenir  lorf- 
que  je  traiterai  des  laitues  cultivées. 
J^s  feuilles  appaifeni  la  foif  fébrile. 


L  A  I 

dit  M.  Vîtet,  la  foif  occafionnée  par 
de  violens  exercices  j  elles  tempèrent 
la  chaleur  de  tout  le  corps ,  particu- 
lièrement des  inteftins,  des  voies  uri- 
naires  (?>;•  des  ardeurs  d'urine.  Les 
feuilles  apprêtées  en  falade  ,  offrent 
une  nourriture  agréable,  raffraichif- 
fmte  &L  capable  de  s'oppofer  à  la  ten- 
dance des  humeurs  vers  la  putridité. 
Les  cataplafmes  de  laitues  cuites  font 
très-èmolliens.  L'eau  diftillée  de  la 
plante,  que  l'on  conferve  &  que  l'on 
vend  dans  les  boutiques  ,  n'a  pas 
plus  d'efficacité  que  l'eau  fimple  de 
rivière  ou  de  fontaine. 

Un  métayer  économe  fait  raffem- 
bler  avec  foin  les  feuilles  de  laitues 
qu'on  enlève  ,  en  nettoyant  la  plante 
deftmée  à  devenir  fon  aliment  &  celui 
des  valets  de  la  métairie.  Il  arrofe  ces 
feuilles  avec  un  peu  de  vinaigre,  les 
faupoudre  légèrement  de  fel ,  &  les 
donne,  pendant  les  grandes  chaleurs, 
à  fes  bœufs  &  à  fes  chevaux  qui  en 
font  ttès-friands.  11  peut  encore  y 
ajouter  de  l'huile  ;  cette  préparation 
réveille  l'appétir  de  ces  animaux,  les 
lafFraîchit  &  prévient  la  putridité, 

CHAPITRE    PREMIER. 

Des  laitues  cultivées. 

Le  nombre  des  variétés  de  cette 
plante  eft  prodigieux  &  s'accroît 
chaque  jour  ,  parce  que  les  laitues 
ne  lonr  point  des  efpèces  premières, 
mais  des  efpèces  jardinières,  (  Voye-:ç^ 
ce  mot  )  fufceptibles  de  perfection 
ou  de  détérioration  ,  fuivant  le  cli- 
mat ,  le  fol  &  la  culture  qu'on  leur 
donne.  La  plus  grande  partie  eft 
compofée  d'eipèces  hybrides.  (  Foye:^^ 
ce  mot  ,  )  &  leur  mélange  tient 
à  d'autres  mélanges  antérieurs  des 
éuimines,  (  Foye:^  ce  mot.  )  Ainfi  , 

plus 


L  A  I 

pins  on  ira  &  plus  on  multipliera 
encore  les  efpèces  jardinières  ,  fur- 
tour  Il  on  n'a  pas  le  plus  grand  foin 
de  planter  à  part,  ôc  dans  des  planches 
éloignées  ,. chaque  efpèce  jardinière. 
Je  crois  c]Lie  l'on  pourroit  avancer, 
fans  commettre  une  hcréfie  botani- 
que ,  que  la  laitue  fauvage  eft  le 
type  premier  des  laitues  cultivées, 
6c  qu'elle  doivent  leur  perteélion 
fimplement  à  la  culture.  Les  bota- 
niftes  ,  Von  Linné  ,  par  exemple, 
qui  eft  celui  qui  a  réduit  les  efpèces 
à  un  plus  petit  nombre,  diftingue  la 
laitue  cultivée  par  fes  feuilles  arron- 
dies ,  &  par  fes  Beurs  dilpofées  en 
corymbe  ,  tandis  que  celles  de  la 
laitue  fauvage  font  pointues  &c  pref- 
que  placées  horifontalement.  Je  de- 
mande fi  ces  caraélères  font  allez  conf- 
tans ,  &  s'ils  fuffifent  pour  déterminer 
les  efpèces.  On  n'étudie  point  alFez 
la  dégénérefcence  de  nos  efpèces  jar- 
dinières. On  va  en  juger.  Sur  un  mur 
fort  épais ,  le  vent  ou  les  oifeaux  por- 
tèrent une  graine  de  laitue  pommée  j 
elle  y  végéta  ,  produifit  une  plante, 
6c  des  fleurs,  dont  la  graine  venue  en 
maturité  fe  fema  d'elle  -  même  fur 
ce  mur.  Afin  d'empêcher  les  oifeaux 
&  fur  -  tout  les  chardonnerets ,  qui 
en  font  très-friands ,  de  la  dévorer , 
j'aidai  la  chute  de  la  graine  ,  déjà 
beaucoup  plus  petite  que  celle  de 
la  première  ,  &  je  la  fis  recouvrir  de 
terre  à  la  hauteur  de  deux  ou  trois 
lignes.  L'année  fuivante  ,  nouvelles 
plantes,  fleurs  ,  graines,  &  la  même 
opération  ;  mais  à  cette  féconde  an- 
née toutes  les  parties  de  la  plante 
ctoient  finguhèrement  dégénérées  j  & 
la  fécherelfe  y  contribua  beaucoup  ; 
enfin ,  à  la  troifième  année ,  les  feuilles 
s'allongèrent  ,  devinrent  pointues  & 
chargées  de  cils  ou  poils  très-appro- 
Tome  FL 


LAI  Î09 

chans  de  ceux  de  la  laitue  fauvaee  ; 
les  feuilles  perditent  leur  forme  de 
coquille  ou  de  nacelle  ,  devinrent 
plates  &c  prefque  hotifontales.  Je  ne 
fçais  ce  qu'il  en  fera  cette  année.  Ce 
fait  eft  de  peu  d'importance  pour  le 
cultivateur  ou  pour  le  jardinier  j  mais 
je  le  rapporte  afin  de  mettre  les  ama- 
teurs dans  le  cas  d'étudier  &  de  fuivre 
le  perteétionnement  i^  la  dégénéref- 
fence  des  efpèces  jardinières. 

Je  ne  puis  décidément  affurer 
de  quelle  elpèce  pommée  étoit  la 
graine  qui  a  produit  la  laitue  donc 
je  viens  de  parler  ,  parce  que  le  lieu 
où  elle  végéta,  &  la  chaleur  du  pays 
lui  firent  bientôt  perdre  fa  forme. 
Cependanr  je  crois  qu'elle  apparte- 
noit  à  la  Gênes, 

Les  botaniftes  réduifent  .à  une 
ïeule  efpèce  la  laitue  cultivée  des  jar- 
dins ,  qu'ils  appellent  lacluca  fativa  y 
&  ils  regardent  comme  de  fimples 
variétés  les  laitues  pommées  &  les 
laitues  crépues.  Ils  ont  raifon  dans  le 
fond  ,  puifque  fi  leur  culture  eft  né- 
gligée pendant  plufieurs  années  de 
fuite,  &  fi  le  fol  eft  mauvais,  elles  dé- 
généreront &  redeviendront  ce  qu'elles 
étoient  dans  leur  première  origine. 
Leur  perfeébionnement  eft  donc  l'ou- 
vrage de  l'induftrie,  de  la  patience, 
des  foins,  dufoleil  &  du  climat.  On 
peut  s'allurer  de  ce  fait  en  Hollande, 
où  les  laitues  font  monftrueufes  pour 
la  grofleur  ,  &:  prefque  toutes  les  ef- 
pèces de  pommées  ,  beaucoup  plus 
grolfes  qu'en  France. 

On  ne  connoît  pas  le  pays  natal 
d'où  on  a  tiré  la  première  laitue  des 
jardins  ^  ce  qui  me  porte  encore  à 
penfer  que  fon  véritable  type  eft  la 
laitue  fauvage,  que  j'ai  décrite  8c 
fait  graver  exprès.  Au  furplus  ,  je 
propofc  cette  idée  comme  un  fimple 
Dd 


/ 


2!5  I    A    1 

problème  à  réfoudre.  Ce  qu'il  y  a  de 
conftaiu,  c'ell  que  la  graine  des  lai- 
tues ,  traiifpurcce  dans  les  qu.itre 
parties  du  monde ,  y  réulHt  très-bien  , 
ik  que  même  certaines  efpèces  s'y 
perfectionnent.  L'expérience  prouve 
que  les  unes  réiiffiirent  mieux  que  les 
autres,  fuivant  les  climats  de  notre 
royaume.  La  vraie  richelfe  du  culti- 
vateur confifte  aies  connoître  &àchoi- 
fn  les  nîeilleures  Se  celles  qui  exigent 
le  moins  de  foin.  L'amateur  ,  au 
contraire  ,  aime  le  nombre  Se  la  di- 
verfiié'j  il  peur  contenter  fon  goût , 
cat  aucune  phnte  des  jardins  n'a  plus 
muuiplié  fes  efpèces  jardinières  que 
la  laitue. 

On  peut  divifer  ces  efpèces  fuivant 
le  temps  où  elles  doivent  être  femées , 
parconfcquenten  laitues  d'hiver,  &  en 
laitues  d "été.  Le  fécond  çrenre  de  divi- 
fion ,  eft  dé  partir  des  efpèces  pre- 
mières ,  &  déplacer  enfuite  celles  qui 
s'en  rapprochent.  Cette  méthode  feroic 
plus  curieufe  qu'utile  ,  Se  lallferoit 
beaucoup  d'incertitude  lut  la  filiation 
de  ces' efpèces.  Enfin  j  la  troilîcme  , 
qui  eft  à  préférer,  ellladivillon  lunple 
en  laitues  pommées  Se  en  laitues  à 
longues  feuilles  ou  chicons ,  vulgaire- 
ment appcllées  laitues  romaines. 

Section     première. 

Des  laitues  pommées. 

Il  cft  difficile  d'établir  un  ordre 
bien  méthodique  pour  clailer  les  lai- 
tues ;  cependant  les  voici  rappro- 
chées par  leur,  couleur.  La  lettre  B 
indique   que   la  graine   eft  blanche  ; 


LAI 

la  couleur  noire  de  la  graine  eft  dé- 
lignée par  une  N. 

Laitues  pommées  ci'un  verd  foncé. 

Impériale  ou  laitue  d'Autriche  ^ 
ou  grolle  allemande  B  ....  La  co- 
caireB...La  Verfailles  B. .  .  Pomme 
de  Berlin  N  .  .  .  Grcfie  rouge  N  . .'. . 
jeune  rouge  ou  petite  rci'ge  N . . .  Co- 
quille N . . .  Pafùon  B  .  .  . 

Laitues  blondes  ou  mouchetées  de  jaune, 

GrofTe  blonde  B . . .  George  blonde 
B  .  . .  Bapaume  N  .  .  .  Gènes  blonde 
B.  .  .  Italie  N  . . .  Hollande  ou  laitue 
brune  N  .  . .  Parefleufe  B  .  .  .  Royale 
B  .  .  .  Perpignane  B  .  .  .  Petite  crèps 
ou  petite  noire  N  .  .  .  Grofïe  crêpe 
ou  crêpe  blanche  B  .  .  .  Aubervilliers 
B .  . .  Gotte  B  .  .  .  Dauphine  N  .  .., 
Ba^nolet  B  .  .  .   La  villée  N. 

Laitues  flagellées  ou  tachées  de  rouge. 

Sanguine  ou  flagellée  N  .  . .  Berg- 
op-zoom  .  .  .  N  . .  .  Palatine  N  .  . 
Sans-pareille  B  . . .  LamoufTeronneB. 

Laitues  curïeufes. 

Frifée  à  feuille  de  chicorée  N  .  .  ; 
Laitue-épinardB.  .Laitue-épinardN. 

Laitues  allongées  ou  chicons. 

Romaine  rouge  N . . .  Romaine  fla- 
gellée N  .  . .  Chicon  vert  N  .  .  .  Chi- 
ccn  gris  B  .  .  .  Chicon  blanc  B  .  .  . 
Chicon  hatif  B  .  .  .  Alfange  B. 

VuTipériale  ou  laitue  d'Autriche  ou 

gro[Je  allemande Lacluca  am- 

plijjimo  folio  glabro  pallide  viridi  _, 
capite  flavo  maximo ,  femine  alho  (i). 


(  1  )  x{ote  de  l'Editeur.  Je  prcvicns  que  ces  citations  latircs  font  emprontce?  de  lOuvrcge 
înticuîc  Je  Aourfcu  Laquintiiùe ,  &  £]ue  je  vais  me  fctvir  de  cet  Ouvrage  &  de  celui 
intitule -Éco/^  du  jard'm  potager,  peur  déciuc  Ja  cuituic  dcs  Isjtucs  dans  nos  provinces  du 
sati,  trÈs-difrércncc  de  celle  du  midi, 


L  A  î 

r.I.  Defcombes  l'appelle  la  reine  ^es 
laitues  :  elle  mérite  ce  nom  par  fa 
groireur  monftrueufe  ,  fur-roiit  en 
Hollande;  fa  pomme  eft  tfès-ferice  , 
&c  fa  faveur  eft  douce  &  fucrce  lorf- 
que  le  terrein  Se  le  climat  lui  con- 
viennent. Dans  les  provinces  du  nonl 
elle  demande  à  êtrefemce  de  botme- 
heure  &  fur  couche  ,  fi  on  veut  en 
recueillir  la  graine  qui  eft  blanche  , 
en  forme  de  navette,  hllonnée,  poin- 
tue à  fon  extrémité  ,  &  légèrement 
tronquée  à  fa  bafe.  Cette  laitue  relie 
longtemps  à  faire  fa  pomme  ,  tl^; 
monte  très-difficilement.  On  peut  la 
replanter  jufqu'à  la  fin  de  juillet  dans 
les  provinces  méridionales  ;  après  ce 
temps  elle  ne  pomme  plus",  &:  dans 
celles  du  nord  ,  le  commencement 
de  juin  eft  la  dernière  époque  de  la 
replanration.  Les  premières  feuilles 
batTes  &  extérieures  de  cette  laitue 
font  très-grandes,  lifles,  d'un  vcrd 
pâle  &  terne,  &  fouvent  il  fort  de 
leurs  ailTelles  des  drageons  qu'il  faut 
tetrancher.  Sa  pomme  eft  de  couleur 
jaune  ,  &  le  véritable  temps  de  la 
manger  eft  le  printemps.  On  la  re- 
plante à  quatorze  ou  quinze  pouces 
de  diftance  ,  en  tout  fens.  Pendant 
les  grandes  chaleurs  i\  on  arrofe  trop 
jouvcnt,  la  plante  fe  fond.  Déroutes 
ks  efpèces  de  laitues  j  c'eft  celle  que 
l'on  doit  préférer  dans  les  provinces 
méridionales  ,  parce  qu'elle  craint 
moins  la  fécherede  que  les  autres  , 
&c  fur-tout  parce  qu'elle  monte  diffi- 
cilement (i). 


L  A  I  -.11 

I.a  îahue  cocajfc  .  .  .  Lacluca  mulà 
folia  c  viridi  fub  rufefcenie  ,  tumide 
cnfpatiij  cap'ue  majore  jfcmine  allwr 
Sa  graine  eft  blanche,  plus  alongée, 
plus  poinrue  que  celle  de  la -précé-' 
dente  ,  ^  fes  filions  moins  caraclé-^ 
rifés.  Elle  aime  un  terrein  léger,  fubf- 
tantiel  &  bien  terrauté,  &  beaucoup 
d'arrofemens.  Elle  eft  un  peu  amère  < 
<?c  médiocrement  tendre  ;  cependant 
les  jardiniers  paroiffent  la  préférer  K 
toute  autre  pour  l'été,  parce  que  fe 
ponnne  eft  grofle  &  fe  foutient  long- 
temps en  cet  état  avant  de  monter 
en  graine  ;  il  faut  même  fendre  la 
pomme  afin  que  la  tige  s'élance  d'en- 
tre les  feuilles  découpées  ,  fieurilTe  5c 
graine.  Ses  feuilles  extérieures  font 
de  couleur  verre  -  fincée  ,  luifantes 
&  très-cloquetées.  Si  on  la  feme  ert 
août  elle  pafle  rrès-bien  l'hiver  eu 
pleine  rerre  ,  fur- tout  dans  les  pro- 
vinces méridionales.  Elle  réufllt  mal 
dans  les  terreins  forts  &  tenaces. 
Dans  les  provinces  du  nord ,  fi  oi*. 
veut  en  avoir  la  graine  ,  on  doit  l'é- 
lever fur  couche. 

Laver faïlks  paroîtêtre,  au  rapport 
de  l'auteur  du  nouveau  la  Quintinie, 
une  variété  de  la  cocalTe  ;  elle  eft  , . 
ûjoute-t-il ,  de  même  grandeur  &  à- 
peu-près  de  même  qualité;  la  tête 
eft  un  peu  applatie,  moins  anière  ^ 
moins  garnie  de  Veuilles ,  fe  foute- 
nant  auffi  long-temps  dans  les  cha* 
leurs,  <?c  montanr  aulli  difficilement 
en  graines;  elle  eft  blanche.  Ses  feuilles 
font  d'un  verd  plus  clair  fans  mélange- 


(  I  )  Lorfque  j'indique  une  époque,  par  exemple,  un  moi?  pour  femer  ,  c'eft  en  c;cncr?I; 
5e  l'ai  dcj.i  dit  &  je  le  répète,  il  n'cfl  pi'i  pofiible  d'établir  une  loi  invariable;  chacun  doit 
faire  dcsciTais,  étudier  (on  climar ,  fa  pofition;  enfin,  pour  avoir  une  certitude,  femer  le* 
mêmes  jrraines  à  chaque  i-.'ois  de  l'année,  H  obf;rver  attentivement  li  jiianière  d'être  de- 
raimofphèrc.  A  la  fin  ce  février  ou  au  commencement  du  mois  de  mars,  on  doit  fcàicr 
da.!S  les  provinces  d'j  midi  toutes  les  laitues  d'été, 

Ddi 


xiz             LAI  LAI 

de  roux.  Elle  demande  le  même  terrein  une  des  trois  plus  grolTes.  Ses  feuilles 
de  la  même  culture;  elle  liipporte  un  peu  alongées  font  très  -  frilces  , 
mieux  les  forces  gelées.  M.  Def-  très  -  grandes ,  d'un  verd  très- clair, 
combes ,  auteur  très-eftimé  de  Véco/e  prefque  btend  ,  un  peu  teintes  de 
du  Jardin  potager  ,  regarde  la  ver-  rouge  fur  les  bords  qui  font  très- 
failles  comme  une  efpèce  bien  dif-  dentelés  ou  légèrement  découpés.  Sa 
férente  de  la  cocaffe.  La  feuille  de  la  graine  eft  blanche.  Il  faut  la  placer  i 
premièie  eft  d'un  verd  plus  clair  fans  quinze  ou  feize  pouces  de  diftance. 
aucune  teinte  de  roulTeur  ;  fa  pomme  Elle  a  une  variété  qu'on  nomme  /ai- 
plus  applatie  ;  fes  feuilles  moins  en-  tue-choux  de  Batavia  ,  ou  mieux  ta- 
taflees  les  unes  fut  les  autres.  Sans  tavia  hrune  ,  qui  n'en  diffère  que  par 
vouloir  décicier  la  qucftion  ,  je  crois  fa  couleur  de  verd- foncé.  Elle  eft  ex- 
qu'on  doit  la  regarder  comme  une  va-  cellente  ,  elle  s'accommode  de  tous 
riété  de  la  précéi'e.ite ,  &  que  le  fol ,  la  les  terreins ,  pomme  mieux  Se  eft  plus 
culture,  l'expufition  &  (oiwcntïky-  fetme.  Elle  mérite  la  préférence  fur  la 
brïdiché  des  femences  ,  (  l'^oye-^  ce  batavia  &  fur  la  plupart  des  laitues, 
mot  3  )  doivent  fingulièrement  mé-  M.  Defcombes  ,  dans  l'Ecole  du 
tamorphofer  les  ^/)icej.  jardinières,  jardin  potager  ,  dit  que  la  première 
(  yoye:[  te  mot.  )  Il  faut  la  femet  eft  grofle  comme  un  petit  choux.  Il 
en  février  dans  les  provinces  du  midi,  a  été  affez  heureux  fans  doute  pour 
laitue  batavia  oulaitue  de  Siléjie...,  trouver  le  terrein  qui  lui  convient. 
Lacluca  amphjjimo  folio  crifpo  j  Ute  Elle  réuflît  très- bien  dans  le  climat 
viridi  3  per  lymhos  rubefcente  ,  capite  que  j'habite.  11  faut  la  femet  dans  le 
maxime  j  femine  albo.  '  Dans  les  pro-  mois  de  janvier ,  derrière  un  bon  abri, 
vinces  du  midi  ,  on  donne  mal-à-  La  laitue-pomme  de  Berlin  .... 
propos  le  nom  àt  filéjie  i  la  laitue  Lacluca  ampUjfimo folio  dilutè  viridi  ^ 
fanguine.  Ce  n'eft  pas  celle  dont  il  per  lymhos  fub  rufefcente  j  capite 
s'agit  dans  cet  article.  Voici  ce  que  maximo  j,  femine  nigro.  On  peut  la 
l'eftimable  auteur  de  la  nouvelle  wrti-  regarder  comme  inconnue  dans  les 
fon  rujlique  dit  de  cette  efpèce.  Cette  provinces  du  midi,  &  on  ne  la  trouve 
laitue,  pour  laquelle  on  n'a  pas  encore  que  chez  les  amateurs.  On  doit  la 
ttouvé  de  teirci.n  propre  ,  demande  femer  dès  les  premiers  jours  de  jan- 
àêtrefouvent&  abondamment  mouil-  vier  ,  afin  de  l'avoir  dans  fa  perfec- 
Ice  le  foir  &  le  matin  ,  &  jamnis  tion  au  printemps  ,  parce  qu'elle 
dans  les  heures  de  la  grande  chaleur,  monte  facilement.  De  toutes  les  lai- 
Elle  pomme  rarement  après  le  mois  tues  ,  c'eft  la  plus  volumineufe  quand 
d'août ,  parce  que  les  faifons  fraîches  elle  fe  trouve  dans  un  fol  convenable. 
lui  font  contraires.  Quoique  fa  pom-  Sa  pomme  n'eft  jamais  bien  ferrée, 
me,  qui  fe  forme  en  deux  mois  &  mais  elle  blanchit  très-bien.  Elle  eft 
demi,  ne  foit  pas  très  -  pleine  ,  ni  douce,  tendre  &  caiTante;  un  verd 
très-blanche  ,  &  qu'elle  foit  un  peu  tendre  coloie  fes  feuilles ,  &  de  lé- 
amère  quand  elle  a  cru  dans  les  terres  gères  teintes  de  rouge  décorent  leurs 
fortes,  elle  eft  fi  tendre,  fi  cafl'ante,  bords.  Sa  graine  eft  noire,  ou  plutôt 
fi  délicate,  qu'elle  peur  pafter  pour  d'un  brun-foncé ,  petite,  pointue  par 
une  des  meilleures  laitues.  Elle  eft  les  deux  bouts,  mais  beaucoup  plus 


LAI 

par  le  fupérieur.  Dans  les  provinces 
du  nord  on  peut  la  cueillir  au  prin- 
temps &  en  ancômne. 

Laitue  grojfe  rouge  ....  Laciuca 
rotundifolia  nlgra  vïrïili  atro-rubente 
colore  ohfoUta  ,  majore  capite  aureo  j 
fernine  nigro.  Sa  graine  noire,  renem- 
ble  beaucoup  à  la  précédente  j  ce- 
pendant elle  eft  un  peu  plus  étroite  , 
plus  alongée  (?c  un  peu  moins  grolFe. 
Il  faut  convenir  que  les  exprellions 
manquent  lorfqu'il  s'agit  de  décrire  & 
de  fpécilier  des  différences  fenliblesà 
l'œil  armé  d'une  loupe  ,  &  qu'il  eft 
très-diffi.ile  d'alTigner  àlavuefunple  j 
c'eft  pourquoi  le  cultivateur  doit  eue 
très-attentif  à  mettre  des  étiquettes 
fixes  fur  les  graines  qu'il  renferme. 
La  moindre  confufion  le  met  dans 
l'impollibilité  de  reconnoître  les  ef- 
pèces  d'une  manière  pofitive. 

Elle  fe  plaît  dans  les  terreins  gras 
&  fertiles ,  y  pomme  très-bien  &;  y 
dure  longtemps.  Si  le  fol  ne  lui  con- 
vient pas,  c'ell-à-dire,  s'il  eft  maigre, 
fabloneux  jclle  eft  dure  Scréuftit  mal. 
Elle  demande ,  dans  les  provinces  du 
midi ,  à  être  femée  en  février.  Sa  fe- 
mence  eft  noire ,  fes  feuilles  arron- 
dies j  très-peu  frifées ,  d'un  verd  rem- 
bruni ,  d'un  gros  rouge.  Sa  pomme  eft 
grolfe,  d'un  jaune  orangé  &  tendre. 
Cette  laitue  demande  à  être  multi- 
pliée dans  les  provinces  du  midi  , 
elle  eft  cependant  regardée  par  -  tout 
comme  une  des  meilleures. 

Jeune  rouge  oa petite  rouge.  Laciuca 
rotundijoha  dilute  viridis  e  rubro  va- 
ria yflavo  capite  parvo  ,  Jemine  nigro. 
A  femer  en  lévrier  ou  plus  tard  dans  les 
provinces  du  midi  ,  &  fe  cueille  au 
printemps,  &  en  automne  dans  celle 
du  nord  ,  ou  l'on  doit  l'avancer  par  le 
fecours  des  couches  ,  attendu  qu'elle 


LAI  ii3 

pomme  lentement  ,  &  refte  long- 
temps dans  cet  état  avant  de  monter. 
Elle  eft  douce  &  tendre,  jaune  dans 
le  cœur.  Les  feuilles  extérieures  font 
d'un  verd  rendre ,  fouettées  de  rouge , 
rondes,  &  prelqu'unies.  Sa  graine  eft 
noire. 

Laitue  coquille.  Laciuca  rotundi- 
folia è  viridi  fuhflava  ,  capite  parvo  j 
femme  alho.  De  toutes  les  laitues  , 
celle-ci  réfifte  le  mieux  aux  rigueurs 
de  l'hiver,  ainfique  la  fuivante.  C'eft 
un  mérite,  j'en  conviens,  mais  il  eft 
bien  diminué  par  fa  qualité  dure  & 
amcre  :  comme  tous  les  jardiniers 
n'ont  pas  la  facilité  ou  les  moyens  de 
fe  procurer  des  couches ,  des  cloches  , 
&:c.  elle  ne  doit  pas  être  rejetée. 
Dans  les  provinces  du  midi  elle  de- 
mande à  être  femée  en  janvier  ,  & 
dans  celles  du  nord  ,  dans  le  cou- 
rant du  mois  d'août  ,  afin  de  la  re- 
planter en  oélobre,  derrière  de  bons 
abris. Sa  pomme  eft  petite,  fes  feuilles 
un  peu  jaunes ,  bien  arrondies ,  gran- 
des ,  peu  frifées  j  unies  par  leur  bord  ; 
la  graine  eft  blanche.  Il  y  a  une  va- 
riété de  celle-ci  qui  ne  diffère  que 
par  la  graine  qui  eft  noire. 

Laitue-paffion,  Laciuca  folio  crifpo 
viridi  j  capite  parvo  j  fernine  albo. 
Même  mérire  &  mêmes  défauts  que 
la  précédente  ;  fa  pomme  un  peu 
moindre  dans  le  nord,  plus  grolFe  au 
midi.  Sa  feuille  verte  ,  cloquetée  j 
fa   graine  blanche. 

Groffe  blonde  ....  Laciuca  flava  , 
capite  majore  ,  fernine  albo.  Son  nom 
indique  fa  couleur  &  fon  volume.  Sa 
feui  lie  eft  grande,  très-cloquetée,  unie 
p.ir  les  bords.  Sa  tête  fe  forme  promp- 
tement,  elle  eft  affez  ferrée,  &  dure 
peu,  parce  qu'elle  monte  vite.  Sa  graine 
eft  blanche.  Dans  les  provinces  du 
midi  il  faut  la  femer  une  des  première?. 


2  14  LAI 

Dans  le  nord  on  la  cueille  au  prin- 
temps &  à  l'auromiie,  S<.  on  la  leme 
À  deux  cpuques  différentes. M.  Thoin , 
da  jardin  du  Roi,  à  Paris,  a  eu  la  bonté 
de  me  faire  parvenir  une  coliectioa 
très-étendue  de  graines  de  laitues  Se 
de  plulîeurs  antres  plantes  potagères. 
Je  fuis  charmé  de  trouver  ici  l'occalioa 
de  lui  témoigner  publiquement  ma 
reconnoillance.  11  s'eft  trouvé  dans  le 
nombre  des  paquets  de  laitue  ,  un 
intitulé  :  grojj'e  blondi  j  de  l'ifle  de 
Rhé.  J'en  ai  femé  la  graine  qui  eft 
noire  j  j'oie  croire  que  les  plantes  qui 
en  font  provenues ,  font  une  fimple 
variété  de  la  groflfe  blonde  ordinaire. 

La  gçorge  -  blonde  .  ,  .  Lacluca  è 
v'iridi  flava ,  paululùm  crîfpa  ^  capite 
majore  3  fcmïm  alho  ,  exige  d'être  fe- 
mée  en  janvier  dans  les  provinces  du 
midi,  parce  qu'elle  monte  très-vîte 
à  l'approche  des  grandes  chaleurs  de 
ces  climats.  On  la  cueille  au  prin- 
temps ,  &  en  automne  dans  le  ::ord. 
Elle  demande  une  rerre  meuble  & 
fubltantiellc.  Fouilles  grandes  ,  un 
peu  frifées  ,  d  un  verd-blond  ,  & 
calfantes.  Pomme  grolle,  ferrée,  un 
peu  applatie  \  fa  graine  blanche. 
Quoique  dans  le  nord  on  puilfe  la 
fcmer  fur  couche  ,  elle  ne  pomme 
que  lorfqu'elle  ctl;  repiquée. 

La  grojj'e  gcorge ,  bonne  variété  de 
la  précédente.  Elle  en  diffère  ,  en 
ee  que  dans  le  nord  on  la  feme  fur 
couche  &  lous  cloche  où  elle  pomme 
très-bien.  Elle  ^inie  l'air  &c  les  frc- 
quïns  arrofeniens.  Sa  pomme  efi  un 
peu  plus  grolîe  que  celle  de  lageorge- 
blonde  ,  (Se  comme  celle-ci,  elle 
monte  facilement.  Dans  le  midi,  il 
faut  la  fçmer  comme  la  précédente. 

La  kapaumc.  Laciuca  fl^va  j  ca- 
vité magno  .tfcmiie  n'igro.  Sans  doute 
♦Infi  nommée  du  lieu  dont  qu  l'a  ti- 


LAI 

rée,  très- peu  connue  dans  le  mîdî  ,' 
finon  par  quelques  amateuis.  On  l'y 
feme  en  janvier,  février  &  mars.  On 
rilque  dans  ce  dernier  mois  de  la  voir 
monter.  Le  grand  mérite  de  cette 
laitue  pour  le  nord  ,  eft  de  venir  dans 
toutes  h  s  iiiifons.  Feuilles  blondes  ; 
pomme  grolTe  ,  un  peu  vuide  au  fom- 
met,  ferrée  par  le  basj  graine  noire  \ 
elle   eft  de  médiocre  qualité. 

La  gênes  blonde.  Lacluca  è  vlridi 
flava  j  parvo  capite  alho  leviter  tur- 
bïnato  j  femïne  alho.  Dans  le  midi 
on  la  feme  en  janvier,  ainfi  que  fes 
deux  variétés  dont  on  parlera  ci-après, 
Feuille  lilTe  ,  blonde  \  pomme  blan- 
che ,  pointue,  de  médiocre  gtofteurj 
fans  amertume  ;  femence  blanche  j 
monte  facilement. 

La  gènes  verte.  Feuille  verte  ,  fri- 
fée  ;  pomme  dure  &  jaune  ,  plus 
groileque  la  précédente;  graine  blan- 
che. Semée  en  janvier  au  midi,  on 
la  cueille  au  printemps,  &  à  l'au- 
tomne au  nord.  Elle  demande  peu 
d'eau  8c  d'être  fonvent  ferfouie. 

La  gênes  rouffe.  Feuille  frifée  i 
roufle,  marquetée  en  brun  ;  pomme 
jaune,  tendre  Z-c  bien  remplie  j  fe- 
mence noire.  Palfe  fort  bien  l'hiver 
au  midi  ^  où  on  la  feme  en  août  Se 
en  janvier  \  réaflît  dans  toutes  les  fai- 
fons  dans  le  nord ,  excepté  en  été. 

L' Italie  .  . .  Lacluca  tcnui  fouo  di'- 
lutè  viridi  per  lyir.kos  ruhra  ,  parvo 
capite  flavo  ^  fetnine  n'igro.  Cette  ef- 
pèce  eft  tiès-avantageufe  pour  les  pro- 
vinces du  midi ,  parce  qu'elle  exiee 
peu  d'eau  peur  les  arrofemens.  L» 
fécond  avanrage  eft  de  ne  pas  êtr© 
difficile  pour  le  choix  du  terrein,  & 
defublifter  longtemps  pommée  avant 
de  monter.  On  l'v  feme  au  mois  de 
janvier.  Elle  réuiiit  en  toutes  faifons 
dans  les  provinces  du  nord.  Feuil.k? 


L  A  T 

îines ,  unies  fur  Iti  bords ,  colorées  en 
roage  ,  u'uu  verd  tendre  ;  [:ioinme 
ferrée  j  de  médiocre  grulfeur,  jaune, 
tendre  ,  d'un  goûc  parfait  j  femence 
noire.  Il  y  a  peu  de  meilleures  laitues. 

De  'Hollande  ^  ou  laitue  brune  . . . 
Laciuca  fufco  vtridis  j  ma^no  capïu 
fiavo  ^fcmine  n:gro.  On  lui  reproche 
d'être  un  peu  duie.  Elle  ell  utile  pour 
les  provinces  ca  midi  où  on  la  leme 
en  tévrier  ;  elle  y  louîieni  allez  bien 
les  chaieurs  j  pomme  très-bien  & 
monte  tard.  F'/iiilles  litles  ,  unies  , 
d'un  verd-brim  èc  mat  à  l'extérieur. 
Pomme  grolièj  terme  5  bien  pleine 
Se  jaune  j  femence  noire- 

La  parc£'euje  . . .  Laciuca  multi  fo- 
lïa  cnfpajaturè  virldis ,  cap'uem.Tgno ; 
femcii  alkum  ;  maiurare  p/gra.  D'une 
grande  relfource  dans  les  provinces 
du  midi.  On  lui  donne  le  nom  de 
parelfeufe,  parce  qu'elle  monte  diffi- 
cilement (?c  tard.  On  l'y  feme  en  fé- 
vrier ,  elle  réfifte  très-bien  aux  chaleurs 
&  à  la  iécherelfe.  Elle  eft  amcre  & 
un  peu  dure.  Dans  le  nord  on  doit 
l'avancer  lur  couclie  ,  pour  la  faire 
grainer.  Feuilles  unies  fur  les  bords, 
très -nombreufes ,  crifpées  ,  les  ex- 
tétieures  d'un  p;ros  verd  ;  pomme 
groliè,  t-erme,  bien  pleine  j  femence 
blanche. 

La  royale  . . .  LaUuca  pulchrè  & 
fplendidè  viridis  ,  ccpize  magna  ,  fc- 
in'ine  alho.  Excellente  laitue,  prefque 
inconnue  au  midi  du  royaume,  doit  y 
ctre  (emée  en  janvier  :  elle  demande 
beaucoup  d'eau.  Feuilles  extérieures 
d'un  beau  verd,  un  peu  cloquctées  & 
luiiantes,  plus  blondes  que  celles  de 
l'italie  j  pomme  bien  formée,  tendre, 
douce  ,  (Se  dure  longtemps  j  Itmence 
blanche. 

la  perplgnane  ou  laitue  à  groJJ'es 
■sôces.  Laciuca  piano  Jolio  viridi ,  crajfo 


LAI  ÎI5 

pediculo  5  fiavo  capite  majors  j  fernine 
alho.  Originaire  du  pied  des  Pyren- 
nées  où  elle  réulîit  très-bien  ,  ainlî 
que  dans  les  autres  provinces  du 
midi.  On  l'y  ieme  en  janvier  ;  elle 
craint  les  terreins  humides  ,  réfifte 
aux  chaleiu's  &  à  la  fécherelib,  mûrit 
difficilement  dans  les  provinces  du 
nord  ,  fi  on  n'aide  les  femences  & 
fi  on  ne  les  avance  f)ar  la  couche.  On 
en  diftingae  deuxel'pèces,  l'une  verte 
6c  l'autre  mouchetée  de  taches  jau- 
nes. La  perpignane  verte  cfc  facile  à 
diftmguer  des  autres  laitues  par  fes 
feuilles  unies,  liiies  &;  à  srolîes  côtes; 
par  fa  pomme  qui  eft  très-grolîe  & 
jaune,  tendre  &  douce;  fa  graine  eft 
blanche ...  La  mouchetée  de  jaune  eft 
la  variété  de  la  première.  La  côte  ds 
fes  feuilles   eil  un  peu  moins  forte, 

La  petite  crêpe  ou  pet  te  noire  .  .  , 
Laciuca  crlfpa  è  viridi  fujjlava  ,  ca~ 
pite  minimo i  [cmine  nigro.  Dans  les 
provinces  du  midi  on  peut  la  fcmer 
en  janvier,  février  (?c  mars.  Les  der- 
nières femées  courent  grand  rifque  de 
monter,  li  les  chaleurs  fonr  précoces; 
mais  cette  laitue  paile  très-bien  l'hi- 
ver. Dans  le  nord  elle  n'efl:  réellement 
bonne  à  cueillir  qu'au  pnntemps;  car 
cellecjui  vient  fur  couche  pendant  l'hi- 
ver, n'a  prefqu'aucun  goûr.  C'eft  waQ 
très-petite  laitue  .1  feuilles  d'an  verd- 
jaunâtre,  frifées,  dentelées  iSc  arron- 
'dies;  pomme  petite;  femence  noire. 
Dans  le  nordon  lalemeaumoisd'aoùc 
en  pleine  terre  c^  contre  des  abris  ; 
au  commencement  d'ocftobre  fut  cou- 
che; enfin  ,  également  fur  couche  em 
décembre  jufqu'en  mars. 

La  gro[lc  crêpe  ...  eft  une  variera 
delà  précédente,  mais  une  variété 
perfc'étionnée;  fa  pomme  a  prefque  !e 
double  de  grolTeur.  Il  y  a  encore  une 
variété  de  (rcpe ,  appeUctj  U  ronde  ^ 


iiô  LAI 

ou  crêpe  blanche  ,  ou  prlntanlère ,  ou 
courte ,  don:  la  pomme  eft  un  peu  plus 
grolTe  que  celles  des  deux  précéden- 
tes. Feuille  blonde  ,  prefque  lilTe.  On 
préfère  celle-ci  pour  mettre  fous  clo- 
che j  elle  a  peu  befoin  d'ràr  j  & 
elle  monte  facilement  en  graine. 

On  choifit  par  préférence  la  graine 
de  la  première  &  de  la  féconde  crêpe 
pour  les  petites  laitues  à  couper  :  pom- 
mées dans  les  provinces  de  l'intérieur 
du  royaume.  Salade  de  carême ,  dont 
on  entoure  le  thon  &i  le  faumon. 

Laubervilliers  ,  inconnue  dans  les 
provinces  du  midi.  Très-petite  lai- 
tue ,  fes  feuilles  bafles ,  liffes  ,  d'un 
gros  verd  ;  fa  pomme  très-petite  , 
jaune  &  fort  tendre  5  fa  graine  blan- 
che. Elle  réulîk  très-bien  dans  le  nord 
pendant  le  printemps  &  dans  Tété  5  fa 
pomme  fe  foutient  alfez  long-temps. 

La  gotte  ,  caraétérifée  par  fa  graine 
blanche  &  fort  courte  \  c'eft  une  des 
meilleures  à  femer  fous  challis  dans 
le  nord  ,  depuis  octobre  jufqu'en  fé- 
vrier ;  les  moindres  chaleurs  la  font 
monter  :  inconnue  au  midi  de  la 
France. 

La  dauphine  ou  laitue  princanlère , 
&  une  des  meilleures  laitues.  On  la 
reconnoît  aifément  aux  drageons  qui 
s'élancent  d'entre  les  ailTelles  de  fes 
baffes  feuilles  ,  &  qu'on  doit  févére- 
ment  retrancher.  Elle  demande  beau- 
coup d'eau  &  fouvent,  &  réulfit  dans 
toute  forte  de  fols  . . .  Elle  eft  hâtive, 
groile  ;  fa  pomme  plate ,  ferrée  ;  fa 
femence  noire  j  inconnue  dans  les 
provinces  du  midi.  On  devroit  l'y 
femer  à  la  fin  de  décembre  ou  au 
commencement  de  janvier. 

La  fanguine  ou  la  flagellée.  Très- 
agréable  pour  la  vue,  pas  aullî  recher- 
chée pour  le  goût.  Feuilles  unies  par 
leuts  bords ,  d'un  gros  verd ,  tiquetées 


L  A  I 

ou  fîllonnées  par  des  veines  rouges ,' 
&  quelquefois  entièrement  rouges. 
Le  coeur  eft  blond  ,  veiné  d'un  beau 
rouge  j  fa  pomme  de  médiocre  grof- 
feur  ;  fa  femence  noire.  Il  y  a  une 
variété  à  femence  blanche,  dont  tou- 
tes les  couleurs  font  plus  claires.  Elle 
monte  dès  qu'elle  fent  les  fortescha- 
leurs,  &  ne  réuftit  qu'au  printemps. 
Elle  demande  une  terre  douce ,  &  doit 
être  femée  en  décembre  &  janvier 
dans  les  provinces  du  midi. 

La  herg-op-^oom  ,  peu  connue  an 
midi  de  la  France  ,  où  elle  réuflîroïc 
bien  ,  parce  qu'elle  vient  vite,  monte 
difficilement ,  &  ne  craint  pas  l'hiver. 
Feuilles  rondes,  unies  par  le  bord, 
d'un  verd-brun,  fortement  lavées  de 
rouge- brun  fur  tous  les  endroits  frap- 
pés du  foleil;  pomme  petite,  ferme, 
bien  arrondie  j  femence  noire. 

La  palatine  difïere  de  la  précédente 
par  fes  teintes  de  touge  moins  fortes , 
&  par  fa  pomme  un  tiers  plus  groife. 

La  fans-pareille ,  feuilles  d'un  verd 
très-clair  tirant  fur  le  blond  ,  fine- 
ment dentelées  ,  lavées  de  rouge  fut 
les  bords  \  de  moyenne  groffeurj  fe- 
mence blanche. 

La  moujferonne.  Feuilles  très-fri- 
fées,  crifpées ,  dentelées  ,  d'un  verd- 
clair  ,  fortement  teintes  de  rouge  fur 
les  bords  ;  pomme  petite  &  tendre  j 
femence  blanche. 

Laitue  frifée  à  feuille  de  ckicoree. 
Je  l'ai  femée  ,  je  ne  la  connois  pas 
encore  :  fa  graine  eft  noire. 

Laitue  -  epinard.  Il  y  en  a  deux 
efpèces  ,  l'une  à  graine  blanche  & 
l'autre  à  graine  noire.  L'une  & 
l'autre  ont  les  feuilles  lâches ,  peu  fer- 
rées ,  peu  cloquées,  arrondies;  pouf- 
fent des  drageons  entre  les  aiftelles 
des  feuilles.  Elles  font  peu  volumi- 
neufes.  On  ne  conferve  ces  efpèces 

daas 


LAI 

dans  le  nord  que  par  fimple  ciuiofité, 
ou  comme  laitues  à  couper  ,  parce 
qu'en  auromne  on  en  a  beaucoup 
d'autres.  11  n'en  eft  pas  ainfi  dans  les 
provinces  du  midi ,  j'avoue  qu'elles 
me  font  grand  plailîr  après  la  Touf- 
fainc  &  au  premier  prnitemps  ^  j'ai 
alors  une  efpèce  qui  a  l'air  de  petite 
laitue  pommée,  ou  plutôt  qui  com- 
mence à  faire  fa  pomme  :  elle  eft 
affez  agréable  ;  on  l'appelle  laitue 
épinardj  parce  qu'on  la  coupe  comme 
des  épinards ,  elle  repoulTe  jufqu'à  ce 
qu'elle  monte.  L'impériale,  la  dau- 
phine  &  ces  deux  dernières  font,  je 
penfe ,  les  feules  qui  poulfenc  des 
drageons.  A  ces  laitues  blondes  on 
peut  réunir  les  deux  laitues  fuivantes: 
la  hagnoUt  &  la.  petite  courte  ;  feuilles 
blondes,  lifles,  pomme  gtofle,  jaune 
Se  ferme;  femence  blanche,  hâtive, 
elle  pomme  &  monte  facilement  ;  fous 
cloche,  elle  a  moins  befoin  d'air  que 
beaucoup  d'autres ,  elle  réuffit  bien 
en  pleine  terre,  graine  peu. 

La  vijfée ,  laitue  originaire  d'Italie , 
en  forme  de  vis,  &  ce  cjui  l'a  fait  ap- 
peler viffc'e  par  M.  Decombes ,  qui, 
le  premier  ,  a  cultivé  cette  efpèce  en 
France.  Feuilles  extérieures  d'un  verd 
jaunâtre,  frifées ,  caffantes;  l'enfem- 
ble  des  intérieures  a  la  forme  alon- 
gée  d'un  pain  de  fucre ,  terminé  en 
pointe  avec  des  enfoncemens  Ôc  des 
élévations,  qui  tournent  de  bas  en 
haut  à  la  manière  des  vis  de  prelfoir  j 
fa  graine  eft  noire  d:  peu  abondante. 
Cette  laitue  eft  douce  &  tendre  , 
c'eft  une  bonne  efpèce  à  femer  en 
janvier,  février  &  mars,  dans  nos 
provinces  du  midi. 

Je  n'ai  pas  parlé  de  la  laitue  com- 
mune, &  que  j'aurois  dû  pl;icerapiès 
la  laitue  fauvage  ;  elle  eft  rrop  mé- 
diocre en  qualité,  &  cette  médiocrité 
Tome  FI. 


LAI  117 

la  fait  exclure  de:  jardins.  Je  penfe 
cependant  que  li  la  laitue  fauvage  eft 
le  type  de  toutes  les  efpèces  cultivées- 
dans  les  jardins,  la  laitue  commune 
tient  le  premier  degré  de  perfeélion- 
nement  :  un  amateur  devroic  s'oc- 
cuper de  cette  tîliation. 

J'ai  employé  les  dénominations 
reçues  &  adoptées  par  les  meilleurs 
écrivains  fur  le  jardinage.  Il  auroit 
été  de  la  dernière  impoiîibilité  d'é- 
tablir une  fynonimie  pour  les  noms 
ufités  dans  les  provinces. 

SEGTiON         II. 

Des  laitues   alonge'es  j  vulgairement 
nommées  Chicons. 

M.  l'abbé  NoUin  afl^gne  trois  ca- 
raélères  particuliers  aux  laitues  ro- 
maines ou  chicons ,  &  qui  les  dif- 
tinguent  des  laitues  dont  on  vient  de 
parler.  i°.  La  feuille  eft  alongée  , 
étroire  à  la  bafe ,  large  &  ordinaire- 
menr  arrondie  à  fon  extrémité ,  pref- 
que  lifte  ,  n'étant  frifée,  ni  froncée, 
ni  cloquée,  ou  du  moins  l'étant  peu. 
2°.  Aucune  de  ces  feuilles  ne  s'étend 
horizontalement,  mais  toutes  fe  fou- 
tiennent  droires ,  fe  rapprochent  les 
unes  des  autres,  fans  cependant  fe 
ferrer  ni  former  de  tête  compaétej 
de  forte  que  la  plupart  des  variétés 
ont  befoin  d'être  liées  comme  la  fca- 
riole ,  parce  que  les  feuilles  blan- 
chilfenr  &  s'attendriftcnt.  3°.  Elle 
eft  parfaitement  douce  ,  au  lieu  que 
les  laitues  pommées,  les  plus  douces, 
ont  une  pointe  d'amertume  Les  chi- 
cons réulliffent  beaucoup  mitux  dans 
les  provinces  du  midi  que  dans  celles 
du  nord;  ils  y  font  bien  plus  doux, 
«S:  n'ont  befoin  ni  de  cloches,  ni  de 
couches. 

Ee 


2lS 


L  A  I 


Romaine  ronge  ou  chicon  rouge. ... 
Lacîuca  romana  ruhra  .,  feminc  n'igro. 
Feuilles  extérieures  ceintes  de  rouge, 
les  intérieures  d'un  beau  jaune,  & 
tendres  \  la  grnine  noire  •,  il  craint 
l'humidité,  &  fi  la  féchereiïe  eft  trop 
forte  lorfqu'il  eft  lié,  il  faut  arrofcr 
la  terre  fans  que  l'eau  aille  fur  la 
plante.  On  ne  craint  pas  cet  incon- 
vénient, lorfqu'on  arrofe  par  irriga- 
tion. La  terre  forte  eft  celle  qui  lui 
convient  le  mieux.  On  le  feme  en 
juillet  &  août  dans  le  nord ,  derrière 
des  abris  j  il  blanchit  fans  être  lié,  & 
fournit  jufqu'aux  premières  gelées. 
Dans  les  provinces  du  midi  on  le 
feme  en  novembre,  décembre,  jan- 
vier, février  &:  mars. 

Chicon  panaché ,  romaine  flagel- 
lée ....  Lacîuca  romana  rulro  n:a- 
culata  j  fcmine  nigro.  A  femer  de 
très-bonne  heure  dans  les  provinces 
du  midi,  afin  de  l'avoir  au  premier 
printemps ,  en  avril  &  en  mai  ;  Its 
grandes  chaleurs  le  font  monter  trop 
vite.  La  fin  du  printemps  eft  fa  faifoiî 
dans  le  nord,  &  on  doit  l'y  femer 
fur  couche.  Ses  feuilles  extérieures  font 
tachées  de  rouge,  les  intérieures  jau- 
"hes  ,  moins  panachées  en  rouge  j  les 
femences  font  noires. 

On  doit  regarder  comme  une 
fimple  variété  de  celui-ci,  le  chicon 
dont  le  coeur  eft  encore  plus  tacheté 
de  rouge  j  mais  il  a  l'avantage  de  fe 
fermer  &  de  blanchir  fans  le  fecours 
des  liens  ;  fa  graine  eft  blanche.  Cette 
variété  tire  fon  origine  d'Angleterre; 
elle  craint  les  chaleurs  de  l'été  &  les 
fraîcheurs  de  l'automne;  fa  faifon  eft 
le  printemps  ,  &z  elle  demande  les 
mêmes  foins  que  la  précédente. 

Chicon  verd,...  Lacîuca  romana 
viridis  j  femine  nigro.  Feuilles  plus 


L  A  I 

longues  que  celles  des  autres  chicons, 
bien  arrondies  &  concaves  à  leur 
extrémité;  un  peu  froncées;  leur  cou- 
leur eft  d'un  verd  foncé,  la  côte  eft 
blanche,  la  femence  noire  :  cette  ef- 
pcce  eft  la  moins  tendre,  mais  la  plus 
grofte  6c  la  moins  difficile  fur  le  choix 
du  fol  &  far  les  faifons.  On  la  feme 
dans  les  provinces  du  midi  dans  les 
mois  de  janvier,  février  &  de  mars, 
Se  à  la  fin  d'août,  pour  la  repiquer 
avant  l'hiver  à  de  bonnes  exportions. 
11  en  eft  de  même  dans  le  nord,  à 
l'exception  des  couches  pour  les  fe- 
mailles  d'hiver.  Ordinairement  il 
n'eft  pas  nécelfaire  de  la  lier  pour  la 
faire  blanchir.  La  bonne  efpèce  doit 
être  applatie  fur  fon  fommet;  d  elle 
fe  termine  en  pointe,  c'eft  un  chi- 
con dégénéré. 

Chicon  gris  ou  romaine  grife. . . . 
Lacîuca  romana  fature  viridis ,  femine 
clho.  Hâtive  au  printemps,  fupporte 
Ihiver  ,  plus  douce  que  la  précé- 
dente, &:  moins  verte;  difficile  fur 
le  choix  du  terreiu  ;  réuflit  mal  en 
été  &  en  automne  dans  le  nord  ; 
fcmence  blanche  :  à  femer  de  bonne 
heure  dans  les  provinces  du  midi. 

Chicon  blond ,  on  romaine  blonde.., 
Lacîuca  romana  ,  fubflava  ,  femine 
alla  ;  feuilles  minces,  unies,  un  peu 
pointues  ,  d'un  verd  tirant  fur  le 
jaune;  côte  blanche;  l'intérieur  plein  j 
le  fommet  des  feuilles  obtus  ;  fe- 
menceb!anche;chicon  délicat,  monte 
&  fond  facilement  :  il  n'aime  pas 
l'humidité.  A  femer  comme  les  pré- 
cédens. 

Chicon  hâtifs  ou  romaine  hâtive.,., 
Lacîuca  romana  fubflava  ,  prœcox  , 
femine  albo.  Sa  forme  femblable  à 
celle  du  précédent ,  &  fes  feuilles 
un  peu  pointues.  La  couleur  des 
feuilles   eft  moins  lavée  de  jaune  : 


LAI 

femence  blanche.  Il  s'élève  &  fe 
ferme  bien  fous  cloche  ;  femé  fur 
couche  en  odlobre,  il  vient  à  fon 
point  en  avril.  Dans  les  provinces 
du  midi,  à  femer  en  janvier. 

Alfange  j  chicon ,  li  on  peut  l'ap- 
peller  ainlî  ,  tendre  &  délicat  \  .-i 
feuilles  lilTes,  fines,  alongées,  poin- 
tues ,  terminées  en  torme  de  langue 
de  ferpent;  leur  couleur  eft  d'un  verd 
pâle,  avec  quelques  ombres  de  taches 
rouges  au  fommet  j  femence  blanche  j 
monte  &  pourrit  facilement. 

La  pourriture  n'eft  pas  à  craindre 
pour  les  laitues  pommées  ni  pour 
les  chicons  dans  les  provinces  du 
midi,  foit  à  raifon  de  la  fécherelTe 
du  climat,  foit  parce  qu'on  arrofe  par 
iri'igation.  Si  les  pluies  cependant  y 
font  très-abondantes  <!-  continues,  ce 
qui  eft  fort  rare  ,  ces  laitues  y  pour- 
rilfent  plutôt  que  dans  le  nord. 

CHAPITRE     II. 

Di  la  culture  des  laitues. 

I.  Provinces  du  mid:.  On  a  dû  re- 
marquer ,  en  fuivant  l'énumération 
des  efpcces ,  l'époque  à  laquelle  on 
doit  les  femer  :  on  choifit  à  cet  effet 
un  lieu  bien  abrité  ou  par  des  murs, 
ou  par  des  claies  faites  exprès  ;  la  terre 
doit  être  fine,  bien  terrautée  Ik  tra- 
vaillée j  ainfi  préparée  elle  eft  prête 
à  recevoir  les  femences  des  laitues  à 
manger  au  printemps.  S'il  croit  pof- 
fible  de  fe  procurer  dans  ces  provinces 
des  couches  &  des  cloches  ,  il  con- 
viendroit  alors  de  femer  en  décembre, 
&  même  en  novembre-,  dans  ce  cas, 
on  auroit  des  plans  à  lever  &  à  mettre 
en  pleine  terre  dès  les  mois  de  janvier 
&  février.  On  courroit  alors  les  rif- 
ques  d'en  perdre  beaucoup ,  moins 


LAI  i\() 

par  la  rigueur  du  froid,  que  par  l'im- 
pétuofité  des  vents  qui  occafionnenc 
une  forte  cvaporation  dans  la  plante  , 
&  produifent  fur  elle  le  même  effec 
que  les  fortes  gelées.  11  y  a,  ainfî 
qu'on  l'a  vu,  des  efpèces  qui  réfiftent 
mieux  les  unes  que  les  autres^  &  qui, 
par  cette  raifon ,  ont  été  nommées 
laitues  d'hiver  \  ces  efpèces  doivent 
être  femées  à  la  fin  d'août  ,  en  fep- 
tembre  &  au  commencement  du  mois 
d'oâobre  :  peu  à  peu  elles  s'accou- 
tument aux  matinées  fraîches,  &  font 
déjà  endurcies  contre  la  rigueur  de 
la  faifon  lorfqu'on  les  replante  à  de- 
meure pour  palfer  l'hiver.  Les  autres, 
au  contraire,  ont  été  élevées  délica- 
tement ,  &  la  tranfition  d'un  lieu  à 
un  autre  eft  plus  ou  moins  funefte,  à 
raifon  de  la  diverfitc  de  température  ; 
cependanr,  à  force  de  foins  &  avec 
de  la  paille  longue,  on  garantit  ces 
laitues  d'été  des  intempéries  de  l'air, 
^'  on  en  jouit  beaucoup  plus  tôt.  Les 
cultivateurs  ordinaires  ne  prendront 
pas  ces  peines  trop  minutieufes,  &  la 
vente  de  leurs  primeurs  ne  les  dédom- 
mageroitpas  du  temps  qu'ils  auroient 
perdu  \  il  vaut  mieux  attendre  d'avoir 
chaque  chofe  dans  fa  faifon  ;  la  faveur 
de  la  plante  eft  délicate  &  à  fon  point , 
(Se  la  dépenfe  eft  alors  moins  confidé- 
rable.  Les  amateurs  &c  les  gens  riches 
peuvent  latisfaire  leur  fantaifie.  Si  la 
faifon  devient  âpre,  de  la  paille  lon- 
gue,  jetée  fur  les  femis,  les  préferve 
du  froid.  Quelques  jardiniers  ,  afin 
de  conferver  la  fraîcheur  &  d'em- 
pêcher l'évaporation  de  la  terre,  cou-* 
vrent  le  fol,  dès  qu'il  eft  femé  ,  avec 
des  feuilles  d'artichaux  ,  de  choux  , 
&  la  graine  germe  plus  vite,  &  n'eft 
pas  enlevée  par  les  chardonnerers  , 
les  pinçons  &  autres  oifeaux  qui  en 
font  très -friands.  Cette  précaution 
E  e  2 


210  LAI 

tft  plus  utile  dans  les  femail'es  d'au- 
tomiie  que  dans  celles  d'hiver,  parce 
que,  dans  le  premier  cas,  cette  faifon 
a  encore  des  jours  fort  chauds ,  de 
fur- tout  parce  qu'il  feroit  dangereux 
d'arrofer  trop  tôt  par  irrigation  j  alors 
l'eau  afl.iilfe  trop  la  terre  du  fiUon , 
quoiqu'elle  ne  le  furmonte  pas. 

Les  femailles  d'hiver  peuvent  être 
faites  en  tables,  en  pl.uiches,  at- 
tendu que  dans  cette  faifon  la  terre 
a  très-rarement  befoin  d'être  arrofce , 
on  feme  à  la  volée,  en  recouvrant 
le  tout  d'un  peu  de  terre.  Les  fe- 
mailles d'automne,  au  contraire,  exi- 
gent que  la  terre  foit  déjà  difpofée 
en  lillon  tronqué ^  c'eft-à-dire,  que 
fa  partie  fupérieure  ne  foit  pas  en- 
tièrement terminée- par  la  terre  tirée 
du  folfé.  (  P'oyc-^  la  gravure  du  mot 
Irrigation.  )  Sur  ce  lillon  plat,  «Se 
à  la  partie  où  monte  l'eau  de  l'irri- 
gation ,  on  feme  à  la  volée,  «Se  avec  la 
terre  qu'on  enlevé  du  folfé ,  on  re- 
couvre lagraine,  &on  achève  d'élever 
le  lillon  j  alors  le  folié  fe  trouve  net , 
&:  alfez  profond  pour  recevoir  l'eau 
lorfque  le  befoin  le  demande.  Quel- 
ques jardiniers ,  le  lillon  une  fois 
tout  formé,  fe  contentent,  de  chaque 
côté  &  à  la  hauteur  où  montera  l'eau, 
de  tracer  avec  le  manche  du  râteau, 
ou  tel  autre  morceau  de  bois,  une 
ligne  d'un  pouce  de  profondeur,  de 
la  femer  &  de  la  recouvrir.  Cette 
méthode  eft  défeélueufe,  en  ce  que 
les  graines  (ont  alors  trop  accumu- 
lées &:  fenuifent;  d'ailleurs,  H  deux 
filions,  femés  à  la  volée,  fuffifent  , 
il  eu  faudroit  près  de  fix ,  afin  d'a- 
voir le  même  nombre  &  la  même 
quantité  de  bonnes  laitues. 

La  graine  de  laitue  germe  alTez 
facilement,  celle  de  deux  ans  moins 
Vite  que  celle  de  la  première  année  j 


L  A  I 

il  en  eft  ainfi  de  la  graine  de  troîî 
ans ,  c'eft  à  peu  près  le  dernier  terme 
jufqu'auquel  on  puilTe  la  conferver. 
Plulieurs  auteurs  propofent  différen- 
tes intafions  pour  la  faite  germer 
plus  vite  j  ces  intufions  font  inutiles. 
Ayez  un  tertein  bien  préparc,  femez 
dans  un  temps  convenable,  voilà  la 
meilleure  recerte. 

La  difpofition  des  jardins  par  fil- 
ions feroit  perdre  beaucoup  de  terrein 
fi  on  ne  profitoit  des  deux  côtés  de 
l'ados  du  lillon  j  le  jardinier  attentif 
plante  d'un  côté  des  laitues  ,  tandis 
que  de  l'autre  il  a  feme  ou  planté 
un  autre  herbage  qui  ne  parviendra 
à  fon  point  de  grolTeur  ou  de  ma- 
turité ,  que  lorfque  les  laitues  fe- 
ronr  coupées.  C'eft  ainfi  que  font 
difpofés  les  filions  entre  les  rangées 
des  pois ,  dans  les  tables  de  cardons, 
d'oignons,  declioux,  decéléris,&c. 

Si  on  le  pouvoir,  il  vaudroit  beau- 
coup mieux  femer  à  demeure  qu'eu 
pépinière;  la  tranlplantation  retarde 
les  progrès  de  la  plante,  qui  en  eft 
moins  belle.  De  toutes  les  erreurs,  la 
plus   abfurde  c'eft  le  retranchement 
des  racines  ;  je  dis ,  au  contraire  :  levez 
avec  le  plus  grand  nombre  de  racines 
poftibles,  oc  même  avec    la  terre  lî 
elle  eft  un  peu  mouillée,  &  planrez 
fans  la  déranger.  Si  vous  avez  beau- 
coup de  laitues  à  tranfporter,  fi  elles 
font  trop  ferrées  dans  les  pépinières, 
6c  fi  la  terre  s'en  détache,  ayez  un 
plat  ,   un  vafe  peu   profond  ,    plein 
d'eau ,    (Se    rangez  dans  ce  yafe  les 
laitues  près  les  unes  des  autres,  afin 
que  les  racines  y  trempent,  &:  t]ue  la 
plante  conferve  fa  fraîcheur;  replan- 
tez après  le  foleil  couché,  faites  venir 
l'eau ,  &  le  lendemain ,  avant  le  foleil 
levé  ,  couvrez  chaque  laitue  avec  une 
feuille  qui  fera  enlevée  le  foir  à  la 


L  A  I 

fraîcheur  ,  cc  une  autre  fera  cgaie- 
iTieiu  remife  Se  enlevée  le  lendemain. 
Ces  précautions  paroîtronc  minu- 
tieufes  aux  jardinier"  qui  malTacrent 
l'ouvraee  ;  mais  en  fuivanc  leur  mé- 
ihode  ordinaire ,  en  plantant  au  gros 
foleil  un  pl.uit  déjà  tané ,  en  ne  le 
couvrant  pas  les  jours  (uivans  ,  les 
feuilles  languilTent ,  féchent  ,  &  les 
racines  n'ont  efFedivement  repris 
qu'après  fix  ou  huit  jours;  tandis  que 
par  la  manipulation  que  je  propofe  , 
à  peine  fe  refTentent  -  elles  de  la 
tranfplantation  :  j'en  réponds,  d'après 
mon  expérience. 

Dans  les  provinces  du  midi ,  les 
laitues  exigent  d'être  plus  fouvenc 
ferfouies  que  dans  celles  du  nord, 
parce  que  l'irrigation  afFaifFe  trop 
promptement  la  terre  &  la  durcit. 
Un  petit  travail  donné  tous  les 
quinze  jours  leur  f.wz  un  grand  bien, 
ôc  encore  plus  G.  on  remue  toute  la 
terre  du  fillon,  comme  il  a  été  dit 
au  mot  Irrigation  ;  mais  il  faut 
pour  lors  que  le  fillon  foit  des  deux 
côtés  planté  en  laitues ,  car  ce  boule- 
verfement  de  terre  dérangeroit  la 
plante  voifine.  Le  meilleur  arrofe- 
inenr  dans  l'été,  eft  au  foleil  cou- 
chant. 

Comme  toutes  les  efpèces  de  lai- 
tues ne  donnent  pas  autant  de  graines 
les  unes  que  les  autres,  &  que  plu- 
fieurs  en  donnent  fort  peu,  le  jar- 
dinier prévoyant  deftine  un  plus  grand 
nombre  de  pieds  à  grainer;  dans  cha- 
que efpèce  il  choifit  &  conferve  les 
plus  beaux  pieds  :  c'eft  le  feul  moyen 
de  n'avoir  pas  des  femences  dégé- 
nérées. Les  efpèces  qui  donnent  le 
moins  de  graine  font  la  bapaume... 
i'italie ...  les  crêpes. . .  l'aubervillers. . . 
la  vilfée .  .  la  bagnolet. 

Si  on.  défire  ne  pas  voir  confondre 


L  A  I  211 

ces  efpèces ,  ni  devenir  hybrides  _, 
(  Foyt-^  ce  mot  )  il  faut  avoir  l'at- 
tention la  plus  fcrupuleufe  de  tenir 
éloignés,  autant  qu'il  fera  pojfibie  ^ 
les  pieds  des  efpèies  dtftinées  pour 
la  graine.  C'eft  par  le  mélange  de  la 
poufhère  des  étamines  d'une  plante, 
portées  fur  une  autre ,  que  chaque 
année  on  voit  naître  cette  multitude 
de  variétés,  prefque  auflî  nombreufes 
qu'il  exifte  de  jardins. 

II.  Y)es  provinces  du  nord.  Ici  le 
travail  eft  plus  afîidu  ,  plus  minu- 
tieux, parce  qu'il  eft  mieux  récom- 
penfé ,  &  le  prix  des  primeurs  dé- 
dommage des  peines  &  des  foins , 
du  moins  à  la  proximité  des  grandes 
villes.  Dans  les  campagnes ,  le  fumier 
eft  trop  cher ,  tiop  précieux,  &  mieux 
employé  qu'à  faire  des  couches.  Se 
la  mifère  eft  trop  grande  pour  faire 
les  avances  des  cloches  de  veiTe.  On 
en  voir  dans  les  jardins  des  Seigneurs, 
des  gens  aifés,  èc  cet  attirail  n'obftruc 
pas  l'étroite  demeure  du  pauvre  ma- 
raîcher ;  il  attend  le  retour  de  la  belle 
faifon  ,  &  profite  des  premiers  beaux 
jours  de  mars  ou  d'avril ,  fuivant  le 
climat ,  pour  femer  fes  laitues  d'été. 
Après  avoir  préparé  fon  terrein  avec 
foin,  il  le  feme  de  quinze  en  quinze 
jours  \  il  feme  pendant  tout  le  prin- 
temps &  pendant  tout  l'été,  fuivanc 
fes  befoins  &  fuivant  les  efpèces. 
S'il  devance  le  retouc  de  la  cha- 
leur,il  prend  ui.e  peine  inutile,  l'air 
n'eft  pas  aflez  chaud  pour  que  la 
plante  profite;  c'eft  perdre  du  temps, 
infruftueufemenr.  Lorfque  les  plans 
ont  quatre  ou  cinq  feuilles  ,  il  les 
enlève  de  la  pépinière  ,  les  replante 
dans  wnQ  terre  bien  préparée  ,  à  la 
diftance  proportionnée  au  volume 
que  la  plante  acquerra,  &  il  arrofe 
auill-côt,  &  dans  la  fuite  aiifli  fouvent 


211  LAI 

que  les  plantes  l'exigenr.  Les  arrofe- 
mens  d'avril  &  du  printemps  fe  fout 
le  marin  &  à  midi,  ceux  de  l'écé  à 
trois  ou  quatre  heures  de  l'aprcsmidi 
de  le  foir;  on  employé  les  entans 
à  détruire  les  mauvaifes  herbes  des 
tables,  &  à  en  ferfouir  la  terre. 

»  Pour  avoir  de  bonne  heure  des 
laitues  au  printemps,  du  premier  au 
quinze  mai,  il  faut,  dit  M.  Nollin, 
dès  le  milieu  du  mois  d'août,  femer 
en  bonne  expofition  les  variétés  qui 
paffcnt  l'hiver ,  telles  que  les  crêpes, 
l'icalie  ,  la  cocalf^,  la  coquille,  la 
paillon,  la  romaine  hâtive  ....  A  la 
fin  d'oétobreouau  commencement  de 
novembre,  on  doit  repiquer  les  plans 
fur  des  plartes  bandes  des  efpaliers  au 
midi  &  au  levant  j  dans  les  fortes 
gelées,  les  couvtir  de  litière,  pail- 
lalîbns  ôc  autres  matières  propres  à 
les  détendre,  &  qu'on  retire  dès  que 
le  temps  s'adoucit.  On  laille  en  pé- 
pinière le  plant  le  plus  toible  ;  s'il 
réfifte  à  l'hiver ,  il  fournit  une  autre 
plantation  en  mars.  » 

)j  Eu  feptembre  Se  en  oétobre,  on 
peut  femerces  mêmesvariécésfous  clo- 
che ,  fur  des  ados  de  terreau  ou  de  terre 
meuble ,  mêlée  avec  du  crotin  ;  trois 
femaines  après,  on  repique  le  plant 
plus  à  l'aife  fur  d'autres  ados  pour  y  re- 
paffer  l'hiver  en  pépinière,  on  couvre 
les  cloches  de  litière  dans  les  fortes 
gelées,  &  on  les  découvre  dans  le  mi- 
lieu du  jour,  &  même  on  leur  donne 
un  peu  d'air,  à  moins  que  le  temps 
ne  foit  exceifivement  rude.  Au  com- 
mencement de  février ,  on  leur  donne 
chaque  jour  plus  d'air,  on  ôte  entiè-  ' 
rement  les  cloches  pendant  le  jour  & 
même  pendant  la  nuit,  lî  les  gelées 
ne  font  pas  trop  fortes ,  afin  d'en- 
durcir le  plant.  Lorfqu'il  aura  paffé 
huit  à  dix  jours  fans  cloches ,  ôc  qu'il 


L  A  I 

fera  accoutumé  au  plein  air,  on  le 
repiquera  en  plant  en  bonne  expofi- 
tion, entre  le  15  février  &  le  pre- 
mier mars ,  fi  la  température  de  la 
fiifon  le  permet.  » 

»  Depuis  la  fin  de  feptembre  juf- 
qu'au  temps  des  premières  laitues 
pommées,  on  feme  tous  les  quinze 
jours  de  la  graine  de  laitues  crêpes,  de 
verfailles  ,  de  george-blonde,  &c. , 
afin  d'avoir  pendant  toute  la  failon  ri- 
goureufe  de  la  petite  laitue  ou  laitue  à 
couoer. ...  Sur  des  couches  de  chaleur 
tempérée  &  couvertes  de  quatre  à 
cinq  pouces  de  terreau  ,  on  feme  la 
graine  aifez  claire  &  en  petits  rayons 
ou  à  la  volée  ;  on  la  recouvre  de  très- 
peu  de  terreau ,  &  on  la  pre(fe  for- 
tementavec  la  main  fur  le  terreau  fans 
l'enterrer;  on  couvre  de  c'oches.... 
Environ  quinze  jours  après  ,  lorfque 
le  plant  a  deux  bonnes  feuilles,  outre 
fes  colyledons,  on  coupe  la  plante,  n 

Pour  avoir  des  laitues  pommées 
pendant  l'hiver,  il  faut ,  .à  la  fin  d'août, 
femer  fur  un  ados  de  terreau  ,  bien 
expofc,  de  la  graine  de  petite  crêpe  j 
de  crêpe  ronde  ou  autre  variété  ,  qui 
réhfte  au  froid  &  pomme  fous  cloche. 
Lorfque  le  plant  eft  aflez  forr ,  on  le 
repique  en  place  fur  des  couches  qui 
n'ont  pas  befoin  d'être  fort  hautes  j 
il  y  pomme  fous  cloche  en  décembre. 

A  la  fin  d'odtobre  ou  au  commen- 
cement de  novembre  ,  on  tait  un  au- 
tre femis  fur  couche.  Lorfque  le  plant 
fait  fa  première  feuille,  on  le  repique 
plus  à  l'aife  ,  &  lorfqu'il  eft  alfezforc 
on  le  repique  en  place  fur  une  couche 
neuve,  pour  qu'il  pomme  en  janvier 
fous  cloches  ou  fous  chaffis.  Ce  fécond 
femis  &  les  fuivans,  ne  font  ordinai- 
rement que  des  laitues -crêpes. 

En  décembre  ,  janvier  &  février , 
on  fait  de  nouveaux  femis  des  mêmes 


L  A  I 

laicuesjmais  1;  rigueur  de  CQitc  faifon 
exige  plus  de  foin.  11  faut  femeria 
graine  fore  clair  fur  une  couche  de 
chaleur  tempérée  ,  chargée  de  quatre 
pouces  feulement  de  terreau.  Dès  que 
le  plant  commence  fa  première  feuil- 
le, on  doit  le  repiquer  à  un  pouce  de 
diftance  l'un  de  l'autre  ,  fur  une  nou- 
velle couche  ,  ou  fur  la  même  fi  elle 
conferve  encore  affez  de  chaleur.  Lorf- 
que  fa  quatrième  ou  cinquième  cou- 
che eft  formée,  il  faut  le  tranfplanter 
fur  une  couche  neuye ,  chargée  de  fix 
bons  pouces  de  terreau ,  ou  mieux ,  de 
terre  meuble  &  mêlée  de  terreau.  Si 
c'eft  fous  un  chaflîs ,  on  pique  les  pieds 
à  cinq  ou  fix  pouces  de  diftance  en  tout 
fens.  Si  c'cft  fous  cloche  ,  on  peut  en 
mettre  fous  chacune  jufqu'à  cjuinze 
pieds ,  &  lorfqu'ils  fe  ferreront  ,  on 
n'en  laiflTera  que  quatre  ou  cinq ,  Se 
le  furplus  fera  repiqué  fous  d'autres 
cloches,  //ç/?  reconnu  que  les  cloches 
neuves  font  périr  le  plant.  Depuis  que 
les  graines  font  femces  Jufqu'à  ce  que 
les  laitues  foienc  pommées,  on  ne 
p;ut  être  trop  artentif  à  couvrir  les 
cloches  de  grande  litière;  à  les  borner 
pendant  la  nuit  j  à  augmenter  les  cou- 
vertures dans  les  grands  froids  \  à  ajou- 
ter des  paillalTons  par-deffiis  pendant 
les  neiges  &  les  grandes  pluies;  à  don- 
ner de  l'air  aux  cloches  ou  aux  chaflîs 
le  plus  fouvent  qu'il  eft  pofljble  >  & 
toujours  du  côté  oppofé  au  vent  \  à 
foutenir  dans  les  couches ,  que  l'on  fait 
fort  étroites  dans  cette  faifon,  (  T^oyei 
le  mot  Couche  )  une  chaleur  mo- 
dérée ,  &:  non  un  grand  feu  qui  feroit 
fondre  le  plant.  Lorfque  les  laitues 
commencent  à  tourner  ,  c'eft-à-dire 
à  pommer,  on  doit  retrancher  les 
feuilles  balTes  qui  font  jaunes. ,  & 
plomber,  approcher  (Se  prefter  le  ter- 
reau contre  le  pied. 

D.ms  les  plants   de   laitue,  faits 


L  A  M 


1 1' 


dri!is  l'hiver  cc  dans  le  prh)tenips ,  il 
tant  choifir  les  pieds  les  plus  gros  & 
les  plus  pommés  pour  grainer  ;  il  eft 
néctlfaire  de  h.hcrau  pieddecliacim, 
u\\  échallas  pour  le  marquer,  <?:  dans 
la  fuite  pour  foutenir  la  tige  contre  les 
vents  \  on  doit  dégager  le  pied  ,  fur- 
tout  des  groifes  variétés  ,  des  feuilles 
jaunes,  fanées  ,  pourries  ,  ou  même 
trop  nombreufes.  Lorfque  les  aigret- 
tes des  graines  commencent  à  paroî- 
tre  à  l'extrémité  des  rameaux  ,  il  faut 
couper  ou  arracher  les  riges;  les  ex- 
pofer  pendant  quelques  jours  au  fo- 
leil  ,  liir  des  draps  ou  dans  un  van  , 
enfuite  les  fecouer  ou  les  battre  Icgc- 
rement ,  &■  ramaller  la  graine  qui  s'eft 
détachée  ;  remettre  les  tiges  au  foleil 
pendant  quelques  jours ,  Ov  les  battre. 
La  graine  qui  s'en  détache  eft  bien 
inférieure  à  la  première,  &  ne  doit 
être  employée  que  pour  faire  de  la 
laitue  à  couper.  La  graine  de  laitue 
peut  fe  conferver  quatre  ans  \  mais 
elle  n'eft  très-bonne  que  la  féconde 
année  \  femée  la  première  année  ,  le 
plant  monte  facilement;  la  troifième 
année  une  partie  ne  lève  point  ,  & 
la  quatrième  il  ne  lève  que  les  graines 
parfaitement  aoûtées,  pourvu  encore 
que  la  graine  ait  été  tenue  bien  ren- 


fe 


rmce. 


LAMBOURDE.  M.  Roger  de 
Chabol  la  définit  ainfi.  Les  lambour- 
des font  de  petites  branches  maigres , 
longuettes  ,  communes  aux  arbres  à 
pépins  (Se  à  ceux  à  noyaux;  ayant  des 
yeux  plus  gros  &  plus  près  que  les 
branches  à  bois ,  &i  qui  jamais  dans 
les  arbres  de  fruit  à  pcpin  ne  s'é- 
lèvent verticalement  comme  elles  ^ 
mais  qui  naiffent  d'ordinaire  fur  les  cô- 
tés ,  «Se  font  placés  comme  en  dardant» 

Celles  des  fruits  à  noyaux  don- 
nent du  fruit  dans  la  même  année  j 


224  L  A  M 

les  lambourJes  des  arbres  fruitiers  à 
pépin  font  trois  ans  à  fe  préparer  à 
donner  du  fruit.  Elles  font  plus  cour- 
tes fur  le  pccher  que  fur  les  autres 
arbres.  Outre  les  caradères  ailîgncs 
plus  haut,  en  voici  encore  quelques- 
uns  propres  à  les  faire  reconnoître. 
Elles  nailfent  vers  le  bas  &  à  travers 
l'écorce  du  vieux  bois ,  &  même  des 
yeux  des  branches  de  l'année  précé- 
dente. Leurs  yeux  font  de  couleur 
noirâtre  j  leur  écorce  eft  dun  verd 
luifanr ,  6c  l'extrémité  fupérieure  de 
la  lambourde  eft  terminée  par  un 
grouppe  de  boutons  ,  dont  un  feul 
à  bois.  Telles  font  particulièrement 
celles  du  pécher  ;  elles  ne  durent  qu'un 
an  :  on  les  retranche  à  la  taille  de 
l'année  fuivante.  Ondiftingue  encore 
la  lambourde  de  la  brindille  (  f'^oye:^ 
ce  mot ,  )  fur  les  arbres  à  fruits  à  pépins, 
en  ce  que  celle-là  eft  lilfe,  randis  que 
celle-ci  eft  plus  courte  &  chargée  de 
rides  circulaires. 

Les  lambourdes  bien  conduites  & 
bien  ménagées ,  alfurent  l'abondance 
des  fruits  pour  les  années  fuivanres. 
On  ne  doit  jamais  les  abattre.  Si 
elles  font  trop  longues,  on  les  rac- 
courcit en  lescalTant  :  fi  elles  poulfent 
dans  un  endroit  dégarni  de  branches 
à  bois  ,  en  les  taillant  pendant  deux 
à  trois  ans  confécutifç  à  ijn  feul  œil , 
elles  fe  changent  en  branches  à  bois  , 
&z  dès-lors  elles  font  traitées  comme 
les  autres. 

LAMBRUCHE  ouLAMBRUS- 
QUE.  On  donne  ce  nom  à  la  vigne 
devenue  fmvage ,  &  qui  croît  dans 
les  builTons.  On  appelle  encore  ainiî 
une  efpèce-de  vigne  de  l'Acadie  & 
de  quelques  autres  contrées  de  l'Amé- 
rique feptentrionale  ,  qui  donne  un 
railin  d'alltz  bon  goru  ^  mais  donc 


L  A  M 

l'écorce  eft  coriace  :  je  ne  le  connoîs 
pas.  Ces  eipèces  de  vignes  qu'on  voie 
grimper  fur  les  builfons ,  s'attacher 
&  atteindre  à  la  hauteur  des  plus 
grands ,  offrent  une  reffource  avanta- 
geufe  dans  bien  des  cas.  Leurs  ceps 
trcs-longs  ,  très-flexibles  ,  ainfi  que 
leurs  longues  pouffes  annuelles  ,  tien- 
nent lieu  de  cordes,  de  liens,  fervent 
à  amarer  les  bateaux ,  &  durent  même 
aifez  longtemps.  On  les  noue  &  on 
les  alonge  comme  les  cordes. 

LAME  (  bois  ).  Ce  mot  a  deux 
fignifications ,  ou  plutôt  il  eft  employé 
pourdcfigner  deux  parties  différentes 
de  la  plante  :  l'une  qui  appartient  à 
la  fleur  &  l'autre  au  fruit.  La  partie 
fupérieure  de  chaque  pétale  prend  le 
nom  d'épanouiffementoa  de  lame.  La 
lame  peut  être  dentelée  comme  dans 
r œillet \  fendue  en  deux  comme  dans 
le  lichnis  \  tronquée  ,  dans  le  behen 
hlanc\  obcufe,  dans  la  nielle  des  bleds , 
creufe  ,  frangée  ,  &:c. 

Dans  les  Iruits,  les  lames  font  des 
féparationsdes  réceptacles,  herbacées 
d'abord  ,  qui  acquièrent  dans  la  fuite 
de  la  confiftance  au  point  d'êtte  pref- 
que  ligneufes.  Ces  lames  font  pla- 
cées dans  l'intérieur  du  réceptacle  , 
&  forment  les  loges  dont  ils  font 
compofés.  Le  fruit  du  pavor  offre 
un  exemple  de  réceptacle  à  lames,' 
MM. 

LAMIERouORTIEBLANCHE, 
ou  ARCHANGELIQUE.  (  Foye^ 
planche  If^ ,  page  iiz  ).  Tourne- 
fort  le  place  dans  la  fe.onde  feftion 
de  la  quatrième  claffe  deftinée  aux 
fleurs  d'une  feule  pièce ,  irrégulière  Sc 
en  lèvre,  dont  la  partie  fupérieure  efl 
creufce  en  cuiller.  11  l'appelle  .'t?.'?.'/';-/?: 
yulgare  album  Jive  archangelica  )  flore 

albo. 


To/»    7^1 


-//  7^  7'a</.22à. 


y^u////^j'ff/u'  ^  ■ 


T^fiyme  e/t-  Ji>/i  ■ 


-^    '"A  ., 


•Vc 


-Lii/it/j/f   r/r  J'iY/uv//^- 


2,ti//Ji't>/i'  /mi/i-  i'/  /<y//f//i'  '  ■ 


L  A  M 

■elho.  Von  Linnc  la  nomme  lamlum 
album  ,  &  la  clalFe  dans  la  didynamie 
gymnofpermie. 

Fleur.  Blanche ,  la  lèvre  fupérieure 
obtufe ,  entière  ,  en  forme  de  cuiller, 
l'inférieure  plus  courte  ,  échancrée, 
&  en  forme  de  cœur.  B  repréfence 
la  lèvre  fupérieure  de  la  fleur,  &  fait 
voir  le  piftil  &  les  quatre  étamines , 
dont  deux  plus  grandes  &  deux  plus 
courtes  . . .  C  repréfente  le  calice 
fermé  &  de  profil  ...Die  fait  voit 
ouvert  &  terminé  en  filets  aigus. 

Fruit.  Quatre  femences  triangulai- 
res, tronquées  ,  placées  dans  l'inté- 
rieur du  calice. 

J'cuilks.  En  forme  de  cœur,  poin- 
tues &  portées  fut  de  longs  pétioles, 
couvet tes  d'un  duvet  ou  amas  de  petits 
poils  _,  qui  ne  caufent  à  la  peau  de 
celui  qui  les  touche  ,  ni  démangeai- 
fon ,  ni  cuifTon  comme  les  autres  or- 
ties. Ainfi,  le  nom  èH ortie  ,  qui  vient 
de  briller,  de  cuire,  efl:  ici  mal  ap- 
pliqué. 

Racine.  A.  Rameufe  ,  fibreufe  , 
rampante  ,  la   plante  eft  vivace. 

Port.  Tiges  hautes  d'un  pied  en- 
viron ,  carrées ,  grêles  ,  creufes  ,  un 
peu  velues ,  noueufes.  Les  fleurs  pla- 
cées en  manière  d'anneau  tout-autour 
&  prefque  adhérentes  aux  tiges.  Les 
feuilles  florales  ,  éparfes ,  entières  , 
quelques-unes  en  forme  d'alêne  au 
milieu  des  bouquets  ;  les  autres  feuilles 
oppofées ,  deux  à  deux. 

Lieu.  Les  haies  ,  les  buiflons , 
l'ombre  j  fleurit  en  mai ,  juin  &c  juillet. 

Propriétés.  Saveur  des  feuilles  , 
auftère  &:  légèrement  amère  ;  elles 
font  fans  odeur.  Celle  des  fleurs  eft 
douce  ,  aromatique ,  &  leur  faveur 
médiocrement  acre. 
Tome  yi. 


L  A  M  115 

Vfige.  Celui  des  feuilles,  nul.  On 
prefcrit  très-inutilement  l'mhifion  des 
fleurs  pour  arrêter  les  hémorragies 
internes  ,  puifqu'elles  échauffent  & 
augmentent  fenliblement  les  forces 
vitales.  Les  fleurs  macérées  au  fo- 
leil ,  dans  l'huile  d'olive ,  font  recom- 
mandées comme  un  baume  excellent 
pour  les  blelFures  des  tendons.  L'ac- 
tion de  la  chaleur  du  foleil  doit  avoir 
rendu  cette  huile  rance,  par  confé- 
quent  acre  &  cauftiqae.  La  caufticité 
doit  encore  être  augmentée  par  la 
chaleur  &  l'inflammation  de  la  peau. 

LAMPAS.  Médecine  vétéri- 
naire. Si  le  tilTu  dont  font  formées 
les  gencives  dans  la  mâchoire  anté- 
rieure du  cheval  ,  accroît  confidéra- 
blement  en  condftance  ,  s'il  fe  pro- 
longe contre  nature,  8c  de  manière 
à  anticiper  fur  les  dents  incilives  on 
les  pinces ,  alors  nous  difons  que  l'a- 
nimal a  la  têve  ou  le  lampas.  Cet 
accidenr  eft  alTez  tréquent  dans  les 
jeunes  chevaux  ,  ou  pour  mieux  dire, 
dans  les  poulains,  &  très-rare  dans 
les  vieux  chevaux. 

Nous  voyons  journellement  à  la 
campagne ,  que  pour  ôter  cette  pré- 
tendue fève  ou  lampas  ,  on  a  cou- 
tume de  brûler  cette  partie  avec  un 
fer  rouge.  Cette  opération  n'ôte  cer- 
tainement pas  à  l'animal  le  dégoût 
qu'on  lui  fuppofe,  mais  elle  lui  caufe 
un  mal  réel.  Ne  vaudroit-il  pas  mieux, 
au  contraire  ,  pour  guérir  cette  pré- 
tendue maladie  ,  laver  fouvent  cette 
partie  avec  une  infuhon  réfolutive, 
ou  avec  des  aulx  piles  &  du  fel  jeté 
dans  du  vinaigre,  ou  bien  avec  l'oxy- 
mel  fimple.  M.  T. 

LAMPSANEou  CHICORÉE  DE 
ZANTE.  Tournefort  h  place  dans  U 
F  f 


2i6  LAN 

première  fe(5tloii  delà  troifième  claffe , 
comme  les  laitues ,  &c. ,  6c  il  l'appelle 
\acintha  five  cïchonum  verrucarium. 
Von  Linné  la  nomme  lapfana  ^a~ 
cincka ,  &i  la  clafle  dans  la  fîngénélîe 
poligamie  égale. 

Fleur.  Compofée  de  quinze  à  feize 
demi-fleurons  hermaphrodites ,  égaux. 
B  repréfente  un  de  ces  fleurons  j 
le  p>ill:il  C  eft  terminé  par  deux 
ftigmates  égaux  \  il  eft  enveloppé  d'un 
tube  repréfente  ouvert  en  D  .  . .  Tous 
les  demi-fleurons  font  ralTemblés  dans 
l'enveloppe  ou  calice  E  ,  garni  d'en- 
viron huit  écailles  membraneufes. 

Fruit,  Semences  raflemblces  en 
faifceau  F  fans  aigrettes  ^  G  oblon- 
gues ,  cylindriques  ,  à  trois  côtés. 

Feuilles.  Simples;  les  radicales  dé- 
coupées ,  prefque  ailées  ,  terminées 
par  une  foliole  en  forme  de  cœur  ; 
celles  des  tiges  oblongues ,  étroites, 
pointues. 

Racine.  A.  En  forme  de  fafeau  , 
fimple  ,  ligneufe,  blanche  ,  fibreufe^ 

Port.  Tige  de  deux  à  trois  pieds, 
cannelée  ,  rameufe  ,  un  peu  velue  , 
Tougeâtre  ,  creufe.  Les  fleurs  nailfent 
au  fommet  fur  des  péduncules  épais  ; 
les  feuilles  font  placées  alternative- 
ment fur  les  tiges. 

Lieux.  Les  haies  ,  les  bords  des 
chemins  ,  les  jachères;  la  plante  efl 
annuelle. 

Propriétés,  Raffraîchirtante, émol- 
liente  ,    déterfive. 

Ufages.  En  décoélion  ,  en  lave- 
mens  ;  pilce  &  appliquée  extérieu- 
rement ,  elle  déterge  les  ulcères  ,  & 
fon  fuc  eft  ttès-utile  pour  laver  le 
bourdes  mammelles  ulcéré.  Chomel 
la  dit  très-bonne  contre  les  dartres 
farineufes» 


LAN 

LANDE.  Grande  partie  de  cerrs: 
où  il  ne  croît  que  des  genêts  ,  des 
bruyères,  6i  une  herbe  coriace ,  maigre 
&   courte.    Tous  les  pays  à,  landes 
que  j'ai    parcouru  ,  m'ont  oftert    le 
même  fpectacle   &  la  même  caufe 
d'infertilité  ,  c'eft- à-dire  ,  un  tuf  fer- 
rugineux à  un  ou  deux  pieds  de  pro- 
fondeur, (Se  quelquefois  en  manièrç 
de  table ,  de  banc  àfa  furface.  Comme 
ce  minerai  ne  s'étend    pas  par-tout  ^ 
&  à    une  aullî  petite    profondeur ,  il 
y  a  plufieurs  endroits  lufceptibles  de 
culture^.  Il  on  les  défriche  ,  iSc  fi  on 
a  le  foin  d'empêcher  les  troupeaux, 
d'y  entrer.    La  féconde  caufe  d'in- 
fertilité eft  le  défaut  de  niveau.  Les 
eaux     s'accumulent     dans     diftéreiis 
points  ,  y    font  ftagnantes  ,    ne    le 
diffipent  que   par  l'évaporation  ,   & 
intcétent  l'air  du  voifinage.  Je  penfe 
encore  que  toutes  les  landes  ont  été 
formées  par  des  dépôts  de  la  mer  „ 
d'où  proviennenr  l'inégaliré  de  leur 
furface  ,  leurs  bas- fonds  8c  leurs  élé- 
vations en  certains  endroits.  Si  la  cou- 
che ferrugineufe  n'eft  pas  épailfe ,  il 
eft  poffible  de  rendre  les  landes  fertiles 
en  la  brifant,  parce  qu'on  rencontre 
fouvent  au-dellbus  une    couche    de 
bonne  terre.  Chaque  pairiculier  peut 
défricher  &  cultiver  dans  fes  poflef- 
fions  ;  mais  le  travail  ne  fera  véritable- 
ment utile  qu'autant  qu'il  fera  fait  en 
grand  ou  par  une  conipagnie,  ou  par 
la  Province,  ou  par  le  Roi.  Le  premiec 
foin  doit  être  d'ouvrir  des  canaux  d'é- 
coulement, après  avoir  pris  un  ou  plu- 
fieurs niveaux  de  pente  ,  fuivant  les 
inégalités  du  fol   ou  fes  débouchés.. 
A  ces  canaux  généraux  doivent  abou- 
tir  ceux  des  polFellions  des  particu- 
liers, &  la  terre  que  l'on  en  retirera 
fetvira  à   combler  les  endroits   bas.. 
Le  canal  général,,  fuivant  l'abondance. 


LAN 

des  eaux,  peut  devenir  d'une  grande 
ucilité  j  il  lervici  à  craiirporier  les 
denrées,  les  bois  >^c.  d'une  extrémité 
des  landes  à  un;  autre,  ou  aupiès 
d'une  ville  ou  jufqu'à  un  chemin. 

Les  couches  intérieures  d'argille , 
êc  recouvertes  iupérieurement  par 
des  couches  de  fable ,  font  les  fécondes 
caufes  de  l'infertilité  iSc  de  la  ft.isina- 
tion  des  eaux.  Il  eft  pollîble  de  tirer 
meilleur  parti  de  celles-ci  que  des 
fols  ferrugineux.  L'écoulement  une 
fois  donné,  l'eauqui  traverfe  les  fables 
ne  s'arrêtera  plus  à  l'argille ,  &  s'écou- 
lera dans  les  canaux  particuliers  , 
&  de  ceux  ci  dans  le  canal  général. 
Le  fable  mêlé  enfuite  avec  l'argille  , 
donnera  une  terre  végétale.  Il  n'eil 
pas  douteux  que  les  fols  qui  ont  été 
pendant  longtemps  couverts  d'eau  , 
ou  quiont  fervi  d'étangs,  ne  devien- 
nent tfès-riches  en  véeétacion  ,  pulf- 
que  les  eaux  qui  y  affluent  ,  y  ont 
fans  celTe  apporté  &:  accumulé  l'hu- 
mus ou  terre  végétale.  (  f'^oyci  ce 
mot  )  qu'elles  tenoient  en  dilfolu- 
lution,  &  qu'elles  y  ont  dépofé. 

En  admettant  le  plan  <?e  l'exécu- 
tion d'un  travail  général  ,  à-peu  près 
tel  qu'il  vient  d'être  indiqué ,  «Se  fui- 
vant  les  circonftances,  convient- il  de 
mettre  tout  de  fuite  le  fol  en  cul- 
ture réglée  ?  (  P^oye^  ce  qui  a  été 
dit  au  mot  Défrichement) 
je  répète  que  je  tiens  pour  la  néga- 
tive ;  quelques  endroits  ,  de  tene- 
mensj  font  exception  à  la  règle  ,  & 
la  nature  du  fol  le  décide  pour  tout 
le  refte.  Il  vaut  beaucoup  mieux  femer 
des  pins  maritimes,  des  chênes  dont 
les  efpèces  font  les  plus  communes 
dans  le  pays  ,  parce  qu'à  la  longue 
ils  formeront ,  par  leurs  débris ,  l'hu- 
mus qui  manque  à  cette  terre  ,  fim- 
plement  terre  matrice, &  dépourvue 


LAN  117 

des  principes  de  la  (eve.  (  Fbjr^  le 
dernier  chapitre  du  mot  Culture  ). 
Il  n'eil  que  trop  ordinaire,  dans  ces 
cas,  de  vouloir  promptement  jouir  du 
fruit  de  fesdépenfes  &  de  fe=  travaux. 
On  feme,  la  récolte  efc  chctive  ,  ou 
médiocre  tout  au  plus  ;  on  laboure  Se 
on  feme  de  nouveau  ,  ôc  la  récolte 
efl:  nulle  ou  prefque  nulle  j  le  grain  a 
abforbé  le  peu  de  terre  végétale  que 
la  terre  matrice  contenoit.  Au  con- 
traire fi  ,  par  exemple  ,  on  a  femé  le 
pin  maritime  qui  vient  trcs-vîte  ,  S< 
dont  la  vente  du  bois  &  de  laraifine 
eft  fi  avantaeeufe  ,  on  retardera,  il 
eft  vrai,  la  rentrée  des  fonds;  mais 
ces  rentrées  dédommageront  enfuite 
amplement,  de  la  mife  de  fonds,  6c 
de  l'attente  ;  enfin  ,  on  auroit  à  la 
longue  un  fol  propre  à  toute  efpèce 
de  grains. 

On  ne  manquera  pas  d'objeéler , 
qu'en  détruifant  les  landes,  qu'en  les 
plantant  en  bois  ,  qu'en  les  mettant 
en  culture  réglée,  on  anéantit  le  pâ- 
turage d'un  çrand  nombre  de  bêtes 
à  cornes  ,  de  nombreux  troupeaux  , 
£<c.  Mais  le  problème  à  réfoudre  eft  , 
1  ".  Vaut-il  mieux  rendre  l'air  falubre , 
&:  par  conféquent  couferver  la  fanté 
des  habitans?  2''.  Vaut-il  mieux  avoir 
de  grandes  forêts  de  chênes,  &c.,  que 
d'avoir  des  bœufs,  des  vaches  maigres 
&  étiques  ,  &  des  troupeaux  exté- 
nués ?  3°.  D'amples  récoltes  ne  dé- 
dommageront-elles pas  de  la  dimi- 
nution des  troupeaux  ?  Je  penfe,  de 
je  ne  crains  pas  d'avancer  ,  1  ".  que 
plus  il  y  a  de  terres  cultivées,  &  plus 
les  troupeaux  peuvent  être  multipliés. 
1"  Que  la  fanté  des  troupeaux  eft 
toujours  en  raifon  de  la  qualité  de 
l'herbe  qu'ils  mangent;  &  du  lieu  qui 
la  produit.  Or,  quelle  comparaifoiï 
peut-on  faire  ,  foit  pour  la  qualité  , 
Ff  2 


2zS  LAN 

foie  pour  la  qiianticé  de  l'herbe  d'un 
champ  culcivé  avec  celle  d'un  terrein 
inculte  &  fabloneux  ,  ou  maréca- 
geux. Si  on  douce  de  cette  vérité,  il 
convient  de  lire  l'article  Commune, 
CoMMUNAUx,&  on  verra,  d'après  un 
tableau  authentique  ,  qu'on  nourrit 
plus  de  boeufs,  de  vaches,  &  de  trou- 
peaux dans  les  villages  qui  n'ont  point 
de  communaux ,  que  dans  ceux  qui 
en  ont,  (.S:  que  la  différence  efténorme, 
quant  à  la  qualité  du  bétail.  Les 
abeilles  ftules  perdent  à  ces  échanges 
de  landes  en  champs  cultivés. 

LANGUE.  Médecine  vÉtzri- 
NAIK.E.  La  langue  eft  logée  dans  l'ef- 
pa.e  que  laiHent  Ultérieurement  en- 
tr'elles  les  deux  branches  de  l'os  de 
la  mÛLhoire  pollérieure  :  on  appelle 
aufli  cet  efpace ,  le  canal. 

Dans  le  cheval  ,  Te  trop  d'épaif- 
feur  de  la  langue  doit  néceilairemenc 
rendre  la  bouche  dure  ,  les  barres, 
(  (^oye\  ce  mot  )  étant  alors  à  l'abri 
de  l'effet  de  l'embouchure  \  il  en  eft 
de  même,  fi  le  canal  qui  la  reçoit 
n'a  ni  affez  de  largeur ,  ni  affez  de 
profondeur. 

Il  eft  encore  des  tangues  qu'on 
appelle  langues  pendantes ,  langues 
ferpentines. 

Une  langue  pendante  efttrès-dc-"- 
fagréable  à  la  vue  ;  une  langue  fer- 
pentine  remue  fans  cefTe  ,  elle  rentre 
&  fort  à  tour  moment ,  elle  s'aiTcte 
for:  peu  dedans  &:  dehors  ,  &  elle 
eft  fort  incommode.  Nous  voyons 
encore  des  chevaux  qui  étant  em- 
bouchés y  replient  leur  langue  &  la 
doublent;  d'autres  la  paffent  par- 
deffus  le  mors  :  ces  fortes  de  che- 
vaux tiennent  toujours  la  bouche  oa- 
vette.   Il   eft   poffible  de    remédier 


LAN 

à  ces  imperfections  par  la  tournure 
S<.  le  choix  des  embouchures. 

Maladies  de  la  langue,  La  langue 
eft  quelquefois  ébréchée  par  une  trop 
forte  compreffion  du  mors ,  &  cou- 
pée par  celle  du  filet ,  ou  le  plus  fou- 
vent  par  les  cordes  ou  par  les  longea 
du  licol  que  de  très-mauvais  valets 
ou  palfreniers  auront  paffé  trcs-indif- 
crètement  dans  la  bouche  pour  retenir 
le  chev.-.l.  La  langue  peut  auffi  être 
attaquée  d'une  tumeur  chancreufe  , 
qui  la  rongeant  en  très-peu  de  temps , 
fans  qu'on  s'en  apperçoive,  en  caufe 
quelquefois  la  chute.  (  /^oyg:^  Chan- 
cre A  LA  Langue  )  C'eftcette  même 
tumeur  qui  arrive  dans  les  maladies 
épizootiques  ,  non  -  feulement  aux 
chevaux  ,  mais  aux  bêtes  à  corne  > 
dont  nous  avons  déjà  traité  à  l'article 
Charbon  a  la  Langue.  (  f'^oye-^ç^ 
ce  mot  ).  Quant  aux  excroiffances  on 
aux  alongemens  en  forme  de  na- 
geoires de  poiffons  ,  que  l'on  remar- 
que fous  la  langue  ,  connus  fous  le 
nom  de  barbes  ou  de  barbillons ,  le 
lecteur  peuc  confulter  cet  article.. 
M.  T. 

Langue  de  Cerf.  (  Voyci   Sco- 

lotendre). 

Langue  de  Chien.  (  Voye':^  Cy- 

noglosse). 

LANGUE  DE  SERPENT.  (  Voye-^ 
planche  /''_,  page  125  ).  Tourneforc 
la  place  dans  la  féconde  fed:ion  de  la 
feizième  clalle  qui  renferme  les  plan- 
tes fans  fleurs  apparentes  ,  &  donc 
les  fruits  ne  nailTenr  pas  fur  les 
feuilles ,  mais  en  épis  ,  ou  dans  des 
capfules  ;  il  l'appelle  cphioglofjum 
vulgatum.  Von  Linné  lui  conferve 
la  même  dénomination ,  &  la  claiTe 


L  A  P 

dans  la  cryptogamie,  dans  la  famille 
des  fougères, 

truitijkaûon. C'eft  un  cpi  articulé, 
reprcfencc  au  haut  de  la  tige  A  ,  qui 
s'ouvre  dans  toute  fa  longueur  par  un 
mouvement  naturel  de  contraction. 
Voyc-{  la  tige  B  qui  répand  les  femen- 
ces  C  ovoïdes  &:  lilfes.  Elles  iowz 
repréfentces  augmentées  à  la  loupe  , 
car  à  la  vue  iimple  elles  paroillenc 
n'être  que  de  la  poulîière. 

Feuille.  Une  feule, ovale,  fimple  , 
entière  ,  fans  nervure  ,  portée  fur  un 
pétiole  qui   part  de  la  racine. 

Racine.  Compofée  de  fibres  ra- 
malTées  en  faifceaux. 

Port.  La  tige  de  l'épi  part  de  la 
racine  ,  s'élève  à  la  hauteur  de  deux 
ou  trois  pouces  ^  lilfe ,  cylindrique.  La 
feuille  erabralFe  la  tige  par  fa  bafe  , 
&  s'élève  moins  haut  que   l'épi. 

Lieu.  Les  prés  inondés ,  les  marais  j 
la  plante  eft  vivace  &  fleuri:  en  mai 
ou  juin. 

Propriété.  La  faveur  de  la  feuille 
eft  douceâtre ,  vifqueufe  ,  légèrement 
auftère  &  virulenre.  Elle  eft  vulné- 
raire ,  prife  intérieurement  ou  ap- 
pliquée à   l'extérieur. 

Ufage.  Les  feuilles  infufées  dans 
l'huile  d'olive  récente,  palTent  pour 
un  vulnéraire  aulîi  puilfant  ,  aulîl 
utile  pout  les  plaies,  que  l'huile  de 
mdUpenuis.  (  Voye\  ce  mot  )  Les 
feuilles  tendent  à  répercuter  les  lufla- 
mations  éryfipélateufes. 

LAPEREAU.  LAPIN.  LAPINE. 
I-e  premier  eft  le  petit,  le  fécond  le 
mâle  adulte  ,  &  le  troificme  la  fe- 
melle égidement  adulte.  Je  ne  dé 
crirai  point  cet  animal  ,  il  n'eft  mal- 
hcureufement  que  trop  connu  des 
cultivateurs.  Après  la  grêle  ,  c'eft  w\\ 
de  leurs  plus  terribles  fléaux.  Je  puis 


L  A  P  zzj 

affurer ,  d'après  ma  propre  expérience , 
que  dix  lapms  domeftiques  confom- 
menc  autant  dherbe  qu'une  feule 
vache.  Quelle  doit  donc  être  la  con- 
fommation?  quels  doivent  donc  être 
les  dégâts  qu'ils  tout  dans  les  champs 
voihns  d'une  garenne  ?  Cet  animal 
ronge  ,  coupe  ,  brife  ,  plutôt  pour 
avoir  le  plaiiir  de  ronger ,  d'exercer 
fes  dents,  que  de  pourvoir  à  fa  fubfif- 
tance.  J'ai  vérifié  le  fait.  Après  avoir 
donné  à  des  lapins  ,  6c  en  grande 
quantité,  du  fon,  de  l'herbe  fraî..he  , 
du  foin  itz,  &  trois  fois  plus  qu'ils 
n'en  auroient  mangé  dans  la  journée  j 
enhn  ,  après  qu'ils  lurent  raflTafiés 
outre  melure,  je  leur  jetai  un  mor- 
ceau d'une  vieille  poutre  de  fapin  , 
&  ils  fe  mirent  à  la  ronger.  Le  lapin 
détruit  donc  pour  le  plaidr  de  dé- 
truire. En  efler,  fi  on  examine  le 
local  où  les  lapins  fuivages  établif- 
fent  leurs  terriers ,  on  voit  l'écorce 
de  tous  les  jeunes  arbres,  rongée  ,  & 
peu  à  peu  ce  local  fe  dégarnit  de 
bois.  Que  l'on  examine  également  les 
champs  des  environs,  &  on  les  verra 
dévaftés.  En  un  mot,  ces  animaux 
font  un  vrai  fléau  pour  les  campagnes» 
Combien  d'auteurs  cependant  écrif 
vent  pour  apprendre  à  multiplier  les 
garennes,  à  entretenir  les  lapins,  & 
à  leur  procurer  une  nouuiture  abon- 
dante aux  dépens  des  cultivateurs  'y 
fans  doute  qu'en  prenant  la  plume 
ils  n'ont  coivdJéré  que  le  plaifir  des 
feigneurs  ,  &:  non  les  calamités  des 
campagnes.  Quanta  moi,  le  vœu  le 
plus  ardent  que  je  fais  eft  de  les 
voir  détruire  tour.  (  Voye-^  ce  qui  eft 
dit  au  mot  G/\rde-Chasse  ,  h  on 
veut  les  multiplier  ,  &  au  mot  Ga- 
renne, fî  on  veut  les  détruire.  )  Cet 
animal  eft  iujet  à  la  clavelée  ou  pe- 
tite vérole ,  ainfi  que  le  die  M,  Af- 


130  L  A  R 

truc.  Il  fuffit  qu'il  vienne  pendant 
'la  nuit  manger  l'herbe  déjà  broutée 
par  un  troupeau  attaqué  de  cette  ma- 
ladie. Puilîe  cette  maladie ,  &  plu- 
fieurs  autres  accumulées  fur  les  lapins, 
en  détruire  l'eTpcce  ! 

LARD.  Partie  graffe  qui  eft  entre 
la  couenne  Se  la  chair  du  porc.  Cette 
partie  forme  autour  du  corps  de  l'a- 
nimal ,  ce  qu'on  nomme  le  manteau , 
parce  qu'elle  l'enveloppe.  On  pourroit 
l'enlever  d'une  feule  pièce  ,  mais  elle 
feroit  embarralfanre.  On  la  divife  en 
deux  ,  &  on  la  fale  pour  la  conferver , 
comme  on  fale  les  autres  parties  du 
cochon.  Après  qu'il  a  pris  le  fel  qui 
lui  convient  ,  on  traverfe  chaque 
manteau  par  un  ofier  ,  &  on  le  luf- 
pend  communément  au  plancher  de 
la  culfnie  ou  dans  le  faloir.  Ceux  qui 
en  font  commerce,  léfinent  fur  la 
quantité  de  fel,  &  celui  qui  l'achète 
eft  dans  le  cas  d'avoir  un  lard  qui 
rancit  promptement.  Il  faut  donc  lui 
donner  un  nouveau  fel,  8c  dans  la 
quantité  qu'il  exige,  ce  que  l'on  con- 
noît  en  le  goûtant  de  temps  à  autre. 
Si  on  le  tient  dans  un  lieu  chaud  & 
humide,  c'eft  un  moyen  sûr  d'accé- 
lérer fa  rancidité;  il  vaut  beaucoup 
mieux  le  fufpendre  dans  un  lieu  fec, 
où  règne  un  bon  courant  d'air. 

On  lit  dans  le  journal  économique 
de  mai  1765  ,  la  méthode  fuivante 
pour  le  conferver.  "  Après  que  le 
lard  a  été  quinze  jours  dans  le  fel , 
il  faut  avoir  une  cailTe  où  il  puilfe  y 
en  entrer  trois  pièces  ;  on  mettra  du 
foin  au  fond, on  enveloppera  chaque 
pièce  de  lard  avec  du  même  foin  , 
&  on  en  mettra  une  couche  entre 
deux;  cela  l'empêche  de  rancir,  & 
on  le  trouve  au  bout  de  l'an  auflii 
frais  que  le  premier  jour.  11  faut  feu- 


L  A  R 

lement  avoir  foin  de  le  garantît  des 
rats,  des  fouris  Se  des  infedes  qui 
peuvent  fe  couler  dans  la  cailfe.  » 

Je  n'ai  point  répété  ce  procédé, 
qui  me  paroît  bon,  en  ce  qu'il  met 
le  lard  à  couvert  des  alternatives  Se 
des  viciflitudes  de  l'air  extérieur ,  l^ 
c'eft  Toujours  par  elles  &  par  leuc 
contact  immédiat  que  les  corps  fe 
décompcfent.  Je  croirois  cependant 
qu'il  convient  d'attendre  que  le  lard 
falé  foir  bien  fec,  Se  il  l'eft  peu  or- 
dinairement quand  il  eft  au  fel  ,  à 
moins  que  l'ait  ne  foit  très -fec  & 
très-froid  dans  cette  faifon.  Si  l'air 
eft  humide,  le  fel  attirefon humidité. 
Se  augmente  celle  qui  eft  inhérente 
au  lard;  dès  lors,  cette  humidité  fur- 
abondante  fe  communique  au  foin, 
de-là  la  moififfure,  la  décompofition 
du  lard  &  fa  rancidité.  Il  eft  aifé  de 
répéter  ce  procédé  pour  s'aflurer  de 
fa  valeur. 

Le  lard  eft  un  aliment  très-indi- 
gefte ,  qui  n'eft  propre  qu'aux  ef- 
tomacs  robuftes  des  gens  de  la  cam- 
pagne. Chez  les  perfonnes  plus  dé- 
licates, il  rancit  dans  l'cftomac  avant 
d'être  digéré,  &  leur  caufc  des  rap- 
ports défagréables  :  plus  il  eft  vieux 
&  plus  il  eftindigefte.  En  général  c'eft 
une  nourriture  mal  faine,  que  le  fel 
ne  parvient  pas  à  corriger. 

Dans  les  provinces  qui  bordent  la 
Méditerranée  ,  il  fubfifte  un  préjugé 
dont  les  médecins  mêmes  ne  font 
pas  exempts  ;  on  y  croit  fetmement 
que  le  bœuf  échauffe,  &:  on  ne  mange 
que  du  mouton  ;  le  pot  au  feu  eft  fait 
avec  du  mouton ,  ce  qui  donne  un 
bouillon  fade  Se  relâchant.  Pour  en 
relever  le  goût ,  on  ajoute  une  pièce 
de  lard  dans  le  pot  ;  ce  bouillon  eft 
plus  favoureux  à  la  vérité,  mais  il  eft 
beaucoup  plus  indigefte.  Cependai:r 


I  A  R 

c'eft  le  feul  bouillon  que  dans  les 
hôpitaux  on  donne  aux  malades  donc 
fouvenc  l'eftomac  a  été  abattu  pat  les 
maladies,  &  par  les  remèdes  qu'on 
leur  prodigue  :  il  en  réfulte  que  les 
convalefcences  font  longues  iSc  labo- 
rieufes.  Un  bouillon  fait  avec  le 
bœuf  eft  bien  plus  reftauranc.  Enfin, 
pour  un  hôpital  comme  pour  un  gros 
ménage ,  il  y  a  une  grande  économie 
à  manger  du  bœuf,  &  la  nourriture 
en  eft  plus  lucculente  &  plus  faine  : 
mais  le  préjugé  exifte,  il  eft  enraciné, 
comment  le  détruire  !  Telle  eft  la 
coujume  du  pays  que  j'habite.  Ce- 
pendant le  bœut  fournit  un  bouillon 
quife  corrompt  moins  prompcement 
que  celui  du  mouton,  &  ime  livre 
de  bœuf  feroic  plus  de  foupe  Se 
meilleure,  que  deux  livres  de  mou- 
ton ,  même  en  y  ajoutant  du  lard. 

LARIX.  (  Foye:^  Mélèze.  > 

LARME  DE  JOB.  (  Fojc:^  Plan- 
che Fj  page  225.)  Tournefort  la 
place  dans  la  cinquième  feciion  de 
la  quinzième  clalfe  des  herbes  à  éta- 
mines  féparées  des  fruits  ,  mais  fur 
le  même  pied ,  &  il  l'appelle  lachrynm 
joh's.  Von  Linné  la  claire  dans  la 
monorie  triandrie  ,  &  la  nomme 
coix  lachryma  jobi. 

Fleur  B.  Compofée  d'une  balle 
contenant  deux  fleurs  formées  de 
deux  valvules  oblongues  &  faus  barbe» 
Les  fleurs  mâles  font  féparées  des 
fleurs  femelles ,  mais  fur  le  même 
pied....  C  repréfente  une  fleur  fe- 
melle . . . .  D  fon  piftil.  Les  fleurs 
mâles  ont  trois  étamines. 

Frair.. La  fleur  femelle  devient  par 
fa  maturité  une  graine  E,  de  la  forme 
d'une  larme ,  caraétère  qui  a  fervi  à 
afiîgnet  le  nom  de  la  plante  5  cette 


L  A  R  231 

graine  eft  dure,  polie.  La  balle  fait 
partie  du  fruit  ,  elle  ne  celTe  pas 
d'envelopper  l'embrion,  même  après 
fa  maturité.  F  la  repréfente  coupée 
tranfverfalement,  pour  faire  voir  la 
place  que  l'embrion  G  occupe. 

Feuilles.  Simples  ,  entières ,  poin- 
tues, embrairanc  la  tige  par  le  bas. 

Racine.  Rameufe ,  fibreufe. 

Lieu.  Originaire  des  Indes,  cul- 
tivée dans  les  jardins  ,  où  elle  eft 
vivace  li  on  la  préferve  des  gelées, 
fleurit  en  juillet,  août. 

Port.  Tige  d'un  pied  &  demi; 
efpèce  de  chaume  articulé  &  plein  ; 
les  fleurs  nailfent  au  fommet  ,  dif- 
pofées  en  panicules  lâches;  les  feuil- 
les ,  avant  de  fe  développer  ,  fonc 
roulées  en  cornet  en -dedans  fur  un 
feul  côté ,  6c  enfuite  elles  s'élèvenc 
droites. 

Propriétés.  On  la  cultive  en  Ef- 
pagne  &■  en  Portugal  ;  on  la  feme 
au  printemps  fur  une  couche  mé- 
diocrement chaude  ;  les  jeunes  plants 
font  tranfplantés  dès  qu'ils  ont  quel- 
ques feuilles;  les  femences  font  mû- 
res à  la  fin  de  feptembre.  Cette  plante 
n'exige  d'autre  culture  que  d'être 
fardée  ;  la  graine ,  moulue  comme 
le  bled,  lournit  une  farine  donc  on 
prépare  un  pain  groflier.  Les  femmes 
de  la  côte  de  Malabar  enfilent  ces 
graines  pour  leur  fervir  de  colier  : 
de  cette  pratique  eft  venue  fans  doute 
l'idée  de  les  enfiler  &  d'en  prépares: 
des  chapelets. 

LARMOIEMENT.  Médecine 
RURALE.  Le  larmoiement  eft  un 
écoulement  involontaire  des  larmes. 

Plufieurs  caufes  peuvent  le  déter- 
miner :  dans  ce  nombre ,  on  doit 
comprendre  l'inflammation  de  l'œil, 
l'obftrudion  &  l'oblitération  da  iac 


i3i  L  A  R 

lacrymal ,  une  fiftule  dans  la  glande 
lacrymale  ,  des  embarras  dans  les 
conduits  lacrymaux  ,  une  obftruction 
dans  les  parties  voifines  des  yeux  ;  il 
peut  auili  être  produit  par  la  foiblelFe 
&  le  relâchement  des  glandes  des 
yeux  ,  par  une  fétodté  trop  abon- 
dante dans  le  corps. 

La  réperculîion  des  dartres,  de  la 
goutte,  ou  de  quelqu'autre  humeur, 
peut  encore  lui  donner  naiflance. 

Le  larmoiement  n'eft  pas  toujours 
une  maladie  elfentielle,  il  eft  très- 
fouvent  un  fymptôme  qui  caradlérife 
l'arrivée  de  certaines  maladies,  telles 
<]ue  la  rougeole  &  la  petite  vérole. 
On  l'obferve  alFez  fouvent  dans  les 
maladies  aigiiesj  pour  l'ordinaire  il 
eft  de  mauvais  augure,  &:  annonce 
toujours  une  mort  prochaine  ,  fur- 
tout  quand  il  eft  l'effet  d'un  relâche- 
ment des  folides  ,  &  d'une  atonie 
univerfelle.  Il  eft  quelquefois  falu- 
taire  quand  il  paroit  aux  jours  cri- 
tiques, fur- tout  s'il  eft  accompagné 
du  prurit  du  nez,  de  la  rougeur  de 
la  tête  &  delà  conjon6tive  des  yeux, 
&  du  délire  ;  il  eft  alors  l'avant- 
coureur  &  le  fitrne  d'une  hémorrha^ie 
de  nez ,  qui  ne  tarde  pas  long-temps 
à  paroître, 

La  curation  de  cette  maladie  eft 
relative  aux  caufes  qui  la  produifent  j 
fi  elle  dépend  de  la  foiblelfe  natu- 
relle des  yeux,  on  la  combattra  par 
des  remèdes  forrifîants  ,  on  lavera 
fouvent  la  partie  malade  avec  une 
eau  bien  fraîche,  à  laquelle  on  ajou- 
tera une  portion  d'eau-de-vie  &  d'eau 
de  lavande.  L'eau  de  fenouil,  celle 
de  frêne  &:  de  fureau ,  l'eau  végéto- 
minérale  de  Goulard  ,  peuvent  ap- 
porter quelque  foulagemeut  extérieu- 
rement ,  mais  il  faut  alors  donner 
les  forrihans  intérieurement,  tels  que 


L  A  R 

les  martiaux  combinés  avec  le  quîii' 
quina  ,   Sec. 

Mais  fi  elle  tient  à  une  férofité  trop 
abondante  dans  le  corps,  à  la  réper- 
culîion de  i]uelqu'humeur  hétérogène 
&  viciée,  on  aura  recours  à  l'appli- 
cation des  véfîcatoires  à  la  nuque  , 
aux  bains  de  jambes  aiguifés  avec  la 
moutarde  en  poudre.  Si  le  larmoie- 
ment dépend  au  contraire  de  l'inflam- 
mation de  l'œil ,  on  employera  la 
faignée,  les  bains  locaux,  les  fomen- 
tations émollientes;  l'application  des 
pommes  réduites  en  pulpe  eft  un  ex- 
cellent remède  ,  qui  manque  rare- 
ment d'opérer  les  effets  les  plus  falu- 
taires.  Mais  le  larmoiement  caufé 
par  une  fiftule  ,  par  l'oblitération  du 
fac,  ne  peut  pas  être  traité  par  des 
moyens  aullî  (impies;  il  faut  nécef- 
fairement  recourir  aux  fecours  que  la 
chirurgie  fournit.  Dans  ces  circonf- 
tances  ,  on  confultera  ceux  qui  fe 
font  dévoués  à  l'étude  &  à  la  connoif- 
fancc  des  maladies  des  yeux,  &  dont 
l'intelligence,  la  dextérité  &  une  ex- 
périence confommée  ont  établi  la  ré-? 
putation ,  &  mérité  la  confiance  pu- 
blique. M.  AMI. 

Larmoiement.  Mc'decine  vétéri- 
naire. C'eft  une  maladie  dans  laquelle 
l'humeur  lacrymale  coule  continuel- 
lement &  involontairement  des  yeux 
des  animaux.  Cet  écoulement  a  lieu 
ordinairement  dans  les  grandes  in- 
flammations de  l'œil ,  commeà  la  fuite 
d'un  coup  de  pierre ,  de  fouet ,  Sec.  Il 
reconnoît  auiîî  pour  caufe  une  tu- 
meur ou  excroiiïance,  qui  comprime 
les  points  lacrymaux. 

Pour  remédier  au  larmoiement,  il 
faut  combattre  la  caufe  qui  l'occa- 
fioime.  L'écoulement  étant  donc  lo 
produit  de  l'inflammation ,  on  doit 

commencet 


\ 


L  A  R       ^ 

commencer  par  les  lemcdesanalogiiesr 
(  Voyci^  Inflammation  )  L'inflam- 
mation diflipée,  on  peut  mettre  de 
temps  en  temps  quelques  gouttes  du 
collyre  fuivant  dans  le  grand  angle 
de  l'œil. 

Prenez  de  vitriol  blanc  un  fcru- 
pulej  de  fucre  candi  un  demi-gros  j 
eau  de  rivière  quatre  onces  j  faites 
dilîoudre  le  vitriol  &  le  fucre  dans 
l'eau,  &  injeftez  dans  l'œil.  Ce  to- 
pique nous  a  réufli  à  merveille  fur 
une  mule,  pour  arrêter  l'écoulement 
des  larmes  ,  à  la  fuite  d'un  violent 
coup  de  fouet.  M.  T. 

LARVE.  On  a  donne  ce  nom  à 
l'état  de  l'infeéte  lorfqu'il  eft  forri 
de  fon  œuf.  Par  exemple,  la  chenille 
eft  la  larve  du  papillon  ,  c'eft  à-dire^ 
qu'elle  en  eft  le  mafque,  tout  comme 
le  ver  à  foie ,  dans  fon  état  de  chenille , 
eft  la  larve  de  laquelle  proviendra  un 
petit  papillon  blanc ,  qui  pondra  des 
œufs  ,  d'où  fortiront  de  nouvelles 
larves,  &  ainfi  de  fuire.  C'eft  dans 
leur  état  de  larve  que  les  infedres  font 
de  grands  dégâts,  par  exemple,  le  ver 
du  hanneton,  (  Voye-^  ce  mot)  vit 
pendant  plufieurs  années  fous  terre, 
&  trouve  fa  nourriture  en  rongeant 
les  racines  des  plantes  ,  qu'il  fait 
périr.  C'eft  ce  même  ver  &  celui 
du  fcarabé ,  ou  moine  ,  qui  détrui- 
fent  circuiairemenr  les  lufernes  ,  en 
tournant  toujours  pour  chercher  de 
nouvelles  racines.  Lorfqu'il  fera  qaef- 
tion  du  ver  à  foie  ,  on  fera  connoîrre 
les  diftérentes  mcramorphofes  des  in- 
feétes ,  en  décrivant  les  fîennes. 

LATRINE.   {Voye-^   Aisance 

Tome  VI. 


L  A  V  113 

LAVANDE.  Tournefort  la  p4ace 
dans  la  troificme  feétion  de  la  qua- 
trième ^'laire  des  herbes  à  fleur  d'une 
feule  pièce,  diviféeen  lèvres,  dont  la 
fupérieure  eft  retroulfée ,  &  il  l'ap- 
pelle lavandula  angujiifoliu.  Von 
Linné  la  nomms  lavanduLz  fpica ^  6c 
la  clalTe  dans  la  didynamie  gymno- 
ipermie. 

Fleur.  Formée  par  un  tube  cylin- 
drique plus  long  que  le  calice  j  la  lèvre 
fupérieure  relevée  ,  étendue,  parta- 
gée en  deux ,  l'inférieure  en  trois 
parties  arrondies,  &  à-peu-près  égales. 

Fruits.  Quatre  femences  arrondies 
dans  un  calice  renflé  par  le  haut. 

Feuilles.  En  forme  de  lame  ,  en- 
tières. La  lavande  à  larges  feuilles 
n'eft  qu'une  variété  de'  celle-ci. 

Racine.  Ligneufe,  fibreufe. 

Port.  Petlr  arbrilTeau  qui  varie 
beaucoup  pour  fa  hauteur  ,  fuivant 
les  climats ,  le  fol  &  la  culture.  Ses  ti- 
ges s'élèvent  ordinairement  de  quinze 
à  dix-huit  pouces  ,  elles  font  qua- 
drangulaires.  Les  feuilles  florales  font 
plus  courtes  que  les  calices,  qui  font 
roueeârres.  Les  feuilles  des  tiges 
font  adhérentes  &  fans  pétiole ,  elles 
font  oppofées  ;  les  fleurs  nailfent  au 
fommetdes  tiges,  elles  font  difpofées 
par  anneaux  &  en  manière  d'épi. 

Lieu.  Très-commune  dans  les  terres 
incultes  des  provinces  méridionales  , 
fleurit  en  juin  &  juillet. 

Propriétés.  Les  fleurs  ont  une 
odeur  agréable  &  une  faveur  amère. 
Les  fleurs  &  les  feuilles  font  cor- 
diales, céphaliques ,  emménagogues, 
mafticatoires,  fternutatoires,  carmi- 
natives  ,  elles  échauffent ,  altèrent , 
conftipent   Se  augmentent   fenfibleç 


234  L  A  V 

ment  la  vélocité  &  la  force  du  poiilî. 
On  les  prefcrit  avec  avantage  dans 
les  maladies  foporeufes  ,  contre  les 
pâles  couleurs,  le  rachitifme,  la  fup- 
prelîîon  du  flux  menftruel  occalionnce 
par  impreffion  d'un  corps  froid.  L'eau 
diftillce  de  lavande  réveille  médiocre- 
ment les  forces  vitales,  même  donnée 
à  haute  dofe.  La  teinture  de  lavande 
agit  plus  fortement  fur  le  gente  ner- 
veux que  l'infulion  aqueule. 

Voici  le  procédé  pour  faire  la  tein- 
ture de  lavande.  Prenez  les  foinmités 
fleuries  &  récentes  de  lavande,  rem- 
plilfez-en  la  moitié  d'un  matras  , 
verfez  par-defuis  de  l'efprit-de-vin  , 
en  quantité  fufEfante  pour  qu'il  les 
furpalîe  d'un  travers  de  doigt  j  bou- 
chez exactement  le  matras  que  vous 
mettrez  dans'nne  étuve  pendant  qua- 
rante-huit heures.  Si  on  diftile  cette 
préparation,  on  aura  une  très  torce 
eau-de-vie  de  lavande. 

Dans  les  provinces  du  nord,  la  la- 
vande eft  employée  à  former  Iss 
bordures  des  plartes  -  bandes  ,  ce 
qui  produit  un  joli  effet  quand  la 
plante  eft  en  fieur.  On  doit  couper  les 
tiges  aullî-tôt  que  la  fleur  eft  palFce, 
&  ne  pas  lui  donner  le  temps  de 
grainer.  C'eft  le  moyen  d'avoir  de 
nouvelles  fleurs  julqu'à  l'automne  : 
fans  cette  précaution  ,  les  tiges  fe 
deiféchent  &  font  défagréables  à  la 
vue.  La  plante  fouffre  la  tonte  com- 
me le  buis,  mais  fa  couleur,  d'un 
verd  blanchâtre,  n'eft  pas  agréable. 

On  doit  exclure  de  femblables  bor- 
dures de  tout  jardin  potager ,  parce 
qu'elles  fervent  de  retraites  sûres  & 
commodes  aux  limaces  &  aux  efcar- 
gots  de  toutes  les  efpèces  j  ils  en 
lortent  pendant  la  nui:  &  d  la  fraî- 
cheur ,  Lx  vont  dévûtwr  les  femis» 


L  A  V 

Cet  arbrifteau  craint  l'humidité; 
on  le  multiplie  par  boutures,  par  des 
plans  enracinés,  &  en  éclatant  les 
vieux  pieds.  La  faifon  pour  le  replan- 
ter en,  le  printemps  &  l'automne  :  la 
première  eft  à  préférer.  Il  n'eft  pas 
délicat  fur  le  choix  du  terreiii ,  puif- 
qu'il  végète  fur  les  terreins  incultes 
de  la  Provence  Se  du  Languedoc  ; 
mais  un  bon  fol  augmente  le  verd  de 
fes  feuilles,  lui  fait  poufler  des  tiges 
nombreufes  &  bien  nourries.  Cepen- 
dant ,  fi  on  compare  dans  le  nord 
l'odeur  de  fes  fleurs  avec  celle  des 
provinces  du  midi,  on  y  trouve  une 
grande  différence.  L'odorat  eft  plus 
fatisfait  dans  le  midi;  mais  combien 
ce  petit  avantage  eft  réparé  dans  le 
nord  par  la  beauté  de  la  verdure  ôc 
la  douce  fraîcheur  qui  y  règne  ! 

Les  provinces  du  midi  fourniflent 
encore  la  lavande  à  feuilles  décou- 
pées ,  celle  à  feuilles  dentelées  & 
crépues  ,  &  la  lavande  ou  ftichas  j. 
mais  la  botanique  n'étant  pas  le  but 
de  cet  ouvrage,  il  fufïit  d'indiquer  les. 
efpèces  fans  les  décrire. 

Les  parfumeurs  préparent  avec  les 
fommités  fleuries  de  la  lavande,  des 
fachets  à  odeur  ,  des  eaux  diftillées 
odorantes,  &  une  huile  eflentielle.   , 

LAVEMENT,  ou  CLYSTERE^ 
ou  REMEDE.  Subftance  fluide  qu'on 
injeébe  dans  les  inteftins  par  le  fon- 
dement, au  moyen  d'une  feringue- 

Les  laverhensfont  Amples  ou  com- 
pofés,  &  leur  dofe  doit  être  propor- 
tionnée à  l'âge  du  fujec  auquel  on  les 
donne. 

La  dofe  ordinaire  pour  l'homme 
eft  d'une  demi- bouteille  de  pinte, 
mefure  de  Paris ,  d'un  <^uart  ou  d'uu 


I  A  V  L  A  V  255 

tiers  de  cette  mefure  pour  un  enfant ,  îl  le  rendroit  tout  de  fuite.  Si  l'aiii- 

d'uiie  pinte  &  demi  ou  deux  pintes  mal  eft  trop  malade  pour  couiriv,  011 

pour  un  bœuf  &  pour  un  cheval.  donnera  deux  lavemens  de  luitej  le 

On  compofe  ces  remèdes  fuivant  fécond  dès  que  le  premier  fera  rendu, 
l'indication  de  la  maladie  ,  foit  afin  &  même  un  trciiième  s'il  ne  garde 
de  tenir  fimplement  le  ventre  libre,  pas  allez  longremps  le  fécond, 
foit  pour  redonner  du  ton  aux  mtef-  Comme  fouvent  dans  les  campa- 
tins  ,  foit  pour  calmer  leur  trop  gnes  il  n'eft  pas  facile  de  fe  procurer 
grande  rigidité,  caufée  par  finflam-  une  feringue  proportionnée  au  vo- 
mation  intérieure,  &c.  Si  on  donne  lume  de  l'animal,  voici  le  moyeu 
le  lavement  rrop  chaud,  le  malade  d'en  fabriquer  une  promptement  &  à 
le  rend  prefqu'aulîi-tôt^  limplement  peu  de  frais.  Prenez  un  morceau  de 
tiède,  il  féjourne  ttop  long- temps  jofeau  des  jardins.  ( /^oye:^  ce  mot  ) 
dans  les  inteltins,  &  devient  quel-  ou  un  morceau  de  fureau  dont  vous 
quetois  nuifible.  On  connoît  le  de-  ôterez  la  moelle,  long  de  iix  à  huit 
gré  de  chaleur  convenable,  lorf-  pouces;  adaptez  à  une  de  fes  extrémi- 
qu'on  applique  la  feringue  courre  la  tésune  veflie,  &  fixez-la  par  plufieurs 
joue,  &  qu'on  en  peut  luppottei  la  tours  de  corde.  Elle  formera  une  vafte 
chaleur.  On  fait  en  général  trop  peu  poche  dans  le  bas  du  tuyau.  A  l'extré- 
d'ufage  de  ce  médicament  :  dans  mité  fupt'rieure  du  fureau,  placez  tout 
nombre  de  cas  il  peut  fuppléet  tous  autour  de  la  filalTe  ou  du  chanvre  pel- 
les autres  ,  &  fouvent  il  efl  unique  gné,ou  du  coton,  ou  bien  encore  un 
dans  fon  efpèce.  morceau  d'étoffe  que  vous  alfujettirez 

Souvent  l'idée  ridicule  de  vouloir  avec  du  fil  ,  afin  de  former  dans  cet 

palFer  pour  un  fivant  compofiteur  de  endroit  une  efpèce  de  bourreler  qui 

remèdes,  a  fait  multiplier   les  dro-  empêchera  que  l'intefti'i  ne  foit  blelfé 

gués  qui  entrent  dans  la  préparation  par  l'introduction  &  le  frottement  du 

de  ce  remède;  les  plus  fimples  &  les  bois  qui  ferr  de  canule.  Le  tout  ainfi 

moins  compofés  font  toujours  les  plus  préparé,  vuidez  par  le  haut  du  tuyau 

efB.aces,  c<j  l'on  juge  beaucoup  mieux  la  matière  du  lavement  qui  ie  préci- 

de  leur  manière  d'agir.  pitera  dans    la    vellie  ;    introduifez 

Avant  de  donner  un  lavement  aux  cette    efpèce    de    canulle    dans    le 

bœufs  &  aux   chevaux,  il  faut  que  fondement  de  l'animal  ;   de  la  main 

le  valet  d'écurie  frotte  fa    main  &c  gauche  foutenez  la   vefîie,  &  de  la 

fon  bras  avec  de  l'huile;  qu'il  inlunie  droite  ,  prelTez  fortement  de  bas  en 

fa  main  dans  le  fondement  de  l'ani-  haut  cette  veille.  La  preilion  forcera 

mal, qu'il  en  retire  les  excrémens  qui  l'eau   à  pénétrer  dans   l'inteftiii    de 

y    font  endurcis  ;  qu'il  recommence  l'animal. 

cette  opétation  en  enfonçant  le  bras  Le  mèmeinfttumentpeutaubefoin 

aulîi  avant  qu'il  le  pourra.  Sans  cette  fcrvir  pour  l'homme  ;  il  fufîit  de  di- 

précaution  préliminaire  &:  indifpen-  minuer  la  longueur  Si  la  groffeur  de 

fable ,  le  remède  ne  produira  aucun  la    canule.   On  peut  encore   mettre 

effet.  Dès  que  l'animal  aura  reçu  le  ladofe  convenable  du  lavement  dans 

lavement ,  on  le  fera  trotter  afin  qu'il  la  veffie,  &  ralkijettir  enfuite  centre 

le  garde  plus  longtemps  ;  autrement  le  fureau. 

Ggi 


15^  L  A  V 

Lavcmens   ruffrauhijfans    &     anti- 
putrides. 

Le  lavemenr  le  plus  commun  eft 
celui  qui  cH:  fait  avec  l'eau  fimple.  Il 
fufHc  dans  les  couftipations  &  les  iu- 
ftammadons  Ictères.  On  peut  fup- 
pléer  à  l'eau  fimple  par  la  àécoclion  de 
mauve  ou  de  pariécaire  ,  ou  de  mer- 
curiale ,  &c.  Si  la  faifon  empêche  de 
cueillir  ces  plantes,  ou  fi  on  ne  les 
connoîc  pas ,  on  ftra  dilloudre  dans 
l'eau  un  peu  de  gomme  arabique  ou 
de  cerifier,  d'abricotier,  de  pêcher, 
&c.  \  ou  on  fera  bouillir  de  la  graine 
de  lin.  C'eft  en  raifon  de  leur  mu- 
cilages que  ces  fubftances  agillent  & 
rendent  l'expullion  des  excrémens  plus 
facile.  L'eau  relâche  Tinteftin,  &  le 
mucilage  le  tapilTe.  Prenez  une  once 
de  graine  de  Un,  ou  demi-once  de 
gomme,  ou  une  poignée  des  plantes 
indiquées  ,  faites  les  ditToudre  dans 
i'eau  chaude,  ou  f.iites-en  une  décoc- 
tion ,  &  vous  aurez  un  lavemene 
adoucilTanr. 

Si  on  délire  qu'il  calme  davantage 
l'irritation  des  inteftins ,  il  fuffit  d'a- 
jouter un  peu  de  vinaigre  ,  jufqu'à 
ce  que  l'eau  acquierre  une  agréable 
acidité.  On  ne  peut  trop  recomman- 
der ce  remède,  foit  pour  les  hommes, 
loit  pour  les  animaux  ,  dans  routes 
les  maladies  putrides  &  inflamma- 
toires ,  &  il  peut  fuppléer  tous  les 
autres  de  ce  genre. 

L'eau  de  poulet  en  lavement  eft 
irès-rafFraîchiiraJue  ainfi  que  l'eau  de 
ion. 

Bien  des  gens  regardent  l'huile 
d'amande  douce  comme  très-adou- 
cillante;  elle  ne  l'eft  pas  plus  que 
celle  d'olive  nouvelle.  C'eft  en  raifon 
de  leur  mucilage  que  l'une  &  l'autre 
agiirejit  y  &  elles  le  dépofent  en  vielliP 


L  A  V 

faut.  Cette  perte  du  mucilage  eft 
la  première  caufe  de  leur  rancidité , 
&  en  été  l'huile  d'amandes  eft  rance 
fouvent  après  quinze  jours.  Toute 
huile  dont  la  faveur  eft  déjà  force  , 
eft  acre  &  irritante.  Ainfi  ,  cette 
fubftance  devient  ,  dans  cet  état , 
acre,  irritante,  &  produit  un  effet 
tout  oppofé  à  celui  que  l'on  atten- 
doit,  &r  la  prudence  exige  que  l'on 
s'alfure  de  la  qualité  de  Ihuile  avant 
de  l'employer. 

Les  lavemens ,  même  fimplement 
compofés  d'eau  ,  produifent  de  très- 
bons  effets,  dans  les  ardeurs  &  les 
rétentions  d'urine;  leur  action  eft  en- 
core plus  marquée  il  on  y  ajoute  un 
peu  de  vinaigre.  On  le  répète  ,  le  vi- 
naigre feul  &  uni  à  l'eau  d'une  dc=. 
coélion  mucilagineufe  ,  eft  de  tous  les 
remèdes  de  ce  genre  ,  celui  que  l'on 
doit  préférer  ,  foit  pour  raftraîchir  , 
foit  pour  s'oppofer  aux  effets  de  \z 
putridité  &  de  rinflammarion. 

Les  maladies  épïzootiques  qui  fe 
manifeftent  pendant  l'été ,  font  routes 
putrides  ou  inflammatoires ,  &c  fou- 
vent  l'une  eft  effet  de  l'autre.  Dans 
ces  cas ,  donnez  ces  lavemens  au  nom- 
bre de  cinq  ou  fix  par  jour  ;  con- 
tinuez &  ne  diminuez  enfuite  leur 
nombre  qu'en  raifon  de  la  diminu- 
tion des  fymptomes  de  la  maladie  j 
mais  n'employez  jamais  les  huileux, 
mettez  à  leur  place  les  décoctions 
des  plantes  mucilagineufes  ou  les 
fubftances  gommeufes.  Dans  plufieurs 
épizooties  j'ai  fouvent  du,  prefque- 
aux  feuls  lavemens,  la  guérifon  des 
animaux.  On  peur  ajouter  le  miel  ert 
décoétion  ,  &  fupprimer  les  plantes 
mucilagineufes .  . .  Les  graines  de 
concombics,  de  courges,  démêlons, 
les  amandes  pilées  ;  en  un  mot,  leur 
émuUIoii  feivent  aiu"  lavemens  rafrai~ 


L  A  V 

chiiTans  &  anti-putrides.  Mais  ,  pour- 
quoi recourir  à  toutes  ces  préparations 
longues,  lorfque  l'eau,  le  vinaigre  ôc 
le  miel  iuttifent  ?  C'eft  qu'on  croie 
augmenter  l'efficacité  du  remède  par 
la  multiplication  Se  la  préparation 
des  drogues. 

Une  des  plus  heureufes  découver- 
tes de  ce  ficelé  ,  eft  fans  contredit 
celle  des  différentes  efpèces  d'air. 
(  P^oyc-^  ce  mot  )  Ici  la  phyfique  eft 
venue  aa  fecours  de  la  médecine,  &c 
lui  a  fourni  un  des  plus  grands  re- 
mèdes contre  la  putridité.  On  donne 
aujourd'hui  des  lavemens  d'air  fixe, 
qui  produifent  les  plus  grands  effets. 
Il  eft  fâcheux  que  l'appareil  pour  ob- 
tenir cet  air,  ne  foit  pas  à  la  portée 
des  habitans  de  la  campagne.  Cet  ait 
s'unit  très-bien  avec  l'eau  iimple  ,  & 
cette  eau ,  imprégnée  d'air  ,  donnée 
foit  en  boiffon  ,  foit  en  lavement  , 
eft  le  remède  le  plus  efficace  dans 
les  maladies  putrides,  même  inflam- 
matoires. Le  fuccès  a  furpafté  mes 
efpérances  fur  les  hommes  comme 
iur  les    animaux,. 

_  Des  layemens  toniques,- 

Toutes  les  plantes  odoriférantes  , 
comme  le  thini ,  le  romarin ,  le  fer- 
polet  ,  la  lavande,  la  camomille  ro- 
maine, &c.  peuvent  fervir  à  la  dé- 
coâion  du  lavement.  Si  on  veut  le 
rendre  purgatif  ,  on  y  ajoutera  du> 
fucre  rofat  ,  ou  une  déccârion  de 
{èné,  ou  des  fels  neutres,  ou  même 
du   fel  de  cuifine. 

On  appelle  \ciVtvc\ent  earminafif  y 
©u  propre  à  expulfer  les  vents  ,  celui 
que  l'on  compofeavec  la  décoétiondc- 
€amomille,  demélilot,  de  coriandre, 
d'anis ,  de  baies  de  genièvres ,  &c. , 
avec  le  miel  commun.  Ce  lavemeuc 


L  A  X;  Î37 

eft  tonique ,  &:  il  fait  rendre  beau?» 
coup  de  vents  \  mais  n'eft-ce  pas  en 
augmentant  encore  leur  nombre?  J'ai 
toujours  vu  que  des  lavemens  émo- 
liens  diminuoicnt  beaucoup  l'irrita- 
tion des  inteftms,  &:  que  l'air  y  étant 
moins  raréfié  par  la  chaieur ,  les  vents 
fortoienc  fans  peine.  U  eft  trèsprudenc 
de  faire  rarement  ufage  des  remèdes 
incendiaires.  U  eft  des  cas  cependant 
où  les  lavemens  aétifs  font  d'un  grand 
fecours.  Par  exemple  ,  dans  l'apo- 
plexie d'humeur,  alors  prenez  icnc , 
coloquinte  ,  de  chacun  une  once  ; 
ajoutez  .1  la  colature  deux  onces  vir- 
émétique  trouble.  Comme  il  eftpof- 
lible  qu'on  n'ait  pas  fous  la  main  , 
&  dans  une  circonftance  où  les  mo- 
mens  font  précieux ,  -les  fubftances 
dont  on  vient  de  parler  ,,  on  peut  les- 
fuppléer  par  une  décodion  de  deux 
onces  det.abac,fûit  en  feuilles  sèches, 
foit  en  corde,  foit  en  poudre,  &  en- 
core mieux  par  un  lavement  de  fu- 
mée de  tabac  ,  dont  il  fera  queftion 
à  l'article   Noyé. 

Dans  les  fièvres,  on  donne  des  la- 
vemens avec  la  décoélion  du  q^uiu- 
quina. 

LAI3RÉ0LE  AULE.  (  Foyei 
planche  V .,  P'^g^  ^^5  )•  Tournefort" 
la  place  dans  la  première  fec^ion  de 
là  vingtième  clalfe,  deftinse  aux  ar- 
bres à  fleurs  d'une  feule  pièce  ,  &■ 
dont  le  piftil  devient  un  fruit  mou  y 
rempli defemences  dures;  ilTappelle 
Th\melca  lauri-folio  femver  virens  , 
feulaureola  mas.  Von  Linné  la  nom- 
me Daphne  laureola,S<.  la  claife  dans 
l-'oélandrie  monogynie. 

Fleur.  Le  n°.  i  repréfente  une 
branche  de  la  lauréole  mâle.  La  fleur: 
eft  d'une  feule  pièce,  fans  calice;  Haco- 
Eolle  eft  prefqu'en  forme  d'entonnoir» 


155  L  A  U 

Elle  eft  repréfentée  ouverte  en  A  , 
afin  de  faire  voir  l'arrangemeiK  des 
huit  étaniines.  Le  piftil  B,  eft  placé 
ail  centre  de  la  corolle,  qui  eft  dé- 
coupée en  quatre   parties  ovales    Se 


algues. 


•  Fruit.  C.  Baie  obronde ,  à  une 
feule  loge  ,  renfermant  une  feule 
femence  ovale   &    charnue. 

Feuilles.  Adhérentes  aux  tiges  , 
cpailTes,  en  forme  de  lance,  gralFes, 
iifles  &    lulfantes. 

Racine.  Ligneufe  &  fibreufe. 

Port.  Arbnlleau  toujours  verd  , 
qui  s'élève  à  la  hauteur  de  dix-  huit  à 
vingt-quatre  pouces;  les  fleurs  naif- 
fent  en  grappe  des  allfcUes  des  feuil- 
les 5  les  feuilles  font  éparfes,  raflem- 
blées  au  fommet,  &i  toujours  vertes. 

Lieu.  Les  montagnes  ,  à  l'ombre 
dans  les  forêts  \  fleurit  en  mai  &  en 
juin  ,  &  la  fleur  eft  d'un  verd-terne. 

Lauréoie  Femelle  j  ou  Mese- 
REUM  ,  ou  Bois  Gentil.  (  T^oye-:^ 
planche  V ^  P^g^  2,2.5  ,  ""•  ^•)  -^'\y~ 
mclcj.  folio  deciduo.T ovK^.  Daphne 
mefertum.  Linn. 

Fleur  ii  fruit.  Les  mcmes  caractè- 
res que  les  préçédens.  En  D  la  co- 
rolle eft  repréfentée  ouverte.  E  fait 
voir  la  di^érence  qui  fe  trouve  dans 
le  piftil.  F  repréfente  le  ftuit  , 
&  G  le  fruit  coupé  tranfverfalement. 

Feuille  s. ^\wi  peEices,plus  molles» 
moins  luifantes. 

Port.  ArbrilTeau  .à  tiges  brunes  , 
en  quoi  elles  diffèrent  des  précédentes 
qui  font  vertes  j  pliantes  ,  cylindri- 
ques, hantes  de  deux  à  trois  cou- 
dées ,  dont  les  feuilles  tombent  à 
l'entrée  de  l'hiver.  \\  a  une  double 
ccorce,  l'extérieure  verte   &  Tinté- 


L  A  U 

rieure  blanche.  Les  fleurs  font  rouges; 
adhérentes  aux  tiges  ,  ralTemblées 
trois  à  trois. 

Lieu.  Les  Alpes  ,  les  Pyrennées  , 
les  montagnes  élevées  de  l'intérieur 
du  royaume. 

Lauréole-Garou,  ou  Trinta- 
kelle.  Thymeka  jolds  Uni.  Tourn. 
Daphne  gnidium.  Lin.  Il  diffère  des 
préçédens  par  le  grand  nombre  de 
tiges  qui  s'élèvent  de  fes  racines  , 
hautes  d'un  à  trois  pieds  ,  droites, 
feulement  garnies  de  rameaux  au 
fommet  ;  l'écorce  des  tiges  eft  brune  j 
les  feuilles  font  linéaires ,  en  forme 
de  lance  aiguc,  étroites  à  leur  bafej 
les  fleurs  naillent  au  fommet  des  ti- 
ges, au  lieu  que  dans  les  efpèces  pré- 
cédentes,  elles  naiffent  des  aifielles; 
les  fleurs  font  d'un  blanc  couleur  de 
cire  ,  auxquelles  fuccèdent  des  baies 
d'un  joli  rouge. 

U  y  a  plufieurs  autres  efpèces  de 
lauréoie  que  je  ne  décrirai  pas  ,  parce 
que  cet  ouvrage  n'eft  pas  un  diction- 
naire de  botanique  \  d'ailleurs  ,  les 
trois  efpèces  indiquées  (uffifent  pour 
l'agrément  &    pour  l'utilité. 

Cette  plante  eft  nés- multipliée 
dans  les  terreins  incultes  de  nos  pro- 
vinces du  midi  :  mêlée  avec  les  autres 
broiiffailles,  on  s'enfert  pour  chauffer 
les  fours. 

Propriétés  d'agrément.  La  lauréoie 
mâle  ,  quoique  petit  aibufte ,  mérite 
de  tenir  une  place  furie  devant,  dans 
les  bofquets  toujours  verts  :  on  peut 
même  en  faire  des  bordures.  Le  temps 
d'en  tiire  des  plantations  eft  fixé  par 
la  cluite  des  graines  ;  mais  il  eft  plus 
sûr  de  les  femer  tout  de  fuite  dans 
une  terre  lét^ère  ,  ombragée  par  de 
grands  arbres.  A  la  féconde  ,  ou  à 
la  troiiîème année ,  fuivanc  leur  force. 


L  A  U 

on  les  plantera  dans  le  fol  deftinc  a 
les  recevoir.  Leur  reprife  fera  ail iitce, 
ù  on  a  eu  la  précaution  de  les  fcmer 
dans  des  pots,  parce  que  les  racines 
ne  feront  poinc  endommagciis  dans 
le  dépotement ,  &:  la  plante  ne  s'ap- 
percevra  pas  du  changement.  Si  la 
terre  ell  nop  sèche  lors  de  ropéi\uioa 
qui  doit  fe  faire  au  premier  prin- 
temps ,  on  arrofera  un  peu  la  terre 
des  pocs ,  afin  qu'elle  flilfe  prile. 

Le  l^ois  gentil  eft  un  des  arhiiftes 
les  plus  agréables  au  premier  prin- 
temps. Ses  fleurs  couvrent  fes  tiges , 
{ts  rameaux  ,  &'  les  feuilles  ne  pa- 
roiiïent  qu'après  les  fleurs.  Cet  ar- 
biifte  ne  le  plaît  réellement  bien  que 
fur  les  montagnes  où  il  produit  le  plus 
joli  efter.  Dans  la  plaine  &:  dans  les 
provinces  où  la  chaleur  ell  vive  ,  il 
végète  pendant  deux  ou  trois  ans,  & 
y  périt  de  langueur,  On  peut  le  trani- 
planter  pendant  tout  l'hiver.  Il  vaut 
mieux  le  faire  dès  le  commencement, 
à  caufe  de  fa  grande  tendance  à  fleu- 
rir dès  que  la  chaleur  fe  renouvelle. 
Il  a  une  jolie  variété  à  fleurs  blanches. 

Le  ^^ro«  eft  joli  par  la  malTe  touffue 
de  fes  tiges  qui  s'arrondiffent  d'elles- 
mêmes  à  leur  f'ommct ,  &  forment  une 
furface  unie.  Lorfque  l'arbufte  eft 
chargé  de  fes  petits  fruits  rouges ,  il 
eft  très  agréable  à  la  vue.  L'époque 
à  laquelle  on  peut  tranfporter  cette 
plante  de  fon  lieu  natal  dans  les  jar- 
dins ,  etl:  à  la  fin  de  l'automne.  Elle 
demande  un  terrein  fec  &  aride.  Les 
arrofemens  lui  font  contraires. 

Propriétés  médicinales.  Les  feuil- 
les, l'écorce,  la  racine  &  la  plante 
entière  font  très-âcres  &  cauftiques^ 
elles  offrent  un  purgatif  des  plus  vio- 
lens  y  dont  la  prudence  interdit  l'u- 
fage,  même  à  la  plus  petite  dofe. 


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f9 


L'ufis^e  ordinaire  de  ces  olaïuts, 
&  fur-tout  du  garo'u  plus  actif  que  les 
autres,  eft  de  détourner  les  hunieurs, 
foit  employées  en  féton  fur  les  ani- 
maux ,  loit  en  manière  de  cautère 
lur  l'homme.  On  applique  l'écorce 
moyenne  fur  la  portion  du  tcgumenc 
qu'on  veut  enflammer,  afin  d'y  déter- 
miner un  écoulement  des  humeurs  fé- 
reufes.  Dans  les  maladies  qui  deman- 
deur un  prompt  fecours,  il  vaut  mieux 
appliquer  les  véficatoires,  parce  qu'ils 
agilfent  plus  vîce  ;  mids  comme  les 
mouches  cantandes  poftcnt  fur  la 
veflie  ,  c'eft  une  obfervation  à  faire 
avant  de  s'en  feivir  ,  fur-tout  s'il  y 
a  déjà  quelques  difpofitions  à  l'in- 
flammation. 

On  tait  macérer  dans  le  vinaigre 
&  dans  l'eau  tiède  ,  pendant  cinq  à 
fix  heures ,  des  petites  branches.  Fen- 
dez la  branche  ,  féparez  1  écorce  ,  & 
rejetez  la  partie  ligneufe.  Appliquez 
un  morceau  de  l'écorce  de  la  lon- 
gueur d'un  pouce  ou  deux ,  &  de  li 
largeur  de  fîx  lignes  environ,  fuivanc 
la  portion  des  tégumens  où  vous  dé- 
ferez établir  la  déviation  \  recouvrez 
l'écorce  avec  unecompiefle,  affujet- 
tie  par  une  bande  :  au  bout  de  douze 
heures,  levez  l'appareil  ;  renouveliez 
l'application  foir  &  marin  ,  jufqu'.i 
ce  qu'il  s'écoule  une  grande  quan- 
tité d'humeurs  r  alors  ne  changez 
l'écorce  que  toutes  les  vingt-quatre 
heures,  &  même  toutes  les  crente-lix 
heures.  Si  l'inflammation  eft  trop 
vive,  fubflituez  des  feuilles  àe  poiree^ 
(  f'^oye'^  ce  mot  )  ou  du  beurre  très- 
frais  ,  &  ne  recommencez  l'applica- 
tion de  l'écorce  que  lorfque  la  peau 
ne  fournit  plus,  ou  très-peu  d'hu- 
meurs. 

Très-fouvent  il  s'établit  derrière 
les  oreilles  des  enf.ms  un  ccoulemeac 


i40 


L  A  U 


^i'humeurs  qui  eft  falucaîre;  un  peu 
d'écorce  de  garou  fervira  à  rencreteinr 
aiiffi  longtemps  qu'on  le  dcfirera,  & 
même  à  l'augmenrer. 

Pour  entrerenir  un  cautère  toujours 
ouvert ,  on  fe  fert  d'un  pois  ou  d'une 
petite  boule  de  cire  blanche  que  l'on 
y  introduit ,  6-:  que  l'on  y  maintient, 
loit  avec  une  comprelTe  ,  foit  en  la 
recouvrant  avec  un  morceau  de  toile 
de  diapalme.  J'aitrès-fouventobfervc 
que  le  cautère  s'enfonçoit  infenfi- 
blenient  dans  les  chairs,  &  parvenoir 
jufqu'au  périolte.  Il  me  paroît  beau- 
coup plus  prudent  de  fupprimer  le 
pois  ou  la  cire  ,  &  d'appliquer  fur 
l'endroit  cautcrifé  un  morceau  d'é- 
corce  de  garou  j  il  empêchera  la 
réunion  des  chairs,  maintiendra  la 
petite  inflammation  à  la  luperhcie 
des  tégumens  ,  &  on  n'aura  plus  lieu 
de  craindre  l'excavation  de  la  plaie. 

Ufage  économique.  Toutes  les  ef- 
pèces  de  lauréoles  peuvent  fervir  à 
la  teinture  en  jaune. 

LAURIER  ORDINAIRE  ^  ou 
LAURIER  FRANC.  Tournefort  le 
place  dans  la  même  clalFe  que  les 
lauréoles  de  l'article ci-deirus,& l'ap- 
pelle Laurus  vulgiiris.  Von  Linné  le 
nomme  Laurus  nobiiis ^  de  le  clalFe 
dans  l'cnéandrie  monogynie. 

Fleur.  D'une  feule  pièce  ,  dont  la 
corolle  eft  découpée  en  quatre  ou 
cinq  parties  ovales  j  elle  n'a  pas  de 
calice  :  neuf  étamines  &unpiftil  gar- 
nilfent  le  centre  de  la  fleur.  On  y 
découvre  un  nectaire  compofé  de  trois 
tubercules  col.  .es  ,  .ligus  ,  qui  en- 
tourent le  germ  -  &  fe  terminent  par 
deux  efpèces  c.z  poils. 

Fruit.  A  noy  a  ,  ovale ,  pointu  ,  à 
une  feule  loge,  entouré  de  la  corolle , 
eoncenanc  un  noyau  ovale,  &  aigu. 


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Feuilles.  Fermes  ,  dures  ,  fuppor- 
tées  par  un  pétiole  ,  Amples ,  très- 
entières ,  en  forme  de  fer  de  lance, 
veinées ,  d'un  verd  luifant. 

Racine.  Ligneufe  ,  épaille  ,  iné- 
gale. 

Port.  Arbre  qui  poulfe  de  terre 
une  ou  plulîeurs  tiges  fort  hautes  6c 
fort  droites  ,  &  dont  les  branches 
fe  reflîerrent  contre  le  tronc  ;  fon 
écorce  eft  mince ,  verdâtre  ;  fon  bois 
eft  fort  &  pliant  \  les  fleurs  naifient 
des  ailfelles  des  feuilles  ,  plulîeurs 
enfemble,  portées  fur  un  péduncule  ; 
les  feuilles  toujours  font  vertes  ,  & 
alternativement  placées  fur  les  tiges. 

Lieu.  Originaire  d'Efpagne  &  d'I'- 
talie  ,  prefque  devenu  ijidiçène  en 
Provence,  en  Languedoc  d'  en  Rouf- 
fiilon  ;  il  y  fleurit  en  mars ,  &  fes 
fruirs  font  mûrs  en  automne.  Le 
laurier  a  plufieurs  variétés.  La  pre- 
mière à  feuilles  larges  ;  la  féconde  à 
feuilles  ondées  \  la  troifième  à  feuilles 
étroites.  La  chaleur  du  climat  déter- 
mine la  hauteur  de  cet  arbre. 

Propriétés  médicinales.  Les  feuilles 
ont  une  faveur  .îcre,  aromatique  j  les 
femences  font  odorantes,  acres  &  un 
peu  amères  \  les  feuilles  Se  les  baies 
font  ftomachiques  ,  nervines  ,  cor- 
diales ,   déterfives  ,   anti-feptiques. 

Les  feuilles  &  les  baies  font  utiles 
en  médecine.  Des  feuilles  fraîches 
on  fait  une  décoâtion  ;  des  feuilles 
sèches  ,  une  poudre  qu'on  donne  à 
la  dofe  d'une  dragme  j  la  décoâion 
des  feuilles  fe  donne  en  lavemenr. 

On  tire  du  laurier  quatre  efpèces 
d'huile.  La  première  eft  fournie  par 
\qs  baies  macérées  dans  l'eau ,  &  dif- 
tilées  j  elle  a  toutes  les  vertus  des 
huiles  aromatiques.  Prife  intérieure- 
ment, elle  challe  les  vents,  à  la  dofe 

de 


L  A  U 

àe  trois  jufqu'à  quarre  gouttes.  Pour 
avoir  la  féconde  efpèce  d'iiuile  ,  on 
fait  bouillir  les  baies  dans  l'eau;  lors- 
que cette  eau  eft  froide,  elle  eft  fur- 
nagce  par  une  huile  verdâtre ,  moins 
fpccihque  que  la  précédente.  Latroi- 
fièine  le  tire  des  baies  feulement  , 
Se  elle  eft:  moins  aétive  que  les  deux 
autres.  La  quatrième  fe  tait  avec  les 
baies  &  les  feuilles  j  &  on  s'en  fert 
à  l'extérieur  ,  comme  linimenr ,  alîn 
de  donner  de  la  force  &:  de  la  fenfi- 
bilité  aux  parties  relâchées  &  pref- 
que  infenfibles. 

Les  maréchaux  font  un  grand  ufage 
de  l'huile  de  laurier,  par  expreflion  , 
qui  eft  à  tous  égards  préférable  à 
l'onguent  de  laurier  ,  fur-tout  à  celui 
préparé  avec  les  feuilles.  Pour  faire 
cet  onguent ,  prenez  partie  égale  de 
graifte  de  porc  mondée,  &■  d'huile 
de  baies  de  laurier;  faites  fondre  au 
hain-marie  ,  &  vous  aurez  l'onguent 
de  laïuier ,  de  couleur  verte  &c  d'une 
odeur  aromatique  douce. 

Le  genre  du  laurier  comprend  plu- 
fieurs  efpèces  précieufes ,  originaires 
des  grandes  Indes ,  &  qui  ne  peuvent 
réfifter  aux  hivers ,  même  de  l'Europe 
tempérée ,  à  moins  qu'on  ne  les  ren- 
ferme dans  des  ferres  chaudes.  Tels 
font  : 

Le  laurisr  canellc.  Laurus  clnnamo- 
mum.  Lin.  que  les  Hollandois  fe  font 
efforcés  de  détruire  ,  excepté  dans 
leurs  polTenions.  On  doit  au  zèle  de 
M.  Poivre  ,  ancien  Intendant  de  l'ifle 
de  France  ,  de  l'y  avoir  multiplié  , 
ainfi  que  le  giroflier.  Ce  citoyen  phi- 
lofophe  a  rendu  aux  îles  de  France  & 
de  Buurbon  le  même  fervice  que  M. 
Declieux  à  celle  de  la  Martinique  , 
&  aduellement  à  toutes  les  îles  voi- 
sines ,  en  y  portant  le  café.  (  Foyc:^ 
Tome  VI, 


L  A  U 


^\^ 


ce  mot)  La  mémoire  d'un  tel  bien- 
fait ne  mérireroit-elle  pas  d'être  con- 
fervée  dans  un  monument,  qui  tranf- 
mettroit  à  la  poftérité  le  nom  de  ceux 
à  qui  on  en  eft  led-vable. 

Le  laurier-ca£e.  Laurus  cajfia.  I  .in. 
dont  on  tire  une  écorce  qui  a  prefque 
les  mêmes  propriétés  que  la  canelle. 

Le  laurier-camphre.  Laurus  cam~ 
pkora.  Lin.  Toutes  les  parties  de  cet 
arbre  précieux  founnlFent  par  incifion 
la  réfme  fi  connue  en  médecine  & 
dans  les  arts,  fous  le  nom  as  camphre 
(  Voye':^  ce  mot  ) 

Le  /aurier-culihan.  Laurus  culiban. 
Lin.  dont  on  fefert  dans  les  Moluques 
pour  la  préparation  des  alimens. 

Le  laurier- canelierfauvage  d'Amé- 
rique. Laurus  indica.  Lin.  1 1  feroit  peut- 
être  polTible  ,  à  force  de  feniis  ré- 
pétés ,  d'en  introduire  l'efpèce  dans 
nos  provinces  du  midi.  Ce  feroit  un 
arbre  de  plus ,  il  eft  vrai  ;  mais  quelle 
feroit  fon  utilité  réelle  ? 

Le  laurier  de  Perfe ,  oa poirier  d'a- 
vocat. Laurus Perfea.  h'in.  dont  le  fruit 
eft  très-eftimé  en  Amérique. 

Le  laurier  de  Bourbon  ,  ou  laurier 
rouse.  Laurus  Borbonia.  Lin.  dont  le 
bois  fcié  &  poli  repréfenteun  fatia 
moiré  ,  &  qui  eft  fort  eftimé  pour  la 
marqueterie  Se  la  conftruélion  des 
meubles. 

Le  Laurier-fa ffafras.  Laurus  faffa- 
fras.  Lin.  Très-utile  en  médecine  , 
comme  bois  fudorifique.  (  T'oyez  le 
mot  Sassafras  )  On  peut  le  cul- 
tiver en  pleine  terre  dans  nos  pro- 
vinces du  miJi,  t?c  d.ins  de  bonnes  ex- 
po(itions,  on  l'y  multip'ieroit  comme 
le  miirier  ,  pat  des  femis  réitérés. 
H  h 


242  L  A  U 

{  P^oye^  ce  qui  a  été  dit  au  mot  Es- 
pèce )   (  I  ) 

Cul'ure.  Le  laurier  ordinaire  ,  & 
toutes  fes  variétés  ,  fe  multiplient  par 
femis  t^  par  marcotte.  L'époque  du  fe- 
niis  eftaullltot  que  la  graine  eft  mûre 
&  tombe.  11  convient  de  femer  cha- 
que graine  dans  un  pot ,  deux  tout 
au  plus  ,  &  fi  elles  germent  toutes 
les  deux,  on  détruira  un  pied,  dès 
qu'il  fera  hors  de  terre.  Cette  mé- 
thode etl  la  plus  silre  pour  la  tranf- 
plantation.  L'année  d'après  la  germi- 
nation on  renverfe  le  vafe ,  &  fans 
déranger  les  racines  &  la  terre  qui  les 
environne ,  on  les  met  dans  une  petite 
folfe  deftinée  à  les  recevoir.  Cette 
opération  doit  avoir  lieu  du  momeiU 
où  l'on  ne  craint  plus  le  retour  des 
gelées.  Dans  les  provinces  du  nord  , 
il  fera  utile  de  couvrir  les  jeunes  tiges 
avec  de  la  paille  ,  pendant  les  pre- 
miers hivers ,  fur-tout  fi  l'arbre  n'eft 
pas  dans  une  bonne  expofition.  Il  eft 
encore  avantageux  d'entourer  le  pied 
avec  du  himier.  Si  le  froid  fait  périr 
les  tiges ,  il  en  pouiïera  de  nouvelles 
des  racines  ,  à  moins  qu'il  n'ait  été 
excelîif,  &  qu'on  n'ait  pris  aucune  pré- 
caution pour  les  garantir.  Cet  arbre 
demande  une  terre  fubûancielle  ,  & 
quelques  arrofemens  au  befoin. 

Comme  cet  arbre  poulTe  beaucoup 
de  rejectons ,  on  peut  les  détacher  des 
racinesdès  qu'ils  feront  garnis  de  che- 
velus ,  &  les  planter.  C'eft  le  moyen 
le  plus  prompt  pour  les  multiplier , 
mais  moins  sûr  que  les  femis  qui 
acclimatent  mieux  les  arffres. 


L  A  U 

On  peut  encore  coucher  les  bran- 
ches ,  au  défaut  de  rejettons  enra- 
cinés ,  &  les  marcotter  comme  des 
œillets.  Dans  les  provinces  du  midi 
elles  prennent  de  racines  fans  cette 
précaution.  Cet  arbre  pyramide  joli- 
ment, &  figure  bien  dans  les  bofquets 
d'arbres  verds.  Dans  les  provinces  du 
nord  on  ambitionne  la  vtrdure  per- 
pétuelle àes  arbres  du  midi ,  S:  dans 
celles-ci  on  regrette  de  ne  pas  avoir 
la  verdure  moirée  des  gazons,  celle 
du  tilleul  ,  de  la  charmille,  évc.  Si 
les  arbres  touj^mrs  verds  font  quel- 
que plaifir  en  hiver  ,  combien  leur 
verd-foncé  &  monotone  eft  ttifte  en 
été  ! 

La  fuperftition  des  anciens  a  per- 
pétué une  erreur  jufqu'à  nos  jours. 
On  a  fans  cclTe  répété  que  la  foudre 
refpeétoit  le  laurier.  Le  fait  eft  faux. 
Paillent  toutes  les  erreurs  n'erre  pas 
d'une  conféquence  plus  dangereufe  !' 

Laurier -CERISE.  Tournefort  le 
place  dans  la  feptième  fection  de 
la  vingt- unième  clalfe  deftinée  aux 
arbres  à  fleurs  en  rofe,  dont  le  piftil 
devient  un  fruit  à  noyau  ,  &  l'ap- 
pelle lauro  ccrafus.  Von  Linné  le: 
clalTe  dans  l'icofandrie  monogynie  , 
&  le  nomme  prunus  Lnuro  ccralls. 
Ce  n'eft  donc  point  un  laurier. 

Fleur.  En  rofe  i  cinq  pétales  , 
obronds,  concaves  ,  iittachés  au  ca- 
lice par  des  onglets; calice  d'une  feule- 
pièce  ,  à  cinq  découpures  obtufes  & 
concaves. 

Fru'u.  Baie  ovale  ,  prefque  ronde  , 


(  I  )  Je  viens  d'indiquer  ces  efpèces  de  lauriers  ,  non  à  caufe  de  l'utilité  par  rapprrr  à 
notre  agriculture  ,  mais  umquement  à  caufe  des  reproches  que  l'on  ine  fait  de  ne  pa-;  parler 
ds  toutes  les  plantes.  Le  but  de  cet  Ouvrage  n'efi  pas  pour  l'inflruclion  des  feuls  Eotaniftes 
ou  de  quelques  amateurs  ;  s'ils  défirent  de  plus  grands  détails  ,  ils  pourront  coiifulter  le 
Diftionnairc  encyclopédique,  l'Hiftoire  du  rtpie  végétal  de  M.  Bûches,  le  Diclionnaire 
anglois  de  Miller  ,   &c.  Je  jie  veux  pas  multiplier  inutilement    ic  nombre  des  volumes.. 


L  A  U 

charnue  ,  dans  laquelle  clt  un  noyau 
ovale  5  pointu  &:  lillonné. 

FeuiL'es.  Simples  ,  entières  ,  ob- 
longues,  fermes,  épailTes,  kiifantes, 
portées  par  des  pétioles  ,  avec  deux 
glandes  fur  le  dos. 

Racine.  Rameufe  &:  li'^neufe. 

.Porc.  Arbre  qui  s'élève  alTez  haut, 
faivant  le  climar  qu'il  habite  ;  fon 
écorce  eft  lilfe  &  d'un  verdbrun  ; 
les  fleurs  font  difpofées  en  grappes 
pyramidales  ,  plus  courtes  que  les 
feuilles,  &  nailfentde  leurs  aillclles; 
les  feuilles  font  toujours  vertes  & 
placées  alternativement  fur  les  tiges. 

Lieu.  Apporté  de  Trébilonde  en 
1576,  aujourd'hui  naturalifé  dans  les 
jardins ,  &  fur-tout  dans  ceux  des  pro- 
vinces méridionales.  Fleurit  en  mai 
&  juin. 

Propriétés.  Les  fleurs  i?c  les  feuilles 
ont  le  goùc  &  l'odeur  de  l'amande 
amère.  Communément  on  met  fur 
une  pinte  de  lait  deux  ou  trois  feuil- 
les ,  pour  lui  donner  un  goût  amande. 
Cette  petite  fenfualité  peut  devenir 
très-funefte  fi  on  augmente  la  dofe. 
Ces  feuilles  alors  caufent  des  coliques , 
des  convullîons,  &  fouvent  la  mort. 
L'eau  diftillée  des  feuilles  ,  eft  un 
poifon  décidé,  foit  pour  les  hommes, 
foit  pour  les  animaux.  Il  efl:  beaucoup 
plus  prudent  de  ne  jamais  employer 
ni  feuilles ,  ni  fleurs ,  ni  fruits  de  cet 
arbre. 

Culture.  Il  a  deux  variétés,  l'une 
à  feuilles  panachées  en  jaune,  &  l'au- 
tre panachées  en  blanc.  On  multiplie 
ces  arbres  par  femences  ,  par  mar- 
cottes, &:  on  greffe  les  variétés  pan.i- 
chces  fur  le  laurier-eerife  ordinaire. 

On  fcme  les  graines  aulîitôt  qu'el- 
les tombent  de  l'arbre  ,  &  elles  ger- 
ment facilement  au  printemps  fui- 
vant.  Cet   arbre  n'exige  aucune  cul- 


L  A  U 


z4f 


ture  particulière,  il  demande  feu- 
lement de  bons  abris  dans  nos  pro- 
vinces du  nord.  Le  froid  y  fait  fou- 
vent  périr  les  tiges,  mais  il  en  re- 
poulfe  de  nou\t.Iles  des  racines.  Dans 
les  provinces  du  midi  on  en  fait  des 
berceaux,  les  branches  four  flexibles, 
&  fe  prêtent  à  la  diredion  qu'on 
veut  leur  faire  prendre.  Ces  cabi- 
nets ,  ces  berceaux  de  laurier-ee- 
rife font  agréables  ,  parce  que  les 
feuilles  font  toujours  vertes  &  en  aflez 
grand  nombre  pour  procurer  un  om- 
brage agréable.  D'ailleurs  leur  cou- 
leur  d'un  verd  gai  leur  mérite  la  pré- 
férence fur  prefque  tous  les  autres 
arbres  toujours  vords,  ordinairement 
d'une  couleur  verre  trifte  &  brune. 
Je  crois  m'ètre  apperçu  qu'il  n'eft  pas 
très-fainde  demeurer  longtemps,  &c 
pendant  les  grolfes  chaleurs  de  l'été 
dans  ces  cabinets.  Il  s'en  exhale  une 
odeur  forte  ,  qui  porte  fouvent  à  la 
tête,(Si:  même  provoque  les  naufées. 
Je  ne  fçais  fi  dans  le  nord  on  éprouve  le 
même  effet  par  la  rranfpiration  de  la 
plante. 

Laurier  -  ROSE.  Von  Linné  le 
claffe  dans  la  pentandrie  monogynie  , 
&  le  nomme  Nerium  Oleander.  Tour- 
neforc  le  place  dans  la  cinquième 
fedlion  de  la  vingtième  clalîe  def- 
tinée  aux  arbres  à  fleur  d'uiie  feule 
piècCj  &  dont  le  piftil  devient  une- 
efpèce  de  filique  ;  il  le  nomme  Ne- 
rion  flùrïbus  rubefcentihus. 

Fleur  ;  grande  ,  en  forme  d'enton- 
noir ,  le  tube  cylindrique,  les  bords 
de  la  fleur  divifés  en  cinq  décou- 
pures larges.  On  remarque  un  nec- 
tar à  l'ouverture  du  tube ,  formant 
une  couronne  frangée  :  le  calice  très- 
petit,divifé  en  cinq  parties  égales. 

Fruit.  Efpèce  de  lilique ,  compofc 
H  h  1 


2-44  L  A  U 

de  deux  foli.ules  cylindriques,  lon- 
gues ,  s'ouvrent  du  fommec  à  la  bafe , 
renferment  beaucoup  de  femences 
oblonc;ues ,  couronnées  d'une  aigrette, 
tk  rangées  les  unes  fur  les  autres  en 
manière  de  thuile. 

Feuulcs.  Entières  ,  en  forme  de 
lance  ,  pointues ,  marquées  en  del- 
fous  d'une   côte  faillante. 

Racine.  Ligneufe  ,  jaunâtre. 

Lieu.  Originaire  des  Indes,  cul- 
tivé dans  les  jarduis. 

Propriétés.  Saveur  très -acre.  Les 
fleurs  font  fternutacoires ,  déterfives  & 
vivement  purgatives.  Il  eft  très-im- 
prudent de  s'en  fervir  pour  l'intérieur. 
Pour  peu  que  la  dofe  foie  forte,  c'eft 
un  poifon  pour  l'homme  &  pour 
les   animaux. 

Les  feuilles  réduites  en  poudre 
font  un  fternutatoire  fort  j  mais  que 
l'on  donne  avec  le  plus  grand  fuc- 
cès  dans  les  maux  d'yeux ,  occa- 
fîonnés  par  une  abondance  d'humeurs. 
J'en  ai  vu  de  très-bons  effets.  On  la 
prefcrit  encore  contre  les  maux  de 
tête  &  les  migraines.  Des  feuilles, 
on  fait  encore  des  cataplafmes,  des 
décotbions  :  on  en  compofe  avec  du 
beurre  ,  un  onguent  pour  la  gale  & 
a-utres  affections  cutanées. 

Culture.  11  y  a  une  variété  de  ce 
laurier  ,  de  nom  feulement ,  à  fleur 
blanche  ,  dont  les  propriétés  font  en- 
core plus  actives  que  celles  de  l'autre, 
&  une  autre  variété  à  fleur  double. 
Dans  le  nord  on  tient  ces  arbres 
en  cailTes  comme  les  orangers  ;  & 
à  l'approche  du  froid,  on  les  en- 
ferme dans  la  ferre.  Le  laurier  rofe  à 
fleur  double  ,  craint  beaucoup  plus  le 


L  A  U 

froid  que  les  deux  autres.  Dans  les 
provinces  du  midi ,  le  long  de  la  Mé- 
diterranée ,  on  le  cultive  en  pleine 
terre.  Quoique  cet  arbre  foit  regardé 
comme  originaire  des  Indes ,  je  l'ai  ce- 
pendant trouvé  naturalifé  en  Corfe  , 
dans  un  lieu  où  fùrement  il  n'a  pas  été 
planté  de  main  d'homme.  (  i  )  On  peut 
le  multiplier  par  femence;mais  il 
ell  plus  court  de  féparer  les  drageons 
qui  poulfent  des  racines,  ou  de  cou- 
cher Çqs  branches  en  terre ,  même 
fans  les  marcotter.  Je  crois  que  Ii  on 
multiplioit  lesfemis,on  parviendroit 
à  l'acclimater  dans  nos  provinces  du 
nord.  On  rifqueroit ,  dans  les  froids 
âpres,  de  perdre  les  tiges  j  mais  il  en 
repoufferoit  des  racines,  fi  on  avoir 
le  foin  de  couvrir  le  pied  pendant 
l'hiver,  avec  quatre  ou  cinq  pouces 
de  fumier. 

La  multiplicité  des  fleurs  dont  cet 
arbre  fe  charge,  leur  couleur  &:  leur 
forme  gracieufe,  méritent  les  foins 
du  jardinier.  Comme  il  poulfe  beau- 
coup de  racines  fibreufes,  il  épuife 
promptement  la  terre  dans  laquelle 
elles  s'étendent.  Elle  demande  donc 
à  être  renouvellée ,  fumée  de  temps 
à  autre.  H  ne  faut  pas  le  lailTèr  languir 
par  la  fécherefle.  Pour  avoir  plus 
long  temps  des  fleurs ,  il  faut  les  cou- 
per dès  qu'elles  font  palTées,  8c  ne 
pas  leur  îaifTer  le  temps  de  faire  la 
graine. 

On  tenteroit  vainement  de  faire 
des  berceaux  avec  cet  arbre  ,  quoi- 
que fes  branches  foienttiès-flexibles, 
parce  qu'il  fe  dégarnit  de  feuilles 
par  le  bas  ,  à  mefure  qu'il  s'élève  :  il 
figure  très-bien  dans  les  bofquets  d'été. 


(  I  )  On  le  trouve  aiiffl  très  -  communcmenr  en  Provence  ,  dans  les  montagnes  dites 
Us  Maures ,  entre  Hières  &  Bcrmes. 


L  A  U 

Laurier-Alexandrin,  {^'^oyei 
Houx  ) 

Laurikr -TniN.  Von -Linné  le 
clalFe  dans  la  pentandiie  trigynic: , 
&  le  nomme  Fiburnum  Tinus,  Tour- 
nefort  le  place  dans  la  fixième  (ec- 
tion  de  la  vini^tième  tlaiîe  des  arbres 
à  fleur  d'une  leule  pièce,  donc  le  ca- 
lice devient  une  baie  :  &:  il  lappelle 
Tinus  Prior. 

Fleur.  En  rofette  ,  à  cinq  décou- 
pures obtufes  \  le  calice  petit  &  à  cinq 
dentelures  j  cinq  ctamines,  trois  pif- 
tils ,  quelques  fleurs  ftériles,  les  au- 
tres hermaphrodites. 

Fruit.  Petites  baies  ,  arrondies , 
d'un  noir  bleuâtre  ,  luifantes,  renter- 
manr  une  leule  femence  ,  ofleufej 
applatie,obronde,  en  torme  de  cœur. 

Feuilles.  Smiples  ,  calicées ,  ova- 
les ,  fermes  j  terminées  en  pointes 
dures,  toujours  vertes,  luifantes, 
d'un  vert  brun.^^ 

Racine.  Ligneufe,  rameufe,  très- 
fibreufe. 

Port.  Arbrilfeau  dans  les  provin- 
ces du  nord ,  mais  qui  s'élève  à  dix 
à  douze  pi'Cds  dans  celles  du  midi. 
U  jette  beaucoup  de  drageons  par 
les  racines.  Son  écorce  eflliire,  blan- 
châtre j  celle  des  jeunes  pieds,  rou- 
geâtre.  Les  Heurs  difpofées  au  haut 
des  tiges  en  efpèce  de  grappes,  rou- 
ges avant  leur  cpanoullfement,  blan- 
ches lorfqu'elles  font  épanouies  ;  les 
feuilles  oppofées.  Il  fleurit  en  hiver 
&  en  été. 

Lieu.  Originaire  d'Efpagne  _,  d'I- 
talie ,  cultivé  dans  les  jardins. 

Propriétés.  Cet  arbrifieau  efl:  peu 
employé  en  médecine ,  quoique  fes 
baies  foient  très  purgatives. 

Culture.  On  compte  plufieurs  va- 
liétés ,  l'une  à  feuilles  alongées  & 


L  E  G  145 

veinées  ,  fc  à  fleurs  purpurines;  l'au- 
tre à  feuilles  panachées  de  blanc  , 
ou  panachées  de  jaune  ,  enfin  un 
laurier- thiiî,  nain,  à  petites  feuilles. 
Cetarbufle,  comme  le  précédent, 
pourroit  être  accHmaté  dans  nos  pro- 
vinces du  nord  ,  par  des  femis  réi- 
térés ,  &  avec  les  mêmes  précautions. 
On  le  multiplie  par  marcottes,  & 
fur-rout  par  fes  drageons,  D.ms  celle 
du  midi  du  Royaume  ,  on  le  cul- 
tive en  pleine  terre  ;  en  en  forme 
de  très-jolies  palifl^ades,  des  tonnelles 
très-agiéables.  Si  fur  trente  années  il 
y  en  a  une  oii  la  rigueur  du  hoid  fait 
périr  fes  tiges ,  en  moins  de  deux  à 
trois  ans  le  mal  efl:  réparé  par  les 
nouvelles  qu'il  poulfe  de  fes  racines. 
Si  on  le  cultive  dans  des  pots  ,  il 
foufire  la  taille  comme  l'oranger.  II 
figure  très -bien  dans  les  boiquets 
toujours  vetts. 

Laurier-Tulipier.  (  f^oye^cQ 
mot) 

LEGUME.  Proprement  dit ,  cft 
la  graine  des  fleurs  en  papillon  ; 
tels  font  les  pois  ,  les  fèves  ,  les 
haricots  ;  d'où  efl  venue  la  dénomi- 
nation de  plantes  légumineujes.  Ces 
graines  font  renfermées  entre  deux 
battans  ou  cloilons ,  qui  ferment  la 
goufle  à  laquelle  les  graines  tiennent 
par  un  cordon  ombilical.  A  Paris  &: 
dans  fes  environs ,  on  a  généralifé  l'i- 
dée attachée  à  ce  mot  légume  ,  (Se  on 
lui  adonné  uneextenfion  fur  toutes  les 
plantes  d'un  potager ,  de  forte  qu'un 
melon,  un  chou,  un  potiron  ,  une  af- 
perge,  font  appelles  mal-à-propos  A-- 
aumes  \  ce  qui  fait  une  confuflon  dans 
les  idées.  Ce  Hom  ne  devroit  être  con- 
facré  qu'aux  plantes  vraiment  legu- 
mineufes.  Il   efl  inutile  d'entrer  ici 


14^  L  E  N 

dans  de  plus  grands  deMiIs,  parce 
qu'en  parlant  de  chacune  de  ces  plan- 
tes féparémenc ,  on  traire  de  leur 
culrure  &  de  la  manière  de  les  con- 
ferver. 

LENITÎF.  Médecine  Ruraie. 
Remède  donc  on  fait  ufage  pour 
adou:ir  les  hameucs  Se  les  douleurs. 
Lénitif  en  médecine  eft  un  purga- 
tif, très-ufité  anciennement,  &  com- 
pofé  de  pluheurs  purgatifs  doux,  rels 
que  la  manne  ,  le  tamarin  ,  le  féné  , 
les  prumux  ,  auxquels  on  ajoute  dif- 
férentes lubllances  émollientes  j  on 
pourra  s'en  convaince  par  la  formule 
fuivanre.  Prenez  féné  bien  mondé, 
polipode  de  chêne,  orse  bien  mon- 
dé &  des  railïns  fecs  ,  de  chacun 
deux  onces;  des  jujubes  ,  des  tama- 
rins ,  des  prunes  douces,  defquelles 
on  aura  extrait  le  noyau  ,  de  cha- 
cun un  gros;  mercuriale,  une  once 
&  demie;  violettes fraîchemenccueil- 
lies,  (Si  du  capillaire  de  Montpel- 
lier, de  chacun  une  poignée  ;  demi- 
once  de  régUlfe.  Faites  bouillir  le 
tout  dans  neuf  livres  d'eau  ;  puis 
ayant  coulé  &  exprimé  les  matières, 
vous  dilToudrez  dans  leur  colature 
deux  livres  de  bon  fucre,  qu'il  faut 
faire  cuire  en  confiftance  d'élecluaire 
mol;  mais  ayant  ôté  le  tout  du  feu  , 
ajourez -y  des  pulpes  de  cafTe,  de 
tamarins  ,  des  prunes  douces  ,  de 
la  conferve  de  violette  ,  &  de  la 
poudre  de  (éné,  de  chacun  fix  on- 
ces ;  de  bonne  rhubarbe  ,  &  de  la 
femence  d'anis  en  poudre  ,  de  cha- 
cune une  once  ;  faites  un  élecluaire 
régulier  de  toutes  ces  drogues.  Telle 
eft  la  compofition  de  l'électuaire  lé- 
nitif, décric  dans  la  Pharmacopée  de 
Charras  :  il  eft  aifé  de  voir  que  ce 
remède  eft  tombé  en  caducité ,  & 


L  E  N 

qu'on  ne  s'en  fett  plus  aujourd'hui , 
ou  du  moins   très-rarement. 

La  dofe  à  laquelle  on  le  donne , 
eft  depuis  une  once  jufqu'à  une  once 
&  demie,  il  eft  encore  aifé  de  voir 
que  c'eft  principalement  le  féné  qui 
rend  cet  électuaire  purgatih 

On  fe  fert  aujourd'hui  en  méde- 
cine de  remèdes  plus  limples  ,  6c 
dont  les  fuccès  font  plus  allures  Se 
plus  rapides.  M.  Ami. 

LENTILLE.  Toumefort  la  nomme 
Lt:r?s  Mj'or ,  &:  la  place  dans  la 
première  feôtion  de  la  dixième  claffe 
des  plantes  à  fleurs  en  papillon  ,  & 
dont  le  piftil  devient  une  petite  goufte 
à  une  feule  loge.  Von  Linné  la  nom- 
me Ervum  Lens  ,  Se  la  clalîe  dans 
la  diadelphie  décandrie. 

Fleur.  En  papillon  ;  étendard  plane, 
un  peu  recourbé ,  arrondi  ,  grand  ; 
les  aîles  plus  courtes  que  l'étendart; 
la  carenne  pointue  ,  plus  courte  que 
les  aîles  ;  le  calice  divifc  en  cinq 
découpures,  étroites , pointues,  à-peu- 
près  de  la  longueur  de  la  corolle. 

Fruit.  Légume  ,  obrond ,  obtus  , 
cylindrique  ,  contenant  des  femen- 
ces  comprimées,  convexes,  arron- 
dies. 

Feuilles.  En  manière  d'aîle  ,  les 
folioles  ovales ,  entières ,  adhérences 
aux  tiges. 

Racine.  Fibreufe ,  rameufe. 

Fort.  Tige  herbacée  ,  de  huit  à 
douze  pouces  de  hauteur,  fuivanc 
les  climats ,  velue  ,  anguleufe  ;  les 
fleurs  nailfent  des  aiftelles;  les  pé- 
doncules portent  ordinairement  qua- 
tre fleurs  :  les  vrilles  font  fimples , 
les  ftipules  deux  à  deux ,  en  forme 
de  fer  de  flèche. 

Lieu.  Les  champs,  les  jardins  po- 
tagers :  la  plante  eft  annuelle. 


t  E  N 

Propriété.  La  farine  des  Icnrillcs 
eft  une  des  quatre  tannes  réfoliui- 
ves.  On  fe  feic  de  ce  légume  bien 
plus  comme  nourriture  ,  que  comme 
médicament. 

Cultun.  Cette  plante  réulllt  trcs- 
»nal  da:ns  les  pays  chauds;  comme 
elle  craint  les  gelées,  on  eft  forcé 
de  la  fcmer  après  l'hiver;  &  s'il  ne 
furvient  pas  de  pluies  au  printemps  ^ 
elle  eft  furprife  par  la  chaleur  &:  par 
la  fécherelie ,  &  à  peine  récohe- 
t-on  la  femence.  Elle  réuflit  aulli 
fort  mal  dans  les  terreins  gras,  lui- 
iTiides  &  tenaces  ;  elle  aime  une 
terre  légère  ,  &  réudît  alTez  bien  fur 
un   fol  de  médiocre  qualité. 

Sa  principale  culture  eft  en  plein 
champ;  &  femée  dans  un  potager, 
elle  ne  rendroit  pas  autant  qu'un 
autre  légume.  Après  avoir  labouré  la 
terre,  dans  un  temps  convenable  où 
la  terre  ne  forme  aucune  motte  ,  on 
fème  la  lentille  à  la  volée,  comme 
le  bled  ,  6c  on  tait  paffer  deux  ou 
trois  lois  la  herfe  par  deifus,  alin  de 
bien  égalifer  le  terrein,  &  recouvrir 
le  grain.  Le  climat  décide  le  mo- 
ment de  la  femer,  &  la  meilleure 
époque  eft  celle  où  l'on  ne  craint 
plus  le  funefte  effet  des  gelées  tar- 
dives. 

Dans  les  cantons  où  la  femence  eft 
à  bon  marché  &  le  foin  cher ,  on 
peut  femer  la  lentille  pour  fourrage; 
c'eft  le  cas  alors  de  femer  plus  épais 
que  fi  on  devoir  récolter  le  grain. 
Lorfque  la  plante  eft  en  pleine  Heur, 
on  la  fauche.  Si  on  attend  fa  matu- 
rité à  caufe  du  gtain ,  on  la  fau- 
chera lorfque  les  feuilles ,  dans  leur 
totalité,  commenceront  à  fecher ,  & 
on  n'attendra  pas  qu'elles  foient  très- 
feches,fans  quoi  ou  perdroit  beau- 
coup de  grains. 


L  E  N 


M7 


Dans  quelques  cantons  du  royaume, 
on  féme  l'avoine  &  les  lentilles  dans 
le  même  temps,  parce  qu'elles  mû- 
rirent &  font  fauchées  à  la  même 
époque.  Cette  métiioile  me  paroîc 
mauvaife,  &  je  me  fonde  fur  l'e.xem- 
ple  des  pois ,  des  vtfces  ,  dont  les 
vrilles  s'attachent  au  chaun.c  des  blés» 
fégles ,  iSi.  s'y  eiuortillent,  les  ferrent 
&  les  étranglent.  La  ligature  formée 
par  la  vrille  de  la  lentille,  ne  ferre 
pas  autant,  j'en  conviens,  que  celle 
des  pois  ,  (^^[c.  mais  c'eft  toujours 
une  ligature  ;  &  chaque  plante  de- 
mande à  végéter  en  liberté.  Cette 
méthode  n'cft  avantageufe  qu'autant 
qu'il  tft  queftion  de  fourrage  ,  à 
l'exemple  des  Flamands ,  qui  ïément 
tout- à -la-fois  des  vefces,  des  pois, 
des  fives ,  des  lentilles  ,  de  l'oroe, 
de  l'avoine  ,  &'c.  pour  faire  ce  qu'ils 
appellent  /j  dragée  ;  aucun  fourraoe 
ne  lui  eft  comparable. 

Si  on  récolte  dans  fa  maturité  Is 
lentille  mêlée  avec  l'avoine  ou  avec 
l'orge,  on  fépare  ces  grains  ,  en  les 
jetant  en  l'air  comme  pour  vanner. 
Cette  fcparation  eft  une  fuite  nécef- 
faire  de  leur  pefanteur  fpécifique. 

Il  y  a  deux  efpèces  de  lentilles, 
ou  plutôt  l'une  eft  une  variété  de 
l'autre.  La  première  eft  appellée 
groffe  lentille,  &  la  féconde,  plus 
petite,  lentille  à  la  Reine.  Cette  der- 
nière eftplus  délicate.  Cespetits  grains 
font  une  reffource  précieufe  ,^ lorf- 
que les  pluies  ont  empêché  les  fe- 
mailles  de  blés  hyvernaux  ,  ou  lorf- 
qu'ils  ont  péri  par  les  gelées  oii 
relie  autre  intempérie  des'faifons. 

Dans  les  Mémoires  de  la  Société 
d'Agriculture  de  Rouen  ,  il  eft  quef- 
tion d'une  lentille  appellée  du  Ca- 
nada ^  qui  eft  une  efpèce  de   vefte 


248 


L  E  N 


à  grain  blanc,  tirant  fur  le  jaune, 
6c  dont  il  cft  tait  un  très-grand  éloge  j 
mais  tomme  il  n'ell  pas  pollible  de 
reconnoirre  cette  plante  par  le  peu 
de  caracières  qu'on  lui  alîigne ,  je 
n'en  parle  pas.  Les  lentilles  du  Puy- 
en-Velai  font  très  -  renommées ,  & 
en  effet  elles  méritent  de  l'ctre. 

On  bat  les  lentilles  comme  le 
blé  ,  les  pois,  iScc.  Les  tiges  fervent 
de   nourriture  aux  animaux. 

LEI^TISQUE.  {royeipLmcke  FI) 
Von  Linné  le  clalfe  dans  la  dioécie 
pentandrie  ,  &  le  nomme  Pijlacia 
Lendjlus.  Tournefort  l'appelle  Len- 
tij'cus  vulgaris,  &  le  clalle  dans  la 
féconde  feôbion  de  la  dix-huitième 
clalfe  dertinée  aux  arbres  à  fleurs 
mâles  &  femelles,  qui  nailFent  fur 
des  pieds  dificrens. 

Fleur.  On  n'a  repréfenté  ici  que 
la  fleur  mâle.  La  temelle  n'en  dif- 
fère que  par  la  fuppreflion  des  éta- 
minesj  le  piftil  occupe  le  milieu. 
A  fleur  mâle ,  à  cinq  étamines.  B 
ctamine  vue  par  la  tace  interne.  C 
vue  par  le  dos.  Ces  étamines  font 
rafl"emblées  dans  uri  calice  D  qui 
tient  lieu  de  pétales  j  c'ell:  un  tube 
à  cinq  parties  égales. 

Le  calice  de  la  fleur  femelle  n'a 
que  trois  divifions. 

Fruit.  Après  la  fécondation ,  l'o- 
vaire devient  un  fruit  vert ,  enftiite 
longe  E,  puis  noirâtre  après  la  matu- 
rité F.  Il  perd  de  fon  volume  à  me- 
fure  qu'il  mûrit  ;  il  eft  fphcrique  , 
marqué  d'un  ombilic,  fec ,  renfer- 
mant une  feule  amande  G ,  fphéri- 
que  comme    lui. 

Feuilles.  Ailées,  fans  impaire, 
les  folioles  en  forme  de  lance  ,  très- 
entières  ,  au  nombre  de  cinq  ou  de 
ûx  dt;  chaque  côté. 


L  E  N 

Racine,  Ligneufe  ,  rameufe. 

Pjrr.  Cet  arbrifleau  s'élève  à  huit 
ou  dix  pieds  dans  les  provinces  du 
midi.  Les  chatons  des  fleurs  mâles 
forcent  deux  à  deux  des  tL-uillesj  les 
fruits  r.ailîent  de  leurs  aitlejles,  dif- 
pofés  en  grappes  :  les  feuilles  font 
alternativement  placées  fur  les  bran- 
ches ,  ont  des  rebords ,  tSc  font  tou- 
jours vertes. 

Lieu.  La  Grèce,  l'Italie,  la  balTe- 
Provence  Se    le  Bas-Languedoc. 

Propriétés.  Le  bois  eft  d'une  odeur 
agréable  j  la  réline  d'une  odeur  aro- 
matique ,  &  d'une  faveur  amère. 
La  réfine  ,  qu'on  appelle  majlic  en 
larmes  ,  fe  tire  de  cet  arbre  dans 
l'ifle  de  Chio.  Le  bois  a  une  qua- 
lité aftringente  ;  les  fommités  ,  les 
baies  &  la  réfine  ,  font  deliicatives , 
allringentes  &  ftomachiques.  Le  maf- 
tic  eft  quelquefois  indiqué  dans 
l'ahftme  humide,  la  toux  catarhale  , 
la  diarrhée  par  humeur  féreufe  , 
les  fleurs  blanches  ,  les  pâ'es  cou- 
leurs j  en  parfum  dans  les  maladies 
de  la  poitrine,  où  il  faut  rendre  l'ex- 
pcéforation  facile  ,  &  oîi  il  n'exifte 
aucune  difpofition  inflammatoire  3 
dans  les  douleurs  rhumatifmales  par 
férofités;  en  folution  ,  dans  l'efprit- 
devin  pour  les  ulcères  des  tendons 
&  la  carie  des  os.  Ce  maftic  mâché, 
détermine  une  plus  grande  fécrétion 
de  la  falive ,  blanchit  les  dents , 
rend  l'haleine  d'une  odeur  agréable, 
ce  que  favent  tiès-bien  les  Turcs  & 
les  dames  du  fcrrail.  Ce  maftic  eft 
folubledans  l'efprit-de-vin  ,  les  jau- 
nes d'œuf  i5l'  les  huiles ,  mais  non 
pas  dans  l'eau.  Les  larmes  blanches 
font  à  préférer  à  toutes  les  autres. 
Pour  obtenir  ce  maftic  ,  on  fait , 
dans  les  mois  de  juillet ,  août  & 
feptembre ,  des  incifions  à  l'aibre , 

d'où 


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LEO 

d'où  la  {eve  s'exrravafe ,  &  forme 
far  l'écorce ,  en  fe  durcilTanr ,  des 
efpèces  de  larmes.  Ce  maftic  entre 
dans  la  compofuion  de  plutieurs 
vernis. 

Culture.  Il  feroit  poflible  ,  par 
des  femis  réitérés  ,  de  naturalifer  le 
lentifque  dans  plufieurs  de  nos  pro- 
vinces [Voyc\  le  mot  Espèce)  :  il 
eft  indigène  dans  L  Baire-Provcnce 
&  dans  le  Languedoc.  Comme  cet 
arbre  eft  toujours  vert ,  il  ferviroit 
très-bien  à  former  des  bofquets  & 
des  tonnelles  à  ombre  épaiffe  \  mais 
on  le  lailFe  fans  culture  végéter  dans 
les  haies,  le  long  des  chemins,  pour 
fournir  un  peu  de  bois  de  chauffage; 
on  le  multiplie  facilement  par  fe- 
mences  &  par  couches  \  fi  on  le  cul- 
tive, fi  on  donne  à  fon  pied  quelque 
labour ,  il  végète  fortement.  Je  ne 
doute  pas,  je  le  répète,  qu'avec  des 
foins  ou  n'en  forme  de  jolies  palif- 
fades  ;  le  point  efïentiel  eft  de  di- 
minuer la  multiplicité  des  rameaux 
qui  s'élèvent  de  fes  racines,  &:  de  ne 
lui  lailfer  que  la  quantité  fuffifance 
de  tiges  dont  o\\  a  befoin  pour  garnir. 

LÉONURUS  ou  QUEUE  DE 
LION.  Tournefort  le  nomme  Ico- 
nurus  perennis  Africanus  _,  Jldcrït'is 
folio  j  flore  phœniceo  majore  j  &  le 
place  dans  la  féconde  fedion  de  la 
quatrième  clafTe  des  herbes  à  flfur 
d'une  feule  pièce  irrégulière,  dont  la 
lèvre  fupérieure  eft  creufée  en  cuiller. 
Von  Linné  V.ip^-^Qllephlomis leonwus , 
ôc  le  clalTc  dans  la  dydinamie  gym- 
nofpermie. 

Fleur.  Labiée  &  d'une  feule  pièce, 
la  fupérieure  beaucoup  plus  longue 
que  l'inférieure  ,  divifée  en  trois  ; 
quatre  étamines  ,  dont  deux  plus 
grandes  &  deux  plus  courtes,  un  feul 
Tome  FI, 


LEO  149 

piftil;  le  calice  .à  découpures,  alter- 
nativement plus  longues  &  plus 
courtes ,  &  au  nombre  de  dix. 

Fruïc.  Quatre  femences  oblongues 
a  trois  côtés ,  renfermées  dans  le 
calice. 

Feuilles.  Entières  ,  en  forme  de 
lance,  dentées  en  manière  de  fcie. 
Racines.  Très-fibreufes. 
Port.  Arbriiïeau  de  deux  à  trois 
pieds  de  hauteur,  à  tiges  quarrées , 
branchues  ;  les  fleurs  rangées  autour 
des  tiges  comme  celles  de  l'ortie 
bljnche  ou  lamier ,  raflemblées;  ces 
touffes  diminuent  de  grandeur  ,  à 
mefure  que  la  tige  s'élève;  fes  fleurs 
font  de  la  couleur  du  tabac  d'Efpagne, 
mais  un  peu  plus  rougeâtres  ,  plus 
veloutées. 

Lieu.  L'Afrique,  le  Cap  de  Bon- 
ne-Efpérance.  L'arbufte  fleurit  deux 
fois  l'année,  au  printemps  &  en  au- 
tomne ,  &  refte  en  fleurs  pendant 
long-temps. 

Propriétés.  D'aucun  ufage  en  mé- 
decine ,  mais  cet  arbufte  eft  des  plus 
pittorefques  ,  &  pare  finguhèrement 
un  jardin.  L'orangerie  lui  fuffit  dans 
les  provinces  du  midi,  &  même  il 
pafte  bien  l'hiver  dnns  une  chambre, 
pourvu  qu'il  ne  gcle  point;  il  craint 
finaulièrement  l'humidité  dans  cette 
failon. 

Culture.  Chaque  année  l'arbufte 
doit  être  changé  de  pot,  parce  que 
fes  racines  en  occupent  bientôt  tonte 
la  capacité;  il  demande  une  terre  fubf- 
tantielle,  forte,  Se  mêlée  au  terreau: 
fi  on  ne  lui  donn.e  que  du  terreau, 
il  faut  l'arrofer  trop  fouvent.  Chaque 
rameau  détaché  du  tronc  ^  mis  en 
terre  à  l'ombre  ,  arrofé  au  befoin  , 
poufle  promptement  des  racines;  de 
manière  qu'un  tameau  mis  en  bou- 
li 


N 


250  L  E  P 

ture  à  la  fortie  de  l'orangerie,  eft, 
dans  les  provinces  du  midi,  en  étac 
d'être  lève  de  terre  en  juin  ou  juillet, 
&  de  fleurir  dans  la  même  année  li 
on  l'a  planté  un  peu  fort.  Ses  graines 
niûriirent  difficilement,  même  dans 
nos  provinces  du  midi  j  on  l'a  appelle 
^ueue  de  lion  à  caufe  de  fa  couleur 
&  à  caufe  de  la  difpofition  de  fes 
âeurs. 

LEPRE.  MioEciNE  rurale. 
La  lèpre  eft  une  maladie  conragieufe, 
accompagnée  de  ftupeur  &  d'infenfi- 
bilité  de  la  peau. 

On  en  diftingue  ordinairement 
deux  efpèces  ,  qui ,  à  proprement 
parler,  font  les  deux  degrés  de  cette 
maladie  affreufe. 

Le  premier  degré  eft  connu  fous 
le  nom  de  lèpre  des  Grecs  ;  le  fécond 
eft  appelle  lèpre  des  Arabes  ou  élé- 
phantiafe. 

La  defcripricn  de  la  lèpre  préfente 
à  l'humanité  le  tableau  le  plus  hi- 
deux &  le  plus  affligeant.  Ceux  qui 
en  font  attaqués  ont  la  peau  dure  j 
fèche  &  âpre  au  toucher  j  ils  y  reffen- 
tent  une  démangeaifon  &  un  prurit  des 
plus  incommodes.  La  lèpre  eft  quel- 
quefois partielle ,  &  n'attaque  que 
certaines  parties  du  corps ,  telles  que 
le  front,  les  pieds  &  les  mains  :  le 
plus  fouvent  elle  eft  univerfelle,  is: 
recouvre  toute  la  peau. 

Elle  eft  toujours  moins  mauvaife 
&  moins  dangereufe  quand  elle  s'an- 
nonce comme  la  gale;  c'eft-à-dire, 
lorfque  la  peau  devient  rouge  &:  rrcs- 
dure ,  &  qu'elle  excite  une  vive  dé- 
mangeaifon. 

11  fe  fait  une  éruption  de  puftules 
rouges,  plus  ou  moins  multipliées, 
quelquefois  folitaires ,  le  plus  fou- 
vent  entaftcés  hs  unes  fur  les  autres 


L  E  P 

dans  différentes  parties  du  corps  , 
fur- tout  aux  bras  &  aux  jambes.  A  la 
baie  de  ces  premières  puftules  il  en 
nait  bientôt  d'autres ,  qui  fe  mv\- 
tiplient  &  s'étendent  beaucoup'  en 
forme  de  grappes;  leur  furface  de- 
vient en  peu  de  temps  rude,  blan- 
c!iâtre&:  écailleufe;  les  écailles  au'on 
détache  en  fe  gratant,  reftemblent  à 
celles  des  poiifons,  &  dès  qu'on  les 
a  enlevées  ,  on  apperçoit  un  léger 
fuintement  d'une  famé  ichoreufe  , 
qui  occafionne  un  picotement  dé- 
fagréable. 

Si  l'on  abandonne  cette  maladie  à 
elle-même,  ou  qu'on  ne  fe  hâte  pas 
de  la  combattre  par  des  remèdes  ap- 
propriés, elle  fait  les  progrès  les  plus 
rapides ,  &  les  humeurs  fe  vicient  â  un 
tel  point,  que  les  puftules  deviennent 
noires  &:  livides ,  de  blanches  ou  jaunes 
qu'elles  étoient  auparavant.  La  peau 
devient  encore  plus  rude  ,  &  auflî 
épaiire&:  ridée  que  celle  d'un  éléphanr. 

La  refpiration  devient  auffi  plus 
difficile,  l'haleine  eft  puante,  la  voix 
perd  fa  force  <Sc  devient  rauque  ;  les 
joues  fe  recouvrent  d'une  forte  de 
crafle  ,  l'urine  que  les  malades  ren- 
denr  eft  épaifte  ,  &:  auffi  trouble  que 
celle  des  juments.  A  tous  fes  fymp- 
tomes  fe  joint  l'alToupiiïement  ou 
l'infomnie,  ainfi  que  la  maigreur  de 
tout  le  corps,  &  une  odeur  infou- 
tenable  qui  s'en  exhale.  C'eft  alors 
qu'il  furvient  des  boutons  &  des  ul- 
cères malins  par  tout  le  corps;  les 
poils  Tombent  avec  le  peau;  celle  du 
vifage  tombe  aullî  par  lambeaux  ; 
l'enflure  des  lèvres  &  des  extrémités 
eft  (1  prodigieufe,  qu'on  ne  peut  fou- 
vent  appercevoir  qu'avec  beaucoup 
de  peine  les  doigts  enfoncés  &  ca- 
chés dans  la  tumeur.  Dans  cette 
cruelle  polîtion ,  une  efpècc  de  glace 


L  E  P 

s'empare  des  malades  ;  ils  ne  font 
^ptes  ni  propres  à  faire  le  moindre 
mouvement  ;  ils  tombent  dans  un 
engoLirdilIement  &  une  nonchalance 
attreufe  ;  furvient  cnûn  une  hèvre 
lente,  qui  confume  en  peu  de  temps 
le  malade. 

Heureufes  les  contrées  fur  lef- 
quelles  cette  maladie  n'étend  point 
fes  ravages  !  elle  étoit  très- commune 
autrefois  dans  les  pays  chauds ,  dans 
la  Syrie  &  en  Egypte. 

S'il  faut  en  croire  certains  auteurs, 
on  obferve  aifez  fouvent  cette  ma- 
ladie en  Efpagne  Se  dans  l'Amérique 
méridionale  ;  elle  eft  très-rare  en 
France.  Je  fuis  perfuadé  néanmoins 
que  c'eft  faute  de  n'avoir  pas  donné 
toute  l'attention  convenable  à  la  def- 
cription  de  la  lèpre  ,  qu'il  s'eft  palTé 
plus  d'un  lîècle  fans  qu'on  air  pu 
î'obferver. 

Par  le  détail  de  fy  mptomes  où  nous 
femmes  entrés  pour  bien  faire  con- 
noître  cette  maladie ,  il  eft  aifé  de  ' 
voir'  que  fa  caufe  tient  à  une  âcrecé 
des  htimeurs,  portée  à  un  degré  ex- 
trême. 

Lacaufed'un  vice  au(îi  acre  prend 
fa  fource  dans  l'abus  d'un  régime 
échauffanc  &  des  alimens  falés ,  épicés 
&  de  haut  goût  •  tout  ce  qui  peut  in- 
cendier le  fang,  tel  que  les  liqueurs 
échauffantes  &  trop  fpiritueufes ,  ainfi 
que  les  viandes  enf-umées,  peuvent 
exciter  cette  âcreté.  Dans  le  nombre 
de  ces  caufes,  on  doit  admettre  une 
dirpoficion  naturelle  à  contrafter  cette 
maladie,  Se  y  comprendre  la  boilfon 
des  eaux  impures ,  la  mal -propreté 
fur-tout ,  les  excès  de  débauche  en 
tout  genre,  la  fuppreflion  des  éva- 
cuations ordinaires  ,  &  notamment 
celle  de  latranfpiration;  les  trop  vives 
pallions  de  l'ame,  &  enfin  tout  ce 


L  E  P 


iji 


qui  peut  imprimer  au  fang  &  à  la 
lymphe  une  âcreté  corrofive. 

Nous  avons  déjà  dit  que  la  lèpte 
étoit  une  maladie  contagieufe  ;  d'après 
cela,  on  ne  doit  point  lailfer  comr 
muniquet  ceux  qui  en  font  infedés 
avec  les  perfonnes  faines,  de  peur 
d'étendre  la  contagion  j  on  doit  les 
reléguer  dans  des  endroits  ifolés  & 
éloignés  du  commerce  des  hommes. 
Ceux  qui ,  par  état ,  font  forcés  de 
leurdonner  des  foins,  tant  pour  ce  qui 
concerne  leur  traitement ,  que  pour 
leur  régime,  doivent  redoubler  d'at- 
tention &  de  précaution  pour  fe 
mettre  à  l'abri  de  cette  cruelle  ma- 
ladie. 

La  lèpre,  dans  fon  principe,  eftfuf- 
ceptible  de  guérifon.  On  a  vu  des 
lépreux  vivre  pendanr  plufieurs  an- 
nées ,  fans  autre  défagrément  que 
d'avoir  la  peau  défigurée.  Elle  eft 
incurable,  lorfqu'elle  eft  parvenue  à 
fon  dernier  degré.  C'eft  aulîi  d'après 
ce  fait  d'obfcrvation  que  Celfe  avoir 
raifon  de  dire,  que  dans  ce  cas  il 
ne  falloir  point  fatiguer  le  malade  par 
des  remèdes  qui  n'étoient  d'aucune 
utilité. 

Adoucir  r.âcreté  des  humeurs  ," 
combattre  leur  cpailTiffement,  inviter 
&  porter  la  nature  à  opérer  une  crife 
falutalre  par  les  émoncftoires  naturels 
de  la  peau,  font  les  vues  curatives 
que  l'on  doit  avoir  pour  parvenir  à 
guérir  cette  maladie  dans  fon  pre- 
mier degré. 

S'il  y  a  pléthore ,  tenfion  de  du- 
reté dans  le  pouls,  on  commencera 
par  faigner  le  malade  une  ou  deux 
fois,  fur-tout  fi  les  boutons  qui  com- 
mencent à  conftituer  rcriiprion,  font 
d'un  rouge  afftz  vif  ^  le  relâchement 
que  cette  évacuation  amène,  facilite 
beaucoup  l'aâdon  des  remèdes. 
li  i 


ip.  L  E  P 

S'il  exifte  des  fignes  c3e  piuridité  , 
on  purgera  le  malade  de  manière 
à  ne  point  exciter  d'irritation  dans 
l'eftomâch  ,  mais  néanmoins  allez 
énergique  pour  pouvoir  débarralTer 
les  premières  voies  de  la  faburre  qui 
peut  les  furcharger. 

Cela  faitj,  on  combattra  l'âcreté 
des  humeurs  par  un  long  ufage  des 
bains  domeftiques  ,  par  beaucoup  de 
boiiïons  adouciflantes ,  telles  que  le 
petit-lait  nitré,  ou  coupé  avec  la  fu- 
meterre  ,  les  bouillons  adoucllfants 
faits  avec  les  plantes  chicoracées  & 
les  efcargors  de  vigne,  l'eau  de  veau 
feule  ou  nitrce  ,  une  décoition  lé- 
gère de  racines  de  falep  ,  le  fuc  des 
plantes  antifcorbutiques  ,  les  eaux 
acidulés ,  prifes  feules ,  ou  coupées 
avec  une  partie  de  lait  bien  écrémé. 

Le  mercure  a  été  regardé  de  tout 
temps  comme  le  vrai  fpécifique  de 
cette  maladie  j  il  peut  produire  de 
bons  effets ,  mais  il  doit  être  adminiftré 
avec  prudence  &  ménagement.  On 
ne  doit  y  avoir  recours  qu'après  avoir 
bien  détrempé,  délayé  &  adouci  la 
ma(fe  des  humeurs.  On  l'employé  or- 
dinairemenc  fous  forme  de  fruftion  ; 
cette  nianière  de  le  donner  n'exclud 
pas  celle  de  le  prendre  par  la  voie  de 
la  diseftion  :  on  le  combine  alors  avec 
quelque  conferve  agréable  au  gour. 

Ce  remède  ,  Ci  vanté  par  les  au- 
teurs qui  ont  le  mieux  écrit  fur  cette 
maladie,  répond  très -rarement  au 
fuccès  qu'on  fe  croit  en  droit  d'en 
attendre  ;  il  eft  très-ordinaire  de  voir 
reparoître  fur  la  peau  une  nouvelle 
éruption  de  boutons,  quelque  temps 
après  avoir  infifté  fur  fon  adminif- 
iration  j   il  faut  alors  fe  retourner , 


L  E  P 

&  inviter  la  nature  à  fe  débarrafTer 
par  les  couloirs  de  la  peau ,  du  refte 
de  ce  virus  qui  infefte  la  malle  des 
humeurs ,  en  prefcrivant  au  malade 
l'ufage  de  certains  fudontiques,  dont 
les  fuccès  ont  été  reconnus  &  con- 
firmés par  l'obfervation. 

Perfonne  n'ignore  que  c'eft  le  ha- 
fard  qui  a  fait  connoître  les  vertus  de 
la  vipère.  Galien  nous  apprend  que 
quelques  perfonnes  ,  touchées  de 
compaflion  envers  un  miférable  lé- 
preux, &  fe  croyant  dans  l'impof- 
fibilité  de  le  guérir  ,  réfolurent  de 
mettre  fin  à  fes  fouftrances  en  l'em- 
poifonnant;  l'effet  ne  répondit  point 
à  leur  attente  ,  &  le  remède  ,  loin 
de  hâter  la  mort,  opéra  une  parfaite 
guérifon(  i  ). 

Je  ne  faurois  alfez  recommander 
l'ufage  de  la  vipère  dans  le  traitement 
de  la  lèpre  j  les  bons  eflets  qu'elle  a 
produits  dans  les  maladies  de  la  peau, 
font  conftatés  par  les  obfervations  les 
plus  cxaéles.  Lieutaud  nous  apprend 
qu'on  prépare  avec  le  tronc  entier 
d'une  vipère,  à  laquelle  on  a  ôté  la 
tête  &  la  peau ,  ou  avec  une  moitié 
feulement ,  un  bouillon  que  l'on  re- 
garde comme  un  excellent  médica- 
ment propre  à  purifier  le  fang  &  à  aug- 
menter la  tranipiration.  Ces  vertus, 
ajoute  ce  grand  médecin,  la  rendent 
très  -  efficace  dans  les  maladies  de 
la  peau  ,  &  tort  utile  à  ceux  qui  ont 
le  fcorbut ,  maladie  qui  diftére  très- 
peu  de  la  lèpre. 

Les  autres  fudorifiques,  tels  que 
le  gayac  ,  le  faflafras ,  la  fquine  & 
la  falfepareille,  quoique  rrès- éner- 
giques ne  font  point  aulli  efficaces 
que  la  vipère. 


(  I  )  Diftionnaire  des  Sciences ,  mot  L  â  p  r  e  ,   p^S^  ^S^- 

m 


LES 

Mais  les  bains  (impies,  ou  d'eaux 
minérales  fulphureufes  de  Barège , 
de  Banières ,  de  Coterets ,  de  Bour- 
bonne,  fur-tout  ceux  de  la  Malou 
&  d'Avefue,  fi  connus  en  Languedoc , 
font  les  remèdes  les  plus  appropries, 
foit  pour  opérer  la  guérilon  ,  foit 
pour  la  rendre  parfaite  ,  en  ren- 
dant à  la  peau  fa  couleur  &  fa  fou- 
pleife  naturelle.  Ces  mêmes  eaux, 
ptifes  intérieurement  ,  ne  peuvent 
au(îi  qu'être  très  avantageufes  Mais 
tous  ces  diffcrens  remèdes  ne  pro- 
duiront de  bons  effets  ,  qu'autant 
que  les  malades  s'abfliendtont  des 
alimens  grolliers,  échauffans  &  de 
difficile  digeftion. 

Quant  au  fécond  degré  de  la  lèpre , 
uous  avons  déjà  dit  qu'elle  réfilloit 
opiniâtrement  à  toutes  fortes  de  re- 
mèdes j  il  eft  inutile  de  s'y  arrêter. 
M.  AMI. 

LESSIVE  DU  LINGE.  Eau  ren- 
due déterfive  des  grailles ,  des  huiles, 
par  l'addition  d'un  fel  alkali.  Cette 
opération,  fi  nniverfelle  &  fi  nécef- 
faire,  exige  que  j'entre  dans  quel- 
ques détails. 

La  tranfpiration  eft  une  humeur 
graffe  Se  huileufe,  qui  s'attache  à  nos 
linges,  &:  elle  eft  peu  mifcible  à  l'eau 
feule  i  mais  fion  ajoute  un  fel  alkali  j, 
(  F'oye:(^CQ  mot)  la  matière  huileufe 
ou  graiireufe  s'unit  alors  à  l'eau  par 
l'intermède  du  fel,  &;  de  cette  union 
il  réfulte  un  vrai  favon,  mifcible  à 
Teau  ,  &  qui  la  rend  par  confcquent 
mifcible  aux  grailfes,  beurre,  huile, 
&c ,  Se  permet  que  ces  fubftances 
foient  féparées  du  linge  des  vcte- 
mens,  (Sec.  6c  entraînées  par  le  cou- 
rant de  l'eau.  Voilà  la  bafe  &  la  ma- 
nière d'agir  de  toutes  les  lefllves. 

Perfonne  n'ignore  que  l'on  met  le 


Les         153 

linge  dans  un  cuvier,  qu'il  eft  recou- 
vert d'un  grand  drap,  &  chargé  de 
quelques  pouces  de  cendres  ordinai- 
res, ou  d'un  peu  de  potalfe  ou  de 
cendres  clavellées ,  (  Vo\e\  ce  mot  ) 
&  fouvent  le  tout  enfemble  ou  fépa- 
rément,  aiguifé  avec  de  la  chaux  :  on 
prend  enfuite  de  l'eau  bouillante  que 
l'on  verfe  par-defTus.  Comme  le  fond 
du  cuvier  eft  percé  d'un  petit  trou 
garni  de  paille ,  cette  eau ,  après  avoir 
traverfé  toutes  les  couches  de  linge 
comme  à  travers  un  filtre ,  s'écoule 
peuà-peu  dans  un  baquet  placé  fous 
le  cuvier,  &  cette  même  eau,  remife 
dans  la  chaudière  ,  &  verfée  perpé- 
tuellement fur  le  cuvier  pendant  toute 
la  journée  j  s'imprègne  de  la  partie 
grailfeufe  &  huileufe  du  linge.  En 
effet,  lorfque  l'on  trempe  fes  doigts 
dans  cette  lefTive,  on  la  trouve  onc- 
tueufe  &c  favonneufe.  L'addition  de  la 
potafTe ,  de  la  chaux ,  de  la  cendre  gra- 
vellée ,  augmentent  l'aélivité  de  la  lef- 
five,  mais  ces  matières  altèrent  beau- 
coup le  linge  fi  leur  fel  ne  trouve  pas 
adez  de  matière  huileufe  ou  grailfeufe 
à  détruire,  parce  qu'elle  agit  alors 
dirediement  fur  lui.  Il  faut  donc  être 
très-circonfpeét  dans  leur  emploi.  Le 
linge ,  ainfi  préparé  &  forti  du  cuvier , 
eft  porté  à  la  fontaine  ,  à  la  rivière  , 
pour  êtte  lavé  &  favonné  à  grande 
eau.  L'effet  du  favon  eft  de  s'appro- 
prier le  furplus  de  la  matière  graif- 
fcufe,  enforte  que  le  linge  eft  dans 
le  cas  d'en  être  entièrement  dépouillé. 
Telle  eft  à-peu-près  la  manière  gé- 
nérale d'opérer  j  mais  eft-elle  la  meil- 
leure, la  plus  économique  quant  à  la 
dépenfe  Se  quant  à  la  durée  ,  à  la 
beauté  &  à  la  blancheur  du  linge? 
Je  ne  le  crois  pas. 

On  dira  peut-être  que  ces  détails 
ne  doivent  pas  occuper  un  homme , 


254  LES 

&  qu'ils  font  du  relTort  des  femmes; 
auflî  je  ne  prétends  pas  qu'un  culti- 
vateur,  qu'un  homme  qui  vit  dans 
fon  domaine,  s'occupe  à  couler  une 
leffivc  ;  mais  qu'il  veille  à  la  confer- 
vation  de  fon  linge  &  à  fa  blancheur, 
c'ert:  autre  chofe ,  ôc  la  plus  petite 
opération  du  ménage  des  champs  doit 
fixer  l'attention  de  l'amateur  de  l'or- 
dre &  de  l'obfervateur. 

En  partant  du  principe  chymique 
qui  ferc  debjfe  à  cette  manipulation, 
je  dis  qu'il  vaut  infiniment  mieux  fa- 
vonner  le  linge  Se  le  faire  tremper  un 
jour  entier  dans  une  eau  favonneufe  , 
avant  de  le  jeter  dans  le  envier  pour 
le  lelïïver  ;  enfin  de  le  faire  preirer 
6c  tordre  à  difFcrentes  reprifes  dans 
cette  eau,  parce  qu'elle  a  une  affinité 
réelle  avec  les  matières  gralfes  qu'elle 
détache  du  linge,  qu'elle  dilfout  & 
qu'elle  s'approprie.  Le  linge  ainfi  pré- 
paré ,  mis  dans  le  cuviet  avec  l'eau 
favonneufe  ,  leiîivé  enfuite  d'après 
les  procédés  ordinaires ,  &:  porté  à  la 
rivière ,  n'a  phis  befoin  d'y  être  fa- 
vonnc,  mais  tordu  &  lavé  à  plufieurs 
reprifes  à  grande  eau  courante.  La 
trop  grande  quantité  d'alkali,  ou  de 
cendres ,  ou  de  chaux  ,  n'eft  pas  alors 
tant  à  red.iuter,  le  nerf  du  linge 
n'efl:  plus  fi  fort  attaqué  ,  enfin  toute 
fa  craflTe  eft  rendue  mifcible  à  l'eau, 
&  dès-lors  fuf:eptib!e  d'être  entière- 
ment- entraînée  par  re.au  courante. 
Caprocédé  n'eft  pas  plus  coûteux  que 
celui  employé  journellement  ,  &  je 
puis  répondre  ,  d'après  mon  expé- 
rience, que  le  linge  eft  beaucoup  plus 
blanc,  plus  ferme  &  mieux  confervé 
que  par  tout  autre  procédé;  il  eft 
facile  de  la  répéter. 

L'ufage  de  trotter  le  linge  avec  des 
broftes  à  poils  rudes,  a  été  introduit 
par  l'avarice ,   afin   d'économifer   le 


LES 

favon;  îl  eft  plus  gâté  en  deux  blan- 
chilTages ,  qu'il  ne  le  feroit  en  vingt , 
en  fuivant  le  procédé  ordinaire. 

Lessive  des  grains.  Je  ne  répé- 
terai pas  ce  ici  qui  eft  dit  au  mot 
CHiiuLAGE  «Se  au  mot  Froment, 
je  rappellerai  feulement  que  tous  ces 
arcanes  ,  ces  préparations ,  qui  de 
temps  à  autre  reparoiilent  dans  les 
papiers  publics,  &  qu'on  donne  com- 
me des  nouveautés,  font  le  plus  fou- 
vent  ou  déjà  connus  ,  ou  du  moins 
inutiles.  La  renommée  de  l'arcane 
fe  foutient  pendant  un  an  ou  deux, 
&  la  recette  retombe  enfuite  dans 
l'oubli  d'où  on  l'avoir  tirée.  Eii  ad- 
mettant même  que  la  préparation  , 
ou  lellîve  du  grain,  hâte  fa  germina- 
tion, il  n'en  réfulteroit  aucun  avan- 
tage quant  à  fa  végétation  pofté- 
rieure,  puifque  dès  que  les  deux  pre- 
mières feuilles  du  grain  ont  poufte, 
les  deux  lobes  de  la  femence,  impré- 
gnés de  préparation,  font  complète- 
ment détruits.  L'homme  aime  le  mer- 
veilleux, &  la  cherté  d'une  denrée  eft 
fouvent  une  raifon  de  plus  pour  la  lui 
faire  acheter. 

Lessive  des  arbres.  C'eft  en- 
core ici  où  le  charlatan  triomphe.  Que 
de  promeftes  magnifiques ,  que  de 
prétendus  faits  conftatés  dans  les  pa- 
piers publics  ,  que  de  faulletés  im- 
primées ,  revues  ,  corrigées  &  au(^- 
mentces,  pour  détruire  les  chenilles, 
les  papillons ,  les  pucerons ,  les  galles- 
infeétes  qui  dévorent  les  arbres.  De 
l'eau  fimple  ou  aiguifce  avec  du  vi- 
naigre,  une  broffe,  ou  le  dos  de  la 
lame  d'un  couteau ,  produifent  les 
mêmes  effets  que  les  leliives  les  plus 
vantées,  telles  que  celles  où  l'on  fait 
entrer  les  corps  grailFeux  ,    huileux 


L  E  T 

ou  favonneux.  La  pairie  aqueufe  s'é- 
vapore ,  &  la  fiibftance  graideufe  , 
refte  collée  fur  les  branches  comme 
un  vernis  iiifoluble  à  l'eau  qui  bou- 
che les  pores,  arrête  la  tranfpiration 
pendant  le  jour,&  empêche  pendant 
la  nuit  l'abforption  des  principes  ré- 
pandus dans  l'atmofphère.  (  Voye-^  le 
mot  Amendement  )  Il  faut  conclure 
que  toutes  les  préparations  fi  vantées, 
foit  pour  les  grains,  foit  pour  les  ar- 
bres ,  font  de  pures  charlatanneries  \ 
on  en  convient  alfez  généralement , 
mais  exiile-t-il  un  feul  charlatan  fans 
dupes?  Tel  eft  le  fort  de  l'homme. 

LÉTHARGIE.  Médecine  vété- 
rinaire. On  a  obfervé  que  le  bœuf 
&  le  cochon  font  plus  fujets  à  cette 
affection  comateufe ,  que  le  mouton 
&  le  cheval.  L'animal  qui  en  eft  at- 
teint eft  comme  plongé  dans  un  pro- 
fond fommeil  ,  la  refpiration  eft 
grande,  ordinairement  accompagnée 
de  rontiemenc,  ou  de  ralement ,  ou 
de  foupirs.  Le  mouvement  du  cœur 
eft  fort  &  fréquent;  en  irritant  l'a- 
nimal avec  l'aiguillo»  ou  avec  le 
fouet,  il  eft  inienfible,  quelquefois 
il  fe  remue  &  fe  lève  ,  mais  un  inftant 
après  il  fe  couche  &  retombe  dans 
fon  premier  état;  fouvenc  il  marche 
en  chancelant ,  &  il  ne  tarde  pas  à 
tomber  à  terre   comme  une  malfe. 

Cetre  maladie  répondant  à  peu- 
près  à  l'affoupiirement,  nous  croyons 
devoir  renvoyer  le  LeÛeur  à  cet  arti- 
cle, quant  aux  caufes&r  au  traitement. 
(  Voye^  Assoupissement  )   M.  T. 

LEVAIN.  (  Foyei  l'article  Pain  ) 

LEVER.  Terme  de  jardinage.  On 
dit  qu'une  graine  a  levé  lorfque  la 
radicule  s'eft  eiifojicée  dans  terre,  & 


L  E  V  255 

que  'es  deux  lobes  de  la  graine  font 
hors  de  terre  ,  c'eft-à-dire  qu'elle  a 
germé  ,  &  que  les  feuilles  quelcon- 
ques paroilTent  en-dehors ....  On  dit 
lever  un  arbre,  lorfqu'on  le  déplante 
pour  le  planter  en  un  autre  endroit .... 
Lever  en  motte  ,  lorfqu'on  le  déplante 
avec  toutes  fes' racines  &  avec  la 
terre  qui  leur  eft  adhérente  ....  Levtr 
en  wanequin y  c'eft  le  déchaulfer  tout 
autour ,  &  retenir  la  terre  qui  l'en- 
vironne, avec  des  claies  ou  un  mane- 
quin,  fuivant  le  volume  des  racines. 
Ces  deux  dernières  opérations  ont 
pour  but  de  conferver  les  racines  fans 
les  châtrer,  racourcir  ou  rafraîchir  , 
à  la  manière  des  jardiniers,  mais  dans 
leur  enrier  ;  la  nature  ne  les  avoir  pas 
faites  pour  fubir  ces  fuppreftions ,  qui 
forment  autant  de  plaies  qu'il  y  a 
eu  de  racines  coupées. 

LEVRE,  {hot.  )  Nom  que  les  bo- 
taniftes  ont  donné  aux  limbes  de  cer- 
raines  corolles  ,  qui  font  recourbées 
de  l'intérieur  à  l'extérieur  ,  (Je  qui 
imitent  en  quelque  fotte  les  lèvres  des 
animaux.  Dans  les  fleurs  peifonnées 
&  labiées  ,  les  pétales  couronnées  ont 
la  forme  &  portent  le  nom  de  lèvres. 
(  f'''oye:i  le  mot  Flhvk  ,  )  où  l'on  trou- 
vera le  dellin  de  fes  parties.  M  M. 

LEVUB  E.  (  Foyei  Pain  ) 

LIE.  Sédiment  des  liqueurs  com- 
pofées,  qui  fe  précipite  par  le  repos;  , 
Ce  n'eft  pas  le  cas  de  parler  ici  de 
toutes  les  efpèces  de  fédiment.  II 
fuffit  d'examiner  la  lie  du  vin  ,  la 
feule  utile.  Dans  les  années  sèches, 
6c  pendant  lefquelles  la  chaleur  fe 
foutient  depuis  le  commencement 
de  la  maturité  du  rai  (in  jufqu'.à  fa  ré- 
colte, la  lie  eft  abondante  j  elle  l'eft 


25^  LIE 

beaucoup  moins  dans  les  années  plu- 
vieufes  &  froides ,  parce  que  le  muci- 
lage ,  &  fur-tout  la  partie  fucrée ,  font 
moins  rapprochés  dans  le  raifm,  & 
que  fous  une  même  quantité  de  fluide 
les  principes  font  moins  abondans  & 
moins  rapprochés  que  dans  les  années 
fèches  &  chaudes.  11  y  a  plus  de  vé- 
liicuie  aqueux.  Voici  un  point  de  fait 
qui  paroîtra  contradiétoire  avec  ce 
que  je  viens  de  dire.  Les  vins  des 
provinces  méridionales  dépofenc 
moins  de  lie  que  ceux  des  provinces 
du  centre  du  royaume  ;  cependant  il 
y  a  une  plus  grande  maturité  dans  les 
premiers ,  &  par  conféquent  plus  de 
principes  rapprochés  dans  une  mafTe 
donnée  de  fluide.  Cette  différence 
très  fenlible  ,  provient  de  la  qualité 
du  raifm  que  l'on  cultive  :  telle  ef- 
pèce  en  fournit  beaucoup  plus  qu'une 
autre.  Un  vin  qu'on  lailfe  longtemps 
cuver  ,  &  qu'on  ne  tire  que  lorfque 
la  fermentation  ,  (  ^oye^  ce  mot  ) 
elt  complettement  celTée ,  &  lorfqu'il 
eft  clair  tk  lympide,  fuivant  la  mau- 
vaife  coutume  de  la  majeure  partie 
des  vignerons  de  Provence  Se  de  Lan- 
guedoc ,  (Sjc.  donne  très-pçu  de  lie; 
elle  a  refté  adhérente  aux  grappes  ou 
aijx  pellicules.  Ainfi ,  pour  conclure 
de  la  qualité  des  vins  par  les  lies,  il 
faudroit  connoître  Fefpèce  de  railîn 
qui  les  a  faits  ;  le  pays  d'où  il  vient  ; 
quelle  a  été  la  conftitution  de  l'été  & 
de  l'automne  ;  mais  toutes  les  fois 
que  des  lies  on  tetircra  beaucoup 
de  tartre  ,  on  peut  aflurer  que  le  vin 
étoit  généreux  ,  qu'il  contenoit  beau- 
coup d'efprit  ardent  ,  parce  que  le 
tartre  ,  inloluble  dans  l'eau  ,  ne  (e 
fép.ue  du  vin  qu'autant  qu'il  fe  forme 
d'efprit  ardent.  Les  lies  des  vins  nou- 
veaux en  contiennent  très-  peu. 
J^es  principes  conftituans  les  lies , 


LIE 

font  une  terre  calcaire,  extrêmement 
fine  «Scdivi  fée  ,  une  partie  du  mucilage 
dd  vin,  &  plus  ou  moins  de  la  partie 
colorante  du  raifin  ,  fuivant  fon  ef- 
pèce;  enfin,  la  portion  du  tartre  qui 
ne  s'eft  point  criiïallifée  contre  les  dou- 
ves du  vaiiïeau  qui  a  contenu  le  vin. 

La  matière  terreufe  eft  le  vrai 
humus  ,  la  terre  végétale  &  foluble 
dans  l'eau  ;  c'eft  l'excédent  de  celle 
qui  a  fervi  à  la  végétation  du  cep ,  & 
à  la  charpente  du  raifin  ;  enfin,  celle 
qui  eft  montée  avec  l'eau  de  végé- 
tation ,  dès  que  cette  dernière  a  été 
dans  l'état  favoiineux.  (  f'^oye^  le  mot 
Amendement,  &  le  dernier  chapitre 
du  mot  Culture.  ) 

La  matière  mucilagineufe  eft  éga- 
lement le  furplus  du  principe  mu- 
queux  contenu  dans  le  vin.  C'eft  ce 
mucilage  qui  donne  à  la  liqueur  le 
moelleux  &c  l'amiable  :  trop  de  mu- 
cilage la  rend  liquoreufe ,  &  quel- 
quefois pâteufe.  Tels  font  les  vins 
mufcats  qui  n'ont  pas  été  collés.  Ce 
muqueux  eft  également  monté  avec 
la  fève  dans  fon  état  favonneux  j  enfin, 
c'eft  la  partie  la  moins  élaborée  du, 
mucilage  qu'on  retrouve  dans  la  lie. 

La  parrie  colorante  qu'on  y  voit ,  eft 
celle  qui  n'a  pas  été  dilfoute  pat  l'efprit 
ardent;  elle  a  fimplementété  étendue 
dans  la  liqueur,  &  non  difloute.  Par 
exemple,  fi  on  prelfe  du  raifin  rouge, 
tel  qu'on  l'apport;  de  la  vigne ,  fans 
qu'il  ait  fermenré ,  on  aura  une  li- 
queur rouge,  mais  la  partie  colorante- 
y  fera  feulement  étendue  &  non  dif- 
foute  ;  elle  fera  comme  le  cinabre  dé- 
layé dans  un  verre  d'eau  ,  fans  addi- 
tion de  gomme,  &  cette  eau  reftera 
rougie  tant  qu'elle  fera  agitée  ;  Se 
enfin  reprendra  fa  couleur  naturelle 
après  avoir  précipité  h.  terre  minérale. 
Il  en  eft  ainfi  du  moùi ,  il  y  a  cx- 

tenûon. 


LIE- 

tenrion  ,  divifion  des  principes  co!o- 
rans ,  «Se  non  pas  dilTolution  ,  ce  qui 
eft  très  -  différent.  Je  n'examinerai 
pas  ici  fi  cette  partie  colorante  eft 
iimplement  réfineufe,  ou  une  réline 
unie  avec  un  extrait  5  cet  article  eft 
renvoyé  au  mot  Raisin.  Ainii  , 
quand  il  feroit  démontré  qu'une  par- 
lie  eft  diffoute  par  l'eau  ,  (  l'extrac- 
tive .  )  &:  l'autre  par  l'efprit  ardent ,  (  la 
rélineufe  )  il  n'en  eft  pas  moins  vrai 
ijué  la  réfineufe  eft  la  plus  abondante , 
ëc  par  conféquent  celle  qui  exige  la 
converfion  du  principe  fucré  en  ef- 
prit  ardent ,  pour  la  diffoudre  &  la 
combiner  avec  la  liqueur. 

Les  lies  des  vins  qui  ont  peu  fer- 
menté ,  font  beaucoup  plus  colorées 
que  celles  des  vins  fermentes  con- 
venablement. Cette  propofition  géné- 
rale fouffre  des  modifications.  Ptenez , 
par  exemple  ,  le  raifin  de  la  famille 
des  pinneaux  ,  appelle  le  teint-eau  ou 
feinrarier,  dénomination  qu'il  mérite, 
à  caufe  de  la  grande  quantité  de  fa 

fiartie  colorante,  il  eft  certain  que  les 
ies  du  vin  de  ce  raifin  feront  beaucoup 
plus  colorées  que  celles  de  tout  autre. 
Ainfi,  fa  couleur  &fonintenfité  dans 
les  lies,  tient  également  à  la  plus  ou 
moins  longue  fermentation  ,  à  la 
qualité  de  l'cfpèce  de  raifin  ,  au  cli- 
mat ,  à  la  conftitution  de  l'année  , 
au  grain  de  terre  de  la  vigne ,  &  à 
fon  expofition. 

Le  tartre  eft  le  felelfentiel  delà  vi- 
gne, d'où  il  paffe  dans  le  railin  ,  &  du 
raifin  dans  le  vin.  Plus  un  vin  eft  gé- 
néreux ,  plus  il  précipite  de  tattre. 
Les  vins  des  provinces  du  midi  en 
contiennent  fort  peuj  il  abonde  dans 
leurs  lies  &  contre  les  parois  des 
vailfeaux  où  il  fe  cryftallife  en  couche 
dure  &  épaiffe.  Au  contraire  ,  dans 
les  provinces  du  nord,  la  Bourgogne, 
Tome  FI. 


I  I  t 


^57 


la  Champagne  ,  &:c.  les  vins  retien- 
nent cette  agréable  acidité  du  tartre: 
acidité  dont  on  ne  s'apperçoit  en 
aucune  manière  dans  les  vins  des  pro- 
vinces du  midi.  Cet  acide  eft  encore 
un  des  dilfolvans  de  la  partie  colo- 
rante. 

La  lie  eft  compofée  de  ces  quatre 
principes;  mais  elle  retient  encore  une 
portion  de  vin  &  de  fpiritueux.  Elle 
relîemble  à  une  gelée  j  elle  eft  épaiffe 
&  tremblante,  comme  elle.  La  pref- 
fion  ne  fauroit  en  extraire  le  vin  fans 
le  fecours   d'une  chaleur  artificielle. 

La  lie  eft-elle  utile  au  vin,  c'eft-à- 
dire  à  fa  qualité  &  à  fa  confetvation  ? 
Les  fentimens  font  partagés  fur  ce 
problême  j  ils  ne  devroient  pas  l'être: 
c'eft  ce  que  nous  examinerons  au  mot 
Vin. 

De  la  lie  on  retire  du  vin ,  qui 
fert  à  faire  le  vinaiçrre.  En  diftillanc 
les  lies,  on  obtient  un  efprit  ardent. 
(  Voyei^  le  mot  Distillation,  page 
54  )  On  calcine  le  réfidu  àcs  diftil- 
lations  ,  ou  les  lies  dans  leur  érat 
naturel ,  pour  en  obtenir  l'alkal'n 
(  Voyc\  le  mot  Cendre  Grave- 
lée  ,  &  le    mot  Tartre  ) 

LIEGE.  (  Voyei  planche  VI , 
paae  248  )  J'ai  déjà  parlé  fommai- 
rement  du  liège  ,  à  l'arricle  Chêne  , 
parce  qu'effeétivement  c'eft  un  chê- 
ne; mais  il  mérite  qu'on  s'en  occupe 
d'une  manière  particulière.  Les'fleurs 
mâles  font  iéparées  des  fleurs  fe- 
melles ,  &  difpofées  comme  celles 
du  chine  ordinaire.  (  J^oyc\  ce  mot  ) 
A  en  repréfente  une  avec  les  éta- 
mines  réunies  ■,  qui  fe  féparent  , 
comme  on  le  voit  en  B.  Elles  font 
raffemblées  dans  un  calice  d'une  feule 
pièce  C  à  cinq  divihons.  D  fait  voie 
une  étamine  examinée  en-delfus ,  Si, 
Kk 


ijS  LIE 

E  vue  en-deTous.  Les  fleurs  femel- 
les n'ont  qu'un  piftil  ,  &  font  ren- 
fermées dans  un  calice  rond,  à  peine 
vifible  avanr  la  formation  du  fruit. 
F  le  repréfente  dans  l'état  ce  matu- 
rité ,  dans  lequel  repofe  le  fruit  G. 
H  le  fait  voir  coupé  longitudinale- 
nient.  I  fait  voir  la  fenience  exté- 
rieurement ,  &  K  vue  à  l'intérieur. 
Le  refte  de  la  defcription  comme  à 
l'article  Ckéke-Liege  :  fa  culture  ne 
diffère  pas  de  celle  du  chêne  ordi- 
naire. 

Le  chène-liége  craint  le  froid  juf- 
qu'à  un  certain  point  ;  je  crois  ce- 
pendant que  par  des  femis  répétés 
de  proche  en  proche  ,  on  parviendroit 
à  lenaturalifer  dans  beaucoup  de  pro- 
vinces du  centre  du  royaume.  Ce 
n'eft  pas  en  faifant  venir  les  glands 
de  Perpignan  ,  par  exemple  ,  &  en 
les  femant  en  Bourgogne,  qu'on  réuf- 
fîra  ;  la  diftance  eft  auOi  difpropor- 
tionnée  que  le  climat.  Mais  fi  ,  par 
exemple  ,  on  les  feme  au  Pont-du- 
Saint-Efprit  ,  &  que  les  glands  des 
arbres  qui  en  proviendront  ,  foient 
enfuite  femés  à  Valence,  .5c  ainfi  de 
fuite  en  remontant  vers  le  nord  ,  il 
eft  plus  que  probable  que  la  natu- 
ralifation  aura  lieu.  (  /^oye|  ce  qui 
a  été  dit  au  mot  Espèce  ) 

Le  cWène-licge  aime  les  terrains 
légers  ,  &  craint  les  fols  humides. 
Il  eft  très-commun  près  de  Bayonne, 
dans  quelques  cantons  de  la  Guyenne, 
du  Roullillcn  ,  de  la  balfe  Provence 
&  du  Languedoc.  L'Italie  &  l'Efpague 
en  produifent  beaucoup. 

L'écorce  de  ce  chêne  eftprécieufe, 
c'eft  pourquoi  on  s'attache  à  lui  don- 
ner le  plus  de  qui'le  qu'il  eftpofllble  j 
cepeiidant  en  ménageant  fa  tête  , 
afin  d'avoir  àe  plus  longues  pièces 
d'écorce.  Lorfque  cet  arbre  a  acquis. 


L  I  E 

après  quinze  ou  vingt  ans,  une  cer- 
taine confiftance  ,  &  le  pied  un  cer- 
tain diamètre  ,  on  enlève  fon  écorce 
qui,  cetre  fois ,  n'eft  bonne  qu'à  brû- 
ler, ou  pour  les  tannées.  L'opération 
s'exécute  en  coupant  cette  écorce  cir- 
culairement  au  haut  &  au  deflTous  âts 
branches.  On  la  coupe  également  au- 
delTus  des  racines,  enfuite  on  la  fend 
du  haut  en-bas  ,  en  un  ,  deux  ou 
trois  endroirs  différents  ,  fuivant  le 
diamètre  du  tronc.  Dans  l'efpace  de 
fept ,  huit  à  dix  ans,  cette  écorce  fe 
régénère;  mais  elle  n'a  pas  encore  la 
perfeétion  qu'on  délire  :  elle  fert  aux. 
pêcheurs ,  pour  foutenir  leurs  filets  à 
fieur-d'eau.  Huit  ou  dix  ans  après  on 
recommence  l'opération ,  &  à  cette 
époque  l'écorce  a  ordinairement  ac- 
quis répailfeur  convenable  à  la  fabri- 
cation des  bouchons.  (  f^oye^  ce  mot) 
L'incifion  de  l'écorce  s'exécute  avec 
le  tranchant  d'une  hache  ,  dont  l'ex- 
trêmiré  inférieure  du  manche  eft  ter- 
minée en  coin,  qu'on  enfonce  peu- 
à-peu  entre  l'écorce  ôc  le  bois.  lî 
faut  éviter  avec  grand  foin  de  meur- 
trir une  peau  ou  écorce  qui  fixe,  qui 
recouvre  la  partie  ligneufe,  paice 
que  c'eft  elle  qui  régénère  l'écorce 
fupérieure.  Après  avoir  enlevé  ces 
écorces  ,  on  les  coupe  fur  une  lon- 
gueur Sz  largeur  donnée  ;  l'excédent 
fert  fut  les  lieux  à  la  fabtique  des^ 
bouchons.  Si  la  fuperficie  n'eft  pas 
unie  ,  on  enlève  avec  la  plaire  les 
parties  raboteufes.  Aufluôt  après  ces 
planches  de  liège  font  flambées  des 
deux  côtés  ,  de  manière  que  la  flam- 
me les  pénétre  à-peu-près  de  l'épaif- 
feur  d'une  ligne.  Cette  opération  ref- 
ferre  les  pores,  &  donne  plus  de  nerf 
au  lié^e.  Le  blanc,  celui  qui  n'a  peint 
été  flambé,  eft  moins  eftimé  que  l'au- 
tre. Les  qualités  t^ui  conftituent  un 


L  I  E 

bon  liège,  font  d'être  fouple,  pliant 
fous  le  doigt ,  claftique ,  point  ligneux 
ni  poreux ,  de  couleur  rougeâtre.  Le 
jaune  eft  moins  bon,  le  blanc  eft  le  plus 
mauvais.  Quant  aux  proportions  qui 
conftituent  un  bon  bouchon  .  voj'e:^ 
ce  qui  eft  dit  au  mot  Bouchon. 

On  lit  dans  le  journal  économique , 
du  mois  de  juin  i  77  i ,  une  obferva- 
tion  de  Al.  Ruden    Schueold  ,   con- 
feiller  de  commerce  en  Suède  j   qui 
mérite  d'être  rapportée.  Il  dit  que  la 
cire  vierge  ,  &    blanchie  au  foleil  , 
mêlée  avec  du  fuif  de  bœuf,  bien 
nertoyé,  (  deux  tiers  de  cire  &  un  de 
fuif  )  communique  au  liège  trempé 
deux  ou  trois  fois  dans  ce  mélange , 
la  propriété  néceffaire  pour  ne  lailfer 
aucun    palTage  aux    parties   les  plus 
fubtiles  des  liquides  les  plus  forts  & 
les  plus  fpiritueux.  Chaque  fois  qu'on 
aura  trempé  le  bouchon  dans  ce  mé- 
lange ,  il  faudra  le  mettre  ,  le  côté 
le    plus    large    en  -  bas  ,    fur    une 
pierre  ,  ou  fur  une  plaque  de  ftr  j  & 
le  tenir  aind  dans  un  four  chaud,  juf- 
qu'à  ce  qu'il    foit  parfiitement  fec. 
Si  on  fait  bouillir  le  liège  dans  cette 
mixtion  ,  il  acquiert  plutôt  la  vertu 
<ionr  il  s'agit  -,  mais  il  perd  une  partie 
de  fa  flexibilité  &  de    fon  élafticité. 
Au  moyen   de  cette  préparation,  le 
liège  ne  laifiTe  échapper  aucune  partie 
volatile  de  quelque  liqueur  que  ce  foir. 
II  eft  vrai  qu'à  la  longue  l'eau-forte 
le   ronge  5  mais   il   rèfifte  beaucoup 
plus  longtemps.  Les  bouchons  ainh 
préparés    ne    donnent  aucune  odeur 
au  vin  ,  au   lieu  que    les    bouchons 
d'Angleterre  qu'on  fait  bouillir  dans 
l'huile,  lui  en  communique  une  dé- 
fagrèable. 

LIENTERIE.      Médecine   Ru- 
iiALE.  La  lienterie    eft  une  efpèce 


L  r  E 


M9 


de  flux  de  ventre  ,  dans  lequel  ou- 
rend  les  alimens  cruds ,  immédia-^  • 
temenr  après  les  avoir  mangés.  - 
D'après  cette  définition  ,  il  eft* 
aifé  de  connoître  cette  maladie  { 
outre  que  ceux  qui  en  font  attaqués , 
rendent,  par  dévoiement  ,  les  ali-; 
mens  tels  qu'ils  les  ont  pris ,  ils  font 
extrêmement  dégoûtés  ,  quelquefois 
même  ils  éprouvent  une  faim  ca- 
nine ,  &■  une  chaleur  inrérieure  ;  ils 
reftentent  à  la  région  de  l'eftomac  , 
desépreintes,  qui  les  jettent  fouvenc 
dans  des  défaillances  :  à  cet  état  fuc- 
cède  allez  ordinairement  un  acca- 
blement général  ,  un  grand  abatte- 
ment  des  forces,  qui  réduit  les  ma- 
lades à  un  état  extrême  de  féche- 
relfe  j  enfin  ,  au  marafme.  Par  les 
fympcomes  dont  on  vient  de  parler, 
on  peut  croire  que  la  lienterie  a  fon 
fiège  dans  l'eftomac;  il  paroît  même 
qu'il  eft  feul  affeélé;  ce  qui  le  prou- 
ve ,  c'eft  la  qualité  &  la  nature  des  ma- 
tières alimenteufes  que  les  malades 
rendent  par  les  felles  ,  &  qui  n'ont 
fubi  aucun  changement. 

Urje  infinité  de  caufes  concourent 
à  produire  cerre maladie;  de  ce  iiom- 
bre  font   la   foiblefie   des  fibres  de 
l'eftomac,  leur  inaétion,  le  relâche- 
ment extrême  de  ce  vifcère;  fon  irri- 
tation portée  au   dernier    degré  ;  le 
défaut  de  redort  &  de  faculté  réten- 
trice.  Des  poifons  reçus  dans  fa  ca- 
vité, <Sc  l'âcteté  des  fucs   gaftriques 
peuvent  encore  cccafionner  la  lien- 
terie; elle  peut  dépendre  auflî  d'une 
diaihèfe  fcorbutique  ,  &:  venir  à  la 
fuite  d'un  ulcère  de  l'eftomac  ,  &  de 
quelque  autre  longue  maladie  ,  telle 
que  la  dillenrerie    Se   une   diarrhée. 
On  ne  doit  pas  oublier  dans   l'énu- 
mération  des  caufes  de  cette  maladie , 
l'ufage  des  alimens  groffiers  Se  de 
Kk  i 


a/îo  LIE 

difficile  dîgeftion  ,  &  une  cicatrice 
très-cpaitTe  qui  peut  s'être  faite  dans 
quelque  parcie  du  tube  inteftinal. 
Cette  dernière  caufe  a  é:s  ohfervée  &c 
adinife  par  Actius&c  Celfe  y  elle  paraît 
néanmoins  cnimérique,  &  ne  paroît 
pas  pouvcir  contribuer  à  la  lienterie , 
puifque  le  liège  uc  celle-ci  eft  dans 
l'eftomac  &  non  dans  les  inteftins. 
.  Buchan  i:ous  appiend  que  lorlque 
la  lienterie  fuccède  à  la  dilfenterie , 
elle  a  les  fuites  les  plus  funeftes. 
Si  les  felles  font  très  -  fréquentes  , 
ajoute  ce  médecin ,  fi  les  déjettions 
font  abfûkunent  crues  ,  c'eft-à-dire 
compofées  d'alimens  peu  ou  point 
changés ,  h  la  foif  eft  confidérable , 
les  urines  en  petite  qu:\ntité  ,  la 
bouche  ulcérée,  le  vifage  parfemé  de 
taches  de  différentes  couleuts,  le  ma- 
lade eft  en  un  très-grand  danger. 
Le  traitement  de  la  lienterie  dif- 
-  fère  peu  de  celui  de  la  dilfenterie. 
Pour  la  combattre  avec  fuccès,  il  ne 
faut  jamais  perdre  de  vue  la  caufe 
véritable  qui  l'a  produite  \  on  com- 
mencera par  faire  vomir  les  malades 
avec  ripécacnana ,  il  l'eftomac  &:  le 
refte  des  premières  voies  font  em- 
bouibésdes  fucs  putrides.  On  infifteia 
enfuite  fur  les  purgatits ,  avec  lefquels 
on  combinera  toujours  l'ipécacuana  à 
petite  dofe. 

Mais  ces  remèdes  feroient  danse- 
reux  ,  ou  tout  au  moins  inutiles,  fi 
la  lienterie  dépendoit  d'un  relâche- 
ment extrême  de  l'eftomac,  ou  de 
fa  trop  grande  irritation.  Dans  le 
premier  cas  ,les  toniques  alïez  aclifs^ 
tels  que  l'ipécacuana  en  poudre ,  donné 
toutes  les  heures  à  la  dofe  d'un  grain , 
l'infufion  des  feuilles  d'i;ranger,  de 
petit-chêne,  le  quinquina  donné  en 
poudre ,  les  martiaux ,  les  bains  froids, 
leroient  le  plus  gtandbien.  Ik  feroienc 


L  I  E 

au  contraire  ttèsnuifibles,  fi  l'eftomac 
étoit  irrité  ;  ils  augmenteroient  encore 
plus  la  tenfion  de  fes  fibres  j  il  vaut 
mieux  alors ^mployer  les  adoucilfans 
&  les  relàchans ,  tels  que  la  faignée, 
les  bams  tièdes ,  l'eau  de  veau,  celle 
de  guimauve  ,  lés  bouillons  adou- 
cillans  &  les  narcotiques. 

Si  la  lienterie  reconnoît  pour  caufe 
un  ulcère  de  l'eftomac ,  on  donnera 
alors  les  vulnéraires  déterfifs ,  comme 
les  intufions  de  feuilles  de  véronique, 
de  hèrre  terreftre  ,  de  mille-feuille, 
adoucies  avec  le  miel  de  Narbonne  j 
&  les  diffcrens  baumes  naturels.  Enfin, 
on  oppofera  à  chaque  caufe  un  trai- 
tement approptié. 

Jufqu'ici  en  n'avoit  pas  connu  de 
remède  fpécihque  contre  la  lienterie. 
Depuis  environ  dix  ans  ,  on  fe  fert 
en  Europe  de  la  racine  de  Colombo  , 
qui  produit  les  plus  heureux  effets  dans 
la  lienterie  lapins  invétérée.  Pringle  ^ 
Percivalj  Gaubius ,  Tronchin  &  Bu~ 
chan  la  recommandent  comme  le 
plus  excellent  remède  qu'on  puiffe 
employer  contre  cette  maladie  \  ce 
dernier  en  rapporte  deux  exemples 
frappnns,  comme  on  peut  s'en  con- 
vaincre dans  fa  médecine  domeftique. 
M.  Duplanil ,  célèbre  médecin,  à. 
qui  nous  fommes  redevables  de  la 
traduélion  de  cet  excellent  ouvrage, 
remarque  que  cette  raciiie  nous  eft 
apportée  de  la  ville  de  Colombo  dans 
l'île  de  Ceyian.  Cueillie  récemment, 
elle  purge  par  haut  «Se  pat  bas  \  fè- 
chée,  on  l'emploie  dans  ces  contrées 
comme  ftomat  hique  \  dans  les  fièvres 
intermittentes  e*^  les  diarrhées  ,  à  la 
dofe  d  un  demi-gros,  trois  ou  quatre 
fois  par  jour. 

Buchan  veut  qu'on  la  donne  plii- 
fieurs  fois  dans  la  journée,  fous  forme 
de  bol,  à  une  plus  petite  dofe,  c'eic- 


y 


LIE 

i-dlre  à  quatre  grains ,  &  qu'on  l'in- 
corpore dans  un  iyrop  aftringenc ,  tel 
que  celui  de  grofeilles  ou  de  coins. 

Enfin  ,Jes  ancifpafmoaiques  feront 
employés  ,  fi  la  caufe  de  la  lienterie 
tient  à  l'aftection  des  ntiis.  M.  AMI. 

LIERRE.  Tournefort  le  place  dans 
la  féconde  fedtion  de  la  vingt-unième 
clalTe  deftinée  aux  arbres  à  Heurs  en 
rofe  ,  dont  le  double  piftil  devient 
une  baie  ,  &  il  l'appelé  hedcra  ar- 
borea.  Von  Linné  le  nomme  hedcra. 
hélix  5  il  le  clalle  dans  la  pentandrie 
monogynie. 

Fleurs.  RafTemblées  en  manière 
d'ombelle  ,  dont  l'enveloppe  eft  den- 
telée ;  les  Heurs  compofces  de  cinq 
pétales  difpofés  en  rofe  ,  oblongs  , 
ouverts  ,  courbes  à  leur  fommet  j 
renfermés  dans  un  calice  très-petit, 
à  cinq  dentelures  pofées  fur  le  germe. 

Fruit.  Baie  noire  dans  fa  mârarité, 
ronde  ,  à  une  feule  loge  renfermant 
cinq  groifes  femences  arrondies  d'un 
côté,  ajiguleufes  de  l'autre. 

Feuilles.  Portées  fur  de  longs  pé- 
tioles ,  fermes  ,  luifantes  ,  ovales  ; 
celles  de  l'extrémité  des  branches 
quelquefois  abfolament  ovales ,  les  in- 
férieures prefquetrian2;ulaires:  toutes 
varient  beaucoup  dans  leur  forme. 

Racine.  Ligneufe  ,  irbreufe  ,  & 
prefque  traçante. 

Port.  Grand  abriiïeau  qui  s'élève 
à  (les  hauteurs  conlîdérablcs,  dont  le 
bois  efl:  tendre  &  poreux  j  fes  tiges 
font  farmenteufes  &  grimpantes  ; 
elles  s'attachent  aux  atbres ,  aux  vielles 
murailles  ,  par  des  vrilles  rameufes 
qui  s'y  implantent  comme  des  ra- 
cines, &  abfotbent  la  fubftance  des 
arbres  j  les  fleurs  vertes  ,  ralTemblées 
à  l'extrémité  des  tiges  ,  &  difpofées 
€nefpèces  degtappes  rondes  j  les  feuil- 


LIE,  iGi 

les  alternativement  placées  fur  les 
tiges,  quelquefois  {Panachées  j  ce  qui 
conlhcue  des  variécés. 

Lieu.  Toute  l'Europe  ;  fleurit  e« 
juin  ,  juillet  ,  août ,  luivant  lès  clL^, 
mats.  .  ,: 

Propriétés.  Les  feuilles  ont  une 
faveur  un  peu  acre  j  les  baies  un  goûc 
acidulé.  Il  découle  du  bois  un  fuc 
qui  s'épaiflit ,  qu'on  nomme  gomme 
de  lierre  j  dont  la  faveur  elt  âpre  &c 
acre.  Les  feuilles  font  aftringentes  èc 
déterllvesj  les  baies  purgatives  par  le 
haut  &  par  le  bas  ;  la  racine  trè^-dé- 
terfive  &  réfolutive. 

Uj'dges.  Avec  les  feuilles,  on  fait 
des  décoélions  &  des  cataplafmes  ; 
avec  les  baies ,  des  infufions  dans  du 
vin.  L'ufige  intérieur  de  cette  plante 
eft  dangeteux. 

Culture.  Les  lierres  panachés  en 
jaune  ou  en  blanc,  ne  font  que  des  va- 
riétés. Les  amateurs  peuvent  les  greffer 
fur  le  lierre  ordmaire.  On  multiplie 
celui  ci  par  femences ,  &  encore  mieux 
par  drageons  enracinés.  Il  fuffit  de 
coucher  une  branche  en  terre  ,  elle  y 
prend  auflitôt  racine.  Le  lierre  épuife 
les  arbres  qui  lui  fervent  d'appui  ; 
cependant  dans  les  bofquets  toujours 
verds,  on  peut  en  facriher  quelques- 
uns  ,  ahn  d'avoir  des  effets  pittoref- 
ques.  Les  lierres  tapilfent  très  bien 
les  vieux  murs,  &  figurent  agréable- 
ment fur  ces  prétendues  vieilles  ma- 
fures ,  faites  depuis  peu ,  dont  on  dé- 
core ce  qu'on  appelle  les  jardins  an- 
glois. 

LIERRE  TERRESTRE.  (  Foye^ 

planche  FI ,  page  24S  )  Tournefort 
le  place  dans  la  rroifième  fedion  de 
la  quatrième  clafle  delUnée  aux  her- 
bes à  fleurs  ,  d'une  feule  pièce  ,  en 
lèvre  ,  dûiu  la  partie  fupéiieur*  eft 


2.(}i  LIE 

retroUdée,  &  il  l'appelle  calatnhuha 
humUïùr  rotundiore  folio  j  ou  d'après 
Baiihin  ,  hedera  terrejliis  vulgaris. 
Von  Linné  le  nommé  gkchoma  he- 
deracea  ,  &  le  clalle  dans  la  didy- 
namie  gymnûfpermie. 

Fleur.  En  lèvres  ;  le  tube  compri- 
mé j  la  lèvre  fupérieiue  dtoite ,  ob- 
rufe  ,  prefque  divifée  en  deux  5  l'in- 
férieure grande  ,  ouverre  ,  obtufe  , 
divifée  en  trois  j  la  partie  moyenne 
évafée.  A  fait  voir  la  forme  de  la 
corolle  ;  elle  eft  repréfentce  ouverte 
en  B  ,  &  on  y  voit  les  quatre  éta- 
niines  ,  dont  deux  plus  grandes  &: 
deux  plus  courtes.  C  défigne  le  piftil, 
i^  D  le  calice. 

Fruit.  Quatre  femences  E  ,  ovales, 
renfermées  dans  le  calice  cyUndrique. 

-  Feuilles.  Simples,  en  forme  de  reins, 
crénelées  ,  portées  fur  des  pétioles. 

Racine.  Horizontale  ,  rampante  , 
pouiTant  &  fe  multipliant  par  dra- 
geons, repréfentée  en  F. 

Lieu,  Les  champs  ,  les  haies  \  la 
plante  eft  vivace  ,  &  Heurit  en  juin  , 
juillet  &  août ,  fuivant  les  climats. 

PropmVtf'j.  Les  feuilles  font  amères, 
im  peu  aromatiques  \  toute  la  plante 
eft  aftringente  ,  vulnéraire  ,  expeélo- 
rante  ,  &  foiblement  incifive. 

'  Ufages.  Les  feuilles  font  très-utiles 
dans  la  toux  elfentielle,  lorfque  l'ex- 
pecloration  commence  à  fe  montrer  j 
dans  la  toux  catarrhale ,  l'afthme  pi- 
ruiteux,  dans  les  comniencemens  de 
la  phtifie  pulmonaire.  On  emploie 
riierbe  fraîche  oufèche  ,  ou  les  lom- 
mités  fleuries  de  l'herbe  fraîche  \  on 
en  fait  des  décodtions ,  des  extraits,  des 
bouillons;  on  en  tire  un  fuc  ,  on  en 
prépare  un  fvrop  ,  qui  a  la  même  pro- 
priété que  la  décoction  d«s   plantes. 


L  I  G 

LIGNEUX,  f  5or.)  Ceft  par  cet 

cpithèteque  les  botaniftes  ontdéfignc 
les  parties  folides&  dures  des  plantes 
&  des  arbres.  Comme  elles  font  le  ré- 
fultar  de  l'endurcilfement  des  fibres  li- 
gneufesjouvailfeauxlimphatiquesjou 
peu:  confulter ,  pour  en  comprendre  la 
théorie,  les  mots  Couches  Ligneu- 
ses ,  Fibre  Végétale  et  Vais- 
seaux LiMPHATIQUES.    M  M. 

LILAS  ou  LILAC.  Tournefort  le 
place  dans  la  feétion  quatrième  de  la 
vingtième  claiïe  des  arbres  à  fleurs 
d'une  feule  pièce,  dont  le  piftil  pro- 
duit un  fruit  à  plufieurs  loges,  &  il 
l'appelle  lilac.  Von  Linné  le  nomme 
Jyringa  vulgaris,  &  le  clalIe  dans  la 
diandrie  monogynie. 

Fleur.  D'une  feule  pièce  \  le  tube 
cylindrique,  très-long  ,  le  limbe  ou- 
vert, à  quatre  dentelures  ;  le  calice 
d'une  feule  pièce  ,  petit  ,  divifé  pac 
fes  bords  ,  à  quatre  dentelures  \  les 
écamines  au  nombre  de  deux,  &  un 
feul   piftil. 

F/-//ir.  Capfule  oblongue ,  applatie, 
terminée  en  pointe  ,  à  deux  loges  , 
renfermant  des  femences  folitaires  j 
applaties,  pointues  des  deux  côtés, 
bordées  d'une  aile  membraneufe. 

Feuilles,  Portées  fur  de  longs  pé- 
tioles ,  fimples ,  ovales  ,  en  forme  de 
cœur ,  lilfes. 

Racine.  Ligneufe  ,  rameufe. 

Porc.  Grand  arbrilTeau ,  dont  la 
tige  s'élève  alfez  droite,  &  rameufe; 
l'écorce  d'un  gris-veidâtre  ,  le  bois 
tendre  \  les  fleurs  de  couleur  lilas  , 
dilpolées  au  haut  des  tiges  en  pyra- 
mides ovales  ou  grappes. 

Lieu.  Originaire  des  Indes  ,  de 
Peife,  cultivé  dans  les  jardins,  fouvent 


I  I  L 

dans  les  liaies.  C'eft  un  des  premiers 
arbres  qui  fleuriireut  au  printemps. 

Culture,  Le  lilas  ordinaire  fourni: 
plufieurs  variétés.  La  première,à  fleurs 
blanches  \  la  féconde  à  fleurs  tirant 
fur  le  bleu  j  à  feuilles  panachées  en 
blanc  ou  en  jaune  ,  fur-touc  celui  à 
fleurs  blanches. 

On  connoît  encore  le  lilas  de  Perfi , 
fyringa  Perjica.  Lin.  Lilac  ligujlcr 
folio.  TouRN.  Il  diftcre  du  premier 
par  fes  feuilles  ,  femblables  à  celles 
du  troène  ,  (  Voye:^  ce  mot  )  par  fes 
tiges  qui  ne  s'élèvent  ordinairement 
qu'à  trois  pieds  ^  par  ks  grappes  de 
fleurs  j  beaucoup  plus  petites.  Il  y  a 
une  variété  à  fleurs  blanclres. 

Von  Linné  regarde  comme  une  (Tm- 
ple  variété  du  petit  lilas  de  Petfe,  celui 
qui  elt  à  f-euilles  découpées  comme 
le  perfil  ^  .Se  il  le  nomme  fyrinoa  laf- 
cinidta  ,  &  il  s'élève  à  la  même  hau- 
teur. Ces  deux  jolis  petits  arbrilî'eaux , 
l'ornement  des  bofquets  de  printemps, 
reçoivent  la  tonte  comme  les  buis  , 
&  fe  chargent  de  fleurs.  On  peut  à 
volonté  varier  leur  forme.  On  doit, 
à  caufe  de  leur  peu  de  hauteur  ,  les 
placer  fur  le  devant  des  majlifs. 

Le  lilas  ordinaire  ne  doit  occuper 
que  le  fécond  &  même  le  troifième 
rang  dans  les  malTifs,  &  on  doit  garder 
pour  le  centre  les  arbres  qui  montent 
plus  haut.  De  cette  manier;  les  mallifs 
pyramident  &  font  un  très- bel  effet. 
Mais  (îon  plante  les  arbres  pèle-mèle, 
fans  avoir  ég«ird  au  remps  de  leur 
fleuraifon  ,  &  à  la  hauteur  de  leurs 
tiges  ,  tout  devient  confufion  ,  les 
plus  élevés  étouffent  les  plus  bas,  de 
le  coup-d'œil  n'eft  plus  agréable. 
Les  lilas  à  feuilles  de  trocne  ,  ou  à 
feuilles  découpées ,  forment  de  jolies 
palilfadcs  ,   tapilfent  bien  les  murs. 


L  I  L 


aéî 


fi  on  a  foin  de  les  tailler.  Le  lilas 
ordinaire  n'aime  pas  la  gêne  ,  &c  il 
fe  venge  de  la  main  du  jardinier,  par 
la  quantité  de  tiges  qu'il  poufle  de  fes 
racmes;  d'ailleurs  les  bourgeons  de 
ces  tiges  périlfent  à  mefure  qu'ils 
s'élèvent ,  &  ne  fubfiflent  plus  que 
vers  le   fommer. 

On  peut  former  les  haies  de  clôture 
avec  le  lilas  ordinaire,  &  au  temps 
de  la  fleur  elles  font  charmantes  -,  mais 
le  lilas  veut  être  feul ,  fes  branches 
doivent  être  tirées  prefque  horizonta- 
lement, &■  croifées  les  unes  fur  les 
autres  en  lozange,  de  certe  manière 
elles  ne  s'emportent  pas  vers  le  haur. 
(  ^ojr^  au  mot  Haie,  la  defcription 
de  ce  travail.  )  Je  n'ai  pas  ellayé  de 
grefter  par  approche  les  tiges  les  urtes 
contre  les  autres.  Je  préfume  que 
la   c'nofe   eft   très-polfible. 

Ces  arbuftes  fupportent  les  froids 
rigoureux  de  nos  hivers,  comme  s'ils 
étoient  indigènes.  Ce  fait  prouve  com- 
bien il  efl:  facile  de  naturalifer  de 
proche  en  proche  les  arbres  des 
pays  méridionaux.  Confultez  le  moc 
EspicE. 

Le  lilas  ordinaire  vient  par-tout, 
jufques  fur  les  vieux  murs.  Les  petits 
à  feuilles  de  trocne,  ou  à  feuilles  de- 
coupées,  fontplus  délicats,  ils  aiment 
une  terre  fubftancielle. 

On  peut  multiplier  ces  efpèces  par 
le  femis  j  c'eft  le  moyen  de  fe  pro- 
curer une  grande  quantité  de  pieds; 
(?c  comme  leur  végétation  eft  prompte, 
on  eft  amplement  dédommagé  de  fes 
foins.  Mais  toutes  ces  efpèces  de  lilas 
poulîent  beaucoup  de  drageons  enra- 
cinés, qui  foarnilfent  des  fujets  à  re- 
planter ;  on  les  prétére  communément 
au  femis.  Si  on  veut  avoir  beaucoup 
de  drageons ,  il  faut  rafet  toutes  les 


2<?4  L  I  L 

tiges  près  du  fol ,  &  recouvrir  le  pied 

avec  cinqàHx  pouces  de  terre On 

peut  encore  cou:her  des  branches  , 
comme  des  marcortes.  On  ième  la 
graine  auflicoc  qu'elle  eft  mûre. 

■-  •LILIACÉE.  Plante  à  fleur 
en  lis.  Ces  fleurs  font  de  plufieurs 
pièces ,  régulières  ,  compofées  ordi- 
pairemeut  de  llx  pétales ,  quelquefois 
;de  trois  ,  ou  même  d'un  feul  divifé 
en  (ix  portions  par  les  bords.  Elles 
.imitent  le  lis  d'où  elles  ont  pris 
leur  dénomination.  Leurs  femences 
font  toujours  rentermées  dans  une 
capfule  à  trois  loges.  Enfin,  on  donne 
en  général  le  nom  de  Vdiacéis  à  toutes 
plantes  qui  fortent  d'un  oignon. 

LIMACE.  LIMAÇON.  La  pre- 
mière eft  un  reptile  nud,  c'ell-à-dire 
fans  robe  ou  coquille  ;  &  le  fécond 
fe  renferme  dans  une  coquille  qui 
prend  le  même  accroiirement  que 
lui.  Lorfque  la  faifon  froide  com- 
mence à  fe  faire  fentir  ,  il  fe  retire 
dans  fa  coquille  ,  &  la  bouche  avec 
une  matière  glutineufe  ,  qui  durcit 
bc  le  met  à  l'abri  du  froid  &  de  l'hu- 
midité ,  lorfqu'il  a  creulé  fa  retraite 
fous  terre ,  ou  fous  des  pierres ,  ou 
dans  les  crevalTes  des  murs.  La  limace 
fe  replie  également  fur  elle-même ,  & 
la  partie  de  iow  col  ou  coqueluchon 
lui  tient  lieu  de  coquille.  La  limace 
&c  le  limaçon  font  hermaphrodites  , 
c'ell-à-dire  que  chaque  individu  a  les 
parties  fexuelles  miles  &  femelles  ; 
mais  il  faut  l'accouplement  des  deux 
êtres  pour  féconder,  &  ils  ont  beau- 
-cûup  de  peine  à  s'accoupler.  Je  n'en- 
trerai pas  dans  de  plus  grands  détails 
fur  la  ftruélure  &  fur  les  efpèces  de 
limaces  &  de  limaçons;  ils  font  plus 
utiles  aux  naturaliftes  qu'aux  cultiva- 


L  I  M 

teurs.  Ceux  qui  défireront  de  plus 
grands  éclaircilfemens,  peuvent  con- 
fulter  les  ouvrages  de  M.  de  Réaumur, 
de  Swa^ierdam,  le  dictionnaire  d'hif- 
toire  naturelle  de  M.  Valmont  de 
Bomare,  &c. 

Ces  deux  infeftes  font  de  très- 
grands  dégâts  dans  les  jardins  pora- 
gers  ,  dans  les  vergers  &  dans  les 
champs  \  ils  attaquent  indiftincle- 
ment  les  fruits ,  les  jeunes  bourgeons 
des  arbres,  &  les  plantes  lorfqu'elles 
font  encore  tendres.  C'eft  véritable- 
ment un  fléau  ,  &  cette  engeance 
maudite  fe  multiplie  à  l'excès ,  fi  on 
ne  fe  hâte  pas  de  la  détruire.  Que 
d'arcanes ,  que  de  recettes  on  a  publié 
fur  cet  objet,  toutes  plus  merveilleu- 
fes  les  unes  que  les  autres  \  &  toutes, 
au  m.oins  très-inutiles ,  fi  elles  ne  fonc 
pas  nuifibles!  La  feule  bonne  recette 
confifte  dans  la  perfévérance  &  le» 
foins  ,  pour  trouver,  &  enfuiteécrafer 
ces  infedes.  Le  limaçon  &  la  limace 
marquent  les  endroits  par  où  ils  onc 
palfé  avec  une  humeur  vifqueufe  , 
gluante  &  brillante  ;  ainfi  on  peut  les 
fuivre  à  la  trace  jufques  dans  leur  re- 
traite. On  dit  que  ces  animaux  n'ont 
point  d'yeux  ;  mais  que  font  donc 
ces  deux  points  noirs  ,  qui  brillent 
à  l'extrémité  de  leurs  cornes  ?  Com- 
ment vont-ils  fi  bien  en  ligne  droite 
fur  le  fruit  ?  Sont-ils  fimplement  at- 
tirés par  l'odorat  ?  Quoi  qu'il  en  foit, 
il  n'eft  pas  moins  vrai  qu'ils  caufent 
beaucoup  de  dégâts. 

Les  limaces  &  les  limaçons  fe  reti- 
rent pendant  le  jour  fous  les  feuilles 
des  arbres ,  dans  les  haies ,  fous  les 
bancs,  fous  les  pierres,  &  courent 
pendant  la  nuit  ;  s'il  furvient  une  pluie 
chaude  pendant  le  jour,  iisfe  mettent 
également  en  marche,  &  vont  ma- 
rauder. C'ell  alors  le  cas  de  vifiter  fes 

efpalieis 


L  I  M 

efpaliers  &  fes  arbres ,  ils  ne  font  plus 
cachés  fous  les  feuilles  ;  mais  ils 
courent  par-delîus  ou  contre  les  bran- 
ches. Il  eftdonc  facile  de  les  prendre 
&  de  les  tuer,  ou  de  les  jeter  dans  un 
fac  j  afin  de  les  manger  enfuite.  Dans 
plufieurs  de  nos  provinces,  les  lima- 
çons font  un  excellent  mets  pour  les 
paylans ,  &  dans  d'autres  ils  ne  man- 
gent les  limaçons  que  pendant  l'hiver, 
lorfque  leur  coquille  eft  fermée  par 
l'oppercule.  On  peut  garder  les  lima- 
ces ,  &  les  donner  aux  poules  ,  aux 
dindes,  aux  canards  ,  qui  en  font  très- 
fciands.  Le  jardinier  vigilant  ira ,  cha- 
que foir  ,  une  lumière  à  la  main,  vi- 
fiter  fes  efpaliers  ,  les  tables  de  (on 
jardin ,  &  ramalfer  tous  les  limaçons 
qu'il  trouvera.  A  force  de  foins  il 
parviendra  à  les  détruire. ...  Il  peut 
encore  ,  de  diftance  en  diftance  , 
placer  des  planches  élevées  d'un  pou- 
ce ,  fur  un  côté  ,  &  touchant  terre 
de  l'autre  5  les  limaces  &:  les  lima- 
çons s'y  retireront  ,  &  ils  les  tuera  : 
ce  qui  eft  plus  fût  que  les  petits  cor- 
nets faits  avec  des  cartes,  que  les  pa- 
piers publics  ont, dans  le  temps,  pro- 
pofé  comme  une  recette  fûre.  Je 
conviens  que  l'odeur  de  la  colle  qui 
unit  les  feuilles  de  papiers  ,  dont  la 
carte  eft  compofée,  attire  les  lima- 
çons, qu'ils  la  rongent  avec  plaifir,  & 
qu'ils  fe  cachent  dans  cette  efpèce 
d'entonnoir  j  mais  ce  repaire  n'eft  pas 
aufti  fur  que  celui  offert  pat  les  plan- 
ches, par  les  pierres,  par  les  vafes  de 
terre,  de  fayance,  à  demi-caftcs  & 
renverfés  ,  &c.  ;  on  les  vifite  fans 
peine  le  matin  6c  le  foir. 

Dans  une  feule  nuit,  les  limaces 
fur- tout,  dévaftent  les  femis  fur 
couche  ou  dans  les  tables  ,  lorfque 
les  plantes  commencent  à  poindre. 
Si  la  limace  eft  aveugle ,  comme  ou 
Tome  yi. 


L  I  M  i<Î5 

le  dit,  au  moins  elle  n'eft  pas  mal- 
adroite ,  car  elle  fçait  très  -  bien 
choifir  les  herbes  les  plus  tendres , 
&  elle  n'y  manque  jamais.  Le  feul 
moyen  de  préferver  les  femis ,  eft  de 
couvrir  la  terre  avec  des  cendres  ,  ou 
avec  de  la  chaux  pulvérifée,  ou  fim- 
plement  avec  du  fable  très  fin.  Ces 
fubftances  aglifenr  mécaniquement 
fur  l'animal  ,  iSc  non  par  quelques 
propriétés  qui  leurfoientparticulieres. 
Ces  particules  fixes  &:  déliées  s'atta- 
chent au  gluten  de  l'animal  ,  em- 
pâtent tout  le  delfous  de  fon  ven- 
tre &  fes  cotés ,  de  manière  que  fes 
mouvemens  font  arrêtés ,  il  ne  peut 
plus  fe  traîner  en  avant  ,  «Se  fouvent 
il  meurt  fur  la  place.  Mais  fî  on 
laifle  durcir  cette  couche  de  fable  , 
de  chaux  ,  Sec,  elle  ne  produit  plus 
aucun  effet.  Il  faut  donc  de  temps 
à  autre  la  pulvérifer ,  en  divifer  les 
molécules ,  la  rendre  le  plus  meuble 
poffible  ,  &  même  la  renouveller  au 
befoin. 

Ces  petits  moyens  fuffifent  dans  un 
jardin  ,  pour  quelques  tables  feale- 
ment.  Mais  ,  y  a-t-il  beaucoup  de 
cultivateurs  en  état  de  les  employer 
en  grand  pour  les  vignes  ,  pour  les 
champs  ,  &c.  ? 

Les  limaces  des  jardins  ,  jaunes  , 
brunes  ou  noires ,  quelle  que  foit  leur 
couleur,  font  plus  groffes,  plus  volii- 
mineufes  que  celles  des  champs  :  ces 
dernières  n'ont  que  quelques  lignes 
de  diamètie  ,  fur  fix  ,  huit  à  dix  de 
longueur,  fuivant  leur  âge.  Elles  font 
communément  de  couleur  grife ,  quel- 
quefois verdâtres ,  ^^  quelquefois  une 
partie  de  leur  corps  eft  noire  <Sc  l'au- 
tre grife.  Ces  couleurs  tiennent- elles 
à  leur  degré  d'accroiffement,  ou  conf- 
tituent-elles  des  efpèces  différentes? 
Les  naturaliftes  rcfoudront  ce  pro- 
Ll 


i66  L  I  M 

hlême.  Mais  ce  qu'il  importeroic  de 
fçavoir  nu  cultivateur  ,  ce  feroit  un 
moyeu  fur  &  peu  coûteux  de  les 
détruire.  Lorfque  l'automne  eft  un 
peu  chaude  ,  lorfque  les  bleds  font 
hors  de  terre  ;  enfin  j  lorfque  les 
froids  ne  furviennenr  pas  de  bonne 
heure,  ces  infedes  fe  multiplient  à 
on  tel  point  qu'ils  dévorent  tous  les 
bleds,  &:  laiiîent  la  terre  nue.  Enfin  , 
on  eft  fouvent  obligé  de  refemer.  On 
a  confeillé  de  conduire  la  volaille  fur 
ces  champs  j  &  elle  détruit  beaucoup 
d'infecles.  Cette  volaille  endomma- 
gera le  bled  tendre  ,  en  le  becque- 
tant ,  en  le  déterrant ,  &c.  L'objec- 
tion eft  vraie  jufqa'à  un  certain  point; 
mais  il  vaut  encore  mieux  perdre 
quelques  grains  de  bleds ,  &  détruire 
les  limaces  ,  qui  ne  reparoîtront  pas 
dans  les  années  fuivantes.  Cette  opé- 
ration ,  utile  pour  de  petits  champs , 
eft  prefque  impoflible  lorfqu'ils  font 
d'une  vafte  étendue;  il  refte  encore 
la  difliculté  de  conduire  la  volaille  de 
la  métairie  fur  ces  champs ,  fur-tout 
s'ils  font  éloignés.  Un  troupeau  de 
dindes  eft  conduit  plus  facilement , 
&  encore  faut-il  avoir  ces  dindes  à 
fa  difpofition  !  Tout  paroît  facile  à 
l'homme  qui  voit  la  culture,  &  qui 
en  parle  au  coin  de  fon  feu.  Qu'il 
y  a  loin  de  fes  difcours  à  l'exécu- 
tion !  Lorfqu'un  champ  eft  dévafté 
par  les  limaces ,  je  ne  vois  d'autre 
expédient  que  celui  d'un  fort  labour. 
L'animal  enterré  ,  petit;  &  il  refte 
la  relFource  de  femer  dans  le  temps 
les  bleds  marfais. 

On  a  encore  propofé  de  conduire 
fur  ces  champs  ravagés  ,  une  troupe 
d'enfans ,  afin  d'écrafer  les  limaces. 
Le  moyen  eft  fur  ,  mais  il  eft  coû- 
teux ;  &  les  enfans  ne  peuvent  les 
chercher  que  le  foirou  le  matin  :  du- 


L  I  M 

tant  le  Jour  elles  font  cachées  fous 
les  motes  de  terre ,  à  moins  que  la 
journée  ne  foit  humide  ou  pluvieufe. 
Ces  petits  moyens  font  des  palliatifs  ; 
il  n'en  eft  pas  de  meilleurs  que  la, 
charrue. 

On  a  beaucoup  vanté  la  chair  de 
la  limace  &  du  limaçon  dans  les 
bouillons  préparés  contre  la  toux  ef- 
fentielle  ou  convullive  ;  contre  les  ma- 
ladies de  poitrine.  Sic.  L'expérience 
n'a  point  encore  démontré  leurs  bons 
effets.  La  chair  de  la  lima<:e  &  da 
limaçon  eft  peu  nutritive,  &  fe  di- 
gère difticilemenc  par  les  eftomacs 
toibles. 

LIMBE.  C'eft  le  bord  fupérieur 
de  la  feuille  d'une  fleur  quelconque. 
Ce  limbe  peut  être  entier,  ou  den- 
telé ,  ou  crénelé,  ou  cartilagineux, 
ou  bordé  de  poils  ,  tS^c. 

LLMITE,  BORNE,  ou  BODU- 

LE.  Ces  dénominations  admifes  dans 
nos  diftérentes  provinces,  défignent 
la  pierre  placée  à  l'extrémité  des  pof- 
felfions  des  particuliers  ,  &  entre  la 
pofTelîion  du  voifm;  c'eft- à-dire  que 
la  limite  eft  plantée  moitié  fur  un 
champ  &   moitié  fur  l'autre. 

La  limite  eft  communément  un 
bloc  de  pierre  ,  de  deux  à  trois  pieds 
de  hauteur,  fur  un  pied  environ  d'é- 
paifteur.  Si  elle  fert  de  point  de  dé- 
marcation pour  quatre  champs  ,  fes 
angles  doivent  correfpondre  aux  coins 
de  ces  champs  ;  «Se  on  la  taille  trian- 
gulaire fi  elle  fert  à  trois  champs.  Il 
eft  elTentiel  de  choifir  la  pierre  à 
grain  le  plus  dur  &  le  plus  ferré  , 
afin  qu'elle  foit  moins  promptement 
attaquée  par  le  temps. 

"  Les  Romains,  dit  M.  Dumont 
dans  fes  recherches  fur  l'adminiftta^ 


L  I  M  L  I  M            2<Ç7 

tîon  de  ce  peuple  ,  avoient  une  at-  tions ,  Se  menacés  de  tous  les  mal- 

tention  extrcme    pour   tout   ce  qui  heurs  ». 

concernoic  les  limites  des  poirefllons  C'eft  d'après  cette  cérémonie  re- 
des  particuliers.  Les  régler  &  les  re-  ligieufe  &  ces  malédidions,  que  s'eft 
connoître,  étoitchez  eux,  jufque  fous  perpétuée  jufqu'à  nos  jours  l'erreur  pô- 
les derniers  Empereurs ,  une  fcience  pulaire  des  revenans  dans  les  champs  : 
recommandée,  dont  les  maîtres  te-  c'efl:  toujours  l'ame  de  celui  qui  a 
noient  le  rang  des  perfonnages  diftin-  déplacé  les  limites  ,  qui  eft  cenfée 
gués  ;  fcience  ,  dont  on  ne  pouvoit,  paroitre  fous  la  forme  d'un  fantôme: 
fous  peine  de  mort ,  faire  profellion  mais  fi  on  voit  réellement  un  fan- 
fans  avoir  été  examiné  ,  &  fans  en  tome  ,  le  peuple  doit  être  perfuadc 
avoir  été  reconnu  capable.  >»  qu'il  apparoir  ainfi  pour  exciter  la 
«  Lorfque  deux  propriétaires  voi-  frayeur,  écarter  les  gens,  &  favo- 
fins  pofoient  une  limite  ,  ils  prati-  rifer  par-là  ou  la  contrebande  ,  ou 
quoient  les  cérémonies  les  plus  im-  des  vols,  ou  des  rendez-vous  particu- 
pofantes  ,  &  ils  prenoient  les  pré-  liers.  11  n'y  a  point,  de  méthodes  plus 
cautions  les  plus  recherchées  ,  pour  fûtes  d'écarter  ces  revenans ,  que  des 
faire  reconnoître  à  jamais  ,  malgré  coups  de  fufils  chargés  à  grenailles. 
les  injures  du  remps,  le  lieu  où  ils  Dès  qu'ils  voient  qu'on  n'ell  pas  leur 
la  plaçoient.  Ils  apportoient  la  pierre  dupe,  la  fupercherie  difparoît  bientôt. 
près  de  la  foffe  où  ils  dévoient  la  La  méthode  des  Romains  dans  le 
planter  :  là,  ils  la  couronnoient  de  placement  des  limites,  mérite  d'être 
fleurs,  l'arrofoient  d'huile  parfumée  ,  admife  par-tout,  parce  que  la  cendre, 
&  la  couvroient  d'un  voile;  enfuite,  les  charbons,  les  traces  du  bûcher, 
environnés  de  flambeaux  allumés,  ils  fLibfifteront  pendant  des  fîécles.  Les 
offroient  en  facrifice  une  hoftie  fans  facrifices  ,  les  offrandes  &  les  hba- 
tache.  Après  l'avoir  égorgée,  ils  s'en-  tions  fervoient  feulement  à  rendre 
veloppoient la  tête  myftérieufemeut,  l'opération  plus  folennelle;  Se,  mar- 
&  égouttoient  le  fang  de  la  viétime  quée  du  fceau  de  la  religion  ,  elle 
dans  la  folfe  ;  ils  y  jettoient  de  l'en-  en  impofoit  davantage  au  peuple.  Ce 
cens ,  des  fruits  de  la  terre ,  des  rayons  mélange  de  politique  &  de  Religion 
de  miel  ,  du  vin  ,  &  d'autres  chofes  n'étoit  pas  mal-à-droit, 
qu'il  étoit  d'ufage  de  confacrer  aux  Dans  les  pays  cadaftrés  ,  les  limi- 
dieux  Termes.  Ils  mettoient  le  feu  tes  font  un  peu  moins  nécerfaires 
à  toutes  ces  matières;  quand  elles  qu'ailleurs,  parce  que  le  cadaftre  af- 
étoient  confumées ,  ils  plaçoient  la  fure  &  défigne  la  propriété  de  chaque 
pierre  fur  les  cendres  chaudes,  (?c  ré-  individu;  mais  il  faut  que  l'arpen- 
pandoient  du  charbon  auront  ,  parce  tement  ait  été  fait  avec  exadlitude. 
que  le  charbon  eft  incorruptible.  C'eft;  Eh  comment  atteindre  à  cette  exaéli- 
pour  cette  raifon  que  le  légiflateur  rude,  à  cette  précifîon  dans  une  opé- 
avoit  prefcrit  que  l'holocaufte  fe  fît  ration  qui  fe  crie  au  rabais,  &  qui 
dans  la  fofle.  Ceux  qui  empiétoient  fouvent  eft  faite  par  des  gens  fans 
furie  terreinde  leurs  voifms,  étoient  connoilTances  !  Malgré  lecad.-îftre,  les 
chargés  des   plus  atfreufes   malédic-  limites  bien  établies  éviteront  par  la 

Ll  1 


i6S  L  I  M 

fuite  un  très-grand  nombre  de  pro- 
cès, toujours  ttès-difpendieux  par  les 
delcences  &  les  vérifications  des  com- 
nllfaires.  Un  bon  père  de  famille  ne 
doit  jamais  laifler  l'es  polfellions  fans 
erre  déterminées  par  des  limites,  fur- 
tout  fi  elles  confinent  celles  des  gens 
de  main-morte,  des  grands  chemins, 
les  bords  des  rivières ,  «Sec.  Les  gens  de 
main-morte  ne  meurent  jamais ,  leurs 
biens  font  entretenus  avec  foin ,  & 
fouvenc  ceux  des  particuliers  ne  le 
font  pas ,  ou  changent  de  maîtres. 
Eux  ou  leurs  fermiers  profitent  de 
cette  efpèce  d'abandon ,  du  peu  de 
connoillance  des  nouveaux  proprié- 
taires, &  ils  empiètent  fourdement, 
&  peu-à-peu,  fur  leurs  polTelfions  : 
ces  exemples  ne  font  pas  rares.  Il  faut 
enfuiteinrenterdes  procès  pourrentrer 
dans  fon  bien,  &  ils  écrafent  en  frais 
le  malheureux  cultivateur  qui  n'ell 
pas  affez  riche  pour  lutter  contr'eux. 

La  féconde  manière  de  placer  les 
limites ,  eft  lorfque  la  fofie  eft  ou- 
verte dans  l'endroit  convenu  ,  d'y 
jeter  la  pierre,  &  de  mettre  de 
chaque  côté  ce  qu'on  appelle  les  tc'- 
moins.  On  prend  à  cet  effet  une 
piètre  dure,  dans  le  genre  des  cail- 
loux j  que  l'on  partage  en  deux,  & 
après  avoir  examiné  Çi  les  deux  mor- 
ceaux féparés  font  dans  le  cas  d'être 
rejoints,  &  s'ils  repréfentent  la  pierre 
primitive,  alors  on  les  fcpare,  &  on 
les  range  un  de  chaque  côté  du 
champ  que  la  limite  divife.  Cette 
méthode  eft  très-bonne,  ainfi  que 
celle  dans  laquelle  on  fe  fert  d'une 
brique  également divifée;  mais  pour 
plus  gtande  sûreté ,  je  défirerois  qu'on 
ajoutât  du  charbon  fur  l'un  &  fur 
l'autie  côté. 

On  ne  doit  jamais  planter  des  li- 


L  I  M 

mites  fans  en  drefl'er  un  procès-verbal , 
fait  double  &  figné  par  les  parties 
intérelfces,  &:  joindre  au  procès-ver- 
bal le  plan  figure  du  champ  ,  &  la 
fpécification  exade  de  fon  étendue. 
La  plus  grande  précifion,  fans  doute, 
exigeroit  de  melurer  la  diftance  qui 
fe  trouve,  par  exemple,  entre  un 
pont,  une  églife,  &c.  &  la  limite 
qu'on  a  plantée  ^  il  eft  impofîible 
qu'avec  de  femblables  précautions  il 
furvienne  des  procès. 

Dans  les  plaines  &  dans  tous  les 
lieux  fujets  auxatterrilfemens,  il  con- 
vient de  placer  des  limites  qui  s'élè- 
vent au-delfus  du  fol  d'un  à  deux 
pieds,  &  dès  qu'on  s'apperçoit  que 
la  furface  du  tetrein  s'élève  iSc  com- 
mence à  couvrir  la  partie  fupérieure 
de  la  limite,  appeler  les  voifins  in- 
térelTés,  &  en  planter  de  nc>uvelles. 
Sur  les  montagnes,  au  contraire,  &:fur 
les  plans  très-inclinés,  il  convient  de 
planter  profondément  les  limites  , 
parce  que  la  terre,  fans  ceiîe  entraî- 
née par  les  eaux  pluviales,  lailTe  bien- 
tôt leur  bâfe  à  nud  fi  elle  eft  peu  pro- 
fonde. Un  père  de  famille  ne  peut 
être  tranquille,  ni  à  l'abri  deschicanes 
&:  desextorfionsde  fes  voifins,  qu'au- 
tant que  fes  po(Telîîons  font  exadle- 
ment  détetminées  par  des  limites. 

LIMON.    LIMONEUX.    Terre 

graffe  ,  onclueufe  ,  communément 
très-végétale,  dépofée  pat  les  eaux. 
L'eau  de  pluie  précipire  un  limon,  & 
celui  de  la  rofée  eft  plus  abondant.  Les 
terres  qu'on  retire  des  fortes,  des 
étangs ,  en  un  mot  des  endroits  où 
les  eaux  ont  féjourné,  fonr  fralTes, 
limoneufes ,  &  contiennent  beaucoup 
de  cet  humus 3  de  cette  terre  végétale 
foluble  dans  l'eau  dont  j'ai  fi  fouvent 


L  I  M 

pnrlc,  i?:  qui  diffère  en  rour  point  de 
de  la  terre  matrice.  (  f'^oye:^  le  mot 
Amendement,  &:  le  dernier  chapitre 
du  mot  Culture.  ) 

Dans  les  forêts,  la  couche  fiipé- 
rieiire  eft  un  véritable  limon  ,  parce 
qu'elle  eft  entièrement  compofce  de 
végétaux  de  d'animaux  décompofés 
par  la  putrcfaétion.  Or,  comme  la 
charpente  des  plantes  &  des  ani- 
maux eft  cette  piécieufe  terre  végé- 
tale ,  cet  humus  j,  il  n'eft  donc  pas 
furprenant  qu'il  s'y  en  foit  accumulé 
beaucoup  ,  &  que  le  fol  devienne 
très-productif  après  le  défrichement. 

La  terre  qu'on  retire  des  marres , 
des  folfés  ,  &c.  agit  peu  fur  les 
champs  lorfqu'on  l'y  répand  auilitôt 
après  l'avoir  retirée j  il  convient  de 
la  laiffer  amonceler  fur  les  bords  du 
champ,  afin  que  les  principes  qu'elle 
contient  foient  combinés  par  l'effet 
de  la  fermentation  intérieure  ,  & 
fur-tout  par  les  rayons  du  foleil  & 
par  ce  fel  aérien,  fi  bien  démontré  par 
M.  Bergman ,  qu'elle  attire  avec  force, 
&  dont  elle  s'imprégne. 

Le  mot  limoneux  dédgne  un  en- 
droit boueux,  fangeux,  &  où  l'eau 
c-  »        o        ' 

lejourne. 

Limon.  Limonier.  (  Voye\  le  mot 
Oranger  ) 

LIMONADE.  Liqueur  préparée 
avec  le  fuc  de  citron  ou  de  limon  , 
l'eau  &  le  fucre.  Un  citron  ordinaire 
fuffit  fur  une  livre  d'eau  &  trois  on- 
ces de  fucre  blanc  j  ces  dofes  varient 
fuivant  le  goût  des  perfonnes  d<.  fui- 
vant  leurs  befoins,  en  ajoutant  plus 
de  fucre  &  plus  de  fuc  de  citron.  La 
bonne  limonade  doit  être  modéré- 
ment fucrée  ,  &  l'eau  avoir  une 
agréable  acidité. 


L  ï  M 


'.S^ 


.  -< 


Coupez  le  citron  par  le  milieu, 
exprimez-en  le  fuc  dans  un  linge  net, 
placé  fur  un  vafe  quelconque  ,  afin 
que  la  pulpe  Se  les  pépins  qui  fe  dé- 
tacheront, reftent  lut  le  filtre  j  ajoutez 
enluite  l'eau  de  le  fucre.  Cette  li- 
queur rafraîchit  beaucoup  plus  que 
l'orangeat  ,  que  l'on  prépare  de  la 
même  manière 5  elle  elt  ttès-agréable 
&  très- utile  pendant  les  grandes  cha- 
leurs ,  dans  les  fièvres  putrides,  ar- 
dentes, ou  inflammatoires,  dans  le 
fcorbut,  les  atdeurs  d'urine,  l'abon- 
dance des  humeurs  &;  leur  raréfac- 
tion. La  limonade  préparée  avec  le 
fuc  de  citron  eft  moins  aétive  que  fi 
on  employé  celui  d^  limon. 

Si  on  veut  aromatifcr  &  parfumer 
la  limonade ,  on  frotte  avec  des  mor- 
ceaux de  fucre  l'écorce  du  citron,  & 
ils  s'imprègnent  de  l'huile  elfentielle 
qu'elle  contient  j  plus  il  y  a  de  cette 
huile  effentielle,  &  plus  la  limonade 
devient  échaufiante. 

La  cupidité  a  fait  imaginer  de  fubf- 
tituer  de  l'acide  vitriolique  au  fuc 
de  citron  ,  &  même  dans  ce  qu'on 
appelle  tablettes  de  limonade  ;  terre 
préparation  peut  devenir  nès-nai- 
fible  lorfqu'il  y  a  tenfion  6xs  fibres, 
aftfiélion  dçs  organes  fécrétoires,  &c 
cpaiffiffement  lymphatique,  M.  Ma- 
rat ,  fécrétaire  perpétuel  de  l'acadé- 
mie de  Dijon,  iSc  i\  connu  par  l'é- 
tendue de  fes  travaux  de  de  fes  lu- 
mières, a  fourni  les  moyens  de  dé- 
mafquer  la  fupercherie  5  c'eft  lui  qui 
va  parler. 

Le  premier  &  le  plus  fimple  ,  eft 
de  verfer  dans  de  la  limonade  quel- 
ques gouttes  de  la  diffolution  du  fel 
marin  ii  bafe  de  terre  pefante-  fi  la 
limonade  ne  contient  que  de  l'acide 
citronien  ,  la  liqueur  reftera  limpide  ; 
on  verra  fur-Ie-champ  s'y  former  un 


,1-yo  L  I  N 

précipité  blanc  &  lourd,  s'il  y  a  de 
l'acide  virriolique,  &  la  quantité  du 
précipité  indiquera  celle  de  cet  ac:de. 

Le  fécond  ell:  de  faire  tomber  dans 
la  limonade  du  vinaigre  de  Saturne; 
la  liqueur  blanchira  fur-le-champ,  il 
y  aura  un  précipité  blanc;  mais  en 
verfant  enfuite  quelques  gouttes  d'a- 
cide nitreux ,  le  précipité  difparoîtra 
ëc  la  liqueur  reprendra  fa  limpidité, 
fa  diaphanéité,  s'il  n'y  a  point  d'a- 
cide vitriolique  :  elle  reftera  plus  ou 
moins  blanche  Se  louche ,  s'il  y  en  a, 
&  il  fe  formera  un  précipité  blanc 
&  infoluble,  qui  fera  du  vitriol  de 
plomb. 

Une  remarque  importante  à  faire 
eft  que,  dans  les  limonades  les  plus 
pures,  ces  fels  &  ces  acides  ,  en  fé- 
parant  l'huile  eirentielle  du  citron, 
donneront  un  œil  blanchâtre  à  ces 
liqueurs  ;  mais  cette  huile  ne  tardera 
pas  à  s'élever  à  leur  furface,  (Se  la  li- 
queur reftera  limpide  &  fans  précipité. 

LIN  COMMUN.  Von  Linné  le 
clafle  dans  la  pentandrie  penragynie, 
&  il  le  nomme  Linum  lîjîiaûjjinmm. 
Tournefort  le  place  dans  la  première 
feélion  de  la  huitième  clafTe  des  fleurs 
en  œillet ,  dont  le  piftil  devient  le 
fruit;  il  l'appelle  Lïnum  fatïvum. 

Fleur.  Prefqu'en  entonnoir,  com- 
pofée  de  cinq  grands  pétales,  larges, 
crénelées  à  leur  fommet  ,  le  calice 
formé  de  cinq  pièces  droites  &  ai- 
guës ,  les  étamines  &  les  pilVils  au 
nombre  de  cinq. 

Fruit.  Capfule  ronde ,  à  cinq  côtés, 
à  dix  loges,  à  cinq  valvules ,  dix  fe- 
mcnces  lilles,  luifantes,  pointues. 

Feuilles.  En  forme  de  fer  de  lance , 
adhérentes  aux  tiges,  hmples,  très- 
entières. 

Port.  Tiges  ordinairement  de  la 


L  I  N 

hauteur  d'un  pied  &  demi ,  cylindri- 
ques, grêles,  Hlfes;  les  fleurs,  d'une 
jolie  couleur  bleu -clair,  nailfent  au 
fommet  en  pannicules  lâches  •,  les 
feuilles  font  altetnativement  placées 
fur  les  tiges. 

Lieu.  On  ignore  fon  pays  natal , 
mais  il  efl  aujourdhui  cultivé  depuis 
le  nord  jufqu'au  midi  de  l'Europe, 
6:  il  ell  annuel. 

Lin  vivace.  Linum  perenne.  Lin." 
lldiftcre  du  précédent,  que  je  prends 
ici  pour  tipe  de  ce  genre,  par  fa  tige 
deux  fois  plus  élevée  &  plus  rameufe , 
par  (qs  fleurs  plus  grandes ,  à  corolles 
très-entières,  par  les  folioles  de  leur 
calice  plus  obtufes,  ainli  que  la  cap- 
fule qui  renferme  les  graines,  &  fur- 
tout  par  fa  racine  qui  eft  vivace  ;  les 
tiges  meurent  chaque  année;  il  eft 
indigène  dans  les  pays  du  nord ,  & 
fur-tout  dans  la  Sibérie,  ce  qui  lui 
a  fait  donner  le  nom  de  lin  de  Si- 
bérie. 

Von  Linné  compte  vingt- deux  ef- 
pèces  de  lin,  dont  il  efl:  inutile  de 
donner  l'énumération ,  puifqu'il  ne 
s'agit  pas  ici  d'un  dictionnaire  bota- 
nique; d'ailleurs,  ces  efpèces  ne  font 
d'aucune  utilité  réelle,  &  ne  peuvent 
même  pas  fervir  à  la  décoration  des 
jardins.  Il  y  a  cependant  l'efpèce  que 
Von  Linné  appelle  Zin:^/;:  Kurbonenfe^ 
ou  lin  de  Narhonne  ^  parce  qu'il  croît 
dans  le  bas  Languedoc  &  dans  la 
Provence.  11  diffère  des  deux  précé- 
dens  par  fa  tige  cylindrique,  rameufe 
à  fa  bafe,  par  fes  feuilles  difperfées 
fur  les  tiges,  raboteufes,  pointues; 
par  Ces  fleurs  très -grandes,  ainfi  que 
leur  calice  membraneux  fur  les  côtés, 
très-pointus  à  leur  bafe,  &  terminés 
au  fommet  pat  une  pointe.  J'en  ai 
trouvé  quelques  pieds  que  j'ai  faic 


L  ï  N 

rouir  comme  ceux  du  lin  commun  , 
&  dont  j'ai  retiré  une  écorce  ou  filafTe 
à-peu-près  femblable  à  celle  du  lin  ; 
mais  l'expérience  n'a  pas  été  faite 
aiïez  exaàement,  ni  allez  en  gtand, 
pour  décider  ici  d'une  manière  po- 
îitive  de  (on  degré  d'utilité.  Comme 
la  racine  de  cette  plante  eft  vivace , 
elle  feroic  d'un  grand  fecours  dans 
nos  provinces  vraiment  méridionales 
par  leurs  abris  j  (  f^oye^  ce  mot  ) 
puifqu'elle  ne  craindroit  pas  les  cha- 
leurs &  la  fccherelfe  de  l'été.  Il  feroit 
abfurde  d'y  tenter  la  culture  du  chan- 
vre j  fur  vingt  années  il  y  réullîroit 
tout  au  plus  une  fois,  &  quelques 
cantons  ,  en  petit  nombre  &  très- 
abrités  ,  peuvent  recevoir  la  culture 
du  lin  commun  ,  puifquil  faut  le  fe- 
mer  de  bonne  heure,  comme  il  fera 
dit  ci -après.  Je  tâcherai  de  me  pro- 
curer de  la  grame  du  lin  de  Nar- 
bonne  ,  &  je  verrai  s'il  eft  poflible 
d'en  tirer  un  bon  parti. 

je  n'ai  jamais  cultivé  ni  vu  cul- 
tiver le  Un  vivace  ou  de  Sibérie-^  ce 
que  je  vais  dire  eft  copié  mot  pour 
mot  de  l'ouvrage  intitulé  :  Hijioire 
univerfelle  du  règne  vègctal ,  publié 
par  M.  Buchoz;  il  n'indique  pas  la 
fource  de  laquelle  il  a  tiré  cet  ar- 
ticle. Je  pafterai  enfuite  à  la  culture 
du  /in  commun  ^  pratiquée  foit  au 
midi ,  foit  au  nord  du  royaume  de 
France. 

§.  I.  De  la  culture  du  lin  de  Sibérie. 

Ce  lin  s'élève  à  une  très-belle  hau- 
teur ;  on  n'en  connoît  même  point 
parmi  les  autres  lins  ,  qui  monte 
aufli  haut.  Les  frimars  de  l'hiver  ne 
lui  font  pas  préjudiciables  j  fes  nou- 
veaux rejets  qui  reparoilTent  ,  après 
qu'on  l'a  coupé,  dans  le  mois  d'août , 


LIN  271 

fe  confervent  parfaitement  bien  pen- 
dant 1  hiver  \  ils  font  auili  verds  fous 
la  neige  &  fous  la  glace  ,  que  dans 
les  beaux  jours  d'été.  Von  Linné  eft 
le  premier  qui  a  découvert  ce  lin  , 
Se  qui  en  a  donné  la  defcription 
dans fon  ouvrage,  intitulé //jr/^i  Up- 
falienfis.  11  ne  l'a  pas  plutôt  faic 
connoître  ,  que  M.  Dielke  ,  grand 
cultivateur  de  Suède  ,  &  vrai  ama- 
teur ,  en  a  introduit  la  culture  dans 
ce  royaume  ,  ou  cette  plante  réuflit 
parhitement.  On  a  fait  l'ellai  de  fa 
culture  dans  l'éleèlorat  d'Hannovre, 
où  elle  a  eu  le  même  fuccès  qu'en 
Suède. 

Pour  cultiver  ce  lin  ,  il  fiiut  com- 
mencer par  choifir  un  rerrein  mclc 
de  fable  :  on  prépare  enfuire  la  terre 
par  deux  bons  labours,  après  quoi  on 
fème  ,  à  la  volée  ,  ce  Im  au  mois 
d'avril  ,  en  obfervant  d'employer  un 
tiers  de  femence  de  moins  que  lî  on 
femoic  le  lin  ordinaire.  On  palfe  en- 
fuite  légèrement  la  hetfe  fur  la  rerre; 
après  quoi  on  la  retourne  ,  &  on  l'y 
repalfe  de  nouveau.  Ce  lin  refte  en 
terre  environ  trois  femaines  avant  de 
lever  5  quand  il  commence  .à  croître  , 
il  but  farder  riiioureufement  les 
mauvaifes  herbes ,  de  même  que  pour 
le  lin  ordinaire.  Voilà  toute  la  façon 
qu'il  exige  au  temps  de  fa  maturité. 
Pour  lors,  cjuand  il  eft  bien  mûr:  ce 
que  l'on  reconnoîr  facilement  par 
fa  tige  qui  jaunit,  &  par  {t%  feuilles 
qui  commencent  à  tomber  ,  on  le 
coupe  à  la  ftulx  ,  au  lieu  de  l'arra- 
cher. Il  repoude  du  pied  pour  l'an- 
née fuivante.On  réitère  pour  lors  dans 
cette  année  le  même  farclage  ,  qui 
n'eftpas  à  beaucoup  près  aufti  difficile 
que  celui  de  la  précédente  ,  parce 
que  le  lin  devient  alfez  fort  pour 
prédominer   fut  les  autres   plantes. 


271  L  î  N 

Ce  lin  n'exige  pas  d'aurre  culrure 
dans  cette  année  &  pendant  les  fiii- 
vances  :  il  faut  fur- tout  prendre  garde 
que  la  terre  où  on  l'a  iemc  foit  bien 
meuble  j  fans  aucune  motte  ou  ga- 
zon que  l'on  brifera  s'il  s'en  trouve. 
Si  la  terre  eft  abfoiument  fèclie  &z 
maigre ,  on  pourra  y  mettre  du  fu- 
mier ,  mais  en  petite  quantité. 

Pour  mieux  faire  concevoir  l'avan- 
tage que  procure  cette  plante  ,  il 
iuffit  d'en  faire  le  parallèle  avec  le 
lin  ordinaire.  Celui-ci  fe  feme  pen- 
dant deux  mois ,  avril  &  mai.  La 
première  femence  eft  fujette  à  être 
gâtée  pendant  le  mois  de  mai  :  il  ne 
refte  qu'onze  jours  en  terre  avant  de 
lever  j  celui  de  Sibérie  peut  être  femc 
dès  la  fin  de  mars  ;  il  ne  lève  qu'au 
commencement  de  la  huitième  fe- 
maine  (  i  ),  &  on  n'a  pas  à  redouter 
pour  lui  les  gelées  printanières.  On 
n'a  pas  befoin  ,  pour  en  avoir  ,  d'en 
femer  du  nouveau  ,  comme  le  lin  an- 
nuel ,  qui  peut  erre  totalement  gelé. 

Le  Im  annuel  demande  une  bonne 
terre  gralfe  «Se  bien  fumée.  Le  lin 
vivace  ,  au  contraire ,  vient  dans  une 
terre  fabloneufe  &  prefque  fans  fu- 
mier ,  &  il  faut  moins  de  femences. 
La  racine  du  hn  annuel  eft  fimple 
&  ne  porte  qu'une  feule  tige;  celle 
du  lin  vivace  ,  au  contraire,  produit 
toutes  les  années  de  nouveaux  jets. 
Il  eft  plus  facile  de  farder  le  lin  de 
Sibérie  que  l'autre ,  fans  craindre  de 
l'arracher. 

Les  tiges  des  feuilles  du  lin  vivace 
font  d'un  verd  foncé  5  celles  du  lin 
commun,  venu  dans  un  terrein  fa- 
bloneux  ,  font  d'un  verd-clair ,  & 
dans  un  terrein  gras  ,  d'un  verd  plus 


L  î  N 

foncé  ;  mais  moins  cependant  que 
celui  de  Sibérie.  Quand  la  plante 
de  lin  commun  eft  vigoureufe  ,  Se 
lorfquelle  a  les  feuilles  bien  larges, 
on  a  tout  lieu  de  s'attendre  à  une 
bonne  récolte  j  c'eft  le  même  indice 
dans  le  lin  de  Sibérie  ;  il  palfe  d'un 
tiers  en  hauteur  le  plus  beau  lin 
commun.  Ils  mûrilTent  tous  deux 
dans  la  onzième  ou  douzième  fe- 
maine  j  à  compter  de  la  germina- 
tion. La  filalfe  de  l'un  ôz  de  l'autre 
a  une  égale  blancheur. 

Quand  le  lin  de  Sibérie  eft  coupé , 
&  qu'il  a  été  un  peu  de  temps  fur 
le  terrein,  pour  le  faire  fécher,  on  le 
ramalTe  par  petites  poignées;  on  fépare 
la  graine  de  la  tige  avec  un  peigne 
de  fer  nommé  communémenr  gruge. 
Lorfque  cette  opération  eft  faite,  on 
ramalfe  la  graine  fur  de  gros  draps  pour 
la  faire  fécher  ;  enfuite  on  la  bat , 
on  la  vanne,  &  on  la  met  dans  le 
lieu  qu'on  lui  deftine,  ayant  cepen- 
dant foin  de  la  remuer  fouvent  ,  de 
peur  qu'elle  ne  moifilTe  &  qu'elle 
ne  s'échauffe;  ce  qui  pourroit  arriver 
fi  elle  n'étoit  pas  bien  feche.  Quant 
à  la  tii^e  ,  on  la  fait  de  nouveau  fé- 
cher au  foleil  ;  &  lorfqu'elle  eft  bien 
fèche  ,  on  la  met  en  botte  :  on  prend 
fur-rout  garde  de  mettre  toutes  les 
parties  fupérieures  des  tiges  du  même 
côté.  On  tranfpofte  ainfl  ces  tiges 
dans  les  endroits  où  on  veut  les  faire 
rouir.  (  P^oye^  ce  mor  &:  ce  qui  a  été 
dit  à  l'article  Chanvre  )  Comme 
elles  font  exttcmement  fèches ,  elles 
rouiffcnt  facilement.  On  les  met 
dans  l'eau  pendant  quelques  jours, 
«Se  on  choifit  la  plus  claire;  celle  de 
fontaine  eft  prérétée.  Lorfque  les  tiges 


(  I  )  Note  de  l'Editeur.  Ceci  paioît  contradiftoirc  aycc  ce  cjui  eft  dit  plus  haut   far  le 
temps  de  fa  germination. 

font 


LIN 

font  aiïez  rouies  ,  on  les  retire  de 
l'eau ,  &  on  les  met  en  tas  pendant 
trois  jours ,  avec  des  planches  par- 
delTus ,  pour  achever  le  louiirement. 
Enfuite  on  les  fait  fécher ,  &  on  les 
prépare  pour  les  mettre  en  filalfe  , 
comme  le  lin  ordinaire  ,  comme  le 
chanvre.  Si  on  ne  veut  pas  faire  rouir 
à  l'eau,  le  rouilfemenr  s'exécute  aullî 
bien  au  foleil  ;  il  fuffit  de  retourner 
de  temps  en  temps  les  paquets  comme 
ceux  du  chanvre. 

Le  fil  &  la  toile  qu'on  retire  du 
lin  de  Sibérie  font  moins  fins  que 
ceux  du  lin  ordinaire.  Voilà  en  quoi 
il  en  diffère  ,  &  fon  feul  côté  défa- 
vantageux.  Peut  être  que  fi  on  le  na- 
turalifoit  en  France  j  le  changement 
de  climat ,  la  nature  du  fol  change- 
roient  &  amélioreroient  fa  texture. 
C'eft  à  l'expérience  à  décider  la  quef- 
tion. 

§.   II.  De  la  culture  du  lin  ordinaire. 

I.  Du  fol  qui  lui  convient.  Pour 
bien  connoître  la  qualité  de  la  terre 
nécelTaire  à  cette  culture  ,  on  doit 
diftinguer  non-feulement  les  climats , 
mais  encore  fi  on  fe  propofe  d'avoir 
une  graine  bonne  ,  &  en  quantité; 
ou  bien  fi  l'on  défire  du  lin  haut  en 
tige ,  &  qui  donne  beaucoup  de  filalfe  ; 
ou  enfin ,  (\  on  veut  fe  procurer  du 
lin  à  tiges  moyennes  &C  à  filafie 
éne. 

Lorfque  la  graine  eft  ce  qu'on  fe 
propole  fur-tout  de  recueillir  ,  foit 
pour  la  vendre ,  comme  les  HoUan- 
dois,  foit  pour  en  extraire  l'huile; 
un  fol  un  peu  argllleux,  bien  fubftan- 
tiel  ,  ou  naturellement ,  ou  par  des 
engrais,  &  fur-tout  bien  préparé,  & 
émietté  par  des  labours ,  donne  une 
graine  parfaite.  Dans  un  fembl.ible 
Tome  FI. 


L  I  N"  173 

fol  (Se  avec  des  foins  convenables , 
nous  aurions  en  France  de  très-bonnes 
graines  pour  femer,  fans  êtte  obliges 
d'avoir  recours  aux  Hollàndois  ,  qui 
nous  fourniflent  celle  de  la  province 
de  Zélande  ,  ôc  qu'ils  vendent  pour 
celle  de  Riga. 

Plus  la  terre  eft  légère  ,  moins  la 
tige  s'élève  ,  &  plus  la  filaffe  eft  fine. 
L'époque  des  femailles  contribue 
encore  beaucoup  à  cette  précieufe 
qualité  ,  ainfi  que  nous  le  dirons 
tout-.à-l'heure.  Il  ne  faut  pas  que  la 
terre  conferve  l'eau  ,  ni  qu'elle  la 
lailîe  trop  promptement  filtrer.  Ces 
deux  extrêmes  font  très  à  redouter» 
fuivant  les  climats;  le  premier,  dans 
les  provinces  du  nord  ;  &  le  fécond, 
dans  celles  du  midi  :  le  meilleur  fol  eft 
celui  qui  retient  une  humidité  con- 
venable, &  peu  d'aquofité. 

1 1.  Des  labours  &  des  engrais. 
Dans  quelque  pays  que  ce  foit ,  on 
ne  fauroit  trop  les  multiplier  ,  ainfi 
que  les  engrais  ;  le  point  elfentiel  eft 
de  rendre  la  terre  meuble  ,  bien  me- 
nuifée  &  fans  motte  ,  afin  que  la 
femence  ne  foit  pas  étouffée  par-def- 
fous  ,  qu'elle  germe  ,  qu'elle  lève 
&  enfonce  promptement  fa  racine 
pivotante. 

Dans  les  provinces  méridionales , 
où  il  pleut  rarement  pendant  l'été, 
labourer  la  terre  après  la  récolte  des 
bleds,  c'eft  la  foulever  avec  peine  &  en 
gros  morceaux  :  autant  vaut-il  la  lailTer 
telle  qu'elle  eft;  mais ,  au  contraire,  fi 
en  feptembre ,  ou  dans  les  premiers 
jours  d'odtobre  ,  il  furvient  une  pluie 
favorable,  on  doit  alors  labourer  coup 
fur  coup ,  jufqu'à  ce  que  les  molécules 
terreufes  fo'ient  bien  divifées  j  «Se  prê- 
res  à  recevoir  la  femence.  Les  lins- 
qu'on  doit  femer  après  l'hiver  ,  laif- 
fcnt  le  temps  &  le  choix  des  circouf- 
M  m 


174  i'  ï  N 

tances  propres  aux  labours.  [Foye^  ce 
mot  ) 

Toute  efpcce  d'engrais  convient  au 
lin  ,  pourvu  qu'il  foit  bien  confommé. 
L'engrais  encore  pailleux  ,  &  nou- 
vellement fait,  eft  bien  peu  utile, 
&  fouvent  il  s'oppofe  à  la  herfe  qui 
doit  unir  la  furface  du  champ.  D'ail- 
leurs la  combinaifon  favonneufe  des 
principes  grailFeux,  huileux  &  falins 
de  l'engrais,  n'eil  pas  établie,  &  ne 
peut  qu'à  la  longue  s'établir  avec  les 
principes  du  fol ,  tandis  que  le  lin  exi- 
ge une  prompte  &  fucculente  nourri- 
ture. Pour  juger  de  la  néceflité  de  cette 
combinaifon  favonneufe,  lifez  les  ar- 
ticles Amendemens  ,  Engrais.  Si 
on  a  le  choix  des  engrais,  les  excré- 
mens  humains ,  les  urines  conler- 
vées  dans  des  marres ,  font  à  préfé- 
rer à  tous  les  autres.  Au  défaut  de 
ceux-ci ,  ceux  de  moutons  ,  de  chè- 
vres, tiennent  le  fécond  rang  ,  &c 
après  eux ,  celui  du  cheval ,  du  mulet  ; 
enfin,  celui  de  vache.  La  colombine  , 
réduite  en  poulîière  ,  &  femée  à  la 
volée  fur  le  champ  ,  eft  excellente  : 
on  peut  même  la  réferver  pour  la  fe- 
iTier  fur  les  lins  hivernaux,  en  janvier 
ou  en  février  ,  lorfque  le  temps  eft 
difpofé  à  la  pluie. 

La  chaux,  la  marne j  les  cendres, 
les  deux  premiers  fur-tout,  fournllfent 
de  bons  amendemens  dans  les  terres 
fortes  ,  tenaces  ;  le  fable  ,  dans  ce 
cas  ,  n'eft  pas  à  négliger.  La  chaux 
&  la  marne  doivent  être  jetées  en 
terre  avant  le  premier  labour  d'hiver , 
afin  qu'il  enterre  ces  fubftances  j 
afin  que  les  pluies  les  dilfolvent  j 
enfin  ,  pour  que  la  combinaifon  fa- 
vonneufe foit  faite  au  moment  où 
l'on  confie  la  femence  à  la  terre.  Les 
effets  de  la  marne  font  plus  tardifs 
que  ceux  de  la  chaux. 


L  I  N 

J'infifte  fortement  fur  la  ncceffitc 
des  engrais  j  mais  les  meilleurs  & 
les  plus  abondans  produiront  peu 
d'effets ,  fi  le  fol  n'eft  profondément 
défoncé  avant  de  femer.  Combien 
doit-on  donner  de  labours  ?  Il  n'efi 
pas  poffible  d'en  prefcrire  le  nom- 
bre ;  c'eft  la  ténacité  du  grain  de 
terre  qui  le  décide.  Il  faut  que  la 
terre  foit  émiettée  comme  celle  d'un 
jardin.  Cela  feul  doit  décider  du 
nombre  des  labours.  Ceux  qu'on 
donnera  avant  l'hiver,  pour  les  lins 
à  femer  au  printemps  ,  prépareront 
cette  divifion  ,  &  amélioreront  le 
fol.  (  P'oyei  l'article  Labour  ) 

Les  Flamands ,  les  Artifiens  font 
dans  l'habitude  de  divifer  leurs 
champs  par  tables  ,  Se  tout  autour 
d'ouvrir  une  efpèce  de  petit  folié  ; 
la  terre  qu'ils  en  retirent  eft  rejetée 
fur  le  fo!  de  ces  râbles.  Ces  foliés 
fervent  à  deux  fins  ;  à  écouler  l'eau 
lorfqu'elle  eft  trop  abondante  ,  ou  à 
la  retenir  j  en  fermant  la  bouche 
du  folié ,  après  les  pluies  du  printemps 
ou  de  l'été.  De  cette  manière  il  fe 
trouve  toujours  aftez  d'humidité 
pour  les  racines.  Cette  méthode  peut 
être  très -utile  dans  les  provinces 
du  centre  du  royaume  ,  &  défec- 
tueufe  dans  celles  du  midi ,  puifque 
les  pluies  y  font  exceilivement  rares 
depuis  le  mois  de  mai  jufqu'à  l'au- 
tomne. 

III.  Du  choix  de  la  graine.  L'ex- 
périence la  plus  confiante  a  démon- 
tré que  la  graine  de  lin  ,  femée  trois 
fois  de  fuite  dans  le  même  fol ,  ou 
dans  le  même  canton  ,  dégénère  \ 
enfin  ,  qu'il  eft  indifpenfable  de  la 
renouveller.  Les  habitans  des  côtes 
maritimes  s'en  procurent  facilement 
par  le  moyen  des  Hollandois  qui  la 
tranfportent  dans  tous  uos  ports.  La 


LIN 

Zclande  leur  en  fournit  beaucoup,  & 
ils  la  mêlent  avec  celle  qu'ils  tirent 
de  Riga  en  Livonie  ,  ou  de  Liban 
en  Courlande.   Quand  elle  eft  bien 
choilîe ,  qu'importe  le  pays  où  elle 
a  été  récoltée.  Cela  elt  fi  vrai ,  que 
nos  graines  de  lin  de  France  fervent 
à  régénérer  l'efpèce  de  celles  du  nord 
de  l'Europe ,  &    qu'elle  réuflît  aufli 
bien  en  Livonie  ,  &c.  que  celle  de 
Livonie  dans   notre  pays.   Le  point 
effentiel  eft  la  qualité  de  la  femence, 
&  fa  tranfplantation  d'un  pays  dans 
un  autre.  11  eft  à  préfumer  que  cette 
graine  nous  eft  fournie  par  une  com- 
pagnie qui  s'eft  appropriée  ce  com- 
merce exclulîvement  dans  le  nord.  Si 
les  hommes  étoient  moins  efclaves 
de  l'habitude,  s'ils  fcavoient  ou  vou- 
loient  s'écarter  des  fentiers  battus , 
nous  aurions  en  France  de  quoi  fa- 
tisfaire  nos  befoins  fans  recourir  à 
l'étranger.  La  Provence,  le  Languedoc 
fourniroient ,  à  peu  de  frais,  la  Nor- 
mandie, la  Bretagne  &  toutes    nos 
côtes  de  l'Océan;  celles-ci  l'intérieur 
du  royaume ,  &  l'échange  de  femence 
d'une  province  à  une  autre  ,  fuffiroit 
pour    l'amélioration    du   lin.   Cette 
manière  de  voir  s'éloigne  des  idées 
reçues  j  maigre   cela  ,  j'ofe    avancer 
que  la  graine  récoltée  au  midi  ,  & 
femée  au  nord,  doit  y  profpérer  plus 
que  celle  du  nord   femée  au  midi. 
L'expérience   a  prouvé  que  le  lin  a 
très-bien  réuiîi  au  Sénégal  &  en  Amé- 
tique  ,  il  ne   redoute   donc    pas   les 
grandes  chaleurs,    pourvu   que  l'on 
donne  à  la  terre  le  degré  d'humidité 
qui  lui  eft  nécelTaire.  Le  lin  craint 
l'effet  des  grandes  gelées  d'hiver;  les 
gelées  tardives  du  printemps  lui  font 
tuneftcs  :  donc  ,  il  y  a  lieu  de  pré- 
fumer   qu'il  eft  originaire   des  pays 
chauds.  Si  la  plante  ctoit  indigène  à 


LIN  Z7Î 

nos  provinces ,  fon  tilfu  ne  feroit  pas 
détruit  par  la  gelée. 

Si  on  n'eft  pas  à  portée  de  renou- 
veller  fes  femences  ,  on  peut  con- 
ferver  celles  de  la  dernière  récolte  , 
mêlée  dans  des  facs ,  avec  de  la  paille 
hachée  très-menu,  &:  le  tout  mêlé  in- 
timement :  les  facs  doivent  être  tenus 
dans  un  lieu  fec  oii  il  y  ait  peu  de 
courant  d'air.  On  çrarde  ainfi  la  graine 
pendant  un  an  ou  deux,  &  par  ce 
moyen  elle  reprend  un  peu  de  qualité. 
Cet  expédient  n'équivaut  pouttant  pas 
au  changement  de  femences. 

11  y  a  plufieurs  manières  de  juger 
de  la  qualité  des  graines.  L'habitude 
de  les  voir  ôc  de  les  comparer  eft  la 
meilleure  ,  Se  un  Hollandois  ne  s'y 
trompe  jamais.  On  prend  une  poi- 
gnée, c'eft-à-dire  autant  que  la  main 
peut  en  contenir  ,  en  ferrant  les 
doigts  ;  à  mefure  qu'on  les  ferre ,  les 
graines  s'échappent  par  en  -  haut  & 
par  les  pointes.  Si  elles  font  poin- 
tues &c  minces  ,  la  graine  eft  pareil- 
ment  mince  &  maigre  ;  fi,  au  con- 
traire elles  font  arrondies  &  bien 
fournies,  toute  la  graine  a  la  même 
qualité.  Elle  doit  aufli  être  ferme  Sc 
unie.  Si  fes  bords  font  rudes,  inégaux 
ou  rongés  ,  la  graine  eft  défeétueufe. 
Si  fa  couleur  n'eft  pas  bien  foncée  & 
luifante  ,  c'eft  une  preuve  que  la 
graine  eft  peu  nourrie.  Si  on  jette  une 
petite  poignée  de  graines  dans  un  vafe 
rempli  d'eau ,  les  bonnes  iront  à  fond, 
&  les  mauvaifes  furnageront.  Pour 
juger  de  la  quantité  d'iiuile  qu'elles 
contiennent ,  il  fufïit  de  jeter  une 
poignée  de  graine  fur  des  charbons 
ardens ,  la  bonne  pétille  &:  s'enflam- 
me auflîtôt.  De  la  qualité  de  la 
graine  ,  dépend  en  très-grande  partie 
r.ibondance  de  la  récolte. 

IV.  -De  la  quantité  de  femence  à 
Mm  i 


r-](>  LIN 

répandre  fur  un  efpace  donné.  Elle 
dépend  du  bur  que  fe  propofe  le 
culcivareur.  S'il  défire  avoir  un  lin 
long,  fort ,  vigoureux  ,  &  qui  pro- 
duifede  bonne  graine,  il  fème  moitié 
moins  que  lorfqu'il  s'attache  à  la 
JinelTe  ,  &  à  la  qualité  dont  doit  être 
la  filaire.  Le  proverbe  dit  :  Llnfemé 
clair  fait  graine  de  commerce  ,  &  toile 
de  ménage  ;  Jemé  dru  fait  linge  fin. 
Cette  règle  générale  foufFre  peu  d'ex- 
ception j  cependant  la  nature  du  fol 
mérite  d'être  comptée  pour  quelque 
chofe.  Vingt-cinq  livres  ,  poids  de 
marc,  fuffifent  pourfemerun  champ 
de  dix  mille  pieds  de  fuperficie  ,  (on 
parle  ici  du  pied  -  roi  )  &  cinquante 
livres  ,  fi  on  veut  avoir  un  lin  bien 
fin.  Chacun  peut  faire  l'application 
de  ces  mefures  à  fes  champs  ,  parce 
qu'il  fçait  combien  un  arpent  on  une 
fepterée  ,  ou  une  bicherée  ,  &:c,  con- 
tiennent de  pieds,  tandis  que  le  nom 
de  ces  mefures  eft  inconnu  à  plus  des 
deux  tiers  des  habitans  du  royaume. 

Dans  plufieurs  cantons  ,  à  la  fé- 
conde ,  ou  à  la  troifîcme  récolte  de  lin , 
la  coutume  ell  établie  de  femer  dans 
le  même  temps,  c'eft-àdire  an  prin- 
temps ,  la  graine  de  lin  mêlée  avec 
celle  du  grand  treffle.  Comme  cette 
dernière  plante  prend  très-peu  d'ac- 
croifTement  ,  tandis  que  l'autre  eft 
fur  pied,  elle  nuit  bien  peu  à  fa  vé- 
gétation. Cette  refTource  eft  interdite 
à  nos  provinces  vraiment  méridiona- 
les, &  deviendroit  aulll  urile  à  celles 
du  centre  du  royaume  ,  qu'elle  l'eft 
pour  les  provinces  du  nord. 

V.  Des  époques  de  femailles.  On 
les  divife  en  deux  principales.  On 
appelle  ,  lin  d'hiver  ^  celui  qui  a  éré 
femé  en  feptembre  ou  en  oélobre  \ 
lia  d'été  y  lorfqu'il  a  été  femé  en  mars 


L  I  N 

ou  en  avril ,  même  en  mai  ou  en 
juin  ,  fuivant  le  climat  &c  la  faifon. 

Plus  le  lin  refte  longtemps  en  terre, 
&  plus  fa  fîlalfe  eft  fine  ,  &  meilleure 
en  fera  la  graine.  Ces  avantages  mé- 
ritent une  grande  confidération  rela- 
tivement à  l'époque  des  femailles. 
Ni  fête  de  faint ,  ni  telle  autre  épo- 
que de  la  rubrique  des  cultivateurs 
ne  doivent  la  déterminer.  Cependanc 
les  femailles  d'été  ont  lieu  en  général 
dans  le  courant  de  mars  ou  d'avril , 
au  plus  tard ,  &  il  eft  bien  certain 
qu'en  mars  ou  avril  de  l'année  1785  , 
les  femailles  n'ont  pu  avoir  lieu  ,  à 
caufe  de  la  durée  exceffive  des  gelées. 

11  vaut  mieux  différer  le  moment 
des  femailles,  lorfque  la  terre  eft  trop 
humide  &  le  temps  pluvieux.  La  terre 
feroit  paîtrie  par  la  charrue ,  com- 
primée par  les  herfes  ou  par  les  rou- 
leaux que  l'on  palfe  &  repalfe  fur  les 
filions ,  après  avoir  femé  ,  foit  pour 
enterrer  la  graine,  foit  pour  niveler 
la  furface  du  champ.  II  faut  donc  , 
autant  qu'on  le  peut,  choifir  un  temps 
fec. 

Dans  les  provinces  du  midi  ,où  l'on 
fème  en  feptembre  ou  enoétobre,  on 
ne  craint  pas  la  trop  grande  humidité; 
mais ,  en  revanche ,  on  a  à  redouter  la 
fécherefte  &  à  lutter  contre  la  dureté 
de  la  terre ,  qui  .^été  foulevée  en  mot- 
tes par  la  charrue.  Le  parti  à  prendre 
dans  ce  cas  ,  eft  de  faire  fuivre  la 
charrue  par  des  femmes  ou  par  des 
enfans  ,  armés  d'ini  petit  maillet 
de  bois ,  longuement  emmanché  , 
avec  lequel  ils  briferont  les  mottes  , 
ôc  les  réduiront  en  pouffière. 

Un  autre  moyen  eft  de  labourer 
près-à-près,  c'eft-à-dire  que  celui  qui 
conduit  la  charrue  ,  doit  lever  très- 
peu  de  terre  à  la  fois  ;  alors  les 
bêtes  auront  moins  de  peiae  ,  pour.. 


L  I  N 

ront  labourer  plus  profondément,  & 
il  y  aura  moins  de  grumeaux  j  m.iis  il 
y  en  aura  toujours  allez  pour  nccel- 
litec  l'opération  du   maillet. 

Le  champ  bien  labouré  ,  avant  de 
femer,  il  ne  refte  plus  qu'à  le  divifer 
en  planches  d'une  longueur  indéter- 
minée, fur  une  largeur  de  fix  à  huit 
pieds ,  pour  qu'on  puilîe  les  farder 
avec  facilité ,  &  ramer  le  lin  au  be- 
foin,  comme  il  fera  dit  ci-après. 

Dès  que  les  grandes  chaleurs  font 
venues  ,  le  lin  cefle  de  croître.  Alors 
tous  les  fucs  fe  portent  à  la  formation 
&  à  la  nourriture  de  la  graine.  Ce 
point  de  fait  doit  fervir  de  règle  dans 
chaque  pays  ,  Se  par  conféquent  fixer 
à-peu-près  à  quelle  époque  doivent 
êtrehaites  lesfemailles.  C'eftun  grand 
avaritaçre  de  femer  de  bonne  heure, 
lorfque  le  climat  &:  la  faifon  le  pet- 
mettenr. 

Lorfque  le  grain  efl;  jeté  en  terre , 
on  herfe  plufieurs  fois  de  fuite,  les 
dents  en  bas ,  &  on  retourne  la  herfe 
fur  fon  pLit,  afin  de  mieux  régaler 
&  applanir  la  furface. 

Plufieurs  particuliers  confervent 
une  certaine  quantité  de  paille  hachée 
très-menu  ,  &  ils  la  répandent  légè- 
rement fur  la  tetre  nouvellement 
femée.  Le  but  de  cette  opération  eft 
d'empêcher  que  la  première  pluie  qui 
furviendra  ne  frappe  trop  la  terre. 
Cette  précaution  ,  peu  difpendieufe 
&  peu  gênante,  eft  très  bonne  ,  elle 
alfure  à  la  plante  la  facilité  de  plon- 
ger prompte  ment  le  pivot  de  fa  ra- 
cine à  une  certaine  profondeur;  ce 
qui  la  met  dans  le  cas  de  moins 
craindre  la  fécherelTe  dans  la  fuite, 
&  ce  qui  prouve  l'avantage  d'avoir 
donné  de  protonds  labours.  En  Suède 
on  couvre  la  linière,  nouvellement  fe- 
xnéejavecdejeunesbranchçsdefapin, 


LIN  277 

afin  de  ménager  la  paille  ,  &  produire 
le  même  effet. 

J'ai  dit  plus  haut ,  qu'on  pourroit 
femer  le  même  champ  pendant  deux 
à  trois  années  confé^utives;  mais  cela 
n'a  lieu  que  pour  les  terreins  nou- 
vellement défrichés  &  dans  les  bons 
fonds  de  terre.  Dans  tout  autre  cas, 
il  vaut  beaucoup  mieux  ne  femet  eu 
lin  le  même  champ  que  dans  un  in- 
tervalle de  cinq  ou  fix  ans.  Une  teirc 
alternée ,  (  ^ojq  ce  mot  )  par  des 
prairies  naturelles  ou  artificielles ,  p.ic 
des  bleds ,  &c.  gagne  beaucoup  ,  & 
devient  par  ce  mélange  de  culture, 
très-propre  à  celle  du  lin. 

VL  JDes  effèccs  jardinières  du  lin. 
On  en  compte  trois  :  le  lin  chaud , 
nommé  têtard ià:\.ns  plufieurs  de  nos 
provinces.  Son  caraélère  eft  de  végéter 
rapidement,  mais  de  s'arrêter  bientôt 
après.  Il  eft  nommé  têtard,  à  caufe 
de  la  multitude  de  fes  têtes.  Il  eft  plus 
btanchu  que  les  autres  lins.  Comme 
il  graine  beaucoup  ,  on  devroit  le 
femer  quand  on  fe  propofe  de  récoltée 
de  la  graine  deftinée  à  fournir  de 
l'huile.  Ce  lin  &  les  fuivans  font  des 
efpèccs  (  f^oyei  ce  mot  )  jardinières 
du  premier  ordre ,  puifqu'elles  fe  re- 
produifent  les  mêmes  par  les  femis, 
&  ne  varient  point  ou  du  moins  ttès- 
peu.  Le  lin  têtatd  refte  plus  bas  que  les 
autres ,  il  eft  bien  difficile  de  le  travail- 
ler fans  caller  fes  rameaux;  alors  il  fe 
rabougrit.  Ce  lin  mûiit  le  premier. 

Le  lin  froid  ^  ou  le  grand  lin  ,  eft  , 
à  ce  que  je  crois ,  l'efpèce  naturelle, 
ou  première,  d'où  dérive  l'efpèce  jar- 
dinière du  lin  têtard  5c  du  fuivant. 
Sa  végétation  eft  très-lente  dans  le 
commencement,  m.ais  elle  eft  rapide 
dans  les  fuites;  fes  tiges  font  hautes, 
peu  chargées  de  femences.  Ce  lira 
mûrit  plus  tatd  que  les  autres  Siiis, 


178 


L  I  N 


Le  l'in  moyen  mûrit  le  fécond,  ne 
croîcpas  fi  vue  que  le  lin  chaud,  mais 
plus  vite  que  le  lin  froid;  il  eft  peu 
chargé  de  graine  ;  il  s'élève  plus  que 
le  premier,  &  moins  que  le  fécond. 

Parun  abus  impardonnable,  toutes 
les  graines  de  ces  trois  efpèces  font 
communément  confondues  &  femées 
enfemble.  Dès-lors  le  lin  têtard  nuit 
à  la  végétation  du  lin  moyen  ,  &  à 
celle  du  lin  élevé  ;  tout  comme  celle- 
ci  dérange  celle  du  têtard.  11  vaudroit 
beaucoup  mieux  les  féparer  exaéte- 
ment,  lors  de  la  cueillette,  pour  les 
femer  enfuite  dans  des  champs  fé- 
parés.  Les  vues  du  cultivateur  feroicnt 
remplies,  puifque  dans  une  partie  du 
champ  il  auroi:  le  lin  dont  la  graine 
eft  deftinée  à  l'extradlion  de  l'huile  j 
dans  l'autre  j  le  lin  propre  à  la  toile 
fine  ,  &  dans  la  dernière ,  le  lin  con- 
facré  à  la  fabrication  des  toiles  de 
ménage.  On  dira,  peut-être,  qu'on 
fépare  les  pieds  de  ces  lins  ,  fuivant 
l'ordre  de  leur  maturité.  Mais,  peut- 
on  lever  de  terre  une  plante  mûre , 
fans  nuire  à  la  voifine  cjui  ne  l'ell: 
pas ,  fur-tout  dans  les  lins  femés  épais  ? 
C'eft  beaucoup  détériorer  fa  récolte, 
Se  multiplier  le  travail  en  pure  perte. 
Il  eft  difficile  de  ne  pas  être  réduit  à 
cette  fàcheufe  extrémité  ,  lorfqu'on 
achète  la  graine  telle  qu'elle  eft  ap- 
portée par  les  Hollandois.  Neferoit- 
il  pas  poflible  qu'un  cultivateur  Fla- 
mand, par  exemple  ,  s'entendît  avec 
un  cultivateur  Provençal  ,  Langue- 
docien ,  &c.  \  Se  qu'après  avoir ,  l'un 
ôc  l'autre  ,  féparé  leurs  graines  ,  ils 
fifTent  un  échange.  Je  le  répète  ,  il 
eft  inutile  de  recourir  à  la  graine  de 
Livonie  ,  lorfqu'on  peut  s'en  procu- 
rer d'.aufli  bonne  dans  le  royaume  , 
Si   fur-tout  fans   mélange. 

VII,  De  lu  conduite  du  Unfeméy 


L  I  N 

jufqu'à  fa  maturité.  Les  mauvalfes 
herbes  caufent  la  deftrudion  du  lin. 
C'eft  afin  d'avoir  la  facilité  de  les 
arracher  ,  que  le  champ  a  dû  être  di- 
vifc  en  planches  de  fix  pieds  de  lar- 
geur, fur  une  longueur  quelconque. 

Le  farclage  eft  l'occupation  des 
femmes  «Se  des  enfans,  &  il  eft  im- 
portant de  choifir,  pour  cette  opéra- 
tion ,  le  jour  qui  fuit  la  pluie  \  l'herbe 
eft  mieux  arrachée  ,  o:  le  lin  ren- 
verfé  pendant  le  farclage  fe  relève 
plus  facilement.  Ce  travail  exige 
d'être  répété  aulli  fouvent  que  le  be- 
foin  l'exige ,  fur-tout  dans  le  commen- 
cement. Lorfque  le  lin  eft  parvenu 
à  ime  certaine  hauteur ,  il  ne  permet 
plus  la  fortie  des  mauvaifes  plantes. 

Si  on  a  femé  dru  ,  dans  l'intentioii 
de  fe  procurer  de  la  filalfe  longue  & 
fine,  il  eft  à  craindre  que  les  plantes 
ne  fe  foutiennent  contre  les  efforts  des 
vents  ou  de  la  pluie,  fans  verfer.  Le 
rapprochement  des  tiges  les  oblige 
à  s'élancer ,  à  devenir  fluettes,  .à  avoir 
peu  de  confiftance  j  enfin  ,  à  fléchir,  è 
ie  couder  &  à  fe  plier  fur  la  terre  j  dès- 
lors  la  plante  ne  fe  relève  plus,  finit 
triftement  fa  végétation  j  &  la  filafle 
fe  réduit  enfuite  prefque  toute  en 
étoupe.  Afin  de  prévenir  ces  fâcheux 
inconvéniens  ,  on  rame  les  lins  ,  non 
pas  comme  les  pois,  les  haricots,  &c., 
mais  en  croifant  les  tafleaux.  Voici 
la  manière  d'opérer. 

La  finefle  &  le  rapprochement  des 
pieds  les  uns  contre  les  autres,  déci- 
dent du  nombre  de  rames  dont  chaque 
table  doit  être  pourvue.  Il  vaudroit 
mieux  les  trop  multiplier  que  d'en 
mettre  trop  peu.  L'habitude  de  voir, 
de  juger  de  la  faifon ,  inftruifent  le 
cultivateur  de  la  hauteur  à  laquelle 
la  planre  s'élèvera  ,  à  peu  de  chofe 
près.  11  fe  procurera  un  grand  nombre 


L  I  N 

de  pettts  piquets,  de  dix-huit  à  vingt 
pouces  de  hauteur ,  fur  fix ,  huit ,  dix 
d  douze  lignes  d'épaiireur,  &  il  les 
enfoncera  en  terre  ,  à  la  profondeur 
de  quatre  à  fix  pouces. 

Siippofons  qu'une  table  ou  planche 
ait  fix  pieds  de  largeur,  il  faudra  fept 
piquets,  àladiftanced'unpied  les  uns 
des  autres,  &  il  en  plantera  de  fem- 
blablesfurla  même  ligne  que  les  pre- 
miers ,  à  la  diltance  de  deux  à  trois 
pieds ,  en  fuivant  la  longueur  de  la 
planche.  Le  nombre  des  talleaux,  ou 
traverfes  de  bois  léger  Se  mince,  doit 
être  proportion  né  aux  befoins.  Chaque 
tafleau  fera  airujetti  contre  tous  les  pi- 
quets qu'il  rencontre  dans  fon  éten- 
due, de  manière  qu'ils  femblent  for- 
mer autant  de  petites  allées ,  de  pe- 
tites féparations ,  de  petites  pallillades, 
qu'il  y  a  de  piquets  à  la  tète  &:  au  bout 
de  la  planche.  Voilà  le  lin  alfuré  lur 
cette  dire6tion  ;  mais  ce  n'eft  pas  en- 
core aiïez.  Il  faut  enfuite  placer  de 
nouveaux  tafleaux  en  fens  contraire 
des  premiers ,  &  à  angles  droits ,  de 
manière  que  lorfqu'ils  feront  attachés 
ils  préfenteront  de  petits  quarrés. 
Ainfi  les  talfeauxcSc  les  piquets  feront 
multipliés  en  raifon  de  l'impétuolué 
des  vents  ou  des  pluies  qu'on  a  à 
craindre  dans  le  pays  que  l'on  habite. 
Les  ligatures  feront  faites  avec  des 
joncs,  ou  avec  de  la  paille  ,  ou  avec 
de  l'ofier. 

Les  lins  femés  clair  ,  ou  pour  la 
graine  ,  ou  pour  la  toile  de  ménage, 
n'ont  pas  befoin  de  ces  fecours.  La 
finefTe  de  la  filalTe  du  lin  femé  dru  , 
dédommage  des  peines  que  l'on  prend 
pour  la  rendre  parfaite.  Si  on  a  la 
facilité  de  conduire  l'eau  fur  la  li- 
nière  ,  on  doit  en  profiter  fuivant  le 
befoin;  mais  jamais  lorfque  le  lin  ell 
£11  fleur,  lorfque  l'on  vife  à  la  graine. 


L  I  N  if^ 

C'eft  le  contraire  pour  le  lin  fin  &  le 

grolfier ,  la  tige  profite  de  la  fubftance 
qui  auroit  fervi  à  la  formation  de  la 
graine.  L'arrofemenc  empêche  les 
fleurs  de  nouer. 

VI II.  De  i' époque  à  laquelle  on  doit 
arracher  le  lin.  Chaque  pays  a ,  pour 
ainfi  dire  ,  une  coutume  différente  ; 
il  eft  à  préfumer  qu'elle  eft  fondée 
fur  l'expérience  &  fur  l'obfetvation  ; 
mais  il  refle  le  droit  de  demander  fi 
on  a  fait  des  expériences  compara- 
tives, afin  de  déterminer  la  méthode 
d'une  manière  précife  ?  Les  coutumes , 
en  général  ,  tiennent  plus  à  la  rou- 
tine qu'au  difcernement.  Ne  feroit- 
ce  pas  une  des  caufes  qui  rend  le  lin  de 
tel  canton  inférieur  à  tel  autre  ,  ou 
dont  la  filaiïe  donne  plus  ou  moins 
d'étoupes.  Je  fçais  du  moins  que  ces 
variations  tiennent  beaucoup  à  la  cul- 
ture, à  la  manière  d'être  des  faifons , 
au  grain  de  terre  ,  ôcc.  ;  mais  ces 
caules  ne  font  pas  uniques. 

On  dit  communément  que  le  lin 
doit  être  arraché  lorfque  les  tiges  ont 
acquis  une  couleur  jaune.  Ce  point 
de  couleur  eft  bien  vague  ;  car  du 
jaune  foncé  ,  ou  du  jaune  tirant  fut 
le  veid  ou  fur  la  paille  ,  combien 
n'exifte-t-il  pas  de  nuances  intermé- 
diaires ?  Le  lin  qui  a  végété  fur  un 
fol  naturellement  humide  ,  eft  cou- 
leur de  paille  dans  fa  maturité  ,  & 
il  acquiert  cette  couleur  beaucoup 
plus  vite  que  le  lin  provenant  d'un 
bon  fonds ,  &C  non  trop  humide ,  quoi- 
qu'il ne  foit  pas  encore  bien  mûr. 
Dans  ce  cas  ,  la  couleur  paille  cfl 
l'indice  d'une  végétation  qui  a  été 
languilfante.  La  couleur  n'eft  donc 
pas  un  indicateur  rigoureux,  mais  feu- 
lement elle  met  fur  la  voie  de  juger, 

Plulieurs  auteurs  annoncent  qu'on 
jie  doit  arracher  le  lin  que  lorfque 


280 


L  I  N 


la  capfule,qui  leiiterme  les  femen- 


ces  ,   s  ouvre 


d'elle 


même 


parce 


qu'alors  la  graine  efl:  mûre.  D'autres 
prétendent  qu'il  faut  arracher  le  lin 
encore  verdj  quelques-uns  enrin,  an- 
noncent la  chute  des  feuilles  comme 
un  fii'ne  confiant  de  la  maturité  de 
la  graine.  C'eft  la  méthode  de  Livo- 
nie.  Tous  ont  peut-être  raifon  :  il  ne 
feroic  pas  bien  difficile  de  concilier 
ces  opinions. 

Le  premier  point  à  examiner  par 
le  cultivateur,  eft  la  conftitution  de 
fon  climat ,  &  la  nature  de  fon  fol  j 
&  s'il  veut  juger  avec  connoiflance 
de  caule,  il  doit  ,  toute  circonllance 
égale ,  cueillir  fon  lin  à  plufieurs 
reprifes  ,  &  examiner,  i°.  lequel 
rouira  le  mieux  &  le  plus  vite;  z". 
lequel  donnera  la  hlaffe  la  plus  lon- 
gue, la  plus  fine  &  la  plus  forte; 
3".  lequel  de  ces  lins  produira  moins 
d'étoupes  ,  ou  moins  de  déchets  , 
lorfqu'on  pafTera  lahlafle  par  le  peigne; 
4'-'.  lequel  fournira  la  meilleure  roile 
&c  de  plus  grande  durée.  D'après  un 
pareil  examen  il  prononcera  d'une 
manière  alTurée ,  fur-tout  s'il  répète 
fes  expériences  de  comparaifon  pen- 
dant pluiîeurs  années  confécutives. 
Plufieurs  ledeurs  trouveront  cette 
marche  longue  ,  ou  ennuyeufe  ,  (Je 
auroient  peut-être  mieux  aimé  que 
j'eufle  défigné  une  époque  fixe  ,  un 
figne  certain,  &c.  Je  leur  répondrai 
que  toute  alTertion  générale  en  ce 
genre  eftabufive,  par  cela  feul  qu'elle 
eft  générale,  &  que  je  l'induirois  en 
erreur  li  je  lui  eu  donnois  une.  D'a- 
près cet  aveu,  il  eft  aifé  de  conclure 
que  ce  que  je  vais  dire  ne  préfente  que 
de  fimplesapperçus ,  qui  doivent  varier 
fuivant  les  circonftances  &  les  climats. 

Lorlque  l'on  travaille  principale- 
ment pour  la  graine  ,  c'eft  le  cas  de 


L  I  N 

récolter  le  lin  quand  les  capfules  font 
prêres  à  s'ouvrir,  fans  attendre  qu'elles 
loient  ouvertes ,  parce  qu'on  perdroic 
la  majeure  partie   des  graines. 

Si  on  travaille  pour  la  toile  de  mé- 
nage &  la  graine,  cette  époque  fera 
un  peu  devancée  ;  mais  fi  on  a  pour 
but  la  filaffe  fine,  on  n'attendra  pas 
l'époque  à  laquelle  la  capfule  froilîée 
dans  les  doigts  ,  s'ouvre  &  répande 
fa  graine. 

Jetons  encore  un  coup  d'oeil  fur 
la  planre.  La  feule  partie  utile  du  lin, 
la  femence  exceptée  ,  eft  la  filafte  ; 
l'intérieur  de  la  tige  eft  un  tilTu  li- 
gneux  dans  fon  genre,  comme  celui 
du  chanvre,  &  à  fibres  peu  ferrés  , 
le  rout  revêtu  par  l'écorce  ;  &  entre 
l'écorce  &  la  partie  ligneufe  ,  on 
trouve  un  mucilage  dépofé  par  l'af- 
cenfion  &   la  defcenfion    de  la  fève. 

Dans  toutes  les  plantes  en  général 
la  fève  eft  très-abondante  julqu'au 
moment  où  le  fruit  noue  ,  Aoute. 
(  f^cye-^  ce  mot  )  A  mefure  qu'il  mûrit , 
la  fève  a  moins  d'aquofité,  elle  eft 
moins  abondante  &  plus  élaborée  ; 
enfin  ,  lorfque  le  fruit  eft  mûr,  la 
plante  annuelle  fe  defleche,  &  la 
plante  vivace  fe  conferve  jufqu'à  l'hi- 
ver, ne  fait  plus  de  progrès,  &  il  eft 
très-rare  de  la  voir  fleurir  de  nouveau, 
parce  que  le  but  de  la  nature  eft  rem- 
pli ;  c'étoit  la  reproduction  de  l'in- 
dividu  par  fes  femences. 

D'après  ces  principes  généraux,  & 
qui  ne  peuvent  être  conreftés  par 
quelques  exceptioiis  particulières  ,  if 
eft  clair  que  tant  que  la  fève  aqueufe, 
peu  élaborée  ,  monrera  avec  abon- 
dance dans  le  lin ,  fa  fibre  fera  molle, 
&  aucune  de  fes  parties  n'aura  en- 
core la  confiftance  que  l'on  demande  ; 
enfin  ,  que  la  filalfe  fe  défagrcgera 
dans  1r  fuite  enpalTant  par  le  peigne  , 

& 


L  I  N 

Se  qu'elle  fournira  une  immenfe  quan- 
ticc  d'érouper. 

Si  on  attend  la  maturité  complète 
de  la  graine ,  la  fève  fera  très-rare  , 
très-vifqucufe  ou  colante  ,  &c  le  mu- 
cilage liera  li  fort  l'ccorce  contre  la 
partie  ligneufe  ou  chenevotte  ,  que 
malgré  le  rouillage,  la  filaife  callera 
net  avec  la  chenevotte. 

Entre  ces  deux  extrêmes  il  y  a  donc 
un  terme  moyen  ,  celui  où  il  rcfte 
une  certaine  aquolué  dans  la  plante  5 
alors l'écorce  tient  moins  au  bois,  dont 
la  fibre  efi:  alors  moins  ferrée  &  moins 
delféchée  j  Se  après  le  rouidage  cette 
écorce  fe  détache,  fans  peine,  d'un 
bout  à  l'autre  ,  fins  calTer.  Si  une 
alfertion  Douvoit  être  générale  en  a^ri- 
culture  ,  celle-ci  le  feroit  relative- 
ment au  lin,  &  au  moment  auquel 
on  doit  l'arracher. 

Cette  efpèce  d'incertitude  far  l'é- 
poque fixe  à  laquelle  on  doit  arracher 
le  lin,  prouve,  de  la  manière  ia  plus 
claire  ,  combien  il  eft  nécelTaire  de 
femer  à  part  le  lin  qu'on  deftme  à 
porter  la  graine  ,  &  de  choifir  à  cet 
effet  le  meilleur  fol  &  la  meilleure 
expofiùon.  Cette  méthode  elt  fuivie 
dans  le  Levant ,  &  la  graine  qu'on  y 
récolte  vaut,  pour  le  moins,  autant 
que  celle  de  Riga ,  l\  vantée.  La 
bonne  qualité  de  la  graine  dépend  de 
la  bonne  végétation  de  la  plante  ,  & 
d'une  bonne  maturité. 

IX.  Dii  la  manière  d'arracher  le 
lin.  Dans  la  graine  que  l'on  achète  , 
les  trois  efpèces  jardinières  de  lin  font 
pour  l'ordinaire  confondues  enfeni- 
b!e.  De  ce  mélange  il  rcfulte  plus 
de  peine  &  plus  d'embarras  pour  le 
cultivateur  :  une  efpèce  s'élève  plus 
que  l'autre  ,  ou  mûrit  plutôt;  il  faut 
revenir  à  la  cueillette  à  plufieurs  re- 
prifes  différentes  ;  il  faut  donc  fcpi- 
Tome  FI. 


LIN  z8i 

rer  le  lin  fin  du  lin  grcflîer ,  &c. 
Ces  opérations, cette  perce  de  temps, 
feroient  évitées  fi  on  avoit  femé  fé- 
parément  chaque  efpèce ,  &  dans  un 
feul  jour  le  champ  entier  aurait  été 
récolté. 

Les  momens  font  précieux  pour 
cette  récolte,  quelques  jours  de  pluies 
fuffifent  pour  la  retarder  ou  pour 
gâter  le  lin  cou.hé  fur  terre  ,  lorfqu'il 
a  été  arraché.  S'il  eft  mouillé  ,  s'il 
furvient  du  folcil ,  les  gouttes  de  pluies 
impriment  au  lin  des  taches  noires 
qui  ne  s'effacent  prefque  plus  •,  tandis 
qu'une  des  premières  qualités  du  lin 
fin  ,  eft  d'avoir  une  filalle  d'une  grande 
blancheur,  quand  elle  a  été  peignée. 

Il  réfulte  encore  du  mélange  du 
lin  têtard  &  du  moyen  ,  1  inégalité 
dans  la  grolTeur  &  la  longueur  des 
tiges,  de  manière  que  la  chenevotte 
de  l'une  eft  plus  écrafée  au  moulin , 
ou  par  le  ferançoir  ,  que  l'autre  ; 
que  la  filalfe  longue  &  courte ,  dé- 
barralTée  de  la  chenevotte ,  perd  beau-» 
coup  en  partant  par  le  peigne  ,  &c 
qu'elle  eft  plus  difficile  à  être  bien 
filée  ,  que  fi  les  brins  confervoient 
entr'eux  une  grandeur  &:  une  fineffe 
à  peu  près  égales.  L'inégalité  de  ma- 
turité &  de  qualité  obligent  de  ré- 
colter à  plufieurs  reprifes  diff^érentes, 
lorlcju'on  veut  fe  procurer  une  belle 
(ïc  bonne  filaff'e  ;  enfin  ,  elle  mul- 
tiplie les  frais  ,  &  fait  perdre  beau- 
coup de  temps.  Malgré  cela,  il  vaut 
mieux  faire  ce  facrifice  que  de  s'ex- 
pofet  à  avoir  un  mauvais  mélange  ;  & 
à  CQZ  effet  on  léparera  les  pieds  fui- 
vant  leur  groffeur ,  leur  lonc^ueur  &C 
leur  maturité ,  fi  la  récolte  fe  fait  tout- 
•à  la-fois  ,  ou  bien  on  les  récoltera 
chacune  féparément,  &  à  l'époque 
où  elles  devront  l'ctte  j  ce  qui  vaut 
beaucoup  mieux. 

Nn 


aCz 


L  r  N 

La  manière  d'arracher  le  lin  ,   eft 
par  poignces ,  que  l'on  étend  fur  le  fol , 
écartées  les  unes  des  autres,  les  tètes 
du  même  côté  ,  &  tournées  vers  le 
midi ,  afin  que  la  chaleur  du  foleil 
les  frappe  mieux.  Si  on  peut  fe  pro- 
curer facilement  pour  ce  travail  des 
enfans  ou  des  femmes ,  on  les  char- 
gera de  retourner  ces  plantes  chaque  - 
jour,  &  ils  fe  fetviront,  pour  cette 
opération,  de  fourches  de  bois,  dont 
les  fourchons  foient  rapprochés.  Le 
but  de  cette  opération  eft  de  deilécher 
également  la  plante  des  deux  côtés  , 
&  de  lui  faire  perdre  une  partie  de 
fa  couleur,  par  l'aélion  du  ioleil  qui 
agit  fur  l'écorce   comme  fur  la  eue 
lors  de  fon  blanchiffage. 

Cette   méthode    n'efi:    pas   fuivle 
par  tout.  Dans  quekpes-unes  de  nos 
provinces ,  on  place  un  certain  nom- 
bre de  poignées  de  lin  les  unes  contre 
les  autres,   les  racines  en  en -bas  & 
écartées  ,    ahn    que  la  mafle  réunie 
forme  une  efpèce  de  cône.  Cette  ma- 
nière de  delféchert  fi:  fort  bonne,  parce 
qu'il  s'établit  un  courant  d'air  entre 
chaque  pied  de  lin.  Si  la  faifon  eft 
favorable  ,  il  ne  faut   que    trois  ou 
quatre  jours  pour  mettre  les  capfules 
dans  le   cas  de  s^ouvrir  &  de  lâcher 
leurs  graines  ;  mais  des  paquets  trop 
épais  ,  trop    ferrés  ,  nuiroient    à  la 
deflication  des  plantes  de  l'intérieur. 
Si   le  pays   eft  fujet  à    des  coups  de 
vents,  à  des  rafFales,  il  faut  recourir 
à  la  première  de  ces    méthodes  ,  (Se 
abandoner  celle  -  ci ,    parce   que   la 
moindre  agitation  de  l'air  renverferoic 
ces  efpè.es  de  petites  meules ,  &  en 
raifon  de  leur  dellîcation  ,  feroit  ré- 
pandre la  graine  fur  le  fol.  Dans  les 
provinces  méridionales  il  vaut  beau- 
coup mieux  étendre  fur  terre  &  clair, 
les  poignées  que  Ton  vient  d'arracher. 


LIN 

la  chaleur  eft  allez  forte  pour  diffiper 
leur  air  &  leur  eau  j  furabondans  de 
végétation  &  de  compolicion.  Dans 
celles  du  nord,  l'opération  eft  beau- 
coup plus  longue,  &  le  retournement 
fréquent  des  tiges  beaucoup  plus  né- 
cedaire. 

Après  l'exfication ,  il  vaut  beaucoup 
mieux  égrainsr  les  tiges  fur  le  lieu 
même,  que  les  tranfporter  entières  , 
ou  à  la  métairie,  ou  prèsdurouilfoir, 
afin  d'éviter   la   perte  de  celles  qui 
tomberoient  en  chemin.  A  cet  effet, 
on  étend  de  grands  draps  fur  le  fol , 
&  fur  ces  draps  on  place  une  efpèce 
de  banc  d'une  longueur  propornonnée 
au  nombre  des    ouvriers  deftmés    à 
féparerles  graines  :  c'eft  encore  l'ou- 
vrage des  femmes  &  des  enfans.  De 
la  main  gauche  ils  faiiilfent  une  poi- 
gnée de  lin ,  du  côté  des  racines ,  ils  po- 
fent  les  tètes  de  la  plante  fur  le  banc, 
&  avec  un  battoir  de  blanchiflage,  ils 
frappent  fur  les  capfules ,  qui  s'ouvrent 
&  lailfent   tomber  leurs  graines  fut 
les  draps.  D'autres  femmes,  ou  d'au- 
tres enfans  préfentent  de  nouvelles 
poignées    aux   batteurs  ,    &    ceux-ci 
rendent  les  poignées  battues  à  d'au- 
tres qui  les  ralfemblent  &  les  lient 
en   bottes ,  de  manière  qu'on    peut 
tout  de  fuite  les  porter  au  rouilfoir. 
L'opération,  ou  la  journée  finie ,  oit 
vanne  la  grau-ie  ,  afin  de  la  féparer 
des  débris  des  capfules ,  <Sj  on  la  porte 
aulTitôt  fur  les  lieux  où  elle  doit  être 
coufervée.  Il  eft  prudent,  fuivant  les 
cantons,  d'expofer  les  tiges  pendant 
quelques  jours  à  l'ardeur  du  gros  fo- 
leil, afin  de  dilliper  un  refte  d'humi- 
dité qui  feroit  fermenter  le  monceau, 
&  nuiroit  beaucoup  à  la  qualité  de  la 
graine.  Chaque  foir  on  la  renferme, 
afin  de  la  fouftraire  à  l'humidité  de 
la  nuit  ;  au  ferein  ,  à  la  rofée  ,  &c.. 


L  I  1^ 

Si  la  faifon  s'oppofe  au  deiïeche- 
ment  des  tiges  &  à  la  féparation  des 
graines, on  tranfporte au  logis  les  plan- 
tes, après  les  avoir  bottelées;  là  on  les 
délie  ,  on  les  arrange  en  petites  meu- 
les ,  comme  il  a  été  dit  plus  haut  j 
€n  un  mot ,  on  cherche  les  expédiens 
les  plus  propres  à  accélérer  leur  defli- 
cation.  Dans  d'autres  cantons  ,  on 
porte  fous  des  hangards  les  tiges 
avec  leurs  capfules  ,  fans  les  battre, 
elles  y  achèvent  leur  deflication  , 
quoique  amoncelées  jufqu'à  un  cer- 
tain point.  On  prérend  dans  ces  pays, 
que  la  graine  &  que  la  filafle  fe 
perfedionne  fous  ces  hangards  ;  ce 
qui  me  paroît  douteux.  S'il  refte 
un  peu  trop  d'humidité,  la  fermen- 
tation s'excite  ,  fait  réagir  le  mu- 
cilage ,  il  s'échauffe ,  &  cette  cha- 
leut  diminue  la  quantité  de  l'huile 
contenue  dajis  la  graine  ,  &'en  dé- 
tériore fingulièrement  la  qualité. 
(  J^^oye^  ce  qui  a  été  dit  au  mot 
Huile)  Ces  monceaux  de  lin  ,  non 
égrainés  ,  attirent  les  rats ,  &  ils  y 
accourent  en  foule.  Après  avoir  dé- 
voré la  graine  ,  ils  attaquent  l'é- 
corce  ,  la  rongent,  la  brifent  en  petits 
morceaux,  &  ces  débris  leur  fervent 
à  former  leurs  nids.  J'ai  vu  plus  de 
demi-aune  de  toile  fuffire  à  peine  à 
la  texture  d'un  nid  artillement  & 
commodément  rangé.  Que  l'on  juge 
donc  du  dégât  que  les  rats  &  les  fouris 
doivent  caufer  dans  un  pareil  mon- 
ceau ! 

X.  Du  rouiffijge.  En  traitant  du 
chanvre  ,  j'ai  rapporté  les  différentes 
méthodes  employées  à  cet  effet,  & 
jai  fait  voir  combien  elles  étoient 
difparâtes  &  fautives  j  enfin  ,  qu'au- 
cune n'étoit  fondée  fur  un  principe 
conftant  Se  uniforme.  Une  circonf- 
taiice  particulière  m'a  mis  dans  le  cas 


LIN  2§3 

de  tenter  de  nouvelles  expériences  à 
ce  fujet,  dont  je  rendrai  compte  aux 
mots  Rouir , Rouissage , RouioiR. 

XI.  Dds  Joins  que  demandt  le  /in 
au  fortir  du  routoir.  On  connoît  que 
la  plante  eft  alTez  rouie ,  lorfqu'après 
avoir  pris  plufieurs  brins  de  différen- 
tes bottes  j  on  effaie  de  les  caffer 
vers  l'endroit  où  étoient  les  graines. 
Si  la  chenevùtte  fe  caffe  fec  ,  fi  la 
filatfe  fe  détache  aifcment,  depuis  la 
racine  jufqu'au  fommet  de  la  plante  » 
c'eft  une  preuve  que  le  chanvre  eft 
atfez  roui. 

Après  l'avoir  tiré  de  la  foffe  ,  il 
demande  à  être  lavé  à  grande  eau 
courante  ,  afin  de  détacher  &  entraî- 
ner la  portion  du  mucilage  ,  difloute 
par  l'eau  de  la  foife  ,  &  qui  refteroit 
collée  contre  l'écorce,  fans  cette  pré- 
caution. Si  l'eau  de  la  folfe  n'eft  pas 
courante,  fi  elle  ne  fe  renouvelle  pas 
perpétuellement  en  grande  quantité, 
le  poilTon  meurt  ,  parce  que  l'eau 
fe  charge  du  mucilage  qu'elle  diffout, 
elle  devient  gluante  ,  <Sc  le  poilToii 
ne  peut  plus  refpirer.  On  le  voit  alors 
venir  à  la  furface  chercher  à  refpiret 
l'air  de  l'atmofphère,  tandis  qu'au- 
paravant l'air  contenu  dans  l'eau  fuf- 
iifoit  à  fa  refpiration. 

Après  ce  forr  lavage,  on  érend  le 
lin  fur  terre ,  on  le  laifTe  expofc  à  toute 
l'ardeur  du  foleil,  &  on  le  retourne  de 
temps  à  autre.  Sa  dcllication  eft  plus 
ou  moins  prompte,  fuivant  le  climat, 
fuivant  la  faifon,  &  fa  manière  d'être 
à  cette  époque.  Dans  les  provinces 
du  midi,  l'opération  eft  promptement 
achevée.  Il  n'en  eft  pas  ainfi  dans 
celles  du  nord,  où  l'art  doit  venir  au 
fecoursde  la  nature^  on  y  eft  fouvent 
forcé  de  porter  le  lin  au  halloir. 

Le  halloir  eft  un  lieu  voûté ,  dans 
lequel  on  a  pratiqué  une  che minée |. 
Nnz 


2S4  L  I  N 

afin  d'actirer  la  fumée  ,  &  pour  l'em- 
pêcher de  noircir  les  lins.  On  fait  dans 
ce  halloir  un  feu  clair  ,  avec  le  bois 
le  plus  Cec  ,  ou  avec  des  clienevotces , 
qui  donneur  peu  de  fumée.  Les  lins 
y  font  placés  fur  claies,  &  on  les  en 
retire  dès  qu'ils  font  bien  fecs,  pour 
leur  en  fubilituer  de  mouillés. 

Dès  que  le  lin  eft  (ec ,  on  le  porte 
dans  des  greniers  bien  aires  ,  lî  on 
eft  dans  l'intention  de  réferver  pour 
l'hiver  un  genre  d'occupation  aux 
femmes  &  aux  enfans ,  luion  ,  l'on 
travaille  tout  de  fuite  à  féparsr  la 
filafle  de  la  chenevotte. 

On  teille  le  chanvre  ;  mais  il  feroit 
très-difficile  de  teiller  le  lin ,  à  caufe 
de  l'exiguité  de  fes  tiges.  Les  mé- 
thodes de  féparer  les  chenevotres  de 
l'écorce  ou  de  la  filalfe ,  varient  fui  vaut 
les  cantons. 

Dans  quelques  endroits  on  fe  fert 
d'un  banc  de  bois ,  bien  lilîe  &  bien 
uni  ,  fur  lequel  on  étend  le  lin  que 
l'on  tient  de  la  main  gauche  ,  &  de 
la  main  droite  on  frappe  avec  un 
battoir  de  blanchilTeufe,alin  de  brifer 
la  chenevorre.  Lorfqu'elle  l'cfl:  au 
point  convenable  ,  l'ouvrier  mec  fur 
le  banc  la  partie  qu'il  tenojt  dans  la 
main,  &  la  bat  également.  Enfuite, 
faififfant  avec  fes  deux  mains  les  ex- 
trémités de  la  filalFe  ,  il  la  palîe  & 
repafle  fur  l'angle  du  banc  qui  achève 
de  brifer  la  chenevotte  ,  &  il  fecoue 
lafil.4(re,ne  la  tenant  que  d'une  main, 
&  les  reftes  des  chenevottes  tom- 
bent fur  la  terre. 

Dans  d'autres  cantons  on  employé 
unù  h roye.  (  f'oye^  figure  II ,  plan- 
che VII,  )  Cet  inllrument  eft  beau- 
coup plus  expéditifque  le  premier, 
&  mérite  la  préférence  (\  l'ouvrier 
f^aic  bien  le  conduire.  11  a  l'inconvé- 


L  I  N 

nient  de  caflTer  les  fils  :  cela  eft  vrai, 
lorfque  les  bois  ne  lont  pas  bien  unis , 
&  loifque  leurs  arrêtes  font  trop 
vives.  Ici ,  au  lieu  du  batroir  donc 
on  a  parlé  plus  haut ,  on  fe  fert  d'un 
couteau  de  bois  arrondi,  nommé  ef- 
padoti  j  avec  lequel  on  frappe  fur  le. 
lin  ;  il  a  un  pouce  d'épailléur.  Là  ^ 
cet  efpadon  eft  de  trois  pouces  d'é- 
pailfeur.  Toutes  ces  méthodes  ne  me 
paroilTent  pas  auffi  utiles  que  celle 
dont  on  fe  fert  en  Livonie,  &  donc 
je  vais  tirer  la  defcription  des  mé- 
moires de  la  Société  d'Agriculture  de 
Bretagne.  On  doit  à  M.  Dubois  de  Do- 
nilac  de  nous  l'avoir  fait  connoître.^ 

La  broyé  des  Livoniens  eft  fem- 
blable  à  la  nôtre,  (  P^oyc-^ figure  II) 
depuis  l'axe  jufqu'à  la  longueur  des 
mâchoires  y  l'autre  moitié  de  la  lon- 
gueur, depuis  l'axe jufqu'au  manche,, 
eft  pleine  &  taillée  en  goutières  cor- 
refpondantes  ,  enforce  que  la  mâ- 
choire de  defiiis  s'applique  fur  celle 
de  deffous  ,  &  qu'elles  fe  touchent 
dans  toutes  leurs  parties,  parce  que 
les  angles  faillans  des  goutières  d'une 
des  mâchoires,  repondent  aux  angles 
lentrans  de  l'autre.  Ces  angles  font 
à-peu-près  de  foixance  degrés,  Se  l'ar- 
rête en  eft  moufle. 

La  différence  de  la  broyé  des  Li- 
voniens d'avec  la  nôtre,  n'auroir-elle 
pas  pour  but  deux  opérations  féparécs? 
La  première  confifte  à  broyer  la  fi- 
lalTe  lorfqu'elle  tient  encoïc  à  la  che- 
nevotte ,  <Sw  la  partie  des  deux  ma  - 
choires ,  qui  eft  vuide  ,  paroît  âc(- 
tinée  à  cet  ufage.  Comme  cecte  opé- 
ration demande  évidemment  plus  de 
force  que  celles  qui  fuivent  ,  auftî 
la  partie  qui  lui  eft  dtftinée ,  eft-elle 
du  coté  de  l'axe  qui  réunit  les  deux 
mâchoires;  c'eft  là  qu'avec  un  moin- 
dre eftort  laprctllon  a  inhnimentplus 


I  /VW  // 


/y  /'//  /■,,    ji'./ 


Se//h'f  Sr/t^'. 


L  I  N 

de  puiiïance,  &  que  le  coup  qui  pour- 
loic  détruire  le  filament,  en  a  infi- 
niment moins.  C'eft  donc  là  qu'il 
faut  engager  le  lin,  dans  le  temps  où 
l'on  veut  brifer  la  chénevotte,  lans 
que  le  fi.lament  foit  attaqué. 

Lorfque  la  clienevotte  eft  brifée, 
ôc  que  la  filalfe  en  eil  prefqu'entit— 
rement  féparée,  il  relie  à  l'en  purger 
tour-à-fair,  &  à  l'aflouplir.  Pour  cet 
ellet ,  on  engage  la  filalle  entre  les 
goutières  correfpondantes  des  mâ- 
choires inférieures  &l  fupérieures  j  elle 
ne  peut  y  éprouver  qu'un  frotte- 
ment alTez  léger,  puifqu'alors  elle 
eft  près  du  manche  que  tient  l'ou- 
vrier, ôc  loin  de  l'axe.  Ainfi,  en  la 
faifant  glilfer  entre  les  goutières  , 
tandis  que  les  mâchoires  font  un  peu 
preffées  l'une  contre  l'autre,  la  filalfe 
doit  ttre  alTouplie  dans  toute  {.\  lon- 
gueur, fans  être  expofée  à  ces  rup- 
tures continuelles  qu'elle  éprouve 
lorfqu'on  l'alfouplit  d'une  autre  ma- 
nière,  ou  par  la  broyé  ordinaire. 

La  Livonie  eft  d'une  fi  grande 
étendue  ,  qu'il  n'eft  pas  furprenant 
qu'on  y  employé  des  moyens  difié- 
rens  pour  la  préparation  àes  lins  & 
des  chanvres.  M.  Dubois  de  Donilac 
y  a  vu  exécuter ,  en  très  -  peu  de 
temps,  un  travail  qui  eft  très -long 
&:  très-difpendieux  en  France.  Ce  font 
des  moulins  qui  broyent  le  lin  îk 
les  chanvres,  &:  on  prétend  que  les 
lins  5c  chanvres  préparés  par  eux ,  fe 
vendent  quinze  à  vingt  pour  cent 
plus  chers  que  ceux  qui  ont  été 
broyés  ou  teilles.  Ces  machines,  ou 
en  bois  eu  en  pierre,  £c  plus  fou- 
vent  en  pierres ,  font  mues  ou  par 
l'eau  ,  ou  par  le  vent  ,  ou  par  un 
cheval  j  ainfi  on  peut  en  faire  ufage 
dans  toutes  les  pofitions. 

C'eft  en  général  une  aire  circu- 


L  I  N 

laire ,  terminée  par  un  rebord  de 
dix-huit  pouces  de  hauteur.  Cette 
aire  eft  un  plan  incliné  d'environ  fix 
pouces  du  centre  à  la  circonférence; 
une  pierre  un  peu  élevée  &  percée 
dans  Ion  milieu  occupe  le  centre  j  elle 
eft  deftinée  à  recevoir  une  pièce  de 
bois  pofée  verticalement.  On  afiem- 
ble  à  cette  pièce  de  bois  une  barre 
de  fer,  qui  traverfe  une  pierre  qui 
a  la  forme  d'un  cône  tronqué;  cette 
pierre  doit  être  non- feulement  unie, 
mais  adoucie,  afin  qu'en  brifant  par 
fon  poids  la  chénevotte  fur  laquelle 
on  la  fait  rouler  ,  la  filafle  ne  foie 
ni  coupée ,  ni  altérée  par  les  angles 
multipliés  d'une  furface  raboteufe. 
Le  chanvre  ou  le  lin  eft  étendu  fur 
l'aire  circulaire,  en  plaçant  le  gros 
bout  des  tiges  du  coté  de  la  circon- 
férence, &  le  petit  bout  du  côté  du 
centre.  Si  c'eft  du  lin  qu'on  veut 
broyer,  on  en  étend  deux  rangs  l'un 
au  bout  de  l'autre ,  afin  que  toure  la 
furface  de  l'aire  en  foit  couverte.  Une 
épaifteur  de  trois  ,  quatre  ou  cinq 
pouces  fuffit  d'abord.  On  lait  tourner 
la  pierre  ,  qu'on  peut  regarder  ici 
comme  une  meule.  Après  une  dou- 
zaine de  tours ,  la  couche  de  chanvre 
ou  de  lin  s'affaiife  fenfiblement;  on 
arrête  le  moulin  pour  mettre  uns 
féconde  couche  fur  la  première  ,  Sc 
enfin  une  troifième. 

Pendant  l'afFaiftement  qui  fe  fait 
à  chaque  couche,  un  ouvrier,  armé 
d'une  fourche  cà  trois  branches,  fuit 
la  meule  j  6c  retourne  les  brins  de  lin 
ou  ce  chanvre.  L'opération  de  tour- 
ner &  de  retourner  fe  continue  juf- 
qu'à  ce  que  la  chénevotte  foit  brifée,. 
&  que  les  particules  qui  en  reftent 
foient  peu  adhérentes  au  filaments 
On  les  retire  alors  de  delfus  l'aire  ,. 
&  il  fuffit  de  les  fecouer  par  poigace& 


28^  LIN 

d'une  médiocre  grofleiir ,  pour  faire 
tomber  toute  la  chenevotte. 

La  tilafle  dans  cet  état  n'a  be- 
foin  que  dette  peignée  pour  être 
poftée  à  fa  perfection.  Il  eft  d'nfage 
en  Livonie  de  la  faire  un  peu  fccher 
dans  le  four,  pour  que  le  travail  du 
peigne  n'en  diminue  pas  la  longueur. 
Il  eft  eOentiel  de  ne  l'expo  fer  qu'à 
une  chaleur  très-douce.  On  arrange 
la  filaffe  dans  le  four  fur  des  claies 
de  bois ,  &  à  plat. 

L'ufage  des  Livoniens  eft  de  com- 
mencer à  broyer  à  cinq  heures  du 
matin  Se  de  finit  à  minuit.  Pendant 
ce  temps  on  broyé  ordinairement , 
dans  un  moulin  qu'un  cheval  peut 
mouvoir ,  quatre  ou  cinq  pierres  de 
chanvre  ou  de  lin.  M.  de  Donilac 
penfe  que  chaque  pierre  répond  à- 
peu-près  à  trois  cens  livres  de  France, 
poids  de  marc.  Ce  travail  ne[demande 
chaque  jour  que  deux  à  trois  che- 
vaux, qui  font  fucceifivement  attelés. 
Deux  hommes  fufEfent  pour  gou- 
verner la  machine  j  ils  s'employent 
alternativement  à  retourner  le  lin  & 
à  faire  marcher  le  cheval. 

Il  eft  aifé  de  fentir  quelle  épargne 
on  feroit  fur  la  main  d'oeuvre  avec 
ces  moulins^  nos  meilleurs  ouvriers 
broyent  &  broyent  mal  environ  douze 
livres  de  chanvre  par  jour  ;  ain(i  il 
faudroit  en  employer  cent  douze  pour 
que  leur  travail  fournît  treize  cens 
cinquante  livres  de  filaife,  qui  font 
la  quantité  moyenne  entre  douze  &■ 
quinze  cent  livres  pefant,  que  broyent 
les  moulins  des  Livoniens. 

J'ai  vu  dans  plufieurs  endroits  du 
royaume,  par  exemple,  à  Vienne  en 
Dauphiné ,  des  moulins  à  -  peu  -  près 
femblables  ;  mais  on  ne  s'en  fert  que 
pour  broyer  le  çhauvre  après  qu'il  a 


L  I  N 

été  taillé.  Ce  broyement  fait  élever 
une  pouffière  très  fine,  qui  fe  répand 
dans  tout  le  moulin,  qui  caufe  de 
violens  picotemens  à  la  gorge  &  à  la 
poitrme  :  dans  ce  cas ,  il  y  a  donc  une 
opération  de  trop  dans  cette  méthode , 
celle  de  teiller  le  chanvre  &  de  broyer 
le  lin  avec  la  broyé  ordinaire ,  ou  avec 
l'efpadon  ou  le  battant  fut  une  pièce 
de  bois. 

Pour  mieux  connoître  les  détails 
des  préparations  du  lin  après  qu'il  a 
été  roui  ,  f'^oye^  la  Planche  Fil  j 
page  284J  que  j'ai  prife  dans  la  pre- 
mière édition  de  l'Encyclopédie, 

Cette  planche  repréfente  l'attelier 
des  efpadeurs,  dont  le  mur  du  fond 
eft  fuppofé  abbatu ,  pour  lailfer  voir 
dans  le  lointain  les  premières  prépa- 
rations, jîg.  I.  Routoir  Q  où  l'on  a 
mis  le  chanvie  ou  le  lin.  Plufieurs 
hommes  font  occupés  à  le  couvrir  de 
planches  &  à  charger  ces  planches 
de  pierres ,  pour  tenit  le  chanvre  au 
fond  de  l'eau  6c  l'empêcher  de  fur- 
nager. 

2.  Ouvrier  qui  pafte  le  lin  fur  l'é- 
grugeoir  R,  pour  détacher  le  grain 
qui  y  refte  attaché. 

3.  Le  haloir  T.  C'eftune  efpècede 
cabanne,  où  l'on  fait  fécher  le  chan- 
vre en  le  pofant  fur  des  bâtons  au- 
deffus  d'un  feu  de  chenevottes.  Com- 
me la  blancheur  du  lin  eft  un  de  (es 
principaux  mérites ,  on  doit  préféier 
le  haloir  dont  nous  avons  patlé. 

4.  Une  femme  S  qui  teille  le  chan- 
vre, c'eft-à-dire  qui,  en  rompant  le 
brin,  fépare  l'écorce  du  bois. 

5.  Ouvrier  qui  rompt  la  chene- 
votte avec  les  deux  mâchoires  de  la 
broyé  U. 

6.  Quvrier  qui  efpade  ^  c'eft-à-djre^ 


L  I  N 

t[ui  frappe  avec  l'efpadon  Z  fur  la 
poignée  de  chanvre  ou  de  lin  N  qu'il 
tient  dans  l'entaille  demi-circulaire 
de  la  planche  verticale  du  chevalet  Y. 

7.  Ouvrier  qui,  pourfairq  tomber 
les  chenevottes ,  fecouc  contre  la  plan- 
che M  du  chevalet  la  poignée  de  lin 
qu'il  a  efpadée. 

S.  Autre  efpadeur  qui  fric  la 
iTiême  opération  fur  l'autre  planche 
verticale  du  chevalet. 

5.  Bas  de  la  P/a/zc/ze.  L'égrugeoir 
dont  fe  fert  l'ouvrier  de  la  figure  z  j 
l'extrémité  de  cet  inftrumenc  ,  qui 
pofe  à  terre,  eft  chargée  de  pierres 
pour  l'empêcher  de  fe  renverler. 

10.  Mâchoire  fupérieure  de  la 
broyCjVuepar-defTous.  On  voit  qu'elle 
eft  fendue  dans  toute  fa  lonç;ueur 
pour  recevoir  la  languette  du  milieu 
de  la  mâchoire  inférieure  ,  i^  former 
avec  celle-ci  deux  languettes  ou  tran- 
chans  moulfes ,  propres  à  rompre  & 
à  brifer  la  chêne  votre. 

11.  La  broya  route  montée;  la 
mâchoire  fupérieure  eft  rerenue  dans 
l'inférieure  par  une  cheville  qui  tra- 
verfe  tous  les  tranchans. 

iz.  Chevalet  fimple  X,  le  même 
que  celui  cotté  X  dans  la  vignette. 

1 3.  Chevaletdoiible  Y  Y,  le  même 
que  ceux  cottes  M  Y  dans  la  vi- 
gnette. 

14.  Elévation  d'une  des  planches 
du  chevalet,  foit  fimple,  foit  double. 

15.  Elévation  &  profil  d'un  efpa- 
don  ,  vu  de  face  en  A  &  de  côté 
en  B. 

Au  mot  Chanvre,  j'ai  donné  le 
procédé  du  prmce  de  Saint -Sévère 
pour  le  préparer  &  le  rendre  auflî 
beau  que  celui  de  Perfe  3  je   crois 


LIN  287 

qu'on  pourroit  faire  ufage  de  ce  pro- 
cédé pour  le  lin  ;  cependant  j'avoue 
que  je  ne  l'ai  pas  ellayé.  On  trouve 
dans  les  Mémoires  de  l'Académie 
de  Srockolm  un  procédé  pour  rendre 
le  lin  aulîi  beau  que  le  coton  ;  je 
vais  le  rafTporter,  il  eft  de  M.  Palm- 
quift,  &  il  revient  à-peu- près ,  quant 
au  fond,  à  celui  du  prince  de  Saint- 
Sevèie. 

On  prend  une  chaudière  de  fer 
fondu  ou  de  cuivre  étamé,  on  y  mec 
un  peu  d'eau  de  mer  ;  on  répand  fur 
le  tond  de  la  chaudière  parties  égales 
de  chaux  &  de  cendres  de  bouleau 
ou  d'aune.  (  Toute  autre  cendre  de 
bois  qui  n'aura  pas  floté  fera  aulîi 
bonne  )  Après  avoir  bien  tamifé  cha- 
cune de  ces  matières,  on  étend  par- 
delfus  une  couche  de  lin  ,  qui  cou- 
vrira tout  le  fond  de  la  chaudière. 
On  mettra  par-delfus  alfez  de  chaux 
&  de  cendres  pour  que  le  lin  foie 
entièrement  couvert  ;  on  fera  une 
nouvelle  couche  de  lin ,  &  on  con- 
tinuera de  faire  ces  couches  alterna- 
tives jufqu'à  ce  que  la  chaudière  foie 
remplie  à  un  pied  près,  pour  que  le 
tout  puille  bouillonner.  Alors  on 
mettra  le  feu  fous  la  chaudière  , 
on  y  remettra  de  nouvelle  eau  de 
mer,  &:  on  fera  bouillir  le  mélange 
pendant  dix  heures,  fans  cependanc 
qu'il  lèche;  c'tft  pourquoi  on  y  re- 
mettra de  nouvelle  eau  de  mer  à 
mefure  qu'elle  s'évaporera.  Lorfque 
la  cuilfon  fera  achevée ,  on  portera 
le  lin  ainfi  préparé  à  la  mer,  &c  on 
le  lavera  dans  un  panier  ,  où  on 
le  remuera  avec  un  bâton  de  bois 
bien  uni  &  bien  lilfe.  Lorfque  le 
tout  fera  refroidi  au  point  de  pou- 
voir le  toucher  avec  la  main,  on  fa- 
vonnera  ce  lin  doucement,  comme 
on  fait  pour  laver  le  linge  ordinaire  , 


iSS  LIN 

Se  on  l'expofera'à  l'air  pour  qu'il  fe  fc- 
clie,  en  obfervanc  de  le  mouiller  &  de 
le  retourner  fouven:,  fur-tout  lorfque 
le  temps  eft  fec  :  on  le  battra  ,  ou 
le  lavera  de  nouveau,  -k  on  le  fera 
fccher.  Alors  on  le  tardera  avec  pré- 
caution ,  comme  cela  fe  pratique  pour 
le  coton  ,  enfuira  on  le  mettra,  en 
prelfe  entre  deux  planches,  fur  lef- 
quelles  on  placera  des  pierres  pe- 
fantes.  Au  bout  de  deux  fois  vingt- 
quatre  heures ,  ce  lin  fera  propre  à 
être  employé  comme  du  coton. 

§.  III.  De  la  graine  de  lin ,  relati- 
vement au  commerce. 

On  a  vu,  par  ce  qui  a  été  dit, 
comment  la  graine  de  lin  devient  un 
objet  intéreffrint  pour  le  commerce^ 
comme  on  l'a  fair  circuler  du  nord 
au  midi  &:  du  midi  au  nord  ,  par 
rapport  à  la  nécelllté  où  l'on  eft  de 
changer  les  femences  deftinées  à  fe- 
mer.  Quoique  cet  objet  foit  très-im- 
portant, on  peut  fe  paflfet  du  fecours 
intéreffe  des  Hollandois ,  en  échan- 
geant les  femences  d'une  de  nos  pro- 
vinces du  midi  avec  celles  d'une  de 
nos  provinces  du  nord ,  &  ainfi  tour-à- 
tour  j  i!  ne  s'agit  dans  chaque  endroit 
que  de  bien  cultiver  la  linière  def- 
tinée  à  la  graine. 

Le  fécond  objet  de  commerce  efl: 
l'huile  qu'on  retire  du  lin,  objet  bien 
plus  important  que  le  premier  ,  & 
dont  la  préparation  femble  être  pref- 
que  confinée  dans  nos  provinces  de 
Flandres  &  d'Artois.  Les  Hollandois 
achettent  la  graine  dans  nos  provinces 
maritimes  ,  en  retirent  l'huile  chez 
eux,  &  nous  revendent  enfijite  cette 
huile.  D'où  peut  provenir  fur  ce  fujet 
une  pareille  inàiiférence  de  notre  part?. 


L  I  N 

J'en  ai  cherché  pendant  long-tempî 
les  motifs  ,  &  j'ai  cru  appercevoir 
que  ce  vice  anti-économique  teiioit 
au  peu  de  force,  au  peu  d'énergie 
des  machines  que  nous  employons 
pour  extraire  l'huile  des  graines.  En 
eHer ,  li  on  compare  nos  prefloirs  , 
nos  moulins  à  ceux  des  Hollandois, 
il  eft  ficile  de  voir  que  d'une  mafi'e 
donnée  de  graine,  les  Artéfiens,  les 
Flamands  &  les  Hollandois  fur-  tout, 
retireront  une  plus  grande  quantité 
d'huile  ,  &  à  beaucoup  moins  de 
frais  5  dès-lors  notre  main  d'œuvre 
n'a  pu  fourenir  la  concurrence ,  & 
nous  avons  mieux  aimé  leur  vendre 
nos  graines ,  que  de  fonger  à  perfec- 
tionner nos  machines.  A  l'article 
Moulin  ,  je  donnerai  la  defcription 
de  celui  employé  par  les  Hollandois, 
bien  plus  exprelîif  &  expéditif  que 
celui  des  Flamands  &  des  Artéfiens. 

Je  ne  répéterai  pas  ici  ce  que  j'ai 
déjà  dit  fur  la  fabrication  de  Vhuile. 
(  ^o>'e:j  ce  mot  )  Je  me  contente  de  re- 
marquer que  la  coutume  de  la  retirer 
au  moyen  de  deux  plaques  échauffées 
par  l'eau  bouillante,  eftvicieufe,  & 
que  cette  chaleur  fait  réagir  fur 
l'huile  gralFe  l'huile  elTentielle;  enfin 
qu'elle  contraéte  promptement  une 
odeur  &  un  goût  tores.  Cette  qualité 
défeclueufe  eft:  indifférente  lorfque 
l'huile  doit  être  employée  d.ms  les 
arts,  mais  il  n'en  eft  pas  ainfi  lorf- 
qu'elle  doir  fervir  aux  apprêts  des 
alimens.  La  difficulté  d'extraire  l'huile 
avec  de  mauvais  prelFoirs ,  fait  re- 
courir à  l'ufage  des  plaques  chaudes. 

La  graine  de  lin  ne  doit  être 
renfermée  dans  des  facs,  ou  amon- 
celée ,  que  lorfqu'elle  eft  parfaite- 
ment fèthe;  elle  demande  encore  à 
être  tenue  dans  un  lieu  bien  {ec  & 
expofé  à  un  courant  d'air.  Si  on  la 

ferme 


LIN  LIN            2S9 

ferme  humide  ,  elle  fermente,  s'é-  efTemielIe,  dans  l'afthmecoiivulfif  &: 
chauffe ,  &c  Vhuiie  quelle  renferme  fe  la  roux  cacarrhale ;  plufieurs  médecins 
vici'^  (  rv\e-{  le  mor  Huile  )  &  di-  préfèrent  la  décoélion  édulcorée  avec 
minueeii  qumnté.  L'ecorce  qui  revêt  le  miel  blanc  ..  Extérieurement,  le 
l'amande  de  la  graine  eft  remplie  de  mucilage  appaife  les  douleurs  hémoc- 
mu;ila(;e;  on  peut  s'en  convaincre  rhoidales;  il  eft  nuifiblc  fur  les  tu- 
en  jetant  quelques  graines  dans  l'eau,  meurs  inflammatoires  &  fur  les  btû- 
&  on  verra  bientôt  fe  former  tout-  lûtes  récentes.  L'huile  de  lin  par  ex- 
autour  une  efpèce  de  gelée,  &  li  l'on  prcdion,  en  onétion  ,  relâche  les  re- 
met beaucoup  de  granies ,  l'eau  de-  gumens ,  mais  elle  ne  guérit  pomt  les 
viendra  mucilagineufe  &  gluante,  douleurs  des  articulations ,  les  mou- 
Or,  fi  l'eau  a  la  faculté  de  détruire  vemens  convulfifs ,  ni  les  raches  de  la 
ce  mucilage  ,  l'humidité  de  l'arniûf-  peau....  Intérieurement,  elle  fait 
phère  a  donc  en  partie  fut  lui  la  quelquefois  mourir  les  vers  afcarides, 
même  aélion;  de-là  réfulte  la  nécef  cucurbitins  &  lombricaux  ;  elle  calme 
fîté  de  tenir  la  graine  dans  un  lieu  les  coliques  caulées  par  des  fubftances 
fec  (!k  expofé  .n  un  courant  d'air  qui  vénéneufes ,  comme  la  plupart  des 
dilîîpe  rhumidité.  D'ailleurs,  l'état  huiles  par  expieiiion. 
alternatif  de  ficcité  &  d'humidité  On  piefcrit  les  femences  du  lin 
qu'éprouveroit  la  graine,  nuit  à  façon-  depuis  demi- dragme  jufqu'à  demi- 
fervation,  à  la  qualité  &  à  la  quan-  once,  en  décoéèion  dans  huit  onces 
tiré  de  l'huile.  d'eau;  l'huile  fe  prend  intérieurement 

depuis  deux  jufqu'à  quatre  onces,  & 

§.  IV.   De  la  graine  de  lin ^  relad-  ^^  lavement  à  la  dofc  de  huit  onces. 

V    ,         '  /    •  11    eft    très-eftcntiel  de   fe  fervir    de 

vement  a   la  médecine.  i-i    m      ■   -               •                     »"    uii 

1  huile  tirce  tout  récemment. 

.  Pour  l'animal,  la  dofe  de  l'huila 

La  grame  eft  la  feule  partie  du  lin ,  j^  n^  gft  j^  ^^^^^^^^  ^^^^^ .  ^^n^  j^^ 

employéeenmédecine,elledonneune  graines  eft  d'une  à  deux  onces  fuc 
huile ,  un  fuc  gluant ,  mucilagmeux  l^^\^  Hyres  de  décuélion  ou  de  boiiroa. 
&fade;  elle  eft  émolliente  par  ex-  La  graine  moulue  f^  réduite  en 
cellence,bechique,antiphlogiftique.  f^ji^g  eft  cmolliente  &  macér.itive, 
La  décodion  des  femences  dimi-  &  on  s'en  fert  pour  les  cataplafmes. 
nue  fenfiblemeiu  l'ardeur  d'urine  quel- 
quefois occafionnce  par  l'application  LIN  A  IRE  COMMUNE,  ou  LIN 
des  mouches  cantharides;  &  le  pilfe-  SAUVAGE.  (  P'(nc^  Pianche  FI  ^ 
ment  de  fang,caufé  par  les  mouches  page  148.  )  Von  Linné  la  claiïe  dans 
cantharides  prifes  intérieurement;  la  dydinamie  angiofpermie ,  &  la 
l'ardeur  d'urine  par  l'inflammation  du  nomme  anthirrinum  Lnaria.  Tour- 
col  de  la  vellie  ou  de  l'urètre  ;  l'ardeur  nefort  la  place  dr.ns  la  troifième  clalfe 
d'urine  par  âcreté  des  urines;  elle  qui  renferme  les  herbes  à  fleur  d'une 
augmente  le  cours  de  ce  fluide,  fuf-  feule  pièce  ,  irrégulière  &  terminée 
pendu  par  un  état  inflammatoire.  Le  par  un  mufle  à  deux  mâchoires,  & 
mucilage  des  femences  foulage  quel-  il  l'appelle  linaria  vulgaris  lutea  j 
quefois   dans  la   phtifie  pulmonaire  flore  majore. 

Tome  VI,  Q  o 


190  LIN 

Fleur.  Jaune,  formée  par  un  mufle 
à  deux  mâclioires ,  &  dont  le  fond 
eft  terminé  par  un  éperon  ou  queue 
femblable  à  la  poinre  d'un  capuchon. 
B  repréfente  le  piftil  forçant  du  mi- 
lieu du  calice,  entre  la  partie  fupé- 
rieure  de  la  fleur  C  &:  l'intérieure  D, 
dans  chacune  defquelles  fe  trouvent 
deux  étamines  ;  en  tout  quatre  éta- 
mines ,  donc  deux  plus  longues  & 
deux  plus  courtes. 

Fruit.  E  Coque  partagée  en  deux 
loges  F ,  remplies  de  femences  plates 
G,  qui  ont  la  figure  d'un  petit  rein, 
entourées  à  leur  bord  d'un  feuillet 
membraneux,  &  elles  font  noires. 

Feuilles.  En  forme  de  lance ,  li- 
néaires, ferrées  contre  la  tige. 

iîflci^e.  A  Blanche,  dure,  ligneufe, 
rampante ,  traçante. 

Porc.  De  la  même  racine,  s'élè- 
vent à  la  hauteur  d'un  pied,  &  quel- 
quefois davantage  ,  plufieurs  tiges 
cylindriques  &  branchues  à  leur  fom- 
met,  où  naiflent  des  fleurs  en  épi  , 
portées  par  de  courts  péduncules  qui 
naiflent  de  l'aiflelle  des  feuilles. 

Lieu.  Les  terreins  incultes  5  la 
plante  eft  vivare  &  fleurit  pendant 
les  grandes  chaleurs. 

Propriétés.  Son  odeur  eft  fétide , 
&  fa  faveur  légèrement  falée  & 
amère  \  elle  eft  fortement  réfolutive, 
émolliente  &  diurétique. 

Ufjges.  On  ernploie  toute  la 
plante  ;  on  s'en  fert  rarement  pour 
l'intérieur;  appliquée  en  cataplafme, 
elle  eft  anti-hémorrhoïdale  j  fon  fuc, 
employée  contre  les  ulcères,  a  peu 
de  vertu. 

LINIMENT.  Efpèce  de  médica- 
ment qui  s'applique  à  l'extérieur,  & 
dont  on  frotte  légèrement  la  partie 


LIS 

malade.  Le  liniment ,  proprement  dir, 
doit  être  d'une  conliftance  moyenne 
entre  l'huile  par  expreflion  ,  le  bau- 
me artificiel  &  l'onguent. 

LIS  BLANC  ou  LIS  COMMUN. 

\^on  Linné  le  clalTe  dans  l'hexandrie 
monogynie,  &  le  nomme  lïLium  can- 
didum.  Tournefort  l'appelle  lilium 
album  vulgare  j  &  le  place  dans  la 
quatrième  feébion  des  herbes  à  fleur 
régulière  en  lis  ,  compofée  de  fix 
pétales ,  &  dont  le  piftil  devient  le 
fruit. 

Fleur.  Blanche  &  fans  calice,  en 
forme  de  cloche  étroite  à  fa  bafe  , 
compofée  de  fix  pétales  droits ,  éva- 
fés ,  recourbés ,  &  chaque  pétale  a 
un  nectaire  à  fa  bafe  5  les  étamines 
au  nombre  de  fix  &  un  piftil. 

Fruit.  Capfule  formée  par  le  ren- 
flement du  piftil  ,  marquée  de  fix 
filions ,  à  trois  loges,  à  trois  valvules, 
renfermant  des  femences  plates  ,  en 
recouvrement  les  unes  fur  les  autres. 

Feuilles.  Eparfes ,  fimpies  ,  très- 
entières  ;  celles  qui  partent  des  ra- 
cines font  larges,  longues  &:  poin- 
tues; celles  des  tiges  plus  étroites  &: 
plus  petites,  à  mefure  qu'elles  ap- 
prochent du  fom.met. 

Racine.  Bulbeufe  &  formée  d'é- 
cailles  appliquées  les  unes  fur  les 
autres. 

Port.  La  tige  s'élève  depuis  deux 
jufqu'à  quatre  pieds,  fuivant  la  na- 
ture du  fol ,  du  climat  &  de  la  cul- 
ture ;  cette  tige  eft  herbacée ,  feuillée , 
très-fimple;  les  fleurs  nailfent  au 
fommet ,  &  elles  ont  une  ou  deux 
ftipules  au  bas  de  chaque  péduncule. 

Lieu.  LaPaleftine,  la  Syrie,  cul- 
tivé dans  nos  jardins ,  où  il  n'cft  pas 


LIS 

fenfible  aux  froids  ;  il  fleurit  en  juin, 
juillet  &  aoûtj  fuivant  le  climat. 

Culture.  Cette  plante  eft  telle- 
ment devenue  indigène  en  France  , 
qu'elle  n'exige  aucun  foin  particulier  j 
elle  demande  tout  au  plus  que  la 
plate- bande  dans  laquelle  elle  eft 
plantée,  foit  travaillée  au  printemps, 
&  débarraffée  des  mauvaifes  herbes. 
Cependant  une  bonne  culture  &  un 
bon  fol  augmentent  la  hauteur  de  fa 
tige  &  le  volume  de  fes  fleurs.  J'i- 
gnore s'il  exifte  des  lis  blancs  à  fleurs 
doubles  j  je  n'en  ai  jamais  vu. 

On  peut  multiplier  ce  lis  par  les 
femences,  mais  cette  voie  eft  lon- 
gue j  il  eft  plus  fimple  de  fe  fervir 
des  caïeux ,  qui  font  en  très-grand 
nombre  ;  une  feule  écaille,  mife 
en  terre  &  foignée,  produira  dans  la 
fuite  un  oignon  parfait.  Le  temps 
convenable  à  la  féparation  des  caïeux, 
eft  marqué  par  le  delTéchement  com- 
plet des  tiges  &c  des  feuilles  ;  les 
amateurs  font  cette  opération  tous 
les  trois  ans.  L'habitant  des  campa- 
gnes lailfe  l'oignon  livré  à  lui-même, 
ne  le  déhlente  jamais ,  &  il  en  fort 
des  malTes  de  tisjes.  Le  lis  s'accom- 
mode  aftez  bien  de  toutes  fortes  de 
terreins  :  on  dit,  &  je  ne  l'ai  pas 
éprouvé,  qu'en  plantant  les  oignons 
à  différentes  protondeurs  ,  on  avance 
ou  l'on  retarde  leur  flenraifon.  Les 
lis  font  très -bien  dans  les  grandes 
plates  -  bandes  des  jardins  j  leurs 
•fleurs  ,  le  grouppe  des  feuilles  &  des 
tiges  font  très-parans. 

On  a  cherché  en  vain  à  donner  ar- 
tificiellement une  autre  couleur  aux 
fleurs  du  lis  ,  foit  par  des  arrofemens 
d'eau  colorée  ,  foit  en  plaçant  des 
couleurs  fous  l'écorce  des  tiges.  Nous 
ignorons  quels  font  les  moyens  que 


LIS  291 

la  nature  a  pour  décorer  d'un  blanc 
éclatant,  le  lys;  d'un  jaune  agréable, 
la  jonquille;  d'un  bleu  raviffant,  le 
bluet,  &c.  Lailfons-là  agir,  elle  eft 
bien  au-deffus  de  l'arr ,  S>c  toutes  fes 
opérations  font  merveilleufes,  &  ma- 
niteftent  la  fageffe  de  celui  qui  a 
donné  la  vie  à  l'univers. 

Propriétés  médicinales.  La  racine 
eft  onôtueufe  &  grafte  ;  l'odeur  de 
la  fleur  eft  agréable  ,  mais  forte  , 
fûuvent  très-nuifible  dans  les  appar- 
temens ,  &  fur-tout  dans  la  chambre 
où  l'on  couche,  donr  elle  vicie  l'air 
qu'elle  rend  méphitique.  La  racine 
eft  maturative  &  anodine  ;  les  fleurs 
anodines  &  échaufl^antes, 

Ufages.  L'oignon  broyé  ou  cuir 
avec  la  mie  de  pain  ,  accélère  la 
maturité  des  abfcès ,  &:  change  en 
abfcès  une  tumeur  inflammaroire. 
L'oignon  cuit  fous  les  cendres  chau- 
des ,  &  mis  enfuite,  depuis  demi- 
once  jufqu'à  deux  onces ,  en  macéra- 
tion dans  cinq  onces  d'eau  ou  de  vin 
blanc,  eft  un  urinaire  adtif;  il  eft 
employé  utilement  dans  l'hydropifie 
de  poitrine  j  &  dans  l'afthme  pitui-. 
teux. 

On  fait  beaucoup  de  cas  de  l'huile 
dans  laquelle  on  a  fait  macéret  des 
fleurs  de  lis  :  l'huile  feule  nouvelle  , 
ou  bonne  ,  produiroit  le  même  effet. 
L'eau  diftiUée  des  fleurs  eft  prefque 
entièrement  femblable  à  l'eau  de  ri- 
vière :  fon  efficacité  ne  vaut  pas  la 
peine  qu'on  employé  à  cette  opé- 
ration. Cette  eau  eft  réputée  cofmé- 
tique  ,  c'eft-à-dire  propre  à  adoucir 
&:à  embellir  la  peau;  on  ajoute  même 
qu'elle  diflipe  les  rides  &  les  fignes 
de  la  vieillefl^e.  Si  cette  affertion  étoir 
vraie ,  on  verroic  des  champs  entiers 
plantés  en  lis. 

O02 


i^z  LIS 

Le  Lis  Bulbeux,  ou  Lis  Jaune. 
Lilium  bulbiferum.  Lin.  Il  diffère  du 
premier ,  par  la  couleur  jaune  de  fa 
fleur ,  par  la  difpofuion  de   fes  pé- 
tales qui    font  droits  ,  &    non   pas 
liifés  en-dedans  5  mais  fur-tout  par 
i^^  tiges.   On  voit  aux  aiffelles  des 
feuilles  ,  aux  péduncules  des  fleurs , 
de   petites  bulbes  qui  s'ouvrent  en- 
deffus    par    écailles.    Ils   font   noirs 
quand   ils  font  mùts  ,    tombent  & 
prennent  racine  en  terre.  On  peut 
facilement  multiplier  cette  efpcce  par 
ces  bulbes ,  qui  ,  étant  fecs ,  ont  une 
odeut  de  violette.  La  culture  de  cette 
efpèce  n'eft  pas  plus  difficile  que  celle 
de  la  précédente  j  mais  elle  a  fourni 
lin  grand  nombre  de  variétés ,  dont 
voici  les  prin:ipales. 

Le  lis  bulbeux  à  fleurs  d'un  pour- 
pre jaune. 

Le  même  &  la  même  couleur  ,  à 
fleurs  doubles. 

Le  même  ,   à  fleurs  plus  petires. 

Le  même  ,  à  flcurs  blanches. 

Le  lis  bulbeux  eft  indigène  en 
Sibérie ,  en  Autriche  &  en  Italie. 

Lis  be  PoMroNE  ,  on  Lis  rouge  , 
ou  Le  Rouge  vermeil,  ii/ii^/n  Pom- 
ponium.  Lm.  Son  caractère  eft  d'avoir 
les  feuilles  éparfes ,  linéaires ,  aiguës , 
à  trois  côtés  ,  formant  une  efpèce  de 
gouttière  ;  fes  fleurs  réfléchies ,  & 
fes  pétales  roulés ,  &  comme  peints 
avec  du  vermillon.  U  a  fourni  deux 
variétés  principales,  celui  à  odeur  & 
celui  à  feuilles  courtes  &  graminées. 
Cette  plante  qui  fleurit  plutôt  que  les 
autres  lis,  produit  un  joli  effet.  Elle 
eft  ,  ainfi  que  fes  variétés,  originaire 
de  la  Sibérie  &  des  Pyrennées ,  Se 
fupporte  difficilement  les  fortes  cha- 
leurs des  provinces  du  midi. 


L  I  S 

Lis  de  Calcédoine.  Lilium  cal- 
cedonicum.  Lin.  Feuilles  éparfes  ,  en 
forme  de  fer  de  lance  \  la  tige  eft 
recouverte  de  feuilles  jufqu'au  fom- 
met;  les  Heurs  font  renverfées  contre 
terre  ,  &:  leurs  pétales  roulés.  Cette 
plante  varie  fuivant  les  lieux  ^  la  tige 
ne  porte  quelquefois  qu'une  feule 
fleur  ,  &  l'onglet  qui  réunit  fes  pé- 
tales eft  fouvent  velu.  Elle  eft  oii- 
ginaire  de  Calcédoine.  La  plante  ne 
craint  pas  les  rigueurs  de  l'hiver  des 
provinces  méridionales  j  elle  fournit 
deux  variétés  :  dans  l'une  la  tige  porte 
plufieurs  fleurs  ,  &  dans  l'autre  ,  la 
couleur  des  fleurs  eft  d'an  pourpre- 
fan^uin. 

Lis  Superbe.  Lilium  fuperhum. 
Lin.  Il  eft  originaire  de  l'Amérique 
feptentrionale.  Ses  feuilles  font  épar- 
fes fur  la  tige  ,  lancéolées  ,  étroites, 
pointues.  Du  même  point  du  fommec 
de  la  tige,  qui  s'élève  cjuelquefois  à 
fix  pieds  de  hauteur ,  partent  les  pé- 
duncules des  fleurs  qui  femblenc 
rendre  la  tige  rameufe  ;  les  fleurs  s'in- 
clinent contre  terre,  &  leurs  pétales 
font  roulés.  Cette  plante  n'exige  pas 
plus  de  culture  que  le  lis  blanc  ,  & 
elle   fait  l'ornement  des  jardins. 

Lis  M  ART  AGON.  ii/iaOT  managon'. 
Lin.  Il  diffère  des  autres  lis  par  fa 
racine  bulbeufe ,  qui  eft  jaunâtre  j  fa 
tige  cylindrique ,  liffe ,  &  fouvent  par- 
femée  de  points  rouges  \  fes  feuilles 
font  rangées  tout  autour  de  la  tige  ' 
comme  les  rayons  d'une  roue  le  font 
contre  l'effieu  ,  &  elles  font  à  deux 
rangs,  chaque  rang  compofé  de  fix  à 
fept  feuilles.  Au  haut  de  la  tige  naif- 
fent  les  fleurs ,  portées  fur  de  longs  pé- 
duncules; les  pétales  de  la  fleur  font 
purpurins  ,  tachetés  de  rouge  j  les 


Toni.  VI. 


.  VJ/J.J:,. 


^uza/ie-'  ■ 


PefifJ^  i.rrfnn  ■ 


Ji-l/ui-  Jl-f/f.         SiTacâo/i.oii  Perj-i/  J,:  Jifacejoùie. 


JjIipilL  ■ 


L  I  S 

étamines  font  de  la  longueur  du  piftil  ; 
à  la  bafe  de  chaque  péduncule  on 
remarque  deux  feuilles  Horales ,  Tune 
plus  glande  ,  &c  l'autre  plus  petue. 
Dans  les  parties  inférieures,  la  feuille 
florale  la  plus  grande,  eft  à  gauche, 
&  à  droite  dans  les  fupcrieures.  On 
le  trouve  dans  la  Hongrie,  la  Suiife, 
Ja  Sibérie. 

Toutes  efpèces  de  lis  ornent  très- 
bien  un  jardin  ;  on  peut  même  en 
garnir  les  lifières  desbofquets  ;  mais 
elles  doivent  y  être  plantces  fans  or- 
dre ,  afin  qu'elles  aient  l'air  d'être 
naturelles  au  fol.  Ce  que  je  dis  des 
bofquets  ,  s'applique  également  aux 
bordures  des  prairies ,  &:c. 

Il  feroit  à  défirer  qu'on  pur  en- 
core multiplier  dans  les  jardins  /c 
lis  du  Canada ,  à  fleurs  jaunes ,  par- 
femées  de  taches  noires  ;  celui  de 
Philadelphie,  à  fleurs  droites,  &  à 
feuilles  verticillées  comme  celui  du 
Canada  ,  &  du  Canifchalca,  à  fleurs 
pourpres  ,  à  tige  cylindrique,  lilFe  , 
haute  d'un  pied. 

Lis  des  Valées.  (  l^^oye^  M  u- 

GU  IT   ) 

Lis  des  Étangs.  (  Foyei'i^fMV- 

JPHARD  ) 

LISERON  DES  CHAMPS  ,  ou 
LISET.  {Planche  FIJI)  Von  Linné 
le  nomme  convolvulus  arvenjis  ,  &  le 
claiïe  dans  la  pentandrie  monogynie. 
Tournefort  le  place  dans  la  troificme 
feftion  de  la  première  claflTe  des  her- 
bes à  fleurs ,  d'uHe  feule  pièce  ,  en 
forme  de  cloche  ,  dont  le  piftil  fe 
change  en  un  fruit  fec ,  &  à  capfules  j 
il  l'appelle  convolvulus  arvenjis  minor , 
fiore  rofeo. 

Fleur.  Formée  par  un  tube  coure, 


LIS  icj3 

^vafé  à  l'extrémité  fupérieure,à  cinq 
divihons  ,  variant  beaucoup  pour  la 
couleur  ,  quelquefois  pourpre  ,  ^'  le 
plus  fouvent  couleur  de  rofe ,  quel- 
quefois blanche.  B  repréfente  les 
cinq  étamines  attachées  au  pétale  j 
repréfente  ouvert  en  C.  Le  piftil  D 
s'attache  ,  au  fond  du  calice  E  a 
cinq  divifions. 

Fruit.  F  Capfule  à  deux  loges ,  re- 
préfente en  G  coupé  tranfverfalc- 
ment  ,  pour  Irdfler  voir  de  quelle 
manière  les  graines  fphériques ,  an- 
guleufes  H,  s'attachent  au  placenta  1. 

Feuilles.  Lilfes ,  en  forme  de  fer 
de  flèche  ,  aigu  de  tous  côtés  ;  les 
pétioles  plus  courts  que  les  feuilles. 

Racine.  A.  Longue,  menue,  ram- 
pante, peu  fibreule. 

Lieu.  Le  bord  des  grands  cheminSp 
les  champs ,  les  jardins.  A'Ialheureu- 
fement  la   plante  eft  vivace. 

Porc.  Tiges  grêles ,  foibles ,  cou- 
chées circulairementfur  terre,  fi  elles 
ne  trouvent  point  de  fupport ;  les 
fleurs  naiffent  des  ailTelles  des  feuil- 
les ,  &  leur  péduncrile  eft  prefque 
égal  à  la  longueur  des  feuilles. 

Propriétés,  M.  Tournefort  Ja  re- 
garde comme  un  àts  meilleurs  vul- 
néraires employés  en  médecine.  Les 
gens  de  la  campagne  brifenr  les  feuil- 
les &c  les  ti^es  entre  deux  cailloux  , 
&  les  appliquent  fur  les  plaies .... 
La  dénomination  de  convolvulus  vient 
de  convolvere ,  c'eftà-dire  entourer. 

Les  jardiniers  difent  que  fa  racine 
vient  des  enfers  j  parce  qu'elle  s'en- 
fonce fi  profondément^qu'on  ne  peuc 
en  trouver  le  bout.  Si  on  la  divife  en 
morceaux  ,  en  fouillant  la  terre  , 
chaque  morceau  produit  une  nouvelle 
plante  ,  &  on  la  propage  ainfi  à  l'in- 
fini. Le  feul  moyen  de  la  détruire  eft 


254  LIS 

de  l'épiiifer  ,  en  cbiipanc  fans  ceflê 
les  tiges  qu'elle  poLilfe ,  &  ce  n'eft 
qu'avec  le  temps  &  la  patience  qu'on 
en  vient  à  bout.  Cette  plante  fleurit 
pendant  l'été  ,  &  bien  avant  .en- 
core dans  l'automne  ;  fes  eraines 
germent  par -tout,  même  dans  les 
gerfures  des  pierres.  Outre  que  cette 
plante  épuife  la  terre  ,  elle  détruit 
toutes  les  plantes  de  fon  voifinage; 
elle  s'entortille  à  elles  par  un  mou- 
venient  oppofé  à  la  courfe  du  fo- 
leil,  les  ferre  >  les  étrangle,  &:  les 
tait  périr. 

Le  Grand  Liseron,  ou  Liseron 
DES  Haies.  Convolvu'usfepium.  Lin. 
11  diflère  du  précédent  par  fa  fleur 
blanche  ,  Se  du  double  plus  grande; 
pir  ks  feuilles  en  forme  de  fer  de 
flèche ,  mais  tronquées  par  derrière  ; 
par  les  péduncules  des  fleurs  de  la 
longueur  des  pétioles  des  fleurs  ;  par 
deux  feuilles  florales  ,  en  forme  de 
cœur  ,  &:  plus  longues  que  le  calice. 
On  lui  attribue  les  mêmes  propriétés 
qu'au  piécédent  ;  la  plante  eft  vi- 
vace.- 

Eft;-ce  à  cette  efpèce  qu'on  doit 
rapporter  le  charmant  hferon  cultivé 
dans  les  jardins ,  &  qui  s'élève  lin- 
gulièrement  haut ,  lorfqu'on  lui  donne 
des  tuteurs  ?  Sa  fleur  eft  d'une  belle 
couleur  bleue  ,  tirant  par  nuance  fur 
le  pourpre  violet.  On  en  forme  des 
tonnelles  qui  font  bientôt  couvertes  , 
des  colonnes ,  des  port'ques  chargés 
de  fleurs  qui  s'épanouiflent  le  foir, 
&  reftent  ouvertes  jufqu'au  lende- 
main vers  les  dix  heures  du  matin  , 
&  pendant  toute  la  journée  li  le  temps 
eft  couvert.  Plus  le  fonds  de  terre  eft 
riche  ,  &  plus  la  plante  s'élève;  elle 
demande  de  fréquens  arrofemens  , 
&  la  première  petite  gelée  la  détruit. 


Le  Liseron  Tricolor  ,  ou  a 
TROIS  COULEURS.  Convolvulus  trl- 
coior.  Lin.  Ce  Hferon  mérite  d'être 
, cultivé  dans  les  jatdins  où  on  lui  a 
donné  le  nom  de  Bïlle-de-Jour  , 
parce  que  la  fleur  épanouit  le  matin 
&  fe  ferme  le  foir.  Ses  fleurs  ont 
trois  couleurs,  le  fond  en  eft  bleu& 
blanc,  avec  des  zones  jaunes.  Le  tube 
de  la  fleur  eft  alongé ,  il  eft  feule- 
ment bleu  à  l'extérieur.  La  fleur  eft 
portée  par  un  très-long  péduncule, 
qui  s'élance  des  aiflelles  des  feuilles; 
fes  tiges  rampent  fur  terre  ;  fes  feuilles 
ont  la  forme  d'une  fpatulc,  &:  n'ont 
point  de  pétioles.  La  culture  les  fait 
fouvent  varier.  La  plante  eft  annuelle 
6c  fleurit  pendant  l'été. 

On  la  feme  fur  place ,  dans  les  pre- 
miers jours  du  printemps.  Lorfque  le 
fol  eft  bien  préparé  ,  on  met  trois  à 
quatre  graines  dans  le  même  trou. 
Si  toutes  végètent  ,  on  n'en  lailfe 
qu'une  ou  deux,  &  elles  fleuriflenc 
en  juin  &  juillet.  On  peut  égale- 
ment les  femer  en  automne,  alors 
la  planre  fleurit  au  prinremps.  Cette 
plante  ne  demande  aucun  foin  par- 
ticulier. La  vivaciré  des  couleurs  de 
fes  fleurs  ,  off^re  un  joli  coup-d'œil. 
On  peut  en  garnir  des  plates  bandes 
entières.  Cette  plante  eft  originaire 
d'Efpagne  ,  &;  elle  eft  annuelle. 

La  Soldanelle  eft  encore  une 
efpèce  de  Hferon.  (  f^oye^  le  mot 
Soldanelle  )  Il  en  eft  ainfi  pour 
le  liferon-jALAB  ,  leliferon-BATAXE, 
le  liferon-ScAMMONHE.  (  f^oye-^  ces 
mots.  )  De  plus  grands  détails  fur 
les  liferons  ,  nous  meneroient  trop 
loin;  car  Von  Linné  en  compte  cin- 
quante-trois efpèces  ,  dont  la  con- 
noilTance  de  la  plupart  eft  très-inutile 
aux  cultivateurs  ,  ou  aux  fîeuriftes. 


L  I  T 

Il  ne  s'agir  point  ici  d'un  didloniuire 
de  botanique. 

LITHARGE.  Mélange  du  plomb 
&  de  récume  qui  fort  de  l'argent  ou 
de  tout  autre  métal  raffiné  par  le 
plomb  fondu.  Il  y  en  a  de  deux  cou- 
leurs :  la  li charge  appellée  d'argent , 
&  celle  appellée  d'or.On  peut  réduire 
la  litharge  en  plomb,  en  la  fondant 
à  travers  les  charbons.  Elleeftfouvent 
employée  en  médecine  dans  la  compo- 
ficion  des  emplâtres  &  des  onguents  j 
en  peinture  ,  comme  deflîcative  de 
l'hude,  8c  par  les  frelateurs  des  vins 
&  des  cidres.  Au  mot  Vin,  nous  in- 
diquerons le  moyen  de  reconnoître 
leurs  fraudes  ,  irès-préjudiciables  à 
la  fanté. 

LITIÈRE.  Paille  qu'on  répand 
dans  les  écuries  ,  dans  les  érables , 
fous  les  chevaux  ,  les  bœufs ,  les  mou- 
tons ,  &  fur  laquelle  couchent  les 
animaux.  Dans  beaucoup  d'endroits 
la  paille,  même  de  feigle,  eft  trop 
sèche  &  trop  rare;  par  exemple  ,  fur 
les  monragnes  ,  pour  la  facrifier  à 
cet  ufage,  on  la  fupplée  par  de  jeu- 
nes poulies  de  pins  ,  de  fapins,  de 
mélèze  ,  par  la  bruyère ^  les  genêts, 
la  fougère  ,  le  chaume  des  bleds  ,  les 
tiges  du  farrazin  ,  ou  bled  noir  ,  du 
maïs ,  ou  bled  de  Turquie ,  des  buis , 
des  feuilles  de  noyer,  de  châreignier, 
celles  des  arbres  forelliers,  des  vignes 
mêmes ,  dans  le  befoin  \  enfin ,  de  ce 
que  l'on  trouve  de  plus  abondant  , 
de  moins  coûteux  ,  &  de  plus  fufcep- 
tible  de  s'imprégner  de  l'urine  des 
animaux. 

Dans  les  villes  ,  on  a  la  fage  cou- 
tume de  lever  chaque  jour  la  litière, 
de  poulfer  fous  l'auge  la  paille  qui 
n'eil  pas  humectée.  Se  de  tranfporter 


LIT  195 

au  dehors  celle  qui  l'eft.  Le  foir,  ou 
étend  de  nouveau  la  paille  mife  en 
réferve,  &  on  en  ajoute  de  nouvelle  j 
&  ainli  de  fuite  chaque  jour.  Cette 
méthode  eft  très-bonne;  mais  eft-elle 
praticable  dans   les  campagnes  où  , 
par  une  parcimonie  mal  entendue, 
le  nombre  des  valets  eft  Toujours  au- 
dellous   de  l'ouvrage    que  l'on    doit 
faire  ;   &    quand  ce    nombre    feroit 
augmenté  en  proportion  du  travail, 
auroit-on  alTez  de  paille  à  facrifier  à  la 
litière?  Cela  eft  bon  dans  quelques 
provinces  à  grains,  mais  très-difficile' 
ou  prelqu'impollible  dans  beaucoup 
d'aurres.  De-là  eft  venue  la  déreftable 
manie  de  ne  lever  la  litière  qu'une, 
ou  deux,  ou  trois  fois  l'année  tout  au 
plus ,   &    chaque  jour  ,  ou  tous   les 
deux  jours ,  on  ajoute  un  peu  de  paille 
ou  un  peu  de  feuilles ,  (5cc.  fur  celles 
de  delfous  ;  il  en  réfulte  que  l'animal 
eft  complètement  toute  l'année  dans 
un  bourbier.  Pour  juger  du  mal  qui  ré- 
fulte de  cette  méthode,  T'^oye^  ce  qui 
a  été  dit  au  mot  BhRctRiE.  Le  cul- 
tivateur attentif  à  fes  intérêrs,  qui  fait 
le  prix  des  enarc.ïs  j  (  Voye-:^  ce  mot  ) 
qui  fait  que  les  engrais  fonr  la  bafe 
fondamentale   de  l'agriculture  ,  fera 
enlever  toute  la  litière  au  moins  une 
fois  par  femaine  pendant  l'hiver,  & 
deux  fois  pendant  le  refte  de  l'année. 
11  fe  procurera  ainfi  le  double  &  le 
quadruple  de  fumier;  car,  avec  une 
bralTee  de  paille,  le  valet,  toujours 
négligent ,  fait  la  litière  pour  toute 
une  écurif".  C'eft  un  point  fur  lequel 
ne  veillent  pas  alTez  les  cultivateurs; 
ils  doivent  de  temps  en  temps  venir 
dans  la  nuit  vifiter  leurs  écuries  ,    &z 
faire  lever  tous  les  valets  pour  voir  fi 
la  litière  manque,  ou  fi  elle  n'eft  pas 
allez    abondamment   fournie.   Lorf- 
cjuils  auront  été  ainfi  dérangés  plu- 


1C)S 


L  I  T 


fleurs  fois, la  litière  ,  à  coup  sûr,  fera 
bonne,  par  la  crainte  qu'auront  les 
valets  de  ces  fortes  de  vifites  :  les 
exhortations  ,  les  menaces  fervent 
trci-p.ni;  il  faut  des  punitions  prifes 
dans  la  chofemême. 

LITRON.  Mefare  dont  on  fe 
fert  pour  niefurer  les  cliofes  fèclies, 
comme  pois,  fèves,  lentilles,  &:c. , 
Se  qui  contient  la  feizièmc  partie  d'un 
èuijcJu  de  Paris,  (  Foyt^  ce  mot  ) 
ou  trente-hx  pouces  cubes, 

LIVRE.  Poids  contenant  certain 
nombre  d'onces ,  plus  ou  moins ,  fui- 
vant  le  différent  ufage  des  lieux. 

A  Pa'.is,  &  dans  pluheurs  contrées 
du  royaume  ,  la  livre  eft  de  feize 
onces,  poid  de  marc ^  Si  tout  ce  qui 
eft  vendu  au  nom  du  roi  doit  l'être 
avec  ce  poids  \  tels  font  le  fel ,  le 
tabac,  la  poudre,  &c.  Cette  livre  fe 
divife  en  deux  marcs  ou  demi-livre  ; 
le  marc  eft  de  huit  onces,  l'once  fe 
divife  en  huit  gros,  le  gros  en  trois  de- 
niers, le  denier  en  vingt  q-iatre  grains, 
pefaiit  chacun  un  grain  de  froment. 

A  Lyon,  la  livre  eft  de  quatorze 
onces.  Cent  livres  de  Paris  font  cent 
feize  livres  de  Lyon;  dans  cette  ville 
la  livre  de  foie  n'eft  que  de  douze 
onces.  Dans  plufieurs  villes  du  Lan- 
guedoc, par  exemple,  la  livre  eft  de 
feize  onces  diftincles,  maii  ces  feize 
onces  fe  réJ.uifunt  à  quatorze  onces 
poids  de  marc.  Les  petits  poids  font 
appelés  poids  de  table  j  pciii  mar- 
chdfids,  qui  varient  "non -feulement 
d'une  ptovince  à  l'autre,  mais  encore 
dans  la  même  province.  Il  en  eft  ainli 
des  meCures  des  folides  &  des  me- 
fures  d'étendue.  Quind  viendra  le 
temps  cù  l'on  n'aura  qu'un  feul  poids, 
une  feule  mefure!    De   plus  grands 


L  I  V 

détails  fur  ces  fortes  de  variations  qui 
exiftent  d'une  ville  ,  d'une  province 
ou  d'un  royaume  à  un  autre,  feraient 
déplacés  dans  cet  ouvrage;  ceux  qui 
délirent  une  inftruébion  particulière 
fur  ce  fujet  ,  peuvent  confulter  le 
dictionnaire  de  commerce  de  Savary. 

La  livre  dont  on  fe  fert  en  mé- 
de.:ine  n'eft  que  de  douze  onces  ef- 
fecilves  du  poids  de  marc ,  mais  di- 
vifée  en  feize  onces;  ainfi  la  demi- 
livre  médicinale  eft  de  lîx  onces,  le 
quarteron  de  trois  onces.  On  marque 
ainfi  la  livre  Ib.j.  deux  livres  tb:j.  & 
ainfi  de  fuite;  une  demi-livn.  fcs. 

L'once  eft  compofée  de  huit  gfos 
ou  drachmes  ^j.  deux  onces  ^j.  deux 
onces  &  demi  ^ijs. 

Le  gros  ou  drachme  contient 
trois  f^rupules  gj,  deux  gros  jij.  une 
draJime  &  demie  T^js. 

Le  fcrupule  contient  vingt  quatre 
grains  9.j.  deux  fctupules  9ij.  deux 
fcrupules  &  demi  9ijs.  le  grain  fe 
marque  pat  g'. 

Il  eft  beaucoup  plus  prudent  d'é- 
crire en  toutes  lettres  le  poids  du  mé- 
dicament, que  d'employer  ces  figues, 
qui  fouvenr  ont  caufé  de  dangereufes 
méprifes,  foit  par  ignorance,  &:  en- 
core plus  par  diftradlion  ,  foit  de  la 
part  de  celui  qui  tait  l'ordonnance  , 
foit  de  celui  qui  l'exécute,  foit  enfin 
par  !a  mauvaife  configuration  qu'on  a 
donné  au  figne  en  letraçant  fur  le  pa- 
pier. Il  eft  fiaifé  de  fe  méprendre  entre 
le  fi,;ne  de  l'once  Se  celui  de  la  drach- 
me, qui  n'eft  que  fa  huitième  partie? 
De  ces  erreurs  naiffent  ce  qu'on  a  ap- 
pelle le  auiproquo ,  avec  railon  fi  re- 
douté lorfque  le  médicament  eft  adtif. 

LOB  F.  (Bot.)  Ce  font  les  parties 
de  la  eraine  qui  renferment  &  en- 
veloppent iainiédiatement  le  germe 


L  O  C 

(&  la  radicule.  On  leur  donne  encore 
le  nom  de  cotylédons.  (  Voye-:^  ce 
mot)  M.  M. 

LOCHIE.  (  Voyei  A  r  k  i  è  r  e- 

f  A  JX. 

LOK,  cuLOOK.ou  LOCK. 

Mot  tiré  de  l'arabe  ,  pour  dcligner 
un  éledluaire  plus  liquide  que  mou, 
&  dont  voici  la  préparation. 

Prenez  amandes  douces  récentes  , 
defléchées  &  blanchies,  demi-once, 
que  vous  pilerez  dans  un  mortier  de 
marbre  j  ajourez  peu-à-peu  d'eau  de 
rivière  filtrée,  quarre  onces,  dans  la- 
quelle vous  aurez  fait  dilToudre  une 
once  de  fucre  ;  paflez  à  travers  une 
étamine,  &  vous  aurez  une  émulfion. 
Broyez  dans  un  mortier  de  marbre 
bien  fec  ,  gomme  adragantpulvérifée 
&:  tamifée,  feize  grains  ;  délayez- la 
avec  une  cuillerée  d'émulfion  jufqu'à 
ce  qu'elle  foit  réduite  en  -nucilage  ; 
incorporez-  y  huile  d'amande  récente , 
«ne  oncej  agitez  ces  fubftances;  dès 
que  le  mucilage  paroîtra  exacT:ement 
fait  &  fans  grumeaux,  verfez-y  un 
peu  d'émulfion,  avec  la  précaution  de 
tenir  toutes  ces  efpèces  de  fluides 
dans  un  mouvement  continuel  .5c  ra- 
pide ^  ajoutez-y  eau  de  fleur  d'orange 
une  drachme  ,  vous  aurez  le  lock 
blanc ^  à  prendre  par  cuillerée  dans 
le  jour  j  en  été  renouveliez- le  deux 
fois  par  jour.  Si  vous  fubftituez  des 
piftaches  aux  amandes  douces ,  avec 
fyrop  de  violettes,  deux  onces  ,  vous 
aurez  le  lock  verd. 

Ce  remède  diminue  la  fccherefle 
de  la  bouche  &  de  l'arrière- bouche  , 
nourrit  médiocrement ,  &  pèfe  fou- 
vent  fur  l'eftomach  j  quelquefois  il 
calme  la  toux  elfentielle  &  la  toux 
convulfive ,  cV  favorife  l'expeaoration 
Tome  FI. 


L  O  Q  157 

lorfqu'll  n'exifte  point  d'inflamma- 
tion ,  ou  qu'elle  tft  fur  fa  fin.  11  eft 
nuidble  pendant  l'accroiirement  des 
maladies  inflammatoires  de  la  poi- 
trme,  au  commencement  de  la  toux 
eflentielle ,  de  la  toux  catarrhale  ;  dans 
les  maladies  où  les  premières  voies 
contiennent  des  humeurs  acides,  oii 
qui  tendent  à  la  putridité. 

L'eau  miellée  ou  l'eau  fucrée  ne 
feroit  elle  pas  auflî  falutaire  qu'au 
lock?  Elle  coûteroit  moins  cher,  & 
on  l'auroit  toujours  fous  la  maki. 

LOQUE.  LOQUETTE.  Mor- 
ceau d'étoffe  avec  lequel  on  fixe  cha- 
que branche,  chaque  bourgeon  d'un 
arbre  contre  un  mur,  en  retenant  la 
loque  à  l'aide  d'un  clou  qu'on  plant© 
dans  le  mur. 

Quoique  cette  manière  de  difpofer 
les  branches  Se  les  bourgeons ,  foit , 
fans  contredit,  la  plus  avantageufe 
&  la  plus  commode,  puifqu'on  les 
place  dans  la  direftion  qu'on  dcfire, 
elle  n'eft  cependant  pas  praticable 
par-tout^  elle  exige  des  murs  conf- 
truits  en  plâtre  on  enpiftiïj  (  Foye^ 
ce  mot  )  ik  dans  plus  des  trois  quarts 
du  royaume,  le  plârre  eft  très- cher 
&  très-  .ire  j  en  le  fuppofant  même 
commu.  ,  il  deviendroir  inutile  pour 
les  muii  extérieurs  dans  les  provinces 
marin  n^s,  parce  que  l'acide  marin  j 
décompofe  bientôt  le  plâtre.  Dans  les 
murs  à  chaux,  à  morrier  c^c  à  pierres, 
on  n'eft  pas  le  maître  de  choifir  la 
place  du  clou;  il  ne  refte  donc  plus 
que  la  relTource  des  treillages  appli- 
qués courre  les  murs  ,  &  avec  un 
peu  d'niduftrie  de  la  part  du  jardi- 
nier ,  ces  treillages  permettent  de 
bien  palifTer  les  bourgeons,  fur- tout 
fi  on  a  eu  le  foin  d'éloignet  peu  les 


198  L  O  U 

bois ,  ÔC  d'en  former  de  petits  quar- 
reaux. 

Les  clous  entrent  à  volonté  dans 
]es  murs  de  pilaï,  mais  comme  ils 
font  conftruits  en  terre,  &  qu'on  eft 
oblige  de  les  revêtir  à  l'extérieur  d'une 
couche  de  mortier  à  chaux  &  fable, 
ces  clous  détachent  une  partie  de 
cette  couche,  &  peu-à-peu  dégradent 
complètement  le  mur.  U  faut  donc, 
pour  les  murs  en  pierres  ou  en  pifaï  , 
recourir  également  aux  treillages. 

La  loque  a  l'avantage  de  ne  point 
étrangler  la  branche  ou  le  bour- 
geon à  mefnre  qu'il  grolîîc,  au  lieu 
que  l'ofier  ne  prcre  pas,  &  établit 
une  forte  comprellion  ,  s'implante 
dans  l'écorce,  y  foime  un  tourrciet ^ 
(  f^oye^  ce  mot  )  enfin  dérange  ^: 
nuit  beaucoup  à  la  végétation  de 
l'arbre, 

L013CHET  ou  LUCHET.  Outil 

de  jardinage  pour  fouiller   la   terre. 
(  Foyci  le  mot  BâcHE.  ) 

LOUP.  LOUVE.  Animal  mal- 
heureufcment  trop  connu  dans  les 
campagnes  pour  qu'il  foit  nécelfaire 
de  le  décrire  ici  \  il  attaque  les  bœufs , 
les  chevaux  ,  les  ânes;  il  les  l'aitit  par 
la  queue  ,  &  à  force  de  les  faire  tour- 
ner fur  eux-mêmes,  il  les  étourdit, 
les  fait  tomber,  &  leur  faute  anffi- 
tôt  à  la  .^orge  ;  en'kn  l'animal  expire, 
6c  il  le  dépièce  jufqu'à  ce  qu'il  foit 
ç-^  ralfahé  à  l'excès.  U  emporte  le  mou- 
ton en  le  jetant  fur  fon  co\-^  la  chèvre, 
les  chiens  fo^nt  fes  viftimes-,  il  atta- 
que m.ême  les  enfans  &  les  femmes, 
îorfqu'il  eft  preffé  parla  faim.  Quand 
il  a  une  fois  goûté  à  la  chair  hu- 
maine ,  il  la  recherche  enfuite  avec 
avidité,  Lorfque  la.  vigilance  des  bes- 


L  O  U 

gers ,  &  les  foins  ou  les  mauvaifes 
laifons ,  lui  dérobent  la  proie ,  plutôt 
que  de  mourir  de  faim ,  il  lefte  fon 
eftomac  en  mangeant  de  la  glaife. 
Les  fens  de  cet  animal  font  très- 
exercés  ,  il  a  l'oreille  fenfible  au  bruit 
le  plus  léger,  &  l'odorat  très-délicat; 
il  va  toujours  le  nez  au  vent  pour  cher- 
cher fa  proie;  la  vue  eft  perçante, 
&  fa  courfe  prompte  &  foutenue.  Sans 
celte  en  défiance ,  il  fe  cache  dans  le 
fourré  des  bois,  d'où  il  ne  fort  que 
lorfque  les  ombres  de  la  nuit  in- 
vitent au  repos  les  hommes  &  les 
animaux.  La  défiance  guide  fes  pas, 
5c  fon  odorat  lui  indique  les  pièges 
qu'on  lui  tend.  Attirer  &  furprendre 
un  vieux  loup,  eft  une  chofe  hier» 
difficile.  Si  on  délire  de  plus  grands 
détails  fut  fon  hiftoire  nannelle ,  011 
peut  confulter  l'ouvrage  de  M.  de 
BufFon;  comme  il  eft  entre  les  mains 
de  tout  le  monde,  il  feroit  fuperfiii 
de  le  copier  ici. 

Ou  ainventépluneurs  moyens  pour 
exterminer  ce  fléau  des  campagnes; 
les  Anglois  ont  mis  la  tête  des  loups 
à  prix  ,  &  ils  ont  doublé,  triplé,  dé- 
cuplé tC  centuplé  les  récompenfes  à 
mefure  que  l'efpèce  devenoit  plus» 
rare.  Enfin  il  n'en  exifte  plus  dans 
cette  île  ,  alTfcz  éloignée  du  continent 
pour  empêcher  l'aniaial-  de  travcrfer 
le  bras  de  mer  qui  l'en  fcpare.  On  ne 
peut  pas  en  France  prendre  le  même 
parti ,  parce  quece  royaume ,  en  grands 
partie  environiié  par  la  chaîne  des 
Pyrénées  &  àss  Alpes,  par  la  chaîne 
des  Vofges  &  des  Pays-Bas  Autri- 
chiens ,  ne  peur  fe  garantir  de  l'en- 
trée de  ces  snimaux  ;  le  roi  donne 
trente  livres  par  têre  de  lonp,  maii 
dans  quelques  cantons  cette  ré- 
compenfe  eft  inconnue.  Ce  moyeu 
s'oppofe  jufqu'à   uii  certain  poiai  à 


L  O  U 

l'excellive  mulcipiicarion  de  ces  ani- 
maux,  mais  produit  peu  d'effets.  Si 
les  loups  font  trop  nombreux  ,  les 
communautés  s'adcelFent  à  leur  in- 
tendant, &  demandent  !a  permillîon 
de  fiure  une  battue  à  leurs  frais  , 
Se  rarement  elle  leur  eft  refufée.  Plus 
la  battue  efl:  nombreufe,  &  moins 
elle  a  de  fuccès ,  parce  que  le  loup 
s'enfuit  dès  qu'il  entend  le  bruit  des 
chalTeurs  ,  &  ils  ont  beau  fe  porter 
avantageufement,  l'animal  fe  dérobe 
aux  embufcades,  &  il  eft  rare  de 
compter  trois  ou  quatre  loups  tués  ou 
blelfés  dans  ces  battues. 

Les  battues  fe  réduifent  à  un  (im- 
pie déplacement  des  loups,  d'un  lieu 
à  un  autre  y  (i  elles  font  faites  au 
compte  du  roi ,  il  en  coûte  immen- 
fément  ou  à  la  province  ou  au  trélor 
royal,  &  le  réfultat  n'eft  guères  plus 
avantageux  que  celui  des  battues  dts 
communautés. 

La  louveterie  eft  prefque  devenue 
une  fcience  qui  coniîfte  à  former  des 
équipages  de  chiens,  foit  pour  courir 
après  le  loup,  foit  pour  l'obliger  à 
forcir  de  fa  retraite ,  &cc.  Malgré 
toutes  ces  précautions ,  a-t-on  moins 
de  loups  dans  les  provinces  éloignées 
de  la  Capitale  ?  N'a-t-on  pas  vu  ,  en 
1761  ou  17^1  ,  les  femmes  &  les 
enfans  être  attaqués  par  ces  animaux , 
devenus  redoutables  pour  tous  ces 
cantons?  Dans  une  battue,  compofée 
de  plus  de  quatre  mille  perfonnes , 
on  tua  cinq  louvetaux  ,  quelques  re- 
nards ,  &  on  vit  le  loup  carnaflîer  , 
fuir,  traverfer  le  Rhône,  &  aller 
exercer  fes  ravages  dans  le  Vivarais, 
où  il  fut  tué  quelques  années  après. 
Le  loup  eft  fi  fin  ,  fi  rufé ,  fi  adroit , 
qu'on  téufiit  très-peu  aie  détruire  par 
la  force  ouverte.  Il  a  donc  fallu  re- 
couiii  aux  pièges.  Je  vais  rapporter 


L  O  U  299 

les  defcriptlons  des  principaux  ,  co- 
piées du  diftionnaire  encyclopécique 
&  économique  ,  &  j'indiquerai  en- 
fuite  un  moyen  que  je  regarde  comme 
infaillible. 

Le  meilleur  piège  eft  le  traquenard. 
{  yoyei  ce  mot  )  Avant  de  le  tendre, 
^1  commence  par  traîner  un  cheval 
ou  quelqu'autre  animal  mort  dans  une 
plaine  que  les  loups  ont  coutume  de 
traverfer;  on  le  lailfedans  un  guéretj 
on  pafie  le  râteau  fur  la  terre  des  en- 
virons pourreconnoître  plus  aifément 
le  pas  de  l'animal ,  &  d'ailleurs  le 
fimiliarifer  avec  la  rerre  égalée  qui 
doit  couvrir  le  piège.  Pendant  quel- 
ques nuits  le  loup  rode  autour  de  cet 
appât,  fans  ofer  en  approcher  ;  il  s'en- 
hardit enfin  :  il  faut  le  laiifer  s'y  ren- 
dre plufieurs  fois.  Alors  on  tend  plu- 
fieurs  pièges  autour,  &  on  les  couvre 
de  trois  pouces  de  terre  ,  pour  en 
dérober  la  connoillance  à  ce  défiant 
animal.  Le  remuement  de  la  terre 
que  cela  occafionne,  ou  peuc-ctre  les 
particules  odorantes,  exhalées  du  corps 
des  hommes  ,  réveillent  toute  l'in- 
quiétude du  loup ,  &  il  ne  faut  pas 
efpcrer  de  le  prendre  les  premières 
nuits  ;  mais  enfin  l'habitude  lui  fait 
perdre  fa  défiance,  &  lui  donne  une 
fécurité  qui  le  trahit. 

Il  eft  un  appât  qui  attire  bien  plus 
puiffamment  les  loups  ,  &  dont  les 
gens  du  métier  font  communément 
un  myftère;  il  faut  tâcher  de  fe  pro- 
curer la  matrice  d'une  louve  en  cha- 
leur ;  on  la  fait  fécher  au  four ,  & 
on  la  garde  dans  un  lieu  fec.  On 
place  enfuite  à  plufieurs  endroits  , 
foit  dans  le  bois  ,  foit  dans  la  plaine, 
des  pierres  ,  autour  defquelles  on 
répand  du  fable  ;  on  frotte  les  fe- 
melles de  fes  fouliers  avec  cette  ma- 
ïiice  ,  &  on  en  frotte  bien  fur^ 
Pp  * 


300  L  O  U 

tout  les  différences  pierres  qu'on  a 
plaeées;  l'odeur  s'y  coiiferve  pendanc 
plufieurs  jours,  &  les  loups  mâles 
êc  femelles  l'éveutent  de  très-loin  ; 
elle  les  attire  &  les  occupe  fortement; 
lorfqu'ils  font  accoutumés  à  venir 
gratter  quelqu'une  de  ces  pierres  ;  on 
y  tend  le  piège,  &  rarement  fans 
fuccès  ,  lorfqu'il  eft  bien  tendu  & 
bien  couvert.  Dicx.  Encyc. 

Dans  les  pays  des  forêts  Se  grands 
bois  où  il  y  a  nombre  de  loups ,  on 
peut  fe  fervir  d'une  folTe  avec  une 
trappe,  laquelle  étant  chargée  d'un 
bouc,  renverfe  fa  charge  dans  la 
foffe  ,  &  fe  referme  d'elle-même. 
Cette  invention  ne  doit  fe  pratiquer 
que  dans  les  chemins  écartés ,  qui 
font  les  endroits  ordinaires  où  paflent 
les  loups  ;  &  afin  de  ne  pas  travailler 
inutilement,  il  faut,  avant  d'y  faire 
la  fofle  ,  vous  promener  quelque 
matin  après  la  pluie,  ou  bien  quand 
la  terre  eft  molle  ik  qu'il  a  neigé, 
&  regarder  à  terre  pour  y  découvrir 
les  empreintes  du  loup.  On  place  fur 
la  partie  du  milieu  de  la  trappe  ou 
bafcule  ,  une  bête  morte ,  &  on  l'y 
accache;  dès  que  le  loup  a  les  quacre 
pieds  fur  la  bafcule ,  elle  s'abailfe , 
&  l'animal  combe  dans  la  folTe. 

Plufieurs  perfonnes  fe  fervent  d'un 
mouton  ou  d'une  oie,  pour  attirer  le 
loup  ôc  autres  animaux  carnaciers  , 
parce  que  ces  deux  animaux  crant 
feuls  ,  ne  celTent  de  crier  ;  leurs  cris 
«ttirent  les  loups  &  les  renards ,  qui 
penfant  fe  jeter  fur  eux,  ne  peuvent 
éviter  les  effecs  de  h  bafcule.  Lorfque 
le  loup  eit  pris,  le  mieux  eft  de  lui 
pa(fer  au  col  un  las  coulanr  pour  le 
tirer  de  la  folfe,  &:  le  donner  enfuice 
aux  diiens  à  écrangler  loin  de  -  là  , 
car  fi  le  fang  de  l'animal  eft  répandu 
fax  la  place,  on  peur  compter  qu'au- 


L  O  U 

cun  autre  loup  n'en  approchera  de 
long-temps,  quelques  appâts  qu'on 
mette  dans  le  piège.  Dict.  économ. 

Les  chafles  ,  ainfi  qu'il  a  été  dit, 
ptoduifent  peu  d'effets,  les  folfes  font 
fouvent  dangereufes  pour  les  hom- 
mes qui  ignorent  où  elles  font  placées, 
ce  que  l'exemple  a  prouvé  plufieurs 
fois  ;  mais  il  exifte  un  moyen  moins 
coûteux,  plus  sûr,  &  donc  je  certifie 
avoir  fait  ou  avoir  fait  faire  plufieurs 
fois  l'expérience  avec  le  plus  grand 
fuccès.  Je  n'en  ai  pas  le  mérite  de 
l'invention,  &  j'avoue  de  bonne-foi 
que  le  procédé  fut  indiqué  en  17(34 
ou  I7<î5  dans  les  papiers  publics;  il 
me  parut  fi  fimple ,  fi  naturel  ,  que 
je  le  copiai  alors  ;  mais  j'oubliai  de 
rranfcrire  le  nom  de  fon  auteur ,  &: 
de  la  feuille  publique  où  il  étoic 
inféré. 

Prenez  un  ou  plufieurs  chiens ,  oiï 
plufieurs  vieilles  brebis  ou  chèvres  que 
vous  faites  étrangler;  ayez  de  la  noix 
vomique  râpée  fraîchement  ;  (  on 
trouve  cette  drogue  chez  rous  les  apo- 
thicaires )  faites  une  quinzaine  ou 
vingtaine  de  trous  avec  un  couteau 
dans  la  chair,  fuivant  la  grolfeur  de 
l'animal ,  comme  au  rable ,  aux  cuifles, 
aux  épaules,  &c.  Dans  chaque  trou, 
qui  doit  être  profond ,  vous  mettrez  un 
quart  ou  demi-once  de  noix  vomique, 
le  pîus  avant  qu'il  fera  polfible;  vous 
boucherez  enfuite  l'ouverture  avec 
quelque  graiiïe  ,  &  encore  mieux, 
vous  rapprocherez  par  une  couture 
les  deux  bords  de  la  plaie,  afin  que 
la  noix  vomique  ne  puitfe  pas  s'é- 
chapper; liez  enfuite  l'animal  par  les 
quatre  pattes  avec  un  ofier,  &  non 
avec  des  cordes ,  qui  coiifervent  trop 
long-temps  l'odeur  de  l'homme  :  en- 
terrez l'animal  ou  les  animaux  ainfi 
préparés  dans  un  fumier  qui  travaille^ 


L  O  U 

c'eft-à-dire  dans  lequel  les  parties 
animales  fe  développent  par  la  fer- 
mentation j  il  doit  y  refter  en  hiver 
pendant  trois  jours  &  trois  nuits , 
iuivant  le  degré  de  chaleur  du  tu- 
mier,  &  vingt-quatre  heures  pendant 
l'été.  Cette  féconde  opération  a  pour 
but  d'accélérer  le  commencement  de 
putréfadion  du  chien,  &  de  détruire 
fur  -  tout  toute  odeur  que  l'attou- 
chement de  l'homme  peut  lui  avoir 
communiquée  i  attachez  une  corde  à 
l'ofier  qui  lie  les  quatre  pattes ,  & 
traînez  cet  animal  par  de  très-longs 
circuits  jufqu'à  l'endroit  le  plus  fré- 
quenté par  les  loups  \  alors  fufpendez- 
le  à  une  branche  d'arbre  ,  &  aflez 
haut  pour  que  le  loup  foit  obligé  d'at- 
taquer le  chien  par  le  rable. 

Le  loup  eft  un  animal  vorace  qui 
ne  fe  donne  pas  la  peine  de  mâcher 
le  morceau  qu'il  arrache,  il  l'avale 
tout- de-fuite,  &  le  poifon  ne  tarde 
pas  à  produire  fon  effet  :  on  eft  sûr 
de  le  trouver  mort  le  lendemain  ,  & 
fouventiln'a  pas  le  temps  de  gagner 
fa  tanière. 

Si  on  confeille  de  fe  fervir  d'un 
chien,  ce  n'eft  pas  que  cet  animal 
ait  une  vertu  particulière  Se  plus 
capable  d'attirer  les  loups  que  les 
autres  animaux,  mais  comme  le  chien 
ne  mange  pas  de  la  chair  de  chien, 
on  ne  craint  pas  que  ceux  du  voifi- 
nage  ,  pour  l'ordinaire  aflez  mal 
nourris  ,  viennent  dévorer  l'appât , 
comme  ils  le  feroient  fi  on  avoir 
placé  une  brebis  ou  une  chèvre ,  &c. 

On  peut  ,  comme  on  le  voit , 
mettre  ce  procédé  en  pratique  dans 
toutes  les  faifons  &  dans  rous  les 
jours  de  l'année ,  dès  que  l'on  eft  in- 
commodé par  le  voifînage  des  loups, 
cependant  la  meilleure  faifon  pour 


L  O  U  301 

l'employer  eft  l'hiver  ,  lorfqu'il  gèle 
bien ,  parce  que  les  animaux  domef- 
tiques  font  alors  renfermés ,  êz  les 
animaux  fauvages  retirés  dans  leurs 
tanières  ,  d'où  ils  ne  fortent  pas  : 
ainfi  le  loup  trouve  très-difficilement 
de  quoi  aflbuvir  fon  appétit  dévorant, 
toujours  augmenté  par  la  facilité  avec 
laquelle  il  digère^  alors  l'animal  eft 
moins  défiant,  Se,  prefle  par  la  loi 
tyrannique  du  befoin  ,  il  fe  jette  in- 
diftinélement  fur  tout  ce  qu'il  trouve. 

11  eftprefque  impoflible,  ainfi  qu'il 
a  été  dit,  de  détruire  complcttemenc 
la  race  des  loups  en  France ,  à  caufe 
du  voifinage  avec  les  autres  pays  ; 
mais  il  eft  bien  facile  d'en  diminuer 
le  nombre,  &  même  de  le  réduire 
aux  fimples  loups  venant  de  l'é- 
tranger. A  cet  effet,  l'argent  que  les 
intendans  donnent  pour  chaque  tète 
de  loup  pourroit  être  employé  à  l'a- 
chat de  la  noixvomique,  qui  feroit 
diftribuée  gratuitement  dans  toutes 
les  paroifles  ;  chaque  communauté 
feroit  tenue  de  fournir  les  vieilles 
brebis  ou  les  chiens ,  &  le  feigneur 
ou  le  curé  du  lieu  feroient  chargés 
de  faire  exécuter  l'opération ,  &  de 
la  repérer  plufieurs  fois  dans  un  même 
hiver.  Je  ne  crains  pas  d'avancer  que 
fi  l'opération  étoit  générale  dans  tout 
le  royaume ,  &  fuivie  .ivec  foin  Se 
zèle  pendant  plufieurs  années  confé- 
cutives,  on  ne  vînt  à  bout  d'anéantir 
tous  les  loups. 

On  employé  quelquefois  dans  la 
Camargue  une  méthode  particulière 
pour  prendre  les  loups,  &:  qui  mérite 
de  trouver  place  ici.  On  forme  avec 
des  pieux  de  quatre  à  cinq  pieds  de 
long ,  qu'on  plante  folidemeiit  en 
terre,  à  ladiftance  chacun  d'un  demi 
pied ,  une  enceinte  circulaire  d'ei\- 


302  L  O  U 

viron  une  toife  de  diamètre ,  &  au 
milieu  de  laquelle  on  attache  une 
brebis  vivante,  ayant  une  ou  plu- 
fîeurs  fonnettes  au  colj  on  plante  en- 
fuice  des  pieux,  également  éloignés 
entf'eux  ,  pour  former  extérieure- 
ment une  féconde  enceinte  ,  éloi- 
gnée de  la  première  d'environ  deux 
pieds  ;  on  lailTe  à  cette  enceinte  une 
Guverrure  avec  une  porte  ,  ouverre 
du  côté  gauche  ,  qui  permette  au 
loup  d'entrer  feulement  à  droite  : 
une  fois  que  l'animal  eft  entré  cntte 
les  deux  enceintes,  il  va  toujours  en 
avant ,  comptant  pouvoir  faifir  la 
brebis  ,  &  quand  il  eft  parvenu  à 
l'endroit  par  où  il  étoit  entré  ,  ne 
pouvant fe  retourner, les  mouvemens 
qu'il  fait  pour  aller  en  avant,  font 
fermer  la  porte. 

LOUe-  GAROU.  Homme  que  le 
peuple  fuppofe  être  forcier,  &  courir 
les  rues  &  les  champs,  transformé  en 
loup.  Cette  erreur  eft  très -ancienne 
&  très  accréditée;  il  n'cft  guère  pof- 
fible  de  remonter  àla  fable  qui  lui 
a  donné  lieu.  Sur  la  fin  du  feizième 
fiècle,plu(îeurs  tribunaux  ne  la  regar- 
doient  pas  comme  telle;  la  Roche 
Flavia  rapporte  un  arrêt  du  parlement 
de  Franche  -  Comté  ^  du  i  8  janvier 
1574,  qui  condamne  au  feu  Giles 
Garnier,  lequel  ayant  renoncé  à  Dieu, 
Se  s'étant  obligé  par  ferment  de  ne 
plus  fervir  que  le  diable,  avoir  été 
changé  en  loup-garou. 

De  pareilles  extravagances  ont  mis 
plufieurs  citoyens  très-honnêtes  dans 
le  cas  d'être  maltraités  par  le  peuple, 
&  traduits  en  prifon. 

^  LOUPE.  (  Bot.  )  ExcroifTance  vé- 
gétale qui  fe  forme  fur  la  tige  des 


L  O  U 

arbres ,  &:  qui  naît  ordinairement  dans 
les  endroits  endommagés  par  quel- 
ques blellures;  un  accident  oblitérant 
les  vailfeaux  ,  ils  s'obftruenr  infen- 
fiblement,  &  il  fe  forme  quelquefois 
des  dépôts  vers  l'écorce  ;  ces  dépôts 
forcenr  les  couches,  foir  corticales, 
foit  ligneufes ,  qui  les  recouvrent , 
de  fe  dilater  ,  de  fe  contourner  & 
de  prendre  une  forme  arrondie  & 
faillante.  Infenfiblement  la  fève  & 
les  autres  humeurs  s'y  accumulenr,  y 
fermenrent ,  &  vicient  nécelTairemenc 
routes  les  parties  voillnes;  aulîi  lorf- 
que  l'on  coupe  une  de  ces  loupes  , 
on  trouve  toujours  les  couches  qui 
les  forment  d'une  couleur  brunâtre  , 
qui  annonce  l'état  de  maladie  où  elles 
font;  ces  loupes  acquièrenr  quelque- 
fois une  grolTeur  monftrueufe ,  comme 
on  peut  le  remarquer  fur  quelques 
vieux  arbres  dans  les  forêts  ;  mais 
une  obfervation  alTez  confiante  que 
j'ai  faite  ,  c'eft  que  ces  loupes  font 
prefque  Toujours  vers  la  partie  infé- 
rieure du  tronc,  ce  qui  indique  aflez 
que  c'eft  plus  à  des  accidens  extérieurs 
qu'à  des  vices  intérieurs  qu'il  faut 
attribuer  la  caufe  des  loupes.  Con- 
fultez  les  mots  Excroissance,  pour 
voir  le  moyen  d'exrirper  ces  loupes, 
&  BouRLET,  pour  connoître  la  ma- 
nière dont  les  couches  ligneufes  fe 
dilatent  &  prennenr  une  forme  ar- 
rondie. M.  M. 

Loupe.  Médecine  rurale.  Nom 
que  l'on  donne  à  une  rumeur  plus 
ou  moins  grolfe ,  fans  douleur,  fans 
inflanimarion,  &  fans  aucun  chan- 
gement de  couleur  à  la  peau. 

Les  loupes  ont  toujours  été  com- 
prifes  dans  la  clalTe  des  tumeurs  en- 
kiftées;  elles  fe  fixent  fur  toutes  les 


L  O  U 

patries  du  corps  j  leur  fiège  ordinaire 
eft  prefque  toujours  fous  la  peau; 
quelquefois  elles  vont  plus  profon- 
dément ,  &  s'établilTent  dans  l'in- 
terftice  des  fibres  mufculaires. 

Les  loupes  on  t  reçu  difiérens  noms , 
relativement  à  la  couleur  des  ma- 
tières qu'elles  contiennent  ,  &  aux 
parties  qu'elles  occupent.  La  loupe 
efl:  appelée  7?e'rtro/icej  lorfque  la  ma- 
tière qu'elle  renferme  rellemble  au 
fuif;  quelquefois  cette  matière  eft 
liquide  &  jaune,  &  a  beaucoup  de 
relfemblance  avec  le  miel,  elle  prend 
alors  le  nom  de  meluceris  :  elle  eft 
enfin  connue  fous  le  nom  de  goetrc , 
(  Voyeii  ce  mot  )  lorfqu'elle  eft  for- 
mée de  chair,  &  qu'elle  paroîtau  col. 

La  loupe,  dans  fon  origine,  eft 
d'un  volume  très-petit ,  &  n'excède 
jamais  la  grofteur  d'un  pois ,  mais 
elle  augmente  infenfiblement,  &  de- 
vient très-grolfe,  &  pour  mieux  dire, 
monftrueufe.  La  loupe  cède  facile- 
lement  à  la  comprelîion  par  laquelle 
on  fent  une  fliiduation  quelquefois 
fenfiblî ,  &  quelquefois  très-obfcure, 
&  quoiqu'elle  foit  fans  douleur  par 
fa  nature ,  néanmoins  elle  s'enflamme 
quelquefois  ,  &  alors  elle  devient 
rrès-douloureufe  \  on  y  apperçoit  de 
la  rougeur ,  de  la  chaleur ,  &  une  dé- 
man^ealfon  affez  piquante. 

La  loupe  fe  forme ,  comme  nous 
Pavons  déjà  dit,  dans  les  interftices 
des  mufcles,  mais  ce  n'eft  que  par 
la  dilatation  variqueufe  des  gros 
vaifteaux  lymphatiques  qui  y  ram- 
pent; elle  eft  le  plus  fouvent  unique 
&c  folitaire,  mais -il  n'eft  pas  rare 
d'en  voir  plufieurs  enfemble  ,  &  for- 
mer, tantôt  une  d^èce  de  grappe, 
lorfqu'il  y  a  plufreurs  vaifteaux  lini- 
phatiques    voiGns  qui   font   affe<flés- 


L  O  U  303 

à-la-foîs,  &  tantôt  ime  efpèce  de 
chaîne ,  lorfqu'un  même  vaiiTeau  lim- 
phatique  devient  variqueux  en  plu- 
îieurs  endroits  de  fa  longueur. 

Tout  ce  qui  peut  relâcher  la  peau," 
épaiflir  la  lymphe  &  en  ralentir  le 
cours,  peut  contribuer  à  la  formation 
de  la  loupe;  le  défaut  d'exercice,  une 
vie  molle  &  trop  fédencaiie,  l'ufage 
des  alimens  grofîiers  &  de  difficile 
digeftion ,  l'abus  des  liqueurs  fpiri- 
tueufes ,  la  fuppreflion  des  évacua- 
tions habituelles  ,  comme  le  flux 
hémorrhoïdal  dans  les  hommes,  &  le 
flux  menftruel  dans  les  femmes;  la 
tranfpiration  fupprimée  ,  la  réper- 
cuflion  de  quelqu'humeur  dartreufe  , 
des  évacuations  immodérées  peuvent 
produire  des  loupes.  11  eft  encore  d'au- 
tres caufes  auffi  efficaces  que  celles 
dont  nous  venons  de  faire  mention, 
telles  que  les  coups  violents  ,  les  chû- 
tes,  les  contufions,  les  piqûres,  les 
meurtriiTures,  une  compreiîion  trop 
forte, faite  &pro]ongée  fur  quelque 
partie  du  corps  ;  enfin  la  morfure 
de  diffétens  animaux.  La  loupe  tft; 
itne  tumeur  plus  ou  moins  incom- 
mode, &  le  mal  qu'elle  peut  caufer 
eft  relatif  à  fon  volume  6c  aux  par- 
ties qu'elle  occupe.  Pour  l'ordinaire 
elle  n'a  aucune  mauvaife  fuite;  on 
en  a  vu  cependant  qui  foin  deve- 
imes  cancéreufes,  très-dangeteufes  & 
même  mortelles» 

Le  pronoftic  des  loupes  doit  dé- 
river de  leur  volume,  de  leur  nature  y 
de  leurs  attaches  à  un  certain  nerf, 
.à  certains  rendons  &  à  ceitains  vaLf- 
feaux,  de  leur  profondeur  &  d-e  l'é- 
pailfeur  du  kifte  ou  de  la  poche. 

La  loupe  eft  un  mal  opiniâtre  & 
difficile  à  guérir  ;  lorfqu'elle  n'incom- 
mode point  5  le  meilleur  parti  efi  d* 


304  L  O  U 

ne  pas  entreprendre  de  la  guérir.  Dans 
le  principe  ,  il  faut  s'oppofer  à  {es 
progrès  ;  pour  cet  effet,  on  a  recours 
aune  comprelTion  graduée,  qu'on  fait 
avec  une  plaque  de  plomb  battu, 
qu'on  ouvre  des  deux  côtés  pour  avoir 
deux  anfes ,  à  travers  lefquelles  on 
paffe  un  ruban  qu'on  peut  ferrer  au 
degré  qu'on  veut.  Ce  moyen  eft  trop 
utile  pour  être  négligé  j  fa  lanplicité 
le  rend  recommandable  ;  je  l'ai  vu 
réuiïir,  mais  il  n'opère  pas  de  grands 
effers  quand  on  l'emploie  fur  une 
loupe  qui  a  acquis  un  certain  volume. 
Il  eft  alors  inutile;  il  vaut  mieux 
lui  préférer  des  remèdes  fondans  , 
dont  l'application  eft  plus  propre  à 
donner  de  la  fluidité  à  la  matière 
renfermée  dans  la  poche  de  la  loupe , 
&  à  en  procurer  plus  aifément  la  ré- 
folution.  Dans  cette  vue  ,  on  re- 
commande certains  emplâtres  fon- 
dans, comme  ceux  de  vigo  cum  mer- 
curio ,  de  ciguë,  de  diabotanum,  de 
diachylum  gommé  ;  l'application  des 
linges  imbibés  d'urine,  dans  laquelle 
on  a  fait  dilfoudre  du  fel  ammoniac , 
eft  un  fondant  très-énergique  :  je  l'ai 
vu  réuftîr.  La  terre  cimolée  des  cou- 
teliers, les  quatre  farines  réfolutives, 
l'oignon  de  fcille ,  les  boues  d'eaux 
Thermales,  précédés  des  frictions  fé- 
ches  fur  la  loupe ,  font  des  remèdes 
trop  énergiques  pour  qu'on  n'obtienne 
pas  de  bons  effets  de  leur  emploi. 
y^y?racrecommandebeaucoup  la  chaux 
vive  paîtrie  avec  le  miel  &  le  favon , 
&  appliquée  en  forme  de  cataplafme; 
il  prévient  que  ce  remède  caufe  des 
cloches  qui  incommodent  beaucoup. 
L'emplâtre  de  tabac  peut  aulTi  très- 
bien  convenir  ;  il  eft  trop  vanté  par 
les  auteurs  pour  ne  pas  y  avoir  re- 
cours. 


L  O  U 

Malgré  l'application  de  tous  ces 
fondans ,  on  n'obtient  pas  la  fonte 
ou  la  réfolution  de  la  loupe  j  cette 
terminaifon  eft  allez  rare  j  il  faut  alors 
en  venir  à  la  cauiérifcr  ,  ou  i  l'ex- 
tirper. 

Rien  de  plus  aifé  que  de  caurérifer 
une  loupe  i  cette  opération  eft  fi  fim- 
ple,  que,  dans  les  provinces  méri- 
dionales, il  y  a  plulieurs  guériffeurs 
de  loupes  qui  réulliffent  fort  bien  ,  & 
qui  appliquent  le  remède  convenable 
avec  toute  la  dextérité  polTible,  quoi- 
qu'ils foient  payfans  d'origine  &  de 
profellion  ;  pourquoi  ne  pas  faire  parc 
aux  gens  de  la  campagne  de  leur  fe- 
cret  ?  Plus  fujets  que  les  autres  claffes 
de  citoyens  à  avoir  des  loupes,  pour- 
quoi ne  protîceroient-ils  pas  des  mê- 
mes moyens  ?  Hâtons-nous  de  le  leur 
indiquer  ,  puifqu'ils  peuvenr  l'em- 
ployer d'eux-mêmes ,  &  fe  le  procurer 
à  peu  de  frais.  Pour  cela,  on  applique 
fur  la  loupe  un  emplâtre  qui  la  couvre 
dans  fon  entier,  &  ouvert  dans  le 
milieu,  de  manière  qu'on  puiffe  pla- 
cer dans  ce  vuide  une  ou  plufieurs 
pierres  à  cautère  de  moyenne  grof- 
feur  ,  qu'on  recouvre  d'un  nouvel 
emplâtre,  &  qu'on  fixe  avec  une  li- 
garure ,  de  telle  forre  que  la  pierre 
à  cautère  puilfe  ronger  «Se  brûler  la 
peau  &  le  kifte  de  la  loupe.  Après 
avoir  laiffé  agir  cet  efcarrotique  pen- 
dant quelques  heures  ,  fi  le  malade 
reffenc  une  douleur  très-vive,  une  ir- 
ritation forte,  vous  enlevez  l'appareil  , 
&  vous  panfez  la  plaie  avec  l'onguent 
de  la  mère ,  matin  &  foir  ,  jufqu'à 
ce  que  l'efcarre  &  la  loupe  ayenc 
entièremenr  dif^arus.  Parvenu  à  ce 
point,  (  ce  qu'on  n'obtient  qu'après 
une  &  même  deux  femaines  ,  ou 
quelquefois  plus  tard  )  on  penfe  la 

plaie 


L  O  U 

plaie  avec  de  la  charpie  cliargéo  d'un 
digeftif  crès-lîmple  ,  fait  avec  la  tlié- 
rcbenthine,  le  jaune  d'œiif  &  l'huile 
d'hypéricum,  jufqu'àceque  les  chairs 
fe  foienc  bien  dccergées,  ëi  la  fuppu- 
ration  bien  diminuée  ;  les  chairs  ne 
tardenc  pas  à  pouirer  de  touc  côté 
des  bourgeons  charnus  ,  qui ,  en  fe 
réunifTanc,  opèren:  une  cicatrice  par- 
faire. 

Quoique  cette  opération  foit  bien 
fimple ,  &  aifée  dans  fon  exécution  , 
elle  entraîne  cependant  quelquefois 
après  elle  la  fièvre,  des  maux  de  tête  , 
des  infomnies ,  des  agitations  quel- 
quefois allarmantes.  Pour  éviter  ces 
inconvéniens  ,  ou  du  moins  pour  en 
diminuer  la  violence  ,  on  doit  au- 
paravant préparer  les  malades  par  des 
bouillons  adoucilTans  &  des  boilTons 
rafraîchilfantes  j  on  doitaulli  prévenir 
la  fenhbilité  du  fujet ,  &  calmer  l'ir- 
ritation de  fes  nerfs  par  quelques  bains 
tiédes  j  la  faignée  fera  mife  en  ufage 
s'il  eft  fanguin  &c  trop  pléthorique  ; 
s'il  y  a  de  l'embarras  dans  les  pre- 
mières voies  on  le  purgera,  afin  de 
prévenir  une  maladie  putride,  que  la 
fièvre  accidentelle  pourroit  déter- 
piiner. 

L'extirpation  eft  une  opération  que 
les  gens  de  la  campagne  ne  peuvent 
pas  pratiquer  j  ell^  pourroit  avoir  les 
plus  grands  inconvéniens  entre  leurs 
mains,  fur-tout  fi  la  loupe  étoit  fixée 
fur  quelque  nerf,  artère,  veine  ou 
tendon  ;  on  aura  recours  aux  gens  de 
l'art.  M.  Ami. 

Loupe.  Médecine  vétérinaire.  La 
loupe  eft  une  tumeur  charnue,  graif- 
feufe,  formée  non-feulement  par  le 
féjour  des  humeurs  dans  une  partie, 
mais  encore  par  l'accroillement  iSn:  la 
'Tome  VI, 


L  O  U  305 

multiplication  des  fibtes  &:  des  vaif- 
feaux  de  cette  partie. 

On  appelle  lipome  la  loupe  qui 
occupe  le  tiflu  grailfeux  ,  tandis  que 
celle  qui  dépend  de  l'engorgement 
des  glandes  porte  le  nom  de  fquirthe. 
(  Vùye-[  ce  mot  ) 

La  chirurgie  vétérinaire  nous  offre 
plufisurs  reffources  pour  la  guérifoti 
de  ces  fortes  de  tumeurs  :  la  réfolu- 
tion  ,  l'extirpation ,  la  corrofion  èc 
l'amputation. 

Ce  dernier  moyen  nous  paroît  pré- 
férable à  tous  les  autres,  &  l'on  pro- 
cède .à  l'opération  de  la  manière  fui- 
vante  :  on  prend  la  loupe  à  pleine 
main  pour  la  détacher, le  plusqu'ileft 
poftible,  du  corps  qu'elle  occcupe,  & 
avec  un  biftouri,  on  fait  à  la  bafe  de 
la  tumeur  une  fection  circulaire  ou 
demi- circulaire  j  on  conrinue  d'incifer 
entre  la  peau  &  les  parties  voifines , 
jufqu'à  ce  qu'on  l'ait  entièrement 
fcparée,  &  on  emporte  la  loupe. 

La  tumeur  emportée  ,  il  ne  refte 
qu'une  playe  large  i?;  platte,  t]u'il 
fuffir  de  panfer  avec  des  étoupes  car- 
dées,  que  l'on  contiendra  par  dçs 
cordons  paiTés  dans  les  bords  de  la 
peauj  le  lendemain  de  l'opération  ou 
panfera  la  plaie  avec  le  digeftii  animé, 
&z  on  la  cicatrifcra  comme  un  ulcère 
ordinaire.  (  Voye\  Ulcère  ) 

S'il  furvient  quelqu'accident  à  U 
fuite  de  l'amputation ,  tel  que  l'hé- 
morrhagie  ,  on  peut  l'arrêter  par  la 
comprellion  &  par  tous  les  autres 
moyens  indiqués  à  cet  article.  (''^  t^J^^ 

HÉMORRHAGIE  ) 

La  loupe,  que  l'on  remarque  affez 
fouvent  au  coude  du  cheval,  vient 
de  ce  que  cet  animal  fe  couche  en 
vache,  c'eft-à-dire,  lorfqu'étanc  coH-. 


3c<?  L  O  U 

ché  ,  Je  couie  repofe  fur  l'cponge 
du  fer  en-dedans,  lacompreflîon  con- 
tinuelle de  l'éponge  fur  le  coude  y 
fait  venir  une  loupe,  qui  groffit  tou- 
jours peu-à-peu ,  fi  l'on  n'y  remédie 
dans  le  principe ,  par  les  fridions 
réfolutives  avec  l'eau  marinée ,  &  par 
la  ferrure  courte.  [F'oyei  Ferrure) 

Quant  aux  loupes  qui  arrivent  au 
poitrail,  &  que  les  maréchaux  de  la 
campagne  prennent  très-mal  à  propos 
pour  un  avant-cxur ,  (  f^oys^  ce  mot  ) 
on  ne  doit  les  regarder  que  comme 
un  véritable  kifte,  de  les  traiter  à- 
peu-près  de  même.  (  F'oyei  Kiste  ) 
M.  T. 

LOUTRE.  Quadrupède  qui  a  la 
tête  plate,  le  mufeau  fort  large,  la 
mâchoire  du  deiïbus  plus  étroire  & 
moins  longue  que  celle  de  defTus  , 
le  col  gros  &  courr,  les  jambes  cour- 
tfes  ,  la  queue  grotte  à  l'origine  , 
pointue  à  l'extrcmiré  ;  chaque  coté 
du  mufeau  garni  de  moullaches  for- 
mées par  des  poils  rudes;  le  corps 
couvert  de  deux  efpèces  de  poils,  les 
uns  foieux,  de  couleur  grife  blanchâ- 
tre ,  les  autres  de  couleur  brune  & 
luifante;  les  doigts  tiennent  les  uns 
aux  autres  par  une  membrane  plus 
érendue  dans  les  pieds  de  derrière  \ 
cinq  doigts  à  chaque  pieds ,  ceux  de 
derrière  armés  de  petits  ongles  cro- 
chus. 

Animal  vorace  ,  plus  avide  de 
poillon  que  de  chair,  qui  vit  fur  les 
bords  des  rivières ,  des  lacs  &  des 
érangs ,  &  finit  par  dépeupler  ceux-ci 
de  poltrons  ;  il  mange  également 
les  écrevitfes ,  les  rats  &  les  gre- 
nouilles. Cet  animal  eft  réputé  viande 
maigre,  &  c'eft  un  mauvais  manger. 
Avec  fa  peau  on  fait  des  fourrures  j 


L  O  U 

les  chapeliers  fe  fervent  de  fon  poil 
pour  fabriquer  des  chapeaux. 

La  loutre  ne  creufe  point  de  ter- 
rier, mais  elle  fe  retire  dans  les  trous 
formés  par  les' racines,  ou  fous  les 
racines  des  arbres  qui  bordent  les  ri- 
vières. Cet  animal  eft  fin  &  défiant, 
comme  tous  les  animaux  qui  vivent 
de  rapines. 

On  reconnoît  la  préfence  des  lou- 
tres dans  le  voifinage  des  étangs,  par 
leurs  excrémens  mal  digérés ,  rem- 
plis d'écaillés,  d'arrêtés;  cet  animal 
paffe  toujours  dans  le  même  endroit, 
&  lorfqu'on  a  reconnu  (tl  pajfée  ^  on 
égalife  le  terrein ,  on  le  remue  avec 
un  rareau,  afin  que  la  terre  prenne 
l'empreinte  de  fes  pieds  ;  on  s'en  af- 
fûte plufieurs  jours  de  fuite  par  le 
même  moyen,  &  enfuite  on  tend  un 
traquenard  (  Voy£\  ce  mot  )  fur  fon 
patfage ,  &  la  chaîne  du  traquenard 
doit  être  fortement  aflujettie  à  un 
pieux  ou  1  un  arbre. 

L'affût  pendant  la  nuit  eft  le  fécond 
moyen  qu'on  employé  pour  prendre 
cet  animal.  La  loutre  a  pour  ha- 
bitude d'aller  fienter  fur  une  pierre 
blanche  lorfqu'elle  en  renconrre  près 
de  l'étang  :  fi  cette  pierre  manque, 
on  peut  en  tranfporter  une ,  ou  un 
bloc  de  plâtre  blanc  ou  de  craye,  ou 
même  une  pierr^  de  couleur  quel- 
conque blanchie  à  la  craye  &  à  l'huile 
ficarive,  car  blanchie  à  la  chaux  la 
couleur  riendroir  moins  :  la  chaux 
cependant  peut  être  utile  au  défaut 
de  tout  autre  moyen.  Lorfque  le 
chatTeur  connoît  l'habitude  contrac- 
tée, il  fe  porte  près  de  la  pierre,  at- 
tend l'animal  &  le  tire  de   très-près. 

Un  autre  moyen  d'écarter  les  lou- 
tres ,  c'eft  d'entretenir  pendant  plu- 
fieurs nuits  de  fuite  une  lumière  ou 


L  O  U  L  O  U            307 

du  feu  fur  le  bord  de  l'étang  ;    ce  les  lieux  frais  j   il  porte  la  tcte  baiïe 

moyen  eft  purement  palliatif,  elles  &  lesoreilles  pendantes;  il  eft  trifte  , 

ne  tardent  pas  à  revenir  dès  qu'on  fes  yeux  font  rouges  &  larmoyans  , 

celle  d'entietenir  la  lumière.  fa  peau  eft  fort  cliaude  &  fèche  ;  (x 

M.  Jean  Lots  adonné  un  mémoire  rafpiraticn  eft  fréquente  &  difficile, 

fur  la  manière  avantageufe  de  drelfer  Loifque  le  mal  a  fait  beaucoup  de 

la  loutre  pour  prendre  du  poillon.  U  progrès  ,  la    refpiratiou  eft   toujours 

faut  qu'elle  foit  jeune  :  on  la  nourrit  luivie  d'un  battement  des  flancs  ;  il 

pendant  quelques  jours  avec  du  poif-  toulfe    fréquemment  ,   l'haleine   eft 

fon  &:  de  l'eau,  enfuite  on  mêle  de  d'une  odeur  fétide  :  en  appliquant  la 

plus  en  plus  dans  cette  eau  du  lait,  de  main  le  long  des  côtes  ,  on  fent  que 

la  foupe,  des  choux  &  des  herbes.  Dès  le  cœur  &  les  artères  battent   avec 

que  l'on  s'apperçôit  que  l'animal  s'ha-  force;  la   langue  &   le  palais   font 

bitue  à  cette  efpèce  d'aliment ,  on  lui  arides   &    deviennent    noirâtres;    il 

retranchefuccefîîvement  prelque  tout  perd  l'appétit,  &  celfe  de  ruminer; 

le  poiflon  ,  &  à  fa  place  on  fubftitue  la  foif  eft  conlidérable  ;  il  urine  très- 

du  pain  ,   dont  elle  fe   nourrit  très-  rarement   &  fort  peu  à  la  fois  ;  les 

bien;  enfin  il  ne  faut  plus  lui  donner  urines  font  rougeâtres  ;   les   excré- 

iii  poiflbns  entiers  ni  inteftins ,  mais  mens  durs  îk  noirâtres  dans  le  com- 

feulement  des  têtes.  On  drelTè  en-  mencemenr,  quelquefois  liquides  & 

fuite  l'animal  à  rapporter,  comme  en  fanguinolents    :   les  vaches    perdent 

dreife   un  chien  ;   lorfqu'il  rapporte  leur  lait.  Dans  les   uns  il  fe  forme 

tout  ce  qu'on  veut,  on  le  mène  fur  des  tumeurs   inflammatoires,  tantôt 

le  bord  d'un  ruilfeau  clair,  on  lui  jette  vers  le  poitrail,  tantôt  aux  vertèbres 

du  poilfon   qu'il  a  bientôt  joint  Se  ducol  &  du  ventre  ;  tantôt  aux  mam- 

qu'on  lui  fait  rapporter;  la  tête  de  melles  &  aux  parties  naturelles  :  dans 

ce  poilfon  lui  eft  donnée  en  récom-  les  autres ,  il  paroît  dans  toute  la  fu- 

penfe  de  fa  docilité.  Un  homme  de  perficie  du  corps  des  boutons  comme 

la  Savoie,  par  le  fecours  d'une  loutre  de  la  gale  <Sc  des   furoncles.   11  eft 

ainiî  dredée  ,  prenoit  journellemene  rare   de  voir  tous  les  fymptômes  at- 

autant  de  poiftons  qu'il  lui  en  falloir  taquet  en  même  temps  le  même  fu- 

pour  nourrir  toute  fa  famille.  Cette  jet;   mais  l'expérience  prouve,   que 

méthode  eft  fort  ancienne  en  Suède,  plus  ils  font  nombreux  ,  plus  pronip- 

tement  l'animal  périt  :  ordinairement 

LOUVET,  ou  LOVAT.  Méde-  il  meurt  ou  guérit  le  quatrième  jour, 

CINE  VÉTÉaiNAiRE.C'eft  ainli  qu'on  lorfque  les  fymptômes  font  violens: 

appelle,  en  Suilfe,  une  maladie  in-  s'il  palfe  le  quatrième  jour,  &  que 

flammatoire,  contagieufe  ,  qui  atta-  le  fcptième  foit  heureux,  la  gucrlfon 

que  ccmmunémeni;  les  baufs  «Je  les  eft  certaine  ,    quoique   la   convalef- 

chevaux.  cence  n'arrive  fouvent  que  le  quin- 

Auflitôr  que  l'animal  en  eft  at-  zième  jour, 

teint,  il  perd  fes  forces,  il  tremble  y  L'abondance   des  urines  troubles  , 

il  veut  fe  tenir  couché,  il  ne  fe  lève  dépofant   un   fédiment   blanchâtre  ; 

que  pour  fe  raffraîchir ,  &  rechercher  les  excrémens  plus  abondans  que  dans 

Q4^ 


3o8  L  O  U 

1  eut  naturel ,  humedlés ,  &  dépour- 
vus de  beaucoup  d'odeur  ;  la  peau 
noire  &  lâche  ;  les  boutons  pleins 
d'un  pus  blanchâtre  j  la  foif  fuppri- 
mée  ;  le  retour  de  l'appétit  ;  les  jam- 
bes enflées  j  la  rumination  &:  la  defli- 
cation ,  font  les  figues  avant-coureurs 
d'une  parfaite  guérifon  j  tandis  que 
la  tuméfaftion  du  ventre,  les  mugif- 
femens,  les  déhiil'ances ,  la  débilité, 
les  tremblemens  ,  les  convulfions  , 
la  rétention  d'urine  ,  la  diarrhée  & 
la  dilfenterie,  n'annoncent  rien  c^ue 
de  fâcheux. 

Cette  maladie  eft  plus  fréquente 
en  été  qu'en  hiver,  &  elle  eft  moins 
meurtrière  au  printemps  qu'en  au- 
tomne. Les  cantons  qui  abondent  en 
pâturages  marécageux  ,  font  beau- 
coup plus  expofés  que  les  autres. 

M.  Reynier  admet  pour  caufe  pro- 
chaine de  cette  épizootie  ,  un  alkali 
fixe  ,  provenant ,  i".  de  la  mauvaife 
qualité  des  eaux ,  dont  le  bétail  eft 
abreuvé;  i°.  du  fourrage  corrompu  ; 
3*.  des  fatigues  exceflives  ;  4".  des 
écuries  trop  baftes  &  mal  aérées  ; 
f/'.  du  défaut  de  boilTon  j  6*.  de 
l'intempérie  de  l'air. 

L'exiftence  de  l'alkali  fixe,  déve- 
loppé dans  les  humeurs  de  l'animal, 
fain  ou  malade,  eft,  félon  M.  Vitet, 
une  chimère  qu'aucune  expérience 
ne  peut  maintenir  dans  l'efprit  d'un 
obfervateur  exaét. 

Sans  nous  arrètet  ici  à  toutes  ces 
caufes ,  nous  nous  bornerons  feule- 
ment à  décrire  les  indications  géné- 
rales que  préfente  cette  maladie.  Elles 
fe  réduifent  à  prévenir  l'inflamma- 
tion &  la  putridité  ,  à  en  arrêter  les 
progrès ,  à  les  combattre  ,  fi  les  fym- 
ptômes  en  font  déjà  déclarés ,  &  à 


L  O  U 

empêcher  la  gangrène  de  fe  manî- 
feftec  dans  les  tumeurs  inflamma- 
toires. 

Pour  remplir  la  première  indica- 
tion ,  il  faut  d'abord  chercher  à  abat- 
tre la  violence  de  la  fièvre,  la  cha- 
leur ,  l'altération  &  les  auttes  fym- 
ptômes  qui  en  font  les  fuites,  II 
femble  ,  au  premier  coup  d'œil ,  que 
la  faignée  devroit  être  indiquée  j 
mai?,  en  faifant  attention  que  dans 
la  Suifie  j  le  bétail  du  payfan  manque 
de  fang  plutôt  que  d'en  avoir  de 
furabondant,  attendu  la  difette  d'ali- 
ment ,  dont  il  a  fort  fouvent  à  fouf- 
frir  ,  on  verra  clairement  ,  que  la 
faignée  ne  corrigeroit  en  rien  la  na- 
rure  du  fang  ,  &  que  fon  effet  con  - 
fifteroit  uniquement  à  produire  une 
révolution  dans  le  cours  des  fluides. 
Il  s'agit  donc  plutôt  de  combattre  la 
mauvaife  qualité  des  humeurs  ,  que 
la  pléthore.  (  F'oye-:^  ce  mot  )  Pour 
cet  efFet ,  ayez  recours  à  l'eau  pure  , 
plutôt  fraîche  que  tiède,  aupetitlait , 
aux  fucs  de  laitues  ,  de  berle  ,  de 
blette  ,  aux  décodlions  d'orge ,  de 
femences  de  courges  ©u  concombres, 
adminiftréesfous  forme  de  breuvage, 
ou  de  lavement  ;  ajoutez-y ,  fi  le  mal 
eft  urgent,  du  fel  de  nitie,  du  cryftal 
minerai ,  &c.  Le  vinaigre,  mêlé  avec 
fuffifante  quantité  de  miel ,  &  étendu 
dans  une  décoétion  de  feuilles  de 
mauve  ou  de  pariétaire ,  mérite  la  pré- 
férence fur  tous  les  autres  médica- 
mens ,  foit  qu'on  le  donne  en  breu- 
vage ,  foit  qu'on  l'adminiftre  en  la- 
vement. Lorfque  la  diarrhée  eft  con- 
fidérable  ,  &  que  la  dilTenterie  com- 
mence à  paroîcre,  diminuez  la  quan- 
tité du  vinaigte,  &  ajoutez  au  petit- 
lait  deux  onces  de  quinquina  ,  ou 
quatie  onces  d'écorce   de  frêne   en 


LUC 

poudre.  Si  vous  unllfez  les  acides  & 
le  camphre  avec  le  quinquina,  vous 
le  rendez  plus  efficace  ;  de  même 
que  fi  vous  délayez  le  quinquina  pul- 
vérifc  dans  l'eau,  il  agit  mieux  que 
la  fimple  dccodlion  de  l'écorce  de 
frêne.  Palfez  un  /<;'iûn  (  f^oye:^  ce 
moc  )  au  poitrail,  ou  au  bas-ventre  : 
c'eft  ordinairement  dans  ces  parties 
que  les  tumeurs  fe  forment  ,  d'ail- 
leurs ,  ces  endroits  étant  éloignés  des 
articulations  &c  des  grands  vailfeaux, 
on  n'a  rien  à  craindre  dans  l'opération. 
Parfumez  les  écuries  &  les  animaux 
avec  le  vinaigre ,  évitez  les  fudori- 
fiques  ,  les  purgatifs  &  les  diuréti- 
ques ;  ils  augmentent  toujours  les 
fymptômes  de  la  maladie. 

Quant  aux  tumeurs  inflammatoi- 
res ,  qui  fe  forment  à  l'extérieur , 
ouvrez  -  les  avec  un  billouri  ou  un 
rafoir;  fcarifiez  à  J'entour;  enfuite, 
appliquez  fur  toute  l'étendue,  un  ca- 
taplafme  fait  avec  les  feuilles  d'abiin- 
the ,  la  rhue ,  la  menthe ,  la  centaurée , 
la  ciguë,  l'écorce  de  quinquina j  de 
frêne  ,  le  fel  ammoniac  &  le  vin. 
Changez-le  dès  qu'il  commence  à  fe 
fécher  j  enfin,  panfez  i'ulcère  avec 
l'onguent  égyptiac  ,  après  l'avoir  re- 
couvert du  cataplafme  précédent ,  & 
continuez  ce  panfement  jufqu'à  par- 
faite guérifon.  M.   T. 

LUCE.  (  Eau  de  )  Confultez  le 
mot  Eau  phamarcie. 

LUCIE  (  Bois  deSre.  )  Confultez 
le  mot  Mahaleb. 

LUETTE.  Médecine  rurale. 
Winflow  ,  célèbre  anatomifte,  nous 
apprend  que  la  cloifon ,  qu'on  peut 
audî  appeller  le  voile  ,  &  même  la 
valvule  du  palais  ,  eft  terminée  en- 


■^  LUE  309 

bas ,  par  un  bord  libre  &  flottant ,  qui 
reprélente  une  arcade  particulière  , 
fituée  tranfverfalement  au-delfus  de 
la  bafe  ,  ou  racine  de  la  langue.  La 
portion  la  plus  élevée,  ou  corps  glan- 
duleux, mo!a(re,&  irrégulièrement 
conique,  dont  la  bafe  elî  attachée  à 
l'arcade,  &dont  la  pointe  pend  libre- 
ment en  ■  bas  ,  eft  ce  qu'on  appelle 
communément  luette. 

Cette  partie  eft  fujette  à  l'inflam- 
mation ,  rarement  eft-el!e  enflammée 
eflentiellement  ;  pour  l'ordinaire  elle 
participe  de  celle  qui  attaque  les 
amigdales ,  &c  les  parties  voiimes  de 
la  gorge. 

Les  fignes  qui  nous  font  connoître 
cette  maladie  ,  font  la  tumeut  &  la 
rougeur  qu'on  apperçoit  à  la  luette, 
en  failant  bien  ouvrir  la  bouche  à 
celui  qui  en  eft  attaqué.  En  outre, 
la  refpiration  eft  plus  gênée  &  beau- 
coup plus  difficile;  le  malade  ne  peut 
refpirer  que  par  les  narrines  ;  la  dé- 
glutition eft  aufli  très-douloureufe  ;  il 
crache  fans  ceiïe,  &  relient  une  dou- 
leur vive  dans  l'intérieur  de  l'oreille. 

Tous  ces  fymptômes  ne  font  ef- 
frayans ,  qu'autant  que  la  fièvre  qui 
furvient  eft  très-forte.  Si  au  contraire, 
l'inflammation  de  la  luette  n'eft  point 
accompagnée  de  fièvre  ,  elle  cède 
bientôt  aux  gargarifmes  adoucilfans 
&  raffraîchilfans  ,  au  repos,  &:  à  un 
régime  de  vie  approprié.  La  faignée 
eft  tout  au  moins  inutile  ;  il  faudroit , 
au  contraire  ,  y  avoir  recours ,  fi  la 
fièvre  furvenoit,  &  même  la  répéter 
plufieurs  fois  h  elle  acquetroit  un  cer- 
tain   degré  de  force  &:  de  violence. 

Il  eft  très-rare  que  la  luette  foit 
feule  attaquée  d'inflammation  ,  in- 
dépendamment des  autres  parties 
voiimes;  mais  fa  chute  arrive  plus 
communément.  Cet  accident  eft  bien- 


^10  LUE  ^ 

tôt  connu ,  fi  on  fait  ouvrir  la  bouche 
à  ceux  qui  en  font  atraqués ,  &  li 
l'on  comprime  la  bafe  de  la  langue 
avec  le  bout  d'une  cuiller  ;  il  ell 
toujours  caufé  par  le  relâchement 
de  fes  hbres.  On  pare  à  cette  légère 
incommodité  d'une  manière  très- 
prompte  &  très-efficace.  Pour  y  par- 
venir avec  facilité  ,  on  comprime 
la  langue  à  fa  racine  ,  &  avec  l'ex- 
l'extrémitc  d'une  cuiller  qu'on  en- 
duit d'un  corps  gras  ou  huileux  ,  Se 
qu'on  a  le  foin  de  faupoudrer  de 
poivre  commun,  grolTiérement  con- 
tairé  ;  on  va  toucher  la  luette  qui 
fe  contracte  fur  le  champ  ,  &  revient 
à  fon  point  naturel  ,  par  l'impreflion 
que  le  poivre  fait  fur  elle. 

Ce  remède,  tout  fimple  qu'il  elt, 
feroit  très-nuifible  ,  &  ne  devroit  pas 
être  employé,  fi  la  luette  venoit  à  s'a- 
battre par  in  flammation.il  vaut  mieux 
alors  s'en  abftenir,  &  employer  des 
moyens  plus  doux  ,  tels  que  les  gar- 
garifmes  raffraîchilfans ,  avec  lefqucls 
on  peur  combiner  les  aftringents  lui- 
vans,  la  racine  de  grande  conioude  , 
les  feuilles  de  plantin,  les  balauftes , 
l'eau  rofe. 

La  luette  ell:  quelquefois  recou- 
verte de  boutons  qui  ont  un  caratftère 
malin, &  qui  donnent  aiiiliuneluppu- 
ration  de  mauvais  caractère  :  une  pa- 
reille maladie  tient  prelque  Toujours 
à  l'infeétion  générale  de  la  malfe  des 
humeurs  j  on  l'tibferve  alfez  fonvent 
dans  les  maladies  vénériennes  invé- 
térées ,  après  des  gonorrhées  dont  on 
a  trop  tôt  arrêté  l'écoulement.  U  faut 
alors  s'occuper  de  la  maladie  prmii- 
tive^  regarder  l'éruption  de  ces  bou- 
tons comme  fymptômatique.  Si  on 
applique  un  traitement  convenable 
à  la  maladie  eilentielle,  on  les  voit 
bientôt  difpaioître.  AI.  AMI. 


L  U  M 

LUMIÈRE.  Physique  et  phy- 
siologie VÉGÉTALE. 

Plan   du   Travail. 

Sect    I.  Coup  d'ceil  général  fur  la  lumière. 
Sect.  II.   De  la  lumière  confidérée par  rap^ 

port  a  fes  qualités  phyfiques. 
§.   I.  Qu'eji-ce  que  la  lumière. 
§.   II,   Elle  a   toutes   les  propriétés  di  la. 

matière. 
§.  III.  Du  mouvement  de  la  lumière. 
Sect.  III.  Aciion  de  la  lumière  fur  les  corps 

du   règne  animal  &  végétal, 
§.  I.  Sur  ceux  du  règne  animal, 
§.  II.   Sur  ceux  du  règne  végétal. 

Section     première. 

Coup  d'œil  général  fur  la  lumière. 

Quoique  engénéral  la  phyfique  pro- 
prement dite  ne  l'oit  pas  du  relFort 
de  cet  ouvrage j  cependant,  fuivant 
le  plan  que  nous  nous  fommes  pro- 
polé  ,  il  eft  nécclTaire  fouvent  d'y 
avoir  recours ,  &  d'en  établir  quel- 
ques piincipes,  parce  qu'ils  doivent 
fervirde  bafe  .à  l'explication  des  phé- 
nomènes les  plus  frappans  de  l'éco- 
nomie végétale  j  c'eft  ce  qui  nous 
oblige  dans  ce  moment  à  entrer  dr.ns 
quelques  détails  fur  la  lumière,  con- 
fidérée phyfiquement.  Cet  élément 
eft  l'agent  univcrfel  de  la  nature,  il 
femble  tout  animer  ,   tout  mouvoir. 

Mais  ,  (ï  nous  coniîdérons  la  lu- 
mière fous  un  rapporrpius  immédiat 
avec  nous;  fi  nous  réfléchilTons  que 
c'ell  à  elle  que  nous  devons  le  fpec- 
tade  brillant  de  lunivers,  cette  jouif- 
fance  qui  fe  renouvelle  fans  celle  , 
&  fans  laquelle  la  terre  entière 
feroit  le  féjour  des  ténèbres  &  de  la 
mort ,  quel  eft  l'efprit  allez  apathique, 
pour  ne  pas  défirer  de  Lonnoître  le 
principe  de  les  propriétés  de  l'ame  de 
l'univers  !  Quel  plus  maxiifique  fpec- 


L  U  M 

tâde  que  celui  qui  fe  développe  à 
nos  yeux  au  moment  où  la  lumière  , 
diflTéminée  autour  de  nous ,  va  s'a- 
nimer par  la  préfence  du  foleil ,  que 
les  ténèbres  de  la  nuit  font  diflipées , 
que  nos  yeux,  longtemps  fermés  par 
un  fommeil  bienfaifant ,  s'ouvrent  in- 
fenfiblement  &  fe  promènent  fur  tout 
ce  qui  nous  environne  j  on  diroit 
alors  qu'il  fe  fait  une  nouvelle  créa- 
tion pour  nous,  à  mefure  que  nous 
diftinguons  de  nouveaux  objets  ;  ils 
paroident  renaître;  déjà  l'éclat  de  la 
lumière  augmente  ,  les  objets  les 
plus  éloignés  femblent  fe  rapprocher, 
parce  qu'ils  deviennent  plus  vifibles; 
notre  domaine  s'étend ,  nos  jouif- 
fances  font  plus  multipliées,  notre 
exiftance  fe  multiplie  avec  elles.  La 
terre  fe  pare  de  couleurs  éclatantes , 
fa  beauté  va  frapper  nos  yeux  à  l'inf- 
tant  où  l'aftre  de  lumière  qui  anime 
toute  la  nature,  s'élance  rapidement 
de  l'horifon ,  &  s'élève  au-delfus  de 
notre  féjour.  Quelle  majefté  dans  fon 
afcenfion  !  quelle  vivacité  dans  ces 
flots  de  lumière  qu'il  lance  de  tous 
côtés  \  nos  yeux  éblouis  n'en  peuvent 
fupporter  l'éclat  ;  ils  aiment  bien 
mieux  repofer  leurs  regards,  tantôt 
fur  les  cimes  dorées  des  montagnes, 
tantôt  fur  l'azur  qui  colore  le  vague 
des  airs ,  ou  fur  ces  tapis  verdoyans 
dont  mille  ôi  mille  fleurs  naiflantes 
marquent  les  différentes  parties,  îk 
deflment  les  contours. 

La  lumière  a  paru ,  tout  a  repris 
lexiftence ,  tout  revit  pat  fes  bien- 
faits j  l'homme, fortifié  &  renouvelle 
pour  alnfi  dire  par  un  repos  faUiraire, 
retourne  gaiement  à  fon  travail;  les 
animaux  fortent  de  leurs  retraites 
pour  jouir  de  fes  premières  influences  ; 
les  oifeaux  ,  portés  fur  leurs  aîles  lé- 
gères ,  s'élèvent  en  chantant  dans  les 


L  U  M  511 

airs,  &  femblent  vouloir  ia  prévenir 
&  célébrer  par  leurs  hymnes  mélo- 
dieufes  fon  heureux  retour;  les  plan- 
tes ,  plongées  auparavant  dans  tin  vrai 
fommeil,  s'éveillent,  leurs  tiges  fe 
redreflent ,  les  feuilles  &  leurs  fleurs 
s'épanouiflent,  &  déjà  elles  exhalent 
autour  d'elles  cet  atmofphète  d'air 
pur  &  vivifiant  qui  purifie  l'air. 

La  matière  qui  vit  dans  les  ani- 
maux &  les  végétaux  n'efl:  pas  la 
feule  qui  reflente  les  bienfaits  de  la 
lumière,  la  matière  morte  &  inerte  en 
reçoit  une  efpèce  d'exiftance  par  les 
diverfes  combinaifons  qu'elle  eÙ.  fuf- 
ceptible  de  prendre  avec  elle.  La  lu- 
mière ayant  la  faculté  de  pénétrer  les 
corps  qu'elle  touche,  de  produire  en 
eux  la  chaleuf,  de  développer  celle 
qui  croit  engourdie  dans  leur  fein  , 
que  de  phénomènes  fe  reproduifent 
alors  par  ce  nouvel  agenr!  on  peut 
même  dire  qu'il  exifte  dans  la  nature 
une  aètion  &  une  réaétion  perpétuelle 
entre  tous  les  corps  qui  font  fournis 
à  fon  impreflion. 

Si  donc  route  la  nature  éprouve 
une  aétion  fi  marquée  de  la  part  de  la 
lumière,  de  quel  intérêt  n'eft-il  pas 
que  nous  cherchions  à  nous  inftruire 
plus  particulièrementdefes  proptiétés 
(St  de  fes  effets. 

Section       II. 

De  la  lumière  conjldérce phyjlquement, 

§.  I.    Quejî-ce  que  la  lumière. 

La  lumière  eft  une  matière ,  un 
fluide  infiniment  délié ,  qui  en  af- 
feârant  notre  œil  de  cette  imprefljon 
vive  qu'on  nomme  clarté ,  rend  les 
objets  vifibles;  ce  fluide  dilféminé 
dans  tout  l'efpace,  réfide  nécelfaire- 
ment  entre  le  corps  vu  (?c  notre  oeil, 
puifque  c'eft  lui  qui  nous  avertit  de 


3IZ  L  U  M 

{on  exiftence  ,  &  qui  f,ùc  naîrre 
d.iiis  notre  ame  la  fenfacion  par  le 
mcchanifme  de  l'organe  de  l'œil. 
Mais  qu'eft-ce  que  cette  matière? 
comment  agit -elle  fur  notre  œil  , 
&  y  tait-elle  naître  le  fentiment  de 
la  vue  ?  Ces  deux  queftions  impor- 
tantes ont  été  longtemps  difcutées , 
fur-tout  la  première,  «Se  les  pliyfi- 
ciens ,  tant  anciens  que  modernes , 
ne  font  point  d'accord  fur  la  na- 
ture de  la  lumière.  Le  fentiment  le 
plus  généralement  reçu  ,  &  que  nous 
adoptons  ici  fans  entrer  dans  de 
longues  dilculîions,  qui  n'appartien- 
nent qu'à  des  traités  de  phyfique  , 
celui  qui  paroît  expliquer  le  mieux 
Se  le  plus  Jiaturellement  tous  les  phé- 
nomènes qui  dépendent  de  la  lumière, 
c'elt  que  la  lumière  eft  un  fluide  dont 
les  parties  font  extraordinairement 
tenues ,  dlflcminées ,  &  rempUlfant 
tous  les  efpaces  vuides  de  l'univers. 
Parfaitement  élaftique  par  lui-même, 
il  ei\  fufceptible  de  toutes  fortes  de 
mouvemens  &  dans  tous  les  fens  ; 
mais  ce  fluide  n'eft  pas  lumineux  par 
lui-même,  pour  le  devenir  il  a  be- 
loin  d'éprouver  certain  degré  de 
mouvement  de  vibration  dans  lequel 
confifte  la  lumière  proprement  dite, 
ou,  pour  mieux  dire  encore,  duquel 
réfulte  la  fcnfation  de  lumière  dans 
notre  ame. 

§.    1 1.    La  lumière  a  toutes  les  pro- 
priétés de  la  m.iticre. 

Si  la  lumière  eft  un  fluide,  une 
matière,  elle  doit  en  avoir  toutes 
les  propriétés  \  elle  cil  divifiblc  ;  le 
prifme  de  tous  les  corps  diaphanes 
qu'elle  traverfe  en  fe  reportant  fous 
lin  angle  connu,  la  décompofe,  la 
d:vife  &  la  fépare  pour  ainh  dire 
çn  fept  atomes  colorés ,  dont  la  réu- 


L  U  M 

nion  faifoit  auparavant  la  lumière 
blanche,  z".  Elle  eft  pefante  5  elle 
change  de  direétion  lorfqu'elle  eft  à 
portée  de  la  fphère  d'attradioii  de 
quelques  corps.  3°.  Les  molécules 
qui  la  compofent  ne  font  ni  limples 
ni  homogènes  ,  mais  chacune  eft 
compofée  de  plufieurs  autres  qui  pa- 
roiflent  de  nature  différente  j  ainfi  le 
rayon  rouge  eft  bien  plus  pefant  que 
le  rayon  violet  j  &  entre  ces  deux 
on  remarque  une  infinité  de  rayons 
intermédiaires,  qui  approchent  plus 
ou  moins  de  la  pefanteur  du  rayon 
rouge  &  de  la  légèreté  du  violet. 
4°.  Elle  eft  malfive,  &  fait  mouvoir 
des  corps  qu'elle  frappe  ;  elfe  fait 
tourner  fur  fou  pivot  une  aiguille, 
placée  au  foyer  d'un  miroir  ardent. 
5°.  Elle  eft  élaftique  ,  &  fans 
doute  le  plus  élaftique  de  tous  les 
corps  de  la  nature;  ce  qu'on  peut  ef- 
timer  facilemeht,  parce  qu'elle  fe  ré- 
fléchit exadlement  fous  le  même 
angle  fous  lequel  elle  a  frappé  le 
corps  qui  le  réfléchit.  6°.  Enfin, elle 
tend,  comme  tous  les  corps,  à  fe  mou- 
voir en  ligne  directe,  (Se  elle  s'y  meut 
effeélivement  tant  qu'il  ne  fe  trouve 
point  d'obftacles  fur  fon  paifage.  S'il 
s'en  trouve  un,  elle  eft  foumife encore 
comme  eux  aux  mêmes  loix  ;  l'obf- 
tacle  eft-il  perméable,  ôc  la  lumière 
le  pénétre-t-e!Ie  obliquement  ?  elle 
fourtre  aIoi"s ,  en  le  pénétrant  &  en 
fortant,  un  changement  dans  fa  di- 
rcétion ,  par  lequel  elle  s'approche 
plus  ou  moins  de  la  perpendiculaire: 
c'eft  ce  que  l'on  nomme  en  phyfique 
rcfraélion.  L'cbllacle  eft-il  imper- 
méable ,  alors  elle  fe  réfléchit  ,  & 
c'eft  ce  mouvement  de  réflexion  qui, 
fe  propageant  jufqu'à  notre  œil,  pro- 
duit en  nous  la  fcnfation  de  la  vus 
des  corps. 

Ea 


L  U  M 

En  général ,  de  >  que  la  lumière  en 
mouvemenc  vient  à  frapper  un  corps 
par  fes  parties  folides  ,  intérieures 
comme  extérieures,  car  la  lumièie 
eft  Cl  fubtile  qu'elle  pénétre  tous  les 
corps ,  &  qu'elle  s'y  fixe  en  partie ,  alors 
le  mouvement  de  vibration  qu'elle  lui 
imprime  fait  naître  dans  ce  corps  un 
certain  degré  de  mouvement  qui  peut 
aller  juCqu'd  la  chaleur  Se  même  l'i- 
gnition.  Ce  mouvement  interne  pro- 
duit par  la  lumière,  cette  nouvelle 
modification,  eft,  comme  nous  le 
verrons  plus  bas,  le  principe  dire£t 
des  phénomènes  qui  nailfent  par  fa 
préfence  ou  fon  abfence,  fur  -  tout 
dans  le  règne  végétal. 

§.  III.  Du  mouvemenc  de  la  lumière. 

Toute  caufe  qui  peut  déterminer 
le  mouvement  de  vibration  dans  le 
fluide  lumineux,  &  le  propager  jufqu'à 
notre  œil,  produira  l'éclat  lumineux. 
Le  foleil  eft  ce  qui ,  jufqu'à  préfent, 
a  le  plus  d'aétion  dans  la  produétion 
de  la  lumière,  foit  que  cet  aftre  foit 
un  réfervoir  immenfe  de  ce  fluide, 
&  qu'à  chaque  inllant  il  en  verfe  des 
torrens  qui  ne  s'épuifenr  jamais,  foit 
feulement  qu'il  ne  falTe  qu'imprimer 
le  mouvement  néceffaire  au  fiuide 
lumineux,  dilféniiné  dans  tout  l'ef- 
pace. 

Ce  mouvement  s'affoiblit  de  lui- 
même,  &  finit  parcelfer  totalement, 
fi  la  caufe  agilTante  eft  afFoiblie.  Ainfi , 
le  jour  paroît  dès  que  le  foleil  vient 
fur  notre  horifon  mettre  en  vibration 
le  fluide  lumineux  ;  le  jour  dure  tant 
que  cet  effet  a  lieu;  le  jour  celTe  &  la 
nuit  arrive  lorfque,  par  l'abfence  du 
foleil  ,  le  fluide  lumineux  perd  fon 
mouvement,  &  retombe  dans  un  de- 
gré de  motion  prefque  infenfible.  La 
Tome  FI. 


L  U  M 


313 


lumière  réfléchie  par  la  lune  &  par  les 
afties  répandus  dans  les  cieux  ,  foii- 
tient  jufqu'à  un  certain  point  ce  toible 
mouvement ,  ce  qui  entretient  une 
efpèce  de  lueur  au  milieu  des  ténè- 
bres de  la  nuit,  qui  fuflit  à  quelques 
efpèces  d'animaux  pour  y  voir  iSs  fe 
diriger.  L'œil  même  de  l'homme  y  de- 
vient fenfible  à  la  longue,  &  l'on  par- 
vient alors  à  diftinguer  quelques  objets 
très-proches  ,  lorfque  la  prunelle  de 
l'œil  s'eft  alfez  dilatée  pour  ramafler, 
pour  ainfi  dire,  le  plus  de  rayons  de 
lumière  polTible.  Dans  ce  cas ,  leur 
multiplicité  équivaut  en  quelque 
forte  à  leur  vivaciré.  Mais  fi  le  fluide 
lumineux  eft  abfolument  privé  de 
toute  efpèce  de  mouvement  ,  alors 
plus  d'éclat  lumineux ,  plus  de  fenfa- 
tion  dans  l'organe  de  la  vue;  des  té- 
nèbres épailfes  nous  environnent;  rien 
n'eft  fenfible,  parce  que  rien  n'a  de 
mouvement.  Obfervons  toujours  que 
la  fenfibilité  de  la  vue  étant,  comme 
celle  de  tout  autre  fens  ,  différente 
dans  les  divers  êtres ,  ce  qui  eft  invi- 
fible  pour  nous ,  l'eft  aulli  pour  cer- 
tains animaux,  qui  eux-mêmes  font 
plongés  dans  la  nuit  la  plus  obfcure, 
.tandis  que  quelques  infeétes  jouiflfenc 
encore  d'une  efpèce  de  jour. 

Le  mouvement  du  fluide  lumi- 
neux fe  propageant  dans  tous  les  fens, 
la  plus  petite  étincelle  de  lumière  fe 
voit  par  tous  les  points  de  fa  fuper- 
ficie;  il  faut  donc  la  regarder  comme 
un  centte  d'une  fphère  qui  lance  de 
toutes  parts  des  rayons  lumineux;  ces 
rayons  partant  d'un  centre  commun, 
fe  propagent  en  s'écartant  les  uns  des 
autres;  leur  éclar  qui  venoit  de  leur 
réunion  s'affoiblit  donc  à  mefure 
qu'ils  s'éloignent  &.  fe  féparent ,  Se 
leur  mouvement  de  vibration  dimi- 
nue en  proportion ,  &  pareillement 
R  r 


314  L  U  M 

il  augmente  à  mefure  qu'ils  fe  rap- 
prochenc  &  fe  rcunifTent.  Telle  eft  la 
caufe  qui  fait  que  plus  nous  nous 
éloignons  d'un  objet,  6c  moins  nous 
le  diftinguons  ,  6'  vice  versa.  Plus 
nous  fommes  près  d'un  objet,  Se  plus 
notre  œil  reçoit  de  fes  rayons,  ou, 
ce  qui  revient  au  même ,  il  eft  frappé 
d'un  mouvement  plus  vif  de  vibra- 
tion. Ce  mouvement,  qui  nous  pa- 
roît  inftantané,  puifque  nous  apper- 
cevons  les  objets  à  l'inftant  même 
que  nous  les  regardons,  eft  cependant 
fucceffif  lorfque  la  diftance  qui  nous 
fépare  eft  très  confidérable.  Les  rayons 
lumineux  qui  partent  du  foleil,  ou 
la  propagation  du  mouvement  de  cet 
aftre  à  nous,  employent,  fuivant  les 
obfervations  de  Bradley ,  huit  minutes 
treize  fécondes  à  parcourir  trente- 
quatre  millions  de  lieues ,  diftance 
du  foleil  à  la  terre.  Suivant  celles 
d'Hughens,  quand  les  fatellites  de 
Jupiter  fortent  de  l'ombre  de  cet 
aftre ,  la  lumière  de  ces  fatellites  nous 
parvient  d'autant  plus  tard  que  Ju- 
piter eft  plus  éloigné  de  notre  globe, 
&  la  différence  qu'on  remarque  d<ins 
cette  vîtefte  va  à  dix  minutes  au 
moins,  lorfque  Jupiter  eft  à  fa  plus 
grande  &  à  fa  plus  petite  diftance. 
Les  molécules  lumineufes  font  Ci 
tenues  Se  fi  déliées,  qu'elles  peuvent 
fe  croifer  &  fe  pénétrer ,  pour  ainlî 
dire  ,  fans  fe  confondre  ^  c'eft  à  cette 
propriété  qu'eft  dû  l'avantage  le  plus 
précieux  de  la  lumière ,  par  lequel 
une  infinité  de  rayons,  partant  des 
objets  qui  font  placés  au-delà  de  nous , 
pénètrent  le  globe  de  notre  œil ,  s'y 
croifent  néanmoins  fans  fe  confon- 
dre ,  &  vont  peindre  chacun  diftinc- 
tement ,  au  fond  de  cet  organe,  l'image 
de  chaque  partie  de  l'objet  qui  les 
réfléchit. 


L  U  M 

Nous  avons  déjà  obfervé  plus  haut 
que  lorfque  la  lumière  frappe  un 
corps,  une  partie  étoit  réfléchie  ou 
réfrangée,  &  l'autre  abforbée  par  ce 
corps  j  cette  dernière  portion  s'y  fixe  au 
point  qu'elle  devient,  pour  ainfi  dire, 
partie  conftituante  de  ce  corps;  fi  elle 
peut  y  conferver  fon  mouvement  de 
vibration  ,  cette  portion  communi- 
quera au  corps  une  portion  de  fon 
éclat  lumineux,  ou  plutôt  la  portion 
abforbée  reftant  toujours  lumineufe, 
illuminera  le  corps  qui  l'a  abforbée. 
Certains  cuips  font  plus  fufceptibles 
de  conferver  cet  éclat  que  les  autres. 
Se  lorfqu'ils  ont  été  expofés  long- 
temps au  foleil,  fî  on  les  tranfporte 
tout-d'un-coup  dans  un  endroit  très- 
obfcur ,  ils  paroiflent  pendant  quel- 
ques inftans  lumineux  Se  phofpho- 
lefcens.  En  général  les  corps  blancs 
comme  le  papier ,  font  plus  fufcep- 
tibles que  les  autres  de  cette  pro- 
priété. Si  le  mouvement  de  vibration 
s'éteint  trop  vite,  le  corps  refte  obf- 
cur,  mais  il  n'en  éprouve  pas  moins 
une  nouvelle  modification,  qui  dans 
les  uns  eft  une  altération  ,  (î^:  dans  les 
autres  au  contraire  eft  une  efpèce  de 
vivification.  Les  propriétés  phyfiques 
de  la  lumière  bien  connues,  il  en 
refte  une  chymique,  que  tous  les  fa- 
vans  s'accordent  à  reconnoître  aéluel- 
lement  dans  la  lumière,  &  dont  la 
démonftration  nous  mèneroit  trop 
loin  j  nous  la  regarderons  cependant 
comme  démontrée  pour  l'explication 
que  nous  avons  à  donner  de  divers 
phénomènes;  c'eft  une  qualité  acide 
ou  phlogiftiquante  ,  qui  a  fait  que 
quelques  chymiftes  l'ont  regardée 
comme  le  vrai  phlogiftique;  comme  ' 
telle  ,  la  lumière  joue  un  rôle  rrès- 
intérelfant  dans  le  règne  animal  & 
végétal,  alnfi  que  nous  allons  le  voir. 


L  U  M 


E    C    T    I    O     N 


I    I    I. 


Aclion  de  la   lumière  dans  le   rèone 
végétal  &  animal. 

§.  I.  Action  de  la  lumière  fur  le 
règne  animal. 

Tout  ce  qui  a  un  principe  de  vie 
paroîc  avoir  un  befoin  abfolu  de  Ja 
préfence  de  la  lumière,  pour  exifter 
en  état  de  fancé,  &  remplir  toutes  les 
fondions  néceffaires  à  la  viej  &  tous 
les  êtres  vivans  qui  en  font  prives , 
éprouvent  bientôt  une  altération  fen- 
iible.  Les  animaux,  dont  la  nature 
eft  de  vivre  dans  l'obfcurité  &  loin 
de  la  lumière,  n'y  font  pas  autant 
iu]Qts  à  la  vérité,  mais  dans  leur  port 
&c  leur  couleur  ils  annoncent  qu'ils 
ont  été  condamnés  à  une  nuit  éter- 
nelle; l'éclat  du  jour  les  fatigue,  un 
air  trifte,  un  caraétère  fauvage,  une 
robe  nuancée  de  couleurs  fombres  , 
femblent  leur  attirer  avec  juftice  la 
haine  des  autres  animaux,  &  ils  font 
pour  eux  comme  pour  l'homme  d'un 
mauvais  augure.  Ceux  au  contraire 
qui  font  nés  pout  jouir  de  la  lu- 
mière, viennent-ils  à  en  être  privés 
quelque  temps ,  la  langueur  s'empare 
de  tout  leur  être,  la  circulation  des 
humeurs  fe  ralentit,  le  principe  de 
vie  s'airère,  une  maladie,  femblable 
à  celle  que  l'on  appelle  étioleuient 
dans  le  règne  végétal,  achève  enfin 
le  défordre  commencé.  Comme  la 
vie  ell  plus  courte  dans  ce  dernier 
règne  ,  l'altération  eft  plus  prompte 
&  plus  fenfible,  comme  nous  le  ver- 
rons bientôt.  Mais  ne  peut-on  pas 
attribuer  autant  à  la  privation  de  la 
lumière  qu'à  l'humidité  &  au  mau- 
vais air  ,  les  maladies  que  les  pri- 
fonniers  contradent  au  fond  des  ca- 


L  U  M  315 

chots  ?  Pouffons  plus  loin  nos  obfer- 
vations,  &  peut-être  ferons -nous 
étonnés  des  traces  frappantes  de  l'in- 
fluence de  la  lumière  fur  les  ani- 
maux qui  nous  environnent,  comme 
fur  nous-mêmes,  fans  que  nous  y 
ayons  jamais  réfléchi. 

La  peau  de  l'homme,  ce  tiflii  fi 
délicat ,  qui  n'eft:  recouvert  que  par 
une  légère  pellicule  nommée  épi., 
dame ,  (  Voye:^  ce  mot  )  paroît  très- 
fufceptible  de  s'altérer  lotfqu'elle  eft 
longtemps  expofée  à  la  lumière,  '^w 
effet,  ne  voyons -nous  pas  que  la 
peau  de  nos  mains  ,  de  notre  vifage  , 
&  de  routes  les  parties  du  corps  qui 
ne  font  point  habituellement  cou- 
vertes, prennent  une  nuance  foncée 
&  brunâtre  ,  &:  perdent  infenfible- 
ment  cette  blancheur  &  cette  dou- 
ceur qui  en  faifoit  tout  le  prix  dans 
la  fleur  de  la  jeunefTe.  Cette  altéra- 
tion ne  s'arrête  pas  à  l'épiderme,  elle 
pénètre  plus  avant ,  &  affede  mêm.e 
le  réfeau  de  Malpighi  ,  comme  ja 
m'en  fuis  afluré  au  microfcope;  j'ai 
trouvé  en  effet  qu'il  n'y  avoit  pas  une 
grande  différence  entre  l'épiderme 
de  la  peau  la  plus  blanche,  &  celui 
d'une  peau  très-hâlée  par  le  foleil  , 
feulement  la  dernière  étoit  plus  ra- 
boteufe,  mais  la  couleur  &  la  tranf- 
pavence  étoient  prefque  les  mêmes  : 
au  contraire  la  différence  entre  le 
réfeau  de  l'une  &  de  l'autre  étoit 
très-fenfible ,  &  l'altération  étoit  frap- 
pante. Les  perfonnesqui  reflent  long- 
temps expofées  à  un  grand  éclat  de  lu- 
mière ,  au  foleil,  par  exemple,  les 
gens  de  la  campagne,  les  payfans , 
les  laboureurs  ,  les  chaffeurs  ,  les 
voyageurs  ont  le  teint  &  les  mains 
prefque  brunes  <?^'  comme  brûlées  ; 
les  Européens  qui  quittent  ces  climats 
tempérés  pour  aller  habiter  les  zones 
Rr  1 


3IC,'  LUM 

brûlantes  de  l'Inde  ou  de  l'Améri- 
que, perdent  bientô:  leur  blancheur  j 
cette  dégradation  non-leulement  fe 
perpétue,  mais  elle  augmente  encore 
de  race  en  racej  &  qui  fait  Ci  ce  n'eft 
pas  la  feule  caufe  originelle  de  la 
couleur  noire  de  certains  peuples? 

En  réfléchiflant  fur  les  idées  que 
nous  avons  données  de  la  manière  dont 
les  plantes  fe  coloroient ,  (  f'^oye^  le 
mot  Couleur  des  plantes  )  on 
veira  qu'on  peut  en  faire  ziTez  faci- 
lement l'application  à  la  coloration 
accidentelle  de  la  peau  de  l'homme  j 
&  la  lumière,  comme  principe  acide, 
pénétrant  à  travers  l'épiderme  dans 
le  rcfeau  de  Malpighi  &c  dans  le  pa- 
renchime,  fait  entrer  en  fermenta- 
tion le  fuc  dont  il  eft  imbibé  ;  du 
degré  de  fermentation  réfulte  le  de- 
gré d'altérarion,  &  de  ce  dernier  la 
jiouvelle  couleur  qui  paroît  à  travers 
l'épiderme.  Que  les  amateurs  des 
beautés  de  la  figure ,  fe  confolent  , 
cette  blancheur  de  lys,  cet  éclat  de 
franheur  qu'ils  regrettent  tant  lorf- 
que  la  lumière  l'a  fait  difparoître , 
n'eft  pas  perdu  pour  jamais  ;  la  na- 
ture, trop  bonne,  travaille  à  chaque 
inftant  à  leur  rendre  ce  qui  excite 
leur  regret.  Que  l'habitant  efféminé 
de  la  ville,  qui,  pour  varier  fes  en- 
nuis, a  fui  un  inftant  dans  la  cam- 
pagne ,  &  a  ofé  expofer  au  grand  jour 
fa  peau  délicate,  ne  fe  défefpère  pas  fi 
elle  s'eft  hâlée  un  peu  ;  qu'il  rentre 
dans  fes  murs,  la  privation  du  plus 
grand  des  biens,  de  la  lumière,  lui 
rendra  bientôt  fa  blancheur.  Vil  ef- 
clave  d'une  beauté  palfagère,  que  de 
plaifirs,  que  de  jouilfances  dont  il  fe 
prive  pour  la  conferver! 

Nous  n'avons  que  très- peu  d'ob- 
fervations  far  l'influence  de  la  lu- 
mière fur  les  animaux  ,    cependant 


LUM 

nous  en  citerons  quelques-unes,  qui 
nous  ferviront  à  nous  mettre  fut  la 
voie  pour  en  faire  de  nouvelles. 

Il  eft  conftant  que  les  climats  où  la 
robe  des  animaux,  Se  le  plumage  des 
oifeaux ,  font  peints  des  plus  riantes 
&:  des  plus  vives  couleurs,  font  ceux 
qui  font  éclairés  plus  conftamment 
par  un  foleil  faiis  nuage ,  comme  les 
régions  renfermées  fous  la  zone  tor- 
ride  j  plus  nous  nous  éloignons  de 
ces  climats  ,  plus  nous  approchons 
des  régions  polaires,  où  de  longues 
nuits  privent  la  terre  de  la  bénigne 
influence  de  la  lumière ,  &  plus  l'a- 
nimal prend  une  teinte  pâle,  lavée, 
gtife  £c  blanche  j  les  ténèbres  d'un 
hiver  de  fix  mois  affectent  tellement 
certains  animaux ,  qu'ils  changent 
abfolument  de  couleur,  &  qu'ils  de- 
viennent blancs  durant  cette  faifou 
rigoureufe,  pour  reprendre  leur  pre- 
mière parure  fi- tôt  que  le  foleil  re- 
paroît  fur  l'horifon.  M.  Scheele  cite 
un  trait  plus  frappant  encore  &  plus 
direél  de  l'effet  de  la  lumière  fur  la 
nercis palujiris J  qui ,  dit-il,  eft  rouge 
lorfqu'elle  vit  au  foleil,  &  blanche 
dans  l'obfcurité. 

Les  produétions  animales  ncu» 
étant  fouvent  plus  utiles  que  les  ani- 
maux mêmes ,  ont  été  beaucoup  plus 
étudiées.  Se  on  s'eft  apperçu  bientôt 
que  la  lumière  les  affeéioit  fenfible- 
ment  ;  l'induftrie  humaine  a  fu  en 
tirer  parti ,  les  Chinois  blanchilFent 
leur  foie  en  l'expofantau  foleil  :  nous 
en  faifons  autant  pour  la  cire ,  le 
fuif ,  les  toiles  de  chanvre  ou  de  lin. 
La  liqueur  de  certains  animaux  , 
blanche  quand  elle  circule  dans  leurs 
vailîeaux,  rougit  auflicôt  qu'elle  eft  en 
concadlavec  la  lumière;  telle  eft  celle 
de  certains  coquillages  que  l'on  trouve 
au  bord  de  la  mer,  &  dont  les  an- 


L  U  M 

cierrs  habitans   de  Tyr  fe  fervoïent 
pour  teindre  leurs  étoffes  en  pourpre. 

§.    II.  Aclion  de  la  lumière  dans  le 
règne  végétal. 

Ce  n'efc  que  depuis  quelques  an- 
nées que  les  favans  fe  font  occupes 
férieulement  des  effets  de  la  lumière 
fur  les  individus  du  lègne  végétal  j 
leur  maladie ,  connue  fous  le  nom 
d'étiolement,  en  a  été  la  principale 
caufe  j  nous  fonimcs  entrés  dans  quel- 
ques détails  fur  cette  fingulière  ma- 
ladie au  mot  Étiolementj  (  T^oyei^ 
ce  mot  )  nous  en  avons  cherché  l'o- 
rigine,  &  nous  l'avons  trouvée  avec 
M.  Méefe  &  Bonnet  dans  la  priva- 
tion de  la  lumière.  Nous  ne  répéte- 
rons donc  pas  ici  ce  que  nous  avons 
déjà  dit,  mais  nous  nous  occuperons 
feulement  de  l'influence  de  la  lu- 
mière fur  la  croiffance  des  plantes, 
fur  la  coloration  des  pétales  ,  des 
fruits  &  des  autres  patries  de  la 
plante ,  en  un  mot  fur  toute  I'oeco- 
nomie  végétale. 

Depuis  MM.  Duhamel,  Bonnet 
&  Méefe,  deux  i'Iuftres  obfetvateurs 
ontfuivi  la  marche  de  la  lumière,  & 
fes  effets  fur  les  plantes.  Le  premier 
eft  M.  l'abbé  Te(îier,  fi  avantageu- 
fement  connu  par  fes  divers  travaux 
fur  les  grains  &  leur  maladie  \  l'autre 
M.  Senebier  de  Genève,  à  qui  la 
phyfique  &:  la  chymie  doivent  quan- 
tité d'obfervations  importantes;  c'eft 
l'extrait  de  leurs  travaux  que  nous 
allons  préfenter  ici. 

M.  l'abbé  Teffier  voulant  s'affurcr 
jufqu'à  quel  degré  les  plantes  re- 
cherchoienr  la  lumière ,  fi  leur  pen- 
chant vers  elle  avoir  lieu  à  la  furrace 
de  la  tetre  &:  dans  des  apparremens 
plus  ou  moins  éclairés,  comme  dans  les 


L  U  M 


3^7 


lieux  obfcurs,  où  le  jour  ne  pénètre 
que  par  un  feul  endroit  j  II  cette  incli- 
naifon  varieroit  fuivant  la  manière 
dont  les  plantes  fetoient  élevées ,  Z<. 
fuivant  les  époques  de  leur  végétation  ; 
enfin  fi  cette  inclinaifon  fetoit  la 
même,  &  quelle  modification  elle 
éprouveroit  par  une  lumière  direéle 
ou  réfléchie  ,  par  la  lumière  du  jotic 
ou  d'un  flambeau  allumé  \  M.  l'abbé 
Teffier,  dis-je  ,  a  fiiit  un  très  grand 
nombre  d'expériences  qu'il  a  variées 
de  mille  manières,' en  expofant  des 
tiges  de  bled  femé  dans  des  pots, 
tantôt  plus  ou  moins  oblitjuement  à 
ime  fenêtre  ,  tantôt  fur  une  che- 
minée, devant  une  glace  ou  devant 
les  pilaftres  de  la  cheminée  ;  tantôt 
en  coupant  les  tiges  déjà  inclinées, 
pour  voir  fi  les  nouvelles  pouffes  fc 
pancheroient  de  même  ;  tantôt  en 
éclairant  des  plantes  renfermées  dans 
une  cave ,  par  la  lumière  réfléchie 
des  miroirs,  ou  par  une  lampe.  Le 
détail  de  ces  expériences  nous  mè- 
neroit  trop  loin  ,  il  en  réAiIte  feu- 
lement que  plus  les  tiges  des  plantes 
font  près  de  leur  iiaiffance,  plus  elles 
s'inclinent  vers  la  lumière.  Mais  ie 
fortifient-  elles  par  la  végétation  ?  Leur 
tige  fe  folidifie,  &  l'inclinaifon  di- 
minue. Cette  inclinaifon  femble  aug- 
menter encore,  toutes  chofes  égales 
d'ailleurs  ,  en  proportion  de  l'éloi- 
gnement  de  la  plante  vers  la  lumière. 
La  narure  &  la  couleur  des  corps  de- 
vant lefquels  les  plantes  font  placées, 
influent  encore  fur  leur  inclinaifon  j 
s'ils  font  de  nature  à  abforber  ou  à  ne 
réfléchir  que  trè;-peu  de  rayons,  l'in- 
clinaifon fera  confidérable.  La  facilité 
avec  laquelle  les  tiges  poulfi'iu  (ï^:  fe 
développent,  augmente  aufli  la  facilité 
avec  laquelle  elles  s'inclinent  vers  la 
lumière.  «  Enfin  on  peur  conclure. 


Ib 


L  U  M 


»  dit  M.  l'abbé  TelHer,  que  l'incli- 
n  naifon  des  plantes  vers  la  lumière, 
„  eft  en  railbn  compofée  de  leur 
»  jeunefle,  de  la  diftance  où  elles 
»  fon:  de  la  lumière  ,  de  la  manière, 
jj  donc  leurs  germes  ont  été  pofcs, 
M  de  la  couleur  des  corps  devant  lef- 
»  quels  elles  croilTent ,  &  du  plus  ou 
»  moins  de  facilité  que  leurs  tiges 
»  trouvent  à  fortir  de  terre ,  ou  des 
»  autres  matières  fur  lefquelles  onles 
))  avoir  femées.  » 

Ne  foyons  donc  pas  étonnés,  d'a- 
près ces  expériences  ,  que  les  plantes 
ôc  les  arbres  fe  portent  toujours  vers 
l'endroit  où  la  lumière  aftlue  avec 
le  plus  d'abondance,  &  que  fur  les 
bords  des  allées  ,  des  clarières  & 
des  bois,  nous  voyons  les  grands  ar- 
bres s'incliner  en-dehors,  &  leurs 
voifuis  fe  diriger  dans  le  même  fens; 
que  ceux  qui  fe  trouvent  environnés 
d'autres,  cherchent  fans  ceiïe  à  s'é- 
lever au-delïïis  d'eux,  afin  de  jouir 
du  bienfait  de  la  lumière  dont  ils 
ont  tant  befoin.  Nous  voyons  auflî 
toutes  les  plantes  renfermées  dans 
une  ferre  ,  fe  porter  naturellement 
du  côté  d'où  leur  vient  le  jour. 

Si  la  lumière  influe  à  ce  point  fur 
la  direiftion  des  tiges  des  plantes , 
elle  a  une  aétion  encore  plus  éner- 
gique fur  la  coloration  des  tiges  , 
des  feuilles,  en  un  mor  de  toutes  les 
parties  de  la  fleur.  M.  l'abbé  Teflier 
a  fait  encore  un  grand  nombre  d'ex- 
périences pour  s'alfurer  fi  les  difté- 
rentes  modifications  de  la  lumière 
agiroienc  fur  la  couleur  des  plantes 
comme  la  couleur  directe.  Pour  cet 
effet ,  il  plaça  des  plantes  dans  une 
cave  qui  n'étoic  éclairée  que  par  deux 
foupiraux  ,  &  il  difpofa  les  pots  dans 
lefquels  ctoient  femés  du  bled  ,  les 
uns  diredtemenc  lous  les  foupiraux. 


L  U  M 

les  autres  dans  des  endroits  où  ils 
ne  pouvoient  recevoir  la  lumière  de 
ces  foupiraux ,  que  réfléchie  par  des 
miroirs.  Tantôt  il  fie  coïncider  eu 
un  feul  point  la  lumière  réfléchie  par 
des  miroirs  placés  au  bas  des  deux 
foupiraux  ,  &  à  ce  point  de  réunion 
il  mit  des  pots  dans  lefquels  il  avoir 
femé  du  bled  j  tantôt  il  s'eft  fervi , 
pour  les  éclairer,  de  la  lumière  d'une 
lampe;  dans  d'autres  expériences  il 
s'eft  fervi  de  la  lumière  de  la  lune  , 
&  dans  d'autres  de  la  lumière  qui 
avoir  traverfé  des  verres  diverfement 
colorés. 

Le  réfultat  de  fes  expériences  eft: 

»  que   les  plantes  élevées   dans  des 

»  fouterreins  loin  de  l'éclat  du  jour, 

15  font  d'autant  moins  vertes  qu'il  s'y 

»  introduit   moins   de  lumière  ,    ou 

)j  que  la  cave  étant  profonde ,  la  lu- 

)j  mièie  eft  portée  plus  loin  ;  celles 

,>  qui  reçoivent  la  lumière  du  jour 

)>  ont  une  couleur  verte  plus  foncée 

j)  que  celles  qui  ne  reçoivent  que  la 

15  lumière  de  réflexion,   &  plus  les 

,j  réflexions  fe  multiplient ,   Se  plus 

,>  la  couleur  verte   diminue ,    parce 

,-,  que  la  lumière  s'affoiblir  davantage. 

»  La  lumière  d'une  lampe  conferye 

»  aux  plantes  leur  verdure  avec  moins 

,)  d'intenlité  que  la  lumière  direde 

«  ou  réfléchie  j  à  la  réflexion  de  la 

»  lumière  d'une  lampe  ,    la  couleur 

JJ  s'affoiblit  encore,  mais  cependant 

»  jamais  jufqu'à  fe  détruire  comme 

»  dans  l'obfcutité.  Pour  qu'une  plante 

»  foit  décolorée  ,  il  n'eft  pas  nécef- 

jj  faite  qu'elle  foit  très-éloignée  de 

u  la  lumière*,  pourvu  que  la  lumière 

»  ne  tombe  pas  fur  elle,  elle  n'aura 

))  pas  de  couleur ....  Enfin ,  on   ne 

)>  peut  douter  que  la  lumière  de  la 

»  lune ,  celle  des  étoiles  fixes  ,  des 

»  planètes,  ôi  celle  des  crépufcules. 


L  U  M 

»  n'entretiennent  dans  les  végétaux 
n  la  couleur  verte  qu'ils  reçoivent  du 
»  jour  ou  du  foleil  ,  pairque  les 
»  plantes  qui  paffent  les  nuits  dans 
"des  lieux  parfaitement  obfcurs  , 
»>  font  moins  vertes  que  celles  qui 
»  font  jour  &  nuit  expofées  à  l'in- 
»  fluence  des  différens  corps  lumi- 
j>  neux.  » 

De  ces  obfervations  que  la  nature 
confirme  en  grand  ,  naît  une  difficulté 
que  M.  l'abbé  Telîier  ne  s'eft  pas 
cachée,  &  de  laquelle  il  adonné  une 
folution  qui  nous  paroit  très-jufte. 
Si  toutes  chofes  égales  d'ailleurs,  les 
plantes  les  plus  expofées  à  la  lumière 
font  celles  qui  font  les  plus  vertes , 
comment  fe  fait  -  il  que  celles  qui 
font  au  nord,  ou  abritées  par  des  bois , 
font  quelquefois  plus  vertes  que 
celles  qui  font  expofées  au  grand 
fo'.eil  &  fans  abris  ?  «<  C'eft  que ,  ré- 
>5  pond  très-ingénieufement  M.  l'abbé 
»  Telîier ,  dans  le  premier  cas  elles 
»  font  ordinairement  plus  fraîche- 
»  ment,  au  lieu  que  dans  le  fécond 
»  cas,  étant  plus  expofées  aux  évapo- 
j)  rations  &  à  l'ardeur  du  foleil  qui 
M  les  delTéche,  elles  ne  peuvent  con- 
ï:  ferver  leur  couleur  verte,  qui  de- 
3J  mande  ,  outre  la  lumière,  une  cer- 
»  raine  humidité ,  fans  laquelle  elle 
3)  ne  fe  foutient  pas.  )i 

M.  Senebier  s'eft  occupé,  pendant 
plufieurs  années,  de  l'effet  de  l'in- 
fluence de  la  lumière  fur  les  planres , 
&  il  a  obfervé  qu'elle  étoir  non-fcu- 
lement  une  caufe  immédiate  de  leur 
coloration,  mais  encore  que  c'croir 
à  fon  aélion  qu'ctoit  due  la  décom- 
pofîtion  de  l'air  fixe  dans  les  feuilles, 
^-c  le  développement  de  l'air  déphlo- 
giftiqué.  Nous  ne  citerons  encore  ici 
que  le  rcfulrat  de  fes  ingénieufes 
expériences,  dont  on  peut  lire  le  dé- 


L  U  M 


3'9 


tail  dans  fon  recueil  d'excellens  mé- 
moires phyfico- chymiques  fur  l'in- 
fluence de  la  lumière  folaire  ,  pour 
modifier  les  êtres  ,  &  fur-tout  ceux 
du  règne  végétal. 

L'allongement  des  tiges ,  la  blan- 
cheur des  feuilles  ,  la  foiblefTe  &  la 
longueur  de  toutes  les  plantes ,  font 
d'autant  plus  grands  ,  que  la  priva- 
tion de  la  lumière  a  été  plus  com- 
plète'&  de  plus  longue  durée.  Cette 
vérité  a  été  démontrée,  &  parce  que 
nous  avons  dit  jufqu'à  préfent ,  & 
par  les  détails  que  nous  avons  déve- 
loppés au  mot  Etiolement.  Com- 
ment donc  la  lumière  agit-elle  dans 
la  coloration  des  végétaux  ?  C'eft  le 
problème  que  Ivî.  Senebier  a  cherché 
à  réfoudre  j  <Sj  en  lifant  fon  ouvrage  , 
on  voit  ,  avec  plaifir ,  que  la  nature 
lui  a  dévoilé  fon  fecret,  pour  le  ré- 
compenfer  du  zèle  &  de  l'efpèce 
d'acharnement  qu'il  a  mis  à.  la  con- 
fulter.  11  a  découvert  qu'il  exifte  une 
matière  colorante,  qui  rcfide  dans  le 
parenchyme  de  la  plante  j  que  cette 
matière  colorante  eft  une  réfine  fixe 
dans  l'^jdroit  où  elle  fe  trouve  } 
qu'elle  s'y  forme,  qu'elle  y  fubfifte, 
fans  circuler  avec  le  refte  des  fluides 
de  la  plante  ;  que  c'eft  fur  cette  ré- 
fine que  la  lumière  a  fon  action  di- 
reéte  ,  &  que  c'eft  par  la  combinal- 
fon  de  la  lumière  avec  elle,  que  les 
parties  qui  la  contiennent  &  qui  en 
éprouvent  les  efFets ,  fe  colorent  en 
verd.  Quelques  faits  que  nous  allons 
rapporter  ,  vont  mettre  en  évidence 
cette  ingénieufe  théorie.  Si  l'on  met 
dans  l'obfcurité  une  branche,  un  bou- 
ton ,  il  n'y  a  d'étiolé  que  les  nouvelles 
feuilles  qui  pouffent  depuis  la  privation 
de  la  lumière  ;  fi  même  l'on  couvre  avec 
quelque  chofe  une  portion  de  feuille 
attachée  à  fa  tige ,  expofée  à  la  lu- 


Sio  L  U  M 

mièce,  toute  la  feuille  reftera  varie, 
e;{cepté  ce  qui  avoi:  été  couvert  ; 
enjin ,  fi  l'on  expofe  de  nouveau  i 
l'aclionde  la  lumière,  des  parties  de 
plantes  étiolées  ,  elles  reprendront 
bientôt  leurs  premières  couleurs  j  ce 
qui  démontre  évidemment  que  la 
matière  colorante  ne  circule  pas ,  & 
cjue  la  lumière  agit  direcl:ement,  par 
la  préfence  ou  fon  abrince ,  fur  la 
partie  de  la  plante  alcéréçj  qu'elle 
uaverfe  l'épiderme,  qui  efl:  tranfpa- 
rent  ,  pour  aller  agir,  comme  acide 
phlo^iilliquant ,  fur  la  matière  paren- 
chymateuie,  luidonner  la  teinte  verte 
qu'elle  doit  avoir.  La  lumière  ,  au 
contraire,  vient-elle  à  lui  manquer, 
privée  alors  de  ce  principe  elfentiel , 
cette  matière  s'altère  &  blanchit. 

Si  l'on  pouffe  plus  loin  l'obferva- 
tion  ,  Se  que  l'analyfe  chymique 
vienne  apporter  fon  flambeau  pour 
éclairer  nos  pas  incertains  dans  ce 
labyrinthe  ,  nous  trouverons  que  les 
plantes  vertes  contiennent  beaucoup 
plus  de  principes  ,  qui  annoncent  la 
prélen.e  du  ph.logiftique,  que  les  plan- 
tes étiolées.  On  peut  aller  encwe  plus 
loin  ;  ces  dernières  ont  infiniment 
moins  d'odeur  5i  de  faveur  ,  &  l'on 
fçait  que  le  phlogiftique  eft  j  pour 
ainli  dire  ,  l'ame  de  ces  deux  qua- 
lités. Ce  que  nous  difons  des  tiges 
Se  des  feuilles  des  plantes  ,  s'appli- 
que naturellement  aux  fruits  qui  ont 
beaucoup  plus  dégoût,  en  propor- 
tion de  la  lumière  qu'ils  déçoivent. 
Cette  obfervarion  eft  conftante. 
Quelle  différence  n'y  a-t-il  pas  entre 
la  faveur  des  fruits  des  pays  perpé- 
tuellement expofés  à  l'ardeur  du  fo- 
leil  ,  &  ceux  des  climats  tempérés  , 
où  le  foleil  ei\  rarement  fans  nuage  ! 

Non  content  des  nombreufes  ex- 
périences  qu'il  avoit  faites  fur  les 


L  U  M 

plantes  vivantes  j  M.  Senebier  afuîvî 
l'influence  de  la  lumière  fur  elles 
jufqu'après  leur  mort,  en  examinant 
fon  effcr  fur  les  bois ,  5c  fur  les  tein« 
tures  des  plantes  dans  ref[>rit  de  vin. 
Rien  n'eft  plus  curieux  que  les  réful- 
tats  de  ces  expériences  ,  &  ils  nous 
donnent  la  raifon  de  ces  changemens 
Imguliers  que  nous  voyons  arriver 
tous  les  jours  aux  différens  bois  que 
nous  employons  dans  les  arts.  Tous 
les  bois  ne  changent  pas  autli  vîte 
ni  aullî  fort ,  &  leur  variation  dépend , 
comme  on  peut  le  croire  ,  de  leur 
nature,  de  leur  âge,  &  du  degré  de 
deffication.  Les  tables  fuivantes  of- 
frent le  tableau  des  expériences  de 
M.  Senebier. 

Le  bois  d'épinevinette  commence 
à  changer  au  bout  de     3  à  4  minut. 

D'acacia  .  ...  4^5. 
De  larze,oularix  415. 
De  fapin  blanc  ....    40 

D'abricotier,  de  i  h.  1 5  minut» 

De  faule  ...  4 

De  fernambouc .  4 

D'érable        .      .  4 

De  cerifier    .     .  4 

De  houx        .     .  4 

D'if    ....  4 

De  poirier    .     .  4 

De  falfaftras        .  4 

De   gayac     .      .  4 

De  mahogony    .  4 

De  rofe        .     .  5 

De  tremble   .     .  5 

De  prunier  .     .  5 

De  rilleul      .     .  9 

De  palefandre  clair  <j 

De  qualïi    .■    .  Il 

De  fayard,  ou  lière  1 4 

De  chêne    .     .  14 

De  noyer    .     .  1 3 

De  verne     .     .  19 

De 


L  U  M 

De  palefandre  noir  20 

De  fantal  rouge     25 

De  violette  .  .     24 

D'ormeau    .     .     29 

D'amandier      .     29 

D'ébène       .     .     30 

Les  bois  qui  ont  le  plus  changé 
de  façon  ,  qui  ont  prefque  perdu  leur 
couleur  première ,  &  qui  ont  bruni 
confidérablement ,  font  : 

Le  gayac. 

Le  cohenpo  blanc. 

Le  cornouiller. 

Le  plane. 

Le   bois  rouge. 

Le  châtaignier. 

Le  pin. 

L'ormeau, 

L'alizier. 

Le  bois  néphrétique. 

Le  fantal  rouge. 

Le  fantal  citrin. 

Le  mûrier  blanc. 

Le  fufain. 

Le   coudrier. 

Le  faux  acacia. 

Le  charme. 

Le  laurier. 

Le  maronnier. 

Le  pommier. 

Le  faule. 

L'épinevinette. 

L'abricotier. 

Le  larhe. 

Les  bois  qui ,  dans  le  même  temps, 
y  ont  beaucoup  moins  changé ,  quoi- 
qu'ils aient  été  légèrement  brunis  , 
font  : 

Le  mahogony. 

Le  ferpentin. 

Le  quaflîîe. 

Le  lierre. 

L'if. 

L'olivier. 

Le  buis. 

Tome  Fï^ 


Le  faflfafras. 

L'oranger. 

Le  bois  de  rofe.     ■ 

Le  fantal  blanc: 

L'aloes. 

Le  cèdre. 

La  fquiiae. 

Le  lilas. 

L'amandier. 

L'ébène  verd. 

Enfin ,  ceux  qui  n'ont  point  éprouvé 
d'effet  dans  le  même  efpace  de  temps, 
ou  qui ,  dans  ifn  temps  plus  long ,  n'ont 
éprouvé  qu'un  très-léger  changement  » 
font  : 

Le  guy. 

L&  fureau. 

Le  bois  de  vigne. 

Le  regliffe. 

Quelques  bois  prennent  à  la  lu-. 
mière  des  nuances  remarquables  « 
&  changent  diverfement  dans  leurs 
divers  état. 

Le  gayac  y  verdit. 

Le  cèdre  &  le  chêne  blanchiffent. 

Le  bois  néphrétique  brunit  dan« 
fa  partie  blanche  j  mais  fa  partie 
brune  brunit  plus  encore  que  la  pre- 
mière. 

Le  bois  de  pêcher  brunit  plus  dans 
fes  veines  ferrées  que  dans  le  bord 
fur  lequel  elles  rampent. 

Le  noyer  brun,  tiré  du  cœur  de 
l'arbre  ,  change  très-peu  j  mais  la 
partie  blanche  ,  près  de  l'écorce  , 
change  beaucoup. 

Le  noyer  ,  fraîchement  coupé  ; 
brunit  beaucoup  plus  que  le  fec  ,  Ôc 
fur-tout  celui  qui  eft  près  de  l'écorce. 

Le  fapin  jaune  ,  près  de  l'écorce, 
a  moins  bruni  que  le  fapin  blanc  du 
CŒur  de  l'arbre  ;  le  fapin  vieux  & 
lec  brunit  beaucoup  plus  que  le  fapin 
jeune  &  frais. 

Sf 


521  L  U  N 

Le  faux  acacia  frais ,  brunit  moins 
que  le  (ec. 

Eu  général,  les  bois  blancs  fe  do- 
rent ,  les  bois  bruns  blanchllfent  , 
les  bois  rouges  &  violets  jaunilfent 
&  noircilTent. 

Nous  ne  fuivrons  pas  cet  intéref- 
faut  auteur  dans  fes  expériences  fur 
les  teintures  des  plantes  expofées  à 
la  lumière  du  foleil ,  &  fur  l'altéra- 
tion qu'elles  y  éprouvent.  Notre  objet 
étoif  de  fuivre  fes  influences  dans 
les  objets  naturels ,  &  en  tant  qu'elles 
pourroient  nous  donner  la  folution, 
ou  du  moins  nous  mettre  fur  la  voie 
de  trouver  celle  de  la  plupart  des  phé- 
nomènes qui  lui  font  dûs ,  &  qui  fe 
paffent  fous  nos  yeux,  f^oye:^  encore 
Corolle,  Couleur  des  Plantes, 
Panaches,  &c.  M.  M. 

LUNATIQUE.  Médecine 
VÉTÉRINAIRE.  Cc  mot  doit  fon 
exiftence  à  ceux  qui  ont  imaginé  , 
que  fur  le  déclin  de  la  lune,  il  dé- 
couloit  de  cet  .iftre  une  vertu  fecrète , 
qui  troubloit  &  chargeoit  la  vue  du 
cheval  ^  c'eft  à  l'époque  de  cette 
opinion,  qu'on  a  furnommé  les  iiidi- 
vidus  ,  d'encre  ces  animaux  ,  qui  ont 
été  atteints  de  cette  maladie  ,  che- 
vaux lunatiques. 

11  eft  néanmoins  des  médecins 
vétérinaires,  qui  ne  font  pas  venir 
cette  maladie  des  infliienc  es  occultes 
de  la  lune;  mais  ils  l'.utribuc-.u  à  dif- 
férentes caufes ,  dont  les  unes  ff>nt 
aifées  à  détruire  ,  les  autres  font  plus 
tenaces  ,  iSc  d'autres  rcfiftent  à  tous 
les  remèdes  qu'on  emploie  pout  les 
combattre. 

Celles  qui  proviennent  de  quelque 
coup  ,  de  quelque  bleffure  ,  ou  de 
quelque  froilTementpeu  confidérable , 
font  aifées  à  guérir. 


L  U  N 

Celles  qui  afftctent  la  conjonftive 
&  les  paupières  ,  de  manière  que  la 
douleur  que  le  cheval  relfent,  le  dé- 
termine à  mettre  l'œil  qui  en  eft 
atteint ,  à  l'abri  des  rayons  lumineux , 
font  plus  cifficiles  à  guérir.  Elles  dé- 
pendent ,  ou  de  l'âcreré  de  la  lym- 
phe, ou  d'une  fuppreflion  confidéra- 
ble  des  excrétions  ,  ôcc. 

Celles  qui  pénétrent  jufqu'au  fond 
de  l'œil  ,  &  dans  fes  tuniques  inté- 
rieures, font  incurables;  elles  fe  ma- 
nifeftent  par  des  fympiômes  plus  vio- 
lens  que  les  pré.  édeutes ,  par  des  dou- 
leurs plus  cruelles  j  Se  par  la  fièvre  , 
qui  eft  quelquefois  accompagnée  du 
délire.  Elles  caufent  une  fuppuration 
&  un  écoulement  des  humeurs  con- 
tenues dans  le  globe  ,  qui  ne  fe  ter- 
minent que  par  la  perte  de  l'œil.  Un 
pareil  ravage  eft  l'effet  d'un  coup  vio- 
lent,  ou  de  la  gale ,  ou  du  roux-  vieux , 
dont  on  aura  fupprimé,  fans  précau- 
tion ,  le  fuintement  des  humeurs  qui 
fe  portoient  à  la  peau,  ou  d'un  ancien 
ulcère  qu'on  aura  cicatrifé  ineonfidé- 
rémentj  ëcc. 

11  rcfulce  de  ce  qui  vient  d'être 
dit  ,  que  les  diverfes  maladies  qui 
affectent  l'œil  du  cheval  ,  font  l'effet 
d'une  caufe  interne ,  ou  d'une  caufe 
externe.  On  en  diftingue  de  plufieurs 
efpèces  ,  qui  font  lafeche ,  V humide  ^ 
C épï-[ootique  Scia  périodique.  Toutes 
ces  maladies' des  yeux  font  dcfignées 
par  le  mot  ophtjlmie ,  qui  fignifie  in- 
flammation de  l'œil  ,  accompagnée 
de  rougeur  ,  de  chaleur,  &  de  dou- 
leur ,  avec,  ou  fans  écoulement  de 
larmes. 

L'ophtalmie  fiche  ,  fans  écoule- 
ment de  larmes,  eft  l'effet  de  la  ftigna- 
tion  du  fang  fl.ms  les  petits  vaiffeaux. 
Les  chevaux  d'un  tempéramment 
colérique,  dont  les  fibres  tenues  ont 


L  U  N 

une  grande  rigidité  ,  &  en  qui  la 
marche  du  fang  eft  impétueufe,  font 
fujet  à  l'opchalmie  fèche  ,  fur-rout 
fi  on  les  foumet  à  des  exercices 
longs ,  violens ,  &  à  des  rravaux  pé- 
nibles. Elle  s'annonce  par  l'afFaif- 
fement  du  globe  ,  par  une  diminu- 
tion confidérable  de  fon  volume  , 
par  fon  enfoncement  dans  la  cavité 
orbitère ,  par  l'indammation  de  la  con- 
jon6live,  qui  fe  communique  à  toutes 
les  parties  de  l'œil ,  &  à  celles  qui 
l'environnent.  Tous  ces  fymptômes 
font    communément    violens. 

Les  chevaux  phlegmatiques  ,  na- 
turellement engourdis  &  parelTeux  , 
font  fujets  à  l'ophtalmie  humide  5 
les  paupières  s'enflent  ,  fe  collent  , 
il  en  fort  une  grande  quantité  de 
férofité  ,  dont  la  qualité  eft  il  acre 
qu'elle  ronge  quelquefois  le  bord  de 
la  paupière  intérieure  ,  du  côté  du 
grand  angle  ,  &  enlève  le  poil  le 
long  du  chamtrin  ,  fur  lequel  elle 
coule  ....  L'ophtalmie  épi^oociquc 
règne  dans  certain  temps  de  l'année  j 
elle  dépend  de  la  conftitution  froide 
&  humide  de  l'air ,  ce  qui  tait  qu'elle 
attaque  indifféremment  toutes  fortes 
de  chevaux. 

L'ophtalmie  périodique  eft  celle 
qui  revient  toujours  dans  le  même 
temps  j  parce  que  fon  cours  fe  fait 
d'une  manière  régulière.  Il  eft  des 
chevaux  qui  en  font  attaqués  tous 
les  ans,  d'autres  tous  les  lîx  mois, 
&:  d'autres  tous  les  mois.  C'eft  par  l'a- 
nalogie de  la  régularité  de  fon  mou- 
vement ou  de  fa  révolution ,  com- 
parée avec  le  cours  de  la  lune  , 
fans  doute  ,  qu'on  a  fuppofé  que 
l'ophtalmie  périodique  dépendoit  de 
l'influence  de  cet  aftre. 

J'ai    vu    un   cheval  ,    d'un    tem- 
pérament   pléthorique  ,    qui    avoit 


L  U  N  5M 

les  parotides  gorgées,  dures  &  en- 
flammées ,  dont    l'inflammation    fe 
portoit  jufqu'à  l'œil  du  même  côté. 
La  tète  de  cet   animal  étoit  bafle  , 
il  nepouvoitfupporter  la  lumière  \  il 
découloit  de  fon  œil  une  férofité  fort 
abondante;  le  ventre  écoit  parelleux, 
&  la  fécrérion    des  urines    languif- 
fante.  Pour  difliper  le  mal,&  réta- 
blir les    fondions   des  vif^ères  ,   le 
régime  ,  les   boiflons    délayantes  & 
apéritives ,  la  faignée,  les  purgatifs 
&  les  collyres  furent  mis  en  ufage. 
Le  cheval  parut  guéri  ;  mais  au  bout 
de  lîx  mois,  l'ophtalmie  attaqua  l'œil 
de  nouveau.  On  ajouta  à  ce  premier 
traitement,  le  féton  ,  &  un  régime 
plus  long;  ce  qui  n'empêcha  pas  que 
l'ophralmie  ne  revint  périodiquement 
de    fix  mois  en  fix  mois  ,  pendant 
l'efpace   de    deux  ans.   Tandis    que 
les   partifans  des   quahtés  occultes  , 
attribuoient    cette    fluxion   aux    in- 
fluences  de   la   lune  ,    on    reconnut 
qu'elle   n'y    avoit    aucune  part  ,    & 
qu'elle  provenoit   de  la  foiblelfe  de 
l'eftomac  &  du  relâchement  des  in- 
teftins.  On  prefcrivit ,  pour  la  boifloii 
ordinaire    du    cheval  ,    l'eau    teinte 
avec  la  houle   de  mars  \   ce  qui  fut 
exécuté  pendant   près  d'un  mois.  Le 
ventre  devint  plus  libre  ,    les   reir.s 
firent  mieux  leurs  fondions,  &  l'oph- 
talmie ne  reparur  plus. 

Il  fuit  de-là,que  toutes  les  différen- 
tes efpèces d'ophtalmie,  qui  provien- 
nenr  d'une  caufe  inconnue  à  l'artifte, 
ou  toures  celles  qui  ont  déjà  caufé  une 
certaine  foiblefle. à  l'organe  delà  vue, 
produifent  Vo^\-ïXa\m\Q périodique ,q\.\ 
y  difpofent,  &  qu'on  ne  parviendra 
jamais  à  les  guérir,  qu'on  n'air  guéri 
les  maladies  dont  elles  font  les  Jy/K- 
tomes.  En  conféquence ,  ce  ne  fera 
qu'après  avoir  adminiftré  les  re€nède<: 
Sfz 


314  LUN 

des  maladies  principales  ,  qu'on  en 
viendra  an  traicemenc  de  ces  efpèces 
d'ophtalmies. 

Outre  les  caufes  particulières  à 
chacune  de  ces  efpèces  d'ophtalmie  j 
fi  on  lailFe  le  cheval  expofé  à  l'air 
de  la  nuit,  fur-tout  quand  il  règne 
un  vent  froid  du  nord  5  s'il  éprouve 
f^nelque/upprejjïon  fubite  de  la  tranf- 
^irarion,  principalement  après  avoir 
eu  très-chaud  \  s'il  refte  longtemps 
expofé  à  la  blancheur  éblouiffante 
de  la  neige  j  (\  on  le  fait  pa^Ter  fubi- 
tement,  d'une  profonde  obfcurité ,  à 
une  lumière  éclatante  5  fi  on  le  loge 
dans  une  écurie  bafle  ,  humide  ,  ou 
s'il  eft  expofé  aux  exhalaifons  du  fu- 
mier, que  les  propriétaires  négligens, 
ou  peu  éclairés  ,  entairent  dans  fa 
demeure,  &c.  chacune  de  ces  cir- 
conftances  peut  encore  occafionner 
l'ophtalmie. 

Quant  au  dlagnoflic  de  l'ophtal- 
mie périodique ,  l'âcreté  des  larmes 
qui  découlent,  fend  la  paupière  in- 
férieure, l'œil  qui  eft  attaqué  eft  plus 
petit  que  l'autre,  l'humeur  aqueufe 
qu'il  contient  eft  trouble,  la  conjonc- 
tive eft  enflammée  ,  l'enflure  attaque 
les  deux  paupières,  Se  principalement 
l'infc-rieurej  l'écoulement  de-;  larmes 
eft  continuel  ,  robfcurciirement  de 
l'œil  préfenre  une  couleur  de  feiulle 
morte  ;  le  délire  ,  les  adions  effré- 
nées s'emparent  quelquefois  de  l'a- 
nimal. 

Pro^-';q/?ic.  Si  l'ophtalmie  eft  légère, 
elle  eft  facile  à  guérir ,  fur-tout  lorf- 
qu'elie  provient  d'une  caufe  externe  \ 
mais  fi  elle  eft  violente  ,  &  qu'elle 
dure  longtemps ,  elle  lailfe  commu- 
nément des  taches  fur  la  cornée  lu- 
cide j  elle  obfcurcit  l'éclat  des  yeux  , 
elle  rend  les  humeurs  troubles ,  elle 
épaiflTu   la  cornée ,  2c  elle  la   rend 


L  U  N 

moins  tranfparente ,  &  quelquefois 
fe  termine  par  la  perte  de  la  vue. 

Lorfque  le  cheval  a  un  cours  de 
ventre,  &  que  l'ophtalmie  pafle  d'un 
œil  à  l'autre  ,  ce  fonr  des  fignes  qui 
ne  font  pas  défavorables  ;  mais  fi  elle 
eft  accompagnée  d'une  fièvre  violente 
&  opiniâtre ,  le  cheval  eft  en  danger 
de  perdre  la  vue. 

Remèdes.  \.z  faignée  eft  toujours 
indiquée  dans  une  violente  ophtal- 
mie \  on  peut  même  la  répéter,  félon 
l'urgence  des  fymptomes  j  on  doit  la 
faire,  le  plus  près  qu'il  eft  poflible, 
de  la  partie  malade. 

L'application  des  fangfues  aux 
tempes  &  aux  paupières  inférieures  , 
ne  peut  produire  qu'un  bon  effet. 
Les  breuvages  &c  les  lavemens  dé- 
layans  ,  ainfi  que  les  laxatifs  ,  ne 
doivtnt  pas  être   négligés. 

On  pourra  faire  avaler  au  cheval ,' 
à  jeun  ,  de  quatre  en  quatre  jours  , 
une  décoétion  de  tamarin  &  Aq  féné\ 
on  aura  foin  qu'il  ne  manque  pas 
d'eau  blanchie  avec  le  ion  de  fro- 
ment, ou  d'eau  d'orge,  ou  de  perit- 
lait.  On  lui  donnera  tous  les  foirs 
une  demi-bouteille  de  racine  de 
ftneha  ,  ou  une  bouteille  de  décoc- 
tion de  celle  de  bardane^ 

On  lui  fera  prendre,  trois  fois  par 
jour  ,  un  bain  d'eau  tiède,  dans  le- 
quel on  placera  les  deux  extrémités 
antérieures  jufqu'aux  genoux  :  chaque 
bain  fera  au  moins  de  trois  quarts- 
d'heure. 

On  broftera  la  têre  du  cheval,  de 
manière  à  en  enlever  toute  la  pouf- 
fiètfe  &  la  craffe ,  &  l'on  profitera  du 
moment  que  fes  jambes  feront  dans 
le  bain,  pour  lui  faire  tomber,  d'une 
certaine  hauteur ,  une  douche  d'eau 
froide  fur  la  tête,  6:  pendant  qu'elle 


L  U  N 

tombera  ,  un  palfrenier  frottera  légé- 
remenc  &  continuellement  la  partie 
douchée. 

Si  l'ophtalmie  ne  cède  pas  à  ces 
premiers  foins ,  on  appliquera  les 
véficatoïrcs  aux  tempes  ,  ou  derrière 
les  oreilles  ,  &c  on  entretiendra  l'é- 
coulement pendant  quelques  femai- 
nes  ,  au  moyen  de  l'onguent  véfi- 
catoire ,  adouci  avec  l'onguent  baji- 
licum. 

Le  féton  fait  au  cou  ,  ouvert  de 
haut  en  bas  ,  produit  aufli  de  bons 
effets  lorfqu'il  donne  abondamment. 

Si  l'infl.immation  des  yeux  eft  très- 
confidérable,  il  ell:  bon  d'appliquer 
fur  ces  organes  un  cataplafme  de  mie 
de  pain  &  de  lait  ,  adouci  avec  du 
beurre  frais  ou  de  la  très- bonne  huile. 
Lorfque  l'inflammation  eft  dilhpée, 
on  fortifie  les  yeux,  en  les  étuvant 
foir  &  matin  avec  une  partie  d'eau- 
de-vie  dansfix  parties  d'eau  ,  ou  avec 
une  partie  de  vinaigre  dans  huit  d'eau  ; 
ou  avec  deux  gros  de  vinaigre  de 
plomb ,  &  autant  d'eau-de-vie  que 
l'on  met  dans  quatre  livres  d'eau  de 
fontaine. 

Mais  fi  l'ophtalmie  eft  fympto- 
matique  ,  il  faut  d'abord  traiter  la 
maladie  dont  elle  eft  un  fympcome  j 
autrement ,  tous  les  remèdes  qu'on 
vient  de  prefcrue,  ne  parviendront 
jamais  à  guérir  l'inflammation  des 
yeux.  M.  B.  R. 

LUNE.  (  Physique  rurale  )  Il 
n'entre  certamement  point  dans  le 
plan  de  cet  Ouvrage  ,  de  parler 
aftronomie  &  hauce  phylîquej  mais 
nous  nous  fommes  impofés  la  loi 
de  ne  rien  omettre  de  ce  qui  pour- 
roit  fervir  .à  l'inftruâiion  des  cultiva- 
teurs. Non-feulement  le  peuple  ,  le 


L  U  N  515 

fimple  habitant  de  la  campagne  a  de 
faulles  idées  fur  la  lune  ,  &:  aban- 
donne fon  efprit  à  une  foule  de  pré- 
jugés fur   cet  aftre.  Mais  ,  combien 
de  gens  encore  ,  qui  ,  d'après   leur 
fortune,  ou  leur  naiifance ,  devroient 
être   inftruits  ,    le  font   peu    à   cet 
égard  ?     L'influence    extraordinaire 
que  l'on  attribue  à  la  lune  fur  pref- 
que  toutes  les  opérations  rurales ,  en- 
traîna fouvent  dans  de  faulTes  ope- 
rations;  mais  cette  influence  n'en  eft 
pas    moins  réelle  dans  certaines  cir- 
conftances,  &  la  même  loi  qui  fou- 
lève  périodiquement  les  flots   de  la 
mer ,  doit    néceffairement  agir    fut 
notre  atntofphère,  &  l'on  fait  com- 
bien  prefque  toutes  ces   opérations 
dépendent  de  l'état  naturel  de  l'at- 
mofphère.  On  peut  voir  au  mot  Al- 
MANA  CH ,  que  les  points  lunaires  ont 
une  très-grande  influence  fur  les  chan- 
gemens  de  temps.   Cette  influence 
fera  encore  plus  fenfible  lorfque  nous 
aurons  fait   une  plus   grande   fuite 
d'obfervations    météorologiques ,  ôc 
que  nous  les  aurons  comparées  avec 
les  ditférens  mouvemens  de  la  lune. 
Il  eft    donc    très-intérelfant  d'avoir 
une  idée ,  au  moins  générale  ,  de  cet 
aftre.  Nous  allons  tâcher  de  la  don- 
ner d'une   manière  claire  &  précife. 
La  lune  eft  une   planète  fecon- 
daire,  qui  fait  fa  révolution  autour 
de  la  terre  comm.e  fon  centre.  Les 
aftronomes    ont   donné  le    nom  de 
fatellites  aux  corps  planétaires ,  dont 
la   révolution  fe    fait   autour  d'une 
autre  planète.   Il  eft  de  tons  les  corps 
céleftes  celui  qui  eft  le  plus  proche 
de  la  terre  ,  &  il  fait   fa  révolution 
dans    l'efpace    de    vingt-fept    jours 
fepthcures  &  quarante  trois  minutes. 
La  route  que  la  lune  parcourt ,  ou 
fon  orbite ,  eft  incliné  au  plan  de 


,31^ 


L  U  N 


l'ccliptique  d'environ  cinq  degrés  ; 
ce  qui  eft  caufe  qu'elle  le  coupe 
iiécenairemenc  en  deux  poincs  oppo- 
fés  qu'on  appelle  nœuds  ^  &  comme 
cet  aftre  palîe  fur  un  de  ces  points 
toutes  les  fois  qu'il  va  de  la  partie 
méridionale  de  fon  orbite  à  la  partie 
feptentrionale,  on  a  nommé  ce  nœud 
ajcendant  j  &  l'autre  defccniant  j 
lorfqu'il  retourne  de  la  partie  fep- 
tentrionale à  la  méridionale. 

Dans  la  révolution  fur  le  plan  de 
l'écliptique,  la  lune  s'approche  de  la 
terre  ,  tantôt  plus  ,  tantôt  moins  ; 
mais  la  diftance  moyenne  eft  de  foi- 
jcante  demi-diamètres  de  la  terre  j  & 
comme  le  diamètre  de  la  terre  a  en- 
viron trois  mille  lieues,  &  par  con- 
féquent  le  demi-diamètre  mille  cinq 
cens,  la  diftance  moyenne  de  la  lune 
à  la  terre  eft  de  quatre-vingt-dix 
mille  lieues. 

La  lune  eft  beaucoup  plus  petite 
que  la  terre  ^  &  on  regarde  commu- 
nément fon  volume  comme  cinquante 
fois  pluspetir.  Les  aftronomes  croyent 
que  fa  denficé  eft  beaucoup  plus 
grande,  mais  ils  ne  font  pas  d'accord 
fur  la  proportion  de  cette  différence. 

La  lune ,  en  qualité  de  planète ,  ne 
jouit  que  d'une  lumière  empruntée  j 
elle  la  reçoit  du  foleil  &  nous  la  ren- 
voie. On  fent  bien  que  (I  la  lune  n'eft 
éclairée  que  comme  la  terre,  il  n'y 
en  a  qu'une  partie  d'éclairée  à-la-fois, 
celle  qui  fe  trouve  en  face  du  foleil  5 
mais  comme  elle  a  un  mouvement 
propre  fur  fon  axe  en  parcourant  fon 
orbe,  elle  doit  nous  offrir  des  va- 
riétés d'apparences  relatives  à  fa  po- 
fîtion ,  par  rapport  à  la  terre  &  au 
foleil.  Ce  font  ces  apparences  que 
l'on  a  nommé  phafes  \  elles  feront 
très-intelligibles  fl  l'on  jette  les  yeux 
fur  la^^.  1^  J  PL  VII 3  page  184. 


L  U  N 

5  repréfente  le  foleil ,  T  la  terre  qui 
touroe  autour  de  lui,  L  L  L  l'orbe 
de  la  lune  autour  de  la  terre.  Si  la 
lune  fe  trouve  en  C  entre  le  foleil 

6  la  terre,  un  fpedtateur,  placé  fur 
la  terre,  n'appercevra  que  la  partie 
obfcure  de  la  lune ,  &  ne  verra  rien 
de  la  partie  éclairée  D.  La  lune  dans 
cette  pofîtion  eft  en  conjonâiion  , 
parce  qu'elle  eft  fur  la  même  ligne 
que  le  foleil ,  &  on  lui  a  donné  le 
nom  de  nouvelle  lune.  La  lune  com- 
mençant fon  cours,  &  avançant  de 
C  en  E  par  fon  double  mouvement 
autour  de  la  tetie  &:  fur  fon  axe  , 
parvient  en  E  \  alors  on  commence 
à  appercevoir  un  quart  de  fa  partie 
illuminée  G  F  5  eft -elle  arrivée  au 
point  H ,  qui  eft  la  quadrature  ou  la 
fin  de  fon  premier  quartier,  alors  on 
diftingue  la  moitié  de  fa  furface 
éclairée  I  Kj  au  point  M  on  en  voit 
les  trois  quarts ,  &:  parvenue  au  point 
N  ,  qui  eft  celui  de  l'oppofition  au 
foleil,  elle  nous  offre  alors  toute  fa 
partie  éclairée  ,  &  on  a  ce  qu'on 
appelle  pleine  lune.  En  remontant 
au  point  C  par  les  points  O  P  Q  ,  la 
partie  éclairée  pour  nous  diminue 
dans  la  même  proportion  ,  &  nous 
n'en  voyons  qu'une  partie  jufqu'à  ce 
qu'elle  foit  totalement  cachée  pour 
nous,  quand  elle  eft  revenue  au  point 
de  conjonction.  Ces  portions  éclai- 
rées de  la  lune  nous  paroillent  fous 
la  forme  de  croifTant  ou  de  cornes 
plus  ou  moins  longues ,  fuivant  les 
jours  de  la  lune ,  qui  regardent  l'o- 
rient lorfque  la  lune  va  de  la  con- 
jonéiion  à  l'oppofition  par  la  ligne 
C  H  N,  &  au  contraire  elles  regar- 
dent l'occident ,  lorfqu'elle  remonte 
par  la  ligne  O  Q.  Telle  eft  l'expli- 
cation très-fimple  è.Q%  phafes  de  la 
lune. 


L  U  N 

Nous  avons  die  plus  haut  que  le 
mouvement  périodique  de  la  lune 
autour  de  la  terre  s'achevoit  en  vingt- 
fept  jours ,  fept  heures  ôc  quarante- 
trois  minutes  j  cependant  comme  la 
terre  continue  de  fe  mouvoir  autour 
du  foleil  pendant  ce  temps ,  &  qu'elle 
parcourt  près  d'un  des  douze  lignes, 
la  luue  ne  peut  fe  retrouver  exaéte- 
ment  en  conjon6tion  ou  nouvelle , 
que  lorfqu'elle  a  parcouru  le  figne 
que  la  terre  a  parcouru,  «Se  il  lui  faut, 
pour  achever  cette  révolution  ,  deux 
jours,  cinq  heures  &  une  minute, 
ce  qui  fait  que  l'on  compte  vingt- 
neuf  jours  ,  douze  heures  &  quarante- 
quatre  minutes  d'une  nouvelle  lune 
à  l'autre.  On  a  diftingué  ces  deux 
efpèces  de  mois  en  aftronomie ,  &  on 
a  nommé  le  premier  mois  lunaire  pé- 
riodique ^  Se  le  fécond  mois  lunaire 
fynodique. 

Quand  on  jette  les  yeux  fur  la 
lune  dans  fon  plein ,  on  y  apper- 
çoit  des  points  brillans  &  des  taches 
obfcures  ;  3c  il  eft  vraifemblable  , 
que  ce  font  différens  endroits  qui 
réfléchilfent  ou  abforbent  les  rayons 
lumineux.  Parmi  les  taches  obf- 
cures ,  on  en  a  remarqué  de  chan- 
geantes, relativement  à  la  pofitiôn 
du  foleil ,  qui  étoient  projetées  du 
côté  de  l'otient,  lorfque  le  foleil  eft 
occidental  par  rapport  à  l'hémifphère 
éclairé  de  la  lune,  (Se  qu'elles  deve- 
noient  occlden raies  lorfque  le  foleil 
fe  trouvoir  cà  l'orient ,  ce  qui  indi- 
queroit  alTez  de  grandes  ombres  , 
produites  par  des  corps  élevés  comme 
des  montagnes. 

Non-feulement  la  lune  a  un  mou- 
vemeîir  périodique  autour  de  la  rerre 
dans  l'fcfpace  de  près  d'un  mois  , 
mais  elle  met  un  cettain  efpace  de 
temps  pour  achever  toutes  fes  révo- 


L  U  N  317 

lutions  ,  t:im  périodiques  j  par  rap- 
port au  point  du  zodiaque  d'où  elle 
eft  partie ,  quanoma/ijfes  j  par  rap- 
port à  fon  apogée ,  &  que  draconi- 
tLque  j  par  rapport  aux  nœuds  j  de 
façon  qu'au  bout  de  ce  temps  la  lune 
fe  retrouve  au  même  endroit ,  Se 
qu'elle  recommence  une  nouvelle 
révolution  complette.  Ce  temps  em- 
brafle  le  cours  de  deux  cens  vingt- 
trois  lunaifons,  .S»;  ramène  les  éclipfas 
de  lune  affez  également  \  les  deux 
cens  vingt -trois  lunaifons  forment 
l'intervalle  de  fix  mille  cinq  cent 
quatre-vingt-cinq  jours  &  un  tiers, 
ou  bien  dix-huit  années,  (quatorze 
communes  &  quatre  bilTextiles  )  onze 
jours,  fept  heures,  quarante- trois  à 
quarante-quatre  minutes.  Cette  pé- 
riode ou  ce  retour  exaét  a  été  nommé 
faros ,  ôc  les  aftronomes  Chaldéens  en 
faifoient  un  très -grand  ufage  pour 
la  prédiftion  des  éclipfes^  les  mo- 
dernes en  tirent  auïïl  un  très-grand 
parti. 

Mais  rien  ne  prouve  mieux  l'in- 
fluence de  la  lune  fur  notre  atmof- 
phère,  Se  par  conféquent  fut  la  terre, 
que  la  belle  application  que  M.  l'abbé 
Toaldo  a  fait  de  cetre  période  de 
dix -huit  ans  à  la  météorologie  :  il 
a  découvert  ,  en  comparant  les  ob- 
fervations  météorologiques  ,  faites 
durant  l'efpace  de  trois  Jaros ,  que 
le  retour  des  faifons  «Se  de  leurs  mé- 
téores étoient  prefque  les  mêmes , 
&  qu'on  peut  prefque  annoncer  leurs 
révolurions,  c'eft-à-dire  la  tempéra- 
ture, le  (hangement  de  temps  ,  les 
pluies,  l'abondance  ou  la  ftérilité  , 
Sic.  &rc.  ,  en  comparant  les  années 
cnfemble  de  dix- huit  en  dix -huit 
ans.  Cette  obfervation  ingénieufe 
peut  être  d'un  grand  fecours  pour  la 
campagne,  lorfqu'après  une  longue 


3i 


L  U  N 

fiike  d'années  elle  aura  été  confirmée. 
(  f^oye-^    Météorologie  )    M.   M. 

Aux  obfervations  générales  de  M. 
Mongez  ,  il  convient  d'en  ajouter 
quelques-unes  plus  particulières ,  ou 
plutôt  de  rapporter  quelques  erreurs , 
afin  d'en  rappeler  la  faulleté. 

L'opinion  que  tel  quantième  de 
la  lune  influe  beaucoup  fur  la  qua- 
lité du  bois  que  l'on  doit  couper,  de 
la  forêt  que  l'on  fe  propole  d'a- 
battre ,  ell  a(Tez  généralement  ré- 
pandue; mais,  malheureufement  pour 
les  partifans  de  cette  opinion  ,  ils  ne 
font  pas  d'accord  entr'eux  fur  un 
quantième  décidé; les  uns  prétendent 
qu'on  doit  abattre  en  nouvelle  lune, 
les  autres  lorfqu'elle  eftdans  fon  plein , 
&:  quelques-uns  tiennent  pour  le  der- 
nier quartier.  Cette  diveifité  prouve 
feule  combien  peu  font  décifives  les 
prétendues  expériences  que  certains 
obfervateurs  difent  avoir  faites  pen- 
dant trente  ou  quarante  ans.  Tous 
affirmeront  que  le  bois  coupé  à  telle  ou 
telle  époque  ne  chironne  jamais ,  c'eft- 
à-dire  qu'il  n'eft  pas  attaqué  par  les 
vers.  Ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'eft 
que  les  bois  plantés  au  nord,  &  ceux 
qui  n'ont  qu'alfez  tard  le  foleil  de 
l'après-midi  ou  du  foir,  fonr  &  feront 
toujours  plus  fujets  à  être  chironnés, 
que  les  autres  plantés  au  levant  ou 
au  midi,  quel  que  foit  le  quantième 
auquel  on  les  abatte.  Choifirfez,  autant 
que  vous  le  pourrez,  un  temps  (ec , 
un  vent  du  nord  qui  ait  régné  depuis 
quelque  temps ,  &c  qui  ait  relTerré  la 
fibre  du  bois,  je  réponds  que,  toutes 
circonftances  égales  ,  il  chironnera 
moins  que  tel  autre  bois  coupé  en 
nouvelle  ,  pleine  ou  vielle  lune,  iî 
le  temps  eft  mou,  humide  ou  plu- 
vieux. 

Je  ne  répéterai  pas  ce  que  j'ai  dit 


L  U  N 

au  mot  Giroflée  fur  le  quantième 
de  la  lune,  qui,  dit-on,  procure  les 
plantes  à  fleurs  doubles  ou  fimples  : 
ce  n'eft  pas  une  opinion ,  mais  une 
erreur. 

Toujours  dans  le  même  efprit,  le 
vm  devoit  être  foumis  au  defpotifme 
de  la  lune  ,  &  l'idée  généralement 
adoptée  dans  tous  les  pays  de  vigno- 
bles, eft  qu'on  doit  \q  fbutirer  dans 
la  pleine  lune  de  mars.  Je  pourrois  ,' 
à  la  rigueur,  admettre  pour  un  inf- 
tant  la  poflîbilité,  ou  même,  fi  l'on 
veut,  l'avantage  de  cette  pratique,  fi 
tous  les  vignobles  duToyaume  étoient 
fitués  dans  le  même  climat,  en  un 
mot,  fi  la  chaleur  de  l'atmofphère 
ou  fa  température  étoit  égale  par- 
tout; mais  quelle  différence  énorme 
ne  fe  trouve-t-il  pas  entre  le  climat 
du  Vexin  françois  &  de  la  Picardie 
près  de  Beauvais  ,  avec  celui  de 
Bayonne,  de  Perpignan,  de  Mont- 
pellier &  de  Toulon  !  Que  de  nuances 
intermédiaires  entre  les  deux  extrê- 
mes des  vignobles  de  France  !  S'il  y 
a  des  nuances,  des  difparités  frap- 
pantes ,  le  même  point  lunaire  ne 
peut  donc  pas  être  un  figne  ,  une 
époque  certaine  pour  des  climats  fi 
difparates  par  la  difproportion  de 
chaleur.  Comme  on  appelle  lune  de 
mars  celle  qui  fixe  la  fête  de  pâques^ 
qui  eft  toujours  le  premier  dimanche 
après  la  pleine  lune  &  après  l'équi- 
noxe,  la  même  règle  ne  peut  donc 
pas  être  utile  en  même -temps  aux 
extrêmes  &  à  tous  les  points  qui  les 
divifent. 

Si  cette  pleine  lune,  en  crédit  & 
en  vénération  ,  étoit  chaque  année 
à  la  même  époque  ,  l'illufion  feroit 
plus  réelle,  mais  en  1598  pâques 
fe  trouva  le  ii  mars,  &  le  15  avril 
en  1734,  &  eu  1796  ii  fe  trouvera 

le 


L  U  P 

le  22  avril.  Voilà  dans  ces  exemples, 
dont  j'ai  pris  les  premiers  qui  fe 
fon:  préfentés  ,  une  différence  de 
trente-trois  jours.  Je  demande  a6tuel- 
lement  à  un  homme  fenfé  ,  fi  dans 
ces  trente- trois  jours  de  printemps  il 
ne  doit  pas  y  avoir  une  très-grande  dit- 
férence  entre  la  chaleur  d'un  climat 
à  un  autre ,  &  entre  la  chaleur  du 
même  climat,  depuis  le  22  mars 
jufqu'au  3  5  avril  ?  Dès  qu'on  ad- 
mettra cette  graduation  de  chaleur, 
on  verra  donc  clairement  combien 
il  eft  abfurde  de  choifir  ,  puifque  le 
vin  ,  renfermé  dans  le  tonneau  ,  re- 
nouvelle fa  fermentation  aux  pre- 
mières chaleurs.  Or,  toutes  les  fois 
que  le  vin  commence  à  travailler  j 
on  détériore  fa  qualité  fi  on  le  fou- 
tire.  Son  travail  tient  à  de  nouvelles 
combinaifons  qui  s'améliorent ,  & 
les  combinaifons  de  fes  principes  ne 
peuvent  avoir  lieu  fans  le  dévelop- 
pement de  fon  air  de  combinaifon 
ou  air  fixe  (  Voye\  ce  mot  )  qui  eft 
le  lien  des  corps,  leur  pacificateur  & 
leur  confervateur.  (  Voye\  à  ce  fujet 
le  mot  Fermentation  ,  afin  d'éviter 
ici  les  répétitions  )  Soutirez  les  vins 
en  hiver  lorfque  le  vent  du  nord  & 
le  froid  régnent,  fans  taire  attention 
au  quantième  de  la  lune ,  &  vous 
aurez  une  liqueur  qui  fe  confervera , 
&:  qui  perdra  très-peu  de  fes  prin- 
cipes. (  Confulte^  le  mot  Vin  ) 

11  faudroit  écrire  des  volumes  en- 
tiers fi  on  vouloir  rapporter  toutes  les 
idées  faulTes  ou  les  opérations  que 
l'on  foumet  à  la  marche  de  la  lune^ 
mais  de  tels  détails  m'écarteroient 
trop  de  mon  fujet. 

LUPIN.  (  Voyei  Planche  FUI  , 
page  293  )  Nommé  par  Von  Linné 
iupinus  albus  ^  &  clalfé  dans  la  dia- 
Tome  VI. 


LUP  3^9 

delphie  décandrie.  Tournefort  le 
place  dans  la  féconde  feétion  de  la 
dixième  claffe  compofée  des  herbes 
à  fleurs  de  plufieurs  pièces  itrégu- 
llères,  &  en  papillon  dont  le  piftil 
devient  une  goulTe  légumlneufe. 

Fleur.  Papillonnée,  blanche  ,  lé- 
gèrement purpurine ,  compofée  d'un 
étendard  B,  des  ailes  C,  réunies  à 
leurs  extrémités  ;  de  la  carène  D  » 
divifée  à  fa  bafe  en  deux  onglets  qui 
s'attachent  au  fond  du  calice  E;  ce 
calice,  d'une  feule  pièce,  eft  partagé 
en  deux  lèvres;  les  parties  fexuelles 
font  enveloppées  par  la  carène  &  les 
ailes;  le  falfceau  des  dix  étamines , 
réunies  à  leur  bafe  par  une  mem- 
brane ,  repréfenté  ouvert  en  F  ,  &  le 
piftil  fécondé  en  G;  une  des  étamines 
eft  iéparée  des  autres  à  fa  bafe. 

Fruit.  Le  piftil  devient  par  fa  ma-, 
turité  un  légume  oblong  ,  pointu  , 
applati ,  coriace,  à  une  feule  loge, 
compofée  de  deux  valvules  qui  s'ou- 
vrent longitudinalement,  comme  on 
le  voit  en  H  ;  ces  valvules  renferment 
plufieurs  graines  1,  prefque  rondes 
&  applaries. 

Feuilles.  Velues  en-deftous  ,  co-^ 
tonneufes  en-deflus,  divifées  en  fept 
fegmens  étroits  &z  oblon^rs. 

Racine.  A  Rameufe  ,  ligneufe  ," 
fibreufe. 

Porc.  Tige  branchue ,  haute  de 
deux  pieds  environ  ,  droite,  cylin- 
drique ,  un  peu  velue  ,  communé- 
ment à  trois  rameaux.  Les  fleurs 
nailTènt  au  fommet,  alternativement 
placées  fur  les  tiges  ainh  que  les 
feuilles  ;  les  folioles  fe  replient  fur 
elles-mêmes  au  coucher  du  foleil. 
(  Foyc^  Sommeil  des  plantes  ) 
Ceçte  propriété  lui  eft  commune  avec 
Tt 


3  30  L  U  P 

prefque  toutes  les  plantes  Icguini- 
neufes  ,  &  avec  beaucoup  d'autres 
plantes. 

Lieu.  On  ignore  fon  pays  natal  j 
dans  plufieurs  pays  on  le  feme  dans 
les  champs. 

Culture,  Avant  de  parler  de  fon 
utilité  ,  il  convient  de  faire  con- 
noître  les  autres  efpèces  qui  peu- 
vent entrer  dans  la  décoration  des 
jardins.  Von  Linné  en  compte  fix  , 
outre  celle  qui  vient  d'être  décrite  ;  fa- 
voir  le  lupin  vivace,  lupinus percvrds y 
originaire  de  Virginie.  Ses  feuilles 
font  compofées  de  huit  folioles  très- 
longues,  en  forme  de  fer  de  lance  & 
liffesj  fes  fleuts  font  raflemblées  en 
grappes,  &  leur  couleur  eft  bleue-,  la 
racine  eft  traçante  :  on  peut  le  cul- 
tiver dans  les  jardins,  mais  fa  racine 
s'empare  bientôt  d'un  très-grand  ef- 
pace.  On  doit  femer  cette  plante  à 
demeure;  elle  foufFre  difficilement 
la  tranfplantation,  à  caufe  de  la  lon- 
gueur de  fa  racine  pivotante  \  une 
fois  endommagée,  la  reptife  eft  très- 
difficile. 

Le  lupin  à  femence  panachée.  Lu- 
p'mus  varias.  Lin.  Eft  annuel,  &  on 
le  fème  au  printemps.  On  le  diftin- 
gue  des  précédens  par  ion  calice  à 
deux  lèvres ,  la  fupérieure  partagée 
en  deux  lobes  ,  l'inférieure  fendue  en 
ttois  avec  des  appendices  de  chaque 
côté  ;  fa  fleur  eft  pourpre  ,  fa  fe- 
mence eft  ronde  &  panachée. 

Le  lupin  hérijfé.  Lupinus  hirfutus. 
Lin.  Originaire  d'Arabie  ,  d'Efpa- 
gne,  &  de  l'Archipel.  Fleurs  bleues, 
grandes ,  leur  calice  verticillé  &•  avec 
des  appendices  \  les  lèvres  fupérieures 
&:  inférieures  font  rrès-enrières  ;  il 
demande  dans  le  nord  d'être  femé 
ou  fur  couche  ,    ou  contre  un  bon 


L  U  P 

abri  ,  de  le  garantir  des  matinées 
froides  du  printemps.  On  peut  le 
femer  en  automne,  &  le  fermer  dans 
l'oranger  ;  pendant  l'hiver  ;  il  fuffic 
au  midi  de  la  France  de  le  femer  ea 
mars  ou  en  avril. 

Le  lupin  poileux.  Lupinus  pilofus. 
Lin.  Toute  la  plante  eft  couverte 
ce  poils  ;  fes  fleurs  font  blanches 
&  de  couleur  incarn*t  ,  leur  éten- 
dard eft  rouge.  Les  feuilles  font  en 
foi  me  de  fet  de  lance,  mais  un  peu 
obtufes  par  le  bout  ;  il  reffemble 
aflèz  au  précédent  ;  mais  ce  qui  le 
diftingue  particulièrement,  c'eft  d'a- 
voir la  lèvre  fupérieure  du  calice 
divifée  en  deux  parties ,  &  l'inférieure 
trèicntière.  Plufieurs  auteurs  le  con- 
fondent avec  le  lupin  hérifle.  Il  eft 
très- parant  dans  un  jardin  ,  &  de- 
mande les  mêmes  foins  que  le  pré- 
cèdent. 

Le  lupin  à  feuilles  étroites.  Lupinus 
angufti  folius.  Lin.  Ses  fleurs  font 
bleues  ,  &  Ion  ptincipal  caraâère  eft 
d'avoir  les  feuilles  étroites  &  linéaires. 
11  eft  originaire  d'Efpagne  &  de  l'I- 
talie méridionale.  Ln  culture  lui 
donne  une  certaine  confiftence. 

Le  lupin  jaune.  Lupinus  luteui.  Lin. 
Sa  fleur  a  une  odeur  agréable  ,  &  fa 
couleur  eft  jaune.  La  lèvre  Aipé- 
rieure  du  calice  eft  divifée  en  -.  eux, 
&  l'inférieure  eft  à  trois  denteiure^  ; 
la  femence  tft  applatie ,  &  quelques 
fois  bigarte  dans  fa  couleur;  les  feuil- 
les florales  font  ovales,  Ik  les  fleurs 
prefque  adhérentes  aux  tiges.  On 
peut  le  femer  depuis  les  premiers 
jours  du  printemps  ,  &  fuccdîîve- 
ment  jufqu'au  milieu  de  l'été,  pour 
jouir  de  fes  fleurs.  Tous  les  lupins  , 
excepté  celui  qu'on  appelle  vivace , 
font  annuels.  - 


L  U  P 

Je  ne  fçais  fi  la  femence  de  toutes 
les  efpèces  de  lupins  peut  fervir 
de  nourriture  à  l'homme;  mais  celle 
du  lupin  blanc  devient  une  relTource 
dans  le  befoin.  Dans  certains  cantons 
du  Piémont ,  &  en  Corfe,  fon  ufage 
eft  fréquent.  Dans  cette  ifle  on  fait 
macérer  la  femence  dans  l'eau  de 
mer  que  l'on  change  deux  ou  trois 
fois;  on  réduit  enfuite  cette  femence 
en  pare  ,  à  laquelle  on  ajoute  un 
peu  d'huile  ,  &  on  fait  cuire  le  tout 
dans  un  four  comme  un  gâteau.  Si 
l'huile  avoir  été  moins  puante  ,  j'au- 
rois  trouvé  certe  préparation  aflez 
bonne.  L'eau  douce  produiroit  le 
même  effet  fans  doute  ,  &  enleveroit 
l'amertume  de  l'écorce  de  la  graine, 
fi  on  avoir  la  précaution  de  la  faire 
macérer  dans  une  eau  alkaline,par 
exemple,  dans  une  lelîive  faite  avec 
des  cendres  ,  &  aiguifée  par  un  peu 
de  chaux ,  à  peu-près  de  la  même  ma- 
•nière  qu'on  enlève  l'amertume  de 
l'olive.  En  fortanr  ces  graines  de  la 
leffive  ,  on  doit  les  laver  à  grande 
eau  courante.  Toute  l'amertume  ré- 
fide  dans  l'écorce.  Les  Corfes  cher- 
chent moins  de  façon  ,  &  les  Pié- 
montois  fe  contentent  de  faire  ma- 
cérer la  graine  dans  l'eau  commune 
qu'ils  changent   plufieurs  fois. 

Cet  aliment  etoit  connu  des  an- 
ciens ,  &  Pline  rapporte  que  Proto- 
genen'avoit  vécu  que  de  lupins,  pen- 
dant qu'il  étoit  occupé  à  peindre  un 
célèbre  rableau. 

Columellej  en  parlant  des  légu- 
mes ,  dit  :  le  lupin  eft  celui  qui  mé- 
rite la  ptemière  attention  ,  parce 
qu'il  confomme  le  moins    de  jour- 


LUP  55f 

nées,  qu'il  coûte  très-peu,  &  que  de 
toutes  les  femences ,  c'eû  celle  qui 
eft  la  plus  utile  pour  la  terre  ;  car  le 
lupin  fournit  un  excellent  fumier  poyf 
les  vignes  maigres,  pour  les  terres  la- 
bourables, outre  qu'il  vient  dans  les 
terreins  épuifés,  &  que  lorfqu'il  eft 
ferré  dans  un  grenier,  il  dure  éternel- 
lement. On  donne  le  grain  à  manger 
aux  beftiaux  pendant  l'hiver,  cuit  ôc 
détrempé  ,  &  il  leur  eft  très-bon.  Il 
peut  être  £emé  au  fortir  de  l'aire,  ôC 
il  eft  le  feul  de  tous  les  légumes  qui 
n'ait  pas  befoin  d'avoir  été  gardé  préa- 
lablement dans  le  grenier.  On  peuc 
le  femer,  ou  dans  le  mois  de  fep- 
tembre  ,  avant  l'équinoxe,  ou  incon- 
tinent après  les  calendes  d'odobre  , 
dans  les  terres  qu'on  lailTe  repofer, 
fans  les  labourer  ;  &  de  telle  façon 
qu'on  le  feme  ,  la  négligence  du  co- 
lon ne  lui   fait  jamais  tort.  Cepen- 
dant les  chaleurs  modérées  de  l'au- 
tomne lui  fontnéceffaires  ,  afin  qu'il 
prenne promptement  de  la  force;  car 
lorfqu'il  n'a  pas  pris  de  confiftance 
avant  l'hiver,  les  froids  lui  font  pré- 
judiciables.  Le  mieux  eft  d'étendre 
le  lupin  qu'on  a  de  refte  après  qu'on 
l'a  femé  ,  fur  un    plancher  dont  la 
fumée  puiife  approcher  ,  parce  que 
fi  l'humidité  le   gagnoit   ,  il    feroit 
piqué  des  vers  (  i  ) ,  &  que  dès  que 
ces  infeftes  en   auroient   rongé  les 
germes,  les  reftes  ne  pourroient  plus 
poulfer.  U    fe  plaît,  comme  je  l'ai 
dit ,  dans  une  terre  maigre ,  &c  fur- 
tout  dans  la  terre  rouge.  Il  craint  l'ar- 
gille,  &  ne  vient  pas  dans  un  terrein 
limoneux.  Col.   Liv.  II.  Chap.  X. 
Les  Romains,  pendant  leurféjour 


(  I  )  Note  du  Rédadeur.  Les  lupins  font  également  piques  des  infedcs  ,  quoique  tenus 
«3ans  des  endroits  très-fecs. 


Tt  1 


331  L  U  P 

dans  les  Gaules,  y  ont  laiiré  plufieurs 
procédés  utiles.  L'art  de  bâtir  en 
pifai;  (  Faye-^  ce  mot)  de  conftruire 
les  caves  &  les  citernes  en  béton  ; 
(  yoye^  ce  mot  )  la  culture  du  lupin , 
&c.  Columelle  voyoit  bien  ,  éc  il 
lailTe  peu  à  dire  après  lui.  Je  regarde 
le  lupin  comme  une  des  plantes  pré- 
cieufes  pour  les  pays  dont  le  fol  eft 
pauvre  ,  maigre  ,  caillouteux  ou  fa- 
bloneux.  11  ne  s'agit  pas  de  confidérer 
la  récolte  de  fon  grain  comme  d'une 
grande  utilité,  fli  qualité  elfentielle 
cft  d'être  d'une  grande  relfource  pour 
enrichir  ces  terreins ,  &  leur  tournir 
par  fa  décompofition  cette  terre  vé- 
gétale ,  cet  humus  qui  fert  à  former 
la  charpente  des  plantes.  (  yoye:^  le 
mot  Amendement  ,  &  le  dernier 
chapitre  du  mot  Culture.  ) 

Le  lupin  s'élève  depuis  dix  huit 
pouces  jufqu'à  deux  pieds ,  &c  fe  charge 
d'un  grand  nombre  de  feuilles.  U 
abforbe  de  l'atmofphère  la  plus  grande 
partie  de  fa  nourriture  ,  &  rend  par- 
conféquent  à  la  terre  qui  l'a  produit, 
beaucoup  plus  de  principes  qu'il  nen 
a  reçu  :  dès-lors  il  devient  un  ex- 
cellent engrais.  Il  eft  furprenant , 
qu'à  l'exemple  du  Dauphiné ,  du 
Lyonnois  ,  &c  de  quelques  autres  pro- 
vinces ,  fa  culture  ne  fe  foit  pas  plus 
étendue. 

L'époque  des  femailles ,  indiquée 
par  Columelle  ,  pouvoit  être  bonne 
à  Rome  ,  &  l'eft  de  même  pour  nos 
provinces  méridionales  ;  mais  dans 
celles  du  centre  &  du  nord  du  royau- 
me ,  il  eft  plus  prudent  de  le  femer 
lorfqu'on  ne  craint  plus  les  gelées. 
Les  froids  de  l'hiver  font  fouvent 
périr  le  lupin  femé  en  automne,  & 
il  faut  le  femer  de  nouveau  au  prin- 
temps. 

Les  auteurs  qui  ont  écrit  fur  la  cul- 


L  U  P 

turedulupin,  s'accordent  prefque  tous 
à  dire  qu'il  fe  contente  de  légers  la- 
bours ,  &  même  n'en  confeillent  pas 
d'autres.  Je  ne  fuis  point  de  leur  avis , 
parce  que  l'on  manque  le  vrai  but 
que  l'on  dédre  :  celui  de  produire  un 
bon  engrais.  Il  y  a  une  différence 
très-marquée  entre  la  vigueur  de  la 
végétation  du  lupin  qui  croît  dans 
un  champ  profondément  fillonné  , 
&  celui  d'un  champ  fimplement  égra- 
tigné.  Le  premier  double  &  triple  le 
produit  du  fécond. 

Je  confeille  de  donner  deux  bons 
labours  croifés  avant  l'hiver,  i  ".  afin 
d'enterrer  le  chaume  de  la  récolte  pré- 
cédente ,  &  lui  donner  le  temps  de 
pourrir  ;  z°.  afin  que  le  fol  foit  à 
même  de  jouir  des  bienfaits  de  l'hiver  ; 
d'ailleurs ,  on  aura  moins  de  peine  à 
foulever  la  terre  après  Thi ver.  En  fé- 
vrier ou  en  mars  j  fuivant  le  climat, 
c'eft  le  temps  de  fiUonner  profondé- 
ment la  terre  ,  &  de  multiplier  les 
labours  coup  fur  coup  ,  afin  d'ctte 
prêt  à  femer  dès  que  le  moment  fera 
venu.  On  femera  toujours  fur  un  la- 
bour frais  ,  &  le  grain  fera  couvert 
avec  la  herfe  pallée  à  plufieurs  re- 
prifes.  Lorfque  toutes  les  plantes  du 
champ  font  en  pleine  fleur,  c'eft  le 
moment  de  labourer  avec  la  charrue 
à  vecfûir ,  &  de  faire  un  fort  fillon. 
Les  filions  doivent  être  ferrés  &  près 
les  uns  des  autres.  Mais ,  afin  de  mieux 
enterrer  routes  les  plantes  que  le  foc 
déracine,  que  le  verfoir  couche,  il 
faut  que  deux  charrues,  à  la  fuite  l'une 
de  l'autre,  palfent  dans  la  même  raie. 
Les  plantes  font  mieux  enfouies,  & 
le  labour  eft  plus  profond;  deux  avan- 
tages réunis  par  la  même  opération. 
Comme  à  cette  époque  la  plante  eft 
très-herbacée,  qu'elle  n'a  point  en- 
coie  acquis  la  qu.alité  ligneufe,  fa  pu- 


L  U  P 

tréfadionen:  affez  prompte ,  &  elle  eft 
accéléixe  pac  la  chaleur  ordinaiie  de 
la  faifon. 

Après  les  prairies  artificielles  ,  le 
lupin  eft  la  meilleure  planre  pour 
alterner  les  champs  ;  (  J^oyc^  le  mot 
Alterner  )  parce c]uec'eft  la  plante, 
qui  occupant  le  moins  longtemps  la 
terre,  permet  de  donner  les  labours 
convenables  avant  de  femer  les  bleds , 
&  fur- tout  ,  parce  qu'elle  fe  charge 
d'une  grande  quantité  de  feuilles ,  de 
fleurs  &c  de  rameaux  j  c'eft  par  ces 
raifons ,  que  le  lupin  eft  préférable , 
pour  alterner,  aux  raves  &  aux  navets. 

Au  lieu  de  lailTer  un  champ  en  ja- 
chères, pourquoi  ne  pas  l'alterner  ? 
Pourquoi,  au  lieu  à'écohuer  les  ter- 
res, ne  pas  les  femer  en  lupins?  puif- 
que  l'écobuage  ne  produit  que  peu 
d'effets ,  qu'il  laifle  une  cendre  bientôt 
dépouillée  de  fou  fel  _,  la  chaleur  du 
fourneau  ayant  diflipé  les  principes 
huileux,  inHammables  ,  &  ayant  fait 
évaporer  l'air  fixe  que  les  plantes  con- 
tenoient.  Au  lieu  qu'en  femant  le 
lupin,  &  l'enterrant,  tous  les  prin- 
cipes reftent  en  dépôt  dans  la  terre , 
S<.  les  bleds  que  l'on  feme  enfuite 
en  profitent.  Si  le  fol  eft  fi  maigre  , 
que,  de  deux  années  l'une,  il  ne  puille 
produire  une  récolte  ,  ou  de  feigle  , 
ou  d'avoine,  femez  des  lupins  pen- 
dant deux  Se  même  trois  années  de 
fuite.  11  en  coûtera  moins  que  d'é- 
cobuer  ,  &:  on  aura  une  meilleure 
récolte.  Peu-à-peu  ,  &c  en  alternant 
fans  cefte,  on  enrichira  fon  champ, 
&  on  parviendra  enfin  à  le  faire  pro- 
duire rous  les  deux  ans. 

Un  des  grands  avantages  du  lupin 
eft  de  détruire  complettement  les 
mauvaifes  herbes.  Comme  il  croît 
très-ferré  par  fes  rameaux  5  comme 
fes  feuilles  multipliées  ,    occupent 


L  U  P 


333 


tout  l'efpace  d'un  pied  à  l'autre  , 
l'heibe  qui  fort  de  terre  en  même 
temps  ,  eft  gagnée  de  vîtelfe  ,  elle 
s'étiole  ,  (  t^oye-[  ce  mot  )  pour 
aller  chercher  la  lumière  ,  (  Voye^ 
ce  mot  )  languit  &  périt  enfin ,  pri- 
vée des  bienfaits  de  l'air.  On  feme, 
fur  fix  cents  toifes  quarrces ,  environ 
cent  cinquante  livres  pefant  de  orai- 
nes.  Si  le  fol  eft  bon  ,  il  rend  com- 
munément vingt  pour  un  ,  &  de  dix 
à  quinze  dans  un  terrein  plus  maigre. 

On  doit  mettre  à  part  ,  dans  un 
champ,  les  plantes  qu'on  deftine  à 
grainer  j  lors  de  leur  maturité,  on  les 
attache  commeles  pois,  les  haricots, 
S<  on  les  bat  de  même.  La  tige  defte- 
chée  fournit  à  la  litière  des  animaux," 
on  la  brûle,  &  on  en  chauffe  le  four 
dans  les  pays  où  le  bois  eft  rare. 
Cette  récolte  ne  détourne  point  des 
autres.  La  graine  fe  conferve  très- 
bien  fur  pied  dans  fa  gouiTe  ,  (Si  elle 
attend  ,  fans  craindre  les  pluies  ou 
les  frimats,  qu'on  vienne  la  récolter. 
Cette  culture  ne  détourne  donc  pas 
des  travaux  de  la  campagne  ,  objec 
qui  la  rend  encore  plus  recomman- 
dable.  Il  faut  femer  le  lupin,  herfer 
fa  graine  :  voilà  le  feul  excédent 
de  travail  ;  car  on  n'en  auroit  pas 
moins  donné  à  la  terre  les  labours 
ordinaires. 

Lorfqu'après  une  récolte  de  bled 
dans  un  bon  fonds,  on  veut  en  avoir 
une  de  même  qualité  ,  ou  de  feigle  , 
dans  l'année  fiiivante  ,  il  convient 
de  labourer  fortement  dès  que  la 
première  récolte  eft  levée,  de  femer 
&  herfer  auilitôt.  Le  lupin  végétera 
palfablement  bien  jufqu'en  feptem- 
bre ,  &  alors  on  l'enterrera;  enfuite 
on  femera  à  l'époque  ordinaire.  U 
feroit  à  défirer  que  les  climats  per- 
milfcnt  de   fuivre   cette   excellente 


334  LUP 

méthode  dans  tou:  le  royaume  ;  mais 
elle  ne  peiic  avoir  lieu  que  dans  les 
pays  où  la  récolte  des  bleds  eft  lînie 
à  la  fin  de  juin  ou  au  commen- 
cement de  juillet  j  elle  eft  interdite 
dans  les  provinces  méridionales  , 
parce  que  la  fécherelTe  de  l'été  ,  la 
difficulté  de  foulever  les  terres  par 
le  labour ,  font  des  obftacles  qu'on 
ne  fauroic  vaincre.  Il  y  arriveroit 
fouvent  que  la  graine  femée  en  juin , 
ne  germetoit  qu'en  feptembre,  par  le 
défaut  d'humidité  convenable  à  fon 
développement.  Dans  les  provinces 
du  nord,  le  bled  n'eft  fouvent  récolté 
que  dans  le  mois  d'août  ,  Se  il  ne 
vaudroit  pas  la  peine  de  le  femer. 
Chacun  doit  donc  fe  régler  d'après 
la  connoilTance  de  la  conftitution  de 
l'atmofphère  du  pays  qu'il  habite  j 
mais  par-tout  on  aura  l'époque  fixe 
de  femer  au  premier  printemps  ,  dès 
que  l'on  ne  craindra  plus  les  gelées. 
Les  cent-cinquante  livres  de  lupin 
coûtent ,  fur  les  lieux  ,  à-peu-près 
<j  livres. 

Cette  manière  d'alterner  eft  bien 
fîmple  ,  bien  commode  ,  &  nulle- 
ment difpendieufe.  Le  lupin  enterré, 
tient  lieu  d'engrais  ,  &  c'eft  un  en- 
grais '  végétal  excellent.  De  quelle 
reflburce  ne  fera  donc  pas  cette  plante 
dans  tous  les  cantons  où  les  engrais 
&  les  pailles  font  rares,  où  le  fol  eft 
maigre  ,  fabloneux  ou  caillouteux  ! 
mais  les  terreins  tenaces  ,  glaifeux, 
ergilleux  ,  plâtreux  &  craieux,n'en 
retireront  aucun   avantage. 

Les  bœufs  ,  les  chevaux  ne  man- 
gent pas  les  feuilles  ,  ni  les  tiges  du 
lupin  j  mais  en  revanche  les  moutons 
en  font  très-avides,  fur-tout  lorfque 
la  plante  eft  jeune  :  il  eft  elTentiel  de 
garantir  le  champ  de  la  dent  du  trou- 
peau. 


L  U  P 

La  meilleure  manière  de  donner 
la  "graine  du  lupin  aux  bœufs ,  aux 
chevaux  ,  aux  moutons ,  &c.  eft  de  la 
faire  moudre,  &  de  leur  en  donner 
une  certaine  quantité  foir  &  matin. 
Cette  nouriture  les  tient  fermes  en 
chair,  &  les  engraifle  promptement. 
Quelques  cultivateurs  fontinfufer  les 
graines  dans  plufieurs  eaux,  les  delTé- 
chent  enfuite  au  four  ,  &  les  font 
moudre.  Cette  dernière  méthode  me 
paroît  préférable  à  la  première,  parce 
que  l'amertume  de  l'écorce  doit  beau- 
coup échauffer  l'animal,  donner  trop 
de  ton  à  fon  eftomac  &c.  &c.  Ce- 
pendant ,  dans  tous  les  cas  de  relâ- 
chement, la  première  eft  plus  utile, 
puifqu'elle  tient  lieu  ,  en  même 
temps ,  &  de  nourriture  &  de  médi- 
cament. 

Si  on  étoit  curieux  de  faire  la  com- 
paraifon  de  la  fomme  nécelTaire  pour 
l'achat  des  engrais  animaux  ,  capa- 
bles de  fumer  un  champ  _,  &  de  ce 
que  coûte  l'achat  de  la  graine  de  lupin, 
&  les  petits  frais  de  culture  excé- 
dens  de  la  culture  ordinaire  ,  on  ver- 
roit  du  premier  coup  d'œil,  que  tout 
l'avantage  eft  pour  le  lupin  ,  puif- 
qu'il  coûte  très-peu  ,  &  que  l'engrais 
fe  trouve  à  fa  place,  fur  le  champ 
même  ,  &  diftribué  également.  On 
objeétera  que  l'engrais  animal  fera 
plus  actif,  &  durera  beaucoup  plus. 
Soit  1  Mais  quel  eft  le  particulier 
alfez  riche  en  engrais ,  pour  fumer 
tous  fes  champs ,  &  fur-tout  ceux  qui 
font  éloignés  de  la  métairie.  U  n'en 
eft  pas  moins  vrai  que  l'engrais  du 
lupin  eft  excellent,  qu'il  détruit  les 
mauvaifes  herbes  ,  tandis  que  les 
fumiers  les  multiplient  dans  les 
champs.  Je  ne  connois  aucune  niante 
dont  la  culture  foit  moins  coûteufe, 
ni  plus  avantageufe  dans  les  pays 


LUX 

pauvres  ,  Se  même  dans  les  bons 
fonds  ,  dès  qu'on  les  laiffe  en  jachè- 
res. Je  prie  ceux  qui  trouveronc  ou- 
tres les  éloges  que  je  donne  aux 
lupins ,  de  ne  les  blâmer  qu'après 
avoir  fait  ufage  de  cette  plante  pen- 
dant plufieurs  annnées  de  fuite. 

Propriétés  médicinales.  Lafemence 
a  une  faveur  amère  &  dcfagréable. 
Réduite  en  farine,  c'eft  une  des  quatre 
appeliées  réfolutives.  On  s'en  fert  en 
cataplafme  pour  faire  mûrir  les  abcès. 
Plufieurs  auteurs  lui  ont  attribué 
beaucoup  d'autres  pcopriétcs  ;  mais 
elles  ne  font  pas  encore  aflez  con- 
firmées par  l'expérience ,  pour  y  ajou- 
ter foi, 

LUXATION.  MÉDECINE  Vété- 
rinaire. On  appelle  luxation  ,  le 
déplacement  d'un  ou  de  plufieurs  os 
mobiles ,  hors  de  leur  cavité. 

II  y  a  des  luxations  complettes 
&  incomplectes.  Elle  eft  complette  , 
lorfque  la  furface  d'un  os  eft  tota- 
lement féparée  de  celle  d'un  autre 
os  ,  fur  lequel  il  porte  en  avant,  en 
arrière  ,  ou  fur  les  côtés.  Elle  eft 
incomplette  ,  lorfqu'il  y  a  extenfion 
de  ligament  ,  ou  qu'un  os  fe  porte 
en -dehors  de  la  cavité,  ou  s'écarte 
du  centre  de  l'os  dont  il  eft  voifin. 
La  luxation  de  la  première  efpèce  a 
rarement  lieu  dans  les  animaux  ,  à 
moins  cju'il  n'y  .ùt  une  rupture  de 
figamenc,&  quelquefois  des  tendons. 

Les  cauTes  des  luxations  ,  font  les 
coups ,  les  chûtes ,  les  effcirts  violens , 
les  mouvemens  extraordinaires ,  &c. 

On  connoît  qu'il  y  a  luxation  dans 
une  partie  ,  par  b  .Iculeur  vive  qui 
fe  fait  fentir  à  l'anicubtion  ;  par 
la  àitïicuîté  qu'a  l'animal  de  mouvoir 
la  partie  j  par  la  tumeur  qui  paroît 


LUZ      ^       335 

à  l'endroit  où  l'os  s'efl:  Jeté  ,  &  par 
une  dcprelîion  à  l'endruit  où  l'os  s'eft 
déplacé. 

Manière  d'y  remédier.  Si  la  luxa- 
tion eft  complette,  la  rédudion  s"o- 
père  par  l'extenfion  ,  la  contre-exten- 
fion,&:  laconduitedel'os  en  fa  place  j 
ou  applique  enfuite  fut  la  partie,  des 
comprelles  imbibées  d'eau -de -vie 
camphrée  ,  &  on  atfujettit  l'appareil 
avec  un  bandage  ,  fait  de  manière 
à  contenir  les  os  en  fituation.  Au 
contraire ,  fi  elle  eft  incomplette  , 
il  fuffit  de  la  traiter  fimplement  par 
les  embrocations  avec  les  aromatiques 
&  vulnéraires  j  tel  que  le  vin  aroma- 
tique ,  la  lie  de  vin ,  &c.  Le  repos 
fur-tout ,  contribue  à  la  guérifon  de 
cette  dernière  efpèce  de  luxation  ^ 
qui  arrive  le  plus  fouvent  aux  articu- 
lations du  boulet ,  avec  le  paturon. 

Il  eft  des  cas  où  la  luxation  fe 
trouve  compliquée  avec  la  fraûure  , 
&:  que  l'inflammation,  l'enflure,  & 
quelquefois  l'hémorragie  s'oppofent 
à  la  rédu(5tion.  Alors,  le  parti  qu'il 
yaà  prendre,  fi  l'os  eft  fraduré  loi» 
de  l'articulation  ,  c'eft  d'en  tenter  la 
réduction  ;  mais  fi  la  fraélure  eft 
près  de  l'articulation ,  il  faut  atten- 
dre que  les  os  foient  fondés.  On  em- 
ployé à  cet  effet  les  émoliens  &  les 
réfolutifs  ;  on  a  attention  de  prévenir 
l'endurciflement  des  ligamens  ,  & 
l'épanchement  de  l'humeur  fynoviale 
dans  l'articulation  j  &  quand  le  cal 
fe  trouve  formé,  (  /  ^ye^:^  Calus  ) 
on  procède  à  la  réduéVion.  Elle  fe 
fait  de  la  manière  indiquée  au  mot 
Fracture.  (  Voye-{  Fracture  ) 
M.  T. 

LUZERNE.  (  Voyen^planche  FUI, 
pag.  193.  )  Von  Linné  la  clafle  dans 
la  diadelphie  décandrie ,  &  la  nomme 


33<î  LUZ 

Medicagofativa:  Tournefort  la  place 
dans  la  quatrième  fe6tion  de  la 
dixième  clalfe  ,  deftinée  aux  herbes 
à  fleurs  de  pkilieiirs  pièces  irrégu- 
lières, en  papillon,  qui  portent  trois 
feuilles  fur  le  même  pétiole.  Il  l'ap- 
pelle Medicago  major ^  erecïior  ,  Jïo- 
ribus  purpuras. 

Fleurs.  En  papillon  ^  compofée  de 
de  cinq  pétales.  B  reptéfente  le  fu- 
périeur  ou  l'crendard.  C  les  latéraux , 
ou  aî'es  ,  mais  un  feul  eft  deflîné  ; 
l'inférieur  D,  ou  la  carène,  eft  re- 
préfenté  ouvert.  Les  étamines  E  , 
réunies  à  la  bafe  de  leur  filet ,  un 
feul  excepté.  Cette  réunion ,  par  la 
bafe ,  forme  une  efpèce  de  membra- 
ne ,  &  en  F  elle  eft  repréfentée 
ouverte.  C'eft  cette  membrane  qui 
compofe  le  tube  E.  Le  piftil  eft  fi- 
guré en  G  ;  le  calice  H  eft  divifé 
en  cinq  dents  égales  &  pointues. 

Fruh.  \.  Légume  contourné  en 
fpirale  comme  les  lillons  de  la  co- 
quille d'un  limaçon.  Cette  fpirale 
s'ouvre  en  deux  battans  ,  fur  toute 
fa  longueur,  «Se  dans  fa  parfaite  ma- 
turité iailfe  échapper  les  femences  K 
qui  font  attachées  à  la  nervure  de 
cette  goulfe  qui  leur  fert  de  placenta. 

Feuilles.  Trois  à  trois  fur  un  pé- 
tiol-e  j  les  folioles  ovales,  ou  en  forme 
de  fer  de  lance;  dentées  à  leur  fom- 
mer. 

Racine.  A.  Blanche  ,  ligneufe  , 
profondément  pivotante. 

Port.  Ti'^e  d'un  pied  au  moins 
de  h.iuteur ,  &  fouvent  de  deux , 
faivant  les  faifons  ;  fans  poil  ,  lilTe, 
droite  ;  les  fteurs  portées  par  des  pé- 
duncules  ,  font  difpofées  en  grappes 
deux  fois  plus  longues  que  les  feuilles. 
Les  péduncules'  font  terminés  par 
un€let  j  'leE''feliîlle's'  font  placées  al- 


LUZ 

terr,ativement  fur  les  tiges;  elles  cm 
des  ftipules  au  bas  de  la  pétiole. 

Lieu.  Naturelle  à  l'Efpagne  Se  a 
la  France  méridionale.  La  plante  eft 
vivace. 

Von  Linné  compte  huit  efpèces 
de  luzerne  ,  que  je  ne  décrirai  pas  , 
à  caufe  de.  leur  peu  de  qualité  rela- 
tivement à  celle  dont  on  a  parlé  ,  ôc 
parce  qu'elle  ne  fait  pas  d'ailleurs 
l'ornement  des  jardins.  La  luzerne 
en  arbre  fait  exception  à  cette  lé-, 
gle.  Comme  elle  eft  toujours  verte  & 
fleurie  pendant  toute  l'année,  à  l'ex- 
ception du  temps  des  gelées ,  fes 
feuilles  font  toujours  vertes  ,  ôc  on. 
peut  placer  la  plante  far  le  devant 
des  bofquets.  Elle  eft  originaire  des 
ifles  de  la  Méditerranée,  &  dans  nos' 
provinces  du  nord  elle  demande  l'o- 
rangerie pendant  l'hiver ,  ou  du  moins 
de  bons  abris.  Elle  diftère  de  la  pré- 
cédente par  fa  tige  en  arbre  ,  par  (es 
légumes  en  forme  de  croiifant.  Von 
Linné  la  nomme  Medicago  arborea. 
Elle  aime  les  terres  qui  ont  beaucoup 
de  fond;  mais  pour  l'ufage  ordinaire , 
on  doit  préférer  la  luzerne. 

§.  \.  Du  fol  qui  convient  à  la  luzerne". 

Plufîeurs  auteurs  avancent  qu'elle 
réuflit  dans  toutes  fortes  de  terreins. 
Cette  aftertion  eft  vraie  quant  à  fa 
généralité,  &  très-fauffe  dans  le  par- 
ticulier. J'ai  dit  très-fouvent  dans  le 
cours  de  cet  ouvrage ,  que  l'on  pouvoir 
établir  wnt  règle  fûre  en  agriculture, 
quant  à  la  nature  du  fol  que  deman- 
dent les  plantes  ,  par  la  feule  inf- 
peélion  de  leurs  racines.  Celle  de  la 
luzerne  eft  pivotante,  peu  fibreufé, 
&  plonge  tant  qu'elle  trouve  la  terre 
qui   lui  eft  propre.   11  u'eft  pas  rare 


L  U  Z 

de  trouver  des  luzeines  dont  la  ra- 
cine a  fix  &  même  jufqu'à  dix  pieds 
de  longueur.  11  eft  clair  ,  d'après  ce 
fait  que  je  certifie  ,  que  cette  plante 
réullira  mal  dans  un  terrein  pure- 
ment caillouteux  ou  fiibloneux ,  dans 
un  terrein  gras&  argilleux,  craieux, 
ou  entièrement  plâtreux  ;  dans  celui 
où  la  couche  de  terre  végétale  de  lix 
à  douze  pouces  d'épailleur  ,  recou- 
vrira un  fonds  de  gravier  ou  d'argille, 
&c.  La  racine  alors  ceile  de  pivoter, 
&  à  la  moindre  fécherelfe  elle  fouf- 
fre,  languit  &  enfuite  périt.  Le  point 
eiïentiel  elt  de  chercher  une  terre  qui 
ait  beaucoup  de  tond. 

La  meilleure  terre,  fans  contredit, 
eft  celle  qui  eft  légère  &:  fubftancielle. 
Les  anciens  dépôts  formés  par  les 
rivières  ,  ont  communément  cette 
qualité  ,  parce  qu'ils  font  remplis 
i^humiis  ou  terre  végétale  ,  dilîoute  , 
entraînée  &  dépofée  par  l'eau  ^  les 
fables  gras ,  les  terres  tourbeufes  vien- 
nent enluite,  &  alkz  généralement 
tous  les  terreins  lîtués  au  pied  des 
montagnes  j  parce  qu'ils  font  fans 
celFe  enricliis  par  les  terres  qu'entraî- 
nent les  pluies. 

De  la  qualité  du  fol  dépend  la 
durée  &  la  beauté  de  la  luzerne. 
Lorfc^ju'd  lui  convient ,  lorfque  des 
accidens  particuliers  ,  dont  on  par- 
lera dans  la  fuite  ,  ne  la  détruifent 
pas  ,  une  luzerne  dure  ,  dans  les 
provinces  méridionnales ,  depuis  dix 
jufqu'à  vingt  ans.  Sa  durée  diminue 
en  raifun  du  fol  ,  -  S:  fuivant  fa 
qualité,  elle  eft  épuifée  après  quatre 
ou  cinq  ans  ,  &  même  moins.  U 
ne  valoir  pas  la  peine  de  la  femer , 
à  moins  qu'on  ne  veuille  alterner  , 
{  Foye^  ce  mot  )  ou  remettre  un 
champ  fatigué  par  des  récoltes  fiic- 
celîivcs  de  bled. 

Tornç  yî. 


LU  Z 


337 


§.  IL  Du  choix  de  la  graine  &   du 
temps  de  la  femer. 

\,  Du  choix  de  la  graine.  On  ne 
cueille  communément  la  graine  que 
fur  de   vieilles  luzernes  qu'on   veut 
détruire ,  &  on  la  lailfe   pour   ainli 
dire   fécher  fur  pied,   c'eft-à-dire 
qu'on  attend,  pour  la  cueillir,  l'ap- 
proche des  premiers  froids.  Dans  les 
provinces  du   midi ,  après  avoir  fait 
la    première  coupe   en    avril  ou  en 
mai,  fuivant  la  faifon  &  le  climat, 
on  ne  la  coupe  plus,  &  la  graine  eft 
mûre   en  oétobre  ou  en  novembre. 
Comme   le    légume  qui  contient  la 
graine,  eft  tourné  en  fpirale,  &  cjue 
fes  valvules  s'ouvrent  difficilement, 
on  n'eft  pas  ptefte  pour  le  moment  de 
la  récolte.  Dans  les  provinces  du  nord, 
on   ne  doit  point  couper  la   luzerne 
pendant  la  dernière  année,  fi  on  dé- 
lire  que   la   femence   acquierre  une 
parfaire  marurité.  Cette  maturité  eft 
bien  elTentielle  j  la  graine  qui  n'eft 
pas  mûre  ,  &  qui  n'a  pas  acquis  uiie 
couleur  brune,  ne  lève  pas,   (Se  fans 
cette  précaution  la  luzerne  lève  trop 
clair,  de  ne  garnit  pas  allez  le  champ. 
Le  délaut  de  la  graine,  récoltée  fur 
une  luzernière  à  détiiiire ,  eft  d'être 
mêlée  avec  routes  fortes  de  mauv.iifes 
graines ,  &   fur  tout  avec  celles  des 
roquettes  dans  les  provinces  du  midi, 
&  ailleurs  avec  celles  des  graminées 
des  prairies.  On  obvteroit  à  cet  in- 
convénient, fi  on  confervoit  une  place 
à  part  dans  le  champ,  &  dans  la  partie 
la  mieux  garnie  de  luzerne,  parce  que 
les  tiges,  placées  pres-à-près  5c  très-" 
feuillées  ,    étouffent    les    mriuvaifes 
herbes  ,    Si  les  empêchent  par  con- 
féquent   de    grainer  :   c'eft    le    feul 
moyen  d'avoir  une  graine  nette  & 
Vv 


3i8  L  U  Z 

pure.  La  bonne  graine  eft  laifante  , 
brune  &  pefiinte. 

Lorfqii'on  juge  que  la  plante  eft 
bien  mûre,  on  la  fauche  par  un  temps 
fec,  on  la  lailfe  expofée  à  l'ardeur  du 
foleilpendantplufieurs  jours  de  fuite; 
enfin  elle  eft  portée  fous  un  hangard 
dans  un  lieu  fec,  afin  d'être  battue 
pendant  l'hiver  par  un  temps  fec. 

J'ai  dit  que  le  légume  s'ouvroic 
diflScilement,  &:  que  la  femence  avoit 
beaucoup  de  peine  à  s'échapper  ;  il 
faut  donc  ne  pas  fe  lalfer  de  battre 
avec  les  fléaux  ,  d'enlever  les  gros 
débris ,  de  vanner  fouvent,  &  de  bat- 
tre de  nouveau  ce  qui  vient  d'être 
vanné  j  en  un  mot,  il  faut  de  la  pa- 
tience pour  féparer  la  graine  ,  c'eft 
pourquoi  l'on  choifira  pour  cette  opé- 
ration la  faifon  de  l'hiver  où  l'on  cft 
le  moins  occupé.  On  doit  bien  ie 
garder  de  porter  au  fumier  les  petits 
débris,  ils  retiennent  encote  trop  de 
graines  ,  &  le  fumier  tranfporté  fur 
les  champs,  elles  germeroient  ,  & 
donneroienteiifuite  beaucoup  de  peine 
à  détruire. 

Plufieurs  auteurs  avancent  que  la 
graine  cueillie  depuis  plus  d'une  an- 
née ne  lève  pas  ;  cela  leur  eft  peut-être 
arrivé,  puifqu'ils  le  dilent,  mais  je 
réponds ,  qu'ayant  fait  arracher  des  mû- 
riers dans  une  luzernière,  &:  n'avant 
pas  de  graine  fraîche ,  j'en  hafardai  une 
de  quatre  ans,  qui  a  très-bien  réufîij 
cependant  ,  dans  le  doute  S<  pour 
prendre  le  parti  le  plus  fur,  il  vaut 
mieux  choifir  de  nouvelle  graine ,  mais 
dans  le  befoin  ne  pas  négliger  l'an- 
cienne. Ne  pourtoit-on  pas  attribuer 
cette  diverfité  d'opinions  aux  effets  de 
la  diverfîté  des  climats  fur  la  plante  ; 
la  luzerne  eft  indigène  aux  provinces 
du  midi  du  royaume ,  &  exotique  à 
celles  du  nord,  où  on  la  naturalife 


L  U  Z 

de  plus  en  plus,  fi  toutefois  l'alTer- 
tion  des  auteurs  à  cet  égard  eft  vraie. 
1 1.  Du  temps  de  la  Jemer.  Indi- 
quer une  époque  fixe  feroit  induire 
en  erreur;  elle  dépend  &:  du  climat, 
&  de  la  laifon.  Dans  les  provinces 
du  midi  il  y  a  deux  faifons,  l'une 
dans  le  courant  de  feptembre  ,  & 
l'autre  à  la  fin  de  février,  de  mars, 
&  au  plus  tard,  à  moins  que  les  cir- 
conftances  accidentelles  ne  s'y  oppo- 
fent,  jufqu'au  milieu  d'avril.  Les  fe- 
mailles  faites  en  feptembre,  gagnent 
une  année;  dans  la  luivante  on  coupe 
cette  luzerne  comme  les  autres;  ilfauc 
cependant  obferver  qu'elle  fleurit  plus 
tard,  &  qu'ordinairement  on  a  une 
coupe  de  moins.  Dans  celles  du  nord , 
on  doit  femer  dès  qu'on  ne  craint 
plus  l'effet  des  gelées;  c'eft  le  point 
d'après  lequel  on  doit  fe  conduire, 
&  lailfer  de  côté  l'époque  de  la  fête 
de  tel  ou  tel  faint,  ou  bien  ne  l'ad- 
mettre que  comme  une  généralité 
pour  le  canton.  La  longueur  de  l'hiver 
de  1785a  fingulièrement  mis  en  dé- 
faut cttte  efpèce  de  calendrier.  Une 
gelée  un  peu  fcrte  détruit  la  luzerne 
lorfqu'elle  fort  de  terre.  11  fera  pru- 
dent de  ne  pas  fe  hâter  de  jouir,  & 
de  ne  fe  permettre  d'abord  qu'une 
feule  coupe,  afin  de  ne  pas  épuifer 
la  plante,  &  fur-  tout  pour  que  fon 
ombre  ait  le  temps  de  faire  périr 
les  mauvaifes  plantes. 

A  l'époque  où  l'on  ne  parloir  en 
France  que  de  nouveaux  lemoirs,  de 
nouvelles  machines,  totalement  ou- 
bliées aujourd'hui,  leurs partifcns  s'en 
fervoient,  &  trouvoient  admirable  de 
voir  les  tiges  de  luzerne  bien  alli- 
gnées,  peu  ferrées  ,  &c. ,  enfin  de 
les  entretenir  telles  à  l'aide  d'une 
charrue  j  (  Voye:^  ce  mot  )  nommée 
cultivateur.  Ces  opérations  font  très» 


L  U  Z 

inutiles  ;  une  fois  que  la  luzerne  a 
pris  pied  dans  un  champ,  qu'elle  eft 
bien  fortie  ,  elle  ne  demande  pas 
d'autre  foin  :  à  force  de  vouloir  per- 
fedtionner  les  cultures  (Impies  ôc  bon- 
nes, on  multiplie  les  frais  fans  aug- 
menter les  produits  dans  la  même  pro- 
portion. Ces  mêmes  cultivateurs  re- 
commandent encore  de  femer  rrès- 
clair,  afin  que  de  la  racine  il  forte 
un  grand  nombre  de  tiges  ;  fpécu- 
lation  encore  inutile.  Je  recommande 
au  contraire  de  femer  épais ,  parce 
que  toutes  les  graines  ne  germeront 
pas  ,  &  parce  que  les  plantes  les 
plus  fortes  détruiront  peu  -  à  -  peu 
les  pieds  les  plus  foibles ,  &.  qui  les 
incommodent.  C'eft  un  point  de  fait 
que  j'ai  fans  ceffe  (ous  les  yeux  ;  il 
faut  convenir  cependant  que  le  trop 
d'épailTeur  ,  fuppofé  égal  ,  nuit  au 
.  champ  entier. 

Je  crois ,  mais  je  ne  l'ai  pas  ef- 
fuyé ,  qu'on  pourroit  femer  la  luzerne 
comme  les  creffles  fur  les  bleds  , 
C  yoyei  ce  mot  )  «Se  fur- tout  au  mo- 
ment que  la  neige  commence  .1  fon- 
cïre,  parce  qu'alors  l'eau  enterreroit 
la  graine,  lln'eftpas  poflible  d'évaluer 
au  jufte  la  quantité  de  graine  confi- 
dérée  par  le  poids  ,  relativement  à 
une  furface  de  terrein  donnée  ;  cette 
quantité  dépend  de  la  nature  du  fol 
éc  de  l'époque  des  femaïUes.  On  doit 
femer  plus  dru  en  feprembre  ou  en 
od:obre  qu'au  renouvellement  de  la 
chaleur.  A  la  première  époque  la 
graine  a  à  redouter  les  fourmis,  les 
oifeaux,  les  pluies  trop  abondantes, 
les  eaux  ftagnantes  pendant  l'hiver  j 
au  renouvellement  de  la  chaleur  , 
elle  eft  fujerte  à  moins  d'accidens.  On 
peut  cependant  dire  que  fur  une  fu- 
perficie de quatrecent  toifes quavrées , 
on  doit  femer  un  peu  plus  de  la  fei- 


L  U  Z 


359 


zième  pattie  d'un  quintal  de  graine, 
poids  de  marc,  &  au  plus  la  dou- 
zième ,  parce  que  la  femence  eft  très- 
menue  &  garnit  beaucoup.  Si  on  peut 
fe  procurer  une  graine  bonne  &  bien 
choifie  ,  d'une  province  un  peu  éloi- 
gnée ,  la  plante  gagnera  par  le  chan- 
gement de  climat  j  H  des  cbrtacles 
s'oppofent  à  l'échange,  celle  du  pays 
fuftira.  On  a  été  longtemps  perfuadé 
dans  le  noid  qu'on  devoir  abfolument 
frire  venir  la  graine  des  provinces  dtl 
midi,  iS:  on  avoir  raifon  alors,  parce 
que  la  plante  n'éroit  pas  encore  aifez 
acclimatée  ,  mais  aujourd'hui  ces 
longs  rranfports  ,  quoiqu'utiles,  ne 
font  plus  indifpenfables  j  je  ctois 
même  qu'il  y  aurait  dans  ce  moment 
plus  d'avantage  de  tiier  la  graine  du 
nord,  &i  de  la  femer  au  midi,  parce 
qu'ici  elle  n'a  jamais  été  renouvellée. 
Je  le  répète,  l'éihange  eft  avanta- 
geux pour  la  luzerne,  mais  pas  auilî 
elTentiel  que  pour  le  froment,  &:c, 

§.  III.  Des  préparations  que  la  terre 
demande  avant  d'être  emftmencée ^ 
&  de  la  manière  de  femer. 

A  quelqu'époque  que  l'on  feme, 
la  terre  doit  être  extrêmement  di- 
vifée,  puifque  toute  graine  enfouie 
fous  une  motte  ne  germe  pas  ;  dès 
lors  on  fent  la  néccilité  de  divifer 
la  terre  par  de  fréquens  labours 
multipliés  coup  -  fur  -  coup.  Si  on 
herfe  après  chaque  labour ,  l'opéra- 
tion fera  moins  longue.  Il  eft  donc 
difficile  de  prefcrire  le  nombre  des 
labours  nécelfaires ,  il  dépend  de  la 
qualité  de  la  terre,  dont  le  grain  eft 
plus  ou  moins  tenace ,  <!^'  dont  les 
molécules  font  plus  ou  moins  faciles 
à  être  divifées. 

Vv  t 


J4o  L  U  Z 

La  forme  de  la  racine  indique  la 
nécellité  abfoîiie  où  l'on  eft  de  donner 
les  labours  les  plus  profonds  j  ici  on 
jie  doit  épargner  ni  temps  ni  peine, 
&  mettre  plutôt  deux,  ou  trois  paires 
de  bœufs  à  la  charrue  ,  que  de  la- 
bourer avec  un  feul.  La  durée  Ôc 
la  bonté  d'une  luzernière  dépend  , 
en  grande  partie  ,  de  fes  fuccès 
dans  la  première  année  ;  fi  la  graine 
germe  mal ,  fi  elle  eft  femce  trop 
clair ,  la  mauvaife  herbe  prend  le 
deiïus.  Si  on  n'eft  pas  dans  la  cou- 
rume  de  fe  fervir  de  fortes  charrues, 
il  convient  alors  de  faire  pafler  les 
peritcs  deux  fois  dans  le  même  fillon, 
au  moins  pour  les  deux  premiers  la- 
bours croifés  d-  de  défoncemenr. 

Si  on  feme  après  l'hiver,  on  a  le 
temps  néceffaire  à  la  préparation  du 
fol;  deux  labours  donnés  avant  l'hi- 
ver facilireront  beaucoup  la  fouille 
profonde  de  la  terre  par  la  charrue, 
d'ailleurs  la  terre  fera  bien  émiettée 
par  les  gelées  :  l'hiver  eft  un  excellent 
laboureur. 

Lorfque  la  terre  eft  bien  divifée 
&  prête  à  recevoir  la  fcmence,  il  eft 
bon ,  fi  les  filions  font  un  peu  pro- 
fonds ,  de  faire  pafter  la  herfe  &  de 
femer  enfuire.  Sur  le  femis,  on  p-^lfe 
aulîitôt  la  herfe  ,  foit  du  côté  des 
dents  en  terre,  foit  du  côté  du  plat, 
^-  ainfi  tour-à-tour,  afin  que  la  graine 
foit  enterrée ,  mais  pas  trop  profon- 
dément. Il  eft  bon  encore  d'arracher 
derrière  ta  herfe  des  fagots  d'épine, 
chargés  de  quelques  pierres  ou  de 
pièces  de  bois,  ils  régaleront  la  terre, 
&:  contribueront  à  mieux  enfouir  la 
femence  :  cette  pratique  n'eft  pas  à 
négliger.  En  général  ,  le  point  ef- 
fentiel  eft  de  bien  divifer  la  rerre, 
de  la  divifer  profondément ,  de  ne 
pas  trop  enfouir  la  graine  &  de  la 


L  U  Z 

bien  recouvrir;  fi  après  les  femailîes 
il  furvient  une  pluie  chaude,  chaque 
graine  germera,  &  on  ne  tardera  pas 
à  voir  les  plantes  pulluler  de  toute 
paits. 

§.    IV.    Des  foins   que  demande  la. 
iu^erne  après  avoir  étéfcmée. 

Lorfque  le  fond  de  terre  lui  con- 
vient, lorfqu'elle  a  été  bien  femée, 
enfin  lorfqu'elle  a  bien  germé,  elle 
n'exige  aucuns  foins.  Certe  affertion 
ne  s'accorde  pas  avec  celle  des  au- 
teurs qui  prefcrivent ,  comme  une 
condition  nécelTaire  à  la  réuflîte ,  de 
farder  le  champ  de  routes  les  maii- 
vaifes  herbes  ,  Se  autant  de  fois 
qu'elles  reparoiftent  :  préc.iution  inu- 
tile, dépenfe  fupeiflue,  toutes  les  fois 
que  la  luzerne  n'a  pas  été  trop  claire. 
Dans  ce  cas,  qui  dépend  ou  de  la 
mauvaife  qualiré  Je  la  graine,  ou  de 
la  faute  du  femeur,  ou  de  l'effet  de 
la  faifon  ,  il  vaut  mieux  faucher  les 
mauvaifes  herbes,  les  laifler  pourrir 
fur  le  champ,  &  refemerdenouveauà 
l'époque  convenable  au  climar.  Dans 
les  p.iys  où  les  chaleurs  fonr  modé- 
rées ,  «Se  où  l'on  eft  fur  de  la  pluie 
en  été,  on  peut  elTayer  de  refemer 
jufqu'à  la  fin  du  moij,  d'août;  mais 
cette  relfource  eft  interdite  dans  les 
provinces  du  midi  dans  les  mois  de 
juillet  &  d'.aoûr ,  la  fécherclfe  &  la 
chaleur  y  mettent  obftacle. 

A  peine  eus-je  choifi  le  Langue- 
doc pour  le  lieu  de  ma  rerraite,  que 
je  fii  femer  de  la  luzerne  ,  &  ,  plein 
des  écrits  que  j'avois  lus  autrefois,  & 
des  prariques  que  je  connoilfois ,  je  fis 
farder  rigoureufemenr  une  partie  d'un 
champ  que  je  venois  de  convertir  en 
luzerne.  Les  paylans  plaifantoient  en- 
tr'eux  de  ma  follicitude;  je  leur  en 


L  U  Z 

demandai  la  raifon  :  la  luzerne,  me 
diient-ils  ,  en  fai:  plus  que  vous  , 
lailfez-la  faire  ,  elle  tuera  les  mau- 
vaifes  herbes  fans  votre  feconrs.  Pour 
cette  fois  ils  eurent  raifon  :  la  partie 
du  champ  qui  n'avoit  pas  été  fardée, 
fut,  l'année  fuivante,  auiïi  belle  que 
celle  qui  l'avoir  été.  Depuis  ce  temps- 
là  je  n'ai  pas  eu  la  fantaihe  de  facri- 
fier  de  l'argent  en  pure  perce. 

On  ne  manquera  pas  d'objeéterque 
les  luzernes  périlTent  à  la  longue  , 
parce  que  les  mauvaifes  herbes  ou 
les  plantes  graminées  les  gagnent  j 
je  réponds  que  ces  plantes  graminées, 
&c.  &c.  ne  végètent  que  dans  les 
places  où  les  pieds  font  déjà  morrs , 
&  que  rant  que  les  pieds  confervent 
de  la  vigueur,  ils  fe  détendent  contre 
les  mauvaifes  herbes ,  fur-tout  s'ils  font 
encore  allez  rapprochés  les  ims  des 
autres.  Un  feul  coup  d'œil  jeté  fur 
une  luzetnerie  dans  fes  diftérens  états, 
prouvera  plus  que  tout  ce  que  je 
pourrois  dire. 

Le   grand  deftruéteur    &   le    plus 

terrible  pour  la  luzerne,  avant  que 

l'âge  la  dégrade ,  c'eft  le  ver  du  han- 

ntton  (  Foye\    ce    mot    &  planche 

XXni  ,  page  6yS   du    Tome    FI  y 

lettre  D ,  fig.  6  )  ainfi  que  celui  de 

l'infedte  nommé  moine  ou  rhinocéros  ; 

c'eft  le  Scarabaus  Rhinocéros.  Lin. 

J'avois   chargé   le  graveur  de  le  re- 

préfenter  dans  la  même  planche  que 

celle  du  hanneton  ,  &  il  l'a  oublié.  U 

cft  aifé  de  reconnoîrre  ce  fcarabé ,  plus 

gros  que  le  hanneton,  à  une  corne 

unique  qu'il  porte  fur  la  tète ,  &  qui 

l'a  fait  nommer  Rhinocéros;  fon  cor- 

felet  n'eft  pas  moins  fmgulier  &z  ir- 

régulierj  il  s'élève  fur  le  derrière,  ôc 

forme  une  éminence  tranfverfe  ,    à. 

trois  angles ,  &  qui  relfemble  à  une 

efpèce   de  capuchon  ,   d'où  on  lui 


L  U  Z  341 

a  donné  le  nom  de  moine  ;  cette 
éminence  el^  bien  moins  conddérable 
dans  la  femelle ,  qui  n'a  point  non 
plus  decorne  fur  la  tête.  Tout  le  corps 
de  l'animal  eft  d'un  brun  châtain,  fes 
étuis  font  lilles,  &  fon  ventre  eft  un 
peu  velu  j  on  le  trouve  en  grande 
quantité  dans  les  couches,  dans  les 
jardins  potagers  &  dans  les  bois 
pourris  j  fa  larve  reflemble  entière- 
ment à  celle  du  hanneton.  Telle  eil: 
la  defcription  que  M.  GeofFroi  donne 
de  cet  infeéle. 

J'ignore  fi  fa  larve  ou  ver  demeure 
aulîi  longtemps  en  terre,  avant  de 
paffer  à  l'état  de  cryfalide,  que  celle 
du  hanneton  ;  je  le  croirois  cepen- 
dant, parce  que  j'en  ai  trouvé,  à  la 
m.cme  époque,  de  grolleur  très-dif- 
patate,  pour  parvenir  dans  la  même 
année  au  même  volume  j  je  trouve 
que  fa  larve  diffère  de  celle  du  han- 
neton ,  non  par  la  forme ,  mais  un 
peu  par  la  couleur.  Celle  du  rhino- 
céros eft  d'un  gris  bien  plus  foncé, 
&  les  petits  points  placés  lur  les  côtés 
des  anneaux  ,  d'une  couleur  alTez 
noire.  Quoi  qu'il  en  foit  de  ces  dit- 
férences,  peut-être  accidentelles ,  il 
n'ell  pas  moins  vrai  que  les  larves 
de  ces  deux  infeéïes  parviennent  en 
peu  d'années  à  détruire  une  luzer-. 
nière ,  fur-tout  fi  elles  font  mul- 
tipliées. 

J'ai  fuivlde  près  la  marche  de  ces 
vers  deftructeurs  ,  &  j'ai  toujours 
obfervé  que  le  hanneton,  dans  fon 
état  d'infeéle  parfait  ,  choifiiïbit  , 
lorfqu'il  vouloir  s'enterrer  pour  dé- 
pofer  fes  œufs ,  l'endroit  qui  étoic 
recouvert  par  l'excrément  des  bœufs, 
ou  des  chevaux  ,  ou  des  mules ,  donc 
on  s'étoit  fervi  pour  enlever  la  lu- 
zerne du  champ.  Ces  excrémens  en 
malfe   empêchent    l'évaporation   de 


34^  L  U  Z 

riiuinidicé  de  la  terre,  Ini  confervent 
fa  fraîcheur ,  &  la  rendent  moins  dif- 
ficile à  être  pénétiée  pat  l'inlcite  : 
c'eft  ce  qui  fe  palfe  dans  les  provinces 
du  midi  j  la  terre  y  eft  quelquefois  fi 
dure,  fi  fcvhe  à  fa  fuperhcie  ,  que 
rinfede  eft  obligé  de  recourir  à  ce 
petit ,  mais  ingénieux  ftratagême.  Je 
ne  penfe  pas  qu'il  en  foit  ainfi  dans 
les  provinces  du  nord,  plus  favorifées 
par  les  pluies,  la  terie  y  eft  par  con- 
féquent  plus  perméable  à  l'animal; 
cependant  au  befoin  le  même  inftinâ: 
doit  le  conduire. 

Ce  fait  paroîtra  peut-être  extraor- 
dinaire, mais  je  m'en  fuis  convaincu 
d'une  manière  fi  pofitive,  que  je  ne 
puis  aujourd'hui  le  révoquer  en  doute  : 
voici  ce  qui  a  donné  lieu  à  cette  vé- 
rification. Une  boufe  de  bœuf,  après 
s'être  defféchée  au  foleil ,  étoit  fou- 
levée  dans  toutes  fes  parties  par  la 
nouvelle  luzerne  qui  repoulToit  par- 
delfous  j  d'un  coup  de  pied  je  jetai 
au  loin  cette  croûte  :  je  vis ,  à  la  place 
qu'elle  occupoit  auparavant,  la  terre 
beaucoup  plus  humide  que  dans  les 
environs  ,  &  elle  étoit  ctiblée  de 
trous  ronds.  Je  crus  d'abord  qu'ils 
avoient  été  faits  par  le  fcarabé  jayet , 
Scdrab&us  totus  nsger  capite  ïnermï , 
le  fcarabé  gris,  fcarab&us pillularïus , 
enfin  par  les  ditférens  infectes  nom- 
més houfters  j  &  copris  en  latin  , 
qui  vivent  fur  les  boufes.  Je  retour- 
nai au  logis  fans  y  faire  plus  d'atten- 
tion, parce  que  mon  efprit  étoit  pré- 
venu d'une  idée  naturelle;  mais  che- 
min faifant  la  largeur  de  l'orifice  des 
trous  me  frappa,  &  me  fit  naître 
des  doutes.  Le  hanneton  ne  pouvoit 
pas  palTer  par  des  trous  ouverrs  par 
les  autres  fcarabés ,  dont  on  vient  de 
parler  ;  ils  auroient  été  plus  larges 
s'ils  euflfent  été  l'ouvrage  des  cigales 


L  U  Z 

au  moment  qu'elles  s'enterrent.  Dans 
cette  incertitude  ,  je  pris  le  parti 
de  revenir  lur  mes  pas,  de  fane  ou- 
vrir la  terre,  &  après  l'avoir  enlevée 
à  huit  à  dix  pou.es  de  profondeur, 
je  trouvai  les  hannetons  ,  mais  non 
pas  en  nombre  égal  à  celui  des  trous 
que  j'avois  vus  ;  les  autres  avoient 
déjà  pénétré  au- deflous  delà  fouille 
que  j  avois  faite.  Quelque  temps 
après  j'eus  occafion  de  faire  encore  la 
même  opération,  &  au  lieu  de  han- 
netons, je  trouvai  le  fcarabé  rhino- 
céros. Ces  deux  places  furent  anlfitôt 
marquées  ,  chacune  par  un  piquet 
fiché  en  terre,  prefque  jufqu'à  foa 
fommet,  afin  qu'il  ne  pût  être  en- 
levé. 

J'étois  fort  content  de  mon  obfer- 
vation,  &  que  l'on  juge  de  mon  éton- 
nement ,  loifque  ,  l'année  Suivante, 
je  ne  vis  aucune  trace  des  dégâts 
caufés  par  les  larves  de  ces  inftdlesj 
mais  il  ntn  fut  pas  ainfi  à  la  féconde 
année,  parce  que  leurs  vers  ou  larves 
n'éroient  pas  alfez  forts  pendant  la  pre- 
mière année  pour  attaquer  les  racines 
pivotantes  de  la  luzerne.  A  la  féconde 
année  je  vis  des  pieds  de  luzerne  bien 
verds  la  veille ,  fe  flérrir  le  lendemain, 
&  être  deiféchés  trois  ou  quarre  jours 
après;  alors,  faififfant  ces  tiges  avec 
la  main  ,  je  les  arrachai  fans  peine 
de  terre,  ainfi  que  la  partie  fupérieure 
de  leurs  racines  qui  étoit  cernée  , 
rongée  &  coupée.  Je  ne  doutai  plus 
que  ce  ravage  ne  dut  ctre  attribue  au 
hanneton  &:  au  rhinocéros  ,  &  une 
fouille  m'en  convainquit  auffitôt.  U 
feroit  trop  long  de  décrire  mes  re- 
cherches poftérieures,  mais  en  voici 
le  réfultat  : 

Ces  vers  ou  larves  marchent  tou- 
jours entre  deux  terres  fur  une  ligne 
circulaire,  &  forment  à  la  longue  ce 


L  U  Z 

que  l'on  appelle  des  tonfures  y  ou  ef- 
paces  vides  de  luzerne,  &  donc  peu- 
à-peu  l'herbe  s'empare.  Le  ver  com- 
mence par  le  premier  pied  qu'il  ren- 
contre ,  pafTe  au  lecond  ,  &c  vient 
enfuice  au  plus  voifin  du  premier , 
&  peu- à-peu  il  établie  la  galerie  ,  & 
ainfi  de  fuite;  on  diroit  que  la  place 
qu'il  a  dévorée  a  été  rracée  avec  la 
faulx.  Si  dans  cette  efpèce  de  cercle 
on  voit  des  crochets,  des  proéminen- 
ces ,  c'eft  que  plulîeurs  vers  rravail- 
lent  en  même  temps  fur  ditîérentes 
lignes  ,  &  quelquefois  deux  tonfures 
fe  joignent,  &  ne  font  féparées  que 
par  une  feule  rangée  de  pieds  de  lu- 
zerne ;  fouvenc  même,  dans  le  mi- 
lieu de  ces  tonfures,  il  refte  deux  à 
quatre  plantes  qui  ont  été  épargnées. 
Le  dégât  continue  jufqu'à  ce  que 
la  larve  devienne  infeéle  parfait,  c'eft- 
à-dire  hanneton.  Dans  cet  état  il  fort 
de  terre  pour  s'accoupler,  &  s'enterrer 
enfuite.  (  Cûnfuke\  le  mot  Han- 
neton )  Ce  qui  m'a  fait  prélumer 
que  le  rhinocéros  reftoit  auflî  long- 
temps dans  fon  état  de  larve  que  le 
hanneton,  c'eft  que  fes  excurfions  & 
fes  dégâts  duroient  autant  d'années. 
Les  tonfures  ne  font  plus  agrandies 
lorfque  l'infeéteeft  devenu  hanneton. 
Si  dans  cet  intervalle  d'autres  hanne- 
tons fe  font  enterrés  dans  leur  voi- 
finage,  on  peut  s'attendre  à  de  nou- 
veaux dégâts,  &  qui  dureront  autant 
que  les  premiers ,  &c  ainfi  de  fuite. 
La  fource  du  mal  eft  connue ,  com- 
ment la  tarir? 

J'ai  toujours  obfervé  que  les  lu- 
zernières,  placées  près  des  bois,  près 
des  arbres,  &  des  peupliers  fur- tout, 
étoient  plus  endommagées  que  les  au- 
tres ;  la  raifon  en  eft  lîmple  :  ces  ar- 
bres fervent  de  retraite  aux  hannetons , 
lors  de  leur  fortie  de  terre ,  ils  fe  nour- 


L  U  Z 


343 


riftent  de  leurs  feuilles ,  ils  y  font  à 
couvert  de  l'ardeur  du  foleil  ;  raftem- 
blés  pour  ainfi  dire  en  famille ,  ils  y 
trouvent  fans  peine  leurs  compagnes, 
&  l'époque  de  s'en  terrer  étant  une  fois 
venue,  ils  trouvent  dans  le  voillnaee 
de  quoi  remplir  le  but  de  leur  con- 
iervation  &  de  leur  reprodudion. 
De  la  théorie,  pafTons  à  la  pratique. 

I  ".  Faire  enlever  avec  foin  de  def- 
fus  le  fol  de  la  luzernière,  tout  le 
crotin  de  cheval,  d'àne ,  de  mulet, 
&c. ,  &  toutes  les  boufes  de  vaches 
&  de  bœufs;  ces  excrémens  y  fonc 
fur -tout  multipliés  lorfqu'on  y  met 
ces  animaux  pendant  l'hiver.  Faire 
emporter  également  ces  excrémens 
lorfqu'après  les  coupes  on  voiture  la 
luzerne.  Ceux-ci  font  encore  plus 
dangereux  que  les  premiers ,  puifqu'ils 
confervent  l'humidité  de  la  terre  qu'ils 
recouvrent ,  à  l'époque  affez  ordinaire 
où  le  hanneton  s'enterre. 

z°.  Auftitôt  qu'on  s'apperçoit  qu'un 
pied  de  luzerne  fèche ,  il  faut  faire 
ouvrir  une  tranchée  tout  autour  ,  y 
découvrir  la  larve  &  la  tuer.  Le 
maître  vigilant  ne  s'en  rapportera 
qu'à  lui  -  même  pour  la  vilite  de 
fa  luzernière,  &  il  ne  quittera  l'o- 
pération que  lorfqu'elle  fsra  com- 
plettement  finie  ;  il  fera  très  -  bien 
encore  d'avoir  avec  lui  un  petit  fac 
rempli  de  graine  de  luzerne  ,  &  il 
en  répandra  fur  la  terre  nouvellement 
remuée ,  &  la  fera  enterrer  ,  n'im- 
porte à  quelle  époque  du  printemps 
ou  de  l'été  qu'il  fe  trouve  ;.  le  pire 
c'eft  de  perdre  un  peu  de  graine. 
Cette  première  vifite  faite,  il  doit  la 
recommencer  fouvent,  &  ne  pas  fe 
laffer;  ce  petit  travail  confervera  fa 
luzernière  :  cependant  ces  femis  par- 
tiels feront  peu  utiles  fi  la  luzernière 
eft  vieille  ,  parce  que  l'intérieur  du 


344 


L  U  Z 


loi  eft  rempli  de  racines  qui  ont  ab- 
forbé  \ humus  ou  terre  végérale ,  & 
les  racines  des  nouvelles  plantes  ne 
trouveroient  pas  de  quoi  s'y  nourrir  : 
dans  ce  cas,  on  agira  ainfi  qu'il  fera 
dit  ci-après. 

§.   V.  Des  différentes   récoltes 
de  la  lu\erne. 

Si  on  en  croit  l'alTertion  de  M. 
Hall  ,  Anglois ,  &  d'ailleurs  auteur 
d'un  grand  mérite,  les  provinces  mé- 
ridionales de  France  ont  l'avantaiie 
de  faire  jufqu'à  fept  coupes  par  an  ; 
jnalheureufement  pour  elles  il  n'en 
eft  rien,  quelques  avantageufes  que 
foient  les  laifons ,  même  quand  on 
auroit  les  élémens  à  fa  difpofition , 
&  l'eau  nécelfaire  pour  arrofer  le 
champ  à  volonté.  Si  on  coupe  la  plante 
avant  qu'elle  foit  en  pleine  fleur,  on 
n'obtient  qu'une  herbe  aqueufe,  de 
peu  de  confiftance  ,  &  qui  perd  les 
trois  quarts  de  fon  poids  par  la  def- 
ficationj  elle  eft  en  outre  peu  nour- 
rilfante.  En  fuppofant  que  la  pre- 
mière coupe  foit  faite  du  commen- 
cement au  milieu  d'avril ,  ce  qui  eft 
le  plutôt,  eft-il  poflible  de  concevoir 
que  la  luzerne  air  eu  le  temps  de  fleu- 
rir fept  fois  avant  les  premiers  froids? 
Il  eft  rare  qu'on  puifle  faire  plus  de 
cinq  coupes.  L'ordinaire ,  dans  les  pro- 
vinces dont  parle  M.  Hall,  eft  quatre 
coupes  j  fi  la  faifon  a  été  favorable  , 
c'eft  une  belle  &  très-riche  produc- 
tion. Aucun  champ  ne  rend  numé- 
riquement autant  qu'une  bonne  lu- 
zernière ,  c'cft  un  revenu  clair  &  net 
pendant  dix  ans  ,  qui  ne  demande 
aucune  culture ,  aucune  avance,  ex- 
cepté cellede  bien  préparer  le  champ, 
l'achat  de  la  graine,  &  la  paye  des 
coupeurs.  Quatre  cent  coifes  quarrées 


L  U  Z 

de  fuperficie  font  communément  af- 
fermées ,  dans  le  pays  que  j'habite, 
de  cinquante  &  foizante  livres  par 
année.  Heureux  le  propriétaire  qui  a 
beaucoup  de  champs  propres  à  la 
luzerne. 

Beaucoup  d'auteurs  prétendent , 
ainfi  qu'il  a  été  déjà  dit,  que  la  lu- 
zerne vient  pai-tout  ;  fi  cette  alTertion 
ctoit  aufli  vraie  qu'elle  eft  fai.lle,  une 
grande  partie  de  la  Provence  &:  du 
Languedoc  feroit  couverte  de  lu- 
zerne, puifque  les  prairies  naturelles 
y  lont  rares  par  le  manque  prefque 
abfolu  d'irrigation;  mais  l'expérience 
a  prouvé ,  de  la  manière  la  plus  tran- 
chante ,  que  dans  ces  provmces  fur- 
tout,  la  luzerne  demande  un  terrein 
qui  ait  beaucoup  de  fond  ,  qui  ne 
foit  pas  argilleux  ,  &  que  le  grain 
de  terre  ne  loit  ni  trop  tenace  ni 
trop  fablonneux. 

Si  dans  tout  le  courant  de  l'an- 
née on  a  la  commodité  d'arrofer  les 
luzernières  ,  les  plantes  s'élèveront 
fort  haut,  feront  très -aqueufes,  & 
ne  donneront  qu'un  fourrage  de  bien 
médiocre  qualiré  j  il  vaudroit  beau- 
coup mieux  convertir  ce  champ  en 
prairie  naturelle  ,  le  foin  en  feroit 
meilleur. 

Dans  les  champs  trop  fablon- 
neux, ou  qui  n'ont  pas  aflez  de  fonds, 
la  luzerne  fouifre  beaucoup  de  la 
chaleur  &:  de  la  féchereffe  de  l'été, 
mais  s'il  furvient  une  pluie ,  elle 
regagne  en  quelque  forte  le  temps 
perdu  ;  l'humidité  développe  bien 
vite  une  végétation  qui  étoit  con- 
centrée. 

Dans  les  provinces  du  centre  du 
royaume,  on  fait  trois  coupes  dans  les 
années  ordinaires,  &  quatre  dans  les 
années  les  plus  favorables  \  deux  à  trois , 
au  plus ,  dans  les  provinces  du  nord. 

Règle 


L  U  Z 

Règle  générale  ,  on  ne  doit  fau- 
cher que  lorfqiie  la  plante  eft  en 
pîeine  fleur.  Avant  cette  époque  la 
plante  eft  trop  aqueufe,  &  fes  fucs 
mal  élaborés.  Cette  époque  palTée ,  elle 
devient  trop  icche  &  trop  iigneufe. 

11  en  eft  de  lafauchaifon  des  luzer- 
nes, à-peu-près  comme  de  celle  des 
foins.  On  la  donne  à  prix  fait,  ou  on 
fait  le  prix  à  journées.  Ce  dernier 
parti  eft  bien  plus  difpendieuxj  mais 
le  travail  en  vaut  mieux.  Les  ouvriers 
à  prix  tait  n'ont  d'autte  but  que  de 
vite  gagner  leut  argent  ;  alors  ,  pour 
expédier  le  travail ,  ils  coupent  trop 
haut.  Se  laillent  des  chicorsqui  nui- 
fent  ed'entiellement  au  collet  de  la 
racine,  par  où  doivent  fortir  les  nou- 
velles ticres.  Le  collet  de  la  racine  eft 
recouvert  de  mammelons  qui  devien- 
nent fuceflîvement  des  yeux  &  enfuite 
des  bourgeons.  I  es  chicots  fe  delfé- 
chent,  8c  font  périr  les  mammelons 
qui  les  environnent;  c'eft  pourquoi  il 
eft  delà  plus  grande  importance,  lorf- 
qu'on  a  femé  la  graine  ,  de  faire  ré- 
galer exactement  la  fapetficie  de  la  lu- 
zernière  ,  de  n'y  pas  lailTer  parcourir 
le  gros  bétail  après  la  dernière  coupe 
ôc  pendant  l'hiver ,  lorfque  la  terre 
eft  trop  humide  ;  le  fommet  de  la 
racine  ,  ou  la  tête  de  la  plante  cède 
à  la  pefanteutjà  la  preflion  de  leurs 
corps ,  &  leurs  pieds  les  enfonifl~ent 
avec  la  terre  qu'ils  compriment.  On 
fent  bien  que  la  faulx  palTant  fur 
ces  petites  foffes,  ne  peut  aller  cher- 
cher le  collet  des  tiges  ,  &  qu'ainfi 
il  doit  refter  beaucoup  de  chicots,  & 
que  la  luzernière  doit  en  fouffrir.  Si 
ces  foffes  font  très-  mulripliées ,  il 
convient,  à  la  fin  de  l'hiver,  de  faire 
paflTer  plufieurs  fois  confécutives  ,  la 
herfe  à  dent  de  fer  ,  fur  le  champ, 
afin  de  les  combler,  &  encore  de  la- 
Tome  FI. 


L  U  Z  345 

bourer  légèrement  la  fupeificie,  Se  de 
herler  enfuite.  Ce  petit  travail  a  bien 
fon  mérite ,  &  la  beauté  de  la  luzerne 
dédommage  amplement ,  dans  la  pre- 
mière coupe,  des  frais  de  labourage. 

Si  la  faifon  le  permet ,  fi  on  a  à  fa 
difpofition  le  nombre  de  faucheuis 
convenable,  les  charrettes  &  les  ani- 
maux néceftaires  ,  il  faut  ciioilir  un 
bon  venr  du  nord  ,  un  jour  clair  Se 
ferein  ,  enfin ,  un  temps  alfuré  ,  &  fe 
hâter  de  couper  pour  en  profiter.  Il 
vaut  mieux  payer  quelques  fols  de 
plus  par  journées,  ou  par  prix  fait  , 
afin  d'être  fervi  ieftement.  La  luzerne 
coupée  &  mouillée  par  les  pluies , 
perd  ,  en  grande  partie ,  ou  totale- 
ment fa  couleur  verte ,  fur-tout ,  s'il 
y  a  eu  des  alternatives  de  pluies  & 
de  foleil  ;  elle  perd  alors  réellement 
en  qualité  intrinsèque  j  &c  plus  en- 
core en  valeur  aux  yeux  de  l'acheteur. 

En  admettant  qu'elle  ait  été  cou- 
pée dans  les  circonftances  les  plus 
favorables ,  &  qu'elle  paroilfe  bien 
fèche,  on  ne  doit  jamais  la  lever  de 
delfus  le  champ,  pour  la  mettre  fur 
la  charrette  &  l'enfermer ,  qu'après 
que  le  foleil  aura,  pendanr  quelques 
heures ,  diflîpé  la  rofée.  Si  la  chaleur 
eft  trop  vive ,  Se  la  luzerne  trop  fèche , 
on  court  le  rifque  de  lailfer  fur  le 
champ  une  grande  partie  de  fes  feuil- 
les,  &  de  n'emporter  que  des  tiges; 
cependanr  labontédece  fourrage  tient 
beaucoup  à  fes  feuilles.  Ainfi,  autant 
que  les  circonftances  pourront  le  per- 
mettre ,  on  ne  doit  pas  manier  ou 
botteler  la  luzerne  dans  le  milieu  du 
jour,  fur- tout  pendant  les  grandes 
chaleurs  de  l'été.  Cette  exception  efl: 
plus  ou  moins  effentielle,  &:  relative 
au  climat  que  l'on  habite. 

Un  autre  point  ,  non  moins  ef- 
fentiel  ,   &   qui    entraîne  après  lui 


34<J  L  U  Z 

les  effets  les  plus  fâcheux ,  c'eft  de 
ne  jamais  fermer  dans  le  fénil  la  luzer- 
ne qui  n'eft  pas  bien  fèche.  Elle  fo- 
menre ,  s'échauffe ,  prend  feu ,  &  bien- 
tô:  l'incendie  devient  général. 

La  luzerne  qui  a  fermenté ,  qui  efl 
échauffée, devient  une  très-mauvaife 
nourriture.  Elle  perd  fa  couleur  verte 
ou  paille  ,  fuivant  les  circonftances 
qui  ont  fuivi  fa  déification  j  elle  prend 
alors  une  couleur  plus  ou  moins 
brune  ,  proportionnée  au  degré  d'al- 
tération qu'elle  a  éprouvé.  Lorfque 
l'altération  efl  parvenue  à  un  certain 
point ,  il  eft  prudent  ,  fi  on  ne  veut 
pas  perdre  fon  bétail ,  de  ne  l'em- 
ployer que  pour  la  litiète. 

Je  n'entre  ici  dans  aucun  détail  fur 
les  moyens  d'accélérer  fa  deflîcation 
fur  le  champ  ,  de  conferver  fa  cou- 
leur. Lifez  l'article  Foin  où  ces 
moyens  font  décrits. 

II  faut  obferver  que  la  première 
coupe  eft  la  moins  bonne  de  toutes , 
parce  que  la  luzerne  eft  mêlée  avec 
beaucoup  d'autres  plantes  qui  ont 
végété  avec  elle.  La  féconde  coupe 
eft  la  meilleure;  la  ttoifième  eft  or- 
dinairement encore  très-bonne  \  les 
fucs  de  la  plante,  dans  la  quatrième, 
font  appauvris  ,  &  la  luzerne  elle- 
même  fe  relfent  de  (es  végétations 
précédentes. 

§.  VI.    Des    moyens  Je  rajeunir 
une  lutiernière. 

Le  temps  &  les  infectes  font  les 
deftruCteurs  de  la  luzerne.  Avec  de 
petites  attentions  ,  on  prévient ,  ou 
on  arrête  les  dégâts  caufés  par  les 
animaux  ;  mais  tout  cède  &  doit 
céder  à  la  loi  impérieufe  du  temps. 
Il  ne  refte  donc  aucune  reflburce 
contre  la  dégradation  caufce  par  fa 


L  U  Z 

vétufté  ;  mais  on  peut  retarder  cette 
époque  par  àitïérens  engrais. 

Le  premier  ,  qui  leroic  le  plus 
prompt ,  le  plus  commode  .  &  nul- 
lement difpendieux,  feroit  de  faire 
parquer  les  moutons  fur  la  luzernière 
aulfuôt  après  que  la  dernière  coupe 
eft  levée  ,  &  même  pendant  une 
partie  de  l'hiver. 

Cette  affertion  paroîtra  ridicule  à 
un  très-grand  nombre  de  leéteurs  , 
puifqu'aux  époques  indiquées  ,  ils 
ont  grand  foin  de  renfermer  les  trou- 
peaux dans  des  bergeries  rigoureu- 
fement  fermées  &  calfeutrées;  afin 
d'intetdire  toute  communication  en- 
tre l'air  extérieur,  &  l'air  étouffé, 
&L  prefque  méphitique  du  dedans. 
Confultezles  mots  BtRCERiE,  Laine. 
11  fe  prépare  une  heureufe  révolution 
en  France  ,  &  nous  la  devons  au 
zèle  &  aux  lumières  de  M.  d'Auben- 
ton  ,  qui  a  démontré ,  par  une  ex- 
périence de  quatorze  années ,  dans 
l'endroit  le  plus  froid  de  la  Bour- 
gogne ,  que  les  troupeaux  y  peuvenc 
palTer  toute  l'année  en  plein  air  , 
même  pendanr  les  pluies,  la  neige 
&  les  froids.  Les  bergers  ,  inftruiis 
à  fon  école  ,  &:  qui  retourneront  dans 
leurs  provinces  ,  prouveront  le  faic 
par  leur  exemple  ,  &  cet  exemple 
prouvera  plus  démonftrativement  que 
le  livre  le  mieux  écrit  &  le  mieux 
raifonné.  Aux  expériences  de  M. 
d'Aubenron ,  on  peut  ajouter  celles 
de  M.  Quatremere-Disjonval ,  fur  des 
troupeaux  nombreux,  tirés  de  la  So- 
logne, accoutumés  à  être  renfermés, 
&  qui  tout-à-coup  ont  paffé,  en  plein 
air,  les  hivers  de  1784  &  1785.  Il 
ne  peut  donc  plus  exifter  aucun  doute 
fur  la  pofTibilicé  du  paccage  habituel. 
Peu- à- peu  la  vérité  percera  ,  &C 
l'intérêt  particulier  des  propriétaires 


L  U  Z 

les  forcera  à  la  reconnoîcre.  D'après 
les  faits  cités ,  &  depuis  un  temps 
immémorial,  confirmés  par  l'exemple 
des  troupeaux  auglois  &  efpagiiols , 
qui  n'entrent  jamais  dans  la  berge- 
rie que  pour  y  être  tondus ,  je  per- 
fjûe  à  dire  que  le  paccage  eft  le 
moyen  le  plus  fur  &  le  plus  écono- 
mique ,  quand  on  veut  ranimer  les 
forces  d'une  luzerne,  &  j'ajoute  qu'on 
doit  faire  parquer  à  l'entrée  de  l'hi- 
ver ,  afin  que  les  pluies  ou  les  neiges 
de  cette  lailon ,  aient  le  temps  de 
délayer  les  crotinî  du  mouton  ,  & 
de  pénétrer,  chargés  de  leurs  princi- 
pes ,  jufqu'à  une  certaine  profondeur 
du  fol. 

On  objedera  que  pendant  l'hiver, 
les  troupeaux  font  fréquemment  con- 
duits fur  la  luzernière  ,  &  qu'ils  l'en- 
grailfent.  Cela  eft  vrai  jufqu'à  un 
certain  point.  Mais,  quelle  diffé- 
rence n'y  a-t-il  pas  entre  la  fomme 
des  urines  &  des  crotins  d'un  trou- 
peau qui  a  parqué  pendant  plufieurs 
nuits  de  fuite  à  la  même  place,  & 
celle  d'un  ttoupeau  qui  y  paffe  rapi- 
dement ,  afin  de  chercher  fa  nour- 
riture ?  Perfonne  de  bon  fens  ne 
peut  mettre  en  problème  ,  laquelle 
des  deux  manières  eft  la  plus  avan- 
tageufe. 

M.  Meyer  propofa  ,  en  lytîS  ,  le 
gyps  ,  ou  plâtre  ,  pour  rajeunir  les 
luzernes ,  &  fit  part  à  la  Société  éco- 
nomique de  Berne  ,  de  diverfes  ex- 
périences qu'il  avoir  faites  dans  les 
années  précédentes.  M.  Kirchberguer 
les  a  répétées  avec  foin  j  &  en  voici 
le  réfultat  fommaire. 

1°.  Il  eft  démontré  par  ces  expé- 
riences j  qu'une  mefure  de  gyps  cal- 
ciné ,  égale  à  celle  de  l'avoine ,  fuftit 
pour  la  fuperficie  de  terre  que  la  me- 
fure d'avoine  doit  enfemencer. 


L  U  Z 


347 


i".  Que  le  gyps  réuflit  mieux  fur 
hs  bonnes  terres  en  luzernière,  que 
fur  celles  dont  le  fol  eft  maigre  Se 
fabloneux. 

î".  Qu'il  produit  un  plus  grand 
effet  à  la  première  qu'à  la  féconde 
année. 

4°.  Qu'il  eft  moins  aftif  dans  ut» 
terrein  humide,  &  qu'il  l'eft  davan- 
tage fur  un  fol  fec. 

5°.  Si  on  répand  le  plâtre  auflitôt 
après  l'hiver  ,  la  première  coupe  fe 
reffent  de  cet  engrais.  Si  on  attend 
après  cette  coupe  pour  le  femer  ,  1» 
féconde  en  profite. 

Je  conviens  ,  d'après  ma  propre 
expérience  ,  que  le  plâtre  eft  très- 
avantageux  fur  les  luzernières  qui  com- 
mencent à  dépérir;  qu'il  favorife  fin- 
gulièrement  la  végétation  du  grand 
treffie  (f^oyei  ce  mot  )  -,  qu'il  eft  très- 
•  utile  fur  les  prairies  chargées  de 
mouffe  ;  mais  peut-on  employer  le 
plâtredans  tous  les  climats  ,  &  feroit- 
il  auffi  avantageux  ?  La  folution  de 
ce  problême  tient  à  deux  objets.  An 
prix  du  plâtre,  Se  à  la  manière  d'être 
de  l'atmofphcre  dans  le  pays  que  l'on 
habite. 

L'engrais  du  plâtre  eft  moralement 
impoffible  à  être  employé  dans  plus 
de  la  moitié  du  royaume,  à  caufe  de 
fon  trop  haut  prix  ;  mais  par-tout  où 
il  eft  commun  &  à  bon  compte  ,  on 
fera  très-bien  de  s'en  fervir.  Cepen- 
dant j'eftime  que  la  chaux  éteinte  à 
l'air  ,  &  réduite  ainfi  en  pouiïière , 
inériteroit  la  préférence  ,  &  feroir 
bien  fupérieure  au  plâtre.  L'une  & 
l'autre  de  ces  fubftances  n'agiffent 
que  par  leurs  fels ,  &  l'alkali  de  I* 
chaux  eft  en  plus  grande  quantité  , 
de  plus  développé  que  celui  du  plâtre; 
dès-lors  la  conibinaifon  fwonneufe, 
X  x  i 


3  4^ 


1  u  z 


qui  réunit  &  nffimile  les  parties  conf- 
tituantes  des  plantes  ,  eft  plutôt  & 
mieux  faite.  Lifez  le  dernier  chapitre 
du  mot  Culture  ,  les  articles  Amen- 
dement &  Chaux.  Veut  on  encore 
que  la  grande  atténuation  de  ces 
deux  lubftancesferve mécaniquement 
d'engrais  ,  en  procurant  une  plus 
grande  divifion  entre  les  molécules 
»'u  fol?  Soit!  Mais  la  chaux  éteinte 
à  l'air ,  eft  bien  plus  divifce  ,  ik  ré- 
duite en  pouflicre  plus  hne  que  ne 
fera  jainais  le  plâtre  le  mieux  battu 
ou'  le  mieux  pulvérifé  par  le  mou- 
lin. Ainli  ,  la  chaux  mérite  la  pré- 
férence ,  fur- tout  lorfqu'elle  cil  à 
bas-prix,  (Se  on  fe  fervira  du  plâtre, 
s'il  eft  beaucoup  moins  cher  que  la 
chaux. 

Dans  les  provinces  maritimes  ilu 
royaume,  l'engrais  du  plâtre  ou  de 
la  chaux  y  fera  de  peu  d'utilité  ,  & 
même  nuilible  ,  à  mekire  qu'on  s'ap- 
proche de  la  mer  ,  parce  que  la  terre 
ne  manque  pas  de  lt\  ,  mais  bien 
plutôt  de  fublb.nccs  E^raitleufes  & 
huileufes  ;  &  lorfque  le  fel  fura- 
bonde ,  la  plante  fouffre ,  à  moins  que 
de  fréquentes  pluies  ne  l'euttaînent. 
Ces  pluies  font  exceflivement  rares 
au  printemps  &  en  été  dans  les  pro- 
vinces du  midi.  D'après  ce  fimple  ex- 
pofé ,  il  eft  clair  que  fi  on  veut  y  faire 
ufirge  du  plâtre  ou  de  la  chaux,  on 
doit  les  répandre  avant  l'hiver,  &:  à 
dîlfcrentes  époques  de  l'hiver,  à  ms- 
iure  qu'on  s'éloigne  de  la  mer.  Enfin , 
l'avantage  de  ces  deux  engrais  aug- 
mente à  mefure  qu'oii  s'approche 
du  nord.  Dans  tous  les  climats  du 
royaume  ,  je  préfère  le  paccage  du 
rvonpeai':  fur  la  hizemière  pendant 
l'hiver.  Quand  oiivrira-t-on  les  yeux 
fur  un  fait  aulli  important,  aulîi  pea 
CQÛceux  ,  &  il  utile  pour  la  pertec- 


L  U  Z 

rion  des  laines  &  la  faute  d^s  trou- 
peaux ? 

Quelques  auteurs  ont  ptopofé  de 
tran(planter  les  luzernes,  au  lieu  de 
les  femer ,  &  M.  de  Châteauvieux  , 
fort  pattifan de  cette  méthode, con- 
feille  d'en  couper  le  pivot  ,  afin  de 
forcer  la  plante  à  poufier  des  racines 
latérales.  Je  fuis  très-mortifié  de  ne 
pas  erre  de  l'avis  de  cet  agriculteur, 
&  de  plufieurs  auteurs  qui  ont  ré- 
pété la  même  chofe  d'après  lui.  Je 
ne  crains  pas  de  le  dire  ,  c'eft  ouver- 
tement contrarier  la  loi  naturelle  de 
la  plante,  dont  la  force  de  la  vé- 
gétation tient  à  fon  pivot  j  la  lu- 
zerne ne  réullit  jamais  mieux  qus 
lorfqu'elle  peut  enfoncer  profondé- 
ment ce  pivot  ;  &  cette  plante  ne 
tire  il  fubdftance  que  par  lui,  fans 
lui  elle  deirécheroit  fur  pied  dans 
les  provinces  méridionales.  Je  ne 
crois  pas  que  dans  I&s  provinces  da 
nord,  la  plante  qui  a  fubi  cette  opé- 
ration ,  doive  fabiifter  en  bon  état 
pendaut  plalieurs  années.  Les  travaux 
de  l'agronome  ont  pour  but  d'aider 
les  eftorts  de  la  nature  ,  &  de  ne  la 
jam^iis  contrarier.  Si  ce  pivot ,  énor- 
me par  fa  longueur  dans  le  fol  qivi 
lui  convient,  étoit  fuperflu  à  la  plan- 
te 5  la  nature  ii'auroit  pas  été  ii:uti- 
lement  prodigue  en  fa  faveur.  Je  l'ai 
déjà  dit  ,  &:  je  le  répéterai  fouvenr , 
l'infpeélion  feule  des  racines  d'une 
plante  ,  décide  l'homme  inftruit  fur 
la  culture  qu'elle  exige.  Cette  théo- 
rie ne  porte  pas  fur  des  données  , 
fur  des  problèmes ,  mais  fur  une  loi 
immuable.  Ayons  des  yeux,  &:  fçar- 
chcHis  voir  ! 

Le  même  auteur  atouce  aue  le  re- 
plantement  des  luzernes  n'eft  pas  plus 
difpendieux  que  la  deftruAion  des 
pieds  furnuméra.ires  qui  ont  été  femés. 


I  u  z 

à  la  volce.  lime  paroît  difficile  dV  tablir 
la  parité  dans  les  dcpenfes  j  d'ailleurs 
la  dcpenfe  de  i'exrracflicn  des  pieds 
funuiméraires  eft  iinitile  ,  parce  que 
petit-à-petic  le  pied  le  plus  fort  affame 
Ôc  fait  périr  le  plus  foible ,  &  à  la 
longue  il  ne  refte  que  les  pieds  qui 
pcuvenc  fe  défendre  les  uns  des  au- 
tres. Je  n'ai  jamais  vu  de  luzernière, 
avoir  à  fa  quatrième  année,  un  nom- 
bre de  pieds  inutiles.  Ces  raffinemens 
d'agriculture  font  très-jolis  dans  le 
cabinet  ,  &  rien  de  plus. 

fvl.  Duliamel  propofe ,  pour  re- 
garnir les  places  vides,  de  taire  ^es 
boutures  avec  les  plantes  voifines.  Je 
n'ai  pas  fait  cette  expérience  ,  mais 
je  crois  ce  procédé  avantageux  ,  fur- 
tout  pour  repeupler  ce  qu'on  appelle 
les  ronfures.  Je  ne  doute  point  de 
l'aurcnticitédufait  ,  puifqu'un  auteur 
aullî  eftimable  l'avance  ;  il  en  coi^ue 
fi  peu  de  l'elFayer  au  rèmps  de  la 
première  coupe  ,  en  ouvrant  lUie 
folle  de  huit  à  dix  pouces  de  profon- 
deur fur  l'endroit  qu'on  veut  regar- 
nir. On  couche  alors  la  tige  ,  on  la 
recouvre  de  terre ,  à  l'exception  de 
l'extrémité  qui  doit  déborder  la  foiïe. 
11  me  paroît  elTentiel  d'en  couper  les 
rieurs  ,  ahn  de  forcer  les  fuis  à  fe 
concentrer  dans  les  tiges  enterrées  , 
S<.  les  obliger  à  donner  des  racines  : 
c'eît  du  moins  le  parti  quejeprenarois. 

M.  Duhamel  dit  encore  avoir 
fait  tirer  de  tetre  de  vieux  pieds  de 
luzerne  ,  ménager  avec  grand  foin 
les  racines  latérales  ,  couper  le  pivot 
à  huit  pouces ,  les  avoir  fait  planter 
dans  une  rerre  neuve  ,  &  avant  l'hi- 
Ysr  •,  &  qu'enfin  tous  avoient  repris 
au  printemps  fuivanr.  11  auroit  neut- 
être  du  nous  ap-prendre  combien  d'aiv 
nées  cette  luzernière  avoir  refté  en 
feon  état. 


L  U  Z 


349 


^,  Yll.  Des  qualités  alimentaires  de 
la  lu'^erne. 

La  luzerne  perd  de  fa  qualité  à 
mefure  qu'elle  s'éloigne  de  fon  pays 
natal  ;  c'eft  à-dire  qu'elle  n'eft  plus 
aulli  nourrilHinte,  parce  que  les  fucs 
qui  la  forment  font  trop  aqueux ,  &  ne 
font  pas  allez  élaborés.  Malgré  cela, 
aucun  fourrage  ne  peut  lui  être  com- 
paré pour  la  qualité,  aucim  n'entre- 
tient les  animaux  dans  une  aufli bonne 
graille,  &  n'augmente  autant  l'aboi:» 
dance  du  lait  dans  les  vaches ,  S<.ci 

Ces  éloges  mérités  à  tous  égards , 
exigent  cependant  des  reftnélions. 
La  luzerne  échauffe  beaucoup  les 
animaux  ,8c  fi  on  ne  modère  la  quan- 
tité qu'on  leur  en  doime  ,  pendant 
les  chaleurs,  &  fur-tout  dans  les  pro- 
vinces méridionales  ,  les  bœufs  ne 
tardent  pas  à  piller  le  fang  ,  par  une 
fuite  d'irritation  générale.  Si  on  s'en 
rapporre  aux  valets  d'écurie  ,  ils 
faoulcnt  de  ce  fourrage  les  bêtes 
confiées  à  leurs  foins,  ils  s'enorgueil- 
Hlfent  de  les  voir  bien  portantes , 
ne  pouvant  fe  perfuader  que  la  ma- 
ladie dangercufe  qui  farv;ent  ,  foit 
l'eflet  d'une  fi  bonne  nourriture.  Dès 
qu'on  s'apperçoit  que  les  crotins  de 
cheval  ,  de  mulet  _,  (Sv,c.  ;  que  les 
fientes  de  bœufs  &  de  vaches  ,  de- 
viennent ferres  ,  compaffes  ,  fur- 
tout  ces  dernières,  on  doit  être  biea 
convaincu  que  l'animal  eft  échauffe 
par  la  furabondance  du  fourrage.  C'sft: 
le  cas  d'en  retrancher  anffitôt  irne 
partie  proportionnée  au  beloin ,  de 
mettre  l'animal  à  l'eau  blanche  ,  lé- 
gèrement nitrée;  de  doimer  des  lave- 
mens  avec  l'eau  &  le  vinaigre  ■■,  enfin  ,. 
de  mener  les  bœufs  6c  les  vaches 
paître  l'herbe  verte.  Si  on  n'a  pas  cette- 


^5o  L  U  Z 

rellource,  comme  cela  arrive  fouvent 
pendant  l"é:é  ,  dans  les  provinces  du 
midi  ,  il  faut  cueillir  les  rameaux 
inutiles  des  vignes ,  &  leur  en  laifler 
manger  à  difcrétion  pendant  quelques 
jours  ,  &  jufqu'à  ce  que  les  excré- 
mens  aient  repris  leur  fouplefTe  or- 
dinaire. 

Je  ne  connois  qu'un  feul  moyen 
de  prévenir  la  déperdition  fuperflue 
de  luzerne  ,  faite  par  les  valets ,  & 
jiuiûble  aux  animaux  j  c'eft  de  mé- 
langer ,  par  parties  égales  ,  ce  four- 
rage avec  la  paille  de  froment  ou 
d'avoine  ,  non  pas  par  lit  ou  par  cou- 
che, mais  parconfufion.  La  paille  con- 
trade  l'odeur  de  la  luzerne,  l'animal 
la  mange  avec  plus  de  plaifir ,  &  n'eft 
plus  incommodé.  Cet  expédient  fup- 
pofe  que  le  fénil  eft  fermé  à  clef, 
&  que  l'on  a  un  homme  de  confiance, 
qui  diftribue  chaque  jour  le  fourrage 
dans  une  proportion  convenable.  Si 
l'animal  voit  qu'il  a  du  fourrage  au- 
delà  de  fes  befoins,  il  lailfe  la  paille 
décote,  &:  ne  mange  que  la  luzerne. 
S'il  n'a  que  ce  qu'il  lui  faut,  il  ne 
lailTe  rien  perdre. 

La  luzerne  ,  donnée  en  verd  aux 
chevaux  ,  mulets  ,  &  aux  bêtes  à 
cornes,  les  relâche,  &  les  fait  fientet 
clair  :  on  appelle  cela  les  purger,  i  ^'. 
On  ne  doit  doniier  cette  herbe  fraî- 
che que  vingr  quatre  heures  après 
qu'elle  a  été  coupée,  afin  qu'elle  ait 
eu  le  temps  de  perdre  une  partie  de 
fon  air  de  végétation.  z°.  On  doit 
très-peu  en  donner  à  la  fois ,  dans  la 
crainte  d'occalîonner  la  maladie  dan- 
gereufe  dont  on  va  parler.  Tout  bien 
confidéré ,  cette  manière  de  donner  le 
vert  ,  ne  vaut  rien.  U  faut  préférer 
de  le  faire  prendre  avec  l'orge  qu'on 
feme  exprès  ^  après  l'orge  vient  l'a- 
voine 5  mais  dès  que  ces  plantes  ont 


L  U  Z 

padé  fleur  ,  que  le  grain  commence 
à  fe  f^ormer  ,  elles  deviennent  très- 
dangereufes. 

Si ,  par  négligence,  ignorance  ,  oit 
autrement ,  on  lailfe  aller  un  cheval , 
une  mule ,  un  bœuf,  &c.  dans  une 
luzerne  fur  pied ,  il  fe  prelTe  d'en  man- 
ger. La  chaleur  de  1  eftomac  fépare 
promptement  l'air  de  la  plante ,  chez 
les  bêtes  à  corne  fur  tout  y  cet  air 
enfle  leur  eftomac  comme  un  ballon  ; 
ce  volume  monftrueux  comprime  les 
gros  vallfeaux  ,  arrête  la  circulation 
du  fang ,  &  l'animal  meurt  au  bout  de 
quelques  heures ,  s'il  n'eft  pas  fecouru 
promptement.  La  luzerne  ne  produit 
pas  cet  effet ,  à  l'exception  de  toute 
autre  plante.  La  même  chofe  arrive, 
un  peu  moins  vîre  il  eft  vrai ,  lorf- 
que  l'animal  fe  gorge  de  bled ,  d'i- 
voine,  &c.  encore  fur  pied,  &  lorf- 
que  la  plante  n'eft  encore  compofée 
que  de  feuilles.  Tout  pâturage  trop 
fucculent  eft  dangereux. 

Les  procédés  ordinaires,  pour  pré- 
venir ces  funeftes  effets ,  font  de  faire 
de  longues  incifions  dans  le  cuir  &  fur 
le  dos  de  l'animal.  Elles  font  inutiles , 
quoiqu'elles  dégagent  un  peu  d'air  Se 
fadent  fortir  un  peu  de  fang,  lî  elles 
ont  été  un  peu  ptofondes  j  enfuite 
on  force  cet  animal  à  courrir;  ce  qui 
vaut  mieux ,  parce  que  la  courfe  & 
le  mouvement  rétablilfent  la  circu- 
lation. Ce  moyen  ne  fuffit  pas  tou- 
jours ,  il  vaur  beaucoup  mieux  com- 
mencer à  fe  frotter  le  bras  avec  de 
l'huile,  on  l'enfonce  enfuite  dans  le 
fondement  de  l'animal,  afin  d'en  re- 
tirer les  gros  excrémens ,  &  donne: 
une  ilTue  facile  à  ceux  qui  font  dans 
la  partie  fupérieure  des  inteftins , 
ainfi  qu'à  l'air  qui  diftend  ces  parties; 
dans  le  bœuf  les  eftomacs  en  font 
quelquefois  pleins,  mais  le  livre  eft 


L  Y  C 

celui  qui  fe  durcit  le  plus  j  faites  fur- 
tout  courir  l'animal.  L'expédient  qui 
ne  m'a  jamais  manqué  dans  un  pareil 
accident  ,  c'eft  de  lui  faire  avaler  , 
aufli  promptement  qu'on  le  peut  , 
une  once  de  nitre  dans  un  verre  d'eau- 
de-vie  j  de  vider  l'animal  comme  il 
a  été  dit  ,  &  de   le  faire  courir. 

LYCHNIS  ,  ou  CROIX  DE 
MALTHE  ,  ou  DE  JERUSALEM, 
ou  FLEUR  DE  CONSTANTINO- 
PLE.  Toutnefort  la  place  dans  la 
première  fedion  de  la  huitième 
clalTe  des  fleurs  en  œillet  ,  dont  le 
piftil  devient  le  fiuit,  &  il  l'appelle 
lychnis  hïrfuta  ,  flore  coccïneo  major. 
Von  Linné  la  clafle  dans  la  décan- 
drie  pentagynie  ,  la  nomme  lychnis 
calcedonica. 

Fleur,  En  œillet,  de  couleur  écar- 
late  vive,  à  cinq  pétales  j  l'onglet 
de  la  longueur  du  calice  ,  qui  eft 
renflé  &  divifé  en  cinq  parties.  Les 
bords  du  calice  foutiennent  les  péta- 
les qui  fe  couciienr  horizontalement  j 
dix  étamines  &  cinq  piftils  occupent 
le  centre  de  la  fleur. 

Fruit.  Capfule  prefque  ovale  ,  à 
une  feule  loge  ,  à  cinq  valvules  , 
contenant  des  femences  en  grand 
nombre,  roulTes,  &  prefque  rondes. 

Feuilles.  Oblongues  ,  vertes,  ve- 
lues ,  embraffent  la  tige  pat  leur 
bafe. 

Racine.    Fibreufe. 

Port.  Suivant  la  culture  &  le  cli- 
mat ,  les  tiges  s'élèvent  à  deux  ou 
trois  pieds,  &  font  cylindriques  ;  les 
fleurs  naiffent  au  fommet  ,  difpofées 
en   grouppes. 

Lieu.  Originaire  de  la  Tartarie  ; 
la  plante  efl;  vivace,  &  elle  eft  cul- 
tivée dans  les  jardins. 


L  Y  C  351 

Culture.  On  en  connoît  plufieurs 
variétés;  la  plus  recherchée  eft  celle 
à  fleur  écarlate  &  double  \  celle  à 
fleur  blanche,  foit  double,  foit  fim- 
pie  ,  eft  moins  parante.  11  y  en  a  en- 
core à  fleur  blanche  ,  fouettée  d'in- 
carnat. Cette  plante  fe  multiplie  par 
fes  femences  &  par  fes  drageons.  Ou 
la  feme  au  premier  printemps ,  dans 
une  terre  douce  ,  légère  ,  fubftan- 
cielle,ou  rendue  telle  par  le  terreau, 
&'  on  la  replante  à  demeure,  dans  une 
terre  femblable,  dès  que  la  plante  eft 
alfez  forte.  Un  peu  avant  l'hiver  on 
fait  très-bien  d'enlever  la  rerre  qui 
environne  fon  pied ,  &  lui  en  fubfti- 
tuer  de  nouvelle  :  c'eft  le  moyen 
d'avoir  de  plus  belles  fleurs.  Quoi- 
que le  lychnis  craigne  l'humidité  ha- 
bituelle du  fol,  il  demande,  pendant 
l'été ,  de  petits  &  fréquens  arrofe- 
mens. 

Pour  le  multiplier  par  drageons  , 
on  détache  des  tiges  qui  partent  du 
collet  de  la  racine  ,  les  petits  re- 
jetions enracinés  ou  non  ,  &  on  en 
fait  des  boutures  dans  des  vafes  ou 
des  caifles  ,  qui  demandent  d'être  à 
l'ombre  ,  ou  du  moins  de  ne  recevoir 
que  le  foleil  du  matin.  L'époque  de 
cette  opération  eft  au  commence- 
ment de  l'automne  &  du  premier 
printemps.  Lorfqu'on  eft  affuré  que 
les  boutures  ont  pris  racine  ,  on  les 
lève  de  la  pépinière,  pour  les  trans- 
porter à  demeure  dans  le  parterre  ou 
dans  les  plates-bandes  du  jardin,  ayant 
foin  de  les  couvrir  avec  des  feuilles, 
ou  avec  des  vafes  renverfés ,  pendant 
la  plus  forte  chaleur  du  jour  ,  afin  de 
faciliter  leur  reprife;  &:  on  enlève  ces 
vafes  pendant  la  nuit.  Cette  fleur, 
dont  la  couleur  eft  C\  tranchante  , 
fubdfte  pendant  long-temps ,  &:  pro- 
duit un  très-bel  eftet  dans  les  jardins. 


3îî  L  Y  C 

LyCHNIS     ,      COQUELOURDE       DES 

Jardiniers.  Quoique  Von  Linné 
la  regarde  comme  une  efpèce  à  parc 
de  celle  des  lychnis ,  elle  en  eft  cepen- 
dant fi  rapprochée,  que  je  crois  pou- 
voir ici  les  réunir  j  fans  commettre 
une  bien  grande  erreur  botanique. 
Tourneforc  la  nomme  lychnis  coro- 
naria  dlofcoridts  jfaùva.  Von  Linné 
l'appelé  agrejiema  ceronaria  ,  &  tous 
deux  la  placent  dans  la  clalîe  indi- 
quée  ci-deirus. 

Fleur.  En  œillet ,  d'une  belle  cou- 
'leur  pourpre ,  à  cinq  pétales  nuds  , 
couronnés  à  leur  bafe  de  cinq  nec- 
taires j  le  calice  eft  â  dix  angles  , 
dont  cinq  alcernativemeni  plus  petits. 

Fruit.  Capfule  prefque  anguleufe, 
fermée  ,  à  une  feule  loge ,  à  cinq 
valvules  ,  renfermant  àss  femences 
noires  ,  rudes,  &  en  forme  de  rein. 

Feuilles.  Adhérentes  aux  tiges , 
©vales  ,  fimples  ,  entières  ,  coton- 
neufes  ,  blanchâtres. 

Racine.    Menue  fimple. 

Port.  Tige  de  douze  à  dix -huit 
pouces  de  hauteur,  herbacée  ,  coton- 
neufe  ,  articulée  ,  cylindrique,  ra- 
meufe;  les  fleurs  font  feules  à  feules 
au  fommet,  portées  fur  des  pédun- 
cules  qui  partent  des  ailfelles  des 
feuilles. 

Lieu,  Originaire  d'Italie;  cultivée 
flans  les  jardins;  la  plante  eft  vivace. 

'■  Culture.  Comme  celle  de  la  précé- 
dente, &  elle  eft  moins  délicate  fur 
le  choix  du  terrein. 

LYMPHE.  Médecine  Rurale. 
De  touce.s  les  humeurs  qui  dérivent 
de  la  malTe  du  fang ,  il  n'en  eft  au- 
cune qui  mérite  plus  d'éloges  que 
telle -ci.  Renfermée  dans  des  vaif- 


L  Y  M 

féaux  très-petits,  très-minces  ic  tranf- 
parens,  connus  fous  le  nom  de  v  •{/- 
jeaux  lymphatiques  ,  elle  joue  un 
des  principaux  rôles  dans  l'économie 
animale. 

C'eft  à  Thomas  Bartholin  &  Rud- 
hec  _,  qu'on  doit  la  découverte  des 
vailfeaux  lymphatiques.  Ce  fut  eu 
kj)!  qu'ils  les  obfervèrent.  Cepen- 
dant quelques  Anglois  ,  &  notam- 
ment Glijfon,  en  attribuent  l'inven- 
tion à  Jolivius.  Avant  eux  ,  perfonne 
n'en  avoir  fait  mention.  Et  en  effet, 
il  paroît  bien  que  les  anciens  n'ont 
pas  connu  la  nature  &  les  propriétés 
de  la  lymphe;  les  modernes,  au  con- 
traire, en  ont  bien  fenti  l'exiftence  , 
&  reconnu  l'utilité.  Aufli  l'ont- i  s  re- 
gardée ,  avec  jufte  raifon,  comme  le 
fuc  naturel  de  la  nutrition. 

En  effet  ,  la  lymphe  féparée  du 
fang,  eft  un  fuc  très-délié,  limpide, 
aquéogélatineux  ,  dont  la  circulation 
eft  toujours  dirigée  de  la  furface  du 
corps,  vers  les  gros  vaiffeaux  &  vers 
fon  propre  réfervoir.  Soumife  à  l'a- 
nalyîe  chymique,  elle  fournit  une 
quantité  d'eau  aïfez  abondante,  une 
matière  gélatineufe,  affez  graffe,  & 
une  quantité  de  fel  beaucoup  moiu'- 
dre  ,  relativement  à  fes  autres  prin- 
cipes. Elle  doit  fa  fineffe  &  fa  fluidité 
aux  particules  aqueufes  qu'elle  con- 
tient ,  de  qu'elle  communique  ju 
fang  :  fcs  parties  gélatineufes  fervent 
à  la  nutriiion,  &  fes  parties  faillies 
favorlfent   leur  mélange. 

La  lymphe  peut  auili  exciter  uns 
infinité  de  maladies  :  fon  épaifilfe- 
ment  ,  fi  lenteur  à  couler  dans  le 
calibre  des  vaideaux  ;  fon  épanche- 
ment  dans  certaines  cavités  ,  font 
autant  de  caufes  très-puiifantes  ,  qui 
déterminent  quelquefois  des  affec- 
tions trèsférieufes ,  &   très-fouvenc 

incurables. 


M  A  C 

incurables,  telles  que  l'hydropifie, 
des  rumeurs  froides  ,  des  enkiloies, 
ôcc. 

D'après  toutes  ces  confidcrations  , 
on  ne  doit  jamais  perdre  de  vue  les 
différentes  altérations  que  la  lymphe 
peut  fubir  ,  &  les  indications  cura- 
tives  que  l'on  doit  le  prapofer  pour 
combattre  ,  avec  quelques  fuccès ,  les 
différens  défordres  qui  peuvent  en 
réfuliet.  Si  la  lymphe  eft  trop  àcrej 
ce  qu'on  pourra  connoître  à  une  dé- 
mangeaifon,  &  à  un  fentiment  de 
prurit  à  la  peau,  au  défaut  de  fom- 
meil ,  à  une  diminution  fenfible  de 
certaines  fccrctions,  à  la  rareté  des 
urines  ,  ou  à  leur  couleur  enflam- 
mée,  on  remédiera  trcs-prompte- 
ment  à  ce  vice  d'àcreté,  au  moyen 
d'une  eau  de  veau  très -légère  ,  ou 
d'une  intufion  légère  de  fleurs  de  gui- 
mauve, ou  par  une  boilTon  très-abon- 
dance d'une  dilîolution  de  gomme 
■arabique  ,  combinée  avec  le  nitre  pu- 
lifié  ,  donnée  à  la  dofe  de  quinze  à 


MAC 


355 


vingt  grains ,  dans  un  pot  d'eau  de 
pourpier. 

Si  ,  au  contraire  elle  pèche  par 
épaiHillement  &  par  une  conliftance 
porrée  à  un  certain  degré,  alors  des 
appéritifs  légers,  tels  que  les  racines 
de  ftailler  ,  de  chiendent ,  de  petit 
houx,  produiront  les  effets  les  plus 
falutaires. 

La  lymphe  peut  s'épaiffir  dans  cer- 
taines cavités  ,  jufqu'à  lui  point  de 
concrétion;  il  faut  alors  appliquer  les 
fondans  les  plus  énergiques,  tels  que 
le  fel  ammoniac  ,  dilTour  dans  l'u- 
rine, les  emplâtres  de  cigiie,  de  dia- 
botanum  Se  de  viso  cum  mercurio. 
Cette  application  extérieure  feroit 
peu  énergique  fi  l'on  ne  prenoit 
intérieurement  d'autres  fondans,  qui 
doivent  concourir  à  redonner  la  flui- 
dité &  la  foupleffe  aux  parties  qui 
en  ont  befoin.  Nous  indiquerons  au 
mot  Tumeur  tous  ceux  quidoivenc 
être  employés  en  pareille  ciirconf- 
tance.  M.  Ami.  -  -- 


MAC 


M 


.ACERON,  ou  PERSIL  DE 
MACÉDOINE.  (  P^oyei  Planche 
Vlll ,page  193  )  Toutnefort  le  place 
dans  la  troifième  fecT:ion  de  la  fep- 
tième  claffe  deftinée  aux  fleurs  en 
ombelle,  dont  le  calice  devient  un 
fruit  arrondi  &  un  peu  épais,  &  l'ap- 
pelle hippofelinum  theophrajiï  vel 
fmyrnïum  dïofcorïdïs.  Von  Linné  le 
claffe  dans  la  pentandrie  digynie  , 
6c  le  nomme  Smyrmum  elufatrum. 

Fleur.  En  rofe ,  difpofée  en  om- 
belle. D  repréfente  une  fleur  féparée, 
compofée   de    cinq   pétales  C  ,   re- 
courbés  par  leur  foinmec ,  attachés 
Tome  FI. 


MAC 

par  leur  bafe  fur  les  bords  du  calice 
alrernativement  avec  les  divifions. 
B  repréfente  le  calice,  contenant  le 
piftil  divifé  en  deux.  Les  étamines, 
au  nombre  de  cinq,  font  placées  fur 
le  bord  du  calice  ,  en  oppofition  à 
chacune  de  ces  divilions  ,  &  alterna- 
tivement avec  les  pétales ,  comme 
en  le  voit  en  D. 

Fruit  E.  Compofé  de  deux  graines 
p  en  forme  de  croiffant  ,  convexe 
d'un  côté ,  à  trois  cannelures  ,  ap- 
platies  de  l'autre  ,  &  portées  par  le 
même  péduncule. 

Feuilles,  Elles  enibraffent  la  tice 

Y7 


3  54  MAC 

par  leur  bafe  ,  &c  elles  font  deux  fois 
trois  à  crois;  celles  des  tiges,  portées 
fur  des  pétioles  feulement  trois  à 
trois  ,  font  dentées  fur  leurs  bords 
en  manière  de  fcie. 

Racine.  A.  En  forme  de  navet  , 
brune  à  l'extérieur  ,  blanche  en- 
dedans. 

Pon.  Tiges  environ  de  trois  pieds- 
de  hauteur,  rameufes,  cannelées,  un 
peu  roLigeâtres  -,  l'ombelle  naît  au  fom- 
met,  les  rayons  de  l'ombelle  générale 
font  d'inégale  grandeur,  &  l'ombelle 
partielle  eft  droite;  les  feuilles  font 
placées  alternativement  fur  les  tiges. 

Lieu.  Les  provinces  méridionales 
de  France,  l'Italie;  dans  les  tetreins 
naturellement  humides,  cultivé  dans 
les  jardins;  la  plante  fubfifte  deux 
années. 

Propriétés.  La  racine  eft  acre  , 
a.mère ,  ainli  que  les  femences  ;  toutes 
deux  font  apéritives  ,  carminatives 
&  diurétiques. 

Ufages.  On  ne  fe  fert  que  de  la 
tàciiié  &  de  la  femence,  fur -tout 
de  la  racine  ;  elle  entre  dans  les  pti- 
fanes  &  apozèmes  pour  purifier  le 
fang;  on  peut  fubftituer  les  feuilles 
à  celles  du  perfil  pour  l'ufage  des 
cuiilnes. 

MACHE,  ou  BLANCHETTE, 
ou  POULE  GRASSE,  ou  SALADE 
DE  CHANOlNE.Tournefort  la  place 
dans  la  troifième  feétioH  de  la  fé- 
conde claiTe  deftinée  aux  fleurs  d'une 
feule  pièce  ,  à  entonnoir ,  dont  le 
calice  devient  le  fruit,  ou  l'enve- 
loppe du  fruit,  &  il  l'appelle  va- 
leriana  arvenfis  precoxj  femine  com- 
prejfo.  Von  Linné  la  nomme  vale- 
rlana  loculta  holiforia  j  &  la  clafle 
dans  la  triandriemonogynie. 


M  A  C 

Fleur.  Calice  dentelé  ,  dont  la  bafé 
s'unit  à  l'embrion,  &  fubfifte  jufqu'à 
la  maturité  du  fruit  ;  la  fleur  d'une 
feule  pièce  ,  en  entonnoir ,  &  dé- 
coupée en  cinq  parties  à  fon  fommet; 
les  étamines  ,  au  nombre  de  trois, 
furmoncées  de  fommets  mobiles  en 
tout  fens  ;  les  piftils  au  nombre  de 
deux. 

Fruit.  Capfule  à  plufieurs  loges, 
renfermant  chacune  une  femence  ap- 
platie,  ridée  &  blanchâtre. 

Feuilles.  Oblongues ,  aflez  épailTes , 
molles,  tendres,  les  unes  entières, 
les  autres  crénelées  &  fans  pétioles. 

Racine.  Menue  ,  fibreufe  ,  blan- 
châtre. 

Port.  La  tige  s'élève  du  milieu  des 
feuilles  à  la  hauteur  de  lix  à  dix 
pouces  ,  foible  ,  ronde  ,  canelée  , 
creufe  ;  les  fleurs  naifl"ent  au  fommet 
des  tiges  en  ombelle ,  leurs  feuilles 
font  oppofées  deux  à  deux. 

Lieu.  Les  vignes,  les  balmés,  les 
bords  des  chemins;  on  la  cultive  dans 
les  jardins  potagers ,  la  plante  eft 
annuelle. 

Propriétés.  La  racine  a  une  faveur 
douce,  ainfi  que  les  feuilles,  elles  font 
rafraîchilfantes  &  adoucifl^antes  ;  on 
les  employé  dans  les  bouillons  de 
veau;  on  les  mange  dans  les  falades 
d'hiver. 

Culture.  On  compte  plufieurs  va- 
riétés ,  les  unes  à  feuilles  plus  ou 
moii5S  larges ,  les  autres  à  racines  en 
forme  de  petits  navets;  on  préfère 
ce^  dernières;  leurs  racines  fe  man- 
gent dans  les  falades  comme  les 
feuilles. 

On  multiplie  cette  plante  &  (es 
variétés  par  les  femis;  leur  graine  fe 
conferve    bonne    à    fenier   pendaiiK 


MAC 

plufieiirs  années  ;  dans  les  provinces 
du  nord  on  peur  commencer  à  les 
femer  depuis  le  milieu  du  mois  d'août, 
jufqu'à  la  fin  du  mois  d'octobre,  en 
répétant  les  femis  de  quinzaine  en 
quinzaine.  Dans  ce4ks  du  midi,  on 
fenie  en  fepcembre  ,  jufqn'au  com- 
mencement &  même  au  milieu  de 
novembre  ,  mais  ia  règle  la  plus  siire 
pour  chaque  climat  du  royaume,  eft 
d'obferver  l'époque  à  laquelle  elle 
fort  de  terre  dans  les  chimps;  celle- 
ci  eft  un  peu  dure  j  la  bonne  culture, 
le  fol  &  les  foins  rendent  celle  des 
jardins  très-tendre.  On  ne  doit  pas 
craindre  de  femer  dru ,  parce  que  l'on 
coupe  raz  de  terre  les  pieds  furnu- 
méraires  &  les  plus  gros ,  <Sc  on  ar- 
rache avec  la  racine  celles  qui  pi- 
votent :  de  cette  maniète  on  éclaircit 
peii-à-peu  les  tables.  Si  la  femence 
eft  trop  enterrée,  elle  ne  lève  pas, 
&  paroît  les  années  fuivances  après 
qu'on  a  remué  la  terre.  11  eft  impor- 
tant de  veiller  fur  la  plante  laillée 
pour  graine  lorfqu'elle  approche  de 
la  maturité,  parce  que  la  femence 
s'en  détache  facilement  \  on  la  cueil- 
lera donc,  s'il  eft  poifible  ,  par  un 
temps  de  pluie  ,  ou  lorfqu'elle  eft 
chargée  de  rofée  ;  alors ,  étendue  fur 
un  drap  dans  un  lieu  fec  ou  expofé 
au  foleil ,  on  ne  craindra  plus  d'en 
perdre  la  grame.  Quelques  jardiniers 
entalfent  ces  plantes  dans  un  lieu 
frais,  la  fermentation  &  la  chaleur 
ne  tardent  pas  à  s'y  établir  ,  &  ils 
croyent  perfeélionner  la  graine  par 
ce  procédé.  Ce  n'eft  pas  la  loi  de  la 
nature ,  ôc  fi  elle  en  avoit  eu  befoin , 
elle  n'auroit  pas  donné  à  la  graine 
une  fi  grande  facilité  à  s'échapper 
de  la  capfule.  Les  mâches ,  qui  fe 
multiplient  d'elles-mêmes  dans  les 
champs  ,  dans  les  vignes ,  démon- 


]\1  A  C 


355 


trent  l'intuilité  d'amonceler  les  plan- 
tes ,  &  de  les  faite  fermenter  pour 
en  avoit  la  graine. 

M  ACRE.  Trapa  nutans.  Linn. 
Cette  plante  potte  une  infinité  d'au- 
tres noms,  fuivanl^s  cantons;  tri~ 
bule  aquatique  ,  falégot  j  châtaigne- 
d'eau  ^  truffe  d'eau  j  corniole  j  &c. 

Fleurs.  Compofées  de  quatre  pé- 
tales, &  d'autant  d'étamines. 

fruit.  Semblable  à  de  petites  châ- 
taignes ,  hérilfé  de  quatre  pétales 
fermées  par  le  calice;  il  renferme 
dans  une  ftule  loge  une  efpèce  de 
noyau  aufli  gros  qu'une  amande  for- 
mée en  cœur. 

Feuilies.  Larges  ,  prefque  fem- 
blables  à  celles  du  peuplier  ou  de 
l'orme,  mais  plus  courtes,  ayant  en 
quelque  forte  une  forme  rhomboïde, 
relevées  de  plufieurs  nervures  ,  cré- 
nelées, attachées  à  des  queues  lon- 
gues &  gialTes. 

Racine.  Longue  &  fibreufe. 

Port.  Tige  rampante  à  la  furface 
de  l'eau,  &:  jettent  çà  &  là  quelques 
feuilles  capillaires  qui  fe  multi- 
plient, <Sc  forment  une  belle  rofette. 

Lieu.  Elle  croît  dans  tous  les  étangs  , 
les  folfés  des  villes,  &i  en  général  où 
il  y  a  des  eaux  croupilFaiites  ou  du 
limon  :  la  rivière  de  la  Vilenne  en 
eft  couverte. 

Propriétés  économiques.  La  macre 
a  le  goût  de  la  châtaigne  ;  on  la  vend 
à  Rennes  &  à  Nantes  par  mefure 
dans  les  marchés  ;  les  enfans  en  font 
fi  friands  ,  qu'ils  la  mangent  crue 
comme  les  noifettes;  on  la  fait  cuire 
à  l'eau  ou  fous  les  cendres  dans  plu- 
fieurs de  nos  provinces,  &  on  la  ferc 
fur  la  table  avec  les  autres  fruits. 
On  peut ,  après  l'avoir  dépouillée  de 
Con  écorce,  la  faire  fécher  ,  la  ré- 
Y  y  1 


7  5^  M  A  C 

àtiire  en  Ruine,  &  en  compofer  une 
eipcce  de  buiiiHie  ;  car  on  sV-fl; 
trompe  en  croyan:  qu'on  en  prcparoic 
du  pain  en  Suède  ,  en  Franche- 
Comté  &  dans  le  Limofin;  elle  con- 
tient il  ell:  vrai  du  fucre  &c  de  l'a- 
midon, mais  la  ((Éfence  de  ces  deux 
corps  dans  les  farineux  ne  fuffir  pas 
pour  y  établir  la  lermentation  pa- 
naire  :  la  châcaiçae  en  eil  un  exemule 
trappanc. 

Obfervations-^ 

Il  Y  ^  f^'it:  c^e  plantes  farineufes 
quilemblent  deftinées  à  croître  fpon- 
tanémenc  &  fans  culture ,  que  la 
providence  olîre  aux  hommes  comme 
une  forte  de  dédommagemc-iic  de 
l'aridité  du  fol  qu'ils  habitent^  qu'on 
regrette  toujours  de  ne  point  les  voir 
couvrir  une  étendue  immenle  de  rer- 
teins  perdus,  ou  confacrés  à  récréer 
la  vue  par  une  abondance  Bateufe, 
maisablolamentnullepourlesbefoins 
réels  :,  pourquoi  ne  s'occuperoit-on 
point  à  multiplier  dans  les  fofîés  , 
tLms  les  marais,  le  long  des  rivièces 
&;  des  ruilfeaux ,  celles  qui  fe  plai- 
fent  dans  ces  endroits,  telles  que  les 
glands  de  terre  ,  l'orobe  tubéreux  , 
le  fouchec  rond,  les  macres,  &c. , 
ces  végétaux  alimentaires  qui  ré^ 
filtent  à  toute  efpèce  de  culture  , 
comme  on  voit  les  fauvages  réfifter 
à:  toute  efpèce  de  fociabilité.  Les  uns 
porreiit  des  bouquets  de  fleurs  fort 
agréables,  leurs  feuilles  font  un  ex- 
celienr  pâturage ,  leurs  femences  ou 
leurs  racin.es  font  farineufes  j  les  autres 
produifent  unbeleifecdans  un  canal; 
e4ifin  il  y  en  a  encore  beaucoup. d'au- 
tres qu'on  pourroir  également  dif- 
tiîb'.ier  dans  les  bois  &  dans  les  par- 
tcres;  on  einbelliroit  les  taillis  avec 


M  A  G 

des  orchis,  qui  la  plupart  portent  de? 
épis  de  fleurs  très-odorantes  ;  les  al- 
lées vertes  feroient  couvertes  &:  gar- 
nies de  fromental  &  des  autres  gra- 
mincs  fauvages  ;.les  jacijithes ,  les  nar- 
cilles ,  les  ornytliogales  fotmeroient 
nosplattes  bandes  ;  les  topinambours^ 
don:  les  fleurs  relTemblent  à  celles  de 
nos  foleils  vivaces,  rigureroient  dajus 
nos  jardins  ;  on  ne  conftruiroir  les 
haies  qu'avec  des  arbrilîeaux  à  fruits: 
c'eiT:  ainfi  qu'en  réunillant  l'agréable 
à  l'utile  ,  on  fe  ménageroir  des  ref- 
fources  poiu:  les  temps  malheureux.- 
M.  P. 

MAGDELEINE.  (pêche)  (  Foyei 
ce  mot  ) 

AIagdeleine.  (  poire  )  (  Voye^  ce- 
mot  ) 

MAGNESIE  BLANCHE,  ou 
POUDRE  DE  SANTNELLY.  Pou- 
dre blanche,  inhpide  ,  inodore,  qui; 
s'unit  aux  acides,  &  forme  avec  eux 
un  fel  neutre  purgatif;  elle  eft  in- 
diqué-e  dans  les  efpèces  dï  maladies 
où  les  premières  voies  conriennenc 
des  humeurs  acides  :  fi  l'acide  eft 
furabondanr,  la  magnéûe  purge  dou- 
cement ;  fouveiTt  el'e  produit  cec 
effet  lors  même  qu'il  n'exifte  pas 
d'acide,  parce  qu'elle  renferme  àes 
fels  neutres  ;  fi  on  la  dépouille  en- 
tièrement de  fes  fels  neutres ,  &  fi~' 
en  la  prefcrir  à  haïue  dofe  lorfqu'il 
n'y  a  point  d'.îcide  dans  les  premières 
voies,  aliène  purge  point,  fatigue 
beaucoup  l'eftomac,  &i  quelquefois 
elle  donne  de  vives  coliques.  La 
dofe,  pour  purger  ,  eft  depuis  une- 
drachme  jufqu'à  une  demi-once  :  on, 
trouve  cette  préparation  chez.  less. 
apothicaires,. 


M  A  H 

MAHALEB,  ou  BOIS  DE  SAIN- 
TE-LUCIE. Tournei-orc  le  place  dans 
la  fepnème  fedioii  de  la  vingc-iiniè- 
me  clalfe  delliuée  aux  arbres  à  fleur 
en  rofe  ,  donc  le  piftil  devient  un 
fruit  à  noyau,  ôc  il  l'a  appelle  cerafus 
racemoja  filvcjiris ,  fructu  non  eduli. 
Cette  dénomination  n'eft  pas  exa(5te  j 
mais  on  l'a  confervce  ,  malç^ré  l'er- 
reur. Von  Linné  le  nomme  prunus 
padus  ,  &  il  le  clalle  dans  l'icofan- 
drie  monogynie. 

Fleur.  Semblable  à  celle  du  cerificr-, 
(  Voyei[^  ce  mot  )  mais  elle  cft  plus 
petite  ,  &;  fon  truie  n'eft  pas  man- 
geable. 

Feuilles.  Simples  ,  entières  ,  ova- 
les ,  dentées  à  leurs  bords ,  termi- 
nées en  point-e  ,  portées  fur  des  pé- 
tioles. On  trouve  des  glandes  à  leiu: 
bafe  &c  fur  les  pétioles. 

Racine.  Ligneufe,.  raraeafe,  tra- 
çante.- 

Port.  Le  même  à-peu-prcs  que  ce- 
lui du  cerifierj  mais  fon' bois  efl: 
dur,  coloré  en  brun,  veiné,  odorant; 
les  fleurs  font  difpofées  à  l'extrémité 
des  figes  ,  en  grappes  rameufes  \  les 
feuilk-s  font  placées  alternativeuîenc 
fur  les  tiges. 

Lieu.  Les  bois  de  l'Europe  tempé- 
rée, &  particulièrement  près  du  vil- 
lage de  Sainte-Lucie  en  Lorraine  , 
d'où  il  a   tiré  Ion  nom. 

Cet  arbre  mérite  ,  à  beaucoup 
d'égards  ,  qu'on  donne  plus  d'at- 
rention  à  fa  culture.  Il  devient  d'une 
grande  relîource  pour  retenir  les  ter- 
x<s  des  coteaux  trop  inclinés.  Dans 
les  terreins  ftériles  par  l'abondance  de 
la  craie  ,  du  plâtre,  de  1-argille,  & 
Eiciiie  du  fable  ,.les  débris  de  fes  feuil- 
ks  j,  les  infedes  qu'il  nourrit ,,  for- 


M  A  H 


3S7 


ment,  à  la  longue  ,  de  la  terre  vé- 
gétale ,  &  fes  racines  pénétrent  & 
ioulèvenc  une  partie  du  fol,  &  don- 
nent la  facilité  aux  eaux  pluviales 
de  pénétrer  ces  terres  compactes  & 
dures  ;  enfin  ,  peu-à-peu  ces  places 
ne  piélenrent  plus  à  l'œil  le  fpec- 
tacle  défolant  d'une  aridité  extrême. 
L'arbre  de  Sainte-Lucie  fe  multiplie 
par  les  femis,  &:  par  la  féparation  du 
pied  du  tronc  ,  Aqs  rejets  produits  par 
fes  racinesi. 

Si  on  veut  fe  procurer  une  excel- 
lente haie  de  clôture  dans  un  bon 
fonds  de  terre ,  le  femis  eft  à  pré- 
férer par  celui  qui  n'aime  pas  hâter 
mal  •  à  -  propos  fa  jouiirance.  Si  on- 
craint  la  dent  des  aiîimaux  ,  les 
ravages  des  paflans ,  il  vaut  mieux 
faire  le  femis  chez  foi  ;  &  après  la 
première ,  ou  la  féconde  année  ,  tirer 
les  pieds  de  la  pépinière  ,  fans  muti- 
ler ,  couper  ou  brifer  le  pivot  des  ra- 
cines. Cetre  manière  de  procéder  efl- 
nioms  expéditive  que  celle  des  jardi- 
niers ou  des  pépiniériftcs,  qui  ,  d'un 
feul  coup  de  bêche  coupent  l'arbre 
en  terre,  &  l'en  retirent,,  garni  de- 
quelqLîCs  racines  latér-ales  :  autant 
vaut-il  fe  fervir  des  rejets  ;  mais  le 
fuccès  eft  bien  fupérieur  dans  la  pre- 
mière îîîéthode  ,  (oit  pour  la  reprife 
de  l'arbre  ,  foit  pour  fa  durée  ,  foie 
pour  fa  belle  végétation.  La  conftrva- 
tion  du  pivot,  exige  que  la  tranchée 
qui  doit  recevoir  l'arbre  ,  foit  plu?- 
profonde  que  les  tranchées  faites  pour 
les  haies  ordinaires.  Après  aveiri; 
pkntc  ces  arbres ,  on-  les  coupe  à  uiï 
pouce  au-delfus  de  la  furface  du  fol ,, 
&  on  conduit  ces  haits  ,  afin  de  les-, 
rendre  impénétrables  niême  aux» 
chiens ,  ainfl  qu'il  a  été-  dit  à  l'ar- 
ticle Haie.  Confultez  ce  mot. 

L.1  conferv.ttioîi  àa  pivot  eftbieai 


3s8-  M  A  H 

plus  effen:ielle  encore,  lorfqu'il s'agit 
de  garnir  des  cerreins  crayeux,  argiU 
leux,  &c. ,  puifque  le  bue  que  l'on  fe 
propofe  eft  de  divifer  l'intérieur  de  ce 
fol,  &dele  forcera  recevoir  l'eau.  A 
cet  effecon  ouvre,  à  la  dillance  de  huit 
à  dix  pieds,  un  folFe  proportionné  à  la 
longueur  du  pivot  &  au  diamètre  des 
racines.  S'il  eil  poiîible  de  garnir  cette 
folfe  avec  une  bonne  terre  ,  larbre 
profitera  beaucoup  plus.  11  laut  le 
couper  à  un  pou.e  près  de  terre,  ahii 
d'avoir  plutôt  un  taillis  qu'im  arbre.... 
Si  on  n'a  pas  un  nombre  luffifant  de 
pieds,  on  peut  femer  dans  ces  tolfes 
des  noyaux,  ils  pivoteront  infeniible- 
ment,  ils  pénétreront  dans  le  fol.  Si 
chaque  année  on  veut  un  peu  tra- 
vailler les  alentours  des  folles  ,  la 
végétation  fera  plus  hâtive.  Enfin, 
lotique  les  branches  du  taillis  auront 
acquis  une  certaine  hauteur  &  grof- 
feur ,  on  les  couchera  dans  des  folTes 
profondes  qu'on  creufera  tout  autour  ; 
on  ne  laillera  qu'un  feul  brui  dans  le 
milieu,  &  on  le  ravalera  à  un  pouce 
de  terre,  afin  qu'il  builFonne  de  nou- 
veau. Ces  opérations ,  ces  mains  d'œu- 
vres  font  coiueufes  ,  j'en  conviens  ; 
mais  elles  font  indifpenfables  ,  pour 
des  gens  aifés  qui  ont  dans  la  proxi- 
mité de  leurs  habitations  des  endroits 
arides,  où  les  autres  arbres  ne  peu- 
vent venir  ;  ils  proportionneront  l'é- 
tendue de  l'entreprifeàleurs  facultés  j 
&  fans  fe  déranger  ,  ils  pourront  , 
chaque  année,  ouvrir  un  certain  nom- 
bre de  foiles. 

Le  produit  de  cet  arbre  les  dédom- 
magera ,  à  la  longue  ,  de  leurs  avan- 
ces. Ses  branches ,  un  peu  fortes ,  font 
très-recherchées  par  les  tourneurs  & 
par  les  ébéniftes ,  &   le  pis  aller  eft 


MAI 

d'en  faire  du  bois  de  chauffage,  or- 
dinairement très  rare  dans  les  p.iys  de 
craie.  On  peut  citer  l'exemple  delà 
Champagne  pouilleufe.  A  l'ombie  de 
ces  arbres  ,  l'herbe  s'y  étabbia  peu- 
à-peu  ,  &  on  aura  par  la  fuice  un 
allez  bon  pâturage  d'hiver  pour  les 
troupeaux.  L'avantage  le  plus  précieux 
eft  la  lormation  de  la  terre  vcgécale 
fur  la  furface  du  champ  ,  &:  la  divi- 
fion  du  fol. 

Le  mahaleb  figure  très-bien  dans 
les  bofquets  de  printemps  j  il  fleurit 
en  même  temps  que  le  cerifier  ,  Se 
fes  grappes  de  fleurs  produifent  uii 
joli   effet. 

MAIS.  (  I  )  Plante  gramince,  plus 
connue  en  France ,  fous  le  nom  de  h/ed 
de  Turquie ,  quoique  cette  dénomina- 
tion ne  lui  convienne  pas  plus  que 
celle  de  hkd  d'Efpagne ,  de  hled  de 
Guin.e,  &C  de  gros  millet  des  Indes ^ 
puifqu  on  en  ignoroit  l'exifience  dans 
ces  contrées  avant  la  découverte  de 
l'Amérique. 

Les  voyageurs  les  plus  célèbres  af- 
furent  en  effet ,  que  quand  les  Euro- 
péens abordèrent  à  Saint-Domingue  , 
un  des  premiers  alimens  que  leur 
offrirent  les  naturels  du  pays,  fut  le 
maïs;  q"ue  pendant  le  cours  de  leur 
navigation  ils  le  retrouvèrent  aux 
Antilles,  dans  le  Mexique,  &  au 
Pérou,  formant  par-tout  la  bafe  de  la 
nourriture  des  peuples  de  ces  contrées; 
que  cette  plante  ,  dont  le  port  eft 
fi  impofant  &  fi  majeftueux ,  faifoit 
chez  les  Licas  l'ornement  des  jardins 
de  leurs  palais;  que  c'étoit  avec  fon 
fruit  que  la  main  des  vierges  choi- 
fies ,  préparoit  le  pain  des  facrifices  , 
&  que   l'on   compofoit  une   boiffon 


*  (  t)  Cet  article  eft  de  M.  Parmcnticr. 


M  A  r 

vîneufe  ,  pour  les  jours  confacrés  cà 
l'allégrefle  publique  j  qu'il  fervoic  de 
monuoie  dans  le  commerce  ,  pour 
fe  procurer  les  autres  beloius  de  la 
vie  j  qu'enfin  ,  la  reconnoiflance,  ce 
fentiment  Ci  délicieux  pour  les  cœurs 
bien  nés,  avoir  déterminé  les  peuples 
même  les  plus  fauvagesdes  illes  &:  du 
Continenr  de  ce  nouvel  héniifphère  , 
à  inltituer  des  fêtes  annuelles  à  l'oc- 
cafion  de  la  récolte  du  maïs. 

Ainiî  on  doit  conclure  ,  d'après 
les  écrivains  regardés ,  avec  railon  , 
comme  les  fources  les  plus  originales 
ôc  les  plus  authentiques  de  tout  ce 
qui  a  été  publié  fur  les  produétions  de 
l'Amérique  ,  que  le  maïs  y  eft  in- 
digène, &  que  c'eft  delà  qu'il  a  été 
tranfporté  au  midi  &  au  nord  des 
deux  mondes  oïi  il  s'eft  h  parfaite- 
ment naturalifé  qu'on  le  foupçon- 
neroit  créé  pour  l'univers  enrier  ;  il 
fe  ^plaît  dans  tous  les  climats  ,  &  les 
bruyères  défrichées  de  la  Pommé- 
ranie  en  font  maintenant  couvertes  , 
comme  les  plaines  de  fon  ancienne 
patrie. 

La  fécondité  du  maïs  ne  fçauroit 
être  comparée  à  celle  des  autres  grains 
de  la  même  famille  ;  &:  fi  la  récolte 
n'en  eft  pas  toujours  aulTî  riche ,  ra- 
rement manque  t-elle  rout-à  fait  : 
fon  produit  ordinaire  eft  de  deux 
épis  j  par  pied  ,  dans  les  bons  terreins , 
&  d'un  feul  dans  ceux  qui  font  mé- 
diocres j  chaque  épi  contient  douze 
à  treize  rangées  ,  &  chaque  rangée 
trente-fix  à  quarante  grains. .  Pour 
femer  un  arpenr,  il  ne  faut  que  la 
huitième  partie  de  la  femence  né- 
ceffaire  pour  l'enfemeiicer  en  bled  , 
&  cet  arpent  rapporte  communément 
plus  que  le  double  de  ce  grain ,  fans 
compter  les  haricots ,  les  fèves  & 
£c  autres  végétaux  ,  que  l'on  plante 


M  A  I 


3  59 


dans  les  efpaces  vides,  lailTés  entre 
chaque  pied. 

Le  maïs  eft  donc  un  des  plus  beaux 
préfens  que  le  nouveau  monde  ait 
fait  à  l'ancien  ;  car  indépendamment 
de  la  nourriture  falutaire  que  les  ha- 
bitans  des  campagnes  de  plufieurs  de 
nos  provinces  retirent  de  cette  plante, 
il  n'y  a  rien  que  les  animaux  de  route 
efpèce  aiment  autant  ,  &  qui  leur 
profite  davantage  ^  elle  fournit  du 
fourrage  aux  bêtes  à  corne ,  la  ration 
aux  chevaux,  un  engrais  aux  cochons 
&  à  la  volaille  j  elle  a  amené  ,  dans 
les  cantons  où  on  la  cultive  avec  in- 
telligence, une  population,  un  com- 
merce &  une  abondance  qu'on  n'y 
connoiiïoit  point  auparavant ,  lorf- 
qu'on  n'y  femoir  que  du  fromenr  & 
du  millet  :  le  maïs,  en  un  mot,  mé- 
rite d'être  placé  au  nombre  des  pro- 
ductions les  plus  dignes  de  nos  foins 
&  de  nos  hommages  j  formons  des 
vœux  pour  que  nos  concitoyens,  plus 
éclairés  fur  leurs  vérirables  intérêts , 
ouvrent  les  yeux  fur  les  avantages 
de  cette  culture  ,  <?>;  qu'ils  veuillent 
l'adopter  dans  tous  les  endroits  qui 
conviennent  h  fa  végétation. 

Plan  du  Travail. 

CHAP.  I.  Du  maïs  conjîdéré  depuis  le  mo- 
ment qu'on  fi  propofi  de  le  fimer ,  juj- 
qu  après  la  récotte. 

Sect.  I.  Defiription  du  genre. 

Sect.  II.  Defiription  des  efipeces. 

SrcT.  III.  Defcription  des  variétés. 

Sect.  IV.  Des  accidens  qu'éprouve  le  mats. 

Sect.  V.  De  fies  maladies. 

Sect.  VI.  Des  animaux  qui  l'attaquent, 

Sect.  VU.  Du  terrein  &  de  fia  préparation. 

Sect.  VIII.  Du  choix  de  la  fiemence  &  de 
fia  préparation. 

SicT.  IX.  Du  temps  &  de  la  manière  de 
Cerner. 

SicT.  X.  Des  labours  de  culture. 


-560  MAI 

Sect.  XI.  Du  temps  &   de  la  manîert  de 

récolter. 
Sect.  XII.  Du  mdis  regain. 
5ect.  XIII.   Du  mais  fourrage. 
-CHAP.  II.  Du  maïs ,  eonfldcrî  relativement 

a  fa  confcrvation  If  a  la  nourriture  qu'il 

fournit  à  l'homme  &  aux   animaux. 
Sect.  I.  Analyfe  du  maïs. 
Sect.  II.  Dépouillement  des  robes  du  maïs. 
Sect.  III.  De  fa  confervation  en  épi. 
Sect.  IV.  Procédé  ufiié  en  Bourgogne  pour 

fécker  le  maïs  au  four. 
Sect.  V.  Manière  d'égrener  le  maïs, 
Sect.  VI.  De  fa  confcrvation  en  grain, 
Sect.  VII.  Farine  du  maïs. 
Sect.  VIII.  Maïs,  conjidéré  relativement  a 

la  boijjon. 
Sect.  IX.  Maïs  ,  conjidéré  relativement  à 

la  nourriture  pour  les  hommes. 
Sect.  X.  Maïs ,  conftdéré  relativcmeru  a  la 

nourriture  des  animaux. 
Sect.  XI.  Maïs  en  guife  d'avoine. 
Sect.  XII.   Ufagc  du  maïs  comme  fourrage. 
Sect.  XIII.  Maïs  pour  le  'bétail. 
Sect.  XIW .  Maïs  pour  l'engrais  delà  volaille. 
Sect.  XV.  De  fes  propriétés  médicinales. 

CHAPITRE    PRExMIER. 
Du    Maïs    considéré    depuis 

LE  MOMEXT  qu'oN  SE  PRO- 
POSE DE  LE  SEMER  j  JUSQU'A- 
FRES  LA    RÉCOLTE. 


OECTION       PREMIERE. 

Defcriftion  du  genre. 

Fleurs.  Mâles  &  femelles  ,  qui , 
connues  dans  la  famille  des  courges 
&  de  beaucoup  d'autres  plantes  , 
naiffent  fur  le  même  pied,  mais  dans 
des  endroits  féparés  :  les  fleurs  mâles 
forment  un  bouquet  ou  pannicule 
au  fommet  de  la  tige  ,  ayant  ordi- 
nairement trois  éramines  renfermées 
entre  deux  écailles  :  au-deflbus  de  la 
pannicule,  &  àrailîelle  des  feuilles, 
font  placées  les  fleurs  femelles ,  dont 
,îe  ftigmaîe,  femblable  à  des  hlamens 


MAI 

longs  &  chevelus ,  fe  terminent  en 
honpe  foyeufe,  diverfemenr  colorée. 

Fruit.  Semence  lilfe  &  arrondie 
à  fa  fuperhcie  ,  angulaire  du  côté 
par  où  elle  tient  à  l'axe  ,  ferrée  & 
rangée  en  ligne  droite  fur  un  gros 
gland  ou  fuiée. 

Feuilles.  Longues  d'un  pied  envi- 
roîi ,  fur  deux  à  trois  pouces  de  large, 
pointues  à  l'extrémité ,  d'un  verd  de 
mer  plus  ou  moins  toncé;  rudes  fur 
les  bords  ,  ôc  relevées  de  plufieurs 
nervures  droites. 

Racine.  Capillaire  &  fibreufe. 

Port.  Tige  articulée  alfez  ordinai- 
rement droite ,  ronde  à  fon  extré- 
mité intérieure  ,  &  s'applatrillanc 
vers  le  haut  ,  où  elle  eft  garnie  & 
comprimée  par  des  gaines  de  feuil- 
les qui  fe   prolongent. 

Lieu.  Nulle  part  le  maïs  ne  croît 
fpontanément,  même  dans  fon  pays 
natal  ,  il  faut  nécelfairement  le  cul- 
tiver ,  Se  fon  produit  efl:  toujours 
relatif  aux  foins  qu'on  en  prend  , 
&  à  la  nature  du  fol  lut  lequel  on 
le  feme  j  mais  on  peut  avancer,  avec 
vérité  ,  que  c'eft  une  plante  cofmo- 
polite  ,  puifqu'elle  vienr  ,  avec  un 
égal  fuccès  ,  dans  des  climats  oppo- 
{és,'ôc  à  des  afpefts  différens.  Pref- 
que  toutel'Amérique feptentrionale, 
une  partie  de  l'Afie  &  de  l'Afrique  , 
plufieurs  contrées  de  l'Europe  ,  trou- 
vent dans  ce  grain  une  nourriture 
fubftancielle  pour  les  hommes  &  les 
animaux. 


E   e   T    I   o   N 


I  I. 


Defcrîpiion  des  efpèces. 

Il  n'eft  guères  permis  de  douter 
aétuellement  qu'il  n'y  ait  deux  ef- 
pçces  particulières    de    maïs  ,    bien 

diftinctes 


MAI 

diftindes  entr'elles;  l'une  donc  la 
maturité  n'elt  dcterminée  que  dans 
l'efpace  de  quatre  à  cinq  mois  -,  l'au- 
tre à  qui  il  faut  à  peine  la  moitié 
de  ce  temps  pour  parcourir  le  cercle 
de  fa  végétation  :  nous  les  nomme- 
rons ,  à  caufe  de  cette  différence 
cataétérillique  :  maïs  précoce , Se  maïs 
tardif. 

Maïs  précoce.  Cette  efpèce  eft 
connue  en  Italie  ,  fous  le  nom  de 
quarantain  ,  parce  qu'en  effet  elle 
croît  de  mûrit  en  quarante  jours.  On 
l'appelle,  dans  l'Américjue  ,  le  petit 
maïs  ,  où  l'on  prétend  que  c'eft  une 
dégénération  de  l'autre  efpèce  ,  ce 
qui  n'eft  pas  vraifemblable  ,  à  caufe 
des  propriétés  particulières  qui  les 
diftinguent  elfe ntiellemen  t.  De  quelle 
utilité  ne  deviendroit  pas  le  maïs 
précoce  pour  le  royaume,  s'il  y  étoit 
cultivé  :  peut-être  conviendroit-il  à 
un  terrein  Se  à  une  expoluion  où  le 
maïs  tardif  ne  réullîroit  pas  ;  peut- 
être  obtiendroit-on  ,  par  ce  moyen  , 
dans  nos  provinces  méridionales,  deux 
récoltes  ;  &  ce  grain ,  dans  les  par- 
ties les  plus  feptentrionales ,  attein- 
droit-il  le  même  degré  de  perfec- 
tion que  celui  qui  croît  dans  les 
contrées  les  plus  chaudes;  peut-être, 
enfin  ,  le  maïs  hâtif  ferviroir-il  à  des 
ufages  économiques  auxquels  l'autre 
feroit  moins   propre. 

Maïs  tardif  :  c'eft  celui  que  l'on 
cultive  en  France  ,  &  dans  les  autres 
parties  du  globe;  il  porte  des  tiges 
plus  ou  moins  hautes  :  on  le  nomme 
le  grand  maïs  dans  la  Caroline  &  en 
Virginie  ,  où  l'on  afflire  qu'il  s'élève 
jufqu'à  dix-huit  pieds  ;  fa  plus  grande 
élévation  dans  ces  climats ,  va  à  peine 
à  la  moitié.  On  affûte  encore  qu'il 
eft  plus  fécond  &  plus  vigoureux  que 
le  maïs  précoce  :  peut-être  ,  parce 
Tome  FI, 


MAI  3^1 

qu'il  demeure  plus  long-temps  fur 
terre,  &  qu'il  ell  au  maïb  précoce  ,  ce 
qu'efl:  le  bled  d'hiver  au  bled  de 
mars.  On  ne  manquera  point  d'ac- 
quérir des  lumièies  fur  ce  point  in- 
térelfant ,  dès  que  les  deux  efpèces 
feront  également  cultivées  &  compa- 
rées entt'ellespar  de  bons  agronomes. 

Section     III. 

Defcriptlon    des    variétés. 

1!  exifte  plufieurs  variétés  de  maïs; 
qu'il  faut  prendre  garde  de  confondre 
avec  les  efpèces ,  puifqu'elles  ne  dif- 
fèrent les  unes  des  autres  que  par  la 
couleur  extérieure  du  grain;  du  refte, 
elles  germent  ,  croilîent  &  mûriffènc 
de  la  même  manière;  les  parties  de 
la  frudihcationfont  entièrement  fein- 
blables  ,  &  ce  n'eft  guères  qu'après 
la  récolte  qu'il  eft  pofflble  de  s'ap- 
percevoir  fi  les  épis  feront  rouges , 
jaunes  ou  blancs  :  cette  variété  de 
couleur  eft  plus  fréquente  ,  félon  les 
années,  les  terreins  <?c  les  afpeds  ; 
fouvent  elle  fe  rencontre  dans  le  même 
champ,  fur  le  même  épi  ,  quelque- 
fois même  un  feul  grain  préfente 
cette  bigarrure.  Nous  nous  fommes 
convaincu  par  l'expérience,  que  cette 
diverfité  de  couleur  eft  héréditaire  : 
peut-être  un  concours  de  circonftau- 
ces  la  raniène-t-elle  infenfiblemenc  à 
une  feule  nuance. 

Maïs  rouge.  On  peut  ranger  dans 
cette  variété  le  maïs  pourpre-violet, 
ou  noir  ,  qui  n'en  diffère  que  par 
l'intenfité  de  couleur;  mais  ce  maïs 
rouge  eft  le  moins  eftimé  :  on  le 
regarde  même  ,  dans  quelques  en- 
droits ,  comme  le  feigle  de  ce  grain: 
auffî  ne  le  fème-t-on  pas  ordinaire- 
ment ,  du  moins  en  Europe  ,  &  il 
eft  purement  accidentel ,  de  manière 
Zz 


3^1  MAI 

qu'une  pièce  de  plulîcurs  arpens  en 
produit  à  peine  un  épi.  Le  niaïs 
jaune  Se  le  mais  blanc  font  donc 
les  variétés  principales  que  Ton 
cultive. 

A/aïs  blanc.  Il  pafTe  en  Béarn  pour 
être  le  plus  produdlif ,  l'épi  en  eft 
auflî  plus  gros,  &  la  tige  plus  haute  j 
mais  cette  ditFérence  ne  dépendroit- 
elle  pas  de  ce  qu'on  le  fème  fur  les 
meilleurs  terreais ,  bien  fumés  ,  tan- 
dis que  dans  cette  province  on  fème 
le  maïs  jaune  dans  les  terres  maré- 
cageules ,  qui  n'ont  pas  befoin  d'en- 
grais ;  cependant  on  préfère  allez 
coiiftamment  l'un  à  l'autre  ;  &:  lorf- 
que  les  Américains  de  la  nouvelle 
Angleterre  ne  récoltent  que  du  maïs 
jaune  ,  ils  le  vendent  pour  en  acheter 
du  blanc,  dont  la  galette,  félon  eux  , 
a  une  meilleure  qualité. 

Maïs  jaune.  La  couleur  primitive 
de  ce  grain  paroît  être  jaune  j  elle 
eft  du  moins  la  variété  la  plus  uni- 
verfellement  répandue.  On  prétend 
que  les  terres  fablonneufes  lui  con- 
viennenr  mieux  qu'au  maïs  blanc  , 
&  qu'elle  eft  même  un  peu  plus  pré- 
coce :  audi  eft-elle  choifie  de  préfé- 
rence ,  lorfqu'on  a  deftein  d'en  cou- 
vrir des  terres  qui  ont  déjà  rapporté. 
Il  feroit  à  fouhaiter  que  dans  tous 
les  cantons  à  maïs  on  fût  attentif  à 
ces  confidétations  ;  elles  n'échappent 
point  aux  Béarnois,  ni  aux  Américains 
particulièrement,  qui ,  dans  les  terres 
fablonneufes  ,  ne  culrivent  que  du 
maïs  jaune  ,  malgré  leur  prédiledion 
pour  le  maïs  blanc. 

Section      IV. 

Des  accidens  qu'éprouve  le  maïs. 

Quoique  le  maïs  croiffe  &  mûrille 
recouvert  d'une  enveloppe  cpaifle  , 


MAI 

qui  fert  à  le  garantir  de  l'aétion  im- 
médiate du  foleil  ,  de  la  pluie  ,  du 
froid  (Se  des  animaux  deftruéteurs  , 
c'eft  à  tort  &  contre  l'expérience  qu'on 
l'a  préfenté  comme  exempt  de  tout 
danger.  Il  ne  faut  que  jeter  un  coup 
d'oeil  fur  la  ftruéture  de  cette  plante , 
pour  juger  que  les  intempéries  des 
faifons  influent  elTentiellement  fur 
fa  récolte,  &  que  rien  n'eft  plus  im- 
portant pour  le  cultivateur  de  maïs, 
qu'une  pluie  douce  ,  ou  les  arrofe- 
mens  qui  y  fuppléent ,  accompagnés 
d'une   chaleur  tempérée. 

S'il  furvient  des  chaleurs  conti- 
nues ,  fans  erre  en  même  temps  ac- 
compagnées de  pluie ,  la  végétation 
du  maïs  languit  j  c'eft  alors  qu'il  faut 
prendre  garde  de  rrop  remuer  la  terre , 
dans  la  crainte  que  le  pied  de  la  ra- 
cine ne  fe  delléche.  Trois  femaines 
ou  un  mois  au  plus  de  féchereire  , 
font  capables  de  diminuer  confidé- 
rablemenr  les  récoltes ,  à  moins  que 
le  terrein  ne  puilTe  être  atrofé  par 
des  canaux,  comme  dans  quelques 
cantons  de  l'Italie;  mais  on  doit  ad- 
miniftrer  ces  arrofages  avec  prudence , 
&:  ne  .s'en  fervir  que  quand  on  s'ap- 
perçoit  que  la  plante  fouffre  vifible- 
menr,  (5îv;  que  même  les  feuilles  com- 
mencent à  fe  flétrir. 

Le  maïs  femé  dans  les  terres  voi- 
fines  des  rivières,  &  expofées  au  dé- 
bordement ,  à  l'inftant  même  où  la 
plantule  fe  développe,  court  les  rif- 
ques  d'être  entièrement  perdu  ,  parce 
que  l'e.au  échauffée  par  Taétion  du 
foleil  ,  en  delféche  le  coeur  ou  le 
cenrre  alors  forr  tendre.  Une  partie 
de  la  récolte  eft  encore  également 
perdue  par  les  pluies  abondantes  ; 
mais  cet  accident  eft  moins  à  crain- 
dre dans    les   terres   fèch'es    &    lé- 


gères. 


MAI 

Le  vent  ne  préjudicie  piG  moins 
au  maïs  ,  Se  le  tore  qu'il  lui  fait  eft 
d'autant  plus  capital,  que  la  plante 
ell:  plus  haute,  les  pieds  plus  rap- 
procliés  ,  &  que  la  femence  a  été 
moins  enterrée.  Rien  n'eft  plus  com- 
mun que  de  voir  des  champs  de 
maïs  verfés  :  quelquefois  on  eft  obligé 
de  le  redrefier  avec  la  main  ,  en 
mettant  de  la  terre  autour  de  la  tige , 
&  la  comprimant  un  peu  avec  le  pied , 
afin  que  la  racine ,  ptefque  à  luid  , 
ne  foit  pas  expolée  à  l'ardeur  du  fo- 
leil  qui  la  delFécheroit. 

Quant  au  froid  j  il  eft  certain  , 
quoi  qu'on  en  aie  dit ,  que  le  maïs 
y  eft  très-fenhble  ,  &  qu'un  inftant 
fuffit  pour  faire  évanouir  les  pkis 
belles  efpérances.  Si,  par  malheur, 
Ja  gelée  a  frappé  les  femailles  ,  il 
faut  les  recommencer;  &  C\  elle  fur- 
prend  le  grain  fur  pied,  il  ne  vient 
plus  à  maturité  ;  mais  vin  pateil  acci- 
dent fera  toujouts  fort  rare ,  fi  on  a 
foin  d'attendre,  pour  la  plantation  j 
la  fin  d'avril ,  mais  jamais  plus  tard. 


E    c    T    I    o    N 


V. 


De  fcs  maladies, 

La  feule  maladie,  bien  connue  , 
du  maïs  ,  eft  délignée  ,  mais  très- 
improprement  ,  fous  le  nom  de 
charbon.  M.  Tillet  en  a  donné  une 
defcription  dans  les  Mémoires  de 
l'Académie  Royale  des  Sciences  , 
pour  l'année  1760;  &  M.  Imkoff' 
vient  de  foutenit  à  Strasbourg,  lur 
cette  matière  ,  une  thcfe  bien  faite  , 
dans  laquelle  l'auteur  confirme .,  en 
partie ,  ce  que  ce  fçavant  Académi- 
cien nous  a  appris  touchant  la  na- 


M  A  1  3^5 

ture  ,  la  caufe  &  les  effets  de  cette 
maladie. 

Les  caraftères  auxquels  on  recon- 
noît  le  charbon  de  maïs ,  font  une 
augmentation  confidérablede  volume 
dans  l'épi ,  dont  les  feuilles  recouvrent 
un  alTemblage  de  tumeurs  fongueu- 
fes,  d'un  blanc  rougeâtreàrcxcérieiir, 
qui  rendent  d'abord  une  humeur 
aqueufe ,  &  fe  convertilTent ,  à  mefure 
qu'elles  fedelîéchent ,  en  une  poufficte 
noiràcre ,  femblableà  celle  que  renfer- 
me la  vefce-de-loup.  Ces  tumeurs 
charnues,  qui  varient  de  grandeur  3c 
de  forme,  font  quelquefois  delagrof- 
feur  d'un  œuf  de  poule  ,  mais  rare- 
ment au-delà.  La  poullière  qu'elles 
renferment,  eft  fans  odeur  èc  fans 
goût  :  analyfée  à  feu  nud  ,  elle 
fournit  des  produits  fembiables  à  la 
carie  des  bleds  ,  un  acide ,  de  l'huile 
&  de  l'alkali  volatil.  Mais  une  obfer- 
vation  importante  ,  c'eft  que  cette 
poufllcre  j  de  nul  eflet  pour  les  ani- 
maux ,  n'eft  pas  non  plus  conta- 
gieufe  pour  les  femailles. 

Comme  la  maladie  du  maïs  fe 
manifefte  le  plus  communément  fur 
les  pieds  vigoureux  ,  qui  portent 
plufieuis  épis ,  il  eft  allez  vrailem- 
blable  qu'elle  dépend  ,  comme  l'a 
foupçonné  M.  Tillet ,  d'une  fura- 
bondance  de  fève  ,  qui ,  dans  un  fol 
favorable,  5c  par  un  temps  propice  , 
fe  porte  ,  avec  aftluence  ,  vers  cer- 
taines parties  ,  occafionne  des  rup- 
tures &  des  cpanchemens.  Le  re- 
mèdeà  cette  maladie ,  confifte  à  en- 
lever à  propos  ces  tumeurs ,  fans  offen- 
fer  la  tige ,  &:  à  couper  les  pannicules 
avant  que  les  anthères  ne  nunïdcnt: 
le  fuc  fèveux  ,  n'étant  plus  détourné 
de  fon  cours  ,  circule  librement  , 
aboutit  à  l'épi ,  &  le  nourrit.  Ainli 
Z  z  i 


3% 


M  A  I 


les  laboureurs,  qui  ne  font  jamais 
alarmés  de  voir  régner  cette  maladie 
dans  leurs  champs,  puifqu'elle  eft  le 
Signal  de  l'abond.uice  ,  ne  devroieiit 
jamais  lailfer  luiififter  aucune  de  ces 
tumeurs  ,  groiïes  ou  petites  ;  parce 
que  les  tiges  affedées  de  charbon  , 
ne  portent  enfuite  que  des  épis  mé- 
diocres. 


E    C    T    I 


ON       VI. 


Des  animaux  qui   l'attaquent. 

Ce  n'ell  abfolument  qu'au,  mo- 
ment où  le  maïs  ie  développe  ,  qu'il 
devient  quelquefois  la  proie  d'un 
inftde  particulier  ,  de  la  claife  des 
fcarabés.  que  l'on  nomme  en  Béarn  , 
laire.  Il  s'attache  aux  racines,  &  ne 
les  quitte  point  qu'elles  ne  foient  en- 
tièrement rongées  :  pendant  cette  opé- 
ration la  plante  languit  &  meurt. 
Le  feul  moyen  de  s'en  préferver  , 
c'eft  de  travailler  la  terre  auflïtôt,  & 
de  couper  le  chemin  à  cet  animal. 
Le  fol  humide  y  eft  ordinairement 
plus  expofé  que   tout  autre. 

Les  animaux  qui  fondent  fut  les 
femences  ,  ne  refpeétent  pas  non 
plus  celles  du  maïs ,  &c  les  champs 
qui  en  font  couverts  ,  fe  trouvent 
également  labourés  par  les  taupes. 
11  faut  fe  fervir  des  moyens  indi- 
qués à  l'article  des  Semailles,  pour 
s'en  garantir. 

Section     VIL 

Du  terrein  &  de  fa  préparation. 

Toutes  les  terres  ,  pourvu  qu'elles 
aient  un  peu  de  fond  ,  &  qu'elles 
foient  bien  travaillées ,  conviennent 


M  A  I 

en  général  à  la  culture  du  maïs.  Ce 
grain  fe  plaît  mieux  dans  un  fol  lé- 
ger &  fabionneux  ,  que  dans  une 
terre-forte  &  argilleufe  \  il  y  vient 
néanmoins  alfez  bien.  Les  prairies 
fituces  au  bord  des  rivières ,  les  terres 
bafîes  ,  noyées  pendant  l'hiver  ,  &c 
dans  lefquelles  le  froment  ne  fauroit 
réulîîr  ,  font  également  propres  à 
cette  plante;  enfin,  quelque  aride 
que  foit  le  fol  du  Béarn,  il  produit 
toujours  ,  à  la  faveur  de  quelques 
engrais ,  d'amples  moilfons,  fur-tout 
s'il  furvient  à  temps  des  pluies  dou- 
ces ,  accompagnées  de  chaleur. 

Pour  préparer  la  terre  à  recevoir 
la  femence  qu'on  veut  lui  confier  , 
il  faut  qu'elle  foit  difpofée  par  deux 
labours  au  moins;  l'un,  ou  d'abord 
après  la  récolte,  ou  pendant  l'hiver, 
fuivant  l'ufage  du  pays.  Le  fécond 
ne  doit  avoir  lieu  qu'au  commence- 
ment d'avril ,  après  quoi  on  herfe  & 
on  fume.  11  y  a  des  cantons  où  le 
terrein  eft  fi  meuble,  qu'un  feul  la- 
bour, donné  au  moment  où  il  s'agit 
d'enfemencer  ,  fuffit  ;  tandis  que 
dans  d'autres,  comme  dans  la  partie 
froide  &  montagneufe  du  Rouffillon , 
il  faut  quelquefois  porter  le  nombre 
des  labours  jufqu'à  quatre. 

Toutes  les  rerres  ne  fe  prêtent  donc 
point  à  la  même  méthode  de  culture, 
&.'  les  diftérentes  pratiques  locales, 
ufitces  à  cet  égard,  font  plus  fondées 
qu'on  ne  croît  fur  l'expérience  &  l'ob- 
fervation.  Tantôt  on  feme  le  maïs 
plufieurs  années  de  fuite  dans  le 
même  champ,  tantôt  on  alterne  avec 
le  froment;  enfin  il  y  a  des  cantons 
où,  dans  les  terres  ordinaires,  on 
tierce ,  une  année  en  maïs ,  une  année 
en  bled;  la  rroifièmerefte  en  jachère. 
(  J^oyc^  le  mot  Jachère  ) 


MAI 


MA  I 


3(Î5 


S    E 


C    T    I     O    N 


VIII. 


Du   choix   de  la  femence   &   de  fa. 
préparation, 

II  faut,  autant  qu'on  le  peut,  s'at- 
tacher i  choilir  le  maïs  de  la  der- 
nière récolte,  iSc  laiirer  le  grain  ad- 
hérent à  l'épi,  jufqu'au  moment  où 
on  fe  propofe  de  le  femer,  afin  que 
ie  germe  ,  prefque  à  découvert,  n'ait 
pas  le  temps  d'éprouver  un  degré  de 
lécherelfe  préjudiciable  à  fon  déve- 
loppement. Il  faut  encore  éviter  de 
prendre  les  graines  qui  fe  trouvent  à 
l'extrémité  de  l'épi  ou  de  la  grappe  , 
&  préférer  toujours  ceux  qui  occu- 
pent le  milieu  j  parce  que  c'eft  ordi- 
nairement là  où  le  maïs  eft  le  plus 
beau  &  le  mieux  nourri. 

Quand  on  ne  devroit  laiffer  ma- 
cérer le  maïs  dans  l'eau  que  douze 
heures  avant  de  le  femer  ,  cette  pré- 
caution fimple  auroit  toujours  fon 
utiliré,  ne  dût- elle  fervir  qu'à  ma- 
nifefter  les  grains  légers  qui  furna- 
gent ,  aies  féparer  avec  l'écumoir, 
&  à  ne  pas  confier  à  la  terre  une  fe- 
mence nulle  pour  la  récolte,  <Sc  qui 
pourroit  fervir  encore  de  nourriture 
aux  animaux  de  baiTe-cour  j  mais  en 
faifant  infufer  le  maïs  de  femence 
dans  des  décodions  de  plantes  acres, 
dans  la  faumure,  dans  l'égout  de 
fumier ,  dans  les  leffives  de  cendres 
animées  par  la  chaux,  ce  feroit  un 
moyen  de  le  ramolir ,  d'appliquer  à 
fa  furface  une  efpèce  d'engrais,  & 
de  le  garantir  des  animaux.  Loin 
que  cette  préparation  fût  capable 
de  nuire  en  aucun  cas ,  on  devroit 
par  -  tout  la  mettre  en  ufagej  elle 
équivaudroit  certainement  toutes  ces 
recettes  merveilleufes  de  poudre  ou 


de  liqueurs,  foi-difant  prolifiques, 
dont  nous  avons  déjà  apprécié  k 
valeur. 

Section     IX. 

Du  temps  &  de  la  manière  de  femer. 

Il  convient  toujours  d'attendre  , 
pour  commencer  les  femailles  de 
maïs,  que  la  terre  ait  acquis  un  certain 
degré  de  chaleur,  qui  puille  mettre 
à  l'abri  du  fioid  une  plante  qui  eu 
eft  trcs-fufceptible  ;  elles  doivent  fe 
faire  dans  le  courant  d'avril  ou  au 
commencement  de  mai  au  plus  tard, 
afin  que  d'une  part  cette  plante  ne 
germe  que  quand  le  danger  des  gelées 
eft  paifé,  &:  que  de  l'autre  les  froids 
d'automne  ne  la  furprennent  pas 
avant  la  maturité. 

Quand  la  terre  eft  difpofée  à  re- 
cevoir le  maïs,  on  feme  le  grain  par 
rayons ,  l'un  après  l'autre  ,  à  deux 
pieds  &  demi  de  diftance  en  tout 
fens,  &  on  recouvre  à  proportion, 
au  moyen  d'une  féconde  charrue. 
Ceux  qui  n'ont  pas  de  charrue  le 
plantent  au  cordeau,  à  la  diftance 
d'un  pied  &  demi,  en  faifant  avec  le 
plantoir  un  trou,  dans  lequel  on  met 
un  grani ,  que  l'on  recouvre  de  deux 
ou  trois  travers  de  doigt,  afin  de  le 
garantir  de  la  voracité  des  animaux 
deftruéleurs. 

Ohfervations  fur  les  femailles. 

Le  maïs  n'eft  pas  cultivé  par- tout 
de  la  même  manière  ;  dans  certains 
endtoits  on  feme  ce  grain  à  la  char- 
rue comme  le  bled  ordinaire ,  &  dans 
d'autres  on  le  plante  :  cette  dernière 
méthode  mérite  fans  contredit  la 
préférence ,  parce  qu'alors  la  diftance 


l6(^  MAI 

entre  chaque  pied  eft  mieux  obfer- 
vée,  on  ne  dillnbue  pa^  plus  de  fe- 
mence  qu'il  n'en  eft  néctlFaire ,  & 
tous  les  CTcains  fe  trouvent  également 
recouverts  &  énterirés  à  des  profon- 
deurs convenables. 

Mais,  dira-t  on, -en  femantlemaïs 
à  la  volée  comme  en  Bourgogne, 
les  lemailles  font  plus  expéditives  ; 
on  a  en  outre  la  reifource  de  donner 
aux  pieds  de  maïs  la  régularité  &  l'ef- 
pace  nécefiTaire,  parce  qu'en  mcme- 
temps  que  l'on  farcie,  on  a  foin  d'ar- 
racher ceux  qui  font  trop  près,  pour 
les  replacer  dans  les  endroits  plus 
clairs  5  mais  il  eft  prouvé  que  les 
pieds  arrachés  &  replantés  ne  végè- 
tent ni  avec  la  même  vigueur,  ni 
avec  la  même  uniformité. 

Or,  la  méthode  de  femer  le  maïs 
ne  doit  être  adoptée  que  dans  deux 
cas  particuliers;  le  premier,  lorfqu'on 
a  delfein  d'en  confacrer  le  produit  au 
fouragc  ;  alors  il  faut  s'écarter  àss 
règles  ordinaires  ,  &  femer  le  grain 
fort  près,  parce  qu'on  n'a  pas  befoin 
de  ménager  des  intervalles;  une  fois 
la  plante  patvenue  à  fa  plus  grande 
hauteur  ,  on  la  coupe  chaque  jour 
pour  la  donner  au  bétail  ,  dans  un 
moment  où  l'herbe  ordinaire  com- 
mence à  devenir  rare.  le  fécond  cas, 
où  il  faut  encore  préférer  de  lemer  le 
rnaïs  ,  c'eft  quand  on  veut  profiter 
d'une  terre  qui  a  déjà  rapporté  du 
lin,  de  la  navette  ou  du  trèfle;  alors 
il  eft  néceffaire  de  fe  feivir  cks  moyens 
les  plus  expéditifs ,  femer  le  grain 
macéré  préalablement  dans  Teau  , 
parce  que  fi  les  chaleurs  fe  prolon- 
gent jufqu'au  commencement  d'oc- 
tobre ,  le  grain  nsn  eft  pas  moins 
bon.  On  nomme  cette  efpèce  en 
Bourgogne,  bleddcTnrqule  de  regain; 
iTJ-^is  nous  le  repetons ,  a  moms  de 


M  A  1 

cette  double  circonftance  ,  il  faut 
planter  le  maïs,  comme  les  haricots, 
à  GC-s  diftances  de  dix-huit  à  vingt 
pouces ,  &  l'avidité  de  ceux  qui  vou- 
droient  le  rapprocher  davantage  fêta 
toujours  trompée. 

Section     X. 

Des  labours  de  culture. 

Rien  ne  contribue  davantage  à 
fortifier  les  tiges  de  maïs  &  à  leur 
faire  rapporter  des  épis  abondans, 
que  des  travaux  donnés  à  propos ,  & 
répétés  trois  fois  au  moins  depuis  là, 
plantation  jufqu'.i  la  récolte  :  qui- 
conque les  néglige  ou  les  épargne , 
ignore  fans  doute  le  profit  qu'il  en 
peut  retirer,  foir  pour  le  fourage  en 
verdure,  dont  les  bêtes  à  cornes  font 
très-friandes,  foit  pour  la  quantité  de 
grains  qu'on  récoite.  Les  eftets  prin- 
cipaux de  ces  labours  de  culture  font  : 

I  ".  De  rendre  la  rerre  plus  meuble 
&i  plus  propre  à  abforber  les  prin- 
cipes répandus  dans  l'atmofphère. 

2°.  De  la  purger  des  mauvaifes 
herbes  qui  dérobent  à  la  plante  fa 
fublîftance,  &  empêchent  fa  racine 
de  refpirer  &c  de  s'étendre. 

3".  De  réchauffer  la  tige  pour  lui 
conferver  de  la  fraîcheur,  &  l'affer- 
mir contre  les  fecoulFes  àes  orages. 

Premier  labour  de  culture.  On  doit 
le  donner  quand  le  maïs  eft  levé, 
&:  qu'il  a  acquis  trois  pouces  de  hau- 
teur environ;  on  travaille  la  terre, 
on  la  rapproche  un  peu  du  pied  de  la 
plante  ;  des  hommes  ou  des  femmes 
prennent  des  hoyaux  ou  farcliers  pour 
ôter  les  mauvaifes  herbes ,  ayant  foia 
de  ne  pas  trop  approcher  l'inftrument 
de  la  plante,  &  de  ne  lailTer  fubfifter 
que-  la  plus  belle ,  de  manière  à  ce 


MAI 

qu'elle  foit  toujours  erpacceainfi  qu'il 
a  été   recommandé. 

Second  labour  de  culture.  11  eft 
femblable  au  précédenc;  ou  attend 
pour  le  donner  que  le  maïs  ait  un 
pied  environ  ;  dans  tous  les  cantons 
où  la  main  d'ceuvre  n'eft  pas  chère, 
on  fç  fert  pour  ces  labours  de  cul- 
ture d'une  houe  ou  bêche  courbée  \ 
on  continue  d'arracher  les  mauvnifes 
herbes ,  &  on  détache  les  rejettons 
qui  partent  des  racines ,  &  qui  ne 
produiroient  que  des  épis  foibles  & 
non  murs  li  on  les  lailfoit  lubhRerj 
ainfi  en  les  arrachant  on  augmente 
l'abondance  du  grain  &  le  fourrage 
pour  les  beftiàux. 

Troifième  labour  de  culture.  Dès 
que  le  grain  commence  à  fe  former 
dans  l'épi,  il  faut  fe  hâter  de  donner 
ce  travail  ,  parce  que  c'eft  précifc- 
ment  l'époque  où  la  plante  en  a  le 
plus  grand  befoin  :  il  convient  aufii 
de  bien  nettoyer  le  champ  des  niau- 
vaifes  herbes  qui  ont  cru  depuis  le 
dernier  travail,  &:  de  bien  rechauder 
la  tige  ;  ce  n'eft ,  à  bien  dire  ,  qu'après 
ce  troifième  labour  de  culture,  que 
le  maïs  a  acquis  aflez  de  force  pour 
n'avoir  plus  rien  à  appréhender,  & 
qu'on  peut  planter  dans  les  efpaces 
vides  que  lailfent  les  pieds  entr'cux  , 
difFérens  végétaux  ,  tels  que  les  ha- 
ricots,  les  fèves,  les  courges  ,  c]ui  , 
pouvant  croître  à  fon  ombrage  fans 
nuire  à  la  récolte  du  grain  ,  préfentent 
les  avantages  d'une  double  moiflon. 


E     G    T     I     O     N 


X  I. 


Du  temps  &  de  la  manière  de  faire 
la  récolte. 

Quelque  temps  avant  la  récolte  du 
maïs,  il  faut  fonger  à  enlever  la  por- 


MA  I 

tîon  de  la  tige  qui  eft  à  fes  extrémités 
&  au-delTous  de  l'épi,  mais  prendre 
garde  de  trop  fe  preffer  à  faire  ce 
retranchement.  Indépendamment  de 
l'utilité  des  feuilles  ,  commune  à 
toutes  les  plantes  qui  végètent,  celles 
du  maïs  en  ont  une  particulière,  qui 
rend  leur  confervation  précieufe  juf- 
ques  à  l'époque  de  la  maturité  du 
grain;  elles  forment  une  efpèce  d'en- 
tonnoir, préfentant  une  large  furface 
à  l'atmofphère,  &l  ramalTant  pendant 
la  nuit  une  provifion  de  rofée  lî  abon- 
dante ,  que  fi  le  matin  au  lever  du 
foleil  on  entre  dans  un  champ  de 
maïs  dont  le  fol  foit  d'une  terre  lé- 
gère, on  apper(^oit  le  pied  de  chaque 
plante  mouillé  comme  s'il  avoit  été 
urrofé. 

Coupe  des  tiges.  Le  moment  où  il 
eft  poilible  de  taire  cette  opération 
fans  danger,  c'eft  quand  les  tilamens, 
font  fortis  des  étuis  de  l'épi,  qu'ils 
commencent  à  fécher  &  à  noircir.  £a 
enlevant  les  pannicules  avant  le  temps,. 
on  nuiroit  diredlement  à  la  frudiiî- 
cation  de  la  plante,  puifqu'elles  con- 
tiennent les  fleurs  mâles  deftinées  à 
féconder  les  fleurs  femelles  j  mais  il 
eft  toujours  important  que  la  récolte- 
de  la  tige  précède  celle  du  grain  , 
parce  qu'ayant  ,  comme  les  auttes 
parties  des  végétaux  ,  fon  point  de 
maturité,  elle  deviendïoit  coroneufe, 
dure  &  infipide  fi  elle  continuoitde 
demeurer  attachée, à  la  plante;  aii 
heu  qu'en  la  coupant  loriqu'clle  eft 
encore  muqueufe  &  flexible  ,  elle 
conferve,  étant  féchée  en  bottes  au 
foleil ,  nouées  avec  les  feuilles  fur  le 
corps  de  la  plante,  une  plus  grande 
quantité  de  principes  noiirriiraiis,  &c 
fournit  par  conféquent  un  meilleur 
fourrage.  A  moins  donc  qu'il  ne  faille 
laiiTer  la  tige  fut  pied  ,  pour  étayer 


36S 


M  A  i 


les  vcgéraux  qui  croiirent  en  même- 
temps  que  le  maïs ,  on  doit  toujours 
opérer  ce  retranchement  avant  la 
moilîon. 

De  fa  maturité.  Elle  s'annonce  par 
la  couleur  &  l'ccartemenc  des  feuilles 
ou  enveloppes  de  l'épi  •  alors  le  grain 
eft  dur,  fa  lurface  efl:  luifante,  &  Ç^s 
feuilles  jaunâtres^  enfin  le  temps  de 
taire  la  moilTon  eft  indiqué.  Le  maïs 
femé  d.ms  nos  provinces  méridionales 
en  mai ,  eft  mûr  dans  le  courant  de 
feprembre,  &  un  peu  plus  rird  dans 
les  contrées  moins  chaudes. 

De  fa  moijjcn.  Lorfque  le  mo- 
ment de  récolter  le  maïs  eft  venu  , 
&  qu'il  règne  un  temps  fec,  les  la- 
boureurs envoyent  leurs  gens  aux 
champs  arracher  les  épis  auxquels  ils 
laillenc  une  partie  de  l'enveloppe  , 
ils  en  forment  d'efpace  en  efpace  de 
petits  tas ,  afin  que  le  grain  ne  foit 
pas  expofé  à  s'échauffer  &  à  fer- 
menter ;  ils  le  tranfportent  enfuite 
à  la  grange  dans  des  voitures  gar- 
nies ordinairement  de  toiles  ;  c'ell:  là 
qu'on  achève  de  difpofer  le  maïs  à 
entrer  au  grenier ,  éc  à  prolonger  1» 
durée  de  fa  confervation. 


M  A  I 

moins  bon ,  fur-tout  lorfque  le  can- 
ton eft  un  peu  méridional ,  &  que 
les  chaleurs  fc  prolongent  jufquau 
commencement  d'octobre  j  cette  ef- 
pèce  eft  connue  en  Bourgogne  fous 
le  nom  de  bUd  de  Turquie  de  regain. 


E    C    T    I     G     N 


XIII. 


E    C    T    I    O    N 


X    I    I. 


Maïs  regain. 


Dans  le  courant  de  juin ,  lorfc]ue 
les  terres  ont  déjà  rapporté  du  lin 
ou  de  la  navette,  on  leur  donne  un 
coup  de  charrue ,  &  auflitoc  on  y 
feme  du  maïs  qu'on  a  eu  loin  de 
lailfer  macérer  dans  l'eau  pendant 
vingt-quatre  heures ,  pour  accélérer 
fa  .végétation  \  on  pourroic  même , 
fi  la  faifon  étoit  fèche  ,  le  femer 
tour  germé  j  il  arrive  plus  tard  à  ma- 
turité, mais  fouvent  il  n'en  eft  pas 


Maïs  fourrage. 

Par-tout  où  le  maïs  forme  la  nour- 
riture principale  des  hommes  &  des 
animaux,  quelques  portions  de  ter- 
reins  font  uniquement  deftinées  à  la 
culture  de  ce  grain  pour  en  obtenir 
un  fourrage  verd.  Dans  les  cantons  qui 
font  peu  riches  en  pâturage,  ou  lorf- 
que les  fubfiftances  de  ce  genre  ont 
manqué ,  on  feme  du  maïs  immé- 
diatement après  la  récolte,  dans  des 
champs  qui  ont  déjà  rapporté  du 
feigle  ou  de  l'oroe  \  enfin,  lorfque  le 
maïs  a  été  femé  dès  le  mois  d'avril , 
toujours  à  delfein  de  le  récoher  en 
fourrage,  on  peut  faire  dans  la  même 
piece  julques  a  trois  moiUonsj  mais 
cette  polîibilité  fuppofe  un  climat 
dont  la  température  foit  chaude,  alfez 
uniforme  &  fuflifamment  humide  \ 
on  ne  doit  pas'  craindre  au  furplus 
que  ce  fourrage  ,  recueilli  trois  fois 
fur  le  même  champ,  puiiTe  préjudi- 
cier  aux  récoltes  futures,  parce  que 
toute  plante  dont  la  végétation  eft 
aulîl  rapide  qu'on  s'emprelfe  de  cou- 
per avant  la  fioraifon  ,  ne  dégraifle 
jamais  les  fonds  où  on  l'a  femée , 
elle  y  laille  au  contraire  des  racines 
tendres  &  humides,  qui  fe  pourrif- 
fent  aifément,  &:  rendent  à  la  terre 
l'équivalent  de  ce  qu'elles  en  ont 
reçu. 

Après  avoir  donné  à  la  terre  un 
coup  de  charrue ,  le  plus  profondé- 

menc 


MAI 

ïuenr  poffible,  on  femera  le  maïs  à 
la  volée,  en  obfervant que  le  femeur 
s'en  remplilTe  bien  la  main,  &  qu'il 
raccouri.iire  fon  pas;  fans  ces  précau- 
tions, le  grain  ,  vu  fa  grolfeur,  fe 
trouveroic  trop  clair.  On  l'enterrera 
auffi  exaârcmenc  qu'on  pourra  avec 
la  charrue  ôc  la  hetfe,  palîée  deux  fois 
en  tout  fens.  11  faut  environ  huit  à 
neuf  bollfeaux  de  Paris  pour  un  ar- 
pent ,  ce  qui  forme  à-peu-près  les 
deux  tiers  de  plus  de  fetnence  qu'il 
n'eft  nécelTaire  pour  la  recoke  du 
maïs  en  grain.  Une  fjis  femé  &  re- 
couvert ,  on  abandonne  le  grain  aux 
foins  de  la  nature  ;  il  eft  inutile  de 
lui  donner  les  diifcrens  travaux  de 
culture  dont  il  a  été  queftion.  Plus 
les  pieds  fe  rrouvent  rapprochés ,  plus 
ils  lèvent  promptemenr,  &:  plus  ils 
foifonnenc  en  herbe  ,  parce  qu'ils 
s'ombragent  réciproquement,  &con- 
ferven:  leur  humidité  :  qu'importe 
l'cpi ,  puifque  ce  n'eft  pas  pour  l'ob- 
tenir qu'on  travaille. 

Si  toutes  les  circonftances  fe  font 
réunies  en  faveur  du  maïs,  cui  peut 
commencer  à  jouir  de  fon  fourrage 
fîx  femaines  ou  deux  mois  après  les 
femailles;  le  moment  où  la  fleur  va 
forcir  de  l'écui  efl:  celui  où  la  plante 
cfl:  bonne  à  couper;  c'eft  alors  qu'elle 
eft  remplie  d'un  fuc  doux  ,  agréable 
&  très-favoureux;  plus  tard  fon  feuil- 
l.ige  fe  fane,  &:  la  tige  devient  dure, 
cotoneufe  ,&  infîpide. 

On  coupe  le  maïs  fourrage  chaque 
jour  pour  le  donner  en  verd  aux  bef- 
tiaux  ;  mais  quand  la  fin  de  l'automne 
approche,  il  ne  faut  p.as  attendre  que 
le  befoin  en  détermine  la  coupe  ,  dans 
U  crainte  que  les  premiers  froids  , 
venant  à  furprendre  la  plante  fur 
pied,  n'altèrent  fa  qualité;  d'ailleurs 
il  convient  de  lailfer  le  temps  de 
Tome  f^I. 


M  A  î 


3^9 


difpofer  les  femailles  d'hiver,  &  de 
profiter  d'un  refte  de  beau  temps  pour 
faire  fécher  ce  fourrage  à  l'inliat  àQS 
autres  ,  en  l'étendant  &  le  retour-, 
uant. 

CHAPITRE     II. 

Du  Maïs  considéré   relati- 

VEMENT  A  SA  CONSERVAT lOiiS 
ET  A  LA  NOURRITURE  Q_U'lL 
FOURNIT  A  l'homme  ET  AUX 

ANIMAUX, 

Section      p.r  e  m  i  â  r  e. 
ApMlyfc   du  maïs, 

La  connoiflTance  approfondie  àss 
parties  conftituances  des  grains ,  peut 
fervir  à  répandre  du  jour  fur  l'art  de 
les  conferver  longtemps  ,  de  les 
moudre  avec  profit ,  i5c  d'en  tirer  le 
meilleur  parti.  Le  maïs  contient , 
indépendamment  de  l'écorce  &:  du 
germe,  crois  fubftances  bien  diftinc- 
tes  entr'elles  :  fçavoir ,  une  matière 
lîiuqueufe,  approchant  de  la  gomme, 
du  fucre  «S*:  de  l'amidon  ;  mais  cette 
dernière  fubftance  y  eft  trop  peu 
abondante  pour  que  jamais  le  maïs 
foie  capable  de  remplacer ,  dans  ce 
cas  ,  le  froment  &:  l'orge  ,  les  deux 
feuls  grains  coufacrés  à  cet  objet  j 
le  lucre  ne  s'y  trouve  pas  non  plus  en 
quantité  alfez  confidérable  pour  de- 
venir une  relfource.  Il  faut  donc  re- 
noncer à  l'emploi  de  chacun  des  prin- 
cipes féparés  du  maïs  ;  ils  font  def- 
cinés  à  demeurer  lies  enferable ,  & 
à  fetvir  à  des  ufages  plus  effenciels, 
cv  plus  économiques. 

De  l'analyfe  du  maïs ,  appliquée 
égalemenc  aux  tiges  fraîches  de  cecte 
plante  ,  cueillies  Se  examinées  dans 
•  A  a  a 


370 


MAI 


tous  les  âges  ,  depuis  le  moment 
quelles  commencent  à  prendre  de 
la  conlîftance  ,  jufqu  à  celui  où  , 
devenues  dures  &  ligneufes  ,  elles 
confervent  à  peine  la  faveur  fucrée 
qu'elles  polîèdent  Ci  éminemment 
avant  la  floraifon,  il  eft  réfulté  des 
fucs  troubles  &  douceâtres ,  qui ,  con- 
centrés pat  le  feu  ,  préfentent  bien 
des  liqueurs  épailfes  ,  des  extraits  , 
mais  qui  ne  feront  jamais  compara- 
bles ,  comme  on  Ta  dit ,  aux  fyrops , 
aux  miels  &  aux  conhtutes,  quand 
bien  même  on  fuppoferoit  que  la 
plante  eft  infiniment  plus  fucculente 
en  Amérique  que  parmi   nous. 

11    fcroit    d'ailleurs    ridicule    de 
facriher  ,  à    grand    frais  ,   le   maïs  , 
pour  n'obtenir  que  des  réfultats  dé- 
feétueux  ,  &  d'une  utilité  moins  gé- 
nérale. Lailfons  aux  abeilles   le  foin 
de  courrir  la  campagne  ,  pour  aller 
puifer  au  fond  du  nedaire  des  fleurs, 
le  miel  qu'elles  nous  ramaffent,  fans 
opérer  de  dérangement  dans  les  or- 
canes  des  plantes.  LailTons  également 
a  l'induftrie  de  nos  colons,  retirer  de 
la  canne  ,  Arundo  facarifera  le  fucre 
tout  formé  ,  que  la   providence  y  a 
mis  en  réferve.  Confervons  à  l'hom- 
me fa  nourriture  ,  aux  bêtes  à  corne 
leur  fourrage ,  aux  chevaux  leur  ra- 
tion, aux  volailles  leur  engrais  j  voilà 
l'emploi  le  plus  naturel  &    le   plus 
raifonnable  qu'il  foit  poffible  de  faire 
du  grain  &  des  tiges  du  maïs.  - 


M  A  I 

ces  épis  nne    partie  de  l'enveloppe  ', 
pour  en  réunir  pluficurs  enfemble, 
&   les   fufpendre    au    plancher  ,  les 
auttes  en  font  entièrement  dépouillés 
&;  mis  en    tas  dans  le  grenier  :  les 
epis  qui  n  ont  pas  acquis  toute  leur 
maturité  font  mis  à  part,  &  fervent 
journellement  de  nourriture  au  bé- 
tail :  quant  aux  tiges  reftées  dans  les 
champs,  après  la  récolte,  on  les  en- 
lève auflirôt  avec  les  racines,  lorfque 
on  a  delfein  de  femer  du  froment^ 
on  les   répand    fur   les    grands  che- 
mins, pour  les  triturer  &  les  pourrir, 
ou  bien  on  les  enterre  dans  les  champs 
même  \  mais  ces  tiges  font  trop    li- 
gneufes pour  pouvoir  fervir  de  litière, 
&  devenir  prompuement  la  matière 
d'un  engrais;  il  vaut  mieux  les  brû- 
ler, parce  qu'indépendamment  de  la 
chaleur  qu'on  en  obtient ,  elles  pro- 
duifent  beaucoup  de  cendtes,  &  ces 
cendres  une  quantité  confidérable  de 
fels  alkalis   ,   dont  les  fabricans  de 
fdiin   titeroient   bon  parti. 


E    C    T    I    O     N 


I    I    l. 


Section 


1  I. 


Dépouillement  des  robes  du  maïs. 

Les  épis  de  maïs,tranfportés  à  la 
grange  ,  font  encore  garnis  de  leurs 
robes  ou  de  leurs  feuilles  :  on  lailfe 
aux  plus  beaux  &  aux  plus  mûrs  de 


De   la  confervation  du  maïs  en  épi. 

L'air  &  le  feu  font  les  agens  de  la 
confervation  ou  de  la  deftrudion  des 
corps  j  c'eft  par  leurs  effets,  bien  di- 
rigés ,  qu'on  parvient  à  donner  plus 
de  perfection  au  maïs ,  ou  à  en  pro- 
longer la  durée.  Le  premier  de  ces 
agens ,  le  plus  narurel  &:  le  moins 
coûteux ,  eft  toujours  au  pouvoir  de 
l'homme;  mais  rarement  en  recueille- 
,  t  il   tous  les  avantages. 

Maïs  fufp'endu  au  plancher.  On 
en  entrelafte  les  épis  par  les  feuilles 
qu'on  leur  lailTe  à  cet  effet  ,  ou 
en  forme  des  paquets  de  huit  à  â^ni 


M  A  I 

épis  ,  &  on  les  fufpend  horifonta- 
lemenc  avec  des  perches  qui  tiaver- 
lenc  la  longueur  des  greniers  <Sc  de 
tous  les  autres  endroits  intérieurs  & 
extérieurs  du  bâtiment.  Par  ce  moyen 
le  maïs  fe  conferve ,  fans  aucuns  frais , 
pendant  piufieurs  années,  avec  toute 
fa  bonté  Se  fa  fécondité  :  il  n'a  rien 
à  redouter  de  la  part  de  la  chaleur , 
de  l'humidité  &  des  infeéles;  chaque 
épi  fe  trouvant  comme  ifolc ,  fe  relfue 
Ôc  fe  fècheinfenfiblement.  Cette  mé- 
thode de  confervation  ,  qu'on  peut 
comparer  à  celle  de  garder  les  grains 
en  gerbe  j  eft  pratiquée  par  tous  les 
cultivateurs  de  maïs.  Mais,  quelque 
avantageufe  qu'elle  foit ,  il  ei\  im- 
pofTible  de  l'appliquer  à  toute  la  pro- 
vilion  ,  à  caufe  de  l'emplacement 
qu'elle  exigeroit  :  auiîi  ne  l'adopte-t- 
on  que  pour  le  maïs  deftiné  aux  fe- 
mailles,  dans  les  provinces  hiéridio- 
nales  fur-tout  ,  où  on  en  fait  des 
récoltes  abondantes. 

Alaïs  répandu  dans  le  grenier.  Une 
fois  les  épis  entièrement  dépouillés 
de  leurs  robes,  on  les  étend  fur  le 
plancher,  à  claire  voie  ,  d'un  grenier 
bien  acre  ,  à  un  pied  ou  deux  au  plus 
d'épailfeur  ,  afin  qu'ils  puilTent  aifc- 
ment  exhaler  leur  humidité  &  fe 
relfuer.  On  les  remue  de  temps 
en  temps,  pour  favorifer  ce  double 
«fFet.  II.  y  a  certains  cantons  où  , 
avant  de  porter  les  épis  au  grenier, 
on  profite  des  rayons  du  foleil ,  pour 
les  y  expofer.  Cette  déification  pré.a- 
lable  ,  rend  la  confervation  de  maïs 
plus  fùre  &  phis  facile  :  fouvent  même 
il  n'eft  pas  néceifaire  d'attendre  qu'ils 
aient  fcjourné  au  magafin  ,  pour  les 
égrenner  \  mais  cette  opération  ne 
fauroit  avoir  lieu  que  longtemps 
après  la  récolte  :  il  y  a  des  cantons  où 
on  les  palfe  au  four. 


M  A-î  37t 

Section      IV. 

Procédtujîtpen  Bourgogne  ,pourf€cher 
le  maïs  au  four. 

Pour  taire  fécher  le  turqule  \  car 
c'eft  ainfi  qu'on  s'exprime  en  Bour- 
gogne ,  lorfqu'on  expofe  le  maïs  au 
tour ,  on  diftribue  les  épis ,  deftinés 
à  la  fournée  ,  dans  des  corbeilles  , 
puis  on  chaufle  le  four  jufqu'au  blanc 
parfait  j  c'tft -à-dire,  un  peu  plus  que 
pour  la  cuilTon  du  pain.  Le  four,  une 
fois  chauffé  ,  on  le  nettoyé  ,  on  y 
jette  les  épis  ,  que  l'on  remue  avec 
un  fourgon  de  fer  recourbé  j  on  ferme 
le  four  auflïtôt.  Une  heure  après  on 
le  débouche,  &:  au  moyen  de  la  pèle 
de  fer ,  on  a  foin  de  remuer  le  fond 
du  four  ,  de  foulever  les  épis  ,  de 
renverfer  ceux  qui  font  pofés  fur  l'atre. 
Après  cette  opération  ,  on  étend, 
avec  la  pèle  ,  une  ligne  de  braife  al- 
lumée à  la  bouche  du  four ,  que  l'on 
ferme  le  plus  exadcment  poilible  , 
dans  la  crainte  que  la  chaleur  ne 
s'échappe.  On  remue  les  épis  une 
féconde  fois,  &  c'eft  à-peu  près  l'af- 
faire de  vingt-quatre  heures  pour 
completter    la   dellîcation   du   maïs. 

Lorfqu'il  s'agit  de  retirer  les  épis 
du  four ,  on  fe  fett  d'un  infttumenc 
de  fer,  de  l'épaifTc-ur  de  deux  lignes, 
(Se  on  les  met  dansun  pannier  qu.uréj 
on  les  égrené  enfuite  ,  afin  qu'ils  ne 
s'ammoHlfent  point.  On  chauffe  de 
nouveau  le  four ,  pour  y  fé^^^lier  d'au- 
tres épis  de  maïs ,  que  l'on  laille  éga- 
lement vingt-quatre  heures  Dans  un 
four  d'une  capacité  ordinaire  ,  on 
fèche  ordinairement  environ  quatr». 
mefures  de  maïs  ;  c'eft  à-dire,  que  les 
épis,  palTés  au  (our ,  rendent,  après 
leur  dellkation  ,  enviion  quatre  me- 
A  a  a  i 


371  MAI 

fures  en  grains  j  mais  quand  les  fours 
onr  une  dimcnlion  plus  confidérable, 
telle  que  celle  des  fours  bannaux  , 
on  y  fèche  jufqu'à  trente  &;  quarante 
mefures  de  maïs. 

Par  cette  opération,  on  enlève  au 
grain  l'eau  furabondinte,  &  on  com- 
bine plus  intimement  celle  qui  lui 
efteiTentielIe  j  enfurce  qu'il  eft  moins 
attaquable  par  les  in(ed:es  ,  plus  fuf- 
ceptible  de  s'égrener,  de  fe  moudre, 
&  de  fe  conferver  fans  altéc.ition. 
Mais  tous  ces  avantages  ne  fauroient 
avoir  lieu ,  fans  apporter  dans  la  conf- 
titution  du  grain  un  dérangement 
dont  le  germe  fe  reiïent  le  premier. 
11  ne  faut  donc  jamais  palfer  au  four 
le  m:us  dcftiné  à  la  reproduction  fu- 
ture ,  rarement  celui  qui  entre  dans 
le  pétrin  ,  ou  que  Von  donne  à  la 
volaille  ;  parce  qu'indépendamment 
de  cet  inconvénient,  ce  feroit  em- 
ployer une  confommation  de  bois  en 
pure  perte,  &c  beaucoup  d'autres  fiais 
de  main  d'œuvre.  La  deffication  n'eft 
donc  réellement  utile  que  pour  donner 
une  perfeélion  de  plus  à  la  bouillie  j 
car  c'eft  une  vérité  démontrée  ,  que  la 
farine  qui  fait  la  meilleure  bouillie, 
eft  la  moins  propre  à  la  panification. 

Section      V. 

Manière  d'égrener  le  maïs. 

Il  y  a  quelques  précautions  à  em- 
ployer avant  d  égrener  le  maïs.  Dans 
les  p.iys  chauds  il  feroit  polfible  de 
faire  cette  opération  en  automne  ,  fi 
après  la  récolte  on  expofoit  lès  épis 
au  foleil  \  mais  elle  s'exécuteroit  dif- 
ficilement dans  les  provinces  fepten  - 
trionales ,  à  moins  qu'on  ne  fe  fetve 
de  la  chaleur  du  four  ;  parce  que 
dans  le  premier  cas  l'humidité  eft 
moins  abondante ,  &  n'adhère  point 


MAI 

tant  aux  grains.  Les  différentes  ma- 
nières d'égrener  le  maïs  font  rela- 
tives au  pays  &  à  la  quantité  de  grain 
qu'on  iccolte.  La  plus  expéditivfr 
conhfte  à  fe  fervir  d'une  elpèce  de. 
tombereau, foutenu par  quatre  petits 
pieds ,  &  percé ,  dans  fon  intérieur  ^ 
de  trous  par  o\x  les  grains ,  détachés, 
de  leur  alvéole,  puillent  palTer  :  on 
y  met  une  certaine  quantité  d'épis» 
Deux  hommes  ,  piarés  aux  extrémi- 
tés ,  frappent  delTus  avec  des  bâtons  , 
&•  on  repa.'feles  épis  à  la  main  ,  pour 
en  féparer  les  grains  qui  peuvent  y 
être  reftés.  Cette  méthode  ,  plus  par- 
ticulièrement ufitée  dans  le  pays 
Navartin  ,  eft  femblable  à-peu-près 
à  celle  de  battre  avec  le  fl^au  \  Ôc 
c'eft  airifi  qu'on  égrène  dans  la  plu- 
part des  pruvinces  méridionales  \  mais 
il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  cette 
méthode  ne  peut  être  applicable  qu'air 
maïs  extrêmement  fec;  car  dans  la 
citconftance  où  il  le  feroit  moins,, 
l'effort  de  l'inftrument  dur  doit  être 
préféré. 

Après  régrenage,  on  porte  l'épi, 
dépouillé  de  grain  ,  dans  un  lieu  à 
couvert ,  où  il  achève  de  fe  féclier. 
IJ  porte  diffcrens  noms,&  fon  iifage 
principal  eft  de  favorifer  ,  dans  les 
campagnes,  l'ignition  du  boisverd, 
&  même  pour  remplacer  le  charbon  j 
il  prend  feu  aifément  ,  répand  une 
flimme  claire  &  a^réab'e.  Il  peut 
donc  fervir  à  chaL:îfcr  le  f^ur  ,  &  à 
beaucoup  d'autres  deflinations  auiîî 
utiles. 

Section      VL 

Confervanon  du  maïs  en  grain.. 

Sans  attendre  que  rabfolue  né- 
ceffité  force  d'égrener  le  m.ïïs ,  nous 
croyons  qu'il  n'y    auroic  aucun  inr- 


U  A  I 

convénîent  Aq  faire  cette  opération, 
dès  qu'elle  ellpraciquable.  Nuiis  ofoiis 
même  croire  qu'elle  ne  peur  être  que 
trèi-avantagetife  ,  parce  que,  outre 
remplacement  qu'elle  mciiage  ,  elle 
procure  la  facilité  à  toutes  les  parties 
du  grain  de  fe  delTccher  uniformé- 
ment. Dès  que  le  mais  tll  égrené 
&  vanné,  on  le  porte  au  grenier,  où 
il  refte  jufqu'au  moment  qu'il  s'agit 
de  l'en  voyer  au  m  arche  pour  le  vendre , 
ou  au  moulin- pour  le  moudre  ;  n>ais, 
quelle  que  foit  fa  féclieteffe  natu- 
relle, il  faut  de  temps  en  temps  le 
remuer  avec  une  pèle  ,  ôc  le  faire 
paflTer  fuccelîîvement  d'un  lieu  dans 
un  autre,  en  le  rafraîchiilant  par  de 
l'air  nouveau.  Mais  les  ennemis  dont 
il  faut  préferver  le  maïs  ,  ce  font  les 
infedes,  fi  redoutables  àcaufe  de  leur 
petitelfe  ,  de  leur  voracité  &  de  leur 
prodigieufe  multiplication  j  le  moyen 
le  plus  efficace  poury  parvenir,  tilde 
tenir  le  grain  renfermé  dans  des  facs 
ïfolés ,  &  de  placer  ces  facs  dans  l'en- 
droit de  la  maifon  le  plus  au  nord 
&'  le  plus  (ec;  parce  que  là  où  il  n'y 
a  point  de  chaleur  ni  d'humidité , 
on  n'a  point  non  plus  de  fern-jenta- 
tion  ni  d'infeûes  à  appréhender. 


E    C    T    î     G     N 


V  1  I. 


Farine  de  maïs. 

Il  f,nn  que  le  maïs  folt  parfaite- 
ment fec  ,  pour  être  converti  en  fa- 
rine, parce  qu'autrement  il  engrap- 
peroit  les  meules ,  &  grailleroit  les 
bluteaux  :  il  eft  bon  aulîi  de  le  inoa- 
dre  à  part,  quand  on  auroit  l'inten- 
tion de  le  mêler  cnfuite  avec  les  au- 
tres grain*,.  Mais  comme  le  maïs  ne 
fauroit  être  moulu  en  une  feule  f'is., 
fans  que  le  fon  &  la  farine  ne  foient 
tédaits  au  u;cine  degré  de  ténuité  , 


MAI  373 

Se  confondus  enfemble  ,  il  feroit  à 
fûuhaiter  qu'on  adoptât,  pour  le  mou- 
dre ,  la  pratique  de  la  mouture  éco- 
nomique ,  que  les  meules  fufTenc 
rayonnées,  &;queles  bluteaux  eutlcnt 
plus  de  fine(îe.  Le  maïs,  bien  broyé, 
rend  alfez  ordinairement  les  trois- 
quarts  de  fon  poids  en  farine,  ëc  le 
relie  en  fon  :  le  déchet  n'excède  pas 
celui  des  autres  grains. 

La  farine  de  maïs  jaune  conferve 
d'autant  moins  cette  couleur  ,  qu'elle 
fe  trouve  plus  divifée  par  les  meules: 
celle  du  maïs  blanc  n'a  pas  ce  coirp 
d'œil  brillant  de  la  farine  de  froment  j 
mais  une  règle  générale  à  établir  y 
concernant  l'état  de  divifion  où  elle 
doit  être  ,  dépend  de  l'efpèce  de  pré- 
paration à  laquelle  on  a  dcllein  de  la- 
foumettre.  11  convient  que  le  grain 
ne  foit  que  concafle  j  quand  il  s'agit 
de  le  deftiner  à  des  potages  ;  plus, 
atténué  au  contraire,  dès  qu'on  veuc 
en  préparer  de  la  bouillie  ;  enfin  , 
aulli  fine  qu'il  eft  poflible  j  lorfqu'il 
eft  queftion  d'en  fabriquer  du  pain  y 
mais  cette  farine  ,  examinée  dans 
tous  les  états,  ne  contient  pas  la  ma- 
tière glu  tin  eu  fe  a  ni  ma  le  ,t]ui  fe  trouve 
dans  le  froment  &  dans  l'épeautre. 

£)e  fa  confayatlon.  Les  habitans 
des  campagnes,  qui  n'envoyent  leus 
maïs  au  moulin  que  deux  fois  paï 
mois,  dans  l'opinion  où  ils  font  que 
le  farine  ne  peut  fe  conferver  plus 
longtemps  ,  &  que  palfé  ce  terme, 
elle  contrafte  un  goût  échauffé ,  la 
garderoientbien  au-delà,  même  dans 
la  f  lifon  la  plus  chaude  ,  s'ils  la  fça- 
voient  mieux  bluter  au  foi  tir  du  mou- 
lin ,  &  qu'ils  fîlTent  toujours  ufage 
de  la  meilleure  méthode  de  la  cotr- 
ferver.  Cette  méthode  con(;fte  à  renr 
fermer  la  f  irine  dans  des  facs- ,  ai 
éloigner  les  facs   des  murs  ^.  i  Lâ^ 


374            MAI  MAI 

ifoler  de  manière  A  ce  qu'ils  ne   fe  que   l'on    obtient  avec  les  faiineu< 

touchent   par  aucun  point    de    leur  ordinaires  j  il  y  en  a  même  qui  leur 

furface  ,  &  qu'ils   lailFent  alTez   de  font  préférables  ,  &  qui  pourroienc 

vuides   entr'eux  ,  pour  permettre  à  devenir  par   la    fuite  une   nouvelle 

l'air  de  circuler  librement.  Nous  en  branchede  commerce, &unecpargne 

expliquerons  plus  en  détail  les  autres  fur  les  grains  deftinés  à  former  l'ali- 

avantages,  en  traitant  de  la  confet-  ment   principal    des    citadins  ;  mais 

vation  de   la  farine  j  puifqu'ils  font  c'eft  particulièrement  fous  la  forme 

applicables  à  tous  les  grains  ,  &   à  de  bouillie  que  le  maïs  fert  de  nour- 

tous  les   pays.  riture,  &  il  porte  alors  différens  noms, 

on   l'appelé    polenta  dans    les    pays 

Section     VIII-  chauds  de  l'Europe  \  milliajje  dans 

,,  ..       ,    .               V    r     ;    -/r  nos provinces  méridionales ,&  oai/û'ej 

MûLS  relativement  a  la  botl  on,  J       i      r-         -  „         n 

•"  en  rranche-Comte  &  en  Bourgogne  ; 

Puifque  le  maïs  contient  des  prin-  mais  c'e(t  toujours  la  farine  de  ce 
cipes  analogues  à  ceux  des  autres  grain,  plus  ou  moins  divifée  &  pur- 
grains  ,  on  peut ,  en  le  foumettant  gée  de  fon  ,  délayée  (!k:  cuite  avec 
aux  mêmes  opérations,  obtenir  des  de  l'eau  ou  du  lait,  &  relevée  par 
boiffons  deftinées  à  différens  ufages.  difFérensalfaifonnemens.  Cette  forme 
Il  remplace,  avec  avantage  ,  l'eau  eft  la  plus  iimple,  la  plus  naturelle 
d'orge  ,  de  chien-dent  &  de  riz  j  &  la  plus  convenable  au  maïs  ,  & 
pourvu  qu'on  ne  néglige  point  de  il  feroit  à  fonhaiter  que  la  bouillie 
faire  pécéder  la  décoélion  à  la  tritu-  en  général  ne  fut  jamais  préparée 
ration  ,  afin  d'enlever  d'abord  la  ma-  qu'avec  ce  grain,  &  l'on  entendroic 
tière  extradtive  de  l'écorce,  &  de  la  moins  fe  plaindre  contre  l'ufage  des 
rejeter ,  comme  étant  moins  douce  farineux.  Oh  employé  encore  le  mais 
que  celle  de  l'intérieur  ;  mais  une  fous  forme  de  galette  Se  de  pain. 
des  boiffons  les  plus  capitales  qu'on  Nous  traiterons  cet  objet  à  l'article 
puilFe  préparer  avec  le  mais,  c'eft  la  Pain. 
bière.   M.  le  marquis  de  Turgot  en 

a  fait  préparer  pendant  fon  féjour  à  Section      X. 
Cayenne ,  en  fe  fervant  d'abfynthe 

au  lieu   de  houblon  ,  &    M.   Long-  Mais  »   relativement  à  la  nourrituri 

champ,  célèbre  Braffeur  de  Paris,  a  des  animaux. 
appliqué ,  avec  un  égal  fuccès  ,  tous 

les  procédés  de  la  bralFerie  au  maïs ,  Les  bons  effets  du  maïs  ne  fe  ma- 

&c  la  bière  qu'il  en  a  obtenu,   étoit  nifeftent  pas  moins  lut  les  animaux, 

légère  &  excellente.  La  plupart  montrent  pour  cette  nour- 


Section     IX. 


riture  une  prédilection  décidée.  On 
la  leur  donne  en  fourrage,  en  épis. 


,,  ..  ,    .  ,    ,  .  en  gram  ,  en  farine  &c  en  fon  :  les 

Mais  ,  relativement  a   la  nourriture       ,    ^  ,       ,        ,-      , 

,      ,  chevaux  ,  les  bœufs ,  les  moutons  , 

pour  les  nommes.  i  ,  ,  i  -n 

^  les   cochons ,    la   volaille  ,    tous   ai- 

II  eft  en  état  de  remplacer  prefque  ment    le    maïs   Se   le  préfèrent   aux 

«outes  les  préparations  alimentaires  autres  grains  j  il  ne  s'agit  que  d'en 


M  A  I 

varier  Ia<]uanricc  &  la  forme  ,  pour 
foiueiiir  les  uns  au  travail ,  &  pour 
enç^railfer  les  autres.  Encrons  dans 
quelques  détails. 

Section      XI. 

Maïs  en  guife  d'avoine. 

Dans  le  nombre  des  grains  qui 
couvrent  la  furface  du  globe  ,  il  en 
eft  un  qu'il  faudroit  profcrire  ,  ou 
du  moins  en  reftraindre  la  confom- 
mation ,  c'eft  l'avoine  ,  dont  la  cul- 
ture abforbe  beaucoup  de  bons  ter- 
reins  ,  &  qui  ne  dédommage  pas 
fouvent  des  frais  du  labour.  L'ufage 
de  ce  grain  eft  déjà  remplacé  ,  avec 
fuccès  ,  dans  quelques  cantons  de 
l'Europe  ,  par  l'orge  ,  plante  d'une 
végétation  plus  facile  ,  &  d'une  ré- 
colte plus  certaine.  Ne  pourroit-on 
pas  ,  dans  tous  les  endroits  où  le 
maïs  eft  cultivé  en  grand  ,  nourrir 
les  chevaux  avec  le  fourrage  ëc  le 
grain  que  la  plante  fournit  ?  Quel- 
ques auteurs  afiurent  que  pour  les 
y  accoutumer  ,  il  faut  concaller  le 
maïs,  le  mêler  avec  leur  avoine  ,  & 
avoir  toujours  l'attention  de  les  faire 
boire  ,  comme  quand  on  leur  donne 
du  froment.  Enfin ,  une  moilfon  paf- 
fable  en  maïs  ,  vaut  mieux  que  la 
plus  belle  en  avoine  ,  &  on  obferve 
qu'il  a   plus  de  fubftance  que  l'orge. 

Section      XII. 

Ufage  du  maïs- fourrage. 

Parmi  les  plantes ,  dont  les  prai- 
ries naturelles  ou  artifiàelles  font 
compofées ,  il  n'en  eft  point  qui  ren- 
ferment jiutanc  de  principe  alimeu- 


Al  A  î 


375 


taire,  &  qui  plaifent  aux  animaux 
de  toute  elpèce  que  le  maïs  en  verd; 
c'eft  la  nourriture  la  plus  laine ,  la 
plus  agréable,  &:  la  plus  fubftancielle 
qu'on  puilfe  leur  préfenter  ;  ils  la 
préfèrent  à  toute  autre  ,  &:  ce  four- 
rage feché  avec  foin  ,  eft  encore  une 
relTource  précieufe  pour  les  beftiaux 
pendant  l'hiver  ,  foir  qu'on  le  leur 
donne  feul  ou  mélangé  ;  mais  dans  ce 
cas  il  eft  à  défirer  qu'on  ait  les  facilités 
nécellaires  pour  le  hacher  de  la  même 
manière  qu'on  le  fait  pour  la  paille 
deftinéeà  la  nourriture  des  animaux  , 
ils  s'en  trouveront  mieux,  &  on  éco- 
nomifera  encore  fur  la  quantité. 

Le  maïs  femé  pour  le  récolrer  eu 
grain,  ofFie  aufli,  à  différentes  épo- 
ques de  la  faifon ,  plufieurs  relTources 
pour  la  fubfiftance  des  beftiaux  ,  & 
dont  on  ne  fçait  pas  profiter  également 
par-tout  pour  les  befoins  de  l'hiver: 
tels  font  les  pieds  enlevés  des  endroits 
où  la  plante  trop  rapprochée  ,  con- 
trarieroit  elle-même  ion  développe- 
ment; les  rejetions  qu'il  faut  auili  ar- 
racher ;  la  tige  coupée  au-delTous  du 
nœud  de  l'épi  quelque  temps  avant 
la  récolte  ;  les  feuilles  qui  reftenr 
fur  la  plante  ,  &  celles  qui  envelop- 
pent l'épi.  Toutes  ces  parties  étant 
retranchées  à  propos  ,  fechées  au  fo- 
leil  ,  &c  mifes  en  réferve  ,  peuvent 
fournir  encore  un  excellent  fourrage, 
fins  nuire  i  la  grofteur  &c  à  l'abon- 
dance des  épis  :  enfin  ,  on  conçoit 
combien  une  plante  qui  donne  des 
récoltes  aulli  abondantes  ,  eft  avanta- 
geufe  pour  les  cultivateurs  ,  puif- 
qu'elle  les  mettra  à  portée  d'augmen- 
ter leurs  troupeaux  ,  d'avoir  un  plus 
grand  nombre  d'animaux  deftinés  au 
labourage  ,  à  fournir  du  lait  ,  à  être  ' 
engrailfés ,  &  qu'ils  obtiendront  plus 
de  fumier. 


37<^ 


MAI 


MAI 


E    C    T    I    O    N 


X  I  î  I. 


Maïs  pour  le  bétail. 

D.ms  l'Amérique  feptenrrionale 
9X\  ne  fe  donne  pas  la  peine  d'égre- 
ner le  maïs  pour  le  bétail  ,  on  lui 
jette  les  épis  entiers  \  mais  il  faijc 
convenir ,  que  pour  que  cette  méthode 
foie  avantageufe,  le  maïs  doit  être 
nouveau ,  parce  qu'alors  la  totalité  de 
la  grappe  fert  de  nourriture  ,  tandis 
que  trop  dure  ,  elle  n^a  plus  de  fa- 
veur. Les  fameux  cochons  de  Naples 
ne  fo!U  engraiffes  que  par  ce  moyen , 
&  l'auteur  de  l'Ecole  du  Jardin-po- 
tager,  alTure  ,  pour  les  avoir  vus, 
qu'ils  pèfent  jufqu'à  cinq  cens  livres, 
&  que  pour  les  amener  à  ce  volume 
énorme,  il  fuffit  de  les  enfermer 
pendant  deux  mois  dans  une  loge 
où  il  y  a  une  auge  toute  remplie  de 
ce  grain.  On  a  remarqué  en  Bour- 
gogne ,  que  quand  les  cochons  étoient 
un  peu  gras ,  6c  qu'ils  commençoient 
à  fe  dégôîiter,  on  leur  donnoit  tous 
les  quinze  jours  du  maïs  entier  non 
feché  ,    &  bouilli  dans  l'eau. 

Section      XIV. 

Mais  pour  l'engrais  des  volailles. 

Les  volailles  de  toute  efpèce  ,  pro- 
iîtent  à  vue  d'ceil  ,  nourries  avec  du 
iiiaïs  cria  ,  ou  cuit  ,  en  farine  ,  ou 
en  boulette  \  elles  prennent  beaucoup 
de  graille ,  &  leur  chair  acquiert  un 
goût  fin  &  délicat  :  au(îî  les  plus  efti- 
raées  viennent-elles  des  endroits  où 
ce  grain  eft  ailtivé  en  grand.  Les 
chapons  de  la  Breffe  ,  les  ciuiïes 
d'oyes ,  les  foies  Je  canards ,  fi  renom- 
jnés  dans  toute  TEurope  ,  doivent 
leurs  avantages  en  partie  au  maïs. 


Section     XV. 
De  fes   propriétés  médicinales'. 

Indépejidamment  de  la  nourriture 
falutaire  que  le  maïs  fournit  à  l'hom- 
me &  aux  animaux  ,  on  lui  attribue 
encore  des  propriétés  médicinales  j 
mais  ces  propriétés  font,  comme  on 
le  penfe  bien ,  moins  fenfibles  chez 
les  perfonnes  qui  font  un  ufage  jour- 
nalier de  ce  grain  ,  parce  que  l'habi- 
tude le  rend  bientôt  indifférent  à  l'é- 
conomie animale,  &  que  toute  nour- 
riture ne  conferve  plus ,  au  bout  d'un 
certain  temps  ,  que  l'effet  alimen- 
taire. 

Les  potages  &  les  bouillies  claires , 
en  forme  de  gruaux  ,  compofés  de 
farine  de  maïs  ,  pallent  pour  être 
très-falutaires  ,  &  tellement  faciles 
à  digérer  ,  que  fouvent  les  médecins 
les  prefcrivent  comme  remèdes  aux 
malades  &  aux  convalefcens  ;  mais 
un  des  effets  que  produit  alfez  conf- 
tamment  le  maïs,  fous  quelque  forme 
qu'on  s'en  ferve,  c'eft  de  porter  aux 
urines  j  &  les  voyageurs  les  plus  dignes 
de  foi  ,  prétendent  que  l-es  Indiens, 
avant  leur  conquête  ,  ignoroient  les 
maladies  des  reins ,  de  la  vtllie  ,  & 
particulièrement  la  pierre  :  enfin  , 
M.  Desbiey,  dans  fon  mémoire  Ave 
les  landes,  couronné  par  l'Académie 
de  Bordejîux  ,  aflure  que  depuis  que 
la  culture  du  maïs  a  été  introduire 
en  Gafcogne  ,  les  habitans  qui  en 
font  leur  nourriture  principale  ,  ont 
été  délivrés  des  apoplexies  auxquelles 
ils  étoient  très-fujets  auparavant.  Si 
cette  obfervation  eft  fondée  j  elle 
fuffit  feule  pour  répondre  aux  objec- 
tions qu'on  a  faites  coiitre  la  nour- 
riture du  maïs  ,  en  l'accufant  d'oc- 

cafionnes 


M  A  I 

cafionner  des  plccores  humorales  & 
fangiiiiies.  Mais ,  encore  une  fois , 
c'eft  à  l'expérience  &  à  l'obfervarion 
qu'il  appartient  de  prononcer.  Tout  ce 
qu'il  y  a  de  bien  conftaté  j  c'ell  qu'en 
.parcourant  les  campagnes  de  plufieurs 
de  nos  provinces  ,  on  voit  que  leurs 
habitans  ,  qui  vivent  de  maïs,  font 
portés  à  donner  la  préférence  à  ce 
grain,  lors  même  qu'ils  en  ont  d'au- 
tres &  que  leur  vigueur  &  leur  po- 
pulation fuffifent  pour  atteller  la 
faliibrité  de  cette  nourriture. 

MAINS  ou  VRILLES.  (  Bo:.)  Ce 
font  ces  filets  herbacés  ,  dont  quel- 
ques tiges  de  plantes  font  pourvues 
pour  pouvoir  s'accrocher  aux  corps 
qui  les  avolfinent.  La  vigne,  les  pois, 
Sic.  ont  des  mains.  (  /^oyt^^  le  mot 
Vrilles)  M. M. 

MAL  D'ANE.  Médecine  vété- 
rinaire. C'efl:  une  maladie  fem- 
blable  aux  peignes,  (  f-^.o}<:\  ce  mot) 
qui  fe  manifelte  par  de  petites  cre- 
valfes  autour  de  la  couronne  de  l'àne 
&  du  cheval.  L'animal  boite  con- 
tinuellement j  la  démangeaifon  qui 
a  lieu  prefque  toujours  dans  cette 
partie  ,  l'incite  à  y  porter  la  dent , 
ce  qui  luioccafionne  quelquefois  non- 
feulement  un  dégoût,  mais  une  ef- 
pèce  de  dartre  &  des  ulcères  à  la 
langue  &  aux  autres  parties  de  la 
bouche.  (  i^oye:^  Dartre  ;  Se  quant 
au  traitement  de  la  maladie  dont  il 
s'agit,  conJulcc'[  les  mots  Arrête  eu 
Queue  de  rat.  Crevasse,  Eaux 
AUX  jambes  ,  Peignes  ,  &:c.  )  M.  T. 

MAL  DE  CERF.  Médecine  vé- 
tÉrinatre.  Le  cheval  qui  eft  atteint 
de  cette  maladie,  éprouve  une  tenfion 
Tome  FI, 


MAL  377 

fpafmodique  dans  les  mufcles  de  la 
mâchoire  poftérieure,  dans  ceux  des 
yeux,  des  oreilles,  dans  ceux  de  l'en- 
colure du  corps ,  de  la  croupe ,  de  la 
queue,  &  dans  ceux  des  extrémités. 
Ce  fpafmen'eft  pas  toujours  général, 
il  fe  borne  quelquefois  aux  mufcles 
de  la  mâchoire  poftérieure  ;  pour  lors 
on  le  nomme  cic  de  l'ours  ;  d'autres 
fois  il  faifit  les  mufcles  du  globe  de 
l'œil ,  alors  on  lui  donne  le  nom  de 
firabifine.  (  Voye-{  ces  mots  ) 

Lesjîgnes  qui  cara£bérifent  le  mal 
de  cerf  ^  ou  le  fpafme  qui  attaque  gé- 
néralement toutes  les  parties  qui 
compofent  le  cheval  ,  s'annoncent 
par  une  roideur  qui  s'empare  rout-à- 
coup  des  mufcles  du  corps,  &:  ferre 
fi  fortement  les  mâchoires  de  cet 
animal,  qu'il  n'eft  prefque  pas  pof- 
fible  de  les  ouvrir.  Il  élève  d'abord 
fa  tête  &  fon  nez  vers  le  râtelier, 
fes  oreilles  font  droites  ,  fa  queue  eft 
retroulîée,  fon  regard  eft  empreft^c 
comme  celui  d'un  cheval  qui  a  faim, 
&  auquel  on  djnne  du  foin  5  l'enco- 
lure elt  fi  roide  ,  qu'à  peine  peut-on 
la  mouvoir;  s'il  vit  quelques  jours 
dans  cer  état,  il  :.'élève  des  nœuds  fur 
les  parties  cendineufes,  tous  les  muf- 
cles de  l'avant- main  &  de  l'arrière- 
main  éprouvent  un  fpafme  fi  violent, 
qu'on  diroit ,  en  voyant  lâs  jambes 
du  cheval  ouverrcs  &  écartées ,  que 
fes  pieds  font  cloués  au  pavé;  fa  peau 
eft  fi  fortement  collée  fur  toutes  les 
parties  de  fon  corps,  qu'il  n'eft  pref- 
que pas  polhble  de  la  pincer  ;  les 
mufcles  de  fes  yeux  font  fi  tendus, 
que  fi  on  ne  regardoit  qu'à  l'immobi- 
lité de  ces  organes,  on  croiroic  que 
l'animal  eft  mort  :  mais  il  ronfle  &  il 
éternue  fouvent,  fes  flancs  font  fore 
agités,  fa  refpiration  eft  très- pénible. 

Quaiit  à  révènema3t:da  cette  ma- 
Bbb 


378 


MAL 


ladie ,  elle  cède  ou  fait  mourir  le 
cheval  en  peu  de  jours. 

La  çiiufe  immédiate  du  fpafme  j 
connu  parmi  les  maréchaux  fous  le 
nom  de  mal  de  cerf  ^  réfide  dans  la 
crifpation  des  nerfs  qui  tend  la  fibre 
dont  ils  font  compofés  ,  au  point  de 
les  faire  réfifter  à  î'adlion  du  fens  in- 
térieur j  cette  crifpation  eft  occa- 
fionnée  par  l'âcreté  de  quelques  ma- 
tières qui  irritent  le  genre  nerveux 
en  général,  ou  qui  agilîant  fur  une 
feule  partie,  communique  l'irritation 
qu'elle  y  produit  à  toute  la  machine, 
parce  que  fes  reflorts  réagilfant  tous 
les  uns  fur  les  autres ,  l'un  ne  fauroit 
être  vivement  ébranlé  fans  que  les 
autres  y  participent. 

La  blelTure  d'un  tendon ,  &  prin- 
cipalement celle  de  la  dure-mère, 
peut  produire  un  fpafme ,  qui  roidit 
&  rend  immobile  rout  le  corps  de 
l'animal  qui  en  eft  atteint,  car  l'ex- 
périence nous  apprend  ,  qu'en  por- 
tant l'extrémité  inférieure  de  la  têre 
du  cheval  au  poitrail ,  fi  l'on  plonge 
un  poinçon  de  fer  entre  l'occipital  & 
la  première  vertèbre  cervicale,  fur  le- 
champ  fon  corps  &  fes  membres  de- 
viennent roides ,  &;  il  meurt  dans  un 
vrai  état  de  fpafme,  ce  qui  n'arrive 
poinr  fi  on  l'cgorge,  &  qu'on  le  lailfe 
mourir  par  la  perte  de  fon  fang  ;  il 
périr  alors  dans  des  mouvemens  con- 
vuUifs  ,  parce  que  raffoibliffement 
fucceilif  de  fes  forces  rend  fes  or- 
ganes incapables  d'une  aétion  régu- 
lière ;  tandis  que  dans  le  premier  cas , 
la  caufe  qui  détruit  l'animal  eft  vio- 
lente &C  prompte,  de  forte  que  le 
fpafme  eft  la  fuite  de  la  deftruélion 
fubite  des  forces  centrales,  parce  que 
celles  delà  circonférence  n'éprouvant 
plus  de  leur  part  cette  réaftion  qui 
maintenoit  leur  équilibre  ,  fe  déve- 


MAL 

loppent  autant  qu'il  eft  en  elles,  ce 
qui  donne  à  la  fibre  nerveufe  une 
tenfion  qui  ne  lui  permet  plus  aucun 
mouvement. 

Nous  concluons  de  ce  qui  vient 
d'être  dit,  que  le  fpafme  univerfel  , 
ou  le  mal  de  cerf,  dépend  de  deux 
caufes  prochaines  \  l'une,  de  l'âcreté 
de  quelques  humeurs  qui  irritent  vi- 
vement le  genre  nerveux,  &  l'autre, 
de  la  bleffurede  certaines  parties  ten- 
dineufes  ou  aponévrotiques ,  dont  l'é- 
branlement &  l'irritation  fe  commu- 
niquent à  toute  la  machine. 

La  cure.  L'indication  que  préfente 
la  première  caufe  ,  eft  d'adoucir  ou 
d'expulfer  l'humeur  irritante  ;  mais 
comme  les  accidens  de  cette  maladie 
menacent  le  fuiet  d'une  mort  pro- 
chaine ,  on  eft  fouvent  obligé  de 
travailler  à  les  calmer  avant  de  s'oc- 
cuper à  en  détruire  la  caufe.  Les 
bains,  les  fomentations  émoUientes 
font  pour  cela  le  remède  le  plus 
prompt  &  le  plus  fur  qu'on  puifte 
employer^  ils  produifent  un  relâche- 
ment qui  ne  manque  jamais  de  fou- 
lager  l'animal,  &  comme  fouvent  le 
premier  fiège  de  l'irriration  fe  ren- 
contre dans  la  région  épygaftrique, 
ou  à  l'eftomac,  ou  au  diaphragme, 
&  que  d'ailleurs  ces  organes  font  le 
centre  de  routes  les  forces  animales, 
il  eft  très-intérelfant  d'en  relâcher  les 
reftorts  qui  font  alors  dans  une  très- 
grande  tenfion.  L'ufige  de  l'huile 
d'olive ,  de  celle  de  graine  de  lin  , 
des  bollfons  émollientes ,  opère  de 
très  bons  effets. 

Les  faignées,  par  le  relâchement 
qu'elles  procurent;  les  narcotiques, 
par  leur  vertu  d'engourdir  le  genre 
nerveux  &  de  le  rendre  moins  irri- 
table ;  font  aiifli  des  remèdes  qui 
doivent  être  employés  &  réitérés  fui- 


MAL 

vant  la  nature  &  riiuenfité  des  ac- 
cidens. 

Quand  on  a  calmé  les  fymptômes 
les  plus  prelfans  ,  &c  que  le  danger 
eft  devenu  moins  inftanc,  on  doit  tra- 
vailler à  en  détruire  la  caule,  &  pour 
cela  il  faut  s'affurer  de  fa  nature, 
afin  de  la  combattre  par  des  remèdes 
convenables. 

Sic'eft  une  tranfpiratîon  fupprimée 
qui  a  occafionné  le  fpafme,  connu 
fous  le  nom  de  mal  de  cerf ,  il  fiut 
employer  les  diaphorétlques ,  les  fudo- 
ritiques,  étriller,  brolTer  &  bouchon- 
ner fortement  l'anisnal  pour  la  ré- 
tablir. 

Si  on  a  lieu  de  foupçonner  que 
quelque  humeur  acre  irrite  l'eftomac 
&  les  inteftins,  telle  qu'une  bile  éru- 
gineufe,  &  quelques  fubftances  vé- 
néniufes,  prifes  avec  les  alimens,  il 
faut  avoir  recours  aux  purgatifs  &: 
aux  lavemens. 

Quant  à  l'indication  curative  que 
prcfente  la  féconde  caufe ,  il  faut 
avoir  promptement  recours  à  tous  les 
moyens  capables  de  détruire  l'irrita- 
tion que  fouffre  la  partie  tendineufe 
ou  aponévrotique  blelTée.  Si  elle  eft 
caufée  par  le  déchirement  ou  la  fec- 
tion  imparfaite  de  quelques  nerfs  , 
il  faut  dilater  la  plaie ,  &  même 
couper  en  entier  le  tendon  ou  l'apo- 
névrofe ,  fi  une  fimple  dilatation  ne 
fuffit  pas. 

Mais  fi  l'importance  ou  la  fitua- 
tlon  de  la  partie  blefTce ,  demande  des 
ménagemens  dans  les  incifions  qu'on 
voudroit  faire,  il  faut  avoir  recours 
aux  topiques émollients  &:  relâchans, 
&  lorfqu'ils  font  infuffir.ins ,  on  em- 
ployé les  dedicatifs  qui  détruifent 
la  fenfibilité  dans  l'endroit  blelTé. 
L'huile  de  térébenthine  réuflit  affez 


MAL 


379 


fouvent  à  calmer  les  accidens  de  la 
blelTure  des  tendons  ^  fi  elle  ne  fufiit 
pas,  il  faut  fe  fervir  de  l'huile  bouil- 
lante ,  &c  même  du  cautère  aébuel  ou 
potentiel. 

Et  s'il  arrive  que  l'irritation  foie 
entretenue  parla  préfence  d'un  corps 
étranger,  ou  par  l'âcreté  de  quelques 
humeurs,  qui,  n'ayant  pas  une  liFue 
facile,  féjomnent  dans  la  partie  bief- 
fée  &c  s'y  corrompent ,  dans  le  pre  ■ 
mier  cas ,  il  fmt,  par  tous  les  moyens 
qu'indique  la  chiiurg:e  vétérinaire  , 
taire  l'extraétion  du  corps  étranger} 
dans  le  fécond,  il  but  donner  illue 
à  la  matière  ,  en  dilatant  la  plaie 
&  en  faifant ,  fi  le  cas  l'exi^^e ,  des 
contre -ouv'crmrts  ,  &  cher;  hei  tn 
même -temps  à  adouCit  râcrccé  de 
l'humeur  par  des  décerfifs  adoucil- 
fans ,  onélueux,  niucilagineux  ,  tels 
que  le  miel  rofat,  l'huile  d'amande 
douce  ,  l'onguent  d'althxa  ,  les  mu- 
cilages de  pfilUum ,  de  mauve  ,  Sic. 
M.  B.  R. 

MALDEFEU,  ou  D'ESPAGNE. 
Médecine  vétérinaire.  En  hip- 
piatrique,  nous  délignons  fous  ce 
nom  une  maladie  dans  laquelle  le 
cheval  a  un  air  trifte  ,  porte  la  tête 
baiïe ,  ne  fé  couche  que  rarement  , 
s'éloigne  toujours  de  la  mançieoire, 
avec  fièvre ,  &c  un  battement  de  flancs 
confidérable. 

Comme  l'expérience  prouve  que 
cette  maladie  n'eft  orciinairtinent 
qu'un  fymptome  ti'une  m;i!aàie  ef- 
fentielle,  telle  que  lap!ear.'fit,  la  pé- 
ripneumonie,  &c. ,  nous  renvoyons 
le  leéVeur  à  ces  articles,  quant  aux 
caufes,  &  au  traicemenr. 

Nous  obferverons  feulement  ici  que 
les  maréchaux  font  dans  l'erreur  de 
prendre  pour  diagnoftic,  la  chûtedes 
B  b  b  2 


38g  mal 

crins ,  qui  a  lieu  à  la  fuite  de  cette 
maladie.  Nous  fommes  bien  aife  de 
leur  apprendre  que  les  erins  tom- 
bent prefque  toujours  à  la  fuite  des 
maladies  inflammatoires  ,  &  que  ce 
phénomène  n'elt  jamais  le  caradère 
du  mal  de  feu.   M.  T. 

MAL  DEFEU  des  brebis.  (  Foyei 
Brûlure.  Tom.  II  ,  pag.  477  j 
col.    I.  ) 

MAL  ROUGE.  Médecine  vé- 
térinaire. Cette  maladie  épizoo- 
tique  ,  qui  attaque  tous  les  ans  les 
bêtes  à  laine  de  plufieurs  provinces , 
porte  différens  noms.  On  l'appelle 
mal. rouge  ,  maladie  rouge  ,  à  caufe 
du  fang  que  quelques-unes  d'elles  ren- 
dent particulièrement  par  la  voie  des 
urines.  Dans  le  bas -Languedoc  on 
l'appelle  maladie  d'été,  parce  qu'elle 
exerce  fes  ravages  après  l'hiver  ;  & 
€nfin  ,  maladie  de  Sologne ,  parce 
que  ,  d'après  les  obfervations  de  M. 
l'abbé  Telîier  ,  c'eft  le  pays  où  elle 
cil  le  plus  généralement  répandue. 

Symptômes   &  Jîgnes  de  la  maladie 


Il  eft  difficile  de  s'appercevoir  dans 
les  premiers  inftans ,  quand  des  bctes 
à  laine  en  font  attaquées  ,  parce 
qu'elles  font  mêlées  à  un  grand 
nombre  d'autres  bètes ,  ce  qui  em- 
pêche de  diftinguet  celles  qui  font 
malades.  On-  n'en  eft  alfuré ,  que 
lorfque  dans  la  faifon  où  règne  l'c- 
pizootie ,  on  les  voit  rallentir  leur 
marche  ,  s'écarter  du  troupeau  ,  ne 
brouter  que  d'une  manière  languif- 
fante  la  pointe  des  hetbes  ,  au  lieu 
de  les  dévorer  jufqu'à  la  racine  ,  re- 
venir  à  la   bergerie  avec  le  ventre 


MAL 

applati ,  l'air  trifte,  les  oreilles  baffes 
&  la  queue  pendante.  Alors  ,  fi  on 
les  examine  de  près  on  leur  trouve 
l'œil  terne  ,  larmoyant  &   prefque 
couvert  ;  le  globe  &  les  vaiffeaux  qui 
s'y   diftribuent ,  les  lèvres,  les  gen- 
cives   &  la  langue   blanchâtres,  ou 
livides  \  les    nafeaux    font   remplis 
d'une  humeur  épailfe  qui  les  bouche  j 
les  urines  font  ordinairement   rares 
&  coulent  lentement  j  la  tête  eft  fou- 
vent  gonflée  ,  ainfi  que  les  jambes  de 
devant.  La  foiblelTe  des  bêtes  malades 
eft  telle ,  qu'on  les  fait  tomber  faci- 
lement ,  li  on    applique  la  main  fur 
leurs  reins  j  elles  ne  font  aucune  ré- 
fiftance   lorfqu'on  les  faifit  par  une 
jambe  de  derrière  \  la    laine  ,   donc 
les  filamens,  à  la  tête  fur-tout,  font 
drelTés  &  hérilTés ,  eft  d'une  moUelfe 
extrême  ,  au  point  que  les  hommes, 
qui  tondent  as,  animaux,  jugent  que 
ceux   dans    lefquels   ils  remarquent 
ces  lignes  ,  font  malades ,  ou  le  de- 
viendront bientôt.  Lorfque  les  bêtes 
à  laine  font  attaquées  de  cette  ma- 
ladie ,  elles  cherchent  l'ombre,  fans 
doute  pout  fe  garantir  des  mouches 
qui   fe   jettent    fur   elles   en   grand 
nombre  ,  fans  qu'elles  falTent  aucun 
efFott   pour    les   chafler.   Souvent  il 
s'en  perd  au  milieu  des  bruyères  ,  où 
elles  périlfent  &  deviennent  la  proie 
des  chiens  &  des  oifeaux  de  proie. 
Le  plus  fouvent  elles  reftent  auprès 
des  métairies  ,  parce  que  le  berger  ne 
peut  les  déterminer  à  fuivre  les  autres. 
Quand  le  mal  eft  dans  fa  force,  elles 
portent   la  tête  bafle  jufqu'à  plonger 
le  mufeau  dans  la  terre  j  l'épine  du 
dos  fe  courbe  ;  les   quatre   pieds  fe 
rapprochent  \  elles  reftent  immobi- 
les ,  tantôt  debout,  tantôt  couchées, 
battant  du  flanc  ,   &  refpirant  avec 
peine.  A  cette  époque  on  les  fait  fuf- 


MAL 

foquer  facilement  ,  fi ,  en  leur  exa- 
minant rintcrieur  de  la  gueule ,  on 
la  tient  quelque  temps  ouverte.  On 
ne  peut  guères  f-iger  de  leur  poulx  j 
car  les  bêtes  à  laine  font  fi  timides, 
que  même  ,  dans  l'état  de  fanré,  (es 
battemens  en  font  accélères  &  irré- 
guliers ,  lorfqu'on  les  faifit  pour  leur 
tâter  le  cœur  ou  l'artère  crurale.  La 
maladie  ,  parvenue  à  fon  dernier 
terme  ,  il  fort  de  la  gueule  des  bêtes 
une  bave  écumeufe^  leurs  extrémités 
font  froides  :  on  en  voit  beaucoup  , 
qui  ,  avec  leurs  excrémens  ,  tantôt 
fluides ,  tantôt  de  confiftance  moyen- 
ne ,  rendent  un  fang  peu  foncé  ,  & 
en  petite  quantité  ,  ou  par  le  nez , 
ou  par  la  voie  des  urines  :  circonf- 
tance  d'où  vraifemblablement  la  ma- 
ladie a  pris  fon  nom.  Quelques 
bêtes  ont  de  longs  frilfons  ;  d'au- 
tres font  fi  altérées ,  qu'elles  boivent 
abondamment  quelque  efpèce  de 
boifTon  qui  fe  préfente  :  peu  de  temps 
avant  la  mort  il  leur  furvient  un  flux 
extraordinaire  d'urine.  Aucune  de 
celles  qui  bavent  ,  ou  qui  rendent 
du  fang  ,  ou  qui  boivent  abondam- 
ment ,  ne  guérit  de  la  maladie. 

La  durée  de  cette  maladie  eft  ordi- 
nairement de  fix ,  huit ,  dix ,  ou  douze 
jours,  quelquefois  plus 5  mais  rare- 
ment moins  ,  à  compter  du  moment 
où  les  bêtes  à  laine  cefTent  de  man- 
ger &  de  ruminer  ,  jufqu'à  celui  de 
leur  mort.  Si  elles  en  reviennent  quel- 
quefois ,  leur  rétabliffement  fe  fait 
lentement.  Nous  avons  obfetvé,  ainfi 
que  M.  l'abbé  Teflîer  ,  que  les  bêtes 
les  premières  frappées  de  la  maladie, 
périflent  plus  prompcement  que  les 
autres. 

Caufes,  D'après  les  obfervations 
de  M.  l'abbé  Teffier ,  la  maladie  rouge 
ne  parollfant  pas  contagieufe ,  ce  fça- 


MAL 


3S1 


vant  a  cru  qu'il  falloit  en  chercher 
la  caufe  dans  la  manière  dont  on 
foignoit  en  Sologne  les  bêtes  à  laine, 
&  dans  la  qualité  des  pâturages.  Voici 
ce  que  fes  recherches  lui  ont  appris. 

Au  mois  de  novembre  on  forme, 
dans  chaque  métairie,  deux  troupeaux, 
l'un  ,  de  brebis  pleines  ,  &  qui  fout 
d'un  âge  plus  ou  moins  avancé;  on 
y  joint  de  jeunes  femelles  de  l'an- 
née d'auparavant  ,  parmi  lefquclles 
quelques-unes  ont  des  agneaux  au 
mois  de  mars  fuivant. 

Le  fécond  troupeau  eft  compofé 
d'agneaux  nés  au  mois  de  mars  pré- 
cédent. 

Chacun  eft  conduit  féparémentaux 
champs,  quelque  temps  qu'il  fa  lie , 
à  l'exception  des  jours  de  très-grandes 
pluies.  On  ne  donne  jamais  rien  aux 
bêtes  à  laine  à  la  bergerie;  où  il  n'y  a 
pas  même  des  ratelliers  ;  enforte 
qu'elles  ne  vivent  que  de  ce  qu'elles 
trouvent  aux  champs.  Si  la  terie  n'tft 
pas  couverte  de  neige  jufqu'à  la  mi- 
janvier  ,  ou  jufqu'après  les  gelées  , 
elle  fournit  allez  de  nourriture  aux 
bêtes  à  laine  ;  mais  elles  en  manquent 
en  février.  Lorfqu'il  y  a  de  la  neige, 
on  les  conduit  dans  les  lieux  plantés 
de  genêt  ,  ou  dans  les  plus  hautes 
bruyères,  ou  le  long  des  haies.  C'eft 
alors  qu'elles  foufFrent  encore  la  faim. 

C'eft  à.  la  fin  de  février,  &  dans 
le  courant  de  mars  ,  que  les  brebis 
font  leurs  agneaux.  Elles  feules  ,  à 
certe  époque,  font  conduites  dans  les 
terres  où  l'on  a  récolté  du  feigle,  ôc 
où  il  y  a  de  l'herbe  qu'on  leur  a  ré- 
fervée. 

Si  la  faifon  eft  favorable,  l'herbe 
poufte  au  mois  d'avril,  &  les  trou- 
peaux en  trouvent  abond.imment. 

Alors ,  on  expofe  dans  ]es  ber- 
geries des  agneaux  de  lait,  des  bran- 


38t  MAL 

chages  d'arbres  ,  garnis  de  feuilles, 
&  coupés  au  mois  de  fepceinbre  , 
afin  de  les  accoutumer  à  brouter. 
Dès  le  commencement  de  maij  ils 
font  menés  indillindement  dans 
toute  efpèce  de  pâturage  ,  parce  que 
les  liabitans  de  Sologne  font  perfua- 
dés  qu'un  agneau ,  tant  qu'il  tète  , 
ne  peut  jamais  contrader  la  pourri- 
ture. (  f^oye:^  ce  mot  )  Perfuadés 
également  que  vers  la  fin  du  même 
mois ,  ces  jeunes  animaux  n'ont  plus 
befoin  de  lait  ,  ils  traient  les  mères 
pour  faire  du  beurre,  &  fouvent  ils 
commencent  à  les  traire  plutôt. 

Si  les  bergères  écoutoient  les  or- 
dres de  leurs  maîtres  ,  elles  écarte- 
roient  prefque  toujours  les  brebis  & 
les  moutons  qu'on  ne  veut  pas  en- 
grailTer,  des  pâturages  humides  ,  qui 
leur  font  funeftes.  Mais,  fouvent, 
malgré  les  défenfes  ,  elles  les  y  laif- 
fent  aller ,  ou  par  négligence ,  ou  dans 
le  deffein  de  leur  procurer  une  nour- 
riture plus  abondante. 

Les  brebis ,  les  moutons  &  les 
agneaux  paiflent  dans  les  chaumes  de 
feigle ,  après  la  récoire  qui  s'en  eft 
faite  en  juillet;  on  ne  les  mène  paî- 
tre ailleurs  qu'à  la  fin  de  feprembre. 

La  Sologne  ,  pays  compris  entre 
la  Loire  &  le  Cher ,  eft  prefque  per- 
pétuellement abreuvée  d'eau.  Le  fol 
en  eft  compofc  de  fable  &  d'argile 
qu'on  trouve  à  deux  pieds  ou  deux 
pieds  &  demi  de  protondeur.  11  n'y 
a  nulle  parr  un  aulli  grand  nombre 
d'étangs.  Prefque  par-tout  on  y  voit 
des   plantes  aromatiques. 

Les  bergeries  de  Sologne  ,  où  l'on 
renferme  les  bêtes  à  laine,  font  hu- 
mides, mal  clofes  &  fans  litière  j  fou- 
vent ces  animaux  font  aux  champs 
par  la  pluie  ,  &  confiés  à  des  jeunes 


MAL 

filles  ,  incapables   d'attention.    Que 
réfulte-t-il  de  toute  cette  conduite  ? 

i".  Que  les  brebis  pleines  fouf- 
frent  de  la  faim  pendant  l'hiver ,  & 
fur-tout  dans  les  derniers  mois  de 
leurgeftation,  temps  où  elles  auroient 
befoin  d'une  nourriture  plus  fubftan- 
tielle  &■  plus  abondante  que  jamais. 

2°.  Que  les  agneaux  qui  en  pro- 
viennent font  foibles,  languiflans , 
ôi.  remplis  d'obftrudtions. 

5°.  Qu'ils  fegorgent  d'herbes  hu- 
mides dans  les  pâturages  où  on  les 
conduir ,  &  avec  d'autant  plus  d'avi- 
dité ,  que  leurs  mères  ont  moins  de 
lait. 

4".  Qu'étant  déjà  d'une  conftitu- 
tion  foible  &  lâche  pendant  la  pre- 
mière année ,  ils  ne  peuvent  fup- 
porter ,  dans  l'hiver  fuivant ,  les  ef- 
fets de  la  faim,  fans  être  expofés, 
au  printemps  ,  à  une  maladie  occa- 
fionnée  par  le  relâchement. 

Plus  le  mois  d'avril  eft  pluvieux  , 
plus  la  maladie  rouge  eft  confidéra- 
ble  en  Sologne  :  (  c'eft  une  obfer- 
vation  que  nous  n'avons  point  faite 
dans  le  bas-Languedoc.  )  Les  ravages 
qu'elle  exerce  font  d'autant  plus 
grands ,  que  les  pâturages  font  plus 
humides. 

Plutôt  on  donne  les  béliers  aux 
brebis,  ou  ce  qui  eft  la  même  chofe, 
plutôt  on  fait  naître  les  agneaux  , 
plus  la  maladie  rouge  en  enlève. 
Dans  ce  cas ,  la  faifon  n'étant  pas 
encore  alTez  avancée  ,  les  brebis  ne 
trouvent  pas  d'herbes  aux  champs , 
&  ne  peuvent  fournir  alfez  de  lait  à 
leurs   agneaux  pour  leur  fubfiftance. 

Cette  maladie  dépendant  donc, 
comme  on  vient  de  le  voir,  des  foins 
qu'on  a  des  bêtes  à  laine,  fur -tout 


MAL 

des  brebis  pleines ,  &  de  l'humiolité 
du  fol  ,  on  doit  bien  comprendre 
pourquoi  elle  attaque  particulière- 
ment les  agneaux  &c  les  anthénois  ; 
pourquoi  elle  n'eft  pas  auffi  confidé- 
rable  tous  les  ans. 

S'il  arrive  fouvent  de  grandes 
mortalités  qui  dctruifenc  la  moitié, 
ou  plus  de  la  moitié  des  troupeaux , 
on  doit  chercher  la  caufe  de  ces  ra- 
vages extraordinaires  dans  les  trou- 
peaux achetés  à  des  marchands,  que 
l'on  introduit  dans  les  métairies ,  & 
qui  viennent  des  lieux  humides. 

Prîfervatlf  de  la  maladie  rouge. 

Quand  il  feroit  poffible  de  guérir 
facilement  toutes  les  maladies  des 
beftiaux,  chaque  fois  qu'elles  repa- 
roiflent  ,  il  ne  feroit  pas  moins  in- 
térellant  de  leur  chercher  de  fûrs 
préfervatifs.  La  multiplicité  des  occu- 
pations des  cultivateurs,  le  peu  d'ha- 
bitude qu'ils  ont  d'appliquer  des  re- 
mèdes ,  les  foijis  qu'il  faut  pour  les 
employer  convenablement,  tout  doit 
faire  craindre  que  fi  on  ne  leur  pré- 
fentoit  que  des  moyens  de  les  guérir, 
même  aifurés  ,  ils  ne  perdîlfent  en- 
cote  un  grand  nombre  de  leurs  bef- 
tiaux. Mais  ils  font  bien  plus  en  droit 
de  défirer  qu'on  leur  enfeigne  des 
préfervatifs  pour  une  maladie  qu'on 
n'ofe  encore  fe  fl.uter  de  combattre 
avec  fuccès  lorfqu'elle  eft  déclarée, 
telle  eft  la  maladie  rouge  ;  on  ne 
peut  en  indiquer  de  ce  genre ,  que 
d'après  l'examen  descirconftances  qui 
l'accompagnenr  ,  &  d'après  l'érude 
de  fes  fymptomes  &  de  fes  effets. 
Voici  ceux  qui  ont  paru  à  M.  l'Abbé 
TefTier  les  moins  douteux ,  non  pas 
pour  éteindre  entièrement  la  mala- 
die, d'autant  plus  qu'elle  dépend  en 


MAL  385 

partie  de  la  nature  du  fol  de  la 
Sologne  ;  mais  pour  en  diminuer  , 
autant  qu'il  eft  pollible,  les  ravages. 
Procurer  un  écoulement  aux  eaux 
ftagnantes  de  la  Sologne ,  en  creu- 
fant  le  lit  des  rivières  &  des  ruiftèaux , 
&  en  y  pratiquant  des  canaux,  comme 
il  y  a  lieu  de  croire  qu'il  y  en  avoir 
autrefois ,  par  les  traces  qu'on  en  ren- 
conrre  dans  beaucoup  d'endroits  ;  ce 
feroit ,  fans  doute  ,  la  manière  la  plus 
fine  de  donner ,  à  la  fois ,  à  cette  pro- 
vince ,  &  la  falubrité  ,  &  la  fertilité 
dont  elle  a  le  plus  grand  befoin.  Ces 
terres,  étant  alors  moins  humides, 
&  les  récoltes  plus  abondantes  ,  ou 
préviendroit  bien  des  maux  ,  &  par- 
ticulièrement la  maladie  rouge.  Mais, 
ce  font-là  de  grands  moyens ,  qu'on 
ne  peut  efpérer  de  voir  exécutés  de 
longtemps,  8c  que  le  Gouvernement 
feiil  eft  en  érat  d'entreprendre. 

Pour  corriger  le  mal  ,  autant  qu'il 
eft  au  pouvoir  des  habitans  du  pays, 
il  feroit  à  défirer  ,  avant  tout ,  que 
les  métayers  de  Sologne  ,  en  em- 
ployant plus  de  foins  &  d'adivité  , 
veillaftent  davantage  à  la  confervation 
de  leur  bétail. 

Afin  d'éviter  les  grandes  morta- 
lités ,  on  n'introduira  dans  les  mé- 
tairies qu'on  veur  garnir  de  troupeaux , 
que  des  bêtes  à  laine,  élevées  dans  des 
endroits  connus  &  non  fufpefts. 
Celles  qu'on  achètera  dans  le  voifi- 
nage  ,  ou  dans  une  autre  province  , 
dont  le  fol  eft  plus  Çtc^  feront  moins 
fujectes  à  cette  maladie. 

On  diminuera  les  mortalités  ordi- 
naires, C\  l'on  mène  fouvent  les  trou- 
peaux dans  des  lieux  plantés  en  ge- 
nêt \  fi  on  ne  les  laiflTe  point  expofés 
à  la  rofée ,  à  la  pluie  &c  aux  orages; 
fi  on  les  écarte  des  prairies  humides  j 


3S4 


MAL 


ôc  enfin  ,  fi  on  ne  les  tond  qu'après 
la  mi  juillet. 

On  ne  doit  pas  laider  la  bête  à 
laine  de  Sologne  trop  longtemps  aux 
champs;  elle  a  toujours  l'œil  plus  ou 
moins  gras ,  &  par  conféquent  elle 
eft  habituellement  menacée  de  pour- 
riture :  il  fuffit  qu'elle  pailfe  deux  fois 
par  jour,  pendant  trois  heures  chaque 
fois. 

Comme  la  principale  fource  du 
mal  eft  dans  la  manière  dont  on  foi- 
gne  les  brebis  pleines  &  les  agneaux, 
on  nourrira  les  brebis  pleines  à  la 
bergerie  ,  dans  la  faifon  rigoureufe, 
&  fur-tout  vers  le  temps  qu'elles 
doivent  bientôt  mettre  bas.  On  ne 
les  traira  jamais  ;  parce  qu'indépen- 
damment de  ce  que  le  lait  maternel 
eft  plus  convenable  à  la  foible  conf- 
titution  des  agneaux  ,  plus  ceux-ci  en 
tèteronr,  moins  ils  feront  emprelfés 
de  brouter  des  herbes  dont  les  fuçs 
trop  humides  leur  caufent  des  ma- 
ladies. 

On  fe  gardera  de  mener  les  jeunes 
animaux  dans  les  prairies  ,  dont  on 
écartera  encore  avec  plus  de  foin  leurs 
mères  &:  les  moutons,  puifqu'ils  font 
également  fufceptibles  d'en  être  in- 
commodes. Ilsferoient  bien  plus  fùre- 
ment  préfervés  de  la  maladie,  fi  on 
leur  donnoit  à  la  bergerie  quelques 
alimens  ,  tels  que  du  fon  ,  de  l'a- 
voine ,  &c. 

Que  l'hiver  fuivanr  on  les  entre- 
tienne de  nourriture,  quand  ils  n'en 
trouvent  pas  aux  champs  ,  Se  qu'au 
printemps  on  ne  les  laifTe  point  brou- 
ter des  herbes  trop  aqueufes  ;  leur 
tempéramment  fc  fortifiera  ,  &  on 
aura  des  anchénois  bien  fains  &  bien 
confticués  ,  que  la  maladie  rouge 
épargnera. 


MAL 

Vers  le  temps  où  ce  fléau  doit  conv 
mencet  à  exercer  fes  ravages  ,  on 
brûlera  ,  plufieurs  jours  de  fuite  , 
dans  les  bergeries  ,  des  branches  de 
bois  aromatiques  ,  tel  que  le  geniè- 
vre ,  dont  on  fera  avaler  de  la  décoc- 
tion aux  bêtes  les  plus  languilfantes. 
On  fe  contentera  de  pendre  ,  dans 
leurs  bergeries  ,  des  fachets  de  fel 
marin  qu'elles  pourront  lécher;  puif- 
qu'en  Soloc^ne  la  cherté  de  cette  den- 
rée ,  Il  utile  pour  les  beftiaux ,  ne  per- 
met pas  de  leur  en  donner  à  man- 
ger. On  peut  ,  au  fel  ordinaire  , 
fubfticuer  de  lapotalFe  ou  des  cendres 
gravelées,  ou  du  fel  contenu  dans  de 
la  cendre  de  bois  ,  le  plus  facile  à 
obtenit  en  Sologne.  Un  gros  de  cha- 
cun de  ces  derniers  fels  ,  par  pinte  de 
boiiïbn  ,   eft  une  dofe  fuflSfante. 

Les  bergeries  feront  placées  dans 
les  endroits  les  plus  élevés  des  mé- 
tairies ;  on  en  rendra  le  fol  auffi  fec 
qu'il  fera  pollible  ,  Se  on  y  fera  de 
la  litière  ,  qu'il  faudra  renouveller 
de  temps  en  temps  ;  ces  moyens  ga- 
rantiront les  bêtes  à  laine  de  l'hu- 
midité. On  donnera  à  ces  habitations 
plus  d'étendue  qu'elles  n'en  ont  dans 
beaucoup  de  métairies ,  afin  que  les 
animaux  y  foient  à  l'aife. 

La  fraîcheur  des  terres  de  la  So- 
logne ,  formera  toujours  un  obftacle 
à  l'établilTement  du  parcage  dans  ce 
pays  :  il  demande  beaucoup  de  pré- 
caution de  la  part  des  perfonnes  qui 
voudront  le  tenter.  L'humidité  ,  je 
le  répète  encore  ,  eft  à  redouter  pour 
les  bêtes  à  laine.  On  peut ,  dans  les 
grandes  chaleurs ,  les  faire  coucher 
en  plein  air  ;  mais ,  dans  ce  cas  , 
on  aura  foin  de  ne  former  le  parc 
domeftique  que  fur  un  endroit  où 
l'eau  ne  fcjourne  pas  ,  &  fous  des 
arbres  qui  garantilient  les  animaux 

de 


MAL 

de  l'ardeur  du  foleil ,  quand  au  mi- 
lieu du  jour  ,  ils  font  de  retour  des 
champs. 

Parmi  toutes  ces  précautions  ,  il 
en  eft  une  qu'on  regardera  comme 
difpendieufe ,  c'eft  celle  de  nourrir  d  la 
bergerie  les  bêtes  à  laine  pendant 
l'hiver;  tandis  qu'en  ne  leur  donnant 
pas  à  manger  ,  tout  eft  profit  pour 
les  propriétaires.  Il  faut  convenir 
qu'en  Sologne  ,  dans  l'état  où  eft  ac- 
tuellement la  province ,  les  habitans 
ont  peu  de  reiïburces  pour  fe  procurer 
de  quoi  alimenter  leurs  bêtes  à  laine 
en  hiver  ;  le  fol  eft  fi  ingrat  &  fi 
mal  cultivé  ,  qu'on  n'y  récolte  pref- 
que  que  la  quantité  de  feigle  nécef- 
faire  pour  les  habitans ,  &  du  foin 
feulement  pour  la  nourriture  des 
bœufs  employés  aux  travaux  de  l'agri- 
culture. 

Malgré  ces  obftacles  apparens  ,  il 
y  a  des  moyens  de  donner  des  ali- 
mens  aux  bêtes  à  laine  de  Sologne  , 
quand  elles  ne  trouvent  rien  aux 
champs  ;  &  même  d'en  augmenter 
par-là  le  nombre ,  puifqu'il  fuffit  de 
iuppléer ,  en  hiver ,  à  ce  que  la  terre 
ne  fournit  pas  alors.  On  n'en  peut 
être  que  convaincu,  en  adoptant  les 
réflexions  fuivantes  de  M.  l'Abbé 
Teflier. 

On  entretient  ,  dit-il  ,  trop  de 
bœufs  dans  cette  province ,  où  ils 
ne  deviennent  jamais  beaux ,  &  où 
parconféquent  ils  produifent  peu  aux 
métayers ,  lorfqu'ils  les  vendent.  La 
culture  des  terres  n'en  exige  pas  une 
grande  quantité.  Quatre  ou  fix  de 
ces  animaux ,  traîneroient  jfans  peine, 
une  charrue  ,  à  laquelle  on  en  attelle 
dix  ordinairement.  En  en  diminuant 
le  nombre  ,  une  partie  du  foin  qui 
leur  eft  deftinée  ,  pourroit  être  don- 
née aux  bêtes  à  laine,  la  feule  efpêce 
Tome  FI. 


MAL  385 

de  bétail  fur  laquelle  on  doive  por- 
ter fes  vues  en  Sologne ,  dont  les  pâ- 
turages ne  conviennent  pas  aux 
autres  beftiaux. 

On  doublera  les  récoltes  de  foin  , 
fi  l'on  a  l'attention  de  foigner  les 
prairies  ,  foit  en  faifant  des  foifés 
tout  autour ,  pour  les  empêcher  d'être 
inondées  \  foit  en  arrachant  les  plantes 
de  mauvaife  qualité  ,  qui  nuifent  à 
l'accroiffement  de  celles  qui  forment 
de  bon  foin. 

La  Sologne  eft  couverte  d'atbres  ; 
les  métayers  ont  la  permiflion  d'en 
couper  les  branches;  il  y  en  a  très- 
peu  dont  les  feuilles  ne  conviennent 
aux  bêtes  .à  laine.  On  aura  foin  ,  dans 
le  temps  où  la  fève  eft  encore  en  vi- 
gueur, d'en  faire  des  provifions  pro- 
portionnées aux  befoins  des  troupeaux. 

Dans  plufieurs  cantons  de  diverfes 
provinces  de  la  France  ,  on  donne 
aux  bêtes  à  laine  des  galettes  faites 
avec  le  marc  de  chenevis,  donr  on  a 
exprimé  l'huile.  En  Sologne,  où  l'on 
cultive  du  chanvre  ,  ne  pourroit-on 
pas  en  employer  la  graine  à  cet  ufage  ? 
Ne  poutroit-on  pas  encore  y  établir 
des  cultures  de  pommes  de  terre, 
de  carrottes  &  de  turneps ,  efpèce  de 
navets  que  les  bêtes  à  laine  mangent 
volontiers,  même  dans  les  champs, 
&  donc  on  les  nourrit  pendant  l'hiver 
dans  toute  l'Angleterre ,  où  les  trou- 
peaux font  fi  multipliés  ? 

Traitement  de  la  maladie  rouge. 

'' 
Pour  guérir  la  maladie  rouge  ,  011" 

a  imaginé  &  employé  jufqu'iti  dif- 
férons remèdes  qui  n'ont  eu  aucun 
fiiccès ,  ou  qui  n'en  ont  eu  que  de  très- 
foibles.  Parmi  ces  remèdes ,  les  uns 
font  enveloppés  du  voile  du  myftère; 
les  autres ,  qu'on  a  moins  de  peine 
C  c  c 


38^ 


M  A  L 


à  pénétrer  ,  font  des  compofés  fi  bi- 
farres  ,  iS:  i\  peu  convenables  à  la 
maladie  ,  qu'il  eft  inutile  de  les  rap- 
porjfr. 

Quelques  métayers  de  la  Sologne 
ont  employé  avec  luccès ,  la  décoc- 
tion de  ferpolet  Se  d'autres  plantes 
aromatiques.  Il  y  en  a  qui  prétendent 
avoir  guéri  des  bêtes  malades  ,  en 
leur  faifant  avaler  de  la  décoélion  de 
fureau  ,  &  en  les  expofant  à  des  fu- 
migations d'iebles.  Ces  moyens  nous 
paroilfent  très-bien  indiqués,  &  mé- 
ritent qu'on  y  ait  confiance  :  ils  prou- 
vent, d'ailleurs,  qu'il  exifte  une  ana- 
logie marquée  entre  la  pourriture  Se 
la  mal.-.die  rouge. 

Malgré  ces  légers  fuccès  ,  on  ne 
doit  pas  conclure  qu'on  pullfe  facile- 
ment guérir  cette  maladie.  Il  ne  faut 
du  moins  pas  l'efpérer,  l'orfqu'elle  eft 
parvenue  à  un  certain  degré,  comme 
îorfque  le  foie  Se  le  poumon  font 
déjà  dans  un  état  de  putréfaélion. 
Vraifemblablement  les  animaux  gué- 
ris par  M.  l'Abbé  Tefiier  ,  n'étoient 
encore  que  foiblement  attaqués.  La 
médecine  vétérinaire  a  des  bornes 
qui  limitent  fon  pouvoir  5  c'eft  à 
ceux  qui  l'exercent  à.  les  connoître  , 
afin  de  ne  pas  employer  inutilement, 
pour  les  franchir  ,  un  temps  qu'on 
peut  appliquer  à  des  recherches  ca- 
pables de  pro;urer  de  grands  avan- 
tages. 

Lorfque  la  mabdie  rouge  eft  dé- 
clarée ,  on  doit  ellayer,  fur  les  betes 
qui  ne  font  pas  dans  un  état  défef- 
péré  ,  les  remèdes  que  la  connoif- 
fahce  des  fyniptomes,  (^^  l'ouverture 
des  corps ,  indiquent  \  c'eft-à-dire ,  des 
apéiitifs  ,  des  diurétiques  &  des  to- 
niques ,  tels  que  ceux  que  nous  allons 
indiquer. 

On  donnera,  chaque  jour,  &  dans 


MAL 

les  premiers  temps,  aux  bêtes  à  laine 
malades,  plulieurs  verres  d'une  dé- 
coction d'écorce  moyenne  de  fu- 
reau, on  des  baies  d'alktkenge,  ou 
coqueret  j  on  remplacera  quelques 
jours  après  cette  décoélion  ,  par  une 
autre  faite  avec  la  fauge,ou  l'hyfope, 
ou  le  pouliot,  ou  toute  autre  plante 
aromatique ,  en  y  joignanr  un  gros  de 
fel  de  nitre,  ou  deux  gros  de  fel  ma- 
rin, par  pinte  d'eau  ^  on  enfumera  les 
bergeries  avec  des  branches  ou  des 
baies  de   genièvre. 

11  faut  rejeter  la  faignée  ôc  les 
remèdes   raftraîchiiïans. 

La  nourriture  fera  ,  ou  du  feigle 
en  gerbe ,  ou  du  genêt ,  ou  des  plantes 
fèches.  Four  cette  raifon  on  éloignera 
les  bètes   des   prairies  humides. 

Nous  ne  confeillerons  pas  de  faire 
ufage  delà  thériaque ,  ni  de  l'orviétan , 
d'après  notre  expérience  ,  &  celle  de 
M.   Vitet  Se  de   M.  d'Aubenton. 

On  aura  grand  foin,  pendant  tour 
le  temps  du  traitement,  de  n'expofer 
les  troupeaux  malades  ni  au  froid 
ni  à  la  pluie.  M.  T. 

MAL  DE  TAUPE.  Médecine 
Vétérinaire.  C'eft  une  tumeur  qui 
fe  manifefte  fur  le  fommet  de  l'en- 
colure du  cheval ,  ou  fur  le  fommet 
de  fa  tête  même  ;  elle  eft  un  peu 
molle ,  &  de  figure  irrégulière  ;  le  pus 
qu'elle  contient  eft  blanc  Se  épais 
comme  de  la  bouillie  :  ce  pus  de- 
vient quelquefois  li  acre  ,  qu'il  fe 
creufe  des  finus  fous  le  cuir,  &  carie 
fouvent  le  crâne.  Comme  la  peau 
de  la  tête  eft  cpaifie  ,  ferme  ,  tendue 
Se  près  des  os,  la  tumeur  ne  s'élève 
pas  beaucoup  ,  mais  elle  s'élargir 
à  fa  bafe.  Elle  refte  ordinairement 
longtemps  fans  faire  de  grands  pro- 
grès 5  parce  que  la   lymphe  qui  la 


MAL 

caufe  e(l  vifqaeufe  :  mais  quand  cette 
humeur  devient  corrofive,  elle  longe 
le  kille  qui  la  renferme  ,  Oc  tau  des 
filions  entre  la  peau  &  le  pcricrâne. 
Si  elle  perce  certe  dernière  mem- 
brane, elle  agit  fur  le  crâne  même; 
alors  les  fuites  en  font  très-dange- 
reufes.  On  a  donné  à  cette  tumeur 
le  nom  latin  de  cu/pj ,  en  françois , 
taupe  ,  parce  qu'elle  relfemble  aux 
taupières ,  ou  à  ces  petites  éminen- 
ces  de  terre  que  la  ràupe  poulfe 
fur  la  furface  de  la  terre  en  touil- 
lant ,  &  parce  que  la  matière  puru- 
lente qu'elle  contient  ,  creufe  &:  fait 
des  trous  fous  la  peau  ,  comme  cet 
animal  en  fait  fous  la  terre. 

La  caufe  de  cette  tumeur  eft  une 
lymphe  vifqueufe,  arrêtée  dans  quel- 
qu'un de  fes  vallfeaux,  qu'elle  dilate 
infenfiblement  jufqu'à  lui  faire  ac- 
quérir un  volume  coniîdcrable.  La 
tunique  ,  qui  enveloppe  la  matière  de 
ces  tumeurs ,  n'eft  autre  chofe  qu'un 
vailTeau  lymphatique  ou  adipeux  , 
élargi  de  la  même  manière  que  les 
vaifleaux  fanguins  fe  dilatent  quand 
ils  forment  l'anévrifme  &  les  varices. 
Lorfque  la  lymphe  ou  la  grailTe  trouve 
quelque  obftacle  à  fon  mouvement 
progrellif,  elle  s'accumule  peu-à-peu  , 
par  le  féjour  qu'elle  fait;  la  férolué, 
qui  en  eft  exprimée ,  abreuve  les  tibres 
du  conduit  obrtrué ,  les  ramollit  &: 
les  rend  propres  à  recevoir  beaucoup 
plus  de  fucs  nourriciers  qu'aupara- 
vant ,  de  forte  que  le  vailfeau  lym- 
phatique ou  grailfeux  fe  dilate  extrê- 
mement .  &  forme  un  fac  qui  tait 
le  kifte  de  la  tumeur.  La  matière  ren- 
fermée dans  ce  kille  ,  s'épaillit  de 
plus  en  plus  ,  par  la  dilîipation  de  ce 
qu'elle  a  de  plus  féreux  &  de  plus 
fubtil  ;  mais  quoiqu'elle  s'épaililfe 
à  force  de  croupir  &  d'éprouver  des 


MAL 


3?7 


ofcillations  des  fibres  ,  &:  les  batte- 
mens  des  artères  voifines ,  il  lui  iur- 
vient  un  mouvement  inreftln  qui  la 
tait  dégénérer  en  une  efpèce  de  pus 
femblable  à  de  la  bouillie  ,  ou  à  du 
fuif  ,  fuivant  qu'elle  eft  plus  chy- 
leufe  ,  plus  douce ,  ou  plus  gralfe  , 
&  fuivant  la  ditîérence  des  vailfeaux 
où  elle  s'arrête  ;  car  c'eft  dans  les 
vailleaux  lymphatiques,  ou  dans  les 
vaiiîeaux  adipeux  que  fe  forme  le 
talpa.  Ce  mouvement  inteftin  eft 
beaucoup  plus  lent  que  celui  qui  fe 
tait  dans  les  tumeurs  phlegmoneufes. 
La  lymphe  &:  la  grailfe  font  plus  ho- 
mogènes que  le  fang ,  elles  n'appor- 
portent  pas  tant  d'obftacle  au  palfagC' 
de  la  matière  fubtile  ,  &  ne  fe  trou- 
vent pas  renfermées  comme  lui  dans 
des  artères  qui  le  broyent  continuel' 
Icment. 

Les  caufes  qui  arrêtent  le  cours 
progre/lîf  de  la  lymphe  ou  du  fuc 
adipeux  ,  font  leur  propre  vifcollté 
qui  les  tait  circuler  lentement  ,  ou 
l'obftruc^ion  de  quelques  glandes  , 
qui  intercepte  leur  cours  ;  ou  une  con- 
tuhon  ,  un  coup,  une  chute  qui  com- 
prime leurs  vaiifeaux  ,  les  rompt  on 
en   change  la  dire6tion. 

Lediagnqfiic.  On  connoîr  que  cette 
tumeur  eft  enkiftée  ,   en  ce  que  la 
peau  roule  &:  glille  delfus.  Quand  on 
l'ouvre  ,  on  voit  que  la  matière  eft. 
renfeimée  dans  une  membrane. 

Le  prognojlic.  Le  mal  de  taupe 
n'eft  dangereux  que  lorfqu'il  fe  trouve 
placé  fur  les  futures  du  crâne  ,  far- 
tout  quand  il  eft  adhérent  :  alors  il. 
a  communication  avec  la  dure-mère; 
de  forte  que  fi  cetre  tumeur  scn-^ 
rtamme  &  fuppure,  elle  communique 
fon  inflammation  &  fa  corruption  à 
cette  membrane ,  ce  qui  met  la  vie 
de  l'animal  dans  le  plus  grand  danger» 
C  c  c   2. 


^n 


MAL 


La  cure.  L'indication  curative  doit 
fe  borner ,  i  " .  à  diminuer  l'abondance 
de  la  lymphe ,  &  à  la  rendre  plus 
fluide.  Pour  obtenir  cet  effet,  on  don- 
nera peu  à  manger  au  cheval  qui 
fera  atteint  du  mal  de  taupe,  5c  prin- 
cipalement le  foir  j  les  fourrages  pro- 
venans  des  prairies  les  plus  lèches  , 
l'avoine,  les  eaux  les  moins  pefantes, 
l'écurie  la  plus  fèche ,  &  tenue  pro- 
prement ,  le  panfement  de  la  main , 
&  la  continuité  du  travail  auquel  il 
eft  habitué ,  tous  ces  foins  rempli- 
ront la  première  indication.  z°.  On 
en  aidera  l'efiet  ,  en  atténuant  les 
humeurs  ,  &  en  enlevant  les  obftruc- 
tions  ,  par  l'ufage  des  ptifanes  faites 
avec  la  lalfepareille  ,  l'efquine  ,  le 
fallaffras  cc  les  baies  de  genièvre  , 
&  par  celui  des  ptifanes  faites  avec 
les  racines  &  les  feuilles  de  chicorée 
fauvage  ,  de  pimprenelie  ,  de  cer- 
feuil ,  de  laitue  ,  &c.  ;  les  eaux 
minérales ,  fetrugineufes ,  ou  les  eaux 
tliermales,  conviennent  encore  beau- 
coup en  pareil  cas  ;  on  purgera  en- 
fuite  {^^oye:^  Méthode  purgative) 
avec  la  confection  hamech,  le  j'alap, 
l'éthiops  minéral  &  l'aloès  fuccotrin: 
on  ne  doit  point  négliger  ces  pré- 
cautions ,  parce  qu'il  furvient  très- 
fouvenr ,  après  la  guérifon ,  des  métaf- 
tafes  funeftes,  qui  donnent  la  mort 
à  l'animal  lorfqu'on  s'y  attend  le 
moins. 

La  cure  particulière  du  ma/  de 
taupe  s'exécute  par  la  réfolution,  par 
la  fuppuration  ou  par  l'extirpation  j 
fi  la  tumeur  eft  nouvelle  &  molle  , 
elle  peut  fe  réfoudre,  en  y  appli- 
quant, après  avoir  rafé  le  poil,  l'em- 
plâtre de  vigo-cum-mercurio  ;  l'on- 
guent de  ftyrax  ,  mêlé  avec  les  fleurs 
de  foufre ,  ou  avec  l'éthiops  minéral , 
&c.,  peuvent  en  opérer  la  réfolution. 


MAL 

Mais  fi  la  tumeur  ne  fe  réfout 
point ,  &  qu'au  contraire  elle  foit  dif- 
pofée  à  fuppurer,  on  peut  en  faciliter 
la  fuppuration  par  les  caraplafmes 
émoUiens ,  par  l'onguent  bafilicum. 
La  fuppuration  s'étant  déclarée  ,  il 
faut  auihtôc  ouvrir  l'abcès  y  quand  le 
pus  en  eft  forti,  on  détergeia  l'ul- 
cère, &  l'on  confumera  les  chairs 
fuperflues  &  le  kifte  au  moyen  de 
l'onguenr  xgyptiac  ,  de  l  jlun  biûlé, 
du  précipité  rouge,  du  beune  u'an- 
timoine  ou  de  la  pierre  infernale.  Il 
faut  détruire  julqu'au  bouton  rouge 
qui  fe  trouve  ordinairement  dans  le 
fond  j  fans  cette  précaution  la  tu- 
meur fe  renouvtlleroit. 

Enfin ,  fi  la  tumeur  ne  prend  pas 
la  voie  de  la  fuppuration ,  ou  qu'on 
ne  juge  pas  à  propos  de  l'attendre , 
on  en  viendra  à  l'extirpation  j  la  cure 
fera  plus  prompte  ,  pourvu  que  le 
cheval  foit  bien  préparé.  Pour  faire 
cette  opération,  il  faut  d'abord  ou- 
vrir la  tumeuf ,  ou  par  une  incifion 
cruciale  avec  le  biftouri ,  ou  par  une 
traînée  de  pierres  à  cautère  ,  qu'on 
applique  à  travers  une  emplâtre  fe- 
nêtre ,  Se  qu'on  couvre  d'une  autie 
emplâtre.  L'ouverture  étant  faite , 
on  fépare  par  la  difteftion  la  rumeur 
d'avec  les  lèvres  de  la  plaie  &  des 
parties  voifines,  &  on  l'emporte  toute 
entière  avec  le  kifte  ;  on  la  confume 
par  le  moyen  des  cauftiques  ci- 
deffus  rapportés  ,  ce  qui  prolonge 
la  guérifon.  Il  faut  avoir  l'attention 
de  confumer  auflî  le  bouton  ou  la 
racine  de  la  tumeur  ;  la  pierre  in- 
fernale OH  le  cautère  aiffuel  y  réuf- 
firont  promptement;  enfuite  on  in- 
carnera &:  on  cicatrifera  la  plaie  a. 
l'ordiniire,  réprimant  les  chairs  fu- 
perflues avec  l'alun  brûlé,  ou  quel- 
qu'autre  cauftique.  M.  B.  R.  A. 


MAL 

MAL  DE  TETE  DE  CON- 
TAGION. Médecine  VETtRiNAiRE. 
Cetce  maladie  épizootiqiic  &  conca- 
gieufe  règne  quelquefois  parmi  les 
chevaux  ,  ik  en  bit  périr  un  grand 
nombre  M.  tie  la  Gurimèie  la  décrite 
dans  fou  éi.ole  de  cavalerie. 

Lorfqu'elie  a  lieu  ,  la  tête  du  clie- 
val  devient  extrêmement  grolfe  ,  les 
yeux  fonc  enflammés ,  larmoyans  & 
trèi-faiilans  ;  il  coule  des  nafeaux 
une  matière  jmne  &  corrompue  j 
elle  fe  termine  bientôt  en  bien  ou 
en  mal.  La  ctife  la  plus  lieureufe  eft 
celle  qui  fe  fait  par  un  tranfport 
d'humeurs  fur  les  glandes  de  la  ga- 
nache, dont  le  gonflement  &  la  fup- 
piiration  alfurent  la  guérifon  de  l'a- 
nimal. 

La  couleur  jaune  des  matières  qui 
fluent  par  les  nafeaux,  diftingue  cette 
maladie  de  l'étranguillon ,  (  f^oye-^ 
ce  mot  )  dans  lequel  la  matière  eft 
de  couleur  verdâtte  ;  elle  diffère  de 
la  morve  (  F'oye^  ce  met  )  par  la 
fièvre  aiguc&  l'inflammation  extrême 
qui  l'accompagnent. 

Tout  l'efpoir  de  guérifon  confiftant 
dans  le  dépôt  aux  glandes  de  la  ga- 
nache, c'eft  là  aufli  où  l'on  doit  por- 
ter tous  fes  foins.  Si  la  tumeur  qui 
s'y  forme,  perce  d'elle-même,  le 
cheval  eft  bientôt  guéri.  On  en  ac- 
célère la  fuppuration  avec  des  oi- 
gnons de  lys ,  cuirs  fous  la  cendre  , 
qu'on  applique  chaudement  :  fi,  au 
bout  de  fepc  à  huit  jours ,  la  tumeur 
n'a  pas  percé,  on  l'ouvre  avec  un 
biftouri  ,  &  on  la  traite  comme  une 
plaie  ordinaire.  Lorfque  cette  ma- 
ladie règne ,  on  ne  fauroit  prendre 
trop  de  précaution  pour  en  arrêter 
les  progrès.  (  F'oye:^  Contagion  ) 
M.  T. 


MAL  389 

MALADIE.  (Physiologie  vegé- 
TALL  )  l'lu>  on  compare  le  rcei'e  vé- 
gétal avec  le  lègne  animal,  phu  en 
y  trouve  de  l'analugie;  nous  tn  avt)ns 
détaillé  le  parallèle  avec  allez  d'éten- 
due au  mot  Aubre;  (  f'^oye:^  ce 
mot  )  nous  y  avons  cjmparé  les  ma- 
ladies qui  aftedent  les  individus  des 
deux  règnes  ;  nous  ne  reprendrons 
donc  pas  ici  ce  parallèle  ,  (5v;  nous 
nous  contenterons  de  faire  lénuiné- 
ration  des  maladies  dont  les  plaiites 
&  les  arbres  peuvent  être  afttdtcs. 

Tout  ce  qui  a  vie  dans  la  na- 
ture, en  doit  le  foutien  au  mouve- 
ment jc'tft  le  grand  agent  dt  tous  les 
phénomènes  qui  concourent  à  l'en- 
tretien de  la  vie.  Développement  & 
confolidation  des  Itilides,  circulation 
&  purification  (^t.s  fluides  ,  appro- 
priation &  excrétion  des  principes 
nourriciers,  tout  dépend  de  lui,  (ans 
lui  tout  fcroit  mort.  Mais  en  n  ême- 
tem^ps  qu'il  eft  le  principe  de  la  vie, 
il  devient  le  principe  de  la  mort,  en 
confolidanr  les  parties  molles,  encbli- 
térant  les  vailleaux  ,  &  en  dénaturant 
les  fluides.  Les  végétaux  font  donc 
comme  les  animaux ,  ils  paiïent  pat 
trois  états  différens  dans  le  cours  de 
leur  vie,  ils  fe  développent  &  i  roillent, 
ils  fe  foutiennent  en  état  de  pnrfiit, 
ils  décroilfent  &  meurent.  Les  deux 
premiers  états  peuvent  être  confidérés 
comme  états  de  fanté,  ^'  le  dernier 
comme  un  état  de  maladie  ^'  de 
dépéri  (Tement  habituel  &:  nécelTaire. 
Cette  maladie,  de  tous  les  jours  & 
de  tous  les  ii.ftans  ^  a  fon  principe 
dans  l'organifation  même  du  végétal. 
Tout  fluide  qui  circule  &  qui  va 
porter  un  principe  nourrillant  dans 
toutes  les  parties  de  la  plante  ,  forme 
perpétuellement  un  dépôt  qui,  dans 
la  jeunelfe  ëc  dans  I  âge  fait,  fe  con- 


3  90  .         MAL 

vertit  roue  entier  en  principes  conf- 
tiiuans;  m.iis  qui,  dans  'a  vielIelTe , 
113  fournit  que  ce  qu'il  rautpour  fou- 
tenir  l'individii ,  tandis  que  le  refte 
forme  un  dépôt  qui  ,  à  la  longue  , 
donne  une  rigidité  extrême  aux  (o- 
lides  ,  durcit  les  parties  molles  ,  & 
obftrue  les  vailfeaux.  Comme  cette 
maladie  eft  celle  de  rorganifatiua 
même,  l'homme  n'a  qu'un  foi'ole 
pouvoir  fur  elle;  il  eft  incertain  fi 
fon  art  peut  prolonger  la  vie,  mais 
il  eft  sur  qu'il  ne  peut  pas  empêcher 
de  mourir,  lorfque  la  machine  eft 
dans  un  état  qui  nécellîte  fa  décom- 
pofition.  Si  fon  pouvoir  eft  fi  borné 
dans  le  règne  animal,  combien  plus 
l'eft-il  dans  le  règne  végétal,  où  fes 
connoiirances  font  bien  moindres ,  Se 
fa  pratique  plus  routinière;  cela  ne 
doit  pas  nous  empêcher  d'étudier  & 
de  chercher  à  approfondir  les  caufes 
des  maladies  des  plantes,  &  l'art  de 
les  guérir,  ou  du  moins  de  diminuer 
Içurs   efiets. 

Les  maladies  des  plantes,  outre 
celle  générale  (k  univerfelle  qui  cou- 
dait à  la  mort ,  que  l'on  pourroic 
nommer  le  dépérilTement  vital ,  dont 
nous  ne  parlerons  pas,  reconnoilfent 
deux  caufes  principales,  les  caufes  in- 
ternes &.  les  caufes  externes  :  c'eft 
d'après  ces  caufes  que  nous  clalTerons 
Its  maladies. 

Maladies  des  végétaux  qui  dépendent 
des  caufes  internes, 

La  carie. 

Les  chancres. 

Le  couronnement. 

Les  dépôts. 

Les  excroilTances. 

La  fullomanie. 

Les  loupes. 


MAL 

La  moififlure. 
La  mort  fubice. 
La  pourriture. 
La  fuppuration. 
Les  tumeurs. 
Les  ulcères. 

Maladies  des  végétaux  qui  dépendent 
des  caufes  excernes. 

Le  blanc. 

La  brûlure. 

Le  cadran. 

La  champlure. 

Le  charbon. 

La  chute  des  feuilles. 

L'erçror. 

L'ériolemenr. 

L'exfoliation. 

Les  gales. 

Le  gelis. 

La  gelivure. 

Les  gerfures. 

Le  givre. 

La  jaunilfe. 

La  moufle. 

La  nièle. 

La  rouille. 

La  roulure. 

Pour  achever  ce  tableau,  nous  in- 
diquerons rapidement  les  caufes  qui 
influent  fur  chaque  maladie  ,  ren- 
voyant à  chacune  en  particulier  les 
dérails  nécelTaires  &  les  remèdes  qui 
y  font  propres. 

Maladies  produites  par  des    caufes 
internes. 

1°.  La  carie  (  f^oye\  ce  mot  )  eft 
une  moinifure  du  bois  qui  le  rend 
mou,  (Se  qui  l'entraîne  à  une  décom- 
pofition  femblable  à  celle  des  os  ; 
cette  maladie  caufée  par  la  tranfpi- 
ration  arrêtée,  ou  par  une  fève  char- 
gée de  principes  viciés,  qui,  circdanî 


M  A  L 

dans  toutes  les  parties  de  la  plante, 
y  produit  un  ravage  d'autant  plus 
conlidérable  ,  que  fon  action  eft  plus 
générale. 

i°.  Le  chancre ,  (  f^oye^  ce  mot  ) 
il  attaque  les  arbres  fur-tout  ,  &  eft 
alfez  analogue  à  celui  qui  attacjue  les 
animaux.  Une  humeur  acre  &  corro- 
five  en  eft  le  principe,  elle  circule 
avec  la  fève,  (^  on  la  reconnoît  en 
ce  que  l'écorce  lailFe  fuinter  de  fes 
fentes  une  eau  roulFe,  corrompue  & 
très-âcre,  qui  attaque  toutes  les  par- 
ties fur  lefquelles  elle  coule.  11  faut 
diftinguer  ces  ulcères  coulans  des 
abreuvoirs  j  qui  font  des  trous  formes 
par  la  pourriture  des  chicots  ou  des 
branches  coupées  ,  &  des  goutLeres 
oui  font  des  fentes  dans  le  tronc  , 
ou  les  branches  par  lefquelles  l'eau 
de  pluie  coule  le  long  de  la  tige. 

3".  Couronnement.  Cette  maladie 
tient  à  l'aétion  même  de  la  vie;  les 
extrémirés  les  plus  éloignées,  comme 
celles  qui  terminent  l'arbre  ,  font 
celles  qui  éprouvent  les  premières 
l'effet  de  l'obftruclion  des  vaiflTeaux, 
du  delféchement  des  folides,  en  un 
mot  du  dépérilfement  de  l'arbre  j  il 
meurt  bientôt  de  cette  maladie,  qui 
commence  toujours  par  la  fommicé 
de  l'arbre;  on  la  nomme  couronne- 
ment ,  lorfqu'elle  a  lieu  dans  cerre 
partie  ,  &  dccunation  j  quand  elle 
afteéte  les  branches  inférieures  •,  les 
plantes  herbacées ,  annuelles,  ou  vi- 
vaces ,  y  font  fujettes  comme  les  ar- 
bres. (  Foyc^  le  mot  Arbre, 
Tom.  I J  page  6u  ) 

4°.  Dépôts.  Ce  font  des  amas  de 
fuis  propres,  qui,  (n  fixant  à  un  en- 
droit ,  obftruent  ncceirairemciu  les 
vailfeaux,  les  brifenc,  arrêtent  l.i  cir- 
culation ,  &  s'extravafeut  dins  le 
tilîu  cellulaire,  ou  dans  les  vailTcaux 


MAL  391 

lymphatiques  ou  féreux.  L'efpèce  d'in- 
flammation qui  fe  produit  bientôt 
dans  cette  partie ,  altère  toutes  les 
parties  voilmes,  &  fait  périr  la  bran- 
che &  la  tige  ou  s'eft  formé  le  dépôt. 

3°.  Excroijj'ances.  (  Foye\ce  mot) 
Producbions  ligneufes ,  beaucoup  trop 
abondantes  &  hors  des  relies  com- 
munes  de  la  végétation  :  ce  font  des 
efpcces  à'exo/iojes  végétales  ,  oica- 
fionnées  ou  par  une  iurabondance, 
ou,  ce  qui  eft  plus  commun,  par 
un  reflux  de  la  fève,  déterminé  parla 
taille  des  branches  d'un  arbre ,  faite  à 
contte  temps.  Ces  monfiruolltés  ac- 
cidentelles ont  encore  lieu  lorfque 
l'écorce  d'un  arbre  a  été  déchirée  ik: 
mutilée  jufqu'à  l'aubier,  alors,  en 
fe  reproduifant ,  il  fe  forme  un  àour- 
let  (  Voye-^  ce  mot  )  tout-au-tour  de 
la  plaie,  qui  fouvent  dégénère  en 
loupe  ,  tumeur  <Sc  autre  efpèce  d'ex- 
croilFance  ligneufe. 

6°.  Fullomanie.  Abondance  pro- 
digieufe  &  furnaturelle  de  feuilles  , 
qui  eft  déterminée  dans  une  plante 
par  une  trop  grande  quantité  de  fuc 
propre  au  développemenr  des  feuilles , 
aux  dépens  toujours  des  fleurs  &  des 
fruits. 

7°.  Loupe.  (  Voye\  ce  mot  )  Ef- 
pèce d'excroiiïî^nce  ligneufe  d'une 
forme  globuleufe. 

8".  Moifijjure.  (  Voye^  le  mot 
Catiie  ) 

9".  Mort  fuhite.  Elle  eft  ou  par- 
tielle ou  totale,  &  eft  prefque  tou- 
jours produite  par  un  deflechemcnt 
fubit  ,  ou  une  extravafation  très- 
abondante  du  fuc  féreux ,  occafionné 
par, un  coup  de  foleil ,  ou  pat  la  pi- 
quûre  intérieure  de  quek}ue  infcéte. 

10°.  Pourriture.  Cette  maladie 
attaque  communément  l'intérieur  de 
l'arbre,  en  commençant  par  la  partie 


39i  MAL 

fiipérieure  du  tronc  ,  &  defcendant 
jufqu'aux  racines  ^  elle  creufe  toute 
la  partie  ligneufe ,  &  n'épargne  que 
l'écorce ,  qu'elle  attaque  aufîî,  lorf- 
que  tout  le  bois  &  l'aubier  ont  été  dif- 
fous  par  ]a  pourriture.  Les  arbres  dont 
la  tête  ou  quelques  grolTes  branches 
ont  été  brifées  pu  coupées,  font  afTez 
fujets  à  cette  maladie,  fur-tout  lorf- 
qu'ils  font  d'un  bois  poreux  &  léger, 
comme  le  faule.  J'ai  cependant  vu 
des  fapins  &  des  chênes  attaqués 
de  cette  maladie,  &  dans  l'intérieur 
defquels  on  pouvoit  tenir  plufieurs 
perfonnes  à-la-fois.  La  pourriture  ell: 
occafionnée  par  la  partie  du  bois  mife 
à  nud  ,  que  l'humidité  de  l'air,  la 
pluie  &  l'eau  qui  y  féjpurne,  com- 
mencent à  pourrir  j  la  fève  ralentie 
par  cette  altération,  s'échaufte,  fer- 
mente ,  réagit  contre  les  fibres  li- 
gneufes  ,  Se  les  décompofe  en  les 
ramenant  à  l'état  de  terreau  ou 
d'humus  végétal. 

1 1".  Suppuration  des  plaies.  Une 
plaie  faite  à  un  arbre  par  accident 
ou  en  le  taillant,  ell  une  ilfue  qu'on 
procure  aux  difFérens  fucs  qui  cir- 
culent dans  l'arbre,  &  par  laquelle 
ils  s'exttavafent  fi  on  ne  s'y  oppofe. 
La  défunion  des  fibres  &  la  contrac- 
tion des  parties  occafionnent  natu- 
rellement le  flux  des  fucs,  &  établif- 
fent  une  vraie  fuppuration^  elle  fera 
féreufe  ,  gommeufe  ou  réfuieufe  , 
fuivant  la  nature  des  fucs  des  vaif- 
feaux  que  l'on  a  mis  à  découvert  par 
la  plaie  j  cette  fuppuration  peut  dé- 
générer en  carie  &  moifilFure,  fi  on 
n'y  apporte  remède.  Le  remède  eit 
bien  fimple ,  il  confille  à  appliquer 
fur  la  plaie  de  i'onguent  de  S.  Fiacre ^ 
on  tout  autre  corps  qui  empêche  la 
communication  de  la  plaie  avec  l'air. 
Lorfque  l'homme  a  cru  que  l^s  fucs. 


MAL 

les  gommes  &  les  réfines  que  cer- 
tains arbres  contenoient,  pouvoient 
lui  être  de  quelqu'utilité,  alors  il  a 
fu  tourner  cette  maladie  à  fon  profit, 
&  il  a  fait  des  plaies  à  ces  arbres , 
afin  que  la  fuppuration  naturelle  lui 
fournît  ces  produits. 

11*^.  Tumeurs.  (  Voyei^  ce  mot  ) 
La  tumeur  ne  diffère  de  la  loupe  que 
par  ce  qu'elle  afFede  toutes  fortes  de 
formes  irrégulières,  mais  elle  recon- 
noît  les  mêmes  principes,  &  affefte 
la  plante  où  elle  fe  fotme  de  la 
même  manière  que  la  loupe. 

15°.  Ulcères  coulans.  (  P''oye^ 
Chancre  ) 

Maladies  produites  par   des    caufes 
externes. 

1°.  Blanc,  {yoyei  ce  mot)  taches 
blanches  que  l'on  apperçoit  fur  quel- 
ques feuilles  &  fur  quelques  tiges  de 
plantes,  qui  gagnent  infenfiblement 
jufqu'au  bas  des  tiges  &  jufqu'à  la 
racine;  elles  font  dues  à  des  obftruc- 
tions  des  extrémités. 

2",  Brûlure.  (  f^oye-:^  ce  mot  )  Ma- 
ladie propre  aux  arbres  fruitiers ,  diie 
aux  premières  gelées  du  printemps, 
qui  glacent  l'eau  &  l'humidité  dont 
les  tiges  &  même  les  boutons  ont 
été  imprégnés  par  les  brouillards  & 
le  gîvre. 

3°.  Cadran,  (/^ojeç  ce  mot)  Maladie 
propre  aux  troncs  des  gros  arbres  ; 
elle  réunit  les  fentes  circulaires  de 
la  roulure  ,  &  les  rayons  de  la  ge- 
livure. 

4°.  Champlurc.  Cette  maladie  due 
au  froid  qui  ,  furvenant  tout-d'un- 
coup  après  une  automne  humide , 
furprend  &:  glace  les  jeunes  tiges  her- 
bacées de  l'année,  qui  n'ont  pas  eu 
le  temoi  de  fe  fortifier  &  de  fe  durcir. 

Les 


MAL 

Les  arbres  des  pays  chauds,  &  tranf- 
portés  dans  des  i.limats  rempérés  ou 
froids ,  foin  fiijers  1  cette  maladie  , 
qui  en  enlève  un  très-grand  nombre. 

5°.   Churbc  :.  (  Voyc^^  Froment  , 
article  maladie  ) 

6".  Chute  des  u-r'.'.s.  Nous  ne 
confidérerons  pis  ici  la  chiite  des 
feuilles  dans  l'automne  i  parce  qu'é- 
tant un  effet  néceflaire  de  la  vég'^ta- 
tion ,  &  devar.r  être  toniprifo  dans 
les  périodes  annuelles  que  la  plante 
éprouve  ,  ce  n'eft  pas  ure  vraie  ma- 
ladie ;  (  >'tn^'î  Feuille  )  miis  lorf 
qu'elle  arrive  fubitenient  dans  le  cou- 
rant de  l'année,  c'tft  alors  une  caufe 
étrangère  qui  produit  cette  vraie  ma- 
ladie ,  &  cette  caufe  peut  être  éga- 
lement ou  une  gelée  matinale  ,  qui 
brûle  les  pédicules  des  leulUes,  & 
les  détache  de  leurs  tiges,  ou  un  foleil 
ballant  qui,  dardant  l'es  rayons  entre 
deux  nuages  ,  ac-it  comme  à  travers 
un  verre  brûlant,  &  deOTéche  tout  ce 
qui  fe  trouve  à  fon  foyer.  Les  hu- 
meurs, dont  la  feuille  &  fa  tige  font 
perpétuellement  imbibées,  étant  ab- 
folument  évaporées  ,  les  fibres  ra- 
cornies ,  le  parenchime  delféché,  la 
feuille  eft  un  men^bre  mort,  qui  ne 
tire  plus  la  vie  de  l'air,  n'exhale  plus 
les  fécrétions  de  la  plante,  Se  tombe 
bientôt. 

7°.  Ergot.   (  f'''oyc^   Froment  ôc 
fes  maladies  ) 

S°.  Etloiement.  (  Vo\s-[  ce  mot  ] 
La  privation  de  la  lumière  empêche 
la  plante  de  fe  décompoftr  &  de  fe  dé- 
pouiller de  l'air  &  de  l'eau  dont  elle 
fe  nourri  t^  l'air  déphlogiftiqué  fe  fixe 
dans  l'intérieur,  &  il  en  vicie  toute 
l'économie.  L'étiolement  efl:  donc 
une  vraie  pléthore  d'air  déphlogifti- 
qué, donr  les  deux  principaux  effets 
fur  la  plante  font  l'alongemeut  , 
Tome  VI. 


MAL 


3P3 


l'excrciffance extraordinaire  des  tiges, 
&  la  couleur  pâle  &  blanche  des 
feuille'^  &  des  tiges.  Les  nouvelles 
ex;-ériencc5  de  M.  ficrth.-'Iet  fur  l'tfFet 
de  l'acule  marin,  faruré  d'air  déphlo- 
gifaqué,  fur  les  couleurs  végétales , 
me  font  regarder  comme  démontré 
lathc.^rie  del'étiolîn-.ent  que  je  viens 
d'indiquer  en  peu  de  mots,  que  j'a- 
vois  déjà  indique  au  mot  Etiole- 
MENv,  mai;  que  je  n'avois  pas  ofc 
afnimer,  manquant  d'expériences  dé- 
monftratives. 

y°.  t'xjoliation.  Séparation  de  la 
partie  morte  de  rétorce,  du  bois,  6cc. 
d'avec  une  partie  vive  conricruc  :  elle 
peiit  être  ocialionnce  par  une  humi- 
dité à  laquelle  a  luccédc  une  féche- 
relTe  de  la  partie. 

lo".  Gaies.  (  f'''oye:i  ce  mot  )  Afa- 
ladie  produite  par  la  piquûre  des  in- 
fe(5l:es,quioccafionne  une  extrav;  fipii 
du  fuc  ou  de  la  fève  qu  elle  dénature. 
1 1°.  Gelis.  Cette  maladie  eft  très- 
analogue  à  la  chainplui  ;  ,  [P^oye:^  ce 
mot  )  &c  elle  reconnoît  la  même 
caufe ,  c'eft-à-dire ,  les  gelées  du  prin- 
temps qui  brûlent  les  jcLines  tiges  on 
pouftes  encore  trop  rendres  de  l'année. 
{■Voye:[  le  mot  Gelée  &  fes  eifets  ) 
I z".  Geli\ur<\  Maladie  produite 
par  la  gelée,  qui  fait  fendre  les  arbres, 
&■  même  avec  bruit.  Lorfqu'ils  font 
ainfi  gelés ,  ils  fe  trouvent  marqués 
d'une  arête  ou  éminence  formée  par 
la  cicatrice  qui  a  recouvert  les  ger- 
fures,  lefquelles  ne  fe.réunilTent  pas 
intérieurement.  La  gélivure  ne  dé- 
pend ni  de  la  qualité  du  terroir,  ni 
de  l'expofition  ,  mais  d'un  froid  fubit 
&c  très- vif  :  elle  eft  aiïez  lave. 

1 3°.  Gerfures.  Fentes  longitudinales 
que   le  froid  extrême   prodiiic  dans 
les  troncs  d'arbres  en  les  gelant. 
14°.  Givre.  Cette  maladie,  qui  f« 
Dd  d 


394 


MAL 


manifefte  par  une  blancheur  qui  re- 
couvre la  furtace  fupérieure  des  feuil- 
les, &  qui  les  fait  paroître  plus  épailfes 
&.'  plus  pefantes,  n'attaque  ordinaire- 
rjient  que  les  plantes  qui  croillent  dans 
des  endroits  bas  &  marécageux ,  où 
l'air  ne  fe  renouvelle  qu'avec  peine.  Le 
défaut  (le  rranfpiration  en  eft  la  caufe 
principale  j  la  fève  ,  parvenue  par  les 
pores  excrétoires  à  la  furface  fupé- 
rieure de  la  feuille.,  ne  peut  s'éva- 
porer faute  de  foleil  &  de  courant 
d'air;  elle  fe  deiTéche,  fes  parties  rer- 
reufe  &  huileule  n'éranr  plus  dé- 
layées ,,  fe  dépofenc  &.  bouchent  les 
pores;  de-là  naillenrdes  obftruélions, 
des  pléthores  dans  les  vailîeaux  de  la 
feuille;  de-là  les  maladies  qui  en  dé- 
pendent. Les  plantes  attaquées  dg 
givre  ,  fuivant  l'obfervation  de  M. 
Adanfon  ,  produifenr  rarement  du 
fruit,  ou  ils  font  mal  formés,  rabou- 
gris ,   &  d'une  crudité  défagréabl&. 

15°.  Jaunijfe.  Maladie  qui  attaque 
les  feuilles  des  plantes  herbacées,  les 
décolore,  (Se  les  privant  de  la  nourri- 
ture nécelîaire.  ,  ou  viciant  celle 
qu'elles  rirent  ,  occafionne  fenfible- 
ment  leur  mort  Se  leur  chute;  elle 
peut  avoir  pour  caufe  une  extrême 
tccherelfe,  comme  une  trop  grande 
humidité. 

16°.  Mouffe,  (  f^oye^  ce  mot  ) 
Ceft  plutôt  un  accident  qu'une  vé- 
citable  maladie,  Se  qu'il  eft  très -fa- 
cile de  prévenir  ou  de  réparer  quand 
on  craint  des  fuites  dangereufes ,  en 
émouifant  les  tiges  des  arbres  frui- 
tiers fur-tour,  car  les  arbres  de  hautes 
futaies  paroilfent  n'éprouver  qu'une 
très- légère  impreifion  de  la  moulTe 
qui  s'attache  à  leur  écorce. 

1 7°.  Aie//e,  (  f^oyei  ce  mot  Se  celui 
de  Froment  ) 

,i8^.  Rouiiïi!.  {  Foyei  ce  mot  & 


M  A  L 

.celui  de  Froment  ,  à  l'article  de  fes 
maladies  ) 

I  Ç)°.  Roulure.  (  V^oye^i^  ce  mot  ) 
Maladis  qui  attaque  les  feuilles;  ells 
eft  ordinairement  occahonnée  par  des 
infeétes  ou  des  chenilles ,  qui  s'en- 
veloppent dans  ces  feuilles. 

Telles  font  les  principales  maladies 
&  les  plus  générales  qui  peuvent  af^ 
leéler  les  plantes  dans  tous  les  pays  j, 
il  en  eft  quelques-unes  de  particu-- 
Hères  ,  qui  femblent  dépendre  du 
local  S:  du  climat;  elles  ne  font  que 
dos  variétés  de  celles  que  nous  venons 
de  décrire,  mais  elles  méritent  d'être 
obferv^es  avec  !e  plus  grand  foin  ,, 
afin  de  pouvoir  les  reconnoître  ai- 
fément,  les  prévenir,  ou  du  moinS" 
les  traiter  fûrement.  M,  M. 

MALANDRE.  Médecine  Vété- 
rinaire. La  malandre  eft  au  pli  du 
genou  du  cheval  ,  ce  que  la  folandre 
sft  au  pli  du  jarret.  (  ^o_ye:j  ce  mocj 
Ceft'  une  crevaile  d'où  il  découle 
une  humeur  acre  qui  corrode  la  peau. 
Le  mal  eft  lonç  à  guérir,  à  raifon  du 
mouvement  de  l'articulation  qui  l'ir- 
rite fans  ceiTe  ,  &  qui  empêche  li. 
réunion  des  parties.  La  guérifon  en 
eft  encore  plus  difficile-,  lorfqu'il  eiî^ 
entretenu  par  une  humeur  galeufe. 
(  Foyei  Gale)  Mais  fi  c'eft  une  fîm- 
ple  crsvalfe,  de  laquelle  découle  une 
férofité  noirâtre  ,  il  faut  tondre  \i 
parrie  ,  enfuite  la  frotter  jufqu'aa^ 
fang  3  avec  une  brolfe  rude ,  &"  y 
appliquer  un  petit  plnmaceau  d'on- 
guent égyptiac  ,  par-deffus  lequel  on 
mer  une  bande  en  8  de  chifîfe,  unie 
&  ferrée.  On  continu€ra  ce  panfemenc 
pendant  quatre  à  cinq  jours.  Quel- 
quefois la  malandre  eft  de  fi  peu  de 
conféquence ,  qu'elle  fe  diftîpe  en 
la   ballinan:    feulement    avec    l'eau. 


MAI 

.2aliboar  ,  dont  voici  la  formule  : 
Prenez  vitrio-1  blanc  ^  deux  onces; 
YÏtriol  de  Chypre  ,  une  once  j  fafFran , 
deux  drachmes  ;  camphre  ,  égale 
quantité;  faites  difloudre  le  camphre 
dans  fuffifante  quantité  d'efprit-de- 
vin  ,  &  mettez  le  tout  dans  environ 
quatre  pintes  d'eau  ,  ôc  confervez 
dans  une  bouteille  pour  l'ufage.  M.  T. 

MALIGNE  (Fièvre.  )  rojq 

flÉVRE. 

MALVACÉES.  (  Bot.  )  Plantes  ou 
fleurs.  On  a  doiuié  ce  nom  à  des 
plantes  dont  la  fleur  eft  monopctale, 
çampaniforme ,  évafée  &  partagée 
jufqu'en-bas  «n  cinq  parties  ,  en 
forme  de  queue.  Cette  claife  ren- 
ferme la  grande  mauve  ,  Ja  mauve 
rofe,  la  mauve  frifée,  la  mauve  en 
arbre,  la  guimauve  ordinaire,  l'alcée, 
ou  la  mauve  alcée,  &c.  M.  M, 

MAMALS.  Fours  a  poulets  de 
l'Egypte.  Édifice  où ,  depuis  plu- 
fîeurs  fiècles,  les  Égyptiens  fontéclorre 
les  œufs  des  poules  &  des  autres 
oifeaux  domeftiques.  Diodore  de 
Sicile  (  Lib.  i  )  parle  avec  admiration 
de  cet  art  des  Égyptiens;  ce  qui  peut 
feire  conjeéturer  que  ,  du  temps  de 
cet  hiftorien ,  la  pratique  en  étoit  très- 
perfeétionnée,  &  peut-être  déjà  au 
point  où  nous  la  voyons  aujourd'hui. 

Nous  allons  puifer  dans  un  très- 
bon  ouvrage  ,  &  qui  a  paru  depuis 
peu,  (  Ornithotrophie  artificielle ,  ou 
art  de  faire  éclorre  ,  &:c.  in-iz.  Paris  , 
Morin,  rue  S.  Jacques  )  tout  ce  que 
nous  dirons  :  i°.  de  la  conftrudion 
des  mamals ,  on  fours  à  poulets  de 
r£gypte;  i°.  de  la  manière  dont  on 
y  conduit  les  nombreufes  couvées 
(|u'on  y  entreprend.  Nous  ne  faurioas 


M  A  M 


39Î 


prendre  un  guide  plus  sûr  &  plus 
fidèle  que  l'auteur  du  livre  que  nous 
venons  de  citer. 

Conjlructions   des   mamals  ou  fourS 
■à  poulets  de  l'Egypte. 

Les  mamals ,  ou  fours  à  poulets  de 
T'Egypte,  font  des  bâtimens  en  bri- 
que, qui  ont  peu  d'élévation,  &  qui 
font  prefque  entièrement  enfouis 
dans  la  terre,  comme  on  le  voit  par 
la  ligne  de  terre  S  S ,  Planche  IX 
figure  2.  Le  détail  de  leur  conftcuc- 
non  &  de  leurs  diftérentes  dimen- 
fions  fe  comprendra  facilement,  en 
fuivanc  l'explication  àss figures  i ,  2>, 

hoi  figure  i  repréfente  le  plan  d'un 
marnai  ou  four  à  poulets  de  l'Egypte, 
pris  dans  la  ligne  x  .v  de  l'élévation, 
figure  2. 

A.  Chambre  circulaire  ,  fervant 
aux  ufages  des  condudleurs  ou  direc- 
teurs des  fours. 

fi  B.  Autres  chambres  extérieures," 
ou  magafin  des  œufs. 

C  C.  Conduit  aboutiffanc  à  l'en- 
trée du  mamal  ;  ce  conduit  va  en  def- 
cendant  par  une  pente  d'environ  fix 
pieds  en  terre,  à  l'endroit  où  il  fe 
joint  à  la  galerie. 

D  D.  Galerie  ou  corridor  qui  fc* 
pare  les  deux  rangées  parallèles  des 
fours  à  droite  &  à  gauche ,  &:  qui 
donne  entrée  dans  ces  mêmes  fours. 

dd.  Petites  élévations  en  brique, 
où  les  condudeurs  des  fours  pofent 
les  pieds ,  pour  ne  pas  écrafer  les 
poulets  nouvellement  éclos  ,  qu'ils 
élèvent  pout  leur  compte  dans  la  ga- 
lerie D  D. 

E.  Autre  chambre  circulaire ,  où 
l'on  dcpofe  les  étoupes  dont  on  a. 
befoin  pour  boucher  les  diftérentes 
ouvertures  du  mamal ,  quand  il  eu 
ncceffaire. 

D  ddz 


3î>^  M  A  M 

//.  Entrée  Je  la  galerie  dans  les 
chambres  du  rez-de- chauffée. 

F  F.  Chambres  du  rez-de-chaufTce 
où  l'on  place  les  oeufs. 

hz figure  z  ne  reprcfente  que  trois 
de  ces  chambres  de  chaque  côté  de  la 
galerie  D  D. 

De  Thévenot  affare  (  Relation  d'un 
voyage  fa.t  au  Levarit  ,  in-^".  Bi- 
laine,  1675  )  avoir  vu  v,n  marnai  qui 
n'avoir  effectivement  que  trois  cham- 
bres ou  fours  de  chaque  côté,  mais 
il  n'y  a  prefque  pas  de  marnai  qui 
n'en  ait  un  plus  grand  nombre.  Les 
marnais  que  Veflingaobfervés,  con- 
tenoient  huit  de  ces  chambres  de 
ch  .que  côté  :  ceux  au  contraire  que 
le  P.  Sicard  a  vus,  n'en  avoienr  que 
quatre  ou  cinq  j  celui  dont  M.  Nie- 
buhr  donne  le  pian  ,  en  avoir  fix. 
Le  nombre  de  ces  chambres  eft  donc 
alfez  a'bitraire  ;  il  n'eft  pas  nécef- 
faire  de  le  déterminer  pour  fe  former 
une  idée  jufte  des  mamals  &  de  leur 
fervice  :  voilà  pourquoi  nous  nous 
fommes  contentés  de  repréfenter  trois 
de  ces  chambres  dans  la  figure  i  ;  il 
eft  facile  d'en  imaginer  telle  fuite 
qu'on  voudra.  Nous  devons  encore 
obferver  que  le  P.  Sicard  donne  juf- 
qu'à  quinze  pieds  de  longueur  à  ces 
chambres. 

La  fig'^re  2  repréfente  la  coupe 
verticale  d'un  marnai  ou  four  à  pou- 
lets de  l'Egypte,  prife  dans  la  ligne 
ç  ^  du  plan,  figure  i. 

S  S.  Ligue  de  terre  qui  marque 
comment  les  mamals  font  enfouis 
dans  la  terre,  &  jufqu'à  quelle  partie 
de  leur  hauteur  ils  le  font. 

D  D.  Galerie  fervant,  comme  il 
a  été  dit  plus  haut,  de  communica- 
tion aux  deux  rangées  de  chambres 
ou  fours  parallèles  ,  tant  inférieurs 
que  fupérieurs. 


M  A  M 

n  n.  Endroits  où  l'on  place  des 
lampes  pour  éclairer  la  galerie. 

H.  Ouverture  au  fommet  de  la 
voûte  de  la  galerie,  par  le  moyen  de 
laquelle  elle  communique  avec  l'air 
extérieur.  Il  y  a  autant  de  ces  ou- 
vertures dans  la  longueur  de  la  ga- 
lerie ,  que  de  fours  correfpondans  à 
droite  &  à  gauche  dans  chaque 
mamal. 

//.  Entrées  de  la  galerie  dans  les 
chambres  inférieures  F  F. 

F  F.  Chambres  inférieures  ou  du 
rez-de- chaulTéfc  ,  où  l'on  dépofe  les 
œufs.  (  Voye-{  F  ^  ^  fig.  i  ) 

g  g.  Entrées  de  la  galerie  dans  les 
chambres  fupérieures  :  ces  trous  ou 
entrées  ont  environ  deux  pieds  de 
large. 

G  G.  Chambres  fupérieures  &  cor- 
refpondantes  à  chacune  des  inférieu- 
res FF. 

T  T.  Ouvertures  formant  la  com- 
munication des  chambres  fupérieures 
G  G,  avec  les  chambres  inférieures 
F  F. 

R  R.  Canaux  ou  rigoles  prolongées 
le  long  du  plancher  des  chambres  fu- 
périeures G  G ,  &  où  l'on  fait  le  feu. 

I  I.  Trous  pratiqués  au  haut  de  la 
voûte  des  chambtes  fupérieures  G  G, 
au  moyen  defquels  ces  chambres 
communiquent,  quand  on  veut,  avec 
l'air  extérieur. 

L  L.  Portes  ou  ouverrures  qui  font 
la  communication  d'une  chambte  fu- 
périeure  avec  celle  qui  l'avoifine. 

e.  Porte  de  la  chambre  E,  fituée 
au  fond  de  la  galerie  \  cette  porte  eft 
vue  dans  l'éloignement. 

Pour  ne  pas  multiplier  les  planches 
fans  néctflité  ,  nous  nous  fommes 
abftenus  de  donner  le  plan  des  cham- 
bres fupérieures  du  majnal ,  lefquelles 


M  A  M 

en  forment  le  premier  étage.  Le  plan 
du  rez-de-chaullée  ou  des  chambres 
infcrieures  futfit  pour  fe  former  du 
tout  une  idée  exacte  ;  ce  que  le 
plan  de  ce  premier  étage  otFiiio;t  de 
particulier  ,  le  trouve  inuiqué  fur 
celui  de  la  figure   i . 

Ainfi  t,fia.  I.  repréfente  par  les 
lignes  ponâruées ,  l'ouverture  T,  qui 
fait  la  communication  d'une  cham- 
bre fupcrieure  G  [fig.  2)  avec  une 
intérieure  correfpondante  F.  [figures 
I  3  2)  Le  P.  Sicard  dit  que  cette 
ouverture  eft  ronde  ,  comme  toutes 
celles  qui  fervent  d'entrée  dans  les 
chambres  tant  fupérieures  qu'infé- 
rieures :  cela  pouvoit  être  dans  les 
mamals  qu'il  a  vus.  On  comprend 
que  la  forme  de  ces  ouvertures  eft 
abfolument  indifférente  ;  l'eirentitl 
eft  qu'elles  foient  les  plus  petites 
pollîbles  :  en  ce  cas ,  les  ouvertures 
rondes  ponrroient  avoir  quelqu'avati- 
tage  fur  les  ouvertures  carrées. 

r  r  défunient  les  rigoles  ou  canaux 
qui  font  pris  dans  l'épailTeur  du  plan- 
cher des  chambres  fupérieures  G  G, 
{fig.  2  )  où  l'on  allume  du  feu. 

Ainfi  l'efpace  compris  entre  les 
lignes  ponéluées  /  l ,  dénote  les  ou- 
vertures latérales  par  où  ks  cham- 
bres fupérieures  communiquent  en- 
tr'elles.  (  yoye-{  LL,jf^.  2)  Nous 
avons  jugé  qu'il  fuffifoit  d'indiquer 
ces  particularités  à  l'une  des  cham- 
bres du  plan  j  on  conçoit  qu'elles  fe 
trouvent  dans  toutes  les  chambres 
femblablei. 

On  voit  donc  qu'il  faut  fur- tout 
s'attacher  à  bien  comprendre  la  dif- 
pofition  d'une  chambre  inférieure  -Sir 
de  fa  fupérieure  correfpondante  :  c'eft 
la  réunion  de  ces  deux  pièces  qui 
forme,  à  proprement  parler,  le  four 
à  poulet  de  l'Egypte  j   tout  ce  que 


AI   A  M  397 

préfenterolt  le  mamal  ou  l'éJifije 
entier  ,  ne  ftrt-it  que  la  répétition 
d'un  plus  ou  niuius  grand  nombre 
de  ces  fours  ,  réunis  à  droite  iS,  à 
gauche  par  leur  rapprochement  ,  & 
pjt  une  galène  commune. 

Qu'on  fe  repréfente  donc  bien 
nettement ,  à  laide  de  la  figure  2  j 
une  première  ihambre  à  rcz-de- 
chaullée  F,  de  luiit  pieds  de  longueur 
environ  ,  fur  cinq  de  large  ,  U  au 
plus  de  trois  pieds  de  h.iut ,  com- 
muniquant avec  une  lecoiide  cham- 
bre G,  qui  lui  eft  fupérieure  par  une 
ouverture  T  du  plancher  qui  les  fé- 
pare^  qu'on  fe  figure  cette  chambre 
fupérieure  de  la  même  lon;jueur  & 
largeur  que  la  chambre  inférieure  , 
ayant  environ  quatre  pieds  de  haut 
fous  le  fommet  de  fa  voûte  ,  &  un 
trou  1  de  huit  à  neuf  pouces  dans  cette 
même  voûte;  qu'on  fe  repréfente  des 
canaux  ou  rigoles  R  R  ,  de  quatre  à 
cinq  pouces  d'ouverture  &  de  deux 
de  profondeur,  rampant  fur  le  plan- 
cher le  long  des  quatre  murailles  de 
cette  même  chambre;  qu'on  fe  re- 
préfente enfin  ces  deux  chambres 
avec  des  ouvertures  très-petites/  ,  ^j 
par  lefquelles  elles  cominuniquent 
à  la  galerie  commune  D  D,  &  par 
où  un  homme  ne  peut  entrer  qu'en 
fe  gliffant  la  tête  la  première  :  on 
faura  tout  ce  qu'il  faut  favoir  d'ef- 
fentiel  fur  les  mamals  égyptiens  , 
&  tout  ce  qui  eft  néceffaire  pour  en 
bien  comprendre  le  fervice  que  nous 
allons  expliquer. 

Service   des   mamals   ou  fours  à 
poulets  de   l'Egypte. 

Le  fervice  des  fours  à  poulets  fe 
fait  de  la  manière  fuivante  : 

1*.   On  dépofe   cinq  à  fix  mille 


5-98  M  A  M 

C£ufs  ,  félon  le  P.  Sicard  ,  &  fept 
mille,  félon  Velling,  dans  la  cham- 
bre inférieure  F  ;  on  les  met  fur  de 
la  paille  ou  fur  des  nates  :  mais  on 
a  l'attention  de  lailTer  une  place  vide 
au-delfous  de  l'ouverture  T  du  plan- 
cher de  la  chambre  fupérieure  G  , 
afin  qu'un  homme  puifle  entrer , 
quand  il  en  eft  befoin,  dans  la  cham- 
bre inférieure,    par  cette  ouverture. 

i"*.  Cet  arangement  tait,  on  al- 
l.ume  du  teu  dans  les  rigoles  RR,  rr 
(Jig.  I  ,  2)  de  la  chambre  fupé- 
rieure. Pendant  qu'il  brûle ,  on  bou- 
che avec  des  tampons  de  paille  ou 
d'étoupes  le  ttou  F,  aulli  bien  que 
celui  I  de  la  voûte  de  la  chambre  fu- 
périeure G  \  mais  on  lailTè  ouvert  le 
trou  latéral  g  j  faifant  l'entrée  de 
cette  même  chambre.  C'eft  par  ce 
trou  que  la  fumée  palfe  &  fe  dé- 
charge dans  la  galerie  D  D,  où  elle 
enfile  les  trous  H  H  de  fa  voûre  , 
qu'on  tient  aulli  ouverts  dans  le  temps 
qu'on  bit  du  feu. 

La  matière  qu'on  brûle  dans  les 
rigoles  eft  de  la  bouze  de  vache  & 
de  la  fiente ,  foit  de  chameau  ,  foie 
de  cheval ,  mêlée  avec  de  la  paille  : 
on  en  forme  des  efpèces  de  mottes 
qu'on  fait  fécher  au  foleil  :  c'eft  le 
chauffage  ordinaire  du  pays. 

La  chaleur  de  la  chambre  fupé- 
rieure reflue  dans  l'inférieure  où  font 
les  œufs,  par  le  trouT,  qui  bit  la 
communication  des  deux  chambres. 

Cette  chaleur  feroit  trop  forte , 
par  rapport  au  climat  de  l'Egypte, 
il  on  entretenoit  continuellement  du 
feu  dans  les  rigoles  j  on  n'en  allum.e 
que  pendant  deux,  trois  ou  quatre 
heures  par  jour,  en  différens  temps, 
félon  la  faifon  ,  &  même  vers  le 
huitième  ou  le  dixième  jour  de  la 
couvée  ,   on  cefle  abfolume;it  d'en 


M  A  M 

faire  ,  parce  qu'à  cette  époque  la 
maiïe  entière  du  marnai  a  acquis  un 
degré  de  chaljeur  convenable,  &  qu'il 
eit  po/lîble  de  le  lui  conferver  pen- 
dant plufieurs  jours  fans  une  dimi- 
nution trop  fenfible,  en  donnant  au 
mamal  moins  de  communication 
avec  l'air  extérieur.  Pour  cet  effet , 
on  bouche  habituellement  toutes  les 
ouvertures  de  la  galerie  &  des  cham- 
bres ;  on  ne  ferme  cependant  qu'à 
demi  les  ouvertures  1 1  des  voûtes 
des  chambres  fupérieures  ,  afin  d'y 
ménager  une  petite  circulation  d'air. 

3",  La  conduire  du  feu  eft  fans 
doute  le  principal  objet  de  l'induftrie 
des  direéieurs  des  fours,  mais  ils  ont 
encore  d'autres  foins  à  prendre  durant 
le  temps  de  la  couvée;  tous  les  jours, 
&  même  quatre  ou  cinq  fois  par  jour, 
ils  remuent  les  œufs ,  pour  établit 
entr'eux  tous  la  plus  jufte  répartition 
de  chaleur  qu'il  eft  poffible. 

4°.  Vers  le  huitième  ou  le  di- 
xième jour  de  la  couvée  ,  temps  où, 
comme  il  a  déjà  été  dit ,  on  celfe  de 
faire  du  feu,  les  ouvriers  exécutent 
une  grande  opération  dans  les  fours; 
ils  retirent  les  œufs  qu'ils  trouvent 
clairs  &  qu'ils  reconnollfent  alors  très- 
aifément  enles  regardantàla  lumière, 
puis  ils  tranfportent  fut  le  plancher 
de  la  chambre  fupérieure  une  partie 
des  œufs  qui,  jufque  là,  avoienttous 
été  placés  dans  la  chambre  inférieure, 
ce  qui  les  met  plus  àl'aife,  &  facilite 
fur-tout  le  remuement  des  œufs  & 
l'examen  de  ceux  qui  fe  tr.ouveroient 


gares. 


5°.  Enfin  arrivent  le  vingtième  & 
vingt-unième  jours,  qui  récompen- 
fent  les  direfteurs  de  leurs  peines.  Se 
qui  mettent  fin  aux  travaux  de  la 
couvée.  En  eftet  ,  auilîtôt  que  les 
poulets  font  éclos,  les  condufteurs 


M  A  M 

Ses  fours  n'ont  prefque  plus  rien  à 
faire  ;  les  poulers  vivenc  fort  bien 
deux  jours  fans  avoir  befoin  de  nour- 
riture; ce  temps  fuffit  pour  les  livrer 
aux  perfonnes  qui  ont  tourni  les  œufs ,  - 
eu  pour  les  vendre  à  ceux  qui  en 
veulent  acheter. 

Le  climat  heureux  de  l'Egypte  dif- 
penfede  prendre  des  précautions  bien 
pénibles  pour  élever  les  poulets  nou- 
vellement éclos  ;  le  plus  grand  foin 
qu'ils  exigent ,  c'eft  celui  de  leur 
fournir  une  nourriture  convenable. 
Paul  Lucas  (  Tome  II ^  page  9  )  pré- 
tend qu'on  les  nourrit  dans  les  com- 
mcncemens  avec  de  la.  farine  de 
iniliet. 

Les  conduéleurs  des  fours,  comme 
il  a  déjà  été  obfervé ,  mettent  dans 
la  galerie  D  D  (_/%.  /  )  les  pouflîns 
qui  leur  appartiennent,  &  qu'ils  veu- 
lent élever  dans  le  premier  âge  avec 
plus  de  foin  ;  la  chaleur  douce  qu'ils 
y  éproavent  doit  contribuer  à  les  for- 
tifier en  peu  de  temps- 
Tels  font  les  procédés  au  moyen 
defquels  les  Egyptiens  favent  mul- 
tiplier,  à  leur  gré,  une  efpèce  aulîl 
tjtile  que  celle  des  oifeaux  de  balfe- 
cour  :  on  comprend  que  leur  art  doit 
également  réuffir  fur  toutes  les  fortes 
d'oifeaux  dont  elles  font  fournies, 
comme  oies,  canards,  dindons,  (Sec. 

Selon  le  P:  Sicard ,  les  feuls  ha- 
bîrans  d'un  village  nommé  Bermé  ^ 
fitué  dans  le  Delta  ,  ont  linduftrie 
de  conduire  les  fours  .à  poulets  5  ils 
fe  tranfmettent  les  uns  aux  autres 
la  pratique  de  cet  art,  &  en  font  un 
myftère  à  tous  ceux  qui  ne  font  pas 
du  village  :  la  chofe  eft  d'autanr  plus 
croyable ,  que  ,  ne  connoilfant  pas 
i'ufage  du  thermomètre,  le  raét  feul 
&  une  longue  habitude  peuvent  les- 


M  A  Aï 


39? 


ginder   fûremenc  dans  leurs  opéra- 
tions. 

Lors  donc  que  la  faifon  eft  favo^ 
rable,  c'eft-à-dire  vers  le  commen- 
cement de  l'automne ,  trois  ou  quatre 
cens  Bermécns  quittent  leur  village, 
&  fe  mettent  en  chemin  pour  allei 
prendre  la  conduite  des  fours  à  pou- 
lets ,  conftruits  dans  les  différentes 
contrées  de  l'Egypte;  ils  reçoivent 
pout  leur  falaire  la  valeur  de  qua- 
rante ou  cinquante  écus  de  notre 
monnoie  ,  &  font  nourris  par  les^ 
propriétaires  des  fours  où  ils  tra- 
vaillent. 

L'ouvrier  ou  directeur  des  fours- 
eft  chargé  de  faire  le  choix  des  œufs  ,. 
pour  ne  conferver  que  ceux  qu'il 
croir  propres  à  être  couvés  :  il  ne 
répond  que  des  deux  riers  de  ceux: 
qu'on  lui  confie.  Ainiî  le  propriétaire 
remettant ,  par  exemple  ,  quarante- 
cinq  mille  œufs  entre  les  mains  du 
Berméen,  diredeur  de  fon  marnai  , 
n'exige  de  lui  que  trente  mille  pouf- 
fins  à  la  fin  de  la  couvée  ;  mais 
comme  il  arrive  prefque  toujours  que 
les  œufs  réufiilfent  au-del.vdes  deux 
tiers ,  tout  le  profit  n'elt  pas  pour 
le  direéleur,  le  propriétaire  y  a  fa 
bonne  part;  il  tachette  de  fon  four- 
nier  pour  fix  médins  (  environ  neuf 
fous  de  notre  monnoie  )  chaque  rukba^. 
ou  trentaine  de  pouffins  éclos  au- 
delà  des  deux  tiers,  &  il  les  vencî 
tout  au  moins  vingt  médins  ou  trente- 
fols  de  notre  monnoie. 

Chaque  mamal  a  vingt  ou  vingt- 
cinq  villages  qui  lui  font  annexés; les 
habirans  de  ces  villages  font  obligés 
d'apporter  leurs  œufs  à  leur  mamaE 
refpeélif;  il  leur  eft  défendu,  par 
l'autorité  publique,  de  les  porter  ail- 
leurs ,  ou  de  les  vendre  à  d'autres> 
qu'au  feigneur  du  lieu  ;i  ou  aux-pass- 


400 


M  A  M 


ticLiliers  des  villages  de  leur  diftriél. 
Au  moyen  de  ces  précautions  ,  les 
marnais  on:  toujours  des  œufs  en 
fuffifante  (Quantité.  (  ^^oyei  Incuba- 
tion )  M.  l'abbé  Copineau. 

MAMELLES.  Médecine  ru- 
rale. Le  nombre,  la  lituation  i!s:  la 
figure  des  mamelles  font  trop  con- 
nues pour  nous  y  arrêter,  elles  va- 
rient en  volume  3c  en  ferme  ,  félon 
l'àj^e  &  le  fexe. 

Le  volume  des  mamelles  eft  très- 
petit  chez  les  jeunes  hlles ,  il  augmente 
à  lage  de  puberté,  &  devient  alfcz 
conlidcrable  chez  les  femmes  encein- 
tes (Se  les  nourrices.  Ce  même  volume 
diminue  dans  la  vieillelTe.  H  y  a  des 
pays  où  les  mamelles  fe  trouvent 
alongées  kun  tel  point,  que  les  fem- 
mes peuvent  les  jeter  par-deilus  l'é- 
paule. Les  mamelles  des  femmes  de 
la  terre  de  Papous  &  de  la  nouvelle 
Guinée,  font  h  longues,  qu'elles  tom- 
bent fur  leur  nombril.  On  fait  que  les 
femmes  des  déferts  de  Zara  font  con- 
filter  la  beauté  de  ces  parties  dans  leur 
longueur-  auiîi,  d'aptes  cette  idée,  à 
peine  ont-elles  atteint  l'âge  de  douze 
ans,  qu'elles  fe  ferrent  les  mamelles 
avec  des  cotdons  pour  les  faire  âc(- 
cendre  le  plus  bas  qu'elles  peuvent. 

Les  mamelles  font  deflinces  non- 
feulement  à  iàltrer  le  lait,  mais  en- 
core à  le  tranfmettre  de  la  mère  à 
l'enfant  par  le  mamelon  ,  qui  cft 
cette  émii:ence  arrondie  &  un  peu 
alongée ,  placée  au  milieu  de  la  ma- 
melle, &  qui  fe  trouve  percée  de  plu- 
ileurs  petits  trous ,  correfpondans  à 
autant  de  conduits  par  où  le  lait  s'é- 
chappe. 

Pour  que  les  mamelles  d'une  nour- 
rice ayent  toutes  les  conditions  &c 
les  qualités   requifes ,  elles  doivent 


M  A  N 

être  médio -rement  fermes,  &c  d'un 
volume  allez  conlidérable  ,  bien  dif- 
tindtes  &  féparées  l'une  de  l'autre; 
elles  ne  doivent  pas  être  trcn  atta- 
chées à  la  poitrine,  il  faut  au  con- 
traire qii'clles  s'avancent  en-dehors 
en  ferme  de  poire;  le  mamelon  ne 
doit  p.as  être  enfoncé,  mais  faillanc, 
(Se  refft.'mbler  pour  la  figure  &  pour 
le  volume  à  une  noifette ,  &  les 
trous  dont  il  cft  parfemé  doivent 
être  libres,  pour  qu'une  prelTion  afTez 
médiocre  de  la  main  de  la  nourrice, 
ou  de  la  bouche  de  l'enfant ,  foit  fuf- 
filante  pour  en  faire  fortir  le  lai:  en 
manière  d'arrofoir. 

Malgré  toutes  ces  conditions  &  les 
importantes  fondions  que  la  nature 
exerce  fur  les  mamelles,  elle  les  a 
foumifes  à  éprouver  quelquefois  des 
maux  terribles ,  dont  nous  ne  ferons 
pas  le  détail",  nous  nous  contenterons 
feulement  de  faire  obferver  qu'elles 
font  très-expo  fées,  par  leur  ftruéture, 
à  des  engorgemens  de  toute  efpèce  , 
qui  produifent  fouvent  des  maux 
incurables  ,  tels  que  le  cancer  ^  le 
fquirrhe  j  &  des  ulcères ,  des  ger- 
çures au  mamelon  ,  &  des  dépôts 
laiteux  qui  font  fouffrir  les  plus 
vives  douleurs.  (  Voye-^  Cancer  , 
SquirrhEjGerçure  DE  mamelles) 
M.  Ami. 

MANDRAGORE.  {.Foye^  plan- 
che X  j  pao.  4C0.  )  Tournefort  la 
place  dans  la  première  feélion  de 
la  première  clalle  ,  qui  renferme  les 
herbes  à  fleur  en  cloche,  dont  le  piflil 
devient  un  fruit  mou  ,  &  il  l'appelle 
mandragora  fruclu  rotundo.  Von 
Linné  la  nomme  mandragora  qffici- 
narum ,  &  la  clafTe  dans  la  pentaii- 
drie  monoginie. 

Fleur.  B.  Calice  d'une  feule  pièce 

à 


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M  A  N 

X  cinq  découpures  pointues  ;  la  fleur 
eft  d'un  violcc-pâle  ;  c'eft  un  tube 
menu  à  la  bafe,  renflé  dans  fon  mi- 
lieu, évafé  &  à  cinq  découpures  j  las 
étainiiies  au  nombre  de  cinq  Cj  <Sc  un 
pillil  occupant  le  centre  de  la  fleur. 

fruicD.  Mou,  rond,  fucculunt.  E 
le  reprélente  oupé  tranfverfalemenr, 
afin  de  montrer  l'arrangement  des 
graines  F  qui  font  blanches,  appla- 
ties ,  de  la  forme  d'un  rein. 

Feuilles.  Grandes,  ovales,  &  par- 
tant du  collet  de  la  racine^  elles  lont 
rudes  au  toucher. 

Racine  A.  Grofle ,  pivotante  ,  quel- 
quefois divifée  en  deux  ou  en  quatre. 

Port.  Il  s'élève  d'entre  les  feuilles 
plufieurs  petites  tiges,  chacune  porte 
une  fleur. 

Lieu.  Indigène  en  Italie  ;  cultivée 
dans  nos  jardins ,  la  plante  efl  vivace. 

Propriétés.  L'odeur  des  racines  eft 
force  &  puante  j  l'écorce  étant  def- 
féchée,  a  une  faveur  acre  &  amcre  \ 
les  feuilles  font  deflicatives  ,  atté- 
nuantes ,  réfolutives  j  l'écorce  eft  un 
violent  purgatif  par  le  haut  &  par 
le  bas.  On  obferve  aufli  qu'elle  eft 
narcotique  &  alToupilTante.  L'extrait 
de  la  racine  à  haute  dofe ,  purge  à 
l'excès ,  il  excite  le  vomilfement ,  il 
rend  le  fommeil  agité,  &  il  abat  les 
forces  vitales  &:  mufculaires.  A  petite 
dofe,  il  tient  le  ventte  libre,  &  dif- 
pofe  au  fommeil.  Quoique  cette 
plante  doive  être  regardée  comme  un 
poifon ,  donnée  par  des  perfonnes  peu 
inftruites ,  elle  peut  être  employée 
utilement  dans  plufieurs  cas  j  les  mé- 
decins de  Vienne  en  Autriche,  don- 
nent la  racine  en  infuflon  ,  à  la  dofe 
d'un  demi-fcrupule  à  un  fcrupuie, 
dans  les  maladies  caucéreufes. 

Culture.  Elle  vient  très-bien  dans 
un  terrein  léger  &  fubftantiel.  On. 
Tome  VI. 


M  A  N  401 

fcaie  la  graine  dès  qu'elle  eft  mûre  , 
ou  au  premier  printemps ,  contre  de 
bons  abris,  ou  fous  chaflis  ,  fuiv.mc 
le  climat.  Les  pots  font  néceîfaires 
au  femis  ,  afin  de  mettre  en  terre  la 
plante  lorfqu'elle  a  acquis  une  cer- 
taine grolfeur  ,  afin  de  ne  pas  en- 
dommager fon  pivot.  Dans  le  nord  , 
on  la  garantit  de  la  rigueur  des  hi- 
vers ,  foit  en  la  remettant  dans  l'o- 
rangerie,  (oit  en  la  couvrant  avec  de 
la  paille  de  litière. 

11  eft  étonnant  combien  les  char- 
latans ont  abufé  de  la  crédulité  du 
peuple  ,  en  lui  montrant  ce  qu'ils 
appelloient  des  mandragores  mâles 
ou  temelles ,  auxquels  ils  attribuoient 
des  propricccsmeiveilleufes.  11  lalloit 
avoir  le  viiage  voilé ,  &  ne  jamais 
regarder  la  plante  pendant  tout  le 
temps  qu'on  mettoità  la  tirer  de  terre, 
crainte  de  mourir  j  il  falloir  l'enlever 
lotfque  la  lune  étoit  dans  tel  figne 
du  zodiaque  ,  &  dans  tel  de  it% 
quartiers ,  &c.  J'ai  vu  des  mendra- 
gores  qui  reprclentoient  aflez  bien 
les  parties  de  l'homme  ou  de  la 
femme  ,  &  cette  relfemblance  tient 
à  uu  tour  de  main.  On  choifit  à  cet 
effet  une  mandragore  à  forte  racine  , 
laquelle ,  après  quelques  pouces  d'é- 
tendue ,  fe  bifurque  en  deux  branches. 
Comme  cette  racine  eft  molle  ,  elle 
prend  aifémenc  l'empreinte  qu'on 
veut  lui  donner,  &  elle  la  conferve 
en  fe  deiféchant.  Je  ne  détaillerai  pas 
un  procédé  que  tout  le  monde  doit 
concevoir  j  je  dirai  feulement  ,  que 
pour  repréfenter  les  poils  qui  ac- 
compagnent les  parties  de  la  géné- 
ration ,  on  implante  près-à-près  des 
grains  de  bled  ,  jufqu'à  ce  que  le 
grain  foit  enfoui ,  mais  le  germe  en- 
dehors.  L'humidité  de  la  racine  fe 
communique  au  grain,  il  germe,  & 
E  e  e 


401  M  A  N 

lorfque  le  germe  eft  afiez  grand,  on 
met  la  racine  dans  un  four  modc- 
rémenc  chaud  ,  afin  de  deiïecher  le 
germe  ,  &  le  grain  ne  paroîc  plus , 
parce  qu'il  eft  recouvert  par  le  ref- 
ierremenc  de  la  racine.  Notre  but  en 
donnant  ces  détails  eft  uniquement 
de  détruire  une  erreur  fort  acctéditée 
dans  les  campagnes ,  &  de  fournir  le 
moyen  de  démafquer  la  charlatanerie 
lorfque  Foccafion  s'en  préfente.  Ces 
mêmes  batteleurs  font  encore  voir 
de  prétendus  bojilïcs ,  avec  des  yeux 
bleus  ,  &  dont  le  feul  regard  tue 
l'homme,  (1  le  bafilic  le  voit  le  pre- 
mier. C'eft  avec  une  jeune  raye , 
(  poilfon  de  mer,  )  qu'on  fabrique  ce 
monftre  fabuleux. 

MANIE.  MÉDECINE  Rur;(le. 
On  appelle  de  ce  nom  un  délire  per- 
pétuel ,  fans  fièvre  j  avec  fureur  & 
audace. 

Cette  maîadie  a  toujours  quelque 
fymptome  précurfeur.  Pour  l'ordi- 
naire ,  ceux  qui  en  font  menacés 
éprouvent  de  fréquens  maux  de  tcte, 
font  agités  par  des  veilles  prefque 
continuelles  j  leur  fommeil  eft  entre- 
coupé par  des  fonges  fatiguans ,  qui 
■  les  jettent  dans  un  état  violent  de 
fouftrance  \  ils  fe  fentent  plus  lourds 
6c  plus  afFailfés  immédiatement  après 
leurs  repas  ;  la  digeftion  chez  eux 
eft  pénible  &  laborieufe  ;  ils  rendent 
beaucoup  de  vents  par  la  bouche  j 
leurs  hippochondres  font  comme  tu- 
méfiés j  de  plus ,  ils  font  rêveurs  , 
penfifs ,  &  naturellement  inquiets  \ 
ils  fe  dégoûtent  facilement  de  ce 
qu'ils  recherchoient  avec  avidité  j  le 
fûuci  ,  la  trifteffe  ,  &  la  peur  s'em- 
parent de  leur  ame,  &  bientôt  après 
leurs  yeux  font  frappés  &  éblouis  par 
des  traits  de  lumière  ,  des  efpcces 


M  A  N 

d'éclairs  ;  c'eft  alors  que  leur  regard 
eft  audacieux,  leurs  yeux  enflammés, 
le  vifage  pâle  ,  &  qu'ils  font  tou- 
jours prêts  à  faire  du  mal  aux  autres  ; 
ils  éprouvent  un  bourdonnement  & 
un  tintement  d'oreilles  j  ils  font  in- 
fenfibles  à  la  faim  ,  aux  froids  les 
plus  aigus  ,  &  aux  veilles  continuel- 
les \  ils  font  d'une  chaleur  &  d'une 
force  fi  grande  ,  qu'ils  brifent  tout 
ce  qui  les  environne  ,  &;  fe  débarraf- 
feroient  de  l'homme  le  plus  fort  & 
le  plus  vigoureux.  Dans  cet  état  ils 
aiment  les  femmes  avec  fureut  ;  ils 
défirent  ardemment  le  Cfït  j  les  pol- 
lutions noéturnes  font  fréquentes  j  ils 
s'emportent  contre  les  afliltans  ,  dé- 
chirent leurs  habits,  ôc  fe  découvrent 
indécemment  tout  le  corps  :  quel- 
quefois ils  fixent  les  yeux  fur  un  ob- 
jet, &  ce  n'eft  que  très- difficilement 
qu'on  parvient  à  en  détourner  leurs 
regards.  Quelquefois  auffi  ils  rient, 
contre  leur  coutume ,  ils  parlent  beau- 
coup à  tort  &  à  travers.  11  y  en  a  qui 
ne  celfent  de  chanter,  de  parler,  de 
rire  ou  de  pleurer.  Ils  changent  de 
propos  à  chaque  inftant  ;  ils  oublient 
ce  qu'ils  viennent  de  dire,  &  le  répè- 
tent fans  celTe. 

Tantôt  le  délire  eft  continuel  ,  & 
tantôt  périodique.  Les  malades  fem- 
blent,  pendant  quelque  temps,  jouir 
de  leur  raifon  :  ils  étonnent ,  par  leur 
fagefTe  ,  ceux  qui  les  traitent  de  fous; 
mais  au  bout  de  quelques  heures,  de 
quelques  jours,  &  même  de  quelques 
mois,  ils  retombent  dans  leur  manie. 

Les  hommes  vifs,  ardens  &  colé- 
riques ,  &  dont  la  fenfibilité  eft  ex- 
trême, font  les  plus  fujets  à  la  ma- 
nie. J'ai  obfervé  que  ceux  qui  y 
étoient  difpofés  ,  avoient  les  yeux 
faïences  :  je  puis  même  afTurer  que  ce 
fymptome  ne  m'a  jamais  trompé  ,  & 


M  A  N 

certaines  perfonnes  de  l'art  auxquelles 
j'avois  communiqué  cette  obferva- 
tioii,  ont  été  à  même  de  lobferver, 
Se  lent  témoignac;e  eft  digne  de  toi. 
11  patoîc  cjae  la  difFirence  ellen- 
tielle  entte  la  manie ,  &z  la  mélan- 
colie ,  confifte  en  ce  que  la  manie 
cft  le  plus  fouvent  produite  pat  une 
cznù  idiopathique  du  cerveau ,  ou  de 
ce  qu'on  appelle  ame  penlante.  Au 
lien  que  la  mélanculic  dépi^nd  d'ime 
afteétion  fympathique  des  organes 
digeftifs ,  &  autres  vifcères  du  bas- 
ventre  ,  avec  vice  de  conftiturion. 
11  n'eft  pas  furprenant  que  le  mou- 
vement des  maniaques  foit  vif,  fé- 
roce .  quelquefois  phténétique  ,  vu 
que  l'ame  eft  primitivement  affec- 
tée ;  tandis  que  dans  la  mélancolie 
on  ne  voit,  le  plus  fouvent,  que  des 
idées  fombres ,  triftes  ,  des  aliéna- 
tions d'efprit,  moins  actives;  ce  qui 
tient  au  vice  qui  eft  placé  dans  des 
organes  moins  fenfibles  Se  moins  ac- 
tifs ,  &  à  la  dominance  de  l'humeur 
attrabilaire  qui  s'y  complique  le  plus 
fouvent. 

Parmi  les  caufes  qui  produifent 
cette  maladie  ,  on  peut  compter  les 
vives  pallions  ,  les  mouvemcns  vio- 
lens  de  l'ame, la  contention  d'efprit, 
une  étude  ttop  longtemps  fuivie  ,  & 
trop  réfléchie  ,  un  amour  malheu- 
reux ,  des  défiis  effrénés  ,  3c  rendus 
vains,  ou  fatisfaits  avec  trop  d'aban- 
don j  des  méditations  ttop  profon- 
des; des  idées  révoltantes,  qui  peu- 
vent agiter  vivement  les  nerfs  ,  dé- 
ranger l'ordre  de  leuts  fonctions , 
troubler  celles  de  l'ame.  Mais  dans 
les  caufes  prochaines ,  on  doit  com- 
prendre une  fenfibilité  extraordinaire 
dans  la  conftitution  ,  une  difpofuion 
héréditaite  ,  la  fupptellion  des  menf- 
irues  j  des  lochies  &  du  flux  hémor- 


M  A  N 


403 


roïdal  ;  la  répercuflîcn  de  quelques 
humeurs  dartreufes  ,  écrouelleufes  ; 
les  excès  dans  les  plaifirs  de  l'amour , 
l'ufage  abufif  des  liqueurs  fortes  &: 
fpiritueufes. 

La  manie  peut  être  fympathique  , 
&  teconnoître  pour  caui  un  amas 
de  vers  contenus  dans  l'eftomac  & 
les  premières  voies;  im  engorgement 
dans  les  conduits  de  la  véfnule  du 
fiel,  &  la  préfence  d'une  bile  très- 
âcre ,  de  couleur  d'un  verd  foncé  j 
&  très-exaltée  dans  cette  même  po- 
che; la  manie  a  lieu  quelquefois  à  la. 
fuite  des  hîvres  intermittentes,  dont 
on  a  trop  tôt  atrêté  les  paroxifmes , 
par  l'ufjge  précipité  du  quinquina. 
Les  fièvres  aigucs  ,  ardentes  6c  in- 
flammatoires j  dont  la  crife  a  été 
imparfaite  ,  lailTènt  quelquefois  , 
après  elles,  cette  maladie. Hippocrate 
remarque  que  la  ceflation  d'un  ul- 
cère, d'une  varice,  la  difpofition  des 
tumeurs  qui  font  dans  les  ulcètes , 
font  fouvent  fuivies  de  manie. 

Mais  l'ouverture  du  crâne  des  ma- 
niaques,  nous  fait  voir,  que  le  plus 
ordinairement  la  caufe  eft  idiopathi- 
que, &.'  a  fou  fiége  dans  le  cerveau. 
0\\  a  trouvé  dans  les  uns ,  la  fubftance 
du  cerveau  très-ferme  &  compadie  ; 
les  gros  vailFeaux  &c  ceux  qui  ram- 
pent fur  la  furface  de  ce  vifcère  , 
gorgés  d'un  fang  très-  noir.  Dans  d'au- 
tres ,  un  épanchement  aqueux  ,  qui 
inondoit  tous  les  replis  du  cerveau  ; 
des  hydatides  folitaires ,  &  d'autres 
très-rapprochées,  &  ramalfées  en  for- 
me de  peloton;  des  varices  au  plexus 
chorroïde  ;  les  ménfnges  enflammées, 
&:  très-dures  ;  l'avancement  de  la 
faulx  oflifié  ;  des  vers  dans  les  funis 
trontaux. 

La  manie  eft    une  maladie   lon- 
gue ;  pour  l'ordinaire  ,  peu  dange- 
E  e  e  i 


404 


M  A  N 


reufe.  Ceux  qui  en  font  art iqués,  font 
forts ,  robuftes,  &  à  leur  ctat  près, 
bien  portans.  Ils  vivent  afftz  long- 
temps. Il  eft  prouvé  qu'ils  ne  con- 
tractent jaa:ais  de  maladie  cpidémi- 
que.  Mais  un  protond  fomnieil ,  qui 
fuccède  à  un  délire  continuel  ,  & 
l'infenfibilité  des  malades  au  froid  le 
plus  aigu  ,  &  à  l'adtion  des  purga- 
•tifs  ,  font  des  fîgnes  de  mauvais  au- 
gure ;  &:  fi  les  torces  font  épuifées 
par  l'ablVinence  ,  &  que  le  malade 
tombe  dans  l'épilepfie  ,  ou  dans  quel- 
que maladie  foporeufe  ^  la  mort  ne 
tarde   pas  à  terminer  fa  vie. 

Perfonne  n'iguore  que  la  manie 
ne  foie  difficile  à  guérir,  fur-tout  lotf- 
qu'elle  tlt  invétérée ,  &  que  cette 
maladie  eft  incurable  lorfqu'elle  eft 
héréditaire. 

La  nature  opère  très  -  rarement 
d'elle-même  la  guérifon  de  cette  ma 
ladie  \  néanmoins  on  a  vu  la  manie 
guérie  par  de  fortes  hémorragies  du 
nez ,  ou  par  d'autres  évacuations  ;  mais 
ces  cas  font  fi  rares,  qu'on  iie  fauroit 
toujours  attendre  des  crifes  aufli  falu- 
taires ,  fans  expofer  les  maniaques  aux 
dangers  les  plus  évidens;  on  eft  donc 
forcé  d'avoir  recours  à  d'autres  mé- 
thodes de  traitement ,  relatives,  i  ". 
à  l'état  de  foiblelTe  ,  d'épuifement , 
de  démence  ,  produite  ou  entrete- 
nue par  des  évacuations  immodérées, 
ou  au  vice  général  de  la  conftitution  ; 
2".  à  l'état  nerveux,  idiopathique  du 
cerveau  &   des  nerfs. 

I*.  Dans  cette  efpèce  de  manie 
qui  fuccède  aux  fièvres  intermitten- 
tes mal  traitées ,  &z  fur-tout  à  la  fièvre 
quarte  ,  que  Sydinham  a  fort  bien 
obfervée  ,  il  eft  très  -  dangereux  de 
faire  faigtier  iî^c  de  donner  des  éva- 
cuans  ;  il  faut ,  au  contraire ,  la  com- 
battre par  des  remèdes  analeptiques. 


M  A  N 

fortifians  &  toniques  :  la  thériaque, 
dans  ce  cas ,  eft  un  excellent  remède. 
iocAer,  quia  rrèsbien  traité  de  cette 
maladie ,  a  obfervé  que  les  faignées  Se 
les  purgatifs  étoient  nuifibles  dans 
le  cas  de  foiblelfe  naturelle  &  ef- 
fentielle,  &  d'épuifement  des  foices. 
Au  lieu  que  dans  la  manie  entretenue 
par  une  fluxion  chronique  ,  ou  par 
une  con^eftion  à  la  tête ,  à  la  fuite 
des  pallions  vives ,  de  remèdes  échauf- 
fans  ,  i5c  d'autres  abus  de  cette  ef- 
pèce; les  évacuans  &  la  faignée,  en 
aft'oibHllant  le  malade  ,  produifent 
les  plus  heureux   effets. 

Les  véficatoires  conviennent  fur- 
tout  à  la  manie  qui  reconnoît  pour 
caufe  la  répercuflion  des  exanthèmes , 
des  dartres  Se  autres  maladies  de  la 
peau.  Mais  ,  ce  n'eft  pas  comme  ir- 
ritans  qu'il  faut  les  employer,  mais 
comme  aftoiblilTans  j  pour  cet  effet 
il  faut  les  maintenir  pendant  long- 
temps. Après  les  évacuans  convena- 
bles, les  raftVaîchiftans,  tels  que  l'eau 
froide  ,  les  bains  ,  &  autres  fembla- 
bles  font  très-avantageux.  Il  eft  très- 
utile  de  prendre  un  bain  tiède  des  ex- 
trémités ,  en  arrofant  en  même  temps 
la  tête  d'eau  glacée,  &  de  donner  inté- 
rieurement  de  la  limonade  nitrée.  Le 
vinaigre  diftillé,  paroît  fur-tout  con- 
venir dans  la  manie  ,  avec  congeftioa 
à  la  tête ,  dans  des  fujets  pléthoriques. 

Les  femmes  hiftériques  peuvent 
être  facilement  attaquées  de  manie, 
&  fur-tout  les  femmes  en  couche  , 
par  des  pafllons  violentes  ,  par  Li 
fupprefiion  des  vuidanges  ,  par  des 
dépôts  laiteux  ,  Si  autres  caufes  pu- 
rement nerveufes  ,  fans  congeftion  à 
la  tête.  On  eft  autorifé  à  foupçonner 
cetre  affeétion  fympathique ,  lorfqu'il 
s'annonce  rout- à-coup  un  délire  ,  fans 
caufe  de  congeftion  ,  précédé  de  vie- 


M  A  N 

Jentes  affections  de  l'amc.  Les  re- 
mèdes nervins ,  tels  que  la  myrrhe  , 
lecaftoreitm,  l'afTa-fcEtida  ,  foiic  très- 
appropriés  ;  ik  les  martiaux  ,  dont 
Mead  a  peut-être  trop  étendu  l'u- 
fage  ,  rcullilfent  fîngulièrement. 

L'opium  eft  le  remède  le  plus  con- 
venable à  la  manie  qui  eft  pioduite 
par  des  pallions  vives  ,  des  terreurs 
extrêmes  fans  cons^eftion ,  ni  pléthore. 
Un  célèbre  médecin  l'a  donné ,  avec 
fuccès,  à  la  dofe  de  huit  grains.  Mais 
il  faut  plutôt  entretenir  le  ventre  libre, 
au  moyen  de  l'émétique  ,  pour  pré- 
venir la  conqeftion ,  qui  ne  pourroit 
être  que  défavantageufe.  Dans  le  cas 
de  veilles  opiniâtres ,  l'opium  ,  gradué 
à  propos  „ procure  un  fommeil  doux 
&  très-avantageux.  Mais  il  arrive  quel- 
quefois auiïi  ,  qu'il  augmerre  les 
fymptomes,  tk  qu'il  produit  des  in- 
terruptions dans  le  fommeil,  des  ag:- 
t.Ttions  6c  des  fonges  très-hlcheux  j  il 
faut  alors  s'en  abftenir ,  de  peur  qu'il 
ne  rende  la  maladie  incurable.  11  vaut 
mieux  lui  préférer  des  raffraîchilfans 
&  d'autres  caïmans ,  tels  que  le  fy- 
rop  de  diacode  ,  &  le  camphre  cor- 
rigé avec  le  nitre  donné  à  très  grande 
dofe. Zoc/ieralTure avoir  foulage,  avec 
le  mufc  ,  beaucoup  de  maniaques , 
&  en  avoir  guéri  un  radicalement. 

On  a  vu  des  maniaques  guéris  par 
certaines  opérations.  C'eftainfi  qu'un 
homme  ,  auquel  on  creva  les  yeux  , 
parce  qu'il  faifoit  le  loup  -  garou  , 
(  yoyc-;^  ce  mot  )  fut  entièrement 
exempt  d'attaque.  Le  hafard  a  plus 
fouvent  opéré  de  pareilles  cures ,  que 
la  main  du  chirureien.  On  n'en  fau- 
roit  confeiller  l'imitation. 

Vanhelmont  a  propofé  l'inimerfion 
du  malade  dans  l'eau  froide.  II  eft 
très-vrai  qu'en  a  obtenu  de  bons  ef- 
fets des  bains  froids,  &  de  pareilles 


•  MA  N  405 

itnmerfions.  Les  anciens  faifjien:  un 
grand  ufage  de  l'ellébore  blanc;  mais, 
comme  ce  remède  eft  corrolif  ,  il  ne 
peut  être  employé  que  comme  fter- 
nutatoire.  Le  vinaigre  diftillé  ,  peut 
être  regardé  comme  un  vrai  fpccih- 
que  dans  cette  maladie  ,  &:  comme 
corre6tif  de  l'attrabile  qui  domine 
dans  les  aft'edions  maniaques  &  hyp- 
po^hondriaques.  iot/it';  faifoit  pren- 
dre chaque  jour,  une  livre  d'mlufioii 
teftacce  d'hypericum  ,  &  après  dîner, 
il  donnoit  de  quart-d'heure  en  quart- 
d'heure  ,  quelques  cuillerées  de  vi- 
naitrre  diftillé.  Il  alTure  avoir  guéri  , 
par  cette  méthode,  un  grand  nom- 
bre de  malades  ;  mais  il  veut  qu'on 
continue  ce  traitement  pendant  deux 
ou  trois  mois.  Il  a  vu  que  l'ufage 
du  vinaigre  faifoit  difparoîcre  l'état 
étrange  des  yeux,  &  ce  regard  foi  ce  , 
qui  eft  un  fymptome  primitif  de  cetce 
maladie.  Il  a  encore  obfervé  que  ce 
remède  poufle  ,  par  les  fueurs  ,  !k 
les  autres  excrétions  ;  mais  que  ces 
crifes  étoient  indépendantes  de  la 
"uérifon  ,  puifqu'elles  n'arrivoienr 
qu  après  que  la  maladie  avoit  celle, 
de  même  que  la  fupprtiîlon  des  rè- 
gles &  des  hémorragies  qu'il  faifoit 
dilparoître  \  ce  qui  étoit  un  indice 
d'un  entier  rétablillement.  M.  Ami. 

MANIHOC  ou  MAGNOC, 

Comme  je  n'ai  jamais  cultivé  ,  ni 
vu  cultiver  cette  plante,  je  vais  em- 
prunter cet  article  de  l'hijloire  des 
plantes  de  la  Guiane  françoife,  de 
M.  Aublet.  Von  Linné  le  clalfe  dans 
la  monoctie  monadelphie  ,  &  le 
nomme  jatropka  manihot.  11  a  été 
connu  par  Gafpard  Bauhin,  fous  la 
dénomination  à' arbor  fucco  venenatOj 
radiée   efeulentà. 

On  en  connoîc  à  Cayenne  plulîeurs 


40(5  Aï  A  V 

eipèces.  La  première  eft  celle  dont 
la  racine  eft  bonne  à  manger  fix  mois 
après  que  la  plante  a  été  mife  en 
terre  ,  c'ell:  le  magnoc-maïs.  Cette 
racine  eil  courte  ,  grolfe  ,  dure  à 
rapper  ;  fori  écorce  s'enlève  difficile- 
ment \  étant  rappée  &:  preffee  ,  elle 
rend  peu  de  (\ic\  les  tiges  font  balFes, 
branchues  &  rameufes  \  elles  ont  au 
moins  douze  pieds  de  hau:,  &c  leur 
ccorce   elt  griiâtre. 

La  féconde  efpèce  fe  nomme  ma- 
gnoc-cachiriy  elle  diffère  de  la  pre- 
mière par  fes  racines  ,  qui  ont  un 
pied  &  demi ,  ou  plus ,  de  longneut , 
environ  fept  à  huit  pouces  de  dia- 
mètre ;  par  les  tiges,  grolTes  à-peu- 
près  comme  le  poignet,  branchues, 
hautes  de  fix  à  iep:  pieds.  Les  natu- 
rels du  pays  ne  l'atrachent  qu'après 
dix  mois  de  culture  ;  ils  l'employent 
principalement  à  la  fabrication  d'une 
boilfon  qu'ils  nomment  cachiri. 

La  troilième  efpèce  eft  le  magnoc- 
boLs-hlanc.  Elle  diffère  de  la  précé- 
dente par  fes  racines  qui  ont  beaucoup 
de  rapport  ,  par  leur  forme  &  par 
leur  grolfeur,  avec  celle  du  magnoc- 
maic.  Ses  tiges  ont  hx  à  fept  pieds 
de  haut ,  elles  font  terminées  par  de 
rrès-pe:its  rameaux  courts  ,  chargés 
de  feuilles  \  leur  écorce  eft  d'un  gris- 
cendré.  Pour  employer  fa  racine  ,  il 
faut  qu'elle  foit  âgée  de  quinze  mois. 
On  fait  avec  cette  efpèce  de  magnoc 
une  caffùve  très-blanche,  &  agréable 
au  goût. 

La  quatrième  efpèce  eft  le  magnoc- 
maï-pourri-rouoc.  Ses  tiges  font  rou- 
geâtres  ,  branchues  ,  rameufes  & 
noueufes  \  fes  nœads  font  très-rap- 
prochés  \  la  tige  eft  haute  de  fix  à 
fept  pieds  j  fes  racines  ont  la  peau 
brune  ^  elles  font  plus  ou  moins  gref- 
fes ,  falvant  U  qualité  du  terrein  j 


M  A  N 

on  ne  les  arrache  qu'après  quinze 
mois.  La  calfave  qu'on  en  fait  eft 
excellente.  Si  ce  magnoc  eft  cultivé 
dans  les  champs  où  les  eaux  de  pluie 
ne  croupiffent  pas ,  fes  racines  fe  con- 
fervent  en  terre  l'efpace  de  trois 
années  fans  fe  pourrir  ni  fe  durcir. 

Le  magnoc-mai-pourn-noir  forme 
la  cinquième  efpèce.  Elle  ne  diffère 
de  la  précédente  que  par  fes  tiges , 
dont  l'écorce  eft  brune;  d'ailleurs  fa 
racine  a  les  mêmes  propriétés  que 
celles  de  la  quatrième  efpèce  ,  &  ces 
deux  plantes  font  tout- à-lait  fembla- 
bles. 

Nous  mettrons ,  peur  la  fixième 
efpèce,  le  <:j/«t7^/?c)c.  Celui-ci  diffère 
de  tous  les  autres  magnocs  par  fes 
racines  ,  qui  font  bonnes  à  manger 
fans  c:re  rappées  ,  preffées  ni  rédui- 
tes en  latine  :  on  peut  les  faire  cuire 
fous  la  cendre  ou  dans  un  four  ,  on 
les  faire  bouillir.  De  quelque  manière 
qu'on  les  cuife  ,  elles  font  bonnes 
à  manger ,  &  tiennent  lieu  de  pain. 

Elles  n'empâtent  pas  la  bouche  , 
comme  les  cambars  ou  ignam.s  \  fes 
racines  font  longues  d'environ  un 
pied  fur  trois  à  quatre  pieds  de  dia- 
mètre. On  les  arrache  au  bout  de 
dix  mois  j  les  tiges  font  hautes  de 
cinq  à  fix  pieds  \  leur  écorce  eft  rou- 
geâtre-j  les  feuilles  font  également 
rougeâtres  en-deftbus ,  &  fujettes  à 
être  piquées  par  les  infeéles  ;  l'ex- 
trémité des  tiges  eft  chargée  de 
feuilles;  les  vaches,  les  chèvres  &  les 
chevaux  les  mangent  avec  plaifir.  Les 
racines  coupées  par  rouelle  ,  font  du 
goût  des  vaches  ,  des  chevaux  & 
des  cabris.  Quand  les  faifons  font  fe- 
chesi,  lorfque  le  fourrage  manque  , 
cette  plante  peut  être  d'un  grand  fe- 
cours  pour  nourrir  &  pour  engraiffer 
les  troupeaux.  On  peut  nourrir  avec  fes 


M  A  N 

feuilles  un  grand  nombre  de  cochons. 
Les  racines  peuvent  avoir  la  même 
utilité.  Il  y  a  encore  beaucoup  d'au- 
tres variétés  de  magnoc  ,  qu'il  feroit 
trop  long  de  décrire  ,  il  fuftîc  de  con- 
noître  les  fix  principales. 

Des  différentes  préparations  du 
magnoc  en  farine  j  caffave  j  galette, 
couaque  ,  cipipa. 

Lorfque  j'arrivai    dans  la  Gaiane 
françoife ,  continue  M.  Aubier  ,  les 
habitans  de  lifle  de  Cayenne  &  de 
la  Guiane  n'avoient  point  d'autre  mé- 
thode pour  râper  la  racine  de  magnoc, 
que  celle  qui  leur  avoir  été  indiquée 
par  les  naturels  du  pays.   Ils   fe  itr- 
voient  d'une  râpe  faite  avec  la  plan- 
che d'un  bois  blanc  &c  peu  compaîîîe. 
Dans  cette  planche  on  implantoit  de 
petits  morceaux  irréguliers  de    lave 
ou    pierre    de    volcan  ,    nommée   à 
Cayenne  ^ri/o^.  Alors  les  pores  delà 
planche  étant  imbibés  d'eau  ,  fe  gon- 
floient  ,  &  par  ce   moyen  les  petits 
éclats  de   lave  fe  trouvoient  ferrés. 
On  promenoir   cette    racine    fur    la 
râpe  en  prelfant  fortemenr.  Les  nè- 
gres étant  obligés  d'appuyer  la  poi- 
trine contre  la  planche  ,  pour  la  fou- 
tenir,  leur  fueur  pouvoir  communi- 
guet  des  maux  à  ceux  qui  mangeoient 
de  cette  farine.  Je  fis  exécuter  la  roue 
à  râper  le  magnoc,  que  M.  de  la  Bour- 
donnaye  avoir   donnée  aux   habitans 
des  ides  de  France   &:  de  Bourbon  , 
&   donr  on  trouve  la  defcription  &: 
la  figure  dans  l'hiftoire  naturelle    du 
B  ré  fil  y  par  Pifon.  L'on  reconnut  que 
trois  perfonnes  faifoient ,  au  moyen 
de  cette  roue,  le  travail  de  douze.  On 
pourroit  encore  renfermer  cette  roue 
dans  une  cailTe,  à  la  partie  fupérieare 
de  laquelle  on  conftruirok  une  bocte 


M  A  N  407 

qu'on rempliroit de  racines;  on  y  em- 
boîteroit  un  madrier  alfez  pcfant  pour 
faire  avancer  le  magnoc  fur  la  râpe  , 
à  mefure  que  la  roue  tourneroit  j  & 
par -là'  on  économileroit  encore  le 
temps  du  nègre  qui  préf^nte  la  racine 
à  la  râpe  ,  &  on  éviteroit  le  danger 
qu'il  court  de  s'écorcher  les  doigts 
à  la  râpe,  lorfqu'il  veut  l'employer 
toute  entière.  Comme  cette  opération 
n'exige  pas  une  force  fupéiieure  ,  le 
courant  d'un  ruiiTeau  pourroit  faire 
tourner  la  roue  ,  6c  on  gagneroir  par 
ce  moyen  le  temps   du  négie. 

De  la  farine  du  magnoc. 

Pour  faire  cette  farine  ,  on  ratifTe 
la  racine,  on  la  lave  eiifuite  pour  en 
féparer  la  terre;    d'aurres    perfonnes 
ôtent   toute  l'écorce  ,  &  par-là  font 
difpenfées  de  laver  la  racine.  Celle- 
ci   étant  râpée  ,  on  en  renferme  une 
certaine  quantité    dans    une    grolîe 
toile  ou  natte  propre  .1  la  retenir,  & 
à  laiffer  palTer  le  fuc ,  puis  on  la  mec 
fous  une  prelle  pour  en  extraire  le  fuc. 
Les  mottes,  plus  ou   moins  grolfes , 
qu'on  retire  de  la  prefie,  font  placées 
fur  une  efpcce  de  claie  élevée  de  terre , 
fous    laquelle    on   fait  du   feu   pour 
delTécher  ou  boucaner  ces  parties ,  au 
point  qu'on  puilfe ,  foit  avec  les  mains , 
foit  avec  un    rareau  ,   étendre  cette 
farine,   la   remuer,  fans  qu'elle  s'a- 
moncèle;   car,  fi  elle  s'amonceloir , 
la  déification  ne  feroir  pas  égale,  il 
s'y  trouveroir   des  grumeaux  ,    &  il 
feroit  à  craindre  que   cts  grumeaux 
ne  fe  moifilfent  intérieurement.  On 
prend   donc    la    racine    de    magnoc 
râpée  ,  prelfée  &  boucanée  ,   cv   on 
lafaicfécher  aufoleil  le  plusprompte- 
ment  poifible  ,  de  crainte  qu'elle  ne 
prenne  un  goût  acide,  lorfqu'elle  tft 
ainfi  delféchèe,  on  peut  la  conferver 


4o8  M  A  N 

quinze  années  ,  renfermée  dins  un 
lieu  fec  ,  fans  craindre  qu'aucune 
force  d'inf.'cte  l'altère.  Je  ne  dis  pas 
un  plus  grand  nombre  d'années  j 
parce  que  mon  expérience  n'eft  en- 
core qu'à  ce  terme  aujourd'luii. 

11  y  a  des  habitansqui  ne  prennent 
pas  ces  prccaurions  \  ils  remplillenc 
leulemeut  de  cette  farine  râpée,  une 
auge  creufée  dans  le  corps  d'un  arbre  j 
elle  eft  percée  de  pluiîeurs  trous ,  pour 
que  le  fuc  de  la  racine  s'écoule  hors 
de  ceprelfoir  j  fe  bornant  à  cette  feule 
préparation  ,  fans  la  faire  boucaner. 

On  réduit  enfuice  ,  fî  on  veut,  ce 
magnoc  en  farine  fine  avec  un  pilon 
ou  au  moulin  ,  &  on  la  pafle  au 
tamis  ,  comme  toure  autre  matière 
qu'on  veut  avoir  fine. 

On  hut  du  pain  pafTable,  en  mê- 
lant un  quart  de  latine  de  froment , 
avec  trois-quarts  de  magnoc.  Quand 
on  mange,  fans  en  être  ptévenu,  du 
pain  fait  avec  du  magnoc  &  du  fro- 
ment, mêlés  par  égale  portion  ,  ou 
ne  trouve  point  de  différence  de  ce 
pain  au  nckie  ,  le  goût  en  eft  même 
plus  favoureux  que  celui  du  pain  qui 
ell:  rout  de  froment  ,  &:  il  eit  plus 
blanc.  Ainil  ,  félon  les  circonftan- 
çes ,  on  peut  faire  le  mélange  diver- 
femenr ,  &  à  proportion  de  ce  qu'on  a 
de  farine  de   froment. 

On  fait  auffi  ,  par  le  même  mé- 
lange, du  bifcuit  très-bon  àêtte  em- 
barqué ,  &  je  ne  doute  pas  que  ce 
bifcuit  ne  fut,  pour  cette  deftination, 
d'une  qualité  fupérieure  à  celui  qu'on 
employé  ordinairement,  parce  qu'il 
ne  fe  trouveroit  jamais  m.oifi,  ni  at- 
taqué des  vers  ,  en  prenant  foin  de 
l'embarquer  dans  àes  cailfes  ou  des 
barriques  bien  conditionnées,  placées 
dans  les  fonces  du  navire.  Ce  bifcuit 
pompe  ,    avec  moins  d'avidicé,  l'hii- 


M  A  N 

midiré  de  l'air ,  que  le  bifcuit  de  fro- 
ment, parce  que  cette  farine  a  un  glu- 
tin  qui  téhfte  plus  à  l'humidité  que 
la  mucohcé  de  la  farine  du  froment. 

De  la  cajfcive. 

Pour  faite  la  cafTave  ,  on  a  des 
plaques  de  fer  fondu,  polies  avec  du 
grès.  On  les  met  fur  des  fourneaux, 
dont  le  foyer  eft  éloigné  de  la  pla- 
que \  parce  qu'il  fufRt  qu'elle  foir 
feulement  bien  chaude.  Les  perfonnes 
qui  n'en  font  que  pour  leur  ufage , 
comme  les  Caraïbes  &  les  nègres ,  Se 
qui  changent  fouvent  d'habicacion  , 
fe  contentent  de  pofet  les  plaques  fuc 
trois  pierres  qui  peuvent  avoir  fept 
à  huit  pouces  de  hauteut,  &  avec  de 
petit  bois  ils  échauffent  leurs  pla- 
ques. Ceux  qui  veulent  vendre  la  caf- 
fave,  font  obligés,  par  la  loi  du  pays, 
de  la  livrer  à  un  certain  poids  dé- 
terminé j  ils  ont  une  mefure  qui  fait 
leur  poids  ,  ils  la  remplilfent  de  ra- 
cines de  magnoc ,  râpées  6c  prellées , 
qu'ils  renverfent  fur  la  plaque  chaude, 
(Se  avec  les  mains  ils  l'étendent,  &  lui 
donnent  une  forme  de  gâteau  rond. 

Celui  qui  fait  ce  travail  eft  muni 
d'un  petit  battoir ,  en  forme  de  pèle ,  & 
avec  lequel  il  appuyé  fur  cette  farine 
gfumelée  ,  de  manière  que  toutes  les 
petites  portions  s'unilîent  à  la  faveur 
du  mucilage  que  la  chaleur  en  fait 
fumter.  Lorfque  l'ouvrier  s'apperçoit 
que  toutes  les  patties  font  réunies  & 
tiennent  enfemble,  il  pafle  la  pèle  au- 
dclfous  J  (Se  traverfe  la  forme  ou  me- 
fure fur  la  plaque.  Cette  opération  eft 
facile  ,  (Se  fe  fait  en  peu  de  temps. 

Plus  la  calTave  eft  mince  ,  Se  plus 
elle  eft  délicate  &  devient  croquante. 
Lorfqu'on  lui  laiife  prendre  une  cou- 
leur roulfe  ,  elle  eft  plus  favoureufe; 
ce  qui  tait  que  bien  des  perfonnes 

l'aimeac 


M  A  N 

î'aiment  mieux  telle.  Les  dames  créo- 
les en  mangent  de  préférence  au  pain 
de  froment  quand  elle  eft  fèche , 
mince  6c  bien  unie.  Cette  efpèce  de 
caiïave  efl:  de  la  plus  grande  blan- 
cheur, &  cette  préparation  faite  avec 
foin  ,  eft  préférable  à  toutes  celles 
dont  nous  allons  parler  5  elle  fe  con- 
ferve  quinze  ans  &  plus  ;  elle  peut 
être  mife  en  farine  pour  faire  du 
pain. 

De    la  galette. 

La  g.\!ette  eft  la  plus  mauvaife 
préparation  de  magnoc  j  elle  devroit 
ctre  abfûiument  défendue  aux  habi- 
tans ,  &  il  f^iudroit  les  empêcher  d'en 
donner  pour  nourriture  aux  nègres. 

Pour  mettre  la  racine  en  galette  , 
on  a  des  formes  en  cuivre  ou  en  fer- 
blanc  ,  qui  contiennent  un  poids  dé- 
terminé de  la  racine  râpée  &  pref- 
fée.  On  en  remplit  ces  formes  ;  on 
y  appuie  la  main,  pour  que  la  ra- 
cine s'uniiïe  6c  fafle  malle  ;  on  place 
ces  formes  dans  le  tour  ,  d'où  on 
les  tire  aufiitôt  que  la  fupertîcie  de 
ja  racine  commence  à  roulîîr,  &  on 
en  retire  les  galettes  ,  pour  remplir 
de  nouveau  les  formes.  Il  réfulte  de 
ce  procédé  une  mauvaife  galette  , 
dont  à  peine  les  bords  font  cuits  \ 
l'intérieur s'eft ramolli  par  la  chaleur, 
&  s'eft  mis  en  pâte  :  cette  pâte  ,  après 
deux  fois  vingt-quatre  heures  ,  eft 
fujette  à  fe  moifir  intérieurement  5 
&  alors  ,  non-feulemenr  les  nègres 
«'en  peuvent  nianger  ,  mais  les  co 
chons  même  la  refufent.  Cette  ga- 
lette  eft  mauvaife  quoique  nouvel- 
lement faite  ,  parce  que  l'intérieur 
s'aigrit  en  douze  heures  i  (Sciorfqu'elle 
n'eft  pas  aigre,  c'eft  une  pâte  dégoû- 
tante qu'on  ne  fauroit  mâcher  ni 
uvaler. 

Tome  J'L 


M  A  N 


409 


Du 


couaauc. 


Le  couaque  eft  la  racine  du  magnoc 
qu'on  defféche  Oc  qu'on  riftole  après 
qu'elle  a  été  râpée  ,  preffée  &  bou- 
canée. Les  voyageuti  qui  s'embar- 
quent fur  le  fleuve  des  Amazones 
n'ont  pas  d'autres  alimens.  Le  coua- 
que eft  inaltérable,  &  je  puis  le  ga- 
rantir tel  ,  pour  quinze  ans.  J'en  ai 
gardé  tout  ce  temps-là  dans  une  bocte , 
tk  quoiqu'elle  fut  fort  mal-clofe  ,  que 
les  infectes  pullent  s'y  introduire  , 
ainfi  que  l'humidité  de  l'air,  ce  coua- 
que eft  refté  aufli  fain,  aufti  bon  que 
le  jour  même  que  je  le  dépofai  dans 
la  bocte  à  l'Iile  de  France.  Il  eft  ellen- 
tiel  pour  apprêter  en  couaque  la  ra- 
cine du  magnoc,  qu'elle  ait  été  bou- 
canée j  enfuite  on  a  une  chaudière  de 
fer  de  moyenne  grandeur,  enchalTée 
dans  un  fourneau  fous  lequel  on  fait 
un  feu  très- modéré  5  on  palfe  au  tra- 
vers d'un  crible  la  racine  du  magnoc 
boucanée  pour  en  divifer  toutes  les 
particules,  6c  on  i'étend  pour  qu'elle 
fe  féche  de  plus  en  plus.  Cette  racine 
ainfi  préparée  eft  jetée  par  jointées 
dans  la  chaudière  de  fer  ,  6c  une 
perfonne  agile  a  foin  de  la  remuer 
avec  un  rouleau  ou  avec  une  pèle , 
pour  que  toutes  les  parties  fe  defte- 
chent  fans  s'amonceler.  On  continus 
infenfiblement  de  jeter  de  nouvelles 
racines  râpées ,  en  les  mêlant  le  plus 
promptement  poflibîe  avec  la  farine 
qui  eft  déjà  en  partie  deftechée.  Li 
dedication  étant  au  point  convenable, 
on  lailfe  la  farine  fe  torréfier  légère- 
ment, de  manière  qu'elle  foi t  tout- 
à-fait  privée  d'humidité  6c  un  peu 
rillolée,  puis  on  la  retire  6c  on  l'é- 
rend  pour  qu'elle  fe  refroidilfe.  Le 
m.ignoc  eft  nommé  couaque  en  for- 
tant  de  la  chaudière  j  on  peut  en 
Fff 


410 


MA  N 


remplir  des  magafins  peur  fervir  d'a- 
liment muiid  les  autres  comeftibles 
manquent  j  un  voyageur,  avec  une  pio- 
vifiou  de  dix  livres,  a  de  quoi  vivre 
quinze  jours ,  quclqu'appécit  qu'il  ait  j 
en  temps  de  guerre ,  un  foldat ,  un 
cavalier  peut  en  porter  poui  fe  nourrir 
dans  une  marche  forcée.  11  fufEt, 
pour  le  préparer,  d'avoir  de  l'eau  ou 
du  bouillon,  chaud  ou  froid,  que  Ion 
verfe  fur  deux  onces  de  couaqi.e  ,  Se 
il  y  a  de  quoi  faire  un  repas.  Le 
couaque  fe  gonfle  prodigieufement, 
il  reprend  l'humidué  qu'il  a  perdue  j 
on  peut  en  nourrir  même  les  chevaux. 

Du   cip'ipa. 

C'eft  la  fécule  de  la  racine  du 
raagnoc^  il  paffe  avec  le  fuc  une  fubf- 
tance  de  la  plus  grande  blancheur  & 
finefTe,  c'eft  ce  qu'on  nomme  c'ipipa. 
\.QS  perfonnes  qui  prefTent  beaucoup 
de  magnoc  ont  la  précaution  de  met- 
tre un  vafe  fous  le  preffoir  pour  en 
recevoir  tout  le  fuc ,  &  en  même- 
temps  le  cipipa,  qui  reffemble  par- 
faitement à  l'amidon  qu'on  retire 
du  froment. 

Après  avoir  décanté  le  fuc  ,  on 
prend  le  cipipa  qu'on  lave  dans  plu- 
îieurs  eaux  ,  afin  de  le  rendre  pur. 
Quelques  perfonnes  font  avec  ce  cipipa 
récent  &  mouillé,  des  galettes  très- 
minces  en  le  pètiilTanti  on  y  met  un 
peu  de  fel  ;  elles  les  font  cuire  au 
four,  enveloppées  de  feuilles  de  ba- 
naniers ou  de  balifier  \  ces  galettes 
font  bonnes  à  manger,  très-délica- 
tes, &  blanches  comme  neige. 

Lorfque  l'on  veut  en  faire  de  la 
poudre  à  poudrer,  on  fait  fécher  à 
l'ombre  le  cipipa  j  il  forme  des  ef- 
pèces  de  pains  comme  l'amidon.  Il 


M  A  N 

faut  les  écrafer ,  &  paffer  cette  poudre 
à  travers  l'ne  toile  fine  j  dans  cet 
état  le  cipipa  eft  propre  à  poudrer  les 
cheveux  j  il  s'emploie  encore,  comme 
la  tarme,  à  frire  le  poiffon  ,  à  donner 
de  la  liaifon  aux  fauces  ,  &  à  en 
faire  de  bonne  colle  à  coller  le  pa- 
pier j  mais  pour  en  faire  de  la  colle, 
il  faut  qu'elle  foit  cuite  avec  de  l'eau 
de  fontaine. 

l)u  cahiou. 

C'eft  un  fuc  épaiflî  ou  rob  de  ma- 
gnoc j  il  faut  prendre  la  quantité 
qu'on  veut  de  ce  fuc,  apiès  l'avoir 
féparé  du  cipipa  j  on  le  paflTe  au  tra- 
vers d'un  linge,  &  on  le  fait  enfuite 
bouillir  dans  un  vafe  de  terre  ou  de 
fer ,  <Sc  on  l'écume  continuellement; 
on  y  met  quelques  bayes  de  piment. 
Lorfque  cette  liqueur  ne  rend  plus 
d'écume  ,  c'eft  une  preuve  que  toute 
la  paitie  réfineufe  ,  qui  étoit  le  venin 
contenu  dans  le  fuc  ,  eft  féparée.  On 
pafTe  cette  liqueur  à  travers  un  linge , 
&  on  la  fiit  bouillir  de  nouveau  , 
jufqu'à  ce  qu'elle  ait  acquis  la  con- 
fiftance  dufyrop,  ou  même  celle  du 
rob.  On  retire  le  fuc  du  feu  quand 
il  eft  à  ce  degré  d'évaporation;  lorf- 
qu'il  eft  refroidi  ,  on  le  verfe  dans 
des  bouteilles;  alors  il  peut  pafter  les 
mers  &  fe  conferver  longtemps.  Ce 
rob  eft  excellent  pour  alTaifonner  les 
ragoûts,  les  rôtis,  fur-tout  les  ca^- 
nards  &  les  oies;  il  a  un  goiit  ex- 
cellent &  aiguife  l'appctit-r 

Des  diverfes   boijfons  qu'on  prépare 
avec  le  magnoc. 

Du  vicou. 

On  prend  quinze  livres  de  cafTave 
avec  une  livre  de  machi ,  (  i  )  ou  bien  , 


(  1  )  C'eft  la  caflavc  mâchée  par  une  indienne ,  &  mife  dans  la  pâte  pour  fet^ir  de  levai». 


M  A  N 

comme  le  machi  répugne  à  quelques- 
uns,  on  y  fupplée  par  le  nombre  de 
cinq  ou  Itx  grolfes  pataces  ,  qu'on 
râpe  &  qui  fonc  l'eftec  du  levain. 
L'on  pêcrit  b  caifave  avec  le  machi 
ou  avec  les  parares  râpées,  en  y  ajou- 
tanr  l'eau  nécelFaire  pour  former 
une  maiïe ,  qu'on  laifT'e  en  fermen- 
tation pendant  trente  -  fix  heures. 
Le  vicou  fe  fait  avec  cette  pâte ,  à 
mefure  qu'on  dcfire  en  boire;  il  fuffit 
alors  de  prendre  une  quantité  de  pâte 
proportionnée  à  la  quantité  de  boillon 
dont  on  abefoin,  ôc  on  délaye  cette 
pâte  dans  l'eau.  Les  Galibcs  boivent 
le  vicou  fans  le  paffer  au  travers  d'un 
manaret,  (  i  )  &  ajoutent  du  fucre  à 
cette  liqueur;  elle  ell:  acide,  rahaî- 
chilTante,  très -agréable  à  boire.  Les 
peuples  de  la  Guiane  n'entrepren- 
nent aucun  voyage  fans  être  pourvus 
d'une  provilion  de  pâte  de  vicou  , 
qu'ils  délayent  dans  un  vafe  lorfqu'ils 
veulent  boire  Se  fe  rafraîchir. 

Du  cachlrl. 

On  prend  environ  cinquante  livres 
de  la  racine  du  magnoc  cachire  , 
récemment  râpée,  &:  fept  à  huit  pa- 
tates qu'on  râpe  ;  quelques-uns  y 
ajoutent  une  ou  deux  pintes  de  fuc 
de  canne  à  fucre ,  ce  qui  n'eft  point 
elfentiel.  L'on  met  dans  un  cannari(i) 
les  racines  râpées,  on  verfe  fur  elles 
cinquante  pots  d'eau'  &  l'on  place  le 
cannari  fur  trois  pierres  qui  forment 


M   A   N  41  T 

le  trépied  &  en  même -temps  le 
fover  ;  on  fait  bouillir  ce  niê!anf;e 
en  remuant  jufqu'au  fond  ,  pour  que 
les  racines  ne  s'y  attachent  pas ,  juf- 
qu'à  ce  qu'il  fe  forme  delfus  une  forte 
pellicule,  ce  qui  arrive  à -peu -près 
à  la  moitié  de  l'évaporation  ;  alors 
on  retire  le  feu  &c  on  verfe  ce  mé- 
lange dans  un  autre  vafe,  dans  le- 
quel elle  fermente  pendant  quarante- 
huit  heures,  ou  à- peu -près;  lorf- 
que  cette  liqueur  eft  devenue  vineufe, 
on  la  pafle  à  travers   un  manarer. 

Cette  boilîon  a  un  goût  qui  imite 
beaucoup  le  poiré  :  prife  en  grande 
quantité  elle  enivre  ,  mais  prile  avec 
modération  j  elle  eft;  apéritive,  &  re- 
gardée par  les  habit.i.ns  comme  un 
puiffant  diurétique.  L'on  fe  guérie 
par  fon  ufage  de  l'hydropilie  ,  lorfque 
la  maladie  n'eft  point  invétérée. 

Du  paya. 

On  prend  des  caiïaves  récemment 
cuites  ,  qu'on  pofe  les  unes  fur  les 
autres  pour  qu'elles  fe  moifiirenr. 
Sur  le  nombre  de  trois  caiïaves ,  l'on 
râpe  trois  ou  quatre  patates  ,  qu'on 
pétrit  avec  les  caiïaves.  L'on  mec 
enfuite  cette  pâte  dans  un  vafe  ,  on 
ajoute  environ  quatre  pots  d'eau  , 
puis  on  mêle  &  on  délaye  la  pâte. 
On  lailfe  fermenter  te  mélange  pen- 
dant quarante- huit  heures;  la  liqueur 
qui  en  réfulte  eft  alors  potable  ;  on 
la  palfe  au  travers  du  manaret  pour 


(  1  )  Efpèce  de  couloir  ou  tamis,  plus  ou  moins  ferré.  C'efl:  un  cjuarrc  fermé  par  quatre 
baguettes,  fur  leliquelles  on  natte  les  tiçcs  d'une  efpèce  d'arouma  ,  fendues  en  trois  oh 
<]uatrc  portions  fuivant  leur  longueur,  <]ui  imitent  le  rotin.  C'cft  de  cette  manière  que  les 
Naturels  de  la  Guiane  font  leurs  cribles  ,  leurs  couloirs  ,  leurs  tamis. 

(  1  )  C'cll  un  vafe  de  tet'e  fabriqué  .\  la  main  par  les  femmes,  cuit  en  le  pofant  fur  trois 
pierres ,  l'entourant  &  le  rempliUant  d'ccorccs  d'arbres  fèclies.  ' 

rffi 


41 1 


M  A  N 


la  boire  ■,  fon  goûc  a  du  rapport  avec 
ie  viii  bLnr. 

Du  voua  paya-  vouarou. 

Pour  faire  cette  boiiïbn ,  on  pré- 
pare la  caiïave  plus  épailfe  qu'à  l'or- 
dinaire, &  quand  elle  eft  à  moitié 
cuite,  on  en  prépare  des  mottes  que 
l'on  pofe  les  unes  fut  les  autres  ;  on 
les  luilfe  ainli  ciitallées ,  julqu'à  ce 
qu'elles  acquièrent  un  moifi  de  cou- 
leur purpurine. 

On  prend  trois  de  ces  mottes 
moifies  \  &  fept  à  huit  patates  que 
l'on  râpe;  on  pétrit  le  tout  enfemble, 
puis  on  délaye  la  pâte  avec  fix  onces 
d'eau;  l'on  met  fermenter  ce  mélange 
pendant  vingt-quatre  heures.  Les  na- 
turels de  la  Guiane  l'agirenr  de  le 
troublent  pour  en  faire  ufage;  ils  ont 
le  plaifir  de  boire  &  manger  à-la-fois  : 
les  Européens  palTent  ce  mélange  au 
travers  d'un  manarer. 

Cette  liqueur  eft  piquante  comme 
le  cidre ,  &  provoque  des  naufées  : 
plus  elle  vieillit  ,  plus  elle  devient 
pefante  &  plus  elle  enivre,  Lorfque 
l'on  fe  contente  de  préparer  la  pâte, 
on  peut  en  faire  proviiîon  pour  un 
voyage  de  trois  femaines.  Les  na- 
turels du  pays,  moins  délicats  que 
les  Européens ,  la  confervent  pendant 
cinq  femaines;  alors  elle  devient  plus 
yiolente.  On  délaye  cette  pâte  comme 
le  vicou  dans  un  vafe  quand  oii  veut 
fe  défaltérer. 

Le  mngnoc  eft  pour  l'Amérique  , 
ce  que  les  bleds  font  pour  TEurope  , 
&  le  maïs  &  le  ris  pour  l'Inde.  Le 
grand  art  &  l'art  etrenciel,  confifte  à 
dépouiller  les  parties  folides  de  la 
plante,  du  fuc  ou  fève  qu'elle  con- 
tenoit;  ce  fuc  eft  un  poifon  violent, 
car  dans  l'intervalle  de  vingt-quatre 
minutes,  des  chiens,  des  chats ,  &:<:. 


M  A  N 

auxquels   on   a  donné   ce  fuc   à  la 
dofe  d'une  once  ,  font  péri  dans  les 
horreurs  des  convulfions,  fuivies  d'é- 
vacuations abondantes,  &c.  Cepen- 
dant, à  l'ouverture  des  cadavres,  M. 
Firmin  n'a  trouvé  aucun  veftige  d'in- 
flammation ,    d'altération   dans    les 
vifcères,  ni  de  coagulation  dans  le 
fang  ;  d'où  il  conclud  que  ce  poifon 
n'eft    pas    acre     ou    corrofif ,    qu'il 
n'ag;t  que  fur  le  genre  nerveux.  Se 
qu'il  fait  contrader  l'cftomacau  point 
de    rétrécir   fa  capacité    de  plus   de 
moitié.  M.  Firmin  dit  avoir  guéri  un 
chat  empoifonné  par  le  fuc  de  ma- 
gnoc  ,    avec    de  l'huile    de  navette 
chaude;  ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'eft 
qu'il  eft    mortel    pour   les  hommes 
comme  pour  les  animaux.  Le  fuc  de 
roucou  ,   pris  fans  délai,  eft,  dit-on, 
le  contrepoifon  de  celui  du  magnoc. 
Combien  s'eft-il  écoulé  de  fiècles 
avant  que  les  habitans  de  ces  contrées 
foient  parvenus  à  tirer  leur  principale 
nourricure   d'une   plante    aulîî    dan- 
gereufe  ?  Cependant  il  a  fallu  l'au- 
torité royale  pour  forcer  les  blancs  & 
tous  les  maîtres  des  nègres,  à  affurer 
chaque  jour  à  ces  derniers  une  pe- 
tite portion  d'une  plante  qu'ils  cul- 
tivent &  qu'ils  arrofent  de  leur  fueur. 
Pat  l'édit  du  roi  nommé  le  code  noir ^ 
donné  à  "Verfailles   il  y   a  quelques 
années,  il  eft  expreffément  ordonné 
aux  habitans  des  îles  françoifes ,    de 
fournir  pour  la  nourriture  de  chacun 
de  leurs  efclaves ,  âgé  au  moins  de 
dix  ans ,  la  quantité  de  deux  pots  & 
demi  de  farine  de    magnoc  par  fe- 
maine  ;  le  pot  contient  deux  pintes. 
Ou  bien,  au  défaut  de  farine,  trois 
caffaves,  pefant  chacune  deux  livres 
&:  demie.   11  a  fallu  des   loix  pour 
taxer  la  quantité  de  nourriture  qui 
de  voit  être  donnée  à  des  homme?. 


M  A  N 

&  il  n'a  pas  été  nécelfaire  de  recourir 
aux  loix  pour  celle  des  bœufs  &  des 
chevaux,  Sic. 

MANNE.  Suc  concret,  d'un  blanc 
jaunâtre,  fbluble  dans  l'eau  ,  d'une 
odeur  approchant  celle  du  miel ,  d'une 
faveur  douce  &c  un  peu  nauléabonde. 
Telle  eft  la  fubftance  fèveufe  princi- 
palement du/n;'/2Cj  n".  t.  (  l^oye^ce 
niot)&de  pluiîeurs  autres  plantes.  Il 
eft  inutile  d'examiner  ici  fi  ceque  nous 
entendons  par  le  nom  de  manne  doit 
être  appliqué  à  celle  dont  il  eft  parle 
dans  l'écriture,  &  qui  fer  vie  de  nour- 
riture aux  Hébreux  dans  le  défert;  il 
n'exifte  à  coup  si^ir  aucun  rapport 
entr'elle  Se  la  manne  du  commerce; 
les  Ifraélites,  avec  celle-ci,  auroient 
bien  mieux  été  purgés  que  nourris. 

Dans  laCalabre  &:  dans  la  Sicile, 
dit  M.  GeofFroi  dans  fa  Matière  Mé- 
dicale ^  la  maime  coule  d'elle-même 
ou  par  incifion.  Pendant  les  chaleurs 
de  l'été ,  à  moins  qu'il  ne  tombe  de 
la  pluie,  la  manne  fort  des  branches 
&:  des  feuilles  du  frêne;  elle  fe  durcit 
par  la  chaleur  du  foleil  en  grain  ou  en 
grumeaux.  L  'époque  de  l'écoulement 
naturel,  dans  la  Calabre,  eft  depuis 
le  20  juin  julqu'-ila  hn  de  juillet,  & 
■il  a  lieu  par  le  tronc  &  par  les  bran- 
ches. La  manne  commence  à  couler 
vers  midi,  &  elle  tontinue  jufquau 
ibir  fous  la  forme  d'une  liqueur  très- 
ci  lire;  e!le  s'épaillît  enfuire  peu-à- 
peu,  &c  fe  forme  en  grumeaux,  qui 
durcilfent  &  deviennent  blancs.  On 
ne  les  ramalTe  que  le  lendemain  ma- 
tin, en  les  détachant  avec  des  cou- 
teaux de  bois,  pourvu  que  le  temps 
ait  été  ferein  pendant  la  nuit,  car 
s'il  furvient  de  la  pluie  ou  du  broui'- 
lard  ,  la  manne  fe  fond  &  fe  perd 
enticremenf.  Après  qu'on  a  ramairé 


M  A  N 


4^5 


les  grumeaux,  on  les  met  dans  des 
vales  de  terre  non  verinlfés,  enfuire 
on  les  étend  fur  du  papier  blanc  , 
&  on  les  expofe  au  foleil  jufqu'à  ce 
qu'ils  ne  s'attachent  plus  aux  mains  : 
c'eft-là  ce  qu'on  appelle  la  manne 
choifie  du  tronc  de  l'arbre. 

Sur  la  fin  de  juillet ,  lorfque  la  li- 
queur commence  .à  couler ,  les  payfans 
font  des  incifions  dans  l'écorce  du 
frêne  jufqu'au  corps  de  l'arbre;  alors 
la  même  liqueur  découle  encore  de- 
puis midi  jufqu'au  foir,  &;  fe  tranf- 
torme  en  grumeaux  plus  gros.  Quel- 
quefois ce  fuc  eft  'il  abondant,  qu'il 
coule  jufqu'au  pied  de  l'arbre,  &  y 
forme  de  grandes  malles ,  qui  ref- 
femblent  à  delà  Cite  ou  à  de  la  réfine; 
on  y  lailfe  ces  malfes  pendant  un  ou 
deux  jours,  afin  qu'elles  fe  durcilfent, 
enfuire  on  les  coupe  par  petits  mor- 
ceaux &  on  les  fait  fécher  au  foleil  ; 
c'eft  ce  qu'on  appelle  la  manne  tirée 
par  incifion  :  elle  n'eft  pas  fi  blanche 
que  la  première;  elle  devient  roufte 
&  fouvent  même  noire ,  à  caufe  des  or- 
dures (Se  de  la  terre  qui  y  font  mêlées. 

La  troifième  efpèce  eft  celle  que 
l'on  recueille  furies  feuilles.  Au  mois 
de  juillet  &c  au  mois  d'août ,  vers 
midi  ,  on  la  voit  paroître  d'elle- 
même  ,  comme  de  petites  gouttes 
d'une  liqueur  très -claire,  fur  les 
fibres  nerveufes  des  grandes  feuilles 
&:  fur  les  veines  des  petites  ;  la  cha- 
leur fait  fécher  ces  petites  gouttes , 
&  elles  fe  changent  en  petits  grains 
blancs  de  la  grolfeur  du  millet  ou  du 
ftoment;  elle  eft  rare  &  difficile  à 
ramaller. 

Les  Calabrois  mettent  de  la  dif- 
férence entre  la  manne  tirée  par  inci- 
fion des  arbres  qui  en  ont  déjà  donné 
d'eux-mêmes,  &~la  manne  tirée  des 
tiênes  faiivages  qui  nsn  ont  jamais 


414 


M  A  N 


donné  d'eux-mêmes.  On  croit  que 
cette  dctnière  ell  bien  meilleure  que 
la  première ,  de  m.ême  que  la  manne 
qui  coule  d'elle-même  du  tronc  ell: 
bien  meilleure  que  les  aucres.  Quel- 
quefois, après  &:  dans  l'incifion  faite 
àl'ccorce,  on  y  infère  des  pailles,  des 
fétus,  ou  de  petites  branches.  Le  lue 
qui  coule  le  long  de  ces  corps  s'y 
■épaidit,  &  forme  de  grolles  gouttes 
pendantes  en  forme  de  llalaélite,  que 
l'on  enlève  quand  elles  font  allez 
grandes;. on  en  retire  la  paille,  &  ou 
les  fait  fécher  au  foleil.  11  s'en  forme 
des  larmes  très-belles ,  longues ,  creu- 
fes,  légères,  &  comme  cannelées  en- 
dedans,  Se  tirant  quelquefois  fur  le 
rouge  j  quand  elles  font  lèches  on  les 
renferme  bien  précieufement  dans 
des  cailles  :  on  en  fait  grand  cas,  &: 
on  a  raifon  ,  car  elles  ne  contiennent 
aucune  ordure;  on  les  appelle  manne 
en  larmes. 

La  manne  eft  un  purgatif  doux, 
avantageux  dans  tous  les  cas  où  l'é- 
vacuation des  matières  fécales  eft  in- 
diquée, où  il  eft  elfentiel  en  même- 
temps  d'entretenir,  ci'augmenter  le 
cours  des  urines,  d'enlever  les  gra- 
viers Se  les  mucolités  qui  embarraf- 
■fent  les  voies  urinaires  ;  où  l'on  ne 
traint  point  d'augmenter  la  foif ,  la 
chaleur  de  l'eftomac,  des  inteftins,  de 
la  veliîe  &  de  la  poitrine;  elle  calme 
la  colique  néphrétique  caufée  par  des 
graviers  &  par  la  goutte;  elle  rend 
l'expeéloration  plus  abondante  ,  & 
elle  irrite  même  les  bronches  ;  en  con- 
féquence  elle  eft  contre-indiquée  dans 
la  phti'.ie  pulmonaire  elfeiuielle;  l'hé- 
mophtifie  par  difpofition  naturelle 
&  par  pléthore  :  chez  les  phtifîques 
elle  rend  la  fièvre  lente  plus  vive, 
la  toux  plus  fréquente,  l'expeétora- 
tiçnplus  forte; chez l'hémophtyfique. 


■M  A  N 

le  crachement  de  fang  plus  fréquent 
&  plus  abondant.. 

La  manne  en  larmes  naturelle  ou 
f.:ctice,efL  préférable  à  toutes  les  au- 
tres elpèces  :  la  dofe  eft  depuis  une 
once  jufqu'à  trois,  en  folution  daiis 
cinq  onces  d'eau. 

On  vend  ,  dans  le  commerce,  une 
efpèce  de  manne  ,  connue  fous  le 
nom  de  brij^nçon.  Oqs  Italiens  tra- 
verfent  les  Alpes  ,  &  viennent  en 
faire  la  récolte  dans  les  environs  de 
cette  ville.  Il  eft  certain  que  le  frêne , 
n^.  2  ,  on  fraxinus  oraus.  Lin.  four- 
nit de  très-bonne  &  très-belle  manne 
dans  nos  provinces  du  midi,  &  fur- 
tout  près  de  la  Méditerranée.  Je 
me  fuis  amufé  à  en  ramalfer  quel- 
ques onces  pour  juger  de  fa  qualité , 
&  l'expérience  m'a  prouvé  qu'elle 
étoir  aullî  bonne  que  celle  de  Ca- 
labre.  Il  eft  donc  clair  que  fi  l'on 
vouloir  en  prendre  la  peine  ,  il  feroit 
poflîble  de  récolter  dans  le  royaume 
celle  que  l'on  y  confomme. 

MANNE  ou  MANNEQUIN. 
Efpèce  de  pannier  d'olier ,  plus  long 
que  large  ,  dans  lequel  ou  apporte 
les   fruits  au  maiché. 

Mannequin.  (  arbre  en  )  Arbre* 
tirés  de  terre  ,  &c  mis  dans  des  ma- 
nequins  ou  panniers  ,  que  l'on  place 
en  tetre  avec  leur  mannequin  ,  atin 
d'avoir  ,  par  la  fuite  ,  la  liberté  de 
les   tranfplanrer. 

MARAICHER.  Jardinier  qui  cuU 
tive  un  marais. 

MARAIS.  Ce  mot  a  plulîeurs  ac- 
ceptions. Par  marais  proprement  dit , 
on  entend  une  terre  abreuvée  de 
beaucoup  d'eau ,   qui  n'a  point  dé- 


M  A  R 

coulement  ;  il  ditfère  des  lacs  Se 
des  étangs  ,  en  ce  que  ceux-ci  font 
fubmerocs.  La  féconde  acception  eft 
particulière  à  Paris  &  dans  fes  envi- 
rons ,  Ôc  prefque  inconnue  dans  le 
refte  du  royaume.  Un  jardin  potager 
y  eft  appelle  marais,  fans  doute  paice 
que  les  premiers  potagers  des  envi- 
rons de  la  capitale  ont  été  établis  fur 
un  (o\  marécageux ,  ou  fur  un  fol  qu'il 
falloir  creufer  peu  profondément  pour 
fe  procurer  l'eau  nécelîaire  aux  arro- 
femens.  De-li  l'origine  du  nom  ma- 
raîcher ^  pour  dcligner  l'homme  qui 
cultive  un  potager  ou  un  marais.  Il 
ell  certain  que  les  bas-fonds  ,  & 
même  les  marais ,  réuniffenr  de  grands 
avantages  loifqu'on  les  transforme  en 
jardin  ,  &  qu'on  donne  un  écoule- 
ment aux  eaux.  La  terre  végétale  s'y 
accumule  d'année  en  année  par  la  dé- 
compoluion  perpétuelle  &  toujours 
renailfante  des  animaux  ,  plantes  , 
infeétes,  &c.  dont  le  dernier  réfultat 
eft  la  création  d'un  fol  de  couleur 
brune  ,  tirant  fur  le  noir  ,  donc  les 
principes  font  déjà  combinés  &  ex- 
cellens ,  &  dont  les  mollécules  fe 
fcpaient  tacilement  les  unes  d'avec  les 
auttes  j  enfin  ,  le  fol  par  excellence 
pour  la  culture  des  légumes.  Si  on 
ajoute  à  cet  avantage  celui  de  pouvoir 
fje  procurer  de  l'eau  prefque  fins  peme, 
on  verra  qu'un  femblabLe  terrein  mé- 
rite la  préférence  fur  tous  les  autres. 
Chaque  année  la  fuperhcie  du  fol 
s'exhauffe  ,  foit  par  le  débris  de  végé- 
taux, &c. ,  foit  par  le  tranfport  des 
terres,  fi  le  fonds  eft  trop  bas  &:  trop 
aqueux. 

Quant  aux  rnarais  proprement  dits, 
confultez  les  articles  Defrichemens, 
Dessechemens  ,  Etangs.  Il  eft  im- 
pofîible  que  l'air  qui  environne  ces 
murais  ne  foir  .  pas  infede  ,  &  que 


M  A   R  415 

les  malheureux  habitans  qui  font  at- 
tachés à  la  glcbe  ,  dans  le  voilinage  , 
ne  foient  pas,  peu  à-peu  ,  confumés 
par  la  hèvrc  \ik  3.  coup  fur  les  bœufs , 
vaches  ,  chevaux  ,  &c.  qu'on  y  en- 
voie paître  font  de  la  plus  grande 
maigreur.  Lifez  l'article  Commune, 
Communaux. 

^L\RASME.  MÉDECINE  KURALE. 

C'eft  le  deilechement  général  ,  &c 
l'amaigrilTement  extrême  de  tout  le 
corps  ^  c'eit  le  dernier  état  de  la  con-; 
fomption. 

Ceux  qui  en  font  attaques ,  ref- 
femblent  parfaitement  à  des  fque- 
lettes  vivans ,  tant  ils  iont  décharnés 
&:  deiréchés.Ctt  état  de  maigreur  eft 
trop  fenfible  pour  n'être  pas  apperçu, 
«S:  la  feule  infpeéiion  de  ceux  qui  eu 
font  atteints,  fait  mieux  reconnoître 
cette  maladie  j  que  le  détail  des 
fymptomes  les    plus  circonflanciés. 

Cette  maladie  eft  pour  l'ordinaire 
accidenrelle  ;  prefque  toujours  elle 
vient  à  la  fuite  de  quelque  longue 
maladie  ;  elle  dépend  fouvent  d'un 
vice  dans  les  humeurs ,  de  leur  dif- 
folution,  &  du  défaut  de  nutrition 
de  toutes  les  parties  *du  corps.  On 
eft  fujet  à  cette  maladie  dans  tous 
les  âges  de  la  vie  ;  le  vieillard  n'en 
eft  pas  plus  à  l'abri  que  le  jeune 
homme  ,  &  les  enfans  à  la  mam- 
melle  \  les  pertes  de  fang  extraor-, 
dinaires  ,  des  lochies  trop  abondan- 
tes ,  une  diflenterie  invétérée  ,  le 
fcorbut,  la  vérole,  une  fuppuration 
trop  abondante  j  la  paralyfîe  ,  des 
embarras  dans  les  glandes  du  méfen- 
tcre  ,  font  des  caufes  qui  détermi- 
nent auli)  cette  maladie;  mais  il  n'en 
eft  point  de  plus  puiifante  que  la  maf- 
turbation.  Combien  de  jeunes  gens 
font  tombés  dans  cec  état  de  dedc-» 


41^ 


M  A  R 


ehement ,  pour  s'erre  trop  livrés  à 
ce  vice  honteux!  Combien  n'y  en 
a-t-il  pas  qui  fon:  morts,  victimes 
de  cerce  horrible  p.iflion  !  Outre  le 
marafme  des  folides  &  des  fluides , 
il  en  eft  encore  une  autre  elpèce  , 
qui  dépend  d'une  caufe  nerveufe. 
On  n'y  obferve  ni  toux ,  ni  fièvre 
remarquable,  ni  difficulté  de  refpirer; 
mais  il  y  a  un  défaut  d'appétit  &  de 
digeftion.  Au  commencement  de 
cette  maladie,  le  corps  devient  œdé- 
mateux &  bouffi;  le  vifage  eft  pâle 
&  déhguré  j  l'eftomac  répugne  à 
toutes  fortes  d'alimens,  il  ne  retient 
que  les  liquides ,  &;  les  forces  du  ma- 
lade diminuent  tellement  qu'il  eft 
réduit  à  garder  le  lit ,  avant  que  les 
chairs  foient  totalement  confumées. 

Les  caufes  qui  difpofent  à  cette 
maladie  ,  font  les  violentes  pallions 
de  l'ame ,  l'ufage  immodéré  des  li- 
queurs fpiritueufes  (Se  des  alimens 
cchauffans  j  la  faim ,  la  foif  fupportées 
trop  longtemps  ;  les  exercices  vio- 
lens,  les  travaux  pénibles,  les  veilles 
continuelles ,  le  défaut  de  bons  ali- 
mens 5  enfin ,  la  dépravation  du  fuc 
nourricier. 

Quand  cette  maladie  eft  produite 
chez  les  enfans  par  des  embarras 
dans  les  glandes  &c  les  vifcères  du 
bas -ventre,  on  doit  appliqusr  des 
topiques  émoliens  «Se  réfohitifs  fur 
le  bas-ventre  j  pour  pouvoir  réfoudre 
ces  obftruclions  ,  ou  le  frotter  avec 
de  l'onguent  d'althea  \  faire  prendre 
des  bains  de  lait  Se  des  réfolutifs 
internes. 

Chez  les  vieillards,  Je  traitement 
eft  plus  facile.  Il  faut  employer  les 
eaux  rermales  ou  acidulés.  Le  trai- 
lement  le  plus  fimple  confifte  à 
donner  des  évacuans  avec  des   for- 


M  A  R 

tîfians.  L'émétique  feroit  nuifible,  a 
moins  qu'on  n'eût  rendu  l'humeur 
mobile  &  le  ventrelibre.il  vaut  mieux 
s'en  tenif  à  certains  purgatifs  ,  tels 
que  la  rhubarbe  ôi  le  mercure  doux 
en  bol  ,  &  dans  l'intervalle  de  ces 
purgatifs ,  donner  des  gommes  réfo- 
lunves  ,  comme  la  teinture  volatile 
de  gayac. 

Le  fa  von  combiné  avec  la  myrrhe, 
conviennent  quand  il  y  a  de  la  mii- 
cofité  dans  les  humeurs.  On  doit  en- 
core faire  faire  de  l'exercice,  &  des 
friétions  aromatiques  fur  le  bas-ven- 
tre. Mais  avant  ces  frictions ,  il  fauç 
procurer  la  liberté  du  ventre  ,  fans 
cela  elles  échaufïent  confidérable- 
ment,  &  caufent  des  étranglemens 
faneftes  ,  de  la  fièvre  lente.  Le  lait 
de  vache,  de  chèvre,  celui  d'ânelfe  , 
les  crèmes  de  riz  ,  d'orge  ,  de  f^rgou  , 
de  pomme  de  terre,  les  bouillons 
mucilagineux,  comme  ceux  de  veau, 
de  tortue,  de  poulet  &  de  limaçons, 
des  bonnes  gelées  à  la  viande,  &  les 
boilFons  adouciirantes ,  conviennent 
en  général  à  tout  efpèce  de  marafme, 
furrout  à  celui  qui  a  pour  caufe  ua 
vice  dans  les  fluides  Se  dans  la  rigi- 
dité des  folides.  Il  ne  faut  jamais 
perdre  de  vue  l'eftomac  j  c'eft  de 
tous  les  vifcères  celui  auquel  il  con- 
vienr  de  s'attacher.  Pour  cela  on  doir 
le  fortifier  &  le  raffermir;  le  quin- 
quina ,  la  gentiane  ,  la  camomille  , 
font  des  remèdes  trop  énergiques 
pour  en  négliger  l'emploi.  Mais,  un 
remède  éprouvé  en  Angleterre  ,  & 
t]ui  eft  très-propre  à  rétablir  fingu- 
lièrenient  les  digeftions  ,  eft  l'élixic 
de  vitriol  pris  à  la  dofe  de  vingt 
goutres  deux  fois  par  jour ,  dans  un 
verre  d'eau  ou  de  vin. 

Buchan  recommande  beaucoup  le 
vin  calibé.  H  fortifie  les  folides  ,  & 

aide 


M  A  R 

aide  fingulièienient  la  nature  dans 
la  conteârioM  d'un  bon  lang.  Selon 
lui ,  le  malade  doi:  en  prendre  une 
cueillerée  à  bouche  deux  ou  trois  fois 
par  jour. 

Mais  les  amufemens  agréables  , 
ajoute  ce  médecin  ,  la  fociété  des 
perfonnes  gaies  &c  enjouées ,  l'exer- 
cice du  cheval ,  fonc  préférables ,  dans 
cette  maladie,  à  tous  les  médicamens, 
Aullj  ,  toutes  les  fois  que  la  fortune 
du  malade  le  lui  permettra  ,  nous  lui 
confeillons  d'entreprendre  un  long 
voyage  ,  pour  fon  plaifir  ,  comme 
le  moyen  le  plus  propre  à  lui  rendre 
fa    fanté. 

Si  la  débauche ,  ou  plutôt  la  maf- 
turbation  ,  a  produit  le  mar.ifme  , 
le  meilleur  confeil  qu'on  pailfe  don- 
ner ,  c'eft  d'obfevver  la  continence  la 
plus  ftrié^e.  M.  Ami. 

MARBRE.  («//?.  nar.)  Sous  le 
nom  de  marbre  ,  nous  entendons 
feulement  toute  pierre  calcaire,  dont 
le  grain  eft  alfez  fin  &  affez  dur 
pour  pouvoir  recevoir  le  poli.  Cecre 
définition  diftingue  le  marbre  des 
pierres  vitrilîables  ,  comme  granit , 
porphire  ,  Hzc.  auxquels  on  a  donné 
fouvcnt  le  nom  de  marbre  ;  &  des 
pierres  calcaires  communes.' 

Le  royaume  de  France  efl:  beau- 
coup plus  riche  en  marbre  qu'on  ne 
le  penfe  ,  &  lorfque  l'on  aura  bien 
étudié  les  Pyrennées  fur -tout,  on 
verra  qu'il  ne  le  cède  a  aucun  autre 
pays  poîfr  la  quantité  ,  la  beauté  & 
la  variété  de  fes  marbres.  Les  mon- 
tagnes qui  bordent  la  vallée  d'Afpe , 
renferment  dans  leur  fein  des  varié- 
tés hngulières  des  plus  beaux  mar- 
bres. On  en  peut  voir  une  très-belle 
fuite  d'échantillons ,  chez  M.  Leroi , 
fommiifaire  de  la  marine ,  à  Oleron. 
Tome  FU 


M  A  R 


417 


Nous  allons  faire  connoître  ceux 
de  France,  que  l'on  emploie  le  plus 
communément  ,  &  les  endroits  où 
on  les  trouve. 

On  voit  dans  la  vallée  d'Oflàn ," 
prefque  vis  à- vis  Lavaux  ,  une  car- 
rière de  marbre  blanc  femblable  à 
celui  de  Carrare  j  il  eft  très-blanc, 
comme  le  marbre  blanc  antique.  On 
en  voit  de  beaux  blocs  \  mais  on  dit 
qu'il  eft  un  peu  trop  tendre  ,  &  fujec 
à  jaunir  &  à  fe  tacher.  Peut-êtte  que 
plus  on  pellettera  dans  l'intérieur  du 
filon  ,  &  plus  on  trouvera  qu'il  aura 
acquis  de  dureré. 

Dans  la  même  vallée  ,  en  allant 
aux  eaux  chaudes ,  après  avoir  pallé 
Lavaux ,  &  le  monument  de  la  fœur 
d'FIenri  IV,  fut  le  chemina  droite  , 
on  voit  un  filon  de  marbre  noir  &: 
blanc,  qui  paroît  .aulli  beau  que  l'an- 
tique. 

Le  marbre  noir  ,  d'une  feule  cou- 
leur ,  rrès-pur  &  fans  tache,  fe  trouve 
près  de  la  ville  de  Dinant,  d.ins  le 
pays  de   Liège. 

Le  marbre  de  Namur  eft  très-com- 
mun ,  &  aufti  noir  que  celui  de  Di- 
nant; mais  il  n'eft  pas  tout  à- fait  aulîi 
parfait ,  parce  qu'il  tire  un  peu  fur  le 
bleuâtre,  &  qu'il  efttraverféde  quel- 
ques filons  gris.  Auprès  de  Dînant 
on  trouve  encore  le  marbre  de  Gau- 
chenet ,  d'un  tend  rouge-brun ,  tacheté 
&  mêlé  de  quelques  veines  blanches  \ 
&  à  l'eft  ,  près  de  Dinant ,  le  marbre 
d'un  rouge-pâle  ,  avec  de  grandes  pla- 
ques &  quelc]ues  veines  blanches. 

A  Barbançon  ,  pays  du  Hainaut  , 
on  trouve  un  marbre  noir  ,  veiné  de 
blanc  en  tout  fens. 

A  Givet,  près  Charlemont,  pays 
de  Luxembourg,  marbre  noir,  mêlé 
de  blanc,  mais  moins  brouillé  que  1& 
précédent. 

G  (y  a 


4i8  M  A  R 

Le  maibre  cîe  Champagne  cft  une 
brocatelle  mêlée  de  bleu,  par  taches 
rondes,  comme  des  yeux  de  perdrix. 
On  en  trouve  encore  dans  la  même 
Province  ,  nuancé  de  blanc  &  de 
jaune-pale. 

A  la  Sainte-Beaume,  en  Provence, 
marbre  d'un  fond  blanc  &  rouge  , 
mêlé  de  jaune  ,  approchant  de  la 
brocatelle. 

A  Tray,  près  de  la  Sainte-Beau- 
me, marbre  d'un  fond  jaunâtre  ,  ta- 
cheté d'un  peu  de  rouge  ,  de  blanc 
&  de  gris  mêlé. 

Le  Languedoc  fournit  une  très- 
orande  variété  de  beaux  marbres.  A 
Cofne ,  marbre  d'un  fond  rouge  de 
vermillon-fa!e,entre-mêléde  grandes 
veines  &  de  ta.hes  blanches.  Auprès 
du  même  endroit ,  le  marbre  de  griot- 
te ,  dont  la  couleur  approche  de  celle 
des  cerlfes  qui  portent  ce  nom.  A 
Narbonne  ,  marbre  de  couleur  blan- 
che ,   grife   Se  bleuâtre. 

A  Roquebrune  ,  à  fept  lieues  de 
Narbonne  ,  marbre  pareil  à  celui  de 
Languedoc  ou  de  Cofne  ,  excepté 
que  fes  ra.hts  blanches  ont  la  forme 
de  pommes  rondes. 

A  Caen  en  Normandie  ,  marbre 
femblableàcelui  de  Languedoc  j  mais 


M  A  R 

Campan  ,  marbres  de  plufieurs  ef- 
pèces  ,  de  rouge  ,  de  verd,  d'ifabelle, 
mêlés  par  taches  &  par  veines.  Celui 
que  l'on  nomme  verd  de  Campan , 
eft  d'un  verd  très-vif  j  mêlé  feule- 
ment de  blanc. 

La  province    d'Auvergne    fournie 

un  marbre  d'un  fond  de  couleur  rofe, 

mêlé  de  violet ,  de  jaune  Se  de  verd. 

Le  marbre    de  Bourbon  eft  d'un 

çris-bleuâtre  &  d'un  rouse-fale. 

A  Sablé  ,  à  Mayenne  ,  à  Laval  en 
Anjou  ,  &  fur  les  confins  du  Maine, 
on  trouve  pluheurs  variétés  de  beaux 
marbres  ,  ainfi  qu'à  Antin  ,  Cerfon- 
taine,  Montbart  ,Merlemont ,  Saint- 
Remy  ,  Sec.  Sec. 

On  emploie  le  marbre  à  deux 
ufages  principaux.  A  la  décoration 
des  bâtimens,  &;  à  faire  de  la  chaux. 
(  ^oy^i  le  mot  Chaux.  )  Il  eft  à 
remarquer  que  le  plus  beau  marbre 
blanc,  comme  celui  de  Carare  ,  ne 
fait  pas  le  meilleur  mortier  ,  quoi^ 
qu  il  fournille  la  chaux  la  plus  vive 
6c  la  plus  at>ive  ,  ii  on  confidére  fa 
manière  de  tuier  à  l'air  ou  dans  l'eau. 
Cela  tient  fans  doute  à  fon  extrême 
pureté,  car  il  fe  rencontre  dans  la 
pierre  à  chaux  ordinaire  une  fubf- 
tarce  intermédiaire  qui  manque  dans 


plus  brouillé  &  moins  vif  en  cou-     le  marbre  blanc  de  Carare,  Se  qui 


leur 

Les  différentes  vallées  des  Pyren- 
nées  font  très -riches  en  marbre  , 
comme  je  l'ai  dit  plus  haut  ,  &  il 
y  en  a  de  très  belles  carrières  exploi- 
tées à  Serancolin ,  marbre  qui  en 
porte  le  nom  ;   fa  couleur    eft  d'un 


rouge 


de    fang  ,  mêlé  de 


jaune  ,  Se  de  fpath  rranfparent.  A 
Balvacaire,  au  bas  de  Saint-Bertrand, 
près  Comminges ,  maibre  d'un  fond 
verdâtre  ,  mêlé  de  quelques  taches 
rouges.  Si  fort  peu  de  blanches.  A     fin,  après  qu'il  a  été  preflé.  On  appelle 


fert  à  laiie  adhérer  plus  intime- 
ment la  chiux  avec  le  fable.  S:  con- 
court certainement  à  ce  que  la  crif- 
tallifation  s'opère  de  façon  que  le 
lien  loir  plus  érroit  &  plus  ierré.  M  M, 

MARC.  Refidu  le  plus  groflîer  & 
le  [>ius  terrtftre  des  fruits  ,  herbes  , 
&L.  qu'on  loumct  à  la  prefIe,pour 
en  tirer  le  fuc.  La  dénomination  de 
mure  déligne  plus  ftrictement  la  grap- 
pe, les  pellicules  ■&  les  pépins  du  rai- 


M  A  R      - 

courte  j  tourteau  le  réfidii  des  fruits 
ou  amandes  dont  on  a  extrait  l'huile. 
Le  mire  de  railîn  eft  im  excellent 
engrais  pour  les  oliviers.  Les  bœufs, 
les  vaches,  les  chevaux,  le  mangent 
avec  avidité ,  quand  il  eft  encore  trais  : 
les  pépins  fervent  de  nourritur^à  tous 
les  oifeaux  de  balfe-cour.  Le  marc  a 
beau  être  fournis  au  prefloir  le  plus 
adif ,  il  retient  toujours  une  certaine 
portion  vineufe  &  d'efprit  ardent. 
Dans  plulieurs  endroits  on  le  diftille. 
(  Conluitez  le  mot  Distillation  , 
pour  en  connoître  les  procédés  ,  & 
ceux  qui  font  les  plus  avantageux  au 
marc  ;  confultez  également  le  m,ot 
Feicmentation  ,  afin  d'apprécier 
jufqu'à  quel  point  les  grappes  font 
utiles  ou  nuifibles  à  la  qualité  du  vin.  ) 

MARC.  (  poids  )  dont  on  fe  fert 
en  France  ,  &  dans  plulieurs  Etats 
de  l'Europe,  pour  pefer  diverfes  for- 
tes de  marchandifes  ,  entr'autres  l'or 
&  l'araent.  Ce  fut  environ  en  loSo 
qu'on  introduilit  dans  le  commerce 
&  dans  les  monnoies  le  poids  de  marc  : 
prefque  chaque  pays  avoir  le  fien  j 
&  enfin  ils  turent  réduits  au  poids  de 
marc  fur  le  pied  qu'il  eft  aujourd'hui. 

Le  marc  eft  divifé  en  huit  onces 
ou  foixante- quatre  gros,  cent-qua- 
tre-vingt-douze deniers,  ou  cent-foi- 
xante  efterlins ,  deux  cent-vingt  mail- 
les ,  ou  quatre  mille  fix  cent  huit 
grains.  (  A'oye;j;  le  mot  Livre.  )  Deux 
marcs  font  la  livre.  Tout  ce  qui  fe 
vend  au  nom  du  Roi,  l'eft  au  poids 
de  marc  j  tabac ,  fel ,  ôcc. 

MARCOTTE.  Branche  quelcon- 
que, tenant  au  tronc  ,  que  l'on  cou- 
che en  terre ,  afin  qu'elle  y  prenne 
racine.  Elle  diffère  de  la  bouture,  en 
ce  que  celle-ci  eft  féparée  du  tronc. 


M  A  R  4T9 

lorfqu'on  la  met  en  terre.  Cette  opé- 
ration peut-être  confidérée  fous  deux 
poinrs  de  vue,  ou  comme  travail  en 
grand ,  utile  à  l'agriculture ,  ou  comme 
travail  des  amateurs  ,  afin  de  multi- 
plier des  arbres  ,  des  arbiilTeaux  ôc 
des  plantes  rares.  La  bafe  de  cette 
opération  porte  fur  ce  principe  ;  toutes 
les  parties  d'un  arbre  peuvent  être 
converties  en  branches  ou  en  racines. 
Ce  principe  eft  confirmé  par  la  fuite 
des  belles  expériences  de  M.  Haies, 
&  d'un  grand  nombre  d'auteurs  qui 
les  ont  faites  avant  ou  après  lui. 
La  majeure  partie  des  arbres ,  donc 
les  branches  font  couchées  dans  une 
folfe  ,  (Se  recouvertes  de  terre  ,  pren- 
nent racine  ,  parce  que  l'écorce  de  ces 
branches  eft  parfemce  de  rugofités, 
de  mammelons  d'où  partent  les  nou- 
velles racines,  ou  bien  elles  auioienc 
produit  des  boutons  dans  la  fuite , 
fi  elles  eulfent  refté  expofées  à  l'air. 
Outre  ces  mammelons ,  à  peine  vi- 
fibles  à  l'œil ,  on  découvre  fans  peine, 
fur  l'écorce  de  la  branche  ,  les  proé- 
minences formées  par  les  boutons  Sc 
par  celles  de  la  bafe  de  la  feuille  , 
ne  cette  feuille  noutrit  chaque  bou- 
ton pendant  la  première  année  ,  3c . 
à  la  féconde  il  devient  bourgeon 
ou  nouvelle  branche.  (  f'^oye^  le  mot 

BoURGfON   ) 

Section     première. 

Des   marcottes  dss  cultivateurs. 

Elles  font  d'un  avantage  inappré- 
ciable lorfqu'il  s'agit  de  regarnir  les 
claricres  faites  dans  les  forêts ,  dans 
les  bois,  dans  les  taillis,  évc.  j  & 
même  c'eft  la  feule  manière  de  re- 
peupler les  places  vides ,  à  moins  que 
leur  efpace  ne  foit  très-vafte  &  tiès- 
étendu.  Dans  ce  cas  ce  ferpic  une 
G  z  "  i 


410  M  A  R    • 

plantation  nouvelle.  Si  fur  le  local 
vide  il  exifte  quelques  pieds  d'arbres 
allez  forts,  s'il  en  exilte  également 
dans  fa  circonférence ,  les  marcottes 
feules  futïiront  pour  le  repla.ement. 

On  tenreroit  vainement  de  regar- 
nir les  clanères  par  des  plantations. 
Les  arbres  qu'on  y  placera  réulliiont 
pendant  deux  ou  trois  ans  ;  mais 
comme  les  racines  des  arbres  voifins 
profitent  des  efpates  vides  pour  s'é- 
tendre, elle?  occupent  bientô':  le  fol 
de  la  clarière,  &  peu-à-peu  attirées 
par  la  terre  fraîchement  fouillée ,  elles 
s'emparent  ave:  force  ,  arwment  & 
abforbent  la  nourriture  des  foibles 
racines  des  arbres  nouvellemenr  plan- 
tés ,  &  le  jeune  arbre  périt.  11  n'en 
eft  pas  ainfi  lorfque  l'on  repeuple  par 
les  marcottes.  Elles  difputent  le  ter- 
rein  aux  racines  parafires  ,  parce 
qu'elles  reçoivent  de  la  mère,  ou  tronc, 
la  nourriture  pendant  tout  le  temps 
qu'elles  en  ont  befoin;  &  dans  cet 
intervalle  leurs  nouvelles  racines  ac- 
quièrent une  force  proportionnée  à 
celle  du  tronc  &c  à  leur  étendue. 

Si  dans  l'efpace  à  regarnir  ilexifte 
quelques  pieds  d'arbres  ,  à  moins 
qu'ils  ne  foient  trop  vieux  &  trop 
décrépits,  il  convient  de  les  couper 
au  niveau  du  fol,  ôi  de  charger  de 
terre ,  à  la  hauteur  d'un  à  deux  pou- 
ces ,  la  partie  du  tronc  qui  refte  en 
terre ,  afin  que  l'endroit  coupé  de 
l'écorce,  n'étant  point  expoféà  l'air, 
la  cicatrice  ou  bourrelet  foit  plutôt 
formé.  Dans  les  provinces  du  nord , 
cette  opération  doit  être  faîte  auffitôt 
qu'on  ne  craint  plus  les  grolfes  ge- 
lées ^  Se  dans  celles  du  midi ,  dans  le 
courant  de  novembre  ,  lorfque  les 
arbres  font  dépouillés  de  leurs  feuil- 
les. La  raifon  de  cette  différence  eft 
prife  en  ce  que  dans  le  premier  cas , 


M  A  R 

les  pluies  habiruellcs  &  la  rigueur 
du  froid  iunt  capables  d'endommager 
la  partie  ca  tronc  qui  rcfte  en  terre; 
tandis  ciue  dans  le  fécond  ,  les  racines 
des  aibres  travailleur  pendant  prefque 
tout  l'hiver  j  que  la  cicatrice  de  l'é- 
coi  ce  6ft  tv)rmée  au  premier  printemps , 
6:  qu'il  fcft  elTentiel  de  faire  profiter 
Ico  nouvelles  poulfes  de  laplusgrande 
torc£  de  la  fève,  afin  de  les  mertre  à 
même  de  ne  pas  craindre  l'effer  des 
grandes  chaleurs;  h  on  ne  craint  pas 
l'effet  des  eaux  ftagnantes ,  il  vaudroic 
encore  mieux  couper  le  tronc  à  quel- 
ques pouces  au-deffus  de  la  fuper- 
ficie  du  fol ,  parce  qu'on  aura  dans  la 
fuite  plus  de  facilité  pour  marcotter 
les  branches. 

Dans  l'un  comme  dans  l'autre  cli- 
mat ,  on  ne  doit  couper  aucun  bour- 
geon, &  on  doit  laiiTer  le  tronc  pouf- 
fer autant  de  rameaux  qu'il  voudra. 
Lorfque  les  feuilles  font  tombées ,  & 
aux  époques  qui  ont  été  indiquées  , 
c'eft  le  cas  d'éclaircir,  de  fupprimer 
les  riges  furnuméraires  ,  ôc  de  n'en 
lalffer  que  la  quantité  convenable  -.ce- 
pendant on  peut  en  conferver  quel- 
ques-unes de  plus ,  afin  de  remplacer 
celles  ,qui  travailleront  mal  à  la  fé- 
conde annés  ,   ou  qui  périront. 

Si  ,  après  la  féconde  année  j  la 
totalité  des  branches  eft  aflez  forte 
pour  être  marcottée  ,  on  ouvrira  des 
foliés  proportionnés  à  leur  longueur, 
fur  une  profondeur  de  douze  à  dix- 
huit  pouces  ,  «Se  maniant  doucement 
ces  branches  de  peur  de  les  faire  éclat- 
ter  près  du  tronc  ,  on  les  couchera 
dans  la  folfe  que  l'on  remplira  de  terre , 
en  commençant  près  du  tronc  ,  afin 
d'empêcher  leur  redreffement,  &  les 
maintenir  dans  la  direârion  qu'on  leur 
deftine.  Près  de  l'autre  extrémité  de  la 
foffe,  ou  courbera  doucemenda  mar- 


M  A  R 

Cotte,  on  la  tedrcireta  ,  on  comblera 
la  fofle  j  enhn ,  on  coupera,  à  deux 
ou  trois  pouces  au-dellus  de  terre  , 
l'excédent  de  la  marcotte.  Une  bonne 
précaution  à  prendre,  eft  de  charger 
de  terre  j  à  la  hauteur  d'un  pied  en- 
viron ,  fur  un  diamètre  de  cinq  à  lix 
pieds  ,1e  tronc  nourricier.  Cette  terre 
maintiendra  la  fraîcheur ,  fera  cou- 
ler l'eau  pluviale  fur  les  foffes,  taflera 
la  terre  contre  les  marcottes  ]  mais 
elle  empêchera  fur-tout  qu'il  ne  s'é- 
lance du  tronc  quelques  nouvelles 
tiges  qui  aftameroient  les  marcottes  , 
parce  que  la  fève  a  plus  d  aébivité  lorf- 
qu'elle  trouve  une  ligne  droite,  ou  un 
canal  diredl,  tandis  qu'elle  coule  plus 
lentement  dans  des  canaux  incUncs. 
Il  ert  très-prudent  de  conferver  à  part 
le  gazon  qui  couvroit  la  place  des 
folTes  ,  ik  d'en  garnir  le  tond  à  me- 
fure  qu'on  y  étend  les  branches.  Cette 
herbe  fe  réduit  en  terreau  en  pour- 
nifant  ,  ôc  les  jeunes  racines  profi- 
tent  de  cet  engrais. 

Si  après  la  féconde  année  ,  les 
tiges  n'ont  pas  acquis  la  longueur  né- 
celfaire  ,  on  doit  attendre  à  la  troi- 
fîème  ,  mais  élaguer  ces  tiges  par  le 
bas,  &;  jufqu'à  une  cerraine  hauteur, 
afin  que  les  petites  branches  qu'on 
retranche,  ne  retiennent  pas  la  lève, 
&  qu'elle  fe  porte  avec  force  vers  le 
fommet  pour  l'alonger.  Jufqu'à  quel 
point  doit  on  fupprimer  des  branches 
inférieures  ?  C'eA:  la  force  de  la  tige 
qui  le  décide.  Si  on  élague  trop ,  on 
n'aura  jamais  qu'une  tige  maigre , 
élancée  Se  fluette. 

Je  fuis  très  convaincu  que  tous  nos  ar- 
bres-foreftiers  font  fufceptibles  d'être 
marcottés ,  6c  que  les  marcottes  four- 
nirent le  moyen  le  plus  prompt  &c 
&  le  plus  fur  pour  le  repeuplement 
d'un  taillis ,  d'un  bois ,   d'une  forêt. 


M  A  R  4ii 

Si  les  clarières  ne  font  pas  d'une  trop 
vafte  étendue,  li  une  torêt  eft  entiè- 
rement dépouillée  d'arbres  dans  le 
centre ,  ou  fi  les  arbres  du  centte  font 
propres  à  être  coupés  fur  pied  ,  ceux 
de  la  circonférence  ferviront  au  rem- 
placement; &  on  opérera  ainll  qu'il 
a  été  dit.  Lorfqu'une  certaine  quan- 
tité des  matcottes  aura  par  la  fuite 
poulTé  des  tiges  alfez  forres ,  on  choi- 
fira  les  plus  belles,  les  plus  longues 
pour  les  marcotter  de  nouveau  ,  & 
peu-  à  -  peu  les  clarières  feront  regar- 
nies. Si  elles  font  trop  vaftes  ,  il 
vaut  beaucoup  mieux  en  replanter  le 
centre  ,  &  marcotter  tout  ce  qui  fe 
trouve  fur  les  bords. 

Dans  le  courant  de  la  première  & 
de  la  féconde  année  ,  après  l'opéra- 
tion des  marcottes  ,  il  convient  de 
veiller  attentivement  à  ce  que  ,  vers 
la  partie  du  tronc  ,  la  branche  cou- 
chée ne  produiie  pas  de  rejettons;  on 
les  fupprimera  dès  qu'on  les  verra 
paroître;  <Sc  li  cette  partie  de  la  bran- 
che elf  hors  de  terre  ,  l'amputation 
fera  faite  au  bas  de  la  branche.  Si  on 
y  lailfoit  un  chicot  ou  un  bourrelet , 
il  en  fortiroit  de  nouveaux  bourgeons. 
On  aura  moins  à  craindre  cette  fur- 
charge  de  bourgeons ,  fl  on  a  recouvert 
le  tionc  de  les  blanches  qui  en  par- 
tent ,  avec  un  pied  de  terre  :  alors  , 
la  branche  n'ayant  plus  de  communi- 
cation avec  l'air  de  l'atmofphère,  elle 
eft  attirée  par  l'autre  bout  de  la  mar- 
cotte qui  fort  déterre,  il  s'y  établit 
de  nouvelles  branches  ,  &  toute  la 
force  de  la  végétation  s'y  porte.  Après 
plulieurs  années ,  s'il  lortoit  du  tronc 
une  ou  deux  nouvelles  tiges ,  on  peut 
les  lailler  croître ,  parce  que  les  mar- 
cottes ont  déjà  pris  racine  ,  &  peu- 
vent fe  fuffire  à  elles-mêmes  j  cepen- 
dant fl  la  clarière  eft  vafte  ,  il  v.iut 


4t  2  M  A  R 

encore  mieux  les  fiipprimer ,  afin  cîs 
laiirer  aux  marcottes  plus  de  nour- 
riture ,  &c.  &c. 

Si  on  eft  dans  l'intention  de  fe 
procurer,  du  tronc  du  gros  arbre  cou- 
pé, un  grand  nombre  de  marcottes  , 
&  lî  on  les  deftine  à  être  enfuite 
plantées  où  le  befoin  l'exige,  on  doit 
recouvrir  le  pied  du  tronc  coupé,  d'un 
à  deux  pouces  de  terre ,  afin  que  de 
ce  même  pied  il  forte  de  nouvelles 
tiges.  Cette  légère  couche  de  terre 
fert feulement  à  garantir  la  plaie,  ou 
la  partie  coupée ,  des  impreilions  de 
l'air  ,  8c  à  favorifer  la  naillance  du 
bourrelet  ou  végétation  de  l'écorce; 
car  le  bois  ne  végétera  plus.  Lorf- 
que  l'on  s'apperçoitque  les  premières 
marcottes  font  bien  enracinées  ,  on 
ouvre  de  nouveau  les  folfes  ,  en  ob- 
fervant  de  bien  ménager  les  racines 
des  marcottes;  on  les  enlève  de  terre, 
&  on  fait  de  nouvelles  couchées  avec 
les  tiges  qui  s'élancent  des  bords  du 
tronc.  Ainfi  le  même  pied  d'arbre 
peu:  fucceflivemenc  produire  un  grand 
ik  très-grand  nombre  de  marcottes. 
Il  eft  aifé  de  concevoir  combien  les 
marcottes  Elites  avant  l'hiver,  ont 
d'avantages  fur  celles  pratiquées  après 
cette  faifon  ,  fur-tout  dans  les  pro- 
vinces du  midi ,  parce  t]ue  dans  le 
premier  cas  les  pluies  ont  eu  le  temps 
de  pénétrer  jufqu'au  fond  des  fofles , 
d'y  former  un  rélervoir  d'humidité  , 
de  bien  taiTer  la  rerre  ;  enfin  ,  au 
retour  de  la  chaleur  ,  les  marcottes 
végètent  avec  beaucoup  plus  de  force. 
Si  on  a  la  facilité  de  les  arrofer  une 
ou  deux  fois,  pendant  les  grolfes  cha- 
leurs de  l'été  ,  on  eft  alfuré  d'avoir, 
en  peu  d'années ,  de  beaux  arbres , 
ou  après  la  première  ou  féconde  an- 
née ,  un  bon  nombre  de  plans  par- 
faitement enracinés. 


M  A  R 

Dans  toutes  les  opérations  de  la' 
campagne,  il  y  a  prelque  toujours 
deux  défauts  elFcntiels  ,  une  écono- 
mie mal  entendue  de  temps  ôc  d'ar- 
gent. Pour  avoir  plutôt  fait  ,  on  fe 
contente  de  faire  des  foffes  de  fix  à 
huit  pouces  de  profondeur  ,  &  d'y 
coucher  les  branches.  Si  ces  tiges 
doivent  y  refter  à  demeure  ,  elles 
poufferont  des  racines  latérales  ,  qui 
refteront  prefque  toutes  en  fuperficie; 
s'il  furvient  une  fécherelfe  ,  ces  ra- 
cines font  prefque  inuriles  à  la  bran- 
che couchée  ,  tandis  que  dans  une 
bonne  fofle,  les  racines  nouvelles  bra- 
vent la  fécherelTe  j  s'enfoncenr  plus 
avant  dans  le  fol,  &  y  trouvent  une 
nourriture  que  la  fuperficie  leur  refufe. 

Je  n'entie  pas  dans  déplus  grands 
détails  fur  cet  article  ,  parce  que  la 
fedion  £uivante  lui  fert  de  fupplé- 
ment. 


E    C     T     I    O    N 


1 1. 


Des  marcottes  des  amateurs. 

Toute  efpèce  d'arbre  &  de  plantes 
à  tiges  vivaces ,  peuvent  en  général 
être  marcottés  ;  mais  pliifieurs  pouf- 
fent plus  facilement  des  racines  que 
d'autres  :  tels  font  les  arbres  dont  les 
boutons  percent  plus  aifément  l'é- 
corce ,  &  dans  ce  cas  ,  ces  boutons 
quiauroient  fait  des  branches  à  bois 
ou  du  fruir,  s'ils  fullent  reftés  expofés 
à  l'air  ,  fe  convertiifent  en  racines 
lorfqu'ils  font  enfouis  dans  la  terre. 
Il  a  déjà  été  dit  dans  le  cours  de  cet 
ouvrage,  que  M.  Haies,  &  plufieurs 
autres  avant  ou  après  lui  ,  ont  ren- 
verfé  des  arbres ,  que  leurs  branches 
ont  été  enterrées ,  &  que  la  partie 
de  leurs  racines  ont  formé  le  fom- 
met  ;  que  ces  arbres  ont  parfaite- 
ment réuffi  malgré  la  tranfpolîtion  de 


M  A  R  M  A  R            425 

leurs  parties.  (  Confuktx  le  mot  Gre-  A,  nœud  fur  lequel  on  a  fait ,  avant 

NADiER,  (Se  vous  vcrrcz  que  les  bou-  de  coucher  la  tige  ,  la  coupure  hori- 

tures  faites  ainll  avec  les  branches  de  zontale  ;  B  coupure  perpendiculaire; 

cet  arbrilleau  ,  reprennent  beaucoup  D  partie  féparée  par  un  de  fcs  bouts, 

mieux,  )  d'avec  le  rcfte  du  nœud  ,  par  la  cou- 

Les  plantes  à  tiges  articulées,  telles  pure   perpendiculaire.   C'cft   précifé- 

que  celles  des  œillets,  des  lofeaux  ,  ment  a  l'extrémitcD,  &  fur  fa  partie 

^'c.   font  marcoctces  avec  beaucoup  de  bourreler,  que  les   racines  preii- 

de  facilité.  Commençons  par  les  mar-  nent  nailfance. 

cottes,  au  fuccès  defquelles  la  nature  Après  que  les  incifions  font  faites, 

s'oppofe.le  moins  ,   tic  dont  la  pofi-  on  creufe  une  petite  folFe  de  douze  à 

tion  des  tiges  favorife  encore   Topé-  vingt-quatre  lignes    de  profondeur  : 

ration.  (  il  s'agit  ici  des  œillets   dans  le  vafe 

Toute  efpèce  de  marcotte  fuppofe  ou  en  pleine  terre  )  on  inclme  dou- 
qu'on  s'ell  pourvu,  d'avance,  d'une  cernent  la  tige  dans  la  foO'e,  &  près 
terre  fine  ,  légère  &;  fubftantielle  ,  d'E  on  enfonce  un  petit  crochet  pour 
afin  que  les  racines  des  plantes  puillen:  la  maintenir  dans  cerce  polition.  La 
s'étendre  fans  contrainte  ,  i!k  acquérir  grande  artention  à  avoir ,  confifte  à 
promptement  une  certaine  confil-  empêcher  le  rapprochement  des  par- 
tance, tics  A  &  D;  elles  doivent,  au  con- 

Les  plantes  à  tiges  articulées  ont  traire,  refter  féparées,  &;  former  entre 

toutes  un  bourrelet  à   leur   articula-  elles  un  triangle  tel  qu'on  le  voit  de 

tion  ,  cette  partie  ell:  recouverte  pat  D  en   A.  Cet  efpace  vide  eft  oarni 

une  ou  deux  feuilles  ,  &  leur  fert  de  de  terre  ,  afin    d'empêcher   le   rap- 

point  d'attache.  C'eft  précifément  ce  prochement    des    deux   parties.    On 

bourrelet  qui  flicilite  la  foitie  iSc  l'ex-  remplit  enfuire  la  petite   folfe  avec 

tenfion  des  lacines.   L'œillet  va  fer-  la  terre  dont  on   a  parlé  ,    &  on   a 

vir  d'exemple  pour  la  manipulation,  giand  foin  que  la  tige  qui   fort  de 

Dans  l'endroit  du  nœud  de  la  tige,  terre  ,  confeivc-  une  direétion  perpen- 

qui  peut  le  plus  commodément    être  diculairej  ce  qui  s'exécute  facilement 

enfoncé  en  teire  ,  enlevez  les    deux  au  moyen  de   la  terre  qu'on  relève 

feuilles  avec  un  canif,  ou  autre  inf-  contre  :  quelques  perfonnes  plantent 

trument  tranchant  ,  à  lame  fine  &  un  fécond  crochet  en  A,  afin  de  mieux 

bienéguifée;  coix^s^z  horizontale  ment,  alfujettir  la  marcotte.  Il  ne  refte  plus 

&  fur  le  nœud  ,  jufqu'à  la  moitié  du  qu'à  plomber  la  terre  avec  la  main,  à 

diamètre  de  la  tige  ;   après  cela ,  fui-  atrofei  le  tout,  &  à  le  tenit  à  l'ombre 

vant  la  diftance  d'un  nœud  à  l'autre  ,  pendant  quelques  jours, 

faites  unie  incifion  perpendiculaire  au  C'eft  une  coutume  alfez  oéncrale 

centre  de  la   tige  ,  fur   cinq  à    huit  lorfque    les   marcottes    font   faites 

lignes  de  hauteur  ,    &    qui  pénètre  de   couper  toutes  les   fommités   des 

julqu'à  l'incifion  déjà  faite  horizon-  feuilles    des  œillets.   L'expérience    a 

talement   fut  le  nœud  ,  de  manière  prouvé    que     cette    fupprenion    ne 

que  pour  peu  que  la  tige  foit  incli-  leur  eft  pas  nuifible  ;  mais    eft-elle 

née,  elle  préfente  cette  figure,  (^-^ojêç  abfolumenr    né.  elfaire  ?    Je    ne    le 

planche  JX  j  figure  11 J  ^  page  yjj  )  crois  pas.  On  fait,  pour  l'aiîtorilér, 


4i4  M  A  R 

le  raifonnemenc  fuivaiic.  La  fouf- 
traélion  du  bouc  des  feuilles  em- 
pêche qu'elles  ne  travaillent ,  &  fait 
refluet  vers  le  bourrelet  D  la  fève 
qu'elles  auroient  abfotbées  ;  enrin  , 
ces  feuilles  coupées  périment  à  la 
longue ,  &  la  place  qu'elles  occu- 
poient  fert  enfuite  à  former  le  pied 
de  la  plante.  Dans  ce  cas  ,  ce  lont 
donc  les  fucs  feuls  de  la  mère  tige,  qui 
viennent  nourrir  la  marcotte.  Les 
feuilles  ne  fervent  donc  plus  ,  ou 
prefque  plus  à  abforber  l'humidité 
de  l'air  ^  &  les  principes  qu'il  con- 
tient. (  f^oyei  le  mot  AMENDtMtNr  ) 
Quoi  qu'il  en  foit  de  ces  doutes  , 
l'expérience  de  tous  les  pays  prouve 
<ju'en  fuivant  cette  opération  ,  les 
iTiarcottes  réuililTent  à  merveille;  ce- 
pendant ,  je  puis  dire  ,  d'après  ma 
propre  expérience  ,  que  celles  d'œil- 
lets  réuflîllent  également  bien  fans 
la  fouftradion  de  la  partie  fupérieure 
des  feuilles. 

On  choifit  communément,  pour 
marcotter  les  œil'ets,  le  temps  où  les 
fleurs  font  palTées.  Cette  époque  con- 
vient à  tous  les  pays  tempérés ,  où  l'on 
eft  alTuré  que  les  marcottes  auront  le 
temps  de  s'enraciner  avant  l'hiver, 
parce  que  dans  cette  faifon  elles  pouf- 
feront par  des  racines ,  fans  des  pré- 
cautions extraordinaires.  Dans  les 
pays  très-froids,  au  contraire,  il  con- 
vient de  devancer  la  fleuraifon  ,  & 
on  ne  marcotte  pas  les  tiges  qui  s'é- 
lancent pour  fleurir.  Dans  les  pro- 
vinces du  midi  ,  on  peut  ne  faire 
cette  opération  qu'un  mois  après  la 
fleur  ,  afin  d'éviter  les  grofles  cha- 
leurs j  &  comme  la  végétation  fe  pro- 
page très- longtemps,  les  marcottes 
ont  le  temps  de  bien  s'enraciner  avant 
l'hiver. 

11  n'y  a  point  d'époque  générale  & 


M  A  R 

fixe  ,  pour  le  temps  de  féparer  les 
marcottes  des  vieux  pieds  ;  l'opéra- 
tion dépend  de  Tétat  des  racines 
qu'elles  ont  pouflees.  II  vaut  mieux 
attendre  à  les  lever  après  l'hiver,  que 
de  trop  fe  hâter.  Plus  la  maicotte 
fera  enracinée  ,  &  plus  fa  reprife 
fera  fûre. 

On  peut  employer  la  même  mé- 
thode pour  les  branches  d'arbres,  qui 
ne  prennent  pas  facilement  racine  par 
de  fimples  couchées;  &  fi  on  veut  les 
fotcer  à  former  le  bourrelet ,  voici  la 
manière  de  s'y  prendre.  On  choifit  à 
la  fin  de  l'hiver ,  ou  avant  la  fève  du 
mois  d'août ,  les  branches  à  marcotter  ; 
on  mefure  des  yeux,  ou  autrement, 
la  place  de  ces  branches  qui  fera  en- 
terrée j  8c  qui  formera  le  coude  lorf- 
qu'elle  fera  marcottée.  Dans  cet  en- 
droit on  fera  une  ligature  aflez  ferrée, 
ou  plufieurs ,  à  la  manière  de  celles 
des  carottes  de  tabac,  <5c  à  la  même 
difiance ,  ou  en  fpirale  avec  la  même 
corde  ,  fur  plufieurs  pouces  de  lon- 
gueur ■,  mais  celle  du  bas  fera  tou- 
jours circulaire  ,  fixe  &  plus  ferrée 
que  les  autres.  On  lailfera  fubfifter 
ces  ligatutes  pendant  la  fève  du  prin- 
temps, ëc  pendant  celle  du  mois 
d'août ,  fi  la  première  n'a  pas  fufii  à 
produire  un  bon  bourreler.  Deux  ob- 
jets contribuent  à  le  former  ,  quoi- 
qu'ils dérivent  du  même  principe. 

1°.  Ce  ferrement  comprime  l'é- 
corce  fur  la  partie  ligneufe  ;  la  par- 
tie ligneufe  grofiît  ;  mais  comprimée 
dans  cet  endroit,  l'écorce  s'implante 
dans  la  cavité  du  bois  qui  n'a  pu 
prendre  autant  d'exteniion  que  les 
parties  voiiines. 

t".  Ces  ligatures  n'ont  pas  pu  em- 
pêcher l'afcenfion  de  la  fève  jufqu'à 
la  fommité  des  branches  ,  mais  elles 
pnc  arrêté  çn  partie  la  defcenfion  de 


M  A  R 

cette  (eve  •,  ce  qui  eft  prouve  par  le 
bourrelet  établi  au-deirui  &  non  au- 
deflous  de  la  ligatuie.  (  ConfuUc^  l'ar- 
ticle Bourrelet  ,  il  eft  ellentiel.  ) 

Si  les  bourrelets  ne  font  bien 
formés  qu'à  l'approche  de  l'hiver , 
il  convient  d'attendre  jufqu'aprcs  la 
ieve  du  printemps  de  l'année  fui- 
vante;  mais  s'ils  font  caraélcrifés,  «Se 
fur-tout  dans  les  provinces  du  midi, 
on  doit  faire  la  marcotte  avant  l'hi- 
ver, par  les  raifons  énoncées  ci  délais. 

C'elt  à  l'expérience  à  prouver  11 
ce  bourrelet  fuffit  à  la  nailfance  des 
racines,  ou  s'il  faut  abfolument  in- 
cifer  la  branche  comme  on  incife  une 
tige  d'œillet.  Il  eft  impoflible  d'éta- 
blir ici  une  rc^le  générale.  Chaque 
arbrCj  chaque  plante  demande,  pour 
ainli  dire  ,  un  traitement  difterent. 
Le  bourrelet  &  l'incifion  font  deux 
méthodes  allez  fûres ,  ou  féparément , 
ou  toutes  deux   réunies. 

Une  autre  méthode  ,  qui  rentre 
dans  celles  dont  on  vient  de  parler, 
puifqu'elle  eft  fondée  fut  la  naif- 
fance  du  bourrelet,  confifte  à  choifir 
une  branche  gourmande  &  bien  nour- 
rie ,  ou  telle  autre  \  mais  pas  trop 
vieille.  A  quelques  pouces  au-delTus 
de  cette  branche  ,  on  cerne  l'écorce 
fur  une  largeur  de  deux  à  trois  li- 
gnes, 6.:  oi>  répète  la  même  opération 
deux  ou  trois  pouces  plus  haut.  On 
prend  enfuite  de  Vunaucnc  de  Samt- 
Fiacre  (  Foyc^  ce  mot  )  ,  dont  on 
recouvre  les  ph'vcs  laites  par  l'en- 
lèvement de  lécorce,  &  on  recouvre 
le  tout  avec  de  la  tilafle.  Le  temps 
pour  faire  cette  opération  eft  à  la 
hn  de  la  fève  du  mois  d'août.  La 
branche  refte  dans  le  même  état 
fur  l'arbre  pendant  l'année  fuivante. 
Se  elle  donnera  du  fruit  comme  les 
autres.  A  la  fin  d'odobre  de  la  fe- 
Tome  ri. 


M  A  R 


4^5 


conde  année,  cette  branche  fera  cou- 
pée à  un  pouce  au-dclfous  de  la  plu5 
balfe  incilion,  &  mife  en  terre,  de 
manière  que  le  bourrelet  fupétieur 
ne  Toit  pas  recouvert. 

Dans  tous  les  cas ,  on  ne  doit  ja- 
mais féparer  une  marcotte  du  tronc 
principal,  fans  être  allure  auparavant, 
par  une  fouille,  qu'elle  a  pris  racines, 
&  qu'elles  font  alfez  fortes  pour  fs 
paft^er  du  fecours  de  leur  mère.  Il 
vaut  mieux  attendre  une  année  de 
plus.  Trop  de  précipitation  ,  un  défie 
i  mmodéré  de  jouir,  font  que  l'on  rifque 
fouvent  de  perdre  des  aibres  précieux. 

Toutes  les  marcottes  dont  on  vient: 
de  parler ,  fuppofent  néceftaiiemenc 
la  facilite  de  plier  les  branches  ,  de 
les  coucher  en  terre  ,  d'y  affujettic 
la  partie  qui  doit  former  le  coude  ,' 
&  le  redrelfement  de  la  tige  au-delTus 
de  la  fofte.  Mais  comme  on  n'a  pas 
toujours  ces  facilités  ,  c'eft  à  l'att: 
à  venir  au  fecours  des  circonftances. 

Suppofons  que  le  tronc  d'un  arbre 
foit  élevé  de  plufieurs  pieds  au-deftiis 
de  terre  ,  &  que  fes  branches  ne  puif- 
fent  pas  être  inclinées.  On  choilit  alors 
une  ou  plulieurs  branches  fur  cet  ar-. 
bre  ,  &  on  le  tire  un  peu  en  dehors; 
Alors  ,  fixant  en  terre  plufieurs  pi- 
quets à  la  hauteur  de  l'arbre  ,  on 
en  entourre  ces  branches  ,  au  moins 
deux  ou  trois  pour  chacune,  fuivanc 
la  force  des  coups  de  vent  du  cli- 
mat que  l'on  habite  ,  &  la  pefanteur 
(^  le  volume  du  vafe  qu'ils  doivent 
foutenn-.  Si  les  branches  qui  doi- 
vent être  marcottées ,  n'ont  point  de 
rameaux  ,  on  les  fait  pafler  par  le 
trou  placé  au  fond  du  vafe ,  on  af- 
fujertit  le  vafe,  &  après  l'avoir  rem- 
pli de  terre,  &  l'avoir  arrofé,  on  le 
couvre  de  mouife.  Si  la  branche  eft 
rameufe  ,  &  qu'on  ne  veuille  pas 
H  h  h 


4i(J  M  A  R 

facrifier  fes  rameaux  ,  il  convient 
d'avoir  un  vafe  de  fer-blanc  ou  de 
bois  ,  en  deux  pièces  ,  de  manière 
que  chaque  pièce  faiTe  exaftement  la 
moiric  ,  &  un  rout  par  leur  réunion. 
La  fcule  attencion  que  ces  marcottes 
exigent,  conlillc  à  tenir  la  terre  des 
vafes  fouvent  arrofée,afin  d'y  entre- 
tenir une  humidité  convenable  : 
comme  le  vafe  eft  environné  par  un 
grand  courant  d'air ,  fon  évaporation 
eft  confidérable. 

Si  on  délire  que  ces  marcottes  , 
d'ailleurs  très  -  cafuelles ,  réuiTilTent, 
il  convient  d'avoir,  par  avance j  fait 
la  fouftradion  circulaire  d'une  por- 
tion de  l'écorce  ,  ainfi  qu'il  a  été 
dit,  ou  d'avoir  ménagé  un  bourrelet, 
par  des  ligatures  ,  ou  d'avoir  fait 
une  entaille  à  la  branche  ,  ou  enfin, 
de  la  traiter  comme  une  marcotte 
d'oeillet.  11  eft  ttès-difBcile  autrement 
de  rculîir  fur  des  arbres  à  écorce  liiïe , 
&  dont  les  boutons  percent  difficile- 
ment la  peaui  les  marcottes  font  plus 
diffi.'iles  encore  fur  ceux  qui  font 
remplis  de  moelle,  &  dont  l'écorce 
eft  fine. 

M.  le  Baron  de  Tfchoudy  fait  , 
dans  le  Supplément  du  Diiflionnaire 
Encyclopédique,  des  oblervationsqui 
méritent  d'être  rapportées. 

«  Les  auteurs  du  jardinage  n'indi- 
quent, dit-il,  pour  marcotter,  que  le 
printemps  &  l'automne;  cependant 
chacune  de  ces  faifons  a  des  inconvé- 
niens  pour  ce  qui  concerne  certains 
arbres.  11  en  eft  de  délicats,  dont  les 
branches  ,  très-fatiguées  par  l'hiver , 
loin  d'avoir ,  au  retour  du  beau  temps, 
fiffez  de  vigueur  pour  produire  de 
leur  écorce  des  racines  furnuméraires , 
ont  à  peine  la  force  qu'il  leur  faut 
pour  fe  rétablir.   D'autres   arbres  , 


M  A  R 

moins  tendres,  mais  qui  nous  vien- 
nent des  contrées  de  l'Amérique  fep- 
tentrionale  ,  où  la  terre  profonde  & 
humide  ,  &  les  longues  automnes , 
les  excitent  à  poulTer  fort  tard,  con- 
fervent  cette  difpcfirion  dans  nos 
climats  ;  mais  leur  végétation  vive  , 
leurs  jets  pleins  de  fève,  fe  trouvent 
brufquement  faifis  par  nos  premières 
gelées.  Que  l'on  couche  leurs  bran- 
ches en  automne  ,  l'humidité  de  la 
terre  hâtera  leur  deftruction.  Si  on 
attend  le  printemps ,  on  les  trouvera 
alors  mocttes  par  le  bout  ]  on  ne  faura 
paspréciftment  où  finit  la  partie  def- 
fechée  &  chancie,  &  où  commence 
la  partie  vive  &  faine  ,  qui  fera  d'ail- 
leurs le  plus  fouvenr  trop  courte  pour 
fe  prêter  à  la  courbure  qu'il  convient 
de  lui  donner  ». 

«'  On  préviendra  cesinconvcniens  , 
fi  l'on  fait  ,  au  mois  de  juillet,  les 
marcottes  de  ces  arbres  un  peu  avant 
le  fécond  clan  de  la  fcve.  Dans  nos 
climats  ,  (  L'auteur  écrivoit  en  Al- 
face)  les  printemps  mauiïades  &:  fan- 
tafques,  ne  laiffent  à  la  première  vé- 
gétation qu'un  mouvement  foible  &: 
intermittent  ;  fon  jet  d'été  ,  moins 
contrarié  ,  eft  ordinairement  plus  fou- 
tenu  ,  plus  vigoureux  ;  ainfi  ,  nos 
marcottes  ne  font  guères  moins  avan- 
cées que  celles  de  la  première  faifon. 
En  général ,  elles  feront  parfaitement 
enracinées  à  la  féconde  automne  ou 
nu  fécond  prinremps  ,  fur-tout,  fi  aux 
foins  ordinaires  ,  on  ajoute  de  ré- 
pandre fur  leur  partie  enterrée  ,  de 
la  rognure  de  buis  ,  ou  'telle  autre 
couverture  capable  d'arrêter  la  moi- 
teur qui  s'élève  du  fond  du  fol  ,  Sc 
de  conferver  le  bénéfice  des  pluies  & 
l'eau  des  arrofemens.  La  baie  du  bled, 
de  l'orge,  de  l'avoine,  Sec.  produira 
le  même  effet  ». 


M  A  R 

»  Ce  ne  font  pas  là  les  feuls  avan- 
tages du  choix  de  cette  faifon  pout 
faite  les  matcottes;  il  convient  fin- 
guliètement  à  ceitains  arbres  ,  dont 
les  branches  ne  pouffent  volontiers 
des  racines,  que  lorfqu'elies  font  en- 
core tendres  ôc  herbacées.  En  les  cou- 
chant on  aura  foin  de  faire  l'onglet , 
autant  qu'il  fera  poflible  ,  au-delfous 
du  nœud  qui  fcpare  le  jet  de  l'an- 
née ptécédente,  d'avec  le  jet  récent  ; 
&  Cl  l'on  eft  contraint  d'ouvrir  dans 
ce  bourgeon  ,  il  faudra  s'y  prendre 
avec  beaucoup  de  dextérité.  D'autres 
arbrilfeaux,  dont  les  jeunes  branches 
furvivent  rarement  à  l'hiver,  &  qui 
tiennent  de  la  nature  des  herbes,  ne 
peuvent  même  être  marcottés  qu'en 
été.  La  marcotte  ,  ayant  produit  des 
racines ,  périra  ,  à  la  vérité  ,  jufqu'à 
terre  ,  durant  le  froid  ;  mais  elle  de- 
meurera vive  à  fa  couronne  ,  8c  pouf- 
fera de  nouveaux  jets  au  printemps.  ■> 

Il  II  eft  encore  d'autres  arbres ,  dont 
les  branches  mûres  font  fi  fragiles 
qu'elles  fe  rompent  fous  la  main  la 
plus  adroite  ,  lorfqu'on  veut  les  cour- 
ber pout  les  coucher ,  foit  en  automne , 
foit  au  printemps  :  mais  en  été,  on  les 
trouvera  liantes  &  dociles.  Plufieurs 
arbres  ,  toujours  verts  ,  dont  les  bou- 
tures ne  fe  plantent  avec  fuccès  que 
dans  cette  faifon  ,  font  aulll  ,  par 
une  fuite  de  cette  inclination  ,  plus 
difpofés  à  reprendre  de  marcotte  dans 
ce  même  temps  qu'en  tout  autre  ; 
Se  les  marcottes  de  certains  arbrif- 
feaux,  comme  le  chcvrefeuil  ,  faites 
mcme  aiïez  avant  dans  l'été  ,  pren- 
nent encore  alTez  de  racines  ,  pour 
qu'on  puiffe  les  fevrer  en  automne.  » 

MARE.  Amas  des  eaux  pluviales 
&  dormantes.  L'infouciance  &  la 
pareffe  empêchent  que  les  hommes 


M  A  R  417 

n'ouvrent  les  yeux  fur  leurs  befoins 
&  fur  leur  fanté  ,  &  plus  fouvent 
encore  l'habitude  ne  leur  permet 
pas  d'examiner  s'il  eft  polîible  de 
fe  paiïer  des  mares ,  6c  fi  leur  fup- 
preiîioneft  utile.  En  Normandie,  par 
exemple,  chaque  métairie  a.  fa  mare 
deftinée  .à  abreuver  les  beftiaux ,  5c 
même  fouvent  les  hommes  :  elles 
font  peu  dangereufes  dans  un  climat 
aufll  tempéré  ,  aulfi  pluvieux,  com- 
paré à  celui  d'un  très-grand  nombre 
d'autres  provinces  du  royaume  ;  mais 
s'il  furvient  une  longue  fécherefle , 
les  chaleurs  y  feront  nécelTairement 
vives,  &  très- vives  :  dcs-Iors,  man- 
que d'eau  ,  corruption  de  cette  eau 
à  mefure  qu'elle  diminuera,  corrup- 
tion dans  l'air ,  épidémie  pour  les 
hommes  ,  épizooties  pour  les  ani- 
maux. On  a  en  effet  remarqué  que 
les  épizooties  putrides  ,  charbon- 
neufes ,  inflainmatoires  &  gangré- 
neufes  furvenoient  toujours  après  les 
féchereflcs.  Plufieurs  caufes  y  con- 
courent; mais  la  plus  puiffante  efl  la 
corruption  de  l'eau  dont  les  animaux 
s'abreuvent.  Ce  qui  a  lieu  quelque- 
fois dans  le  nord  du  royaume ,  eft 
très-commun  dans  les  provinces  da 
midi.  Si  les  mares ,  au  lieu  d'avoir  une 
étendue  difproportionnée  ,  avoient 
une  profondeur  capable  de  contenir 
la  même  quantité  d'eau,  le  mal  fe- 
roit  moindre,  parce  que  la  putréfac- 
tion de  l'eau  commence  par  les  bords , 
de  gagne  de  proche  en  proche  la  tota- 
lité :  au-lieu  que  fi  la  mare,  coupée 
quarrément  ou  circulairement ,  étoit 
dans  toutes  fes  parties  entourée  de 
murs ,  bien  corroyés  avec  de  l'argille 
en  dehors  ,  ou  des  murs  en  /yécon  , 
(  voye^  ce  mot  )  l'eau  feroit  contenue 
fur  une  plus  grande  hauteur  ;  &  lorf- 
qu'elle  diminueroit ,  ce  feroit  per- 
H  h  h  1 


428  M  A  R 

pendiculairemcnr.  11  fuffiroit  de  mé- 
nager far  un  des  côtés  (  le  plus  com- 
mode pour  le  fervice  de  la  mérairie  ) 
une  pence  d'eau  qui  fe  prolongeroic 
jufqu'au  fond  de  la  mare  :  enfin  ,  le 
tond  &  la  pente  feroient  pavés.  L'eau 
ainfi  relfetrée  ayant  m.oins  de  fur- 
face,  fe  confervera  plus  frikhej  «Se 
éprouvera  moins  d'evaporation ,  qui 
a  lieu  en  raifon  des  furfaces  ,  & 
de  leur  peu  de  protondeur.  La  trai- 
cheur  de  l'eau  etl  un  point  elfentiel 
à  la  confervation  de  la  fanté  des  bef- 
tiaux:  plus  l'eau  eft  échauftée,  moins 
elle  contient  d'air,  moins  elle  ell  di- 
geftive  ,  &  plus  elle  eft  pefante.  Pour 
s'en  convaincre,  il  fuffit  de  prendre 
un  pèfe-liqaeur  [vû\e^  fa  figure  Ik. 
fon  ufage  au  mot  Distillation  ) 
que  l'on  plonge  dans  l'eau  que  l'on 
vient  de  faire  bouillir  :  placez  le 
même  pèfe- liqueur  dans  la  même 
eau,  avant  de  la  faire  bouillir,  & 
vous  verrez  une  très-grande  différence 
dans  leur  pefanreur  fpécifique.  Plus 
l'eau  fe  corrompt  ,  (Se  plus  elle  perd 
de  cet  air,  principe  vivifiant.  Doit  on 
après  cela  être  étonné  s'il  furvient  des 
épizooties  ? 

Si  l'on  peififte  à  conferver  les  ma- 
res,  qu'elles  ioient  du  moins  pavées 
&  environnées  de  murs ,  ainfi  qu'il  a 
été  dit  j  mais  qu'elles  foient  aulfi  te- 
nues dans  le  plus  grand  état  de  pro- 
preté. J'entends ,  par  ce  mot  propreté, 
qu'on  n'y  l.iinTe  croître  aucune  herbe 
dont  les  débris  concourent  à  la  putré- 
fadtion  de  l'eau  ;  qu'on  détruife  avec  le 
plus  grand  foin  les  crapauds ,  les  gre- 
nouilles ,  &  ,  s'il  eft  pofltMe  ,  toute 
efpèce  d'infeéle.  On  ne  fait  p.is  aiTez 
attention  que  le  frai  d'un  feul  cra- 
paud ,  d'une  feule  grenouille ,  après 
que  les  œufs  font  éclos  ,  fe  répand 
611  forme  de  gelée,   &  qui   couvre 


M  A  R 

plufieufs  pieds  de  fuperficie  ;  que  cerre 
gelée  répand  au-dehors  ce  qu'on  ap- 
pelle odeur  marscageufe  j  ôc  qu'elle 
infeéte  l'eau.  Combien  de  fois  n'ai-je 
pas  vu  les  aiiimaux  forcés  de  boire 
une  eau  verdâtre,  loueufe  ,  remplie 
de  vers  ,  &c. ,  &  leurs  condudeurs 
avoir  la  ftupid.cc  de  penfer  q  le  cette 
eau  les  engiaiHoit.  (  Conju/ccz  le  moc 
AbriiUVOir,  iifin  de  ne  pas  répéter 
ici  ce  qui  a  été  dit  à  ce  fujer  )  Enfin  , 
avant  l'entrée  de  l'hiver,  on  doit 
mettre  à  fec  ces  mares ,  &  enlever 
toute  la  boue ,  la  cralle  &  le  fédi- 
menr  qui  en  tapi^ie  le  fond.  C'eft  le 
moyen  le  plus  prompt  &  le  plus  filr 
de  détruire   les  infedes. 

En  bonne  règle ^  &  par  humanité, 
le  gouvernemenr  eft  dans  le  cas  d'or- 
donner la  fupprelîîon  de  toutes  les 
mares,  pui!qi;ela  fanré  des  hommes 
&  des  animaux  y  eft  intéreflée,  fur- 
tout  dans  les  provinces  où  la  chaleur 
eft  ordinairement  force  (Se  vive.  Mais 
où  mènera- t-on  boire  les  befti'aux  ? 
comment  remplacer  ces  mares,  &c. ? 
Il  eft  ailé  de  répondre  à  toutes  les 
objecflions  que  l'on  peut  faire. 

Je  réponds,  i".  Il  n'eft  point,  ou 
prelque  point  de  pays  où  l'on  ne 
puilfe  ralîembler  les  eaux  pluviales 
dans  des  citernes.  (  Confult£\  ce  mot, 
ainfi  que  celui  de  Béton)  i°.  II  n'eft 
point  de  pays  où  l'on  ne  puilfe  creufer 
des  puits  :  il  eft  plus  commode  , 
moins  coûteux  &c  plus  expédicif  de 
pratiquer  des  mares,  cela  eft  vrai; 
mais  peur-on  comparer  cet  avantage 
avec  celui  de  la  fanté  des  hommes 
&  des  animaux  !  De  plus ,  combien 
de  fois  l'eau  manquant  dans  ces  ma- 
res, eft-on  obligé  de  conduire  cha- 
que jour,  &  à  plufieurs  lieues,  les 
beftiaux  pour  les  abreuver.  Le  payfan 
ne  voit  que  le  moaient  préfent  j  il 


M  A  R 

fonge  peu  à  l'avenir,  3^  ne  s'imagine 
pas  que  l'eau  llagnante  &  puciéhce, 
ibic  capable  de  lui  occafionner  des 
maladies  graves  ôc  fcrieufes.  (  /  o)  ej 
le   mot  Etang  ) 

Il  n'exifte  aucun  endroit  dans  le 
royaume  où  l'on  ne  puifle  trouver 
de  l'eau  à  une  certame  protondeur. 
Peu  d'exceptions  combattent  cette 
aflertion  générale.  Alors  fi  la  dépenfe 
qu'exige  la  conllrutlion  d'un  puits 
très-profond,  eft  trop  forte  pour  un 
feul  particulier ,  c'etl;  à  la  commu- 
nauté des  habitans  à  fournir  les  tonds 
nécelFaires ,  en  fe  cotifanc  tous  au 
marc  la  livre  de  leurs  impcfitions. 
Mais  comme  ,  dans  le  nombre  ,  il 
eft  rare  qu'il  ne  fe  trouve  des  pri- 
vilégiés ,  des  exempts  j  ceux  ci  ne 
doivent  pas  moins  y  contribuer  en 
raifon  de  la  valeur  de  leurs  podef- 
lions.  La  première  confttuétion  une 
fois  faite  ,  l'entretien  eft  peu  con- 
fidérable.  Si  un  projet  fi  louable 
éprouve  des  oppofitions ,  ce  fera  à 
coup  fur  de  la  part  des  gros  tenan- 
ciers. Il  en  fera  ici  conime  du  par- 
tage des  cofnmunaux.  (  Voyt-;^  ce  mot) 
ils  fe  coiifidèrent  comme  des  êtres 
ifolés  qui  ne  vivent  que  pour  eux , 
&  ils  ne  font  pas  attention  que  , 
dans  une  épizooîie  ,  ils  fupportent  les 
plus  groHes  pertes,  pour  avoir  mal  en- 
tendu leurs  inrétèts,  &  fur- tout  pour 
n'avoir  vu  que  le  moment  préfent. 

M  A  R  G  U  E  R 1 T  E.  (  Voyc-^  Pa- 

QUEK.ETTE  ) 

MARJOLAINE  COMMUNE. 
[Voy.PLtnckc  X ,  p.  400}  Tourne- 
forrla  place  dans  la  croidème  feétion 
de  la  quatrième  claife  deftinée  aux 
herbes  à  fleur  d'une  feule  pièce  en 
lèvres,  Se  dont  la  fupérieute  eft  re- 


M  A  R  425 

trouffée  ,  &  il  l'appelle  majorana 
vu/garts.  Von-Linné  la  nomme  ori- 
ganum  majorana  ,  &  la  clalFe  dans 
la  didynamie  gymnafpermic. 

fleur.  B  repréiente  une  fleur  fc- 
parée.  Elle  eft  compofée  d'un  tube 
cylindrique,  évafé  à  fon  extrémité, 
partagé  en  deux  lèvres ,  dont  la  fu- 
périeure  eft  découpée  en  cœur  ,  iSc 
l'inférieure  divifée  en  trois  parties 
prefqu'égales ,  comme  on  le  voit  en 
C.  Les  quatre  étamines  ,  dont  deux 
plus  grandes  &  deux  plus  courtes , 
lont  attachées  vers  la  bafe  du  tube. 
Le  piftil  D  occupe  le  centre.  Toutes 
les  parties  de  la  fleur  font  ralfemblées 
dans  le  calice  E.  Chaque  fleur  eft 
accompagnée  à  fa  bafe  d'une  feuille 
florale  F. 

fruit.  G,  compofé  de  quatre  fe- 
mences  cachées  au  fond  du  calice , 
&  elles  y  reftent  jufqu'à  leur  maturité. 

feuilles  Petites ,  ovales,  obtufes , 
très-entières  ,  prefqu'adhérenres  aux 
branches ,  douces  au  toucher ,  blan- 
chârres. 

Racine  A.  Menue  &  fibreufe.' 

Por[.  Tiges  hautes  de  douze  à 
dix-huit  pouces,  grêles,  ligneufes, 
rameufesj  fouvent  velues  j  les  fleuts 
nailFent  en  épi  au  fommet ,  Se  les 
feuilles  font  oppofces. 

Lieu  ;  le  Languedoc  ,  la  Provence. 
Cultivée  dans  les  jardins  ,  fleurit 
pendant  tout   l'été. 

Propriétés.  Toute  la  plante  a  une 
odeur  aromatique,  agréable,  une  fa- 
veur acre  &  amère.  Son  principal 
caraétère  eft  d'être  céphalique.  Les 
autres  vertus  qu'on  lui  attribue  font 
très-douteufes. 

Vfige.  On  fait  fécher  les  feuilles , 
on  les  pulvérife  «Sj  on  les  tamife  ;  enfin , 
on  inipire  cette  poudre  par  le  nez. 
Elle  dillîpe  les  humeurs   muqueufes 


450  M  A  R 

qui  tapilfenc  la  membrane  picuiraire. 
Elle  ell  indiquée  dans  le  larmoye- 
menc  par  abondance  d'huineurs  Ic- 
reufes  ou  pituiteufes ,  dans  le  catarrhe 
hum^de  ,  &  l'enchitrenemenc,  lorf- 
qu'il  n'exifte  pas  de  dilpohtjons  in- 
flammatoires. 

Marjolaine  sauvage.  (  Voye^ 
Origan  ) 

MARNE,  Histoire  naturelle. 
Economie  rurale.  C'eil:  une  terre 
calcaire  ,  eftervefcente  avec  les  aci- 
des 5  plus  ou  moins  blanche  ,  plus 
ou  moins  compadle ,  prefque  tou- 
jours pulvérulente  &  dépofée  dans  le 
fein  de  la  terre.  Les  principes  conf- 
tituans  de  la  marne  font  la  terre  cal- 
caire ,  la  terre  argilleufe,  &:  la  terre 
filiL-eufe  OH  le  fable  :  on  y  trcmve 
aulli  de  la  terre  magnéhenne.  Quand 
les  trois  premiers  principes  fe  trou- 
vent dans  une  jufte  proportion ,  alors 
on  a  la  marne  parfaite  ,  cet  excellent 
engrais,  ce  tréfor  en  agriculture. 

Ces  trois  premiers  principes  in- 
fluent nécelfairement  fur  ces  carac- 
tères extérieurs.  Sa  friabilité  dépend 
de  la  proportion  où  eft  le  fable  :  plus 
il  y  en  a,  &  plus  la  marne  efl:  friable. 
Elle  attire  l'humidité  &  l'eau ,  & 
s'en  imprègne  \  Se  lorfque  le  fable 
la  rend  très-poreufe  ,  les  interftices 
fe  trouvent  remplis  d'air  athmof- 
phérique  ,  qui  s'en  dégage  avec 
abondance  ,  lorfque  l'on  verfe  de 
l'eau  deffus;  ce  qui  la  fait  paroître 
écumer.  Sa  renacité  Se  fon  efpèce 
de  duftilité  font  en  raifon  de  la  terre 
argilleufe  qu'elle  contient  :  iî  la  por- 
tion argilleufe  eft  confidérable  ,  la 
ductilité  aut^mente,  la  nature  de  la 
marne  change  Se  palle  à  celle  de  terre 
opifte,  dont  on  peut  faire  des  vafes. 


M  A  R 

en  apportant  beaucoup  de  précaution 
dans  leur  cuillon.  C'eft  enfin  à  la 
partie  calcaire  que  la  marne  doit  l'ef- 
tervefcence  qu'elle  fait  lorfque  l'on 
verfe  delfus  un  acide  quelconque , 
comme  vinaigre,  eau  forte.  Sec.  L'a- 
cide décompofe  la  terre  calcaire ,  &c 
en  chalfe  ï air  fixe  ,  (  voye^  ce  mot  ) 
qui  s'échappe  en  bulles. 

D'apr('*s  ce  que  nous  venons  de 
dire  ,  on'connoîtra  facilement  les  ca- 
radères  de  la  bonne  marne.  Elle  doit 
fe  déliter  à  l'air,  Se  tomber  en  pouf- 
fière  :  plongée  dans  l'eau ,  elle  s'y 
divife  (Se  s'y  diflout ,  en  laiflant  échap- 
per beaucoup  de  bulles  d'air.  Elle  eft 
très-friable.  Se  en  même-tems  happe 
à  la  langueaflez  fortement.  Enfin, 
elle  fait  beaucoup  d'effervefcence ,  Ci 
l'on  y  verfe  deifus  du  vinaigre  ou 
de  l'acide  vineux,  ou  eau  forte. 

Non- feulement  on  trouve  la  marne 
fous  torme  pulvérulente,  mais  encore 
fous  forme  folide  &  en  pierre.  Ces 
pierres  marneufes ,  expofées  à  l'air  , 
s'y  délitent  bientôt.  Se  y  fufent  comme 
la  chaux  vive. 

La  marne  fe  trouve  dépofée  dans 
beaucoup  d'endroits  entre  les  bancs 
d'argille  ou  de  fable  ,  fous  les  cou- 
ches de  la  terre  végétale,  très-rare- 
ment à  la  fuperficie  de  la  terre,  mais 
plutôt  à  vingt,  trente  Se  même  juf- 
qu'à  cent  pieds  de  profondeur. 

Il  n'efl:  pas  difficile  d'afligner  quelle 
eft  l'origine  de  la  marne.  Se  fes  prin- 
cipes conftituans  indiquent  aflez  roue 
ce  qui  a  concouru  à  fa  formation. 
Elle  paroît  être  le  réfultat  des  décom- 
pofitions  des  pierres  calcaires  ,  quar- 
tzeuzes  Se  argilleufes ,  charriées  par  les 
eaux,  &:  dépofées  dans  des  bas-fonds. 
Ces  dépôts  étant  de  nature  finguliè- 
rement  propres  à  la  végétation,  ils 
ont  été  bientôt  recouverts  de  plantes 


M  A  R 

qui,  par  leur  germination,  leur  vé- 
gccation  &  leur  more  fu.cellives,  font 
venues  à  bout  de  changer  les  couclies 
fupérieures  de  la  marne  en  terre  vé- 
gétale. Infenfiblemenr  le  tcrrein  i'cft 
clevc  Se  amélioré  par  la  culture,  loit 
jiatutelle ,  foit  aitihcicUe,  &  ce  dé- 
pôt marneux,  enfoui  profondément, 
s'eftperfetlionné,  &  la  nature  femble 
l'avoir  aiiifi  mis  en  réferve  pour  nos 
befoins ,  S<  pour  récompenler  notre 
induftrie.   MM. 

Les  auteurs  ne  fonr  point  d'accord 
fur  l'origine  de  la  marne.  Quelques- 
uns  prétendent  qu'elle  cft  originai- 
rement une  chaux  produite  par  le 
détritus  ou  brifement  des  coquilles , 
réduites  en  molécules  très-fines  par 
leur  frottement  <?c  par  le  roulement, 
&  dépofées,ou  en  malfe  ou  par  cou- 
ches ,  entre  les  bancs  argilleux  ou  fa- 
blonneux.  Celle  qu'on  rencontre  fous 
les  bancs  argilleux  eft  toujours  plus 
profondément  enterrée  que  l'autre. 
Celle  des  bancs  fablonneux  eft  pour 
l'ordinaire  à  deux  ou  trois  pieds,  ou 

iilus  5  audeifous  de  la  fuperficie  du 
)anc  fupérieur,  &:  on  prétend  qu'at- 
tendu la  ténuité  des  particules  de 
cette  chaux  ,  elles  fe  font  infinuées 
à  travers  le  fable,  6:  ont  été  entraî- 
nées dans  le  fond  du  banc  par  les 
eaux  pluviales  ,  qui  ont  pénétré  & 
traverfé  ce  fable.  Cette  explication 
eft  plus  fpécieufe  que  démonftra- 
tive ,  puifque  fouvent  fous  ce  même 
fable  ,  &  confondues  avec  la  marne, 
on  trouve  des  coquilles  entières  ou 
brifées.  D'autres  prétendent  tjue  la 
marne  eft  due  au  fimple  débris  des 
animaux  ,  des  végétaux  ,  Si  Aqs 
pierres  calcaires  j  ce  qui  n'explique 
pas  mieux  pourquoi  on  trouve  des 
marnes  en  blocs  plus  ou  moins  ar- 
rondis au  milieu  des  terres,  &:  don: 


M  A  R 


431 


la  plupart  ont  pour  noyau  un  ou  plu- 
fieurs  morceaux  de  coquilles,  ou  bien 
des  marnes  par  couches  ou  par  pla- 
ques peu  érendues,d'un  à  deux  pou- 
ces d'épailfeur ,  Si  répandues    entre 
des  lus,  loit  de  fable  ioit  d'argille. 
Quoi  quil  en  foit,  que  ia  marne  ait 
été  rallcmblee  par  infiltration  ou  par 
dépôts ,    la    meilleure    fera  toujours 
celle  qui  contiendra  le  plus  de  parties 
calcaires ,  &:  les  plus  atténuées ,  u'im- 
porte  la  couleur  qui  eft  accidentelle, 
iv  qui  ne  contribue  en  rien  à  la  fer- 
tilité y  enfin  ,   celle  qui  fe  réduit  1« 
plutôt  en  poullière  ,    lorfqu'elle   eft 
expofée  à  l'air  comme  la  chaux.  Les 
auteurs   ne  font   pas  d'accord  ,    en 
général ,  fur  les   analyfes  des    mar- 
nes ;  cependant  tous  ont  raifon ,  & 
leurs  analyfes  font  bien  faites  :  mais 
l'on  peut  dite  que  la  marne  d'un  can- 
ton ne  rellemble  en  rien  à  celle  du 
canton  voifin  ,  &  que  coures,  li  on 
peut  s'exprimer  ainfi ,  ont  un  vifage 
particulier ,  des  combinaifons  ctiiTc- 
rentes,  quoique  le  principe  vraiment 
marneux  foit  le  même.  Ainli  la  plus 
ou  moins  prompte  délitefcenceàl'air, 
la  folubilité  dans  l'eau,  &:  l'effervef- 
cewcQ  avec  les    acides ,  caradérifent 
les   marnes  riches  ou  peu  riches   en 
principes   calcaires,  que  j'ai  jufqu'à 
préfenc  plus  particulièrement  fpéci- 
fiés    fous  la    dénomination  à'humus 
ou  terre  véoétale ,  la  feule  qui  forme 
la  charpente  des  plantes^  toute  autre 
terre  doit  être  appelée  terre  matrice  ^ 
Si  elle  fert  feulement  de  réfervoir  à 
l'humidité  que  les  pluies  lui  ont  com- 
muniquées ,  &  de  point  d'appui  aux 
plantes  Si  à  leurs  racines.  (  CûnfiUe:^ 
le  Chapitre  VIII   du    mot   Culture  , 
où  ces  principes  font  développés.  ) 

La  marne  agit  fur  la  terre  dans 
laquelle  on  la  mêle,  par  fes  fels,  par 


431  M  A  R 

l'air  fixe  qu'elle  recèle  ,  par  la  terre 
végétale  ou  humus  qu'elle  coiuiencj 
enhn  ,  mécaiiiquemen: ,  par  la  divi- 
fion  extrême  de  les  parties.  On  voit 
par  ces  détails  que  la  marue  eft  un 
excellent  engrais  qui  réunit  tous  les 
matériaux  de  la  fève  ,  à  lexception 
de  la  partie  huileufe  ,  qui  les  rend 
favonneux,  &  fufceptibles  par  con- 
féquent  d'une  diirolution  extrême 
dans  l'eau  qui  leur  fert  de  véhicule. 

Que  la  marne  ne  foit  j  fi  l'on 
veut,  qu'un  amas  des  débris  de  co- 
quilles,  qu'une  chaux  naturelle,  ou 
fimplement  une  terre  calcaire  par 
excellence  ,  abftraétion  faite  des  au- 
tres terres  auxquelles  elle  eft  unie  , 
fous  quelque  forme  qu'on  la  con- 
fidère  ,  on  ne  peut  nier  qu'elle  ne 
fuit  abondamment  pourvue  de  fels , 
&  que  ces  fels  ne  foient  alkalis. 
Ils  ont  une  tendance  fingulière  à 
abforber  l'air  de  l'atmofphcre ,  à  fe 
naturahfer  par  leur  combinaifon  ayec 
le  fel  nommé  aérien  par  le  célèbre 
Bergman  ,  enfin  ,  à  abforber  l'humi- 
dité de  l'air  qui  fait  déliter  la  marne, 
&  la  réduit  en  poudre  impalpable  , 
de  la  même  manière  que  la  chaux 
ordinaire  ,  après  qu'on  l'a  retirée  du 
four.  Or  tous  les  fels  fécondent  la 
terre  toutes  les  fois  qu'ils  fe  trou- 
vent proportionnés  avec  les  matières 
grailTeufes  ou  huileufes.  (  Voye:^  le 
mot  AMhNDEMENT  ,  &  le  demiet 
Chapitre  du  mot  Culture  )  Si  les 
fels  furabondent  ,  il  en  réfultera  , 
pour  un  certain  temps  ,  le  mauvais 
effet  détaillé  au  mot  Arrofement  & 
au  mot  Engrais.  Enfin  ,  ces  fels  n'agi- 
ront efljcacement  que  lorfquela  com- 
binaifon favonneufe  fera  achevée. 

La  préfence  de  l'air  fixe  eft  dé- 
montrée dans  la  marne  par  les  bulles 
d'air  qu'elle  laifle  échapper  dans  l'eau 


M  A  R 

qui  fert  à  la  dilToudre  ,  &  par  l'ef- 
fervefcence  &  par  le  bouillonnement 
qui  font  excités  ,  lorlqu'on  verfe  un 
acide  fur  elle.  J'ai  fait  voir  cent 
&  cent  fois ,  dans  le  cours  de  cet 
Ouvrage  ,  combien  cet  air  influoit 
fur  la  végétation,  comment  il  deve- 
noit  le  lien  de  toutes  les  parties  des 
plantes  ^  Se  conttibuoit  à  la  foiiditc 
de  leur  charpente  ;  que  les  arbres 
dont  le  bois  eft  le  plus  dur,  en  conte- 
noient  davantage  j  enfin  qu'un  vafe, 
toutes  circonjiances  étant  égales ^  placé 
fur  un  champ  aride  ,  un  fécond  fur 
un  champ  fertile  &  labouré ,  &  un 
troifième  près  d  une  bergerie  ,  of- 
froient  des  différences  fenfibles  dans 
les  progrès  de  la  végétation  des 
plantes  qu'ils  contenoient,  en  raifon 
de  la  quantité  d'air  fixe  qu'elles  ab- 
forboient  de  l'atmofphère.  Or ,  fl 
cette  différence  eft  fi  fenfible,  fim- 
plement en  raifon  de  l'air  extérieur, 
combien  donc  doir-elle  l'être  lorfque 
cet  air  fixe  eft  concentré  dans  la  terre , 
i5c  fur-tout  lorique  le  furplus  de  celui 
qui  afervià  former  la  fève,  s'échappe 
de  la  reire,  &  eft  abforbé  par  les 
feuilles  des  plantes.  Pour  bien  faifir 
ce  qu'on  vient  de  dire  en  abrégé , 
confultez  le  mot  Air,  &  particuliè- 
rement les  chapitres  qui  traitent  de 
Vair  fixe. 

Si,  fuivant  quelques  auteurs  ,  la 
marne  eft  le  réfultat  de  la  décompo- 
fition  des  fubftances  calcaires  &  des 
végéraux  ,  elle  doit  néceffairement 
renfermer  une  grande  quantité  de 
terre  végétale  ou  humus ,  la  feule  qui 
entre  <?:  qui  conftitue  la  charpente  des 
plantes.  Ainfi  _,  dès  que  cette  terre 
végétale  &  parfaitement  folubie  dans 
l'eau,  fera  dilîoute  par  elle,  &:  com- 
binée avec  les  aunes  matériaux  de  la 
fève ,  elle  doit  donc  ,  de  toute  né- 

ceflîté. 


M  A  R 

cefllcé  ,  accélérer  &:  fortifier  la  végé- 
tation des  plantes.  Il  ne  relie  aucun 
doute  à  ce  fujec. 

La  marne  aeic  mécaniquement 
fur  les  terres  fortes  &  tenaces  ,  à 
raifon  de  la  ténuité  de  fes  parties  ; 
elle  agit  fur  ces  terres,  comme  le  fa- 
ble fur  t'argille.  Chaque  molécule  fait 
l'office  d'un  petit  coin,  ou  d'un  petit 
levier  qui  fe  place  entre  les  molécules 
de  la  terre  ,  &  les  tient  féparées.  Il 
réfulte  de  cette  défunion  ,  plus  de 
fouplelTe  dans  la  tetre  du  champ;  elle 
ell  pénétrée  plus  profondément  par 
l'eau  pluviale,  Se  elle  devient  moins 
compaéte  &  moins  getfée  par  la  fé- 
cnerelfe. 

La  marne,  dit- on  ,  engraijfe  U 
terre  ;  cette  expcefllon  eft  tout  au 
moins  impropre  ,  puifqu'elle  ne  con- 
tient aucun  principe  gçailfeux,  mais 
feulement  des  principes  falins ,  ter- 
reux &  acriformes.  Se  par  conféquent 
tous  difpofés,  tous  préparés  à  s'unir 
aux  matières  grailleufes.  On  a  beau 
labourer  Se  labourer  fans  ce(re  ,  la 
marne  ne  s'unit  ponit  avec  la  terre  du 
champ  ,  elle  refte  féparée  ,  S:  même 
conferve  fa  couleur  j  ce  n'eft  qu'à  la 
longue ,  &  très  à  la  longue  ,  que  s'o- 
père la  réunion  &  le  changement  de 
couleur  -,  ce  qui  prouve  clairement 
qu'elle  divife  les  terres.  D'où  l'on 
doit  conclure  que  la  marne  jetée  fur 
les  fols  fablonneux  &  déjà  peu  liés , 
cfl:  non  -  feulement  inutile  ,  mais 
même  nuifible.  Ceci  demande  certai- 
nes reftticlions,  dont  il  va  être  quef- 
tion.  Le  laboureur  s'apperçoir ,  dans 
un  cliamp  marné  depuis  quelt]ues  an- 
nées, que  la  charrue  enrre  plus  facile- 
ment ,  &  que  fes  animaux  font  beau- 
coup moins  fatigués.  Quand  la  marne 
n'auroit  d'autres  avantages  que  celui 
Tome  P'J. 


M  A  R 


433 


de  divifer  la  tette  ,  de  la  rendre  plus 
perméable  à  l'eau ,  &  moins  fufcep- 
tible  de  fe  gerfer  par  la  chaleur  ,  elle 
feroit  bien  précieufe. 

Il  a  été  dit  que  la  portion  vrai- 
ment marneufe,  étoit  mélangée  en 
partie  avec  du  fable  ,  ou  avec  de 
l'argille.  C'eft  précifement  le  mé- 
lange de  ces  fubllances  qu'il  eft  im- 
portant de  connoître ,  afin  de  décider 
fur  quelle  efpèce  de  champs  on  doit 
répandre  la  marne  ,  Se  en  quelle 
quantité. 

Le  vinaigre  ,  l'acide  nitreux  ,  ou 
eau  -  forte  ,  noyés  dans  une  quan- 
tité égale  d'eau  commune,  l'un  eu 
l'autre  de  ces  acides  diflolvent  toute 
la  partie  calcaire  ,  6c  n'attaquent  pas 
la  partie  argilleufe  :  ainfi  ,  ce  qui  ref- 
tera  fans  être  attaqué,  incliquera  la 
proportion  de  la  terre  calcaire.  Il  faut 
que  l'acide  recouvre  entièiement  la 
portion  que  l'on  analife  ,  Se  on  doit 
en  ajouter  jufqu'à  ce  que  l'eftervef- 
cence  ne  fe  manifefte  plus.  L'argille 
Se  le  fable  refteront  au  rond  du  vafe. 
Alors,  remplillez  ce  petit  vafe  d'eau 
de  rivière;  remuez  le  tout,  videz- le 
fur  un  filtre  de  papier-gris.  Se  ce  qui 
reliera  fur  le  filtre  fera  la  partie  non 
marneufe,  mais  argilleufe  (Se  fablon- 
laeufe.  Lailfez  fécher  ce  réfidu  ;  &  û 
vous  avez  pefé  le  morceau  de  marne 
avant  l'expérience  ,  vous  connoittez  , 
en  pefant  de  nouveau  le  réfidu,  com- 
bien il  eft  refté  de  parties  marneufes 
en  dilTolution  dans  l'eau  palfée  à  tra- 
vers le  filtre. 

Le  fimple  coup-d'œil  fuffit  pour 
faire  diftinguer  fur  le  filtre ,  la  partie 
fabloHneufe  d'avec  l'argilleufe  ,  Se  la 
quantité  refpeélive  de  l'une  eu  de 
l'autre.  Cependant,  fi  vous  défirez. 
plus  d'exadtitude ,  rejetez  le  rcfidu 
1  i  i 


434  ^i  -^  ^ 

en  hkre  clans  un  vafe  alTez  granJ  , 
ik  prefque  plein  d'eau,  &  ayez  l'ac- 
tennon  de  bien  agiter  cette  eau,  afin 
de  divifer  le  plus  qu'il  eft  poilîbîe 
ce  réfidu.  Lorfque  le  tout  a  cté  bien 
agité  ,  videz  de  nouvelle  eau  dans 
ce  vafe ,  &:  qu'elle  furpatle  fes  bords  : 
la  première  eau  s'écoulera  fut  la  fa- 
perhcie  du  vafe  ,  Se  entraînera  la  par- 
tie argilleufe  ,  mais  la  fabloiineufe 
gagnera  peu- à- peu  le  tond.  Conti- 
nuez à  ajouter  de  l'eau  jufqu'à  ce 
qu'elle  forte  claire  ,  Se  qu'il  ne  refte 
plus  d'atgille.  Lailfez  repofer  &  dé- 
cantez enfuite  doucement  j  placez  au 
foleil ,  ou  fur  le  feu  !a  portion  f.iblon- 
iieufe  ,  i5i  vous  reconnoîtrez  ,  quand 
elle  fera  fèche  ,  iS:  par  fon  poids  , 
qu'elle  aura  été  la  quantité  d'argille 
eiuraînée  par  l'eau.  Enfin  ,  téur.il- 
fant  les  ditJcrens  poids  ,  vous  aurez 
à-peu- près  la  pefanteur  to'.ale  du  mor- 
ceau de  marne  dont  vous  avez  voulu 
connoître  la  qiulité.  Il  ne  s'agit  pas 
ici  d'avoir  une  précifion  mathéma- 
tique :  fi  elle  étolc  nécelfaire ,  je  ne 
préfenterois  pas  cette  expérience  à  de 
fimplïs  agriculteurs  j  mais  on  doit 
obferver  qu'il  y  aura  toujours  une 
différence  dans  la  totalité  des  poids , 
puifqu'on  n'a  pas  pu  retenir  l'air  lorf- 
qu'il  s'échappoit,  &  le  poids  de  cet 
air  eft  confidérable,  proportion  gardée. 
Ces  trois  états  généraux  indiquent 
les  terres  oii  telle  qualité  de  marne 
eft  utile.  Se  où  telle  autre feroit  nuL- 
fible.  Si  on  eft  alfez  heureux  pour  avoir 
de  la  marne  toute  calcaire,  il  en  faut 
beaucoup  moins  ,  &  elle  fera  im  en- 
grais excellent  pour  les  terres  déjà 
bonnes  par  elles-mêmes ,  mais  un  peu 
compaéles.  Si  elle  eft  plus  argilleufe 
que  calcaire  Se  fablonneufe,  elle  pro- 
duira de  bons  effets  dans  les  terres  fans 


M  A  R 

nerfs ,  ^  qui  lailTent  ttop  facilement 
filtrer  les  eaux  pluviales.  Si  elle  eflr 
calcaire  Se  très-fablonneufe  ,  toutes 
les  terres  compactes  Se  argilleufes  en 
retireront  d'excellens  effets.  Sans  ces 
diftinéfcions  ,  on  -court  grand  rifque 
de  détériorer  fes  champs,  &  elles  dé- 
montrent combien  peu  font  fondées 
ks  affertions  des  écrivains  qui  géné- 
ralifent  tout,  &  qui  vont  jufqu'à  fixer 
le  nombre  de  tombereaux  de  marne 
qu'on  doit  répandre  par  arpent  ,  Se 
combien  de  temps  il  convient  de  la 
laifler  expofce  à  l'air  ,  comme  fi  la. 
délitefcence  de  la  marne  ne  dépendoic 
pas  du  climat,  en  même  temps  que 
de  la  plus  ou  moins  grande  quantité 
d'argille  qu'elle  contient.  Plus  elle 
fera  argilleufe  ,  Se  plus  elle  doit  refter 
expoféeà  l'air  ^plus  elle  fera  calcai^^^. 
Se  plutôt  elle  fera  réduite  en  pouflière^ 
Tels  font  les  principes  d'après  lefquels 
on  doit  fe  régler. 

Je  ne  fixerai  point  le  nombre  d& 
tombereaux  de  marne  à  répandre  fur 
un  arpent,  parce  que  leur  grandeur 
varie  d'une  province  à  une  autre  ,  Se 
qu'il  y  a  une  très-grande  différence 
entre  la  capaciré  d'un  tombereau  à 
vache  ou  à  bccuf ,  ou  à  mule  ,  ou  à. 
cheval,  capacité  toujours  relative  à  la 
force  de  l'animal ,  &  à  la  difficulté 
du  traniport.  Enfin,  le  nombre  des 
tombereaux  dépend  de  la  qualité  du 
champ  que  l'on  veut  marner.  On 
peut  dire,  en  général,  qu'un  champ, 
fuivant  fes  befoins  Se  fuivant  la  na- 
ture de  fon  fol  ,  eft  bien  marné,. 
lorfqu'il  eft  recouvert  ,  depuis  quatre 
liî^nes  jufqu'à  douze  d'cpaifleur,  & 
qu'une  prairie  qu'on  veut  rajeunit 
n'en  exige  que  moitié,  mais  de  la 
qualité  de  marne  convenable. 

Je  fçais  cj^ue  dans  pluûeurs  provic- 


M  A  R 

ees,  la  marne  argilleufe  eft  employée 
pour  fettillifer  les  terres  argilleufes 
■ou  reiiaces.  Ce:  exemple  prouve  qu'il 
y  a  des  abus  par-tou:  ;  ou  bien  qu'on 
n'a  pas  le  choix  dans  les  qualités  de 
marne  ;  ou  enfin  ,  qu'on  ignore  les 
diftindions  qui  fe  trouvent  entre- 
elles.  Il  vaut  encore  mieux  fe  fervir 
de'marne  argilleufe,  que  de  fe  priver 
du  bénéfice  qui  en  rélulte,  fur  rour  ii 
la  dépenfe  eft  trop  confidérable  pour  fe 
procurer  la  qualité  que  l'on  délire,  & 
il  le  tranfporr,  ou  l'extradion  de  la 
marne  augnienre  beaucoup  la  dépenfe. 
Doit-on  tranfporter  la  marne  dans 
les  champs,  &c  l'y  lailfer  par  petit  tas, 
ou  la  répandre  audîtôc  après  l'avoir 
apportée?  Les  cultivateurs  &  les  écri- 
vains ne  font  pas  d'accord  fur  ces 
points,  parce  que  les  uns  ne  voient 
que  leur  canton  exclufivement  à  tout 
autre,  &  penfenr,  que  par-tout  l'on 
doit  opérer  comme  chez  eux,  puif- 
qu'ils  réuffîlfent  :  ceux-ci  généralifenc 
trop  la  folution  du  problème  ,  en 
partie  décidée  par  la  qualité  de  la 
marne.  Par  exemple,  la  marne  qui 
furabonde  en  parties  calcaires  n'a  pas 
befoin  de  beaucoup  de  temps  pour  fe 
déliter  &  fe  réduire  en  poulTière,  elle 
peut  être  répandue  tout  de  fuite  , 
telle  qu'on  la  fort  de  la  marnicre , 
à  moins  que  les  blocs  ne  foient  trop 
forts  ;  il  fuftit  de  faire  cette  opération 
quelques  jours  avant  de  labourer.  11 
n'en  eft  pas  ainfi  de  la  marne  qui 
furabonde  en  parties  argilleufes ,  c'eft 
la  plus  ou  moins  grande  quantité  d'ar- 
gillequ'elle  contient,  qui  déterminera 
le  temps  qu'elle  doit  refter  à  l'air. 
Mais  doit-elle  être  ammoncelée ,  pour 
être  enfuite  répandue  ,  après  un  laps 
de  temps  quelconque?  Je  ne  le  crois 
pas.  La  délitefcence  de  la  marne  ne 
s'exécute  que  couche  par  couche,  & 


M  A  R  43  5 

par  l'humidité  de  l'atmofphère  qu'elle 
abforbe.  Ainli ,  plus  le  monceau  fera 
confi.iérable  ,  &  plus  longue  fera  la 
délitefcence  totale.  Quelle  nécellué 
y  a-t-il  donc  de  perdre  du  temps  ?  Il 
me  paroît  qu'il  eft  bien  plus  naturel , 
fi  les  blocs  font  trop  gros  ,  de  les 
brifer  avec  la  malTe  fur  le  fol  ,  & 
d'étendre  au  foleil  la  marne,  à-peu- 
près  dans  la  proportion  d'épaiireur 
qu'on  juge  néceifaire  j  alors  elle  fe 
délite  bien  plus  vite  &  bien  plus  effi- 
cacement, puifqae  chaque  morceau  eft 
environné  par  l'air  atmofphérique  , 
&  préfente  plus  de  côtés  pour  l'ab- 
forption  de  l'humidité.  Lorfque  la 
marne  eft  bien  délitée  ,  il  ne  refte 
qu'à  faire  pafTer  la  herfe  (  f^oye:^  ce 
mot  )  ,  armée  de  branches  ou  de 
fagots  d'épines.  Cette  opération  dif- 
penfe  d'employer  des  hommes ,  elle 
eft  plus  expéditive  ,  &  diftribue  la 
marne  plus  également  ;  au  lieu  que 
il  elle  a  été  amoncelée  en  petit  tas, 
il  faut  néceftaircment  que  des  hom- 
mes la  répandent  avec  une  pèle  -,  ce 
qui  multiplie  les  frais.  Auftitôt  qu'elle 
eft  répandue  ,  on  doit  l'enterrer  par 
un  bon  labour.  La  marne,  portée  iur 
le  champ  en  feptembre  ou  en  oélo- 
bre  ,  lailfe  le  temps  propre  à  donner 
un  labour  avant  l'hiver,  qui  difpofe 
le  champ  à  recevoir  les  imprellions 
météorologiques  de  cette  faifon.  Con- 
fultez  les  mots  Amendement  Se 
Labour.  En  enfoniftant  la  marne 
avant  l'hiver,  foit  qu'on  l'air  portée 
fur  le  champ  auftitôt  après  la  récolte, 
foit  dans  le  courant  de  feptembre  » 
elle  a  le  temps  d'être  pénétrée  par 
les  pluies  d'hiver;  (es  fels,  fon  hu- 
mus ,  (Se  fon  air  fixe  ont  le  temps 
de  s'unir  avec  la  terre  matrice  ,  & 
de  la  divifer.  Les  labours  que  l'on 
donnera  après  l'hiver  ,  pendant  le 
lii* 


43^  M  A  R 

printemps  &  l'été ,  avant  de  femer 
ce  champ  ,  la  combineiont  encore 
mieux  avec  la  terre  matrice.  Ce- 
pendant on  ne  doit  pas  s'attendre 
que  la  première ,  &  même  la  féconde 
récolte  feront  belles  ,  fes  bons  cliets 
ne  fe  manifefcent  qu'à  la  longue  ,  ëc 
lorfqus  les  principes  lalins ,  terreux  & 
acntorniés  fe  font  combines  avec  les 
parties  grailfeufes  contenues  dans  la 
teire  ,  &:  font  parvenues  a  former  la 
matière  favonneufe  de  la  levé. 

Cette  combinaifon  eft  bien  plus 
prompte  &  plus  a£live  dans  les  prai- 
ries marnées  ,  parce  que  la  partie 
grailTeufe  ,  végétale  &  animale  y  eft 
en  plus  grande  quantité  que  dans  les 
champs  à  bled.  Les  inleétes  ,  &  au- 
tres animaux  ,  font  toujours  en  pro- 
portion de  la  quantité  de  plantes  nour- 
ries fur  un  fol  :  il  en  ell:  ainlî  des 
débris  des  végétaux.  Tel  eft  l'avantage 
des  prairies  narurelles  ou  artitidelles  ; 
au  lieu  que  dans  les  champs  .à  blé  on 
retire  toujouts  des  récoltes  qui  dimi- 
nuent pen-à-peu  l'humus  ou  terre  vé- 
gétale •  enfin  ,  on  les  épuife  par  des 
récoltes  fucceflives,  tandis  que  11  on 
alternou  ces  mêmes  champs  il  n'y  au- 
roit  aucun  épuifement ,  (  Foye\  le  mot 
Alterner  )  &  au  contraire  le  fonds 
feroit  bonifié  d'une  année  à  l'autre  j 
ce  qui  eft  prouvé  par  l'expérience. 

Ce  qui  vient  d'être  dit  prouve  que 
l'on  peut  accélérer  l'effet  de  la  marne, 
en  imitant  la  nature  ,  c'eft-à-dire  en 
hâtant  les  combinaifons  de  la  marne 
avec  les  matières  animales  &  graif- 
feufes. 

A  cet  effet  on  raflemble  dans  la 
cour  à  fumier  la  quantité  de  marne 
qu'on  juge  nécelTaire ,  Si.  on  l'amon- 
cèle  dans  un  coin  de  cette  cour.  A 
mefure  qu'une  partie  fe  délite  à  l'air, 
on  en  fait  un  lit  far  une  couche  de 


M  A  R 

fumier  ,  &  ainfi  fucceflîvement ,  à 
mefure  que  la  marne  fe  délite.  Si  la 
pluie  tombe  fur  le  monceau  de  marne , 
on  ouvre  tout-autour  une  tranchée  , 
&  elle  eft  prolongée  jufqu'au  creux  à 
fumier  j  afin  d'y  conduire  les-  eaux 
chargées  de  la  marnequ'ellesont  dif- 
foute^  par  ce  m,oyen  rien  n'cft  perdu. 
Le  fumier  ainfi  préparé  ,  doit  être 
arroté  de  temps  en  temps  ,  pendant 
les  chaleurs  de  l'été,  fi  les  pluies  font 
rares  dans  le  canton  ,  &:  fi  la  chaleur 
y  eft  vive.  En  Flandres,  en  Picardie, 
par  exemple ,  où  les  fumiers  nagent 
toujours  dans  une  grande  malTe 
d'eau,  ces  arrofemens  font  inutiles j 
mais  cette  quantité  d'eau  ,  comme 
je  l'ai  déjà  dit  dans  cet  ouvrage  , 
s'oppofe  à  la  fermentation  &  à  la 
bonne  décompofition  des  pailles. 
Sans  fermentation  point  de  décom- 
pofition ,  fans  décompofition  point  de 
recombinaifon  ,  d'appropriations  de 
principes  ,  or  la  trop  grande  quan- 
tité d'eau  s'y  oppofe  :  il  en  eft  de 
même  fi  le  fumier  eft  trop  fec. 
Les  couches  de  marne  fur  celles  du 
fumier ,  doivent  avoir  peu  d'épaifleur , 
&  il  vaudroit  même  mieux  mêler  in- 
timement la  marne  avec  le  fumier, 
la  décompofition  &  la  recompofition 
feroit  plus  prompte.  Ce  fumier ,  ainfi 
préparé ,  doit  être  porté  fur  le  champ , 
&  enterré  avant  l'hiver ,  par  un  boa 
labour  croifé. 

Si  les  fumiers  font  rares ,  il  eft  pof- 
fible  de  les  fuppléer  par  un  mélange 
de  terre  franche  avec  la  marne;  on 
amoncelé  cts  matières  après  les  avoir 
bien  mélangées,  on  place  le  tout  dans 
un  coin,  &  on  recouvre  la  partie  fu- 
périeure  avec  de  la  paille,  afin  que 
les  eaux  pluviales  n'entraînent  pas 
le  fel  de  nitre  qui  ne  tarde  pas  à  fe 
former  fur  toute  la  fuperhcie.   Une 


IVI  A  II 

fois  ou  deux  dans  rannce,  ce  mon- 
ceau ell  arrofc  fuivanc  le  beloin  ,  après 
l'avoir  retourné,  afin  que  les  parues 
qui    auparavant  ctoieut  intéritures, 
tieviennent  extérieures,  &  pour  que 
le  tout  foit  bien  mélangé.  Si  ces  terres 
rcften:   amoncelées  plufieurs   années 
de  luite ,  li  chaque  année  on  les  re- 
tourne deux  à  trois  fois,  on  obtien- 
dra le  meilleur,  le  plus  durable  &  le 
plus  aélif  de  tous   les  engrais ,  fur- 
tout  Cl  à  cette  terre  on  a  ajouté  une 
certaine  quantité  de  fumier  j  on  aura 
opéré  par  l'art  <!k  en  pju  de  temps  ce 
que  la  nature  ne  produit  qu'à  la  lon- 
gue. Enfin,  routes  les  fois  qu'on  trou- 
vera  une  terre   quelconque    qui   fe 
délite  à  l'air,  qu'elle  que  foit  fa  cou- 
leur, qui  fe  dilfout  dans  l'eau ,  qui 
fait  efFervefcence  avec  les  acides ,  & 
dont  le  bouillonnement  dégage  beau- 
coup  d'air  fixe,  on  aura  une  véritable 
marne.  Ce  que  j'ai  dit  au  mot  Chaux 
(  article  à  confulter  par  fon  analogie 
avec  celui-ci  )  s'applique  à  la  marne, 
&:  me  difpenfe  d'entrer  dans  de  plus 
grands  détails  j  j'ajouterai  feulement 
que  dans  toutes  autres  circonftances, 
les  labours  trop  multipliés  concourent 
au  prompt  dépéritlement  des  tetres  j 
il  en  eft  tout  autrement  lorfque  l'on 
marne  ou  lorfque  l'on  chaule  ,  puif- 
que   c'eft    de  la  combinaifon  &   du 
mélange  de  ces  fubftances  avec  les 
molécules  du  fol  du  champ,  que  dé- 
pend la  plus  ou  moins  prompte  bo- 
nification, fur-tout  fi,  entre  chaque 
labour  j  le  champ  a   été  imbibé  de 
l'eau  des  pluies.  Dans  les  provin,:es 
du  midi  ,  &  fur-tout  dans  ceux  de 
leurs  cantons  qui  approchent   de  la 
mer,  la  prudence  ne  permet  pas  de 
marner  fans  de  grandes  précautions , 
parce  que  c'efl  ajouter  un  fel  à  une 
terre  qui  eft  déjà  imprégnée  de  celui 


M  A  R 


437 


de  la  mer,  que  les  vents  &  les  pluies 
y  dcpofenr.  [  t-^oyc^  l'expérience  cij^ 

au   mot  AlvROSEMLNT  ) 

MARRON  ,    MARRONNIER. 

(  f^oye:^  Châtaignier  ) 

A'Iarronnier  b'Inde.  Tourne- 
fort  le  place  dans  la  première  fedlion 
de  la  vins^t-uniéme  clalfc  deftinée  aux 
arbres  à  Heurs  en  rofe ,  dont  le  piftil 
devient  un  fruit  à  une  feule  loge, 
&  il  l'appelle  hiffocajianum  vulgare. 
Von  Linné  le  nomme  <s.fciilus  hip- 
pocajîanum ,  &  le  clalfe  dans  1  hep- 
tandrie  monogynie. 

Fleur.  En  rofe ,  à  cinq  pétales  ob- 
ronds ,  plilfés  à  leurs  bords ,  ouverts, 
inégalement  colorés.  Le  calice  eft 
ovale  avec  cinq  divifions;  les  étami- 
nes  au  nombre  de  fept ,  &  un  piftil. 

Fruit.  Capfule  coriacée,  obronde  , 
armée  de  piquans ,  à  trois  loges  & 
à  trois  battans ,  contenant  ordinaire- 
ment une  ou  deux  femences  ,  alfez 
femblables  à  la  châtaigne  ,  recou- 
vertes comme  elle  d'une écorce  dure, 
brune,  &  nommées  Marrons  d' Inde. 

Feuilles.  Portées  fur  une  longue 
queue  ,  compofée  de  cinq  ou  de  fept 
grandes  folioles  qui  paftcnt  d'un  pé- 
tiole commun  :  elles  font  entières , 
ovales,  pointues,  denrées  à  leurs 
bords  en  manière  de  fcie,  fillonnées 
en-dellus ,  nerveufes  en-delTous. 

Port.  Grand  arbre  rameux  ,  dont 
la  tige  eft  droite,  la  tête  belle,  le 
bois  tendre  &  filandreux  ;  les  flturs 
blanches  ,  fouettées  de  rouge  ,  & 
quelquefois  de  jaune  ,  diipoiées  au 
haut  des  tiges  en  grappes  pyrami- 
dales. 

Lieu.  Originaire  des  Grandes- 
Indes.  C'eft  en  1550  environ  ,  qu  on 
l'apporta  des  parties   feptîiunonales 


438  MA  R 

de  l'Afie.  On  le  reçut  à  Vienne  en 
Autriche  en  1588,  &  M.  Bachelier, 
en  1615  ,  l'apporta  de  Conftanti- 
nople  à  Paris,  &  le  planta  au  jardin 
de  Soubife.  Le  fécond  fut  planté  au 
jardin  royal  des  plantes.  Se  le  troi- 
fîème  au  Luxembourg.  Celui  du  jar- 
din royal  fut  planté  en  16^6,  &c  il 
eft  mort  en  17^7. 

Culture.  Tout  eft  mode  en  France , 
&  par  confcquent  de  peu  de  durée. 
Dans  le  fiècle  dernier ,  chacun  cher- 
choit  avec  empreifement  à  fe  pro- 
curer des  marronniers  d'Inde.  L'on  ad- 
miroit  fa  croiffance  rapide,  la  beauté 
de  fa  tise  ,  fr  manière  élctrance  dans 
la  difpolîrion  de  fes  branches,  le  vo- 
lume &  la  multiplicité  de  fes  feuil- 
les, la  beauté  pittorefque  &  le  nom- 
bre de  fes  fleurs  en  fuperbes  pyra- 
mides, enfin, l'ombre  délicieufe  qu'il 
procuroit.  Il  n'y  a  pas  long-temps  en- 
core que  l'on  s'extafioit  avec  raifon 
fur  la  portée  des  arbres  de  l'allée  du 
palais  royal  à  Paris ,  qui  fembloit  plan- 
tées &  conduites  pat  la  main  des  iécs. 
Aujourd'hui  tout  le  mérite  de  cet  ar- 
bre eft  éclipfé,  parce  que  la  chute  de 
fes  fleurs  falit  les  allées ,  S<  celle  de  fes 
fruits,  lors  de  fa  maturité,  eft,  dit-on, 
dan2;ereufe.  Enfin,  on  le  fupplée  par 
le  tilleul ,  &  fur-tout  par  celui  appelle 
de  Hollande,  qui  eft  aufli ,  il  eft  vrai, 
un  fort  bel  arbre.  Tel  eft  l'empire  de 
la  mode.  On  pourroit  cependant  de- 
mander fi ,  dans  l'efpace  de  plus  d'un 
fiècle  que  la  grande  allée  du  palais 
royal  a  fubfifté,  &  qu'elle  a  fait  l'ad- 
miration de  tous  les  amateurs  «Se  de 
tous  les  curieux,  quelqu'un  a  été  ef- 
îropié  par  la  chute  des  marrons,  & 
fi  un  autre  arbre  ,  fans  excepter  le 
tilleul  de  Hollande  ,  procure  une 
ombre  plus  délicieufe  ,  &  fe  prête 
glus  docilement  aux  cifeaux  du  jar- 


M  A  R 

dinîer  ?  Quel  eft  l'arbre  dor.t  la  dé- 
pouille des  fleurs ,  de  leurs  calices 
«Se  de  leurs  fruits  ,  ne  falitTent  pas 
dans  un  temps  donné  le  fol  des  al- 
lées? Chacun  a  fa  manière  de  voit  : 
je  ne  blâme  pas  celle  des  autres  ;  mais , 
à  mon  avis ,  le  marronnier  d'Inde  , 
bien  taillé  &  en  fleurs,  eft  le  plus  bel 
arbre  que  je  connoifle ,  celui  qui  flatte 
le  plus  agréablement  ma  vue ,  &  à 
l'ombre  duquel  je  brave  plus  fure- 
ment  les  rayons  brûlans  du  foleil. 
Enfin  ,  c'eft  l'arbre  dont  la  rapide 
végétation  s'accorde  le  plus  avec 
notre  impatiente  envie  de  jouir.  Il 
eft  prefque  de  tous  les  climats  &  de 
tous  les  pays ,  tandis  que  le  tilleul 
fouffre  ,  languit  &  périt  dans  nos 
provinces  méridionales.  Il  y  a  peu 
d'exceptions  à  cette  loi. 

Les  reproches  que  l'on  fait  aa 
marronnier  font  bien  foibles  ;  Se 
quant  à  la  chute  des  fleurs ,  elle  s'é- 
tend également  aux  ormeaux  &  aux 
tilleuls  :  quelques  coups  de  râteaux 
&:  de  balais  fuffifent  pour  les  faire 
difparoître.  La  durée  de  la  chute  des 
fruits  eft  de  quinze  jours  environ  , 
&  dans  une  faifon  où  l'on  recherche 
peu  un  ombrage  qui  a  été  Ci  nécef- 
faire  pendant  l'été.  Les  hannetons  y 
{  voye^  ce  mot  )  fe  jettent  par  pré- 
férence fur  le  marronnier,  &  quel- 
quefois le  dépouillent  de  fes  feuilles: 
mais  le  noyer  &  tant  d'autres  arbres 
n'ont-ils  pas  le  même  inconvénient? 
Si  on  met  en  comparaifon  le  miclat  j 
(  voye-[  ce  mot  )  c]ui  découle  des 
feuilles  du  tilleul,  on  verra  qu'aucun 
arbre  n'eft  exempt  de  défauts.  Si  on 
veut  jouir  du  beau  fpeftacle  des 
fleurs  du  marronnier,  &  ne  pas  en 
redoutet  les  fuites,  on  fera  ufage  At% 
échelles  qui  fervent  à  tailler  ces  ar- 
bres ,   pour  couper  les  fleurs    loif- 


M  A  R 

qu'elles  comm€iiceron:  A  pAfTer  ; 
enhn  ,  au  dtfaiu  d'échelles  ,  on  fe 
iervira  de  cifeaux  ou  torces,  fixés  au 
iommet  d'une  perche. 

Le  marromuer  fe  plaîc  dans  toute 
forte  de  terrcins,  pourvu  qu  ils  con- 
fervent  un  peu  d'humidité.  Il  fe 
défeuillc  promptenient  dans  les  fols 
trop  fecs  ,  &  il  y  végète  mal.  Si  le 
terrein  eft  trop  humide,  le  jaune  de 
fes  feuilles  annonce  fon  état  de  fouf- 
france  ;  dans  un  bon  fonds ,  fon  tronc 
s'élance  avec  grâce,  &:  s'élève  nès- 
haut  du  moment  que  fes  branches 
&  fes  feuilles  touchent  celles  de  l'arbre 
voifiii  ,  parce  qu'elles  font  obligées 
d'aller  cherciTer  la  lumière.  Si  on 
veut  hâter  fa  joullfance,  pour  ui:e 
falle  de  marronniers ,  on  plante  à 
vingt  pieds  de  diilance  :  on  doit  dans 
ce  cas  fupprimer  un  arbre  entre  deux, 
lorfqu'on  commence  à  s'appercevoir 
que  les  rameaux  séciolcnt  j  c'eft-à- 
dire,  s'alongent  fans  prendre  alTez  de 
conftftance.  Dans  peu  d'années,  (i  te 
fonds  eft  bon,  le  vide  occahonné  pat 
la  fupprelîion  des  arbres  furnumé- 
raires,  fera  regarni  par  les  branches 
des  arbres  qu'on  a  laiifé  fiibfifter;  elles 
s'abaiiïeroiK  au-lieu  de  filer  comme 
auparavant. 

Dans  les  fonds  de  médiocre  qua- 
lité ,  on  peut  planter  depuis  quinze 
jufqu'à  vingt  pieds  de  diftance  ,  6c 
la  fupprelîion  ,  dans  la  fuite  ,  fera 
inutile. 

L'on  taille  le  marronnier  à  plufieurs 
époques  ;  aulïïcôt  après  la  chute  des 
feuilles ,  &  avant  la  ieve  du  mois 
d'aoiàt.  Le  marronnier  ifolé  n'exige 
aucun  foin  de  la  parc  du  jardinier 
du  moment  que  le  tronc  a  pris  la 
hauteur  qu'on  défire  :  mais  dans  les 
falles,  dans  les  avenues,  dans  les  al- 
lées, le  jardinier  retranche  impitoya- 


M  A  R 


439 


bicment  tous  les  bourgeons  qui  s'a- 
longent &  dépaflent  l'allignement 
qu'il  adonné....  Si  l'ordre  fymé- 
trique  exige  qu'on  coupe  quelque 
mère-branche,  elle  doit  l'être  raz  du 
tronc,  fans  lailfer  aucun  chicot,  & 
il  faut  auflitôtla  couvrir  avec  Vonauent 
de  Saint- Fiacre,  (  vojc-  ce  mot)  afin 
que  la  partie  ligneufe  ne  pourrifle 
pas  avant  que  l'éccirce  ait  eu  le 
temps  de  la  recouvrir.  Sans  cette  pré- 
caution ,  il  fe  forme  une  gouttière , 
&  la  pourriture  gagne  infenfiblemenc 
l'intérieur   du  tronc    de  l'arbre. 

Il  vaut  beaucoup  mieux  replanter 
le  marronnier  fort  jeune ,  que  d'at- 
tendre qu'il  aie  une  haute  tige  ;  fa 
reprife  dans  le  premier  cas  eft  plus 
aflurée,  &  fes  fuccès  plus  prompts 
par  la  fuite.  Le  point  elfentiel  eft 
de  conferver,  à  chaque  pied  que  l'on 
arrache  de  terre ,  le  plus  grand  nombre 
de  racines  qu'il  eft  poftible.  Jamais  cec 
arbre  ne  végète  avec  autant  de  force 
que  Icrfqu'il  eft  femé  en  place  ,  parce 
qu'il  eft  alors  l'arbre  de  la  nature, 
c'eft-à-dire  qu'il  eft  garni  de  fon 
pivot.  Dans  cet  état,  il  craint  moins 
la  fécherelTe,  &  pénètre  très-avanc 
dans  la  terre,  où  il  trouve  une  hu- 
midité qui  allure  L\  fraîcheur-  au  lieu 
que  l'arbie  à  racines  écourtéesnepeuc 
plus  en  pouffer  que  de  fuperhcielles 
&  de  latérales.  Cette  obfervation  eft 
importante  pour  les  terreins  (qcs  ôc 
maigres.  Dans  les  provinces  du  midi, 
on  fera  très-bien  d'arrofer  ces  arbres 
pendant  les  premières  années  après  la 
plantation,  dans  le  courant  de  juin, 
tk  un  peu  avant  le  renouvellement 
de  la  fève  du  mois  d'août. 

Le  marronnier  fe  multiplie  par  fes 
fruits.  Auflitôt  qu'ils  font  lombes , 
on  les  enterre  dans  du  fable  pour  les 
lemer  au  premier  printemps  fuivant: 


440  M  A  R 

cependant  les  marrons  fe  confervent 
très-bien  fous  les  feuilles  de  cet  ar- 
bre 5  cc  ils  poulfent  de  meilleure  heure 
■que  ceux  que  l'on  a  confervés  dans  du 
fable ,  pour  les  femer  enfuite.  ...  A 
la  Hn  de  la  première  année  du  femis , 
il  convient  de  lever  tous  les  plants , 
&  de  les  mettre  en  pépinière  à  trois 
pieds  de  diftance  les  uns  des  autres. 
Ils  ne  réulîiiïent  pas  lî  bien  dans  un 
efpace  plus  reflefré. 

Le  marronnier  d'Inde  ordinaire  a 
une  variété ,  dont  la  coque  des  fruits 
n'eft  pas  épineufe.  Ses  fleurs  paroif- 
fent  plutôt ,  &  fes  fruits  tombent 
plus  vîce  ^  la  tige  de  l'arbre  s'élève 
moins,  elle  n'eft  pas  li  rameufcj  ni 
fi  feuillce  que  celle  de  l'autre. 

Propriétés  économiques.  Le  bois 
eft  de  qualité  médiocre  :  cependant 
lorfqu'il  n'eft  pas  expofé  à  l'air  ex- 
térieur ,  il  fe  conferve  aufli  long- 
temps que  celui  des  bois  blancs  :  il 
brûle  mal ,  fes  cendres  font  recher- 
chées pour  les  lelîives. 

M.  Parmentier  nous  a  comm-uni- 
qué  les  obfervations  fuivantes. 

Il  paroît  qu'on  s'eft  beaucoup 
exercé  fur  les  marronniers  d'Inde  & 
fur  leur  fruit.  ZanichcUi  ,  Apothi- 
caire à  Venife  ,  a  publié  une  Dijfer- 
tation  Italienne  concernant  les  cures 
qu'il  a  opérées  avec  l'écorce  de  cet 
arbre  :  il  la  compare  ,  d'après  fes 
propres  obfervations  &  l'analyfe  chy- 
mique ,  au  quir.quina.  Plulieufs  mé- 
decms  ont  depuis  confirmé  l'opinion 
de  ce  pharmacien.  MM.  Ccftc  & 
Villemet  remarquent  aufli  dans  leurs 
SJJ'ais  Botaniques ,  que  l'écorce  du 
marronnier  d'Inde,  en  décoftiqn  ou 
en  fubftance,  pouvoir  remplacer  celle 
du  Pérou. 

D'excellens  patriotes  fe  font  cga- 
Içroent  appliqués  à  travailler  le  mar^ 


M  A  R 

ron  d'Inde,  pour  tâcher,  s'il  étoît 
poffible  ,  de  le  rendre  aulTl  utile  qu'il 
eft  agréable  aux  yeux  ;  ils  ont  vu  à 
regret  ce  fruit ,  dont  la  récolte  eft 
conftamment  fûre  &:  abondante,  re- 
légué dans  la  claffe  des  chofes  inu- 
tiles ,  à  caufe  de  fon  infupportable 
amertume.  Chacun  a  cru  être  par- 
venu au  but  déliré.  M.  le  préfident 
Bon  a  propofé,  dans  les  Mémoires 
de  l'Académie  Royale  des  Sciences 
de  Paris  ^  '7^0,  de  faire  macérer 
ce  fruit,  à  plufieurs  reprifes,  dans  des 
lelîives  alkalines ,  &  de  le  faire  bouil- 
lir enfuite ,  pour  en  former  une  ef- 
pèce  de  pâte  qu'on  puilfe  donner  à 
mançrer  à  la  volaille.  On  a  même 
cherché ,  dans  quelques  cantons  ou 
il  régnoit  une  difetre  de  fourrages, 
à  accoutumer  les  chevaux  &  les  mou- 
tons à  s'en  nourrir  pendant  l'hiver. 

Mais  il  paroît  que  les  marrons 
d'Inde,  dans  cet  état,  ne  font  pas 
une  nourriture  faine,  puifque,  juf- 
qa'aujourd'hui,  la  propoution  eft  de- 
meurée fans  exécution.  Les  lotions 
&  les  macérations,  en  effet ,  ne  fçau- 
roient  enlever  le  fuc  (?c  le  parenchyme 
dans  lefquels  réfide  l'amertume  des 
marrons  d'Inde^  le  changement  que 
peuvent  produire  ces  opérations,  eft 
d'en   diminuer  l'intendté. 

D'autres  ,  croyant  impoflible  à 
l'art  d'enlever  l'amertume  du  mar- 
ron d'Inde,  pour  en  obtenir  enfuire 
un  aliment  doux ,  fe  font  efforcés 
d'appliquer  ce  fruit  à  divers  iifiiges 
économiques.  On  a  cru  être  parvenu 
à  en  faire  ime  poudre  à  poudrer,  en 
le  mettant  fécher,  &  en  leréduifant 
en  poudre  :  un  cordonnier  a  prépare 
avec  cette  poudre  une  colie  qu'il  a 
exaltée  comme  très-utile  au  papetier, 
au  tablctier  &  au  relieur.  On  en  a 
encore  fait   des   bougies  que  l'on  a 

d'abord 


M  A  R 

(d'abord  beaucoup  vantées  ;  mais  ce 
n  ccoit  que  du  fuit  de  mouton  bien 
dépuré ,  &  rendu  folide  par  la  fubf- 
tance  amère  du  marron  d'Inde  ;  leur 
trop  grande  cherté,  les  a  bientôt  fait 
abandonner. 

Dans  un  Ouvrage  qui  a  pour  titre  : 
L'Arc  de  s'enrichir  par  l'Agriculture , 
l'auteur  propofe  de  râper  les  marrons 
d'Inde  dans  l'eau ,  de  les  y  lailfer  ma- 
cérer pendant  quelque  temps,  &  de 
laver  enfuite  avec  cette  eau  les  étofFes 
de  laine.  M.  Delcu\e  indique  aulli, 
d'après  quelques  expériences,  les  mar- 
rons comme  très-bons  pour  le  roui 
du  chanvre. 

Enfin ,  il  y  a  des  perfonnes  qui ,  per- 
fuadées  que  les  marrons  d'Inde  étoient 
moins  propres  à  nous  fervir  d'aliment , 
ou  dans  les  arts ,  que  de  médicament, 
les  ont  envifagés  fous  ce  dernier  point 
de  vue  :  o\\  les  a  donc  employés  en 
fumigation  &:  comme  fternutatoire. 
On  prétend  cjue ,  pris  intérieurement, 
ils  arrêtent  le  flux  de  fang.  Les  maré- 
chaux %&\\  fervent  pour  les  chevaux 
pouffifs  :  on  a  vu  un  foldat  invalide, 
fujet  à  l'épilepfie,  manger  des  mar- 
rons d'Inde,  dont  l'ufage ,  à  ce  qu'il 
afTura,  avoir  éloigné  fenfiblement  les 
accès  de  fon  mal.  Une  religieufe  de 
l'hôtel-dieu  de  Paris  a  auilî  été  témoin 
des  bons  effets  du  marron  d'Inde  dans 
un  cas  femblable  \  elle  convient  à  la 
vérité  que  ce  remède  n'a  pas  eu  une 
réullite  égale  fur  tous  ceux  .à  qui  elle 
l'a  adminiftré. 

Quoiqu'il  en  foit,  il  paroît  qu'on 
n'a  encore  découvert ,  reconnu ,  ap- 
perçu,  dans  le  marron  d'Inde,  aucune 
propriété  capable  de  le  faire  adopter 
pour  des  ufages  conûans  &  familiers  : 
audi  un  particulier  a-t-il  voulu  faire 
porter  à  l'arbre  des  fleurs  doubles  , 
ibns  le  deffein  de  l'empêcher  de  pro- 
Tome  FI. 


M  A  R  441 

duire  des  fruits,  dont  la  chiite  in- 
commode. Ses  expériences  faites  aux 
Thuileries  &  au  Luxembourg ,  entêté 
fans  fuccès  :  cependant  on  connoit  les 
prodiges  de  l'art  en  ce  gen^e  ,  &  on 
fçait  que  fi  d'une  fl>ur  blan:he,  unie 
&  fimple,  le  jardinier  parvient  à  en 
faire  une  fleur  double  ,  rouge  &  pa- 
nachée ,  la  plante  qui  offre  ce  phé- 
nomène n'acquiert  l'avantage  de  ré- 

■   r  '     ^  j' 

créer  amli  nos  yeux  ,  qu  aux  dépens 

de  {es  organes  reprodudifs ,  fembla- 
bles  à  ces  malheureufes  viétimes 
d'une  coutume  barbare  &  meur- 
trière ,  qu'un  pontife  philofophe  a 
aboli  pour  l'honneur  de  l'humanité. 

On  a  encore  effayéd'ôter  radicale- 
ment aux  marrons  d'Inde  leur  amer- 
tume ordinaire,  &  de  faire  porter  à 
l'arbre  même  ,  fans  changer  fon  ef- 
pèce  ,  des  fruits  d'auffi  bon  goût  que 
les  marrons  de  Lyon.  On  y  a  d'abord 
enté  un  pêcher,  qui  a  produit  âzs 
fruits  énormes  ,  mais  qu'il  n'étoic 
pas  poffible  de  manger  ,  à  caufe 
de  leur  exceflive  amertume.  AI.  de 
Francheville  a  propofé  à  l'Académie 
de  Berlin  de  faire  de  cette  queftion 
intérelfante  le  fujet  d'un  prix.  Ce 
favant  prétend  que  la  métamorphofe 
eft  podible,  qu'il  s'agit  de  deux  con- 
ditions effentielles  à  obferver  pour 
l'accomplir.  La  première,  de  choifir 
des  maronniers  d'Inde  de  cinq  à  frx 
ans  ,  de  les  tranfplanter  dans  une 
terre  fertile  &  gralfe.  La  féconde,  de 
les  greffer  d'eux-mêmes  &  fur  eux- 
mêmes  jufqu'à  trois  fSis,  fuivant  les 
méthodes  ulitées;  mais  M.  Cabarwis ^ 
dans  fon  excellent  traité  fur  la  Greffe, 
prouve  combien  font  chimériques 
toutes  ces  affociatioiis  d'arbres  à'^Ç- 
pèces  différentes ,  ou  la  tranfmuta- 
tion  de  la  même  efpèce. 

En  attendant  que  l'expérience  5c  le 
Kkk 


442  Tvî  A  R 

temps  nous  aient  ii.llruits  fur  la  pcfTi- 
bilité  de  la  méraniorphofe  qu'annonce 
M.  de  Fr^ncheville ,  nous  croyons 
que  ramertume  eftaiidl  ellenrielle  au 
marron  d'Inde  que  la  faveur  iucrée  l'cft 
à  la  châraigne;  elles  dépendent  l'une 
&  l'autre  de  la  matière  exttaârive 
qui ,  dans  le  preuiier  de  ces  deux  fruit?,, 
eft  réfino-gommeufe  ,  Se  dans  le  fé- 
cond fimplementmuqueufe.  La  greffe 
cliez  celui-ci  ne  fait  que  développer 
&C  augmenter  le  principe  déjà  préexif- 
rant  dans  le  fauvageon  :  fi  cela  eft 
auili,  cette  opération,  loin  d'adoucir 
le  marron  d'Inde,  ne  fera  qu'accroître 
fon  amertume. 

11  ell  cependant  certain  qu'on  peut 
retirer  du  in.iiron  d'Inde  la  partie 
farineule  &  r.utritive  qu'elle  ren- 
terme,  en  appliquant  fur  ce  truit  le 
procédé  dont  fe  fervent  les  Améri- 
cains pour  retirer  du  manioc  {  Voye^ 
ce  mot  )  une  nourriture  falubre  ap- 
pellée  cafjave.  On  en  fépare  donc,  à 
la  t.iveur  de  la  râpe  ik.  des  lotions , 
une  véritable  fécule  ou  amidon  ,  qui , 
incorporé  avec  des  pulpes,  telles  que 
celles  de  la  pomme  de  terre,  ou  avec 
d'autres  farineux  ,  peut  devenir  un 
pain  falutaire  &  nourritîant  lans  avoir 
aucune  amertume. 

Mais  quels  que  foient  les  avan- 
tages du  marron  d'Inde,  conddéré 
fous  fes  différens  points  de  vue,  il 
n'en  eft  point  qui  puille  balancer 
celui  de  fervir  en  totalité  à  la  nour- 
riture ,  fans  qu'il  foit  ncceftaire ,  pour 
l'y  approprier,  'd'invoquer  les  fecours 
de  l'art ,  toujours  embarralfant  &  très- 
coûteux  dans  ce  cas.  Les  tentatives 
de  l'efpèce  de  celles  que  propofe  M. 
de  Francheville  ne  font  pas  moins 
dignes  d'être  elTayés  ;  pourquoi  ne 
forceroit-on  point  quelques-uns  de 
nos  arbres  foreftiers  à  rapporter  du 


M  A  R 

fruit  propre  à  nourrir?  ce  ne  ferorr 
pas  un  11  grand  malheur  que  la  chair 
des  bêtes  fauves  n'eût  plus  le  goût 
fauvageon;  ne  vaut-il  pas  mieux  s'oc- 
cuper des  moyens  de  multiplier  nos 
productions ,  que  d'en  tarir  la  fource  : 
enfin  ,  fi  l'on  parvient  jamais  à  en- 
richir le  règne  végétal,  ainfi  que  nos 
tables,  de  ce  nouveau  fruit,  d'autant 
plus  précieux  qu'il  s'accommode  à 
prefque  tous  les  climats  ,  ce  feroic 
encore  un  nouveau  fervice  que  les 
fciences  auroient  rendu  à  l'huma- 
nité. 

Marronnier  d'Inde  a  fleur. 
ÉcARLATE  OU  PAViA.  V on  Linné  le 
nomme  dfculus  pavia.  11  diftére  du 
précédent  par  fes  fleurs  qui  ont  huit 
étamines,  par  leur  couleur  écarlate,. 
&  elles  font  plus  petites.  Cet  arbre , 
originaire  de  l'Amérique  feptentrio- 
nale,  peur  s'élever  jufqu'à  la  hau- 
teur de  vingt  pieds,  &  figurer  dans 
dans  un  jardin  d'amateur.  On  le  mul- 
tiplie par  le  femis  de  fes  fruits,  5c 
pat  la  greffe  fur  le  maronnier  ordi- 
naire, ce  qui  évite  l'embarras  des 
femis,  &:  accélère  la  jouitfance  :  ce- 
pendant, comme  il  n'y  a  aucune  pro- 
portion entre  la  végétation  du  tronc 
du  maronnier  ordinaire  &  celle  des 
branches  dupavia,labeautédes  grefîes 
&  des  jets  qu'elles  ont  fourni  ne  fub- 
fifte  pas  longtemps.  Dans  les  climats 
froids,  lorfque  les  étés  font  courts, ou 
lorfque  les  gelées  font  précoces ,  les 
fruirs  du  pavia  mûrilfent  rarement 
alfez  pour  être  femés  ;  lorfqu'ils  font 
parvenus  à  une  maturité  convenable, 
on  les  conferve  dans  du  fable  pendant 
l'hiver,  &  au  premier  printemps  on 
le  feme  féparément  &  dans  des  pots. 
Dans  les  pays  froids  on  enterre  ces 
pots  dans  des  couches,  afin  d'accé- 


M  A  R 

iérer  la  végétation  :  lorfqiie  la  cha- 
leur de  ratmofphère  commence  à 
prendre  de  l'aclivicé,  ces  pots  font 
tranfportés  près  d'un  abri,  &  mis  en 
pleine  terre ,  où  ils  font  arrofés  de 
temps  à  autre ,  fuivant  le  befoin.  Les 
premières  gelées  attaquent  les  pouf- 
ies  encore  trop  tendres ,  fi  on  n'a  le 
foin  de  les  garantir  avec  des  pail- 
lalTons,  ou  de  les  tranfporter  dans 
une  orangerie.  A  la  hn  de  l'hiver  on 
dépote  chaque  pied ,  on  le  place  en 
pépinière,  &  encore  mieux  à  de- 
meure ;  on  a  foin  de  les  garantir  des 
premières  gelées. 

Dans  les  provinces  du  midi  du 
royaume,  il  fuffir  de  femer  les  pavia 
contre  de  bons  abris,  &  tout  au  plus 
de  les  couvrir  avec  de  la  paille,  à  la 
fin  de  la  première  année.  Ci  les  gelées 
font  précoces. 

MAROUTE  ou  CAMOMILLE 
PUANTE.  (  Foyei  Planche  X  ^ 
p^igi  400  )  Tournefort  la  place  dans 
la  troifièmefeétion  de  la  quatorzième 
clalfe  deftinée  aux  herbes  à  fleurs  en 
rayon  ,  dont  les  femences  n'ont  ni 
aigrette  ni  chapitenu  de  feuilles ,  &  il 
l'appelle  chamAmehim  fœtidtun  _,  Jtve 
cotula  fœtlda.  Von  Linné  la  nomme 
anthémis  cotula  ,  &  la  clalle  dans  la 
fingénéfie  polygamie  fuperfluc. 

Fleur.  Compofée  de  fleurons  her- 
maphrodites dans  le  difque,  &  de 
plufieurs  demi-fleurons  à  la  circon- 
férence. Chacun  des  fleurons  B  eft  un 
tube,  menu  à  fa  bafe,  gonflé  vers  le 
milieu,  évafé  à  fon  extrémité,  &  di- 
vifé  en  cinq  dents  aiguës.  Le  demi- 
fleuron  C  eft  un  tube  dont  l'extrémité 
devient  une  languette  divifée  en  trois 
dentelures.  Les  fleurons  &  les  demi- 
fleurons  fe  ralfemblent  fur  le  récep- 
tacle D,  lequel  eft  conique  &  garni 


M  A  R 


445 


de  lames  extrêmement  fines",  &  qui 
font  l'office  de  calice,  comme  U  eft 
repréfenté,  vu  par  dehors,   dans  la 


figure  E 

Fruit,  Les  graines  F  repofent  fur 
le  réceptacle  ,  elles  font  menues  & 
fans  aigrettes. 

Feuilles.  Adhérentes  aux  tiges  , 
ailées ,  décompofées ,  Se  les  décou- 
pures linéaires. 

Racine  A.  Fibreufe. 

Porrj.  Tige  cylindrique,  pleine  de 
fuc  ,  rameufe  ,  diff"ure  \  les  fleurs  , 
foutenues  par  des  péduncules ,  naif- 
fent  au  fommet,  les  feuilles  font  al- 
ternativement placées  fur  les  tiges. 

Lieu.  Les  terreins  incultes  ,  la 
plante  eft  annuelle. 

Propriétés.  Toute  la  plante  a  une 
faveur  amère  &  une  odeur  forre  & 
fdtide;  elle  eft  fondante,  apéririve  , 
antifpafmodique,  fébrifuge  ,  &;  cai» 
minative. 

On  emploie  l'herbe  &:  les  fleurs 
dont  on  fait  des  décodions  pour  les 
lavemens  &  bains  de  vapeurs  ;  on  fe 
ferr  de  toute  la  plante  pour  des  lo- 
menrations ,  ou  en  cataplafmes  émoi- 
liens  &  réfolutih. 

MARRUBE  BLANC.  (  /V^q 
Planche  X ^  page  400  )  Tournelotc 
le  place  dans  la  troifième  feétion  de 
la  quarrième  clafle  des  herbes  à  fleur 
d'une  feule  pièce  en  lèvre,  &  donr 
la  lèvre  fupérieure  eft  retroulfée  ,  & 
il  l'appelle  marrubium  album  vulgare. 
Von  Linné  le  nomme  marrubium 
vulgare  3  &c  le  claife  dans  la  didyna- 
mie  gymnofpermie. 

Fleur.  Compofée  d'une  feule  pé- 
tale B  à  deux  lèvres  ;  la  fupérieure  C 
eft  relevée  ^  fendue  en  deux  dans 
prefqiie  toute  fa  longueur;  l'inférieure 


444 


M  A  R 


D  ed  diVifce  en  rrois  parties  ,  dont 
la  moyenne  eft  large  &  découpée  en 
cœur  ;  les  deux  autres  font  étroites 
êc  arrondies;  les  quatre  étamines  , 
dont  deirx  plus  grandes ,  &  deux  plus 
courtes  ,  font  intérieurement  atta- 
chées à  la  corolle  ,  de  manière  que 
chacune  des  lèvres  en  porte  deux.  E 
repréfente  le  piftil  qui  repofe  au  fond 
du  calice  F  ,  c'eft  un  tube  repré- 
fente en  G  5  avec  dix  dentelures  à 
fon  fommet ,  recourbée  en  manière 
de  hameçon. 

Fruit.  H  compofé  de  quatre  fe- 
mences  ovoïdes  &  noirâtres. 

Feuilles.  Arrondies  ,  cannelées  ^ 
blanchâtres ,  ridées  ,  portées  fur  des 
pétioles. 

Racine  A.  Fibreufe  &  noire. 

Port.  Tiges  nombreufes ,  velues  , 
quarrées ,  branchues  ,  de  la  hauteur 
de  douze  à  dix-huit  pouces  ;  les  fleurs 
nalifent  en  manière  de  rayon ,  tout 
autour  des  tiges ,  &  y  font  adhéren- 
tes \  les  feuilles  font  appofées  deux 
à  deux  fur   chaque  nœud. 

Lieu.  Les  terreins  incultes  ,  les 
bords  des  chemins;  la  plante  eft  vi- 
vace  ,  fleurit  prefque  pendant  tout 
l'été. 

Propriete's.  L'odeur  de  cette  plante 
eft  forte  &  aromatique  ;  fa  faveur 
eft  acre  &  amère.  C'eft  une  des  meil- 
leures plantes  médicinales  d'Europe. 
Les  feuilles  font  expectorer  avec  aiîez 
de  force  Se  de  promptitude  dans  la 
toux  catarrhale  tV'  dansl'afthme  pitui- 
teux.  Elles  échauffent  «?>:  raniment 
les  forces  vitales  ;  dès-lors  elles  font 
très-fouvent  nuiûbles  dans  la  phtifie 


M  A  R 

pulmonaire  ,  elTentielle  ,  récente  ; 
avec  un  peu  de  fièvre  &  de  toux  , 
quoiqu'elles  aient  été  recommandées; 
dans  ce  cas.  Elles  font  indiquées  dans 
les  fuppreflions  du  flux  menftruel  & 
des  lochies ,  par  imprellion  des  corps- 
froids  ,  6i  dans  la  falivation  par  le 
mercure. 

Ufages.  On  donne  les  feuilles  ré- 
centes ,  depuis  deux  drachmes  jufqu'à 
trois  onces,  en  macération  ;  aubain- 
marie  ,  dans  cinq  onces  d'eau.  Leur 
fuc  exprimé  ,  depuis  demi-once  juf- 
qu'à trois  ,  éduîcoré  avec  du  fucre 
ou  avec  du  miel  :  les  feuilles  lèches  » 
depuis  une  drachme  jufqu'à  demi- 
once;  en  macération,  aubain-marie, 
dans  cinq  onces  d'eau  :  feuilles  lè- 
ches &  pulvérifées ,  depuis  quinze 
grains  jufqu'à  une  drachme  ,  incor- 
porées avec  un  fyrop  ,  ou  délayées- 
dans   deux  onces  d'eau. 

On  donne,  pour  les  animaux,  le 
fuc  à  la  dofe  de  quatre  onces  ,  ou 
l'infiillon,  à  la  dofe  de  deux  poignées 
dans  une  livre   d'eau  ou  de  vin. 

Marrube  noir.  (  Voye\  Bal-: 

t  GTE  ) 

MARTAGON.  (  Voye-^  Lys  ) 

M  ARUM  (le).  (  Planche  XI  ^ 
page  444  .  )  (  i  )  Tournefort  le  place 
dans  k  quatrième  feétion  de  la  qua- 
trième clalfe  des  herbes  à  fleurs  d'une 
feule  pièce  ,  en  gueule  &  à  deux  lè- 
vres ;  <?c  il  l'appelle  rnarum  Cortujî. 
Von  Linné  le  nomme  teucrium  rna- 
rum,  &  le  clafle  dans  la  didanymie 
gymnofpermie. 


On   a  mal-à-propos  place  ici  la  gravure  de  l'heràc  aux  chats  pour  celle  du  marum,  c'eft 
nne  cracfpo&ion  3  celle  du  marum  fe  trouve  à  l'article  hcrhe  aux  ckats^ 


Pi.  if  /',l,l  ^^^ 


/,■  .v,ù/,>e 


/,/  . !/,  /i. '.■;■  /la/,// v// • 


M  A  R 

Tleur.  B  reprcfentée  de  profil  ;  en 
G  on  la  voit  de  face  ,  &  «n  appeiçoit 
la  manière  donc  les  écamines  font 
ftttachées.  Le  tube  de  la  fleur  eft  cy- 
lindre &  recourbé  j  la  lèvre  fupérieure 
relevée,  arrondie  &  échancréej  l'in- 
férieure divifée  en  crois  parties  ,  donc 
les  deux  latérales  font  en  aîle  ,  & 
celle  du  milieu,  arrondie  &  creufée 
en  cuiller.  D  hic  voir  le  calice  ou- 
vert. 

Fruit.  E  embrion  formé  par  les 
quacre  ovaires  réunis;  F  quatre  grai- 
nes ovoïdes  de  couleur  jaunâtre. 

Feuilles.  Entières  ,  oblongues. 

Racine.  Li^neufe  ,  fibreule. 

Porc.  Tiges  velues ,  &  fortent  deux 
àdeux  oppofées  &  feuillées.  Les  fleurs 
naiflenc  au  fonimec  des  tiges  ,  dif- 
pofées  en  épis  ;  les  feuilles  florales  font 
alternes ,  &  chacune  accompagne  le 
pédicule  de  la  fleur. 

Lieu.  Originaire  d'Efpagne  &  de 
nos  provinces  méridionales.  C'eft  un 
très-petit  arbufte  j  il  fleurit  pendant 
tout  l'été. 

Propriétés.  Feuilles  d'une  odeur 
aromatique,  forte  &  piquante,  d'une 
faveur  acre  &:  piquance.  Elles  échauf- 
fenc  puilTamment  ,  &  réveillent  les 
forces  vitales  (Sj  mufculaires;  elles  pro- 
duifent  fouvent  de  bons  effets  dans 
les  maladies  de  foible(fe  par  humeurs 
fcreufes ,  dans  l'althme  humide  ,  la 
fuppreiîion  du  flux  menftruel  ,  par 
l'impreflîon  des  corps  froids,  les  pâles 
couleurs  ,  le  rachitis  ,  les  maladies 
foporeufes  par  humeurs  fereufes  :  pul- 
vérifées  &  infpirées  par  le  nez  ,  elles 
font  fter'nutatoires. 

Ufage.  Feuilles  feches  &  pulvé- 
rifées  depuis  dix  grains  jufqu'à  une 
drachme  ,  incoporées  avec  un  fyrop, 
ou  délayées  dans  cinq  onces  d'eau  : 
feuilles  feches,  depuis  un  grain  juf- 


/  MAS  44ç 

qu'à  demi-once ,  en  macération  ,  au 
bain -marie  ,  dans  cinq  onces  d'eau 
ou  de  vin  ,  fuivant  l'indication. 

Culture.  Lorfque  l'on  veut  cultiver 
cec  arbufte  à  odeur  agréable  &  fi  pé- 
nécrance  ,  on  eft  forcé  de  le  couvrir 
d'un  grillage  de  fer ,  afin  d'en  éloi- 
gner les  chacs.  Us  aimenc  cellement 
à  fe  vautrer  defTus,  qu'ils  parviennent 
à  le  déduire  en  peu  de  jours. 

Dans  les  provinces  du  nord  cec 
arbufte  demande  à  êcre  femé  fur  cou- 
che ,  &  renfermé  dans  l'orangerie 
pendanc  l'hiver  j  dans  celles  du  midi , 
les  femis  exigenc  feulemenc  un  bon- 
abri.  Cet  arbufte  aime  les  fréquens 
atrofemens. 

MASSIF.  Ce  mot  a  deux  accep- 
tions dans  le  jardinage.  Dans  la  pre- 
mière il  fignifie  un  plein  bois  ,  qui 
ne  laifle  point  de  paifage  à' la  vue. 
Par  la  féconde  ,  on  défigne  un  arbre 
dont  on  a  coupé  le  fommet ,  afin  de 
ne  lui  lailfer  que  des  branches  hori- 
zontales ,  &  l'obliget  à  former  une 
efpèce  de  plate  -  forme.  On  tond 
avec  les  cifeaux  ou  avec  le  croif- 
fant,  les  bourgeons  à  mefure  qu'ils 
s'élancent.  Dans  la  première  ,  on 
cherche  à  intercepter  la  vue  ;  &  dans 
la  féconde,  c'eft  afin  qu'elle  ne  fois- 
pas  arrêtée. 

MASTICATOIRE.  Médecine 
RURALE.  C'eft  le  nom  qu'on  donne  à 
des  médicamens  qui  produifent ,  par 
leur  âcrecé  ,  une  irritation  dans  la 
bouche ,  (Se  excitent,  par  les  excré- 
toires de  cette  même  partie,  c'eft-à- 
dire  les  glandes  falivaires ,  une  éva- 
cuation plus  abondante  que  dans  l'étac 
naturel. 

On  prefcrit  ces  remèdes  fous  plu- 
ficurs  formes.    i°.    Sous   forme-  fo- 


44*^ 


MAS 


lidej  1°.  eii  fumigation  ,  en  faifanc 
recevoir  dans  !a  bouche ,  par  un  tuyau 
deftiné  à  cet  uiage  ,  la  fumée  que 
le  feu  fait  élever  des  parties  irri- 
tantes qui  les  compofent.  II  y  en  a 
qu'on  fait  mâcher  avec  fuccès ,  daus 
le  même  delfein  ,  quoiqu'ils  n'aient 
point  d'àcreté  ;  reis  fjnt  la  cire  &  le 
iiiaftic.  Perfonne  n'ignore  que  le 
mercure  pris  intérieurement  ,  ou 
adminiftré  fous  forme  de  fridion  , 
excite  quelquefois  la  falivation. 

Les  mafticatoires  font  indiqués 
dans  les  afteclions  foporeufes ,  & 
dans  la  paralyfie  de  la  langue ,  dans 
les  fluxions  des  dents,  dans  les  maux 
de  tête ,  &  autres  douleurs  produites 
par  une  aftlucnce  d'humeurs  fur  ces 
parties. 

On  emploie  journellement  le  poi- 
vre ,  l'alun  .5:  autres  lubflances  acres, 
contre  la  chute  de  la  luette.  La  fu^ 
niée  de  la  fauge ,  de  la  bctoine ,  celle 
du  tabac  ,  dilîipent  les  fluxions  & 
augmentent  racl:ion  tonique  de  la 
membrane  puuiraire.  Enfin,  on  fait 
mâcher  les  feuilles  de  fauge ,  de  la- 
vande ,  &  de  romarin  pour  donner 
du  mouvement  aux  organes  de  la  voix. 
On  peut  encore  les  employer  en  gar- 
garifme  ,  lorfqu'on  veut  remédier  à 
certaines  maladies  qui  ont  leur  fiège 
dans  le  fjnd  de  la  bouche.  M.  AMI. 

ALISTICATOIRES.  Médecine 
VÉTÉRINAIRE.  Les  mafticatoires  ou 
apophlegmatifans,  font  des  médica- 
niens  dont  l'eflet  eft  de  dégorger  le 
nlfu  des  glandes  muqueufes  de  la 
bouche ,  iSc  des  glandes  falivaires  des 
animaux  ,  en  les  agaçant,  en  les  ir- 
ritant ,  &  en  augmentant  l'aétion  or- 
ganique de  ces  parties. 

On  compte  parmi  ces  fubftances  , 
les  racines  d'impératoire ,  d'angéli- 


MAT 

que  ,  de  zédoaire  ,  de  pimprenelle 
blanche ,  de  galéga  ,  de  myrrhe  ,  le 
fel  commun,  les  goulfes  d'ail ,  l'alfa- 
fcetida,  employé  plus  fréquemment 
encore  que  les  autres. 

Les  maréchaux  en  font  ufage  en 
nouet  ou  en  billot.  En  nouet  ,  cçs 
remèdes  grolîîèrement  pulvérifés  & 
enfermés  dans  un  linge  ,  étant  fuf- 
pendus  à  un  maftigadour,  ou  à  un 
filet.  En  billot  ,  le  linge  qui  les  con- 
tient ,  entouranr  un  bois  qui  trancife , 
comme  le  canon  d'un  mors  de  bride, 
la  bouche ,  d'un  angle  à  l'autre  ,  ou 
le  linge  étant  limplement  roulé  dans 
une  certaine  conliltance  ,  ik  étant 
placé  de  même. 

Ces  remèdes  font  indiqués  dans  des 
cas  de  dégoût  (Je  d'inapétence ,  parce 
qu'ils  débarraflent  les  houppes  ner- 
veufesdes  humeurs  muqueufes  qui  les 
couvrent  ,  &  qui  fe  mêlant  aux  ali- 
mens  ,  peuvent  encore  en  rendre  la 
faveur  dcfagréable,  ôc  ils  réveillent 
ainli  la  fenfrtion  ,  &  s'oppofent  au 
féjour  de  ces  mêmes  humeurs ,  qui 
ne  pourroient  que  contraifler  une  forte 
de   putridité. 

Enfin ,  ils  font  très-efficaces  &  très- 
utiles  dans  les  maladies  contagieufes 
du  bétail  ;  ils  éloignent,  pour  aiuli 
dire  ,  les  corpufculesmorbihques  qui 
s'exhalent,  fe  répandent,  nagent  8c 
circulent  dans  l'air  que  les  animaux 
refpirent  ,  ils  les  empêchent  de  fe 
mêler  avec  la  falive  ,  Se  de  s'intro- 
duire avec  elle  dans  les  eftomacs  j  & 
en  pareille  occurrence ,  les  maftica- 
toires les  plus  convenables,  font  un 
mélange  de  vinaigre  ,  de  fel  ammo- 
niac  ,  de  camphre  ,  &c.  M.  T. 

MATRICAIRE.  (  roye^  planche 
XI  j  page  444  ).  Tournetort  la  place 


Î.Î  A  T 

ènns  1.1  troifième  fedlion  rie  la  qua- 
torzième clalfe  des  herbes  n  fleurs  ra- 
diées ,  dont  les  femeiices  n'ont  ni 
aigrette  ni  chaiMteau  de  feuille  ;  & 
il  l'appelle  matricaria  rulgaris  Jîve 
faciva.  Von  Linné  la  nomme  ma- 
tricaria Parthenium  ,  &  la  claffe  dans 
la  fingéncfie  polygamie  fuperflue. 

Fleur.  Compofée  d'un  amas  de 
fleurons  hermaphrodites  dans  le  dif- 
que,  ôc  de  plufieurs  demi -fleurons  à 
la  circonférence.  Chacun  des  fleurons 
eft  un  tube  B  renflé  dans  le  milieu  ^ 
évafé  à  fon  extrémité ,  <5L-  divifé  en 
cinq  fegmens.  Le  demi-fleuron  C  cft 
un  tube  court ,  menu  à  fa  bafe  j  ter- 
miné par  une  languette  ovale  divifée 
en  trois  petites  dents  a  Ion  exrrcmitc  : 
toutes  les  parties  de  la  fleur  font  raf- 
fcmblées  fur  un  réceptacle  hémifphé- 
rique  qui  eft  au  centre  de  l'enveloppe 
ou  calice  D. 

Fruit.  Graines  E  folitaires,  oblon- 
gues  ,  fans  aigrette. 

Feuilles.  Compofées,  planes,  les 
folioles  ovales  ,   très -découpées. 

Port.  Tiges  nom^eufes  ,  hautes 
de  deux  pieds  environ  ,  droites ,  can- 
nelées ,  lufes ,  mocleufes  ;  les  fleurs 
nailfent  au  fommet  ,  difpofées  en 
coquilles  j  les  feuilles  nailfent  alrer- 
nativement  fur  les  tiges. 

Racine.  A  blanche  ,  rameufe,  fi- 
breufe. 

Lieu.  Originaire  des  provinces  mé- 
ridionales ,  cultivée  dans  les  jardins 
au  nord.  Elle  eft  vivace  ,  quelque- 
fois bis-annuelle,  &  elle  fleurit  pen- 
dant tout  l'été. 

Propriétés.  Les  feuilles  ont  une 
odeut  aromatique  ,  forte,  &  une  fa- 
veur amère  ,  médiocreir.er.r  acre. 
Toute  la  plante  eft  emn,énr.i;ogue  , 
fiomachique,  hiftérique  ,  vermifuge. 


M   A   T  447 

Les  feuilles  échaufi^ent,  &r  calment 
les  douleurs  d'eftomac  ,  caufées  par 
des  matières  pituiteufes  ,  &  les  co- 
liques venteufes  ;  elles  diminuent  la 
violence  des  accès  hyftcriques  ou  hy- 
pocondriaques ,  &  quelquefois  elles 
font  utiles  dans  les  accès  de  fièvre. 
Sous  forme  de  peflaire ,  elles  favo- 
rifent  l'action  des  feuilles  prifes  in- 
térieurement. Le  fyrop  de  matricaire 
eft  femblable  en  vertu  à  celle  de 
l'infulion  des  feuilles,  édulcorée  de 
fucre.  L'enu  diftillée  des  feuilles  eft 
inutile  ,  lotfqu'on  peut  fe  procurei" 
rinfufion. 

U/ages.  Avec  l'herbe  fraîch^  6c  fes 
feuilles  ,  on  fait  des  décodlions  pour 
lavement  ;  avec  l'herbe  fèche  ,  des 
décoétions  &  des  infuflons.  Le  fiic  de 
la  plante  fraîche  ,&  clarifié ,  fe  donne 
d;.-puis  une  once  jufqu'à  deux  ;  fa  dé- 
codtion  ou  infufion  à  la  dofe  de  qua- 
tre onces.. 

MATRICE.     MÉDECINE  RURALE, 

Vifcère  particulier  à  la  femme,  finie 
dans  le  petit  baflîn  ,  entre  la  veflie 
&  le  reàum  ,  &  deftiné  à  remplir 
une  des  fondions  les  plus  intéref- 
fantes.  La  matrice  eft  expofée  à  une 
infinité  de  maladies  ,  tant  pat  fa 
fituation  Se  fes  attaches,  que  par  fon 
oroaniiation. 

Hyppocrate  nous  apprend  qu'elle- 
eft  la  caufe  d'une  infinité  de  dé- 
fordres.  En  effet,  il  y  a  bien  peujde 
maladies  chez  les  femmes,  où  la  ma- 
trice n'ait  quelque  part.  Les  caufes  de 
toutes  {es  affeétions  dépendent  tou- 
jours ,  ou  de  la  léfion  immédiate ,. 
Ik  d'un  vice  apparent  dans  ce  vifcère, 
ou  de  l'impreffion  des  caules  morbi- 
fiques  qui  attaquent  d'autres  vifcères 
qui  lui  correfpondent  :  les  premières 
font  toujours  plus  tàcheufes  tpe.  celles- 


44^ 


M  A  T 


qui  font  fubordonnées  à  une  caufe 
fympathique  ;  pour  l'ordinaire  la  cer- 
minaifon  en  eft  plus  prompte,  &:  la 
crife    plus  complète  &  fakuaire. 

Parmi  celles  qui  dépendent  de  fa 
lélion  ,  les  unes  font  générales  &;  font 
connues  fous  les  noms  particuliers 
de  fureur ,  fiiffocations  utérines ,  va- 
peurs ,  paillon  hyftérique  ,  &c.  Les 
autres  font  locales  ,  le  vice  qui  les 
conftitue  eCc  apparent,  &:  forme  le 
fymptome  principal.  Dans  cette  claf- 
le  ,  nous  comprendrons  un  dérange- 
ment dans  l'évacuation  périodique 
des  mois,  la  chute,  la  hernie,  l'hy- 
dropilie,  l'inflammation,  l'ulcère,  le 
fkirrhe  ,  &  le  cancer  de  la  matrice. 

Nous  ne  parlerons  point  de  cha- 
cune de  ces  maladies ,  nous  nous  con- 
tenterons de  faire  une  mention  fort 
fuccinte  de  la  chute  ou  dfefcente  de 
inatrice,  de  fon  inflammation  ,  &  de 
l'ulcère  de  ce  même  vifcère. 

Chute  ou  descente  de  matrice, 

"La  chute  de  matrice  eft  complète 
ou  incomplète. 

Elle  eft  incomplète  j  loifque  la  ma- 
trice eft  defcendue  dans  le  vagin.  On 
peut  aifément  s'en  convaincre  par  le 
toucher.  On  n'a  pas  plutôt  inttoduit 
le  doigt  dans  le  vagin  ,  qu'on  dif- 
tingue  très-bien  fon  orihce  interne. 
i.a  femme  fe  refufe  ,  pour  l'ordi- 
naire aux  déiirs  de  fan  mari  ;  le 
<levoir  &  les  plaifirs  du  mariage  lui 
font  à  charge,  inhpides,  douloureux, 
-difficiles  ,  &  même  impollibles  à 
jemplir.  La  comprefTion  que  ce  vif- 
cère exerce  fur  la  vellie  &  le  rectum , 
produit  des  difficultés  d'uriner  ,  &: 
il'aller  à  la  felle  ,  des  coliques  ,  & 
autres  maux  très -douloureux.  Les 
femmes  éprouvent  ejicore  des  dou- 


MAT 

kurs  &  des  tiraillemens  aux  lombeSj 
parties  où  vont  s'implanter  les  liga- 
mens  larges. 

La  chute  de  matrice  complète  eft 
aifée  à  connoître  :  la  vue  feule  fufEt 
pour  cela  ;  mais  il  arrive  quelque- 
fois que  la  matrice  -,  en  tombant 
ainfi  ,  fe  renverfe  ;  c'eft-à  dire  que 
l'oritice  refte  en-dedans  du  vagin , 
tandis  que  le  fond  fe  préfente  au 
dehors.  Dans  cet  état  on  pourroit  la 
confondre  avec  quelque  tumeur  po- 
lipeufe  ;  mais  l'on  évitera  toute  er- 
reur ,  fi  l'on  fait  attention  que  les 
tumeurs  augmentent infenfiblement, 
au  lieu  que  cette  chute  fe  fait  fubi- 
tement ,  toujours  à  la  fuite  d'un  ac- 
couchement laborieux ,  ou  par  la  faute 
d'un  accoucheur  peu  habile  &  peu 
expérimenté. 

La  chute  incomplette  de  matrice 
eft  une  maladie  plus  incommode 
que  dangereufe.  On  a  cependant  vu 
des  femmes  devenir  grolfes  ,  &  ac- 
coucher dans  cet  état.  Dans  la  chute 
complète ,  il  eft  à  craindre  un  étran- 
glement qui  amène  l'inflammation  , 
&  la  gangrèrt^  &  dans  ces  cas  la 
mort  eft  ordinairement  prochaine. 

On  remédie  à  la  chute  de  matrice  ," 
par  la  réduétion.  Alais  auparavant , 
il  faut  bien  examiner  fi  ce  vifcère  eft 
fiin,  fans  inflammation  &  gangrène. 
S'il  en  eft  atteint,  il  faut,  avant  de 
le  faire  rentrer  &  le  remettre  en  place, 
y  faire  quelques  légères  Icarifications 
avec  la  pointe  de  la  lancette  ,  &  le 
fomenter  avec  une  décoétion  de  quin- 
quina,  de  fcordium ,  d'eau-de-vie  cam- 
phrée ,  &  d'autres  remèdes  antifepti- 
ques.  Il  faut  encore,  avant  d'en  venir 
à  la  réduâion ,  faire  uriner  la  femme, 
lui  procurer  la  liberté  du  ventre,  pat 
des  lavemens  ;  oindre  fes  parties 
dhuile  d'amande  douce  &  de  beurce. 

Oa 


MAT 

Oii  fait  coucher  la  femme  fur  le  dos, 
la  «te  fort  balfe,  &  les  feifes  éle- 
vées. Oji  prend  la  matrice  ,  enve- 
loppée d'un  linge  fort  fouple,  &  l'on 
tâche  ,  par  de  légères  fecoulfes ,  de 
côté  &  d'autre  ,  de  la  repoulfer  en- 
dedans  :  ce  moyen  eftpkis  fur  &:  plus 
facile  qu'aucun  autre  clans  l'éxecution  j 
il  n'eft  pas  de  femme  a  la  campagne  , 
ui  de  payfan,  qui  ne  puilfent  faire 
cette  opération  ,  avec  un  peu  d'atten- 
tion ,  de  réflexion  &  de  dextérité , 
il  eft  préférable  au  fer  rougi  au  feu, 
qu'on  confeille  d'approcher  de  la  ma- 
trice ,  pour  la  faire  rentrer. 

La  marrice  réduite, on  la  contient , 
&  on  en  prévient  la  rechute  par  un 
pelfaire  percé  ,  qui  permette  la  fortie 
de  l'urine  ,  l'évacuation  périodique 
des  règles ,  &  l'injeétion  de  quelque 
eau  aûringente,  telle  que  la  décoc- 
tion de  plantin,  d'écorce  de  grenades. 

On  fortifie  les  reins  ,  par  l'appli- 
cation de  quelque  emplâtre  fortifiant, 
tel  que  celui  à^  pro  fraciurls. 

Inflammation    de  matrice. 

Les  fymptomes  qui  la  caraétéri- 
fenr,  font  des  douleurs  dans  lapartie 
inférieure  du  ventre,  qui  deviennent 
plus  fortes  &  plus  aiguës  au  toucher. 
La  région  du  pubis,  fes  parties  voi- 
fines  font  fort  tendues  ,  &  dans  un 
état  de  roideur.  Les  malades  ref- 
fentent  dans  la  matrice  une  chaleur 
&  une  ardeur  confidérable  \  elles  font 
tourmentées  par  une  foif  vive  &  brû- 
lante j  elles  éprouvent  des  foiblefles  j 
les  urines  font  rares  ,  rouges  ,  en- 
flammées ,  fe  filtrent  très-difficilement 
dans  les  reins  ,  &  font  évacuées  avec 
douleur.  Le  poulx  eft  vif  ,  ferré  , 
tendu  ,  piquant ,  le  vlfage  enflammé , 
les  yeux  étiacelans.  Les  friflons ,  le 
Tome  FI. 


M  A  T  449 

hoquet  ,  le  vomiiTement  ,  la  con- 
vu'lion  &:  le  délire  furvienncnt ,  & 
la  ceiïation  de  tous  ces  fymptomes 
eft  toujours  l'annonce  d'une  gangrè- 
ne &:  d'une  mort  prochaine. 

Cette  maladie  eft  en.  s  plus  doulou- 
reufes  &  des  plus  ciuelles.  Sa  tet- 
minaifon  eft  très-prompte ,  &  prefque 
toujours  mortelle  :  rarement  elle  va 
au-delà  du  feptième  jour.  Elle  fe  ter- 
mine auflî  très-rarement  par  la  ré- 
folution  ,  mais  le  plus  fouvent  par 
fuppuration  &  la    gangrène. 

On  n'ooferve  guères  cette  mala- 
die qu'après  un  accouchement  labo- 
rieux. La  fuppreffion  des  lochies  peut 
la  produire  ,  ainli  que  les  vives  paf- 
fions  ,  des  contufions  ,  &  la  réten- 
tion du  placenta  dans  la  matrice. 

On  combat  cette  maladie  par  des 
faignées  abondantes  &  fouvent  ré- 
pétées :  on  doit  les  pratiquer  dès  les 
premiers  jours  j  on  feroit  le  plus  grand 
mal,  fion  les  differoir,  &  fi  on  vou-' 
loit  les  ménaget  :  il  ne  faut  cepen- 
dant pas  perdre  de  vue  l'état  des 
forces  ,  l'âge  &  le  tempérammenc 
particulier  de  la  malade. 

Les  boifl!ons  délayantes  &:  adou- 
clfTantes,  légèrement  nitrées,  telles 
que  l'eau  de  poulet ,  celle  de  veau 
êc  de  tiz  ,  doivent  venit  à  l'appui 
des  faignées.  Les  lavemens  coupés 
avec  moitié  lait,  font  très -efficaces 
dans  cet  état ,  ainfi  que  l'application 
des  linges  imbibés  d'une  décoétion 
de  plantes  émollientes,  ou  des  veflles 
pleines  de  lait  chaud ,  coupé  avec 
l'eau  commune. 

Ulcère  de   la   matrice. 

C'eft  à  l'écoulement  du  pus  par 
le  vagin  j  qu'on  connoît  fûrement 
l'ulcère  de  la  matrice.  On  peut  aufli 
s'aflTurer  de  fa  ptéfence  «Se  de  la  partie 

LU 


450  MAT 

qu'il  occupe  ,  par  le  tadt,  &  même 
par  la  vue  ,  au  moyen  à.\x  fpcculum , 
ou  miroir  de  matrice. 

Cette  maladie  vient  toujours  à  la 
fuite  d'une  infl.immation  fuperfi- 
cielle  de  la  matrice  ,  terminée  en 
fuppuration ,  qui  a  dégénéré  à  fon 
tour  en  ulcère.  Elle  peut  être  ex- 
citée par  une  métaftafe  d'humeurs 
acres  ,  qui  peuvent  fe  fixer  fur  ce 
vifcère  ",  par  un  vice  vénérien  ,  fcor- 
butique-,  par  une  errofion  taite  peu- 
à-peu  dans  la  face  intérieure  de  la 
matrice  ,  fans  qu'aucun  abcès  ait 
précédé  j  par  une  plaie  faite  dans  la 
cavité  de  la  matrice ,  laquelle  a  fup- 
puré  ,  &  eft  devenue  un  véritable  ul- 
cère. 

Les  femmes  malades  rapportent 
à  diftérens  endroits  la  douleur  qu'elles 
reOentent  ,  fuivant  le  fiège  de  l'ul- 
cère qui  l'a  produit  :  fouvent  la  vef- 
fie  &  le  redum  participent  de  l'ul- 
cère. Les  temmes  cohabitent  avec 
beaucoup  de  peine  avec  leurs  maris. 
Dans  le  principe  du  mal ,  il  n'y  a  point 
de  fiévte  ,  ou  il  y  en  a  bien  peu  \ 
mais  peu-à-peu  lahévre  lente  s'y  joint 
par  le  mélange  des  parties  du  pus,  à 
quoi  la  douleur  que  la  malade  ref- 
fent  ,  ne  contribue  pas  peu.  Cette 
fièvre ,  qui  eft  lente  de  fa  nature  , 
redouble  tous  les  foirs  \  enfin ,  les 
malades  ,  confumés  par  cette  fièvre  , 
tombent  dans  le  marafme  ,  &:  finif- 
fent  par  la  bouffifure  des  extrémités 
inférieures,  qui  augmente  de  plus  en 
plus,  ou  par  la  diarrhée  colliquative. 

Le  traitement  de  cette  maladie  eft 
relatif  aux  caufes  qui  la  produifentj 
mais  en  général  ,  on  ordonne  aux 
malades  les  décoftions  vulnéraires 
balfamiques  ,  les  eaux  minérales 
fulphureufes  de  Barèges ,  prifes  in- 
térieurement 5c   injectées  avec  une 


MAT 

feringue  en  arrofoir  ilans  la  matrice. 
Perfonne  n'ignore  les  heureux  effets 
c|u'elles  ont  produit.  11  vaudroit  bien 
mieux  commencer  le  ttaitement  par 
ces  eaux,  que  de  fuivre  le  préjugé, 
malheureufement adopté,  de  donner 
aux  malades  le  lait ,  qui  ne  réuflic 
prefque  jamais ,  &  qui ,  comme  l'ob- 
lerve  fort  bien  Hotfman  ,  difpofe 
plutôt  à  l'ulcère  ,  qu'il  ne  le  guérit. 
11  y  a  d'autres  adoucilfans,  pris  dans 
la  claife  des  végétaux ,  qui  font  pré- 
férables au  lait.  Ce  font  les  crèmes 
de  riz  ,  de  fagou ,  la  décoction 
aqueufe  de  racine  de  falep,  le  petit- 
lait,  coupé  avec  la  fumeterre  ,  les 
bouillons ,  où  l'on  fait  entrer  la  ra- 
cine de  bardane  ,  les  tiges  de  fume- 
terre  &:  autres  plantes  dépuratives. 
On  employera  le  mercure  fous  la 
forme  la  plus  ufitée ,  fi  l'ulcère  tient 
à  une  caufe  vérohque  j  mais  en  gé- 
néral il  faut  s'abftenir  des  injeétions 
aftringentes ,  qui  feroient  dégénérer 
l'ulcère  en  cancer.  M.  Ami. 

MATURATIF.  Médecine  ru- 
RALE.  C'efi  ainfi  qu'on  appelle  les  re- 
mèdes propres  à  aider  la  formation  du 
pus  dans  les  plaies  &  les  abcès.  Ces 
topiques  favorifent  &:  opèrent  la  fup- 
putation  ,  en  entretenant  dans  une 
douce  chaleur ,  les  parties  difpofées 
à  fuppurer  ,  en  relâchant  les  vaif- 
feaux ,  &  en  calmant   les   douleurs. 

Les  maturatifs  font  de  deux  ef- 
pèces.  Les  uns  font  ftimulans  ,  &  les 
autres  adoucilfans.  L'application  dé 
ces  derniers  convient  principalement 
fur  les  parties  douloureufes  ,  trop 
tendues  ,  rénitentes  &  enflammées. 
Les  premiers  ,  au  contraire  ,  agif- 
fcnt  plus  efficacement  fur  les  rumeurs 
froides  qui  fuppurent  difficilement , 
ou  dont  la  fuppuration  eft  trop  lente. 


MAT-  MAT           451 

Les  maturatifs  font  fimples  ,  ou  lement    articulées.    Cette    aflertion 

compofcs.  Daus  la  clalFe  des  fimples,  reçoit  fa  pleine  certitude  vers  la  fin 

on  doit  compter  la  farine  de  fèves,  de  l'automne  ,  quand   les  arbres  fe 

de   lin  ,    d'orge  ;    les   femences   de  dépouillent   de    leur   ornement.  Les 

moutarde ,  de  ftaphifaigre ,  la  mie  de  cicatrices   que  les  feuilles  laiflTent  en 

pain  bouilli ,  la  poix  de  Bourgogne  ,  fe  détachant  de  l'arbre ,  prouveront 

le  miel  ,  le  laie  ,  ie  beurre ,  &  tous  à  tout  obfervateur ,  que    ces  parties 

les  corps  gras.  font  fimplement  conciguesj  puifque 

Dans  celle  des  compofés  ,  on    ne  leur  féparation  fe  fait  fans  aéchirure.  » 

doit  point  oublier  le  baume  d'arcéus,  "   Les  vailfeaux    de  communica- 

l'onguent  de  la   mère  ,  celui    de  fti-  tion  de    l'arbre    aux  feuilles ,  &  les 

rax,  l'emplâtre  de  diachilon  gommé,  fibres    qui    fe  continuent    de  l'un  à 

Se  de  mucilage.   M.    Ami.  l'autre,  ne  reçoivent  plus  les  fucs  né- 

celfaires  à  leur  entretien,  par  la  fup- 

MATURE.  (Fbye^  les  mots  Pins,  preflîon    &    l'engourdillement     que 

Sapins  ,  Mélese.  )    .  caufe  dans  le  mouvement  de  la  fève 

la  température  froide  de  l'air.  L'en- 

MATURITE.   Etat    où  font  les  gorgement  par  trop  d'humidité  ,  le 

feuilles    6c    les  fruits   lorfqu'ils  font  rellerrement  des  fibres,  l'oblitération 

mûrs:  peu  après   ils  fe  détachent  de  ou  raffailfement  des  pores  des  feuilles, 

l'arbre  &:  tom.bent.  Newton  vit  tom-  ne  permettent  plus  ni  abforption,  ni 

ber  ,  d'elle-même,  une  poire  de  l'ar-  tranfpiration  ;  celles-ci  deviennent 

bre  qui  la  portoit,  &  cette  chute  lui  des  organes  inutiles ,  &  abandonnent 

fit  imaginer  fon  fameux  fyftcme  de  leur  foutien.  C'eft  ainfi  que  le  àé::i.- 

la  gravuation.  Cet  homme  immor-  cheroit  un  membre   d'un  arimal ,  fi 

tel  ,  Se   auquel    la  bonne    phyfique  on  interceptoit  totalement  le  cours 

doit  fes  éiémens ,  explique  bien  pour-  des  fluides  qui  y   abordent,  jufq-u'à 

quoi  ce  fruit  eft  attiré  par  la  terre  ;  lui  donner  la  mort ,   ou   fi  l'on   en 

mais   perfonne    encore  ,    avant    M.  coupoit  les  ligamens  articulaires  ». 

Amoreux  ,  n'avoir  découvert  la  vraie  «  Si  on  tâche  d'enkver  les  feuilles 

caufe  particulière  qui  le  féparoit  de  d'un  arbre  en  vigueur  ,  (Se  dans  le 

l'arbre  ,  ainfi  que  les  feuilles  ,  lors  temps  qu'il  eft  en  fève,  quelque  pré- 

de  leur  maturité.  L'auteur  va  parler,  caution  que  l'on  prenne,  on  ne  fçau- 

»  Dans  l'homme,  comme  dans  les  roit  y  réuflir,   fans  calTer   le  pétiole 

animaux  ,  la  réunion  de  deux  pièces  ou  la  queue  des  feuilles ,  ou  même 

qui  peuvent  fe  féparer  au  befoin  ,  foit  fans  caufer  une   déchirure  dans    l'é- 

qu'elles  adhérent  étroitement  l'une  à  corce  des  branches  :  ces  parties  fem- 

l'autre  ,  foit  qu'elles  le  meuvent  l'une  blent  en  effet  ne  faire  qu'un  feul  tout, 

fur  l'autre,  à  l'aide  de  quelques  liens ,  Si  l'arbre  devient,  au  contraire,  lan- 

conftituent  une  articulation.  D'après  guilfant,  on  les  arrachera  fans  peine  : 

ce  principe  inconteftable  ,  je  dis  que  elless'enféparerontfpontanémerjt,oii 

les  feuilles  qui  font  implantées  fur  les  par  lemoindreeffortextéiieur, comme 

branches,  fur  les  rameaux,  &  fur  les  par  une  fecoufle,  par  le  vent,  par  la 

tigesdes   plantes  ,  fpécialement  des  pluie,  ou  lorfque  le  froid  commence 

arbres  Se  des  arbuftes ,  y  font  réel-  ù   ralentir   la  végétation....  Si  les 

Ll  1  1 


4Ti 


^I  A  T 


feiulles  écoient  continues  à  l'arbre , 
pourquoi  celles-là  fe  fcpareroient- 
elles  dans  une  faifon  ,  pour  être  re- 
ncmvellces  dans  une  autre,  tandis  que 
celles-ci  font  permanences  Se  peuvent 
erre  regardées  comme  une  extendon 
del'arbre^  ou  plutôt  comment  s'opé- 
reroit  cette  léparation  aulîîtoc  que 
les  feuilles  devienr.enc  des  membres 
inutiles  aux  plantes  »  ? 

"  Si  on  examine  l'extrémité  des 
pétioles  des  feuilles  qui  fe  font  na- 
turellement détachées  de  l'arbre,  on 
les  trouve  pour  l'ordinaire  applaris  , 
plus  ou  moins  évafés,  formant  une 
efpèce  d'empâtement  qui  s'adapte  à 
la  branche  à  laquelle  elles  adhéroieiit 
fortement  :  quelquefois  aufll  ils  font 
taillés  en  bilan,  en  cœur,  en  croif- 
fant  j  d'autres,  lonc  creufés  en  gout- 
tière, iScc.  ". 

«  Des  ftipules  &  plufieurs  glandes 
accompagnent  communément  les 
bords  de  cette  coupe  ou  infertion  , 
&  fournitrent  par-là  aux  feuilles  une 
attache  plus  folide  contre  les  tiges 
qui  les  foutiennent.  Ceci  fe  remarque 
liir-tout  aux  feuilles  des  arbres  frui- 
tiers qui  partent  de  l'allfelle  d'un 
bourrelet  ou  bouton  qui  leur  fer"  de 
fupport,  &  qu'elles  défendent  elles- 
mêmes.  C'elt  dans  l'excavation  de 
l'extrémité  des  pétioles  que  l'on  ap- 
perçoit  des  glandes ,  des  mamelons, 
fouvent  entre-mèlés  de  légères  ca- 
vités propres  à  recevoir  les  petites 
éminences  de  la  branche  ,-  laquelle 
a  réciproquement  quelques  glindules 
qui  s'adaptent  aux  cavités  périolaire?. 
On  y  voit  aufli  les  aboutilfans  des 
fibres  ligneufes ,  rantôt  au  nombre 
àe  trois ,  plus  ou  moins ,  qui  fe  rami>- 
fient  enfuite ,  Si  vont  déterminer  la 
forme  de  la  feuille  iÎ'n;  le  nombre  de 
fes  nervures.    Ces  faifceaux  fibreux 


MAT 

varient  fuivant  ia  forme  &  la  grofTeuc 
du  pétiole.  Les  feuilles  du  marron- 
nier d'Inde,  celles  du  noyer,  du  faux- 
acacia,  du  mûrier,  ôcc,  offrent  avec 
évidence  cette  ftruclure.  La  défani- 
culation  eft  encore  bien  plus  fenfib'e 
lur  le  conduit  dioïque,  fut  le  cotylé- 
don oibiculé ,  &:c.  ». 

<■'  La  plupsn  des  feuilles  étant  en- 
core vertes ,  &  tenant  à  l'arbre ,  y 
font  fi  adhérentes ,  qu'elles  paioifTerit 
lui  être  unies  par  cette  efpèce  d'ar^ 
riculacion  immobile  que  les  anaro- 
mifles  appellent  harmonie.  On  n'ap- 
perçoic  qu'un  léger  fillon,  une  fente. 
qui  en  indique  fuperticiellement  les 
limite?.  Si,  au  contraire,  l'on  exa- 
mine les  feuilles  féparées  de  l'arbre, 
les  éminences  &  les  cavités  que  pré- 
fsntent  leurs  extrémités  péciolaires, 
&  qui  correfpondent  à  celles  des  ra- 
meaux ,  elles  paroilTent  conftituet  une 
articulation  à  charnière  ,  ou  même 
une  double  arthrodie  ,  mais  bornée 
à  raifon  du  peu  d'érendue  du  mou- 
vement &  des  cavités  fuperficielles 
qui  reçoivent  les  mamelons  glan- 
duleux ^>. 

«  Prefque  toutes  les  feuilles  exé- 
cutent divers  mouvemens  :  les  unes 
fuivent  le  cours  du  foleil,  fe  ferment 
à  l'entrée  de  la  nuit;  ce  qu'on  a  îi^~ 
psWé  fommeil  des  plantes  ,  {  voye\  ce 
mot  )  &  s'épanouillent  de  nouveau  à 
certaines  heures  avant,  avec  ou  après 
le  foleil  levé,  Sec.  Il  en  eft  de  même 
de  plulîeurs  fleurs.  Outre  les  raifons 
qu'en  ont  donné  les  phyficiens ,  les 
articulations  n'auroient-elles  pas  quel- 
que part  à  cet  épancuiirement  périodi- 
que, iSc  ne  le  favoriferoient-elles  pas? 
11  n'eft  pas  jufqu'aux  corolles  ou  pétales 
des  fleurs,  qui  ne  puilTent  fe  détacher 
du  calice  ou  du  réceptacle  qui  les  fou- 
tieutj  ce  que  l'on  remarque  fur- tour 


*  MAT 

fnr  les  rofes  &  fur  les  lys ,  &:c.  Les 
fleurs  fe  faneiu  &  tombent  ,  lorf- 
qu'elles  ne  font  plus  d'.uicun  ufaga 
au  genre  ou  au  huit  nailTlint, qu'elles 
ont  défendu  &  nourri  d'un  fuc  plus 
délicat  Se  plus  épuré.  Lorfque  ce  petit 
truit  eft  parvenu  na  point  de  recevoir 
plus  abondamment  la  fève  ordinaire  j 
te  que  les  jardiniers  appellent  jruic 
noue ,  les  fleurs  difparoilfent.  N'eft  il 
pas  évident  que  les  fquelettes  des 
rieurs  &  des  calices  feroient  au  moins 
periillans, s'ils  avoienc  fait  corps  avec 
i'enfemble  des  parties  de  la  tru6Vih- 
cation  ,  ce  qu'on  obferve  rarement? 
J'en  dis  autant  des  pédicules  qui  fou- 
tiennent  les  fleurs,  les  calices  &  les 
fruits  ;  lis  font  à  cet  égard  compa- 
rables aux  pétioles  des  feuilles,  c'elt- 
à-diie,  qu'ils  font  tous  articulés  >n 

"  Je  rangerai  encore  parmi  les 
pièces  articulées  des  végétaux  ,  les 
fruits  &  les  graines  qui  le  détachent 
fpontanément  dans  leur  état  de  ma- 
tuiité  j  quelques  caplules  s'ouvrent 
avec  éclat  &  une  forte  d'explohon 
qui  punit  la  curiolité  de  ceux  qui  y 
regardent  de  trop  près.  Tels  fondes 
fruits  du  concombre  fauvage ,  des  pom- 
mes de  merveille,  des  balfamir.es  3). 

«'  Les  jointures  les  plus  admirables 
font  celles  qui  en  ont  le  moins  l'ap- 
parence ;  je  veux  dire  les  valvules 
des  noyaux,  ou  les  os  des  fruits  à 
noyaux  ,  comme  la  pcche  ,  l'abri- 
eot  ,  &c. ,  qui  font  il  intimement 
unies ,  qu'il  haut  employer  la  plus 
grande  force  pour  les  féparer  j  en- 
.  core  les  cafle-t-on  plutôt  qu'on  ne 
ks  disjoint ,  tandis  que  cette  forte 
eonnexioii  cède  naturellemenr  au  gon- 
flement de  l'amande,  &  au  dévelop- 
pement des  cotylédons  qui  féparent 
proprement  les  deux  coques' à  len- 
droit  de  leur  jointure.  Quelle  qi'^  foie 


M  AT  45  > 

cette  force  expanlîve  ,  ces  coques 
s'ouvrent  auflî  facilement  dans  la 
terre,  qu'une  coquille  d'huître  par 
la  volonté  de  l'animal.  La  même 
chofe  s'obferve,  avec  quelque  ditlé- 
rence  cependant ,  dans  les  gouifes  , 
dans  les  liliques  ,  dans  les  légumes  : 
la  déhifcence  fe  fait  fans  eftbrt  , 
lorfqu'elles  font  au  point  de  la  matu- 
rité. Je  ne  finirois  point  fur  cet  ar- 
ticle ,  s'il  ne  me  reftoit  à  parler  de 
quelques  articulations  qui  lont  plus 
vifibles  dans  les  tiges  de  certaines 
plantes,  foit  annuelles,  ioir  vivaces, 
telles  que  dans  la  queue  de  cheval, 
dans  les  graminées,  &c.  11  n'y  a  pas 
de  doute  fur  l'articulation  des  pre- 
miers; c'eft  une  fuite  de  gompholes 
qui  repréfente  au  mieux  les  dents  en- 
chalTées  dans  leurs  alvéoles,  h'hip- 
puris  vulgaris  eft  à-peu-près  articulé 
de  même  :  on  le  défarticr.le  avec 
bruit.  Quant  aux  tiges  des  graminées 
qui  font  noueufes,  on  n'a  pas  fait  de 
difficulté  de  les  appeller  de  touc 
temps  des  pramens  aiticuUs  :  les  ro» 
leaux  le  prêtent  a  la  même  compa- 
rai fon  •». 

«  Enfin,  j'ai  remarcjriéque  la  belle- 
de-nuit  ne  femble  être  formée  qu'a- 
vec des  pièces  de  rapport.  Quand, 
cette  plante  eft  fur  le  point  de  fe 
faner ,  &  qu'elle  eft  fur-rout  touchée 
des  premières  gelées  ,  on  en  fépare , 
avec  la  plus  grande  facilité,  les  feuilles,, 
les  branches  &  les  tiges  ;  on  divife 
même  ces  dernières  en  plufieurs  piè- 
ces,  comme  on  feroit  d'une  colonne 
vertébrale  ,  ou  comme  des  os  de  nos 
mains.  Plufieurs  plantes  gralTes  font 
dans  le  même  cas  :  le  guy,  en  fe  fé- 
chanr ,  fe  fépare  auill  pièce  i  pièce;, 
fes  feuilles,  fes  fruits,  fes  branches,, 
fe  déboîtent  comme  une  machine 
qui  ne  tient  que  par  artifice  »>. 


454 


MAT 


«  La  cliamplure,  maladie  particu- 
lière à  la  vigne ,  défarticule  un  cep 
en  autancde  pièces  qu'il  y  a  de  nœuds 
dans  la  nouvelle  poulie.  La  vigne- 
viere;e  ou  de  Canada ,  &  mille  au- 
tres plantes  qu'il  eft  inutile  de  nommer 
ici,  offrent  le  même  phénomène  ". 

"  En  général ,  les  jointures  végé- 
tales fervent  à  donner  les  différens 
degrés  d'inclinaifon,  à  opérer  les  in- 
flexions ,  les  cliangemens  de  direc- 
tion néceflaires  aux  feuilles  pour  pré- 
fenter  alternativement  l'une  ou  l'au- 
tre de  leur  face  à  l'humidité  ou  à 
la  chaleur,  félon  qu'elles  ont  befoin 
de  tranfpirer  ou  de  pomper  la  nour- 
riture dans  l'air.  Il  n'eft  pas  moins 
évident  que  les  feuilles  devenant  un 
poids  inutile,  incommode  aux  plantes 
vivaces  que  l'hiver  engourdit,  la  na- 
ture les  en  décharge  au  moyen  des 
ruprures  naturelles  qu'occaiionne  le 
delféche  ment  des  jointures. Les  plan  tes 
herbacées  &  les  annuelles  périllent  en 
entier  après  leur  frudlification  ;  audî 
leurs  feuilles  ne  font  pas  articulées  ». 

«'  J'obferverai,  en  dernier  lieu,  que 
les  arbres  déracinés  dans  le  temps  de 
la  fève,  ou  ceux  qu'un  coup  de  folei! 
delféche  promptement  fur  pied,  gar- 
dent plus  long-temps  leurs  feuilles 
fur  les  branches  raorres  ,  parce  que 
les  liens  qui  les  unilloienr,  étoient 
encore  en  vigueur  lors  de  la  deftruc- 
tion  de  l'arbre.  La  mort  les  a  fur- 
prifes  avant  le  temps   ■'. 

Il  eft  donc  démontré,  par  les  ob- 
fervations  de  M.  Amoreux,  que  les 
feuilles  &  les  fruits  tombent  lors 
de  leur  maturité  ,  lorfque  leurs  arti- 
culations ne  font  plus  lubréhées  par 
la  fève.  Si  on  coniidère  un  fruit,  la 
cerife ,  par  exemple,  on  diftinguera 
aifémenr  l'articulation,  au  moyen  de 
laquelle  fon  pédicule  tient  à  la  bran- 


MAT 

che  -y  mais  il  en  exifte  une  autre  dans 
la  partie  qui  rient  au  fruit  :  celle-ci 
a  lieu  avec  l'écorce  du  fruit,  beau- 
coup plus  épaille  dans  cet  endroit 
que  dans  le  refte,  &  qui  y  forme 
bourrelet.  Tant  que  le  fruit  n'eft 
fimplement  que  mûr ,  on  le  détache 
avec  une  efpèce  de  peine  de  fon  pé- 
dicule j  &  dans  fa  parfaite  maturité, 
un  coup  de  vent  &  le  plus  léger  effort 
l'enfépare.  Jefçais  que  fouvent  la  ce- 
rife refte  fur  l'arbre  malgré  fa  parfaite 
maturité,  &  y  fèche.  Il  n'en  eft  pas 
ainlî  de  la  guigne  j  auffi  l'articula- 
tion de  celle-ci  eft-elle  un  peu  diffé- 
rente de  celle-là.  Prefque  tous  les 
fruits  préfentent ,  du  plus  au  moins, 
le  même  phénomène.  C'eft  par  ces 
parties  mamelonées  des  articulations , 
que  la  fève  nourrit  les  feuilles,  que 
les  teuilles  épurent  la  fève  du  bouton , 
&  une  double  articulation  raffine 
celle  qui  doit  former  le  fruit. 

Cette  loi  eft  générale  pour  les  fruits 
à  noyaux,  pour  les  pommes  j  quel- 
ques efpèces  de  poires  fur-tout  font 
exception.  La  partie  du  pédicule  qui 
tient  au  fruir ,  par  exemple  ,  dans  le 
bon  chrétien  d'hiver ,  eft  un  épanouif- 
fement  de  fibres,  dont  les  unes  s'im- 
plantent avec  la  peau,  les  autres  s'in- 
llnuent  dans  l'intérieur,  &  s'uniffent 
avec  celles  qui  logenr  les  graines  j  de 
manière  que  l'on  ne  peut  féparet  ce  pé- 
dicule dans  la  maturité  du  fruit ,  fans 
brifer  une  partie  de  l'écorce  ,  &  une 
partie  de  cette  efpèce  de  colonne  dans 
l.iquelle  font  nichées  les  femences, 
La  nature  a  pourvu  au  raffinement, 
de  la  fève  par  le  grand  nombre  de 
mamelons  qui  fe  trouvent  à  l'articu- 
lation qui  réunit  le  fruit  à  la  branche; 
enfin  ,  le  fruit,  le  légume  le  plus  par- 
fair ,  le  plus  exquis,  celui  dont  le  fuc 
eft  le  plus  délicat ,  eft  celui  don:  la 


MAT 

fève  a  pafTé  par  un  plus  grand  nom- 
bre de  filières  mamelonées  aux  arti- 
culations. 

Rien  de  plus  intéreflanr  que  les 
travaux  de  la  maturité.  Le  huit , 
après  avoir  noué,  a  une  faveur  âpre, 
auftère,  acide  :  peu  à  peu  i'âpretc  dif- 
paroîc,  &  l'acide  domine;  il  prépare 
le  développement  de  la  fubftance  fu- 
crée.  A  mefureque  celle-ci  fe  forme, 
la  partie  aromatique  fe  développe  , 
de  enfin  le  frui:  fe  colore  fous  l'ad- 
mirable pinceau  de  la  nature.  Le  point 
le  plus  lon^-temps  expofé  au  foleil 
eft  celui  qui  change  le  premier  :  peu 
à  peu  la  couleur  s'étend  ,  &  gagne 
tout  le  fruit  de  Tarbr;  à  plein  vent; 
car  celui  des  efpaliers  appliqués  con- 
tre des  murs  ,  refte  fouvent  verd  , 
ou  prefque  verd  du  côté  expofé  à 
l'ombre.  Dans  cet  état,  c'eftun  fruit 
forcé  ,  dont  la  faveur  &  l'odeur 
font  toujours  médiocres.  Le  premier 
point  mûr  eft:  celui  qui  pourrit  le 
premier  ,  fi  rien  ne  dérange  l'ordre 
de  la  nature.  C'efl:  donc  par  une  fer- 
mentation intelHne  ,  excitée  par  la 
chaleur  &  par  la  lumière  du  foleil  , 
que  la  fubftance  fucrée  &  aromati- 
que fe  développe,  &  que  fa  pulpe, 
&  la  pellicule  qui  la  recouvre,  chan- 
gent de  couleur. 

On  connoît  la  maturité  d'un  fruit, 
lorfque ,  preffé  doucement  près  de 
fon  pédicule  ,  il  obéit  fous  le  doigt. 
La  couleur  indique  ce  changement; 
mais  les  fruits  d'hiver  n'ont  en  gé- 
néral qu'une  feule  couleur  domi- 
nante, &  par-rout  égale,  parce  qu'ils 
n'ont  pu  ree«voir  fur  l'arbre  leur  point 
de  maturité,  &  dans  le  moment  de 
cette  métamorphofe  ils  ne  font  pas 
colorés  par  les  rayons  du  foleil.  La 
maturité  développe  l'inrenfité  do  cou- 
leur ;  mais  l'api,  par   exemple,  qui 


M  A  U 


455 


aura  refté  fur  l'arbre ,  recouverte  par 
des  feuilles,  ne  prendra  qu'une  fimple 
couleur  jaune  dans  le  fruitier,  de  ne 
fera  jamais  décorée  de  ce  beau  ver- 
millon qui  flatte  fi  agréablement  la 
vue.  La  lumière  feule  du  foleil  donne 
le  fard  aux  fruits  &  aux  légumes. 

MAUVE.  Tournefort  la  place 
dans  la  quatrième  fcélion  de  la  pre- 
mière claife  des  herbes  à  fleur  en 
cloi.he  ,  à  filets  des  étamines  réunis 
par  leur  bafe.  Il  l'appelle  rnalva  vul- 
garis  ,  flore  majore  ,  folio  finuato. 
Von  Linné  la  nomme  malva  flvef- 
tris  j  &  la  claife  dans  la  monadel- 
phie  polyandrie. 

Fleur.  D'une  feule  pièce  en  cloche, 
évafée,  partagée  jufqu'en  bas  en  cinq 
parties  en  forme  de  cœur  ;  le  calice 
double  :  les  étamines  tiennent  le 
pillil  comme  dans  une  gaîne.         '■ 

Fruit.  Plulieurs  capfules  prefque 
rondes,  réunies  par  articulation,  lem- 
blables  à  un  bouton  enveloppé  du  ca- 
lice extérieur  de  la  fleur,  renfermant 
des  graines  en  forme  de  rein  ;  les  cap- 
fules membraneufes ,  placées  autour 
du  même  axe  fur  un  plant  horizon- 
tal, les  unes  à  côté  des  autres. 

Feuilles.  Arrondies  ,  velues ,  dé- 
coupées par  leurs  bords  en  lobes  ob- 
tus ,  portées  par  de  longs  pétioles 
velus. 

Racine.  Simple  ,  blanche  ,  peu 
fibreufe  ,  pivotante. 

Port.  De  la  racine  s'élèvent  piu- 
fieurs  tiges  de  trois  à  quatre  pieds  de 
hauteur  dans  les  provinces  du  midi, 
âc  dont  la  hauteur  diminue  à  mefure 
qu'on  approche  du  nord.  Elles  font 
cylindriques  ,  velues ,  remplies  de 
moelle.  Les  feuilles  d'en- bas  font 
moins  crénelées  que  celles  du  hnutj 
les  fleurs  naillent    des    aiflelles   des 


45<î  M  A  U 

feuilles  au  nombre  de  llx  ou  de  fepr. 

Lieu,  Les  haies,  les  champs,  les 
bords  des  chemins.  La  plante  cft  vi- 
vace  ,  S<  fleurit  pendant  tout  l'ccc. 

Propriétés.  Cette  plante  a  une  fa- 
veur hade  ,  mucilagiaeufe  ,  aqueufe, 
tin  peu  gluame.  Elle  eft  émollisnte, 
adouciflante ,  laxative  :  c'eft  une  des 
quatre  premières  herbes  cmollientes. 
JLes  fleurs  calment  la  foif  ,  favori- 
fent  l'expecloration ,  nourriflent  très- 
légèrement  ,  rendent  le  cours  des  uri- 
nes plus  facile ,  diminuent  leur  âcretc, 
&  maintiennent  le  ventre  libre.  En 
lavement ,  elles  font  indiquées  dans 
la  rétention  des  matières  fécales  , 
dans  les  coliques  par  des  matières 
acres  ,  dans  le  tenefme  &  la  dylTen- 
terie.  Les  feuilles  de  mauve  ,  fous 
forme  de  caraplafme ,  relâchent  la 
portion  des  tégumens  fur  lefîjuels  on 
les  applique,  &  calment  la  douleur, 
la  chaleur  &  la  dureté  des  tumeurs 
.phlegmoneuTes.  La  racine  efl;  recom- 
mandée dans  les  efpèces  de  maladies 
43Ù  les  fleurs  font  indiquées. 

Ufages.  Fleurs  récentes ,  depuis 
demi-drachme  jufqu'à  demi-once  en 
jnfuflon  dans  fix  onces  d'eau  j  fleurs 
fèches  ,  depuis  huit  grains  jufqu'à 
deux  drachmes  dans  cinq  onces  d'eau  ; 
feuilles  récentes,  broyées  dans  fuflS- 
fante  quantité  d'eau  ,  jufqu'à  conflf- 
tance  pulpeufe  pour  cataplafme  ^  ra- 
cine fcche  ,  depuis  deux  drachmes 
jufqu'à  demi-once,  en  décoction  dans 
huit  onces  d'eau. 

En  général ,  toutes  les  mauves  ,  les 
althx'a&  les  lavatères  ont  les  mêmes 
propriétés  j  elles  ne  dificrent  qu'en 
raifon  d'un  peu  pins,  ou  d'un  peu 


moms  de  mucilage. 


Mauve-Rose  ou  d'Outremer  ou 
Détremier.  ou  Passe- Rosu.  Malya 


M  A  U 

rofej  3  folio  fubiotundo ,  flore  wiriet 
C.  B  P.  Alcea  rofea.  Lin.  Elle  eft  de 
la  même  claiïe  que  la  précédente. 
La  corolle  elt  beaucoup  plus  grande, 
ainlî  que  le  fruit  qui  eft  plus  applati. 
Les  feuilles  font  finueules ,  en  forme 
de  coeur,   anguleufes  ,  très -larges, 

couvertes   d'un   duvet  fin Les 

tiges  s'élèvent  depuis  quatre  jufqu'à 
fix  pieds ,  &  même  plus  j  elles  font 
épailles ,  folides,  veUies.  Les  feuilles 
cl;  bas  font  arrondies ,  &  les  autres 
anguleufes,  à  cinq  ou  fix  découpures, 
crénelées  dans  leurs  bords. 

Aucune  fleur  ne  malfe  plus  agréa- 
blement dans  un  grand  parterre ,  dans 
de  larges  plattes-bandes ,  à  l'entrée 
des  bofquets ,  dans  les  clarières  des 
bois,  où  l'on  eft  agréablement  fur- 
pris  d'en  trouver.  Les  fleurs  varienr 
dans  toutes  les  couleurs  poflibles  :  ou 
fait  peu  de  cas  des  pieds  à  fleurs 
fimples. 

Cette  plante  n'exige  aucun  foin 
particulier  :  on  la  feme  au  premier 
printemps  dans  de  bon  terreau ,  & 
dès  qu'elle  eft  affez  forte ,  on  la  tranf- 
plante  à  demeure.  Elle  ne  fleurie 
pas  la  première  année,  mais  à  la 
leconde  &  à  la  troifième.  Plufieurs 
auteurs  l'ont  reçrardée  comme  une 
plante  bienne.  Toutes  celles  que  j'ai 
fous  les  yeux  dans  ce  moment,  font 
plantées  depuis  quatre  ans.  Si  on 
veut  la  conterver ,  on  ne  doit  pas 
attendre  pour  couper  les  tiges ,  que 
les  graines  foient  mûres  j  il  faut 
abattre  les  tiges  &  les  couper  près  de 
terre ,  dès  que  les  fleurs  font  paflées, 
A  l'entrée  de  l'hiver  ,  il  convient 
d'enfouir  au  pied  une  certaine  quantité 
de  fumier,  non  pour  la  garantir  du 
froid  qu'elle  ne  craint  pas,  mais  afin 
de  renouveller  près  d'elle  la  terre 
végétale  ,  fortement  absorbée  par  fa 

■irande 


M  A  U* 

grande  vcgéranoii ,  &:  pendant  l'ccé, 
elle  demande  à  c:ie  fouvent  arrofée, 
fur-tout  dans  les  provinces  du  midi. 
Cette  plante  eft  originaire  d'orient. 

La  Mauve  en  arbre.  Aiths-a  ma- 
ricima,  arborea ,  vencta.  Tourn.  La- 
vatera  arborea.  Lin.  Mcme  claffe 
que  les  précédentes.  Elle  en  diffère 
par  fon  calice  extérieur,  découpe  en 
trois  pièces ,  au  lieu  que  celui  des 
mauves  eft  compofé  de  trois  feuilles 
diftinéles.  Ses  feuilles  font  à  fept 
angles,  veloutées  <Sc  plilfées.  La  tige 
s'élève  en  arbre  j  elle  eft  brancliue , 
ferme,  foiide,  blanchâtre;  elle  eft 
originaire  d'Italie,  Se  on  la  cultive 
dans  nos  jardins ,  non  à  caufe  de  la 
beauté  de  fes  fleurs ,  mais  par  rap- 
port à  la  forme  pittorefque  de  fes 
branches.  Elle  ne  fauroit  palfer  l'hi- 
ver en  pleine  terre  dans  les  pro- 
vinces du  nord,  &  elle  réufllt  très- 
bien  dans  celles  du  midi.  Sa  culture 
eft  la  même  que  celle  de  la  pré- 
cédente. 

LaMauveouRosedeCayenne. 
Kcrtnia  Syrorum  quibufdam.  Toxjrn. 
Hibifcus  fyriacus.  Lin.  Tige  en  ar- 
bre, feuilles  ovales,  en  forme  de 
lance  ,  dentelées  fur  leurs  bords  en 
manière  de  fcie.  Elle  varie  quelque- 
fois par  fes  feuilles  découpées  en 
trois  lobes  j  celui  du  milieu  eft  le 
plus  grand. 

Von  Linné  compte  vingt  -  deux 
efpèces  de  mauves.  Commencer  Ou- 
vrage n'eft  point  un  didionnaire  de 
botanique  ,  il  eft  inutile  d'en  parler  : 
d'ailleurs  ell«s  ne  font  d'aucune  uti- 
lité pour  la  décoration  d'un  parterre. 

MAYENNE.  [Foyei  Auber- 
gine ) 

Tome  FI, 


MED  457 

MÉDICAMENT,  Médecine 
RURALE.  On  entend  par  médicament 
toute  fubftance  qui,  prife  intérieu- 
rement ,  ou  appliquée  extérieure- 
ment ,  a  la  propriété  de  changer  les 
difpofuions  vicieufes  des  parties,  tant 
fluides  que  folides  du  corps  ,  en 
des  meilleures.  Les  médicamens  font 
fimples  ,  ou  compofés  :  les  lunples 
font  ceux  qu'on  emploie  fans  pré- 
paration ,  'éz  tels  que  la  nature  les 
offre  ;  les  compofés  font  toujours 
faits  par  différens  mélanges. 

On  les  divife  aufli  en  internes  , 
externes  &  moyens.  Les  premiers  fe 
prennent  intérieurement  ;  les  externes 
s'appliquent  extérieurement ,  &z  les 
moyens  font  ceux  qu'on  introduit 
dans  quelque  cavité ,  pour  les  faire 
fortir  bientôt  après  qu'Us  font  reçus, 
comme  les  gargarifmes  &  les  clif- 
tères.  M.  de  Z.a/?://rtfj  célèbre  médecin 
de  Montpellier  ,  nous  apprend  que  la 
connoilfance  des  médicamens  eft  ou 
empirique  ,  ou  rationnelle. 

«  La  connoiflance  empirique  fe 
»  borne  ,  félon  lui,  à  leur  hiftoire , 
«  à  leur  caractère  diftinétif,  aux  pays 
)i  d'où  on  les  tire ,  aux  cas  où  on  les 
»  emploie,  aux  effets  qu'ils  ont  pro- 
»  duit,  à  la  manière  de  les  donner, 
«  &  à  la  dofe  cà  laquelle  on  les 
»  prefcrit. 

»  Les  empiriques  fe  ^ondoIent  en- 
o  core  fur  l'analogie;  &  voyant  qu'un 
»  tel  remède  avoit  opéré  de  bons  ef- 
«  fets  dans  une  maladie  ,  ils  em- 
»  ployoient  le  même  remède  dans 
»  une  autre  qui  lui  étoit  analogue  ". 

La  connoilfance  rationnelle  va  plus 
loin  ;  &  après  avoir  adopté  tout  ce 
que  les  empiriques  ont  découvert 
fur  les  effets  des  médicamens,  elle 
tâche  d'en  connoître  la  caufe,  pour 
pouvoir  enfuite  les  employer  dans 
M  m  m 


458 


M  É  D 


les  cas  où  Ton  n'en  avoir  fait  aucun 
ufage. 

C'elt  cette  route  qu'ont  pris  les 
partifans  de  la  nouvelle  médecine  ; 
&  tien  loin  de  fe  fonder  far  la  ref- 
femblance  qu'ils  appercevoient  dans 
certaines  plantes,  &  certaines  parties 
dn  corps  humain  ,  ôc  de  dire  que 
l'hépatique  étoit  le  fpécifique  des 
maladies  du  foie,  ils  ont,  au  con- 
traire ,  fournis  les  médicamens  à  l'a- 
nalyfe  chymique  j  mais  on  peut  dire 
que  cette  méthode  n'a  pas  été  plus 
iatisfaifante  que  celle  des  anciens. 

Ces  analyfes  font  prefque  toujours 
fufpeétes  :  l'aétion  du  feu  ne  peut- 
elle  pas  changer  &  altérer  les  qualités 
des  corps  qu'on  y  foumet ,  &  leur  en 
donner  quelquefois  monis  qu'ils  n'en 
avoient  dans  leur  état  naturel  ?  Les 
fels  alkalins  qu'on  forme  avec  certains 
corps  par  l'aétion  du  feu  ,  &  qui 
n'exiftoient  point  auparavant  dans 
ces  mêmes  corps ,  font  une  preuve 
très- complète  de  cette  alfertion. 
Outre  l'analyfe  chymique ,  n'a-t-on 
pas  mêlé  différentes  fubftances  avec 
du  fang  extravafé  ?  ne  les  a-r-on  pas 
injedtées  dans  les  vailTeaux  des  ani- 
maux vi  vans,  pour  obferver  les  effets 
qu'elles  produiroient  ?  On  n'a  pas  été 
plus  heureux  :  cette  dernière  méthode 
eil  aullî  vicieufe  que  la  première  , 
parce  que  les  effets  d'un  médicament 
font  bien  différens  avec  le  fang  qui 
circule;  parce  qu'une  même  dofe  , 
portée  immédiatement  dans  le  fang  , 
agit  bien  différemment  que  quand 
elle  palfe  par  les  voies  de  la  digeftion. 
D'après  cela ,  on  doir  conclure  qu'il 
faut  fe  contenter  d'une  phar'maco- 
logie  expérimentale,  jufqu'à  ce  qu'on 
en  ait  découvert  une  rationnelle  qui 
nous  contente  plus  que  celles  qui 
ont  paru  jufqu'à  préfent. 


M  É  D 

Nous  n'entrerons  point  dans  une 
difcuflîon  plus  longue  ;  nous  nous 
contenterons  de  faire  obferver  que 
les  médicamens  ne  peuvent  être  uti- 
les ,  que  lotfqu'ils  font  indiqués  & 
adminilbés  avec  prudence  ;  que  leur 
réullite  dépend  le  plus  fouvent  du 
bon  régime  des  malades  :  s'il  elt  né- 
gligé, les  remèdes  ne  produifent  au- 
cun bon  effet. 

On  doit  préférer  les  remèdes 
fimples  aux  compofés;  les  premiers 
font  toujours  moins  dangereux  , 
&  leurs  bons  effets  font  toujours 
mieux  affurés  ;  ils  enttent  plus  dans 
les  vues  de  la  nature  ,  &c  fécondent 
bien  mieux  fes  efforts  :  mais ,  mal- 
heureufement  pour  l'humanité  ,  tout 
le  monde  s'érige  en  médecin  \  il 
n'eft  pas  de  bonne  femme  qui  n'ait 
chez  elle  un  remède  univerfel ,  & 
quoique  ce  remède  foit  pour  l'or- 
dinaire mal  adminiftré  &  produife 
de  mauvais  effets,  les  perfonnes  les 
plus  conftituées  en  dignité  font  celles 
qui  l'accréditent  le  plus ,  &  lui  don- 
nent le  plus  de  vogue;  mais  aufïï, 
peu  de  temps  après  qu'elles  en  ont 
fait  ufage ,  elles  ne  tardent  pas  à  s'en 
repentir  ,  en  devenant  les  vidimes 
de  leur  croyance  ou  de  leur  opiniâ- 
treté. 

La  nature  infpire  fouvent  le  goût 
des  remèdes  convenables  à  la  ma- 
ladie ;  le  médecin  doit  alors  fe 
piêter  au  goût  &  aux  défirs  des  ma- 
lades. C'efl  d'après  ce  principe  que 
Degner  permit  à  une  femme  hydio- 
pique  de  manger  des  fèves  de  ma- 
rais, qui  la  guérirent  de  fa  maladie. 
Cet  exemple  n'eft  pas  le  fcul  qu'on 
pourroit  citer;  on  en  trouveroir  une 
infinité  d'autres  avérés  par  les  gens 
de  l'art  les  plus  expérimentés. 

L'ufacre  continu  des  remèdes  en 


MED 

rend  les  effets  fouvenc  nuls;  on  do'ic 
donc  les  varier  quand  on  les  prend 
comme  prcfervatifs ,  &  dans  les  ma- 
ladies chroniques  ils  doivent  être  ad- 
miniftrés  avec  ordre,  avec  précaution 
ôc  avec  prudence;  mais  le  premier 
de  tous  les  médicamens,  infpiré  par 
la  nature,  eft  l'eau,  &  l'on  guériroit 
beaucoup  de  maladies  par  fon  feul 
ufage  ,  Il  les  médecins  étoient  affez 
patiens  pour  attendre  les  mouvemens 
critiques  de  la  nature,  Se  les  malades 
pour  fupportet  leurs  maux.  M.  Ami. 

MÉDECINIER.  (  roye^  Riccin  ) 

MÉLÈSE  ou  LARIX.  Tournefort 
le  place  dans  la  troitième  feétion  de 
la  dix-neuvième  clafle  des  arbres  à 
fleurs  mâles  féparées  des  fleurs  fe- 
melles, mais  fur  le  même  pied  ,  6c 
dont  le  fruit  eft  en  cône,  &  il  l'ap- 
pelle Larix  folio  deciduo  y  conifera. 
Von  Linné  le  clalfe  dans  la  mo- 
noécie  monodelphie,  &  l'appelle /7i- 
nus  larix. 

Fleur.  A  chaton  ,  mâles  &  fe- 
melles fur  le  même  pied  ;  les  fleurs 
mâles  ,  difpofées  en  grappes ,  com- 
pofées  de  plufieurs  étamines  réunies 
à  leur  bafe  en  forme  de  colonne,  &c 
de  plufieurs  écailles  qui  tiennent  lieu 
de  calice  &  forment  un  chaton  ccail- 
leux.  Les  fleurs  femelles  compofées 
d'un  piftil ,  raflemblces  deux  à  deux 
fous  des  écailles  qui  forment  un 
corps  ovale ,  cylindrique,  qu'on  nom- 
me cône. 

Fruits.  Cônes  ,  moins  alon^cs  , 
plus  petits,  plus  pointus  que  ceux  du 
fapin  ;  d'un  pourpre  violet. 

Feuilles.  Petites,  molles,  obtufes, 
raffemblées  en  faifceau. 

Port.  Grand  arbre,  l'écorce^de  la 


?>I  EL  45  9 

tige  lilfe ,  celle  des  branches  rabo- 
teufe ,  prefqu'écailleufe  :  les  branches 
divifées  ,  étendues ,  pliantes ,  incli= 
nées  vers  la  terre,  le  bois  tendre, 
réfineux  ,  les  feuilles  raffemblées  par 
houppes  fur  un  rubercule  de  l'écorce; 
elles  tombent  &  fe  renouvellent  cha- 
que année,  ce  qui  le  diftingue  du 
cèdre  du  Liban  (  ^^oye^  ce  mot  )  qui 
eft  une  efpèce  de  mélèfe  ,  dont  les 
cônes  font  très-gros ,  ronds  &  obtus  : 
les  cônes  du  mélèfe  font  adhérens 
aux  tiges,  &  diftribués  le  long  des 
branches. 

Lieu.  Les  Alpes  ,  les  montagnes 
du  Dauphiné ,  &c. 

La  féconde  efpèce  eft  le  mélèfe 
noir  à'Amériijue  _,  à  petits  cônes  lâ- 
ches ,  &c  à  écorce  brune. 

La  troifième ,  le  mélèfe  de  Sibe'rie y 
à  feuilles  plus  longues  &  à  plus  gros 
cônes. 

La  quatrième,  le  mélèfe  nain. 

La  cinquième,  le  mélèfe  à  feuilles 
aiguës  ,  ou  cèdre  du  Liban ,  dont  il  a 
été  fait  mention  au  mot  Cèdre. 

Section    premiers. 

EJl-d pojjlble  de  multiplier  le  mélèfe? 

11  eft  furprenant  qu'on  n'ait  pas 
fongé  à  multiplier  en  France  un  ar- 
bre fi  précieux  ,  &  il  eft  plus  fur- 
prenant  encore,  que  dans  nos  envi- 
rons j  on  ne  le  trouve  que  dans  les 
Alpes,  chez  les  Grifons ,  en  Savoye 
&i  en  Dauphiné.  A  quoi  tient  donc 
cette  localité?  pourquoi  neviendroit- 
il  pas  aulll  bien  fur  les  Pyrénées  ? 
Une  vieille  tradition  dit  que  le  mc- 
lèle  ne  croît  que  fur  les  hautes  mon- 
tagnes ,  au  •  dtffus  de  la  rcqion  des 
fapins ,  &  au  -  deffous  de  celle  des 
M  m  m  1 


4<îo 


M  É  L 


ahiès.  (  I  )  Eft-ce  parce  que  les  Py- 
rénées   font  moins  élevées  que  les 
Alpes  ?  eft-ce  à  caufe  de  la  qualité  du 
fol  ?  Tâchons,  par  des  points  de  fait, 
à  jeter  quelque  jour  fur  ces  queftions. 
Dans    le    Briançonnois   ,    moins 
élevé  que  les  Alpes  6c  que  les  Py- 
rénées ,  le  mtlèfe  eft  un  des  arbres 
les  plus  communs.  Dans  la  vallée  du 
Rhône,  &  fort  peu  au-delTus  du  ni- 
veau du  lac  de  Genève,  la  graine, 
entraînée    des  montagnes  fupérieu- 
res,  foit  par  les  vents,  foit  par  les 
eaux,  y  a  germé,  &  il  en  eft  pro- 
venu des  mélèfes  qui  végèrent  tout 
audî  bien  que  ceux  des  plus   hautes 
montagnes.  S'il  n'y  a  point  de  mélèfe 
dans  les  Pyrénées  &  fur  les  hautes 
montagnes  de  l'intérieur  du  royaume, 
c'eft  parce  qu'il  n'y  a  jamais  eu  de 
femences  dans  le  pays ,  &.  que  d'au- 
rres  arbres  fe  font  emparés  du  fol  ; 
il  n'eft  pas  douteux  que  fi  un  feul 
grain  y  eût  frudifié ,  le  haut  des  Py- 
rénées en  feroit  couvert  aujourd'hui. 
Admettons   pour  un   inllant  que  le 
fommet  de  ces  montagnes  feroit  au- 
delTus  de  la  région  des  fapins;  mais 
au-delTous  de  cetterégion  les  Pyrénées 
font  couvertes  par  de  fertiles  pâtura- 
ges,  qui  ccnviendroient  aux  mélèles 
autant  que  les  Alpes.  Il  y  a  dans  les 
plus  hautes  Alpes  des  pays  entiers  où 
l'on  ne  le  connoît  pas,  &  où  cepen- 
dant la  nature  eftabfolument  fa  même 
que  dans   celle  où   l'on    en    voit  de 
grandes  forets.  Le  pays  le  plus  fertile 
en  Suille  eft  le  Valais ,  vallée  très- 
étroite  ,  où  coule  le  Rhône  depuis  fa 


M  É  L 

fource  jufqu'au  gouvernement  d'Ai- 
gle, &  de-là  jufqu'au  lac  de  Genève. 
Cette  vallée  eft  au  nord,  féparée  du 
canton  de  Berne ,  &  au  fud ,  de  l'Italie , 
par  deux  chaînes  de  montagnes  qui 
font  les  plus  hauts  glaciers  de  l'Eu- 
rope. La  patrie  du  mélèfe  eft  fur  ces 
deux  chaînes  de  montagnes  du  côté 
de  l'Italie;  on  les  retrouve  au  revers 
de  cette  chaîne  au  pied  des  glaciers 
de  Chamonix,  &  plus  loin  dans  toute 
la  Savoye  Se  dans  tout  le  haut  Dau- 
phiné.  Du  côté  de  Berne  on  en  voit 
fur  la  même  montagne,  au  revers  & 
au-delTus  des  fapins;  mais  plus  loin  , 
à  Grindelvald  ,  à  Lautterbruum  ,  Se 
au  -  delà  jufqu'à  Lucerne  ,  le  nom 
même  eft  inconnu;  cependant  c'eft  la 
même  expofition,  le  même  fol,  Sec, 
les  femences  n'y  ont  dcMic  pas  été 
tranfportées  ? 

Il  eft  très-vrai  en  général  que  les 
mélèfes  habitent  la  région  fupérieure 
à  celle  des  fapins,  mais  on  ne  doit 
pas  en  conclure,  ainfi  que  je  l'ai  déjà 
dit,  qu'ils  ne  peuvent  pas  en  habiter 
d'autres;  voici  la  preuve  du  contraire. 
Dans  le  Valais  &  fur  la  côte  au- 
delfus  des  vignes ,  qui,  dans  ce  pays, 
font  la  culture  des  côtes  balfes ,  oa 
voit  de  grandes  forêts  qui  ne  font 
pas  à  une  hauteur  exceftîve;  elles  fonc 
mêlées  de  mélèfes  &  6' tpicia  ,  (  i  ) 
de  fapins  Voilà  donc  le  niélèfe  déjà 
defcendu  d'un  étatre. 

A  Bex  ,  dans  le  gouvernement  de 
l'Aigle,  pays  bas,  à  la  ttte  du  lac 
de  Genève,  on  voit  des  mélèfes  crîrs 
fpontanément  fur  une  colline,  voiCne 


(  i)  C'eft  le  pinus  c'imhn.   Lin. 

(i)  Nous  nommoiT;  en  France  vrai  fapin  celui  qu'en  Suifle  on  appelle  /apin  blanc, 
ftnus  picea,  LiN.  &  celui  qu'en  Fr.ince  on  appelle  epicia  ,.  eft  conna  eu  SuiiTe  fous  le 
eojïi  èe  fapiti  rouge  ,  pinus  alfits.  Lin. 


M  É  L 

d'une  châtaigneraie  ,  de  M.  Veillon  , 
à  qui  elle  appartient  ,  encouragé  par 
le  fuccè's ,  a  femé  de  la  graine  dans 
fa  châtaigneraie ,  &  elle  y  réulht  à 
tel  point  que,  dans  quelques  années, 
il  faudra  détruire  les  châtaigniers  pour 
conferver  les  mclèfes.  Lorfqu'on  abat 
les  forêts  d  epicia  &  de  mélèfe,i[  ne 
recroît  d'abord  que  des  épicia,  & 
quand  on  fait  enfuite  une  coupe  de  cet 
arbre,  il  croît  des  mélèfes.  Le  mélèfe 
refte  longtemps  à  poulfer  j  ce  n'eft 
que  lorfque  fes  racines  fe  font  for- 
tifiées en  terre,  lorfqu'on  lui  donne 
de  l'air ,  que,  femblable  au  chêne, 
il  s'empare  de  tout  le  terrein,  &  dé- 
truit tous  les  arbres  qui  l'avoifinenr. 

Il  faut  convenir  cependant  que  les 
mélèfes  des  pays  bas  font  moins  hauts, 
moins  élancés  que  ceux  des  hautes 
montagnes  ;  mais  en  revanche  la  qua- 
lité de  leur  bois  eft  non  -  feulement 
égale,  mais  encore  fupérieure. 

Dans  la  vallée  de  Chamonix,  qui 
eft  à  la  vérité  un  pays  beaucoup  plus 
élevé  que  le  dernier ,  on  voit  des  bois 
entièrement  de  mélèfe  j  cela  eft  con- 
forme à  la  règle  générale:  mais  dans 
la  vallée,  même  au  pied  de  la  fource 
de  l'Alveron ,  on  traverfe  un  bois  de 
mélèfe  &  d'épicia,  &  ceci  eft  encore 
une  exception  à  la  prétendue  règle 
générale  ,  fuivant  laquelle  la  région 
des  mélèfes  devroit  être  au-deflus  de 
celle  des  fapins.  Dans  le  Chamonix 
comme  dans|le  Valais,  les  graines  des 
mélèfes  des  montagnes  font  portées 
dans  les  vallées,  &  y  produifent  des 
arbres.  Enfin  fur  les  bords  de  l'Arve 
on  trouve  cet  arbre  mêlé  avec  les 
aulnes  6c  autres  bais  foreftiers ,  preuve 
inconteftableque  le  terrein  fcc  ik  fort 
élevé  n'eft  pas  eiï'entiel  à  la  végéta- 
lion  du  tîiélèfe. 

Pour  qu'un  arbre  fe  rende  maîtne 


M  E  L  4(îi 

d'un  pays ,  &  qu'il  y  faffe  une  forêt ,  il 
ne  (uftît  pas  que  le  tetrein  &  le  cli- 
mat lui  fuient  favorables,  il  faut  qu'ils 
ne  conviennent  pas  à  d'autres  arbres 
ou  à  d'autres  plantes  qui  excluent  ce- 
lui-ci j  c'eft  ce  que  l'on  voit  chaque 
jour  dans  une  bruyère  ou  une  lande 
que  l'on  défriche,  le  chêne  y  vient 
bien  après  le  défrichement;  par  le 
moyen  de  la  culture,  ce  terrein  con- 
vient au  chêne,  puifqu'il  y  réuilit, 
mais  il  convenoit  encore  mieux  à  la 
bruyère ,  &c.  :  voilà  pourquoi  il  a 
fallu  la  détruire,  &  l'empêcher  de 
recroître  pour  que  le  chêne  put  y 
profpérer. 

Dans  létat  de  pure  nature,  route 
la  Suilfe,  la  Savoye,  le  Briançonnois 
étoient  une  forêt;  au-deftus  de  la 
région  des  fapins  éroit  celle  des  hê- 
tres,  des  châtaigniers,  des  chênes  , 
enfin  des  broullailles ,  &;  dans  les 
vallées  étoit  celle  des  arbres  aqua- 
tiques, des  rofeaux,  &c.  :  il  n'eft  donc 
pas  furprenant  que  dans  ces  fourrés 
le  mélèfe  ne  pût  pas  fe  faire  jour, 
év'  c'eft  la  raifon  pour  laquelle  il  eft 
refté  depuis  tant  &  tant  de  fiècles  au 
haut  des  montagnes,  oi^i  il  n'a  pas 
trouvé  les  mêmes  antagoniftes  que 
dans  les  parties  inférieures.  Ce  n'eft 
donc  que  depuis  que  la  Suifle  eft 
défrichée  ,  que  les  graines  empor- 
tées par  les  vents,  &c.,  font  tombées 
dans  un  terrein  où  elles  ont  eu  alTez 
d'air  &  allez  d'efpace  pour  prof- 
pérer; mais  il  faut  peut-être  bien 
des  fiècles  pour  qu'un  arbre  fe  na- 
turalife  de  lui-même  dans  un  nou- 
veau pays.  ...au  furplusjceux  qui  on 
défriché  les  balfes  montagnes  &  les 
vallées,  fe  font  toujours  oppofés  juf- 
qu'à  préfent  à  la  croilTance  du  mélèfe. 
Les  vignerons  du  Valais  les  ont  sir- 
remenc  arrachés  avec  les  maii.vaif<i9. 


4^i 


M  É  L 


herbes  qui  miifenc  à  leurs  vignes , 
&  ceux  qui  ont  des  châtaigneraies 
ou  des  vergers ,  après  avoir  décruic 
aulîî  les  mauvaifes  herbes  pendant  la 
jeunefTe  de  leurs  arbres ,  ont  fait  de- 
puis de  ces  vergers  un  pâturage  où  les 
vaches  font  continuellement,  (Se  les 
animaux  détruifent  le  jeune  plant  en 
le  piétinant. 

Il  eft  donc  bien  prouvé  ,  &  ce 
point  eft  important,  que  les  mélèfes 
végètent  très -bien  dans  des  régions 
au-dellousde  celles  des  fapins,  qu'ils 
croilfent  à-peu-près  dans  toutes  fortes 
de  fonds  j  mais  il  s'agit  de  prouver 
encore  par  des  faits,  que  le  fuccès 
couronne  fa  culture. 

Dans  un  bailliage  du  pays  de  Vaud , 
pays  très -éloigné  des  mélèfes,  M. 
Engel  a  fait  planrer,  il  y  a  quelques 
années  ,  un  fort  grand  terrein  en 
mélèfes,  par  ordre  &  pour  le  compte 
de  la  république  de  Berne,  Se  cette 
opérarion  a  fingulièrement  bien  réullî. 

A  Bafle,  dans  le  jardin  du  Marg- 
Grave  de  Baden-Dourlat,  on  en  voit 
de  fort  beaux ,  également  plantés  à 
main  d'homme. 

Enfin  M.  Duhamel ,  fi  connu  par 
fon  zèle  patriotique ,  &  fi  digne  des 
regrets  de  tous  les  bons  citoyens,  a 
été  le  premier  françois  qui  ait  cul- 
tivé le  mélèfe  ;  non-feulement  cet 
arbre  a  réufli  dans  la  terre  de  Vrigny, 
mais  il  s'y  reproduit  aujourd'hui  de 
lui-même  par  fa  propre  graine.  Il  n'eft 
pas  douteux  que  les  bois  de  Vrigny , 
limitrophes  de  la  forêt  d'Orléans,  ne 
peuplent  peu-à-peu  cette  dernière,  fi 
le  bétail  ne  piétine  pas  les  jeunes 
pieds.  Se  lion  refpefte  le  jeune  plant 
lorfque  l'on  coupera  les  raillis.  Enfin 
on  a  commencé  à  s'occuper  de  la 
culture  du  mélèfe  dans  la  haute  Al- 
facej  il  ne  refte  donc  plus  de  doute 


M  E  L 

fur  la  poflibilité  de  cultiver  cet  arbre 
dans  les  autres  parties  montueufes  du 
royaume,  &  mêmes  dans  les  plaines 
des  provinces  tempérées. 


E    C    T    I    o    N 


I  I. 


Quelle    eji  la  manière  de   multiplier 
le  mélèfe? 

Je  n'ai  jamais  été  dans  le  cas  de 

cultiver  le  mélèfe  j  je  vais  emprun- 
ter cet  article  de  M.  le  Baron  de 
Tfchoudi. 

Quoique  les  cônes  du  mélèfe ,  at- 
tachés à  l'arbre,  ouvrent  d'eux-mêmes 
leurs  écailles  vers  la  fin  de  mars  par 
l'adion  réitérée  des  rayons  du  foleil, 
cependant  je  n'ai   pu  parvenir,   dit 
l'Auteur ,  à  les  faire  ouvrir  dans  un 
four  médiocrement  échauffé  ;  on  eft 
contraint  de  lever  les  écailles  les  imes 
après  les  autres  avec  la  lame  d'un  cou- 
teau, pour  en  tirer  la  graine ,  à  moins 
que ,  déjà  pourvu  de  mélèfes  fertiles, 
on  n'attende,  pour  la  femer,  le  mo- 
ment où  elle  eft  près  de  s'échapper 
de  fes  entraves,  moment  qui,  indique 
par  la  nature ,  doit  être  fans  doute  le 
plus  propre  à  leur  prompre  Se  sûre 
germination.  Il  eftplufieurs  méthodes 
de  faire  ces  femis  de  mélèfes ,  qui 
font  adaptées  au  but  qu'on  fe  pro- 
pofe .    ..  Ne  voulez-vous  élever  de 
ces  arbres  qu'en  petit  nombre ,  &  dans 
la  vue  feulement  d'en  garnir  des  bof- 
quets,  d'en  former  des  allées?  femez 
dans  de  petites  cailfes  de  fept  pouces 
de  profondeur,  remplilfez  ces  cailTes 
de  bonne  rerre  fraîche  &  onûueufe, 
mêlée  de  fable  Se  de  terreau;  unifiez 
bien  la  fuperficie ,  répandez  enfuite 
des  grains  affez  épais,  couvrez -les 
de  moins  d'un  demi-poure  de  fable 
fin ,  mêlé  de  terreau  tamifé  ,  de  bois 
pourri  &  devenu  terre  j  ferrez  enfuite 


M  E  L 

avec  une  planchette  unie  ,  enterrez 
ces  caiires  dans  une  couche  de  fu- 
miec  récent  ,  arrofez  de  temps  à 
autre  avec  un  goupillon ,  ombragez- 
les  de  paillalfons  pendant  la  chaleur 
du  jour,  diminuez  graduellement  cet 
ombrage  vers  \z  fin  de  juillet ,  Se  le 
fuccès  de  vos  graines  fera  très -cer- 
tain. Si  vous  voulez  multiplier  cet 
arbre  en  plus  grande  quantité, femez 
avec  les  mêmes  attentions  &  dans 
de  longues  cailTes ,  enterrées  au  levant 
ou  au  nord ,  ou  fous  l'ombre  de  quel- 
ques hauts  arbres,  ou  bien  en  pleine 
terre  dans  des  lieux  frais  fans  être 
humides ,  ayant  toujours  loin  de 
procurer  un  ombrage  artihciel  lorf- 
que  des  feuillées  voilînes  n'y  fupplé- 
ront  pas. 

L'ombre  eft  plus  elTentielle  encore 
aux  jeunes  mélèfes,  qu'aux  fapins  & 
aux  pins ,  quoique  dans  la  fuite  ils 
s'en  pairent  plus  aifément  que  ceux-ci. 

Le  troifième  printemps ,  un  jour 
doux,  nébuleux  ou  pluvieux  du  com- 
inencement  d'avril,  vous  tirerez  ces 
petits  arbres  du  femis ,  ayant  atten- 
tion de  garder  leurs  racines  entières 
&  intaétes,  &  de  les  planter  dans 
une  planche  de  terre  commune  «Se 
bien  façonnée,  à  un  pied  les  uns  des 
autres  en  tout  fens  5  vous  en  formerez 
trois  rangées  de  fuite,  que  vous  cou- 
vrirez de  cerceaux,  fur  lefquelsvous 
placerez  de  la  fane  de  pois  5  vous 
ajufterez  en  plantant ,  contre  la  ra- 
cine de  chacun  ,  un  peu  de  la  terre 
du  femis,  vous  ferrerez  doucement 
avec  le  pouce  autour  du  pied ,  après 
la  plantation  ,  &  y  appliquerez  un 
peu  de  mouffe  ou  de  menue  litière , 
&:  vous  arroferez  de  temps  à  autre 
jufqu'à  parfaite  reprife.  Deux  ans 
après  vos  mélèfes  auront  de  deux  à 
trois  pieds  de  hauteur  j  c'eft  l'inftaiu 


M  É  L 


4<Î3 


de  les  planter  à  demeure  ,  plus  forts 
ils  ne  reprendroient  pas  fi  bien ,  & 
ne  végcteroient  pas ,  à  beaucoup  près , 
fi  vite.  Vous  les  enlèverez  en  motte, 
6c  les  placerez  là  où  vous  voudrez  les 
fixer,  ayant  foin  de  mettre  de  menue 
litière  autour  de  leurs  pieds.  Vous 
pouvez  en  garnir  des  bofquets ,  en  for- 
mer des  allées  ou  en  planter  des  bois 
entiers  fur  des  coteaux  ,  au  bas  des 
vallons,  &  même  dans  des  lieux  in- 
cultes &  arides,  où  peu  d'autres  arbres 
réufliroient  aulîi  bien  que  celui  ci.  La 
diftance  convenable  à  mettre  entr'eux 
eft  de  douze  ou  quinze  pieds ,  mais 
pour  les  défendre  contre  les  vents 
qui  les  fatiguent  beaucoup  &  les 
font  plier  jufqu'à  terre,  vous  pouvez 
les  planter  d  abord  à  fix  pieds  les  uns 
des  autres,  fauf  à  en  ôter,  de  deux 
en  deux,  un  dans  la  fuite,  ce  qui 
vous  procurera  une  coupe  de  très- 
belles  perches.  La  même  raifon  doit 
engager  à  planter  les  bois  de  mélèfe, 
tant  qu'on  pourra,  dans  les  endroits 
les  plus  bas  <5c  les  plus  abrités  contie 
la  furie  des  vents.  On  fent  bien  que, 
dans  les  bofquets  &  les  allées ,  il 
faudra  foutenir  les  mélèfes  avec  des 
tuteurs  pendant  bien  des  années. 

Ce  feroit  en  vain  qu'on  tenteroit 
de  grand  femis  de  mélèle  ,  à  de- 
meure ,  par  les  méthodes  ordinaires  j 
la  ténacité  des  terres  empècheroit  la 
graine  de  lever  ;  les  foibles  plantu- 
lesqui  pourroient  paroître  ,  feroient 
enfuite  étouffées  par  les  mauvaifes 
herbes  ,  ou  dévorées  par  les  rayons 
du  foleil.  Nous  ne  connoiflons  que 
deux  moyens  praticables.  Plantez  des 
hayes  de  faule-marfaut  ,  à  quatre 
pieds  les  unes  des  autres,  &:  dirigées 
de  manière  à  parer  le  midi  «?c  le  cou- 
chant :  tenez  conftamment  entt'elles 
la  terre  nette  d'herbes.  Lorfque    les 


4^4 


M  É  L 


haies  auront  fix  pieds  de  haut,creii- 
fez  une  rigole  au  milieu  de  leur  in- 
tervalle, que  vous  remplirez  de  bonne 
terre  légère  ,  mêlée  de  fable  hn. 
Semez  par-dclFus  ,  ct  recouvrez  les 
graines  d'un  demi- pouce  de  terre, 
encore  plus  légère  ,  mêlée  de  ter- 
reau. Si  l'été  eft  un  peu  humide  ,  ce 
femis  lèvera  à  merveille  ,  &  vous  vous 
bornerez  à  le  nétoyer  avec  foin  des 
mauvaifes  herbes.  Vous  ôterez  fuc- 
ceilivement  ,  les  années  fuivantes  , 
les  petits  arbres  furabondans.  Lorf- 
qu'ils  pourront  fe  palTer  d'ombre  , 
vous  arracherez  les  marfauts.  Le 
produit  de  leur  coupe  payera  vos 
trais ,  &  voiK  aurez  un  bois  de  mé- 
lèfe. 

^utre  méthode.  C'eft  toujours  l'au- 
teur qui  parle.  Je  fuppofe  des  landes, 
des  brouilailles ,  un  terrein  en  herbe, 
ou  une  côte  rafe,  il  n'importe.  Vous 
aurez  des  caifTes  de  bois ,  ou  des 
panniers  d'oiier  brun  ,  fans  fond  , 
d'un  pied  en  quarré  ,  vous  les  plante- 
rez à  quatre  pieds  ,  en  tout  fens  , 
les  uns  des  autres  j  vous  les  rem- 
plirez d'un  mélange  de  terre  conve- 
nable ,  &  y  femerez  une  bonne  pin- 
cée de  graine  de  mélèfe.  Il  vous  fera 
facile  d'ombrager  les  panniers  avec 
deux  cerceaux  croifés  ,  fur  lefquels 
vous  mettrez  des  rofeaux  ,  ou  telle 
3utre  couverture  légère  qui  fera  le 
plus  à  votre  portée.  Par  les  temps 
focs  ,  il  fera  polfible  ,  dans  le  voi- 
finage  des  eaux  ,  d'arrofer  ces  pan- 
niers, autour  defquels  vous  tiendrez, 
ijec  d'herbes  ,  un  cercle  d'un  pied  de 
rayon  ,  à  prendre  des  bords  ;  vous 
en  uferez  dans  la  fuite  comme  il  a 
<ité  ditdans  la   méthode  première. 

Lesmélèfes  qui  viendroijt  en  bois, 
étant  d'abord  lotr  rapprochés  les  uns 
èç$  autres ,  u'aliront  pas  du  tout  be- 


M  E  L 

foin  d  être  étnyés  ;  la  privatian  du 
courant  d'air  fera  périr,  dans  la  fuite, 
leurs  branches  latérales.  A  l'égard  de 
ceux  plantés  à  de  grandes  diftances  , 
voici  comment  il  faudra  s'y  prendre 
pour  former  un  tronc  nud.  Vous  les 
lallferez  durant  trois  à  quatre  an- 
nées après  la  plantation,  fe  livrer  a 
tout  le  luxe  de  la  croilfance  j  les  bran- 
ches latérales  inférieures,  en  arrêtant 
la  fève  veis  le  pied  ,  le  fortifieront 
llngulièremenr  j  enfuite  ,  au  mois 
d'oétobre ,  tandis  que  la  fève  rallen-^ 
tie,  ne  laillera  exuder  de  thérében- 
thine  que  ce  qu'il  en  faudra  pour  ga- 
rantir les  blelîures  de  l'aélion  de  la 
gelée ,  vous  couperez  ,  près  de  l'é- 
corce  ,  l'étage  des  branches  les  plus 
inférieures ,  &  vous  vous  contente- 
rez ,  à  l'égard  de  celui  qui  eft  immé- 
diatement au-deflus ,  de  le  retrancher 
jufqu'à  quatre  ou  cinq  pouces  du  corps 
de  l'arbre.  Ces  chicots  végéteront 
foiblemenr,  tandis  que  les  plaies  d'en- 
bas  fe  refermeront;  l'automne  fui- 
vant  vous  les  couperez  près  de  l'é- 
corce  ,  &  formerez  de  nouveaux  chi- 
cots au-deflus;  vous  continuerez  ainfi , 
d'année  en  année  ,  jufqu'à  ce  que  vo- 
tre  arbre  ait  (ix  pieds  de  tige  nue, 
alors  vous  la  lailferez  trois  ou  quatre 
ans  dans  cette  proportion.  Ce  temps 
révolu ,  vous  pouvez  continuer  d'é- 
laguer jufqu'à  ce  que  votre  arbre  ait 
la  figure  que  vous  voulez  lui  donner. 
Nous  avons  multiplié  ,  continue 
l'auteur ,  les  mélèfes  par  les  marcottes , 
parriculièrement  le  mélèfe  noir  d'.A.- 
mérique.  Nous  avons  couché  des  bran- 
ches en  Juillet ,  en  faifint  une  coche 
à  la  partie  inférieure  de  la  courbure; 
ces  marcottes ,  bien  foignées  ,  fe  font 
trouvées  très-enracinées  à  la  troifième 
automne. Un  de  mes  voilîns  a  planté, 
ce  printemps ,  des  cônes  de  mélèfe  , 


M  É  L 

que  des  branches  percent  par  leur 
axe  ,  les  branches  ont  poulfé  ,  de 
ctoient  alFez  vigoureufes  b  dernière 
fois  que  je  les  ai  vues. 

Enrin ,  les  efpèces  rares  fe  greffent 
en  approche  (/''oye^  le  mot  Greffer) 
fur   le    mélèfe    commun.    J'ai   deux 
mélèfes  noirs  d'Amérique  ,   que  j'ai 
greffés  de  cette  manière ,  &  qui  font 
d'une  vigueur  &  d'une  beauté  éton- 
nantes; ils  font  une  fois  plus  gros  & 
plus  hauts  que  les  individus  de  cette 
efpèce,  qui  vivent  fur  leurs  propres 
racines.  Les  plus  petites  efpèces  doi- 
vent fe  greffer  fur  le  mélèfe  noir.  Je 
lie  doute  pas  que  les  pins  Se  les  fapins 
ne   puilFent   fe  multiplier  aufli   par 
cette  voie,  en  faifant  un  choix  con- 
venable des  efpèces  les  plus  difpofées 
à  contradler  entr'elles  cette  alliance. 
Les  mélèfes  fe  taillent   très-bien  : 
on  en  forme,  fous  le  cifeau,  des  py- 
ramides fuperbes ,  &  il   feroit  aifé , 
(  fi  la  mode  n'en  étoit  palTée ,  )  de  leur 
donner  ,  comme  aux  ifs ,  toutes  les 
figures  qu'on  voudroit  imaginer.  On 
en  forme  des  palilfades  qu'on   peur 
élever  auili  haut  que  l'on  veut.  Plan- 
tez des  mélèfes  de  trois  à  quatre  pieds 
de  haut,  &  à  quatre  ou  cinq  pieds  de 
diftance  chacun  ;   taillez-les  fur  leurs 
deux  faces ,  de  bas  en  haut ,   bientôt 
ils   fe    joindront   par  leurs  branches 
latérales ,  &  formeront  une  tenture 
verte,  des  plus  riches  &:  des  plus  agréa- 
bles à  la   vue.  Si   vous  voulez   jouir 
plus  vite  ,   plantez-les  plus  jeunes  , 
à  un  pied  &  demi  de  diftance  :  il  ne 
faut  les  tailler  qu'une  fois ,  &  choifir 
le  mois  d'odobre  ,  temps  où  la  fève 
rabattue ,  ne  fe  perd  plus  par  les  cou- 
pures. Les  mélèfes  feroient  trèî-pro- 
pres  à  couvrir  des  cabinets  &c  des  ton- 
nelles. La  terre  que  ces  arbres  fem- 
blent  préférer ,  quoiqu'ils  n'en  rebu- 
Tome  FI. 


M  É  L  4^5 

tent  aucune  j  eft  une  terre  douce  & 
onâiueufe ,  couleur  de  noifette  ,  ou 
rouge.  Tel  eft  le  réfumé  des  expé- 
riences faites  en  Alface  ,  par  M.  le 
baron  de  Tfchoudi ,  qui  nous  a  donné 
une  excellente  traduction  de  l'ou- 
vrage de  Miller,  intitulé  :  des  Arbres 
réjineux.  M.  Duhamel  ,  dans  fon 
traité  des  arbres ,  dit  :  fi  la  forêt  eft 
expofée  au  nord  ,  &  en  bon  terrein , 
les  mélèfes,  qui  n'ont  que  trois  pieds 
de  circonférence  par  le  bas ,  s'élèvent 
d'un  à  quatre-vingt  pieds  de  hauteur, 
après  quoi  ils  grolliifent  ,  &  ne  s'é- 
lèvent plus.  Cependant  ,  dans  le 
Valais  on  en  voit  de  très-beaux  du 
côté  du  midi  ,  &  qui  confirment  ce 
que  j'ai  avancé  dans  la  ptemière  fec- 
tion. 

Section     III. 

§.  \.De  l' utilité  du  Mélcfe  ,  confidcré 
comme  bois  de  conjlruclion. 

De  l'aveu  de  tous  ceux  qui  con- 
noilfent  cet  arbre  ,  c'eft  le  meilleur 
de  tous  les  bois ,  foit  pour  les  ou- 
vrages de  charpente  ,  foit  pour  ceux 
de  menuiferie.  Sa  force  égale  au  moins 
celle  du  chêne,  &  on  ne  connoît  pas 
les  bornes  de  fa  durée.  Il  réfifte  à 
l'air ,  &  durcit  dans  l'eau.  On  lit  dans 
les  Mémoires  de  la  Société  -  Econo- 
mique de  Berne  ,  que  Witfen  ,  au- 
teur Hollandois  ,  alTure  que  l'on  a 
trouvé  autrefois  un  vailTeau  Numide 
dans  la  Méditerranée,  &  qu'il  étoit 
conftruit  de  bois  de  mélèfe  &  de 
cyprès  ;  mais  qu'il  étoit  fi  dur  ,  qu'il 
réfiftoitau  fer  le  plus  tranchant.  D'au- 
tres alfurent ,  qu'une  pièce  de  ce  bois , 
plongée  pendant  fix  mois  dans  l'égoût 
de  fumier  ,  &  enfuite  dans  l'eau  , 
devient  dur  comme  de  la  pierre  & 
N  n  n 


^66 


M  É  L 


du  fer,  &  eft  iiiacceffible  à  la  corrup- 
tion. On  commence  fi  bien  à  recon- 
noitre  la  valeur  du  mélèfe  en  Suilfe  , 
qu'il  y  eft  fort:  recherché  &  payé  très- 
chèrement.  Chez,  les  Grifons ,  on  en 
fait  des  bardeaux  qui  durent  des  gé- 
nérations entières  ,  &  des  tonneaux 
qu'on  peut  appeller  éternels  ,  &  où 
le  fpiritueux  du  vin  ne  s'évapore 
prefque  pas. 

Dans  le  territoire  de  Bex ,  au  gou- 
vernement de  l'Aigle ,  on  voit  aujour- 
d'hui un  bâtiment  conftruit  avec  le 
bois  de  mélèfe  ,  qui  ,  à  préfent  eft 
une  écurie  ,  expofée  à  toutes  les  in- 
jures de  l'air  ;  cependant  elle  a  été 
bâne  en  1 5  5  (î ,  ainfi  que  le  porte  la 
date  gravée  fur  ce  bois. 

Dans  le  haut-Diuphiné ,  la  Savoye , 
le  pays  de  Vaux  ,  on  bâtit  des  maifons 
avec  des  pièces  de  ce  bois, de  l'cpaif- 
feur  d'un  pied  ,  pofées  horizontale- 
ment les  unes  fur  les  autres.  Il  n'eft 
pas  néceiîaire  de  recourir  à  un  en- 
duit   pour   les   jointer  les  unes  aux 
autres  ,  il  fe  forme  naturellement , 
pat  la  chaleur  du  foleil ,  qui  fait  fortir 
la  téfme  de  l'arbre  ,  &   cette  réfine 
bouche  tous  les  vides.  Sur  les   coins 
de  chaque  face ,  on  fait  des  entailles 
à  mi-bois  ,  afin   de    mieux  lier  les 
pièces  les  unes  aux  autres;  les  interfti- 
ces  &  les  trous  faits  pour  placer  les 
chevilles ,  ne  tatdent  pas  à  être  remplis 
de  ce  maftic  ,  qui  rend  tout  l'édifice 
impénétrable  à  l'eau  ou  à  l'air.  Enfin, 
le  bâtiment  eft  entièrement  verniflTe 
par  la  réfine.  Dans  le  prmcipe  ,   le 
bois  eft  blanc;  mais  après  quelques 
années ,  le  vernis  qui  le  recouvre  de- 
vient noir  comme  du  charbon. 

Dans  le  Chamonix,  on  en  fait  des 

lattes  ou  anfelles ,  dont  on  couvre  les 

maifons,  &  elles  font  incorruptibles. 

Dans   le   Briançonnois  ,  tous  les 


M  Ê  L 

gens  de  l'art  conviennent  que  la  du- 
rée de  la  charpente  ,  faite  en  mé- 
lèfe ,  eft  du  double  de  durée  de  celle 
du  meilleur  chêne. 

Les  conduites  fouterraines  des  eaux, 
par  des  mélèfes  forés  ,  font  encore  , 
de  l'aveu  de  rout  le  monde  ,  incor- 
ruptibles. Ainfi  donc ,  dans  les  dif- 
fcrens  pays  à  mélèfe,  les  opinions 
fe  réunifient  à  attefter,  que  c'eft  l'ar- 
bre d'Europe  dont  la  durée  eft  la 
plus  confidérable  ,  &:  que  dans  beau- 
coup de  circonftances  ce  bois  eftîn- 
corrupcible.  Voilà  ,  pour  les  ufages 
fimplement  économiques.  Voyons 
actuellement  quels  avantages  la  ma- 
rine pourroit  en  retirer. 

On  fait  avec  le  mélèfe  des  mâts 
pour  naviguer  fur  le  lac  de  Genève; 
ils  y  durent  environ  cinquanre  ans , 
&  prefque  tous  les  bois  de  bordage 
de  ces  barques  font  de  ce  bois,  & 
durent  le  double   du  chêne. 

L'expérience  a  encore  prouvé  dans 
le  Valais ,  que  le  mélèfe  ,  venu  dans 
la  plaine  ,  au  pied  des  montagnes  , 
vaut  mieux  pour  l'ufage  ,  que  celui 
des  hauteurs  ;  &  c'eft  précifément  le 
contraire  pour  le  fapin. 

Pierre  Serre  ,  maître  mâteut ,  da 
dépattement  de  Rochefort  ,  fut  en- 
voyé ,  il  y  a  quelques  années  ,  dans 
le  pays  de  Vaux,  &c  autres  adjacens, 
où  il  féjourna  pendant  plufieurs  mois, 
pour  examiner  fi  on  pouvoir  y  trou- 
ver des  bois  propres  à  la  mâture.  Il 
y  vit  en  effet.  Se  en  quantité  ,  de 
très-belles  pièces  de  fapin  ;  mais  après 
les  avoir  bien  vérifiées ,  il  trouva  que 
ce  fapin  ne  valoit  pas  mieux  que  celui 
des  Pyrennées  que  la  marine  réprouve, 
parce  qu'il  n'a  pas  la  pefanteur  fpé- 
cihque  des  mars  qu'on  tire  du  nord. 
Quant  au  mélèfe  ,  il  s'alTura  qu'il 
avoir  plus  de  pefanteur  fpécifique , 


M  E  L 

&  plus  de  dureté  que  les  bois  mêmes 
du  nord  (  i  ).  Mais  il  craignit  d'abord, 
que  ce  grand  poids  nerendîc  les  vaif- 
feaux  fujets  à  chavirer,  ou  au  moins 
ne  les  courmentâr.  Il  a  été  raiTuré  fur 
cette  crainte  ,  par  les  indruftions  qui 
lui  furent  enfuite  envoyées  de  France , 
portant ,  que  puifque  le  bois  écoic  plus 
dur,  on  pourroir  faire  des  mâts  moins 
gros,  &  auin  forts,  ce  qui  ne  feroit 
que  la  même  pefanteur  abfolue  .  .  . 
On  voit  à  Chamonix  des  mélèfes  qui 
ont  jufqu'à  feize  pieds  &  demi  de 
circonférence  par  le  bas  j  mais  pour  en 
faire  ufage  dans  la  marine  ,  il  faut 
auparavant  en  enlever  l'écorce  ,  qui 
eft  trèsépaifFe  ,  ainfi  que  V aubier  , 
ou  faux  bois  (  /''o)^^  ce  mot  )  ,  ce  qui 
diminue  de  beaucoup  le  diamètre  de 
l'arbre.  Ne  pourroit-on  pas  ,  un  an 
ou  deux  avant  d'abattre  un  de  ces 
beaux  arbres ,  fuivre  l'opération  dé- 
crite au  mot  Aubier  ;  la  totalité  de 
l'arbre  feroit  plus  dure,  &  on  auroit 
moins  à  perdre  fur  fa  circonférence. 
J'invite  ceux  qui  font  fur  les  lieux 
à  faire   cette  expérience. 

D'après  ce  qui  vient  d'être  dit  ,  il 
me  paroît  démontré  que  la  multipli- 
cation de  cet  arbre  intérelfe  hnguliè- 
rement  l'adminiftration.  Mais,  com- 
ment penfer  aujourd'hui  à  un  bcné- 
h;e  réel  qu'on  ne  retirera  que  dans 
cent-cinquante  ans?  L'exemple  donné 
par  l'immortel  Sully  ,  qui  fit  planter 
en  ormeaux  les  bords  des  grandes 
routes  du  royaume  ,  afin  d'avoir  les 
bois  nécelfaires  à  l'artillerie,  n'ell  pas 
oublié  :  on  voit  encore  aujourd'hui 
quelques-uns  de  ces  arbres  refpedables 
à  la  porte  des  églifes  de  campagne  , 


M  É  L 


4(^7 


qui  ont  bravé  les  injures  du  temps , 
&  qui  atteftent  la  fage  prévoyance 
de  ce  miniftre  :  on  les  appelle  les 
llofrij;  ôc  dans  la  fuite  on  donneroit 
aux  mélèfes  le  nom  du  miniftre  qui 
en  auroit  encouragé  la  culture. Je  ne 
doute  pas  un  inftant  que  cet  arbre  ne 
réulHt  très-bien  fur  les  Pyrennécs ,  fur 
les  hautes  montagnes  du  Languedoc, 
de  la  Provence,  de  la  Franche-Comté, 
de  la  Bourgogne,  du  Forêt,  de  l'Au- 
vergne ,  du  Limofm  ,  du  Périgord  , 
&c.  Une  fois  acclimatés  fur  ces  hau- 
teurs ,  ils  gasneroient  infenfiblement 
les  régions  propres  aux  hêtres ,  aux 
châtaigniers.  Si  de  proche  en  proche, 
les  vallées. 

Les  pays  d'état  font  ceux  qui  peu- 
vent s'occuper  le  plus  ftuétueufcment 
de  ces  améliorations  partielles.  Je 
fuis  bien  éloigné  de  penfer  que  l'ad- 
miniftration générale  ne  veuille  ou 
nepuilTe  pas  le  faire  ;  mais  il  lui  man- 
que réellement  des  hommes  enten- 
dus ,  &  zélés  pour  ces  objets  de  dé- 
tails. Il  fe  préfentera  cent  perfonnes, 
pour  une  ,  qui  demanderont  .à  être 
chargées  de  l'entreprife  ,  dans  la  vue 
d'y  gagner  gros  5  &  l'homme  de  mé- 
rite, qui  ne  fera  ,  ni  intriguant,  ni 
foUiciteur  ,  ne  fera  pas  celui  à  qui 
elle  fera  confiée  ,  uniquement  parce 
qu'il  n'aura  pas  été  connu.  Ce  n'elb 
pas  la  faute  de  l'adminiftration  géné- 
rale ,  lorfqu'une  entreprife  de  cette 
nature  coûte  très-cher  &  manque  , 
c'eft  toujours  celle  des  employés. 
Voilà  pourquoi  je  dis  que  les  pays 
d'étar  ,  ou  les  adminiftrations  pro- 
vinciales ,  doivent  être  chargées  de 
ces  détails.    Chaque    adminiftrateur 


(  I  )  Le  pied  ctîbe  de  celui  du  Valai<;  pcfc  cirouantc  liv.  poids  ^înarc,  ce  qui  excède  d'un 
cinquième  la  péfaiiteiir  du  bois  pour  mâture ,   envoyé  de  Riga. 

N   n  n  2 


4^8 


M  É  L 


eft  fur  les  lieux  ;  il  eft  animé  du 
bien  public  ,  il  y  veille  comme  far 
fon  propre  bien  ,  &  fon  amour  propre 
eft  flatcé  lorfqu  il  réuirit.  Dans  ces  pro- 
vinces,  MM.  les  évcques  onr  iion- 
feulemenr  l'adminifcranon  fpirituellcj 
mais  encore  beaucoup  de  part  dans 
J'adminiftration  civile.  Chacun  fçai: 
jufqu'à  quel  point  s'étendent  leurs 
bienfaits  &  leur  patriotifme  j  il  fuffit 
de  leur  montrer  le  bien  ,  pour  qu'ils 
fa  furent  au'lïtôt  les  moyens  de  le  faire. 
J'oferois  donc  leur  dire,  &  les  prier, 
pour  le  bonheur  de  leurs  diocéfains , 
de  faite  venir  de  Suilfe  de  la  graine 
de  mélèfe ,  de  la  diftribuer  à  MM; 
les  curés  ,  habitans  les  montagnes  , 
ôc  de  leur  promettre  une  récompenfe 
de  la  part  des  états  ,  lorfqu'ils  feront 
patvenus  à  multiplier  un  certain  nom- 
bre de  pieds  ,  foit  chez  eux  ,  foit 
patmi  les  habitans  de  leurs  commu- 
nautés. Outte  MM.  les  curés  ,  il 
convient  encore  de  faire  diftribuer  de 
la  graine  aux  particuliers  zélés  qui 
en  demanderont.  Les  femis  &  la 
culture  de  ces  arbres  (  lorfqu'une  fois 
on  a  la  graine  ) ,  exigent  dans  le  com- 
mencement plus  de  petits  foins  que 
de  dépenfe  ,  &  avec  une  once  de 
oraine  on  peut  faire  une  belle  plan- 
ration.  Puille  le  vœu  que  je  rais ,  être 
réalifé. 

Pline, &  plufieurs auteurs  anciens, 
ont  avancé  que  le  bois  du  mélcfe  étoit 
inaltérable  au  feu.  Ou  ces  auteurs  n'ont 
pas  connu  cet  arbre ,  ou  ils  ont  voulu 
parler  de  quelqu'autre.  Comment  un 
arbre  fi  réfineux  réfifteroit-il  au  feu  ? 

Section      IV. 

De  la  manière  de  retirer  fa    réjlne 

&  fa   manne. 

Dans  les  pays  à  mélèfe  ,  on  ignore 

en  certains  endroits  l'art  de  tirer  la 


M  É  L 

refine  ;  &  dans  d'autres  ,  on  ne  fe 
doute  pas  que  cet  arbre  produife  du 
la  manne  ;  enfin  ,  dans  certains  can- 
tons on  retire  l'une  &  l'autre.  Dans 
le  Briançonnois  ,  on  fait  ,  avec  la 
hache,  &:  au  pied  de  ces  arbres,  une 
entaille  de  quelques  pouces  de  pro- 
fondeur. Par  cette  ouverture  la  réfine 
coule  dans  Ans  baquets  placés  au-def- 
fous.  Dans  la  vallée  de  Chamonix  , 
ce  n'eft  ni  avec  la  hache  ,  ni  avec 
la  ferpe ,  qu'on  incife  l'arbre;  mais 
on  le  perce  avec  une  tanière  ,  juf- 
qu'à  la  profondeur  de  huit  pouces, 
&  même  davantage  ,  «Se  on  la  reçoit 
dans  un  baquet  fait  avec  l'écorce  da 
mélèfe.  On  petife  dans  ce  pays,  que 
la  profondeur  de  ce  trou  eft  eiren- 
tielle  ,  parce  que  fi  on  n'attaque  que 
l'écorce  ,  la  réfine  qui  en  découle  a 
très-peu  de  qualité  ,  &  que  la  bonne 
doit  fe  tirer  du  cœur  même  de  l'ar- 
bre. Si  l'arbre  eft  vigoureux ,  on  le 
perce  en  plufieurs  endroits  ditrérens , 
&  à  la  même  hauteur  :  l'expofition 
du  midi  eft  préférée  ,  ainfi  que  les 
nœuds  des  anciennes  branches  cou- 
pées. Lorfque  ces  gouttières  ne  don- 
nent plus  ,  on  pratique  de  nouveaux 
trous  en-dellus ,  &  ainfi  de  fuite  en 
remontant.  Cette  opération  dure 
communément  depuis  la  fin  de  x\\\\. 
jufqu'en  feptembre,  &:  jufqu'au  com- 
mencement d'odobre,  fuivant  la  fai- 
fon.  Les  trous  qui  cefTent  de  couler 
font  bouchés  avec  des  chevilles  pen- 
dant une  quinzaine  de  jours,  «Se  font 
rouverts  enfuite  pour  donner  iftiie  à 
de  nouvelle  réfine.  On  compte  qu'un 
mélèfe  ,  dans  un  fol  qui  lui  con- 
vient ,  peut  ,  pendant  quarante  à 
cinquante  ans  ,  fournir  chaque  an- 
née ,  fept  à  huit  livres  de  réfine  , 
connue  dans  le  commerce  fous  la 
dénomination  de  térébenchine ,  ou  de 


M  E  L 

térébenthine  de  Venife.  Si  cette  tliéré- 
bentine  eft  mêlée  de  quelques  im- 
puretés ,  on  la  paiïe  à  travers  un  ta- 
mis de  crin. 

On  faic  très  bien  de  tirer  la  t'ic- 
rcbentine  dans  les  pays  où  les  nicièfes 
font  très-multipliés  ,  &  où  l'on  ne 
peiic  pas  fe  procuier  lui  bon  débit  de 
cet  arbre  \  car  il  tft  certain  que  cette 
opération  l'énervé ,  &  qu'il  n'a  plus  en- 
fuite  d'autre  valeur  que  celle  de  fervir 
au  chauffage  ,  ou  à  faire  du  charbon. 

Les  anciens  auteurs  qui  ont  écrie 
fur  l'hiftoire  naturelle  du  D.iiiphiné  , 
&  fur-coutfur  fes  prétenduesyc/^f  mer- 
veilles ,  n'ont  jamais  oublié  d'ad- 
mettre comme  une  des  premières , 
la  manne  de  Brïancon  .  .  .  manna 
laricca  ,  ou  manne  des  mclèfes.  Elle 
n'eft  pas  plus  particulière  à  ceux  de  ce 
pays  qu'à  ceux  de  tous  les  autres.  Ces 
auteurs  n'ont  pas  manqué  de  la  com- 
parer encore  à  la  manne  des  Hébreux 
dans  le  défert  ,  qui  devoir  être  re- 
cueillie avant  le  lever  du  foleil.  Il 
eft  clair  que  fi  les  Hébreux  n'avoient 
pas  eu  d'autre  nourriture  ,  ils  au- 
roien:  été  perpétuellement  purgés  y 
puifque  celle  des  mélèfes  a  la  même 
propriété  que  celle  du  frêne. 

Les  vieux  arbres  n'en  donnent 
point  fur  leurs  tiges  ,  mais  fimple- 
nient  fur  les  jeunes  branches  \  les 
jeunes  arbres  en  font  quelquefois  tous 
blancs.  Les  vents  froids  s'oppofent  à 
fa  formation  au  printemps  &  pen- 
dant l'été,  &  elle  n'eft  jamais  plus 
abondante  que  lorfqu'il  y  a  beaucoup 
de  rofée.  Cette  manne  eft  une  efpèce 
de  crème  fouettée,  par  petits  grains 
blancs  &  gluans,  d'un  goût  fade  & 
fucré;  dès  que  le  foleil  eft  levé  elle 
difparoît  de  deffus  l'arbre.  Jufqu'à  ce 
jous  cette  manne  a  été  peu  employée 
en  médecine. 


M  E  L  4(^5; 

Section     V'. 

De  Vutilhé  de  la   térébenthine  dans 
Us  arcs  &  en  médecine. 

En  ajoutant  de  l'eau  à  la  téré- 
benthine ,  &  en  difàllant  ce  mélange , 
on  en  retire  ce  qu'on  appelle  Vhuiie 
ejfenàelle  de  térébenthine.  Cette  hr.i- 
le,  dont  l'ufage  dans  les  arts  eil  très- 
fréquent,  foit  pour  les  vernis,  foit 
pour  rendre  les  couleurs  à  l'huile  plus 
liccatives,  eft  un  très-bon  diurétique 
employé  en  médecine  \  il  poulie  beau- 
coup par  les  voies  urinaires,  &  plus 
vivement  que  la  fimple  térében- 
thine j  mais,  prife  à  haute  dofe,  elle 
caufe  une  grande  foif,  une  ardeur 
vive  dans  la  région  épigaft[it]ue  ,  &z 
porte  fur  la  poitrine;  il  vaut  mieux 
n'employer  que  la  térébenthine  hmple. 
La  colofone  j  que  mal'^à- propos 
on  nomme  colofane  ^  eft  la  térében- 
thine privée  de  la  plus  grande  partie 
de  fon  huile  elfentielle  ;  on  s'en  ferc 
rarement  pour  l'ufage  intérieur  :  ré- 
duite en  pûunière&  enveloppée  dans 
de  la  roiie  de  coton  ou  mouliehne  , 
&  appliquée  tout  autour  du  col ,  on 
alfure  qu'elle  arrête  ô:  diftipe  les  dou- 
leurs caufées  par  l'indammation  des 
amygdales.  On  l'emploie  encore  fous 
forme  de  poudre,  afin  de  deifécher 
les  chairs  molles  &  peu  fenfiblcs 
des  ulcères  de  bonne  qualité  ,  par 
exemple  ,  des  engelures.  Perfonne 
n'ignore  la  ncceftité  de  la  colofone 
pour  fonder  en  étain  ,  &  de  quelle 
utilité  elle  eft  aux  joueurs  de  violon  , 
&  autres  inftcuniens  à  cordes. 

la  térébenthine,  prife  intérieu- 
rement, communique  aux  urines  une 
odeur  de  violettes,  &:  les  détermine 
à  fortir  en  plus  grande  quantité,  pref- 
que  fans  preuve  bien  démonfttaiive. 


47°  M  É  L 

On  a  regardé  fon  ufage  intérieiu 
comme  avantageux  dans  les  coliques 
néphrériques  ,  les  ulcères  des  pou- 
mons, du  foie,  des  reins,dela  veffie, 
de  la  marrice",  du  canal  de  l'urètre  5 
elle  eft  indiquée  avec  fuccès  de  à  dofe 
très-modérée  dans  la  touxcatarrhale 
&  ancienne,  l'afthme  pituiteux  &  la 
difficulté  d'uriner ,  caufée  par  des 
humeurs  pituiteufes  :  donnée  à  haute 
dofe,  elle  purj^e,  procure  de  l'ardeur 
dans  les  premières  voies  ,  &  caufe 
des  épreintes. 

MÉLILOT.  (  Fovei  Planche  XI ^ 
page  444  )  Tourneforc  le  place  dans 
la  quatrième  feélion  de  la  dixième 
clalfe  des  herbes  à  fleur  de  plufieurs 
pièces,  irrégulières  &  en  papillon, 
qui  portent  trois  feuilles  fur  un  même 
pétiole  ,  &  il  l'appelle  melllotus  offi- 
cinarum  germaniit.  Von  Linné  le  clafle 
dans  la  diadelphie  décandrie ,  &  le 
nomme  trifolium  melllotus  qfficinalis. 

Fleur.  Comme  celle  des  Icgumi- 
iieufes ,  compofée  de  l'étendard  ou 
pétale  fupérieure  B,  de  deux  latéraux 
C  ,  ou  aile  de  la  carène  on  pétale  in- 
férieure D.  Le  piftil  F,  eft  enveloppé 
par  le  faifceau  de  dix  étamines  F  j  ce 
faifceau  eft  repréfenté  ouvert  en  G  \ 
les  dix  étamines  qui  le  compofent  fe 
réunilfent  à  leur  bâfe  par  une  mem- 
brane légère  qui  forme  un  tube  \ 
toutes  les  parties  de  la  fleur  font 
raffemblées  dans  le  calice  H  à  cinq 
dentelures. 

Fruit.  Légume  à  deux  vulves  î , 
qui  s'ouvrent  longitudinalement,  re- 
préfentées  en  K,  &  renferme  deux 
à  quarre  graines  L  ovales  &  ap- 
platies. 

Feuilles.  Trois  à  trois,  légèrement 
dentées,  la  foliole  impaire  &  portée 
fut  un  pétiole. 


M  É  L 

Racine  A.  Blanche,  pliante,  me- 
nue ,  garnie  de  quelques  fibres  capil- 
laires &  fort  courtes. 

Port.  Tiges  droites,  quelquefois 
de  la  hauteur  d'un  homme  ;  les  fleurs 
en  grappes,  pendantes,  &  naifTant 
ces  aideïles  des  feuilles  j  elles  varient 
dans  leur  couleur  \  il  y  en  a  de  jaunes , 
de  blanches  ,  &  quelquefois  des  unes 
&  des  autres  fur  le  même  pied.  Les 
feuilles  florales  font  à  peine  vifibles  , 
celles  des  tiges  font  placées  alterna- 
tivement. 

Lieu.  Les  haies,  les  buiflbns,  la 
plante  eft  bienne  ,  &  fleurit  en  juin 
&  juillet. 

Propriétés.  Les  feuilles  font  odo- 
rantes ,  &  ont  une  faveur  acre  , 
amère  ,  nauféeufe;  elles  font  émol- 
lientes,  carminatives  &  légéienienc 
réfokuives. 

Ufage,  On  les  emploie  raremertt 
à  l'intérieur,  maison  s'en  fert  dans 
les  lavemens  émolliens,  dans  les  ca- 
tapiafmes,  fomentations,  bains,  &e. 

MÉLISSE  BATARDE  ou  DES 
BOIS.  (  Voye^planche  XI,pag.  444  ) 
Tournefort  la  place  dans  la  rroifième 
feétion  de  la  quatrième  clalfe  des 
heibes  .à  fleur  d'une  feule  pièce  , 
&  en  lèvre  ,  dont  la  fupérieure  eft 
retroulfée,  &:  il  l'appelle  melijfa  hu- 
milis  j  latifolia  ,  inaximo  flore  ,  pur- 
purafcente.  Von  Linné  la  nomme 
mcUttis  meliff'ophylum  ,  &:  la  clalfe 
dans  la    didynamie   gymnofpermie. 

Fleur.  B  repréfenté  une  corolle  en-, 
tière;  c'eft  un  tube  menu  à  fa  bafe , 
renflé  vers  la  moitié  de  fa  longueur , 
divifé  en  deux  lèvres  ,  dont  la  fupé- 
rieure cil:  obronde  ,  plane  &  relevée; 
l'inférieure  r.abattue  ,  ouverte  ,  par- 
tagée comme  on  le  voit  en  C  ^'les 
étamines ,  au  nombre  de  quatre ,  dont 


r.'ui  J'j 


J'7  27J    J>„„r  ^., 


,l/t'/i//if  7*i'/t>/i<-   o/t .1/t'fif/it'  ,/lJ/i,//t-tt'rrc 


j}fr//^,.»c   l'u  i^f/rtf/ir/Zt' 


Me^tt/ie  à  e/n . 


jVf'ntit/ite  on  Trè/ie  ti'eau,. 


M  E  L 

deux  plus  longues ,  fonc  en-bas  ,  & 
deux  ,  plus  courtes ,  font  en- haut  j 
comme  ou  1<;  voit  en  C.  Le  piftil 
D  eft  placé  au  fond  du  calice  E, 
qui  eft  d'une  feule  pièce  divifée  en 
deux  lèvres. 

Fruit.  F  quatre  femences  G  pla- 
cées au  fond  du  calice  ,  elles  Ion: 
obrondes  ,  pointues. 

Feuilles.  Ovales ,  crénelées  ,  ob- 
tufes  ,  portées  fur  des   pétioles. 

Racine.  A  rameufcj  fibreufe. 

Port,  Tiges  plus  balTes  que  celles 
de  la  vraie  méliUe,  quarrées,  velues, 
llmples,  remplies  de  mocle  j  les  fleurs 
naillent  des  allFelles  des  feuilles  j 
feules  à  feules ,  foutenues  par  des 
péduncules  plus  courts  qucles calices, 
qui  font  trois  fois  plus  petits  que  les 
corolles  ;  les  feuilles  font  oppofées. 

Lieu,  Les  mentagnes  ,  les  bois  j 
la  plante  eft  vivace. 

Propriétés.  Un  peu  aromatique  , 
d'une  faveur  acre  ,  vulnéraire,  apé- 
ritive  j   diurétique. 

Ufaoe,  On  n'emploie  que  les  feuilles, 
&  on  les  donne  eninfufion  théiforme. 

MÉLISSE  ou  CITRONELLE. 

(  Planche  XII ,  pag.  47  i  )  Les  deux 
auteurs  la  claffent  avec  la  plante  ci- 
deftiis.  Tourneforr  l'appelle  meUffii 
hortenjïs  ,  &  Von  Linné  la  nomme 
melijfa  officinalis. 

Fleur.  Les  figures  B  &:  D  montrent 
la  fleur  de  profil ,  enfermée  dans  fon 
calice.  La  corolle  C  eft  également 
vue  de  profil  :  c'eft  un  tube  à  deux 
lèvres  ,  dont  la  fupérieure  eft  courte  , 
retrouflee,  échaucrée  ,  arrondie  j  l'in- 
férieure divifée  en  trois  parties ,  donc 
la  moyenne  eft  grande  ,  &  en  forme 
de  cœur  ,  comme  on  le  voit  en  E , 
où  la  fleur  eft  vue  de  face^  les  éta- 
mines ,  au  nombre  de  quatre ,  dont 


M  É  L  471 

deux  plus  longues  &  deux  plus  corrtes , 
deux  à  la  lèvre  fupérieure  F  ,  &  deux 
à  l'inférieure  C\  le  calice  eft  repré- 
fentc  ouvert  en  H  ,  divifé  en  cinq 
fe^mens    I. 

Fruit.  Quatre  femences  K  ,  pref- 
que  rondes ,  placées  dans  le  fond  du 
calice  à  deux  lèvres  ,  renflé  par  la 
marurité. 

Racine  A.  Ligneiife,  longue,  ar- 
die  ,  profonde  ,    fibreufe. 

Lieu.  L'Italie  ,  cultivée  dans  les 
jardins.  La  plante  eft  vivace,  &i  fleurie 
pendant  tout  l'été. 

Proprittcs.  Odeur  forte ,  agréable  j 
faveur  un  peu  amère  (!s;  acre.  La  plante 
eft  cordiale,  céphaliquc.  Les  feuilles 
échauffent,  altèrent  ,  conftipent ,  ré- 
veillent les  forces  vitales  j  elles  font 
indiquées  dans  les  pâles  couleurs  , 
dans  la  fupprellîon  du  flux  menf- 
truel ,  des  lochies,  des  fleurs  blanches , 
par  l'impreflîon  des  corps  froids ,  ^ 
avec  foiblelfej  quelquefois  elles  cal- 
ment les  accès  des  affeélions  hyfté- 
riques  &  des  hypocondriaques  :  elles 
font  nuilibles  dans  la  palpitation  de 
cœur,  &  dans  la  plupart  des  maladies 
convulfives. 

Uj'ûges.  L'eau  diftillée  de  mélifle, 
ne  doit  jamais  être  fubftituée  à  l'in- 
fufion  des  feuilles ,  quelle  que  foit  l'ef- 
pèce  de  maladie  :  à  très-haute  dofe  , 
cette  eau  diftillée  augmente  très  peu 
la  force  du  pouls.  L'extrait  de  mélilfe 
ne  vaut  pas  fon  infufion  ,  &  cette 
même  infufion  édulcorée  avec  du 
fucre  ,  vaut  tout  autant ,  pour  ne  pas 
dire  mieux,  que  le  fyrop  de  mélilîe. 
La  dofe  des  feuilles  récentes  eft  depuis 
deux  drachmes  jufqu'à  une  once,  en 
infulion  dans  fix  onces  d'eau  ;  les 
feuilles  fèches ,  depuis  une  drachme 
jufqu'à  demi  once  ,  en  infufion  dans 
la  même  quantité   d'eau. 


47i  M  E  L 

MELON. Toumeforc  le  place  dans 
la  reptièiiie  feéHon  de  la  preniicte 
cialîe  des  fleurs  d'une  feule  pièce  en 
cloche ,  donc  le  calice  devient  un  fruit 
charnu  ,  &  il  1  appelle  mclo  vuigaris. 
Von  Linné  le  réunit  au  genre  des 
concombres  5  il  le  nomme  cucumis 
melo ,  &  le  clalfe  dans  la  monoécie 
lîngénéfie. 

fleur.  Jaune,  en  forme  de  cloche 
évafée  ,  découpée  en  cinq  parties  ter- 
minées en  pointe^  les  fleurs  mâles  & 
femelles  féparées  ,  mais  fur  le  même 
pied.  Un  fimple  coup-d'œil  fur  l'in- 
térieur de  l'une  ou  de  l'autre  les  fera 
diilinguer  j  la  forme  àt%  fleurs  fe- 
melles eft  plus  en  foucoupe,  &  celle 
des  mâles  plus  en  entonnoir.  Les  pif- 
tils  des  premières  débordent  &  fur- 
niontent  la  bafe  de  la  foucoupe  \ 
les  étamines  des  fécondes ,  nichées 
dans  le  fond  de  leur  entonnoir.  Au- 
deiïous  de  la  bafe  de  la  foucoupe,  on 
voit  un  renflement  qui  eft  le  huit,  & 
tient  lieu  de  calice  :  au  contraire  , 
l'extrémité  inférieure  de  l'entonnoir 
porte  un  calice  d'une  feule  pièce ,  & 
ordinairement  à  cinq  dentelures 
aigucs.  A  ces  fignes,  il  eft  impofllble 
de  fe  tromper. 

Fruït.  Renflé,  à  furface  ou  unie, 
ou  raboteufe,  ou  à  côtes,  fuivanc  les 
efpèces  jardinières  ^  (  voye^  ce  mot  ) 
de  couleur  blanche,  verte  ou  jaune, 
dtvifé  en  trois  loges ,  renfermant  des 
femences  prefque  ovales  &  applaties, 
difpofces  dans  la  pulpe  du  fruit  fur 
U!i  double  rang. 

Feuilles.  Anguleufes,  arrondies, 
douces  au  toucher ,  plus  petites  que 
celles  des  concombtes  ,  &  beaucoup 
plus  que  celles  des  courges. 
Racine.  Branchue ,  fibreufe. 
Port,  Tiges  longues,  rampantes  , 
farmenteufes ,  dures  au  toucher.  Les 


M  E  L 

fleurs  nailfent  des  aiffelles  des  feuilles  : 
les  premières  qui  paroilfent  font  des 
rieurs  mâles,  &  en  quantité.  La  na- 
ture produiroit  en  vaui  des  fleurs  fe- 
melles les  premières ,  puifqu'il  n'y 
auroit  point  de  fleurs  mâles  pour  les 
féconder ,  &  la  nature  ménage  les 
fecours  qu'elle  donne. 

Lieu.  Nos  jardins.  On  ignore  fon 
pays  natal  j  mais  il  eft  conftant  qu'il 
doit  venir  des  pays  chauds  ,  puifque 
la  moindre  gelée  le  tait  périr;  & 
fon  fruit  exige  beaucoup  de  chaleur 
pour  acquérir  une  bonne  maturité. 

Propriétés.  La  chair  eft  aqueufe, 
macilagineufe  ,  d'une  faveur  agréa- 
ble ,  fucrée  ,  quelquefois  mufquée  ; 
la  femence  douce,  huileufe ,  favon- 
neufe  ;  l'une  des  quatre  femences 
froides  majeures.  Le  fruit  nourrie 
peu,  fe  digère  lentement,  donne 
quelquefois  des  coliques. 

Vjage.  La  femence  eft  employée 
comme  celle  des  courges  ,  &  dans 
les  mêmes  cas. 

Section     première. 

Des  efpèces  jardinières  de  Melons. 

Je  fuis  très-perfuadé  que  nous  ne 
connoiflbns  plus  l'efpèce  première  , 
le  type  unique  de  toutes  les  efpèces 
jardinières  que  nous  cultivons.  Le 
changement  de  climat,  la  culture, 
&  fur  -  tout  des  efpèces  jardinières 
plantées  les  unes  près  des  autres ,  ou 
confondues  enfemble ,  multiplient  les 
variétés  à  l'infini.  Les  fleurs  mâles 
font  ,  comme  nous  l'avons  dit  , 
féparées  des  fleurs  femelles  ,  quoi- 
que fur  le  même  pied.  La  pouflière 
fécondanre  des  étamines  ,  (  ^(y'eij 
ce  mot  )  doit  donc  ,  par  le  mouve- 
ment élaftique  qui  fait  ouvrir  les  cap- 
fules  qui  la  renferment ,  être  portée 

fur 


M  E  L 

fur  le  piftll  de  la  fleur  femelle  ,   & 
la  féconder.    Mais  fi  cette  poullière 
eft  portée  fur  une  Heur  femelle  d'une 
elpèce  de  melon  différente ,  qui  fe 
trouve  dans  le  voifinage  ,  il  eft  donc 
clair  qu'il   y  aura  une    fécondation 
hybride,  (  voye^  ce  mot  )  de  laquelle 
il  réfultera  un  fruit  qui  participera  des 
qualités  du  père  &  de  la  mère.   On 
en  femera  la  graine  fans  s'être  douté 
de  cette  alliance,    &    on  fera  bien 
étonné  enfuite  de  recueillir  un  fruit 
différent  de  celui  fur  lequel  on  avoir 
récolté  la   graine.    Que    d'exemples 
fans  nombre  il  feroit  facile  de  citer 
en  ce  genre  !  &:  combien  de  fois  les 
abeilles  ,    qui    vont  butinant   d'une 
fleur  à  l'autre,  n'ont-elles  pas  porté 
très -loin  les   étamines    attachées   à 
leurs  pattes  !  De-là  cette  fécondité 
hybride ,  &  qui  étonne  toujours ,  lorf- 
que  l'on  ne  remonte  pas  à   fon  ori- 
gine. 11  eft  donc  probable  ,  &  plus 
que  probable  ,  en  admettant  cent  el- 
pèces  de  melons  cultivées  en  France, 
que  le  nombre  fera  doublé  ,  fi  on  le 
veut ,  &  en  moins  de  dix  ans.  Il  fut-- 
hra  de  mélanger  les  pieds,  ou  de  pro- 
curer des  hybridicités  parla  méthode 
indiquée  au  mot  Abricotier,  ...  Si, 
dans  le  voifinage  d'une  melonmère , 
des  concombres ,  des  courges   végè- 
tenr  ,   on   trouvera    fouvenr  fur    le 
même  pied  un  melon   excellent  &c 
iiaturel,  &  un  autre  melon,  dont  la 
faveur  participera,  ou  du  concombre, 
ou  de    la   courge.    D'où  peut    donc 
provenir   cette  fingulière    différence 
dans  la  faveur?  Le  fol,  l'expcfition , 
la   culture   font   les  mêmes  :  il   y    a 
donc  une  caufe  étrangère,  c'eft  l'hy- 
bridicité  :  c'eft  un  point  de  tait  que 
j'ai  obfervé  cenr  &  cent  fois.  Il  faut 
donc  conclu're  ,  i".  que  tour  pied  de 
melon  doit  être  éloigné  des  concom- 
Tom-e  VI. 


M  EL  475 

bres  3c  des  courges  ;  z".  que  chaque 
efpèce  doit  être  placée  dans  un  en- 
droit Icparé  ,  fi  on  veut  la  conierver 
franche.  La  culture  des  melons  dans 
I-es  pays  froids ,  où  l'on  fe  fert  de 
couches ,  de  cloches ,  &c. ,  rend  ces 
conchifions  un  peu  moiiis  précifes; 
mais  elles  font  de  rigueur  pour  les 
climats  où  on  les  cultive  en  pleine 
terre,  fans  autre  fecours  qiie  ceux  de 
la  nature. 

La  nomenclature  dïs  melons  va- 
rie non-feulement  d'une  province  .à 
l'autre,  mais  encore  de  deux  en  deux 
lieues  j  &  fouvent  on  ne  les  connoîc 
que  par  le  nom  du  lieu  d'où  on  a  tire 
cie  la  graine.  Il  n'eft  donc  pas  poffible 
de  dire  rien  de  poficit  à  ce  fujet.  Dans 
les  environs  de  Paris,  au  contraire,  la 
nomenclature  eft  réglée  jufq'.i'à  un  cer- 
tain  pointj  c'eft  pourquoi  il  convient 
de  la  fuivre.  Si   les  amateurs ,  dans 
les  provinces  ,  y  trouvent  des  déno- 
minations qui  leur  foient  inconnues, 
il  leur  eft  polTible  de  fe  procurer  chea 
le  grainetier,  à  Paris,  lesefpèces  qu'ils 
défirent.  11   ne  faut  pas  croire  être 
bien  riche  en  melons ,  parce   qu'on 
en  a  un  grand  nombre  d'efpècesjil 
vaut  beaucoup  mieux  choifir  dans  le 
nombre  celles  qui  léufiinent  le  mieux 
dans  le  pays,  &  dans  le  terrein  qu'on 
cultive.  On  obferve  en  efret  que  plu- 
fieurs  réufliffent  mieux  dans  tel  can- 
ton que  dans  tel  autre;  cependant, 
plus  on  approche  du  midi ,  foit  par 
fa  pofition  géograpluque ,  ou  par  fa 
pofition  locale,  qui  dépend  àz%. abris , 
(  voye-{  le  mot  Agriculture,  Chapi. 
z  &  5  )  &  plus  on  peut  efpérer  èt:e 
dans  le  cas  ce  cultiver  un  grand  nom- 
bre de  bonnes  efpèces.  Les  meilleurs 
melons  de  France  ne  font  pas  à  con  - 
parer  aux  melons,  m^me  médiocres 
en  qualité,  de  l'Amérique,  d'où  l'en 
Ooo 


474  M  E  L 

doit  conclure  qu'on  ne  fauroit  trop 
chercher  à  leur  procurer  une  chaleur 
forte  &  foutenue.  Je  parle  de  celle  tiu 
foleil  ,  di  non  de  celle  des  ferres 
chaudes,  qui  eft  humide  &  nial-faine, 
&:  d'ailleurs  pas  alfez  renoiivellce  par 
r.iir  extérieur. 

Outre  les  caufes  dont  on  vient  de 
parler ,  qui  produifent  les  efpèces  hy- 
brides ,  il  eu  efc  encore  d'autres  qui 
agiHenc  fur  les  formes.  Par  exemple, 
la  graine  d'un  melon  de  forme  ronde 
cette  année,  femée  de  nouve.:a  don- 
nera un  fruit  qui  s'alongera  :  c'eft 
que  cette  elpcce  n'étoit  pas  vraiment 
ii;ie  efpèce  jardinière,  mais  une  (impie 
variété  d'une  efpèce  jardinière.  Il 
n'eft  pas  plus  farprenant  de  voir  la 
forme  changer,  que  de  voir  un  oignon 
fie  tulipe,  &c.  donner  une  fleur  dune 
feule  couleur,  &  le  même  oignon 
produire  une  fleur  panachée  l'année 
d'après.  Quant  aux  melons  de  for- 
mes defedueufcs  ou  contrefaites  , 
cela  tient  àdesaccidens  particuliers; 
comme  à  des  meurtrillures ,  des  pi- 
qûres faites  par  les  infedtes,  &c.  On 
doit  rigoureufement  enlever  ces  me- 
lons de  la  melounière  ,  parce  qu'il 
eft  infiniment  rare  qu'ils  aient  de  la 
qualité  -,  de  dans  les  piays  où  les  clo- 
ches font  en  uf.ige  ,  ils  occuperoient 
inutilement  un  efpace  précieux. 

On  divife,  en  général,  les  melons 
en  deux  clalfcs.  La  première  efl:  def- 
tinée  aux  melons  qu'on  appelle /ra«- 
cois,  &  la  féconde  aux  melons  étran- 
gers j  quoiqu'ils  foient  tous  étran- 
gers à  la  France;  mais  on  les  appelle 
français,  parce  qu'ils  font  naruralifés 


M  E  L 

311  pays ,  &  qu'ils  y  téuflllTent  mieux 
que  les  autres,  c'eft-àclire  ,  aux  en- 
virons de  Paris.  On  fent  combien 
cette  définition  eft  vague. 

§.   I.  £)es  Melons  françois. 

I.  Melon  commun  ou  Melon  ma- 
raîcher (  I  ).  Ce  melon  eft  le  plus 
généralement  recherché  par  le  peuple 
de  Paris.  Il  n'a  point  de  cote  fen- 
fible;  elle  efl:  très-brodce;  fa  chair 
eft  épaille  ,  aqueufe  &  rouge.  Sa 
broderie  relfemble  à  un  réfeau  ,  à  un 
filet  dont  les  maiHes  font  un  peu 
confufes.  J'ai  obfervé  ,  pendant  que 
je  demeurois  à  Paris ,  que  lorfque  , 
fous  la  grolfe  broderie,  on  en  voyoit 
une  autre  plus  fine,  &  pas  aulîi  ca-; 
radlétifée  ,  ce  qui  fembloit  former 
deux  rcfeaux  l'un  fous  l'autre,  la  qua- 
lité du  melon  étoit  bonne.  Sur  plus  de 
cent,  je  ne  me  fuis  pas  trompé  deux 
fois.  11  en  efl:  à-peu  près  ainfi  de  tous 
les  melons  brodés,  foit  à  côtes,  foit 
fans  côres  :  cependant  je  donne  cette 
obfervation  fans  la  garantir.  Ce  me- 
lon varie  beaucoup  dans  fa  forme  : 
il  y  en  a  de  plus  ou  moins  brodés, 
de  plus  ou  moins  ronds  ou  alongés, 
de  plus  ou  moins  gros;  ce  qui  tient 
beaucoup ,  quant  à  la  grolfeur ,  aux 
fréquens  arrofemens  qui  augmentent 
leur  volume  aux  dépens  de  leur  qua- 
lité; mais  elle  importe  peu  au  ma-» 
raicher  qui  vend  fon  melon  en  raifon 
de  fa  grofleur.  Il  varie  encore  par 
fes  feuilles  plus  ou  moins  découpées, 
&  par  fa  maturité  plus  hâtive  ou  plus 
tardive.  Ainli  la  forme  des  feuilles , 


(  I  )  On  appelle  les  jardins  potagers  des  environs  de  Parfs  marais,  fans  doute  parce 
ôue  le  fol  en  étoit  originairement  marécageux  ;  on  appelle  maraîcher,  mareché ,  marayer 
les  prrfonncs  qui  les  cultivent  ;  je  crois  la  première  ctuomiaation  préférable  aui  fuivantes, 
d'ailleurs  elle  efl  confacrée  par  l'habitude. 


M  E  L 

celle  du  fruit,  fa  broderie,  &  l'épo- 
que de  fa  maturicc  ,  ne  conftituent 
pas  des  efpcccs  jardinières  propre- 
ment dites ,  (  voyc\  ce  mot  )  mais 
de  fimples  variétés  d'une  efpèce  jar- 
dinière. 

2.  Melon  morïn  on  gros  mara'i- 
ther.  Sa  grofleur  efl:  plus  con(idcrab!e 
que  celle  du  précédent  :  il  ell  plus 
hâtif ,  fon  écorce  plus  brodée  ,  Se 
l'endroit  ou  la  fleur  étoit  attachée, 
cft  marqué  par  une  efpèce  d 'étoile. 
L'écorce  au-delfus  de  la  broderie  eft 
d'une  couleur  verre  ,  tirant  fur  le 
noir;  fa  chair  eft  rouge  &  ferme;  fon 
goût  eft  fucré  Se  vineux.  C'eft  un  bon 


M  E  L 


475 


melon 


3.  Melon  des  carmes.  Il  y  en  a 
de  deux  efpèces  \  \c^ong  &  le  rond  : 
on  pourroit  ajouter  encore  de  blancs 
à  l'extérieur.  Il  eft  originaire  de  Sau- 
mur,  dit  M.  Defcombes  ;  il  fut  ap- 
porté au  potager  du  Roi ,  d'où  il  palla 
cîiezles  carmes, qui  le  cultivèrent  avec 
fiin,  le  firent  connoître  pins  qu'il  ne 
l'éroit ,  &  il  a  confervé  leur  nom.  De 
moyenne  grolfeur,  de  forme  ovale; 
fans  côtes ,  ou  à  côtes  très-peu  fen- 
fibles;  fon  écorce  légèrement  brodée; 
jaunit  lorfque  le  fruit  approche  de  fa 
maturité  ;  fa  chair  plus  ou  moins 
rouge,  pleine,  quelquefois  blonde, 
fort  fucrée,  d'un  goût  relevé;  mais  il 
faut  le  prendre  à  temps,  fins  quoi  la 
chair  devient  pâceufe,  pour  peu  qu'il 
foie  trop  mûr.  Il  eft  hâtif. 

Le  melon  des  cannes ,  rond ,  ne 
diffère  de  l'autre  que  par  fa  forme. 

Le  melon  des  carmes j  blanc,  de 
forftie  plus  alongée  ;  écorce  fans  bro- 
derie, unie  &;  blanchâtre,  d'un  goût 
plus  fin  ôc  plus  délicat  que  les  deux 
précédens. 

Le  melon  Romain  y  ordm^àvemein 
boii  Se  hâtif,  &  de  forme  très- ronde. 


ne  feroit-il  pas  encore  une   variété 
du  melon  des   carmes  ? 

4.  Melon  à  graine  blanche.  Forme 
ovale  ;  peau  verte  &  fans  broderie  ; 
chair  fucrée  ,  aqueufe  ,  peu  aroma- 
tifée  ;  graines  blanches  ;  fort  hâtif. 
On  peut  le  rapporter  à  l'efpèce  de 
melon  des  carmes  ;  il  eft  délicat  pour 
la  culture  :  en  tout  il  leur  eft  infé- 
rieur pour  la  qualité, 

5 .  Melon  de  St.-Nicolas-de-la-Grave. 
Nom  du  lieu,  diocèfe  de  Lombez,  d'où 
ce  melon  a  été  apporté;  qualité  fupé- 
rieure  à  tous  les  précédens;  de  grof- 
feur  moyenne  ;  forme  alongée  ;  à 
côtes  régulières  ;  écorce  verdâtre  Se 
mince;  chair  ferme,  rouge,  pleine 
d'eau,  iucrée,  vineufe.  On  connoît 
une  variété  fans  côte,  à  écorce  fine- 
menr  brodée  ,  de  forme  plus  alon- 
gée. Il  cft  très-bon.  Celui-ci  eft  en- 
core connu  fous  le  nom  de  melon 
d' Avignon. 

6.  Melon  Langeai.  Long  -  temps 
inconnu  par-tout  ailleurs  que  dans 
ce  village  près  de  Tours,  d'où  il  a  été 
tranfporré  dans  les  enviro'ns  de  Paris. 
Forme  alongée,  à  côtes;  de  couleur 
d'un  verd  foncé  après  que  la  (leur  efl 
nouée ,  &  d'un  jaune  doré  à  mefure 
qu'il  approche  de  fa  maturité.  Elle 
tftquek]uefois  avec  ou  fans  broderie  j 
chair  ferme,  rouge  ,  d'un  goût  fucré, 
vineux,  il  donne  beaucoup  d'eau. 

7.  Melon-fucrtn.  On  le  divife  en 
trois  efpèces;  la  grollê,  la  pctice  Se 
l'alongée. 

Gros  fucrin  de  Tours.  Son  écorce 
eft  ordinairement  plus  brodée  que 
celle  de  toute  autre  efpèce  de  me- 
lons ;  jaunit  en  mûrilfant  ;  forme 
inégalement  tonde;  côres  très -peu 
fenhbles;  chair  ferme,  rouge,  pleine 
d'eau  ,  d'un  goût  fucré  &  aromatifé. 
O  o  o  2 


47^ 


M  E  L 


11  mûrit  tard  en  compamron  des 
deux  variétés  fuivantes. 

Petit  fucrin  de  Toz/rj.  Très-petit , 
comme  une  groffe  orange,  rond,  ap- 
platipar  les  extrémités  j  écorce  verte  , 
clmiige  peu  en  mûrilTant,  quelquefois 
lifle  j  quelquefois  brodée  ;  chair  rem- 
plifTaiït  prefque  toute  la  capacité  , 
très-acrréab'e  ,  atùmacifée  &  très- 
fucrée. 

Sucrin  de  Tours  lor.g.  Egal  en  qua- 
lité au  précédent  :  il  n'en  diffère  que 
par  fa  forme. 

§.   II.  Des  Melons  étrangers. 

I.  Melon  de  Malthc.  On  en  compte 
pluiîeurs  efpcces  ;  celui  à  chair  blan- 
che ,  celui  à  chair  rouge,  &:  le  melon 
d'hiver. 

Melon  de  Malthe  a  chair  hlanzhe. 
Il  efl:  très- hâtif  dans  nos  provinces 
du  midi  :  quelquefois  avec  une  bro- 
derie très-fine  ,  &  quelquefois  fans 
broderie;  affez  gros ,  de  forme  alon- 
gée  par  les  deux_bouts  \  chair  fondante 
&  fucrée. 

Melon  de  Malthe  à  ch^iir  rouge. 
Forme  alongée  par  les  deux  bouts, 
quelquefois  ronde  ;  écorce  bien  bro- 
dée ,  faveur  fucrée  &  aromatifée  j 
plus  hâtif  que  le  premier. 

Melon  de  Malthe  d'hiver ,  qu'on 
nomme  encore  melon  de  Morée  j  de 
Candie ,  &c.  Il  eft  plus  connu  fous  la 
première  dénomination.  11  réulîit  alfez 
mal  dans  nos  provinces  du  nord,  &  fait 
les  délices  de  celles  du  midi.  Il  varie 
dans  fa  forme,  tantôt  ronde,  on  alon- 
gée par  un  bout ,  ou  par  tous  les  deux. 
Il  n'a  rien  de  réglé  pour  fon  volume  ; 
il  pcfe  quelquefois  huit  à  dix  livres, 
quelquefois  une  ou  deux  feulement  j 
ce  qui  dépend  beaucoup  de  l'année 
&  de  fa  culture.  D'après  cet  expofc , 


M  E  L 

il  eft  aifé  de  concilier  les  afTertions 
des  écrivains  du  nord  ou  du  midi  : 
les  uns  &  les  autres  ne  voyoient  que 
le  climat   qu'ils  habitoient  ,    &  ju- 
geoient  par  lui  du  rtf^e  du  royaume. 
L'écorce  de  ce  melon  efl  lilfe ,  fans 
côtes,  mais  dure  au  toucher,  rabo- 
teufe.  Sa  chair  efl  verte  ,  moins  fon- 
cée que  fon  écorce,  fondante,  fucrée 
&  parfumée.  Ce  melon  en  Italie,  à 
Malche ,  fcc.  ,  efl   aulîi  fupérieur   à 
celui  cultivé  en  Provence  .  en  Lan- 
guedoc ,  que  ce  dernier  l'eft  fur  ceux 
de  Paris.  On  l'a  appelle  melon  d'hi- 
ver j  parce  qu'on  le  récolte  avant  les 
gelées ,  ou  en  octobre ,  (Se  qu'on  le 
iranf'porte  fur  la  paille  dans  un  frui- 
tier, commeony  conferve  une  pomme 
de  reinette.  Quelques-uns  le  fufpen- 
der.L  au  plancher,  dans  un  lieu  fec  & 
aéré.   11  efl  très  -  aqueux ,  fondant, 
très-fucré,  plus  ou  moins  aromatifé, 
fuivant  le  degré  &  Tintenlité  de   la 
chaleur  qui  l'a  fait  végéter.  On  con- 
noît  le   point  de  fa  maturité,   lorf- 
qu'une   ou  quelques    petites    taches 
blanches  paroillent  fur  fon    écorce. 
C'efl   une  moifilfure   qui    gagneroit- 
tout  l'intérieur,  fi  on  attendoit  plus 
long-temps.  Les  mois  de  Janvier  Se 
de  février  font  l'époque  ordinaire  où 
on    le  fert  fur  la    rable.  Je   cultive 
cette  efpèce ,  &: ,  par  une  fingularité 
remarquable  ,   je  cueille    ce   melon 
à -peu -près    à    la    même    époque 
que  celle  des  autres  efpèces  de  me- 
lons ,  &c  fur  le  même   pied  il  s'en 
trouve  qu\  ne  font  mangeables  qu'en 
hivet. 

A  ces  efpèces  de  melons  de  Mal- 
the, on  peut  en  réunir  une  très-pe- 
tite, à  chair  verte  «Se  à  côtes  j  fucrée 
6:  pleine  de  fuc.  Elle  efl  forr  hâtive. 

2.  Melon  Cantaloup.  Ainfî  nommé, 
parce  qu'il  a  d'abord  été  cultivé  au 


M  E  L 

village  de  Cantalupi,  près  de  Rome  : 
on  le  croit  originaire  d'Arménie.  Leur 
nombre  eft  conlidcrable  ,  &:  augmen- 
tera vraifemblablement  de  jour  en 
jour,  &;  en  multipliera  les  variétés. 
De  tous  les  melons  en  général ,  les 
cantaloups  font  ceux  qui  fe  digèrent 
le  plus  facilement  j  ils  nouent  avec 
facilité,  mûrllfent  promptemenr,  Se 
même  ceux  de  Tarrière-faifon  ne  font 
pas  fans  qualité.  Leur  volume  elt  peu 
confidérable  dans  les  provuijcs  du 
nord  5  ils  font  ,  au  contraire  ,  d'une 
belle  taille  dans  celles  du  midi  :  on 
y  en  voit  qui  pèfent  jufqu'à  dix 
livres. 

Cantaloup  ananas.  t^Ius  long  que 
rond  ,  à  côtes  trcs-faillantes ,  termi- 
nées vers  l'extrémité  fupérieure,  Se 
réunies  par  une  efpèce  de  calotte 
ou  couronne  qui  déborde  de  huit  à 
dix-huit  lignes.  Cette  proéminence 
eft  formée  en  partie  par  l'écorce  & 
par  la  chair  du  fruit  ;  elle  eft  pleine 
&  fans  graine.  L'écorce  de  ce  melon 
eft  très-cpailfe  pour  l'ordinaire,  char- 
gée de  verrues  ou  tubercules;  quel- 
quefois elle  en  eft  privée  \  la  chair 
rouge  ,  ferme  ,  fucrée  ,  très  -  par- 
fumée. On  en  voit  par-fois  fans  cou- 
ronne. 

Cantaloup  noir.  Moins  gros  que  le 
précédenr,  de  forme  ronde  j  applatie 
par  une  extrémité  ,  quelquefois  par 
toutes  deux  ;  avec  ou  fans  calotte  , 
&  à  la  place  on  remarque  une  efpèce 
d'étoile;  l'écorce  chargée  de  verrues; 
la  chair  comme  celle  du  précédent  : 
ce  font  deux  excellentes  efpèces  de 
melons ,  elles  font  hâtives. 

Ces  deux  efpèces  ont  beauconp 
vatié ,  &  ont  fourni  le  cantaloup  à 
écorce  argtntée  ,  à  verrues  argentées 
ou  noites  ;  le  cantaloup  dore  y  à  écorce 
dorée  avec  ou  fans  verrues  ;  le  can- 


M   E   L  477 

taloiïp  à  forme  plus  ou  moins  alcn- 
gee ,  avec  ou  fans  verrues. 

Cantaloup  à  chair  verte,  fondante, 
fucrée,  vineufe  ;  cantaloup  jP/^r  ,  à 
chair  rouge.  A  ces  melons  étrangers, 
il  feroit  poflible  d'ajouter  un  grand 
nombre  ce  vaiiétés  :  telles  font  celles 
des  melons  de  Cafte!naudari,-de  Per- 
pignan, de  Quercy,  de  Cote  Rôtie, 
iur  la  dioire  du  Rhône  ,  près  de 
Vienne  j  tk  Pezcnas  ,  t\'c,  ;  mais  il 
eft  une  efpèce  qui  mérite  d'être  con- 
nue :  c'eft  le  meion  .à  écoice  lifte  , 
couleur  paille  dar.s  fa  maturité  ,  à 
côtes;  alongé,  &  'd'une  belle  grof- 
feur  ;  à  chair  d'un  rouge  vif  &  fonce  ; 
plein  d'une  eai:  fucrée,  vineufe,  & 
très-parfumée.  Il  mûrir  un  peu  tard 
dans  le  climat  que  j 'h.ibi te  :  c'eft  im 
excellent  melon  que  l'on  nommera 
comme  on  voudra. 

J  ai  également  des  graines  fous 
la  dénomination  àz  melon  nionjlrueux 
de  Portugal.  11  mérite  le  nom  de 
monjîrueux,  par  fa  groftcur  :  fa  forme 
eft  ronde,  &  a  près  d'un  pied  de  dia- 
mètre. Son  écorce  eft  entièrement  & 
finement  brodée  ;  fa  chair  eft  peu 
rouge,  courte  :  il  y  a  beaucoup  de 
vide  dans  l'intérieur.  Ce  melon  pro- 
mettoit  beaucoup  à  la  vue  ;  mais  fa 
qualité  n'a  pas  répondu  à  mon  at- 
tente, tft-ce  le  défaut  de  l'efpèce, 
eft-ce  la.  faute  de  la  faifon  ;  ou  bien 
demande-t-il  une  culture  différente 
de  celle  des  autres  melons  ?  C'eft  ce 
que  je  vérifierai. 

Les  Auteurs  qui  ont  écrit  furie 
jardinage  placent  ordinairement  les 
pajlèqucs  avec  les  melons.  La  forme 
de  leurs  graines  &  de  leur  piftil  m'a 
déterminé  à  les  placer  après  les  cour- 
ges. (  Foye-:^  le  mot  Citrouille  )  Il 
y  en  a  deux  efpèces  ;  la  citrouille  ou 
paflèquc  à  confiture,  le  paftèque  pro- 


473 


M  E  L 


prement  die,  appelle  melon  d'eau  par 
les  auteurs,  rempli  (ieaii  peu  fucrcc, 
fans  parhim  ,  m^-me  dans  nos  pro- 
vinces du  midi  ,  où  il  efl:  un  peu 
plus  palTable  que  dans  celles  du  nord. 
Il  eft  inurile  de  répéter  ici  ce  qui  a 
déjà  été  dit  à  ce  fujec. 

Section      II. 

De  la  culture  des  Melons. 

A  Paris,  on  mange  ce  fruit  beau- 
coup plutôt  que  dans  les  provinces 
du  midi.  Deux  motifs  y  concourent; 
l'art,  &  le  choix  des  efpèces  hâtives  : 
il  '/  a  donc  deux  cultures  différentes , 
nécelfitées  par  la  différence  des  cli- 
mats; l'une,  naturelle,  &  c'eft  celle 
de  l'intérieur  du  royaume  iSc  des  pro- 
vinces du  midi  ;  l'autre,  arOfiàellc , 
Se  c'eft  celle  des  environs  de  Paris  & 
des  provinces  du   nord  du  royaume. 

§.  I.   De  la  culture  naturelle. 

Dans  les  provinces ,  dans  les  can- 
tons où  la  chaleur  du  climat  efl:  alfez 
forte  <?c  alfez  foutenue ,  on  donne 
peu  de  foins  à  cette  culture.  L'année 
de  repos  des  champs  à  blé  efl:  dedinée 
à  l'établilfement  des  melonnicres. 
Après  avoir  donné  aux  époques  ordi- 
naires les  labours ,  on  ouvre  ,  entre 
quinze  à  vingt  pieds  de  dillance  de 
l'une  à  l'autre,  de  petites  foffes  d'un 
pied  en  quatre  fur  autant  de  profon- 
deur, &  la  terre  eft  rangée  circulaire- 
menr  tout  autour.  La  folfe  cik  remplie 
avec  de  nouvelle  terre  franche ,  mêlée 
par  moitié  avec  du  terreau  ou  vieux 
fumier  bien  confommé.  Pour  l'ordi- 
naire ,  cette  terre  eft  le  réfidu  du 
ballayage  des  cours ,  ou  de  la  terre 
qui  Ce  trouve  au  fond  des  folfes  à 
fiimicr,  lorfqu'il  a  été  enlevé.    Dès 


Aï  E  L 

qu'on  ne  craint  plus  les  gelées  tar- 
dives, on  fème  la  graine  dans  les  pe- 
tites folles,  &  dans  chacune  cinq  ou 
hx  grains.  Lorfqu'ilsontgermé,  qu'ils 
ont  quatre  feuilles,  ians  parler  des 
cotylédons  ou  feuilles  fcminales  , 
(  Foye~  ce  mot  )  on  en  détruit  deux 
ou  trois ,  afin  que  les  autres  aient 
plus  de  force.  La  graine  eft  enterrée 
environ  à  un  pouce  de  profondeur. 
S'il  ne  tombe  pas  de  pluie  de  long- 
temps ,  on  arrofe  chaque  folle  ;  mais , 
comme  fouvent  l'eau  n'eft  pas  à  la 
portée  du  champ,  le  cultivateur  re- 
couvre ,  avec  la  baie  du  blé  ,  de 
l'orge,  de  l'avoine  ,  ou  avec  de  La 
paille  coupée  menue,  ou  enfin  avec 
des  herbes  ,  la  fuperficie  de  la  folle, 
à  l'exception  de  la  place  où  font  les 
femcnces.  Par  ces  petits  foins,  il  ccn- 
ferve  la  fraîcheur  de  la  terre,  Se  empê- 
che l'évaporation.  La  terre  première, 
tirée  de  la  folfe  ,  abrite  les  jeunes 
pieds  contre  les  vents. 

Avant  de  confier  à  la  terre  la  graine 
de  melons ,  on  la  jette  dans  un  vafe 
plein  d'eau.  La  mauvaife  furnage,  la 
médiocre  defcend  lentement  •,  mais 
la  bonne  fe  précipite  tout  d'un  coup, 
(St  c'eft  la  feule  qu'on  fème.  Ainfi  on 
n'attend  pas  que  la  médiocre  ait 
gagné  le  tond,  pour  vider  l'eau  du 
vafe;  &  en  s'écoulanr,  elle  entraîne 
la  médiocre  &  la  mauvaile  graine. 
Le  cultivateur  fait  encore  qu'au  be- 
foin  il  peut  femer  la  graine  cueillie 
&c  confervée  avec  foin  depuis  trois 
ans,  mais  il  préfère  celle  de  la  der- 
nière récolte ,  parce  qu'elle  germe 
plus  vite.  S'il  a  plufieurs  beaux  fruits 
dans  fa  melonnicre  ,  il  les  refpec'te  , 
ne  les  vend  point,  &  les  lailfe  pourrir 
fur  pied  ,  pace  qu'il  eft  bien  con- 
vaincu que  la  chair  du  truit  eft  déf- 
tinée'à  perfectionner  la  grauie  ,  & 


M  E  L 

que  la  graine  du  melon  que  l'on  mange 
à  (on  point,  produi:  un  fruit  dont  la 
chair  n'a  pas  alors  autant  de  finefle. 
Enfin  ,  lorfque  le  fruit  eft  pourri,  il 
fépare  ia  graine  des  parenchymes  pnr 
des  lavages  réitérés  :  mais  fi  la  failon 
eft  aiïez  chaude  pour  delîécher  fur 
pied  le  melon,  il  laiffe  la  graine. fe 
conferver  dans  la  chair  defTéchée  ,  & 
il  ne  l'en  fépare  par  des  lavages,  ou 
autrement  ,  qu'au  moment  de  la 
mettre  en  terre.  Pendant  le  cours 
de  l'année ,  la  graine  eft  tenue  dans 
un  lieu  f^'c  &  à  l'abri  de  la  voracité 
des  rats,  fouris  i!\;  mulots  qui  en  font 
très -friands. 

Ce  fuiiple  cultivateur  ignore  qu'il 
exlfte   un    art  de  pincer   les    tiges  , 
lorfque  le  fruit  el1;  noué;  <Sc  lorfqu'on 
lui  en  parle,  il  répond  :  Mes  courges, 
mes  concombres  viennent  à  bien  lans 
tant  de  précautions ,  &  la  nature  n'a 
pas  donné  aux   melons    de    longues 
tiges  pour  les  détruire  ,  ni  pour  dé- 
ranger leur  végétation.  Avez  -  vous 
peur,  ajoute-t-il ,  que  cette  végéta- 
tion foit  foible  &  languiffante  ?  Voyez 
mes   courges ,  dont  les  tiges  s'éten- 
dent à  plus  de   trente  pieds-,  celles 
de"    •Tielons ,    au   moins  à  dix    Se  à 
quinze.  Pourquoi  donc  voulez  -  vous 
que  chaque  plant  ne  s'étende   pas  à 
plus  de  deux  pieds ,  &  qu'il  ne  porte 
qu  un  feul  ou  deux  melons  ?  Gardez 
votre  fcience  &  fes  raffinemens  :  je 
me  trouve  fort  bien  de  ma  méthode; 
j'ai  un  plus  grand  nombre   de   me- 
lons que  vous;  ils  fontaulîi  bons  que. 
les. vôtres  lorfque  la  faifon  les  favo- 
riie,  &  leur  culture  exige  peu  de  foins 
&  peu  de  peines.  Le  raifonnement  de 
ce  fimpîe  laboureur  ou  cultivateur  en 
vaut  bien  un  autre. 

Lorfque  les  bras  de  la  planre  ont 
à-peu-près  deux  à  trois  pieds  de  Ion- 


M  E  L 


479 


gueur,  &  lorfqu'ilyadesfruirs  noués, 
il  les  difpofe  de  manière  que,  loif- 
qu'ils  s'étendront,  ils  ne  fe  mêleront 
pas,  &  couvriront  tout  l'efpace  qu'on 
leur  a  laillc  fur  le  champ.  Après  les 
avoir  ainfi  difpofés ,  il  ouvre,  ver^ 
leur  extrémité,  une  petite  foffe  de 
trois  .à  quatre  pouces  de  profondeur, 
il  y  range  la  partie  du  bras  qui  y  cor- 
relpond,  i5v  la  charge  d'environ  trois 
à  quatre  pouces  de  terre  fur  l'efpace 
de  fixa  douze  pouces,  lorfque  la  lon- 
gueur du  bras  &  l'écartement  des 
feuilles  le  permettent.  La  tige  qui 
vient  d'être  enterrée  _,  acquiert  ce 
nouvelles  forces  ;  elle  fe  hâte  de  pro- 
longer fon  bras  ;  &  lorfqu'clle  eft 
parvenue  àpeu-près  à  trois  ou  quatre 
piedc ,  le  culrivateur  recomm^Cuce  la 
même  opération  ,  &  ainfi  de  fuite. 
Voilà  en  quoi  coi-,fille  tonte  fa  mé- 
thode. Quelques-uns  attender.t  que 
les  bras  nient  fix  pieds  de  longueur, 
&  plus,  pour  les  enterrer. 

11  faut  avoir  été  témoin  de  cette 
culture,  pour  juger  de  la  quantité  de 
melons  qui  couvrent  la   terre.  11  eft 
bien    clair   que  ceux   dont  la    flêur 
noue,  lorfque  la  faifon  cfl;  un  peu 
avancée,  n'auront    .aucune    qualité, 
£<   même   qu'un   très-grand  nombre 
ne  mûrira  pas.  On  demandera  à  quoi 
bon  travailler  à  fe  procurer  cette  fura- 
bondancequi  doirpréjudicicr  aux  pre- 
miers melons  formés  ,    puifque  ces 
dernières   tiges ,  ces  derniers   fruits 
appauvrilfent  les  premiers  d'une  ttès- 
grande  partie  de  la  fève?  i°.  On  ne 
doit  pas  perdre  de  vue  que  les  plantes 
fe  nourrilfent  plus  par  leurs  feuilles 
qne  par  leurs  racines  :  en  effet,  que 
l'on  confidère  la  racine  d'un  pied  de 
courge  ,   de   citrouille.  Sic,  &  on 
verra  qu'elle  eft  peu  étendue,  &  qu'ii 
ne  fe  ttouve  aucune  ptoporcion  eu- 


480 


M  E  L 


tr'elle  &  fes  tiges  de  vingt  à  trente 
pieds  de  longueur;  enfin,  qu'il  elt 
impolllb'e  que  la  racine  feule  puilfe 
nourrir  lur  fon  feu)  pied  huit  à  dix 
courges,  citrouilles,  dont  quelques- 
unes  pèferont  jufqiia  foixante  ou 
quatre-vingt  livres.  11  en  ell  ainlî 
pour  le  melon,  i".  Il  faut  compter 
pour  beaucoup  ces  petits  monticules 
de  terre  ,■  placés  de  diftances  en  dif- 
tances  fur  les  bras  ,  &  qui  en  font 
comme  autant  de  nouvelles  tiges. 
Entin,  tous  les  raifonnemens  ne  lau- 
roient  contredire  une  expérience  fon- 
dée fur  une  ccuitume  établie  de  temps 
immémorial ,  &  couronnée  par  un 
fucccs  habituel. 

Les  plus  beaux  melons  font  choifis 
<Ians  la  mclonnicre  ,  ^  portés  au 
marché  des  villes  vcihnes  ;  les  tardifs, 
ou  les  mauvais  &  contrefaits  des  pre- 
'tniers  ,  fervent  à  la  nourriture  des 
bœufs  âc  des  vaches,  év  durent  ordi- 
nairement jufqu'à  ce  que  les  courges 
aient  acquis  leur  grofl'eur  fur  pied. 
Dans  les  pays  où  les  fourrages  font 
chers,  les  melons  font  une  reifource 
précieufe. 

Depuis  le  milieu  de  feptcmbre, 
jufqu'au  milieu  d'ociobre ,  on  lailfe 
les  melons  tardifs  fur  pied  ,  aiin  qu'ils 
parviennent  à  la  grolleur  £-c  à  la  ma- 
turité qu'ils  font  fufceptibks  d'ac- 
cjuérir.  On  les  récolte  alors  ,  on  ar- 
rache leur  f^mne ,  &  on  laboute  auilî- 
tor  pour  femer  les  blés  hivernaux. 

Lorfque l'hiver  e 11:  tardif,  lorfqu'on 
prévoit  que  la  végétation  languira,  ou 
aura  de  la  peine  à  s'émouvoir  au  prin- 
temps, le  cultivateur  prépare  une  fur- 
face  platte  de  terre  fur  le  fumier  or- 
dinairement placé  devant  fa  maifon 
ou  dans  une  balfe-cour ,  il  la  couvre 
do  quatre  î  fix  pouces  de  fumier  ,  & 
il  Iciue  fut  cc'Ctv' couche  ëi  d.ms  cette 


M  E  L 

terre  les  graines  de  melon.  11  recou- 
vre le  tout  avec  des  épines  ,  afin  que 
les  poules  &  autres  oifeaux  de  balle- 
cour  ne  viennent  pas  gratter  ou  dé- 
truire les  jeunes  plants.  L'embarras 
enfuire  eft  de  les  tranfporter  fur  le 
champ  :  lorfc]ue  l'eau  ,  pour  les  ar- 
rofer,  n'cfl:  pas  dans  le  voihnage,  il 
choifit  un  jour  &  un  temps  pluvieux 
qui  allure  fa  reprife. 

Quoique  je  préfère  les  méthodes 
les  plus  llmples  à  toutes  les  autres , 
je  conviens  cependant  qu'il  y  a  un 
grand  avantage  à  hâter  le  plant  fur  la 
couche,  &  à  le  tranfporter  au  champ 
du  moment  qu'on  ne  craint  plus  l'effet 
des  gelées  tardives.  Le  melon  eft  ori- 
ginaire des  pays  très-chauds;  il  n'eft 
donc  pas  furprenant  qu'il  foit  détruit 
par  le  froid  ,  &  fiu--tout  dans  fa  jeu- 
nelfe  ,  où  la  plante  eft  lî  herbacée 
&  h  aqueufe.  L'avancement  de  la 
plante  pout  le  piintemps,  allure  une 
plus  prompte  maturité  de  fes  fruits 
pendant  l'été,  d'cù  dépend  leur  qua- 
lité ,  (Je  plus  de  grolTeur  &  plus  de 
maturité  dans  les  melons  tardifs.  Le 
grand  point  efl  que  la  terre  qui  ea- 
toLire  les  racines,  ne  s'en  détache  pas 
lors  du  tranfport  &  de  la  tranfplnii- 
tatîon.  Au  moment  qu'on  lève  les 
pieds  fur  la  couche,  on  doit  les  eii- 
velcpper ,  avec  la  terre  de  leurs  ra- 
cines ,  dans  une  feuille  de  chou  ou 
de  toute  autre  plante,  &  ranger  !e 
tout  au  fond  d'une  corbeille  :  ces  pe- 
tites précautions  ne  font  point  à 
négliger.  On  fera  très-bien  encore  de 
femer  autour  des  pieds  que  l'omnct 
en  terre,  quelques  graines  de  melons. 
Si  les  pieds  tranfplantés  périlfent  par 
une  caufe  quelconque  ,  on  aura  la 
rellonrce  des  plants  venus  de  graine  : 
&  s'ils  rcuflillcnt ,  on  arr:c!ie  ces 
derniers. 

Une 


M  E  L 

Une  méthode  moins  fimple  que 
celle  dont  on  vient  de  parler  ,  eft 
celle  des  jardiniers  ordinaires.  Ils  fè- 
ment  fur  couche  (  voye\  ce  mot)  ou 
contre  de  bons  abris,  leur  graine  en- 
viron vers  la  fin  de  février,  ou  même 
en  janvier ,  fi  le  climat  eft  peu  expofé 
aux  grandes  gelées,  on  s'ils  ont  les  fa- 
cilités pour  les  en  garantir  j  ils  lèvent 
les  pieds  en  mars,  &:  les  plantent  à 
demeure.  J'ai  très-fouvenr  obfervé 
que,  lorfque  la  hn  de  l'hiver  &  le 
commencement  du  printemps  font 
froids ,  les  melons  mis  en  place  lan- 
guilfent,  font  très-long-temps  à  fe  re- 
mettre, <Sc  qu'ils  ne  donnent  pas  des 
fruits  plus  précoces  que  ceux  dont  on 
a  femé  tout  fimplement  la  graine 
lorfcjue  la  failon  a  été  décidée  \  ce- 
pendant fouvent  l'on  gagne  beaucoup 
à  avoir  de  bonne  heure  des  pieds  fur 
couche. 

Dans  les  jardins  fujets  aux  counil- 
lières  ou  taupes-grillons ,  (  Voye'^  ce 
mot  )  la  chaleur  du  fumier  attire  ces 
animaux,  qui  y  pratiquent  leurs  ga- 
leries &  viennent  enfuite  couper,  en- 
tre deux  terres ,  les  jeunes  pieds  les 
uns  après  les  autres.  Combien  de  femis 
détruits  complètement  de  cetre  ma- 
nière !  Dès  que  l'on  parle  de  la  cul- 
ture d'un  jardin  ,  on  fuppofe  déjà  des 
moyens  que  n'ont  pas  ceux  qui  culti- 
vent en  pleine  terre;  dès-lors  o;i  peut 
mettre  un  peu  plus  de  recherche  dans 
la  méthode.  Je  propofe  ,  pour  éviter 
le  dégât  prefque  inévitable,  caufé  par 
les  taupes-grillons,  de  faire  carreler 
le  fond  du  lieu  deftiné  aux  couches  \ 
d'établir  de  longues  cailfes  de  gran- 
deur, &  en  nombre  proportionné  au 
befoin.  Ces  caiffes  feront  faites  avec 
des  planches  d'un  pouce  d'cpailTcur, 
taillées  Se  allemblées  en  morroife  par 
les  bouts;  enfin,  pour  prévenir  leur 
Tome  FI. 


M  E  L 


4^1,- 


déjettement,  leurs  angles  feront  main- 
tenus p.ar  des  équerres  en  fer.  On  pofe 
ces  cailfes  fur  la  partie  carrelée  ,  èc 
on  enduit  leur  féparation  avec  les  car- 
reaux ,  par  du  mortier  à  chaux  &  à 
fable,  ou  avec  du  plâtre;  on  les  rem- 
plit 6c;  on  forme  des  couches  y  ainlT 
qu'il  a  été  dit.   (  Voyc^  ce  mot.  ) 

Afin  de  prévenir  la  féparation  de 
la  terre  d'avec  la  racine ,  lors  de  la 
tranfplantation,  f.iit  encore  pour  laif- 
fer  fortifier  le  pied  fur  la  couche,  il 
convient  d'avoir  un  nombre  fuffifanc 
de  petits  vafes  fans  pied  ,  percés  au 
fond  par  de  très  petits  trous  ,  larges 
de  cinq  pouces  par  le  bas  ,  &  de  fix 
par  le  haut,  &  leur  hauteur   égale- 
ment de  fix  pouces.  Les  pots  ro'îids, 
p'acés  les  uns  à  côté  des  autres ,  laif- 
fent  .inutilement   un  efpace  vide  :  il 
vrair  donc'mieux  qu'ils  loient  quarrés 
par  le  haut  ;  alors  nulle   place  n'eft 
perdue.    On    place    ces    pots    fur   la 
couche  de  fumier,  &  on  garnit  exac- 
tement avec  de  la  terre  les  vides  qui 
fe  trouvent  entre  chaque    pot    ,    & 
ainfi  de  fuite  rang  par  rang,  jufqu'aii 
bout   de  la  cr.ilfe  ,    qui  ,  fur  quatre 
rangs ,  peut  aifément   contenir  cent 
pots  au  moins,  fuivant  le  befoin.  On 
remplit  ces  vafes  avec  de  la  terre  bien 
préparée  ,   &   on  feme  quatre  à  fix 
graines  en  difiérens  endroits  du  vale. 
On  eft  fur  que  les  taup'cs  gM'lons  n'y 
p.'nccrcront  p.is ,  cequ'c^n  pourra  trani- 
pcrter  les  plantes  avec  le  vafe  ,  lana 
les  déranç^er ,  jufqu'awx  lieux  où  ellea 
doivent  être  mifcs  à  demeure.  U'é- 
vafement  d'un  pouce  de  la  fuperficie 
du  vafe  ,  fur  les  cinq  qui  font  à  fa 
bafe  ,    facilite  le  dépotement,  &  les 
petites  racines  chevelues ,  qui  tapilTenc 
alors  la  terre  ,   fervent  à  la  retenir, 
far- roue  fi  on  a  eu  foin  d'arrofer  les 
plantes  un  ou  deux  jours  auparavant. 
PPP 


482  M.  E  L 

Le  trou  en  terre,  préparc  d'avance, 
&  garni  de  terreau  ,  s'ouvre  pour  re- 
cevoir la  nouvelle  plante  à  demeure. 
On  palfe  les  doigts  de  la  main  gau- 
che ,  &  étendus  entre  les  tiges;  on 
renverfe  le  pot  fur  la  main  gauche , 
ôc  avec  la  droite  on  l'enlève  :  alors, 
retournant  la  gauche  far  la  droite  j 
on  place  enfuite  la  plante  de  la  ma- 
nière convenable  ,  &  elle  ne  s'apper- 
çoit  pas  avoir  changé  d'habitation  , 
ni  elle  ne  fouffre  en  aucun  point  de 
la  tranfplantation.  Un  petit  arrofe- 
ment  qu'on  donne  enfuite  réunit  les 
terres. 

La  coutume  des  Jardiniers  eft  de 
pincer  les  bras  au  •  deffus  de  l'endroit 
où  la  fleur  femelle  a  noué.  Ce  travail 
eft-ildonc  finéceiraire?  J'ai  la  preuve 
du  contraire  ,  outre  celle  en  grand , 
dont  on  a  parlé  plus  haut.  J'ai  iailTé, 
livté  .i  lui-même  ,  un  cantaloup  y  il 
a  poulfé  des  bras  autant  Se  comme  il 
a  voulu  ,  ôc  je  puis  alfurer  que  j'ai  eu 
de  très-bons  ,  de  très-beaux  melons , 
&  en  abondance.  Doit-on  également 
admettre  cette  méthode  dans  nos  pro- 
vinces du  nord  ?  Je  n'ofe  prononcer , 
parce  que  je  n'en  ai  pas  fait  l'expé- 
rience; mais  elle  eft  aifée  à  répéter 
dans  celles  où  l'intenfité  de  chaleur 
difpenfe  du  fervice  des  cloches.  11 
convient  encore  d'elTayer  fi  on  réuflira 
mieux  en  enterrant  ,  ou  en  n'enter- 
rant pas  les  bras. 

Tous  les  auteurs  s'accordent  à  dire 
qu'on  doit  rarement  arrofer  les  me- 
lons. Cette  affertion  cft  vraie  jufqu'à 
un  certain  point,  &c  fa  confirmation 
tient  beaucoup  au  climat.  Par  exem- 
ple ,  à  Pezenas ,  où  les  melons  font 
fi  renommés  ,  on  arrofe  fouveiu  les 
cantaloups  à  couronne,  ou  à  verrues 
fans  couronne ,  &  ils  font  délicieux. 
J'en  ai  élevé   prefque  fans  les  arro- 


M  E  L 

fer  ,  Se  ils  ont  été  moins  agréables 
Se  moins  gros.  J'ai  également  faic 
arrofer  ,  fuivant  la  coutume  de  ce 
pays ,  les  melons  maraîchers ,  les  fu- 
crins  ,  &  ils  ont  été  déteftables. . .  . 
De  ces  variétés  ,  on  doit  nécelfai- 
rement  conclure  qu'd  n'y  a  point 
de  règle  ccnéralement  bonne  fur  la 
culture  des  melons ,  qu'elle  doit  v.a- 
rier  fuivant  les  efpèces  ,  ^"  fur-tout 
fuivant  les  climats  ;  enfin,  que  cha- 
cun doit  étudier ,  par  des  expériences 
de  comparaifon  ,  ce  qui  convient  le 
mieux  à  fon  pays  ,  &  quelles  font 
les  efpèces  dont  le  fuccès  &  la  qua- 
lité font  les  moins  cafuels. 

Dans  plufieurs  jardins ,  les  limaces 
&  les  efcargots  font  de  grands  dé- 
gâts. Le  parti  le  plus  fur  eft  d'aller 
les  chercher  dans  leurs  retraites  qu'el- 
les indiquent  par  la  bave  qu'elles 
laiffentpar-rout  où  elles  pafTent.  Mal- 
gré cela  il  n'eft  pas  toujours  aifé  de 
les  détruire.  On  peut  ,  tout  autour 
des  pots ,  couvrir  la  terre  avec  de 
la  cendre  ,  &c  la  rcnouveiler  autant 
de  fois  qu'elle  fera  tapée  &:  agglu- 
tinée, foir  par  les  pluies,  foit  par  les 
arrofemens.  On  fait  que  les  efcar- 
gots coupent  les  tiges   pat  le   pied. 

Les  mulots  font  encore  de  grands 
deftrr.éleurs  des  couches  de  melons, 
de  concombres  ^-  de  courges  ;  ils  dé- 
terrent les  graines  &  les  mangeur. 
On  prend  ,  pour  les  détruire  ,  des 
"raines  de  courge  que  l'en  fend  dans 
leur  longueur ,  on  garnit  1  entre-deux 
avec  de  la  noix  vomicue  ,  réduire  en 
poudre  ^c  palfée  au  ramis  de  foie , 
on  réunit  les  deux  parties  de  la  grai- 
ne :  mais  cette  méthode  ne  remplit 
pas  les  vues  qu'on  s'étoit  propofées, 
parce  que  la  noix  vcmique  étant 
un  peu  amère  ,  les  mulots  aban- 
donnent   cette    graine  ,    (^"    aiment 


M  E  L 

mieux  fouiller  la  terre  ,  ôc  manger 
celle  que  l'on  a  femée.  Le  tarcre- 
émétique  ,  employé  de  la  même  ma- 
nière ^  réulîîc  mieux.  L'arfenic ,  éga- 
lemenc  incorporé  dans  la  graine  de 
courge  j  dont  les  rats  ,  les  fouris 
S:  les  mulots  font  très-friands  ,  les 
détruit  fùremenr  Se  promptement  j 
mais  il  eft  dangereux  de  mettre  un 
poifon  aulli  aiftif  entre  les  mains  d'un 
jardinier,  ou  de  tel  autre  homme  de 
cette  claife.  Le  propriétaire  devroit 
lui-mêrtie  fe  charger  de  ce  foin  , 
compter  le  nombre  de  graines  pré- 
parées, &  deux  ou  trois  jours  après, 
enlever  &  brûler  celles  qui  n'auront 
pas  été  mangées  par  ces  animaux. 
On  aura  alors  la  preuve  qu'ils  ont  tous 
été  crever  dans  leurs  coins.  Voilà  pour 
les   couches. 

Les  pieds  tranfplantés,  ou  venus 
de  graine  fur  le  lieu ,  craignent  éga- 
lement les  taupes-grillons,  les  lima- 
çons Se  limaces.  La  cendre  ,  fouveiit 
renouvellée,  interdit  l'approche  à  ces 
derniers  ;  mais  les  taupes-gtillons  , 
les  vers  blancs  »  ou  turcs  ,  ou  larves 
du  kannecon ,  (  f-^'oyc^ce  mot ,  )  com- 
ment s'en  défendre  ?  Je  n'ai  trouvé 
qu'un  feul  expédient.  Il  confifte  à 
av«ir  j  en  quantité  fu.ffifante  ,  des 
morceaux  ou  broches  de  bois  quel- 
conque ,  de  fix  à  huit  pouces  de  lon- 
gueur j  de  les  enfoncer  en  terre  ,  les 
uns  après  les  autres  ,  «Se  fi  près  que 
ces  infeéles  ne  puilfent  pa(îer  entre 
deux  j  de  manière  que  tous  enfem- 
ble  ,  plantés  circulairement  autour 
"  de  la  plante  ,  formeront  une  efpèce 
de  tour  intérieure  de  hnirà  dix  pou- 
ces de  largeur  ,  qui  défendra  l'ap- 
proche de  la  plante.  Cette  opération 
efl:  l'ouvrage  des  enfans  ou  des  fem- 
fues  j  iS;  lorfque  la  plante  eft  forte  , 
on  peut  enlever  ces  morceaux  de  bois. 


M  E  L 


485 


Je  crois  même  avoir  obfervc  ,  que 
s'ils  s'élèvent  de  quelques  pouces  au- 
deffus  de  la  fuperficie  du  fol  ,  les 
limaces  &  limaçons  ne  les  franchif- 
fent  pas  ,  lorfque  leur  fommet  eft 
taillé  en  pointe  Hue  ,  parce  qu'alors 
ces  animaux  ne  peuvent  fe  tenir  def- 
fus.  Ces  détails  paroîrront  minutieux 
à  beaucoup  de  jardiniers.  Quant  à  moi^ 
qui  ai  été  forcé  de  les  mettre  en  pra- 
tique ,  je  m'en  rrouve  bien ,  &  ceux 
qui  font  dans  le  même  cas  que  moi , 
ne  feront  pas  fâchés  de  les  connoître 
&c  de  les  employer. 

Section      II  L 

De  la  cuhure  artificielle. 

Elle  eft  en  général  très  -  compli- 
quée j  mais  elle  eft  indifpenfable 
lorfque  le  peu  de  chaleur  du  climat 
exige  que  l'art  vienne  au  fecours  de 
la  nature ,  Se  on  diroit  que  l'on  met 
une  efpèce  de  gloire  Se  d'amour- 
propre  à  furmonter  les  difficultés  ,  Se 
même  à  avoir  des  melons  dans  une 
faifon  tout-à-fait  oppofée.  L'art  fait 
donc  beaucoup  ,  il  donne  la  forme  au 
fruit  ;  mais  lui  donne -t-il  fon  eau 
fucrée  j  fa  faveur  vineufe  ,  fon 
parfum  ?  Non  fans  doute.  La  per- 
feélion  tient  à  la  nature,  elle  feule 
colore  les  fruits,  leur  donne  l'odeur 
&  la  faveur  qui  leur  conviennent  ; 
mais  l'art  fe  traînant  fur  fes  pas  , 
n'offre  que  le  fimulacre  de  cette  per- 
feélion.  Cependant  ,  dans  les  pro- 
vinces du  nord  on  s'extafie  devant 
ces  fruits,  ils  font  réputés  délicieux; 
mais  la  véritable  raifon  de  cet  en- 
toufiafme  ,  eft  qu'on  n'en  connoît  pas 
de  meilleurs.  Se  qu'on  n'eft  pas  à 
même  de  faire   la  comparaifon. 

J'appelle  culture  artificielle  celle 
qui  néceftite  à  employer  les  couches 
Ppp  1 


4S4 


M  E  L 


&  les  cloches ,  ou  les  chaflis,  ou  les 
ftrres  chaudes. 

La  méthode  la  moins  compliquée 
^cftçei'c  piatiquée  à  Hojifleur  en  Noi- 
imiidie.  Qa  choific,  dans  un  jardiii  , 
l'expoilnon  la ,  plus  mçridioiiale  ,  la 
Tmi-^ux  .abritée  des  vents ,  &:  qui  re- 
çoit !<î  mieux  les  rayons  du  fuleil 
depuis  Ton  lever  jufqu'à  fon  coucher. 
Si  l'abri  n'eft  pas  allez  confidérabic , 
on  le  renforce  avec  des  paillallons, 
';&ç.  'Soie  pour  la  totalité  du  fol  del- 
_  tinéà  la  melonnière,  foit  pour  chaque 
'  folfe  à  melon ,  la  terre  forte,  neuve 
ôz  bonne,  eft  préférable  à  toute  autre. 
Lorfque  les  fortes  gelées  ne  font 
plus  à  redouter ,  c'eft- à-dire  vers  le 
commenceme^iE  de  mars ,  on  creule, 
àfix  pieds  de  diftance  Tune  de  l'autre , 
desfuiresdedeux  à  deuxpiedsiJc  demi 
de  profondeur,  largeur,  longueur  & 
hauteur.  Elles  font  remplies  de  fumier 
de  litière  ,  depuis  le  commencement 
jufqu'au  1 5  d'avril,  &  à  coups  de  maf- 
fue,  ou  par  un  très-tort  piétinement, 
le  fumier  eft  foulé  couche  par  cou- 
che jufqu'à  ce  qu'il  remplilTe  la  folfe 
au  niveau  du  fol.  La  folfe  eft  recou- 
verte par  un  pied  environ  de  bonne 
terre  mêlée  avec  du  terreau  ,  &  le 
tout'  eft  recouvert  avec  des  cloches, 
dont  les  verres  font  réunis  par  des 
plombs ,  &■  qui  ont  prefque  le  même 
diamètre  que  la  folfe.  Cinq  ou  iix 
jours  après  ,  lorfque  la  chaleur  s'eft 
établie  dans  le  centre  ,  &  s'eft  com- 
muniquée à  la  couche  fupérieure  de 
terre  ,  au  point  de  ne  pouvoir  y  tenir 
le  doiçt  en  l'v  enfonçant ,  on  feme 
la  graine ,  &  on  l'enterre  à  la  profon- 
.  deur  de  quinze  .à  dix-huit  lignes,  & 
chaque  graine  eft  féparée  de  fa  voi- 
lîne  par  trois  ou  quatre  pouces  de 
diftance.  On  met  deux  staines  à  la 
fois  dans  chaque  trou. 


M  E  L 

Les  melons ,  parvenus  à  avoir  cinq 
feuilles  >  en  y  compienant  les  deux 
cotylédons  ,  ou  feuilles  féminales  » 
on  examine  quels  font  les  plants  les 
plus  vigoureux  ,  on  en  choilit  deux 
pour  chaque  fofle,  &  tous  les  autres 
font  coupés  entre  deux  terres  ,  &C 
non  arrachés  j  alors  on  retranche  la 
partie  fupérieure  de  la  tige  ,  avec  la 
feuille  qui  l'accompagne,  en  coupant 
fur  le  nœud. 

Lorfque  les  plantes  auront  fait  ces 
poulTesde  huit  à  dix  pouces-de  long, 
on  les  pincera  par  le  bout ,  pour  don- 
ner lieu  à  la  produftion  d'autres  pouf- 
fes latérales ,  que  l'on  pincera  comrne 
les  précédentes.  11  faut  avoir  l'atten- 
tion de  couvrir  les  cloches  dans  la  nuit, 
avec  des  paitlalfons ,  jufqu'aux  pre- 
miers jours  chauds,  dont  on  prohteta 
pour  donner  aux  plantes  un  peu  d'air. 

Lorfque  les  poulies  ne  peuvent  plus 
tenir  feus  les  cloches  ,  on  les  élève 
de  quatre  à  cinq  pouces,  &  enfuite 
davantage  j  on  fouit  alors  la  terre 
intermédiaire  entre  les  cloches,  pour 
la  rendre  prefque  de  niveau  â  la 
couche  du  melon, 

Lorfque  les  plantes  commencent 
à  donner  du  fruit ,  il  faut  couper  une 
partie  de  ces  fruits  pour  faire  affurer 
l'autre  ,  &  n'en  lailfer  que  trois  ou 
quatre  fur  chaque  pied.  Lorfqu'ils 
font  gros  comme  de  petits  œufs  de 
poule  ,  il  faut  arrêter  les  branches 
d'où  ils  partent,  6c  avoir  grande  at- 
tention de  couper  de  temps  en  temps 
les  petites  branches  foibles  ,  qui  di- 
minuroient  la  force  de  la  plante.  Lorf- 
que les  fruits  ont  à-peu-près  vingt 
jours,  on  met  fous  chacun  une  tuile 
ou  un  carreau  de  terre  cuite  y  on  a 
foin  de  retourner  doucement  les  me- 
lons tous  les  quatre  jours. 

Quand  la  queue  commence  à  fe 


M  E  L 

«îétacher  ,  &  que  le  melon  Jaunit  au- 
tlelloLis ,  &  qu'il  a  peu  d'odeur  ,  on 
peu:  le  couper  ôc  le  garder  deux  ou 
ou  trois  jours  avant  de  le  manger  (  i  ). 
11  faut  au  moins  deux  mois  à  un  très- 
beau  meion  de  quinze  à  vingt  livres , 
du.  jour  qu'il  eft  afTuré  ,  pour  qu'il 
parvienne  à  une  parfaite  maturité. 

Entre  la  métliode  de  Honfleur,  iS: 
celle  que  l'on  fuit  à  Paris  ,  ou  dans 
les  provinces  du  nord  ,  il  y  a  beau- 
coup de  petites  modifications ,  trop 
longues  à  détailler  ici  ,  &  que  le 
lecteur  fentira  en  comparant  les  deux 
méthodes. 

Méthode  des  environs  de  Paris. 

I.  De  la  pojïcion  de  la  mclon- 
nïère.  Elle  doit  avoir  le  foleil  du  le- 
vant &  du  midi ,  &  même,  s'il  ell 
pollible  ,  celui  du  midi  jufqu'à  trois 
heures.  Celle  qui  eft  environnée  de 
murs  eft  la  meilleure;  c'eft-à-dire, 
que  plus  le  mur  du  midi  fera  élevé, 
&'plus  il  réverbérera  de  chaleur  , 
&  plus  il  mettra  la  melonnicre  à 
l'abri  des  vents  du  nord.  Les  murs 
latéraux,  depuis  leur  réunion  à  celui 
du  midi,  doivent  venir  en  diminuant 
de  hauteut  jufqu'à  leur  autre  extré- 
mité. S'ils  étoient  aufll  élevés  que 
celui  du  midi ,  la  melonnière  ne  re- 
cevroit  que  le  foleil  de  cette  heure  , 
ou  tout  au  plus  depuis  onze  jufqu'à 
une  heure  ,  fuivant  leur  diftance  & 
leur  hauteur,  tandis  que  l'on  doit, 
au  contraire  ,  lui  procurer  les  rayons 
du  foleil  le  plus  lont^remps  qu'il  eft 
pollible  :  la  pente  du  fol  fera  dirigée 
fut  le  devant  de  la  melonnière  ,  afin 


M  E  L 


485 


que  les  eaux  s'écoulent  facilement. 
Plus  la  terre  fera  durcie,  6c  meilleur 
fera  le  fol  ;  mais  fi  l'on  craint  les  tau- 
pes -  grillons,  il  vaut  mieux  le  faite 
carreler  ,  ainfi  qu'il  a  été  dit.  Dans 
les  environs,  ou  près  de  la  melon- 
nière j  il  convient  d'établir  un  dépôt 
defiiné  aux  cloches,  aux  pailles  de  li- 
tière, à  la  terre  franche, préparée  avec 
le  rerreau  ;  enfin  ,  à  tout  ce  qui  efi: 
néceifaire  à  la  culture  &  à  l'entretien 
des  melons.  Un  point  elTentiel  eft 
d'érablit  un  réfervoir  pour  y  puifer 
l'eau  deftinée  à  arrofer,  &:  qui  fera 
par  conféquent  à  la  température  de 
i'atmofphère.  (  f^oye-  le  met  Ar- 
RosEMENT,  il  eft  eltentiel  à  lire.) 

II.  De  la  couche  deftinée  au  femis. 
On  commence  à  la  préparer,  dans  les 
premiers  jours  de  janvier,  avec  du  fu- 
mier à  grandes  pailles  &  de  la  litière. 
Une  couche  de  neuf  à  douze  pieds 
de  longueur  ,  fur  trente  à  tiente-fix 
pouces  de  largeur,  &  fur  une  hau- 
teur de  trois  pieds ,  après  que  le  fu- 
mier aura  été  bien  foulé  couche  par 
couche.  Sur  la  longueur  de  neuf  pieds 
on  peut  placer  vingt  cloclies,  ^  ainli 
en   proportion  fur  celle  de  douze. 

Quelques  maraichers  attendent 
que  cette  couche  ait  jeté  fon  feu ,  pour 
établir  tout  autour  un  rechaud  d'un 
pied  d'épailfeur.  (  Foye^  les  mots 
CoucKE  &  Rechaud)  D'autres  jplus 
inftruits,  le  font  en  même  temps  que 
la  couche,  &ce  réchaud,  après  qu'il 
a  été  battu  ,  la  déborde  en  hauteur 
de  fix  pouces.  La  couche  ainfi  pré- 
parée, il  ne  refte  plus  qu'à  la  garnir.' 

Chacun  prépare  à  fa  manière  le 
terreau  qui  doit  la  couvrir  :  les  uns 


(  I  )  Note  de  l'Editeur.  Il  vaut,  beaucoup  mieux  couper   fur  pied  le   melon  que   l'on 
cftimc   mûr  ,  &  le  manger  quelques  heures  apiès ,   lorfqu'il  efl:  rafraîchi. 


4^6 


M  E  L 


emploient  celui  des  vieilles  couches 
de  deux  ans ,  qui  n'a  fervi  à  aucun 
autre  ufage;  les  autres  le  compofent 
moitié  do  terre  iranche,  un  quart  de 
terreau  de  couche  ,  &  un  quart  de 
colombine  ou  de  crotin  de  mulet, de 
mouton ,  &:c. ,  réduits  en  poudre  de- 
puis un  an.  Quelquss-uns  ne  fe  fer- 
vent que  des  balayures  des  grandes 
villes,  des  débris  des  végétaux  bien 
confommés  ;  &  quelques  autres  , 
de  la  poudrette  ou  excrémens  hu- 
mains qui  lont  réduits  en  terreau  pat 
une  atténuation  de  plutieurs  années, 
ou  par  les  débris  des  voieries  réduits 
au  même  état.  Ce  terreau  eft  égale- 
ment répandu  fut  toute  la  couche.  Les 
praticiens  ne  font  pas  tous  d'accord 
fur  répailTeur  que  doit  avoir  la  cou- 
che du  terreau  :  quelques-uns  ne  lui 
donnent  que  trois  pouces,  &  d'autres 
en  donnent  fix.  Ces  derniers  ont  rai- 
fon  ,  parce  que  les  racines  trouvent 
plus  à  s'étendre  &  à  s'enFoncer.  Plu- 
sieurs ,  tn'àn  ,  tÎMent  la  profondeur  à 
neuf  pouces.  Plufieurs  cultivateurs  pré- 
fèrent les  petits  pots  de  bafilics  en- 
foncés dans  la  couche  jufqu'au  haut, 
&  les  interftices  garnis  de  terreau , 
afiu  de  lailfer  moins  d'ilTue  à  la  cha- 
leur j  mais  il  y  a  de  la  place  perdue, 
&  elle  eft  précieufe  fur  une  couche. 

Lorfque  la  couche  a  jeté  fon  plus 
grand  feu,  c'eft-à-dire  ,  lorfque  l'on 
peut  encore  à  peine  y  tenir  la  main 
plongée  fans  fouffrir,  on  profite  de 
ce  moment  pour  femer,  iSc  aunicôt 
on  place  les  cloches ,  ou  on  ferme  les 
■  chaJJJs.  (  /^^o)f^  ce  mot  )  Pour  femer, 
on  tait  avec  le  doigt  des  trous  dans 
le  terreau  ,  &  dans  chaque  trou  on 
place  deux  graines  que  l'on  recouvre 
de  terre  fort  légèrement.  Chaque  trou 
eft  féparé  de  fon  voilîu  de  deux  à  trois 
pouces. 


M  E  L 

La  chaleur  de  cette  couche  fuffit 
ordinairement  pour  faire  germer  & 
lever  cette  graine  \  mais  dès  qu'on 
s'apperçoic  <]ue  cette  chaleut  dimi- 
nue ,  on  la  renouvelle  en  détruifant 
le  réchaud ,  &  en  le  fuppléant  par 
un  nouveau.  On  doit ,  autant  qu'il 
fera  polîible  dans  cette  faifon,  don- 
ner de  l'air  aux  jeunes  plantes ,  dont 
le  tirand  détaut  eft  de  fondre  ,  lorf- 
qu'elles  font  trop  long-temps  privées 
de  la  lumière  du  jour  j  mais  fi  la  fai- 
fon eft  froide  ,  fi  les  gelées  devien- 
nent fortes,  on  couvrira  les  cloches, 
en  raifon  delintenfité  du  froid,  avec 
des  paillalTons ,  ou  avec  de  la  paille 
longue. 

Si ,  malgré  les  réchauds ,  les  pail- 
Liflons ,  &c.  la  chaleur  de  la  couche 
diminue  trop  fenfibiemenr  ,  on  fe 
hâtera  iXcn  préparer  une  féconde 
comme  la  première,  fur  laquelle  on 
trinfportera  promptem.ent  les  pots 
d;;  la  première  j  ce  qui  prouve  l'avan- 
tage de  femer  dans  des  pots  plutôt 
qu'en  pleine  couche  \  car  la  tranf- 
plantation  dans  ce  dernier  cas,  eft 
beaucoup  plus  longue  à  faire  ,  & 
moins  (me  pour  la  reprife  de  ces 
laèrnes  plants.  Les  cloches  ou  les 
chalîis  ne  doivent  refter  entièrement 
fermés  que  pendant  les  grands  froids, 
les  pluies  ,  la  neige  ou  les  brouil- 
lards ,  &  il  eft  important  de  les 
ouvrir  un  peu  au  premier  inftant 
doux,  au  premier  rayon  du  foleil.  11 
faut  efluyer  les  cloches  (Se  les  chaflis , 
alin  de  diffipet  leur  humidité  in- 
térieure. 

in.  Des  couches  de  tranfplanta- 
tlon.  La  féconde  ,  dont  on  vient  de 
parler,  eft  une.couche  de  précaution, 
à  raifon  des  grands  froids  \  iSc  encore 
il  vaudroit  beaucoup  mieux  s'en  feu- 
vit  pour   de  nouveaux  feniis,  dans 


M  E  L 

le  cas  que  la  rigueur  de  la  faifoii  ou 
la  trop  longue  foiiftradion  de  l'air 
&  de  la  lumière  fillent  périr  les  pre- 
miers. Ce  n'eft  que  par  un  art  lou- 
tenu  qu'il  eft  poflible,  dans  cette  fai- 
foii  rigoureufe,  de  conferver  &  d'a- 
vancer les  plants.  Des  que  les  ré- 
chauds ne  maintiennent  plus  une 
chaleur  convenable  à  la  première  cou- 
che, on  en  drelFe  une  féconde  à  l'inf- 
tar  de  la  première  ,  fur  laquelle  on 
tranfporte  les  vafes  ou  les  plants  fe- 
més  dans  la  terre.  Si  les  froids  font 
prolongés ,  h  cette  féconde  ne  fuftit 
pas,  on  travaille  à  ime  troifième,  & 
à  une  quatrième  au  befoin,  comme 
pour  les  deux  premières.  Enfin,  il  huit 
que  ces  couches  conduifent  les  plantes 
jufqu'au  milieu  de  mars  environ.  Si 
on  a  employé  à  la  forme  des  pre- 
mières couches,  le  tan  ,  les  feuilles 
de  bruyères,  ainfi  qu'il  a  été  dit  aux 
mots  Couches  &:  Chûffis  ,  il  ell:  rare 
qu'on  foit  obligé  de  recourir  à  une 
troifième  ,  parce  que  ces  fubftances 
ne  commencent  à  acquérir  la  cha- 
leur, que  lorfque  le  fumier  de  litière 
perd  la  fienne  :  ainfi  ce  mélange  la 
foutient  bien  plus  long  temps. 

IV.  De  lix  dernière  couche  ou  à 
demeure.  Elle  fera  ,  comme  les  pre- 
mières ,  haute  feulement  de  deux 
pieds  après  le  fumier  battu ,  &  cou- 
verte de  dix  à  douze  pouces  de  ter- 
reau bien  fubftanciel.  Si  on  croit  avoir 
encore  befoin  des  réchauds ,  ils  doi- 
vent être  faits  en  même  temps,  & 
renouvelles  au  befoin.  Lorfque  le 
grand  feu  fera  palfé  ,  &:  que  la  cou- 
che n'aura  plus  que  la  chaleur  con- 
venable, fur  une  telle  couche  de  douze 
pieds  de  longueur  on  ét.rblit  quatre 
pieds  de  melons,  nombre  très-fuiH- 
fant  pour  garnir  dans  la  fuite  toute 
la  fuperficie  :  en  les  plaçant  en  échi- 


M  E  L 


487 


quier ,  il  en  entrera  un  bien  plus  grand 
nombre  ,  quoique  tous  également  à 
trois  pieds  de  diftance  ;  mais  il  y  , 
aura  confufion  dans  les  branches.  Les 
plants  dans  des  vafes  font  renverfés 
fur  la  main,  fans  déranger  en  aucune 
forte  les  racines.  Pludeurs  culciva- 
reurs  dctruifent  les  petits  chevelus 
blancs  qui  ont  circulé  autour  du  vafe 
entte  la  terre  &  lui,  &  ils  ont  le 
plus  gtand  tort  :  ces  petits  chevelus, 
bien  ménagés,  deviendront  de  belles 
racines  qui  aideront  beaucoup  à  la 
végétation  du  pied.  11  convient  donc 
de  l'étendre  doucement  dans  la  petite 
folfe  ouverte  &  deftinée  à  recevoir 
la  motte,  «Se  elle  fera  un  peu  plus 
enterrée  dans  la  couche  qu'elle  ne 
l'étoit  dans  le  vafe  ,  c'eft-à-dire  ,  de 
neuf  .à  douze  ligr-es ,  fuivant  la  torce 
du  pied.  Après  l'opération ,  on  régale 
la  terre,  &  l'on  donne  un  léger  ar- 
rofement,  afin  d'unir  la  terre  de  la 
couche  avec  celle  de  la  motte  ,  en 
prenant  foin  de  ne  pas  mouiller  les 
feuilles  ,  crainte  de  rouille.  La  fur- 
face  de  la  couche  doit  être  inclinée 
au  midi,  afin  qu'elle  reçoive  mieux 
les  rayons  du  foleil.  On  place  en- 
fuite  les  cloches  ,  que  l'on  tient  plus 
ou  moins  ouvertes  ,  fuivaiu  l'état 
de  la  faifon.  Loriqu'elle  lera  trop 
chaude,  on  les  couvrira  avec  de  la 
paille  &  des  paillallons  pendant  les 
heures  les  plus  chaudes  de  la  jour- 
née ;  le  plant  feroit  biûlé  fans  cetce 
précaution. 

V.  De  la  conduite  des  jeunes  plants. 
Ils  ne  tardent  pas  à  poulfer  des  bras, 
&  ces  bras  fe  chargent  de  fleurs  mâles 
que  l'on  nomme  communément 
jdujfes  fleurs  ,  &  que  beau.oup  de 
jardiniers  détruifenc  impitovnble- 
ment  Pourquoi  ne  détruifent-ils  pas 
également    celles  de  leurs  courges  , 


48S 


]VÎ  E  L 


de  leurs  citrouilles ,  de  leurs  potirons  ? 
Ils  n'en  favent  rien  j  mais  ils  l'ont 
vu  pratiquer  à  leurs  pères  ,  &  ils 
n'examinent  pas  li  la  nature  a  jamais 
rien  produit  en  vain.  Ne  Icparez 
aucune  fleur  mâle,  quand  elle  aura 
rempli  l'objet  pour  lequel  elle  ell 
deftmée  elle  fe  flétrira  6c  tombera 
d'elle-même;  mais  auparavant  il  s'en 
trouvera  dans  le  nombre  qui  auront 
fervi  à  téconder  les  fleurs  femelles , 
&  dont  le  fruit  nouera  certaine- 
ment &  viendra  à  bien,  tandis  que 
plus  des  trois  quarts  des  fleurs  fe- 
melles ,  non  fécondées ,  fe  fondent 
Se  avortent. 

Auflîtôt  après  la  trnnfplantation, 
ou  peu  de  jours  après  ;  enfin  ,   lorf- 
que  le  plant  a  quatre  ou  cinq  feuilles, 
outre  les  ceux  cotylédons  que  les  jar- 
diniers appellent  oreilles  ,  on   rabat 
au-deffus  des   feuilles  les   plus  près 
des  oreilles.  De  l'aillelle  de  chaque 
feuille  qu'on  a  lailfée,  part  une  nou- 
velle tige  ou  hnis  qu'on  laifl'e  s'éten- 
dis  &  fe  charger  des  fleurs  dont  on 
vient  de  parler  ,  &  de  ces  bras  il  en 
fort  enfuite  plufieurs  autres  connus 
fous  le  nom  de  ccurcLrs,  On  leur  hille 
le  temps  d'acquérir  de  la  force.  Après 
cela,  on  fupprime  les  plus  foibles, 
pour  ne  conferver  que  deux  ou  trois 
des  plus    vigoureux.   Ces    nouveaux 
bras,  lorfqu'ilsont  cinq  feuilles,  font 
ciîcore  arrêtés,  &  ainfi  de  fuite  ;  mais 
6'i'  en  furvient  du  pied,  on  les  fuo- 
rime  ,  parce  qu'ils  deviennent  pour 
a  plante  ce  que  les  gourmands  font 
aux  arbres,  c'eft-à-dire  que  leur  prof- 
périté  aflame  tous  les  bras  fupérieurs. 
Le  nombre  des  melons  à  conferver 
fur  un  pied,  eft  depuis  deux  jufqu'à 
cir.q  ,  fuivant  la  force  de  végétation  ; 
inais  avant  de  détruire  les  fruits  fur- 
immér.ùres  ,   il  ceavitnt  de  choifir 


r; 


M  E  L 

ceux  qui  promettent  le  plus,  foit 
par  leur  grolfeur  ,  foit  par  leur  belle 
ferme.  11  eft  rare  ,  ainfi  qu'on  l'a 
déjà  ditj  qu'un  melon  mal  conformé 
foit  bon. . . .  Après  le  choix,  fi  la  tige 
eft  foible,  on  taille  à  un  œil  au  deflus 
du  fruit  \  fi  elle  eft  vigoureufe  ,  à 
deux  ou  à  trois.  11  convient  de  ne  fup- 
primer  les  cloches  que  lorfque  la 
faifon  eft  alTurée ,  &  après  que  le 
fruit  a  acquis  la  grolfeur  d'un  œuf  de 
pigeon.  Si ,  après  de  beaux  jours  , 
l'air  redevient  froid  ,  on  remettra  les 
cloches,  &  on  les  laiflera  autant  de 
temps  que  le  froid  durera. 

Les  melons  ainfi  élevés  craignent 
les  pluies  ou  les  arrofemens  qui  bai- 
gnent les  feuilles  ,  les  bras  &  les 
fruits.  Afin  de  prévenir  cer  incon- 
vénient, on  couvre  avec  des  cloches, 
(S:  l'eau  des  pluies  crrofe  la  terre  de 
la  circonférence  \  comme  l'humidité 
gagne  de  proche  en  proche,  elle  pé- 
nétre jufqu'aux  racines ,  &  elle  iuffic 
à  la  plante.  Les  chaflîs  ont  l'avantage 
de  garantir  des  pluies  ,  &  on  les 
couvre  facilement  avec  àts  paillaf- 
fons,  faits  exprès,  lorfque  l'on  veut 
garantir  la  plante  de  la  grande  ar- 
deur du  foleil.  Les  fréquens  arrofe- 
mens font  les  vrais  deftrudleurs  de 
la  qualité  du  fruit,  quoiqu'ils  en  aug- 
mentent le  volume  :  il  vaut  mieux 
que  le  pied  foufFre  un  peu  de  féche- 
relle,  que  d'êrre  trop  arrofé. 

Depuis  l'époque  de  la  fixation  du 
nombre  de  fruit  fur  chaque  pied  juf- 
qu'à fa  maturité,  il  poufie  une  irw- 
huité  de  petits  bras  foibles,  qui  épui- 
fent  les  deux  à  quatre  principaux 
qu'on  a  confetvés  \  s'ils  font  foibles, 
cette  multiplicité  de  furnuméraires 
aura  bientôt  diminué  leur  fubfiftance: 
il  eft  Aowc  néceflaire  de  vifiter  tous 
les  huit  jours  fa  melonnière,  &  d'.en 

fupprlmer 


M  E  L 

fuppiimer  le  nombre  en  raifoii  de  la 
vigLieiir  lies  premiers-  (I  on  en  re- 
tranche trop  ,  il  monte  d^ns  le  fruic 
une  fève  mal  élaborée  :  le  trop  &  le 
trop  peu  font  miifibles  à  i'a  perteclion. 

Ahn  de  donner  de  la  qualité  & 
une  qualité  égale  à  toutes  les  parties 
du  melon  ,  les  uns  placent  au-delTous 
de  ciiaqne  melon  une  tuile  ,  ou  une 
brique,  ou  une  ardoife,  &c.,  &  une 
feuille  entre  le  fruit  «Se  la  brique,  & 
tous  les  huit  jours  ils  retournent  le 
fruit  à  tiers  ou  à  quart ,  ahn  que  fuc- 
celîivement  chaque  partie  foit  frap- 
pée des  rayons  du  foleil.  On  compte 
pour  l'ordinaire  quarante  jours  depuis 
celui  oii  le  finit  a  noué  jufqu'à  celui 
de  fa  maturité.  La  thuile,  Ôcc.  em- 
pêche que  l'humidité  de  la  couche  ou 
de  la  terre  ne  fe  communique  au  fruit , 
qui  abforbe  cette  humidité  autant 
que  les  feuilles  abforbent  celle  de  l'at- 
mofphère.  Si  le  fruit  eft  couvert  par 
des  feuilles,  on  ne  doit  pas  les  fup- 
primer,  mais  les  tirer  de  côté,  afin 
que  rien  n'empêche  ra(5lion  directe 
du  foleil  fur  le  melon. 

Les  maraîchers  ,  pour  éviter  les 
embarras  &  les  foins  continuels  à 
donner  aux  couches  pendant  les  mois 
de  janvier  &  de  février  ,  ne  com- 
mencent à  femer  leurs  melons  qu'à 
la  fin  de  février  ou  de  marsj  la  ré- 
colte en  eft  retardée  de  trois  femaines 
ou  d'tm  mois  tout  au  plus. 

La  conduite  d'une  melonnière 
exige  donc  beaucoup  de  foins ,  une 
vigilance  continuelle,  &c. ;  mais  je 
demande  fi  le  fumier  de  litière  étoit, 
à  Paris  &  dans  fes  environs ,  aullî 
rare  &  auflî  cher  que  dans  nos  pro- 
vinces éloignées ,  que  devlendtoient 
la  théorie  &  la  pratique  de  cette 
culture  ,  qui  ont  pour  bâfe  la  multi- 
plicité des  fumiers,  tandis  c]ue  dans  les 
Tome  J-'J, 


M  E  L  4^9 

ptovinres,  fortant  de  deffbus  les  pieds 
des  chevaux,  il  coûte  jufqu'à  trois  iiv. 
le  tombereau  ?  la  même  quantité 
d'engrais ,  répandue  fur  un  champ  à 
bled,  ne  rendroit-elle  pas  au  pro- 
priétaiie  du  champ  beaucoup  plus 
numéiiquement  en  bled  qu'en  me- 
lons ?  11  n'y  a  pas  le  plus  petit  doute 
à  ce  fujet  \  cependant  je  ne  défap- 
prouve  point  la  dellination  de  cet 
engrais  dans  les  environs  de  la  ca- 
pitale &:  des  gtandes  villes  des  pro- 
vinces du  nord  ,  puifque  la  vente  des 
melons  prouve  annuellement  que  le 
cultivateur  y  trouve  un  bénéfice  réel  ; 
je  dirois  même  plus ,  il  prouve  que  fi  , 
généralement  parlant  ,  les  melons 
des  environs  de  Paris  ne  font  pas  tous 
excellens,  ils  font  au  moins  à-peu- 
prês  prefque  tous  paffables  ;  au  lieu 
que  dans  les  provinces  où  la  culture 
eft  fimple,  fi  la  faifon  eft  pluvieufe, 
fi  l'intenfité  de  chaleur  n'eft  pas  fou- 
tenue  ,  les  melons  font  en  général 
tous  mauvais.  11  eft  donc  naturel  que 
chaque  pays  cultive  fuivant  une  mé- 
thode proportionnée  à  fes  facultés  & 
à  fes  rellources,  &  l'on  ne  doit  point 
blâmer  la  culture  de  fes  voifins,  ou 
celle  des  provinces  éloignées. 

Melon  d'eau  ou  pastèque.  Paf- 
téque  à  confire.  (  f'^oye:^  le  mot  Ci- 
trouille )  Dans  cet  article  ces  deux 
plantes  font  décrites ,  ainfi  que  la 
manière  de  les  cultiver. 

MELONGÈNE.  (  Foyei  Auber- 
gine) 

MÉMARCHURE.  (  Foye^  En- 
torse) 

MENIANTE  ou  TRÈFLE  D'EAU. 
(  Voye-{    Planche  XII  j  page  471  ) 

Qqq 


490  M  E  N  M  E  N 

Voii   Linné  le  cLifle  d.ms   la  peu-  Lieu.  La  plante  eft  vivace  ,  naît 

landrie  nionoeynie  ,  &   le    nomme  dans  les  mardis  ,  Eeiiric  en  mai  iSj 

/nenyunthescnJolldta.TouïncÇoriïa^i-  en  juin. 

pelle  rnenyanthes  paluftre  lanfoiiuin  Proprietcs.    La  fleur  oC  la  plante 

tnphïlluni  ^  &  le  place  dans  la  pre-  ont  une  odeur  aromatique  &piqLiante; 

inière  feclion    de  la  féconde   claire  une  faveur  amère  &  acre.  La  plante 

tîeftinée   aux  herbes    à   fleur    d'une  eft  réfokuive ,  décerfive,  favonneafe, 

Icule  pièce,  en  entonnoir.  diurctique  ,  tonique  ,  fébrifuge  ,  anti- 

rieur.  Reprcfentce  en  B,  fcparce  fcorbutique  ;  la  femence  eft  expedo- 
du  groupe i  c'efi:  un  tube  d'une  feule  rante.  Les  feuilles  font  quelquefois 
pièce,  évafcà  fon  e>:tréniicé,  divifé  indiquées  dans  le  fcorbut ,  dans  Tic- 
en  cinq  parties  égales  ,  étroite  ,  tère  elfentiel  ,  lorfqu'il  n'exifte  ni 
unie,  pointue,  recourbée,  tapilTée  fpafme,  ni  difpofition  inflammatoire  ; 
intérieurement  d'un  duvet  long  <Sc  dans  les  paies  couleurs,  les  aftedions 
frifé  j  les  étamines  an  nombre  de  hypocondriaques  ,  par  obftrudion  ré- 
cinq ,  &  un  piftil.  Les  étamines  fon:  cente  &  légère  du  foie  ou  de  la 
repréfentéesdanslacoroHeouvetteCi  "fs  \  dans  la  paralyfie  ,  par  des  hu- 
le  piftil  D  occupe  le  centre  de  la  meuis  féteufes.  Elles  échauffent  & 
fleur;  le. calice  E&ftcompoféde  cinq  portent  préjudice  dans  les  maladies- 
feuilles  égales,  longues,  étroites,  inflammatoires  ,t\  la  plùpait  des 
pointues,"  &  alternatives  avec  les  maladies  convulfives.^ 
divifions  de  la  fleur.  ^/"^"-  O"  en  prépare    une  eau 

^Fndt.   F   fuccède  à  la  fleur  ;  cap  diftiHée  ,  qui  a  moins  d'action  que 

fuie  ovoïde  &  pointue  ,  à  une   loge  '^  '''"P^e  mfulion  des  feuilles  :  il  en 

formée  par  des  valvules  G  ,  repré-  eft  de  même  de  fon  extrait, 
fentée    coupée  tranfverfalement    en 

H  ,   pout  montrer  la  difpofition  des         MENSTRUE   (  flux    menftruel.  )' 
femences.I  femences petites  &ovales_     v  ^  i-D'^t  HtctEs.  j 

Feudks.   Celles^  qui  pattent  des         MENTHE  A  ÉPL  (  Vo^cr   PL 

racines,  ont  des  pétioles  en  manière      ^r,  s  tt      r-      ''i      i  er 

,         A  n       r  •     ,        •  Xi/ .  Ti^CT.  471.  )  Von  Lmne  la  clalle 

de  gaine  :  elles  lont  trois  a  trois  en       ,        ,     v-  ,  '      '•  r         •       o 

r     °     \     i  •  ;i      1       •        r  dans  la  didvnamie  gymolpermie ,  & 

rotme  de  doi"ts:  celles  des  ti^es  lont     ,  '        ;         ■-      V  c 

,       „        °-v'  o  la  nomme  wd.-î^/ia  vjr/û'.'j.  1  ournerorc 

ovales   ce  cuticres.  ,       ,         >        \     c  c^-        j     1 

la  place  dans  la  lectson  de   la  qua- 

_^     Kacïnc  A.  Horizontale  ,  articulée,      trième   clafle   des  fleurs   en  lèvres  , 

Port,   repréferite   une   portion  de     dont  la  fupérieure  eft  creufée  en  cuiller, 

la  bafe  d'une  tige  avec  des    feuilles     &  l'appelé  mentha  angujlï  foUa  fpi- 

nailKintes.  La  tige  eft  grcle  ,  cylin-     cata  .  .  .  .   ^  Qn  repréfente   une  fé- 

drique  5    elle  s'élève  du  milieu   des     parée  de  l'épi  ;  c'eft  un  tube  cylin- 

leuilles  radicales,  à  la  hauteur  d'un     drique  ,  menu  à  fa  bafe  ,   gonflé  à 

pied  &  demi  environ  ,  en  fe  recour-     fon  extrémité  j    &    divifé   en    deux 

bant.  Les  fleurs  font  ralTemblées  en     lèvres ,  dont  la  fupérieure  eft  creufée 

bouquet;  les  feuilles  florales  font  en     en    cuiller  ,  &  découpée  en  cœur; 

forme  de  filets  ,  entières  &  embraf-     l'inférieure  eft  divifée  en  trois  parties 

fant  la  tige  par  leur  bafe.  égales  ;  ces  divifions  font  difpofées  y. 


M  E  N 

par  rapport  à  la  lèvre  fupcrieure  ; 
lie  manière  qu'elle  ne  paroiirent  tor- 
mer  enfemble  qu'une  corolle  d'une 
feule  pièce  ,  divifée  en  quatre  parties 
prefqu'égales ,  comme  on  le  voit  dans 
lahgureC,  où  la  Heur  eft  reprcfentce 
vue  de  face.  La  tigare  D  offre  la 
corolle  ouverte  par  la  partie  latérale 
d-e  la  lèvre  fupérieure  ;  le  piitil  E  eft 
placé  au  centre;  le  calice  ,  dans  lecjuel 
repofe  la  fleur,  eft  repréfenté  ouvert 
t-n  F. 

Frui:,  Quatre  femences  G  renfer- 
mées au  fond  du  calice  ,  oblongues  , 
pointues. 

Feuilles.  Entières ,  oblongues ,  ter- 
minées en  pointe,  dentelées  alTez  ré- 
gulièrement. 

Racine.  A  Pivot  fimple,  articulé  j 
garni  de  fibres  rameufes  à  chaque  ar- 
ticulation. 

Port.  Tiges  de  deux  pieds  environ 
de  hauteur  ,  droites  ,  quarrées  ,  ra- 
meufes; les  feuilles  oppofées  deux  à 
deux  ;  les  rameaux  nailfent  des  aif- 
felles  des  feuilles ,  &  les  fleurs  ,  dif- 
pofées  en  épi ,  au  fomme:  des  tiges. 

Propriétés.  Odeur  aromatique,  la- 
veur un  peu  amère  :  fes  propriétés 
font  les  mêmes  que  celle  de  la  men- 
the dont  ou  va  parler  j  mais  plus 
foibles. 

Menthe  cuiruE  ou  frisée-,  ap- 
pellée  par  Tournefort  mentha  rotundi 
folia ,  crifpa  ,  fpicata ,  diffère  de  la 
première  par  fes  feuilles  en  forme 
de  cœur;  dentelées,  ondulées  &  cré- 
pues ;  par  fes  tiges  hautes  de  trois 
pieds  ;  par  la  pofition  verticillée  de 
fes  fleurs  ;  enfin  ,  par  fes  feuilles  ad- 
hérentes aux  tiges  fans  pétiole. 

Lieu.  Originaire  de  Sibérie  ;  &  on 
la  culrive  dans   les  jardins  ,  elle   y 


-         M  E  N  491 

eft  vivace,  &  fleurit  depuis  juillet 
jufqu'à  la  fin  de  feptembre  ,  fuivant 
la  laifon. 

Propriétés.  Odeur  aromatique  & 
forte  ;  faveur  amère  ,  acre  ,   légère- 
ment piquante.  Elle  eft  ftomachique, 
aiui-émérique,antivermineure,  apé- 
ritive,  tonique,    iSc    vulnéraire.  Les 
feuilles    échauffent    médiocrement  , 
alièrent  peu ,  conftipent  ,   augmen- 
tent la  vélocité  &  la  force  du  pouls, 
fortifient  l'eftomac  ,  favorifent  la  di- 
gtftion   dérangée  par  la  toiblelfe  de 
l'effomac ,  ou  par  des   humeurs  pi- 
taiteufes  ,  ou  par  des  humeurs  aci- 
dulés :  elles   font  indiquées  dans  le 
dégoût  par  des  matières  pituiteufes  ; 
dans  le  vomilfement  par  des  humeurs 
acidulés  ,  ou  féreufes ,  ou  pituiteufes , 
fans  difpofi'.ions  inflammatoires  ;  dans 
les  maladies  des  enfans,  entretenues 
par  des  acides ,  pouivu  que  dans  leur 
infufion  on  ait  délayé  des  terres  ab- 
forbantes  ,  telles  que  la  craie  ou  les 
yeux  d'éctevilfes  ;  dans  les  coliques 
venteufes  ;  l'afthme  humide  ;  les  pâ- 
les couleurs  ;  la  fufpenfion    du  flux 
menfftuel  ,  des  pertes  blanches ,  des 
lochies  ,    par  imprellion   des    corps 
froids  ,   &   avec  foibleffe  ;  dans   la 
retention  du  lait  dans  les  mammel- 
les  ,   fans   inflammation. 

Ufages.  Les  feuilles  récentes  eivin- 
fuilon  depuis  deux  drachmes  jufqu'à 
une  once  dans  fix  onces  d'eau  ;  les 
feuilles  fèches,  depuis  une  drachme 
jufqu'à  demi  once  ,  dans  la  même 
quantité  d'eau.  L'eau  diftlllée  n'a  pas 
plus  de  propriétés  que  l'infufion  des 
feuilles.  Le  fyrop  de  menthe  ,  depuis 
une  drachme  jufqu'à  deux  onces  , 
dans  cinq  à  fix  onces  d'eaii. 

Pour  le  bétail  ,  une  poignée  en 
macération  j  dans  une  demi-livte  de 
vin  bl.tnc. 

Qqq   i 


45)1  M  E  N 

Menthe  aquatique.  Mentha 
ûquaùca.  Lin.  Mentha  rotundi  folia 
palujiris ,feu  aquatica  major.TovKH. 
Elle  diffère  de  la  précédente  par  les 
étamines  ,  pins  longues  que  les  co- 
rolles \  pat  fcs  teuilles  ovales  ,  den- 
tées en  manière  de  fcie  ;  par  fa  ra- 
cine très-hbreufe  \  par  fes  tiges  me- 
nues ,  velues  ,  remplies  d'une  moelle 
fongeufe  ;  par  fes  fleurs  raifemblées 
au  fommet  ,  en  manière  de  tête  ar- 
rondie. Elle  naît  dans  les  marais  j  elle 
eft  vivace  ,  &  fleurit  en  juillet. 

Menthe  poivrée  ,  ou  Menthe 
d'Angleterre. (  J'^cye^ planche XII, 
page  471  )  Mentha  piperita.  Lin. 
On  doit  à  M.  Barbeu  Dubourg  , 
célèbre  traduéleur  des  œuvres  de  M. 
Francklin ,  de  nous  avoir  fait  con- 
noïtre  cette  plante  ,  vivace  Se  origi- 
naire   d'Angleterre. 

Fleur.  B  repréfente  la  corolle.  C'eft 
un  tube  dont  l'extrémité  efi;  partagée 
en  deux  lèvtes  j  la  fupérieure  arron- 
die ,  l'inférieure  divifée  en  trois  par- 
ties prefque  égales.  C  repréfente  la 
même  corolle  ouverte,  afin  de  lailfer 
voir  la  difpoluion  des  parties  fexuelles. 
£  reptélente  le  piftil  dans  le  calice 
ouvert  ,  &  toutes  les  parties  de  la 
fleur  repofent  dans  le  calice.  D  tube 
divifé    en  cinq   fegmens  aigus. 

Fruit.  Semblable  à  celui  des  autres 
menthes. 

Feuilles.  Ovales  ,  terminées  en 
pointe  ,  dentées  régulièrement  tout 
autour. 

Racine.  A  Pivot  médiocre ,  garni 
de  nombreufes  fibres  ,    rameufes. 

Port.  Tiges  hautes  d'un  pied  & 
demi  env.ron  ,  droites ,  quadrangu- 
Jaires  ,  rameufes  ;  feuilles  oppofées 
deux  à  deux  fur  les  tiges,  &  portées 
fur  de  petits  pétioles,  fiUonnés  dans 


M  E  P 

leur  longueur  \  les  rameaux  fortent 
des  aiflelles  des  feuilles  5  les  fleurs 
nailfent  au  fommet  des  rameaux  , 
verticillées  tout  autour ,  &  fur  des 
épis  courts. 

Lieu.  Originaire  d'Angleterre  ,  vi- 
vace ,  cultivée  dans  nos  jardins. 

Propriétés.  C'eft  une  des  plus  fin- 
gulières  productions  du  règne  végé- 
tal ,  fur-tout  à  raifon  de  fon  goût 
piquant ,  fuivi  d'une  fraîcheur  très- 
fenlible  :  propriété  qui  fembleroit 
caraélérifer  Vether  excluflvement. 
(  yoye-:^  ce  mot.  ) 

Propriétés.  Beaucoup  plus  aélives 
que  celles  de  toutes  les  menthes , 
particulièrement  dans  les  maladies 
de  l'eftomac  ,  caufées  par  des  humeurs 
féreufes  ,  ou  par  foiblelFe  ,  ou  par 
abondance  d'humeurs  pituiteufes. 
L'époque  de  la  plus  grande  activité 
de  la  plante  ,  eft  lorfque  les  fleurs 
nouent,  &  c'eft  celle  de  la  cueillir. 
On  prépare  des  paftilles  auflî  agréa- 
bles au  goût  qu'elles  font  utiles  ^ 
elles  laiflent,  fur  le  palais  &  dans 
toute  la  bouche  une  odeur  &c  une 
fraîcheur  très- agréables. 

MEPHITISME,  MEPHITIQUE , 
ou  MOFETIQUE,  ou  AIR  FIXE. 
Pour  bien  comprendre  comment  cet 
air  mortel  vicie  l'ait  atniofphériqae ,  il 
eft  elfentiel  de  relire  l'article  Air  ,  & 
fur-tout  la  partie  qui  traite  fpéciale- 
ment  de  l'air  fixe.  Je  me  contente  , 
dans  cet  article  ,  de  confidérer  cet  air 
fous  quelques  rapports  particuliers,  & 
fur- tout  relativement  à  la  manière 
de  définfeéter  un  lieu  ,  une  maifon, 
S<.c.  où  l'air  vicié  eft  fufceptible  de 
nuire  à  la  faute  de  l'homme  &  des 
animaux.  Pour  produire  un  pareil 
effet  ,  il  n'eft  pas  toujours  nécelTaire 
que  l'air  foit  vicié  au  point  que  U 


M  E  P 

lumière  s'y  éteigne  ,  que  l'animal 
meure  fuffoquc.  Alors  c'eft  l'air  mé- 
phitique le  plus  deftrufteur;  mais  , 
entre  ce  point  extrême  Se  celui  ou 
l'air  ed  falubre,  il  y  a  un  grand  nom- 
bre de  nuances  ,  &:  ces  nuances  de- 
viennent plus  ou  moins  dangereufes, 
fuivant  que  l'air  du  lieu  eft  plus  ou 
moins  chargé  d'air  fixe.  Il  faut  fe 
rappeller  ,  i°.  que  l'air  atmofphéri- 
que  que  nous  refpirons,  contient  tout 
au  plus  un  tiers  de  fon  poids  d'air 
pur,  ou  air  appelle  dcphlcgijiique  \ 
z",  que  l'air  fixe  ell  plus  pefant  que 
l'air  atmofphérique  ,  c\:  par  conié- 
quent ,  qu'il  règne  &  augmente  tou- 
jours dans  la  partie  inférieure  de  l'ap- 
partement, de  l'écurie  ,  lïsrc.  a"^  que 
dans  un  lieu  infeété ,  c'elt  l'air  que 
nous  refpirons ,  puifque  l'air  atmof- 
phérique eft  plus  léger  ,  «Se  occupe 
la  région  fiipérieure  de  la  cliambre. 
Ainli ,  l'air  d'une  bergerie  ,  d'une  écu- 
rie ,  remplies  d'animaux  ,  ou  celui 
d'une  chambre  où  les  enfans ,  où  les 
hommes  font  entalfés  ,  devient  inlen- 
fiblement  méphitique  ,  &  à  la  lon- 
gue il  devient  mortel  \  parce  que  l'air 
atmofphérique  de  ces  lieux  s'approprie 
l'air  fixe  qui  fort  des  corps  par  la  tranf- 
piration  ,  &  qui  eft  encore  vicié  de 
nouveau  dans  les  poumons ,  par  l'inf- 
piraîion  tk  par  la  refpiration.  Si  on 
veut  une  preuve  bien  palpable  de 
cette  corruption  de  l'air,  il  fuftit  de 
prendre  une  bouteille,  d'y  dcfcendre 
un  morceau  de  bougie  allumée,  &: 
de  bien  boucher  cette  bouteille.  Tant 
que  la  flamme  trouvera  d'ait  pur  à 
s'approprier ,  cette  flamme  fnbfiftera; 
mais ,  lorfque  la  malfe  des  deux  tiers 
d'air  méphitique  ,  qui  étoient  renfer- 
més dans  l'air  atmofphérique  de 
cette  bouteille,  feraencore  augmentée 
par  l'air  fixe  qui  s'échappe  de  la  flam- 


M  É  P  495 

me  ,  cet  air  deviendra  mortel  ,  &c 
la  flamme  s'éteindta.  Si  après  cela , 
on  plonge  dans  l'air  de  cette  bouteille 
un  animal  quelconque  ,  il  périra  en 
peu  de  minutes  ;  ii  on  y  plonge  un 
fécond,  un  troifième,  &c.  ce  der- 
nier mourra  en  moins  de  temps  que 
le  premier  &  le  fécond  ,  &  aiiifi  de 
fuite;  patce  que  fa  tranfpiration  a 
augmenté  la   malTe  de  l'air  mortel. 

Dans  un  femblable  vafe  ,  rempli 
d'air  mortel  ,  jetons  de  femblables 
animaux ,  &:  bouchons  le  vafe.  Leur 
infpiration  abforbeta  peu- à -peu  la 
poftion  d'air  déphlogiftiqué  ,  &  leur 
tranfpiration  augmentera  la  malle  cie 
l'air  méphitique;  enfin  ,  ils  mourroiu. 
Si  on  ajoute  de  nouveaux  animaux  , 
leur   mort  fera  plus    prompte  ,  il:c. 

Appliquons  ces  extrêmes  à  l'air 
atmolphérique  de  nos  appartemens, 
des  bergeries  ,  des  écuries  ,  &c.  &:c. 
Moins  l'air  s'y  renouvellera  ,  &  plus 
il  y  fera  contagieux  \  la  contagion 
augmentera  en  raifon  du  nombre  des 
individus ,  &  de  la  pofition  des  fenê- 
tres qui  établiflent  la  communication 
de  l'air  extérieur  avec  l'air  du  dedans. 
Les  fencties  ,  ou  plutôt  les  laimiers 
des  bergeries ,  (  Foye^  ce  mot)  ,  iont 
toujours  placés  à  cinq  ou  fix  pieds  de 
l'animal  :  il  eft  donc  forcé  de  refpirer 
Tair  le  plus  pefant,  &  par  conféquent 
l'air  le  plus  mal  fam  ;  au  lieu  que 
fi  le  larmier  avoir  été  placé  près  du 
fol  ,  l'air  pefant  fe  ferait  échappé 
au  dehors  ;  fauf  à  boucher  ces  lar- 
miers dans  le  befoin.  D'après  cet 
exemple,  chacun  peut  en  faire  l'ap- 
plication à  l'appartement  qu'il  occu- 
pe, &  en  conclure  combien  il  eft  in- 
difpenfable  d'en  renouveller  l'air  at- 
moluhérique  ,  afin  qu'entraîné  par  le 
courant  ,  il  dilfolve  &  fe  charge  de 
l'air  méphitique ,  pour  le  tranfpottcr 


4H 


M  E  P 


dans  le  rcfcrvoir  immenfe  de  Tatmof^ 
phère  .  .  .  On  doit  conclure  encore, 
que  toute  habitation  près  d'un  cime- 
tière ,  près  des  lieux  marécageux  ,  & 
de  tous  ceux  où  les  corps  éprouvent 
une  fermentation,  foit  fpuitueufe, 
i'oit  putride  ,  eft  mal  placée.  De-là  , 
réùilte  la  nécellité  d'en  éloigner  les 
fumiers  ,  is:  en  général  tout  ce  qui 
vicie  l'air. Confukez  lesmotsExANGS, 
AisANct(  folfes  de). 

11  y  a  plufîeurs  moyens  de  déhn- 
fecter  les  endroits  qui  le  font  :  l'eau , 
la  fumée,  leteu,  l'établillement  d'un 
courant  d'air  nouveau  ,  &  certains 
procédés  ,  lorfque  l'air  ell  devenu 
vraiment  méphitique. 

On  a  vu  nu  mot  Air  fixe,  que 
l'eau  s'en  chargeoic  à  peu- près  de 
moitié  de  fon  volume.  Ainii  ,  les 
lavages  à  grande  eau  font  utiles,  & 
malheureufement  trop  peu  employés. 

Au  mot  Fumée  ,  on  a  renvoyé  à 
celui  de  Fumigation  ,  &  ce  dernier 
a  été  oublié.  Il  convient  d'en  parler 
ici.  Pendant  les  épidémies  &  les 
épizooties  ,  la  coutume  eft  de  faire 
brûler  dans  les  lieux  infeélés  ,  des 
herbes  &  arbrilleaux  aromatiques , 
tels  que  le  geniévrier,  la  lavande,  le 
thym  ,  Sec.  On  ne  détruht  point  l'air 
méphitique  ,  la  fumée  le  mafque  pour 
un  temps ,  fur-tout  h  l'endroit  eft 
clos  ôc  bien  fermé.  Mais  fi  on  éta- 
blit un  courant  d'air  rapide  pendant 
l'ignition  de  ces  plantes  ,  alors  cette 
fumée  devient  méchaniquement  fa- 
lutaire  ,  parce  qu'elle  entraîne  avec 
elle  l'air  fixe.  Voilà  pourquoi  les 
cheminées  font  Ci  avaiitagcufes  dans 
les  appartemens ,  par  le  courant  d'air 
extérieur  qu'elles  occafionnent,  qui 
renouvelle  celui  du  dedans ^  8c  qui, 
enfin  ,  eft  entraîné  par  lui  dans  le 
xuvau  de  la  chemince.  On  a  cbuc 


M  É  P 

le  plus  grand  tort  de  boucher,  pen- 
dant l'été  ,  l'ouverture  de  la  chemi- 
née ,  fous  prétexte  de  décoration ,  ou 
par  tel  autre  motif  de  ce  çenre.  De 
ces  courans  d'air  dépend  la  falubrité 
des  appartemens. 

C'eft  encore  ainli  que  le  feu,  pen- 
dant l'hiver,  renouvelle  l'air  par  l'ac- 
tivité que  la  chaleur  &  la  flamme 
donnent  au  courant  qui  palfe  dans  la 
cheminée.  Si  pendant  les  chaleurs,  un 
malade  dans  fon  lit ,  vicie  l'air  par  fa 
tranfpiration  ,  fouvent  empeftée  ;  li 
on  craint  mal-à-propos  de  tenouveller 
l'air  de  fi  chambre  ,  il  faut ,  dans  ce 
cas  ,  établir  du  feu  dans  la  chambre 
voihne,  de  il  attirera  le  mauvais  air 
de  l'autre.  Il  vaiidroit  beaucoup  mieux 
ouvrir  les  fenêtres  ,  établir  un  cou- 
rant d'air  naturel ,  lailfer  les  rideaux 
du  lu  ouverts ,  iur  tout  dans  toutes 
les  maladies  putrides,  ayant  cepen- 
dant loin  de  défendre  le  malade  de 
rimpreiîion  du  froicL  S'il  n'y  a  point 
de  courant  d'air  ,  c'eft  poiçiiarder 
l'homme  malade  &  l'homme  en  faute, 
que  de  placer  dans  fa  chambre  un 
brafier  de  charbons  allumés  (Se  ttès- 
allumés,  quoiqu'on  loit  dans  Thabi- 
tude  de  mettre,  dans  le  milieu,  de 
vieilles  ferrailles  ,  fous  prétexte  de 
s'oppofer  aux  qualités  délétères  du 
charbon  allumé.  Le  teu,  dans  ce  cas, 
change  l'air  atmofphétique  ,  déjà  ua 
peu  vicié  outre  melure,  en  véritable 
air  mortel.  Ne  voit-on  pas  chaque 
année  ,  une  multitude  de  perfonnes 
périr  par  la  vapeur  de  ces  braliers , 
quoique  bien  allumés?  Une  quantité 
de  lampes, de  chandelles,  de  bougies 
allumées,  produifent  des  eftets  aiilll 
finiftres,  toutes  les  tois  que  l'air  n'eu: 
pas  renouvelle. 

Si  j  par  maladie  contagieufe ,  uae 
chambre,  une  éciuiej  bergeries  &c. 


M  É  P 

font  infectées  jufqu'à  un  cercua 
point ,  le  premier  loin  cil  ti'ct.iblir 
îe  plus  de  courant  d'air  qu'il  efc  pof- 
fible  ;  z".  de  laver  à  grande  eau  les 
murs  ,  les  carreaux,  les  râteliers  ,  les 
auges ,  &:c.  5  3^'  de  laver  le  tout  avec 
du  vinaigre  ^  4*^.  de  mettre  iur  un 
réchaud  bien  allumé  ,  un  vafe  rempli 
de  vinaigre  ,  Se  en  quantité  propor- 
tionnée à  l'étendue  qu'on  veut  dé- 
fiiifedlier.  On  a  coutume  d'y  ajouter 
des  zeftes  de  citron  ,  des  écorces  d'o- 
tanges  ,  des  baies  de  genièvres  ,  &c 
toutes  ces  drogues  ne  purifient  point 
l'air  ,  elles  malquent  feulement  ,  je 
le  répète,  l'odeur  (Se  pour  peu  de  temps. 
Le  vinaigre  feul  agit  comme  acide  , 
comme  neutralifant  les  aikalis  vola- 
tils, [P^oye-^  ce  mot  ) ,  qui  s'exhalenc 
des  corps  en  putréfaélion.  Ces  moyens 
fuffilent  lorfque  le  méphitifme  n'ell 
pas  à  fon  dernier  période  j  c'ell-à-dire 
qu'on  doit  les  regarder  jufqu'alors 
comme  des  relTouices,  &  des  précau- 
tions contre  l'air  mépihltique  ,  en- 
core un  peu  éloigné  d'être  mortel. 

Lorfque  cet  air  méphitique  com- 
mence réellement  à  devenir  dange- 
reux ,  &  un  peu  avant  qu'il  foit  com- 
plètemenrmortel  ,il  faut  employer  un 
moyen  plus  efficace,  dont  on  doit  la 
découverte  à  M.  de  Morveau ,  ancien 
avocat  général  du  parlement  de  Di- 
jon, fi  connu  dans  la  république  des 
lettres ,  par  l'étendue  de  fes  connoif- 
fances.  Voici  comment  s'explique  ce 
citoyen,  ce  patriote.  L'églife  cathé'- 
dralede  Dijon  étoit  li  infeétéepat  l'air 
putride  qui  s'élevoit  des  caveaux  de 
iépulture ,  que  le  chapitre  fut  obligé 


M  E  P 


49  î 


d'aller  faire  le  lervice  divin  dans  une 
autre  églife  j  &  celle-ci  fut  aban- 
donnée. 

»  Je  fis  mettre  fix  livres  de  fel 
marin,  non  décrépité  (1),  &  même 
un  peu  humide  ,  dans  une  de  ces 
grandes  cloches  de  verre  ,  dont  on  fe 
lert  dans  les  jardins.  Cette  cloche  fut 
placée  fut  un  bain  de  cendres  froides , 
dans  une  chaudière  de  fer  fondu.  Oiï 
plaça  la  chaudière  fur  un  grand  ré- 
chaud ,  qui  avoir  été  piécéden'imenc 
rempli  de  charbons  allumés.  Je  ver- 
fai ,  fur  le  champ  ,  dans  la  cloche  , 
&  fur  ce  fel  ,  deux  livres  de  l'acide 
connu  fous  le  nom  impropre  d'huile 
dcvicriol ,&z  je  me  retirai.  Je  n'ctois 
pas  à  quatre  pas  du  réchaud  ,  que  li 
colonne  de  vapeurs  qui  s'en  élevoit^ 
touchoit  déjà  la  voûte  du  collatéral  r 
il  étoit  alors  fept  heures  du  foir  5  tout 
le  monde  fortit  précipitamment,  «Sa 
les  portes  furent  fermées  jufqu'aiî- 
lendemain  ». 

»  C'efl  un  principe  généralement 
avoué  ,  qu'il  fe  dégage  une  quantité 
conddérablcd'alkali  volatil ,  des  corps 
qui  font  dans  un  état  de  fermentation 
putride.  Dèslors,  pour  purifier  une 
malTe  d'air  qui  en  eft  infectée  ,  il 
n'y  a  point  de  voie  plus  courte  & 
plus  fûre ,  que  de  lâcher  un  acide, 
qui ,  s'élevant  &  occupant  tout  lef- 
pace,  s'empare  de  ces  molécules  al- 
kalines,  les  neutralife,  &  réduit  l'o- 
deur, ainfi  décompofée,  à  fes  parties 
fixes ,  que  l'air  ne  peut  plus  foutenir. 
Le  procédé  que  je  viens  d'indiquer, 
remplit  parfaitement  ces  deux  objets. 
1°.  Perfonne  n'ignore  que  dans  cette 


(  I  )  Note  de  l'Editeur.  Sel  marin  ou  ftl  de  cuifine  font  deux  mots  fynonimcs  ;  on  appelle 
ec  fel  décrépite  ,  lorfque,  fur  une  pcle  expofc'e  fur  le  feu ,  on  a  fait  chauffer  ce  fel  au  point 
de  perdre  fon  eau  de  ciylf  allifation ,  &  de  ne  confeiver  que  fa  partie  faline  bien  fèche. 


49'î  M  E  P 

opération  j  l'acide  marin  eft  mis  en 
libercé  &  eft  volacihfc  par  le  feu:  auOi 
trouva-ton  le  lendemain  ,  l'églife 
remplie  des  vapeurs  de  cette  difTo- 
lution  ;  &  l'un  de  meilleurs  les  fabri- 
ciens  m'aairurc,  que  s'ctant  prcfenté 
à  l'une  des  portes  de  l'églife,  environ 
deux  heures  après  l'opération  ,  il  avoir 
été  faifi  par  cette  vapeur  qui  s'échap- 
poit  par  le  trou  de  la  ferrure;  i'^. 
cette  vapeur  a  neutralifé  l'alkali  & 
décompolé  l'odeur.  Ceux  qui  entrè- 
rent dans  cette  églife ,  le  dimanche 
matin  ,  avouèrent  tous ,  avec  éron- 
iiement,  qu'il  n'y  avoit  plus  aucun 
foupçon  d'odeur  quelconque  ;  «Se  l'effet 
eft  ici  d'autant  plus  marqué  ,  qu'il  a 
été  reconnu  depuis ,  que  le  foyer  de 
la  fermentation  putride  n'étoit  pas 
éteint  dans  le  caveau  ". 

»  Que!c]ue  grand  que  puilTe  erre 
le  vailfeau  à  définiecler  ,  la  dofe  de 
deux  livres  d'acide  vitriolique  ,  fur 
lix  livres  de  fel  marin,  fera  plus  que 
1  ufH (an te ,  puifque  ce  mélange  a  fourni 
aiTez  de  vapeurs  pour  remplir  une 
églife  très-vaftè,  &  que  je  trouvai  en- 
core dans  la  capfule  ou  cloche  ,  plus 
de  moitié  du  fel  marin  qui  n'avoit 
pas  encore  été  décompofé  y  ce  qui 
venoit  de  ce  que  le  feu  ne  s'étoit 
pas  fourenu  alfez  long-temps  ,  &:  il 
u'auroit  pas  été  prudent  de  tenter  de 
le  renouveller  pendant  l'effervef- 
cence  », 

•'  L'on  peut  donc  réduire  les  dofes 
énoncées  ci-deflus  ,  fuivant  la  gran- 
deur des  appartemeiis  ,  en  obfervant 
toujours  Iti  proportions  de  trois  par- 
ties de  fel  de  cuihne  pour  une  partie 
d'huile  de  vitriol.  Ainfi  donc,  trois 
onces  d'acide  vitriolique  ,  &:  neuf 
onces  de  fel  marin  ,  peuvent  fuffire 
pour  toute  chambre  de  grandeur  or- 
dinaire.  L'opération  fe    feroit  ,    du 


MER 

moins  en  grande  partie  fans  feu  ,  fi 
l'on  employoit  du  fel  de  cuifine  dé- 
crépite j  mais,  pour  peu  que  les  dofes 
fullent  cor:iidérables ,  il  y  auroit  tout 
à  craindre  que  celui  qui  en  feroit  le 
mélange  n'eût  pas  le  temps  de  fe 
retirer ,  &•  ne  fût  fuffoqué  fur  le  champ, 
par  l'aélivité  des  vapeurs  acides.  Voilà 
pourquoi  je  nie  fuis  fetvi  du  fel  or- 
dinaire ,  non  léché  ,  &  même  un  peu 
humide  "• 

Cette  opération  ne  peut  avoir  lieu 
dans  une  chambre  où  il  y  auroit  des 
malades;  mais  combien  d'autres  oc- 
cafions  n'cxiftent-elles  pas  où  il  eft  né- 
cellaire  de  purifier  l'air? 

11  fuffit  de  tranfporter  les  malades 
dans  des  appartemens  éloignés  ,  &r 
de  ne  les  ramener  dans  le  premier 
que  le  lendemain.  Ce  qui  eft  dit  pour 
les  appartemens  ,  s'applique  égale- 
ment aux  écuries,  aux  érables,  aux 
bergeries ,  fur-tout  lorfqu'il  règne  des 
epr-i^ooties  ,  (  f'^oye'^  ce  met  )  dont  le 
caraétère  eft  putride,  gangreneux  & 
inflammatoire. 

MERCURIALE  MALE  ou  FE- 
MELLE, (/^oj-i^j  planche  XllI ^pag. 
40<^)  Tournefort  la  place  dans  la 
iixième  l^élion  des  fleurs  àéramines, 
féparées  des  fruits  ,  fur  des  pieds  dif- 
férens  ,  &  il  l'appelle  mcnurialis 
tcJïiculatLi  Jïve  Mas  . .  .  Mercurlalis 
J'picuta  Jîvc  FoEMiNA.  Von  Linné  la 
clalfe  dans  la  dioécie  ennéandrie ,  & 
la  nomme  mercurialis  annua. 

Fleur  B.  Compofée  d'étamines  feu- 
lement. Le  n".  1  repréfcnte  la  tige 
d'un  pied  ,  à  fleuts  mâles  ;  c\'  le  n". 
2  ,  une  tige  d'un  pied ,  à  fleurs  fe- 
melles, Ainfi  ,  les  unes  &  les  autres 
fou:  féparées  &  portées  fut  des  pieds 


différcns. 


Les 


F/  JTIT.    Pitar  4.t)t'. 


JUc/' Cir/I  II  / f  JUilh'  c'fT<'J/lr'//i' 


Mille  -l'eftiiio: 


J/riim 


^i'fUit-r  o't-uiy. 


'Si 


MER 

Les  fleurs  mâles  font  portées  par 
un  calice  divifé  en  trois  fegmens ,  8c 
quelquefois  en  quatre.  C  repréfente 
une  ctamine.  Les  fli.urs  femelles  F  , 
font  compofces  du  piftil  &  de  deux 
neétaires  pointus,  inférés  fur  chaque 
côté  du  germe  ,  porté  dans  un  calice 
femblable  à  celui  de  la  fleur  mâle  , 
qui  accompagne  l'embrion  D  jufqu'à 
fa   maturité. 

Fruu.  La  figure  E  repréfente  le 
fruit  naûr ,  hérilTé  de  poils  ,  divilé 
en  deux  capfules  ,  repréfentées  ou- 
vertes en  G  ,  &  qui  renferment  cha- 
cune une  feule  graine  prefque  ronde. 

Feuilles.  LiiTas,  fimples,  entières, 
pointues,  fouvent  ovales ,  dentées  en 
manière  de  fcie. 

Racine.  A  très-fibreufe. 

Pon.  Tiges  d'un  pied  environ  , 
anguleufes,  noueufes ,  lilfes,  rameyi- 
fes  ;  les  fleurs  nailfent  oppofées  ,  8c 
des  aiffelles  des  feuilles  j  les  mâles 
portées  fur  des  pédicules ,  &  ralfem- 
blées  en  épi;  les  femelles  ,  prefque 
adhérentes  aux  tiges,  &  fouvent  deux 
à  deux;  les  feuilles  font  oppoiées  ; 
les  ftipules  doubles. 

Lieu.  Elle  croit  par  tout;  la  plante 
eft  annuelle  ,  &  fleurit  pendant  tout 
l'été.  Sa  graine  eft  une  des  principales 
nourritures  des  oifeaux  ,  ik  fur-tout 
des  becs-figues  ,  elle  les  engraiHe 
promptement. 

Propriétés.  Fade  ,  dcfagréable  au 
goiàt ,  fans  odeur ,  laxative  j  émol- 
liente  ,  tient  le  ventre  libre ,  nourrit 
peu  ,  raff^raîchic  médiocrement  ;  en 
lavement  elle  favorife  l'expuliion  des 
matières    fécales. 

Ufag'^.  On  tient  inutilement  chez 
les  apothicaires  du  miel  mercurial  , 
puiiqu  il  ne  diffère  en  rien,  quanr  à 
fes  propriétés,  du  miel  ordinaire.  On 
donne  le  fuc  exprimé  des  feuilles  , 
Tome  f'^i. 


MER 


497 


depui';  deux  onces  jufcu'à  cinq  ,  ftul , 
ou  délayé  dans  cinq  parties  égales 
d'eau  pure.  Les  feuilles  récentes  , 
broyées  jufqu'à  confiftance  pulpeufe, 
pour  cataplafme  émoUient. 

MÈRE  (  mal  de  ).  Médlcine 
RURALE.  Maladie  connue  fous  dif- 
férens  noms.  Pline  en  a  parlé  fous 
celui  de  fuftocatiun  des  femmes  ; 
Rodericus  l'a  appellée  étranglement 
de  matrice  ;  Lorry ,  apoplexie  fpaf- 
modique  ;  les  Latins  ,  fuffocation 
hiflérique  ,  &  le  peuple ,  mal  de 
mère. 

Cette  maladie  vient  tout-à-coup; 
les  femmes  qui  en  font  frappées ,  per- 
dent le  mouvement  &  le  fentiment  ; 
la  refpiration  eft  à  peine  fenfible  ;  le 
pouls  eft  déprimé,  petit,  &  quelque- 
fois intermittent  ;  le  froid  s'empare 
de  tout  le  corps ,  8c  les  deux  mâ- 
choires font  quelquefois  fi  étroitement 
ferrées  ,  qu'il  eft  impofllble  de  frite 
ouvrir  la  bouche  aux  malades.  Les 
femmes  fujettes  à  cette  maladie  , 
fcntent  ,  pour  l'ordinaire  ,  les  ap- 
proches d'un  paroxlfme  auflî  extraor- 
dinaire ;  il  eft  toujours  précédé  de 
vives  pallions  ,  de  quelque  terreur 
panique;  les  malades  éprouvent  une 
forte  d'étranglement,  une  difficulté, 
ou  pour  mieux  dire  ,  une  g^ne  dans 
la  refpiration  :  on  apperçoit  même 
dans  le  çlobe  de  l'œil  un  mouvement 
extraordinaire  ;  elles  font  auflî  tour- 
mentées par  des  rapports  très-fré- 
quens  ,  &  par  un  battement  à  l'hy- 
po^aftre. 

Une  infinité  de  caufes  peut  exciter 
cette  maladie  ;  pour  l'ordinaire  elle 
dépend  de  la  fenfibilité  des  nerfs  , 
de  la  délicarcfle  des  organes ,  &  de 
l'irritabilité  de  la  matrice.  Outre  ces 
trois  caufes ,  qui  font  les  plus  ordi- 
Rir 


498  MER 

naires ,  on  a  vu  cette  maladie  oçca- 
Connée  par  la  préfence  des  vers  dans 
l'eftomac  ,  par  l'abus  des  boillons 
échauffantes  &  fpiritueufes  ;  par  un 
exercice  immodéré  ;  par  des  évacua- 
tions périodiques  fupptimées  ;  par 
l'effet  des  poifons  ,  pris  intérieure- 
ment ;  par  l'ufage  immodéré  de  l'o- 
pium \  par  une  pléthore  univerfelle  ; 
enfin  ,  par  l'abus  des  plaiiirs. 

Cette  maladie  ne  doit  pas  être 
regardée  comme  fort  dangereufe  , 
fur-tout  fi  elle  dépend  de  toute  autre 
caufe  que  du  poifon. 

Les  hypocondriaques  fubiffent  fou- 
vent  de  pareilles  attaques  ;  mais 
quand  ils  font  hors  du  paroxifiiie  , 
ils  fe  rappellent  avoir  parlé  ,  fans 
s'être  remués  ;  avoir  entendu  d'une 
manière  fort  obf:ure  ,  tout  ce  qu'on 
leur  a  dit  -,  Hs  affûtent  même  l'avoir 
prouvé  par  les  geftcs  qu'ils  ont  fait 
dans   l'attaque. 

Les  indications  à  remplir  dans  le 
traitement  de  cette  maladie,  font  re- 
larives  à  l'intenfité  du  paroxiime , 
6c  aux  moyens  qu'on  doit  employer 
pour  s'oppofer  à  fes  retours. 

i".  Dans  le  paroxifme  ,  fi  le  ma- 
lade a  le  vifage  rouge  &:  enflammé  , 
un  degré  de  chaleur  ausmentée,  une 
pulfation  bien  marquée  aux  artères 
temporales ,  le  pouls  fort ,  piquant  ôc 
tendu,  il  faut  alors  faire  faigner  le  ma- 
lade ,  &  lui  tirer  une  petite  quantité 
de  fang  j  quoiqu'en  général  la  faignée 
foit  contre-indiquée  ,  âc  même  nui- 
fible  dans  piefque  toutes  les  affections 
nerveufes  ,  néanmoins  l'expérience  a 
prouve  fes  bons  effets  dans  quelques 
circonftances  ;  le  pouls  devient  plus 
fort ,  le  paroxifme  cède  bientôt ,  & 
le  malade  eft  bientôt  rétabli. 

Mais  il  la  caufe  eft  purement  ner- 
veufe,  on  emploiera  avec  faccès.  les 


MER 

remèdes  antifpafmodiques  ,  tels  que 
la  rhue,  le  caftor,  le  camphre  cor- 
rigé avec  le  nitre;  un  grain  de  mufc 
mis  dans  la  vulve  ,  cft  le  véritable 
fpécifique  dans  cette  maladie  ;  je 
m'en  fuis  toujours  fervi  avec  fuccès. 

Il  elt  quelquefois  avantageux  d'a- 
voir recours  à  des  remèdes  qui  pro- 
duifent  des  irritations  locales. 

Dans  quelques  circonftances',  il 
faut  faire  infpirer  la  fumée  de  plume 
brûlée  fur  des  charbons  ardents  ,  ou 
de  cuir.  Un  emplâtre  fétide  ,  fair 
avec  parties  égales  de  ihériaque  & 
d'olTa-fétida ,  appliqué  fur  le  creux 
de  l'tftomac ,  produit  aufli  de  bons 
effets. 

L'eau  de  menthe ,  combinée  avec  la 
liqueur  minérale  anodine  d'Hoffman , 
le  petit-lait  coupé  avec  la  fleur  de 
tilleul  ,  les  bains  domeftiques  ,  le 
régime  végétal  ,  font  les  remèdes 
les  plus  propres  à  combattre  le  retour 
&  les  paroxifmes  de  cette  maladie. 
M.   Ami. 

MERRAIN.  Ce  mot  s'applique 
plus  particulièrement  au  bois  d£ 
chêne  retendu  en  planches  ,  qu'aux 
planches  de  tout  autre  arbre  ;  il  dd- 
îjgne  encore  d'une  manière  plus  fpé- 
ciale  le  bois  travaillé  pour  faire  des 
douves ,  &  de  ces  douves  (  f^oye:(  ce 
mot  )  des  futailles.  Cependant  l'a- 
fage  a  prévalu  ;  ou  appelle  encore 
ces  planches  merrain  à  panneaux ^ 
lorfqu'il  eu  employé  dans  la  menui- 
ferie.  Il  eft  inutile  de  répétet  ici  ce 
qui  a  été  dit  au  mot  Douve. 

METAIRIE.  J'ai  renvoyé  à  cet 
article  les  mots  ferme  ^  domaint , 
&c. ,  afin  de  réunir  fous  un  mên^e 
point  de  vue  tout  ce  qui  a  rapport  à 
l'habitation  de  Thomme  qui  vit  à  b- 


MET 

campagne  ,  au  placement  des  gre- 
jiiersjdes  fourrages ,  des  écuries,  <î\:c. 
D'après  ce  plan,  je  définis  une  mé- 
tairie ,  un  alfemblage  de  logemens 
deftinés  à  mettre  à  couvert  les  hom- 
mes, les  animaux,  tous  les  objets  de 
leurnouiiitute,deIeur  boidon,  &  les 
inftrumens  ncceiraires  à  l'exploitation 
des  terres,  à  laquelle  eft  réunie  une 
quantité  de  terres  propres  à  la  cul- 
ture, &  proportionnée  à  la  made  des 
bâtimens  :  tous  ces  objets  réunis  conf- 
lituent  une  métairie. 

Elle  eft  ou  fimple,  ou  ornée.  La 
métairie  fimple  eft  celle  qui  fert  d'ha- 
bitation ou  au  fermier  ,  ou  à  un 
homme  d'aftaire  ,  ou  à  un  maître 
valet,  chargé  de  veiller  aux  travaux 
champêtres  &  fur  les  valets.  La  mé- 
tairie ornée  fuppofe  ,  outre  les  bâ- 
timens néceftaires  à  l'exploitation  , 
l'habitation  du  propriétaire,  plus  ou 
moins  vafte,  commode,  plus  ou  moins 
décorée  fuivant  fes  facultés  ,  &  em- 
bellie par  des  jardins  potagers  ,  des 
parterres,  des  allées,  des  promena- 
des, &c.  j  c'eft  ce  qu'on  appelle  mal- 
à-propos  maifon  de  campagne ^  qui, 
dans  le  fens  ftriét,  n'eft  qu'une  habi- 
tation ordinairement  renfermée  dans 
un  clos,  facrihée  à  l'.igréable,  &  en 
partie  au  potager  &au  fruitier,  au  lieu 
que  la  métairie  doit  être,  au  moins, 
plus  utile  qu'agréable.  Si  le  proprié- 
taire n'habite  pas  fur  fes  poireffions, 
s'il  n'y  paiïe  pas  une  pattie  de  l'année , 
il  ne  doit  avoir  en  vue  que  le  pro- 
duit ,  la  facilité  dans  le  fervice  pour 
l'intérieur,  la  folidité  &  l'entfecien 
des  bâtimens ,  la  profpérité  des  ani- 
maux, enfin  la  fanté  lie  le  bien-être 
de  fes  valets,  ^oye^  (  le  mot  Abon- 
dance ) 

Quelle  doit  être  la  fituation  (Se  dif- 
pofition  d'une  métairie  ?  Eft- il  avan- 


MET 


499 


tageiix  aux  propriétaires  d'avoir  de 
grandes  métairies  ?  Chacune  de  ces 
queftions  mérite  un  examen  par- 
ticulier. 

CHAPITRE    PREMIER. 

De     l'établissement    d'une 

MÉTAIRIE     j        OU       DE      SON 
ACHAT. 

Section     première. 

De    l'achat    d'une   métairie. 

J)  Quand  vous  penferez  ,  dit  Por- 
>5  cius-Caton  ,  à  hùre  l'acquilition 
n  d'un  fonds  de  terre  ,  mettez-vous 
)>  bien  dans  la  tête  ,  que  c'eft  une 
ij  opération  qu'il  ne  faut  pas  faire 
n  à  la  hâte  ,  &  que  vous  ne  devez 
)3  pas  épargner  vos  peines  à  le  bien 
»  vilîrer  auparavant,  ni  vous  en  te- 
»  nir  à  une  fimple  infpection.  Plus 
"  vous  vifiterez  fouvent  un  fonds  de 
)>  terre,  plus  il  vous  plaira  ,  s'il  eft 
"  bon.  Faites  attention  à  l'exténeuc 
»  des  voifins  5  '^\  le  pays  eft  bon  & 
»  fain  ,  ils  auront  infailliblement  le 
J)  teint  brillante  fieuri.  RéHéchifiez 
»  aufîi,  avant  de  faire  cette  empiète, 
»  Ç\  vous  ne  vous  embarquez  pas 
»  dans  une  mauvaife  aftaire  \  exa- 
»  minez  fi  le  climat  eft  bon  ,  s'il  eft 
3:  fujet  aux  orages  j  fi  le  fol ,  par  lui- 
»  même ,  eft  de  bonne  qualité  j  fi  la 
35  fortie  &  le  débouché  des  denrées 
"  font  faciles.  Ne  négligez  paSj  fans 
13  raifon  particulière  ,  de  faire  atten- 
>3  tion  au  goût  du  propriétaire.  Eu 
)3  efict,  (\  c'eft  un  bon  cultivateur, 
»  iSc  qui  fe  plaife  aux  bâtimens,  votre 
33  accjuifition  n'en  fera  que  meilleure. 
13  Quand  vous  irez  voir  la  métairie  , 
33  examinez  s'il  y  a  beaucoup  d'uf- 
»j  tenfiies  \  leur  petit  nombre  eft  une 
R  r  r  2 


5GO  MET 

»  preuve  certaine  que  la  terre  n'eft 
»  pas  d'an  giand  rapport ,  &c.  »  A 
ces  préceptes,  il  convient  d'en  ajou- 
ter quelques  autres. 

De  l'achat  d'une  métairie,  dépend 
la  fortune  d'un  homme  ûniplement 
aifé.  Siracquifitioneftboiine,  c'eft  un 
tréfor  dans  Tes  inains,  pour  peu  qu'il 
ait  de  l'intelligence  &:  de  la  conduite  \ 
fi  l'acquifidon  eft  médiocie ,  cette  mé- 
tairie relfemblera  à  un  arbre  planté 
dans  un  fol  depÊu  de  qualité,  qui  vé- 
gète mal ,  à  moins  que  l'œil  du  maître 
ne  veille  perpétuellement  fur  fa  cul- 
turej  (i  elle  eft  mauvaife,  le  proprié- 
taire eft  ruiné.  Par  ces  mots,  bonne, 
médiocre  iSc  mauvaife ,  je  n'entends  pas 
parler  de  la  malTe  d'argent  à  compter 
pour  l'acquifition  ,  mais  des  fonds  de 
terre,  «Se  de  l'état  des  bâtimens.  En 
effet ,  une  vafte  métairie  ,  dont  la 
majeure  partie  des  fonds  eft  elTen- 
tiellement  mauvaife  ,  eft  toujours 
ruineufe  pour  le  cultivateur  ,  loit  à 
caufe  du  peu  de  produit,  foit  à  cnufe 
de  l'éloignemenr.  Cette  nature  de 
terre,  dans  l'efpace  de  dix  ans,  coûte 
plus  qu'elle  ne  produit.  On  perd 
donc  ,  &  l'intérêt  du  prix  de  l'acqui- 
fition ,  &  celui  de  fes  avarices  fon- 
cières ,  (  f^oye\^  ce  mot  ) ,  &  fes  dé- 
bourféspour  la  cultute.  Les  prétendus 
bons  marchés  ruinent  j  payez  plus 
cher  ,  mais  achetez  du  bon 

Ces  affertions  demandent  quelques 
modifications.  J'appelle  un  bon  fonds, 
celui  que  les  belles  récoltes  prouvent 
ctre  tel ,  &  celui  qui  n'eft  pas  pro- 
dudlif  dans  le  moment ,  foit  par  la 
négligence  du  propriétaire  ,  ou  foit 
parce  que  fes  moyens  ne  lui  per- 
mettent pas  de  le  faire  valoir ,  quoi- 
qu'il foit  de  qualité.  Ce  n'eft  donc 
pas  par  une  rapide  infpeftion  des 
terres ,  des  champs ,  des  vignes ,  &c.  ni 


MET 

par  une  fimple  promenade  qu'on  peut 
s'allurer  de  la  valeur  d'une  métairie, 
mais  par  un  examen  long  &i  réfléchi , 
par  de  petites  fondes  faites  de  dif- 
tance  en  diftance ,  fur  les  lieux  qui 
paroilfent  médiocres  ou  mauvais;  par 
la  végétation  plus  ou  moins  aftive 
des  arbres  ik  des  arbrilfeaux ,  &c.  Ne 
vous  prefiez  donc  jamais  d'acquéiir 
fans  une  connoiftance  complète  de 
la  maiïe  ;  pefez  les  avantages  &  les 
défauts  de  la  totalité  \  calculez  les 
produits,  les  bonifications  dont  l'en- 
femble  eft  fufceptible  ;  les  réparations, 
qui  ne  portent  point  d'intérêt,  &  les 
avances  fonciètes  qu'une  métairie 
exige  :  (  relifez  le  mot  Avances  fon- 
cières, il  eft  eftentiel  à  celui-ci.) 
Enfin  ,  d'aptes  un  calcul  fait  fans  pré- 
vention, voyez  s'il  eft  plus  que  pro- 
bable, que  le  produit  de  cette  mé- 
tairie foit  en  proportion  de  l'intérêt 
de  la  fomme  que  vous  devez  donner , 
foit  pour  l'acquifition  ,  foit  pour  les 
avances  foncières,  foit  pour  les  droits 
de  lods  &:  ventes ,  foit  enfin  pour  les 
droits  du  roi  ;  fi  tous  ces  objets  fe 
trouvent  réunis,  ne  laifiez  pas  échap- 
per l'occafion.  Voilà,  quant  à  la  va- 
lent intrinfcque  de  l'acquifition.  Oc- 
cupons-nous aébuellcment  de  l'exa- 
men des  accefioires. 

Les  chemins  ,  les  routes  qui  con- 
duifent  aux  différentes  pofîelfions  , 
font-ils  bons  &  praticables  pendant 
toute  l'année?  Les  champs  fitués  fur 
le  penchant  des  colines ,  font-ils  en- 
vironnés de  fofTés  ,  afin  de  prévenir 
la  dégradation  des  terres  ,  par  les 
grands  lavages  des  eaux  pluviales  ? 
les  champs  de  la  plaine  font- ils 
fiibmergés  ,  inondés;  pendant  com- 
bien de  temps  ?  Peut-on  facilement 
donner  idue  aux  eaux  futabondantes  ? 
Le  lit  des  rivières  ,  des  torrens  qui 


MET  MET            501 

avoifinein    les    podeffions ,    font- ils  Un  homme  qui  vend ,  a  néceflai- 

alfez  crcufcs  ?  Ne  crainc-011  point  les  renient  des  raifons ,  des  motifs  qui 

dcbordcmens,  &  les  engravemens  ?  l'engagent  eu  le  forcent  à  fe  deU'aiiir 

L'eau,   pour  abreuver  les  beftiaux  ,  de  ce  qu'il  polFède ,  fans  quoi  il  ne 

eft-elle  éloignée  de  la  métairie,  ou  vendroupas,  parce  qu'on  n'aime  pas 

bien,   la  qualité  d'une  eau  plus  rap-  à  fe  dépouiller.    On  peut  donc   d;re 

prochée  ,  eft  elle  pure?  A-t  on  allez  en  général  que  la  vente  d'une   mc- 

d'eau  pendant  toute  l'année,  malgré  tauie   luppofe   que    les    affaires    du 

les  féchereiles,  pour  le  fervice  aifé  vendeur  lont  dérangées. Que  fera -ce 

de  la  métairie  ?   Le  corps  des   bâti-  donc  li  ce  vendeur  elt  de  mauvaife 

mens  eft-il  placé  dans  le  centre  des  foi,  s'il  lésa  dérangées  fourdemeiit, 

polfelfions?  S'il  eft  à  une  de  fes  ex-  fi,   pour  fe  procurer  de  l'argent,  il 

trémités  ,    quelle    fera    la    perte   du  a  lailTé  accumuler  hypothèques  fur 

temps  pour  les  hommes  &  pour  les  hypothèques,  li  les  contrats  ont  été 

beftiaux,  locfqu'il  s'agira  d'aller  cul-  pallés  dans  un  lieu  éloigné,  &c. ;  on 

tiver  les  terres,  &  d'en  rapporter  les  achettera,  on  payera.  Les  hypothé- 

récoltes!  Trouvc-t-on  d:ins  cetre  mé-  caires   ne   tarderont  pas  à  paroître, 

tairie  les  bois  de  chauffage  néceflaires  ils  entreront   dans  leurs    dioits  ,    c^ 

à  la  confommation  j  les  bois  propres  l'acheteur  perdra   la  fomme  qu'il  a 

aux  réparations,  aiiifi  que  les  pierres  payée  :  ces    exemples    ne    font   pas 

&  le  fable?  Le  légumier  &  les aibres  rares. 

fruitiers  font-ils  en  proportion  avec  Les  fubftitutiens  font  encore  des 

les  befoins?L'air  y  eft-il  pur?  Eft-on  fléaux  dans  l'acquilîtionj  elles  ont  foive 

éloigné  des  ecangs ,  (  /-^oyc^  ce  mot  )  de  loix  jufqu'à  la  quatrième  généra- 

des  marais, des  eaux  ftagnantes ,  eau-  tion.  Or,  cnpeut  facilement  fup{x>fer 

fes  indubitables  &  permanentes  des  que  chaque  individu  vivra  cinquante 

fièvres,  &  des  épidémies  ?  Enfin  les  ans;  il  s'écoulera  donc  deux  fiècles 

chemins  qui  aboutilfent  à  des  villes  avant  que  la  terre  foit  libre  ;  com- 

ou  à    des  rivières ,  qui  alTurent    les  ment  veut-on  après  cela  que  la  tra- 
débouchés,  font-ils  en  bon  état,  &  le  .  dition  de  pareille  fubftitution  fe  per- 

lieu  des  débouchés  eft-il  éloigné?  Ces  pétue  dans  un  canton  ,  fur-tout  li  la 

obfervations  de  détail  paroîrront  mi-  métairie  eft  affermée  de  père  en  fils, 

nutieufes  à  l'habitant  des  villes  ,  mais  &   fi  ces    propriéraires    habitent    de 

Je  bon  cultivateur  qui  calcule  la  perte  grandes   villes,  où  tout  fe  confond, 

du  temps ,  qui  fait  que  le  bon  travail  11    arrive    même  trop    fouvent   que 

dépend  de  la  fanté  de  fes  valets  &  de  l'inrérct   des    familles    exige  que  le 

fes  beftiaux,  n'en  jugera  pas  ainfi.  teftament  refte  fecret  ;  les  loix   onc 

D'-après    cet    examen   général    &  bien  ordonné  des  formalités  d'enré- 

particulier  ,   d'après  la  jufte  balance  giftiément ,  Sec,   mais  combien  de 

des  avantages  ik  des  inconvcniens ,  perquifitions    ne    faut  -  il    pas    faire 

des  produits  certains  &  des  produits  avant  de  découvrir  la  vérité?  Il  n'eft 

cafuels ,  on  fe  décide  à  faire  l'acqui-  même  pas  toujours   poflible  à   l'ac- 

fition   de  cette  métairie;  mais  juf-  quéreur  de  lever  le  voile    du   myf- 

qu'à   préfent  on   n'a   rien  fait   pour  tère ,  fur-tout  fi  le  vendeur  n'eft  pas 

s'alfurer  fi  on  en  jouira  paifiblemenc.  de  bonne  foi.   La  tranquilliré  &  le 


joi  MET 

repos  des  familles  follicitent  auprès 
des  Souverains  une  nouvelle  loi  qui 
enjoigne,  lous  peine  de  nulliré  ,  la 
publication  de  toute  hypotlièque  &  de 
toute  fubititution ,  &  leur  enrceif- 
trement  au  greffe  du  tribunal  ou 
jurildichion  de  la  métairie  hypothé- 
quée ou  fubftituce  ;  enfin,  pour  qu'il 
n'y  ait  ni  fubrertuge  ,  ni  dol ,  ni  ca- 
cherre,  que  dans  cedit  greffe  il  y  ait 
un  tableau  attaché  contre  le  mur 
pendant  aurant  de  temps  que  durera 
ou  l'hypothèque,  ou  la  fubftitution. 
Avec  le  fecours  de  ce  tableau,  on 
trouvera  auflitôt  dans  les  archives  du 
greffe  les  adtes  originaux  qu'il  im- 
porte de  connoître.  Il  e!l  de  l'intérêt 
du  prêteur  que  fa  créance  foit  con- 
nue du  public,  &  il  importe  peu  à 
l'emprunteur  de  bonne  foi,  qui  veut 
§c  qui  peut  payer  dans  le  temps,  que 
l'on  fâche  qu'il  doit.  Le  fripon  feul 
a  befoin  d'être  couvert  du  manteau 
du  myftère  ;  celui  qui  fubftitue  à  fes 
enfans  jufqu'à  la  quatiième  généra- 
tion ,  ne  prévoit  certainement  pas 
qu'ils  fe  ferviront  un  jour  de  ce  pri- 
vilège pour  tromper  un  acheteur. 

Si  l'acquifirion  d'une  métairie  n'eft 
pas  nette,  c'eft-à-dire,  fi  la  poifef- 
•non  de  quelque  champ  eft  conteftée, 
fi  des  droits  font  litigieux  ,  n'achetez 
pas,  à  quelque  bas  prix  que  ce  foit  ; 
on  achette  toujours  trop  cher  dans  ces 
cas ,  &  les  meilleurs  procès  appau- 
vriflent  celui  qui  les  gagne.  Sans  tran- 
quillité d'efprit  ,  point  de  bonne 
agriculture  ,  &  le  temps  que  le  pro- 
priétaire ira  perdre  à  folliciter  ,  les 
valets  le  palTeront  à  ne  rien  faite  ; 
d'ailleurs,  diftrait  par  les  pourfuites, 
il  fera  forcé  de  s'en  rapporter  à  eux 
fur  lés  opérations  agricoles,  &  tout 
.ira  mal ,  parce  quil  n'eft  pour  voir 
^ue  l'ail  du .  maure. 


MET 

Section     II. 
I^e  l'étahlljfement  d'une  métairie. 

Une  fourcc  ,  une  fontaine,  un 
ruilleau  déterminenr  ordinairement 
la  politiondes  batimens,  parce  qu'il 
n'ell  pas  plus  poflible  de  fe  palfer 
d'eau  que  d'alimens  j  cependant  , 
comme  les  fources  &  les  fontaines 
fortent  en  général  de  terre  dans  les 
lieux  bas,  le  local  du  bâtiment  n'eft 
pas  alors  dans  l'endroit  le  plus  falubre  ; 
les  rofées  y  font  plus  fortes,  le  ferein 
plus  dangereux  ,  l'air  y  eft  moins  re- 
nouvelle ,  la  purndité ,  occafionnée 
par  l'humidité ,  eft  moins  entraînée 
par  les  vents;  enfin,  fi  l'hiver  &  les 
autres  faifons  font  pluvieux,  on  croit 
pit  dans  la  fange,  &  le  bétail  eft 
écrafé  dans  fes  charrois.  Plus  on  ap- 
proche des  provinces  méridionales  , 
plus  ces  pofitions  balffs  &  humides 
font  dangereufes,  mal  faines  ou  pef- 
lilentielles. 

On  fe  réfout  difncilement  à  aban- 
donner des  batimens  déjà  élevés  , 
quoique  le  lieu  foir  mal  fain  ;  leur 
tranfport  eft  difpendieux  &  pénible, 
&  fûuvent ,  faute  d'avances,  on  eft 
dansl'impoflibilitéde  mettre  la  main 
à  l'œuvre  &  de  changer  de  polîtion  ; 
cette  privation  eft  fàcheufe ,  parce 
qu'elle  devient  la  ruine  de  la  fanté 
des  valets  ,  des  fermiers,  &  celle  des 
rerres.  Comme  à  l'impolTible  nul  n'eft 
tenu,  il  faut ,  malgré  foi  £c  avec  cha- 
grin ,  fe  foumettre  aux  circonftances; 
mais  le  propriétaire  n'eft  pas  moins 
un  barbare,  fon  cosur  eft  d'acier  s'il 
immole  la  fanté  de  fes  valets  à  une 
parcimonie  mal  entendue  j  il  devroic 
être  condamné  à  cultiver  lui-même 
fes  terres  ,  &  à  gémir  toute  fa  vie 
fous  le  poids  des  maladies  &  des  in- 
firmités. 


MET  MET  503 

Admettons  que  les  bâtimensfoieiK  culier,   foi:  par  rapporta  fa  pofuion, 

élevés,  que  l'air  foit  pur,  que  l'eau  foit  par  rapport  à  la  falubntc  ,  à  fa  . 

foit  abondante;  une  meilleure  cul-  facilité  pour  le  fervice  des  champs, 

ture  fous   les  yeux  d'un  cultivateur  «Sec.  «Sec.  «Sec.  il  vaut  beaucoup  mieux 

viï^ilant  &C  entendu,  fuppofe  nécef-  fuppofer ,  qu'après  avoir  acheté  une 

faire  une  meilleure  récolte  ,  par  con-  étendue  de  terrein  quelconque,  cette 

féquent  plus  de  local,  plus  de  bâti-  métairie  eft  alTez  confidérable  &  alTez 

mens  qu'on  n'en  avoir  auparavant;  produdive  pour  nécefliterà  ladépenfe 

cette  meilleure   culture    fuppofe  un  des    conllrucftions.    Enfin    fuppofons 

plus  grand  nombre  de  valets,  plus  de  que  le  propriétaire  aifé  eil  déterminé 

bérail  ,   plus  d'inftrumens  aratoires  ,  à  y  vivre  ,   &  ,  pour  la  rendre  plus 

il  fiiut  plus  de  place  pour  les  loger  ;  agréable  ,   fuppolbns  encore  que  les 

que  fair-on?  en  adolfe  par- ci  par-  bâtimens  feronr  placés  à  mi-côteau 

là  un  toit  fupporté  par  un  mur;  ou  d'une  colline  à  pente  très-douce, 
auî^menre  la  totalité  des  bâtimens  ,  1-1  faut  convenir  que  cet  emplace- 

&  non  pas   l'aifance  de  fervice.  Ces  ment  eft  heuteux  ,  qu'il  facilite  les 

additions   font    proportionnellement  moyens  d'avoir  de  bonnes  caves,  de 

plus  coûteufes  que  11  on  avoit  réel-  placer  avantageufemen:    un  cellier , 

lement  élevé  fa  maifon  d'un  étage  ;  (  Voye-^  ce  mot  )  de  donner  l'écou- 

la   rolture  auroit    fervi  au   rez  -  de  -  lement  à  toute  efpcce  d'eaux  ,  de  les 

chaulfce  &   au  premier  érage.  C'ell;  raflembler  dans  des  creux  à  himier, 

par  ces  additions,  faites  après  coup,  de  n'en  perdre  aucune  lans  le  vouloir, 

que  les   logemens  font  fans  ordre,  &c.  ;  mais,  avant  de  fixer  l'emplace- 

fans  arrangemens,  fans  commodités,  mène,    il   convient   d'examiner  s'il 

Un  acquéreur  doit  prendre  fon  parti  n'eft  pas  expofé  aux  vents  orageux  du 

tout  de  fuite;  je  ne  prérends  pas  qu'il  pays,  s'il  eft  à  couvert  des  évapora- 

doive  renverfer    tous    les    édiiitcs  ,  rions   des  lieux  infeéls ,  des  étangs, 

mais   qu'il  drelTe    un  plan  général  ,  entraînées  par  les  courrans  d'air;    ^\ 

auquel  fe  rapporteront  toutes  les.  ré--  les  eaux  de  lource  font  abondantes  &C 

parations  pcftérieures.Je'mets  en  fait  continuelles,  «S:  fi   on  peut  les  dif- 

que  h  on  examinoit  bien  le  total  des  pofer  avec  facilité  pour  le  fervice  de  la 

réparations  ou  additions  partielles  qui  maifon  «Se  pour  l'irrigation  des  jar- 

ont  été  faites ,  on  trouveront  qu'elles  dins;  enfin  s'il  eft  polîible  d'y  réunir 
excèdent  de  beaucoup  ce  qu'il  en  toutes  les  commodités  «Se  toutes  les 
auroir  coûré  pour  rebâtir  à  neuf  une  aifances  qui  cor.rribuent  à  rendre  le 
ménaaerie  ;  la  feule  excufe  capable  fervice  plus  facile  &  moins  coùreux  , 
de  pallier  cette  faute,  c'eft  que  ces  deux  objets  elTentiels  auxquels  on  r,e 
additions  ont  été  faites  petit-à-petit ,  fait  pas  alTez  d'attention. 
&;  que  le  propriétaire  s'eft  moins  .np-  Faifons  aciruellement  connoître  le 

perçu  de  la  dépenfe  ;  mais  j'ajoute  plan  d'une  métairie  ornée  ce  habitée 
qu'elle  auroit  été  moindre  il  on  avoit  par  un  propriétaire  aifé,  il  feraenluite 
travaillé  d'après  un  plan  général,  «Se  facile  de  le  réduire  à  celui  d'une  mé- 
eependanr  par  parties,  fuivant  fes  fa-  tairie  fimple  «Se  proportionnée  aux. 
cultes.  Comme  il  n'eft  pas  poffible  de  facultés  «Se  fuivanr  les  befoins  des  pro-' 
p.-ir!er  de  chaque  métairie  en  parti-     priétaires  moins  fortunés;  c'eft  doiic 


504 


MET 


un  fimple'  apperçu  que  nous  allons 
xionoer  ,  &  rien  de  plus  ,  puifque 
loures  difpoluions  de  bâtimens  cien- 
nenc  au  local  ,  à  la  iîtuation,  à  la 
commodité  des  eaux,  8cc. 

Dans  les  provinces  du  nord  ,  la 
meilleure  expofition  ,  fur-tou:  pour 
le  badinent  du  maître,  eft  celle  du 
levant  au  midi.  Dans  les  cantons 
voifins  de  la  mer,  il  eft  important 
d  erre  à  l'abri  des  vents  qui  en  vien- 
nent, parce  qu'ils  traînent  après  eux 
une  humidité  extrême  qui  pénètre 
les  murs,  s'inlînue  jufques  dans  les  ap- 
partemens  lesmieux  fermé.';,  &  pour- 
rit les  boiferies,  les  tapilTeries  appli- 
quées de  ce  côté-là.  Dans  les  pro- 
vinces du  midi,  le  levant  eft  le  plus 
fain  ,  le  nord  l'eft  également,  il  rend 
les  chaleurs  plus  Supportables  j  l'expo- 
ficion  du  couchant  y  eft  déteftable , 
elle  renouvelle  la  chaleur  dans  le 
temps  que  l'air,  la  tetre  &  les  bâ- 
timens l'ont  déjà  les  plus  échauffés; 
d'ailleurs,  on  peut  dire  en  général 
que  les  vents  qui  foiifflent  du  cou- 
chant y  font  les  plus  incommodes  & 
les  moins  fains.  Il  eft  facile  d'ima- 
giner que  ces  aftertions  ne  peuvent 
pas  être  rigoureufement  exaéf es  pour 
tous  les  cantons,  puifque  les  climats  , 
(  Voyei  ce  mot  )  changent  en  raifon 
des  abris:  cependant  malgré  leur  eé- 
neralite  elles  font  variées.  Acluelle- 
ment  examinons  en  détail  les  diffé- 
rentes parties  qui  entrent  dans  Fé- 
tabiiifement  d'une  forte  métairie  , 
telle  que  nous  l'avons  conçue,  iSc  re- 
préfentée  dans  la  Planche  XIV ^  en 
la  fuppofant ,  comme  nous  l'avons 
dit,  au  milieu  d'une  colline  à  pente 
très- douce. 

1.  Creux  à  fumier  placés  au-dehors 
des  bàâmcus  &  de  la  ccur ,  &  qui 
reçoivent   les   eaux  pluviales    iv  les 


M  É  T 

eaux  des  fontaines  par  un  aqueduc 
qui  pafte  fous  les  écuries  des  bosufs 
&  des  chevaux ,  n°'-  5  &  i(î  :  ces 
creux  doivent  être  fermés  de  murs 
de  trois  côtés  ,  &  un  feul  ouvert , 
afin  d'en  pouvoir  faire  fortit  le  fu- 
mier. Ces  murs  ne  font  pas  abfo- 
lument  nécedaires,  mais  ils  dérobent 
a  la  vue  un  coup  d'œil  peu  agréable; 
on  pourroit  les  couvrit  avec  de  la 
chatmille  ,  des  ormeaux  ,  des  noi- 
fettiets ,  &c. 

i.  Ouverture  des  aqueducs  dans 
la  cour.  Il  eft  bon  &  même  très- 
fain  d'avoir  la  facilité  de  conduire 
l'eau  des  fontaines  dans  ces  deux 
écuries  ,  afin  d'en  laver  le  fol  de 
temps  à  autre,  pendant  que  les  bêtes 
font  au  travail,  ou  lotfque  l'on  en 
a  forti  le  fumier.  De  l'extrême  pro- 
preté dépend  prefque  toujours  la  fa- 
lubrité  de  l'air,  &  on  a  vu  dans  l'ar- 
ticle Air  combien  l'eau  abiorbe  d'air 
fixe,  &  par  conféquent  purifie  d'au- 
tant celui  des  écuries. 

3.  Porte  d'entrée, Td^i/e  &  unique 3 
dont  chaque  foir  on  remet  la  clef 
au  propriétaire;  fi  on  l'accompagne 
d'une  grille  aulli  étendue  que  la  fa- 
çade de  la  maifon,  la  vue  en  fera 
plus  agréable,  &  cet  efpace  augmen- 
tera le  courant  d'air. 

4.  Loges  des  chiens;  ces  animaux 
doivent  être  attachés  pendant  le  jour 
^'  lâchés  pendant  la  nuit;  un  feul 
fufîit  dans  la  bafte-cour ,  &  l'autre 
doit  être  placé  d.ms  le  Jardin.  Un 
feul  homme,  &  toujours  le  même, 
les  attachera  à  l'entrée  du  jour,  i?c 
les  détachera  à  l'approche  de  la  nuit. 

5.  Ecurie  des  bœufs.  (  Foye^  les 
mots  Ecurie  ,  Stable  )  Ce  bâtiment 
eft  compofé  d'un-rez-de-chaulTée, 
qui  forme  l'écurie,  &  d'un  premier 
étage ,  dcrtiné  à  renfermer  les  pailles 

& 


l  -Z/t'    J'açe  jo- 


MET 

&  les  foaiTages  néceflaires  à  la  no'.ir- 
rirure. 

6.  Boulangerie  &  four.  On  peut 
ménacrer  dans  cet  efoace  un  retran- 
cheinent  pour  y  loger  quelques  pou- 
les ,  quelques  femelles  de  dinde  pen- 
dant l'hiver  ,  afin  d'avoir  une  plus 
grande  quantité  d'œuts ,  &:  fur-tout 
afin  que  ces  femelles,  bien  nourries, 
foienr  plutôt  en  ctat  de  couver.  Le 
produit  de  ce  petit  foin  économique  Se 
peu  embarralTant,  fait  grand  plaifir  à 
la  campagne.  Ce  bâtiment  ne  doit 
avoir  qu'un  rez-de-chauflee. 

7.  Bâtiment  avec  rez  de-chauflTée 
&  premier  étage.  Le  bas  eft  con- 
facré  à  la  cuifine  &  à  la  falle  à  man- 
ger de  tous  les  gens  de  la  métairie  ; 
le  premier  étage  eft  diftribué  en 
chambres  où  ils  couchent. 

8.  Remife  à  un  feul  étage,  dcfci- 
née  à  loger  les  outils  &  les  inftru- 
mens  aratoires ,  lorque  les  animaux 
reviennent  des  champs.  Il  ne  faut 
jamais  fouffrir  qu'aucun  outil  ou  inf- 
rrument ,  lorfqu'on  ne  s'en  fart  pas , 
foir ,  dans  le  jour  &  dans  la  nuit , 
ailleurs  que  fous  la  remife. 

9.Rez-de-chaufrée&  premierérage. 
Le  bas  fert  de  bûcher ,  &  le  haut 
de  magafin  à  fourrage. 

10.  Remife  ,  fans  premierérage, 
des  charrettes  ,  tombereaux,  brouet- 
tes, &c. 

1 1 .  Cellier  (  f''oye:(  ce  mot  )  com- 
pofé  d'un  rez  de  chaulTce  de  d'un 
premier  étage. 

II.  Logement  des  cuves  &  des 
palToirs,  fans  premier  étage.  Dans 
les  provinces  où  l'on  ne  récolte  pas 
de  vin,  &  où  l'on  bat  en  grange 
pendant  l'hiver  ,  cet  emplacement 
fervira  à  loger  les  grains  (  Foyc:^  le 
mot  Grenier).  Comme  ce  bâtiment 
cft  par  fa  hauteur  fuppofé  avoir  un 
Tome   VI. 


g^M  É  T  505 

rez-de-chauffce  &  un  premier  étage , 
o!i  fuppnmcra  le  plancher  de  fépara- 
tion  j  <:<:  il  y  aura  une  étendue  pro' 
portionnée  au  volume  des  gerbes. 
Dans  les  pays  de  vignobles,,  au  con- 
traire ,  où  l'on  bat  rarement  pendant 
l'hiver,  lîv:  prcfque  toujours  audîtôc 
après  la  mollfon  ,  le  plancher  de  fé- 
paration  devient  nccelfaire  ;  alors  le 
premier  étage  fervira  iimplement  de 
grenier. 

T^.  Fontaines  dlfpofées  à  fervir 
d'abreuvoir. 

14.  Portes  d'entrée  du  jardin, 
fuppofé  d'une  grandeur  proportion- 
née aux  befoins  du  propriétaire ,  & 
du  nombre  des  donielîiques  de  fa  mai- 
fon  ,    &   des  valets   de  la  métairie. 

1 5.  Maifon  &  habitation  du  pro- 
priétaire, plus  ou  moins  ornée,  fuis 
vant  fes  facultés  ,  mais  garnie  de 
cxvcs  (  Voye:[  ce  mot  )  dans  toute 
retendue  du  bâtiment. 

1 5.  Jardin  légumier,  fruitier  ,  par- 
terre ,  &c. 

17.  Terrafle  formant  mur  de  clô- 
ture, parce  que  l'emplacement  total 
eft  fuppofé  litué  fur  une  colline  à  pente 
douce. 

1  8.  Fontaine  avec  fon  baflin  ,  qui 
diftribué  l'eau  aux  fontaines  1 3  de 
la  cour.  Si  on  craint ,  &  cette  crainte 
eft  bien  fondée,  de  faire  pafTer  les 
conduits  de  cette  eau  dans  l'intérieuc 
desbâtimens,  on  doit  les  diriger  vers 
l'angle  des  grilles  14,  &  y  établir  la 
fontaine. 

15). Colombier;  la  partie  inférieure 
qui  fert  de  dépôt  aux  outils  du  jardi- 
nage \  peut  dans  le  befoin  devenir  une 
efpèce  de  ferre ,  d'orangerie ,  ou  de 
ce  qu'on  appelle  jardin  d'hiver ,  ou 
enfin  devenir  un  pavillon  entouré 
de  bancs  pour  y  être  à  l'ombre.  Si  I'uh 
des  deux  colombiers  eft  furnuméraire , 

sa 


50^ 


MET 


celui  q'.ù  ne  fera  pas  rempli ,  fervira 
d'obfervacoire  au  propriétaire  j  c'eft-à- 
dire  que  de  là  il  verra  6c  veillera  fur  fcs 
gens  qui  travaillent.  Qu'il  y  paroiffe 
quelquefois-,  qu'il  avernlfe  les  valets 
qu'il  y  va  fouvent ,  ils  croiront  avoir 
toujours  l'œil  du  maître  fur  eux  j  les 
bons  chercheront  à  lui  plaire  en  bien 
travaillant  ,  &  les  parelleux  fc-ront 
comme  les  autres ,  afin  d'éviter  la 
réprimande. 

io.  Bâtimenscorrefpondans  à  ceux 
des  n"'.  11  &  1  i.  La  partie  fupé- 
rieure  fert  de  grenier  j  l'inférieure  , 
de  bûcher  ,  de  lavanderie  ,  &  même 
de  remife  à  l'habiration  du  Maître. 

2  1.  Bâtiment  correfpondant  au 
n°.    10.  Dindonnerie. 

iz.  Bâtiment  correfpondant  au 
n".  9,  qui  peut  devenir  une  écurie 
dans  le  befoin ,  8c  le  premier  étage 
reiîtcrme  la  paille  ou  les  fourragea. 

23.  Corrclpond  au  n°.  S.  Poulail- 
Jier  divifé  en  deux  parties  j  dans  la 
première,  logent  les  poules,  &  dans 
la  féconde  ,  les  poules  couveufes. 
Cette  féconde  doit  être  très  -  peu 
éclairée  ,  mais  chaude.  Le  poulaillier 
expofé  au  midi  eli:  le    mieux  placé. 

Z4.  Correfpond  au  n'.  7.  Ber- 
gerie. [P'oye^  ce  mot  )  La  pairie  fu- 
périeure  renferme  les  fourrages  qui 
Ibnt  deitinés  aux  troupeaux.  Afin 
qu'elle  ait  un  grand  courant  d'air  , 
on  ménagera  des  foupuaux  au-delîus 
du  toit,  n°K  ij  Se   15. 

25.  Loge  des  cochuns  j  elle  corref- 
pond au  n''.  6. 

z6.  Ecurie  des  chevaux.  (  ^'oye^  ce 
mot  )  Correfpond  au  n°.  5 . 

27.  Cour  pavée  &  ornée  de  deux 
rangs  d'arbres ,  tenus  cependant  de 
manière  qu'ils  ne  dérobent  pas  la 
vue  au  propriétaire  lorfcju'il  eft  dans 
fa  maifon. 


MET 

Ce  plan,  qu'on  peut  modifier  de 
plufieurs  manières  ,  fuivar.t  les  lieux , 
les  circonftances,  les  facultés  &  les 
befoins  ,  me  paroît  dirigé  d'après  àçs 
principes  avantageux  pour  le  proprié- 
taire ,  &  le  plus  propre  à  empêcher 
les  déprédations  ,  à  faciliter  le  fer- 
vice  ,  &  à  éloigner  toutes  les  caufes 
fufceptibles  d'alrérer  la  pureté  de 
l'air.  11  s'agir  actuellement  des  mo- 
tifs qui  m'ont  déterminé  à  préférer 
cette  difpohtion. 

Le  mi-côteau  d'une  colline  à  pente 
douce  ,  &z  dans  l'expofition  la  plus 
convenable  relativement  au  climat 
&  au  canton ,  n'oftre  aucun  obftacle 
à  la  facilité  des  charrois ,  à  l'écou- 
lement des  eaux  pluviales  ,  &  faci- 
lite la  conduite  des  eaux  ,  lorfqu'on 
arrofe  par  irrigation  ,  (  ^'o)  er  ce 
mot),  &  diminue  le  travail,  lorf- 
qu'on eft  forcé  de  fe  fervir  d'arro- 
foirs.  Si  les  eaux  font  abondantes, 
la  métairie  eft  environnée  de  prai- 
ries &  de  vergers,  dont  le  coup- 
d'œil  eft  toujours  agréable. 

Sur  un  mi-c6teaUj  l'air  eft  tou- 
jours plus  pur  que  dans  la  plaine  , 
&  j'ai  cherché  à  l'épurer  encore  parla 
plantation  des  arbres  dans  la  cour,  & 
tout  autour  des  bâtimens  de  la  mé- 
tairie. On  a  vu  au  chapitre  de  Voir 
fixe ,  à  quel  point  les  arbres  &  les 
végétaux  purifioienr  l'air  arhmofphé- 
r)que,par  l'abforption  de  l'air  mortel 
combiné  avec  lui.  On  a  vu  encore 
que  par  leur  tranfpirarion ,  ils  ren- 
doient  une  cerraine  quantité  d'air  pur 
qui  fe  mêloit  avec  l'air  a;hmofphéri- 
que.  Ces  arbres  font  donc  d'une  utilité 
réelle,  &  ils  fervent  en  même  remps 
à  la  décoration  de  l'habitation. 

La  cour  doit  être  pavée  dans  toute 
fon  étendue ,  ou  du  moins  on  ne  doit 
lailfer  qu'une  allée  fablée  5c  battue 


M  É  T 

depuis  le  [uitail,  n°.  3  ,  jufqu'à  l'ha- 
bitacion  du  maître.  Ce  pave  donne 
un  ail-  de  propreté ,  empêche  les  pe- 
tits dépôts  d'ordure  ,  qui  font  autant 
de  foyers  de  puttidité.  \Jne  force  pluie 
tient  cette  cour  toujours  propre  & 
jiette  j  &  au  défaut  de  pluie  ,  on  l'ai- 
rofe  &  on  la  balaie.  Un  Maître  at- 
tentif &  ami  de  l'ordre,  ne  doit  ja- 
mais y  laifler  plus  de  vingt-quatre 
heures  aucun  encombrement.  Sans 
cette  vigilance  alîîdue  ,  8c  fur-tout 
dans  les  commencemens,  jufqu'à  ce 
que  tous  les  gens  de  la  métairie  foient 
accoutumés  à  l'ordre  &:  à  la  propreté, 
cette  cour  fera  dans  peu  le  réceptacle 
général  de  tous  les  immondices.  Après 
la  pureté  de  l'air,  la  propreté  eft  le 
point  le  plus  effentiel  pourla  confer- 
vation  des  hommes  iSc  des  animaux. 
Si  on  me  demande  pourquoi ,  entre 
chaque  corps  de  bâti  mens,  j'en  lailfe 
uncompofé  d'un  fimplerez  de  chauf- 
fée ,  contradiétion  apparente  avec  la 
remarque  faite  ci-dellus  fur  les  mé- 
tairies compoféesde  bâtimens  de  rap- 
ports ,  ou  faits  après  coup?  je  ré- 
pondrai: i''.  c'eit  afin  d'établir  de 
grands  courans  d'air ,  quelle  que  foit  la 
dirediion  des  vents,  &  de  procurer 
la  falubrité  à  toutes  les  habitations. 
2".  Ces  alternatives  de  toîts  hauts 
&  bas  j  facilitent  rétabblfement  des 
fûupiraux  dans  toutes  les  écuries,  re- 
mifes,  Ôcc:  dès-lors  la  faute  des  ani- 
maux ,  &  la  confervacion  des  outils , 
inftrumens  aratoires,  iSic.  Je  regarde 
ces  foupu-aux  ,  comme  abfolument 
indifpenfables,  fut  tout  dans  les  pro- 
vinces du  midi ,  &:  dans  les  cantons 
humides.  On  en  fent  aifément  les 
railons  ,  fans  les  détailler  \  au  fur- 
plus ,  confultez  les  mots  Bcraerïcs  _, 
} .canes  j  ikc.  3".  Si  par  malheur  un 
ii?c.endie  fe  manifefle  dans  un  bâci- 


M  E  T 


507 


ment,  on  na  jamais  a  la  campagne 
les  rellLHirces  &  le  monde  nécclîaire, 
je  ne  dis  pas  pour  l'éteindre  ,  mais 
feulement  pour  empêcher  fes  grands 
ravages.  Dans  ce  cas  défaftreux  ,  on 
abat  à  côté  du  pavillon  incendié,  la 
toiture  durez  de-chauirée,&  on  coupe 
au  fil  tôt  toute  communication  à  l'in- 
cendie. Ainfi,  on  ne  facrifie  qu'une 
partie,  pour  confetver  la  totalité. 
Maisj  dira-ton,  il  efl:  rare  de  voie 
des  incendies.  Us  peuvent  arriver  ; 
donc  le  plus  fur  eft  d'en  prévenir  les 
luîtes  fâcheufes. 

Je  n'ai  fuppofé  qu'une  feule  posta 
d'entrée  ,  foie  pour  le  maître  ,  les 
valets  ,  foit  pour  les  animaux  de 
toute  efpèce ,  afin  que  le  proprié- 
taire voie  de  fes  fenêtres  tout  ce  qui 
entre  ou  ce  qui  fort.  C'eft  iirf  àss 
moyens  les  plus  tflicaces  pour  ne  pas 
être  volé ,  &  pour  prévenir  les  \'o- 
leiies.  11  y  a  plus  ,  fi  la  nécellité 
exige  que  quelques  fenêtres  foicnc 
toujours  ouvertes ,  Se  qu'elles  donnent 
fur  l'extérieur  de  la  cour,  je  voudrois 
qu'elles  fulfent  fermées  avec  des  bar- 
reaux de  ter,  &  gridées.  Ces  précau- 
tions feront  un  ohftacle  aux  tentatives 
des  voleurs  qui  voudroient  s'intro- 
duire par-Li  dans  la  maifon  ,  &  l'en 
empêchera  par  ce  moyen  la  commu- 
nication qu'ils  poutroienr  avoir  avec 
ceux  qi.i  s'y  feroient  gliflcs  pendant 
le  jour.  On  m'objectera  c]ue  je  porte 
la  méfiance  bien  loin;  que  je  fuppoie 
les  valers  &  autres  gens  de  fervice 
bien  corrompus.  J'en  conviens;  mais 
en  les  fuppofant  honnêtes  ,  on  ne 
rifque  rien  de  leur  ôter  les  occafions 
de  devenir  des  pillards.  Il  ne  finit 
qu'un  fcul  valet  pour  déranger  tous 
les  autres •,  pa'.ez-les,  nourriircz  -  les 
bien,  donnez-leur  des  gratifications 
proportionnées  à  leurs  crav.uix  ,  & 
Sff  1 


;o8 


M  É  T 


exigez  cju'ils  foient  tidèles.  S'ils  s'Iu- 
bitiiein  une  fois  au  gafpillage,  vous 
Jie  parvieiicirez  plus  à  le  àccruire, 
nicine  en  congédiant  les  plus  vicieux  ; 
il  faut  alors  faire  ce  qu'on  appelle 
vi.iifon  neuve.  Ce  n'el\  pas  tour,  ra- 
cliez d'éloigner,  de  dépayfer,  autanc 
cjue  vous  le  pourrez  ,  ct%  anciens  fer- 
viteursj  s'ils  communiquent  avec  les 
nouveaux  ,  ils  chercheront  à  juftifier 
leur  conduite  par  celle  de  leurs  pré- 
déceiïeurs ,  donc  les  confeils  auront 
bientôt  corrompus  les  nouveaux  venus. 

Le  propriétaire  ,  par  la  pohtion  de 
fa  maifon  ,  voit  d'un  feul  coup  d'œil 
tout  ce  qui  fe  paiïe  dans  fa  cour  & 
dans  fes  jarilins  ,  &  le  voit  à  toutes 
les  heures  du  jour.  La  grille  »  n°  5 , 
une  fois  fermée ,  tout  cft  fous  fa  main  , 
&  eA  fûretc  :  fon  ombre  feule  fuffic 
pour  contenir  tout  fon  monde  dans 
le  devoir ,  parce  qu'il  n'y  a  ni  coin  , 
ri  recoin  ,  ni  cachettes  capables  de 
dérober  à  fa  vue  le  parefleux  ,  ou 
l'homme  à  mauvaife  volonté.  Le 
propriété  ire  doit  fans  ceflTe  avoir  pré- 
lent  à  l'efprit  cet  adage  de  l'jnimi- 
rable  Lafontaine  :  il  n'tji  pour  voir, 
que  Vail  du  maure. 

L'homme  finge  des  grands  fei- 
gneurs,  dira  :  quoi  !  dans  cette  cour, 
je  verrai  palfer  le  bétail  qui  va  ou 
qui  revient  des  champs  j  j'aurai  l'en- 
nui d'entendre  le  bêlement  des  trou- 
peaux ,  d'y  voir  des  poules ,  des  din- 
des ,  iScc.  Il  vaut  beaucoup  mieux 
élever  des  murs  qui  mafquent  tout 
ce  fatras  de  ménagerie.  Je  lui  dirai 
à  mon  tour  :  reftez  à  la  ville ,  vous 
n'êtes  pas  digne  de  vivre  à  la  cam- 
pagne, &  de  fenrir  le  prix  des  plai- 
lîrs  innocens  qu'on  y  goûte.  Vous  ne 
faites  donc  pas  attention  que  ce  petit 
fracas  eft  bien  éloigné  du  tumulte 
bruyans  des  villes  j  que  les  m.êmes  ob- 


MET 

jets  changent  la  f.ène  d'un  moment  à 
l'autre;  que  cts  diverfes  fortes  d'ani- 
maux l'animent  &  donnent  la  vie 
au  payfage  ,  évc.  . .  .  Pour  vous  faire 
plaifir,  je  conviens  que  j'ai  le  goût 
campagnard  ,  t"*-:  que  je  fuis  toutes  les 
occafions  de  m'ennuyer  avec  dignité» 
La  campagne  &  ^qs  accelfoires  font 
froids  à  vos  yeux,  parce  qu'accoutu- 
mé aux  plaifirs  faétices,  vous  favez 
peu  apprécier  ceux  qui  font  attachés 
à  la  iîmplicité  de  la  nature.  Ils  font 
doux  ,  tranquilles  &  fans  remords. 
Eh  !  croyez-moi ,  ils  en  valent  bien 
d'autres  !  Cependant  ,  je  ne  veux, 
point  difputer  fur  les  goûts ,  chacun 
a  fa  manière  de  voir  ;  ainfi ,  je  n'offre 
ce  plan  que  pour  ce  qu'd  vaut,  6; 
fans  prétention. 

Je  n'entre  dans  aucun  détail  fur  le  ' 
p-rix  du  toifé  de  maçonnerie,  des  fer- 
rures ,  des  bois,  &  autres  objets  né- 
celfaires  à  la  conftruétion  «Se  à  fes  ai- 
fances.  Le  prix  de  chaque  objet  varie 
d'une  province ,  &  même  d'un  canton 
à  l'autre;  ainii,  un  tableau  de  dépenfe 
dans  un  village  des  environs  de  Paris,. 
ne  fauroit  fervir  dans  les  provinces 
où  l'on  ne  connoît  pas  le  plâtre  ,  &c 
ainfi  du  refte.  Surets  objets,  on  doir 
confulter  les  gens  de  l'arc   du  lieu; 
&  obferver  que  fi  l'on  donne  à  prix- 
fait  ,  on  fera  mal  fervi   ;   que  tour 
s'exécute  à  la  journée  ,   &  en  four- 
niffant  les  matériaux,  le  travail  fera 
bon  ,  mais  plus  coûteux  ,    &   qu'it 
£uit  compter  qu'il  en  coûtera  un  tiers^ 
de  plus  que  )a   malfe   totale  portée 
dans   le  devis  eftimatif  Je  ne  fpéci- 
fierai   également  pas  le  nombre    de- 
valets  &  de  beftiaux  nécelfaires  à  l'ex- 
ploitation d'une  métairie  quelconque. 
Il  dépend  de  la  qualité  des  terres  & 
des  genres  de  produit.  Par  exemple^ 
une  métairie  de  qui  dépendent  beau- 


UÈT 

coup  de  prairies  ,  peu  de  terres  la- 
bourables ,  &  peu  de  vignes  ,  exige 
bien  moins  de  bras  que  celle  donc, 
le  principal  revenu  eft  en  grains  ,  & 
celle-ci  ,  beaucoup  moins  que  celle 
dont  la  majeure  partie  eft  en  viç;no- 
ble  que  l'on  travaille  à  la  main.  Tout 
eft  relatif  5  dès-lors  les  généralités  , 
même  en  fuppofant  les  polfelîions 
contigues ,  ne  préfentent  rien  de  dé- 
t;rminc.  Que  fera-cedonc,  fi  des 
champs  font  éloignés ,  les  chemins 
mauvais  ,  &c  dans  des  pays  de  coteaux 
&  de  monta-^ncs ,  dans  des  cantons 
habituellement  froids  &  pluvieux, 
&c.  &c.  C'eft  au  propriétaire  à  entrer 
dans  ces  détails  ,  après  avoir  bien 
apprécié  la  nature  de  fes  pollelVion^. 

CHAPITRE     IL 

Est -IL     PLUS     avantageux 
FOUR   l'État    et   pour     le 

PARTICULIER  j  d'avoir  DE 
aRASDES  POSSESSIONS  REU- 
NIES AUTOUR.  DE  LA  METAI- 
RIE. 

Section      première. 

Des  grandes  pojjcffions  relatlvancnt 
à  l'état. 

La  profpérité  d'un  état  tient  à  fa 
population  j  une  partie  de  cette  po- 
pulation produit  &  confommej  Taii- 
tre  confomme  Se  perfeébionne  ,  &: 
latroifième  confomme  fans  produire. 
Le  cultivateur  fournit  les  matières 
premières ,  l'artifan  les  embellir ,  & 
l'argent  du  riche  folde  la  main-d'œu- 
vre des  deux  premiers.  Demandera- 
t-on  aftuellement  laquelle  de  ces 
trois  clafles  de  citoyens  eft  la  plus 
utile  à  l'état  ?  La  prééminence  doit 
erre  fans  doute  décernée  à  celle  qui 
eft  méptifée  par  les  deux  autres  ,  à 


M  É  T  509 

l'honnête  &  au  bon  cultivateur'. 
Sans  fes  fueurs  ,  fans  fes  travaux, 
que  deviendroient  les  arciftcs  &  les 
gens  riches  ?  Et  fans  eux  les  cul- 
tivateurs n'nuroient  -  ils  pas  tou  - 
jours  les  reffcurces  de  l'exportation 
de  leurs  denrées  en  nature.  Plus  ou 
donne  d'étendue  à  une  métairie  ,  &c 
moins,  circonftances  égales,  le  nom- 
bre des  Travailleurs  eft  augmenté. 
Pour  fe  convaincre  de  cette  vérité  , 
il  fuffitde  comparer  les  pays  de  vigno- 
ble ,  où  l'on  ne  laboure  pas  les  vignes  , 
&  où  tout  le  travail  eft  frit  à  la  main , 
avec  les  pays  de  plaine,  rcfcrvcs  ou 
aux  prairies  ,  ou  à  la  culture  des 
grains.  Dans  celui-ci,  on  y  voit  par- 
ci,  par- là,  quelques grolfes  métairies, 
&  très-éloignées  les  unes  des  autres; 
Tandis  que  dans  celui-là  ,  les  villages 
fe  preilent  &  fe  touchent  ;  la  popu- 
lation y  eft  nombreufe  ,  parce  que 
l'air  des  coteaux  eft  plus  fain  que 
celui  des  plaines;  eniîn  ,  il  faut  des 
hommes  pour  travailler  les  vignes  , 
«Je  le  bétail  les  fupplce  dans  la  plaine. 
Sur  les  côrenux  tout  eft  productif; 
dans  la  plaine  ,  un  tiers  du  fol  eft 
facrifié  à  la  nourriture  du  bérail  quel- 
conque ;  ordinairement  le  fécond 
tiers  de  ce  fol  refte  une  année  en  ja- 
chère ;  enfin  ,  le  troilîème  riers  eft 
produdif.  Je  fais  qu'il  y  a  beaucoup 
d'exception  à  faire  contre  ces  alîer- 
tions  ;  mais  ce  n'eft  pas  ici  le  cas 
d'entrer  dans  des  détails  étrangers 
à  l'objet  préfent ,  ni  d'examiner  s'il 
ne  feroir  pas  plus  avantageux  que 
toute  cultuie  fût  faite  à  bras  d'hom- 
me que  par  le  bérail.  Il  eft  hors 
de  doute  que  le  produit  en  feroir  plus 
confidérable  ;  fi  la  population  étoic 
plus  nombreufe,  un  plus  grand  nom- 
bre d'mdividus  vivroit  (Se  bénéficic- 
roit  fur  le  produit  de  la  culture.  Va 


jio  MET 

village  ,  dont  la  récolte  eft  le  four- 
rage  &  les  grains  ,  eft  prefqiie  tou- 
jours divifé  par  hameaux  ,  ^'  occupe 
îouvent  plus  d'une  lieue  quarrée  de 
fuperficie.  Sur  cetre  même  étendue 
on  trouve  quatre  à  cinq  villages  dans 
les  pays  de  vignobles.  Atluellement 
que  l'on  mette  en  parallèle  laquelle 
de  ces  deux  étendues  paye  plus  d'ini- 
pofitions  à  l'état ,  (Se  on  aura  la  folu- 
tion  du  problême. 

Ce  n'ert  pas  tout.  Si  l'on  compare 
la  perftiftion  du  travail  dans  les  pays 
de  vignoble  ,  avec  celle  des  grands 
pays  à  grain  ,  il  n'y  aura  aucune  pro- 
portion. Si,  dans  le  pays  de  vignoble 
il  fe  trouve  quelques  champs  dans  le 
voifinage,  à  coup-fùr  il  n'y  aura  pas 
une  année  de  jachère  pour  eux,  cha- 
qr.e  année  ils  donneront  une  récolte, 
parce  qu'ils  feront  travaillés  à  mains 
d'hommes.  Outre  le  montant  de  l'im- 
pofition,  l'état  retirera  un  plus  grand 
produit  d'une  fuperficie  de  champ, 
comparée  avec  la  même  dans  la  plaine. 

Section     II. 

Des   Vii(îis  métairies  ,    relativement 
aux  particuliers. 

Les  opinions  fur  cet  objet  dlfFérent 
faivant  les  pays.  Par  exemple  ,  les 
écrivains  Anglois  font  prefque  tous 
pour  les  grandes  polFellions-,  quelques 
François  ont  copié  ce  qu'Us  ont  éair, 
cs:  leur  entoufialme  anglomane  a  em- 
brouillé un  peu  plus  la  matière.  Ils 
ont  comparé  la  France  avec  l'Angle- 
terre ,  donr  toutes  les  produélions  fe 
réduifiiiit  aux  grains ,  aux  laines ,  au 
bétail  &  aux  mines  ;  tandis  qu'en 
France  nous  avons  les  mêmes  pro- 
dudions,  &  de  plus  les  vins  ,  les 
eai;x-dc-vie ,  les  huiles  de  noix  & 
<i'olive  ;  objets   principaux  dont  les 


MET 

Anglois  font  privés  en  totalité.  En 
préfentant  au  leéteur  impartial ,  les 
objedions  pour  &  contre  ,  il  fera 
à  même  de  juger  avec  conuoilTance 
de  caufe. 

§.    I.    Des    avantages    des    grandes 
métairies, 

1°.  Une  grande  métairie  ow  ferme, 
fuppofe  prefque  Toujours  une  fortune 
aifce  chez  le  propriétaire ,  Se  la  bonne 
culture  dépend  de  l'aifance  ;  fuivant 
fil  polltion,  il  peut  y  élever  des  che- 
vaux ,  du  bétail,  de  nombreux  trou- 
peaux :  objets  qui  demandent  peu  de 
dépenfe  ,  produifent  beaucoup  ,  &: 
fans  exiger  aucun  débourfé  ,  fer- 
vent à  remplacer  les  animaux  afFoi- 
blis  par  l'âge  ou  par  les  maladies. 

i**.  Il  y  a  réellement  moins  d'a- 
vances foncières  à  faire  dans  l'amé- 
nagement d'une  forte  métairie,  que 
dans  celui  de  deux  ménageries  dont  l'é- 
tendue égaleroit  la  première,  en  fup- 
pofant  la  qualité  du  fol  &  la  nature 
des  produits  parfaitement  les  mêmes, 

3*.  11  faut  payer  ,  nourrir  moins 
de  valets  dans  une  grande  ménagerie, 
que  (\  elle  érolt  divifée  en  deux. 

4°.  L'entretien  des  bâtimens,  des 
harnois,  des  ourils  de  labourage,  &c. 
ell  moins  coûteux  _,  <?c  on  a  plus  de 
relFources  dans  les  grandes  potTeflions, 

5°.  Comme  on  y  fait  les  provifions 
en  grand  ,  il  y  a  un  bénéfice  réel  ; 
par^e  que  le  propriétaire  aiié  les  fait 
à  propos.  ,  .  .  Tout  objet  acheté  par 
parcelles,  coûte  beaucoup  plus. 

6°.  Si  la  faifon  prelîe ,  les  valets 
&  les  beftiaux  y  font  tous  employés 
furie  même  champ;  les  récoltes,  les 
femailles  font  plus  expéditives. 

7°.  Un  grand  propriétaire  trouve 
plus  ficilemènt  de  bons  valets  que 
les  pctirsj  ils  font  mieux   payés  ôc 


MET 

mieux  nourris ,  5c  les  journaliers  pré- 
féreront  donc  de  fervir  le  premier, 
parce  qu'ils.fontfûrs  d'avoir  un  travail 
plus  fourenu  que  chez  les  autres. 

8".  Un  propriétaire  aifé  n'ell;  pas 
forcé  de  vendre  les  récoltes  ,  il  les 
garde  jufqu'i  ce  que  Ton  grain  ,  fon 
vni ,  &c.  loienr  montés  à  un  cerrain 
prixj  alors  ils  les  vend  avec  bénélîce. 

§.    II..  Des    avantages  des  pctiies 
mécaines. 

Répondre  aux  afTertions  précéden- 
tes ,  ce  fera  les  réfuter  j  mais  avant 
tout  il  fc  préfente  une  obfervation 
bien  (impie  ,  &  qui  mérite  notre  at- 
tenrion.  Depuis  quelques  années  les 
grands  feioneurs  &c  les  forts  tenan- 
ciers du  royaume  ,  qui  aiment  mieux 
compter  avec  eux-mêmes,  que  de  fe 
laider  gouverner  par  des  étrangers , 
ont  vu  qu'il  étoit  prefque  du  double 
plus  lucratif  pour  eux ,  d'affermer  leurs 
polfedious  par  parcelles  ,  plutôt  que 
d'avoir  un  feul  &  unique  terni ler 
général,  fui  vaut  l'ancienne  courume, 
&c  pour  une  rerre  entière.  Ce  fermier 
unique,  Se  même  fuppofé  fort  à  fon 
aife,  fera-c-il  valoir  par  lui-même 
toutes  les  métairies  ou  domaines  af- 
fermés en  total  ,  par  exemple  lo  à 
15,000  livres.  Il  eft  très-rare  que  les 
domaines  de  certe  feigneutie  ioient 
contigus  ,  &  quand  ils  le  feroient, 
fon  avantage  fe  trouveroit-il  à  réunir 
dans  une  feule  &  même  habiration  , 
tous  les  valets  &  tous  les  beftiaux  ? 
Quel  parti  prendra-t-il  ?  Le  voici.  Il 
fous- affermera  les  domaines  les  plus 
éloignés,  &  fera  tour  au  plus  valoir 
le  plus  confidérable  ,  (i  toutefois  il 
n'habite  pas  la  ville  ;  mais  en  fa 
qualité  de  fermier  général  il  doir  bé- 
néficier fur  le  fous-fermier,  &  celui- 
ci  gagner  dans  fa  fous- ferme. 


MET 


5it 


Le  propriétaire  ,  en  afTermanr  par 
parcelles,  auroit  donc  eu  le  bénéfice 
que  le  grand  fermier  fait  fur  le  petit. 

Suppofons ,  pat  exemple  ,  une  mé- 
tairie de  (ix  cens  arpens  ;  (  f'^oye'^  ce 
mot  )  je  dis  que  fur  cette  étendue , 
d'ailleurs  toutes  circoiiftances  égales, 
s'il  y  avoir  deux  métairies  ,  le  total 
de  la  ferme  des  deux  feroir  plus 
confidérable  que  celui  d'une  ferme 
unique  j  ik.  que  s'il  y  en  avoir  quarre, 
le  rotai  augmenteroit  en  proportion. 

Suppofons  encore  que  cette  ferme 
ou  ces  deux  métairies  foient  à  la  pro- 
xuTiité  d'une  ville,  ou  d'un  gros  &:  ri- 
che  village  ;  je  dis  que  fi  chaque  pièce 
de  champ  étoit  affermée  féparémenr, 
la  totalité  du  prixieroir  beaucoupplus 
confidérable.  lien  eft  du  prix  des  fer- 
mes comme  de  celui  des  venres.  On 
gagne  beaucoup  .à  vendre  par  par- 
celles ,  parce  que  ceux  qui  acheteur , 
payent  la  proximité  iSc  la  convenan- 
ce,  fur-rour  lorfque  la  partie  en  vente, 
coirribue  à  l'arrondiirement  de  leurs 
poffefîIons.L'exemplede  tous  les  jours 
&:  de  tous  les  lieux,  prouve  ces  af- 
fertions. 

1°.  Une  grande  métairie  fuppofe 
un  propriétaire  à  fon  aife  ,  un  fer- 
mier riche  ,  Sec.  On  eif  forcé  de  con- 
venir qu'il  faut  beaucoup  d'avanres 
pour  cultiver,  paifque  le  produit  eft 
le  réfulratdeceS  avances,  &  il  n'exif- 
teroit  pas  fans  elles.  Les  prairies,  les 
bois  déjà  formés,  font  exception  à 
cette  règle  ;  mais  ils  ont  fuppofé 
daris  le  te'mps  des  avances,  pour  les 
femer  ou  pour  les  planter  ;  les  do- 
maines à  vignoble  ,  travaillés  à  la 
main  ,  font  ceux  qui  en  exigent  ie 
plus  journellement.  L'homme  riche 
a  un  grand  avantage  fur  celui  dont 
la  fortune  eft  bornée  :  on  fait  qu'il 


5 1  i  MET 

en  coûte  plus  à  gagner  la  première 
piftole  que  le  f(.cond  ni  il  lion.  Mais, 
tout  propriécaire  ,  don:  les  fonds  ou 
les  avances  font  en  raifon  des  befoins 
d'une  métairie  eu  d'une  ferme  ,  n'a 
aucunement  befoin  de  moyens  ex- 
cédens,à  moins  qu'il  ne  veuille  don- 
ner dans  les  fpéculations  ;  dès-lors  c'eft 
un  objet  à  part,  i?c  qui  n'a  point  de 
rapport  à  la  circonftance  dont  il  s'agit. 
Que  l'étendue  de  la  métairie  foie 
plus  ou  moins  forte,  cela  ell  indif- 
férent ,  il  on  a  les  avances  nécelTai- 
res;  mais,  au  contraire,  dit  Colu- 
melle  ,  fi  le  champ  eft  plus  fort  ,  le 
maître  fera  écrafé.  Il  doit  donc  y  avoir 
des  proportions  entre  le  fonds  &  les 
avances,  le  furplus  eft  inutile.  ■  Ad- 
mettons qu'un  homme  riche  prenne 
à  terme  votre  métairie  par  un  bail  de 
fix  ans  :  (  Voye-[  le  mot  Bail  )  telle 
eft  l'époque  la  plus  commune  dans 
pluheurs  de  nos  provinces.  Croira- 
t-on  ,  de  bonne  foi ,  que  ce  fermier 
fera  de  grofles  avances  en  répara- 
rions  &  améliorations  pour  un  terme 
fi  court?  C'eft  à-dire  ,  vous  fuppofez 
qu'il  bonifiera  vos  champs  pour  fes 
fuccelfeurs  ?  C'eft  bien  peu  connoître 
cette  clarté  d'homme;  elle  ne  prend 
nue  ferme  que  poury  gagner,  &  cela 
eft  jufte.  11  n'en  eft  pas  ainfi  du  maître, 
du  vérirable  propriétaire  ;  il  profite 
àts  années  èi  abondance  (  V^oye':^  ce 
mot  )  ,  afin  de  prévenir  les  fâcheux 
etïets  âts  années  de  difetre;  enfin, 
de  fes  épargnes  il  améliore  fa  podef- 
lion  ,  6c  il  l'arrondit  par  des  acquifi- 
tions  nouvelles.  Le  propriétaire  , 
beaucoup  au-deffus  du  produit  de  fes 
champs  ,  après  les  avoir  bonifiés  , 
place  fon  argent  ;  il  fait  ,  d'après 
Pline,  qu'on  doit  donner  le  nécelfairç 
à  un  champ  ,  &  rien  de  plus,  &  que 
rien  n'eft  moins  lucratif  que   de  le 


MET 

trop  bien  foigner.  Ainfi  ,  en  tout 
état  de  caufe  ,  pouvu  que  le  proprié- 
taire ne  foie  pas  au-delîous  de  fa  pof- 
feftion  j  tout  ira  bien  ,  &  l'homme 
opulent  n'y  gagneroit  pas  davantage. 

L'éducation  des  chevaux  ,  du  bé- 
tail (Se  des  troupeaux  ,  dépend  des 
circonftances  locales  ,  év  el!e  fera 
toujours  en  proportion  de  l'étendue 
du  domaine  ,  &  de  la  polTibilité 
eu  de  l'avantage  de  s'y  livrer.  Les 
préceptes  coûtent  peu  à  donner,  c'eft 
la  maifie  des  écrivains ,  &  fur-tour 
de  les  cénéralifer  ;  mais  ils  ne  font 
pas  attention  que  le  propriétaire  m- 
tellïgera  voit  &  connoît  mieux  qu'eux 
la  partie  de  fon  champ. 

2".  il  y  a  mains  d'avances  à 
faire  pour  une  grande  que  pour  deux 
métairies  de  contenance  égale  à  la  pre- 
mière. Cette  propofition  eft  tiès-vraie 
en  général  ;  mais  la  grande  produira- 
t-elle  autant  que  les  deux  petites  ?  Je 
ne  puis  me  le  perfuader.  Que  l'on 
embraffe  dans  une  circonférence,  par 
exemple  ,  cent  métairies  ;  que  l'on 
examine  la  quantité  de  valets ,  d'a- 
nimaux qui  en  font  le  fervice  ;  que 
l'on  évalue  l'étendue  du  fol ,  en  pro- 
portion de  leur  nombre  ,  &  j'ofe 
avancer,  qu'en  fuppofant  même  tou- 
tes les  faifons  régulières  ,  il  y  en 
aura  quatre-vingt-quinze  qui  n'auront 
ni  allez  de  monde  ,  ni  aflez  de  bé- 
tail, &  que  les  travaux  feront  toujours 
faits  à  la  hâte ,  &  arriérés.  La  perte 
eft  donc  double  dans  la  métairie 
unique.  Que  fera-ce  donc  fi  les  fai- 
fons font  dérangées  ,  &  lî  le  chef  des 
ouvriers  n'eft  pas  vigilanr  Se  labo-  • 
lieux.  Dans  le  cas  de  maladie  du 
bétail ,  les  reftburces ,  le  fupplément 
de  travail  dans  les  petites  métairies 
font  plus  faciles,  parce  qu'on  trouve 
plutôt  cinq  hommes  que  dix  ,  &  le 

bétail 


MET 

bétail  &n  proportion  ,  fur- tout  dans 
les  provinces  à  grains. 

}°.  //  faut  payer  moins  de  valets. 
C'eft  prccifément  fur  ce  que  l'on  n'en 
paye  pas  alfez  que  je  me  récrie.  Mais 
dans  les  pays  où  l'on  ne  bat  pas  en 
grange  pendant  l'hiver,  &  où  la  fai- 
lon  des  pluies  ou  des  gelées  el^  lon- 
gue; enfin  ,  où  il  pleut  louvent  pen- 
dant l'été  ,  que  fait  le  nombre  des 
valets  ?  Il  confomme  ,  ne  travaille 
pas ,  &  l'ouvrage  eft  arriéré. 

Les  alTertions  que  j'établis  dans  le 
n**.  ci-dellus,  &  dans  celui-ci,  s'ap- 
pliquent, dira-t-on  ,  aux  petites  mé- 
tairies comme  aux  grandes.  Cela  eft 
vrai  à  la  rigueur.  Mais  une  obferva- 
tion  conftante  &i  régulière  m'a  prou- 
ve ,  non  pas  une  rois ,  mais  cent ,  que 
le  travail  eft  toujours  plus  avancé  dans 
les  petites  que  dans  les  grandes ,  abf- 
tradion  faire  de  la  fuppofition  d'après 
laquelle  on  prétend  que  ces  dernières 
exigent  plus  de  valets  que  la  première. 
Ici,  il  n'y  a  ni  tdemi  ,  ni  quart  de 
journée,  fufceptible  de  travail,  qu'on 
ne  puilfe  mettre  à  profit.  Là  ,  l'é- 
lûignement  des  lieux  eft  caufe  que 
le  temps  le  plus  clair  de  la  journée 
eft  perdu  en  allées  &  en  venues. 
Ainii  ,  en  fuppofant  demi-heure  ou 
trois  quarts  d'heure  dans  la  matinée, 
&  autant  dans  la  foirée ,  &  mettant 
bout  à  bout  ces  heures  perdues  ,  il 
fera  facile  de  calculer  combien  il 
y  aura  dans  l'année  de  beaux  jours 
perdus.  Le  bénéfice  eft  donc  au  moins 
de  la  moitié  dans  les  petites  mé- 
tairies. On  dira  que  les  valets,  dans 
les  grandes  terres  ,  partiront  plus 
matin  ,  &  reviendront  plus  tard. 
Suppofition  gratuite  ,  démentie  par 
l'expérience  de  tous  les  jours  &  de 
tous  les  lieux.  Ils  ont  une  heure  {wéi 
pour  le  départ  de  l'écurie  j  &  t'eft 
Tome  VI. 


MET  5t5 

celle  à  laquelle  ils  font  on  ne  peut 
moins  exaéts  fi  on  n'y  veille  de  très- 
près.  Une  chofe  ou  une  autre  fert  de 
prétexte  ;  mais  je  ne  connois  pas  de 
pendule  qui  indique  plus  exactement 
le  retour  des  champs  c]ue  leur  habi- 
tude ;  palTe  encore  ,  s'ils  ne  la  de- 
vancent pas  \  mais  à  coup  fur ,  ils  ne 
travailleront  pas  une  minute  de  plus. 
En  allant  au  travail',  leurs  bêtes  mar- 
chent à  pas  comptés  ;  au  retour,  la 
marche  eft  bien  autrement  accélérée. 

Si,  dans  une  grande  métairie  on 
a  moins  de  valets  ,  de  beftiaux  ,  de 
harnois  à  entretenir  ,  &:c.  on  a  donc 
moins  de  travail  fait  !  Cependant  le 
grand  point  de  l'agriculrune  eft  d'avoir 
beaucoup  de  travail  fait  &  bien  fait  ; 
enfin,  d'être  en  avance,  &  de  ne  pas 
craindre  d'être  arriéré  par  le  déran- 
gement des  laifons;  on  n'a  pas  tou- 
jours à  fon  choix  le  moment  de  fe- 
mer,  &  il  arrive  huit  fois  au  moins 
far  dix  ,  que  le  produit  des  fe- 
mailles  tardives  eft  au  -  deffous  du 
médiocre. 

4".  L'entretien  des  bâtimcns  j  &c. 
Cet  article  eft  vrai  dans  toute  fou 
étendue  ;  mais  les  deux  propriétaires 
fuppcfés  ,  font  cenfés  avoir  compte 
les  réparations  journalières  dans  le 
calcul  de  leurs  dépenfes  ;  &:  à  moins 
qu'il  ne  s'agilfe  de  réparations  ma- 
jeures ,  le  bénéfice  excédent  des  deux 
petites  mérairies  fur  une  grande  ,  eft 
bien  au-delTus  des  proportions  des 
répararions  journalières.  Aufurplus, 
ces  réparations  font  très  -  peu  de 
chofe,  fi  le  propriétaire  le  veut.  Vne 
tuile  eft  dérangée,  la  pluie  furvient, 
la  maîtrelfe  poutre  pourrit ,  le  toit 
tombe,  il  entraîne  les  murs  qui  le 
portoient ,  (?c  tout  le  dégât  eût  ce- 
pendant été  prévenu  p^r  le  (impie 
remplacenienr  d'une  tuile. 
T  t  t 


514  MET 

5*'.    Les  provijîons  font  faites  à 
propos.  Dès  que  l'on  fuppofe  les  pro- 
priccaires  aifés ,  relativement  à  leurs 
poireifions ,  le  plus  riche  achètera  par 
cent  quintaux ,   fi    l'on  veut ,  &  le 
petit  propriétaire  ,  par  cinquante  :  ce 
qui  revient  au  même.  L'objedtion  eft 
donc  nulle;  mais  elle  refte  dans  toute 
fa  force  C\  le  propriétaire  eft  au-def- 
fous  de  fa  métairie  j  le  détail  le  rui- 
nera un  peu  plus  vî:e,  &:  il  payera  plus 
cher  les  objets  de  qualité  médiocre. 
6°.  Sl  la  faifon  preJJ'e  j  &c.  U  im- 
porte peu  qu'on  ait  beaucoup  de  va- 
lets (?c  de  beftiaux  à  mettre  à  la  fois 
fur  un  champ  ,  fi  on  a  un  grand  nom- 
bre de  champs  dont  la  culture  prelfe. 
A  richeireé^ale,  mais  proportionnée, 
les  fermiers  fe  procureront  les  mêmes 
relfources ,  &  il  en  coûtera  plus   au 
grand  tenancier  ,  parce  que  Ion  tra- 
vail fera  moins  avancé  que  celui  du 
petit. 

j".   Un  grand  prapriétaîrc    trouve 
des  journaliers.  Je  ne  vois  pas  la  rai- 
fon  pour  laquelle  ces  hommes  foienc 
mieux  payés   &  mieux   nourris  chez 
l'un   que   chez  l'autre.   On  paye  ces 
malheureux  au  plus  bas  prix  polfible  , 
on  épargne  autant  qu'on  le  peut  fur 
leur  nourrirure.  Sur  cent  propriétai- 
res ,  on  en  trouvera  trois  ou  quatre 
qui  regardent  les  journaliers  comme 
des  hommes,  i5c  les  traitent  en  con- 
féquence  ,  &  fur  le  nombre  des  fer- 
miers qui  ne  font  valoir  qu'une  partie 
des  domaines,  à  peine  en  trouveroit- 
on  deux.  Je  fais  tout  ce  que  l'on  peut 
dire  en  faveur  de  ces  fermiers;  mais 
qu'on  nomme  ceux  qui  méritent  d'être 
exceptés  de  la  régie  générale  ,  &  on 
verra  combien    de  pareils  exemples 
font  rares.    Payez   bien  ,    nourrilfez 
bien,  (Se  de  toutes  parts  les  ouvriers 
viendront  travailler  pour  vous. 


M  É  T 

8'.  Un  propriétaire  afèj  vend  fes 
récoltes  avec  avantage.  Le  malheu- 
reux qui  vit  du  jour  à  la  journée  ,  qui 
eft  au-defious  de  fes  polfeflions  ,  eflr 
forcé  de  vivre  au  moment  qu'il  ré- 
colte :  ce  n'eft  pas  la  faute  de  la  mé- 
tairie. Mais  fuppofezy  un  proprié- 
taire aifé  proportionnellement  à  fes 
polleilions ,  il  aura  ,  dans  fon  genre  , 
le  même  avantage  que  le  grand  te- 
nancier aifé. 

Les  lieux ,  les  circonftances  doi- 
vent faire  beaucoup  d'exceptions  à 
ces  généralités.  Cependant  ,  je  fais 
fort  bien  que  (\  ma  métairie  étoit  du 
double  plus  étendue  qu'elle  ne  l'eft 
actuellement  ,  je  ne  balancerois  pas 
à  la  partager  en  deu-x. 

METEIL.  Froment  &  feigle  mê- 
lés &  femés  enfemble  ,  en  plus  ou 
moins  grande  quantité  de  l'un  ou  de- 
l'autre  ,  fuivant  la  volonté  du  culti- 
vateur. Lorfque  l'on  feme  moirlé  l'im 
^-  moitié  l'autre,  c'eft ordinairement 
pour  la  nourriture  des  valets. 

Il  n'eft  pas  aifé  de  deviner  fur  quel 
motif  cette  méthode  eft  fondée  :  cer- 
tainement elle  n'eft  pas  diiffée  &:  ap- 
prouvée par  la  railon.   L'expérience 
de  tous  les  temps  &  de  tous  les  lieux 
prouve   que  le  feigle   femé  dans  le 
même  champ  &  en  même  temps  que 
le  fromenr ,  entîn  ,  toute  circonft.mce 
égale  ,    eft   aumoins   huit  à    quinze 
jours    plutôt    mùr    que  celui-ci.  Il 
eft   donc    clair  ,    qu'en    moilTonnanc 
tout   enfemble  ,    la    majeure    partie 
du    feigle   s'égraine    fur    le    fol    ou 
dans  le  rranfport.  Si  on  moilTonne  le 
froment    un  peu  avant  fa  maturité  , 
on  le  facrifie  donc  au  feigle  ,  &  dix 
prévienr  feulement  en  partie  la  perre 
de  celui-ci. 

On  a  fans  doute  dir,en  femant  rim& 


MET 

l'autre eufemble  :  Ci  le  feigle  manque, 
le  froment  réulllra  ,  &  aiiifi  tour  à 
tour.  Ce  raifonnement ,  tout  fpccieux 
qu'il  eft,  n'en  eft  pas  moins  abfurde. 
Tout  confidcré,  ne  vaut-il  pas  mieux, 
fur  le  même  champ  femer  le  froment 
&  le  feigle  féparément  ^  on  les  ré- 
colte à  leur  point  ,  &:  leur  mélange 
eft  enfuite  plus  commodément  & 
plus  exaélement  fait  dans  le  grenier. 
L'on  feme  ,  pour  l'ordinaire  ,  le 
méteil  que  l'on  a  recueilli  j  mais 
comme  il  eft  rare  de  voir  en  même 
temps  réuftir  le  feigle  &  le  froment, 
il  en  rcfulte  qu'à  la  longue  il  ne  fe 
trouve  plus  aucune  proportion  entre 
ces  deux  grains  ,  &  l'on  finit  par 
avoir  prefque  tout  feigle  ou  tout  fro- 
ment. Ainfi  ,  fou'î  quelque  point  de 
vue  que  l'on  confîdcre  les  femailles 
du  méteil,  elles  font  contraires  à  la 
faine  raifon ,  à  l'intérêt  du  particulier, 
de  l'expérience  le  prouve  chaque  an- 
née à  l'homme  dont  les  yeux  ne  font 
pas  fafcinés  par  la  coutume  mouton- 
nière du  canton. 

MÉTÉORES.  (Phlf.)  On  donne 
ce  nom  à  tous  les  phénomènes  qui 
fe  paiTent au-deftlis  de  la  terre,  dans 
la  région  de  l'air.  Mullenbroeck  a 
porté  plus  loin  cette  définition,  puif- 
qu'il  entend  par  le  mot  météores  j 
tous  les  corps  fufpendus  entre  le  ciel 
&  la  terre  ,  qui  nagent  dans  notre 
atmofphère,  qui  y  font  empoités ,  & 
qui  s'y  meuvent;  les  corps  que  leur 
légèreté  fpécifique  foutient  dans  les 
airs  ,  qui  s'y  combinent  de  mille  & 
mille  manières  ,  &  qui  par  ces  com- 
binaifons  donnent  naillance  à  des 
phénomènes  particuliers  ,  doivent 
être  regardés  dans  ce  fens  comme 
des  météoresj  ainfi,  les  vapeurs  que 
ia  terre  exhale  continuellement ,  que 


MET  515 

l'air  dilTout ,  qui  s'élèvent  dans  les 
hautes  régions  de  l'atmofphère,  pour 
y  refter  fufpendues  fous  forme  de 
nuages  ,  qui  enfuite ,  par  la  raré- 
faction ,  fe  ralfemblent  en  gouttes , 
&  tombent  fous  forme  de  pluie,  de 
neige  ,  de  grêle  ,  &c.  ces  vapeurs, 
dis-je,  préfentent  autant  de  météores 
qu'elles  réunirent  d'apparences  dif- 
férentes. 

On  diftingue  communément  trois 
efpèces  de  météores  \  les  uns  aériens, 
ou  dépendans  de  l'air  ;  les  féconds 
aqueux  ,  qui  doivent  leur  origine  à 
l'eau ,  &  les  troifièmes  ignés ,  qui  font 
formés  par  le  feu  ou  par  la  lumière. 
Les  météores  aëriens  renferment 
tous  ceux  qire  l'air  peut  produire.  Les 
principaux  font  les  vencs  ^  qui  ne  font 
autre  chofe  que  l'air  agité,  &  porté, 
pat  une  caufe  particulière  ,  dans  une 
direction  déterminée  ,  &  plus  ou 
moins  rapidement  \  les  brouillards 
Jccs ,  de  la  nature  de  celui  qui  a 
couvert  une  partie  de  l'Europe  au 
mois  de  juin  lySj  \  les  exhalaifons 
qui  émanent  de  tous  les  corps  qui 
couvrent  la  furface  de  la  terre  ,  5c 
qui  reftent  flottantes  au-delluS  ,  &c. 
Les  météores  aqueux  font  tous 
ceux  qui  font  produits  par  les  va- 
peurs qui  s'élèvent  dans  l'air ,  &  s'y 
dilfolvent  ,  tels  font  les  nuages  ,  les 
brouillards  humides  ,  la  bruine  ,  la 
pluie  ,  la  rofee  j  la  gelée  blanche  j 
les  frimais  j  la  grêle  ,  &c.  Tous  ces 
météores  ne  font  que  la  même  fubftan- 
ce  à  laquelle  des  circonftances  par- 
ticulières donnent  des  apparences 
différentes.  11  fera  facile  de  s'en  af- 
furer  en  confultant  chacun  des  mots 
ci-deffus. 

Les  m.étéores  ignés  font  de  deux 
efpèces  :  les  uns  ne  font  que  des  ap- 
parences lumineufes  ,  &  les  autres 
Ttt  1 


51^  MET 

font  de  véritables  fubftances  aûuel- 
lement  en  ignition  &c  en  déflagra- 
tion. A  la  première  efpèce  appartien- 
nent l'arc  -  en  -  ciel  ,  les  couronnes 
que  l'on  apperçoit  amour  du  foleil 
ou  de  la  lune  ;  les  p'irhdies ,  c'eft- 
à-dire  ce  phénomène  fmgulier ,  qui 
repréfente  une  ou  deux  images  du 
foleil  j  les  parafelenes  ,  qui  pareille- 
ment offrent  une  ou  deux  images  de 
la  lune  ;  la  lumière  zodiacale,  l'au- 
rore boréale. 

Les  météores  ignés  de  la  féconde 
efpèce  5  font  les  feux  folets  ,  les 
étoiles  tombantes  _,  les  globes  enfla  m- 
més,  les  éclairs ^  le  tonnerre^  Sec.  Sec. 

Tous  ces  météores  fe  portant  dans 
la  région  de  l'atmofphère  ,  alTez 
proche  de  la  terre  ,  doivent  influer 
êi  influent  réellement  beaucoup  fur 
l'atmofphère,  &  par  confcquent  fur 
tous  les  êtres  vivans  qui  en  font  ei  - 
vironnés.  Il  eft  donc  de  notre  intérêt 
de  bien  connoûre  ces  météores,  pour 
les  tourner  ,  autant  qu'il  fe  pourra  , 
à  notre  avantage,  &  en  faire  l'appli- 
cation ,  foit  à  l'économie  animale  , 
foit  à  l'économie  rurale.  A  chaque 
mot  nous  fommes  entrés  fur  ces 
deux  objets  dans  les  détails  qui  nous 
ont  paru  néceflaires  ,  on  peut  les 
confulter.  M.  M. 

MÉTÉORISME.  Médecine  ru- 
rale. Tenfion  cS:  élévation  doulou- 
reufe  du  bas-ventre  ,  qu'on  obferve 
dans  les  fièvres  putrides ,  &  qui  man- 
quent rarement  dans  celles  qui  font 
iîriiftement  malignes. 

Cette  maladie  eft  prefque  toujours 
effrayante  &  en  impofe  quelquefois 
aux  médecins  les  plus  expérimentés  , 
en  les  empêchant  de  donner  certains 
remèdes  utiles.  Mais  ,  pour  n'être 
polui  embarralfé ,  il  faut  difl:inguer 


MET 

le  météotifme  produit  par  l'inflam- 
mation du  bas-ventre  ,  &c  le  météo- 
rifme  qui  dépend  d'un  bourfouffle- 
ment  des  boyaux  ,  occafionné  pat 
des  vents  ,  par  des  matières  vapo- 
reufes  ,  ou  par  un  empâtement  pu- 
tride dans  l'efliomac ,  &c  les  premières 
voies. 

Dans  le  météorifme  inflammatoire, 
les  douleurs  que  les  malades  relTen- 
tent  au  bas- ventre  ,  font  vives  Se 
aiguës  ;  ils  ne  peuvent  fupporter  la 
plus  légère  application  de  la  main 
fur  cette  partie-,  leur  pouls  eft  dur, 
fréquent  ,  ferré  <?c  tendu;  leur  fom- 
meil  eft  toujours  interrompu  par  des 
fonges  fatiguans  ;  ils  font  tourmentés 
par  les  veilles  ;  les  urines  qu'ils  ren- 
dent ,  quelquefois  avec  peine  &c  dou- 
leur ,  font  rouges  ,  enflammées  , 
fans  fédiment,  &:  en  petite  quantité. 
Le  hoquet,  la  conftipation,  le  délire 
&  la  convulfion  furviennent  ;  leur 
langue  eft  fèche  ,  aride  6c  brûlante  ; 
la  foif  qu'ils  éprouvent  eft  très -ar- 
dente, &  la  boilTon  froide,  bien  loin 
de  les  foulager  ,  les  embrafe  da- 
vantage ,  &  ne  fait  qu'augmenter  la 
violence  des  douleurs. 

Le  météorifme,  au  contraire,  pro- 
duit par  une  caufe  putride,  ou  par  ces 
vents ,  ou  par  des  rnatières  vaporeu- 
fes  ,  eft  fans  fièvre,  &  quoique  le 
ventre  foit  tendu  ,  pour  l'ordinaire 
il  eft  fans  douleur,  ôc  le  pouls  dif- 
fère peu  de  l'état  naturel.  Déplus, 
on  n'obferve  point  un  atlemblage  de 
fymptomes  auffi"  efFrayans  que  dans 
le  météorifme  inflammatoire. 

Les  purgatifs  produifent  de  très- 
bons  effers  ,  Si  diilipent  le  plus  fou- 
vent  cette  maladie; on  peut  les  com- 
biner avec  les  carminatifs  ôc  les  an- 
ti-hyftériques ,  fur -tout  filon  a  à 
combattre   la  pourriture  d'un  côté , 


MET 

des  vents  Se  des  macières  vaporeufes 
d'iiii  autre. 

C'ert  nial-à  propos  que  les  méde' 
cins  s'allacmenc  dans  cette  efpcce  de 
météorifme  ,  il  eft  le  plus  Couvent 
l'ouvrage  de  la  nature  j  &  l'annonce 
d'une  évacuation  prochaine.  C'ellaufîl 
d'après  cette  obfetvation  que  les  pur- 
gatifs font  fi  recommandés, puifqu'ils 
aident  la  nature  dans  fes  efforts. 

11  n'en  eft  pas  de  même  du  mé- 
téorifme inHamniaroire.  Le  mal  elt 
plus  grand,  la  crainte  eft  mieux  fon- 
dée ,  &  le  danger  plus  imminent. 
On  ne  doit  pas  perdre  de  temps,  foit 
d.ns  le  clioix  des  remèdes j  foit  dans 
leur  emploi.  La  faignée  du  bras  lera 
plus  ou  moins  répétée  ,  lelon  l'état 
du  pouls,  celui  des  forces ,  &;  le  de- 
gré d'inflammation. 

L'émétique  &  les  purgatifs  feroient 
ici  extrêmement  nuifibles,  &:  ne  fe- 
roient qu'aggraver  le  mal  ,  &  ex- 
pofer  les  malades  au  danger  le  plus 
évident  de  perdre  la  vie. 

Les  huileux,  les  relàchans,Ie  petit- 
lait,  une  limonade  légère  à  laquelle 
on  mêlera  quekjues  grains  de  nitre , 
les  fomentations  cmollientes  fur  le 
bas-ventre,  lont  les  vrais  remèdes  cu- 
ratifs  de  cette  maladie,  ils  ne  diffè- 
rent point  de  ceux  qui  conviennent 
dans  l'inflammation  du  bas -ventre. 
(  f^oye\  Inflammation)  M.  Ami. 

MétÉorisme  tympanite.  Méde- 
cine VÉTÉRINAIRE.  C'eft  uHC  tumé- 
faction  du  ventre  ,  produite  par  la 
raréfiélion  de  l'air. 

Le  ventre  eft  diftendu  ,  la  refpi- 
ration  s'exécute  avec  peine,  l'animal 
bat  des  flancs ,  les  matières  fécales 
font  fouvent  retenues  ;  l'animal  té- 
moigne de  la  douleur,  par  l'agitation 


MET  517 

continuelle  où  il  eftj  lorfqu'on  frappe 
le  ventre,  il  réfonne  à-peu  près  comme 
un  tambour. 

Première  efpèce.  Turnéfaclion  des 
ejîomacs  du  bœuf ,  de  la  chèvre  & 
de  la  brebis  ,  cdufée  par  la  raréfac- 
tion de  l'air. 

Si  l'air  fe  ramafle  ou  fe  développe 
en  grande  quantité  dans  les  eftoraacs 
du  bœuf,  de  la  chèvre  &  de  la  bre-' 
bis  ,  il  s'y  raréhe  j  le  ventre  fe  tu- 
méhe ,  la  refpiration  devient  difficile , 
ladigeftion  fe  dérange,  l'animal  fouf- 
fre  ,  s'agite  ,  bat  du  flanc,  &;  ne  rend 
point  de  vents  pat  l'anus  ;  le  ventre 
réfonne  quand  on  le  frappe,  fans  don- 
ner aucun  figne  de  fluctuation  de  ma- 
tière liquide.  Nous  n'avons  auci.n 
figne  pour  découvrir  la  tuméfaélioa 
de  l'eftomac  du  cheval  :  la  petitelTe 
&  la  fituation  de  ce  vifcère  dans  cet 
animal  ,  la  grandeur  des  gros  in- 
teftins  ,  empêchent  toujours  de  s'en 
appercevoir  ,  tanilis  que  la  panfe  du 
bœuf ,  de  la  chèvre  &c  de  la  brebis , 
eft  fi  grande  qu'elle  ne  fauroit  être 
diftendue ,  fans  augmenter  fenfible- 
ment  le  volume  du  ventre. 

Cizufes.  On  attribue  les  principes- 
de  cette  maladie  aux  fubftances  nu- 
trives  trop  abondantes  en  air ,  telles 
que  les  pommes  ,  les  courges  ,  les 
trèfles  ,  la  luzerne,  &c.  puilque  or- 
dinairement les  animaux  ne  font  at- 
taqués du  météorifme  tympanite  , 
qu'après  avoir  mangé  avec  avidité 
de  ces  alimens,  &  fur-rout  de  la  lu- 
zerne. On  peut  encore  joindre  à  ces 
caufes ,  la  boiflon  des  eaux  impures. 

Le  météorilme  eil:prefque  toujours 
accompagné  de  douleur  :  plus  le 
ventre  eft  tendu  ,  plus  la  douleur  eft 
vive  ,  S<  le  danger  confidérablc. 

Curation.  L'indication  qui  fe  pvé- 
ftnte  à  remplir,  c'eft  d'augmenter  la 


\ 


5ï8  MET 

force  coiuraftile  de  la  panfe  ,  pour 
furmon:er  la  rcliftsnce  quoppol'e  le 
feuille:  &  la  caillette  (  f^oyei  Es- 
tomac )  à  l'expuldoii  de  l'air  ra- 
réfié ,  lorfqu'on  eft  perfiiané  fur- tout 
que  les  otihces  du  t-euillet  ne  iouc 
point    enflammes. 

Pour  cet  effet ,  prenez  de  bon  vin 
blanc  environ  une  chopine  ;  délayez- 
y  de  l'extrait  de  genicvte  ,  deux  on- 
ces j  pour  un  breuvage  que  vous  don- 
nerez au  bœut.  Ce  remède  adminif- 
tré ,  donnez-lui  un  lavement  com- 
pofé  d'une  forte  infuhon  de  fleurs  de 
camomille  romaine  &  de  feuilles  de 
féné  ,  (Se  réitérez-le  toutes  les  heures  ^ 
appliquez  fur  le  ventre  &  les  flancs 
des  linses  trempés  dans  de  l'eau  a 
la  glace  ,  (i  vous  ctes  a  portée  de 
vous  en  procurer ,  dont  vous  renou- 
vellerez l'application  tous  les  quarts- 
d'heure.  Si  l'animal  n'éprouve  aucun 
foulagement  de  ces  remèdes,  faites- 
lui  boire  de  l'eau  à  la  glace,  mais  en 
petite  quantité  ,  de  crainte  d'occa- 
îîonner  des  tranchées  violentes  &  une 
inflammation  confidérable  dans  les 
ell:omacs.  Faites  promener  &  courir 
l'animal  malade  j  le  mouvement  de 
rout  le  corps,  l'agitation  deseftomacs 
<?-'  des  matières  contenues,  détermi- 
rient  ordinairement  le  palfage  de  l'air 
dans  les  inteftins.  Un  breuvage  com- 
pofé  d'un  bon  verre-d'eau-de-vie  &  de 
deux  onces  de  fel  de  nitie  ,  n'eft  pas 
à  méprifer.  Nous  fommes  parvenus, 
au  moyen  de  ce  remède  ,  accompa- 
gné de  quelques  lavemens  émolliens, 
à  fauver  à  la  campagne  quelques  bœufs 
expirans  ,  que  les  bouviers  ,  fuivant 
la  pratique  ordinaire,  tentoient  vaine- 
inent  de  fonlager  par  maintes  inci- 
fions  faites  à  la  peau ,  dans  l'iiuen- 
tion  fans  doute  ,  de  dégager  le  tilfu 
cellulaire  de  l'air  qui  le  r^mpUifoit. 


MET 

SI  malgré  tous  ces  moyens, le  météo- 
rilme  augmente  ,  avec  le  battement 
des  flancs  ,  plongez  le  troicart  dans 
le  bas-ventre  ,  &  lailfez  y  la  canulle 
jufqu'à  ce  que  l'air  contenu  dans  la 
panle  fe  foit  dilllpé.  Il  vaut  mieux  , 
dans  un  cas  défefpéré  ,  tenter  un  re- 
mède incertain  ,  que  de  lailfer  périr 
évidemment  l'animal.  D'ailleuts,  la 
ble^fu^e  de  la  panfe  avec  le  troicart , 
n'eft  pas  aulli  dangereufe  qu'on  le 
prétend  j  l'expérience  prouve  que  la 
canulle  étant  retirée,  les  bords  de  la 
plaie  fe  rapprochent ,  &  les  matières 
contenues  dans  la  panfe  ne  peuvent 
plus  y  pafler. 

Le  météorifme  dépend  quelque- 
fois d'une  forte  inflammation  des 
orifices  du  feuillet  :  dans  ce  cas ,  ayez 
recours  à  la  faignée  ,  aux  boilToiis 
adouciflantes ,  aux  lavemens  émol- 
liens &  mucilagineux ,  &  à  tous  les 
médicamens  capables  de  diminuer 
l'inflammation. 

Deuxième  efpèce.  Tumcfaclïon  des 
inteftins  j  par  la  raréfaclion  de  l'air. 

Cette  efpèce  de  météorifme  at- 
taque rarement  le  bœuf ,  la  chèvre 
&:  la  brebis ,  parce  que  les  gros  in- 
teftins de  ces  animaux  font  mufcu- 
leux  ,  étroits  ,  &  chaflent  avec  fa- 
cilité l'air  contenu j  mais  le  cheval, 
dont  les  gros  inteftins  occupent  la 
plus  grande  partie  du  ventre,  &  qui 
ne  font  pas  aflez  épais  pour  s'op- 
pofer  aux  efforts  de  l'air  raréfié  ,  eft 
beaucoup  plus  expofé  à  cette  maladie , 
qui  le  réduit,  en  très-peu  de  temps  , 
à  la  dernière  extrémité.  Le  ventre 
préfente  un  gonflement  conhdérable; 
les  matières  fécales  font  retenues  , 
la  refpiration  eft  difficile  ,  les  fonc- 
tions de  l'eftomac  troublées  ,  l'ani- 
mal s'agite  avec  violence  ;  le  ventre 
eft  dut ,  élaftique  ,  &  fonore   lorf- 


MET 

qu'on  le  frappe  ,  Se  s'il  fort  des  vents 
par  l'anus  ,  l'animal  paroît  foulage. 

Traitement.  11  n'y  a  pas  de  temps  à 
perdre ,  h  l'on  veut  fajiver  l'animal. 
11  faut  fe  hâter  de  livrer  palfage  par 
l'anus  ,  à  Tair  renfermé  dai»s  l  mtcf- 
tin  ccEcum  &  colon.  Otez  donc 
promptement  ,  avec  la  main  enduite 
d'huile  d'olive ,  les  matières  contenues 
dans  l'inteilin  rectum  ;  adminiftrez 
aulîitôt  des  lavemens  compolcs  de 
la  feule  infuhon  de  fleurs  de  camo- 
mille romauie  ,  de  même  que  les 
breuvages  indiques  dans  la  tumélac- 
tionde  la  première efpèce.  M.  V^itet 
confeille  d'introduire  la  fumée  de 
tabac  dans  l'inteftinreétum  ,  à  l'aide 
d'un  long  tuyau  de  buis  ou  de  métal 
bien  poli. 

Quelques  auteurs  vantent  les 
oignons  Ik  le  favon  ,  ttiturés,  mêlés» 
ajoutés  au  poivre ,  &  introduits  en- 
femble  dans  l'inteltin  recl:um ,  après 
l'avoir  nettoyé  avec  la  main  :  d'autres 
prêtèrent  un  lavement  de  favon  blanc 
dilfout  dans  l'eau  commune.  Nous 
n'avons  jamais  éprouvé  ce  remède  j 
mais  il  nous  paroît  qu'il  doit  être 
eontre-indiqué  ,  s'il  y  a  la  plus  lé- 
gère inflammation  ;  dans  ce  cas ,  la 
faignée  ,  la  déco(ftion  de  racine  de 
guimauve  ,  faturée  de  crème  de  tar- 
tre  ,  l'oxycrat  prefcrits  en  lavement, 
font  les  remèdes  à  employer.  Selon 
h\.  Vitet  ,  les  lavemens  is.  les  boif- 
fons  à  La  glace  ,  ne  conviennent  pas 
au  cheval  j  ils  diminuent  bien  la  ra- 
réfadlion  de  l'air  ;  mais  ils  augmen- 
tent la  tenfion  &  l'inflammation  des 
inteftins,  &  mettent  l'animal  dans 
le  cas  de  périr  promptement.  M.  T. 

MÉTÉOROLOGIE.  {Phyf.)  C'eft 
la  partie  de  la  phyfique ,  qui  s'occupe 


MET  519      . 

particulièrement  des  météores  {J^oye^ 
ce  mot),  de  leur  apparence,  de  leur 
durce ,  de  leurs  révolutions  &  de  leurs 
effets.  Plus  on  a  étudié  cette  partie, 
plus  on  a  fenti  combien  l'étude  en  étoic 
intéreflante.  Notre  exiftence  phyfique 
&  morale  femble  dépendre  de  tout 
ce  qui  nous  environne ,  &;  rien  n'a 
autant  d'iniluence  lur  nous,  que  l'at-  ' 
mofphère  au  milieu  duquel  nous  vi- 
vons. Les  médecins  anciens  ont  re- 
connu que  l'application  delà  connoif- 
fance  de  l'atmofphère  Se  de  fes  phé- 
nomènes à  la  pratique  de  la  méde- 
cine ,  étoit  ablolunient  néceffaire. 
Hyppocrate  la  recommande  comme 
une  fcience  elfentielle  qui  doit  fervic 
de  guide  à  celui  qui,  comme  un  dieu 
bien^aifant,  fe  charge  de  rendre  la 
fantéà  fon  femblable,  ou  de  prévenir 
fes  maladies.  Si  de  notre  intérêt  per- 
fonnel  nous defcendons aune  conddé- 
ration  qui  nous  touche  de  bien  près  , 
nous  verrons  que  la  météorologie  eft 
une  fcience  infi-niment  intérelfante 
fous  tous  les  points;  l'iniluence  des 
météores  fur  la  végétation  eft  trop 
bien,  connue,  pour  être  difcutée  jc'eft 
la  baie  de  l'agriculture;  &  il  y  a 
long-temps  que  le  premier  axiome 
de  cette  fcience  utile,  eft  que  Vannée- 
en  jait  plus  que  la  culture.  Le  labou- 
reur le  fait  ,  (Se  agit  fouvent  en  con- 
féquenco  ;  le  favant  qui  ne  travaille 
que  dans  fon  cabinet,  fait  de  bril- 
lans  fyftêmes ,  &  fe  trompe,  parce 
qu'il  n'étudie  point  la  nature  comme 
il  doit  l'ctutlicr.- 

La  météorologie  eft  donc  deftinée 
à  quàer  les  plus  grands  fecours , 
à  perteclionner  même  les  deux  fcien- 
i,es,  pour  lefquelles  Ihcmme  a,  fins 
l'avouer,  fouvent  la  plus  grande  vé- 
nération j_parce  que  isis  befoins  l'j 


510  MET 

rappellent  fans  cc^fe ,  la  mcdecine  5c 
Si.  l'agriculcure.  Pourquoi  donc  a-t-on 
été  fi  long-temps  à  s'appliquer  à  l'é- 
tude de  la  météorologie  ?  C'eft  que 
l'homme  ,  occupé  à  jouir  ,  refléchit 
peu  fur  (es  jouiffinces  ,  &  fur- tout 
fur  le  moyen  de  les  prolonger  vïc  de 
les  alfurer.  De  plus ,  en  médecine  &c 
eii  agriculture  ,  l'homme  aime  à  ne 
voir  que  lui  ;  la  nature ,  cet  être  puif- 
tant  qui  agit  fans  celfe ,  &  prefque 
toujours  indépendamment  de  fes  rai- 
fonnemens  &  de  fes  caprices,  opère, 
réulïït,  &  l'homme  jaloux  s'en  attri- 
bue toute  la  gloire  :  la  maladie  eft 
diffipée,  la  récolte  eft  abondante.  Le 
médecin  a  dit  :  voilà  l'effet  de  mes 
remèdes;  &c  le  bbouteur,  voilà  celui 
de  mes. foins,  tandis  que  fouvent  la 
nature  plus  forte  &c  plus  intelligente 
que  l'un  &  l'autre  ,  a  dilîipé  le  prin- 
cipe morbihque ,  &  a  fait  profpérer 
les  grains  qui  lui  avoient  été  confiés. 
Mais  enfin,  l'homme  plus  inftruit, 
&  favant  par  fes  propres  fautes,  s^eft 
défié  de  fes  lumières;  il  a  ouvert  les 
yeux,  &■  a  vu  bientôt  qu'il  n'étoit 
qu'un  infttument  qu'un  ptincipe  fe- 
eret  dirigeoit  malgré  lui.  La  nécef- 
fité  l'a  forcé  à  étudier  cette  nature 
qu'il  méprifoit;  &  dès-lors  le  champ 
de  fes  connoifTances  s'eft  développé  , 
fes  lumières  fe  font  étendues,  &  il  a  été 
bientôt  perfuadé  qu'il  devoir  étudier  & 
connoître  non-feulement  cet  élément 
qui  l'enviroiinoit ,  mais  encore  tout 
fon  fyftème  i5c  les  ptiénomènes  nom- 
breux qui  s'exécutent  dans  fon  fein. 
De-là  ,  la  nailTance  de  la  météoro- 
logie. Les  obfervations  ont  commen- 
cé ,  on  les  a  faites  avec  plus  de  foin 
&c  d'exacftitude  ;  on  les  a  comparées 
entre  elles;  on  a  connu  les  météores; 
ou  a  fuivi  leurs  influences  fur  le  règne 


MET 

animal  &  végétal  ;  infenfiblemenr 
cette  fciences'eft  fixée.  Mais, comme 
elle  eft  fondée  fur  l'obfervation  long» 
temps  continuée  ,  elle  ne  devra  fa 
perteclion  qu'à  une  fcrie  d'années  & 
de  liècles  mêmes,  qui  aura  ramené 
plufieursfois  toutes  les  périodes  dont 
le  iyftême  météorique  peut  ccre  fuf- 
cepnble.  En  attendant,  il  eft  del'in- 
térèr  préfent  de  s'y  appliquer  fans 
relâche  ;  Se  les  obfervations  journa- 
lières ont  une  utilité  dont  on  peut 
profiter  à  chaque  inftant.  C'eft  dans 
cette  idée  que  nous  ne  celions  de 
recommander  au  médecin  &  au  grand 
cultivateur  ,  qui  eft  plus  qu'un  ou- 
vrier méchanique,  de  fe  livrera  cette 
fcience  dont  ils  doivent  retirer  les 
plus  grands  avantages. 

Pour  remplir  l'objet  que  nous  nous 
propofons ,  à  la  defctiption  de  chaque 
météore  ,  nous  avons  foin  de  donner 
le  précis  de  (ts  influences  furie  règne 
animal  &  végétal.  Nous  avons  encore 
eu  foin  de  décrire  exactement  les 
inftrumens  propres  à  faire  les  obfer- 
v.uions  météorologiques ,  es;  la  ma- 
nière de  s'en  fervir.  Il  faut  con- 
fulrer  ces  différens  articles  ;  il  ne 
refte  plus  qu'à  connoître  la  manière 
de  rédiger  ces  obfervations. 

On  doit  apporter  le  plus  grand 
foin  dans  le  choix  &  la  perfeclion 
des  inftrumens  qu'on  doit  employer, 
comme  baromètre  ,  thermomètre  , 
hygromètre  ,  anémomètre  ,  &c.  j 
être  très-exacl  à  faire  fes  obferva- 
tions trois  fois  par  jour  ,  le  matin  , 
à  midi  &  le  foir  ;  à  noter  toutes  les 
'variations  du  jour  ,  &  l'état  du  ciel  ; 
en  tenir  un  regiftre  fidèle.  Ce  regiftre 
doit  être  un  cahier  de  papier ,  dont 
chaque  feuillet  fera  divifc  en  vingt- 
une  colonnes  comme  il  fuit: 

Modèle 


MET 


MET 


5îï 


Modèle  des  Tables  du  régijlre  d'obfervations  méiéorologiques. 


du 
Vtois. 

The  RM  omet  r  e. 

Darométbe. 

H  VG  R  OM  ET  R  E. 

Vents. 

ÉTAT     DU     CIEL. 

quantité 

de 

piuic. 

quaniitiï 
d'dvapo- 
ration. 

a  :rorc 

Matin. 

Midi. 

Soir. 

Mann. 

Midi. 

Soir. 

Matm. 

Midi. 

Soir. 

Matin. 

Midi. 

Soir. 

Matin. 

Midi. 

Soir. 

l-hJno- 

10 

IJ 

IL 

I6.  8. 

16.  S, 

2!- 

10 

9 

II. 

E. 

E.  S. 

E. 

bcaii. 

COUVClt- 

pluie. 

I.   Iig. 

0 

11  ènes 
et  i  cites. 

aurore 
boréale. 

Nous  ne  pouvons  mieux  faire , 
que  de  rapporter  ici  ce  que  le  P. 
Cotte  ,  le  plus  fçavant  obfervateur- 
météorologique  que  nous  ayons  ,  dit 
fur  la  meilleure  méthode  qu'on  doit 
employer  pour  la  rcda6tion  de  ces 
obfervatiûns. 

A  la  fin  de  chaque  mois  on  ré- 
capitule ,  pour  ainfi  dire  ,  toutes  fes 
obfervations ,  &  on  en  cherche  la 
moyenne  proportionnelle  de  chaque 
colonne.  Cette  opération  eft  très- 
fimple  ;  il  fuffit  d'additionner  toutes 
les  obfervations  faites  dans  un  mois , 
&  dediviferla  fommequi  en  réfulte, 
par  le  nombre  des  obfervations  \  le 
quotient  fera  la  moyenne  cherchée. 
Je  fuppofe  que  la  fomme  des  obfer- 
vations du  termomètre  ,  faite  dans 
un  mois,  foitde  1 140  degrés,  &que 
le  nombre  de  ces  obfervations  foit  90  , 
à  raifon  de  trois  obfervations  par 
jour  (  I  ).  Je  divife  1140  par  90  , 
&  il  me  vient  au  quotient  1 1 ,  7  d.  : 
c'eft  le  degré  moyen  de  chaleur  pour 
chaque  jour  du  mois.  Si  dans  un 
mois  d'hiver ,  par  exemple ,  on  a 
des  degrés  au-de(Ius  &  au-delfous  du 
terme  de  lacongél.ition,  on  fait  deux 
fommcs  ,  l'une  des  degrés  au-deffus , 


&  l'autre  des  degrés  au-delfous  ;  on 
retranche  la  plus  petite  de  la  plus 
grande  ,  &  on  divife  le  refte  pat  le 
nombre  total  des  obfervations.  Je 
fuppofe  que  ,  la  fouftraélion  faite  , 
il  me  relie  14  degrés  de  froid  à 
divifer  par  95  ^  j'ajoure  un  zéro  à 
14  ,  pour  avoir  des  dixièmes  de  dé- 
grés \  je  divife  140  par  95  ,  &  je 
trouve  que  le  froid  moyen  a  été 
de  —  G  ,  2  d.  La  barre  indique  que 
les  degrés  ou  les  fradions  de  degrés 
font  au-deiïbus  du  terme  de  la  con- 
gélation ,  &;  le  zéro,  fuivi  d'une  vir- 
gule,  marque  qu'il  n  y  a  pomt  de  de- 
grés entiers  ,  mais  feulement  des 
dixièmes  de  degré  exprimés  par  le 
chiffre  qui  fuit  la  virgule.  S'il  s'agit 
des  obfervations  du  baromètre  ,  on 
commence  par  additionner  les  lignes: 
à  l'égard  des  pouces,  fi  le  baromètre 
a  été  pendant  tout  le  mois  entre  27 
&  28  pouces,  alors  on  n'opérera  que 
fur  la  fomme  des  lignes  ;  s'il  a  été 
plufieurs  fois  à  28  pouces  &  au-delà  , 
on  comptera  le  nombre  de  fois ,  (5c 
on  ajoutera  autant  de  fois  12  lignes 
à  la  fomme  des  lignes  déjà  addition- 
nées j  s'il  a  été  plus  fouvent  au-delfus 
de  28  pouces  ,  on  comptera  le  nom- 


(  i)  Que  le  nombre  des  obfervations  foit  plus  ou  moiii':  grand,  on  parvient  toujours  au 
réfultat,  en  divifant  par  le  nombre  des  obfervations,  tel  qu'il  foie;  plus  elles  font  mul- 
tipliées ,  plus  le  rélultat  eft  exaifb. 

Tome  VI.  V  v  v 


5  21  MET 

bre  de  fols  qu'il  a  été  au-defTous  de 
ce  terme  ,  &  on  retranchera  autant 
de  fois  12  lignes  de  la  fomme  déjà 
trouvée  :  on  divifera  le  refte  par  le 
nombre  total  des  observations. 

On  voit  combien  cette  méthode 
cft  exade,  piiifqu'écant  le  réfult.u  de 
toutes  les  obfervacions ,  elle  préfente 
fidèlement  la  moyenne  proportion- 
nelle entre  toutes  ces   obfervations. 


MET 

PalTons  maintenant  à  la  manière 
dont  on  doit  opérer  ,  pour  obtenir 
tous  les  réfultats  qui  caradérifenc 
une  température  moyenne,  i**.  pour 
chaque  mois  j  i".  pour  l'année  j  3''.. 
pour  chaque  mois  de  l'année  moyen- 
ne; &  pour  l'année  moyenne,  par  un 
réfultat  général  de  tous  les  réfultats 
particuliers  qu'on  a  obtenu  d'un  cer- 
tain nombre  d'années  d'obfervations.. 


1°.  Réfultats  extrêmes    &  moyens  de  chaque  mois 

de  l'année. 

Je  vais  parler  aux  yeux,  ce  fera  le  moyen  de  me  faire   mieux   entendre.. 

PREMIÈRE      TABLE. 

Réfultats  des  Obfervations  du  Thermomètre  ^  du  Baromètre  &  des  Vents  y 
faites  à    Montmorcnci  en  177^. 


T  H  E  R  M  0  M 

È  T  R 

E. 

BAROMETRE. 

i 

■■■•-^       >■■•* 

! 

y\ 

.VENTS- 

/" 

■-\i 

/" 

Jour 

s    de   U 

Jours    de  la 

fi 

Elévation  DOMINANS. 

MOIS. 

Plus 

Moindre 

Chaleur  ! 

Plus 

.Moindre 

C              ' 

\ 

grande 

f 

\ 

grande 

Plus 

chaleur. 

moyenne. 

Plus 
trrande 

érévation. 

moyenne,  a 

grande 

Moindre 

chaleur. 

Moindre 

élcvacion. 

1 

chaltui. 

chaleur. 

c'IeAanon. 

clciatîon. 

i 

De%tii. 

De%rci. 

Dtgi  L . 

Pouc.  lig. 

Foue.  lig. 

Fout.  lig. 

Janvier. . 

31- 

?. 

d,". 

7,5. 

—  0,7. 

20. 

I. 

28.  S,  4- 

27.    5,8. 

28.    2,  2.              E. 

Fc\Tier.  . 

17.  27. 

i:,6. 

—   0,8. 

5, y. 

17. 

12. 

6,  S- 

I',4. 

3,4-      E.S.&S.O. 

Mais.  .  .  . 

2^. 

ir. 

i6hC. 

—  0,0. 

6,8. 

5, 

19. 

6.  0. 

8,1 

I,  *.  1  E.  N.  &  N.  E. 

Avril.  .  .  . 

19. 

2. 

21,0. 

2,0. 

10, T. 

2.    J. 

26. 

î,IO. 

7,0. 

0,  y. 

s.  0. 

Mai.  ,  .  . 

If: 

T. 

24>o. 

2,0. 

II,Ô. 

22. 

8. 

2,    î. 

«,5. 

27.   ÏO,I0. 

s.  0.  &  0. 

Juin 

29. 

21. 

22,4- 

6a- 

I  ,8, 

21. 

u. 

1,10. 

7,o. 

10,  4- 

N. 

.Tuiljet.  .. 

IS. 

6.     17. 

27,0. 

J0,0. 

lî,8. 

12. 

t- 

î,  9- 

4,8. 

10,  4, 

S.  0. 

Août.  .  . 

17. 

S. 

2^,0. 

9>3. 

16,7. 

28. 

6. 

2,  1. 

6.6. 

ir,io. 

N.E.  N.  «et. 

Scptemb. 
Odob.  ... 

I. 

21. 

2^.0. 

«,6, 

lj,S. 

16. 

2+ 

h  4- 

8,0. 

II,  5. 

S.  0.  S.&  N. 

19- 

■)■ 

1  *',0. 

5,8, 

II, I. 

51. 

9- 

14.  i;,l6. 

J.  6. 

i,6. 

II,  9. 

S.  0. 

Novemb. 

I. 

19.  20. 

14.2. 

—  0,0, 

'•,î. 

29. 

î.lo. 

26.     9,8. 

8,  8. 

S.  0.  &  a 

Déccmb. 
Rtfult.-i[s 

S. 

;l. 

3J,6. 

—  2,6, 

J,^- 

6. 

22. 

;,  0. 

8,2. 

8,10. 

S.  0. 

iS. 

^ 

1^. 

.,, 

de 

î-'iO. 

—  7,5. 

9>S. 

:3   6.^. 

26.  S, 2. 

:~.  II.  ~. 

S.  0. 

l'annije. 

Imlkt. 

Janvier. 

! 

fx.\iiir. 

De'cerab. 

1 

M  E  T 


MET 


5^5 


1*.    Réfultats  extrêmes  &  moyens  d'une  année  et ohferv allons. 

La  dernière  colonne  horizontale  cifément  comme  on  a  opéré  fur  les 

■de  la  table    précédente  indique  ces  30  jours   d'un  mois,  pour  avoir  les 

réfultats;  on  les  trouve  en  opérant  réfultats  de  ce  mois, 
fur  les  douze  mois  de  l'année ,  pré- 

3".  Réfultats  extrêmes  &  moyens  de  chaque  mois  de  l'année  moyenne. 


Ces  réfultat;  exigent  un  peu  plus 
•de  travail  j  mais  ils  font  aulTi  faciles 
à  trouver  que  L.  s  piécédens.  Il  s'agir 
de  comparer  eni\;mble  ,  mois  par 
mois  ,  toutes  les  tables  de  chaque 
année  femblables  à  la  précédente  , 
&d'en  déduire  des  réfultats  moyens  , 
en  divifant  les  fommes  dès  obferva- 
tions  par  le  nombre  des  années 
d'obfervations.  Si  l'on  vouloit  avoir 
les  réfultats  moyens  pour  chaque 
jour,  il  faudroit  rapprocher  les  obfer- 
vations  faites  chaque  jour  du  mois , 
pendant  5  ,  4,  (î  ,  10  ans,  plus  ou 
moins.  Par  exemple,  du  premier  Jan- 
vier de  chacune  des  aimées  d'obfer- 
vations ,  &  divifer  cette  fomme  par 


le  nombre  des  années.  Le  quotient 
donnera  la  chaleur  moyenne  ,  l'é- 
lévation moyenne  du  baromètre,  &c. 
pour  le  premier  janvier  de  l'année 
moyenne.  On  fera  le  même  travail 
pour  chaque  jour  de  l'année  ,  &: 
l'on  aura  un  Calendrier  Météorolo- 
gique,  femblable  à  ceux  que  j'ai  pu- 
bliés dans  mon  Traité  de  météoro- 
logie  (  1  ) ,  dans  le  Mémoire  cité  plus 
haut  (  2.  ) ,  dans  la  Connoijj'ance  des 
temps  ('  5  )  j  &c  dans  le  Journal  de 
phyfique  (4).  Ce  travail  eft  bien 
moins  pénible,  lorfqu'on  fe  borne  à 
chercher  la  température  moyenne  de 
chaque  mois,  je  vais  donner  des 
exemples. 


(1)   Page    141. 

(1)  Savaiis  Étrangers,  Tome  VII,   page  453. 

(5)  Année  1775  ,  P^ge  340- 

(4)  Tome  Y,  année  1775,  première  partie,  page  jii. 


V  V  V  â 


J14  MET 

TABLE    IL 

1*.    Thermo  M  ixRE. 


MET 
TABLE    I  I  L 

i".     Baromètre. 


Réfultats  des  obfervations  du   Ther-     RéfuUats  des  obfervaùons  du  baro- 
momècre  j  faites  à   Montmorenci  mètre  j  faites  à  Montmorenci  pen- 

pendant  trei:^e  ans,  dant  treize  ans. 


MOIS     DE     JANVIER. 


Plus 

Plus 

ANNit  s. 

ffrande 

crand 

Chaleur 

chaleur. 

froid. 

moyenne. 

Dtirii. 

Dtpii. 

Digrii. 

1768. 

8,    0. 

—  IJ,  5. 

0,  9. 

I7#9. 

S,    2. 

—    5.  0. 

î,  }■ 

1770. 

8,    2. 

—    7,0. 

2,  0. 

I-7I. 

II,    0. 

—    8,  0. 

I,   I. 

1772. 

10,    I. 

—    6,9. 

0,  ^. 

1773- 

11,    4- 

—    4,6. 

I,  5- 

1774. 

9,    9- 

—    6,  0. 

1,  7- 

1775- 

10,    0. 

—    8,  5. 

2,9. 

1776. 

l-    + 

—  15,  I. 

—    3,  3- 

1-77. 

8.    7. 

—    9.  o- 

I,  0. 

I77f. 

8,    0. 

—    5,6. 

I,  6. 

1779. 

4,     7. 

—    7,  î. 

—    0,  7. 

17S0. 

7,     6. 

—    6,  8. 

c,  2, 

Janvier 

de  l'anntïe 

8,    8. 

—    S,  0. 

J,  0. 

moyenne. 

J'additionne  chacune  de  ces  co- 
lonnes j  je  divife  le  total  par  13  , 
nombre  des  années  d'obfervations  , 
&  je  trouve  que  la  plus  grande  cha- 
leur qui  a  lieu  en  janvier,  année 
commune,  eft  8,8  degrés;  que  le 
plus  grand  froid  eft — 8,0  degrés 
de  condenfation  ,  enfin  que  la  cha- 
leur moyenne  de  chaque  jour  eft  de 
i,c  degrés. 


MOIS     DE     JANVIER. 


Plus 

ANttiES. 

ïrande 

Moindre 

Élévation 

^Uvation. 

élévation. 

moyenne. 

Fouc.    lig. 

Pouc.    lig. 

Pouc.    lig. 

17a. 

27.  Il,  6. 

27.     3,  6. 

27.     S,     0. 

1769. 

28.    I,  3. 

27.    6,  6. 

'7.    9.    3- 

ir-o. 

2».    5,  6. 

27.     2,  c. 

27.  II,    c. 

i-^i. 

28.     I,  0. 

27.      2,6. 

27.      7,      3. 

I~2. 

28.    0,  3. 

26.  ic,  6. 

27.      4,      6. 

i~-;. 

28.    j,  0. 

27.    2,  6. 

~-7-    9.    9- 

1774. 

2*.      1,0. 

27.    0,  6. 

27.    6,    9. 

1775. 

28.      1, 0. 

27.      5,  0. 

27.  10,    2. 

1776. 

28.    0,  6. 

26.  Il,  C. 

27.    6,    9. 

1777. 

28.      2,  0. 

27.      4,  0. 

26.    8,  y. 

--7-    9,    3- 

1778. 

28.      1,9. 

27.     7,  10. 

1779. 

28.    5,4. 

27.    5,8. 

28.    2,     2. 

1:80. 

28.     3,0. 

26.  10,  0. 

2-.     8,     J. 

Janvier 

de  Panniîe 

îS.    2,1. 

27.    I,  10. 

17.    8,    7- 

moyenne. 

J'opère  fur  cette  table  comme  fur 
la  première ,  &  je  trouve  les  réful- 
tats moyens 'pour  janvier  de  l'année 
commune ,  tels  qu'on  les  voit  dans 
la  dernière  colonne  horizontale  de  la 
table. 


MET 


MET 


5M 


TABLE     I  V^. 

1  3^.      Vents. 

Réfuhats  des  Vents   qui  ont  .dominé. 
MOIS     DE     JANVIER. 


Années. 

1 

No 

d.           N. 

E.          N. 

0.            Sut 

1.              S. 

E.            S.  0. 

Eft 

Oucft. 

17S8. 

6 

4- 

0. 

2. 

1. 

1. 

10. 

î- 

J769. 

S 

"l- 

I 

î 

3- 

3 

4 

J770. 

14 

I. 

5 

0 

0. 

2. 

8 

1771. 

J 

6 

0 

3' 

4 

6 

177J. 

8 

I 

0 

^ 

2. 

J 

>77J- 

2 

2 

0 

î- 

0 

11 

1774- 

I 

y 

0 

7- 

4 

6 

177?. 

5 

3 

12. 

1 

3 

1776. 

I« 

0 

I. 

S 

I 

1777- 

(S 

6 

0 

J. 

2 

2 

1778. 

9 

I 

« 

z 

8. 

1 

2 

177?. 

7 

I 

3 

3 

z. 

14 

0 

1780. 

8 

4 

4 

0 

3- 

7 

I 

Janvier 

de  l'année 

76 

7-i 

55 

43 

ï3 

53- 

5Î 

54- 

moyenne. 

J'additionne  les  chiffres  contenus  nombtes  contenus   dans  la  dernière 

Jans  chaque  colonne  ,   &   qui  mar-  colonne  horizontale  de  la  table,  in- 

quent  le  nombre  de  fois  que  chaque  dique  l'ordre  des  vents  qui  dominent 

vent  a  foufïlé,  &  la  progteffion  des  en  janvier ,  année  commune. 


5î(î  MET  MET 

TABLE     V. 

4".  Quant ues  de  pluies  &  d'évaporaùon  •  Nombre  des  jours  de  pluie  ^ 
de  neige  j  de  tonnerre  ,  d'aurores  boréales  ;  (&  Températures  obfervées 
à  Montmorenci  pendant  treille  ans. 

MOIS      DE      JANVIER. 


1768. 

1770. 
I77I 
1772 
I77J 
1774 
I77J 
I77S. 
3777. 
1778. 
lr?g. 

1780. 


Quantités 
. ^ 


de 

pluif . 


Janvier 
de  l'année 
moyenne. 


d'dva- 
porator 


Powr,     l;g,  Pûuc.     lig 


6.'o, 
6.  o. 


é, 
6, 
6, 


o.  o. 

j.!o. 

9.10. 
J-0- 


I.        2,    10.   O. 


Nombre    des     jours. 


de 

pluie. 


^/\^ 


de 

neige. 


de 
tonn. 


d'aur. 
bote. 


o,    6. 


TE.\lPiRATCRE. 


Trcs-frofde,  fcchC. 

Douce,  humide. 

Froide,  humide. 

2dem. 

Idem. 

Très-douce,  humide.  ■ 

AfTez  douce ,  humide. 

Iderr.. 

Trcs-froide ,  humide. 

Froide,  humide. 

Idem. 

Froide,  fcchc  d'abord, 

humide  cnfuire. 
Froide ,  humide. 


Froide  &  humide. 


Ce  petit  nombre  de  tables  fuffic 
.pour  faire  entendre  ma  méthode  j 
on  trouvera  de  même  les  réfulcats 
moyens  de  l'hygromètre,  de  l'aiguille 
aimantée  ,  des  maladies  ,  des  naif- 
fances  ,  mariages  &  fépultures  ,  du 
progrès  de  la  végétation  ,  relative- 
ment aux  différentes  productions  de 
la  terre  ,   &c.  &c. 

Il  eft  aifé  de  voir ,  qu'en  opérant 
ainfi  fur  chaque  mois ,  on  aura  une 
table  de  réfultats  moyens,  femblable 
pour  la  forme  à  la  première  table  ci- 


defTus,  de  laquelle  on  tirera  facilement 
les  réfultats  moyens  de  l'année  com- 
mune j  fi  l'on  vouloit  avoir  feule- 
ment ces  derniers  réfultats,  fans  être 
obligé  de  chercher  ceux  de  chaque 
mois  j  on  drefferoit  une  table  de 
tous  les  réfultats  extrêmes  &  moyens 
de  chaque  année  d'obfervations ,  & 
on  opéreroit  fur  cette  table  comme 
nous  l'avons  fait  fur  les  précé- 
dentes; le  réfultat  indiquera  celui 
de  i'aïuiée  commune.  Exemple  ; 


MET  _,      .     ■     M  E  T  527 

TABLE     VI. 

RÉSULTATS    des    obfervations  fanes    chaque  année   à   Montmorend  ^ 
fur  le  thermomètre  &  le  baromètre,  depuis   1772  jufqu'en   1775. 


T  H  E 

R    M    0    M    È 

r  R  E. 

B    A 

R   0    M   i   T   R    E.                      1 

_  y\^ 

/" 

■"> 

Années. 

Plus 

glande 

chalciir. 

Plus 
grand 
froid. 

Chaleur 
moyenne. 

Plus 

grande 

didvation. 

Moindre 
(iliïvatJon. 

Él*ivation 
moyenne. 

Dcgrii. 

Dcgrh. 

Dcgris. 

Pouc.     Ug. 

Poue,     lig. 

Pouc.     l!g 

1771. 

îS,;. 

—     6,  8. 

9,  «■ 

28.     j,    2. 

26.    10,  y. 

27.     8,    6 

J775. 

Î7,8. 

—     8,  0. 

8,9. 

28.     j,    0. 

=6.    10,  0. 

27.  10,    0 

1774- 

27>r- 

-     6,  ,. 

9.  J- 

28.     6,     0. 

27.      0,  j. 

27.  10,    0 

I77y- 

27,8. 

-      S,  5. 

9,   I. 

28.     5,    9- 

26.    10,  0. 

27.  10,    S 

I77«. 

J7,f- 

—    15,  r. 

8,4- 

28.     s,    0. 

26.     IT,  0. 

27.  10,  lo 

1777- 

17,0. 

—     9,  0. 

S,  I. 

28.     7,    0. 

26.    II,  9. 

27.    10,     I 

177». 

îT.T- 

-     5,  «■ 

S.  7- 

28.    7,  10. 

26.      8,  5. 

27.   10,     I 

1779. 

17,0. 

—    7>  r- 

9-8. 

îS.     6,    ;. 

2«.      S,   2. 

27.    II,    7 

Anntc 
moyenne. 

Z7,8. 

1 

-    8,4. 

9,  0. 

28:     5,    8. 

26.     30,    s. 

27.   10,     2. 

La  méthode  de  rédaftion  que  je 
viens  de  propofer  ,  exige  de  la  pa- 
tience &  de  l'exaibittide ,  mais  elle 
ii'eft  pas  difficile  ,  ëc  elle  eft  ttcs- 
fatisfaifante.  C'elt  le  feul  moyen  de 
rirer  parti  des  obfervations  mctco- 
rologiques ,  foit  en  comparant  toutes 
celles  qui  ont  été  faites  dans  un 
même  pays,  foie  en  établiffanc  cette 
comparaifon  entre  les  obfervations 
faites  en  difiérens  pays ,  pour  avoir 
des  réfultats  moyens  &  généraux.  Ce 
travail  n'eft  prefque  rien  pour  cha- 
que ohfcrvateur  en  particulier,  fur- 
tout  s'il  a  foin  de  le  faire  à  la  tin 
de  chaque  mois  &  de  chaque  année. 

C'eft  d'après  une  longue  fuite 
d'obfervations  météorologiques ,  que 
l'on    pourra   ccnftruire   des    efpccc-s 


d'almanachs  météorologiques  ,  qui, 
fans  mériter  une  contiance  entière  , 
pourront  cependant  toujours  feivir 
d'indicateur  prévoyant. 

Il  eft  une  autre  efpèce  de  météo- 
rologie,  que  l'habitant  de  la  cam- 
pagne, les  barreliers,  les  marins,  ^'c 
&  en  général  tous  ceux  qui  font  les 
plus  iiuérelTés  à  prévoir  les  variations 
du  temps,  fe  font  faite  j  c'eft  celle 
qui  regarde  les  changemens  de 
temps,  annoncés  par  des  pronoftics 
tirés  des  animaux,  des  plantes ,  en  un- 
mot  de  tout  ce  qui  éprouve  l'in- 
fluence de  rathmofphcre;  cette  mé- 
téorologie eft  fufceptible  d'une  efpèce 
de  jinlelTe ,  &  rarement  elle  eft  en- 
défaut.  Un  favant  du  premier  mérite 
à  Genève ,  a  fait  une  longue  fuica 


5x8 


MET 


à'obfervations  fur  ce  fujot ,  &  en  a 
diclfé  un  almaiiach  météorologique 
à  i'ufage  fur -tour  des  cultivateurs  : 
nous  le  ferons  connoître  au  mot 
PpvÉsage.  m.  m. 

METTRE  A  FRUIT.  Il  fe  dit 
d'un  arbre  qui  naturellement,  ou  par 
art  ,  eft  obligé  de  porter  du  fruit. 
Un  arbre  jeune,  fort,  vigoureux, 
greffe  franc  fur  franc  ,  (  le  poirier, 
par  exemple ,  )  &  planté  dans  un 
bon  fonds ,  fe  met  difficilement  à 
fruit,  &  ne  pouiTe  que  des  bourgeons 
pleii  s  de  vie,  ou  des  gourmands. 
(  Foye-iç^  ce  mot  )  Un  arbre  qui  a 
foufîcrt  ,  &  planté  dans  un  fol  de 
médiocre  qualité  ,  ou  greffé  far  coi- 
gnalîier  ,  fe  met  beaucoup  plus  fa- 
cilement à  fruit.  Il  eil  encore  des  ef- 
pèces ,  comme  le  beurré ,  le  doyenné , 
d:c.  qui  fe  mettent  plutôt  à  fruit  que 
la  virgoureufe.  Cette  variété  tient  à 
la  manière  d'être  de  leur  végétation, 
qui  leur  permet  d'avoir  plus  de  bou- 
tons à  fruits  que  de  boutons  à  bois  \ 
mais  quel  en  eft  le  principe?  C'eft  le 
fecret  de  la  nature.  11  eft  plus  aifé  en 
apparence  de  mettre  à  bois  un  arbre 
qui  fe  charge  de  fruits,  que  de  mettre 
à  fruit  celui  qui  ne  poulTe  que  des 
feuilles  &  du  bois.  Confultez  les  mors 
Bourgeons  &  Boutons. Surles  pre- 
miers, en  taillant  court,  en  raccour- 
cilTant  fucceffivement  &  petit-à-petic 
les  anciennes  branches  ,  en  fuppri- 
mant  même  pludeucs  boutons  à  fruits 
&  des  Bourses  ,  (  l'oye-:^  ce  mot  )  on 
parvient  à  mettre  l'arbre  facilement 
à  fruit. 

Il  eft  aifé  de  remarquer  que  les 
arbres  qui  fe  mettent  le  plus  faci- 
lement A  boi'; ,  font  ceux  fur  lefquels 
on  a  confervé  plus  de  canaux  ùire6bs 
de  la  fève,  c'eft-à-dire  plus  de  tiges 


MET 

perpendiculaires  dans  lefquelles  U 
fève  monte  avec  toute  fon  impé- 
tuofité,  &  fe  porte  vers  le  fommec. 
(  r^oye^  les  mots  Buisson,  Espa- 
lier. )  Ahn  d'éviter  cet  amas  de 
bois  ,  on  a  fuppofé  une  trop  grande 
abondance  de  lève  j  &  en  conféquen- 
ce,  apiès  avoir  ouvert  une  tranchée 
au  pied  de  l'arbre,  on  a  fupprimé  une 
de  fes  mères  racines  ,  au  rifque  de 
faire  périrrarbre,oudu  moins  de  faire 
jeter  toutes  les  branches  du  même 
côtéj  &:  on  fait,  par  expérience,  que 
celles  du  côté  le  plus  fort  attirent  à 
elles  toute  la  fève  ,  &  ruinent  les 
branches  foibles  du  côté  oppofé.  On 
fait  encore  que  les  branches  font 
toujours  en  proportion  des  racines , 
&  ainfi  tour  à-tour  j  enfin,  qu'il  doic 
y  avoir  un  équilibre  parfait  entre  le 
volume  des  branches  ,  comme  il  fe 
trouve  dans  les  racines,  lorfque  cet 
équilibre  n'eft  pas  contrarié  par  la 
main  de  l'homme,  ou  par  quelque 
accident.  C'eft  de  lui  que  dépend  la 
profpérité  de  l'arbre. 

D'autres  fe  font  imagines  ,  qu'en 
perçant  avec  une  tarrière  le  tronc  & 
les  branches,  ilsrallentiroient  le  cours 
de  la  iève  ,  (!<:  que  l'arbre  fe  mettroit 
plutôt  à  truit.  On  tait  graruitement 
des  plaies  à  l'arbre  ,  dont  il  eft  long- 
temps à  fe  remettre  ,  ôc  on  n'en  eft 
pas  plus  avancé.  Il  feroit  trop  long 
&  trop  faftidieux  de  rapporter  ici  les 
pratiques  ridicules ,  employées  parles 
jardiniers  qui  ne  doutent  de  rien. 

Le  moyen  unique,  (impie,  &  in- 
diqué par  la  nature  ,  conlifte  dans  les 
builfons ,  de  ménager  autant  de  four- 
ches  qu'il  tîi  pofîible,  dès- lors  il  n'y 
a  plus  de  ligne  verticale  dans  les  ef- 
paliers  ;  d'incliner  les  premières  &: 
fc-ondes  branches  ,  &  de  leur  don- 
îieiMa  forme  d'un  Y  très  évafé;  enfin, 

fur 


IVI  É  U 

fur  les  arbres  mal  railles  ,  &  qui  fe- 
roient  très-difficiles  à  être  réduits  à 
une  taille  régulière  ,  d'incliner  dou- 
cement les  branches  prefque  jufqu'à 
l'horizon,  faut  l'année  d'après  de  leur 
lailTer  une  inclinaifon  moins  forcée. 

MÉUM.  (  roye:(  Planche  XIÏÎ) 
Tournefort  le  place  dans  la  féconde 
fe£tion  de  la  fepticme  clalTe  des  fleurs 
en  ombelle,  dont  le  calice  fe  change 
en  deux  petites  femencesoblongues, 
&  il  l'appelle  mcum  foliis  anethi. 
Von  Linné  le  nomme  athamaniha 
meum  ^  ôc  le  clafle  dans  la  pentandrie 
digynie. 

F/eur.  En  rofe  B,  difpofée  en  om- 
belle ,  compofée  de  cinq  pétales 
égaux  :  on  voit  un  des  pétales  féparé 
en  C;  le  calice  eft  pofé  fur  l'ovaire 
avec  lequel  il  fait  corps  j  on  le  re- 
connoit  à  cinq  petites  dentelures;  les 
parties  fexuelles  que  l'on  voit  dans  la 
figure  B  ,  condftent  en  cinq  écamines 
ôc  un  piftil  D. 

/Tttif  F.  Ilfuccède  au  piftil,  &  il  eft 
formé  de  deux  graines  tjui  fe  fépa- 
rent  lors  de  leur  maturité;  elles  font 
lilfes ,  cannelées,  conve.ves  d'un  côté 
&c  applaties  de  l'autre. 

Feuilles.  Elles  embralTent  les  tiges 
par  leur  bafe ,  elles  font  ailées  &  les 
folioles  font  capillaires. 

Rcicine  A.  En  tornie  de  fufeati, 
garnie  de  quelques  fibres. 

Porc.  Tige  haute  de  deux  coudées 
environ  ,  herbacée  ,  cannelée  ;  l'om- 
belle naît  au  fommet  ;  l'ombelle 
uiiiverfcUe  eft  compofée  de  plufieurs 
folioles  linéaires  plus  courtes  rine  les 
rayons;  les  parrielles  ont  également 
une  féconde  enveloppe  de  trois  à  cinq 
feuilles  linéaires  ;  les  feuilles  font 
pla(  ées  alternativement  fur  les  tiges. 

Lieu.  Les  hautes  montagnes  dans 
Tome  FI. 


M  É  Z  51^ 

les  prairies;  la  plante  eft  annuelle.  Se 
fleurit  en  juin  &  juillet. 

Propriétés.  L'odeur  de  la  racine 
eft  agréable,  quoique  forte  &  aro- 
matique; fa  faveur  eft  âcre&  modé«- 
rément  amère;  elle  eft  carminative, 
diurétique,  emménagogue,  ihcifive, 
déterfive  &  anti-afthmatique. 

Ufage.  On  fe  fert  feulement  de  la 
racine  ;  on  la  prefcrit  ,  pulvérifée , 
depuis  demi -drachme  jufqu'à  deux 
drachmes,  incorporée  avec  un  fyrop, 
ou  délayée  dans  cinq  onces  d'eau  ; 
réduite  en  petits  morceaux,  depuis 
une  drachme  jufqu'à  demi-once,  en 
macération  au  bain -marie  dans  fix 
onces  d'eau. 

C'eft  en  grande  partie  à  cette 
plante,  mclée  dans  les  fourrages  des 
hautes  monragnes,  qu'eft  due  l'odeur 
douce  &  aromatique  qui  les  carac- 
térife;  elle  eft  pour  eux  ce  que  les 
épiceries  font  aux  ragoûts. 

MEZEREUM  ou  BOIS-GENTIL. 

Voyc'^  Laurhole. 

MIASME.       MÉDECINE     RURALF., 

On  entend  ,  par  ce  mot ,  des  corps 
extrêmement  fubtils  ,  qu'on  regarde 
comme  le  principe  isc  les  propaga- 
teurs des  maladies  épidémiques. 

Leur  nature  &  leur  manière  d'agir 
fur  les  corps  ,  font  encore  incon- 
nues. L'on  a  penfé  jufqu'ici  ,  que 
ces  petites  portions  «■  de  matières ,  pro- 
»  digieufement  atténuées ,  s'échap- 
15  poient  cjes  corps  infeélés  de  la  con- 
»  tagion  j  6c  la  communiquoient  à 
!i  ceux  qui  ne  l'écoient  pas  ,  en  les 
)î  pénétrant  ,  après  s'être  répandus 
n  dans  l'air  ,  ou  par  des  voies  plus 
>»  courtes  ,  en  p.'.lfant  immédiare- 
»  ment  du  corps  affedé  ,  dans  un 
4»  corps  non-malade.  Ce  n'eft  que  par 
Xx  j; 


53©  M  I  A 

jj  leurs  effets  qu'on  efl:  parvenu  à  en 
»  foupçonner  l'exiftence.  » 

Ce  11  ainlî  qu'un  homme  attaqué 
de  la  perte  peut  répandue  cette  maladie 
dans  pliilleurs  pays.  La  petite  vérole 
en  fournit  encore  un  autre  exemple. 
Perfonne  n'ignore  que  ,  quoiqu'elle 
fe  communique  par  le  contaél  im- 
médiat ,  foit  en  rendant  des  foins  à 
celui  qui  en.eft  attaqué ,  foit  en  habi- 
tant dans  la  même  chambre  & 
dans  la  même  maifon,  elle  fe  com- 
munique encore  par  l'air  ,  qui  étant 
le  véhicule  des  corps  les  plus  fubtils, 
Se  de  plufieurs  qui  font  feulement 
divifés  ou  atténués  jufqu'à  un  cer- 
tain point ,  tranfporte  &  répand  de 
tous  côtés  les  miafmes  varioliques. 
Bientôt  ils  infc6tent  un  village,  un 
bourg  ,  une  ville;  il  naît  une  épidé- 
mie plus  ou  moins  violente,  qui  s'é- 
lend  principalement  furies  enfans, 
fans  cependant  épargner  les  adultes 
qui  ne  l'ont  pas  eue. 

On  peur  afTurer  ,  que  les  maladies 
épidémiques  fe  propagent  plus  par  les 
m.iafmes  dont  l'air  eft  infedé,  que  par 
le  contad  immédiat;  car  on  fait  que 
quoiqu'on  s'éloigne  des  endroits  où 
elles  régnent ,  &:  qu'on  n'aborde  point 
les  appartemens  où  font  des  malades 
infeétés  de  la  contagion ,  on  peut  ce- 
pendant être  attaqué  de  cette  maladie. 

Quelques  médecins  ont  obfervé 
&  prédit  qu'une  épidémie  étoit  pro- 
chaine, parce  qu'il  fouftloit  un  vent 
d'une  ville  où  elle  règnoit,  5c  leur  pré- 
diction s'eft  trouvée  jufte.  Commenr, 
en  effet,  prévenir,  s'écrie  M.  Fou- 
quet ,  célèbre  m.édecin  de  Montpel- 
lier, la  fubitanéité  avec  laquelle  le 
venin,  c'eft-à-dire  le  miafme  dcltruc- 
fteur ,  vous  frappe  à  l'improvifte  ? 
C'ell  l'air  ou  le  vent  qui  l'apporte  des 
pays  très-lointains  j  c'eft  luioifeau  qui. 


M  I  A 

fraiichiffant  l'intervalle  immenfe  des 
terres  &c  des  mers  ,  vient  d'une  ré- 
gion inconnue,  infedrer  vos  contrées. 
On  peut  fe  rappeller  que  la  pefte  tut 
apportée,  il  y  a  quelques  années,  en 
Italie,  par  une  corneille.  Dans  la 
dernière  pefte  de  Marfeille,  les  oi- 
feaux  quittèrenr  le  pays ,  &  n'y  re- 
vmreut  qu'après  qu'elle  fut  entière- 
ment didipée.  C'eft  l'air  qui  ,  en 
Egypte ,  eft  comme  le  premier  récep- 
tacle ,  la  première  matrice  où  fe 
dépofe  la  peftUence,  un  des  produits 
naturels  de  cette  contrée  mal-faine, 
&  le  vent  en  efl:  le  rapide  melfager, 
qui  la  tranfporte  &  la  répand  au 
loin  ,  fur  tous  les  corps  animés. 
Nous  femmes  cependant  bien  éloi- 
gnés de  dilfuader  les  perfonnes  qui 
n'ont  pas  eu  la  petite  vérole,  de  pren- 
dre toutes  les  précautions  que  la  pra- 
dence  leur  diète  à  cet  égard.  (  f^oye:^ 
Contagion  )  M.  Ami. 

Ptifonne  ne  rcfpeéte  plus  que  moi 
les  dédiions  de  MM.  les  médecins;, 
mais  il  eft  permis  d'avoir  un  avis 
différent ,  quand  il  a  pour  bafe  l'ex- 
périence. J'ofe  le  dire  ,  l'air  n'eft  pas 
plus  le  véhicule  de  la  peite,  des  ma- 
ladies vénériennes ,  de  la  phtiiie  pul- 
monaire, de  la  gale  ,  de  la  lèpre  ,. 
du  cancer,  du  charbon  dans  les  ani- 
maux ,  &c.  que  de  la  petite  vérole 
pour  l'homme  ,  &  du  claveau  ou 
clavellée  pour  les  moutons;  le  contadt 
feul ,  efl:  fon  véritable  véhicule.  Un 
cordon  de  troupes  bien  ferrées,  eft 
le  meilleur  préfervatif  contre  la  pefte; 
jamais  elle  nepaffe  la  ligne  de  démar- 
cation. On  peut  dire  que  pendant 
plus  de  la  moitié  de  l'année  il  y  a 
des  peftiférés  dans  les  lazarets  de 
Marfeille  ,  de  Livourne,  de  Gênes, 
(le.  Se  cependant  ces  villes  ne  font 
pas  infectées  de  la  pefte.  Or ,  fi  l'aiï 


M  I  A 

en  école  le  promoteur ,  elles  feroient 
bientôt  déferres  ,  &  la  maladie  de- 
viendroic  endémique  dans  les  hôpi- 
taux ;  ceux  qui  traitent  les  malades 
vénériens  ,  cancéreux  ,  galeux  ,  n'y 
prennent  pas  le  germe  de  ces  mala- 
dies ,  quoiqu'ils  y  refpirenc  le  même 
air  qui  eft  rendu  plus  impur  encore 
par  la  tranfpiration  des  malades  j  mais 
fi  ces  virus  touchent  &  font  portés 
fur  la  plus  légère  égratignure  du  gar- 
çon chirurgien  ,  cette  petite  plaie  de- 
vient vénérienne  ,  cancereuie  ,  &c. 
Se  galeufe  ,  s'il  manie  6c  touche  fans 
précaution  la  main  d'un  galeux  j  le 
contadftul,  foit  des  véttmens,  foit 
de  la  peau ,  eft  fufceptible  de  com- 
muniquer les  maladies  dont  on  parle. 
Il  y  a  plus  j  onavoit  pratiqué  dans  une 
même  grande  chambre ,  une  double 
féparation  ,  avec  des  planches  criblées 
de  trous  faits  avec  une  petite  vrille  , 
6c  on  avoir  lailfé  un  pied  de  diftance 
entre  chaque  fépration.  D'un  côté, 
douze  enfans  chargés  de  petite  vé- 
role furent  placés  ,  ôc  de  l'autre , 
douze  enfans  du  même  âge  ,  qui  ne 
l'avoient  pas  eu  :  aucun  de  ces  der- 
niers n'en  fut  attaqué,  quoiqu'ils  fuf- 
fent  certainement  dans  le  même  bain 
d'air  que  les  premiers  :  ils  ne  pou- 
voient  ni  communiquer  ni  fe  tou- 
cher en  aucune  manière.  Voilà  quel 
fut  le  vrai  ,  le  feul  &  l'unique  pré- 
lervatif,  11  feroit  abfurde  de  dire 
qu'aucun  de  ces  enhms  ne  devoit 
avoir  la  petite  vérole,  parce  que  plu- 
lieurs  perfonnes  ne  l'ont  jamais  j  ce 
nombre  eft  peu  confidérable  ,  &c 
quand  il  le  feroit  davantage  ,  com- 
ment fuppofer  qu'on  eût  été  alfez 
h.abile,  ou  que  le  hafard  eût  procuré 
douze  fujets  de  cette  clalfe  h  peu 
nombreufe  ?  Ce  feroit ,  en  vérité  , 


M  I  A  53 j 

poufler    bien   loin   le    fepticifme  ! 

Il  faut  cependant  convenir  que 
dans  les  mines  ,  dans  les  hôpitaux  , 
dans  les  falles  de  fpeftacle  ,  dans  les 
vailîeaux ,  &c, ,  l'air  eft  plus  ou  moins 
méphitique,  (  /^'^ojt^MErHiTisME  & 
Air  ïixe)&  que  les  perfonnes  qui 
le  refpiient  pendant  longtemps ,  font 
attaquées  de  maladies  de  langueur , 
ou  meurent  fubitement ,  s'il  elt  croD 
méphitique.  La  raifon  eu  eft  fimple  ; 
c'eft  qu'il  n'eft  pas  alfez  renouvelle, 
(i^c  que  l'air  fixe  méphitife  elfentielle- 
ment  l'air  athmofphérique.  Mais 
faites  changer  d'air  aux  malades  , 
ils  font  auflitôt  remis. 

Le  nombre  &  l'étendue  des  étangs , 
fur-tout  ceux  de  mer  qui  reçoi- 
vent de  l'eau  douce  ,  exhalent  ,  en 
prcpoition  ,  des  miafmes  dangereux 
pervdant  l'été  ,  &:  portent  le  germe 
de  l'infnlubrité  dans  tous  les  lieux 
de  la  circonféience  ,  fuivant  la  direc- 
tion des  venrs.  Mais  ces  courans  d'aix 
ne  procurent  ni  la  pefte  ,  ni  la  pe- 
tite vérole  ,  ni  la  maladie  vénérienne , 
ni  la  gale  ,  ni  le  fcoibut,  ni  le  char- 
bon j  il  en  réfulte  une  fièvre  tierce 
ou  quarte  ,  purement  &  fimplemeuc 
fymptomatique  ,  d'  qui ,  peut-être  j 
eft  fouvent  renouvellée  par  les  habit» 
portés  pendant  la  fièvre  de  l'année 
précédente  ,  ôc  qui  n'ont  pas  été  ri- 
gourcufement  lavés.  J'admets  cette 
dernière  alTertion  comme  puren.eiic 
hypothétique,  «Si  je  dis  qu'il  n'y  a  au- 
cune proportion  entre  les  miafmes 
d'une  ville  pcftiférée  ,  &  ceux  qià 
s'clèvent  des  marais  ,  des  étang;; , 
où  le  foyer  de  la  putriJité  îk  du 
inéphicifme  eft  immenfe  6c  fans 
celle  exiftanc  ,  &  où  enfin  il  fe  dé- 

XXX     2.* 


55i  MIC 

veloppe  en  raifon  de  rintenfitc  de 
chaleui"  de  la  faiion.  Le  vent  change, 
les  pluies  ,  les  froids  furviennent  , 
a'.ors  la  caiife  ceffe  ainfi  que  les  effecs. 
Que  tous  les  enfans  d'un  village 
foient  atteints  de  petite  vérole  ,  ceux 
du  village  voifm  en  feront  exempts  , 
fi  dans  ce  cas  on  prend  les  mêmes 
précautions  que  pour  lapefte.  J'aiainfi 
circonfcritjdans  deux  métairies, une 
maladie  charbonneufe  Se  peftilen- 
tielle  ,  qui  en  avoir  attaqué  les  bêtes 
à  corne  ;  &  dans  les  mênies  métai- 
ries ,  les  animaux  fains  en  furent 
préfervés  par  une  funple  ,  mais  ri- 
goureufe  féparation.  Aufurplus,je 
préfente  ces  observations  pour  ce 
qu'elles  font,  pour  ce  qu'elles  valent, 
c'eft  au  public  à  en  juger. 

MICOCOULIER.  Tournefort 
l'appelle  cehis  aujlralis  ^  fruclu  ni- 
gricante  ,  &  le  clalTe  dans  la  féconde 
fedtion  de  la  vingt-unième  clafle  des 
arbres  à  fleurs  en  rofe  ,  dont  le  piftil 
devient  une  baie.  Von  Linné  le  nom- 
me cehis  aujlralis ,  &  le  clafle  dans 
la  polygamie  monoécie. 

Fleur.  En  rofe  ,  hermaphrodite  , 
mâle  ou  femelle  fut  le  même  pied  j 
les  hermaphrodites  compofés  d'un 
calice  d'une  feule  pièce  ,  divifé  en 
cinq  parties  \  de  deux  piftils  recour- 
bés, &  de  cinq  étamines  très-courtes 
fans  corolle  :  les  mâles  n'ont  ni  co- 
rolle ,  ni  piftil  ,  &  leur  calice  eft  di- 
vifé en  fix. 

Fruit.  Noyau  un  peu  charnu  ,  rond  , 
à  une  feule  loge  ,  rentermant  un 
noyau  prefque  rond. 

Feuilles.  Portées  par  des  pétioles, 
fimples ,  entières ,  ovales ,  en  forme 


M  I  C 

de  lance  ,  dentées  à  leurs  bords ,  ru- 
des en  -  dellus  ,  uerveufcs  &  douces 
en  delfous. 

Rucine.   Ligneufe  ,   trcs-fibreufe. 

Lieu..  L'Italie  ,  la  Provence  ,  le 
Larij^uedoc. 

Propriétés.  Les  feuilles  ^'  les  fleurs 
font  aftringentes  j  les  fruits  im  peu 
raffraîchilfans. 

Ufages.  On  fe  fert  des  feuilles 
&  des  fruits  en  décoétion  :  on  tire 
des  fruits  un  fuc  qu'on  dit  utile  dan« 
les  dilfenteries. 

C'eft  un  bel  arbre  dans  nos  pro- 
vinces du  midi  ;  fon  bois  eft 
fouple  &  pliant.  On  en  fait  des 
cerceaux  de  cuve  ,  &  de  grands 
vailfeaux.  Il  eft  excellent  pour  la 
menuiferie  &  pour  la  marqueterie. 
En  le  fciant  obliquement  à  fes  cou- 
ches ,  il  peut  fuppléer  au  bois  fa- 
riné ,  qu'on  apporte  de  l'Amérique  ; 
il  produit  un  très  -  bel  effet  ,  &  il 
eft  fufceptible  d'un  beau  poli.  Aucun 
bois  ne  lui  eft  comparable  pour  les 
brancards  de  chaife'j  il  plie  beaucoup 
fans  rompre. 

Si  on  ne  veut  pas  le  laiiïer  monter 
en  arbre ,  on  peut  en  former  des  palif- 
fades  ,  &  tailler  fes  branches  comme 
celles  des  charmilles.  On  le  multiplie 
par  graines;  mais  pour  avoir  moins 
d'embarras  ,  on  lève  les  pieds  venus 
èss  graines  tombées  de  l'arbre.  En 
travaillant  un  peu  &  autour  de  la 
circonférence ,  avant  &  après  la  chûre 
des  graines,  on  a  un  très- bon  femis. 
Si  les  deux  années  fuivantes  on  a  le 
foin  d'enlever  les  mauvaifes  herbes  , 
&c   de  ferfouir ,  on  pourra  à  la  fin 


M  I  E 

âe  Ta  féconde  année,  lever  les  plants. 
Dans  nos  provinces  du  nord  ,  ces 
femis  demandent  plus  de  foins ,  & 
peu-à-peaon  y  acclimatera  cet  arbre. 
On  compte  plufieurs  efpcces  de 
micocoulier.  Celui  de  Virginie,  ce/r/j 
cccidcntalis ,  LiN.,  diffère  du  premier 
par  fon  fruit  d'un  pourpre-foncé  \  par 
it%  feuilles  obliquemenr  ovales ,  poin- 
tues ,  dentées  en  manière  de  fcie  : 
lorfqu'elles  fon:  encore  tendres,  elles 
font  un  peu  cotonneufes;  dans  leur 
état  de  perfecfbion  ,  leur  forme  eft  un 
ovale  large  ,  dentée  en  manière  de 
fcie ,  excepté  à  la  bafe  &r  au  fommet. 
Cet  arbre  aime  les  terreins  humides 
&  gras  ,  il  s'élève  très-haut,  fe  cou- 
vre &  fe  dépouille  très-tard  de  fes 
feuilles. 

Le  micocoulier  des  Indes  ,  celtls 
or'untalis.  Lin.  Feuilles  à  crenelures 
très-fines  ,  en  forme  de  cœur  ,  & 
velues  en-deiïous. 

MIEL. 

Plan  du  Travail. 

Sect.  I.     De   l'origine    du    miel ,    &    fur 

quelles  plantes  les  abeilles  vont  le  recueillir. 
Sect.  II.   Comment  l'abeille  fait  la  récolte 

du   miel. 
■Sect.  III.    Comment   le  miel  efl-il  contenu 

dans  les  alvéoles  ou  cellules  ? 
Sect.  IV.  De  la  manière  d'extraire  le  miel 

des  gâteaux. 
Sect.   V.   Des  différentes  qualités  du  miel. 
SxCT,  VI.  Des  différens  ufages  auxquels  le 

miel  efi  employé. 

Section     première. 

De  l'origine  du  miel  j  &  fur  quelles 
plantes  les  abeilles  vont  le  re- 
cueillir. 

Virgile,  dans  fon  quatrième  livre 
ces  Géofgiques  fur  les  abeilles  _, 
chante  le  miel  en  très-beaux  vers. 


M  I  E 


5'>l 


comme  une  rofée  célefte  ,  &  un  pré- 
fent  des  cieux.  Anftute  ,  avant  lui  , 
avoir  penfé  de  même ,  &  Pline  n'a 
pas  eu  un  fciuiment  différent  du 
leur,  puifqu'il  dit  qu'il  eil  une  cm.a- 
nation  des  aftres  ,  ou  les  exbalaifons 
de  l'armofphère  ,  dont  l'air  fe  dé- 
fait. Si  le  miel  étoit  cette  rofée  qui 
tombe  fur  les  plantes  ,  les  abeilles 
auroient  peu  de  voy.ages  à  faire  pour 
ramalfer  leurs  provifions  qu'elles 
trouveroient  par-tout  j  il  faiidroic 
qu'elles  fulTent  encore  plus  diligen- 
tes ,  quoiqu'elles  le  foient  infini- 
ment ,  afin  de  prévenir  le  foleil  , 
dont  les  premiers  rayons  ont  bientôt 
deiléché  ces  petites  gouttes  d'une  eau 
très-claire  ,  qui  paroiifent  fur  les 
plantes,  avant  qu'il  ait  donné  deflus. 
Les  fleurs,  dont  le  calice  eft  fouvenc 
incliné  ,  ou  perpendiculaire  ,  ne  par- 
ticiperoient  point  .1  l'abondance.  Se 
celles  qui  font  à  couvert  n'y  auroienc 
abfolument  aucune  part;  celles  dont 
le  calice  ,  ou  la  coupe  eft  bien  évafée 
&  large  ,  en  recevroient  davantage 
que  celles  qui  n'ont  qu'une  coupe 
fort  étroite  &  très-reflerrée. 

Cependant  ,  il  eft  très- cerrain,  & 
toutes  les  perfonnes  qui  élèvent  des 
abeilles  peuvent  l'obferver,  que  ces- 
infedes  n'entreprennent  jamais  leurs 
voyages  qu'après  le  lever  du  foleil, 
&--  que  le  fort  de  leurs  foities  eft 
toujours  lorfqn'il  eft  depuis  quelque 
temps  fur  l'horizon  ,  &  qu'il  com- 
mence à  faire  très-chaud  :  alors  il 
n'y  a  plus  de  rofée;  (i  elles  vont  fur 
les  plantes  avant  que  le  foleil  l'ait 
attirée,  c'eft  plutôt  pour  s'en  abreu- 
ver que  pour  recueillir  le  miel  qui 
feroit  encore  trop  mêlé  avec  elle,- 
Quoique  le  temps  foit  couverr ,  Se 
qu'il  n'y  ait  point  de  rofée  ,  les. 
abeilles  forcent  comme  à  lear  ordi^ 


534  MIE 

naire  ,  &  rapportent  du  miel  dans 
la  ruche.  Qu'on  en  prenne  de  celles 
qui  rentrent  fur  la  fin  d'une  journée 
où  le  foleil  n'a  point  paru,  ou  lorf- 
qu'il  n'y  a  point  eu  de  rofce  ,  qu'on 
les  prefîe  entre  deux  doigs,  on  verra 
le  miel  forrir  de  leur  bouche  par  cette 
prelîion  ,  en  fornr^e  de  petite  goutte, 
&  fi  on  doutoitquecefùtduvrai  miel, 
en  le  portant  à  la  bouche,  la  douceur 
qu'on  y  trouveroit  en  feroit  la  preuve. 

Les  abeilles  entrent  dans  le  calice 
des  fliurs  qui,  par  leur  inclinaifon  , 
foit  oblique  ,  verticale  ou  perpen- 
diculaire, ne  peuvent  recevoir  la  ro- 
fée,  &  dans  celles  qui  lont  à  couvert, 
fi  elles  en  ont  la  liberté  :  peut-être 
imaginera- t-on  qu'elles  (e  trompent, 
&  qu'elles  n'y  trouveront  point  le 
miel  qui  les  attire  :  qu'on  porte  la 
langue  au  tond  du  calice  de  ces 
fleurs,  &  qu'on  en  brile  les  pétales 
avec  les  dents,  on  s'alîurera,  en  les 
fuçant,  que  les  abeilles  ont  eu  raifon 
de  s'y  adrelTer ,  &:  qu'elles  peuvent 
en  extraire  du  miel  comme  de  celles 
qui  font  expofées  à  la  rofée.  Ne  voit- 
on  pas  fouvent  une  foule  d'abeilles 
fe  porter  avec  une  ardeur  étonnante 
fur  un  petit  jafmin  ,  &  laiiTer  un 
grand  rofier  qui  fera  à  côté  ,  dont 
les  fleurs  feront  bien  épanouies  & 
rrès-larges?  Un  œillet  fimple  devroit 
bien  moins  contenir  de  ce  fuc  miel- 
leux ,  dont  les  abeilles  font  fi  avides, 
que  ces  beaux  (Se  larges  œillets  bien 
épanouis  ;  cependant  elles  les  pré- 
fèrent à  ceux-ci,  &  avec  raifon.  Qu'on 
forte  en  etiet  les  feuilles  d'un  petit 
œillet  de  leur  capfule  ,  &:  qu'on  en 
fucele  fond  &  les  pétales  qui  y  étoient 
attachées,  on  y  trouvera  plus  de  dou- 
ceur qu'à  ceux  qui  fonr  très  gros. 

La  rofée  n'eft  doue  pas  le  miel  , 
elle  contribue  cependant  à  fa  pro- 


MIE 

dudlon.  Ainfi  que  les  pluies  douces^ 
elle  fournit  aux  végétaux  une  humi- 
dité qui  eft  reçue  par  les  infiniment 
petits  canaux  ,  dont  l'orifice  eft  à  la 
furtace  des  feuilles  comme  à  la  tige 
des  plantes  j  ce  fuc  arrive  à  la  partie 
fupérieure  des  feuilles  où  les  pores 
font  plus  ouverts  :  c'eft  auffi  par-là 
que  fe  fait  la  plus  grande  tranfpiration 
du  fuc  intérieur  ,  parce  que  les  vaif- 
feaux  excrétoires  par  où  s'échappent 
les  humeurs  de  la  plante  ,  y  aboutif- 
fent  :  c'eft  encore  par  là  que  les  abfor- 
bans ,  qui  fervent  de  nutrition  à  la 
plante  ,  comme  la  pluie ,  les  vapeurs , 
font  reçus.  Cette  humidité  ,  con- 
jointement  avec  celle  que  la  plante 
tire  de  la  rerre ,  par  les  tubes  qui 
font  à  l'extrémité  de  toutes  leurs 
racines,  s'incorpore  à  leur  fubftance 
par  la  fermentation  combinée  de  ces 
matières,  &  produit  ainfi  la  fève  qui 
nourrit  la  plante.  La  deftination  de 
cette  fève  ,  n'eft  pas  feulement  de 
nourrir  la  plante,  elle  doit  contribuer 
à  la  reproduction  du  végétal  ;  elle 
fuinte  donc  ,  &  s'élève  dans  les  ca- 
naux de  la  plante,  &  va  aboutir  dans 
cette  glande  qui  fe  trouve  au  fond 
de  la  capfule  des  fleurs;  le  furplus 
de  cette  liqueur  fort  par  l'extrémité 
fupérieure  de  cette  glande  ,  Se  re- 
tombe au  fond  de  la  capfule.  M. 
Linné  l'appelle  le  nccluria  j  c'eft  en 
eftet  un  réfetvoir  rempli  d'une  li- 
queur mielieufe  ,  dont  l'excédent 
fort  par  fon  extrémité,  &  retombe 
au  fond  de  la  capfule.  C'eft-là  que 
les  abeilles,  qui  connoilfent  parfais 
renient  la  poficion  de  ces  réfervoirs , 
vont  puifer  le  miel  ,  ou  la  liqueur 
propre  à  le   devenir. 

ÂL  Ligier  s'eft  donc  trompé  quand 
il  apenféque  ce  miellat  qu'on  trouve 
fur  les  feuilles  ,  principalement  à  U 


M  I  E 

finderété,  étoic  une  rofée  gîaante  3<r 
mielleiife  tombée  de  rathmofphère. 
(  f^oje^  ci-après  lî  moc  Miellat  ). 
Le  miel  eft  ce  fuc  doux  Se  fucrc  , 
qui,  après  avoir  circulé  avec  la  fève 
dans  les  végétaux,  s'en  fcpare  par  une 
tranfudation  fenfible  ,  &  arrive  dans 
le  vafe  à  neétar  ,  placé  au  fond  du 
calice  des  fleurs ,  d'où  il  fe  répand 
par  furabondance  au  fond  même  du 
calice  des  fleurs,  d'où  il  eft  porté  par 
ime  autre  tranfudation  furies  Veuilles 
de  ces  fleurs.  Il  eft  porté  avec  plus 
d'abondance  fur  certaines  plantes  que 
fur  d'autres  :  les  fleurs  en  contien- 
renc  toujours  beaucoup  plus  que  les 
feuilles  des  plantes  &  des  arbres,  fur 
lefquels  fouvent  il  n'eft  pas  fendble. 
Les  feuilles  des  frênes,  des  érables , 
en  font  très-fournies  dans  la  Calabre 
&  le  Btiançonnois.  Dans  certaines 
plantes ,  telles  que  les  cannes  à  fucre , 
&  celles  de  mais ,  c'eft  dans  la  moelle 
que  ce  fuc  mielleux  fe  porte  avec  le 
plus  d'abondance  ;  &  dans  les  arbres 
à  fruit,  c'eft  le  fruit  lui-même  qui  le 
reçoit,  &  fon  degré  de  faveur,  qui 
eft  plus  ou  moins  doux  ,  eft  toujours 
proportionné  à  une  circulation  de  ce 
fuc ,  plus  ou  moins  abondante ,  en 
raifon  des  obftacles. 

Tous  les  végétaux  contiennent 
donc  les  principes  du  miel ,  (Je  ne 
diftérent  que  du  plus  au  moins  : 
par-tout  les  abeilles  peuvent  par  con- 
féquent  fe  nourrir  &  faire  une  ré- 
colte proportionnée  à  l'abondance 
que  leurs  offrent  les  cantons  qu'elles 
habitent.  Mais  les  vaftes  prairies  bien 
émaillées  de  fleurs  ,  les  campagnes 
remplies  de  bled  noir  ou  farralin, 
de  navette,  &c.  j  les  immenfes  fo- 
rêts ,  garnies  de  toutes  forces  d'ar- 
bres ,  leur  offrent,  avec  pçofufion  ,  de 
(jttoi  fe  raffafier  ,  &  des  provilicns 


M  I  E 


555 


pour  remplir  leurs  magafins.  Les  mon- 
tagnes couvertes  de  romarin  ,  de  la- 
vande ,  de  thym  ,  de  ferpolet  ëc  de 
tant  d'autres  plantes  aromatiques ,  leur 
fournirent  toujours  un  miel  excellent 
&  fouvent  en  abondance.  Le  temps 
de  leur  récolte  dure  autant  que  la  fai- 
fon  des  fleurs,  Se  lorfqu'cUe  eft  finie, 
les  huits  qui  fuccédunt  font  encore 
d'une  grande  reflource  pour  elles. 

Section      IL 

Comment  l'abeille  fait  la  récolte  du. 
miel. 

Rien  n'eft  aufll  admirable  ,  &  fi 
difficile  à  faidr  ,  que  le  méchanifme 
employé  par  l'abeille,  pour  enlever 
le  miel  que  lui  oflrent  les  végétaux. 
Les  expériences  que  M.  de  Rcaumur 
a  faites  pour  connoître  de  quelle  ma- 
nière elle  recueille  le  miel  épanche 
dans  le  calice  des  fleurs,  nous  ont 
découvert  des  vérités  inconnues  juf- 
qu'à  lui.  On  avoit  toujours  pcnfé 
que  c'étoit  par  fuccion  qu'elles  enle- 
voient  le  miel ,  iSc  on  avoit  regardé 
leur  trompe  comme  un  corps  de 
pompe,  au  moyen  duquel  la  liqueur 
mielîeufe  étoit  afpirée ,  &  portée 
par  le  canal  de  la  pompe  dans  l'ef- 
tomac  de  l'abeille  ,  &;  que  c'étoi: 
encore  par  ce  même_  canal  qu'elles 
le  dégorgeoienc  dans  les  alvéoles. 
Swammerdam  ,  un  des  plus  grands 
naturaliftes  que  nous  ayons  eu  ,  & 
auquel  nous  fommes  redevables  d'un 
nombre  infini  de  découvertes  fur  la 
conformation  anatomique  des  abeil- 
les ,  ne  penfoit  pas  autrement.  Si  , 
dans  fon  cours  de  dilTedlions  anato- 
miques  des  abeilles,  il  eût  découvetc 
leur  bouche  &■  leur  langue,  li  aifces 
à  remarquer  ,  quand  on  fuit  leur 
poûtion  5.   il    eût   fans    douce   fenîi 


53^  M  I  E 

alors  l'impoffibilité  du  partage  du 
miel  dans  l'ellomac  de  l'al^eille,  par 
un  canal  qui  ne  pouvoicctre  ,  s'il  eue 
exifté  ,  que  d'une  peticefle  infinie. 

La  trompe  eft  l'indrumenc  dont 
l'abeille  le  iert  pour  recueillir  la  li- 
queur mielleufe  épanchée  dans  le  ca- 
lice des  fleurs  ou  fur  leurs  feuilles  : 
l'ufacre  qu'elle  en  fait  avec  une  adreile 
&  une  adtivité  merveilleufes  ,  lorf- 
qu'elle  eft  à  portée  de  cette  liqueur, 
ne  permet  pas  d'en  douter.  Placée 
fur  une  fleur  ,  elle  alonge  le  bout 
de  fa  trompe  contre  les  péta- 
les ,  &  tout  près  de  leur  origine , 
Se  lui  fait  faire  fucceflTivement  une 
infinité  de  mouvemens  difFérens  ; 
elle  l'alonge,  le  raccourcit,  le  con- 
tourne ,  le  courbe  ,  pour  l'appliquer 
fur  toutes  les  parties  concaves  & 
convexes  des  pétales  de  la  fleur  ,  ôc 
tous  fes  mouvemens  font  extrême- 
ment précipités  Se  très-variés.  Com- 
ment agit  cette  trompe,  pour  attirer 
k  liqueur  mielleufe  ,  £c  de  quelle 
manière  pafl^e-t-elle  dans  l'eftomac 
de  l'abeille  ?  Il  n'eft  point  poflîble 
d'obferver  tout' cela  ,  lorfqu'on  ne 
fuit  l'abeille  que  fur  une  fleur  : 
enfoncée  bientôt  dans  l'intérieur  de 
fon  calice  ,  elle  fe  dérobe  à  nos 
obfervations.  Ce  n'eft  que  dans  un 
tube  de  verre  ,  dont  on  a  endui 
léeèrement  l;s  parois  intérieurs  d'un 
peu  de  miel  ,  qu  on  peut  juger  a 
quoi  tendent  tous  les  mouvemens 
de  la  trompe  de  l'abeille  qu'on  y  a 
introduite  :  c'eft  le  parti  que  prit 
M.  de  Réaumur,  pour  s'afliirer  quel 
étolt  le  rcfultat  des  mouvemens  &: 
des  différentes  inflexions  de  la  trom- 
pe ,  qu'il  foupçonnoit  déjà  ,  fans  ofer 
encore  l'affirmer.  L'abeille  introduite 
dans  un  tube  de  verre  ,  nous  lailfe 
voir  clairement  le  mécliauifrae  de  fa 


M  I  E 

trompe,  lorfqu'elle  enlève  le  miel; 
&  alors  on  s'apperçoit  qu'elle  ne 
l'attire  point  par  fuccion ,  puifqu'elle 
ne  pofe  point  l'extrémité  de  fa 
trompe  fur  la  goutte  de  miel  qui  eft 
dans  le  tube,  comme  elle  devroit  le 
faire  ,  (i  elle  avoir  un  trou  par  lequel 
elle  dût  être  afpirée  pour  être  con- 
duite dans  l'eftomac.  En  s'alongeant, 
le  bout  de  la  trompe  fe  trouve  tou- 
jours au-delà  de  l'extrémité  des  étuis, 
qui  ne  ceflent  de  la  couvrir  dans  le 
refte  de  fon  érendue;  la  partie  qui 
eft  à  découvert  fe  courbe  ,  afin  que 
la  furface  fupérieure  s'applique  lue 
la  liqueur  ;  &  cette  partie  fait  alors 
exa\5temenc  la  même  chofe  que  la 
langue  d'un  chien  qui  lappe  une 
boilfon.  Par  des  inflexions  réitérées 
avec  une  vîtefle  &  une  promptitude 
étoimante,  elle  frotte  &  lèche  la  li- 
queur à  diverfes  reprifes  ,  de  forts 
que  le  bout  de  la  trompe  ,  où  l'on 
a  prétendu  qu'étoit  l'ouverture  qui 
recevoir  la  liqueur  ,  fe  trouve  tou- 
jours au-delà  de  la  liqueur  même  où 
puife  l'abeille.  Cette  partie  anté- 
rieure de  la  trompe,  qu'on  pourroit 
appeller  la  langue  extérieure  &  velue , 
pour  la  diftlnguer  de  l'autre  qui  eft 
dans  la  bouche  ,  par  fes  diflérens 
mouvemens,  fe  charge  de  la  liqueur 
&  la  conduit  à  la  bouche  ,  en  le 
raccourcilfant ,  de  telle  forte  qu'elle 
^ft  quelquefois  abfolument  recouverte 
par  les  étuis.  Cette  liqueur  arrive  à 
une  efpèce  de  conduit  qui  fe  trouve 
entre  le  deflus  de  la  trompe  &  les 
étuis  qui  la  couvrent  ;  d'où  elle 
paffe  dans  la  bouche  :  aufli  voir-on  ,' 
à  l'endroit  où  eft  le  canal  qui  répond 
à  la  bouche  ,  la  trompe  fe  gonfler, 
fe  contracter  ,  &;  faciliter  par  ces 
gonflemens  &  ces  contrarions  ,  le 
palfage   de  la  liqueur  à  la  bouche. 

L'abeille 


MIE 

L'abeille  n'afpire  donc  point  la 
liqueur  mielleufe  qu'elle  a  à  fa  dif- 
podtion  j  mais  elle  la  lèche  «Se  la  lappe. 
Qu'on  preile  entre  fes  doigts  ,  & 
vers  fon  origine  ,  la  trompe  d'une 
abeille,  cette  prellion  obligera  la  li- 
queur de  produire  un  déchirement 
dans  les  membranes  par  lefquelles 
elle  s'échappera  ;  mais  jamais  on 
ne  la  verra  fortir  par  le  trou  qu'on 
avoir  fuppofé  être  à  fon  extrémité.  Il 
ell:  probable  ,  &  on  peut  même  l'af- 
furer,  que  les  abeilles  n'ont  pas  une 
^  manière  de  recueillir  le  miel  fur  les 

fleurs  ,  différente  de  celle  dont  elles 
enlèvent  celui  qui  eft  dans   un  tube 
de  verre.  Elles  ne  trouvent  pas  fur 
les  fleurs  une  liqueur  toujours  pré- 
parée ,  fouvent  elle    eft  renfermée 
dans  les  réfervoirs  qui  la    contien- 
nent ;  c'eû  alors  ,  fans  doute  ,  qu'elles 
font  ufage  de  leurs  dents  pour  brifer 
les    ne^aires    qui    la     renferment  , 
comme  elles  déchirent  le  papier  qui 
couvre  un    vafe  où  eft    contenu  du 
miel  qu'on  laiire  à   leur  difpoficion. 
Du  conduit  qui  eft  à  la  racine  de  la 
trompe  ,  le  miel  pafte  dans  la  bou- 
che de    l'abeille,  où  eft  une  langue 
courte  Se  charnue,  qui  ,  par  diverfes 
inflexions  ,  poufte  vers  rœfophage , 
le  miel  qui  lui  a  été  apporté ,  afin 
qu'il  aille  par  ce  canal   dans   l'efto- 
mac.  C'eft  dans  ce  premier  eftomac 
que  cette  liqueur  limpide  que  l'abeille 
recueille  fur  les  fleurs ,  fouftre  un  de- 
gré de  coction  ,  qui ,  fans  altérer  fa 
qualité,  Tépaiftit  &  lacondenfe,  & 
la  change  en  miel.  Dès  que  labeille 
a  fuffifamment  rempli  cet  eftomac, 
elle  dirige  fon  vol  vers  fonhabiration 
ou  font  les  mngafins   dans  lefquels 
elle  va  le  dépofer;  dès  qu'elle  eft  en- 
trée, elle  fe  repofe  fur  le  bord  d'une 
cellule   qui  fert  de  magafin  ,     elle 
Tome  JI. 


M  I  E 


557 


y  entre  la  tète  la  première  ,  &:  va 
au  fond  dégorger  la  provifion  qu'elle 
a  ramaftée.  Le  fentmient  de  Swam- 
merdam  le  portoit  néceftairement  à 
croire  que  l'abeille  verfoit  fon  miel 
dans  les  alvéoles  ,  par  l'infiniment 
petit  trou  qu'il  fuppofoit  être  au  bout 
de  la  trompe.  Cette  opération  eût  été 
bien  plus  longue  que  celle  de  le  ra- 
mafter  ,  puifcju'il  lort  plus  condenfc 
de  l'eftomac,  qu'il  ne  i'étoit  loiTqu'il 
y  eft  entré ,  comme  il  l'a  reconnu  lui- 
même.  M.Maraldi&  M.deRéaumur 
ont  très -bien  obfcrvé  que  le  miel 
fortoit  de  l'eftomac  de  l'abeille  ,  par 
cette  ouverture  au  delfus  de  la  trom- 
pe ,  &  tout  près  des  dents ,  c'eft-à- 
dire  par  la  bouche. 

Les  abeilles  ne  vont  point  dépo- 
fer   leur   miel   indifféremment  dans 
toutes  fortes  de  cellules  j  elles  com- 
mencent par  les  plus  élevées,  &  def- 
cendent  à  mefure  qu'elles  les  rem- 
pUlfent.  Elles  ne  vont  pas  toujours  juf- 
qu'aux  alvéoles   pour  fe  décharger} 
lorfqu'elles   rencontreiit   leurs    com- 
pagnes ,  que  leurs  occupations  obli- 
gent de  refter  dans  le  domicile,  elles 
leur  font  part  du  miel  qu'elles  appor- 
tent :  celle  qui  arrive,  &  qui  en  eft 
bien  remplie  ,    étend  fa  trompe ,  & 
celle  qui  a  befoin  de  manger  approche 
la  Tienne  qu'elle  a  dépliée,  &  lappe  la 
liqueur  qui  lui  eft  ofter-te  de  boni.» 
grâce.  C'eft  par  un  mouvement  de  con- 
tradtion,  femblable  à  celui  des  ani- 
maux ruminans,  que  l'abeille  dégorge 
fon  miel  \  les  parois  de  l'eftomac  qui 
en  eft  bien  rempli,  font  diftendus  en 
tornie  de  veftie  j  &  quand  elle  veut 
le  faire  fortir  ,  tuie  portion  des  pa- 
rois de  l'eftomac  s'approche  du  cen- 
tre ,   par  un  mouvement  de  contrac- 
tion ,  &  le  retire,  &  une  autre  por- 
tion fe  rapproche  aulîirôt,   &  aiufi 
Yyy 


53?  MIE 

fuccertlvemen:  ,  à-peu-prcs  comme 
«ne  veille  remplie  d'eau  qu'on  pref- 
feroic  entre  les  mains ,  tantôt  d'un 
côté  ,  tantôt  d'un  autre.  La  liqueur 
prelTée  par-tout ,  cherche  une  ifTue 
pour  s'cchapper,  l'abeille,  en  ou- 
vrant la  bouche,  lui  laiiFe  un  paflage 
libre  ,  &  elle  fort. 

Section      III. 

Comment  le  mkl  ejî-il  contenu  dans 
les  alvéoles  ou  cellules  ? 

11  paroît  difficile  que  le  miel  en- 
core alfez  liquide  au  fortir  de  l'cf- 
tomac  de  l'abeille,  puilïe  être  contenu 
&  fixé  dans  les  alvéoles  ,  dont  la 
pofition  efl  horizontale.  Lorfqu'il  n'y 
en  a  encore  que  quelques  gouttes  , 
on  conçoit  bien  qu'il  peut  y  dcmeu= 
rei  fans  verfer  \  mais  à  mefure  que 
l'alvéole  s'emplit  ,  cela  pourroit  ar- 
river. Les  abeilles  intérelFées  à  pré- 
venir l'épanchement  d'une  liqueur 
qui  leur  donne  tant  de  peine  à  ra- 
mafler  ,  ont  foin  que  la  dernière 
couche  foit  plus  épaille  :  &  comment 
y  réullillent-elles  ?  C'eft  ce  qui  n'eil 
point  aifé  à  connoître.  Peut-être  que 
le  miel  qui  a  féjourné  un  peu  plus 
dans  leur  eftomac  que  l'autre  ,  eft 
mêlé  avec  de  la  cire  qui  lui  donne 
allez  de  confiftance  pour  fervir  de 
couvercle  à  l'alvéole.  Quoi  qu'il  en 
foit ,  ce  couvercle  ,  qu'on  peut  com- 
parer à  la  ctême  qui  s'élève  au-def- 
fus  du  lait,  n'a  point  un  plan  per- 
pendiculaire à  l'axe  de  l'alvéole  ,  les 
abeilles  lui  font  prendre  une  certaine 
courbure  ,  jugeant  cette  forme  de 
couvercle  plus  capable  de  rerenir  leur 
miel  dans  les  magafins.  Quand  une 
abeille,  qui  veut  fe  débarralTer,  ar- 
rive dans  im  alvéole,   la  tête   étant 


MIE 

entrée  ,  les  pattes  de  fes  premières 
jambes  foulèvent  cette  croûte  ,  ou  ce 
couvercle  ,  &  alors  elle  dépofe  fon 
miel  ,  qui  s'unit  à  l'autre  par  cette 
ouvetture  qu'elle  lui  a  mén.igée. 
Avant  de  fortir,  elle  a  foin  de  rap- 
procher le  couvercle  avec  fes  pre- 
mières pattes ,  &  de  lui  donner  la 
courbure  nécelT-rire  ,  afin  que  le  miel 
foit  retenu  ,  &  qu'il  ne  s'épanche 
pas. 

Lorfque  les  alvéoles  ,  qui  fervent 
de  magafins  pour  y  dépofer  le  miel , 
font  remplis  ,  l'.abeille,  pour  en  fer- 
mer l'entrée  ,  forme  tout  autour  un 
cordon  de  cire,  qu'elle  continue  juf- 
qu'à  ce  qu'il  ne  relie  plus  d'ouver- 
ture ;  &  dès  qu'il  ell  fermé,  on  n'y 
touche  plusj  c'eft  un  dépôt  de  pro- 
vilions  auquel  on  aura  recours  dans 
le  temps  que  la  campagne  n'offrira 
plus  aucune  forte  de  nourriture  :  il 
y  en  a  d'autres  qui  font  toujours 
ouverts ,  &  qui  font  deftinés  pour  la 
confommation  journalière.  Les  abeil- 
les ,  très-économes  &  alTiirées  de  la 
difcrétion  de  toutes  les  citoyennes 
qui  compofent  la  république  ,  ne 
ferment  pas  leurs  magafins  pour  pré- 
venir la  dillîpation  que  quelques-unes 
d'entr'elles  pourroient  faire  du  miel 
qui  y  eft  dépofé  :  c'eft  uniquement 
pour  empêcher  une  évaporation  que 
ne  maiiqueroit  pas  d'occafionner  la 
grande  chaleur  de  la  ruche  :  le  plus 
liquide  du  miel  étant  évaporé  ,  ce 
qui  refteroit  auroit  trop  de  confif- 
tance  ,  &  deviendroit  çrainé  :  c'eft 
précifément  ce  qu'elles  veulent  évi- 
ter ;  parce  qu'alors  il  leur  eft  plus 
difficile  de  s'en  nourrir ,  &:  elles  fe- 
roient  obligées  de  le  broyer  avec  les 
dents  pour  le  rendre  un  peu  liquide  ; 
&  nos  ouvrières  ,  qui  ne  craignent 
point  la  peine  quand  il  fau:  le  bâtir 


M  1  E 


des  Io!^emens  ,  veulent  en  prendre 
for:  peu  pour  fe  nourrir. 

Section      IV. 


jDe  la  manière  d'extraire  le  miel  des 


Dès  qu'on  a  forti  les  gâreaux  de 
la  rui-he ,  il  fauc  choifir  les  plus  beaux, 
les  plus  blancs,  &  les  fcparerde  ceux 
<]ui  font  noirs  ou  bruns ,  &  de  ceux 
qui  contiennent  la  cire  brute  ou  du 
couvain  :  les  plus    beaux  font  ordi- 
nairement fur  les   côtés  de  la  ruche. 
On  palfe  légèrement  la  lame  affilée 
d'un  couteau  ,   fur    la    futtace   des 
rayons   pleins  de    beau  miel   ,  pour 
détacher    les  couvercles  des  alvéoles 
qui   l'empècheroient  de  couler.   On 
rompt  eniuite  en  plulieurs  pièces  tous 
cts  gâteaux  qu'on  a    féparés  ,  &  on 
les  met  dans  des  paniers  rrès  -  pro- 
pres ,  ou  far  des  claies  d'ofier  ,  ou 
fur  une  toile  de  canevas  tendue  fur 
un  chaOis  ;  ou  enfin  fur  une  toile  de 
crin  alfez  claire  :  on  place  au-deirous 
des  vafes  de  terre  vernilTés ,  pour  re- 
cevoir le  miel  qui  va  couler  :  fi  l'air 
étoit  froid,  il  taudroir  approcher  les 
gâteaux,  ainfi  placés,  d'un  feu  mo- 
déré ,  afin  que  le  miel  coulât    plus 
aifément.  Lorfque  ce  premier  miel , 
qui   eft    toujours  le  plus  beau  &   le 
meilleur,  6^  qu'on  nomme  pour  cela 
miel  vierge  ,  eft  forci  ,  on  brife  les 
gâteaux   avec    les   mains ,   fans   les 
pétrir,  en  y  ajourant   ceux  qui  font 
d'une    moindre   qualité  ,  &  on  les 
remet  j  comme  on    vient  de   dire  , 
dans  des  panniers,  ou  fur  des  claies, 
il  en   découlera  un  autre   miel   qui 
fera  encore  fort  bon,  quoique  d'une 
qualité  inférieure  au  premier.  Lorf- 
qu'il  n'en  coule  plus  du  tout  ,  on 


M  î  £ 


539 


pétrit  les  gâteaux  avec  les  mains , 
fans  y  mêler  ceux  qui  contiennent 
du  couvain  qui  feroit  aigrir  le  miel. 
En  ayant  formé  une  efpèce  de  pâte, 
on  la  met  lous  une  prefTe  ,  ou  fim- 
plemenr  dans  un  gros  linge  &  fort, 
que  deux  perfonnes  ,  dont  chacune 
tient  un  bout  ,  tordent  fortement  ; 
il  fortira  encore  de  certe  pâte  quel- 
que peu  de  miel  très-groilier  ,  à  la 
vérité  ,  &  qui  peut  cependant  être 
encore  de  quelque  utilité.  Il  faut 
avoir  attention  de  ne  .point  fe  fervic 
de  la  prelfe  ,  ni  pour  le  premier ,  ni 
pour  le  fécond  miel  :  ce  feroir  le 
moyen  d'y  mêler  de  la  cire  ,  qui  le 
rendroit  moins  beau  &  altéreroit  fa 
qualité.  Le  miel  qu'on  a- tait  décou- 
ler des  gâteaux,  n'a  befoin  d'aucune 
forre  de  préparation  ;  il  fuffit  de  le 
mettre  dans  des  vafes  bien  propres, 
dont  l'inrérieur  foit  vernidé ,  &  de  les 
boucher  pour  le  conferver. 


S     E 


C    T    I 


O    N        V. 


Des  d,ffcrentes  qualités  du  miel. 

Quoique  tout  le  miel  provienne 
généialemenr  des  mêmes  principes, 
qu'il  foie  fair  &:  préparé  par  les  mê- 
mes ouvrières  dont  la  méthode  eft 
uniforme,  il  y  en  a  cependant  dont 
les  qualités  &  les  propriétés  diffèrent 
elfentiellement  ,  &  pour  la  couleur 
&  pour  le  goCir.  Il  en  eft  du  miel 
comme  de  toutes  les  produélions  de 
la  terre  \  la  divetfité  des  climats  , 
les  différentes  natures  du  fol ,  la  ma- 
nière de  cultiver  ,  donnent  aux  pro- 
duûions  des  végétaux  des  qualités 
qui  varient  ptefque  à  l'infini.  la 
nature  &  la  qualité  du  miel  fubif- 
fent  toutes  ces  variations.  Celui  qu'on 
recueille  fur  les  monragnes  où  abon- 
dent toutes  fortes  de  plantes  aroma- 
Yyyz 


540 


M  I  E 


tiques,  a  un  goût  balfamique,  que 
n'a  point  celui  ■des  plaines  les  plus 
fertiles.  Dans  les  riches  campagiies 
on  a  l'abondance,  &  fur  les  mon- 
tagnes ëc  les  coteaux  ,  on  en  eft  dé- 
dommagé par  une  meilleure  qualité. 
Celui  du  mont  Hymerce ,  dont  les 
Grecs  faifoient  leurs  délices  ,  étoit 
le  produic  des  abeilles  qui  avoienc 
fur  cette  montagne  toutes  fortes  de 
plantes  aromatiques  à  difcrction.  Le 
miel  de  Narbonne,  Ci  vanté  parmi 
nous  ,  &  don:  la  qualité  eft  très-fu- 
périeure  à  celui  des  autres  pays ,  tire 
fon  goût  balfamique  du  romarin  ,  de 
la  méliire ,  &  de  quantité  d'autres 
plantes  odoriférantes  qu'il  y  a  fur  les 
Corbières  d'où  vient  le  miel,  mal-à- 
propos  dit  de   Narbonne. 

■  Le  miel  de  la  première  qualité  eft 
toujours  celui  que  fabriquent  les 
abeilles  qui  habitent  les  montagnes; 
celui  qu'on  peut  appeller  de  la  fé- 
conde qualité,  eft  recueilli  par  elles 
dans  les  prairies  .S:  dans  les  cam- 
pagnes couvertes  de  farrafin  ;  &  lorf- 
qu'elles  font  logées  dans  les  bois , 
elles  en  font  d'une  qualité  encore 
inférieure.  Le  plus  blanc  eft  le  meil- 
leur ,  Se  déllgne  un  miel  de  mon- 
tagne ;  il  répand  alors  une  odeur 
douce  ,  agréable  &  aromatique  ;  il 
efl  épais,  grenu,  clair  &  fort  pefant. 
Le  miel  jaune  eft  d'une  qualité  in- 
férieure ,  quoique  très-bon  :  il  n'a 
pas  toujours  eu  cette  couleur  au  for- 
tir  de  la  ruche  ;  alfez  ordinairement 
il  eft  un  peu  pale  ,  <!'  c'eft  à  mefure 
qu'il  vieillit  qu'il  devient  jaune ,  de 
même  que  le  blanc  ,  qui  perd  aufH 
un  peu  de  fa  première  blancheur.  11 
faut  donc  toujours  préférer  le  miel 
des  montafrnes  (?c  des  endroits  fecs 
&  arides  à  celui  des  pays  gras.  Celui 
^u'on  fort  de  la  ruche  au  printemps , 


MIE 

efl  le  meilleur  &  lepluseflimé;  celui 
que  l'on  prend  en  été  ,  n'eft  pas  aulll 
bnn;  mais  il  eft  encore  meilleur  que 
celui  qu'on  ne  prend  qu'en  automne  t 
celui  des  jeunes  elfaims  eft  préférable 
à  celui  des  vieilles  abeilles. 

Le  miel  eft  donc  alfez  ordinai- 
rement de  deux  couleurs,  c'eft-.à-dire 
blanc  &:  jaune  ;  il  n'y  a  que  le  plus 
&  le  moins  dans  les  teintes.  M.  de 
Réaumur  en  a  trouvé  une  leule  fois, 
il  eft  vrai ,  dans  une  de  fes  ruches  , 
qui  étoit  verd  :  da«s  les  alvéoles 
d'où  il  avoir  été  forti  il  paroilToit 
un  fuc  d'herbes  ;  &  quand  il  fut 
dépofé  dans  un  vafe  ,  cette  couleur 
devint  plus  claire.  Ce  qui  eft  rrès- 
furprenant ,  c'eft  que  dans  la  même 
ruche  où  fut  trouvé  ce  miel  verd  , 
les  autres  gâteaux  n'en  contenoient 
que  du  jaune.  Cette  couleur  verte  j  qui 
n'eft  point  ordinaire,  provenoit  peut- 
être  d'une  mauvaife  dilpofîtion  de 
quelques    abeilles. 

En  général ,  le  miel  ne  diffère  que 
du  plus  au  moins  pour  la  bonté  & 
pour  le  goût  :  il  peur  v  en  avoir  ce- 
pendant,  qui,  quoique  d  un  goût 
agréable  ,  foit  d'une  très- mauvaife 
qualité,  &  devienne  un  aliment  très- 
pernicieux  ,  dont  il  feroir  dangereux 
de  faire  ufage.  De  même  que  les 
plantes  aromatiques  contribuent  à  fa 
bonne  &  bienfaifante  qualité,  celles 
qui  font  mauvaifes  ,  qui  contien- 
nent des  fucs  malfaifans,  des  prin- 
cipes venimeux  ,  peuvent  auflî  lui^ 
donner  des  qualités  dont  il  feroic 
dangereux  de  faire  l'épreuve.  Onfçait 
que  le  miel  des  abeilles  qui  font  lo- 
gées près  des  buis  où  elles  vont  fou- 
vent  ,  a  un  goût  acre  &  dur  :  des 
plantes  dont  les  fucs  font  nuifibles  » 
peuvenr  communiquer  leurs  mauvai- 
fes  qualités  au  miel  que  les  abeilles. 


M  1  E 

en  retirent  :  l'aventure  des  ai^  mille 
Grecs,  rapportée  par  Xenopiion  ,  en 
efl:  une  preuve.  Arrivés  près  de  Trc- 
bifonde  ,  où  ils  trouvèrent  plufieurs 
ruches  d'abeilles  ,  les  foldats  n'en 
épargnèrent  pas  le  miel  j  il  leur  fur- 
vint  un  dévoiement  par  haut  &  par 
bas  ,  fuivi  de  rêveries  &  de  con- 
vulfions;  enferre  que  les  moins  ma- 
lades reirembloient  à  des  perfonnes 
ivres ,  les  autres  à  des  furieux  ou  des 
moribonds  j  on  voyoit  la  terre  jon- 
chée de  corps  comme  après  uns  ba- 
taille :  perfonne  ,  cependant  ,  n'en 
mourut  ,  &  le  mal  ce(fa  le  lende- 
main ,  environ  à  la  même  heure  qu'il 
avoir  commencé  ,  de  forte  que  les 
foldats  fe  levèrent  le  troiiieme  & 
quatrième  jour  ;  mais  en  l'état  où  l'on 
e(l  après  avoir  pris  une  forte  médecine. 
M.  de  Tournefort ,  qui  cite  ce  paf- 
fage  de  Xenophon  dans  la  dix-fep- 
tième  lettre  de  fon  voyage  du  Levant, 
penle  que  ce  miel  avoii  tiré  fa  mau- 
vaife  qualité  de  qilelques-unes  des 
efpèces  de  chama;rhodadenaros  qu'il 
a  trouvé  auprès  de  Trébifonde.  Heu- 
reufement  ,  dans  nos  climats  nous 
n'avons  point  de  miel  qui  ait  des 
qualités  mal-faifantes. 


M  I  E 


541 


E    C    T     I     O     N 


V  I. 


Des  difftfrens  ufi-^g^s  auxquels  le  miel 
efi  employé'. 

Depuis  qu'on  a  découvert  le  fucre, 
le  miel  n'eft  plus  d'un  ufage  aulTi  fré- 
quent :  les  anciens,  qui  ne  connoif- 
foient  pas  le  fucre,  fe  fervoient beau- 
coup du  miel  pour  l'apprêt  de  leurs 
mêts^  ils  le  mêloientauili,  fi  nous  en 
croyons  Virgile  ,  avec  le  vin  âpre  & 
dur,  pour  corriger  fes  mauvaifes  qua- 
lités. Quelques  -  uns   le  regardoiem 


prefqiie  comme  un  retnède  univerfel , 
&  le  croyoicnt  propre  à  prélervet  de 
la  corruption  ,  &  à  prolonger  la  vie. 
Py thagore  &  Démocrite  ne  prenoienr 
point  d'aurre  aliment  que  du  pain 
avec  du  miel,  dans  la  perfuaflon  que 
cette  nourriture  prolongeroit  leurs 
jours.  Polhon ,  parvenu  à  une  extfême 
iv  belle  vielielîe,  répondu  à  Aiigufte, 
c]ni  lui  demandoir  par  quel  fecret  il 
étoit  parvenu  à  un  âge  fi  avancé,  fans 
infirmités ,  qu'il  n'en  avoir  pas  d'autre 
que  le  miel  dont  il  fe  nourrifibic. 
Cette  fubftauce  étoit  en  fi  grande  vé- 
ncration  dans  ces  temps  là  ,  qu'on  la 
regardoit  comme  une  nourriture  fa- 
crée  :  auffi ,  les  anciens  l'appelloient  un 
don  des  dieux  ,  une  tofée  célefte,  une 
émanation  des  aftres.  Nous  avons  au- 
jourd'hui moins  de  confidération  pour 
Ion  origine,  ik  l'ufage  du  fucre,  qui 
lui  a  fuccédé  ,  a  relégué  le  miel  dans 
les  pharmacies  &  chez  les  apothi- 
caires. Les  pauvres  gens  s'en  fervent 
encore  dans  les  campagnes  ,  &  en 
font  des  repas  délicieux  ,  parce  que 
le  luxe  ,  qui  ne  peut  point  pénétrer 
chez  eux  ,  le  lailîe  en  pofieflion  de 
leur  ctte  d'un  ufage  utile  (Je  agréable , 
&  ils  en  font  des  confitures  qui  font 
très-bonnes.  On  en  fait  encore,  dans 
les  pays  du  nord  fur-tout ,  une  boif- 
fon  très-agréable  &  rrès-falutaire  , 
connue  fous  le  nom  à' hydromel. 
(   f^oye^  ce  mot  ) 

Les  médecins  prétendent  que  le 
miel  échauffe  &  defiéche ,  de  quel- 
que manière  qu'on  en  ufe  ,  fou  en 
aliment  ,  foit  en  alfaifonnemenr. 
Les  tempéfimmens  pituiteux  ,  ceux 
qui  par  quelques  maladies ,  ou  au- 
trement, abondent  en  li'iimeurs  grof- 
fières  &  vifqueufes  ,  ne  peuvent; 
qu'en  faire  un  ufage  falutaire  poi>r 
leur  fanté  :  aufli  les   médecins    an 


54i 


M  I  E 


rordonnent-ilsqae  pour  des  ptifanes, 
des  r;argarilmes  &  des  lavemeiis.  La 
chirurgie  en  fait  avec  fuccès  ,  des 
lotions  pour  laver  &  déterger  les 
ulcères.  Le  miel  eft  le  plus  fur  &  le 
plus  efficace  de  tous  les  remèdes 
contre  la  piquure  des  abeilles.  M.  D.L. 

MIELLAT.  On  dtfigne  par  ce 
liom  une  matière  fucrée,  légèrement 
mucilagineufe  ,  qui  tft  tancot  rap- 
prochée, par  fa  nature  j  des  gom- 
mes &  tantôt  des  réûnes.  On  la 
trouve  fous  la  forme  de  gouttes  le 
foit  &  le  matin  en  été,  fur  les  feuil- 
les ou  les  tiges  de  plufieurs  plantes. 
Ce  fluide  eft  une  fécrétion  des  plantes , 
&  il  y  a  apparence  qu'il  exifte  dans 
toutes  ;  mais  il  patoîi  dans  des  par- 
ties différentes  \  on  le  trouve  fur  les 
fleurs  ,  fur  les  fruits  ,  fur  les  feuilles 
&  fur  les  tiges  ,  &cc.  j  il  couvre 
quelquefois  les  bourgeons  &  les  tiges 
des  plantes.  Cette  matière  n'eft  pas 
produite  ,  comme  plufieurs  auteurs 
l'ont  cru,  par  les  nuages  ou  par  l'air, 
non  plus  que  par  les  exhalaifons  de 
la  terre  ^  mais  par  la  plante  elle-mê- 
me,  dans  les  vailFeaux  de  laquelle 
elle  a  été  élaborée  d'une  manière 
particulière.  C'eft  ce  mcme  fuc  qui  , 
dans  quelques  plantes,  eft  dans  l'in- 
térieur de  la  tige  ,  de  la  racine  ,  &:c.; 
ôc  dans  quelques  arbres  ,  dans  le 
bois  même.  On  retire  ce  fuc  des 
cannes  à  fucre ,  des  racines  de  car- 
rottes ,  des  différentes  efpèces  d'é- 
rables ,  ^cc. 

Ce  fuc  efl  rendu  vifible  fur  les 
feuilles  &  fur  les  branches ,  comme 
on  peut  l'obferver  fut  les  chênes  Se 
les  frênes,  le  tilleul  ,  ôcc.  Il  fe  pré- 
fente d'abord  fous  la  forme  d'une 
humidité  gluante  ,  il  devient  enfuite 
fembiable  au  miel  ,  &   il  acquiert 


MIE 

enfin  la    confiftance  de   la   manne. 
(  f'Ojt-r  Miel  ,  MANNt  ) 

L'abbé  de  Sauvages  a  oblervé  deux 
fortes  de  mie'Lus  ou  fucs  miellés ,  qui 
paroiffent  d'ailleurs  de  même  nature , 
(Ik  qui  fervent  également  aux  mou- 
ches à  miel  :  l'une  cfl  celle  qu'on 
trouve  naturellement  fur  les  diffé- 
rentes parties  des  végétaux  ^  l'autre 
cft  le  lue,  qui  a  palTé  à  travers  les 
organes  de  ladigeftion  des  pucerons. 

Quelquefois  le  fuc  miellé  n'eft  point 
l'efter  d'une  maladie;  mais  il  elt  feu- 
lement produit  par  une  tiop  grande 
abondance  de  fucs  dans  les  végétaux. 
Quand  la  quantité  de  ce  fuc  eft  trop 
conlidérable  ,  &  cp'il  fe  préfente 
dans  des  circonftances  défavorables, 
il  fait  beaucoup  de  tort  aux  plantes 
&  aux  arbres  :  on  obferve  cependant 
qu'ils  fouflrent  mcyns  de  cette  ma- 
ladie que  les  plantes.  L'ardeur  du 
foleil  ,  lorfqu'elle  dure  longtemps  , 
détermine  le  fuc  miellé  à  paroître 
au  dehors.  Les  végétaux  les  plus  vi- 
goureux en  fournirient  plus  abon- 
damment que  les  autres.  Les  plantes 
qui.croilTent  dans  les  terres  qui  ont 
reçu  de  fréquens  la'Dours  &  plufieurs 
engrais  ,  font  très-robuftes  :  auffi  a- 
r-on  obfervé  que  les  récoltes  dans  ces 
fortes  de  terreins  font  très  fujettes 
au  miellat ,  ce  qui  a  été  attribué  ,  par 
quelques  cultivateurs  ,  aux  exhalai- 
fons du  fumier.  On  ne  doit  cepen- 
dant pas  pour  cela  fe  difpenfer  de 
fumer  les  terres  ^  parce  qu'on  ga-- 
rantit  par  ce  moyen  les  plantes  de 
plufieurs  autres  maladies  plus  dange- 
reufes  que  le  fuc  miellé. 

Dans  la  chaleur  du  jour,  le  fluide 
miellé  qui  fort  des  végétaux  n'a  point 
encore  acquis  une  certaine  confiftan- 
ce j  il  refte  dans  cet  état  tant  que  le 
foleil  tft  fur  l'horizon  j  mais  auflltôt 


MIE 

qu'il  eft  couché  ,  la  fraîcheur  de  l'air 
rend  ce  fuc  plus  épais ,  Se  les  rofées 
l'enlèvent  enfuire  de  delfus  les  plan- 
tes ;  car  il  eft  diiroluble  dans  l'eau. 
Lorfque  ce  Huide  refte  longtemps  fur 
les  plantes  ,  il  fe  répand  lur  toutes 
les  parties  extérieures ,  il  bouche  les 
pores  ,  &  nuit  par  conféquent  à  la 
végétation  ,  en  arrêtant  la  tranfpira- 
lion.  11  attire  ainfi  les  infeétes  qui 
piquent  la  plante  6c  peuvent  la  faire 
périr. 

Lorfque  les  rofées  font  peu  abon- 
dantes ,  le  miellat  refte  fur  les  feuil- 
les ,  &  les  plantes  font  en  dan- 
ger ;  il  eft  à  défirer  alors  qu'il  lur- 
vienne  au  bout  de  deux  ou  trois 
jours  des' pluies  qui  compenient  les 
rofées.  Le  vent  après  la  pluie  ou 
après  la  rofce ,  aide  beaucoup  à  dé- 
gager les  plantes  de  ce  fuc.  C'eft 
par  cette  raifon  que  les  bleds  qui 
font  dans  des  champs  ouverts ,  font 
moins  fujets  à  cette  maladie  ,  que 
ceux  qu'on  a  femés  dans  des  enclos.** 
On  doit  donc  lailFer  un  libre  palFai^e 
au  vent  dans  les  champs  où  les  plan- 
tes font   fujettes  à  être  miellées. 

Lorfqu'il  tait  chaud,  que  les  nuits 
font  fèches  &  qu'il  n'y  a  point  de 
veîit  ,  il  eft  tacile  de  reconnoître  le 
miellat  ,  fi  les  jeunes  épis  font  en 
même  temps  décolorés  ,  &  fi  l'on 
fent  fur  les  plantes  un  fuc  gluant. 

Les  principaux  moyens  de  garantir 
les  récoltes  de  cette  maladie,  font 
de  delfoler  les  terres  :  on  a  encore 
confeillé  de  fumer  les  terrein's  où  l'on 
a  fujet  de  craindre  que  la  récolte 
ne  foit  miellée  ,  avec  de  la  fuie 
préférablement  au  fumier  ordinaire  , 
parce  que  la  fuie  fournit  des  fucs 
moins  épais  que  celui-ci.  On  a  re- 
marqué que  le  froment  femé  [ç  plus 
»ard  étoit  le  plus  fujet  à  cette  ma- 


M  I  E  545 

ladie,  parce  que  le  miellat  étant  pro- 
duit, iur-toutdans  l'été,  les  plantes 
femées  trop  tard  font  alors  tendres 
&  propres  à  la  produétion  de  ce  fuc. 
Lorfque,  au  contraire  ,  le  grain  a  été 
mis  en  terre  de  bonne  heure  ,  les» 
plantes  qui  lont  déjà  vigoureiafes  en 
été  ne  fourniirenr  prefque  point  de 
miellat. 

Lorfqu'un  champ  eft  miellé  ,  & 
qu'il  furvient  une  pluie  douce  &  fans 
vent  ,  le  fuc  dillous  fe  répand  fur 
toute  la  plante  :  s'il  ne  fait  pas  une 
pluie  accompagnée  de  vent ,  ou  que 
les  rolées  ne  foient  pas  fufïîfantes, 
on  court  le  plus  grand  rifque  de  per- 
dre toute  la  récolte.  Quelques  cul- 
tivateurs ont  confeillé  dans  ce  cas, 
de  mener  dans  les  champs  des  gens 
qui  frappent  doucement  les  plantes 
avec  des  branches  de  frêne  chargées 
encore  de  leurs  feuilles.  On  doit 
ufer  ds.ce  moyen  avant  le  lever  du 
foleil  ,  ou  du  moins  avant  que  le 
foleil  ne  foit  fortj  parce  que  ce  re- 
mède eft  plus  efficace  lorfque  la  rofée 
eft  encore    fur  les  plantes. 

On  peut  ,  au  lieu  de  branches 
d'arbres  ,  fe  fervir  d'une  corde  gar- 
nie d'un  filet  étroit.  Deux  hom- 
mes ,  avant  le  lever  du  foleil  ,  en- 
trent dans  le  champ  ,  &  marchant 
de  front,  ils  le  parcourent  en  faifanc 
pafler  la  corde  ou  le  filer  fur  tous 
les  épis  qui  fe  relèvent  à  mefiire  & 
fe  déchargent  du  miellar  dilfous  par 
la  rofée.  Cette  opération  produit  le 
même  efFer  que  le  venr.  Lorfqu'il 
n'y  a  eu  ni  pluie  ni  rofée ,  on  tâche 
d'arrofer  le  champ  au  moyen  d'une 
pompe.  Ce  moyen  eft  plus  difficile 
que  les  autres  à  mettre  en  ufage  • 
mais  il  eft  très -efficace  ,  &  peut 
être  d'un  grand  fecours  pour  des  ré- 
coltes particulières- 


544  M  I  G 

Ce  que  nous  avons  dit  da  bled  a 
lieu  pour  toutes  les  autres  plantes. 
A.  B. 

MIGRAINE.  Médecine  rurale. 
JDouleur  aiguë  ,  qui  occupe  le  côté 
droit  ou  le  côté  gauche  de  la  tête  , 
quelquefois  le  devant ,  le  derrière  & 
le  fommet,  &  fouvent  dans  un  féal 
point.  La  migraine  efl;  toujours  ca- 
raétérifée  par  des  douleurs  vives  , 
aiguës  &  lancinantes.  Ceux  qui  en 
font  attaqués ,  ne  peuvent  pas  quel- 
quefois fupporter  la  lumière  du  jour, 
ik  font  obligés  de  fe  renfermer  dans 
lobfcurité.  Ces  douleurs  ne  fe  bor- 
nent pas  toujours  à  l'endroit  affedé , 
elles  s'étendent  quelquetois  jufqu'aux 
oreilles  ,  de  telle  forte  que  le  moin- 
dre air  produit  dans  cet  organe  une 
fenfation  des  plus  vives  &  des  plus 
douloureufes  :  les  genciyes  fe  relîen- 
tent  quelquefois  auifi  de  leur  impref- 
Con. 

Dans  certains  fujets ,  la  migraine 
occupe  une  partie  ii  petite,  qu'il  leur 
femble  qu'on  leur  enfonce  un  clou. 
Le  pouls,  dans  cet  état,  fe  relfent 
de  l'irritation  de  la  têtej  il  ell  ferré, 
rendu  «Se  piquant.  La  convuhîon  fur- 
vient;  les  foubrefauts  des  tendons  fe 
font  appercevoir  ,  ainli  que  les  nau- 
fces  &  le  vomiffement.  Il  eft  aifé 
de  diftinguer  la  migraine  du  mal  de 
tète  général,  appeWc  cephalc-e.  Dans 
celui  -  ci  la  douleur  eft  étendue  , 
ôc  il  n'y  a  aucune  partie  de  la  tète 
qui  en  foit  exempte  ;  dans  la  pre- 
mière ,  au  contraire  ,  la  douleur  eft 
circonfcrite  &  fixée  à  un  feul  côté. 

La  migraine  eft  véritablement  une 
maladie  périodique.  La  moindre  er- 
reur dans  le  régime,  le  palTage  fubit 
d'un  endroit  chaud  en  un  lieu  froid, 
la  fuppreiîion  de  tranfpiration  ,  don- 


M  I  G 

neront  nailfanceà  des  retours  pério- 
diques. 

Ceux  qui  mènent  une  vie  molle 
&:  oifive ,  les  gros  mangeurs ,  ceux 
qui  ne  font  aucun  exercice  ;  les  fem- 
mes, &  fur-tout  celles  qui  font  fté- 
riles,  font  en  général  très-fujettes  à 
la  migraine  :  leur  organifation  ,  la 
fenfibilité  de  leurs  nerfs  prêtent  beau- 
coup au  développement  de  cette  ma- 
ladie. 

Tout  ce  qui  peut  afFeéter  la  tcte  &  les 
parties  qui  en  dépendent,  peut  l'exci- 
ter. L'irritation  des  fibres  du  cerveau, 
(Se  de  fes  membranes ,  leur  inflamma- 
tion, la  contufion  du  péricrane  ,  des 
coups  portés  à  la  tête ,  la  léfion  des  par- 
ties molles  &extetnes,  une  commo- 
tion quelconque,  font  autant  de  caufes 
idiophatiques  de  la  migraine  j  mais 
elle  en  a  de  fympathiques  ,  telles 
qu'une  abondante  faburre  des  pre- 
mières voies  ,  la  préfence  des  vers 
dans  l'eftomac  ,  la  fuppreflion  des 
ipois ,  du  flux  hémorroïdal  &  des 
lochies  ,  la  répercuflion  de  quelque 
éruption  cutanée  ,  &  tout  ce  qui 
peut  affeder  la  matrice  &  les  parties 
qui  en  dépendent. 

Elle  eft  aulli  occafionnée  quelquefois 
parla  plénicude  générale  des  humeurs, 
(Se  par  des  caufes  morales  ;  dans  ce 
nombre  on  doit  comprendre  tout  ce 
qui  peut  affecter  trop  vivement  l'ame, 
&  exciter  certaines  ofcillationsdnns  le 
fyftème  nerveux  j  les  vives  pafGons , 
les  grands  chagrins  ,  des  défirs  im- 
modérés ,  mais  rendus  vains  j  une 
irritation  extrême  dans  le  fyftème 
artériel. 

Elle  dépend  très -fouvent  d'un 
exercice  trop  f(.;rt ,  d'un  travail  trop 
pénible  ,  de  l'abus  des  boifTons  fpi- 
ricueufes. 

D'après  la  différence  des  fympto- 

mes 


M  I  G 

mes  qui  caraftérifenc  la  migraine  Se 
la  céphalée ,  ou  le  mal  de  têce  gé- 
néral ,  on  peut  dire  qu'il  n'y  a  per- 
fonne  ,  même  parmi  celles  qui  ne 
font  pas  de  l'arr  ,  qui  méconnoifle 
la  migraine  ,  &  qui  ne  la  diftingue 
de  l'autre  maladie. 

La  migraine  en  général  eft  une 
maladie  peu  dang€ireufe  ;  il  ne  faut 
cependant  pas  la  ri^liger ,  ni  la  per- 
dre de  vue.  Il  ne  faut  pas  aulîî  trop 
la  heurter  par  des  applications  & 
des  remèdes  peu  convenables  ,  elle 
pourroit  avoir  des  fuites  très-fàcheu- 
fes  j  dégénérer  en  inflammation  , 
&  expofer  le  malade  au  plus  grand 
danger,  ou  déterminer  certaines  ma- 
ladies de  l'œil  ,  &  occafionner  la 
perte  de  cet  organe. 

On  doit  être  très-réfervé  p®ur  dif- 
férentes applications  vulgaires  qu'on 
n'oublie  jamais  de  mettre  en  exécu- 
tion ,  &  qui  pour  l'ordinaire  font  nui- 
fibles. 

Il  faut,  avant  d'en  venir  aux  re- 
mèdes ,  examiner  avec  attention  , 
&  tâcher  de  découvrir  la  véritable 
caufe  de  la  migraine ,  &  agir  en  con- 
féquence. 

On  combattra  la  migraine  par 
caufe  putride  des  premières  voies  , 
avec  des  vomitifs  &  des  purgatifs 
appropriés  5  &  fi  malgré  l'ufage  de  ces 
remèdes  ,  elle  perfille  &  reconnoît 
pour  caufe  la  foibleiïe  de  l'eftomac, 
on  donnera  des  eaux  ferrugineufes , 
les  martiaux  ,  quelques  cuillerées 
d'élixir  de  garrus ,  du  cachou  brut , 
ou  prépaie  à  la  violette  ,  le  rob  de 
genièvre,  de  la  rhubarbe  ,  &  au- 
tres   différens  (lomachiques. 

Si  elle  dépend  de   la  fuppreflion 
des  règles ,  eu  des  hemorrhoïclcs ,  ou 
de  l'écoulement  d'un  cautère ,  il  faut 
Tome  ri. 


M  I  G 


54Î 


alots  rétablir  ces  évacuations  ,  foit 
par  la  fp.is^nés  ,  foit  par  les  fangfues, 
foi;  par  k  véiîcatoire  ,  pout  fuppléer 
à  l'écoulement  fupprimé. 

Si  elle  efl:  occafionnée  par  la  ten- 
don des  nerfs  ,  une  irritation  con- 
fidérable  ,  par  un  état  fpafmodique  , 
&  di  roideur  de  tout  le  corps  ;  les 
bains  domeftiques ,  les  bouillons  frais , 
les  remèdes  anti-fpafmodiques,  tels 
que  le  camphre  corrigé  par  le  nitre  , 
les  narcotiques  donnés  à  une  dofe 
modérée  \  l'eau  de  fleurs  de  tilleul, 
une  infufion  de  fleurs  de  camomille 
ou  de  menthe  ,  le  petit-lait  ,  font 
les  remèdes  recommandés  en  pareil 
cas. 

Si  ce  font  des  vers  contenus  dans 
l'eftomac  ,  qui  lui  donnent  nailTance , 
les  huileux  combinés  avec  la  théria- 
que ,  l'eau  de  menthe  ,  &  les  diffé- 
rentes poudres  abforbantes  ,  produi- 
ront à  coup  fur  les  effets  les  plus  falu- 
taires. 

La  faignée  du  bras  &  du  pied 
trouvera  fon  emploi  j  lorfque  la  mi- 
graine reconnoîtta  pour  caufe  la  plé- 
nitude du  fang  ,  &c. 

Si  le  mal  de  tète  ne  cède  point  à 
ces  remèdes  ,  on  appliquera  fur  la 
partie  dou'oureufe  ,  des  compreffes  '^  ■ 
imbibées  d'eaude-vie  de  lavande  , 
ou  d'efprit-de  vin  camphré  ,  ou  un 
emplâtre  d'opium. 

On  employera  le  quinquina  dans 
la  migraine  périodique  ,  fans  néan- 
moins perdre  de  vue  l'intenfité  de  ■ 
la  douleur  ,  &  certaines  autres  cir- 
conftances  qui  peuvent  être  infépara- 
bles  de  la  maladie. 

Mais  le  cautère  eft  le  vrai  fpéci- 

fique  des  migraines  invétérées.  Gramt 

a  guéri  une  demoifellc  qui  fouffroit 

d'une  migraine  violente  depuis  beau- 

Z  z  z 


54^ 


M  I  G 


coup  d'années  ,  en  lui  faifant  un 
cautère  fur  la  tête,  à  la  jonftion  des 
deux  futures  fagittales  &  temporales; 
mais  la  profondeur  de  ce  cautère  doit 
porter  jufqu'à  l'os ,  il  faut  qu'il  foit 
découvert  entièrement,  tV-  dépouillé 
de  fon  périolle. 

Dans  la  migraine  ,  par  relâche- 
ment &  foiblelfe  de  toute  la  conf- 
titution  ,  le  bain  froid,  les  fubftan- 
ces  aromatiques,  le  quinquina,  &  les 
différentes  préparations  martiales  , 
font  très-convenables. 

Wefley  fait  recevoir  par  le  nez  , 
pendant  demi-heure, la  fumée  d'am- 
bre; il  recommande  un  autre  moyen, 
qui  peut  fuppléer  au  cautère;  il  veut 
qu'on  faffe  rafer  la  partie  de  la  tcte 
qui  eft  affedtée,  qu'on  y  applique  un 
emplâtre  qui  puilfe  s'attacher  ,  & 
dans  lequel  on  aura  pratiqué  un  trou 
rond  ,  laige  comme  une  pièce  de 
vingt-quatre  fols ,  &  qu'on  mette  fur 
ce  trou  des  feuilles  de  renoncule  fraî- 
chement écrafées  &:  remplies  de  leur 
jus.  C'eft  un  vélîcatoire  fort  doux  , 
qu'on  peut  mettre  en  ufage  fans  cou- 
rir le  moindre  rifque. 

Quand  la  migraine  a  pour  caufe 
l'humeur  de  la  goutte  remontée  ,  fi 
le  malade  ne  peut  point  fupporter 
la  faignée  ,  on  fera  baigner  fou- 
vent  {es  pieds  dans  l'eau  tiède  ,  Se 
on  les  lui  frottera  fcuvent  avec  une 
toile.  Si  ces  deux  moyens  font  in- 
fuftifans  ,  on  lui  appliquera  des  ca- 
raplafmes  de  moutarde  Se  de  raifort, 
ou  des  finapifmes  à  la  plante  des 
pieds. 

Enfin  ,  les  fecours  moraux  vien- 
dront à  l'appui  de  ces  différcns  re- 
mèdes ,  il  la  migraine  eft  caufce  par 
de  vifs  chagrins ,  &  par  certaines 
aftedions  de  l'ame.  M.    Aiii. 


M  I  L 

MILLE-FEUILLE.  (  Foye:^  plan^ 
che  XIII  j  page  496  )  Tournefort 
la  place  dans  la  troifième  feâion  de 
la  quatorzième  clalfe,  qui  comprend 
les  herbes  à  fleurs  radiées ,  dont  lesi 
femences  n'ont  ni  aigrette  ni  cha- 
piteau de  feuilles.  Se  il  l'appelle  milie- 
folium  j  vutgarè  album.  Von  Linné 
la  nomme  achUlca  mïllc-jolïum  ,  Sc 
la  clalle  dans  Ivfingénéfie  polyga- 
mie fuperfluc. 

Fleurs.  Radiées  ,  corapofées  d'un 
amas  de  fleurons  hermaphrodites  dans 
le  difque ,  6c  ornées  d'un  cercle  de 
demi  fleurons  femelles  dans  la  cir- 
conférence. B  repréfente  un  fleuron  : 
c'eft  un  tube  évafé  à  fon  extrémité. 
Se  découpé  en  cinq  p.itties.  Le  demi- 
fleuron  C  eft  fillonné  dans  fa  longueur , 
terminé  par  trois  dentelures  :  ils  re- 
pofent  les  uns  &  ks  autres  au  fond 
du  calice  D ,  Sc  produifent  les  fe- 
mences E. 

Feuilles.  Adhérentes  aux  tiges  , 
oblongues  ,  deux  fois  ailées  ,  leurs 
découpures  linéaires  &  dentées. 

Racine  A.  Ligneufe  ,  fibreufe  j 
noirâtre  ,   traçante. 

Port.  Tige  d'un  pied  &  demi  & 
plus  ,  fuivant  les  terreins  ,  roides  , 
menues  ,  cylindriques  ,  canne- 
lées ,  velues  ,  rameufes  ;  les  fleurs 
naiflent  au  fommet  en  forme  de 
corymbe  applati  ;  les  feuilles  font 
alternativement  placées  fur  les  tiges. 
11  y  a  une  variété  du  mille-feuille  , 
à  fleur  rouge  ou  pourpre.  Cette  plante 
peut  figurer  dans  les  jardins. 

Lieu.  Les  bords  des  chemins  ;  la 
plante  eft  vivace  &  fleurit  pendant 
tout  l'été. 

Propriétés.  Les  feuilles.  Saveuramè- 
re,  légèrement  auftère,  d'une  odeur 
aromatique,  légère,  lorfque  les  feuil- 
les font  récentes  C?c  froillées.  Cette 


M  I  L 

plante  eft  répiicée  aftringence  8c  réfo- 
lu:ive.  Quelques  auteurs  l'oiic  vantée 
dans  les  liémorrhagies  internes,  pour 
déterger  les  ulcères  des  poumons  & 
de  la  veille;  dans  la  diarrhée  &  la 
diirenterie,  pour  expulfer  les  graviers 
des  reins  &  de  la  veille  \  les  autres  , 
au  contraire  ,  foutiennen:  que  le 
fuccès  eft  fort  douteux. 

Ufagc.  On  a  qualifié  cette  plante 
du  nom  d'herbe  au  charpentier ,  parce 
que  pilée  &  appliquée  fur  une  plaie 
récente  ou  une  coupure  ,  elle  facilite 
la  réunion  des  lèvres  &  la  cicatrice. 
Cette  guérifon  n'eft  elle  pas  pure- 
ment mécanique  ?  On  fçait  qu'il 
fuffit  d'intercepter  le  contad:  de  l'air 
extérieur  à  une  plaie  récente  ,  pour 
qu'elle  fe  cica;rife  d'elle-mcme.  La 
nature  fait  enfuite  elle  feule  la  cu- 
re ,  qu'on  attribue  mal -à  -  propos  à 
la  plante  :  une  comprelTe  imbibée 
d'eau  pure  auroit  tu  le  même  fuccès 
fur  un  homme  fain.  On  prépare  un 
fyrop  avec  la  mille-feuille  ,  qui  ne 
produit  pas  plus  d'effets  que  le  fuc 
des  feuilles  ,  épuré  &  édulcoré  avec 
du  fucre. 

MîLLE-PERTUIS.  (  Voye^pLvi. 
cheXIII,  page  49(5  )  Tournefort  l'ap- 
pelle hypericum  vulgare^  ik  le  place 
dans  la  quatrième  fecbion  de  la  fixième 
clalTe  des  herbes  à  fleurs  de  plufieurs 
pièces  ,  régulière  ,  en  rofe  ,  &  dont 
le  piftil  devient  un  fruit  divifé  en 
cellules.  Von  Linné  le  nomme  hy- 
pericum perforatum  ^  &  leclalTe  dans 
la  polyadelphie  polyandrie. 

Fleur.  Compofée  de  cinq  pétales 
en  rofe.  Chacun  de  ces  pétales  B  eft 
eerminc  par  une  pointe  qui  fe  dirige 
conftamment  de  droite  à  gauche  ,  ou 
de  gauche  à  droite  ,  en  fe  rappro- 
ch?nc  de  la  bafe.  Les  étamines  font 


M  I  L 


547 


tingées  autour  de  l'ovaire ,  &  patra- 
gées  en  rrois  faifceaux  ,  comme  on 
le  voit  diftindemcnt  dans  la  flcur 
qui  termine  la  tige.  Les  anthères  C 
font  tefticulaires.  D  repréfente  le 
piftil  attaché  au  fond  du  calice  qui 
eft  divifé  en  cinq  fegmens. 

Fru'u  E.  le  piftU  fe  change  en  un 
fruit  compofé  de  trois  capfules.  En  G 
on  voit  le  fruit  coupé  tranlverfalement. 
Les  femences  F  font  oblongues,  lui- 
fantes  ,  d'une  odeut  &  d'une  faveur 
réfineufe. 

Feuilles.  Obtufes  ,  fans    pétioles , 
veinées,  marquées  de  points  brillans. 
Racine  A.   Ligneufe  ,    fibreufe  , 
jaunâtre  &  dure. 

Port.  Tiges  hautes  d'une  coudée 
&  plus  ,  nombreufes  ,  ligneufes  , 
roides  ,  cylindriques  ,  rougeâtres  , 
branchues;  les  fleurs  au  fommet  des 
rameaux  ;  les  feuilles  oppofées  deux 
à  deux  ;  elles  paroilfent  percées  de 
plufieurs  trous  :  ce  font  des  glandes 
vcficulaires ,  femées  fur  les  deux  fur- 
faces  avec  des  points  noirs  ,  fcni- 
bl.ibles  à  ceux  qu'on  obferve  fur  les 
folioles  du  calice. 

Lieu.  Les  prairies ,  le  long  des  che- 
mins; la  plante  eft  vivace  &  fleurit 
en  juin  ,  juillet  &  août. 

Propriété.  La  femence  eft  d'une 
faveur  amère  &  rélîneufe,  celle  des 
feuilles  eft  un  peu  falée  ,  ftyptique 
&  légèrement  amère  ;  les  fleurs  Se 
les  femences  ont  une  odeur  de  re- 
fîne :  cette  plante  tient  le  premier 
rang  parmi  les  vulnéraires  ;  elle  eft 
réfolutive ,  diurétique  ôc  vermifuge. 
Ufage.  On  fe  fert ,  pour  l'homme  , 
des  feuilles ,  des  (leurs ,  des  femences , 
des  fommités  fleuries  ,  intufées  ou 
bouillies  dans  du  vin  ou  dans  de  l'eau , 
à  la  dofe  d'une  poignée  ,  &  des  fe- 
mences à  la  dofe  de  demi-once.  Pour 
Z  z  z   z 


548 


M  I  L 


les  animaux,  la  dofe  eft  une  poignée 
de  toute  la  plante  en  infulioii  dans 
une  à  deux  livres  d'eau.  Les  feuilles 
appliquées  fur  les  plaies  récentes  , 
comme  celles  de  la  mille-feuille. 
Quant  à  l'huile  dans  laquelle  on  a 
mis  j  pendant  plufieurs  jours  ,  digé- 
rer les  feuilles  ,  les  fleurs  &  les  fe- 
mences  de  raille-pertuis  ,  elle  a  les 
mêmes  propriétés  que  l'huile  d'olive. 

MIILETou  PETIT-MU.  Tour- 

nefort  l'appelle  miliium  femaie  luteo  , 
Se  le  place  dans  la  trente-cinquième 
feélion  de  la  quinzième  clalle  des 
herbes  à  fleurs  à  étamines  ,  qu'on 
nomme  graminées ,  &  dont  on  peut 
faire  du  pain.  Von  Linné  le  nomme 
panïcum  mUïaccum  ,  &  le  clafle  dans 
la  triandriedigynie. 

Fleur.  A  éramine  ,  compofée  de 
trois  étamines ,  &  d'une  baie  qui 
ne  contient  qu'une  fleur ,  &:  qui  eft 
divifée  en  trois  valvules,  dont  l'une 
eft  très-petite  ;  dans  la  bâie  on  trouve 
deux  autres  valvules  ovales  ,  aieucs 
comme  les  précédentes ,  &  qui  tien- 
nent lieu  de  corolle. 

Fruit.  Semences  ovoïdes ,  un  peu 
applaties  d'un  côté,  luifantes  ,  lilles, 
renfermées  dans  les  valvules  inré- 
rieures. 

Feuilles.  Longues  ,  terminées  en 
pointe  ,  élargies  par  le  bas ,  revêtues 
d'un  duvet  dans  la  partie  de  leur 
bafe  ,  qui  embralfe  la  ti^e  en  ma- 
niere  de  gaine. 

Racine.  Nombreufe  ,  fibreufe  , 
blanchâtre. 

Porc.  Tiges  de  deux  à  trois  pieds, 
droites ,  noueufes;  les  fleurs  au  fom- 
nîet ,  difpofées  eu  panicules  lâches. 
Il  y  a  une  efpèce  de  millet  dont  les 
femences  font  noires,  &  ont  la  même 


M  I  L 

forme  que  les  autres  j  ce  qui  ne  conf- 
titue  qu'une  variété. 

Lieu,  Originaire  des  Indes  orien- 
tales j  aujourd'hui  cultivé  dans  nos 
champs  ;  la  plante  eft  annuelle. 

Propriétés.  La  femence  eft  fari- 
neufe  ,  infipide  ,  peu  agréable  ,  peu 
nourrilFante  ,  indigefte  ,  venteufe. 
Dans  quelques  provinces  de  France 
on  en  fait  du  pain  ;  les  Tartares  en 
tirent  une  boiflon^  un  aliment.  On 
peut  en  donner  aux  beftiauxj  mais 
ion  principal  ufage  eft  pour  nourrir 
&  engraifler  la  volaille.  On  parlera 
ci-après  de  fa   culture. 

Millet  des  Oiseaux  ,  ou  Panis." 
Tournefort  Je  place  dans  les  mêmes 
fe(5lions  &  dalles  que  le  précédent^ 
&  il  l'appelle  pariLCum  germanicum  , 
Jîve  panïcula  minore flava.  Von  Lin- 
né le  nomme  panicum  italicum. 

Fleur.  Caraélère  de  celle  du  mil- 
let. On  y  trouve  une  barbe  plus 
courte  que  la  bâIe. 

Fruit.  Semences  rondes  ,  plus  pe- 
tites que  celles  du  millet. 

Feuilles.  De  la  longueur  &  de  la 
forme  de  celles  du  njeau  ,  plus  ru- 
des &c  plus  pointues  que  celles  du 
millet. 

Racine.  Forte  ,  fibreufe. 

Port.  Tiges  de  deux  à  trois  pieds, 
rondes,  folides,  noueufes  5  les  fleurs 
nailfent  au  fommer  ,  dirpofc'es  en 
efpèce  de  panicule ,  ou  épi  compofé 
d'une  multitude  de  petits  épis  ferrés, 
ralfemblés  par  paquets ,  mêlés  de 
poils  ,  portés  fur  des  péduncules 
velus. 

Lieu.  Les  Indes  ,  l'Italie  ,  cultivé 
dans  nos  champs  &  dans  nos  jar- 
dins :  la  plante  éft  annuelle. 

Propriétés.  La  fariaie  eft  fade ,  pea 


MIL 

mucilagineufe  j  on  la  croit  un  peu 
defllcative,  adouciirante  &  dcterfive. 
Ufage.  Dans  le  cas  de  dilctte  on 
en  fait  du  pain.  On  mange  le  panis 
mondé  &  cuit,  dans  du  lait,  dans 
du  bouillon  ,  ou  dans  de  l'eaiu  II 
fert  à  nourrir  les  oifeaux  &  la  vo- 
laille. 

Grand  Millet  noir  ,  ou  Mil- 
let d'Afrique, ou  Sorghum.  Tour- 
iietort  le  nomme  mdium  arundina- 
ceum  j  fub  rotundo  fcmine  nigrante  , 
Sorgho  nominatum  ,  &  le  place 
parmi  les  millets  qu'on  vient  de  dé- 
crire. Von  Linné  l'appelle  holius 
forghum  ,  &  le  claiïè  dans  la  poly- 
gamie inonoécie.  Nous  avons  cru  , 
afin  d'éviter  la  confufion  ,  devoir 
rapprocher  ces  trois  efpèces ,  à  caufe 
des  noms  François  qu'on  leur  donne. 

Fleur.  Sans  pétales ,  à  trois  éta- 
mines  ,  fleurs  hermaphrodites  &  mâ- 
les fur  le  même  pied  ;  les  herma- 
phrodites compofées  d'une  balle  à 
deux  valvules  ,  qui  renferme  une 
feule  fleur  velue  dans  cette  efpèce. 
Dans  la  balle  on  trouve  deux  autres 
valvules  velues,  molles  ,  plus  petites 
que  le  calice ,  l'intérieur  plus  petit  : 
on  peut  les  confidérer  comme  une 
corolle.  .  .  .  Les  fleurs  mâles  n'ont 
qu'une  balle  à  deux  valvules  j  elles 
font  velues. 

Fruics.  Les  fleuts  mâles  font  fté- 
riles  ;  chaque  femelle  porte  une  fe- 
mence  noire  ou  blanche  ,  couverte 
par  une  efpèce  de  corolle  :  la  cou- 
leur ne  conftitue  qu'une   variété. 

Feui'les.  Simples  ,  entières,  poin- 
tues ,  évafées  dans  le  bas,  embraf- 
fant  la  tige  par  leur  bafe  en  ma- 
nière de  gaine  ,  partant  de  chaque 
articulation. 

Porr.  Tige  ordinairement  unique. 


M  I  L  549 

haute  de  cinq  à  huit  pieds ,  fuivant 
la  culture  ,  cylindrique  ,  articulée  , 
droite  ,  un  peu  penchée  à  fon  extré- 
mité lupérieure.  Les  fleurs  naillent 
au  fominet  ,  dilpofées  en  grolfes 
panicuies  rameufes.  Le  forghum  blanc 
eft  cultivé  à  Malte ,  lous  le  nom  de 
carambojje. 

Lieu.  Cette  plante  eft  originaire 
des  Indes  ,  &  elle  eft  vivace. 

Propriétés.  La  femence  nourrit 
la  volaille  &  le  bétail  \  les  feuilles 
nourrilTent  également  ces  derniers  , 
comme  celle  du  maïs. 

Millet  d'Inde  ,  ou  gros  Millet. 
Voye\   Maïs. 

§.  I.  De  la  culture  des  deux  premiers 
millets. 

La  première  efpèce  eft  plus  com- 
munément femée  en  pleine  cam- 
pagne ,  &  la  féconde  dans  les  jar- 
dins^ cependant  toutes  deux  peuvent 
l'être  dans  les  champs  ;  elles  aiment 
les  fols  légers,  mais  fubftanciels,  &: 
pourrilTent  dans  ceux  qui  font  trop 
humides.  On  fe  contente ,  pour  l'ordi- 
naire, de  donner  un  feul  labour,  ou 
deux  au  plus  :  mais  ce  n'eft  point  aflx-z 
lorfque  la  terre  eft  un  peu  forte  j  la 
plante  ne  réuflit  que  lorfque  la  terre 
eft  bien  préparée  &  bien  émiettée. 
Cette  dernière  circonftance  eft  eften- 
tielle  dans  tous  les  cas ,  autrement 
la  femence  qui  eft  fine  ,  leroit  en- 
fouie fous  des  motes  de  terre  tju'elle 
ne  pourtoit  pas  traverfer  lors  de  fx 
germination. 

Ces  plantes  ,  originaires  des  pays 
chauds  ,  &  annuelles  ,  craignent  les 
plus  petites  gelées.  Le  climat  ,  la 
faifon  ,  indiquent  donc  1  époque  à 
laquelle  on  doit  les  fismer  j  c'tft-à- 


550  MIL 

d'ire  ,  du  momeiu  que  dans  chaque 
canton  on  ne  redouce  plus  les  funeltes 
etfecs  du  troid.  11  n'y  a  donc  aucun 
jour,  aucun  mois  ,  qui  hxent:  les  le- 
mailles  ;  elles  dépendent ,  &  du  can- 
ton ,  &:  des  circonftances. 

11  ell  avantageux  de  femer  par 
tables  de  crois  à  quatre  rangées  de 
plans  ,  &  de  lailTer  un  petit  fentier 
entre  deux  :  ce  moyen  facilite  l'en- 
]èvemeac  des  herbes  &  le  ferfouif- 
fage  de  temps  à  autre.  A  mefure 
que  la  tige  s'élève  ,  le  collet  des 
racines  fe  déchauire,  &  s'il  furvienc 
luie  fécherefle  ,  la  plante  foufFre  , 
au  lieu  qu'en  ferfouillant,  ou  labou- 
rant, comme  il  a  été  expliqué  au  mot 
Maïs  ,  on  ramène  chaque  tois  la  terre 
vers  le  pied  ,  on  chaulFe  la  plante , 
elle  profite  beaucoup  ,  &  elle  craint 
moins  la  fécherelfe.  Si,  au  contraire, 
la  faifon  eft  pluvieufe  ,  ces  efpèces 
de  petits  folîés  attirent  &  éloignent 
l'eau  ,  (Sv'  la  plante  n'efl:  pas  pourrie 
par    une  humidité  lurabondante. 

La  graine  de  ces  millets  ,  &  fur- 
tout  du  panis  ,  eft  très-petite  ,  &  il 
eft  difficile  de  ne  femer  que  ce  qu'il 
convient.  On  eft  dans  l'habitude  de 
mêler  du  fable  avec  la  graine ,  afin 
c]ue  la  main  du  femeur  contienne 
moins  de  graines  :  cette  précaution 
eft  peu  utile.  Perfonne  n'ignore  la 
manière  de  placer  un  drap  ou  un  fac 
aii-devant  de  lui  ;  il  imprime  ,  en 
marchant ,  à  ce  fac  ^  à  fon  con- 
tenu ,  un  mouvement  continuel.  Le 
fable  glilTe  entre  les  furfacçs  polies 
de  la  graine,  &  petit-à-petit  gagne 
le  fond  ;  de  manière  qu'en  femant , 
une  partie  du  champ  eft  trop  recou- 
verte des  graines,  &  l'autre  ne  l'eft 
pas  pas  alTez  ,  &  la  dernière  n'a  pref- 
que  que  du  fable.  Il  vaut  mieux  femer 
rou:  uniment  à  1a  volée,  femer  clair, 


M  I  L 

&  lorfque  tous  les  grains  auront  ger- 
mé ,  enlever  les  plans  furnuméraiies 
lorlqu'on  arrachera  les  mauvaifes 
herbes  :  c'eft  l'ouvrage  des  femmes 
ôc  des  enfans. 

Comme  la  panicule  de  la  féconde 
efpèce  de  millet  eft  trop  grofte  ,  rrop 
longue,  «Se  trop  pefante  ,  proportion 
gardée  avec  fa  cige  ,  fur-tout  fi  elle 
eft  agitée  par  le  vent  ,  ou  chargée 
d'eau  des  pluies ,  il  arrive  fouvent 
que  cette  tige  plie ,  fe  corde  ,  ou  eft 
entraînée  fur  le  fol.  Alors  la  matu- 
rité du  grain  devient  incomplecce  , 
ôc  toute  la  plante  fouffre.  Afin  de 
prévenir  tout  accident  j  on  fera  très- 
bien  de  ramer  les  plantes  ainfi  qu'il 
a  été  dit  au  mot  Lin  ;  &  au  défaut 
de  baguettes ,  du  rofeau  des  jardins , 
{  yoyc:^  ces  mots  )  très  -  commodes 
pour  cette  opération  ,  on  fe  fervira 
de  petites  perches  de  faule  ,  ou  du 
bois  le  plus  commun  dans  le  pays  , 
&  par  conféquent  le  moins  cher  , 
fiiivant  les  circonftances.  Cette  pré- 
caution n'tft  pas  à  négliger  pour  la 
première  efpèce  de  millet,  quoiqu'il 
en  air  moins  befoin  que  la  leconde. 

Le  changement  de  couleur  de  la 
plante  indique  qu'elle  approche  de 
ia  maturité ,  i5i  qu'elle  eft  mûre  lorf- 
que la  tige  ,  les  feuilles  &  les  pa- 
nicules  font  d'une  belle  couleur  jaune- 
paille.  Si  on  attend  une  trop  grande 
maturité  ,  on  perdra  beaucoup  de 
graines ,  &  on  infeélera  fon  champ 
pour  l'année  fuivante.  Quoique  la 
tccolte  de  ces  millets  foit  mife 
au  nombre  de  celle  des  petits 
grains  ,  elle  eft  cependant  d'une 
grande  reftource  lorfque  les  faifons 
pUîyieufes  ,  les  froids  ,  &:c.  ont  epi- 
pèché  de  fçmer  les  bleds  aux  époques 
convenables,  ou  lorfque,  par  une 
caufequelconque  j  ils  onc  pcxi  pendant 


M  I  L 

l'hiver.  Cependain,  fi  le  fol  eft  con- 
venable ,  on  doit  leur  préférer  le 
mais  j  (  f^oye^  ce  moc  )  bien  plus 
utile  pour  la  nourticiire  des  hommes 
Se  celles  des  beftiaux. 

§.  II.  De  la  culture   du  forghum. 

Lorfquela  mode  &renthoufiafme 
de  l'agriculture  règnoit  en  France,  il 
y  a  environ  vu^gt-cinq  ans  ,  les  écri- 
vains   parlèrent    beaucoup   de    certe 
plante  ,  &  ils   la   vantèrent  comme 
une  trouvaille  merveilleufe  qui  de- 
voir enrichir  noscampagnes  ;  d'après 
le  réfultat  des  expériences  faites  dans 
des  jardins ,  on  a  calculé  ,    fans    ré- 
fléchir, le  bénéfice  de  fa  culture  dans 
les  champs.  Qu'eftil  réfulté  de  tous 
les  verbiages  des   prôneurs  ?  On  a  , 
pour  ainfi  dire  ,  abandonné  cette  cul- 
ture. Cette  plante ,  étrangère  à  nos 
climats ,  &  qui  n'y  eft  en  aucune  forte 
naturalifée  ,  craint  fmgulièrement  le 
froid  ,    &  elle    exige   une    chaleur 
foutenue  pour  la  maturité  de  fa  fe- 
mence.   Elle  réuflit  donc   très-rare- 
ment dans  nos  provinces  feptentrio- 
iiaîes  ;  &  dans   celles  du   midi  ,   la 
culture  du  maïs   lui    ell    infiniment 
préférable.  Que  le  forghum  réufiilfe 
à  Malte  ,  d'où   nous    l'avons  tiré  ; 
qu'il  réuflîlfe  même  en  Efpagne  ,  ces 
faits   ,  fuppofé    qu'ils    foient     aulîi 
vrais  qu'on  l'a  avancé,  ne  prouvent 
rien  en  faveur  de  la  France.  Les  ex- 
périences faites  fur  le  forghum,  ont, 
en  1760  &  176  I  ,  eu  du  fuccès  dans 
les  environs  de  Berne.   On  doit   en 
conclure  feulement,  que  l'année  lui 
a  été   favorable,   Mais  ,    comme  je 
n'aime  pas  à  juger  d'après  les  autres, 
j'ai  répété  ces  expétiences,  &  dans 
un  jardin  &  dans  les    champs.    Eu 
voici  le  réfultat. 

Sur  une  cable  de  quatre-vingt  pieds 


MIL  ,-51 

de  longueur ,  fur  vingt  pieds  de  lar- 
geur ,  je  femai  environ  une  livre  de 
graine  noire  &  blanche  de  forghum 
confondues.  Cette  table  fut  arrolée  au 
beloin,parirr.'^i2riO/z,-  (/^oye^cemot  ) 
fon  produit  fut  environ  de  cinquante- 
cinq  à  foixante-dix  livres  de  graines, 
&  le  quarc  d'une  charietée  en  riges 
&  feuilles  defféchées.  On  doit  tenir 
compte  de  ce  dernier  produir,  puif- 
qu'il  devient  une  excellente  nourri- 
ture d'hiver  pour  le  bétail.  La  tige  eft 
légèrement  fucrée  :  auili  les  animaux 
ne  lailfent-ils  que  la  partie  qui  avoi- 
fuie  la  racine ,  trop  dure  pour  être 
broyée  &  mâchée. 

Dans  le  champ ,  le  forghum  livré 
à  lui-même  ,  foutfrit  beaucoup  de  la 
fécherelfe  ,  les  tiges  ne  s'élevèrent 
pas  plus  de  quatre  pieds  ,  les  pani- 
cules  de  graines  furent  maigres,  & 
leur  produit,  fur  une  même  érendue  , 
fut  de  vingt  à  vingt- cinq  livres.  11 
ne  m'eft  pas  polîible  d'évaluer  au 
jufte  le  véritable  produit.  Cinquante- 
cinq  livres  du  premier,  iSc  vingt  livres 
du  fécond  ,  font  effeétivement  ce 
que  j'ai  récolté,  &  le  furplus  a  été 
mangé  par  les  moineaux  &  autres 
oifeaux  a  bec  court  &  rote  ,  qui  en 
font  très- friands. 

On  a  avancé  que  cette  plante  n'ef- 
fritoit  pas  la  terre.  La  feule  infpec- 
tion  de  la  multitude  des  chevelus  des 
racines ,  fuffifoit  pour  démentir  cette 
alfertion.  Malgré  cela,  je  puis  ré- 
pondre qu'un  pied  du  tourricfol  , 
(  yoyc^  ce  mot  )  n'effrite  pas  plus 
la  terre  de  fon  voifinage  que  celui 
du  forghum.  Enfin,  j'ai  été  obligé 
de  fumer  fortement  la  planche  du 
jardin  deftinée  à  fa  culture.  Je  fé- 
licite ceux  qui  ont  eu  plus  de  fuccès 
que  moi  \  mais  je  dis  ce  que  j'ai  vu 
ck:  fuivi  de  près  pendant  deux  années 


5  5Î  MIL 

côiifcciuives.  Je  le  répète,  la  culture 
du  maïs  ell  prcférable  à  tous  égards. 

Si  le  forgimm  réuflîr  dans  les  pays 
chauds ,  c'eft  parce  que  l'on  n'y  craint 
pas  les  gelées.  On  a  par  conféquent 
la  facilité  de  femer  de  très-bonne 
heure  ^  \x  plante  profite  desp'uies  de 
lahnde  l'hivei'  c-:  du  printemps  pour 
hâter  fa  forte  végétation,  &  à  mefure 
qu'elle  r.pproche  de  fa  maturité  ,  elle 
a  moins  befoin  de  pluie  ,  &  plus 
befoin  de  chaleur  ^  c'eft  précifément 
ce  qui  arrive  dans  ces  climats.  Au 
contraire,  dans  nos  provinces,  même 
les  plus  méridionales  du  royaume  , 
quoique  l'hiver  n'y  fcic  pas  rigou- 
reux ,  le  voifinage  des  Alpes  ,  des 
P/rennées  ,  eu  de  leurs  embranche- 
mens  Se  de  leur  prolongation  ,  ne 
mettent  pas  à  l'abri  des  gelées.  11 
faut  donc  attendre  qu'elles  ne  foient 
plus  à  redouter.  Dès- lors  la  faifon 
s'avance,  les  pluies celfent,  la  grande 
chaleur  furvient  ;  enfin,  la  végétation 
languit  Se  fouffre  j  &c. 

Si  malgré  ce  que  je  viens  de  dire 
on  veut  tenter  cette  culture  dans 
l'intérieur  du  royaume ,  on  doit  pré- 
parer la  terre  au  moins  par  deux  bons 
labours  croifés ,  ^c  femer  par  filions 
lorfque  l'on  ne  craindra  plus  les  ge- 
lées j  il  faut  enfuite  herfer  &:  brifer 
les  mottes  ;  le  refte  de  fa  culture 
comme  celle  des  deux  millets  précé- 
dens.  En  feptembre ,  ou  en  odlobre , 
fuivant  le  climat  &  l'époque  des  fe- 
mailles  ,  on  lèvera  fa  récolte. 

Un  écrivain  affure  que  l'année 
d'après  on  a  iemé  du  fainfoin  fur 
le  champ  qui  avoir  fervi  au  forghum  ; 
d'où  il  conclut  que  cette  plante  n'ef- 
frite pas  la  terre  ;  &  je  lui  réponds 
d'après  mon  expérience  ,  que  le  bled 

6  le  feigle  y  réulfilfent  fort  mal. 
D'où  vient  donc  cette  différence  ?  De 


M  I  S 

laforme  des  racines  du  fainfoin  &  de 
celles  du  bled.  Les  premières  font 
pivotantes  ,  ik  les  fécondes  cheve- 
lues ,  &  prefque  horizontales.  Celles- 
ci  ont  trouvé  une  terre  cpuifée ,  & 
celles-là  une  terre  neuve  en-de(fous. 
Je  l'ai  déjà  dit  cent  fois ,  la  forme 
des  racines  d'une  plante  défigne  quelle 
doit  être  fa  culture,  &  celle  du  grain 
qui  doit  être  femé  enfuite.  Le  trèffle, 
le  fainfoin  ,  la  luzerne  ,  les  carottes , 
les  panais,  &c.,  n'effritent  point  la 
partie  fupérieure  de  la  terre,  &  toutes 
les  graminées  lailfent  intade  celle  du 
delfous  ,  puifqu'elles  n'y  pénétrent 
pas. 

F'oye^  ce  qui  a  été  dit  à  la  féconde 
colonne  de  la  p.  116  da  fécond  volu- 
me. Une  gelée  furvint  vers  le  milieu 
du  mois  d'oébûbre  ,  &  rout  périt  ; 
cependant  j'avois  déjàcoupé  une  dou- 
zaine de  braflees  de  ce  fourrage.  L'an- 
née fuivante  cette  dernière  récolte  ne 
fut  prefque  pas  plus  abondante ,  quoi- 
qu'il n'eût  pas  gelé  avant  le  i  o  décem- 
bre ;  mais  le  degré  de  chaleur  nécef- 
faire  manquoit  à  la   végétation. 

MISERERE.   Foyei  Colique. 

MOINEAU.  Oifeau  malheureu- 
fement  trop  connu  pour  qu'il  foie 
néceffaiie  de  le  décrire.  On  a  eu  la 
fagefle  de  mettre  fa  tête  à  prix  en 
Angleterre  ,  3c  aujourd'hui  la  race 
en  eft  détruite  j  la  même  loi  fubfifte 
dans  quelques  cantons  d'Allemagne: 
pareille  méthode  feroit  très-utile  en 
France  ;  on  devroit  encore  compren- 
dre dans  la  profcrition  les  pinçons  , 
quoique  moins  deftru£beurs  que  les 
moineaux  •,  le  froid  feul  les  oblige , 
fur  l'arrière  faifon  &  dans  l'hiver, 
d'environner  nos  maifons  &  de  fe 
jeter   dans    les  greniers.    La  nour- 

ritiire 


M  O  I 

rîtnre  d'un  moineau ,  par  an  ,  eft  au 
moins  de  dix  livres  de  grains  ,  & 
s'il  avoir  du  bled  à  difcrécion ,  elle 
exccderoit  trente  livres.  Cet  oifeau 
avale  8c  digère  promptement.  Quoi- 
que très-bien  nourri  ,  il  n'en  vaut 
pas  mieux  pour  manger  ,  il  eft  tou- 
jours coriace  &  d'un  goût  peu  flat- 
teur. Ainfi ,  de  quelque  côté  qu'on 
le  confidère,  iln'eft  d'aucune  utilité. 

Le  moineau  fait  trois  ponces  dans 
une  année  ,  &  chacune  eft  de  cinq 
à  fix  œufs  j  il  eft  aifé  de  calculer 
quelle  fera  fa  population  après  un 
certain  nombre  d'années.  Leurnom- 
bre  effriye.  Voici  ce  que  dit  de  cet 
oifeau  M.  l'abbé  Poncelet,  dans  fon 
hiftoire  naturelle  du  froment. 

1»  J'ai  eu  fouvent  lieu  de  foup- 
çonner  que  les  moineaux  vivent  en 
fociécé  'y  qu'ils  ont  encr'eux  ,  finon 
vin  langage  proprement  dit,  du  moins 
des  acceiis  variés  &  expreflifs  ,  au 
moyen  defquels  ils  fe  communiquent 
les  projets  relatifs  .àleurconfetvation 
particulière  ,  &  au  bien  commun  de 
leuc  république.  Car  ,  connnent  ex- 
pliquer autrement  les  avis  qu'ils  fem- 
blent  fe  donner  réciproquement  les 
uns  aux  autres,  quand  quelque  grand 
danger  les  menace?  11  en  eft  de  même 
des  rufes  qu'ils  employeur  ,  &  des 
précautions  qu'ils  prennent  de  con- 
cert  pour  n'être  pas  furpris  ». 

"  Alfailli  ,  tourmenté  pendant  les 
trois  dernières  années  que' j'ai  cru 
devoir  confacrer  aux  obfervations  re- 
latives à  l'agriculture  ;  excédé  par 
des  milliers  de  moineaux  qui  paroif- 
foient  avoir  jeté  un  dévolu  fur  ma 
petite  plantation  ,  que  n'ai-je  point 
tenté  pour  les  en  écarter  !  J'ai  d'abord 
eu  recours  au  fufil  :  mauvais  moyen, 
pernicieux  même  ,  puifque  pour  un 
moineau  que  j'abattois ,  il  m'arrivoic 
Tome  VI. 


MOI  5D 

fouvent  de  détruire  du  même  coup, 
de  vingt  à  quarante  épis.  Les  pièges 
font  fans  douce  plus  fùrs ,  &  n'expo- 
fent  point  au  même  inconvénient  'y 
mais  les  rufés  voleurs  ne  tardenè 
guèrcs  à  les  éventer  ,  <Sc  à  s'avertit 
les  uns  les  autres  ,  qu'il  eft  dange'* 
reux  d'en  approcher.  Enfin  ,  je  me 
déterminai ,  pour  leur  infpirer  quel- 
que rerreur ,  de  planter  au  milieu  de 
mon  champ  ,  un  phantôme  couvert 
d'un  chapeau  ,  les  bras  tendus  ,  & 
armé  d'un  bâton.  Le  premier  jour 
les  maraudeurs  n'ofèrent  approcher; 
mais  je  les  voyois  poftés  dans  le  voi- 
fuiage  ,  gardant  le  plus  profond  fi- 
lence  ,  &  patoilfanc  méditer  profon- 
dément fur  le  parti  qu'il  leur  con- 
venoit  de  prendre.  Le  fécond  jour , 
un  vieux  mâle  ,  vraifemblablement 
le  plus  audacieux  ,  &  peur-être  le 
chefde  la  bande,  approcha  du  champ, 
examina  le  phantôme  avec  beaucoup 
d'attention  ,  &  voyant  qu'il  ne  re- 
muoit  pas  ,  il  en  approcha  de  plus 
près  \  enfin,  il  fur  affez- hardi  pour 
venir  fe  pofer  fur  fon  épaule  :  dans 
le  même  inftanr  il  fit  un  cri  aigu  , 
qu'il  répéta  plulîeurs  fois  avec  beau- 
coup de  précipitation  ,  comme  pour 
dite  à  fes  camarades  :  Approchez  , 
nous  n'avons  rien  à  craindre.  A  ce 
lignai  toute  la  bande  accouiut.  Je 
pris  mon  fufil  ,  j'approchai  douce- 
ment. La  fentinelle  ,  toujours  à  fon 
pofte  ,  toujours  attentive  ,  toujours 
l'œil  alerte ,  m'apperçut  :  auflitôt  elle 
fit  un  autre  cri,  mais  différent  de 
celui  qu'elle  venoit  de  faire  pour 
convoquer  r.ilfemblée.  A  ce  nouveau 
fignal  ,  toute  la  bande  précédée  de  la 
fentinelle,  &  fans  douce  conductrice 
en  même  temps ,  s'envola.  Je  lâchai 
mon  coup  de  fufil  en  l'air  pour  les 
intimider  :  je  réiiflis  eftcdivemcnt 
A  a,a  a 


ÎÎ4 


M  O  I 


pour  quelques  jours  j  mais  vers  te 
quatrième  je  les  vis  reparoîcre  à  une 
certaine  àillance  comme  la  première 
fois,  ik  gardant  tous  le  plus  profond 
fileiice.  Il  me  vint  arlors  à  J'efprit  une 
idée  ,  que  j'exécutai  fur  le  champ. 
J'enlevai  le  phautome  ^  je  vêtis  fes 
haillons ,  &  ine  portai  à  fa  place  dans 
la  même  attitude  ,  le  bras  tendu  (Se 
armé  d'un  bâton.  11  eft  probable  que 
nos  rufcs  maraudeurs  ,  malgré  toute 
leur  fagacité  ,  ne  s'apperçurent  pas 
du  changement.  Après  une  demi- 
heure  d'obfervation  ,  j'entendis  le 
fignal  ordinaire  ,  &  immédiatement 
après  je  vis  la  bande  entière  s'abattre 
de  plein  vol  ,  au  beau  milieu  du 
champ  ,  (Se  prefqiie  à  mes  pieds.  Pré- 
paré comme  je  l'étois  ,.  il  m'étoic 
prefqu'impolîible  que  je  manquafle 
mon  coup  j  j'en  allommai  deux ,  6\;  le 
refte  s'envola.  J'effayai  de  fufpendre 
les  deux  que  j'avois  tué  ,  pour  in- 
timider les  autres.  Cet  exemple  fut 
fans  fuccès  ;  au  bout  de  quelques 
jours  mes  maraudeurs,,  au  fait  du 
nouvel  épouventail  ,  revinrent,  très- 
convaincus  qu'ils  n'avoient  rien  à 
redouter  de  leurs  défunts  camarades. 
A  force  de  foin  &  d'afliduité  ,  je 
parvins  pourtant  à  les  écarter  effica- 
cement ëc  pour  toujours  ,  &  le  moyen 
dont  je  me  fervis  ,  conCfte  à  chan- 
ger mon  phantôme  de  place  &  d'ha- 
billement deux  fois  par  jour.  Cette 
diverfité  de  forme  &  de  fituation  en 
impofa  à  mes  voleurs  :  défians  comme 
ils  font ,  ils  abandonnèrent  enfin  la 
partie,  &  je  fauvai  par  ce  moyen  la 
plus  gr.-inde  partie  de  mon  bled  >?. 

MOIS.    Foyei    RÈglb. 

MOISISSURE,  Plante   très-fine  , 
très  -  délice  ,  ordinairemeiu  à   ra- 


MOI 

meaux ,  qui  graine  ,  fe  multiplie  d«r 
femence,  &  qui  fe  manifefte  fur  les 
corps  q_iii  conmiencent  à  fe  décom- 
poler  ,   Se  à  entrer  en  putréfadion, 
La  couleur ,  ou  blanche  ,  ou  verte, 
ou  jjune  ,  rouge  ou  noire  ,    dépend 
de    la  qualité   du    corps    fur  lequel 
cette     plante     s'attache.     La    nioi- 
ûllure    ne    fe   manifeûe  jamais   fut 
l'humidité   qui  lui  itn  de  véhicule- 
Amh  ,,  la   moifilfure    dans  le  pain  ,, 
dans  un   fruit ,  &c.  n'eft  autre  chofe 
qu'un  compofé  de  plante.  Cette  partie 
de  la  botanique  a  encore  très-peu  été 
étudiée  j  elle  demande  de  bons  yeux. 
&  de  bons  microfcopes  pour  en  fui- 
vre  les  détails,  &:  fur-tout  un  obfer- 
vateur  fidèle  ,.  ëc  qui  ne  fe  laiiïe  pas 
prévenir.  Les  botaniftes  clalfent  les 
moifillures  avec   les    hmgus  ,    dont 
cependant   elles  n'ont   pas   toujours 
la  relfemblance.  La  fleur  du  vin  qui 
furnage  le  vin  dans  une  bouteille  , 
(  f^^oyei  le  mot  Fleur  )  qu'on  n'a 
pas  lailTé  aifez  eflliyer,,  ne  paroîr  ,  au 
limple  coup  d'œil,  qu'une  efpèce  de 
fubftance    compofée  de   membranes- 
placées  les   unes  fur   les  autres.  On 
pourroit    la   comparer  à    la   lentille 
d'eau  qui  tapille  la  partie  fupérieure 
des    eaux    ftagnantes  ,     ôc    qui    fe 
multiplie  rapidement.  Bradley ,    dit 
M.  Valmont   de    Bomare  ,    a   fuivi 
avec  foin  les  phénomènes  de  la  moi- 
filfure dans  un  melon.  Il  a  obfervé 
que    ces    petites     plantes     végètent 
très  -  promptemenr  j  que  les  femen- 
ces  jettent  des  racines  en  moins  de 
trois  heures ,  &  fix  heures  après  la 
plante  eft  dans  fon   entier  accroif* 
fement  j  alors  les  femences  font  mû- 
res &  prêtes   à  tomber.  Après  que 
le  melon  eut  été  couvert  de  moifif- 
fure  pendant  fix    jours  ,  fa  qualité 
végétative  commença  à  diminuer  j, 


MO  I 

&  elle  ceiTa  entièrement  deax  jours 
après.  Alors  le  melon  comba  en  pii- 
tréfadlion  ,  &  fes  parties  charnues 
ne  rendirent  plus  qu'une  eau  fœtide, 
qui  commença  à  avoir  allez  de  mou- 
vement à  fa  furface.  Deux  jours  après 
il  Y  parut  des  vers ,  qui ,  après  iix 
jours  ,  fe  changèrent  en  nymphes  ; 
ils  relièrent  quatre  jours  dans  cetétat, 
&:  ils  en  fortirent  fous  la  forme  de 
mouches. 

L'examen   de  ces  détails  fait  un 
plaifir  extrême   à  l'obfervateur  ,  & 
cette  végétation ,  réduite  à  l'infini- 
ment  petit,  amufe  peu  la  petfonne  de 
campagne,  chargée  de  la  nourriture 
<l'un  grand   nombre   de    valetsT   Le 
.pain  qu'elle  leur  prépare  fe  moifit , 
&  c'eft  une  perte  réelle    pour   elle. 
Les  caufes  de  la  moifilTure  du  pain 
font   très-variées,  &  les  principales 
tiennent  à  fa   fabrication,    i".    On 
met   communément  trop  d'eau  dans 
la  farine.  ^°.  La  pâte  n'eft  ni  allez 
paierie   ni  alTez  long-temps  \  on  n^ 
lui  donne  pas  le  temps    de   lever  : 
plus   elle    ell:    mate   éc   compadle  , 
&  moins  elle   eft  parfemée   d'yeux 
formés   par  l'introdudion  de   l'air  , 
lorfqu'on  paîtrit^  &  cet  air ,  pendant 
la  cuilTon  ,  ne   peut  s'échapper  fans 
entraîner  une  bonne  partie  de  l'eau 
mêlée  avec  la  pâte.  5°.  Le  four  n'eft 
pasaflexcliaud  ,  ou  il  l'efttrop;  dans 
ce  dernier  cas ,  la  croûte  eft  furprife 
&  durcie  avant  que  l'intérieur  foie 
cuit  ,  &  par  conféqucnt  la  furabon- 
dance  d'eau  dilTipée.  Dans  l'autre  cas, 
]a  chaleur  n'eft  pas  aflez  forte   pour 
faire  évaporer  une  partie   de    l'eau. 
4°.  Sortant  du  four,  on  le  porte  or- 
^dinairement  dans    un    endroit    trop 
frais  ,   &  il    n'a   pas  la  facilité  de 
itanfpirer^  il  eft  ,  au  contraire  ,  en- 
yiroiiaé  d'une  athmofphèce  humide. 


U  O  I 


55f 


"Dès  qu'on  s'apperçoit  que  l'inté- 
rieur du  pain  commence  à  moifir,  il 
convient  de  Pouvrit  par  le  milieu  , 
&  de  retrancher  la  portion  chancie  : 
s'il  icft  réellement  trop  humide, 
il  faut  mettre  quelques  fagots  au 
four ,  &  y  pafter  enfuite  le  pain  ; 
il  fervira  à  faire  les  foupes.  La  partie 
moi(ie  &  paflée  à  l'eau  ,  jufqu'à  ce 
que  toute  la  moifiirure  en  foit  en- 
levée ,  fera  de  qualité  médiocre  ; 
mais  mife  à  fécher  de  nouveau  ,  elle 
fervira  également  pour  la  foupe  ou 
pour  la  nourriture  des  oifeaux  de 
baffe- cour. 

C'eft  toujours  la  faute  de  celui 
qui  fait  le  pain  ,  qui  l6  cuit  &  le 
range  ,  en  fortant  du  four,  fi  la  moi- 
fiirure s'en  empare  j  elle  dépencl  , 
après  la  manipulation  ,  du  lieu  où 
on  le  ferme.  En  général  ,  des  pains 
volumineux  fe  gâtent  plus  facilement 

?ue  11 ,  avec  la  même  pâte ,  on  en  avoît 
ait  trois  ou  quatre.  Les  payfans  ont 
la  déteftable  coutume  de  coller  les 
uns  contre  les  autres  ces  grands  pains 
portés  fur  des  perches.  L'air  envi- 
ronne ,  il  eft  vrai,  leur  circonférence  ; 
mais  il  ne  circule  pas  entre  les  deux 
fuifaces.  Un  petit  morceau  de  bois 
d'un  pouce  d'épaiireur  ,  placé  au  haut 
&  entre  chaque  pain  ,  permettroit 
à  l'air  de  circuler  ,  de  l'environner 
de  toute  part ,  &  de  prévenir  la  moi- 
filfure  par  l'évaporation  de  l'humidité'. 
Malgré  ces  précautions ,  dans  les  pro- 
vinces voilînes  de  la  met ,  lorfque  le 
vent  vient  de  ce  côté-là  ,  il  traîne 
avec  lui  une  fi  grande  humidité,  que 
le  feul  moyen  de  s'oppofer  à  la  moi- 
filfure ,  eft  de  placer  les  pains  fur  la, 
gloriette  ,  c'eft-à-dire  au-delfus  da 
four  ,  qui  conferve  aflez  de  chaleur 
pourdiiriperl'humidité.Le  pain  moifi 
eft  mai  -  fain  ,  fi  par  les  lavages  0» 
A  a  a  »  z 


55^ 


M  O  I 


n'a  fait  difparoîcre  la   caufe  qui  le 
vicie. 

MOISSON.  Mot  fpécialemen: 
confacré  pour  défigner  la  rccolce  du 
bled  &  autres  crains  analogues.  Il 
indique  le  moment  qui  va  récom- 
penfer  le  cultivateur  de  fes  travaux. 
C'eft  ici  que  commence  fa  jouiirance , 
quoique  mêlée  d'un  peu  d'inquiétude. 
On  voit  eftimer  quel  fera  le  produit 
des  gerbes  en  les  pefant,  &  à  mefure 
que  le  gerbier  s'élève  ^  il  fourit  à  fa 
vue.  .  .  .  Un  propriétaire  vigilant 
fe  prépare  longtemps  d'avance.  Quel- 
ques heures  qui  auroient  été  perdues 
font  employées  dans  les  jours  les 
moins  prelfés  de  travail ,  à  préparer 
Jes  chemins,  afin  de  moins  fatiguer 
fes  bêtes ,  à  difpofer  l'aire  ,  à  net- 
toyer fes  greniers.  ;  &  s'il  attend  juf- 
qu'à  la  veille  de  la  moillon,  tout  eft 
fait  à  la  hâte  Se  mal  fait  y  les  ouvriers 
manquent  ou  font  très-chers,  ou  bien 
il  faut  déranger  tous  les  valets  de  la 
mérairie  ,  &:  pendant  qu'ils  font  oc- 
cupés à  contre-ternps  ,  le  bétail  de- 
meure à  l'écurie  ,  &  y  confomme 
inutilement  le  tourrage. 

MOISSONNEUR.  Celui  qui 
coupe  le  bled  ;  «Se  on  nomme  Mois- 
sonneuse ,  celle  qui  ramalTe  le  bled 
coupé ,  le  met  en  gerbes  &  les  lie. 
Chaque  province  à  fon  ufage  parti- 
culier ,  relativement  à  la  moilfon  & 
au  moilTonneur.  Il  eft  aflez  rare  que 
les  habitans  du  heu  faflent  toute  la 
récolte  ,  parce  que  les  pays  à  bled 
font  rarement  alfez  peuplés.  En  gé- 
néral ,  les  gens  des  montagnes,  fui- 
vis  de  leurs  moiflonneufes ,  defcen- 
dent  à  cette  époque  dans  les  plaines  ; 
c'eft  pour  eux  une  partie  de  plaifir, 
&  l'occafion  de  gagner  de  bonnes  jour^ 


MOL 

nées.  S'ils  font  en  petit  nombre,  fi  la 
faifon  preflTe,  &c. ,  ces  journées  de- 
viennent très  coûteufes  ;  entr'eux  ils 
fixent  un  prix  ,  &  le  défaut  de  bras 
oblige  les   propriétaires  à  foufcrire  à 
la  loi  qu'ils  impolent.  Chaque  canton 
d'une    montagne  ,  ou  d'un  pays  de 
vignoble  ,  a  pour  l'ordinaire  Ion  lieu 
affidé  dans  la  plaine  ,  fur-tout  lorf- 
que  l'on  paye  les  travailleurs  en  na- 
ture ,  &   non  à  prix  d'argenr.  Alors 
ils  fe  fuccèdent  de  père  en  hls  ,  Ôc 
ils  ont  le  temps  de  lever  la  récolte 
de  la  plaine  avant  de  fonger  à  lever 
la  leur.  Dans  les  pays  de  vignoble  , 
toujours   très-peuplés  ,    lorfque  l'on 
travaille  les  vignes  à  bras  j  les  tra- 
vailleurs fe  rangent  de  manière  qu'ils 
ont  le  temps  de  couper  le  bledj   de 
le  battre  ,  de  le  vanner,  de  le  cribler  j 
enfin,  de  le  rendre  net  dans  le  gre- 
nier ;  parce  qu'à    cette    époque  les 
grands  travaux  des  vignes  font  finis. 
Ils  viennent  affaner  du  bled,  vous  di- 
fent-iis.  On  convient  avec  eux  qu'ils 
fe    chargeront  de    toutes  les  opéra- 
tions ,  &  qu'on  donnera,  par  exem- 
ple, à  la  totalité  des  travailleurs  ,  la 
feptième  ou  la  huitième  mefure  des 
grains  recueillis.  A  la  fin  de  chaque 
femaine,  on  fait  la  dillribution  gé- 
nérale ,   qu'ils   fe   partagent  enfuite 
entr'eux.  Le  chef  &  le  fous-chef  des 
aftaneurs  ont  ordinairement  une  lé- 
gère retenue   fur   les  autres  ;    mais 
c'eft  peu  de  chofe.  Certe  méthode  eft 
avantageufe  au  propriétaire,  puifqu'il 
eft  de  l'intérêt  de  l'atFaneur  qu'il  y 
ait  beaucoup  de  grains.  (  l'oye:^  cha- 
pitre   /o  _,   page   141   ,   de  l'article 
Froment.  ) 

MOLETTE.  Médecine  Veté- 
KiNAiRE.  Maladie  particulière  aux 
chevaux.  La  molette  eft  formée  par 


MOL 

\in  amas  de  lymphe  ou  èe  férofué 
qui  fe  m.inife'te  au-deffus  du  boule: 
par  une  riiinciir  molle  j  ceue  tumeur 
couvre  tantôt  la  face  poftérieuve  du 
tendon  du  mufcle  fublime  ,  rantôc 
les  parties  latérales  des  tendons  des 
mui'cles  fublime  &  profond.  Lorf- 
qu'elle  paroît  de  chaque  côté  des 
tendons  j  on  l'appelle  molecce  fouf- 
fiee  \  lorfquelle  eft  fur  le  tendon 
même  ,  on  la  nomme  molecte  /Im- 
pie ,  ou  par  corruption  mokttc  ncr- 
veufe. 

Pour  traiter  la  molette  avec  une 
certaine  connoiilance  ,  il  eft  utile 
d'avoir  au  moins  une  légère  notion 
des  parties  qui  forment  l'extrémité 
inférieure  du  canon,  près  de  fon  union 
*  avec  le  paturon. 

La  peau  &  le  tilTu  cellulaire  en 
font  les  enveloppes  générales.  Le 
tijfu  cellulaire  a  des  connexions  inti- 
mes avec  la  peau  qui  le  couvre  ;  avec 
les  tendons  des  mufcles  fléchilleurs 
du  pied  ,  qui  defcendent  le  long  de 
la  face  poftétieure  du  canon  entre 
les  deux  péronnés  ;  avec  les  deux 
parties  ligamenteufes  ,  qui  de  la  par- 
tie poftérieure  &  inférieure  du  ca- 
non ,  vont  fe  joindre  aux  adhérences 
que  les  mufcles  extenfeurs  du  pied 
contra6tent  avec  l'articulation  du 
boulet  ,  avec  le  prolongement  de 
l'artère  brachiale,  dont  le  tronc  ram- 
pe poftérieurement  le  long  du  canon 
jufqu'au-delTus  du  boulet  où  il  fe  bi- 
furque ,  pour  former  les  artères  laté- 
rales qui  donnent  nailfance  aux  arti- 
culaires ,  avec  les  divifions  de  la  vei- 
ne cubitale  ;  telles  que  les  veines  ar- 
ticulaires qui  partent  du  boulet  après 
en  avoir  entouré  l'articulation  ^  telle 
que  la  veine  mufculaire  qui  part  de 
ce  même  endroit  &  monte  jufqu'au 
jprès  du  genou  en  fe  perdant  dans  les 


MOL 


5  57 


mufcles  du  canon  ,  avec  les  filets 
nerveux  qui  émanent  du  nerf  bra- 
chial iiicerue  ;  ces  filets  donnent  plu- 
fieurs  rameaux  aux  mufcles  fléchii- 
feurs  du  canon  &  du  pied,  &  vont 
enfuite  fe  perdre  dans  le  bouler  , 
dans  le  paruron. ,  dans  la  couronne, 
&c.  Le  [ijj'u  cellulaire  remplit  encore 
exactement  les  interftices  qui  régnent 
entre  toutes  ces  parties ,  l'humeur 
qui  s'en  fépare  eft  reçue  dans  les  cel- 
lules de  ce  tijju  ;  fi  la  fécrétion  eft 
lymphatique  ou  féreufe  ,  &  il  elle  eft 
trop  abondante  ,  elle  diftend  les  cel- 
lules qui  la  reçoivent ,  &  forme  la 
molette  Jlmple  ou  la  molette  fouffiee.^ 

La  caufe  prochaine  de  la  molette 
eft  une  lymphe  ou  une  férofité  arrê- 
tée ou  infiltrée  dans  le  tijju  cellu- 
laire. 

1°.  Dans  les  chevaux  qui  ont  l# 
fang  trop  épais ,  le  relfort  des  artè- 
res n'a  pas  aftez  de  force  pour  le 
chalfer  en  avant ,  il  coule  plus  len- 
tement, la  lymphe  a  plus  de  temps 
pour  s'extravafer  j  elle  pafte  plus 
abondamment  dans  le  tijfu  cellulaire 
qui  les  enveloppe  ,  elle  le  gonfle  ^ 
le  furcharge  :  or  comme  la  lymphe 
participe  du  même  caraélère  que  le 
fang  d'où  elle  fort ,  elle  eft  confé- 
quemment  épaiffe  ,  gluante  ,  vif- 
queufe  ,  propre  cà  former  des  engor- 
gemens ,  à  fe  durcir  &  à  fe  pétri- 
fier. Les  alimens  &  tout  ce  qui  eft 
capable  d'épaiifir  le  fang  &  de  ren- 
dre le  chyle  crud  &  groftier  ,  font 
des  caufes  éloignées  de  la  molette  qui 
fe  termine  par  rendurcilTement. 

i''^.  Dans  les  chevaux  qui  ont  le 
fang  trop  aqueux  ,  la  férofité  qu'il 
contient  eft  trop  abondante ,  celle-ci 
relâche  les  fibres  des  vailfeaux  ,  elle 
leur  fait  perdre  leur  reftbrt,  elle  U's 


55^ 


MOL 


rend  incapables  de  chaflier  avec  vi- 
gueur les  liquides ,  le  fang  circule 
leiuemenc  dans  les  artères ,  la  fcro- 
fné  s'en  échappe  avec  trop  de  faci- 
lité, elle  s'inhlrre  dans  le  tiflu  cel- 
lulaire, à  niefure quelle  s'y  accumule, 
elle  donne  nailTance  à  la  molette  Jlm- 
pte  ou  à  la  molette  fouffiée. 

3°.  Dans  les  chevaux  à  qui  on 
comprime,  par  une  ligature  quelcon- 
que, les  vailfeaux  fanguins  quife  dif- 
inbuent  à  l'extrémité  inférieure  du 
canon  ,  le  flmg  ne  circulant  plus  avec 
facilité  dans  cet  endroit,  les  veines 
articulaires  &  la  mufculaire  font  l:or- 
cées  d'y  lailfer  échapper  une  partie 
de  la  lymplie  ou  de  la  férofité  qu'elle 
contiennent  j  c'eft  le  tijju  cellulaire 
<jiii  reçoit  ce  liquide ,  il  en  dillend 
les  cellules  &  forme  la  molette. 

4^'.  Dans  les  chevaux  dont  le  vo- 
lume des  boulets  eft  trop  menu,  trop 
petit,  relativement  à  l'épaifleur  de  la 
jambe,  ces  fortes  de  boulets,  fent 
la  plupart  trop  flexibles ,  &  cette 
flexibilité  eft  un  indice  prefque  cer- 
tain de  leur  foibleffe  ;  cette  partie 
ainfi  conformée,  les  chevaux  commu- 
nément fe  lalFent  &  fe  fatiguent  dans 
Je  plus  léger  travail  j  elle  eli  bientôt 
gorgée,  &,  l'enflure  diflipée  ,  il  y 
xefte  ou  il  y  furvient  cette  tumeur 
molle  &  indolente  dans  fon  princi- 
pe ,  mais  dure  &  fenfible  enfuite  & 
par  fucceffion  de  tems  ,  que  nous 
avons  nommée  molette  Jimp le  ou  mo- 
lette fouffiée. 

Diaonojiic.  On  connoît  que  c'eft  la 
lymphe  qui  forme  la  molette^  lorf- 
qu'après  un  certain  temps  ,  l'impref- 
fion  du  doigt  refte  dans  la  tumeur  ; 
on  conjecture  au  contraire  ,  qu'elle 
eft  formée  par  la  férofué  qui  s'eft  ex- 
travafée  dans  le  tiJJu  cellulaire  _,  dès 
que  le  liquide  épanché  fait  relever  la. 


MOL 

tumeur  quand  on  celfe  de  la  compri- 


mer. 


Prognojîic.  La  mo'ette  lymphati- 
que &  la  féreufe  ,  font  plus  faciles  à 
guérir  au  commencement,  que  lorf- 
qu'elles  font  invétérées.  Ces  liquides 
aoupilfant  long- temps  dans  les  cel- 
lules ,  deviennent  fi  actes  qu'ils  les 
rongent ,  ainfi  que  les  tendons  des 
mufcles  fléchilfeurs  du  pied  ,  les  par- 
ties ligamenteufes  de  l'articulation  dit 
boulet ,  les  vailîeaux  qui  s'y  diftri- 
tribuent,  &c.  Les  moUécules  les 
plus  vifqueufes  de  la  lymphe  ,  fe  rap- 
prochent à  mefure  que  la  chaleur  de 
la  partie  afFeétée  diflipe  ce  qu'elle  a 
de  plus  fluide  5  enfin  elle  s'épaiflit, 
fe  durcit ,  &c  forme  des  pierres  plus 
ou  monis  volumineules ,  qui  gcnent 
les  mouvemens  de  flexion  &  d'ejf- 
tention  de  l'articulation  du  boulet. 

La  cure  de  la  molette  qui  dépend 
de  l'épaiflilfement  du  fang  &  de  la 
lymphe  ,  demande  des  apéritifs  & 
des  purgatifs  hydragogues.  On  pref- 
crira  donc  les  rifanes  faites  avec  les 
racines  de  patience  ,  d'année ,  de  fe- 
nouil ,  d'afperges ,  de  petit  houx,  de 
perfil,  de  cerfeuil,  avec  l'orge.  On  en 
fera  avaler  au  cheval  pendant  quinze 
jours  une  livre  ou  deux ,  une  heure 
avant  fes  repas.  Il  faut  purger  le  che- 
val au  commencementou  au  milieu  & 
à  la  fin  de  l'ufage  de  ces  tifanes ,  avec 
le  jilap ,  le  mercure  doux ,  le  tur- 
bith  ,  la  femence  d'ieble,  le  fel  de 
duobus  pulvérifé ,  la  gomme  gutte 
de  le  fyrop  de  nerprun.  (  l^oye\  Mé- 
thode purgative)  Pendant  l'ufage 
de  ces  remèdes  ,  on  emploiera  les 
topiques  capables  d'atténuer  &  de 
léfoudre  la  lymphe  vifqueufe  qui  for- 
me la  molette  ^  &  de  deffécher  & 
forrifier  les  fibres  trop  relâchées.  Pour 
cet  effet  on  fomentera  la  partie  avec 


7f//i    17. 


/'/.  M .  />„,/,■  ssç: 


/il  MoT'e/fe-  ti./7'mf  //,'//■ 


/il  ^TfcTr.r^e  <feo-  Af,>/in/iit\'-  ■ 


/</     ^    '/.    •/■!/,     ////<■ 


/,!  Jf/'i\/It'i/ri/jiji,mtc,i'ii  fii/zie  t/f  .f/a/<'<' .     ''''"' 


MOL 

tine  lelTive  de  cendres  de  fatment , 
dans  laquelle  on  aura  fait  bouillir 
du  foufre ,  ou  avec  une  décodlion 
de  romarin ,  de  fauge  ,  d'abhnche  & 
de  camomille  ,  ou  avec  de  refpri:  de 
vin ,  auquel  on  ajoutera  parties  éga- 
les de  lel  ammoniac  Se  d'eau  de 
chaux.  Après  les  fomentations  ,  on 
appliquera  un  cataplafme  fait  avec 
la  farine  de  fèves,  cuite  dans  loxymel, 
y  ajoutant  des  rofes  rouges  ik  de  l'a- 
lun j  &  h  malgré  ces  remèdes ,  la 
jnoktce  augmente  de  volume  ,  on 
aura  recours  à  des  réfolutifs  plus  forts. 
Telles  font  les  fomentations  faites 
avec  les  décodions  de  romarin ,  de 
thym  ,  de  ferpolet ,  de  laurier  ,  de 
cajnomille  ,  d'anis  ,  de  fenouU  ,  de 
moutarde  ,  de  femences ,  de  fœnu- 
grec  &  de  fiente  de  pigeon ,  donc 
on  fait  une  forte  décoÂion.  On  pile 
le  marc  &  on  l'applique  ea  cataplaf- 
me fur  la  molette.  Les  feuilles  d'ieble 
&  de  fureau,  pilécs  avec  de  l'efpiit 
de  vin ,  font  aulïï  un  bon  cataplaf- 
me. 

Si  la  molette  réiîfte ,  le  fecours  le 
plus  prompt  eft  de  faire  de  légères 
fcarificacions  fur  la  molette  ,  de  ma- 
nière à  ouvrir  la  peau  &  quelques- 
unes  des  cellules  qui  contiennent  la 
lymphe  j  comme  elles  ont  commu- 
nication les  unes  avec  les  autres , 
toutes  ces  cellules  fe  dégorgeront  in- 
fenfiblement  par  celles  qui  feront 
coupées  :  &  Ci  cette  lymphe  dépravée 
y  a  croupi  aflez  long- temps  pour  y 
former  un  calcul  d'une  forme  &  d'un 
volume  quelconque,  connoifTant  la 
ftru6ture  anatomique  de  la  partie  af- 
fe(îtée  ,  rien  n'empêche  qu'on  ouvre 
k  peau  5i  le  tijju  cellulaire  ,  de  ma- 
nière à  en  extraire  avec  facilite  le 
corps  étranger. 

Qiund  la  lymphe  ou  la  pierre  font 


MOL  55';? 

fortles  ,  les  incifions  fe  cicatrifenE 
bien  vice  ,  fi  l'on  n'a  pas  trop  attendu 
à  les  faire.  Il  faut  cependant  appli- 
quer fur  les  ouvertures,  des compref- 
fes  trempées  dans  de  l'eau  vulnéraire 
ou  dans  de  l'eau-de  vie  camphrée  , 
pour  rétablir  le  relfort  des  fibres.  Si 
les  plaies  étoient  p.âles ,  6c  qu'il  y  euE 
de  la  dilpoluion  a  la  gangrène  ,  ont 
les  panferoit  avec  le  baume  de  fty- 
rax  ,  ou  les  autres  remèdes  convena- 
bles à  cette  maladie. 

La  molette  qui  dépend  d'un  fang 
trop  aqueux ,  demande  les  mêmes 
remèdes  que  la  précédente,  &:  princi- 
palement ceux  qui  font  propres  pour 
l'hydropifie  j  il  ne  s'agit  que  d'éva- 
cuer les  férofités  trop  abondantes  ^  Se 
de  fortifier  enfuite  les  fibres  qui  fonc 
relâchées. 

Si  la  molette  provient  de  quelque 
comprelîion  ,  elle  celfe  quand  on  a 
levé  l'obftacle  5  fi  le  tilfu  adipeux  eft 
gonflé  &  qu'il  falle  compreflion  ,  les- 
atténuans  ,  les  apéritifs  &  les  hydra- 
gogues  décrits  dans  la  cure  de  la  mo- 
lette  vifqueufe  j  y  conviennent. 

Si  la  molette  eft  l'effet  d'un  bou- 
let trop  menu  ,  trop  petit  ,  alors  elle 
fe  trouve  dans  la  clalfe  des  maladies 
incurables.   M.    BRA, 

MOLUQUE  ODORANTE,  ou 
MELISSE    DES   MOLUQUES. 

(  f^oye:[  p 'anche  XF"  ^  pt^ge  559) 
Tourneforc  la  place  dans  la  féconde 
feélion  de  la  quatrième  clalfe  des 
herbes  à  fleurs  d'une  feule  pièce  , 
irrégulière  &  en  lèvre  ,  dont  la  fu- 
périeure  eft  creufée  en  cuiller  ,  &  il 
l'appelle  molucella  levis.  Von  Linné 
lui  conferve  la  même  dénomination , 
&  la  clafle  dans  la  didynamie  gym- 
nofgetniie». 


y<îo 


M  O  N 


Fkur  B.  compofce  d'un  tuyau,  dé- 
coupée par  le  haut  en  deux  lèvres  , 
dont  la  fupérieuta  C  cache  les  éta- 
niincs  &  le  piftil.  On  les  a  repré- 
ientées  en  D  ,  vues  en-defTous  ,  & 
de  la  manière  dont  la  fleur  tient 
,à  la  tige  j  la  lèvre  fupérieure  eft 
droite  ,  entière  ;  l'inférieure  divifée 
en  trois  parties  j  le  calice  E  eft  deflîné 
vu  de  profil. 

Fruit.  L'embrion  qui  fucccde  à  la 
fleur  eft  repréfenté  en  F  ,  avec  les 
quatre  graines  G,  relevées  de  trois 
coins,  tfonquées. 

Feuilles.  Rondes,  quelquefois  en 
forme  de  coin  ,  fimples  ,  entières. 

Racine  A.  Pivotante ,  rameufe. 

Port.  Plante  haute  de  deux  pieds; 
tiges  unies ,  quarrées  ;  les  fleurs  dif- 
pofées  tout-autour  en  manière  d'an- 
neau ,  remarquables  par  leur  grand 
calice  ;  les  feuilles  oppofées. 

Lieu.  Originaire  des  Ifles  Molu- 
ques  ;  cultivée  dans  les  jardins  j  an- 
nuelle. 

Propriétés.  Saveur  acre,  odeur  aro- 
matique \  elle  eft  cordiale  ,  ccphali- 
que,  vulnéraire,  aftringente. 

Ufage.  On  l'employé  en  poudre  , 
en  cataplafme  ,  en  décodtion  ,  en 
infufion. 

MONADELPHIE.  (Bot.)  C'eft 
la  feizième  clalTe  du  fyftème  fexuel 
des  plantes  du  chevalier  Von  Linné  , 
qui  renferme  les  plantes  à  plufieurs 
étamines  ,  réunies  par  leur  hlets  en 
lui  feui  corps.  Ce  mot  eft  compofé 
de  deux  mots  grecs,  f^'^'^  aêt^.^é; ,  qui 
lignifient  unfeiil  père  5  toutes  les  éta- 
mines fe  trouvant  réunies  parleurs  fi- 
lets ,  ne  forment  qu'un  feul  corps , 
un  feul  père.  Les  mauves  appartien- 
îient  à  cette  dafle.  En  développant 


MON 

le  fyftème  du  botanifte  Suédois,  nous 
donnerons  le  deflin  des  étamines  mo- 
nadelphes.  f^oye^  le  mot  Système. 
MM.  ■ 

MONANDRIE.  (Bot.)  du  grec 
fiovo;  ay.f ,  un  feul  mari.  M.  Von  Linné , 
établiffant  fon  fyftème  fur  les  fexes 
des  fleurs ,  a  donné  le  nom  de  mari  a. 
ces  étamines ,  parce  qu'elles  renfer- 
ment la  pouffière  fécondante  ,  &  il  a 
divifé  les  douze  premières  clafles  de 
fon  fyftème  par  le  nombre  des  éta- 
mii>es  ou  des  maris.  La  première 
clalfe  renferme  les  plantes ,  dont  les 
fleurs  n'ont  qu'une  étamine  comme 
le  balifiet.  F'oye-^  au  mot  Système, 
le  deflin  d'une  fleur  à  une  feule  éta- 
mine. M  M. 

MONOËCIE.  (Bot.)  du  grec  ^,„r 
»'»«  5  une  maifon.  M.  Von  Linné 
voyant  que  dans  certaines  plantes  , 
les  parties  mâles  &  les  parties  femel- 
les ne  fe  trouvoient  pas  réunies  dans 
la  même  fleur  ,  que  quelquefois , 
elles  fe  trouvoient  féparées  &  atta- 
chées .à  différentes  branches ,  quoi- 
que toujours  fur  le  même  individu  , 
les  a  coniidérés  comme  l'époux  &  l'é- 
poufe  qui  vivent  fépatés  l'un  de  l'au- 
tre ,  quoique  fous  le  même  toit  dans 
la  mcnie  maifon  _,  &  d'après  cette 
idée  ,  il  a  donné  à  la  vingt-unième 
clalTe  de  fon  fyftème  ,  le  nom  de 
Monoccie  ,  que  portent  les  plantes 
dont  les  fleurs  mâles  &  femelles  font 
féparées ,  quoique  fur  le  même  indi- 
vidu; telle  eft  par  exemple  la  mafle 
d'eau.  Typha  latifolia  de  Linné.  M  M. 

MONOGAMIE.  (Bot.  )  de  deux 
mots  grecs  ,  .««"f  y«^« ,  une  noce  ; 
c'eft  la  cinquième  fnbdivifion  de  la 
dix-neuvième  clafle  du  fyftème  fe;cuel 

da 


MON 

du  chevalier  Von  Linné  ,  nommé 
fingénéfie  ;  cette  clalfe  renferme  les 
fleurs  formées  de  l'agrcgation  de  piii- 
fieiirs  petites  fleurs.  Conlidcrant  cette 
agrégation  comme  la  réunion  de  plu- 
fieurs  familles,  plufieurs  noces,  il  lui 
donna  le  nom  caradtériftique  de  po- 
lygamie. En  confidérant  enfuite  la 
pohtion  des  fleurs  mâles  &  des  fleurs 
femelles  dans  cette  polygamie  ,  il 
donna  le  nom  de  monogamie  à  celles 
qui  fans  être  compofées  de  fleurons, 
ont  leur  étamines  réunies  en  cylin- 
dre parleurs  anthères,  corn  me  la  vio- 
lette, M  M. 

MONOPÉTALE.  (Bot.)  fe  dit 
d'une  fleur  ,  ou  plutôt  d'une  corolle  , 
qui  eft  d'une  feule  pièce  ,  &  dont  les 
divifionsfi  elle  en  a,  ne  vont  pas  juf- 
qu'à  l'onglet.  {t^oye\  au  mot  Fleur  , 
le  deifein  d'une  corolle  monopétale.  ) 
MM. 

MONOPHILE.  (  Bot.  )  fe  dit 
d'une  partie  de  fleurs  qui  eft  d'une 
feule  pièce  ,  qui  n'eft  point  divifée  , 
ou  dont  les  divilions  ne  vont  pas  juf- 
qu'à  la  bafe  j  il  y  a  des  calices  ,  des 
colerettes  ,des  périanthes,  des  vrilles 
monophiles.  (  Foye^  ces  mots  ) 
MM. 

MONSTRE.  MONSTRUOSITÉ. 

Physiologie  animale  et  végétale. 

Plan   du   Travail. 

Sect.  I.  Coiip-d'œil générai  fur  les  monjlres. 

Sect.  II.   Des  monftres  végétaux. 

Sect.  III.    Exemples  de    monflruofités   vé- 
gétales. 

1°.   Monftruofités  de  tiges. 
1'-'.   Monflruofnés  de  feuilles. 
5".   Monftruofités  de  fleurs. 
4°.  Monftruofités  de  fruits. 

Sect.  IV.  Caufes  des  monftruofités. 
Tome  FI, 


MON 


5(ît 


Section     première. 

Coup-d'œil  général  fur  les  MonJIres. 

Etudier  les  végétaux ,  fuivre  de 
près  leurs  développemens  &  leur 
croiflance  ,  c'eft  parcourir  une  car- 
rière féconde  en  phénomènes  plus 
ou  moins  intéreffans.  Si  la  régularité 
des  formes  plaît  &  fatisfait  nos  yeux, 
les  variétés  &  les  écarts  doivent 
nous  intérelTer  encore  davantage  ; 
ce  qui  s'éloigne  des  loix  commu- 
nes de  la  nature,  ce  qui  paroît  être, 
je  ne  dis  pas  une  Ample  exception  , 
mais  même  une  oppolition  formelle, 
demande  de  nous'une  attention  par- 
ticulière ,  une  étude  férieufe  ;  trop 
heureux  fi  une  explication  iimple  & 
naturelle  vient  nous  fatisfliire  &  dé- 
tailler à  notre  efprit  la  marche  que  la 
narure  a  fuivie  dans  la  produdion 
qui  hiit  le  fujet  de  notre  étonnement. 
Les  monftruofi:és  végétales  beaucoup 
plus  abondantes  qu'on  ne  l'imagine  , 
ieront  long  temps  un  objet  de  médi- 
tation pour  le  philofophe  ,  tandis 
qu'elles  ne  préfentent  qu'un  objet  de 
dédain  &  de  mépris  à  l'homme  in- 
différent ,  qui  ne  demande  que  êiQ& 
beautés  <Sc  des  jouilTances.  Les  monf- 
truofités animales ,  toujours  hideu- 
fes ,  toujours  révoltantes  ,  affligent 
lin  cœur  fenfihle.  L'anatomifte  voie 
avec  douleur  fa  produélion  ,  parce 
qu'il  fongefans  ceffe  que  la  mère  qui 
l'a  m.is  su  jour,  a  d'autant  plus  fouf- 
fert  que  le  monilce  eft  plus  fingulierj 
que  l'individu  cjui  a  été  ainfi  vicié 
dans  fa  conformation  ,  devoit  être 
un  homme  ou  un  animal  fain  & 
parfait  ,  &  que  la  mort  àc  l'un  &c 
de  l'autre  accompagnoit  trop  fouvent 
un  accouchement  pénible  &  monf- 
trueux.  C'eft  d'qjrès  ce  fentiment, 
B  b  b  b 


5(^1  M'O  N 

que  M.  Cooper  voucirou  qu'on  ban- 
nu  entièic-m?nt  le  terme  de  monftre, 
parce  qu'il  répugne  à  notre  fenfibili- 
té  ,   qu'il  emporte  toujours  avec  lui 
une  idéâ  trifte  ,  douloureufe  &  déla- 
qréable.  Il  convicndroic  bien  mieux 
d'y  fublUtuer  celui  de  jeu  de  la  na- 
ture. Dans  le  rcgne  végétal  au  con- 
traire ,  la  nailfance  d'un  nionftre  ou 
d'une  partie  mouilrueufe  ,  ce  qui  elt 
bien  plus    commun  j    entraîne  très- 
rarement  le  dépériffemenc  de  la  mère 
ou  de  la  plante  totale  j    une  feuille 
monftrueufe  n'altère  pas  la  tige  qui 
la  Dorte  \  un  calice  informe,  ne  vicie 
pas  les  parties  nobles  qu'il  renferme  , 
&   (1   la  (leur   furchargée    d'embon- 
point &    d'une  fève  furabondante  , 
voit  flétrir  les  organes  de  la  çénéra- 
tion  ,  ce  malheur  femble  bientôt  re- 
paré par  la  multiplication  des  péta- 
les ,  <3c  la  vivacité  de  leurs  couleurs. 
L'bomme   même  ,  ce   roi  de  la  na- 
ture ,  pour  qui  elle  paroït  fans  celfe 
travailler ,   ignore  fouvent ,   eu  ou- 
blie bientôt  que  cette  fleur  double 
qu'il   admire  ,    qu'il  préfère  ,    n'eft 
qu'un  monftre  ,  pour  ne  penfer  qu'à 
fes  beautés.  11  faut  encore  beaucoup 
ce  connoilTances  en  botanique  pour 
obferver  &  diftinguer  toutes  les  monf- 
truolltés  végétales ,  &  jamais  ou  pref- 
que  jamais  elles  ne  font  défagréables 
à  la  vue,  &  révoltantes  comme  les 
nionftruofités  animales.  Celanevien- 
droit-il  pas  aulîî  ai  ce  que  le  règne 
animal    nous   touche  intîniment  de 
plus  près;  que  dans  le  fœtus  humain 
monrtrueu~x  ,  l'homme  voit  la  perte 
de  fon  femblable ,   de  dans  le  fœtus 
d'un    animal  monftrueux  ,   la  perte 
d'un  être  utile  &  nécelTaire.  Ainfl  la 
nature  &  l'intérêt ,  font  les  premiers 
mobiles  de  fa  fenllbiliré  ,  tandis  que 
dans  le  règne  végétal ,  il  y  trouve  une 


MON 

nouvelle  jouilfance.  Pour  l'homme 
qui  raifonne  fes  jouilTances ,  il  eft 
donc  de  fon  intérêt  de  connoicre  plus 
particulièrement  les  monftruofités  vé- 
gétales ,  leur  caufe  j  ce  qui  les  conf- 
titue telles,  &  les  différencie  des  fim- 
ples  accidents  ,  &  les  différens  fyftê- 
mes  que  l'on  a  imaginés  pour  les 
expliquer  ,  &  pourquoi  elles  font 
plus  abondantes  dans  certaines  efpè- 
ces  ,  dans  certains  cantons  &  dans 
certaines  années  ,  comme  M.  Gle- 
ditfch  Ta  obfervé  dans  les  territoires 
de  Francfort  ,  de  Furftemwald  ,  de 
Ciiftiin,  Lebus  (ac.  ,  pour  les  années 
1740,  1741  ,  1745  5  °'^i  i^  vi^  naître 
beaucoup  plus  de  plantes  fafçlées  j 
feuillues ,  prolifères ,  &  à  fleurs  dou- 
bles que  dans  les  autres  années. 

Section     II. 

Dis  mcnjlres  végétaux. 

II  eft  néceflaire  de  bien  faifir  l'i- 
dée que  renferme  le  mot  de  monf- 
tre ,  &  de  bien  dillinguer  les  par- 
ties qui  font  réellement  monftrueu- 
fes,  de  celles  qui  ne  font  que  viciées. 
Plulieurs  auteurs  en  décrivant  des 
monftruofités  végétales  ,  ont  confon- 
du trop  fouvent  ce  qui  n'étoit  qu'un 
accident ,  &:  pour  ne  pas  tomber  dans 
cette  faute  ,  il  efl  nécelfaire  de  fpé- 
cifier  exactement  ce  que  nous  enten- 
dons par  monftre.  Nous  nommons 
tnonltre  en  général ,  avec  l'immortel 
M.  Bonnet ,  toute  produétion  orga- 
nifée-,  dans  laquelle  la  conforma- 
tion ,  l'arrangement  ou  le  nombre 
de  quelques-unes  des  parties  ne  fui- 
vent  pas  les  règles  ordinaires  ;  nous 
ajoutons  à  cette  définition  générale, 
que  dans  le  règne  végétal ,  ces  vices 
de  conformation  doivent  être  dûs  à 
l'aclc  feul  &  unique  de  la  végétation. 


MON 

â  cette  caufe  intérieure  &  non  à  des 
caufes  extérieures ,  comme  fradure 
ou  luxation  des  parties  ,  piquures 
d'infedes  ,  &c.  &c.  On  voit  déjà 
combien  cette  interprétation  exadte, 
jette  de  jour ,  &  diliîpe  la  confufion 
qui  règne  dans  cerre  partie. 

D'après  cette  déhnition  ,  la  na- 
ture nous  offre  dans  le  règne  végétal 
quatre  genres  de  monflres  ;  le  pre- 
mier renferme  ceux  qui  font  nés 
tels  par  la  conformatioii  extraordi- 
naire de  quelques-unes  de  leur  par- 
ties \  le  fécond  comprend  les  plan- 
tes qui  ont  quelques-uns  de  leurs 
organes  ou  de  leur  membre  au- 
trement diftribués  que  dans  l'état 
naturel.  Dans  le  troifième  genre ,  il 
faut  placer  les  plantes  inonftrueufes 
par  défaut,  ou  qui  ont  moins  de  par- 
ties qu'il  ne  leur  en  faut  ;  &  dans  le 
quatrième  ,  les  plantes  monftrueufes 
par  excès ,  ou  celles  qui  ont  plus  de 
parties  qu'elles  ne  doivent  en  avoir. 
11  faut  encore  ajouter  ,  que  parmi  ces 
monftruofités ,  les  unes  fe  perpétuent, 
foitpar  les  graines ,  foir  par  les  greffes, 
tandis  que  les  autres  font  paffagères 
&  n'altèrent  en  aucune  manière  les 
individus  auxquels  les  plantes  monf- 
trueufes  ont  donné  naillance. 

Quelques  botaniftes  ont  regardé 
les  variétés  dans  les  feuilles  de  cer- 
taines plantes,  les  panachures ,  &c. 
comme  des  monfliuofités  ;  mais  d'a- 
près la  déhnition  que  nous  venons  de 
donner,  c'eft  improprement  que  l'on 
donne  le  nom  de  monftres  à  ces  acci- 
dents. 

Les  greffes  par  approche  ,  ne  font 
pas  non  plus  des  monflrucfités  ,  foit 
qu'elles  aient  lieu  naturellement , 
foit  artifuiellement  :  car  l'union  de 
deux  plantes  ainfi  greffées  fubfifte  fans 
détruite  en  rien  les  loix  de  la  végéta- 


MON 


5^3 


tion.  Ces  plantes  hybrides  fe  nourrif- 
fent ,  croilfeiU  (?c  fe  légénèrent  par 
graines  &  par  boutures  j  en  un  mor,  el- 
les remplilfent  toutes  leurs  fondions 
végétales  à  l'ordinaire.  Tout  eft 
dans  l'ordre  de  la  nature  ,  rien  con- 
tre fes  loix  ;  par  conféquent ,  point 
de  monftruofités  ,  d'autant  plus  que 
la  plantule,  en  fortant  de  la  graine  , 
n'offre  pas  de  tiçes  sretTées  naturel- 
lement  ,  ce  qui  leroit  ncccllaue  pour 
conftituer  un  monftre.  Si  des  greffes 
par  approche  étoient  des  monftres 
naturels  ,  je  ne  vois  pas  pourquoi 
les  greffes  ordinaires  ne  le  fcroienc 
pas  aulîi.  (  ^^oye^  le  mot  Greffé  ) 

11  faut  en  dire  autant  des  monf- 
tres par  accidents  5  ce  n'en  font  pas 
de  véritables.  Les  météores, les  vents, 
les  déchirures ,  les  meurtrilfures ,  les 
infecies  occafionnent  très-fouvent  fur 
la  furface  des  tiges  ,  des  feuilles  & 
même  des  fleurs  des  plantes ,  des  ac- 
cidents très-variés  ,  comme  la  brû- 
lure ,  des  protubérances ,  des  rachi- 
tifmes ,  &c.  qui  ne  font  que  des  ma- 
ladies. (  J^oyc'^  les  mors  Brûlure  , 
Gale  )  La  fullomanie  elle-même  ne 
paroiflant  que  dans  le  cours  de  la  vie 
de  la  plante,  efl  plutôt  une  maladie 
qu'une  monftruolité.  Si  elle  paroiifoit 
dès  le  moment  de  la  naiffance  &  du 
développement  du  foetus ,  alors  elle  en 
feroit  une  véritable,  parce  que,  com- 
me nous  le  verrons  plus  bas  ,  c'eft 
dans  les  vices  du  fœtus  qu'il  fiur 
chercher  le  vrai- principe  des  monf- 
truofités. 

Section     II  L 

Exemples  de  monjlruojlte's  vége'tales. 

Nous  allons  parcourir  les  princi- 
paux exemples  de  véritables  monf- 
Bbbb  i 


5^4 


MON 


truorucs  que  les  différents  obferva- 
teiirs  ont  recueillies  j  mais  afin  qu'on 
les  faifilfe  mieux  ,  nous  les  clalTerons 
fuivanc  les  parties  principales  des 
plantes  ,  en  fuivant  les  genres  de 
monftruofités  :  obfervons  ici  qu'jl  ne 
s'agit  que  de  monllruolués  de  naif- 
fance  &  de  végétation,  £<  non  de  monf- 
truofités  produites  par  des  infe6tes. 

i".  AJonJïruq/itd's  des  tiges.  Les 
tiges  font  fujettes  à  plulieurs  efpè- 
ces  de  monftruofités ,  principalement 
à  celles  de  conformation.  Dans  pref- 
que  toutes  les  plantes  ,  les  tiges  font 
rondes  ,  c'eft  la  figure  que  la  nature 
leur  a  allîgnée ,  comme  la  plus  pro- 
pre à  la  circulation  égale  des  fucs  j 
cependant  il  s'efl  trouvé  beaucoup 
d'exemples  où  l'on  a  vu  cette  forme 
varier  ,  fur-tout  s'applatir  &  offrir 
l'image  d'une  bande  platte  ou  de  ru- 
bans. Borrichius  a  obfervéun^criîw/^/Tz 
qui  avoir  deux  tiges  ainfî  applaties 
éc  larges  de  près  de  deux  doigts  j 
chacune  de  ces  riges  plâtres  étoit  for- 
mée de  quinze  petites  qu'on  pouvoit 
encore  di(l:inguer  ,  &  qui  s'étoient 
réunies  Se  collées  enfemble  fur  un 
même  plan.  Cette  monftruofué  s'é- 
rendoit  jufqn'à  quelques-unes  des 
branches  fupérieures.  La  plante  arra- 
chée ,  la  racine  a  paru  nouée  &  tor- 
tillée contre  fon  ordinaire.  Un  hif- 
fope ,  un  lis  martagon  ,  &  une  cou- 
rûnne  impériale  ,  lui  ont  offert  le 
même  phénomène. 

M.  Scholotterberg  cite  un  niium 
album  polyanthos  j  le_  lis  blanc  or- 
dinaire, dont  la  tige  compofée  d'un 
grand  nombre  d'autres ,  avoir  trois 
doigts  de  diamètre.  On  en  a  des 
■  exe'mples  communs  encore  dans  les 
tiges  de  l'iimaranulie  qui  s'applatillent 
alTez  foavcnt  ;  dans  celles  du  maïs, 
de  la  chicorée  fauvage  ,   de  la  valé- 


MON 

rîane  ,  dans  les  branches  du  frêne , 

du  faule ,  &c. 

Ces  applatiffemens  des  tiges  , 
font  dûs  à  la  réunion  naturelle 
de  plufieurs  tiges,  &  dont  il  eft  à 
croire  que  le  principe  exiftoit  dans 
le  fœtus  même  ,  puifqu'Us  ont  lieu 
fur  la  plante  très-petite ,  comme  fur 
la  plante  développée,  &  prefqu'à  fon 
point  de  perftétion.  Cet  excès  de 
parties  dans  le  végétal ,  ell  analogue 
à  l'excès  de  parties  dans  l'animal  , 
comme  un  quadrupède  à  fix  pat- 
tes ,  Sec.  ;  mais  le  règne  végétal  of- 
fre fouvent  une  autre  efpèce  de  monf- 
truoficé  beaucoup  plus  rare  dans  le 
règne  animal  5  c'eft:  la  réunion  de  ti- 
ges de  différentes  natures  j  je  vais  en 
citer  quatre  exemples  finguliers.  M. 
Lalandrini  a  o'ofervé  un  tuyau  de 
froment  de  l'un  des  nœuds  duquel 
fortuit  un  fécond  tuyau  qui  portoit 
à  fon  extrémité  un  tuyau  d'ivraie  ; 
&  l'ayant  diffcqué  à  l'endroit  de  leur 
inferrion  ,  il  a  trouvé  leurs  membra- 
nes parfaitement  continues. 

Les  iromentacées  ont  offert  à 
Wormins  un  exemple  de  monftruo- 
fité  pareille,  celle  de  l'orge  avec  le 
feigle.  C'étoit  un  court  épi  ,  partagé 
en  quatre  pointes  ,  d'un  pouce  de 
longueur,  qui  à  la  première  vue  pa- 
roiliûit  être  un  vrai  épi  d'orge,  mais 
qui  renfermoit  réellement  tout-à  la- 
fois  du  feigle  &  de  l'orge.  Les  qua- 
tre branches  de  cet  épi ,  étoient  dif- 
poféesde  façon, qu'alternativement  la 
première  n'avoir  que  des  grains  d'or- 
ge au  nombre  dé  cinq  ,  ;?c  la  féconde 
des  grains  de  ftigîe.  Les  crains  d'orge 
avoient  leur  longueur  ,  leur  dureté  , 
leur  rudelle  ordinaires  ,  &  les  barbes 
dont  ils  font  naturellement  garnis- 
caradlères  qui  ne  fe  trouvoient 'point 
dans  ceux  du  feigle. 


MON 

Le  profeflTeiirGefnerde  Zurich  (  ce 
favant  fi  eftimable  p.ir  l'étendue  de 
fes  connoilTances  ,  la  franchife  de  fes 
vertus ,  l'aménité  de  fon  cara6tere  , 
auquel  je  me  plais  à  rendre  ici  un 
tribut  tie  reconnoiirance  pour  les 
bontés  dont  il  m'a  honoré  à  mon  paf- 
fage  à  Zurich,  en  17B4)  a  donné 
une  deicription  circonftantiée  de  l'u- 
nion monlhueufe  de  la  pâquerette 
avec  la  renoncule ,  &  de  plantes  de 
divers  genres,  de  divers  ordres  &  de 
diverfes  clafTes. 

L'exemple  l'uivant,  fans  être  aufli 
frappant ,  n'eft  pas  moins  intéreirant  ; 
il  ell:  dû  aux  obfervations  du  P.  Cot- 
te. C'eft  une  carotte  ,  moitié  carotte 
&  moitié  betterave.  Cette  efpèce  de 
monftre  avoit  un  pied  de  longueur 
Se  vingt -fept  lignes  dans  fou  plus 
grand  diamètre  5  l'extérieur  étoit 
rouge  comme  une  betterave  :  cette 
couleur  n'étoit  pas  particulière  à  la 
peau  ,  elle  s'appercevoit  encore  tout 
autour  dans  l'efpace  d'une  ligne  ;  le 
centre  de  cette  racine  étoit  teint  de 
la  même  couleur  dans  un  efpace  de 
fix  lignes  jufqu'aux  deux  tiers  de  fa 
longueur  ;  tout  l'efpace  intermédiai- 
re étoit  jaune.  Cette  carotre  cuite 
avoit  le  goût  de  la  carotte  Se  de  la 
betterave. 

2°.  Monjlruojit-és  des  feuilles.  Les 
monftruofités  des  feuilles  font  infini- 
ment plus  communes  que  celles  des 
tiges  ,&  Ton  pourroit  même  dire  qu'il 
y  a  peu  de  plantes  cà  feuilles  compo- 
fées  ou  fur  coinpolées  qui  n'en  offre 
quelqu'exemple  ,  plus  fj-xquemment 
cependant  dans  les  efpèces  herbacées , 
que  dans  les  ligneufcs  5  nous  en  cite- 
rons quelques-uns. 

M.  Bonnet  ,  cet  illuftre  &  exaét 
fcrutateur  de  la  nature,   a  obfervé 


MON 


565 


un  grand  nombre  de  variétés  trcs^ 
frappantes  dans  les  folioles  du  fram- 
boifier ,  qui  font  autant  de  monf- 
truolués  qui  doivent  leur  origine  à 
la  réunion  ou  à  la  greffe  des  folioles 
les  unes  avec  les  aunes.  11  a  remarqué 
que  dans  les  Ituilles  à  cinq  folioles, 
ce  font  toujours  celles  de  la  féconde 
paire  qui  s'unifient  à  celles  de  l'ex- 
trémité du  pédicule  ;  la  proximité 
qui  eft  entre  ces  folioles ,  favorife 
cette  union.  Tantôt  il  n'y  a  qu'une 
feule  foliole  qui  fe  grefte  à  celle  de 
l'extrémité;  tantôt  ceft  la  paire  en- 
tière; tantôt  l'union  fe  fait  dans  toute 
la  longueur  de  la  foliole  ou  des  fo- 
lioles \  tantôt  elle  ne  fe  fait  que  fur 
la  moitié ,  le  quart  ou  une  très-pe- 
tite partie  de  cette  longueur.  La 
jonétion  commence  toujours  à  l'ori- 
gine du  pédicule  particulier.  On  voit 
ordinairement  à  l'endroit  de  la  réu- 
nion ,  un  pli  ou  une  efpèce  d'arrêté. 
Les  folioles  de  la  feuille  du  noyer, 
font  fujettes  à  de  pareilles  difformi- 
tés. M.  Eonnet  en  a  vu  une  feuilJe 
à  cinq  folioles,  dont  celle  de  l'ex- 
trémité étoit  plus  petite  que  les  au- 
tres ,  &  parfaitement  circulaire  ;  dans 
d'autres  ,  les  folioles  tenoient  au  pé- 
dicule commun ,  non-feulement  par 
un  court  pédicule ,  mais  encore  par 
une  efpèce  de  peau  ou  de  membrane , 
qui  donnoit  à  ces  folioles  une  figure 
très  -  irrégulière.  Dans  une  autre 
feuille  ,  l'extrém.ité  portoit  deux  fo- 
lioles, dont  Tune  étoit  fort  échan- 
crée  d'un  côté  ;  il  y  a  obfervé  fou- 
vent  des  greffes  femblables  à  celles 
des  feuilles  du  framboifier  ,  &  dans 
une  fur-tout, quetouteslesfolioless'c- 
toient  réunies,  de  façon  que  la  feuille 
offroitune  forme  très-bizarre,  qu'elle 
étoit  un  peu  plifice,  &  que  fa  prin- 
cipale  nervure,    au   lieu  d'être   ar- 


5<r(î 


M  O  N 


rondie  ,  étoi:  ahfoUiment  plate  «5^' 
forr  large. 

Les  feuilles  du  jafinin  offrent  en- 
core lin  plus  grand  nombre  de  va- 
riétés, &  elles  font  fi  communes  fur 
cette  plante  ,  qu'il  eft  facile  de  les 
appercevoir  au  premier  coup  d'œil , 
pour  peu  que  l'on  cor.iîoilfe  partai- 
tement  la  forme  de  la  feuille  du 
jafmin. 

La  feuille  du  lilas,  qui  eft  toujours 
fimple  &:  fans  découpure,  quelque- 
fois eft  double  &  comme  divifce  en 
deux  feuilles  différentes,  qui  fe  réu- 
niftenr  près  du  pétiole  ,  divergent  & 
s'écartent  enfuite  l'une  de  l'autre. 

Le  violier  rouge  a  encore  offert 
un  phénomène  de  feuilles  compofces; 
fa  feuille  eft  fîmple,  un  peu  allongée 
&  un  peu  roulée,  fur- tout  aux  ap- 
proches de  l'automne  ;  on  en  a  vu 
une  triple,  ou  au  moins  remarqua- 
ble par  trois  divifions^  la  feuille  du 
milieu  étoit  plus  grande  que  les 
deux  autres  latérales;  de  plus,  cette 
feuille  étoit  beaucoup  plus  courte  que 
les  autres.  Se  la  filique  qui  fuccéda  à 
la  fleur,  refta  grêle  ,  courte  Se  menue. 

M.  Bonnet  cite  une  monftruofité 
ces  feuilles  du  chou-fleur,  beaucoup 
plus  fingulicre  que  toutes  celles  que 
je  viens  du  rapporrer.  De  delfus  de 
de  la  principale  nervure  d'une  feuille, 
s'élevoit  une  tige  cylindrique  ,  qui 
portoic  à  fon  fommet  un  bouquet 
d'autres  feuilles,  dont  la  forme  imi- 
toit  celle  d'un  cornet;  la  furf.ice  in- 
férieure ,  aifée  à  reconnoitre  à  fa 
couleur  &:  au  relief  de  fès  nervures, 
formoit  ''extérieur  du  cornet,  donr 
les  bords  font  dentelés  :  quelques- 
uns  de  ces  cornets  avoient  une  ef- 
pèce  de  bec  ,  leur  ouverture  étoit  el- 
lyptique,c'eft-.à-dire, qu'au  lieu  d'être 
dans  un  plan  parallèle   à  l'horifon  , 


MON 

elle  étoit  dans  un  plan  incliné;  d'au- 
tres cornets  avoient  leur  ouverture 
à  peu  près  circulaire  :  leurs  grandeurs 
varioient  beaucoup,  depuis  un  pouce 
d'ouverture  fur  un  pouce  &  demi  de 
hauteur  jufqu'à  la  petiteffe  de  têtes 
d'épingles  ;  ces  petits  cornets  étoienc 
portés  fur  une  tige  affez  courte  & 
cylindrique;  examinés  de  fort  près  , 
on  appercevoir  au  centre  un  enfon- 
cement indiquant  eflentiellement  en 
petit  la  même  forme  que  les  grands; 
ils  partoient  de  la  principale  nervure 
d'un  autre  cornet;  on  découvroit  ca 
&  là  des  appendices  de  forme  irré- 
gulière, quelquefois  approchants  de 
celle  d'un  cornet ,  qui  adhcroient  à 
la  principale  tige  ou  à  quelques-uns 
des  plus  grands  cornets.  Les  monftres 
des  feuilles  de  choux  fleur  ne  font  pas 
rares ,  car  M.  Bonnet  en  a  trouvé 
plufieurs  dans  une  feule  planche  de 
choux -fleurs. 

5°.  Monjlrucfaés  des  fleurs.  Si  on 
étudioitbien  attentivement  les  fleurs, 
on  trouveroit  beaucoup  plus  de  monf- 
truofités  dans  leurs  parties  que  l'on 
ne  penfe  ;  on  peut  même,  en  gé- 
néral ,  regarder  comme  une  monf- 
truofité permajiente,  la  multiplicité 
des  pétales  dans  certaines  efpèces  de 
fleurs  ,  ce  qui  les  a  fait  nommeryZti/rj 
doubles.  On  penfe  communément  que 
c'eft  la  culture  qui  amène  les  fleurs  à  cet 
état  par  une  furabondance  de  fève  ; 
mais  nous  croyons  que  cela  dépend 
encore  plus  de  la  nature  du  fœtus  j 
car  far  une  planche  de  femis  de  re- 
noncule ,  par  exemple ,  dont  toutes  les 
graines  viennent  ce  la  même  plante 
limple  ,  il  s'en  trouvera  quelques- 
unes  de  doubles ,  &  le  refte  fera  fim- 
ple. Or  dans  cet  exemple  fi  frappant, 
&  qui  fe  renouvelle  tous  les  jours , 
l'uniformité  des  circonftances  accom- 


M  O  M 

pagne  abfoliunein  le  dévcloppemenc 
de  cous  les  germes  j  nicme  iemence  , 
même  terrein  ,  même  influence  at- 
niofphcriqiie  j  pourquoi  quelques 
Heurs  doubles  ?  Pourquoi  quelques 
monftres  ?  Nous  en  développerons  la 
caufe  plus  b.is. 

Nous  allor.s  cirer  cependant  quel- 
ques nionftruoficés  florales  allez  fîngu- 
lières.  Les  premières  nous  feroiu  four- 
nies par  M.  Bonner.  11  cite  des  fleurs 
de  renoncules  du  milieu  defquelles 
lortolenc  une  tiee  portant  une  autre 
fleur  j  mais  fui-touc  une  roie  qui  ot- 
froic  le  même  phénomène  j  du  cen- 
tre de  cette  fleur,  partcit  une  tige 
quatrée,  blanchâtre,  tendre  &  lans 
épines  ,  qui  portoit  à  {on  Ton^ntC 
deux  boutons  à  fleurs  ,  oppofés  l'un 
à  l'autre,  în:  abfolument  dépourvus  de 
calice  j  un  peu  au-deiîous  de  ces  bou- 
tons ,  forroic  un  pétale  de  forme  af- 
fez  irrégulière.  Sur  la  tige  épineufequi 
portpic  la  rofe ,  on  obfervoit  une 
feuille  qui  différoic  beaucoup  de  celles 
qui  font  propres  au  rofler  ;  elle  étoic 
en  trèfle  y  fon  pédicule  étoic  large  i^ 
plat. 

Dans  cette  clafle  de  monfliruoficés , 
il  n'eft  pas  rare  de  voir  les  étamines 
fe  convertir  en  pétales ,  &  M.  Du- 
hamel penfe  même  que  la  multipli- 
cité des  pétales  des  fleurs  doubles  , 
n'eft;  due  qu'à  cette  converllon.  La 
ftérilité  de  ces  fleurs  s'explique  faci- 
lement par-là  ;  moins  il  y  aura  d'é- 
tamines ,  ou  plus  il  y  en  aura  de 
converties  en  pétales ,  &  plus  cette 
ftérilité  fera  parfaite  par  ce  défaut 
d'organes  générateurs.  En  examinant 
ces  fleurs  doubles  ,  on  peut  fouvent 
obferver  ce  palfage,  &  on  trouve  des 
étamines  qui  ne  font  qu'à  demi  chan- 
gées en  pétales.  Les  rofes  fur-tout 
offrent  ces  accidents. 


MON  ^6j 

Quand  le  piftil  éprouve  un  effec 
analogue  ,  au  lieu  de  produire  des 
pétales ,  il  fe  change  en  feuilles  ver- 
tes ordinaires ,  ou  en  une  tige  por- 
tant feuilles  &  flturs  :  les  rofiers,  les 
ceiiliers  à  fleurs  doubles  &  les  œil- 
lets ,  font  fu jets  à  ces  accidents.  Pref- 
que  tous  les  auteurs  qui  ont  écrit  fur 
les  monflruofités  végétales,  comme 
Bonnet  ,  Duhamel ,  Schlotterberg  , 
Adanfon  ,  t^c.  &c. ,  ont  cité  plu- 
fieurs  exemples  de  monftruofités  flo- 
rales, &:  fur-tcucdefleurs  implantées 
les  unes  dans  les  autres  ,  ce  qui  a 
fait  donner  aux  plantes  qui  les  por- 
toient  le  nom  de  plantes  prolifères. 
Quelques  plantes  cotimbyfcres  pro- 
duifent  aulîi  quelquefois  des  corimbes 
implantés  l'un  dans  l'autre. 

La  fleur  de  la  ballamine  ell  ter- 
minée par  un  éperon.  Je  l'ai  obfervé 
quelquerois  avec  deux  ;  i\7.  Schlot- 
cerherg  en  a  trouvé  une  à  trois.  Cu- 
rieux de  favoir  h  cette  fleur  produi- 
roit  des  graines  comme  les  autres,  il 
ne  voulut  pas  la  cueillir;  mais  fon  at» 
tente  fut  vaine,  &  la  fleur  fe  defljécha. 

4*^.  Monjlruvfités  des  fruits.  Les 
monftruofirés  des  fruits  font  encore 
infiniment  plus  multipliées  que  celles 
des  tiges ,  des  feuilles  &  des  fleurs  , 
&  l'on  peut  même  dire  en  général  , 
qu'il  n'y  a  point  de  fleur  monftrueufe, 
lorfqu'elle  produit  un  fruit ,  qui  ne 
produifeun  fruit  monftrueux;  mais  il 
ne  faut  pas  en  inférer  de-Ià,  qu'il  n'y 
a  de  fruit  monftrueux ,  que  lorfqu'il 
a  exiflé  auparavant  une  fleur  monf- 
trueufe.  Souvent  d'une  fleur  belle, 
faine  &  bien  proportionnée,  naît  un 
fruit  monftrueux ,  qui  doit  alors  fon 
origine  au  germe  monftrueux  contenu 
dms  l'ovaire.  La  monftruofité  des 
fruits  eft  prefque  toujours  par  excès, 
6c    par  greffe  naturelle.   Borrichius 


5^8 


MON 


rapporte  qu'on  lui  fit  voir  une  poirf 
mo  illriuiife  de  ce  genre.  C'étoit 
inuins  un  fcul  fruit  que  deux  fruits 
réunis.  Le  premier  c'toit  forme  de  la 
queue  &  de  la  moitié  d'une  poire  or- 
dinaire ^  l'autre  formoit  la  partie  la 
plus  conddérable ,  &  l'extrémité  du 
fruit;  entre  les  deux,  fortoient  de 
part  &  d'autre  des  feuilles  quife  tou- 
choient  avec  fymctrie,  &  s'uniiroient 
de  manière  qu'on  les  eût  prifes  pour 
une  feule  feuille  diverfement  décou- 
pée ;  on  ne  voyoit  aucune  fépara^ 
tion  dans  l'intérieur ,  &  tout  y  étoit 
tellement  difpofé  ,  qu'on  eût  dit  que 
o'étoit  un  feul  fruir ,  fi  ce  n'eft  quel- 
ques fibres  irrégulicres ,  &  les  pepms 
difperfés  confufément  ,  qui  annoii- 
çoient  un  peu  le  vice  de  la  conforma- 
rion. 

M.  Bonnet  a  vu  pareillement  une 
poire  qui  donnoit  naiilance  à  une  ti- 
ge ligneufe  ôc  nouée  ,  dont  le  fom- 
met  portoit  une  féconde  poire  un 
peu  plus  grode  que  la  première.  11 
falloir  que  cette  nouvelle  tige  eût 
porté  fleur  ,  &c  que  le  huit  eût  noué. 

M.  Duhamel  a  fait  la  même  obfer- 
vation  fur  un  jeune  poirier  ,  dans 
le  jardin  des  Chartreux  de  Paris.  De 
l'œil  de  prefque  toutes  les  poires  de 
cet  arbre  ,  fortoit  une  branche  ou 
une  fleur,  &  quelques-unes  de  ces 
fleurs  qui  avoient  noué  leurs  huits, 
produifoient  une  poire  double ,  dont 
l'une  fortoit  de  l'extrémité  de  l'autre. 
Il  arrive  fréqueminent  quelque chofe 
de  femblable  aux  citroniers  ;  on  y 
trouve  de  ces  fruits  furnuméraires , 
renfermés,  foit  en  partie  ,  foit  même 
quelquefois  en  entier,  dans  le  vrai 
fruit.  Cette obfervation  efl:  confirmée 
par  une  femblable  de  M.  Marcorelle , 
confignée  dans  le  Journal  de  Phyfi- 
que  j  de  février  178 1 .  Il  cite  aufTi  un 


MON 

grain  de  raihn  double,  c'eft-à-dire 
un  petit  grain  ,  garni  de  feuilles  & 
d'une  petite  tige ,  fortant  d'un  gros. 
Les  monftruofités  des  fruits ,  par 
approche  ,  ou  par  greffe  naturelle , 
font  très  -  communes.  Il  n'eft  pas 
rare  de  voir  deux  fruits  accolés  l'un 
à  l'autre ,  &  recouverts  par  la  même 
écorce  &  le  même  épidémie  :  les 
deux  péricarpes  n'en  faire  qu'un  ; 
les  graines  multipliées  en  raifon  des 
deux  individus.  Se  lependant  le  tout 
porté  par  un  pédicule  commun.  Les 
baies  de  genévriers,  les  prunes  ,  les 
cerifes,  les  poires ,  les  pommes,  &c. 
font  fujets  à  cy  accident.  M.  Scholot- 
terberg  a  obfcrvé  un  concombre  de 
jardin  ,  double  ,  &c  réuni  à  un  plus 
petit. 

Telles  font  en  général  les  princi- 
pales monftruofités  naturelles  que 
l'on  a  obfervé  dans  les  plantes.  Nous 
traiterons ,  au  mot  Maladie  ,  de 
celles  qui  furviennent  par  accidens , 
que  l'on  a  regardé  improprement 
comme  des  monftruofités ,  qui  n'en 
font  point  ,  mais  de  fimples  mala- 
dies eu  excroitfances  produites  par 
des  piquures  d'infecles,  des  déchiru- 
res ,  des  luxations ,  Sec.  &cc.  Cher- 
chons à  préfent  à  expliquer,  autant 
que  nous  le  pourrons ,  les  caufes  des 
monftruofités  naturelles. 

Section      IV- 

Caufes  des  monjlruojltcs  végétales. 

Hypocrate ,  en  comparant  les  monf- 
truolités animales  aux  végétales,  nous 
a  indiqué  qu'il  flilloit  iciraifonnerpar 
analogie  ,  comme  dans  prefque  tous 
les  grands  phénomènes  de  la  végéta- 
tion ,  (  I^oye\  au  mot  Arbre  ,  le  pa- 
rallèle du  règne  végétal  avec  le  règne 

animal. 


MON 

animal.  )  Lorfque  dans  la  phyfiolo- 
gie  animale  on  eut  imaginé  que  tout: 
fe  ptoduifoic  par  des  œufs,  on  com- 
mença à  raifonner  affez  jufte  lut  l'o- 
rigine  des  monftres  5  tout  ce  que  1  on 
avoit  dit  auparavant  ctoit,  ou  abfo- 
himent  contraire  à  la  véritable  pliy- 
fique,ou  des  explications  plusoblcu- 
resque  ce  que  l'on  voulait  expliquer. 
On  accufoit  la  nature  d'erreur  &  de 
méprife  ,  qu'il  flrlloit  lui  pardonner  ; 
&  l'on  regardoit  les  monftres  ,  ou 
comme  indignes  de  l'attention  d'un 
philofophe,  ou  comme  l'objet  de  fon 
horreur.  La  fcience  faifant  des  pro- 
grès infenfibles ,  a  ,  peu-à-peu  ,  dé- 
tourné le  voile  dont  la  nature  fe  ca- 
cboit  dans  la  fabrication  des  monf- 
tres j  &  la  découverte  des  germes  & 
des  œufs  ,  a  commencé  celle  de  la 
formation  des  monftres  ;  c'eft  dans 
leur  exiftence  ,  leur  manière  d'être  , 
&  dans  leur  développement  que  l'on 
a  cherché  la  caufe  de  ce  phénomène. 
Mais  ,  à  peine  a-ton  cru  avoir 
trouvé  le  vrai  principe  ,  qu'il  s'eft 
élevé  deux    fentimens  fameux. 

L'un  enfeignoit  que  des  œufs  , 
originairement  monftrueux  ,  qui  fe 
développoient  aufli  régulièrement  que 
les  autres  ,  produifoient  naturelle- 
ment des  monftres ,  &c  que  par  con- 
féquent  ces  monftres  étoient  autant 
la  première  intention  de  la  nature , 
que  les  animaux  ordinaires  &  par- 
faits. 

Suivant  le  fécond  fyftème  ,  les 
monftres  doivent  leur  origne  à  l'u- 
nion &  à  la  confufion  accidentelle 
de  deux  œufs.  Tous  les  autres  fyf- 
tcmes  fe  rapprochent  plus  ou  moins 
de  ces  deux^à  j  par  conféquent  il 
eft  inutile   d'en    faire    ici   mention. 

Les   germes    ayant  été   fubftiiués 
aux  œufs ,  les  mêmes  principes  peu- 
Tome  FI. 


MON 


5^9 


vent  avoir  lieu  avec  les  "ermes 
comme  avec  les  œufs  j  &  il  peut 
y  avoir  des  germes  monftrueux ,  ou 
deux  germes  fe  pénétrant  &  fe  con- 
fondant l'un  avec  l'autre.  Comme 
dans  le  règne  végétal  la  doctrine  des 
germes  paroît  ablolument  démontrée, 
(  Foye^  le  mot  Germe  )  nous  l'em* 
ploirons  pour  chercher  à  expliquer 
la  formation  des  monftres.  M,  Bon- 
net nous  fera  d'un  très-grand  fecours  j 
&  comme  en  général  nous  avons 
adopté  la  fublime  théorie  de  cet  il- 
luftre  favant,  pour  la  phyiîologie,  il 
fera  encore  notre  guide  dans  le  laby- 
rinthe oblccr  que  nous  allons  par- 
courir. 

Les  germes  deftinés  par  la  nature 
à  fe  développer  un  jour  &  à  vivre  , 
doivent  être  doués  de  toutes  les 
qualités  néceftaires  à  cet  objet,  fans 
quoi  le  but  de  la  nature  ne  feroit 
pas  rempli.  Si!  s'en  trouvoit  d'ori- 
ginairement monftrueux,  ils  iroienc 
diredement  contre  la  fageife  de  l'au- 
teur de  la  nature;  je  doute  même 
qu'il  pût  être  fécondé  dans  cet  état  ; 
car  le  germe  n'étant  compofé  que  des 
feules  parties  élémentaires ,  relTerrées 
les  unes  contre  les  autres  ,  qui  doi- 
vent un  jour  ie  développer  par  la  fé- 
condation &  l'accroilTementjs'il  man- 
quoit  une  feule  de  ces  parties  élé- 
mentaires ,  ou  s'il  s'en  trouvoit  quel- 
ques-unes de  doubles,  pouiroit-il 
exifter  dans  ce  germe  ,  en  cet  état  de 
défordre  ,  la  faculté  de  fe  développer. 
Avant  la  fécondation  ,  on  peut  con- 
fidérer  le  germe  naturel  comme  une 
montre  ordinaire  ,  douée  de  toutes 
fes  pièces  infiniment  parfaites ,  mais 
dont  le  reftort  n'eft  pas  monté.  On 
monte  ce  reftort  :  voilà  l'aéte  de  la 
fécondation  ;  voilà  le  Jlymulus ,  le 
relfort  bandé ,  tout  marche ,  tout  va  , 
C  c  c  c 


570 


MON 


Ja  montre  vit.  Mais  ,  Ci  par  lufard 
cerce  montre  venoit  à  manquer  d'une 
parrie  elTentielle,  comme  de  la  roue 
de  rencontre  ou  de  la  roue  de  la  fu- 
fée  ,  certainement  la  montre  n'iroit 
pas  :  il  en  eft  à-peu-près  de  même 
pour  le  développement  des  germes. 
Voilà  pour  les  germes  monrtiueux 
par  détaur.  Suppofons  à  préfent  qu'il 
fe  trouve  dans  la  montre  ,  &  fous  la 
même  quadrature ,  deux  tufees  ou 
deux  écliappemens  ,  &  même  deux 
rouages  complets  l'un  dans  l'autre  , 
il  eft  de  toute  évidence  qu'en  vain 
l'on  monceroic  le  rellort  ,  rien  ne 
marcheroit  ,  parce  que  tout  fe  gê- 
neroit  ,  tout  feroit  contre  l'ordre  & 
l'économie  :  c'eft-làle  cas  des  germes 
monftrueuxpar  excès.  Il  eft  donc  pro- 
bable qu'il  n'exifte  Ik  ne  peut  exifter 
de  germes  monftrueux.  Ce  principe 
paroîrra  encore  plus  vrailemblable  , 
fi  l'on  adopte  le  lyftême  de  l'emboi- 
rementdes  germes,  celui  auquel  nous 
donnons  la  préférence  ,  comme  au 
plus  plaufible.  Dans  ce  fyftcme ,  l'exif- 
tence  des  germes  monftrueux  eft  en- 
core  plus  difficile  à  concevoir.  Com- 
ment ,  &  pourquoi  ces  germes  qui 
exiftent  de  tour  temps  ,  qui  préexif- 
tent  à  la  fét:ondation ,  qui,  avant  ce 
moment,  vivent  de  la  vie  de  l'indi- 
vidu qui  les  porte ,  «Se  qui  attendent  le 
JlymuLus  de  la  fécondation  \  pourquoi , 
dis-je  ,  ces  germes  feroient-ils  monf- 
trueux ?  Qui  eft  ce  qui  les  auroit  créés 
tels  ?  Et  comment  auroient  ils  pu  être 
emboîtés  les  uns  dans  les  autres  , 
s'ils  l'avoient  été  dès  l'origine.  Un 
germe  monftrueux  nécelîi:e  une  monf- 
truofité  pareille  dans  le  germe  qui 
l'emboîte  \  celui-ci  par  conféquent 
en  nécclfue  autant;  ainlî  les  uns  des 
autres  jufqu'au  premier  :  ainlî ,  il  ne 
pourroitexifteraduellementunmonf- 


M  O  N 

tre,  foit  dans  le  règne  animal  ,  foit 
dans  le  règne  végétal  ,  que  l'on- ne 
fut  obligé  d'en  conclure  que  le  pre- 
mier germe ,  celui  qui  renfermoic 
rous  les  autres ,  étoit  lui-même  monf- 
trueux ,  &  que  depuis  fon  dévelop- 
pement jufqu'<à  celui  dont  il  eft  quef- 
rion,  on  n'a  eu  nécelfairemenr  que 
des  tœtus  ou  des  individus  monf- 
trueux; ce  qui  eftabfolument  oppofé 
à  ce  que  nous  voyons  tous  les  jours. 
Une  plante  douce  de  toutes  fes  éta- 
mines ,  de  fon  piftit ,  &c. ,  en  un  mot , 
de  toutes  les  parties  nécelFaires  pour 
la  conftituer  telle  plante  ,  &  qui  n'a 
qu'elles  ,  donne  fouvent  des  grai- 
nes qui  produifenc  des  monftres  ; 
toutes  les  fleurs  doubles  viennent 
de  fleurs  fimples.  Il  en  eft  de  même 
dans  le  règne  animal.  Combien  de 
fois  n'a-t-on  pas  vu  un  monft;re  né 
d'un  homme  &  d'une  femme  biers 
faits  ?  Il  n'eft  donc  pas  probable, 
tranchons  le  mot  ,  il  n'exifte  donc 
pas   de  gerir.es  monftrueux  ! 

S'il  n'exifte  pas  de  germes  monf- 
trueux dans  le  règne  végétal  comme 
dans  le  règne  animal  ,  quel  peut 
donc  être  le  principe  l'cs  monftruo- 
fités?  Le  même  dans  les  deux  règnes. 
La  réunion  de  deux  germes  ,  leur 
confufion  durant  leur  développement  ; 
en  un  mot  ,  les  monftiuolités  font 
dues  à  des  fœtus  devenus  monf- 
trueux. Il  faut  bien  diftinguer  entre 
les  germes  &  les  fœtus.  Le  germe  eft 
le  tœtus  avant  fa  vie  propre  ,  &  le 
fœtus  eft  le  germe  vivant  &  fe  dé- 
veloppant. Au  moment  de  la  fécon- 
dation ,  le  germe  végétal  eft  ftimulé 
&C  animé  par  l'atftion  de  la  pouliière 
féminale  ,  (  Voye-^  Fécondation) 
il  s'étend  ,  il  croît  en  tous  fens. 
Mais  auparavant  ce  n'étoit  qu'une 
gelée  ;  deux  germes  à  côté  l'un  de 


MON 

l'autre  étoienr  deux  gouttes  de  ge- 
lées très  voifines  :  c'efl:  comme  s'ex- 
prime M.  Bonnet  ,  une  fuite  de 
points  qui  formeront  dans  la  fuite 
des  lignes  ,  ces  lignes  fe  prolonge- 
ront, fe  multiplieront,  &  produiront 
des  furfaces.  Combien  n'eft-il  pas  fa- 
cile qu'en  fe  prolongeant  ainli  dans 
tout  fens  j  deux  ou  pluiîeurs  germes 
ne  viennent  à  fe  coucher ,  à  s'abou- 
cher ,  à  fe  greffer  les  uns  contre  les 
autres.  Si  cette  réunion  perfifte  durant 
le  développement ,  le  fœtus  devien- 
dra monftrueux  dans  l'ovaire  de  la 
plante  même  \  la  germination  ani- 
mera de  plus  en  plus  cette  monftruo- 
fité  ,  Se  elle  deviendra  très  fcnfible 
dans  la  plante  adulte. 

D'après  ce  principe  ,  on  explique 
facilement  la  formation  tSc  l'exiftence 
des  monftres  par  début ,  ou  par  excès. 
Si  deux  germes  en  fe  pénécraiu,  dé- 
truifent  abfolument  les  parties  par 
lefquelles  ils  fe  pénétrent,  le  fœtus 
en  fera  privé  ,  (^  voilà  un  monftre 
par  défaut.  Si ,  au  contraire,  ces  par- 
ties ne  font  que  fe  greffer,  Se  fubfif- 
tent  affez  ifolées  &  indépendantes 
pour  qu'elles  foient  fenfibles  :  voilà 
un  monftre  par  excès. 

Il  exifte  encore  une  autre  caufe  de 
monftruofité  ,  qui  paroît  avoir  beau- 
coup plus  d'influence  dans  le  règne 
végétal  que  dans  le  règne  animal  , 
&  qui  ne  dépend  nullement  de  la 
pénétration  de  deux  germes  ,  mais 
feulement  du  iimple  développement 
d'une  partie  du  fœtus  au  dépens  de 
fes  voifines.  Je  fuppofe  qu'un  germe 
fécondé  d'une  rofe  ,  d'une  renoncule 
ou  de  toute  autre  fleur ,  qui  ,  de 
fimple  ,  peut  devenir  double  ^^ar  la 
culture,  fe  développe  &  vive  comme 
fœtus  i  il  peut  fe  faire  qu'il  tire  de 
la  terre  &  de  l'air  une  nourriture  plus 


MON  571 

propre  au  développement  des  pétales 
que  des  ctamines.  Qu'arrivera- t-il  ? 
Les  pétales  fe  développeront  plutôt 
que  les  étamines  ^  &  comme  les 
germes  fe  trouvent  difféminés  dans 
toute  la  plante  ,  les  étamines  elles- 
mêmes  pompant  une  nourriture  qui 
convient  plus  aux  pétales  qu'à  elles- 
mêmes  ,  ne  le  changeront  pas  en 
pétales  ,  comme  on  le  dit  commu- 
nément ,  mais  laifferont  développet 
les  germes  de  pétales  qu'elles  ren- 
ferment ,  à  leur  propre  détriment  , 
de  façon  que  les  eramines  ne  paroî- 
tront  plus;  mais  comme  c^s  nouveaux 
pétales  font  compofées  de  deux  ef- 
pèces  de  germes ,  des  germes  d'éta- 
niines  ,  6c  des  germes  de  pétales, 
ces  nouveaux  pétales  feront  des  monf- 
tres uifor-mes ,  qui  tiendront  plus  ou 
moins  de  l'un  &  de  l'autre. 

Il  en  eft  de  même  des  piftils.  Le 
piftil  contient  fans  doute  plus  de  ger- 
mes de  feuilles  que  d'autres  ;  une 
furabondance  de  fucs  ,  plus  propres  ' 
à  nourrir  des  feuilles  que  des  piftils, 
venant  à  circuler  dans  les  vaifleaux 
des  piftils  ,  feront  développer  les 
germes  des  feuilles  au  dépens  de  ceux 
des  piftils  ,  &;  on  aura  des  mrnftres , 
moitié   feuilles  Si  moitié  piftils. 

Tous  les  autres  exemples  de  monf- 
truofités  végétales  que  nous  avons 
cités  ,  peuvent  tous  s'expliquer  par 
une  de   ces   raifons. 

La  monftruofité  de  plufieurs  tiges 
de  même  efpèce  réunies ,  ell  due  à 
la  confufion  de  fœtus  fe  dévelop- 
pant, fe  pénéttant ,  &  dont  toutes 
les  parties  ont  été  tellement  con- 
fondues, qu'elles  n'en  ont  plus  fait 
qu'une  ,  excepté  les  tiges  qui  font 
reftées  accoUées  &  fenfibles. 

La  réunion  des  tiges  de  différentes 
efpèces,  e  ft  fans  doure  une  efpèce  d'hy- 
C  c  c  c   1 


572  MON 

bridicité  ,  (  Voyei  le  mot  Hybride) 
ôc  s'explique  très-facilenienc  par-là. 

Les  moaftriioficés  des  feuilles  font 
toutes  dues  à  des  e;reffes  naturelles, 
opérées  dans  le  développement  du 
fœtus  même  ,  ou  tout  au  plûtard 
dans   le  bouton. 

Il  en  eft  de  même  des  fruits  dou- 
bles. 

Le  développement  contre  nature 
des  étamines  &  des  piftils ,  donne 
l'explication  des  fleuts  doubles  &  des 
fleurs  prolifères. 

MONTAGNE.  Grande  mafTe  de 
terre  ,  ou  de  rocher,  fort  élevée  au- 
deilus  du  refte  de  la  furface  de  la 
terre.  On  peut  divifer  les  montagnes 
en  cinq  ordres  j  placer  dans  le  pre- 
mier les  glacières  ou  monragnes  qui 
font  toujours  couvertes  de  neige  & 
déglace.  Le  fécond  eft  la  pairie  des 
mélèfes.  Le  troifième  des  fapins.  Le 
quatrième  des  pins  ,  des  hêtres  , 
(  f'^oye-^  ces  mots  )  &  du  feigle.  Le 
cinquième  des  vignes  j  du  froment, 
&c.  ,  à  mefure  que  la  hauteur  di- 
minue ,  pour  ne  plus  former  qu'une 
côte  &  enfuite  un  coteau.  Telle  eft, 
relativement  à  la  hauteur ,  l'idée  qu'on 
peut  fe  former  de  ces  grandes  maifes , 
qui  coupent  en  mille  manières  la 
circonférence  du  globe.  D'après  cet 
apperçu  général  ,  il  eft  aifé  de  juger 
la  hauteur  d'une  montagne  ,  &c  fcs 
degrés  de  froid  depuis  le  haut  juf- 
qu'en  bas,  par  les  plantes  qui  naiifent 
fur  ces  différentes  zones.  Cet  examen 
eft  plus  du  relTort  du  naturalifte  que 
de    l'agriculteur. 

Si  l'on  conlidère  les  montagnes 
du  côzé  de  leur  formation  ,  on  dif- 
tinguera  les  monragnes  primitives  , 
c'eft-à-dire  celles  dont  les  fciffures 
font  de  haut  en-bas  :  elles  exiftoient 


IVI  O  NT 

avant  le  déluge;  les  monragnes y?- 
co/î^jirej  ont  été  formées  par  les  eaux, 
foit  du  déluge  ,  foit  poftérieures  : 
celles-ci  fonr  par  couches  horifonta- 
les  ou  inclinées.  Il  y  a  un  troilième 
ordre  de  montagnes  que  je  nomme 
accidentelles-^  ce  font  celles  formées 
par  les  volcans  ,  &  qui  font  les  plus 
élevées  du  canton.  Ici  tout  ordre, 
toute  harmonie  eft  dérruite.  On  ne 
voit  plus  ce  bel  enfemble  ;  les  laves 
ont  comblé  ou  creufé  des  précipices; 
les  tremblemens  de  terre  ont  ébranle 
les  monragnes  ,  &  elles  fe  font  écrou- 
lées dans  les  abîmes  :  c'eft  à  ces  grands 
accidens  qn'eft  due  la  naiffance  des 
lacs  ,  des  amas  d'eau  qu'on  trouve 
aftez  fouvent  dans  les  pays  volcanifés, 
&:  qu'on  doit  diftinguer  des  cratères 
ou  bouches  par  lefquelles  les  volcans 
vomilfoient  des  monceaux  de  pierres, 
des  laves  &  du  feu. 

Les  montagnes  primitives  font  de 
nature  vitrifiable  ;  les  fecondaires 
font  calcaires  ,  c'eft-à-dire  qu'elles 
fourniffentdes  pierresà  chaux, &  font 
effervefcence  avec  les  acides.  Les  pre- 
mières n'en  font  point ,  &  f e  fondent 
en  verre  ,  lorfqu'on  les  foumet  à 
l'aétivité  convenable  du  feu. 

Un  grand  nr  mbre  d'auteurs ,  avant 
^'  après  M.  de  Buffon  ,  ont  beair- 
coup  Travaillé  fur  l'origine  Se  fur  la. 
formation  des  montagnes  ,  on  peut 
confulter  leurs  ouvrages  ;  &  ce  feroit 
s'écarter  de  celui-ci,  fi  j'entrois  dans 
de  plus  grands  dérails  ;  il  fuffit  de 
les  confidérer  du  côté  de  leur  utilité 
pour  l'agriculture. 

1°.  Leur  élévation  met  à  couvert 
des  vents  froids ,  &:  par  la  réfracftion 
des  rayons  du  foleil  ^  elle  augmente 
la  chaleur  de  la  partie  tournée  vers 
le  midi  ;  tandis  que  celle  qui  regarde 
le  nord,  privée  de  l'impiefiion  des 


MON 

vents  du  fud,  &  expofée  à  ceux  du 
nord ,  devient  beaucoup  plus  troide 
qu'un  femblable  tetrcin  ,  ëc  fous  le 
même  pacallèle,  dont  la  chaîne  de 
montagne  feroit  du  nord  au  fud. 
{  Foye^  ce  qui  eftdit  au  mot  Abri, 
la  troifième  partie  du  mot  Agri- 
culture, chapitre,  II  ,  pcJge  12-6  , 
oii  il  eft  queftion  de  la  dépendance 
des  objets  de  l'agriculture  ,  relative- 
ment aux  balîîns  ik  aux  abris.  ) 

Les  effets  produits  par  les  mon- 
tagnes ne  font  pas  par-tout  les  mê- 
mes. Par  exemple  ,  la  haute  chaîne 
de  montagnes  appellée  Gâte  ,  qui 
s'étend  du  nord  au  fud  ,  depuis  ks 
extrémités  du  mont  Caucafe  jufqu'au 
Cap  Comorin ,  a  d'un  côté  la  côte 
du  Malabar  ,  ëc  de  l'autre  celle  de 
Coromandel.  Du  coté  du  Malabar, 
entre  cette  chaîne  de  montagnes  6c 
la  mer  ,  la  faifon  de  l'été  a  heu 
depuis  le  mois  de  feptembre  juf- 
qu'au mois  d'avril  ,  &  pendant  tout 
ce  temps,  le  ciel  y  eft  ferein  &  fans 
aucune  pluie  ;  tandis  que  fur  l'autre 
côté  de  la  montagne ,  fur  la  côte  de 
Coromandel  ,  c'eft  la  faifon  de  l'hi- 
ver &  des  pluies  fans  relâche.  Mais, 
depuis  le  mois  d'avril  jufqu'au  mois 
de  feptembre  ,  c'eft  la  faifon  d'été 
du  pays  ,  tandis  que  c'eft  celle  de 
l'hiver  du  Malabar  j  en  forte  qu'en 
plufieurs  endroirs ,  qui  ne  font  guère 
éloignés  que  de  vingt  lieues  de  che- 
min ,  on  peut,  en  croifant  la  mon- 
tagne, fe  procurer  une  laifon  oppo- 
fée  ,  en  deux  ou  trois  jours.  L'Ara- 
bie ,  le  Pérou,  offrent  lamêmefingu- 
larité,  &:  l'on  pourroit  ,  fans  fortir 
du  royaume  ,  ne  pas  remarquer  ,  il 
eft  vrai  ,  des  altérations  fi  frappantes  , 
mais  beaucoupde  petites  dégradations 
de  ces  gtands  phénomènes.  Toujours 
eft-il  certain  que  nos  chaînes  de  mon- 


MON 


573 


tagnes  décident  du  genre  de  culture 
des  environs,  Si  que  fuivant  les  abris 
qu'elles  offrent,  elles  augmentent  l'in- 
tendté  de  chaleur,  ou  la  diminuent, 
comme  on  en  voit  un  exemple  frap- 
pant entre  Gênes  (Se  la  province  de 
Guipufcoa  en  Efpagne  j  bien  plus 
méridionale  que  cette  partie  de  l'I- 
talie. Les  divers  genres  d'agrîculrure 
tiennent  à  la  diverfué  des  climats  , 
celle  des  climats  à  la  diverfué  des 
abris  ,  &  les  abris  quelconques  ,  à 
la  difpofition  des  montagnes. 

L'on  remarque  ,  li  les  montagnes 
font  fèches  ,  c'eft-à-dire  ,  fi  depuis 
long-temps  il  n'y  eft  pas  tombé  de  la 
pluie,  que  les  vents  qui  les  traverfent 
font  chauds  &  briilans  pendant  l'été. 
Si, au  contraire  ,  elles  font  mouillées, 
humides,  Sic.  ces  mêmes  vents  tem- 
pèrent les  chaleurs  dans  les  provinces 
du  midi ,  produifent  des  fenfations 
froides  dans  celles  du  centre  du 
royaume  ,  ôc  un  vrai  froid  dans  celles 
du  nord  ,  parce  que  ces  vents  aug- 
mentent l'evaporation  de  l'humidité, 
&  l'évaporation  produit  le  froid. 
Loifqu'elles  font  chargées  de  neiges 
pendant  l'hiver  ,  le  grand  vent  la 
mange ,  expielîlon  populaire  ,  qui 
déiign'e  fon  aétion  fur  la  neige ,  il 
en  détache  &  entraîne  avec  lui  la 
couche  fupérieure,  la  neige  perd  de 
fon  épailfeur  ,  &  celle  qui  eft  en- 
traînée augmente  le  froid  dans  l'ath- 
mofphcre.  C'eft  d'après  de  femblables 
obfeivations  ,  qu'on  parvient  petit- 
à- petit  à  étudier  la  manière  d'être 
des  faifons  du  pays  que  l'on  habite, 
la  caufe  de  plufieurs  phénomènes 
locaux  ,  foit  utiles ,  foit  nuifibles.  Il 
convient  d'en  rapporter  un  bien  fin- 
gulier. 

Le  bas-Languedoc  eft  traverfé  de 
l'cft  à  l'oueft  par  une  grande  chaîne 


574  MON 

de  tnontagne  qui  s'embranche  à  leur 
extrémité  d'un  coté ,  avec  celle    d^s 
Cevennes ,  du  Vivarais  ,   &c.  &  de 
l'autre  avec  celles  du  Rouergue,  &;c. 
Lorfq  je  la  région  fupérieure  de  l'ath- 
molphère   de    ces   montagnes   com- 
mence à  fe    refroidir  dans  les  mois 
d'offtobre  ,  novembre  &  décembre  , 
&  lorlque  celle  de  la  plaine  eft  en- 
core chaude  ,  s'il  furvient  dans  ces 
trois  mois  un  vent  d'eft  ,  ou  de  fud  , 
ou  fud-eft  ,  qui  rraîne  avec  lui  beau- 
coup de  vapeurs  qu'il  enlève   de    la 
mer ,  cette  humidité  torme  des  nua- 
ges lâches ,  peu  élevés  ,  &  qui  rellem- 
blent  à  de  forts  brouillards  j  ils  font 
poulies  par  le  vent ,    &  attirés  pat 
la  chaîne  des  montagnes.  En  fuppo- 
fant  à  ces  nuages  la  température  de 
fix  à  dix  degrés  de  chaleur ,  ils  ttou- 
vent,  en  arrivant  fur  les  montagnes, 
un  athmofphère  de  quelques  degrés 
au-delfous  de  la  glace  j  ce  froid  les 
condenfe  ,  ils  s'accumulent  ,  &  leur 
pefanteur    fpécifique    devenant   plus 
conlidérable  que  la  force  de  l'air  qui 
fuffifoit  auparavant  pour  les  fouteiiir , 
ils  fe  divifent  en  pluie  fi  abondante, 
que    vingt-qu.itre    heures    après   les 
plaines  font  couvertes   par  l'eau  dé- 
bordée des  rivières,  quoique  fouvent 
à  peine  quelques  gouttes  d'eau  font- 
elles  tombées  dans  la  plaine.  On  ne 
peut  mieux  comparer  ce  phénomène 
qu'à  celui  de  la  diftillation  dans  un 
alembic  où  le  froid  condenfe  les  va- 
peurs dans   la   partie  fupérieure  du 
chapiteau,  &  les  réunit  en  un  filet 
d'eau  :  tel  eft  à- peu-près  encore  l'eftet 
de  la  pompe  à  teu.  Les  nuages  dont 
on  parle,  ne  tranchifient  point  cette 
chaîne  de  montagnes  ,  toute  la  pluie 
tombe   fur  les    premières  en  rang  ; 
mais  lorfque  la  région  de  l'athmof- 
phère  eft  allez  chaude  pour  ne  plus 


M  O  N 

conclenfer  ces  nuages  vaporeux'  ,  ils 
tranchifient  la  chaîne  fans  laiiîer 
échapper  que  peu  d'eau.  Si  l'athmof- 
phcre  de  la  plaine  eft  froid  ,  fi  la 
neige  couvre  ces  montagnes ,  les  nua- 
ges palfent  au-delà,  (Se  vont  augmen- 
ter la  couche  de  neige  fur  les  mon- 
tagnes fupérieures  aux  premières.  Ce 
qui  prouve  exactement  ces  alîértions , 
c'eft  que  depuis  janvier  jufqu'en  oc- 
tobre ,  les  ruilfeaux,  les  rivières  qui 
prennent  leur  fource  dans  cette  chaî- 
ne ,  ne  débordent  jamais  •,  tandis  que 
fouvent  les  rivières  qui  prennent  leur 
fource  dans  les  Pyrennées,  par  exem- 
ple ,  débordent  dans  d'auttes  faifons 
&  par  d'autres  vents.  11  paroît  que 
l'on  peut  expliquer  de  la  même  ma- 
nière les  crues  fubites  du  Rône  tou- 
tes les  fois  qu'il  règne  un  vent  d'oueft, 
&  que  ce  vent  le  propage  jufques 
furies  Alpes,  qui  féparent  le  royaume 
de  France  des  royaumes  voifins.  Ainfi, 
le  même  vent  qui  fait  ici  déborder 
une  rivière  ,  ne  produir  aucun  effet  , 
par  exemple ,  à  quelques  lieues  de-là^ 
parce  qu'il  ne  fe  trouve  pas  les  mêmes 
caufes  de  condenfation.  D'aorès  ces 
deux  faits  ,  auxquels  on  en  pourroit 
joindre  une  infinité  d'autres ,  il  eft 
facile  à  chacun  d'en  faire  l'applica- 
carion  au  pays  qu'il  habite ,  &  de- 
viner pourquoi  il  pleut  plus  dans  tel 
canton  que  dans  un  autre  ;  pourquoi 
tel  vent  eft  falutaire  ou  nuifible,  &cc. 
Je  ne  préfente  ici  que  des  apperçus  , 
c'eft  au  leéVeur  à  leur  donner  l'exten- 
lîon  qu'ils  jugerontà  ptopos  ;  il  fuffit 
de  les  metrte  fur  la  voie. 

Les  montagnes  font  une  des  gran- 
des caufes  de  la  fécondité  des  plai- 
nes ,  puifque  c'eft  d'elles  qu'elles  re- 
çoivent les  rivières  ,  les  ruilTeaux  , 
&c.  Ces  grandes  élévations  attirent 
les  nuages ,  &   l'air  de  leur   région 


MON 

fupcricure  les  condense  ,  &  les  y 
téduic  en  pluie.  11  eft  très-rare  de 
voir  clairemeiu  le  fonimec  des  hau- 
tes montagnes,  parce  que  s'il  y  a  un 
feul  nuage  fur  rhorilon,(  excepté 
au  foleil  levant  &  couchant,  )  il  en 
eft  enveloppe  ,  il  ne  peut  l'être  fans 
recevoir  la  pluie  ,  fans  foucirer  les 
images  :  il  eft  rare  qu'il  fe  palfe  plu- 
lîeurs  jours  fans  pluie.  Telle  eft  l'o- 
rigine de  ces  fources ,  de  ces  fon- 
taines que  l'on  trouve  fur  le  fommet 
des  plus  hautes  montagnes  ,  &  dont 
la  manière  d'expliquer  leur  formation 
a  été  fi  long-temps  inconnue.  Cette 
eau  ,  prefqtie  perpétuellement  ious- 
tirce  des  muges,  filtre  à  travers  les 
fciffiires  des  montagnes  j  coule  &c 
s'enfonce  dans  l'intérieur  de  la  terre, 
jufqu'à  ce  qu'elle  trouve  une  couche 
d'argille  qui  en  intercepte  l'enfouif- 
fement ,  la  force  de  la  fuivre,  fou- 
vent  à  des  diftances  qui  étonnent. 
Telle  eft,  par  exemple,  l'origine  des 
fontaines  falées  de  Franche-Comté , 
qui  prennent  leurs  fources  en  Lor- 
raine dans  les  montagnes  des  Vof- 
ges,  à  plus  de  trente  lieues  au-delà 
de  leur  fortie,   &c.  5cc. 

La  'difpofition  des  montagnes  ex- 
plique pourquoi  tel  ou  tel  canton  eft 
fréquemment  abîmé  par  la  grêle , 
tandis  que  ceux  qui  l'environnent  en 
font  exempts.  Les  montagnes  brifent 
les  direcVionsdu  vent,  ^'  le  contrai- 
gnent à  en  fuivre  de  nouvelles.  Aiiifi, 
en  fuppofant  que  la  grêle  vienne  par 
un  vent  d'oueft ,  &  que  ce  vent  ren- 
contre une  chaîne  très-élevée,  le  pays 
fitué  derrière  cette  chaîne  ,  iSc  en  ligne 
diretfleavec  l'oueft ,  ne  fera  pas  grêléj 
tandis  que  fi  le  vent  trouve  une  gorge 
dans  ces  montagnes  ,  ou  deux  pics 
féparés  ,  il  portera  la  terreur  &  la 
défolation  dans   tous  les   lieux    qui 


M. ON  575 

correfponclent  à  leur  embouchure. 
Aduellcment ,  que  le  ledeut  calcule 
du  grand  au  petit  ,  Si  en  talfe  l'ap- 
plication   à  fon  pays. 

Dans    le   canton  ciue  j'hibite  ,  fe 
vrai  vent  de  nord  ne  fouftle  pas  la 
valeur  de  lix  jours  dans  une  année, 
&  dure  feulement  pendant  quelques 
heures.  41  eft  le  préfage  certain  des 
vents  d'cftoufud,  <^'  d'une  continuité 
de    plufieurs  .  jours    très-  pluvieux  ^ 
tandis  que  dans  la  majeure  partie  du 
royaume  ce  vent  allure  le  beau  temps. 
Le  nord  nordoucft  tft  ici    le  garant 
des  beaux  jours.  La  chaîne  des  mon- 
tagnes des  Cévennes ,  du  Velay  ,  fi- 
tuée  du  fud  au  nord  ,  dirige  ce  vent 
contre  la  chaîne  qui  traverfe  le  bas- 
Languedoc  de   Teft  à  l'oueft ,  8c  lui 
fait  prendre  une  diredion  qui  dérive 
de  la  première.  C'eft  donc  relative- 
ment à  la  hauteur,  à  la  direcftion  Se 
au  gilFement   des   montagnes  ,  qu'il 
convient  de   recourir  loifqu'on  veut 
étudier  la  manière   d'être   de   l'ath- 
mofphère  d'un  pays.  Encore  un  trait, 
pour  achever  l'efquifte  de  ce  tableau. 
Les  deux  premiers  rangs  inférieurs  des 
montagnes  qui  font  au  nord  de  Bé- 
ziers  ,   lailfent    entr'eux  de    grands 
vallons.  Par   une   efpèce  de   grande 
coupure   Irormée  .à  la   longue  par  les 
eaux    ou    par    les     éboulemens     de 
terre  ,  les  eaux  débouchent    dans  la 
plame.  Lors  des  orages,  les  nuages 
fuivent  ces  vallons ,  ces  chaînes  de 
montagnes  ,  ôi  femblent    fe  réunir 
pour   venir    fondre    fur  la   ville    de 
Béziers  ;  mais    après  avoir  parcouru 
l'efpace  de  trois  à  quatre  lieues  qui 
fe  trouvent   entre  ces  deux  points  , 
on  voit  l'orage  ,  un  peu  avant  d'ar- 
river à  Béziers ,  fe  p.art3ger  en  deux , 
<^'  gagner  à  droite  &  à  gauche  ,  pour 
fuivre  d'un  côté  le  vallon  qui  eft  di- 


57^  M  ON 

rigé  du  côté  de  Narbonne  ,  &  de 
l'aiure  dans  celui  de  Pézenas  j  de 
manière  que  les  environs  de  Béziers 
n'ont  jamais  que  ce  qu'on  nomme 
la  queue  de  l'orale.  Les  habitans  les 
plus  âgés  de  cette  ville  ne  fe  rap- 
pellent d'y  avoir  vu  tomber  la  CTrcie 
qu'une  feule  fois  ,  &  il  y  a  plus  de 
vingt  ans.  La  caufe  réelle  de  la  bi- 
furcation de  l'orage  tient  donc  à 
l'efpèce  de  promontoire  de  Béziers, 
&  à  la  nailfance  de  deux  grands  val- 
Ions  latéraux.  L'intérieur  du  royaume 
fournit  mille  traits  lemblables ,  aux- 
quels on  ne  prend  pas  garde,  &  qu'il 
feroit  important  que  connût  celui 
qui  veut  acheter  un  _bien  de  cam- 
pagne. 

Au  not  DÉFRicHiMENT  ,  j'ai  fait 
voit  l'abus  criant  de  cultiver  les  mon- 
tagnes trop  inclinées,  &  la  faute  pref- 
que  irréparable  que  l'on  a  commife 
en  coupant  les  bois  quiombrageoient 
leur  fommet.  C'eft  une  perte  réelle 
pour  l'agriculture  ,  &  -elle  s'étend 
beaucoup  plus  loin  qu'on  ne  penie. 
Il  en  eft  réfuîté  que  le  rocher  elt  refté 
à  nud,  qu'il  eft  impolîible  d'y  femer 
du  bois  ;  que  les  plaines  fe  font  en- 
richies des  débris  des  montagnes  ,  & 
par  conféquent  exhaulTées  j  que  les 
abris  fe  font  abailTés  ,  &■  que  dans 
telle  partie  où  l'on  cultivoit  des  vignes 
ou  des  oliviets  ,  on  eft  aujourd'hui 
privé  de  ces  produdlions.  Une  mal- 
heureufe  expérience  démontre  que  les 
pluies  font  plus  rares  ,  &  que  les 
fources  ne  fourniflent  pas  la  moitié 
de  l'eau  qu'elles  donnoient  autrefois, 
parce  que  les  nuages  font  beaucoup 
moins  attirés  par  ime  pique  déchar- 
née que  fi  elle  étoit  couverte  de 
bois.  D  ailleurs  ,  avec  des  bois  l'eau 
fuie  l'enfoncement  des  racines ,  pé- 
nètre  dans  l'intérieur  de  la  tetre , 


M  O  N 

tandis  que  le  roc  lalallfe  fubitemenr 
échapper.  Combien  de  prairies  natu- 
relles n'a-t-on  pas  été  obligé  de  dé- 
truire, parce  qu'il  ne  refte  plus  d'eau 
pour  leur  irrigation  ?  Cet  abailfement 
des  montagnes  a  déjà  changé  & 
changera  encore  l'ordre  des  culrures 
dans  beaucoup  de  cantons.  On  die 
que  les  faifons  ne  font  plus  les  mê- 
mes ,  que  les  pluies  font  moins  fré- 
quentes, tt  pourquoi  recourir  à  des 
explications  qui  n'expliquent  rien ,  & 
ne  démontrent  pas  lacaule  des  effets  ? 
Je  dis  à  mon  t®ur ,  les  faifons  n'ont 
point  changé,  cherchez  en  la  caufe 
dans  ce  qui  vous  environne,  &  vous 
verrez  que  paru  ne  fuccellion  de  temps, 
&:  par  des  travaux  déplacés,  les  abris 
ne  font  plus  les  mêmes ,  &  ont  fin- 
gulièrement  diminué  depuis  un  liè- 
cle ,  &  fur-tout  depuis  la  faveur  êits 
défrichemens.  Or,  (i  les  abris  ne  font 
plus  les  mêmes  ,  le  canton  moins 
boifé  ,  il  n'eft  donc  pas  étonnant  qu'il 
y  falFe  plus  froid,  qu'il  y  pleuve  plus 
raremenr,que  les  venrs  y  foient  plus 
impétueux  ,  &c, 

MONTER   EN  GRAINE.  Ce 

mot  a  deux  fignifications  dans  le  jar- 
dinage ;  par  la  première  ,  on  déligne 
une  plante  qui  commence  à  perdre 
les  fleurs ,  &  qui  eft  remplacée  par  fa 
graine.  La  giroflée,  par  exemple, 
allonge  fes  filiques  après  les  fruits. 
La  féconde  lignification  défigne 
qu'une  plante  n'eft  pas  plutôt  femée 
qu'elle  poulie  ,  &  que  malgré  fa  jeu- 
ne (fe  ,  elle  fleurit  &:  graine  beaucoup 
plutôt  qu'elle  ne  devroit.  Par  exem- 
ple ,  dans  le  climat  de  Paris,  on 
peut  femer  àts  épinards  depuis  la  fin 
de  rhiver  prefque  jufqu'à  fon  renou- 
vellement j  mais  dans  les  provinces 
du  midi  &  même  dans  plufieiirs  can- 
tons 


MON* 

tons  de  rintérieur  du  royaume  ,  on 
le  fème  en  o6l:obie  ,  novembre  , 
fcviier ,  mars,  avril,  mai,  &  pen- 
dant le  refte  de  l'été  ;  la  chaleur  du 
climat  le  précipite  Se  il  monte  pref- 
qu'aullîrôt  en  graine  qu'il  elt  forti  de 
terre.  Il  en  efl;  ainll  d'une  infinité 
de  plantes  potagères  ;  preuve  démonf- 
trative  que  les  é\;rivains  ont  le  plus 
grand  tort  de  fixer  une  époque  pour 
les  femailles ,  à  moins  qu'ils  ne  fpé- 
citîent  clairement  qu'ils  activent  pour 
tel  ou  tel  canton  en  patticulier. 

M  ON  TREUIL.  Village  fitué  à 
une  lieue  environ  de  Paris,  au-delHis 
de  la  barrière  du  fauxbourg  Saint- 
Antoine.  Nous  ne  citons  dans  ce 
Didtioiiiiaire  ce  canton ,  que  parce 
qu'il  eft  rempli  de  jardins  oîi  on 
cultive,  avec  le  plus  grand  fuccès , 
les  arbres  fruitiers,  &  qu'il  fcroit  à 
défirer  que  tous  les  jardiniers  qui  fe 
deftinent  à  la  même  branche  d'éco- 
nomie ,  y  euflent  fliit,  avant  de  fuivre 
cette  culture  ,  un  apprentiiHige  de 
quelques  années.  Ces  fuperbes  jar- 
dins ,  où  l'on  rencontre  à  chaque  pas 
des  phénomènes  de  culture,  méritent 
d'être  vifités  par  les  curieux,  par  les 
gens  qui  favent  apprécier  les  beautés 
de  la  nature;  ils  y  doivent  aller  ad- 
mirer des  efpaliers  couverts  de  fruits 
monftrueux,  &  coloriés  le  plus  agréa- 
blement :  les  étrangers  y  apprendront 
ce  que  peut  l'indullrie,  foutenue  pen- 
dant de  longues  années  ,  contre  les 
intempéries  d'un  climat  froid ,  Se 
dans  une  terre  que  le  foleil  réchauffe 
fi  rarement  de  fes  rayons  bienfaifans. 

On  cultive  principalement  à  Mon- 
treuil  des  pêchers,  (Se  c'eil:  Au-rout 
pour  cet  arbre  que  ce  village  eft  re- 
nommé ,  comme  Montmorency  l'a 
été  pour  fa  belle  efpèce  de  cerife. 
Tome  f^I, 


MON  577 

La  culture  des  pêchers  eft  cependant 
plus  en  vigueur  à  Montreuil  que 
celle  des  cerifiers  ne  l'eft  à  Mont- 
morency ,  où  on  l'a  prefque  tout-à- 
fait  abandonnée.  A  la  vérité  on  cul- 
tive moins  de  pêchers  à  Montreuil 
qu'on  ne  faifoit  autretois,  parce  que 
ces  arbres  y  font  fujets  à  être  dé- 
truits par  des  infectes  ,  &  que  les 
plantations  qu'on  a  faites  du  côté  de 
Vincent)es  ou  de  Bagnolet  ne  font 
point  lujettes  au  même  inconvé- 
nient ;  peut-être  la  nature  différente 
de  la  terre ,  ou  du  moins  les  terreins 
dans  lefc]ue!s  on  n'avoit  jamais  planté, 
d'arbres  fruities  ,  favorifent  moins  la 
production  de  ces  infeétes  defttuc- 
teurs ,  que  les  terres  qui  font  déjà 
épuifées  par  une  longue  culture. 

Les  expofiiions  des  efpaliers  font 
très-variées  à  Montreuil,  &  l'art  de 
difpofer  des  murs  pour  recevoir  les 
rayons  du  foleil  à  différentes  heures 
du  jour  y  eff  très  -  étudié.  Sur  un 
efpalier  le  foleil  paroît  .à  fept  heuies 
du  matin  ,  lur  un  autre  à  huit,  à 
neut  ou  à  dix  heures  feulement.  Les 
murs  qui  reçoivent  le  foleil  à  fcpc 
heures  &  demi  du  matin  font  les 
plus  favorables  à  la  culture  des  pê- 
chers,  parce  qu'ils  font  éclairés  plus 
long- temps  que  les  autres.  Ces  diffé- 
rentes expofitions  font  cmfes  qu'on 
a  des  fruits  murs  à  différentes  épc- 
quîs,  même  à  de  très-éloignées  les 
unes  des  autres. 

Les  arbres  bien  abrités  ,  plantés 
dans  pluheurs  pieds  de  bonne  terre 
4|fcuve  ,  qu'on  a  le  foin  d'élaguer  , 
d'cmonder,  de  laver ,  de  couvrir  pen- 
dant les  temps  froids  ou  dans  les 
brouillards,  ces  arbres,  dis-jc  ,  ainfi 
rrairés  ,  végètent  avec  force,  ils-fe 
plient  fous  la  main  du  cultivateur,  ils 
ptennent  toutes  les  formes  au'il  veut 

D  a  d  d 


y 


578  MON 

leur  donner ,  &  un  feul  offre  quel- 
quefois une  rapillerie  de  plus  de 
foixante-dlx  pieds  de  long.  La  quantirc 
prodigieufe  de  fruits  donc  ces  arbres 
le  chargeur,  paye  abondamment  la 
peine  &  les  dcpenfes  qu'on  a  faites. 
Ces  fortes  de  jardins  ne  font  bien 
placés  que  dans  le  voifînage  d'une 
grande  ville,  d'une  capitale,  où  les 
gens  riches  achettent  à  grand  prix  les 
primeurs  ou  les  fruits  très-beaux  :  c'eft 
ainfi  q.ue  le  luxe  &  les  vices  des  villes 
tournent  a  1  avantage  des  campagnes. 

Depuis  cent  quatre-vingts  ans  envi- 
ron, le  village  de  Montteuil  jouit  du 
précieux  avantage  de  fournir  la  ca- 
pitale des  plus  beaux  &  des  meil- 
leurs fruits.  On  voit  dans  ce  village  des 
pêchers  plantés  à  la  fin  du  dernier 
fiècle ,  &:  qui  font  encore  d'une  grande 
beauté  j  c'eft -là  c]u'on  trouve  des 
jardiniers  formés  par  l'expérience , 
ôc  qui  ont  forcé  la  nature  à  leur  ré- 
véler foufecret;  c'ed-là  qu'on  trouve 
les  plus  excellens  phyliciens  en  ce 
genre  ,  fans  s'en  douter  j  en  un  mot, 
les  vrais  &  les  feuls  maîtres  de  l'arc 
dignes  de  ce  nom.  Cependant  la  fcien- 
ce  n'eft  plus  aujourd'hui  uniquement 
circonfcrite  dans  Montreuil  ;  Bagno- 
let  &: quelques  villages  voifmSjOnt  éta- 
bli une  heureufe  concurrence  ,  &  on 
doit  efpérer  que  l'arc  gagnera  peu  à 
peu  de  proche  en  proche  ,  &  qu'à  la 
fin  la  méthode  meurtrière  de  tailler 
les  arbres  ,  ne  fera  plus  que  le  par- 
rage  du  jardinier  qui  ne  voudra , 
ou  qui  ne  faura  pas  voir.  La  répu- 
tation de  ces  villages  a  eng.agé  plilP 
fieurs  riches  propriétaires  à  y  envoyer 
des  élèves.  Si  ,  avec  des  difpqfîtions', 
ils  ont  refté  fous  un  bon  maître  pen- 
dahc  deux  ou  trois  ans ,  il  eft  certain 
qu  ils  doivent  en  revenir  bien  inftruits. 

Les  noms    de  Cirardoc ,    ancien 


*       M  O  R 

mourquetaire  ,  qui  fe  retira  à  Bagno- 
let ,  &  celui  de  Pépin  à  Montreuil , 
y  feront  immortels,  &  celui  de  M. 
l'abbé  Royer  de  Schabol  aura  le  mê- 
me honneur  ,  parce  qu'il  a  perfec- 
tionné &  réduit  en  principes  la  mé- 
thode de  la  taille  &  la  conduite  des 
arbres  ,  établie  par  les  deux  pre- 
miers. 

MORELLE  GRIMPANTE ,  ou 
VIGNE  DE  JUDEE,  ou  DOUCE- 
A  M  E  R  E.  (  Foye-{  planche  XK  , 
page  5  5  9  ;  Tournefort  la  place  dans 
la  feptième  feélion  de  la  féconde 
clafTe  de  herbes  à  fleur  en  rofette  , 
dont  le  piftil  devient  un  fruit  mou  & 
charnu  ,  &  il  s'appelle  folanum  fcan- 
dens  y  feu  dulcamara  ;  Von  Linné 
la  nommt  folanum  dulcamara  ,  Se  la 
clalle  dans  la  pentandrie  monogynie. 

Fleur B.  D'une  ftule pièce, décou- 
pée en  cinq  fegmens  pointus ,  l'ex- 
trémité de  ces  divifions  fe  roule  or- 
dinairement en  deiïus  ;  les  étamines 
au  nombre  de  cinq ,  environnent  le 
piftil  C ,  placé  au  centredela  corolle, 
oc  le  tout  eft  porté  fur  le  calice  Dj 
tube  menu  à  fa  bafe  ,  évafé  à  fon  ex- 
trémité ,  terminé  par  cinq  petites  di- 
vifions. 

Fruit.  Le  calice  ne  tombe  point  jus- 
qu'à la  maturité  du  fruit  E  ;  c'eft  une 
baie  ovoïde,  charnue  ,  pleine  de  fuc, 
repréfentée  coupée  tranfverfalement 
en  F ,  pour  faire  voir  l'arrangement 
des  graines  G  j  elles  fonc  blanchâ- 
tres &  lifTes. 

Feuilles.  Les'fupérieures  oblongues 
&  en  fer  de  pique. 

Racine  A.  Petite,  fibreufe  &  s'étend 
profondément. 

Port.  Tige  farmanteufe  ,  grim- 
pante ,  longue  de  cinq  à  fix  pieds , 
grcle ,  fragile  j  les  fleurs  nailTenc  en 


M  O  R 

grappes  au  haut  des  tiges,  &c  les  feuil- 
les font  placées  alternativement. 

Lieu,  Les  endroits  humides  j  les 
haies  ,  les  builfons  ;  la  plante  eft  vi- 
vace  par  fes  racines  feulement ,  & 
Heutic  en  mai  <Sc  juin. 

Propriété.  Feuilles  inodores ,  d'u- 
ne faveur  purement  douceâtre  ,  en- 
fuite  légèrement  amère,  enfin  acre. 
Elles  font  apéritives ,  déterfives,  ré- 
folutives,  expecftorantes. 

Voicicomments'exprimeM.  Vitet 
dans  fa  pharmacopée  de  Lyon.  Les 
feuilles  de  la  douce-  amère  font  un  uri- 
naire  aélif ,  ne  caufant  ni  ardeur ,  ni 
douleur  dans  les  premières  voies  ,  fi 
elles  font  prcfcrites  à  petites  dofes  dès 
le  commencement  de  l'adminiflra- 
tionj  elles  font  indiquées  dans  la  co- 
lique néphrétique  par  des  graviers,  la 
difficulté  d'uriner  par  des  matières  pi- 
tuiteufes,  l'ulcère  de  la  veilie,  le  fcor- 
but  &C  fes  ulcères,  les  écrouelles,  le 
rhumatifme  par  des  humeurs  féreu- 
fes  ,  l'afthme  pituiteiix  ,  la  jauinlfe 
parobdruéiion  des  vailfeaux  biliaires. 
11  eft  permis  de  douter  de  leur  utilité 
dans  la  fuppredion  du  flux  menftruel, 
occafionné  par  des  corps  froids  ,  & 

dans  la  morfure  de  la  vipère Il 

eft  très-rare  qu'elles  purgent ,  qu'elles 
provoquent  la  fueur,  qu'elles  calment 
les  douleurs  de  la  goutte  ,  du  cancer, 
&  favorifent  la  réfolution  de  la  pleu- 
rélîe  par  des  matières  piruiteufes. 

M.  Razoux,do6leuren  médecine, 
très-diftingué,  de  la  ville  de  Nifmes , 
communiqua  en  1750  ,  à  l'académie 
royale  de  Iciences  de  Paris ,  un  mé- 
moire fur  la  doace-amère  ,  (&■  on  doit 
avec  raifon  ,  regarder  ce  médecin 
comme  le  promoteur  de  ce  remède 
en  France.  Le  célèbre  Von  Linné  c.a- 
radérifoit  de  l'épithète  à' héroïque,  les 
vertus  de  cette  plante  j  c'eft  lui  qui  les 


M  O  R 


579 


fit  connoître  à  M.  de  Sauvages,  dont 
la  mémoire    fera  toujours  précieufe 
aux  médecins ,  &i  celui-ci  à  M.  Ra- 
zoux  fon  digne  ami.  Une  demoilelle 
avoir  un  chancre  fcorbiitique  à  la  lèvre 
fupérieure  ,  &  un  autre  à  la  lèvre  in- 
férieure :  tous  deux  avoient  les  fymp- 
tômes  de  cette  grande, malignité  qui 
caraûcrifeiu  les  maux  de  cette  efpè- 
ce  j  les  dents  fe  détachoient  prefque 
de  leur  alvéole ,  «S:  le  corps  étoit  par- 
femé  de  taches  rouvres  ,  violettes  ou 
brunes ,    une  fièvre  quotidienne  pa- 
roiOûit  tous  les  foirs,  &  étoit  mar- 
quée par  un  frillon  alfez  fort.  Tous 
les  remèdes  indiqués  dans  ce  genre 
de  maladie,  furent  mis  en  ufage  fans 
fuccès.  Enfin  M.   Razoux  fe  déter- 
mina à  faire  prendre  à  la  malade  la 
décoétion   de    la    douce  amère  ;    les 
premiers  elTais  ne  furent  pas  heureux, 
les  douleurs  dans  les  extrémités  de- 
vinrent exceffives  j  il  s'y  joignit  des 
élancemens  fi  vifs  dans  la  tète  ,  que 
fuivant  les  exprelfions  de  la  mal.ide, 
on  lui  arrachoit  les  yeux.  Malgré  ces 
fâcheux  préfiges ,  on  continua  l'ufage 
de  cette  décoélion,  &  quelques  jours 
après    les    chancres    doniièrent    une 
bonne  fuppuration  ,  fe  cicatnfèrent , 
les    taches  difparurent,  S<.  enfin   la 
malade  recouvra  la   fanté  j    elle  fut 
mife    enfuite  au   lait  d'ânelTe    pour 
terminer  la  maladie,  qui  a  été  fans 
récidive.  Voici  comment  M.  Razoïi 
a  adminiftré  ce   remède.  On  prend 
en  commençant  ,  un   demi  gros  de 
la  tige  récente  ou  fraîche  de   cette 
plante  ',   on  en  ote  les  feuilles  ,   les 
fleurs  &  les  fruits  ;   on  la  coupe  par 
petits  morceaux  &  on  la  fait  bouillir 
dans  feize  onces  d'eaux  de  fontaine, 
jufqu'à  la  diminution  de  moitié.  On 
coule  cette  décoétion  ,   on   la  mêle 
avec  partie  égale  de  lait  de  vache  bien 
Ddddi 


580  M  O  R 

écrémé ,  &  on  en  fait  boire  au.  ma- 
lade un  verre  de  quatre  en  quatre 
heures.  On  augmente  peu  à  peu  la 
dofe  de  la  plante  jufqu'à  deux  gros. 
C'eflà  la  prudence  des  médecins  à  en 
régler  la  quantité. 

M.  Razoux  &  un  très-grand  nom- 
bre de  médecins  en  ont  obtenu  les 
fuccès  les  plus  marqués  dans  les  mala- 
dies dontileft  fait  mention  ci-delTus. 

MORELLE     A    FRUIT     NOIR. 

(  J^oje:[  planché  XV ^  F^§^  5  5?) 
Tournefort  &  Von  Linné  la  placent 
dans  la  même  clalTè  que  la  précé- 
dente ;  le  premier  l'appelle  folanum 
officinarum  aclnis  nigricantïbus  _,  & 
1.'  fécond  ,  folanum  nigrum. 

Fleur.  D'une  feule  pièce ,  divifée 
en  cinq  fegmens  pointus  &  difpofés 
en  rofette ,  au  centre  defquels  on  re- 
marque le  piftil  B  ,  &  cinq  étamines. 
Ce  piftil  fort  du  fond  du  calice  C. 

Fruit,  Baie  ronde  ,  noire  ,  lilfe  , 
marquée  d'un  point  au  fommet ,  à 
deux  loges.  D  la  repréfente  coupée 
tranfverfalement  ,  remplie  de  plu- 
lîeurs  femences  E  ,  prefque  rondes  , 
brillantes  &  jaunâtres. 

/'V//ii7ej.  Ovales,  molles,  pointues, 
dentées ,  anguleufes. 

Racint  A.  Longue  ,  déliée  ,  h- 
breufe  ,  chevelue. 

Port.  La  tige  s'élève  à  la  hauteur 
d'un  pied  &  plus ,  fans  fupports ,  her- 
bacée ,  anguleufe  ,  branchue  ;  les 
feuilles  deux  à  deux  ,  l'une  à  côté  de 
l'autre;  qu^-lquefois  foliraires,  ainfi 
que  les  pcduncules  5  l'ombelle  des 
fleurs  fe  meut  au  moindre  vent. 

Lieu.  Les  endroits  incultes ,  les 
vignes  ,  Us  bords  des  chemins  ;  la 
plante  eft  annuelle  &'  fleurit  en  juin  , 
juillet  &  août,  temps  de  la  cueillir. 


M  O  R 

Proprlt'tés.  Les  feuilles  ont  une 
odeur  narcotique  ,  virulente  ,  &  une 
faveur  nauféabonde  6c  acre.  Les  baies 
font  inodores  &  d'une  faveur  légère- 
ment acidulé;  toute  la  plante  eft,  dit- 
on  ,  extérieurement  anodine,  rafraî- 
chilfante  ,  c'eft  un  doux  répercuflif .. 
Intérieurement ,  c'eft^un  poifon  af- 
foupilfant  ;  les  acides  lui  fervent  de 
contre-poifon. 

Vfages.  Plufieurs  auteurs  ont  van- 
té à  l'excès  l'efficacité  de  la  morelle; 
l'expérience  a  démontré  que  l'appli- 
cation des  feuilles  récentes ,  quelque 
réitérée  qu'elle  foit ,  calme  rarement 
les  douleurs  caiifées  par  les  hémor- 
rhoïdes  externes  ,  la  douleur  du  pa- 
naris ,  du  cancer  occulte  &  du  can- 
cer ulcéré  ;  elles  ne  détergent  point 
les  ulcères  fcrophuleux  ;  elles  ne  fa- 
vorifentpas  l'éruption  des  éryfipèles; 
elles  fontnuifibles  dans  toutes  efpèces 
d'inflammations  cur?.nées ,  &  dans  les 
violents  maux  de  tête  par  la  fièvre... 
L'eau  diftillée  ,  propofée  pour  réfoii- 
dre  les  inllammations  internes,  &  pour 
difliper  l'ardeur  d'urine ,  doit  être  reje- 
tée. Plulieurs  obfervations  conftatent 
qu'elle  eft  vénéneufe  ik.  par  confé- 
quent  dangereufe.  Telle  eft  la  ma- 
«ière  dont  s'explique  M.  Vitet,  dans 
fa  pharmacopée  de  Lyon. 

MORFONDU.  Terme  confacré 
par  M.  Roger  de  Schabol  ,  à  l'occa- 
iion  de  la  fève  du  prinremps  &  des 
greffes  enterrées.  "  Quand,  au  prin- 
temps, il  furvient  certains  coups  de 
foleil  vifs  qui ,  d'abord  ,  mettent  tout 
en  mouvement  6c  font  monter  préci- 
pitamment la  fève  ,  Ôc  enfuite  à  ces 
coups  de  foleil  fi  pénétransfuccèdent 
tout-à-coup  des  vents  de  galerne  , 
dont  le  froid  faifit  &  refroidit  ces  ar- 
bres ou  couloir  rapidement  la  fcve , 


M  O  R 

on  fe  fcrt  alors  du  terme  de  morfon- 
dre ,  pour  exprimer  ce  qui  fe  pafle 
dans  les  planres;  il  leur  arrive  ce  que 
nous  éprouvons  nous-mêmes ,  quand 
patlaiic  fubiremenc  d'un  cxccs  de  cha- 
leur à  un  froid  faifilîant ,  nous  fom- 
mes  frappés  de  fluxion  de  poitrine  ; 
il  fe  fait  alors  un  mélange  ,  un  boule- 
verfemenc  d'iiumeurs  par  la  réper- 
cudion  de  la  matière  de  la  tranfpi- 
ration.  La  même  chofe  arrive  dans 
les  plantes ,  ôc  c'eft  delà  que  vient  cette 
maladie  fatale  aux  pêchers  (i)_,  que 
l'on  appelle  la  cloque  ou  hrouijjure.  » 
"  On  dit  encore  fève  morfondue 
en  parlant  des  greffes  enterrées  :  ainfi 
quand  par  l'impéritie  &  la  mal-adref- 
fe  du  jardinier ,  dont  il  n'eit  pref- 
qu'aucun  qui  fâche  planter ,  la  greffe 
efl  enterrée ,  la  fève  qui  palfe  par 
ces  greffes,  abreuvée  par  l'humidité 
de  la  terre,  ne  peut  être  que  mor- 
fondue. Les  greffes  des  arbres  font 
faites  pour  recevoir  les  imprellions  de 
Tair  ,  comme  les  racines  font  faites 
pour  recevoir  l'humidité  de  la  terre ,  5c 
non  pour  l'air  5  ainfi  les  racines  font 
faites  pour  l'humide  &  périront  à 
l'air, de  même  les  greffes  fe  trouvent 
fort  mal  d'être  enterrées  «Se  morfon- 
dues dans  la  terre.  On  ne  peut  trop 
infifter  fur  ce  fujet  à  raifon  de  fon 
importance  ,  (ï^  parce  que  le  mal  eft 
prefque  univerfel. 

MORFONDURE.  Médecine  Vt- 
TÉRiNAiRE.  En  Languedoc  ,  la  plu- 
part des  maréchaux,  &  prefque  tous 
les  payfans  ,  appellent  de  ce  nom 
toute  maladie  dans  laquelle  le  che- 
val, l'âne  &  le  mulet  font  dégoûtés, 


M  O  R 


5S1 


ont  le  poil  terne  &  hériflc  ,  fur-tout 
à  la  queue ,  fans  toux  ni  flux  par  les 
nafeaux  ,  ni  engorgement  des  glan- 
des lymphatiques  de  la  ganache  ;  ils 
font  dans  l'erreur ,  puifque  d'après 
une  expérience  journalière,  la  mor- 
fondure  cil:  une  affection  femblable  au 
rhume  iimple  de  l'homme ,  avec  toux, 
écoulement  de  mucofîré  ,  comme 
dans  la  gourme,  {  Foye:^  ce  mot) 
d'abord  hmpide  ,  féreux  &  abondant 
dans  le  commencement ,  épais  à  !a 
lîn  ,  tiifleffe  ,  perte  d'appétit ,  &  qui 
dégénère  quelquefois  en  morve  , 
(  yoyei  ce  mot  )  fi  elle  eft  négligée 
ou  mal  traitée. 

Les  caufcs  les  plus  ordinaires  de 
cette  maladie  font  le  froid  :  fl  \\n 
cheval ,  par  exemple  ,  après  avoir  eu 
chaud  ,  eft  txpolé  au  froid  ,  au  vent 
&  à  la  pluie  ,  la  tranfpiration  qui  fe 
fait  à  la  tête  ,  elf  tout-à-coup  fuppti- 
mée ,  la  peau  fe  condenfe  ,  les  pores 
fe  relferrent ,  &  l'humeur  de  la  tranf- 
piration refluant  dans  le  nez  ,  il  en 
nait  la  morfondure.  Les  hoi(fons  trop 
fraîches  refpeélivement  à  l'état  de 
l'animal  ,  peuvent  occafîonner  auffi 
cette  maladie. 

Quelquefois  la  difficulté  de  refpirer 
eft  fl  confidérable  ,  que  la  vie  de  l'a- 
nimal elf  en  danger.  Nous  avons  vu 
dans  un  «.heval  de  carrolTe  ,  apparte- 
nant à  M.  l'évêque  de  Lodève,  une 
difficulté  de  refpirer  fî  forte  ,  à  la 
fuite  d'un  froid  que  cet  animal  avoir 
éprouvé ,  qu'il  ne  pouvoir  rien  ava- 
ler ,  &  ,  pour  le  tirer  du  danger  dont 
il  étoft  mcJnacé  ,  nous  fûmes  obligés 
de  lui  faire  ouvrir  la  jugulaire  ,  mal- 
gré le  préjugé  du  cocher,  qui   dans 


(1  )  'Note  de  l'Editeur.  Je  ne  fuis  pas  d'accord  avec  M.  Roger  de  Schabol  fur  la  caiife  d-e 
cette  jnaladie.  Voyc-^  les  motifs  de  cette  différence  ,  r.ipportcs  au  /not  Cloque, 


581  M  O  R 

ce  cas  re^ardoic  la  faiiinée  comme 
mortelle. 

Traitement.  Aii(îî-tôc  que  la  mor- 
fondiire  commence  à  fe  manifeller , 
il  faut  piomptement  expofer  la  tète 
du  cheval  aux  fumigations  émol- 
lientes ,  dans  la  vue  de  détacher  la 
matière,  &  de  diminuer  l'engorge- 
ment des  glandes.  L'eau  blanche,  ni- 
trée  &  miellée  ,  lui  fervira  de  boiflon  5 
le  fon  mouillé  8c  la  paille  feront  la 
feule  nourriture  à  lui  préfenter  dans  les 
trois  ou  quatre  premiers  jours  de  la 
maladie  :  on  le  tiendra  couvert,  dans 
une  écurie  chaude,  propre,  &  dont 
l'air  foit  bien  pur. 

Cette  méthode  ,  quoique  fimple  , 
eft  bien  oppofée  à  celle  que  tiennent 
la  plupart  des  maréchaux  de  la  cam- 
pagne j  qui  ont  l'habitude  de  faire 
fuer  des  animaux  par  des  couvertu- 
res de  laine  &c  des  breuvages  échauf- 
fans,  réitérés  fur-tout  à  haute  dofe  , 
perfuadés  que  les  remèdes  de  ce  genre 
ont  plus  d'affinité  avec  le  tempéram- 
ment  des  brutes  qu'ils  traitent,  que 
les  mucilagineux  &  les  adoucilfans. 
Mais  qu'arrive-t-il  de  cette  mauvaiie 
conduite  ?  qu'au  lieu  de  remédier  à 
la  morfondure  ,  ils  provoquent  des 
inflammations  de  poitrine  ou  des 
toux  violentes  qui  conduifent  inévi- 
tablement l'animal  à  la  mort.  Cette 
obfervation  eft  très  -  importante  ,  & 
elle  doit  intérefler  les  fermiers  qui 
ont  des  animaux  utiles  à  leurs  tra- 
vaux. M.  T. 

MORGELINE.  (  Foyei  Planche 
XF  j  page  559)  Tournefort  la 
place  dans  la  féconde  feâ:ion  de  la 
fixième  clalfe  des  fleurs  de  plufieurs 
pièces  régulières ,  dont  le  calice  de- 
vient une  capfule  ,  <?c  il  l'appelle  al- 
Jinc  mcdia.  Von  Linné  lui  conferve 


M  O  R 

la  même  dénomination  ,  &  la  clafFe 
dans  la  pentandrie  trigynie. 

Fleur  B.  Séparée  de  la  plante.  La 
corolle  eft  compofée  de  cinq  pétales 
égaux  ,  plus  courts  que  les  feuilles 
du  calice  j  ces  pétales  font  fendus 
dans  prefque  toute  leur  longueur , 
comme  on  le  voit  en  C.  Les  parties 
fexuelies  D  font  les  cinq  étamines 
(Se  le  piftil  j  quelquesfois  on  trouve 
dix  étamines.  Celles- ci,  figure  D, 
font  attachées  à  la  bafe  de  l'ovaire 
en  oppolition  avec  les  pétales  de  la 
corolle  B.  Le  piftil  D  eft  compofé  de 
l'ovaire  ,  de  trois  ftils  &c  de  trois  ftig- 
mates.  Le  calice  E  ell  compofé  de  cinq 
feuilles  égales. 

Fruit,  Le  calice  devenu  membra- 
neux ,  perfifte  jufqu'à  la  maturité  du 
fruit  qu'il  enveloppe ,  comme  on  le 
voit  enFj  c'eftune  capfule  à  une  feule 
loge  ovale  ,  qui  renferme  des  femen- 
ces  menues ,  rougeâtres  ,  attachées 
au  placenta  ,  en  manière  de  grap- 
pes G. 

Feuilles.  Simples ,  entières ,  ova- 
les ,  en  forme  de  cœur ,  portées  par 
des  pétioles. 

Racine  A.  Fibreufe ,  chevelue. 

Port.  Plufieurs  tiges  herbacées  , 
cylindriques ,  foibles,  d'un  demi-pied 
de  haut ,  couchées ,  velues ,  articu- 
lées ,  rameufes  5  les  fleurs  naiflent 
au  fommet ,  partent  des  ailTelles  & 
font  feules  a.  feules.  ;  les  feuilles  font 
oppofées  fur  les  nœuds  des  tiges. 

Lieu,  Les  jardins ,  les  cours ,  les 
chemins  \  la  plante  eft  annuelle  ,  & 
fleurit  en  mai. 

Propriétés,  Les  feuilles  ont  un 
goût  d'hetbe  ,  un  peu  falé  •  la  plante 
pafle  pour  vulnéraire ,  décetfive ,  ra- 
fraîchiiraïue. 


MOR 

MORSURE.  Médecine  ruralb. 
Solution  de  continuité  faite  à  la  peau 
par  les  dents  de  quelque  animal  irri- 
té. Pour  l'ordinaire ,  les  morfures 
faites  J5ar  des  animaux  qui  ne  font 
ni  venimeux  ni  enragés  ,  ne  font  fui- 
vies  d'aucun  accident  grave.  Les  ma- 
lades relTentent  néanmoins  dans  la 
partie  mordue  ,  de  la  douleur ,  de 
l'irritation  ,  toujours  fuivies  d'une  lé- 
gère inflammation  contre  laquelle  on 
n'emploie  ni  faignée ,  ni  aucun  au- 
tre moyen  antiplogiftique  :  ces  for- 
tes de  blelfures  fe  traitent  le  plus 
iîmplement  poffible  ;  on  fe  contente 
de  les  laver  avec  de  l'eau  de  guimau- 
ve pludeuts  fois  dans  le  jour ,  &  de 
les  couvrir  d'un  emplâtre  luppuratif, 
tels  que  l'onguent  de  la  mère  ,  ou 
une  combinaifon  de  cire  jaune,  avec 
l'huile  d'olive  5  fouvent  des  compref- 
fes  d'eau  froide  &  humcétées  très- 
fouvent,  fuffifent.  Les  morfures  de 
ce  genre  doivent  être  traitées  com- 
me des  plaies  fîmplesqui  feguérifl^enc 
d'elles-mêmes  par  la  fîmple  priva- 
tion du  contaél  immédiat  de  l'air. 

Il  n'en  eft  pas  de  même  de  la  mor- 
fure  des  animaux  venimeux  ,  tels 
que  le  ferpent  .à  fouettes  ,  la  vipère, 
&  plulleurs  autres  :  ceux  qui  ont  le 
mallifcur  d'en  être  mordus ,  courent 
les  plus  grands  rifques  de  perdre  la 
vie  Cl  l'on  n'emploie  promptement 
les  remèdes  propres  à  en  arrêter  les 
effets  &  les  progrès. 

Morfure  du  ferpent  à  fonnettes. 

Le  ferpent  à  fonnettes  n'a  pas 
plutô'c  fiiit  fa  morfure  ,  qu'aulîî-tôc 
la  partie  afftâée  devient  froide  , 
douloureufe  ,  tendue  &  engourdie. 
Une  fueur  froide  s'empare  de  tout 
le  corps,  &  notamment  des  alen- 
tours  de  la  plaie.  Si  la  morfure  a 


M  O  R  383 

été  faîte  aux  parties  inférieures ,  les 
glandes  des  aînés  ne  tardent  pas 
à  être  tuméfiées ,  ainlî  que  les  glan- 
des des  aiifelles  ,  fi  le  mal  a  fon  fiè- 
ge  dans  les  parties  fupérieures  j  la 
chaleur  qui  furvient  à  la  plaie  efl  tou- 
jours relative  à  la  morfure  &  à  fa 
grandeur  ;  les  bords  en  font  meur- 
tris ,  les  malades  y  reflentent  une  dé- 
mangeaifon  des  plus  vives  ,  leur  vi- 
fage  devient  contrefait ,  il  s'amalfe 
des  matières  gluantes  autour  des  yeux, 
les*larmes  font  vifqueufes  ,  les'arti- 
culations  perdent  le  mouvement ,  &: 
cet  accident  tft  toujours  fuivi  de  la 
chute  du  fondement  Se  des  envies 
continuelles  d'aller  à  la  felle.  Les 
malades  écument  de  la  bouchej  le  vo- 
miflement ,  le  hoquet  &  les  convul- 
fions  ne  tardent  point  à  paroître. 

On  remédie  à  tous  ces  accidents, 
en  prenant  intérieurement  de  la  ra- 
cine d'althea  &  de  panais  :  cette  der- 
nière eft  un  remède  excellent ,  foit 
qu'on  la  mange  verte  ou  qu'on  la 
prenne  en  poudre. 

On  appliquera  fur  la  plaie  une 
feuille  de  tabac  trempée  dans  du  rum. 
Se  tout  de  fuite  on  donnera  au  ma- 
lade une  forte  cuillerée  du  remède 
fpécifique  contre  la  morfure  de  ce 
ferpent ,  publié  en  A  ngleterre  ,  par 
le  do(5teur  Broohs  ,  dont  l'invention 
eft  d'un  nègre ,  pour  la  découverte 
duquel  il  a  été  affranchi ,  &  l'airem- 
blée  générale  de  la  Caroline  lui  a  fait 
une  penfion  de  cent  livres  fterlint^s 
par  année,  fa  vie  durant:  nous  al- 
lons en  donner  la  formule  ,  telle  que 
Buchan  l'a  inférée  dans  le  troilîème 
volume  de  fa  médecine  domeltique. 
Prenez  de  feuilles  &  racine  de 
plantain  &  de  marrube  ,  cueillies  en 
été,  quantité  fufïîfintej  broyez  le 
tout  dans  un  mortier,  exprimez- en 


5S4  M'G  R 

le  fuc  y  fi  le  mala  Je  a  de  la  répugnance 
à  avaler ,  par  je  qu'il  a  le  col  gonBc  > 
il  faiu  la  lui  faire  prendre  de  force. 
Cetre  dofe  fufltîc  pour  l'ordinaire  ; 
mais  h  le  malade  ne  fe  trouve  poiiit 
foulage  ,  il  faur  au  bouc  d'une  heure 
lui  en  donner  une  féconde  cuillerée , 
qtii  ne  manque  jamais  de  guérir. 

Morfurc  de  Lz  vipère. 

,  Les  anciens  ont  très  -  bien  connu 
la  vipère  à  caufe  de  fon  venin  j  ils 
legardoient  cet  animal  comme  h  ter- 
rible ,  qu'ils  croyoienr  qu'il  étoit  en- 
voyé fur  la  terre  pour  alfouvir  la  co- 
lère de  l'Etre  fuprême,  fur  tous  ceux 
qui  avoient  commis  des  crimes  qui 
n'étoient  point  parvenus  à  la  connoil- 
fance  des  juges.  Les  Egyptiens  regar- 
doient  les  ferpens  comme  (acres ,  & 
comme  les  miniftres  de  la  volonté 
des  dieux  qui  pouvoient  préferver  les 
gens  honnêtes  de  tout  mal ,  &;  qui  pou- 
vùient  beaucoup  nuire  aux  méchans 
en  leur  raifant  fubir  les  plus  cruels 
fupphcc-s. 

C'eft  anfli  d'après  un  culte  aufli  fu- 
perftitieux ,  que  l'antiquité  a  repré- 
fenté  la  médecine  fous  l'image  de  la 
vipère ,  foit  dans  les  ftatues ,  foit  dans 
les  armoiries  :  mais  Macrobiu.i  en 
donne  une  raifon  toute  oppofée,  & 
prétend ,  que  comme  les  ferpens  chan- 
gent de  peau  tous  les  ans ,  ils  font ,  par 
cela  même ,  le  vrai  fymbole  de  la  fanté, 
dont  le  recouvrement  eft  fans  con- 
tredit regardé  comme  un  nouveau 
période  de  la  vie  :  les  dépouilles  des 
ferpens  font  fans  doute  l'emblème  de 
la  vieillelfe  \  &  le  recouvrement  de 
la  vigueur  ,  celui  de  la  fanté. 

La  vipère  en  mordant ,  exprime 
un  fuc  venimeux  ,  qui  devient  l'inf- 
trument  &  la  caule  des  défordres 
k'S  plus  affreux. 


M  O  R 

Aullî-tôt  qu'on  a  été  mordu,  on  fent 
dans  la  partie  une  douleur  vive,  fuivie 
d'un  engoardllfement ,  d'un  gonfle- 
ment, Se  d'une  efpèce  de  boumirure  5 
infeniiblement  la  partie  fe  tuméfie,  & 
perd  entièrement  le  mouvement  &: 
le  fentiment.  L'enflure  gagne  infenfi- 
blementdes  pieds  aux  jambes  &  aux 
cuilfes,  des  mains  au  bras  &  à  l'avant- 
bras.  Mead^  obfer\  é  des  maux  de  cœur, 
des  foiblelTes  ,  des  délaillances ,  de.» 
vertiges ,  des  convulfions  ,  &  le  vo- 
miflement  de  matières  bilieufts. 
Son  obfervation  eft  en  cela  bien  con- 
forme à  celle  de  f^epfer  y  fur  les  ef- 
fets des  poifons  ;  il  ajoute  ,  que  lorf- 
que  la  maladie  eft  lur  fon  déclin  , 
&  que  les  fymptomes  augmentent  , 
la  couleur  de  la  peau  devient  d'un 
jaune  foncé. 

Le  vrai  fpécifique  du  venin  de  la 
vipère ,  eft  l'alkali  volatil ,  pris  à  la 
dofe  de  fix  gouttes  dans  un  verre 
d'eau  ,  &  verfé  en  alFez  grande  quan- 
tité fur  chaque  blelTure  pour  fervir  à 
les  baflîner  &  à  les  frotter.  C'eft  à 
1  illuftre  Bernard  de  Jufiieu  qu'on  eft 
redevable  de  cette  découverte^  il  fut 
le  premier  qui  guérit  un  étudiant  en 
médecine  ,  qui  fut  mordu  un  jour 
dhetborifation  par  une  vipère  ,  uni- 
quement avec  de  l'eau  de  Luce  ,  qui 
n'eft  qu'une  préparation  d'alkali  vo- 
latil ,  uni  à  l'huile  de  fuccin.  Ce 
même  malade  étant  tombé ,  quel- 
ques heures  après  ce  remède  ,  en  dé- 
faillance ,  une  féconde  dofe  dans  du 
vin  la  fit  difparoître^  on  le  réitéra 
dans  la  journée  ;  il  fit  défcnfler  les 
mains,  en  taifant  le  lendemain  des 
embrocarions  avec  de  l'huile  d'olive, 
à  laquelle  on  avoir  ajouté  un  peu  d'al- 
kali volatil ,  &c  fit  difp.iroitre  l'en- 
gourdilîement  du  bras,  &  une  jau- 
nilfequi  avoit  paru  le  troificme  jour, 

en 


M  O  R 

en  faifant  avaler  au  malade ,  trois 
fois  par  jour,  deux  gouttes  d'aikali 
volatil   dans  un  verre  de  boillon. 

Autretois ,  pour  guérir  les  effets 
venimeux  de  la  vipère,  on  falloir  des 
ligatures  très-fortes  audeirus  de  la 
partie  mordue  ,  &  en  même  temps 
des  fcarifications  profondes  fur  la 
plaie  ]  on  y  appliquoit  du  fel ,  du  poi- 
vre &  autres  matières  ttès-irritantes, 
enfin  on  falfoit  avaler  du  vin  aro- 
matifc  j  on  fe  contentoit  même  de 
faire  (ucer  la  playe. 

Mais  aujourd'hui  les  moyens  qu'on 
employé  lont  &  plus  doux  Se  plus  efii- 
cacesj  onfe  fert,  outre  l'alkali  volatil, 
de  l'application  de  l'huile  d'olive  qui 
futfic  quelquefois  pour  guérir  de  l'im- 
prellion  du  venin  de  la  vipère  fur  la 
peau.  On  lir  dans  la  gazette  de  fanté 
(  n°.  1 1 ,  mois  de  mai  i  777  )  qu'uu 
homme  appercevant  une  vipère  fous 
une  laitue,  tk.  voulant  l'aircter  par  le 
milieu  du  corps  avec  un  iiiftrument 
trop  toible  poui  pouvoir  la  blelfer ,  prit 
fon  couteau  pour  lui  couper  la  tète; 
mais  l'animal,  irrité,  s'élance  fi  vio- 
lemment, qu'il  leretireavec  frayeur; 
revenu  de  fa  peur ,  il  parvint  à  la 
tuer  :  un  moment  après  ,  li  main 
qu'il  avoir  préfentce  devint  très-en- 
flée ,  il  alfuia  n'avoir  pa^  été  mordu, 
il  fe  frotta  la  main  ave  l'huile  d'o- 
live ,  &  cela  fuffit  pour  le  guérir. 

Cette  obfervarion  pourroit  faire 
préfumer  que  la  vipère  lance  fon  ve- 
nin par  la  feule  contraûion  de  fes  muf- 
cles,  6c  que  le  venin  ainfi  lancé  s'in- 
finue  à  travers  l'épiderme,  fans  qu'il 
yaitbltfTureà  la  peau.  Mead à  vu  jailnr 
le  venin  de  la  vipère  comme  d'une 
feringue  ,  en  faifanr  ouviir  la  gueule 
à  ce  reptile,  &:  en  lui  prelT.uir  exfic- 
men:ent  le  co! ,  "niirqu;  le  mufile  qui 
preiïe  la  glande  ou  le  venin  fe  filtre. 
Tome  VI. 


M  O  R  5SS 

eft  fufceptible  de  la  plus  fotte  con- 
traction ,  &:  peut  en  outre  exprimer 
fubitement  les  veficules  qui  le  renf-er- 
ment  &  l'en  faire  fortir ,  comme  par 
la  comptellion  on  fait  fortir  l'huile 
elfcntiellc  contenue  dans  les  mame- 
lons de  l'écorce  d'un  citron.  M.  Ami. 

Morsure.  Médecine  vétén~  •^ 
nuire.  C'eft  une  plaie  faite  i  la  peau 
par  la  dent  d'un  animal.  Les  mor- 
fures  par  elles-mêmes  n'oint  aucune 
fuite  funefte  ;  mais  elles  produilent 
quelquefois  des  effets  terribles  , 
quand  les  animaux  qui  les  font  , 
font  en  futeur ,  ou  enragés ,  ou  ve- 
nimeux. 

Notre  dellein  n'eft  pas  d'entrer  ici 
dans  une  longue  difcullion  fur  les 
remèdes  qu'on  doit  employer  contre 
les  effets  de  la  morfure  des  animaux 
enragés.  On  trouvera  là-dellus  les 
détails  nécelfaires  ,  en  confultant  le 
mot  Rage.  Nous  allons  traiter  feu- 
lement de  la  morfure  de  la  vipère  , 
comme  étant  l'accident  le  plus  ordi- 
naire\  &  le  p'u<.  funefte  aux  animaux 
répandus  dans  la  campagne. 

Le  venin  de  la  vipère  tft  corrofif. 
Canheufer  ,  dans  fa  matière  médi- 
cale, dit  d'après  Rhedi  ,  que  fa  cou- 
leur eft  frmblab'e  à  l'hui'e  que  l'on 
retire  des  amandes  djuces;  il  eft  ren- 
fermé dans  des  viTicules  qui  fe  trou- 
vent fous  la  dent  de  ce  reptile,  lorf- 
qu'il  les  a  redrellées  pour  moulre.  La 
vcficule  étant  alors   comprimée  ,    le 
venin  coule  dans  la  denr,  .S;  s'infinue 
par  une  petite    fente    Lngitudinale, 
qu'on  remarque    à  l'extréuvré  de  la 
ciHirbure  externe  de  cette  derr.  I  orf- 
qu'elie  mord,  elle  ir.rroUiit  dms  la 
plaie  fon  venin  ,  qui  ,s'infinuant  'ans 
les    vaiff"e  ux  ,    coagule  peu-à  peu  le 
fang,  interrompt  la   circulation,  &C 
E  e  e  e 


^86 


M  O  R 


la  mort  fui:  de  près,  fi  l'animal  n'eft 
pas  prompremenc  fecouru. 

On  a  remarqué  que  les  petits  ani- 
maux mourroient  beaucoup  plus 
promptcment  de  la  morfure  que  les 
grands. 

Le  meilleur  remède  qu'on  ait  em- 
ployé jufqu'à  préfent  contre  la  mor- 
iure  de  ce  reptile  ,  eft  fans  contredit 
l'alkali  volatil  fluor.  11  eft  prouvé 
que  ce  fluide,  en  fe  combinant  avec 
l'acide  du  venin  ,  le  neutrahfe  ,  «Se 
forme  un  mixte  qui  n'a  plus  rien 
de  mal  -  faifant.  Mais  il  eft  certain 
que  pour  obtenir  un  bon  effet  de 
cet  alkali,  il  faut  l'employer  prefque 
auflîtôt  après  la  morfure.  Nous  en 
avons  un  exemple  dans  deux  c'nicns 
confiés  à  mes  foins.  Un  chien  cou- 
rant ,  qui  ne  me  fut  amené  que 
deux  heures  après  l'-accident,  &:  fur 
la  morfure  duquel  j'appliquai  l'al- 
kali volatil ,  périt  deux  heures  après  ; 
tandis  qu'un  mâtin  ,  mordu  dans 
une  vigne  ,  par  une  vipère  ,  &  fur 
la  plaie  duquel  je  mis  tout  aufli-tôt 
une  comprelîe  d'alkali  que  j'avois 
fur  moi  dans  un  flacon  ,  échappa  à 
la  mort.  Je  hs  prendre  encore  à  ce 
dernier  quelques  gouttes  à'alkali  dans 
de  l'eau   commune. 

Ladofe  de  ce  fluide  doit  être  pro- 
portionnée à  la  force  &  à  la  grofîeur 
de  l'animal.  On  pourra  donc  le  faire 
prendre  aux  bœuf-s  de  la  plus  haute 
taille  ,  jufqu'à  la  dofe  d'un  gros  ;  la 
moitié  de  cette  dofe  fuffira  à  un  che- 
val de  taille  médiocre  j  un  quart  de 
dofe  pour  le  mouton,  la  chèvre,  le 
chien  de  la  forte  efpèce.  Mais  l'ef- 
fentiel  ell  d'en  mettre  des  comprefles 
fi.ir  la  morfure ,  &  d'en  faire  de  temps 
en  temps  par-deffus  des  embrocatioiis 
fî  l'on  voit  que  le  gonflement  foit 
confidérable. 


M  O  R 

Si  ,  par  mégarde,  un  maréchal  ou 
un  berger  avoient  tait  prendre  inté- 
rieurement ,  fans  eau  ,  une  trop 
grande  quantité  à'alkali  volatil ,  on 
fera  cefler  l'érofion  qu'il  aura  pro- 
duite, en  donnant  à  boire  à  l'animal 
du  petit-lait ,  ou  de  l'eau  avec  du  vi- 
naigre. M.  T. 

MORTALITÉ.  Il  ne  s'agit  pas 
ici  de  ces  grandes  mortalités  qui 
furviennent  dans  les  épidémies.  Pet- 
fonne  ne  fauroit  calculer  leurs  effets. 
Il  fufïit  d'obferver  qu'à  Paris  &  à 
Londres  ,  il  meurt  par  an  une  pei- 
fonne  fur  trente  5  dans  les  petites 
villes  5c  dans  les  bourgs,  une  fur 
trente-fept,  &  dans  les  campagnes 
une  fur  quarante.  La  différence  eft 
donc  au  préjudice  des  grandes  villes. 
Si  les  habitans  des  campagnes  y 
étoient  plus  heureux;  fi  le  luxe,  le  goût 
de  la  frivolité,  &  peut-être  de  l'oifi- 
veté  étoient  moins  répandus ,  ils  ne 
fe  jetteroient  pas  en  foule  dans  les 
villes,  &:  on  les  verroit  moins  fe  dé- 
peupler. Que  de  réflexions  préfente  ce 
tableau  de  mortalité  à  l'efprit  de  celui 
qui  réfléchit  de  fang  froid  !  Je  laiffe 
à  mes  lefteurs  la  facilité  de  les  mul- 
tiplier ;  elles  feroient  ici  déplacées. 
Ce  tableau  eft  trop  général  ;  il  auroit 
convenu  de  calculer  ces  mortalités 
dans  les  villages  fitués  près  des  étangs, 
des  marais ,  des  relaiflés  des  fleuves  , 
de  la  mer.  Sec.  Je  mets  en  fait,  que 
dans  la  plaine  du  Forez ,  dans  la  BrelTe- 
Brellandejdans  certains  voiiinages  de 
la  met  ,  la  mortalité  eft  d'une  per- 
fonne  fur  vingt  !  (  Voye^  le  mot 
Etang.  ) 

MORTIER.  Mélange  de  terre  ou 
de  fable  ,  avec  l'eau  &  la  chaux 
éteinte  dans  l'eau.  (  f^oyi\  ce  quia 


M  OR 

été  dit  aux  mots  Chaux  ,  Béton, 
articles  eircutielsà  cekii-ci,  auili  que 
les  mots  Cavhs  ,  Citernes  ,  Cuves. 

Quelle  doit  ctre  la  proportion  en- 
tre la  chaux ,  le  fable  &  l'eau  pour 
faire  un  bon  mortier.  Je  n'eiuieprcn- 
drai  pas  de  r^-foudre  ce  problêaie  , 
dont  la  folution  me  paraît  elieiuiel- 
lement  impolîible. 

11  y  a  autant  d'efpèces  de  chaux  que 
de  cantons  oîi  on  la  fabrique,  &  iou- 
vent  dans  le  même  canton,  la  pierre 
tirée  de  telle  ou  telle  autre  carrière, 
diffère  de  celle  de  la  carrière  voifine, 
&  varie  fuivant  les  bancs  de  la  même 
carrière.  De  là  (ont  prifes  les  déno- 
minations de  chmx  g ra[fe ,  de  chaux 
maigre  ,  &c.  ;  c'eft-à-dire  que  celle- 
ci  existe  beaucoup  moins  de  fable  , 
parce  qu'elle  contient  elTentiellement 
peu  de  parties  calcaires  ,  mélangées 
avec  beaucoup  de  fubftances  peu  luf- 
ceptibles  de  calcination  ,  comme  les 
argilles  ,  les  craies,  &c.  L'autre,  au 
contraire  ,  demande  beaucoup  plus 
d'eau  pour  l'éteindre  ,  &:  plus  de 
fable  pour  en  Faire  un  bon  mortier. 
C'eft  en  partant  de  ces  deux  points , 
&  en  variant  les  proportions  ,  que 
l'on  parvient  à  connoître  la  chaux 
de  fon  canton  &  fa  qualité.  Cepen- 
dant ,  Cl  la  chaux  n'eft  pas  alfez  cuite  , 
qu'elle  foit  mal  calcinée ,  on  ne  peut 
rien  conclure. 

On  qualifie  encore  du  nom  de  chaux 
^ra/Zè,  celle  qui  reifemble  à  du  beurre, 
par  fa  fînelfe  \  &  chaux  n^gre  ,  celle 
qui  contient  des  graviers  ou  des  por- 
tions pierreufes  non  calcinées,  foit 
parce  qu'elles  n'en  ont  pas  été  fuf- 
ceptibles  ,  foit  parce  qu'on  n'a  pis 
adez  poulTé  le  feu  penduit  la  cullfon. 

De  la  qualité  du  fable  dépend  en- 
core celle  du  mortier.  Le  fible  le 
plus  fin  n'eft  pas  le  meilleur.  11-  cou- 


M  O  R  587 

vient  de  choilir ,  quand  on  le  peut  , 
un  fable  anguleux.  Le  fable  gras  eft 
préférable  au  fable  fec.  Si  on  ne  peut 
pas  fe  procurer  de  fable  ,  la  brique 
pilée  peut  le  fuppléer  ,  &  elle  eft  à 
préférer  au  meilleur  fable.  Au  défaut 
de  ces  deux  matières  ,  on  peut  fe 
fervir  d'argile  préparée ,  ainfi  qu'il 
fera  dit  en  parlant  du  mortier  de  M. 
Loriot.  L'expérience  a  démontré  que 
lorfque  l'on  prépare  le  mortier  auill- 
tôt  que  la  chaux  el^  éteinte ,  &  qu'elle 
eft  encore  très-chaude  ,  ce  mortier 
fe  durcit  ,  fait  corps  &  fe  cryftallife 
beaucoup  plus  promptement  que  lorf- 
que  la  chaux  a  été  éteinte  depuis 
long-temps  j  lamaçonnerie,  faite  avec 
ce  premier  mortier,  eft  beaucoup  plus 
folide ,  plus  ferme,  dure  plus  long- 
remps,  i!:v'  elle  efl:  moins  fiijette  aux 
imprellions  des  météores.  Cette  ob- 
fervation  eft  importante,  fur-tout  lorf- 
qn'on  eft  forcé  à  bâtir  dans  l'arrière- 
faifon.  Si  une  gelée  un  peu  forte,  fi 
des  pluies  furviennenr ,  le  mortier 
fait  avec  de  la  chaux  éteinte  depuis 
long-temps.  Si  par  conféqiient  très- 
longue  à  cryftallifer,  foultrira  beau- 
coup ,  par  la  défunion  de  fes  par- 
ties glacées  par  le  froid  ,  ou  trop  im- 
bibées d'eau  par  les  pluies.  Une  chaux 
nouvellement  éteinte  ,  confomme 
plus  de  fable  que  la  même  chaux  qui 
l'eft  depuis  long-temps.  Dans  les 
grandes  entreprifes ,  ce  n'eft  pas  une 
petite  économie.  On  compte  qu'il  faut 
ordinairement  trois  quintaux  ce 
chaux,  poidsde  marc,  pour  une  toife 
quarrée  de  maçonnerie  d'un  mur  de 
dix-huit  pouces  d'épailfeur.  Cepen- 
dant il  n'y  a  point  de  règle  géomé- 
triquemenr  fîire  fur  ce  point.  Un 
des  grands  défauts  dans  la  conftruc- 
tion  ,  vient  de  la  part  de  ceux  qui 
broyent  le  mortier.  Les  er.fans ,  ou 
E  e  e  e  1 


5S8  M  O  R 

petits  mp.jiœuvics  ,  font  prefqiie  tou- 
jours chargés  de  ce  travail ,  &  ils  n'ont 
ni  la  force,  ni  la  patience  de  le  porter 
à  fa  perfection  On  ne  fauroit  broyer 
le  mortier  trop  long-temps  ,  ni  tiop 
divifer  les  molécules  de  la  chaux,  & 
les  ama'gamtr  avec  le  f.ible.  Si  les 
maçons  font  chargés  deropéia'tion  ,ils 
commencent  leur  journée  par  broyer 
le  mortier ,  &  ils  en  préparent  ,  à 
peu  de  chofe  près ,  autant  qu'ils  pré- 
voient pouvoir  en  employer  dans  la 
journée.  11  arrive  que  ce  mortier  eft 
rrop  fuichargé  d'eau ,  &  malgré  cela  , 
dans  les  grandes  chaleurs  de  l'été ,  l'é- 
vaporatiun  eft  trop  forte,  la  crjftalli- 
lation  commence,  il  faut  ajouter  de 
temps  à  autre  de  l'eau  pour  renou- 
veller  la  fouplelfe  du  mortier  ,  è\:  en 
dérange  certe  cryftallifation  d'où  dé- 
pend la  folidité  de  l'ouvrage,  llcon- 
vienr  donc  de  veiller  attentivement 
à  ce  qu'ils  broyent  le  mortier  après 
chacun  de  leur  repas ,  c'eft-  à- dire  trois 
ou  quatre  fois  par  jour  ,  ou  bien  il 
faut  que  la  même  perfonne  foit  oc- 
cupée à  le  préparer  à  mefure  qu'on 
l'emploie.  Ces  détails  font  trop  né- 
gligés ,  on  s'en  rapporte  trop  à  l'ou- 
vrier à  qui  il  imporre  tort  peu  que 
le  mortier  foit  trop  gras  ou  trop  mai- 
gre i  les  trois  quarts  du  temps  c'eft 
un  automate  c]ui  agit  ,  qui  broyé 
aujourd'hui  comme  il  le  fit  hier, 
fans  examiner  fî  la  chaux  eft  de  même 
qualité  j  ou  qui  fe  hâte  de  broyer 
tant  bien  que  mal  ,  afin  d'avoir  plus 
de  temps  pour  fe  repofer. 

D'un  autre  côté  ,  le  maçon  ,  fi 
l'ouvrage  eft  donné  à  prix  fait  , 
économife  fur  la  quantité  de  chaux, 
&  il  augmente  les  proportions  du  fa- 
ble j  dès-lors  ,  le  mortier  en  fe  fè- 
chant ,  n'opère  qu'une  cryftallifation 
imparfaite  :  le  maçon  épargne  égale- 


M  O  R 

ment  le  mortier  dans  la  conftrudtion, 
&  fi  ou  n'y  Veille  de  près  ,  on  trou- 
vera ,  d'une  pierre  à  une  autre ,  cc  qu'on 
appelle  des  chambi  .s  ,  ou  vides,  qui 
dms  la  fuite  deviendront  le;  repaire 
des  rats  tk  des  fouiis ,  &  facilitetont 
l'ouverrure  de  leurs  galeries  dans  l'é- 
pailfeur  des  murs. 

Si  on  fournit  les  matériaux  aux 
maçons,  &:  qu'on  leur  paye  la  main- 
d'oeuvre  à  tant  la  toife  ,  on  n'aura 
prefque  que  des  lits  de  mortier;  les 
pierres  feront  moins  bien  jointées, 
moins  ferrées  les  unes  contre  les  au- 
tres, Se  à  peine  les  ouvriers  fe  fervi- 
ront  ils  de  leurs  marteaux  pour  les 
bien  enchâfTer  dans  le  mortier.  Le 
meilleur  mur  eft  celui  qui  eftconftruic 
avec  rrès-peu  de  morrier  ,  où  l'on 
n'a  pas  épargné  les  retailles  ou  petites 
pierres ,  afin  de  remplir  tous  les  vides, 
&"  de  ne  pas  laillcr  de^  malFes  trop 
épaiftes  de  mortier  ;  enfin  ,  celui  où 
le  marteau  de  l'ouvrier  a  beaucoup 
travaillé. 

D'après  ces  obfervations  ,  aux- 
quelles on  pourroit  en  ajouter  beau- 
coup d'autres  ,  on  fent  la  néceflîté 
où  l'on  eft  de  fuivre  les  ouvriers  j 
de  prendre  de  temps  en  temps  leur 
petit  levier  ,  de  fonder  entre  les  af- 
filfes  de  chaque  pierre  ,  afin  de  fe 
convaincre  par  foi-mêine  eue  la  ma- 
çonnerie eft  bien  garnie,  qu'il  n'y  a 
pas  de  chambres ,  ni  de  trop  forts 
dépôts  de  mortier.  Si  l'on  s'apperçoit 
de  quelques-uns  de  ces  défauts  ,  il 
n'y  a  pas  à  balancer  ,  on  doit  faire 
lever  un  aflife  de  pierre  fur  une  lon- 
gueur dérerminée  ,  afin  de  convain- 
cre l'ouvrier  que  vous  avez  des  yeux 
accoutumés  à  voir  ,  que  vous  con- 
noitfez  le  travail  ;  enlîn  ,  il  fera 
obligé  de  refaire  l'ouvracre  toutes  les 
fois  que  vous  le  trouverez  mauvais 


M  O  R 

ou  mal  conditionné.  Mais  ,  afin  que 
l'ouvrier  ou  le  piix-tataire  ne  (oit  pas 
dans  le  cas  de  le  plaindre  ,  cette  vé- 
rification,  de  la  part  du  maître,  doit 
être  ibpulce  dans  le  concordat  que 
l'on  palIe  avec  lai  avant  de  commen- 
cer rentreprife.  Alors,  s'il  y  travaille 
mal  il  fcft  dans  fon  tort  ,  &  il  n'a 
aucun  prétexte  pour  ne  pa-.  recom- 
meneer  l'ouvrage  lorlque  les  dcfec- 
tuofi.-cs  l'eXigen:.  Apres  deux  ou  trois 
bonnes  leçons  dans  ce  genre,  &c  lorf- 
quil  fera  convaincu  que  le  maître 
vilite  fouvciit  fes  travaux  ,  on  peut 
alors  elpcicr  que  la  maçonnerie  lera 
folide  ,  &  c'ell  le  feu!  &  unique 
moyen  pour   atteindre  à  ce  but. 

On  eft  aujourd'hui  très-étouné  de 
la  dureté  du  mortier  employé  par  les 
Romains  j  les  pierres  cèdent  pius  laci- 
lement  que  ce  mortier  à  la  pince  ou  à 
l'effort  de  la  poudre.  A  cet  égard  il 
convient  de  remarc]uer  qu'un  mor- 
tier tien  fait  acquiett  ,  par  le  laps 
des  temps  ,  une  folidité  ,  une  té- 
nacité extrêmes  j  en  (econd  lieu,  que 
les  Romains  employoient  des  pro- 
cédés ,  dont  on  trouve  quelques  tra- 
ces éparfes  dans  leurs  écrits.  La  vue 
de  leurs  anciens  travaux  a  fixé  l'at- 
tention de  M.  Loriot ,  Ce  l'a  en- 
gagé à  conclure  que  la  folidité  de 
leurs  ouvrages  ne  tenoit  ni  à  un  avan- 
tage local  ,  ni  à  une  qualité  parti- 
culière des  matériaux  \  mais  qu'elle 
étoit  le  réfultat  d'un  procédé  parti- 
culier. 

Ces  monumens  ofFreiit  pour  la  p'û- 
part  des  malfes  énormes  en  épaiileur 
&en  élévation  ,  dont  l'intérieur  maf- 
qué  feulement  par  un  'larement  pref- 
que  fuptrficiel  ,  n'eft  évidemment 
formé  que  de  pieiraiile  cv  de  cail- 
loiita^e  jetés  au  hafard  ,  Si  !iés.en- 
femble  par  ua    mortier  qui   patoît 


M  O  R 


5S9 


avoir  été  aiïez  liquide  pour  s'infiuuer 
dans  les  moindres  inteiftices  ,  &i  ne 
former  qu'un  tout  de  cet  amas  de 
matières  ,  foit  qu'elles  aient  été  je- 
tées dans  un  bain  de  ciment  ou  de 
mortier  ,  foit  qu'arrangées  d'abord  , 
on  l'ait  verfé  fur  elles. 

L'art  de  cette  conftruétion  coifi.le 
dans  la  préparation  &  'l'empliu  ue 
ce  mortier  qui  n  til:  (ujet  à  aucune 
diliolution,  <i^  dont  la  ténacité  eft 
(i  grande ,  qu'il  rédlle  aux  coups  re- 
doublés du  pic  &:  du  marteau.  Les 
propriétés  principales  du  mortier  des 
Romains,  font  ,  1".  d'être  impéné- 
trable à  l'eau  :  (  le  béton  jouit  audî  de 
cet  avantage)  i^.depaffer  trcs-ptomp- 
tement  de  l'état  liquide  à  une  con- 
fiftance  dure  ^  3"  d'acquérir  une  té- 
nacité étonnante  ,  &  de  la  commu- 
niquer aux  momcires  cailloutages  qui 
en  loat  imprégnés  \  4".  enfin  ,  de  con- 
ferver  toujouts  le  même  volume , 
fans  retraite  ni  extenfion.  Ces  pro- 
priétés ont  fait  fuppofcr  par  le  peu- 
ple, qui  a  toujours  recours  à  l'extraor- 
dinaire pour  expliquer  les  chofes  les 
plus  fimples  ,  que  les  Romains  em- 
ployoient le  fang  ,  parce  que  leur 
ciment  nvoit  quelquefois  une  teinte 
rougeat-e;  cette  teinte  eft  unique- 
ment di'ie  à  la  brique  pilce  ,  qui  lui 
a  communiqué  une.paitie  de  fa  cou- 
leur. Quand  ils  n'employoient  que  le 
gravier  &c  la  pierr.iille  ,  la  couleur 
étoit  alors    blanche  ou  griTe 

Voici  la  marche  qu'a  fuivie  M.  Lo- 
riot l'our  connoître  la  bafe  de  ce  ci- 
ment, tS,  p  uir  pprvenir  à  l'imiter  exac- 
tement. 11  prit  de  la  chaux  éteinte 
depuis  longtemps  dans  une  foffe  re- 
couverte de  plaiulies  ,  fur  laquelle 
on  avoit  répandu  une  certaine  quan- 
tité de  terre  ;  de  forte  qu<.'  ce  movcu 
avou  confervé  toute  la  fraîcheur  ds 


590 


M  O  R 


la  chaux.  Il  en  fi:  deux  lots  .fcparés , 
qu'il  gâcha  avec  une  égale  actencion. 
l,e  premier  lot,  fans  aucun  mélange, 
fut  mis  dans  un  vafe  de  terre  ver- 
ni(ré  &  expofé  à  l'ombre  ,  à  une 
dellication  naturelle.  A  mefure  que 
levaporarion  de  l'humidité  fe  fie,  la 
matière  fe  gerfa  en  tout  fens.  Elle 
fe  détacha  des  p.irois  du  vafe  ,  & 
tomba  en  mille"  morceaux  ,  qui  n'a- 
voient  pas  plus  de  conhftance  que 
les  morceaux  de  chaux  nouvellement 
éteinte  ,  qui  fe  trouvent  delféchcs 
par  le  foleil  fur  les  bords  des  folFts. 
Quant  à  l'autre  lot ,  M.  Loriot  ne 
fit  qu'y  ajourer  un  tiers  de  chaux- 
vive  mife  en  poudre  ,  &  amalgamer 
&  gâcher  le  tout,  pour  opéret  le  plus 
exaét  mélange  qu'il  plaça  dans  un 
pareil  vailfeau  verniiré.  11  fentit  peu- 
à-peu  que  la  mafle  s'échaufFoit  ,  & 
dans  l'elpace  de  quelques  minutes,  il 
s'apperçut  qu'elle  avoit  acquis  une 
conhftance  pareille  à  celle  du  meilleur 
plâtre  détrempé  &  employé  à  propos. 
C'eft  une  forte  de  lapidification  con- 
fonimée  en  un  inll:ant.  La  deffication 
abfolue  de  ce  mélange  eft  achevée  en 
peu  de  temps,  &  préfente  une  malle 
compaéte  fans  la  moindre  gerçure  , 
&  qui  demeure  tellement  adhérente 
aux  parois  des  vaiileaux  ,  qu'on  ne 
peut  l'en  tirer  fans  les  brifer.  Si  le 
mélanç^e  eft  fait  dans  une  exaéle  pro- 
portion ,  il  n'éprouve  ni  retrait  ni 
extenfion  ,  &  refte  perpétuellement 
dans  le  même  état  oii  il  s'eft  trouvé 
au  moment  de  (a  fixué. 
-;  M.  Loriot  forma  avec  ce  com- 
pofé  différens  baOins  ,  &  vit  qu'après 
les  avoir  laillé  fécher  ,  l'eau  qu'on 
y  avoir  mife  n'avoir  éprouvé  d'autre 
diminution  que  celle  qui  eft  une  fuite 
de  i'évrtporarion  ordinaire  ,  &:  le  poids 
du  balîîn  exadement  reconnu  avant 


M  O  R 

l'expérience  ,  a  été  ftridement  le 
même  après  l'opération. 

Ces  expériences  j  fuffifantes  pour 
le  moment  ,  ne  décidoient  pas  quels 
feroient  fur  ce  mortier  les  eftets  de 
l'intempérie  des  faifons  :  de  nouvel- 
les épreuves  ont  démontré  que  ce 
mortier  acquéroit  progreffivement 
plus  de    folidité. 

11  eft  donc  certain  que  l'intermède 
de  la  chaux  -  vive  en  poudre  dans 
toutes  fortes  de  mortiers  &  de  ci- 
mens  faits  av«c  la  chaux  éteinte  ,  eft 
le  plus  puilTant  moyen  pour  obtenir 
un  mortier  inaltérable.  Telle  eft  la 
bafe  de  la  découverte  de  M.  Loriot. 
En  voici  quelques  conféquences.  Dès 
que  par  le  réfultat  de  l'expérience  , 
il  eft  prouvé  que  les  deux  chaux  fe 
faififfent  &  s'étreignen:  fi  fortement, 
l'on  conçoit  qu'elles  peuvent  égale- 
ment embraflTer  &:  contenir  les  autres 
fubftances  que  l'on  y  introduira  ,  les 
ferrer  &  faire  corps  avec  elles  félon 
la  convenance  plus  ou  moins  grande 
de  leur  furface  ,  &  par-là  augmen- 
ter le  volume  de  la  malfe  que  l'on 
veut  employer. 

Les  corps  étrangers  ,  reconnus 
jufqu'ici  pour  les  plus  convenables 
à  introduire  dans  le  mortier  ,  font 
le  fable  &  la  brique.  Prenez  donc, 
pour  une  partie  de  brique  pilée  rrès- 
exaétement  Se  palfée  au  fas  ,  deux 
parties  de  fable  fin  de  rivière  palîé 
à  la  claie  ,  de  la  chaux  vieille  éreinte 
en  quantité  fuffifante  pour  former 
dans  l'auge ,  avec  l'eau  ,  un  amal- 
game à  l'ordinaire  ,  &  cependant 
alfez  humecté  pour  fournir  à  l'ex- 
tindion  de  la  chaux  vive  que  vous 
y  jetterez  en  poudre  jufqu'à  la  con- 
currence du  quart  en  fus  de  la  quan- 
tité de  fable  &  de  brique  pilée  ,  pris 
enferpble,   Les   matières  étant  bien 


M  O  R 

incorporées  ,  employez-les  prompte- 
nient ,  p;;rce  que  le  moindre  délai 
peiu  en  rendre  iufage  détedueux  ou 
impolîible. 

Vn  enduit  de  certe  matière  fur  le 
fond  &  les  parois  d'un  bailîu ,  d'un 
canal  &  de  toutes  fortes  de'conftruc- 
tions  faites  pour  contenir  &  fur- 
monter  les  eaux  ,  opère  l'effet  le 
plus  ftirprenant  ,  même  en  les  met- 
tant en  petite  quantité.  Que  feroit- 
ce  donc  fi  les  conftru6tions  avoient 
été  originairement  faites  avec  ce 
mortier  ? 

La  poudre  de  charbon  de  terre  , 
en  quantité  égale  à  celle  de  la  chaux 
vive ,  s'y  incorpore  parfaitement ,  &:  la 
fubftance  bitumineufe  du  charbon 
eft  un  obftacle  de  plus  à  la  pénécra- 
bilité  de  l'eau. 

Le  mélange  de  deux  parties  de 
chaux  éteinte  à  l'air  ,  d'une  partie  de 
plâtre  paffé  au  fas ,  &  d'une  quatriè- 
me partie  de  chaux  vive  ,  fournit  par 
l'amalgame  qui  s'en  fait,  un  enduit 
très-propre  pour  l'intérieur  des  bâ- 
timens  ,  &c  qui  ne  fe  gerfe  point. 
Ces  mortiers  doivent  être  préparés 
par  rangées. 

Si  on  ne  peut  avoir  de  la  brique 
pilée  pour  les  ouvrages  deftinés  à 
recevoir  l'eau  ou  à  la  contenir ,  on  peut 
y  fuppléer  en  faifant  des  pelottes  de 
terre  franche  qu'on  lailTera  fccher, 
&  qu'on  fera  cuire  enfuite  dans  un 
four  à  chaux.  Ces  pelottes  j  aifé- 
ment  réduites  en  poudre  ,  valent  la 
brique  pilée. 

Un  tuf  fec ,  pierreux  ,  bien  pul- 
vérifé  5  &  palIe  au  fas,  peut  rem- 
placer le  fable  &:  la  terre  franche  : 
il  feroit  même  à  préférer  à  ceux-ci  à 
caufe  de  fa  légèreté  pour  les  ouvrages 
que  l'on  voudrait  établir  fur  une 
charpente. 


M  O  R  591 

Les  marnes  ,  exa6tement  pulvé- 
rifées  &  délayées  avec  précaution,  à 
caule  de  leur  onètaolué  qui  peut  ré- 
futer au  mélange  ,  font  également 
propres  à  s'incorporer  avec  la  chaux. 
La  poudre  de  charbon  de  buis,  &  en 
général  toutes  les  vitritîcations  des 
fourneaux  ,  celles  des  forges  ,  des 
fonderies,  craffes  ,  laitiers  ,  fcories, 
mâches-fer  ,  toutes  celles  qui  font 
imprégnées  de  fubftances  métalli- 
ques ,  altérées  par  le  feu ,  font  éga- 
lement lufceptibles  des  entraves  que 
ce  mélange  des  deux  chaux  leur  pré- 
pare ,  <Sc  peuvent  donner  un  ciment 
de  telle  couleur  qu'on  le  défirera  ; 
en  un  moi  ,  tous  les  débris  de  pier- 
res ,  les  cailloux  ,  les  eraviers  ,  les 
gravats  des  démolitions  ,  peuvent 
entrer  dans  les  gros  ouvrages  qui 
doivent  faire  corps. 

Aufurplus,  le  mélange  d'un  quart 
de  chaux  en  poudre  ,  indiqué  par 
M.  Loriot  ,  eft  en  générai  la  pro- 
portion convenable.  Mais  fi  la  chaux 
eft  nouvellement  cuite  ,  fi  elle  eft 
parfaite  dans  fa  calcination  ,  ainfi 
que  dans  les  parties  conftituantes  de 
la  pierre  qu'on  réduit  en  chaux  par 
la  calcination  ,  il  en  faudra  un  peu 
moins;  &  plus,  à  proportion  qu'elle 
s'éloignera  de  fon  point  de  perfeétion. 
Si  on  met  trop  de  chaux  en  poudre  , 
elle  fe  combinera  mal  en  mortier, 
fe  brûlera  ,  &  tombera  en  pouffière. 
Si  elle  eft  inondée  ,  à  mefure  que 
Icau  iupeifiue  fe  deiîcchcra,  le  mor- 
tier ou  ciment  fe  gerfera.  Un  peu 
de  pratique  inftruira  mieux  l'ouvrier 
que   les  plus   grands  détails. 

L'opération  de  M.  Loriot  eft  fim- 
ple  ,  &  â  la  portée  de  tout  le  monde  ; 
mais  elle  exige  de  réduire  la  chaux 
nous'clle  en  poudre,  iN:  cette  opéra- 
tion, long-temps  continuée  ,  devient 


*   V 


5^1  M  O  R 

iiès-nuifible  à  la  faute  de  l'ouvrier. 
M.  de  Morvc.m,  ce  favaiic  &  zélé 
citoyen,  donc  tous  les  momens  loue 
coniacrés  à  l'utilité  publique  ,  a 
trouvé  un  expédient:  capable  de  pré- 
venir tous  les  inconvénieiis  ,  ia  peu 
coûteux.  Nous  empruntons  fes  propres 
paroles. 

"  M.  Loriot  n'cft  pas  le  premier 
qiti  ait  propofé  de  mêler  une  portion 
de  chaux  vive  avec  le  mortier  ordi- 
naire ;  mais  il  a  l'avantage  d'avoir 
le  premier  publié  cette  méthode  en 
France i  de  l'avoir  annoncée  avec  des 
promeiïies  fondées  fur  des  expérien- 
ces-pratiques ,  capables  d'éveiller  l'at- 
rentiou  &  d'infpirer  la  confiance. 
Or,  il  eft  certain  que  c'eft  le  plus 
fouvent  à  ce  dernier  pas  que  tient 
l'utilité  des  découvertes.  Elles  reftcnt 
dans  les  livres  comme  des  tréfors 
ignorés  ,  que  mille  gens  touchent 
fans  en  connoitre  le  prix  ,  Se  c'eft 
celui  qui  nous  en  met  en  polfedion , 
qui  mente  fur-tout  notre  leconnoif- 
fance.  Il  n'efc  donc  pas  étonnant  que 
fon  nom  fe  conferve  dans  la  mémoire 
des  hommes ,  avec  l'idée  de  fon  in- 
vention ,  de  manière  à  lui  alfurer  la 
gloire  de  tout  ce  que  le  temps  pourra 
y  ajouter.  •' 

»  i".  il  faut  que  la  chaux  vive  foit 
léduite  en  poudre  très-fine  ,  fans 
cela  l'aition  expanfive  feroit  trop 
puifTante,  'e  gcntiement  deviendroit 
trop  confidérable.  J'ai  vu  un  enduit 
de  dix  lignes  d'épailTeur  fe  bomber 
en  moins  de  deux  minutes ,  de  quatre 
pouces  fur  deux  pouces  de  longueur, 
parce  que  la  chaux  n'avoir  point  été 
aflez  pulvérilée  ;  le  frottement  ne 
permettant  pas  une  expanfion  pareille 
au  mur  ,  tout  l'eftort  fe  porta  en 
avanr. 

"  1°.  Les  parties  de  chaux  vive 


M  O  R 

doivent  y  être  diftnbuées  également , 
&  dans  une  proportion  avec  la  qua- 
lité ablorbantc  de  cette  chaux  :  n'y  en 
a-t-il  pas  allez,  ou  n'eft-elle  pas  allez 
vive  ?  l'effet  manque,  il  y  a  plus  de 
mélange  que  de  combinaifon  j  ctft  un 
inoitit^  qui  n  eft  plus  travaillé  par 
l'affinité  ,  qui  contient  une  quantité 
d  eau  furabondante  ,  &  dont  l'éva- 
poration  laillerades  interftices.  Y  en 
a-t-il  trop,  ou  bien  la  chaux  eft-elle 
trop  vive  ?  la  delîication  des  parties 
voifuies  eft  fubite  ,  leur  déplacement 
n'eft  plus  fuccelîif  ,  elles  lont  vio- 
lemment heurtées  par  le  mouvement 
expanlif  j  d:  au  lieu  de  les  attaquer  , 
il  les  brife ,  comme  lorfqu'on  remanie 
un  mortier  rrop  fec  :  aulli  ai-je  conf- 
tamment  obiervé  que,  dans  tes  cir- 
conftances ,  ce  niortjer  étoit  friable 
ôc  s'écachoit  facilement ,  même  après 
le  refroidilTemenr.   » 

3-'.  On  doit  obferver  &  faifir  le 
moment  de  mettre  en  œuvre  cette 
préparation  ,  peut  être  avec  plus 
d'fcxaélitude  encore  que  pour  le  plâ- 
tre :  en  rendant  ce  mortier  plus  li- 
quide avant  que  d'y  mêler  la  chaux 
vive  ,  on  peut  empêcher  qu'il  ne 
prenne  auflî  promptement,  mais  c'eft 
toujours  aux  dépens  de  la  folidité  j 
la  chaux  fe  fature  d'eau  ,  elle  fait 
tout  fon  effet  dans  l'auge  de  l'ouvrier  ; 
il  croit  employer  le  mortier  de  M. 
Loriot  ,  i5c  ce  n'eft  plus  qu'un  mor- 
tier ordinaire  ,  cù  l'on  a  mis^une 
nouvelle  portion  de  chaux  éteinte  ; 
il  faut  le  prendre  dans  l'inftant  pré- 
cis où  il  ne  refte  plus  allez  d'adtion 
à  la  chaux  vive  pour  changer  ftifi- 
blementfesdimenfions  fous  la  truelle, 
où  il  lui  en  refte  alfez  pour  opérer 
un  mouvement  intérieur  qui  le  mette 
en  équilibre  avec  la  ténacité  du  mé- 
lange. C'eft  dans  ce  jufte  milieu  qu'il 

acquiert 


M  O  R 

■acquiert  la  confiftance  iiécefTàrre 
quand  il  a  été  convenablement  dé- 
layé ;  &  je  me  fuis  bien  convaincu 
que  c'eft  de-là  que  dépend  conftam- 
ment  le  fuccès  de  l'opération.  » 

j)  Les  moyens  de  rendre  la  prépa- 
ration de  ce  mortiet  moins  dange- 
reufe,  plus  économique  Se  plus  (me, 
ne  peuvent  être  indiffcrèns.  Celui 
que  je  propofe  réunit  tous  ces  avan- 
tages ;  il  confifte  à  laifler  éteindre  4a 
chaux  à  l'ait  libre,  en  lieu  couvert  , 
jufqu'à  ce  qu'elle  foit  tombée  en 
farine  ou  poulTîère  impalpable,  &  à 
la  recalciner  enfuite  à  raefure  que 
l'on  en  a  befoin  ,  dans  un  petit  four 
fait  exprès  avec  des  briques.  » 

n  1°.  Je  dis  que  cette  préparation 
fêta  bien  moins  dangereufe  que  l'autre. 
C'eft  le  danger  auquel  font  expofés 
les  ouvriers  en  pilant  la  chaux  vive 
qui  m'a  fait  naître  cette  idée  ;  la  pouf- 
fîère  qui  sélève  dans  cette  opération 
leur  caufe  des  picotemens,  des  irrita- 
tions dans  la  gorge,  une  toux  cruelle, 
des  Gignemens  de  nez,  &c.  Le  dan- 
ger n'eft  pas  moins  confidérable  lorf- 
qu'il  faut  bluter  ou  tamifer  cette 
chaux  \  le  mouvem.ent  volatilife  les 
parties  les  plus  fubtiles ,  <Si  tous  ceux 
qui  ont  quelquefois  manié  de  la  chaux 
en  poudre,  favent  bien  qu'il  en  émane 
une  forte  odeur  nauféabonde  ,  auffi 
incommode  que  mal-faifante.  Que 
l'on  ne  dife  pas  que  les  ouvriers  pour- 
ront fe  couvrir  la  bouche  ,  comme 
on  le  pratique  dans  les  atteliers  où 
cette  opérarion  fe  répète  habituelle- 
ment, cette  ptécaution  remédie  très- 
peu  aux  accidens ,  &  rend  le  travail 
plus  pénible,  puifque  la  refpiration 
eft  cruellement  gênée,  u 

»  t°.  Je  dis  que  l'opcration  fêta 
plus  économique.  Suppofons  que  l'on 
<ic  befoin  d'un  muid  de  chaux  vive 
Tome  FI, 


M  Ô  R' 


Î95 


en  poudre ,  c'eft  tout  ce  que  pcRir- 
ront  taire  dans  une  journée  huic 
hommes  vigoureux,  exercés  à  ce  tra- 
vail, même  en  admettant  qu'il  puilTe 
être  continu,  que  de  la  pulvcrifer  ic 
de  la  palfer  au  tamis  &  au  bluteau; 
il  en  coiitera  au  moins  lo  livres  pour 
fa  préparation  ,  &  c'eft  au  prix  le 
plus  bas ....  Pour  préparer  à  ma  ma- 
nière la  même  quantité ,  il  faut  tout 
au  plus  un  travail  de  fix  heures  d'un 
feul  ouvrier,  &  le  quart  d'une  corde 
de  bois,  ou  l'équivalent  en  fagotage: 
la  valeur  de  ce  bois  ne  peut  monter 
à  10  livres  en  quelque  pays  que  ce 
foit.  » 

»  On  commencera  par  conftruire 
un  four,  à-peu-prcs  dans  la  forme  des 
fours  de  fonderie,  ou  plutôt  des  fours 
à  fritte.  (  Foye^  dans  le  diélionnaire 
encyclopédique,  arricle  Forges  ,  ma- 
nujacluies  de  glaces)  Ce  four  .peut 
être  de  telle  grandeur  qu'on  le  ju- 
gera convenable  ,  par  rapport  à  la 
confommation  de  chaux  vive  ;  mais 
comme  c'eft  une  matière  dont  on  ne  ' 
doit  pas  faire  provilîon,  &  que  le 
four  une  fois  échauffé  exige  moins 
de  bois  pour  les  fournées  fucceflives, 
il  y  aura  de  l'avantage  à  le  tenir  dans 
de  moindres  dimenfions.  Pour  le  conf- 
truire dans  une  proportion  moyenne 
&  commode,  je  lui  donnerois  quatre 
pieds  de  long  ,  deux  pieds  de  large, 
&  un  pied  de  haut,  une  fotme  ovale 
ou  elliptique  ,  je  voudrois  qu'il  fi'ic 
ouvert  à  fes  deux  extrémités  ;  une  de 
ces  deux  ouvertures  ferviroit  à  la 
communication  de  la  flamme,  de  la 
foquerie  &  du  tifard;  l'autre  feroit 
la  bouche  du.  four  ,  par  laquelle  la 
flamme  s'échapperoit  dans  la  hotte  de 
la  cheminée,  après  avoir  circulé  dans 
l'intérieur;  c'eft  par -là  que  l'ouvrier 
introduira  la  chaux  éteinte  ,  la  re- 
Ffff 


594  M  O  R 

mueraavec  un  rable ,  &  la  retirera  lorf- 
qu'elle  fera  fuffifamment  calcinée.  » 

>j  On  fent  bien  que,  pour  la  com- 
modiré  de  l'ouvrier,  l'aire  du  four 
«loii  être  environ  de  trois  pieds  & 
demi ,  &  que  le  tifard  doit  être  placé 
parallèlement,  ou  au  moins  en  re- 
tour, afin  que  le  coup  de  vent  qui 
fcrt  à  entretenir  le  feu ,  n'imprime  pas 
à  la  flamme  un  mouvement  trop  ra- 
pide; ce  tifard,  deftiné  à  recevoir  le 
bois,  pourra  avoir"  deux  pieds  de 
longueur,  un  pied  de  largeur.  Se  dix- 
huit  pouces  de  haut,  il  fera  terminé 
en  delFus  par  une  voûte  en  brique, 
en  bas  par  une  grille  pofée  à  dix 
pouces  au-delfous  de  l'aire  du  four, 
&  un  cendrier  fous  cette  grille.  » 

«  Le  four  ainfi  difpofé ,  l'ouvrier 
aura  fous  fa  main  une  grande  cailfe 
remplie  de  chaux  que  l'on  aura  lailTé 
éteindre  à  l'air,  donr  on  aura  féparé 
avec  le  râteau  les  pierres  qui  n'au- 
roient  pas  (nié;  il  en  jettera  dans  le 
four  environ  deux  pieds  cubes  ,  il 
pouflera  le  feu  jufqu'à  ce  qu'elle  foit 
rouge,  ayant  foin  de  l'étendre  &  de 
la  retourner  de  temps  à  autre  avec 
lin  rable  à  long  manche  ,  pour  rendre 
Ja  calcination  plus  égale  &  plus 
prompte  :  cette  portion  une  fois  cal- 
cinée, il  la  ramera  avec  fon  rable,  il 
îa  fera  tomber  ou  fur  le  pavé ,  ou 
dans  des  cailles  de  tôle  ,  &  procédera 
pe  même  pour  les  fournées  fuccef- 
fives ,  dont  la  durée  ne  peut  être  de 
plus  d'une  heure  &  demie  pour  cha- 
cune. On  ne  manquera  pas  d'oppofer 
que  la  conftruûion  de  ce  four  aug- 
mentera la  dépenfe  :  mais  la  réponfe 
eft  facile,  elle  eft  fondée  fur  les  vrais 
principes  de  l'économie  dans  les  arrs , 
qui  compte  pour  beaucoup  la  dimi- 
nution d'une  dépenfe  qui  fe  répète  à 
l'infini ,  au  moyen  de  quelques  avances 


M  O  R 

une  fois  faites....  Environ  un  demi- 
millier  de  briques,  deux  tombereaux 
d'argile  ,  Se  quelques  barreaux  de 
fer  pour  la  grille  du  tifard  ,  voilà 
tout  ce  qu'il  faut  pour  conftruire  un 
four,  tel  qu'il  eft  ci-deffus  décrit;  en- 
core peut-on  retrancher  une  partie 
des  briques ,  en  plaçant  l'aire  du  four 
fur  un  mafîif  de  moellons ,  Se  en  bâ- 
tiffant  en  pierres  le  cendrier  du  ti- 
fard. Pour  peu  que  l'entreprife  foie 
conhdérable,  ces  frais  fe  répartiront 
fur  tant  de  fournées  ,  qu'ils  for- 
meront un  objet  de  peu  de  confé- 
quence.  Se  il  eft  aifc  de  prévoir  que 
le  bénéfice  de  cette  répartition  de- 
viendta  plus  général ,  à  mefure  que 
l'ufage  de  ce  mortier  deviendra  plus 
familier,  parce  que  les  entrepreneurs 
établiront  chez  eux  des  fours  pour 
cette  préparation ,  comme  les  plàttiers 
pour  la  cuiflon  du  plâtre.  » 

»  5°.  Je  dis  que  la  préparation  fera 
plus  sûre,  &  c'eft  ici  un  article  im- 
portant. On  a  vu  que  tout  dépendoir 
de  la  jufte  proportion  Se  de  la  qualité 
de  la  chaux  vive  ajoutée.  M.  Loriot 
infifte  avec  raifon  fur  la  néceftité 
d'avoir  continuellement  de  la  chaux 
nouvelle-,  il  défire  que  dans  les  tra- 
vaux fuivis  &  en  grand,  on  érablifle 
des  fours  a  chaux ,  comme  ceux  que 
l'on  voit  aux  environs  de  Chartres , 
où  l'on  ftratifie  la  pierre  concaftce 
avec  des  lits  de  charbon  :  il  a  bien 
fenti  que  l'augmentation  de  la  pro- 
portion de  chaux  vive,  pour  fuppléer 
à  la  qualité  ,  n'étoit  qu'un  remède 
infidèle  ,  un  tâtonnement  fujet  à 
mille  incertitudes,  &  quand  on  feroit 
sûr  de  retrouver  toujours  exactement 
la  même  fomme  de  parties  abfor- 
bantes  en  varianr  les  dofes  ,  je  ne 
croirois  pas  encore  que  cela  fût  en- 
tièrement indifférent,  du  moins  à  un 


M  O  R 

certain  point,  parce  que  Li  prcfence 
d'une  certaiiic  portion  de  chaux,  qui 
n'e'ft  ni  vive  ni  fondue  ,  qui  n'eft 
plus  que  la  pouflière  de  pierre ,  change 
néceirairement  la  diftribution  des  par- 
ties compofantes.  Du  procédé  que  je 
préfente  ,  il  réfulte  qu'on  a  de  bonne 
chaux  en  poudre  de  moment  en  mo- 
ment, &  que  l'on  épargne  à»la-fois 
deux  opérations  pénibles  &  dange- 
reufes ,  la  pul  vérifation  &  le  blutage.  » 
On  peut  voir  dans  le  journal  de  phy- 
Jîque  ,  année  1775  ,  corne  VI  ^  P'-^g^ 
311,  la  reptéfentation  de  ce  four, 
&  celle  de  fes  proportions. 

M.  de  la  Paye  ,  après  les  recher- 
ches les  plus  exades  fur  les  ouvrages 
des  anciens  qui  ont  pour  objet  la 
bâtiife,  en  a  publié  les  procédés  dans 
fon  ouvrage  intitulé  :  Recherches  fur 
la  préparation  que  les  Romains  don- 
nolenc  à  la  chaux  ;  à  Paris  ,  chez 
Mérigot  le  jeune,  quai  des  Auguf- 
tins  :  voici  fon  procédé  pour  éteindre 
la  chaux.  Vous  vous  procurerez  de  la 
chaux  de  pierres  dures ,  &  qui  fera 
nouvellement  cuite  ;  vous  la  ferez 
couvrir  en  route,  afin  que  l'humidité 
de  l'air  ou  la  pluie  ne  puilTe  la  pé- 
nétrer; vous  ferez  dépofer  cette  chaux 
fut  un  plancher  balayé,  dans  un  en- 
droit fec  &  couvert;  vous  aurez  dans 
le  même  lieu  des  tonneaux  fecs  & 
un  grand  baquet  rempli  jufqu'aux 
troisquarts;  d'eau  de  rivière, ou  d'une 
eau  qui  ne  foit  ni  crue  ni  minérale. 

Il  fuffira  d'employer  deux  ouvriers 
pour  l'opération;  l'un  avec  une  ha- 
chette brifera  les  pierres  de  chaux  , 
jufqu'à  ce  qu'elles  fuient  toutes  ré- 
duites à-peu-près  à  la  grolTeur  d'un 
œuf. . . .  L'autre  prendra  avec  une  pcle 
cette  chaux  brifée ,  &  en  remplira  à 
ras  feulement  un  panier  plat  &  à  claire 
voye,  tel  que  les  maçons  en  ont  pour 


M  O  R 


595 


pafler  le  plâtre  ;  il  enfoncera  ce  pa- 
nier dans  l'eau  ,  &  l'y  maintiendra 
jufqu'à  ce  que  toute  la  fuperficie 
de  l'eau  commence  à  bouillonner  ; 
alors  il  retirera  ce  panier,  le  laiffera 
s'égoutter  un  inftant ,  &  renverfera 
cette  chaux  trempée  dans  un  tonneau; 
il  répétera  fans  relâche  cette  opéra- 
tian,  jufqu'à  ce  que  toute  la  chaux 
ait  été  trempée  &  mife  dans  les  ton- 
neaux ,  qu'il  remplira  à  deux  ou  trois 
doigts  des  bords  :  alors  cette  chaux 
s'échauffera  confidérablement,  rejet- 
tera en  fumée  la  plus  grande  partie 
de  l'eau  dont  elle  eft  abreuvée  ,  ou- 
vrira fes  pores  en  tombant  en  poudre, 
&  perdra  enfin  fa  chaleur.  Tel  eft 
l'état  de  chaux  que  Vitruve  appelle 
chaux  éteinte, 

L'àcreté  de  cette  fumée  exige  que 
l'opération  foit  faite  dans  un  lieu  où 
l'air  paiïe  librement  ,  afin  que  les 
ouvriers  puilfent  fe  placer  de  ma- 
nière à  n'en  point  être  incommodés. 
AuHi  tôt  que  la  chaux  celfera  de  fu- 
mer, on  couvrira  les  tonneaux  avec 
une  grolîe  toile  ou  avec  des  pail- 
lalfons. 

On  jugera  de  la  néceflitc  que  la. 
chaux  foit  nouvellement  cuite,  parle 
plus  ou  moins  de  promptitude  qu'elle 
mettra  à  s'échaufter  &  à  tomber  en 
poudre  ;  fi  elle  elt  anciennement 
cuite,  ou  fi  elle  n'a  pas  eu  le  degré 
de  cuiiTon  néceffairCjelle  ne  s'échauf- 
fera que  lentement,  &  fera  tiès-mal 
divifée. 

De  quelques  préparations  employées 
par  les  Romains. 

Pour  les  enduits  des  apparremens, 
les  Romains  fuppléoient  le  fable  par  la 
pouflière  de  marbre,pa(rée  au  tamis  fin. 

Lotfque  l'on  pétrit  un  boilTeau  de 
chaux  qui  vient  de  tomber  en  pou- 
Ffffi 


5.9^ 


M  O  R 


die ,  fuivant  k  iiiédiode  indiquée 
ci-delfus,  avec  deux  boille.iux  de 
fable  de  rivière  fraichemenc  rire  de 
l'eau.  Cl  l'on  repérric  ces  marières 
après  avoir  répandu  fur  la  rocalicé 
une  ou  deux  onces  d'huile  de  noix, 
ou  de  lin ,  ou  de  navette ,  ^e  mortier, 
ayant  pris  coniiftance,  ne  fera  plus 
fufceptible  d'être  pénétré  par  l'eau  r 
on  pjurra  en  faire  l'épreuve  pour 
des  conftiuétions  qui  doivent  être  ex- 
pofées  à  l'eau.  11  paroît  ici  que  l'huile 
s'étend  &  fe  divife  dans  le  mortier 
encore  plus  qu'elle  ne  fait  fur  l'eau, 
puifqu'en  rompant  l'intérieur  &  l'ex- 
térieur de  ces  elTais  ,  on  verra  que 
l'un  &  l'autre  font  impénétrables  à 
l'eau.  Comme  la  qualité  de  la  chaux 
ii'eft  pas  toujours  la  même  ,  il  faut 
faire  des  elfais  pour  juger  de  la  quan- 
tité d'huile  que  peut  exiger  la  chaux 
que  l'on  employé. 

Il  faut  éteindre  de  la  chaux  dans 
du  vin  pour  faire  la  maltha  des  Ro- 
mains ,  mortier  plus  dur  que  la  pierre  ; 
ils  la  faifoient  avec  de  la  chaux  vive 
qu'on  venoit  d'éteindre  dans  cette 
liqueur ,  &  ils  la  mêloient  avec  de 
l'huile  ou  avec  de  la  poix  réduite  en 
poudre.  C'étoit  une  pâte  préparée 
pour  remplit  les  joints  des  grandes 
tuiles  ,  employée  dans  la  confauc- 
rion  des  terraflcs  des  maifons. 

Après  avoir  pétri  avec  du  vinaigre 
deux  mefures  de  fable  &  une  me- 
fure  de  chaux  qui  vient  de  tomber 
en  poudre,  on  y  ajoute  la  portion 
d'huile  indiquée  ci-deiïlis  ,  &  on 
-obtient  un  mortier  parfaitement  dur 
&  impénétrable  à  l'eau. 

D'après  tout  ce  qui  vient  d'être 
dit,  on  voit  que  le  meilleur  mortier 
efl:  celui  dont  la  chaux  eft  la  plus 
nouvellement  tirée  du  four,  qui  a 
«té  fiifée  avec  la  inoins  grande  quan~ 


M  O  R 

tué  d'eau,  &  quieft  employée  leplua 
promptement  polîible.  Les  prépara- 
tions de  M.  Loriot  &  de  M.  de  la 
Paye  font  excellentes  pour  de  petits 
ouvrages  ou  pour  réparer  des  ou- 
vrages anciennement  faits,  quoiqu'ort 
puilfe  les  employer  dans  les  travaux 
en  grand j  cependant,  dans  ces  der- 
niers cas ,  je  préférerois  l'emploi  du 
bcton  ;  fortement  corroyé  &  mafÏÏvé.. 
il  devient  imperméable  à  l'eau  ,  au 
vin,  &  enfin  à  tous  les  fluides j  on 
en  lait  des  bajjins  ,  des  cucrncs  ^  ôc 
de5  voûtes  àç  caves  d'une  feulé  pièce. 
(  f^^oyei  ces  mots)  Le  grand  point efl> 
de  broyer  la  chaux  lorfqu'elle  eft  en- 
core très- chaude  Si  fufce,  de  fe  hâter 
de  la  broyer  avec  le  fable  6c  les  re- 
tailles ou  petites  pierres,  de  jeter  le 
tout  encore  chaud  dans  la  tranchée,, 
enfin  de  fe  hâter  de  mafliver. 

Si  fut  deux  parties  de  fable  &  une 
de  cette  chaux  ,  on  retranche  une  par-' 
tie  de  fable ,  &  fi  on  en  ajoute  une  de 
pouzzolane ,  (  J^oye\  ce  mot]  on  aura 
un  béton  partaitement  cryftallifé  ,  «Se 
pris  dans  moins  de  quarante  -  huir 
heures. 

A  la  place  de  la  pouzzolane,  oiî 
peut  fe  iervir  d'une  terre  appellée,, 
dans  quelques  endroits ,  terre  de  la 
monnaye  ,  parce  qu'elle  eft  fans  doute 
le  réfidu  de  quelqu'opération  c]ui  s'y 
pratique  j  au  moins  je  le  crois  ainfi, 
mais  je  ne  puis  rien  alfurer  de  po- 
fitif  à  ce  fujet ,  n'ayant  pas  fous  la 
main  de  cette  terre  pour  l'examiner  j 
ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'eft  qu'elle 
produit  le  même  effet  que  la  pouz- 
zolane. Cette  terre  ne  feroit-elle  pas 
du  colcotar ,  ou  terre  qui  eft  le  réfidu 
du  vitriol  de  mars,  après  qu'il  a  été 
calciné  &  diftillé  à  très -grand  feuj; 
j'en  ai  fait  des  expériences  en  petit», 
qui  m'ont  très-bien  réuflî.  A  l'articla. 


M  O  R 

Pouzzolane,  nous  examinerons  fes 
qualités  Ik  fes  propriétés. 

Pour  les  conduites  d'eau  ,  faites 
avec  des  tuyaux  en  terre  cuite  ,  on 
fonde  leurs  points  de  réunion  avec 
une  pâte  faite  avec  la  brique  pilée , 
la  cliaux  vive  en  poudre  ,  &  du  fain- 
doux  ou  grailfe  blanche ,  le  tour  à 
parties  égales  &  bien  pétri  enfemble. 

MORVE.  MÉDECINE  VÉTÉRI- 
NAIRE. Maladie  de»  chevaux.  Pour 
rendre  plus  intelligible  ce  que  l'on 
va  dire  fur  la  morve  &  fur  les  difté- 
rens  écoulemens  auxquels  on  a  donné 
ce  nom ,  il  eft  à  propos  de  donner 
une  defcription  courte  &  précife  du 
nez  de  l'animal  Se  de  fes  dépendances. 

Le  nez  eft  formé  principalement 
par  deux  grandes  cavités  nommées 
folfes  nafales  j  ces  foffes  font  bornées 
extérieurement  par  les  os  du  nez  & 
les  os  du  grand  angle  ;  poftérieure- 
menr  par  la  partie  poftérieure  des  os 
maxillaires  &  par  les  eaux  palarins  ;  & 
latéralement  par  les  os  maxillaires , 
ôc  par  les  os  zygomatiques  j  fu- 
périeurement  par  l'os  ethmoïde  , 
l'os  fphénoïde  &:  le  frontal.  Ces  deux 
folTes  répondent  inférieurement  à 
l'ouverture  desnafeaux,  6c  fupérieu- 
rement  à  l'arricre-bouche  avec  la- 
quelle elles  ont  communication  par 
le  moyen  du  voile  du  palais.  Ces 
deux  folTes  font  féparées  par  une  cloi- 
fon  en  partie  olfeufe,  &  en  partie 
cartilagineufe.  Aux  parois  de  chaque 
fofte  ,  font  deux  lames  olTeufes  ,  très- 
minces  ,  roulées  en  forme  de  cornets, 
appellées ,  à  caufe  de  leur  figure  ,  cor- 
nets du  ne\  ;  l'un  eft  antérieur  & 
l'autre  poftérieurj  l'antérieur  eft  adhé- 
,  renr  aux  os  du  nez  &:  à  la  partie  in- 
terne de  l'os  zygomatique  ;  il  ferme 
«il  garde  l'ouverture  du  fmus  zygor 


M  O  R 


597 


matique  :  le  poftérieur  eft  attaché  à 
la  partie  inrerne  de  l'os  maxillaire,  & 
ferme  en  partie  l'ouverture  du  iinus 
maxillaire;  ces  deux  os  fonr  des  ap- 
pendices de  l'os  ethmoïde  ;  la  partie 
Supérieure  eft  forr  large  &:  évafée  ;  la 
partie  inférieure  eft  roulée  en  forme 
de  cornets  de  papier ,  &  fe  termine  en 
pointe  ;  au  milieu  de  chaque  cornet, 
il  y  a  unf^euilletoireux.iitué  horizon- 
ralemenr ,  qui  fépare  la  partie  fupé- 
rieute  de  l'inférieure. 

Dans  l'intérieur  de  la  plupart  des 
os  qui  forment  le  nez ,  font  creufées 
plulieurs  cavités  à  qui  on  donne  le 
nom  de_/7/2ttj;  les  rmus  font  les  zy- 
gomatiques ,  les  maxillaires ,  les  fron*' 
raux  ,  les  erhmoïdaux  &  les  fphénoï- 
daux. 

Les  finus  zygomatiques  font  au; 
nombre  de  deux  ,  un  de  chaque  cô- 
ré  :  ils  fonr  creufés  dans  l'épaifteur 
de  L'os  zygomatique  :  ce  font  les  plus 
grands  ;  ils  font  adolfés  aux  finus  ma- 
xillaires ,  defquels  ils  ne  fontféparés= 
que  par  une  cloifon  ofleufe. 

Les  finus  frontaux  font  formés  par 
l'écartement  des  deux  lames  de  l'or 
frontal  ;  ils  font  ordinairemenr  an. 
nombre  de  deux,  un  de  chaque  côté,, 
féparés  par  une  lame  ofleufe. 

Les  finus  ethmoïdaux  font  les  in- 
tervalles qui  fe  trouvent  entre  les  cor- 
nets ou  les  volutes  de  cet  os. 

Les  finus  fphénoidaux  font  quel- 
quefois au  nombre  de  deux ,  quel- 
quefois il  n'y  en  a  qu'un  ;  ils  ionc 
creufés  dans  le  corps  de  l'os  fphé- 
noïde :  rous  ces  finus  ont  communi- 
cation avec  les  foftes  nafi.les;  rous  ces 
finus  de  même  que  les  folTes  nafales  j, 
font  rapides  d'une  membrane  nom- 
mée/"ifa^raire  ,  à  raifon  de  l'humeur 
piruiteufe  qu'elle  filtre  ;  cette  mem- 
brane femble  n'être  que  la  continua- 


59S  M  O  R 

tion  de  la  peau  à  l'entrée  des  nafeaux  ; 
elle  eil  d'abord  mince ,  enfuite  elle 
devient  plus  cpailTe  au  milieu  du  nez 
fur  la  cloilon  &  fur  les  cornets.  En 
entrant  dans  les  finus  frontaux  ,  zy- 
gomatiques  &  maxillaires  ,  elle  s'a- 
mincit coHhdérablemenfc  ;  elle  rel- 
femble  à  une  toile  d'araignée  dans 
l'étendue  de  ces  cavités  ;  elle  eft  par- 
femée  de  vailleaux  languins  &  lym- 
phatic]ues ,  &  de  glandes  dans  toute 
l'étendue  des  folles  nafales  ;  mais 
elle  femble  n'avoir  que  des  vaiireaux 
lymphatiques  dans  l'étendue  des  fi- 
nus  i  fa  couleur  blanche  &  fon  peu 
d'épailfeur  dans  ces  endroits  le  déno- 
tent. 

La  membrane  pituitaire  ,  après 
avoir  revêtu  les  cornets  du  nez  ,  fe 
termine  intérieurement  par  une  ef- 
pèce  de  cordon  qui  va  fe  perdre  à  la 
peau  à  l'entrée  des  nafeaux  ;  fupé- 
rieurement,  elle  fe  porte  en  arrière 
fur  le  voile  du  palais  qu'elle  recouvre. 

Le  voile  du  palais  eft  une  efpèce 
de  valvule  ,  firuée  entre  la  bouche  & 
l'arrière  -  bouche  ,  recouverte  de  la 
membrane  pituitaire  du  côté  des  fol- 
fcs  nafales ,  <Sc  de  la  membrane  du 
palais  du  côté  de  la  bouche  :  entre 
ces  deux  membranes ,  font  des  fibres 
charnues ,  qui  compofent  fur-tout  fa 
fubftance.  Ses  principales  attaches 
font  aux  os  du  palais ,  d'où  il  s'étend 
jufqu'à  la  baie  de  la  langue;  il  eft 
Bottant  du  côté  de  l'arrière  bouche  , 
&  arrêté  du  côté  de  la  bouche;  de 
façon  que  les  alimens  l'élèvent  faci- 
lement dans  le  temps  de  la  dégluti- 
tion,  &C  l'appliquent  contre  les  fauf- 
fes  nafales  ;  mais  lorfqu'ils  font  par- 
venus dans  l'arrière-bouche ,  le  voile 
du  palais  s'atïailfe  de  lui  -  même  ,  & 
s'applique  fur  la  bafe  de  la  langue  ; 
il   ne  peut   être   porté  d'arrière  en 


M  O  R 

avant;  il  intercepte  ainfi  toute  com- 
munication de  l'arrière -bouche  avec 
la  bouche,  &c  forme  une  efpèce  de 
pont  ,  par-deifus  lequel  paflent  tou- 
tes les  matières  qui  viennent  du 
corps ,  tant  par  l'cefophage  que  par 
la  trachée  artère  ;  c'eft  par  cette  rai- 
fon  que  le  cheval  refpire  par  les  na- 
feaux ,  c'eft  par  la  même  ra>fon  qu'il 
jette  par  les  nafeaux  le  pus  qui  vienc 
du  poumon  ,  l'épiglote  étant  ren- 
verfée  dans  l'éta:  naturel  fur  le  voile 
palatin.  Par  cette  théorie,  il  eft  fa- 
cile d'expliquer  tout  ce  qui  arrive 
dans  les  difFérens  écoiilemens  qui  fe 
font  par  les  nafeaux. 

La  morve  eft  un  écoulement  de 
mucofité  par  le  nez, avec  inflamma- 
tion ou  ulcération  de  la  membrane 
pituitaire. 

Cet  écoulement  eft  tantôt  de  cou- 
leur tranfparente ,  comme  le  blanc 
d'œufs  ,  tantôt  jaunâtre  ,  tantôt  ver- 
dâtre  ,  tantôt  purulent ,  tantôt  fa- 
nieux  ,  mais  toujours  accompagné  du 
gonflement  des  glandes  lymphatiques 
de  deifous  la  ganache;  quelquefois 
il  n'y  a  qu'une  de  ces  glandes  qui  foie 
engorgée ,  quelquefois  elles  le  font 
toures  deux  en  même-temps. 

Tantôt  l'écoulement  ne  fe  fait  que 
pat  un  nafeau ,  &  alors  il  n'y  a  que 
la  glande  du  coté  de  l'écoulement  qui 
foit  engorgée  ;  tantôt  l'écoulement 
fe  fait  par  les  deux  nafeaux  ,  &  alors 
les  glandes  font  engorgées  en  même- 
temps  ;  tantôt  l'écoulement  vient  du 
nez  feulement  ,  tantôt  il  vient  du 
nez  ,  de  la  trachée-artère  &  du  pou- 
mon en  même-temps. 

Ces  vérités  ont  donné  lieu  aux  dif- 
férence?^ fui  vantes  : 

I  " .  On  diftingue  la  morve  enmorve 
proprement  dite,  &  en  morve  unpro- 
premenc  dite. 


M  O  R 

La  morve  proprement  dite  ,  a 
fon  fiège  dans  la  membrane  pitui- 
taire ,  &  même  il  n'y  a  pas  d'autre 
morve  que  celle  -  là. 

Il  faut  appeller  morve  impropre- 
ment dite  ,  tout  écoulement  par  les 
nafeaux  ,  qui  vient  d'une  autre  partie 
que  de  la  membrane  piruitaire  \  ce 
n'eft  pas  la  morve  ,  c'eft  à  tort  qu'on 
lui  donne  ce  nom  ;  on  ne  le  lui  con- 
ferve  que  pour  fe  conformer  au  lan- 
gage ordinaire. 

11  faut  divifer  la  morve  proprement 
dite,  à  raifon  de  fa  nature;  i*.  en 
morve  limple ,  &  en  morve  compofce; 
en  morve  primirive ,  &  en  morve  con- 
fécuti ve  ;  1  ' .  à  raifon  de  fon  degré ,  en 
morve  commençante ,  en  morve  con- 
firmée ,  &  en  rrxorve  invétérée. 

La  morve  fimple  eft  celle  qui  vient 
uniquement  de  la  membrane  pitui- 
taire. 

La  morve  compofée  n'eft  autre  cho- 
fe  que  la  morve  fimple  ,  combinée 
avec  quelqu'autie  maladie. 

La  morve  primitive ,  eft  celle  qui 
eft  indépendante  de  toute  autre  ma- 
ladie. 

La  morve  confécutive  ,  eft  celle  qui 
vient  à  la  fuite  de  quelqu'autre  ma- 
ladie ,  comme  à  la  fuite  de  la  pulmo- 
nie  ,  du  farcin  ,  &c. 

La  morve  commençante,  eft  celle 
où  il  n'y  a  qu'une  fimple  inflamma- 
tion &  un  fimple  écoulement  de  mu- 
cofiré  par  le  nez. 

La  morve  confirmée,  eft  celle  où 
il  y  a  ulcération  dans  la  membrane 
piruitaire. 

La  morve  invétérée ,  eft  celle  où 
l'écoulement  eft  purulent  &  fanieux, 
où  les  os  &  les  cattilages  font  affec- 
tés. 


M  O  R  J95, 

i".  Il  faut  diftinguer  la  morve  im- 
proprement dite,  en  morve  de  mor- 
foiidiire  ,  &c  en  morve  de  pulmonie. 

La  morve  de  morfondure ,  eft  un~ 
fimple  écoulement  de  mucofité   par 
les  nafeaux  ,   avec  toux  ,   triftelTe  & 
dégoût  qui  dure  peu  de  temps. 

On  appelle  du  nom  pulmonie  route 
fuppuration  dans  le  poumon  ,  qui 
prend  écoulement  parles  nafeaux,  de 
quelque  caufe  que  vienne  cette  fup- 
puration. 

La  morve  de  pulmonie  fe  divife  à 
raifon  des  caufes  qui  la  produifent , 
en  morve  de  faulfe  gourme ,  en  morve 
de  farcin  &:  en  morve  de  courbature. 

La  morve  de  faufte  gourme ,  eft  la 
fuppuration  du  poumon  ,  caufée  par 
une  faulTe  gourme ,  ou  une  gourme 
maligne  qui  s'eft  jetée  fur  les  pou- 
mons. 

La  morve  de  farcin  ,  eft  la  fuppu- 
ration du  poumoj} ,  caufée  par  un  le- 
vain farcineux. 

La  morve  de  courbature  ,  n'cft  au- 
tre chofe  que  la  fuppuration  du  pou- 
mon après  l'inflammacion ,  oui  ne 
s'eft  pas  terminée  par  la  réfolution. 
Enfin  on  donne  le  nom  de  pulmonie 
à  tous  les  écou!emens(dp  pus  qui  vien- 
nent du  poumon  ,  de  quelque  caufe 
qu'ils  procèdent;  c'eft  ce  qu'on  ap- 
pelle vulgairement  morve  ,  mais  qui 
n'eft  pas  plus  morve  qu'un  abcès  aa 
foie  ,  à  la  jambe ,  ou  à  la  cuiffe. 

Il  y  a  encore  une  autre  efpèce  de 
morve  improprement  dite  ,  c'eft  la 
morve  de  poulie  :  quelquefois  les  che- 
vaux poulîîfs  jettent  de  temps  en 
temps,  6c  par  flocons,  une  efpèce  de 
morve  tenace  &  glaireufe  ;  c'eft  ce 
qu'il  faut  appeller  morve  de  pouffe. 

Caufes  :  examinons  d'abord  ce  qui 
arrive  dans  la  morve.  11  eft  certain 


^00  M  O  R 

que  dans  le  commencement  de  la 
morve  proprement  dite  ,  (  car  on  ne 
parle  ici  que  de  celle-ci  )  il  y  a  in- 
flammation dans  les  glandes  de  la 
membrane  pituitaire  j  cette  inflam- 
mation fait  fcparer  une  plus  gran- 
de quantité  de  mucofitc  j  delà  l'écou- 
lement abondant  de  la  laorvc  com- 
mençante. 

L'mflammatlon  fubfiftant,  elle  fait 
reflerrer  les  tuyaux  excréteurs  des 
glandes  ,  la  mucofité  ne  s'échappe 
plus  ,  elle  féjourne  dans  la  cavité 
des  glandes  ,  elle  s'y  échauffe  ,  y  fer- 
mente ,  s'y  putréfie ,  &  fc  convertit 
en  pus  \  delà  l'écoulement  purulent 
dans  la  morve  confirmée. 

Le  pus  croupilfant  devient  acre  , 
corrode  les  parcies  voifines ,  carie  les 
os,  &  rompt  les  vailTeaux  fanguinsj 
le  fang  s'extravafe  &  fe  mêle  avec  le 
pus  j  delà  l'écoulement  purulent  noi- 
râtre &  fanieux  dans  la  morve  invété- 
rée :  la  lymphe  artètée  dans  les  vaif- 
feaux  qui  fe  trouvent  comprimés  par 
l'inflammation  ,  s'épaiflit ,  enfuite  fe 
durcit;  delà  les  callofités  des  ulcères. 

La  caufe  évidente  de  la  morve  efl 
donc  l'inflammation  ;  l'inflammation 
reconnoît  des  çaufes  générales  &  des 
caufes  particulières  :  les  caufes  géné- 
rales font  la  trop  grande  quantité ,  la 
raréfaétion  &  l'épaifljfTement  du  fang; 
ces  caufes  géjiérales  ne  font  qu'une 
difpoficion  à  l'inflammation ,  &  ne 
peuvent  pas  la  produire  ,  fi  elles  ne 
font  aidées  par  des  caufes  particuliè- 
res &  déterminantes  :  ces  caufes  par- 
ticulières font,  i".  le  défaut  de  ref- 
fort  des  vaiiïeaux  de  la  membrane  pi- 
tuitaire, caufé  par  quelque  coup  fur 
k  nez  :  les  vailfeaux  ayant  perdu  leur 
reflbrt ,  n'ont  plus  d'adion  fur  les  li- 
queurs qu'ils  contiennent,  &  favori- 
fent  par- là  le  féjour  de  ces  liqueurs  j 


M  O  R 

delà  l'enîîorsement&  l'inflammation: 
1*.  le  déchirement  des  vailfeaux 
de  la  membrane  pituitaire  par  quelque 
corps  poufles  de  force  par  le  nez  ;  les 
vailfeaux  étant  déchirés ,  les  extré- 
mités fe  ferment  &  arrêtent  le  cours 
des  humeurs  ;  de-là  l'inflammation. 

3".  Les  injeélions  acres,  irritan- 
tes ,  corrofives  &  cauftiques ,  faites 
dans  le  nez  ;  elles  font  crifper  &  ref- 
ferrer  les  exrrémités  des  vailfeaux  de 
la  membrane  pituitaire  \  de-là  l'en- 
gorgement &  l'inflammation. 

4^*.  Le  froid.  Lorfque  le  cheval  efl: 
échaufiï  ,  le  froid  condenfe  le  fang 
&  la  lymphe  \  il  fait  reflerrer  les  vaif- 
feaux  ;  il  épaiflit  la  mucofité  &  en-, 
gorge  les  glandes  :  de-là  l'inflamma- 
tion. 

5*.  Le  farcin.  L'humeur  du  farcin 
s'étend  &  affeéte  fucceflivement  les 
difiïrenres  parties  du  corps;  lorfqu'elle 
vient  à  gagner  la  membrane  pitui- 
taire ,  elle  y  forme  des  ulcères  &  caufe 
la  morve  proprement  dite. 

Symptômes.  Les  principaux  fymp- 
tôraes  font  l'écoulement  qui  fe  fait 
par  les  nafeaux ,  les  ulcères  de  la  mem- 
brane pituitaire  ,  tk  l'engorgement 
des  glandes  de  deflbus  la  ganache. 

i''.  L'écoulement  eft  plus  abon- 
dant que  dans  l'état  de  fanté ,  parce 
que  l'inflammation  diftend  les  fibres, 
les  follicite  à  de  fréquentes  ofcilla- 
tions ,  &  fait  par-là  féparer  une  plus 
grande  quantité  de  mucofité  ;  ajoutez 
à  cela  que  dans  l'inflammation  ,  le 
fang  abonde  dans  la  partie  enflam- 
mée ,  &  fournit  plus  de  matière  aux 
fécrécions. 

7.°.  Dans  la  morve  commençante,' 
récoulement  eft  de  couleur  naturelle , 
tranfparenr  comme  le  blanc  d'œuf , 
parce  qu  il  n'y  a  qu'une  fimple  inflam- 
tion  fans  ulcère. 


M  O  R 

}^.  Dans  la  morve  confirmée  »  Ic- 
coulement  eft  purulent  j  parce  que 
l'ulcère  eft  formé  ,  le  pus  qui  en  dé- 
coule fe  mcle  avec  la  morve. 

4".  Dans  la  morve  invétérée,  l'é- 
coulement eft  noirâtre  &  fanieux  ; 
parce  que  le  pus  ayanr  rompu  quel- 
ques vailfeaux  fanguins,  le  lang  s'ex- 
travafe  &  fe  mêle  avec  le  pus. 

5  "'.  L'écoulement  diminue  &  cefTe 
mcme  quelquefois,  parce  que  le  pus 
tombe  dans  quelque  grande  cavité  , 
telle  que  le  finus  zygomatique  &  ma- 
xillaire, d'où  le  pus  ne  peut  fortir  que 
lorfque  la  cavité  eft  pleine. 

6" .  La  morve  affede  tantôt  les  fi- 
nus frontaux,  tantôt  les  fmus  etli- 
moidaux  ,  tantôt  les  fmus  zygomati- 
ques  &  maxillaires ,   tantôt  la  cloi- 
fon  du  nez ,  tantôt  les  cornets ,  tan- 
tôt toute  l'étendue  des  folles  nalales, 
tantôt  une  portion  feulement ,  tantôt 
une  de  ces  patries  feulement ,  tantôt 
deux  ,  tantôt  trois,  fouvcnt  plulieurs, 
quelquefois  toutes  à  la  fois ,  fuivant 
que  la  membrane  pituitaire  eft  en- 
flammée dans  un  endroit  plutôt  que 
dans   un  autre  ,  ou  que  l'inflamma- 
tion a  plus  ou  moins  d'étendue.  Le 
plus  ordinairement  cependant  ,  elle 
n'affecte  pas  les  finus  zygomatiques , 
maxillaires   &   frontaux  \   parce  que 
dans  ces  cavités  la  membrane  pituitaire 
eft  exrrêmement  mince  ,   qu'il  n'y  a 
point  de  vailfeaux  fanguins  vihbles , 
ni  de  glandes  :  on  a  obfetvé ,  1  " .  qu'il 
n'y  a  jamais  de  chancres  dans  les  ca- 
vités ,  patce  que  les  chancres  ne  fe 
forment  que  dans   les  glandes  de  la 
membrane  pituitaire  ;    2".   que   les 
chancres  font  plus  abondans  &  plus 
ordinaires  dans  l'étendue  de  la  cloi- 
fon  ,  parce  que  c'eft  l'endroit  où  la 
membrane  eft  le  plus  épailfe  &  le  plus 
patfemée  de  glandes  :  les  chancres 
Tome  VI. 


M  O  R  ^ût 

font  auflî  fort  ordinaires  fur  les  cor- 
nets du  nez. 

L'engorgement  de  defious  la  ga- 
nache éroit  un  fymptôme  embarraf- 
fant.  On  ne  concevoit  guère  pourquoi 
ces  glandes  ne  manquoient  jamais  de 
s'engorger  dans  la  morve  proprement 
dite  ;  mais  on  en  va  trouver  lacaule. 
Afiuré  que  ces  glandes  font  ,  non 
des  glandes  falivaires  ,  puifqu'elles 
n'ont  pas  de  tuyau  qui  aille  porter  l> 
falive  dans  la  bouche  ,  mais  des  glan- 
des lymphatiques ,  puifqu'elles  ont 
chacune  un  tuyau  confidérable  qui 
parr  de  leur  fubftance  pour  aller  fe 
rendre  dans  un  plus  gros  vailfeau  lym- 
phatique qui  defcend  le  long  de  la 
trachée-arrère  ,  &  va  enfin  verier  la 
lymphe  dans  la  veine  axillaire  ;  on 
a  remonté  à  la  circulation  de  la  lym- 
phe ,  &  à  la  ftruéture  des  glandes  Hc 
des  veines  lymphatiques. 

Les  veines  lymphatiques  font  des 
tuyaux     cylindriques    qui     rappor-  .• 
tent  la  lymphe  nourricière  àt%  parties 
du  corps  dans  le  réfervoir  commun  , 
nommé  dans  l'homme  ,  le  réfervoir 
de  Pecquet ,  ou  dans  la  veine  axil- 
laire  :  ces  veines  font  coupées  d'in- 
tetvalleen  intervalle  par  des  glandes 
qui  fervent  comme  d'entrepôt  à  la  lym- 
phe.Chaque  glande  a  deux  tuyauxjl'un 
qui  vient  à  la  glande  apporter  la  lym- 
phe \  l'aurre  qui  en  fort ,  pour  porrer  la 
lymphe  plus  loin.  Les  glandes  lym- 
phatiques, de  delfous  la  ganache,  ont 
de  même  deux  tuyaux ,  ou ,  ce  qui 
eft  la  même  chofe  ,  deux  veines  lym- 
phatiques \  l'une  qui  apporte  la  lym- 
phe de  la  membrane  pituitaire  dans 
ces  glandes  ^  l'autre  qui  reçoit  la  lym- 
phe de  ces   glandes   pour  la  porter 
dans  la  veine  axillaire.  Par  cette  théo« 
rie  ,  il  eft  facile  d'expliquer  l'engor- 
gement des  glandes  de  deffous  la  ga.- 
Gggg 


Gox  M  O  R 

nache  :  c'eft  le  propre  de  l'inflamma- 
tion d'épaifllr  toutes  les  humeuts  qui 
fe  filtrent  dans  les  parties  voifines  de 
l'indammation  \  la  lymphe  de  la  mem- 
brane pituitaire  dans  la  morve  ,  doit 
donc  contra(fVer  un  cara£tère  d'épaif- 
fiirement;  elle  fe  rend  avec  cette  qua- 
lité dans  les  glandes  de  deflbus  la  ga- 
nache ,  qui  en  font  comme  le  rendez- 
vous,  par  plulieurs  petits  vailTeaux  lym- 
phatiques ,  qui  après  s'être  réunis  for- 
ment un  canal  commun  qui  pénètre 
dans  la  fubftancede  la  glande^  comme 
les  glandes  lymphatiques  font  compo- 
fées  de  petits  vaiireaux  repliés  fur  eux- 
mêmes  ,  qui  font  mille  contours ,  la 
lymphe  déjà  cpailiie  doit  y  circuler  diffi- 
cilement, s'y  arrêter  enfin  &  les  engor- 


ger. 


Il  n'eft  pas  difficile  d'expliquer  par 
la  même  théorie ,  pourquoi  dans  la 
gourme  ,  dans  la  morfondure  &  dans 
la  pulmonie  ,  les  glandes  de  deffous 
la  ganache  font  quelquefois  engor- 
gées ,  quelquefois  ne  le  font  pas  ; 
ou  ce  qui  elt  la  même  chofe ,  pour- 
quoi le  cheval  eft  quelquefois  glandé , 
quelquefois  ne  l'eft  pas. 

Dans  la  morfondure  ,  les  glandes 
de  délions  la  ganache  ne  font  pas  en- 
gorgées ,  lorfque  l'écoulement  vient 
d'un  fimple  reflux  de  l'humeur  de  la 
tranfpiration  dans  l'intérieur  du  nez, 
fans  inflammation  de  la  membrane  pi- 
tuitaire \  mais  elles  font  engorgées 
lorfque  l'inflammation  gagne  cette 
membrane. 

Dans  la  gourme  bénigne ,  le  che- 
val n'eft  pas  glandé,  parce  que  la 
membrane  pituitaire  n'eft  pas  aff^ec- 
ree  ;  mais  dans  la  gourme  maligne  , 
lorfqu'il  fe  forme  un  abcès  dans  l'ar- 
rière-bouche,  le  pus  en  palTânt  par 
les  nafeaux  ,  corrode  quelquefois  la 
membrane  pituitaire  par  fon  âcreté 


M  O  R 

ou  fon  féjour  ,  l'enflamme ,  &  le  che- 
val devient  glandé. 

Dans  la  pulmonie,  le  cheval  n'eft 
pas  glandé,  lorfque  le  pus  qui  vient 
du  poumon  eft  d'un  bon  caraftère ,  &c 
n'eft  pas  afl^tz  acre  pour  ulcérer  la 
membrane  pituitaire  \  mais  à  la  lon- 
gue, en  féjournant  dans  le  nez,^  il  ac- 
quiert de  l'âcreté  ,  il  irrite  les  fibres 
de  certe  m-embrane,  il  l'enflamme  &: 
alors  les  glandes  de  la  ganache  s'en- 
gorgent. 

Dans  toutes  ces  maladies,  le  che- 
val n'eft  glandé  que  d'un  côté,  lotf- 
que  la  membrane  pituitaire  n'eft  af- 
fectée que  d'un  côté  ,  au  lieu  qu'il  eft 
glandé  des  deux  côtés ,  lorfque  la 
membrane  pituitaire  eft  affeâée  des 
deux  côtés  :  ainfi  dans  la  pulmonie 
&  la  gourme  maligne  ,  lorfque  le 
cheval  eft  glandé  ,  il  l'eft  ordinaire- 
ment des  deux  côtés,  parce  que  l'é- 
coulement venant  de  l'arrière-bouche, 
ou  du  poumon  ,  l'humeur  monte 
par-deflus  le  voile  du  palais ,  entre 
dans  le  nez,  également  des  deux  cô- 
tés ,  &  affeéte  également  la  membra- 
ne  pituitaire.  Cependant ,  dans  ces 
deux  cas  mêmes  ,  il  ne  feroit  pas  im- 
pollible  que  le  cheval  fût  glandé  d'un 
côté  &  non  de  l'auire  ;  foit  parce  que 
le  pus  en  féjournant  plus  d'un  côté 
que  de  l'autre ,  affecte  davantage  la. 
membrane  pituitaire  de  ce  côté-  là  , 
foit  parce  que  la  membrane  pituitaire 
eft  plus  difpolée  à  s'enflammer  d'un 
côté  que  de  l'autre,  par  quelque  vice 
local,  comme  par  quelque  coup. 

DiagnoJUc.  Rien  n'eft  plus  impor- 
tant, &  rien  en  même  temps  de  plus 
difficile,  que  de  bien  diftinguer  chaque 
écoulement  qui  fe  fait  par  les  nafeaux; 
il  faut  pour  cela  un  grand  ufage  & 
une  longue  étude  de  ces  maladies. 
Pour   décider   avec  fùretc ,    il  £ui: 


M  O  R 

être  familier  avec  ces  écoulemens  ; 
autremenc  on  eft  expofé  à  porter  des 
jugemens  faux  ,  &  à  donner  à  tout 
moment  des  déciiîons  qui  ne  font  pas 
juftes.  L'œil  &  le  tacft  font  d'un  grand 
fecours  pour  prononcer  avec  jultelFe 
fur  ces  maladies. 

La  morve  proprement  dite  ,  étant 
un  écoulement  qui  fe  tait  par  les  na- 
feaux  ,  elle  eft  aifément  confondue 
avec  les  différens  écoulemens  qui  fe 
font  par  le  même  endroit  5  aulfi  il 
n'y  a  jamais  eu  de  maladie  fur  laquelle 
il  y  ait  tant  eu  d'opinions  différentes 
&  tant  de  difpures  ,  ôc  fur  laquelle 
on  ait  tant  débité  de  fables  :  fur  la 
moindre  obfervation  chacun  à  bâti  un 
fyftême ,  de-là  eft  venu  cette  foule 
de  charlatans  qui  crient ,  tant  à  la 
cour  qu'à  l'armée ,  qu'ils  ont  un  fecret 
pour  la  morve,  qui  font  toujours  sûrs 
as  guérir  &  qui  ne  guérilfent  jamais. 
La  diftinétion  de  la  morve  n'eft  pas 
une  chofe  aifée ,  ce  n'eft  pas  l'aftaire 
d'un  jour  ;  la  couleur  feule  n'eft  pas 
«n  figne  fuffifant ,  elle  ne  peut  pas 
fervir  de  règle  :  un  figne  feul  ne  fuf- 
fit  pas  y  il  faut  les  réunir  tous  pour 
faire  une  diftinction  sûre. 

Voici  quelques  obfervations  qui 
pourront  fervir  de  règle. 

Lorfque  le  cheval  jette  par  les  deux 
nafeaux  ,  qu'il  eft  glandé  des  deux 
côtés ,  qu'il  ne  toulfe  pas ,  qu'il  eft 
gai  comme  à  l'ordinaire  ,  qu'il  boit 
&  mange  comme  de  coutume  ,  qu'il 
eft  gras ,  qu'il  a  bon  poil ,  &  que  l'é- 
coulement eft  glaireux  ,  il  y  a  lieu  de 
croire  que  c'eft  la  morve  proprement 
dite. 

Lorfque  le  cheval  ne  jette  que 
d'un  côté  ,  qu'il  eft  glandé  ,  que  l'é- 
cx)ulement  eft  glaireux  ,  qu'il  n'eft 
pas  rrifte  ,  qu'il  ne  toulfe  pas  ,  qu'il 
boit  &  mange  comme  de  coutume. 


M  O  R 


60  y 


11  y  a  encore  plus  lieu  de  croire  que 
c'eft  la  worv^proprement  dite. 

Lorfque  tous  ces  figues  exiftans , 
l'écoulement  fubhfte  depuis  plus  d'un 
mois ,  on  eft  certain  que  c'eft  la  morve 
proprement  dite. 

Lorfque  tous  ces  fignes  exiftans  , 
l'écoulement  eft  fimplement  glaiteux, 
iranfparent  ,  abondant  Se  fans  pus , 
c'eft  la  morve  proprement  dite  com- 
mençante. 

Lorfque  tous  ces  fignes  exiftans  , 
l'écoulement  eft  verdàtre  ,  ou  jaunâ- 
tre ,  &  mêlé  de  pus  ,  c'eft  la  morve 
proprement  dite  confirmée. 

Lorfque  tous  ces  fignes  exiftans  , 
l'écoulement  eft  noirâtre ,  ou  fanieux  , 
(Se  glaireux  en  même-temps,  c'eft  la 
morve  proprement  dite  invétérée. 

On  fera  encore  plus  alîuré  que 
c'eft  la  morve  proprement  dite  ,  fi 
avec  tous  ces  fignes ,  on  voit  en  ou- 
vrant les  nafeaux  ,  de  petits  ulcères 
ron«:es  ou  des  érofions  fur  la  mem- 

o  ... 

brane  pituitaire,  au  commencement 
du  conduit  nafal. 

Lorfqu'au  contraire  l'écoulement 
fe  fait  également  par  les  deux  na- 
feaux, qu'il  eft  fimplement  purulent, 
que  le  cheval  touile  j  qu'il  eft  trifte, 
abattu  ,  dégoûté  ,  maigre  ,  qu'il  a  le 
poil  hérifle  ,  i!s:  qu'il  n'eft  pas  glandé  ^ 
c'eft  la  morve  improprement  dite. 

Lorfque  l'écoulement  fuccède  à  la 
eourme  ,  c'eft  la  morve  de  faufio 
gourme. 

Lorfque  le  cheval  jette  par  les  na- 
feaux une  fimple  mucofité  tranfpa- 
rtnte  ,  &  que  la  triftefle  &c  le  dégoût 
ont  précédée  accompagnent  cet  écou- 
lement j  on  a  lieu  de  croire  que  c'eft 
la  morfondure  :  on  en  eft  certain  lorf- 
que l'écoulement  ne  dure  pas  plus  de 
quinze  jours. 

Lorfque   le   cheval   commence   à. 

G  <y  a  a  \ 


€o4 


M  O  R 


jeter  également  par  les  deux  nafeaux 
une  morve  mclce  de  beauiiHip  de  pus , 
ou  le  pus  tout  pur  fans  ccre  glande , 
c'eft  la  pulmonie  feule  ;  mais  fi  le 
cheval  devient  glandé  par  la  fuite , 
c'eft  la  morve  compofée  j  c'eft-à-dire 
la  pulmonie  &  la  morve  proprement 
dite  ,  tûut-à-la-fois. 

Pour  diftinguer  la  morve  par  l'é- 
coulement qui  fe  fait  par  les  nafeaux, 
prenez  de  la  matière  que  jette  un 
cheval  morveux  proprement  dit,  met- 
tez-la dans  un  vetre,  verfez  dellus  de 
l'eau  que  vous  ferez  tomber  de  fort 
haut  :  voici  ce  qui  arrivera^  l'eau  fera 
troublée  fort  peu  j  il  fe  dépofera  au 
fond  du  verre  une  matière  vifqueufe 
&  glaireufe. 

Prenez  de  la  matière  d'un  autre 
cheval  morveux  depuis  long-temps , 
mettez- la  de  même  dans  un  verre  , 
verfez  de  l'eau  delfus ,  l'eau  fe  trou- 
blera conlidérablement  ;  (Se  il  fe  dé- 
pofera au  fond  une  matière  glaireu- 
fe ,  de  même  que  dans  le  premier  : 
verfez  par  inclinaifon  le  liquide  dans 
un  autre  verre  ,  laifTez-le  repofer , 
après  quelques  heures  l'eau  devien- 
dra claire,  &  vous  trouverez  au  fond, 
du  pus  qui  s'y  étoit  dépofé. 

Prenez  enfuite  de  la  matière  d'un  che- 
val pulmonique  ,  mettez-la  de  même 
dans  un  verre  ,  verfez  de  l'eau  delfus, 
ïoute  la  matière  fe  délaiera  dans  l'eau 
êc  rien  n'ira  au  fond. 

D'où  i!  eft  aifé  de  voir  que  la  ma- 
tière glaireufe  eft  un  figne  fpécifi- 
que  de  la  morve  proprement  dite  ,  Se 
que  l'écouiement  piitulent  eft  un  fi- 
gne de  la  pulmonie:  onconnoîtra  les 
différens  degrés  de  la  morve  propre- 
ment dite  ,  parla  quantité  de  pus  qui 
fe  trouvera  mêlé  avec  l'humeur  glai- 
reufe ou  la  morve.  La  quantité  différen- 
i-e  du  pus  en  marque  toutes  les  nuances. 


M  O  R 

Pour  avoir  de  la  matière  d'un  che- 
val morveux  ,  ou  pulmonique  ,  on 
prend  un  entonnoir  ,  on  en  adapte 
la  bafe  à  l'ouverture  des  nafeaux ,  & 
on  le  tient  par  la  pointe  ;  on  intro- 
duit par  la  pointe  de  l'entonnoir  une 
plume ,  ou  quelqu'autre  chofe  dans 
le  nez  ,  pour  irriter  la  membrane  pi- 
tuitaire,  &:  faire  ébrouer  le  cheval ,  ou 
bien  on  ferre  la  trachée-artère  avec  la 
main  gauche  ,  le  cheval  toulfe  &i  jette 
dans  Teiuonnoir  une  certaine  quan- 
tité de  matière  qu'on  met  dans  un 
verre  pour  faire  l'expérience  ci-def- 
fus.  Il  y  a  une  infinité  d'expériences- 
à  faire  fur  cette  matière  ;  mais  les  dé- 
penfes  en  feroient  fort  confidérables. 

Prognoftic.  Le  danger  varie  fuivant 
le  degré  &  la  nature  de  la  maladie» 
La  morve  de  morfondure  n'a  pas  or- 
dinairement de  fuite,  elle  ne  dure 
ordinairement  que  douze  ou  quinze 
jours ,  pourvu  qu'on  falfe  les  remè- 
des convenables  :  lorfquelle  eft  né- 
gligée ,  elle  peut  dégénérer  en  morve 
proprement  dite. 

La  morve  de  pulmonie  invétérée  , 
eft  incurable. 

La  morve  proprement  dite  com- 
mençante ,  peut  fe  guérir  par  les 
moyens  que  je  propoferai  \  lorfqu'ella 
eft  confirmée  ,  elle  ne  fe  guérit  que 
difficilement  :  lorfqu'elle  eft  invétérée, 
elle  eft  incurable  jufqu'à  préfent.  La 
morve  fimple  eft  moins  dangereufe 
que  la  morve  compofée;  il  n'y  a  que  \s 
morve  proprement  dite  qui  foit  con- 
tagieufe  ,  les  autres  ne  le  font  pas. 

Curat'ion.  Avant  d'entreprendre 
la  guérifon  ,  il  faut  être  bien  af- 
furé  de  l'efpèce  de  morve  que  l'on  a 
à  traiter  &  du  degré  de  la  maladie  r 
I  *.  de  peur  de  faire  inutilement  des 
dépenfes ,  en  entreprenant  de  guérir 
des  chevaux   incurables  j    i**.   afia 


M  O  R 

d'empêclier  la  contagion  ,  en  con- 
damnant avec  certitude  ceux  qui  font 
morveux;  3"'.  afin  d'arracher  à  la 
mort  une  infinité  de  clievaux  qu'on 
condamne  trcs-fouvent  mal-àpropos. 
11  ne  s'agit  ici  que  de  la  morve  propre- 
ment dite. 

La  caufe  de  la  morve  commen- 
çante étant  l'inflammation  de  la  mem- 
brane pituitaire  ,  le  but  qu'on  doit  fe 
propofer  eft  de  remédier  à  l'inflam- 
mation j  pour  cet  eflet  ,  on  met  en 
ufage  tous  les  remèdes  de  l'inflam- 
mation  \  ainli  dès  qu'on  s  apperçoit 
que  le  cheval  eft  glandé ,  il  faut  com- 
mencer par  faigner  le  cheval ,  réité- 
rer la  faignée  fuivant  le  befoin  ,  c'eft 
le  remède  le  plus  efficace  :  il  faut  en- 
faite  tâcher  de  relâcher  &  de  détendre 
les  vailTeaux  ,  afin  de  leur  rendre  la 
fouplelTe  ncceflaire  pour  la  circula- 
tion \  pour  cet  effet ,  on  injeéte  dans 
le  nez  la  décodion  des  plantes  adou- 
cilfantes  &  relâchantes ,  telles  que  la 
mauve  ,  guimauve  ,  bouillon  blanc  , 
brancurlîne  ,  pariétaire  ,  mercuriale  , 
&c, ,  ou  avec  les  fleurs  de  camomille, 
de  mélilot  &  de  futeau  :  on  fait  auflî 
refpirer  au  cheval  la  vapeur  de  cette 
décodion  ,  &  fur-tout  la  vapeur  d'eau 
tiède  ,  où  l'on  aura  fait  bouillir  du 
fon  ou  de  la  farine  de  feigle  ou  d'or- 
ge ;  pour  cela  on  attache  à  la  tête  du 
cheval  un  fac  où  l'on  met  le  fon  ou 
les  plantes  tièdes.:  il  elf  bon  de  don- 
ner en  mcme-temps  quelques  lave- 
mens  rafraîchiflants  pour  tempérer  le 
mouvement  du  fang  ,  &  l'empêcher 
de  fe  porter  avec  trop  d'impétuofité  à 
la  membrane  pituitaire. 

On  retranche  le  foin  au  cheval  &on 
ne  lui  fait  m  ^er  que  du  fon  tiède, 
mis  dans  un  lac  de  la  manière  que  je 
viens  de  le  dire  :  la  vapeur  qui  s'en 
exhale  adoucit,  relâche  &  diminue 


M  O  R 


Co\ 


admirablement  l'inflammation.  Par 
ces  moyens ,  on  remédie  fouvent  à  la 
morve  commençante. 

Dans  la  morve  confirmée  ,  les  in- 
dications que  l'on  a  ,  font  de  détruire 
les  ulcères  delà  membrane  pituitaire. 
Pour  cela  on  met  en  ufage  les  déter- 
fifs  un  peu  forts  :  on  injede  dans 
le  nez  ,  par  exemple ,  la  décuétion 
d'ariftoloche  ,  de  gentiane  &  de  cen- 
taurée. Lorfque  par  le  moyen  de  ces 
injedions ,  l'écoulement  change  de 
couleur,  qu'il  devient  blanc,  épais, 
&  d'une  louable  confiftance,  c'eft  ua 
bon  ligne  ;  on  injeéle  alors  de  l'eau 
d'orge  ,  dans  laquelle  on  fait  diffou- 
dre  un  peu  de  miel  rofat  \  enfuite 
pour  faire  cicatrifcr  les  ulcères  ,  on 
injeéle  l'eau  féconde  de  ch.uix  ,  &  on 
termine  ainfi  la  guérifon ,  lorfque  la 
maladie  cède  à  ces  remèdes. 

Mais  fouvent  les  finus  font  remplis 
de  pus ,  &:  les  injeélions  ont  de  la 
peine  à  y  pénétrer  \  elles  n'y  entrent 
pas  en  aflez  grande  quantité  pour  en 
vuider  le  pus  ;  elles  font  infuffifan- 
tes  \  on  a  imaginé  un  moyen  de  les 
porter  dans  ces  cavités ,  &  de  les 
faire  pénétrer  dans  tout  l'intérieur  du 
nez  ;  c'eflle  trépan  ,  c'eft  le  moyen  le 
plus  sîu-  de  guérir  la  m.orve  confirmée. 

Les  fumigations  font  aufll  un  très- 
bon  remède  ;  on  en  a  vu  de  rrès- 
bons  effets.  Pour  faire  recevoir  ces- 
fumigations,  on  a  imaginé  une  bocte 
dans  laquelle  on  fait  brûler  du  fucre 
ou  autre  matière  déterfive  ;  la  fumée 
de  ces  matières  brûlées  eft  portée  dans 
le  nez  par  le  moyen  d'un  tuyau  long, 
adapté  d'un  côté  à  la  bocte,  &  de-  l'au- 
tre aux  nafeaux. 

Mais  fouvent  ces  ulcères  font  cal- 
leux &  rebelles ,  ils  réfiftent  à  tous 
les  remèdes  qu'on  vient  d'indiquer  ^ 
il  faudrolt  fondre  ou  détruire  ces  caï- 


6o6 


MO  R 


lofitcs ,  cette  indication  demanderoic 
les  cauftiqiies  :  les  injetlions  fortes  & 
corrofives  rempliroienc  cette  inten- 
tion ,  fi  on  pouvoir  les  faire  fur  les 
parties  afFcÂées  feulement  j  mais 
comme  elles  arrofent  les  parties  fai- 
nes ,  de  même  que  les  parties  mala- 
des ,  elles  irriteroient  &:  enfljmme- 
roient  les  parties  qui  ne  font  pas  ul- 
cérées 5  &  augmenteroient  le  mal  j  de- 
là la  difficulté  de  guérir  la  morve  par 
les  caultlques. 

Dans  la  morve  invétérée  ,  où  les 
ulcères  (owz  en  grand  nombre  ,  pro- 
fonds &  fanieux ,  où  les  vailleaux 
font  rongés ,  les  os  &  les  cartila- 
ges cariés  ,  &  la  membrane  pitui- 
raire  épailfe  &  endurcie  ,  il  ne  paroît 
pas  qu'il  y  air  de  remède  \  le  meil- 
leur parti  eft  de  tuer  les  chevaux,  de 
peur  de  faire  des  dépenfes  inutiles , 
en  tentant  la  guénfon. 

Tel  eft  le  réfultit  des  découvertes 
de  M  M.  de  la  Folfe  ,  père  &  fils , 
telles  que  celui-ci  les  a  publiées  dans 
une  dillt-rcation  piéfentce  à  l'Acadé- 
mie des  Sciences ,  &  approuvée  par 
les  commiiraires. 

Auparavant  il  y  avoir  une  profon- 
de Ignorance  ,  ou  une  grande  variété 
de  préjugés  fur  le  ficge  de  cette  ma- 
ladie j  mais  pour  le  connoîcre,  dir 
M.  de  la  Foilè ,  il  ne  faut  qu'ouvrir 
les  yeux  :  en  effet ,  que  voit-on  lorf- 
qu'on  ouvre  un  cheval  morveux  pro- 
prement dit ,  &  uniquement  mor- 
veux ?  On  voit  la  membrane  pitui- 
taire  plus  ou  moins  affediée ,  les  cor- 
nets du  nez  &  les  Cnus  plus  ou  moins 
remplis  de  pus  &  de  morve  fuivant 
le  degré  de  la  maladie  ,  &c  rien  de 
plus  \  on  trouve  les  vifcères  &  tou- 
tes les  autres  parties  du  corps  dans 
^ine  parfaite  fanté.  Il  s'agit  d'un  che- 
val morveux  proprement  die,  parce 


M  O  R 

qu'il  y  a  une  autre  maladie  à  qui  oh 
donne  mal-à-propos  le  nom  de  morve  ; 
d'un  cheval  uniquement  morveux  , 
parce  que  la  morve  peut-être  eft  ac- 
compagnée de  quelque  autre  maladie 
qui  pourroit  affecter  les  autres  parties. 
Mais  le  témoignage  des  yeux  s'appuie 
de  preuves  tirées  du  raifonnement. 

i".  Il  y  a  dans  le  cheval  &  dans 
l'homme  des  plaies  &  des  abcès  qui 
n'ont  leur  fiége  que  dans  une  partie i 
pourquoi  n'en  fetoit-il  pas  de  même 
de  la  morve  ? 

z*^.  Il  y  a  dans  1  homme  des  chan- 
cres rongeans  aux  lèvres  &  dans  le 
nez;  ces  chancres  n'ont  leui  fiége  que 
dans  les  lèvres  ou  dans  le  nez  j  ils  ne 
donnent  aucun  figne  de  leur  exiftence 
api  es  leur  guénfon  locale.  Pourquoi 
n'en  feroit-il  pas  de  même  de  la  mor- 
ve dans  le  cheval  ? 

5  ".  La  pulmonie  ou  la  fuppuration 
du  poumon ,  n'affeCbe  que  le  poumon  ; 
pourquoi  li.  morve  n'affecteroit-elle  pas 
uniquement  la  membrane  pituitaire? 

4'^.  Si  la  morve  n'étoit  pas  locale, 
ou  ,  ce  qui  eft  la  même  chofe ,  fi  elle 
venoit  de  la  corruption  générale  des 
humeurs  ,  pourquoi  chaque  partie  du 
corps  ,  du  moins  celles  qui  font  d'un 
même  nlfu  que  la  membrane  pitui- 
raire  ,  c'eft-à-due  d'un  nilu  mol ,  vaf- 
culeux  <Sc  glanduleux,  te!  que  le  cer- 
veau &  le  poumon  j  le  foie  ,  le  pan- 
créas ,  la  rate ,  &t.  ,  ne  feroient- 
eilcs  pas  affectées  de  même  que  la 
m(.mbrane  pituitaire  ?  Pourquoi  ces 
parties  ne  feroient- elles  pas  aftedées 
plufieurs  &  niême  toutes  à  la  fois  j 
puifque  toutes  les  parties  font  éga- 
lement abreuvées  «Se  nourries  de  la 
maffe  des  humeurs  ,  fc  que  la  circur 
laiion  du  fang ,  qui  eft  la  fource  de 
toutes  les  humeurs ,  fe  fait  égale- 
ment dans  toutes  les  parties  ?  Or  il 


M  O  R 

eft  certain  que  dans  la  morve  propre- 
ment dite  ,  toutes  les  parties  du  corps 
font  parfaitement  faines ,  excepte  la 
membrane  pituitaire.  Cela  a  été  dé- 
montré par  un  grand  nombre  de  dif- 
feclions. 

5  °.  Si  dans  la  morve  ,  la  malTe  to- 
tale de  la  morve  étoit  viciée  ,  chaque 
humeur  particulière  qui  en  émane  ,  le 
feroit  aulîi  Ôc  produiroit  des  accidens 
dans  chaque  partie ,  la  morve  feroit 
dans  le  cheval  ,  ainfî  que  la  vérole 
dans  l'homme  j  un  compofé  de  tou- 
tes fortes  de  maladies  ',  le  cheval  mai- 
griroit ,  fouffriroit ,  languiroit  &  pé- 
riroit  bientôt  ;  des  humeurs  viciées 
ne  peuvent  pas  entretenir  le  corps  en 
fanté.  Or  on  fait  que  dans  la  morve 
le  cheval  ne  fouffre  point ,  qu'il  n'a 
ni  fièvre  ni  aucun  autre  mal ,  excepté 
dans  la  membrane  pituitaire  ;  qu  il 
.boit  &  mange  comme  à  l'ordinaire  , 
qu'il  fait  toutes  fes  fondions  avec  fa- 
cilité, qu'il  tait  le  même  fervice  que 
s'il  n'avoit  point  de  mal  j  qu'il  eft  gai 
&  gras,  qu'il  a  le  poil  lille  &  tous 
les  fignes  de  la  plus  parfaite  fanté. 

Mais  voici  des  faits  qui  ne  lai Ifent 
guère  de_lieu  au  doute  &:  à  la  difpute. 

Premier  fait.  Souvent  la  morve 
n'affedre  la  membrane  pituitaire  que 
d'un  côté  du  nez ,  donc  elle  eft  lo- 
cale j  ii  elle  étuit  dans  la  malfe  des 
humeurs,  elle  devroit  au  moins  at- 
taquer la  membrane  pituitaire  des 
deux  côtés. 

Second  fait.  Les  coups  violens  fur 
le  nez  produifent  la  morve.  Dira-t- 
on  qu'un  coup  porté  fur  le  nez  a 
vicié  la  malTe  des  humeurs  ? 

Troifièmefait.  La  Iclion  de  la  mem- 
brane pituitaire  produit  la  morve.  En 
1779,  au  mois  de  novembre,  après 
avoir  trépané  &  guéri  du  trépan  un 
cheval,  U  devint  morveux,  parce  que 


M  O  R  60-] 

l'inflammation  fe  continua  jufqu'à  la 
membrane  pituitaire.  L'inflammation 
d'une  partie  ne  met  pas  la  corruption 
dans  toutes  les  humeurs. 

Quatrième  fait.  Un  cheval  faiii 
devient  morveux  prefque  fur-le- 
champ  ,  fi  on  lui  fait  dans  le  nez  des 
injeéVions  acres  &  corrofivesj  or  ces 
injedions  ne  vicient  pas  la  mafle  des 
humeufs. 

Cirrquième  fait.  On  guérit  de  la 
morve  par  des  remèdes  topiques. 
M.  Dubois ,  médecin  de  la  faculté 
de  Paris,  a  guéri  un  cheval  morveux 
par  le  moyen  des  injeéfions.  On  ne 
dira  pas  que  les  injeétions  faites  dans 
le  nez  ont  çruéri  la  malfe  du  fane; 
d'où  M.  de  la  Fofle  le  fils  conclud 
que  le  fiège  qu'il  lui  afllgne  dans' la 
membrane  pituitaire,  eft  fon  unique 
&  vrai  liège.  (  Voyez  fa  dijj'ertation 
fur  la  morve  j  imprimée  en  17(31.  ) 
M.   BRA. 

MoKVE  DES  Brebis.  Médecine 
vétérinaire.  La  morve  des  brebis  eft 
une  maladie  contagieufe  qui  offre  la 
plupart  des  fymptomes  de  la  morve 
des  chevaux.  U  fe  fait  par  les  na- 
feaux  un  écoulemenr  d'une  humeur, 
d'abord  vifqueufe  ,  enfui  te  blan- 
châtre ;  enfin,  purulente.  Tant  que 
l'écoulement  n'eft  que  muqueux  , 
la  brebis  mange  comme  à  fon  ordi- 
naire \  mais  lorfqu'il  devient  puru- 
lent ,  la  triitcflo  ,  le  dégoût ,  la  mai- 
greur &  la  foiblelfe  s'accroiifent  tous 
les  jours;  l'odeur  qu'exhale  le  corps 
eft  tœtide,  &  la  mort  eft  prochaine. 
Quelquefois  la  matière  miiqueufe 
qui  s'accumule  dans  les  nafeaux  eft 
fi  conlidérable  ,  que  l'animal  eft 
obligé  de  faire  de  violens  efforts  pour 
la  chalfer  hors  des  narines ,  &  on  en 
a^yu  mourir  fufioqués   par    l'aboa- 


^oS 


M  O  R 


dance  de  ce  mucus  accumulé  ,  foie 
dans  les  naiines ,  foit  dans  les  bron- 
ches. 

Cecte  maladie  eft  ordinairement 
mortelle,  &  fouvenr  elle fe communi- 
que aux  autres  brebis,  au  point  d  in- 
fecter en  très-peu  de  temps  des  trou- 
peaux nombreux.  Elle  a  beaucoup  de 
redemblance  avec  la  morve  des  che- 
vaux 5  (  royxi  l'article  ci-deiîus)  mais 
elle  en  diffère  en  ce  que  les  glandes 
lymphatiques  de  la  brebis  ne  font 
pas  ordinairement  engorgées,  ce  qui 
a  toujours  lieu  dans  les  chevaux  mor- 
veux. 

L'ouverture  des  brebis  morveufes 
démontre  que  les  cavités  du  nez,  le 
larinx  ,  la  trachée-artère  &  les  bron- 
ches font  tapilfés  de  la  même  matière 
que  celle  qu'on  voit  fortir.  Quand 
celle  qui  fort  des  nafeaux  eft  puru- 
lenre  ,  on  trouve  les  bronches  &:  l'in- 
rérieur  du  nez  ulcérés. 

Traitement.  M.  Vitet  confeille  , 
après  avoir  féparé  la  brebis  morveufe 
du  troupeau,  de  lui  faire  prendre  , 
deux  fois  par  jour  ,  un  bol  conipofé 
de  deux  drachmes  de  foutfre  incor- 
poré avec  fuffifante  quantité  de  miel  ; 
d'inje£ter  dans  les  narines  de  l'eau 
féconde  de  chaux  ,  cdulcorée  avec 
du  miel  ;  de  mêler  à  fa  boiffon  &  à 
fa  nourriture  du  fel,  &  de  ne  la  nour- 
rir qu'avec  de  la  farine  de  feigle.  Ces 
remèdes  facilitent  très-bien  l'expec- 
toration nazale  &  la  déterfion  de 
l'ulcère  ;  mais  ne  feroit-ce  pas  aufli 
le  cas  d'employer  les  autres  injec- 
tions prefcrites  pour  la  morve  des 
chevaux ,  de  même  que  le  féton  i 
côté  des  deux  oreilles,  &ie  trépan 
fur  les  os  du  nez  ? 

Si  dans  le  commencement  de  la 
maladie  ,  on  ne  trouve  que  deux  ou 
Kois  brebis  afîedçes  de  la  morve  ,  il 


M  O  R 

faut  les  aiïommer  fur  le  champ  ic 
les  enterrer  proiondément.  Ce  parti 
eft  bien  plus  avantageux  ,  que  de 
livrer  au  boucher  les  biebis  qui  font 
attaquées  ,  &  dont  la  chair  eft  ca- 
pable d  occartonner  des  maladies  épi- 
démiques  &  contagieufes  ?  Les  ma- 
giftrats ,  chargés  de  la  police  de  la 
campagne, devroient  redoubler  leurs 
efforts  pour  fupprimer  un  abus  aufti 
nuifible  à  la  fanté  des  citoyens  &  à 
la  population.  M.  T. 

Morve  des  Chiens.  Médecine 
vétérinaire.  Les  chiens  font  aulli 
fujecs  à  la  morve.  Chez  ces  animaux 
la  maladie  le  manitefte  d'abord  par 
un  éternuement  qui  eft  bientôt  fuivi 
d'un  écoulement  par  les  narines  & 
par  les  yeux,  d'une  liqueur  vifqueufe 
&  jaunâtre ,  accompagné  d'une  grande 
triftelfe  Se  d'un  abattement  qui  ne 
leur  permet   plus  de  manger. 

Cette  maladie  eft  une  pefte  ,  &  il 
n'y  a  pas  encore  d'exemple  qu'un  feul 
chien  en  ait  réchappe,  quelques  re- 
mèdes qu'on  ait  employés.  Cepen- 
dant, M.  Berniard  rapporte  plufieurs 
guérifons  opérées  par  i'adminiftration 
de  Véther  yitr'iofique.  Voici  le  tait  : 
c'eft  l'auteur  qui  parle. 

»  Au  mois  de  Février  dernier,  fis 
lévriers,  cinq  chiens courans  Se  deux 
chiens  d'arrêr ,  appartenans  à  M.  le 
marquis  Myfzkowski  ,furentattaqués 
d'une  maladie  que  leschalTeurs  Polo- 
noisappèlent  morve.  .  .  Plufieurs  per- 
fonnesjranrchafleurs  qu'autres,  ayant 
éré  confultées  fur  les  moyens  qu'il 
y  auroit  de  procurer  du  foulagemenc 
à  ces  animaux  fouffrans  ,  les  uns  con- 
feillèrent  de  faire  avaler  à  chacun  , 
pendant  trois  jours  confécutifs ,  une 
pinte  de  boiffon  ,  avec  moitié  lait 
&  moitié  huile.  On  leur  fit  prendre 

ce 


M  O  R 

ce  remède  ,  qui  ne  produifit  aucun 
effet,  puifque  trois  crevèrent  le  qua- 
trième jour  j  les  autres  perfonnes  con- 
ieillèreiit  de  leur  taire  cailer  la  tête  à 
tous,  Ôc  de  les  jeter  dans  la  rivière, 
afin  ,  difoient-ils  ,  d'empêcher  les 
chiens  bien  portans  ,  de  flairer  les 
malades ,  &  de  les  préferver  pat  ce 
moyen  ,   de  la  même  maladie  .... 

i>  J'avoue  que  la  fentence  de  mort, 
prononcée  contre  ces  pauvres  ani- 
maux ,  qui ,  par  leurs  cris  plantifs , 
&  leurs  regards  nonchalans  ,  fem- 
bloient  demander  aux  hommes  qui 
les  environiioient ,  un  remède  beau- 
coup plus  doux  pour  leur  mal,  que 
celui  qu'on  venoit  de  prefcrirej  j'a- 
voue, dis-je  ,  que  cette  fentence 
excita  en  moi  un  mouvement  de  com- 
palîîon  ,  qui  me  porta  à  demander 
leur  grâce  ,  en  promettant  de  faire 
tout  ce  qui  feroit  en  mon  pouvoir , 
pour  leur  procurer  du  foiilagemenr. 
J'ocdonnai  qu'on  coupât  toute  efpèce 
de  communication  entr'eux  &  les 
chiens  bien  portans.  Dès-lors  ,  je 
cherchai  quels  mcdicamens  je  pour- 
rois  employer  avecfucccs  contre  cette 
maladie.  Je  me  redouvins  bientôt 
d'avoir  lu  dans  le  Journal  encyclopé- 
dique ,  que  quelqu'uîi  avoir  admi- 
niliré  Vdther  vur;olq:it:  .à  des  chevaux 
malades;  mais  je  ne  me  fouvenois  ni 
du  nom  de  la  perfonne,  ni  du  vo- 
lume du  journal  où  je  l'avois  lu  ;  je 
croyois  feulement  que  c'étoic  contre 
la  morve  des  chevaux  que  ce  remède 
avoir  été  donné  ...  Je  réfolus  auflîtôc 
de  donner  de  Vether  vitrîoUque  de  la 
manière  qui  fuit  : 

n  Je  mêlai  trente  gouttes  d'éther 
avecundemi-fjiptier  de  lait  dans  une 
bouteille  à  large  ouverture  \  j'agitai 
fortement  la  bouteille  ,  en  appuyant 
ie  pouce  fur  l'orifice,  pour  faciliter 
Tome  VI. 


M  O  R 


^09 


le  mélange,  &  éviter  l'évaporarion 
de  l'éthcr;  pendant  ce  temps-là,  une 
perfonne  tenant  entre  fes  jambes  le 
chien  ,  &  les  deux  oreilles  avec  fes 
mains  j  tandis  qu'une  autre  lui  ou- 
vroit  la  gueule  ,  en  tenant  la  mâ- 
choire fupérieure  avec  une  main  ,  & 
la  mâchoire  inférieure  avec  l'autre  ; 
je  verfai  en  même  temps  la  moitié 
de  la  liqueur  dans  le  gofier,  &  je  le 
fis  lâcher  enfuite  un  moment ,  pour 
lui  donner  plus  de  facilité  à  avaler  : 
bientôt  après  je  lui  douiiai  l'autre 
moitié  de  la  même  manière.  J'em.- 
ployai  la  même  dofe  pour  chacun.  De 
neut  qu'ils  étoient,  il  n'y  en  eut  que 
deux  qui  prirent  ce  remède  de  bon 
gré,  dans  un  plat  qu'on  leur  préfenraj 
quant  aux  fept  autres  ,  il  fallut  le 
leur  faire  avaler  de  force  :  ce  qui  n'eft 
pas  difficile  quand  l'orifice  de  la  bou- 
teille qui  contient  la  boilfon ,  n'eft 
pas  aufli  large  que  l'ouverture  de  la 
gueule  du  chien.  » 

>»  Vingt-quatre  heures  après,  j'eus 
quelque  fatisf.iâiion  de  mon  effai  j 
je  trouvai  un  changement  total  \  il 
n'y  avoir  plus  d'éternuement  ;  l'écou- 
lement des  narines  avoir  diminué  de 
moitié,  &  celui  des  yeux  avoir  entiè- 
rement ceffé;  l'appétit  étoit  revenu  , 
&  la  triftede  moins  grande.  D'après 
un  changement  fi  marqué,  je  ne  crus 
pas  nécellaire  de  réitérer  le  remède  ; 
je  voulus  attendre  au  lendemain  ; 
mais  les  ayant  trouvé  alors  fort  gais 
&  jouant  enfemble,  je  vis  qu'il  feroit 
inutile  de  leur  en  donner  davantage, 
&c  au  bout  de  quatre  jours,  huit  tu- 
rent entièrement  guéris;  il  n'y  eur  que 
le  neuvième  ,  qui  étoit  une  chieime 
en  chaleur,  &  dont  la  maladie  étoit 
à  un  plus  haut  période  quaml  j'en  en- 
trepris le  traitement  ,  à  laquelle  je 
donnai  une  féconde  dofe ,  &  je  lis 
H  h  h  h 


6\o 


M  O  R 


reiiiBer  une  fois  de  l'eau  de  luce ,  qui 
lui  procura  une  évacuarion  très-abon- 
dante par  les  narines  :  deux  jours  après 
cette  chienne  fe  porta  auili  bien  que 
les  huit  autres  chiens.  »> 

"  Je  dois  avertir  ici  qu'on  doit 
tenir  enfemble  tous  les  chiens  ma- 
lades pendant  le  traitement  ,  & 
qu'après  leur  guénfon  ,  on  doit  faire 
bien  nettoyer  leur  cheni  ,  le  laver 
à  grande  eau  ,  le  lailfer  ouvert  juf- 
qa'à  ce  qu'il  foit  bien  fec  ,  après 
quoi  il  faut  le  refermer  &  y  brûler 
du  foutre ,  &  quelques  jours  après 
des  baies  de  genièvre.  Il  faut  faire 
la  même  chofe  pour  leur  mangeoire 
&  leur  abreuvoir ,  li  l'on  n'aime 
mieux  en  refaire  de  neufs  ,  ce  qui 
feroit  préférable.  Pendant  ce  temps- 
là,  il  faut  lailfer  les  chiens  en  liberté 
dans  une  cour,  pour  prendre  l'air.  " 

Nota.  C'eft  M.  le  marquis  de 
Saint-Vincent  qui  a  imaginé  le  pre- 
mier d'adminiftrer  Vether  vicriolujue 
aux  animaux  dans  les  coliques  d'in- 
digeftion.  A  fon  exemple  nous  Ta- 
rons une  fois  eflayé  dans  un  cheval 
efpagnol ,  auquel  on  avoir  inconfidé- 
rément  donne  de  la  luzerne  pour 
nourriture.  Nous  lui-  donnâmes  foi- 
xante  gouttes  d'tthtr  avec  du  fucre 
pilé  ,  en  lui  faifant  avaler  par-delTus 
une  corne  d'eau  pure.  Cet  animal 
c]ui  fe  rouloit  ,  fe  débattoit  depuis 
environ  trois  heures  ,  avec  la  plus 
grande  violence,  devint,  une  heure 
après,  calme,  tranquille  ,  rendit  des 
cxcrémens  fœtides  ,  f  t  beaucoup  de 
vents  ,  &  fut  entièrement  guéri. 
On  ne  doit  pas  moins  de  reconnoif- 
fanceà  M.  Bemiard  d'avoir  employé 
Vether  dans  une  maladie  aulli  cruelle 
&  auflî  défefpérée  ^  &  dans  une  ef- 
pèce  d'animaux  aulîi  utiles  que  celui- 
ci  aux  pJaifirs  de  Thomme.  M.  T. 


MOT 

MOTTE  DE  TERRE.  Mor-^ 
teau  détaché  du  fol  par  la  bêche  oii 
par  la  charrue  ,  &  en  malfe  plus  ou 
moins  grolTe.  Les  terres  tenaces  , 
argilleufes ,  &c.  font  fujettes  à  être 
foulevées  en  mottes ,  lur-tout  après 
qu'il  a  plu  ,  ou  lorfque  les  trou- 
peaux l'ont  piétinnée  pendant 
qu'elle  eft  humide.  Si  on  a  donné 
un  fort  tabour  croifé  ,  (  voye:^  ce 
mot)  avant  l'hiver,  il  n'eft  pas  nécef- 
faire  de  brifer  ces  mottes  ,  au  con- 
traire elles  s'imprégneront  beaucoup 
plus  de  l'eau  des  pluies  ,  des  neiges, 
des  rayons  du  foleil  ,  de  l'acide  de 
de  l'air  ,  (  Voye^  le  mot  Amende- 
ment )  ;  enfin  les  gelées  les  péné- 
treront &  le  dégel  en  féparera  mieux 
les  molécules  c|ue  ne  pourroienr  le 
faire  les  mains  de  l'homme.  Dans- 
les  pays  où  l'on  a  la  mauvaife  cou- 
tume de  laifPer  les  champs  fur  lef- 
quels  on  a  levé  la  moilTon  fans  être 
labourés  jufqu'après  1  hiver  ,  oi\  eft 
alfuré  d'avoir  dans  les  deux  premiers 
labours  une  quantité  pre-dlgieufe  de 
groffes  mottes  qui  fe  durciront  &  fe 
fceller.ont  de  plus  en  pù,s  par  l'ex- 
lîcation.  S'il  furvient  une  ft.herefle 
au  printemps  ,  comme  c'cft  aflez  l'or- 
dinaire dans  les  provinces  méridiona- 
les ,  tous  les  labours  que  Ion  don- 
nera enfmte  jufqu'à  ce  qu'il  furviennc 
une  pluie  ,  tourneront  &  retourne- 
ront ces  mottes  fans  le;-  brifer  ,  & 
à  peine  remueront-ils  &  lîlionneront- 
ils  le  fol  du  delfous.  Le  plus  court 
eft,  auiluôt  après  le  premier  labour ,. 
de  faire  palfer  la  herfe  ,  (  l^o^e-^  ce 
mot  )  à  pUifieurs  reprifes,  (Se  jufqu'à 
ce  que  ces  mottes  foient  divifées. 
Alors  on  donnera  un  fécond  labour, 
qui  croife  le  premier.  Si  ce  fécond 
labour  foulève  encore  beaucoup  de 
mottes  5  on  herjcra  de  nouveaUv   Si 


MOT 

de  nouvelles  pluies  vienneiir  encore 
fceller  cerce  terre,  on  herfera  chaque 
fois  qu'on  aura  labouré.  Le  point 
effentiel  eft  qae  la  terre  foie  bien 
émiettée  au  moment  des  femaillcs. 
En  effet,  il  eft  prefque  impoflible  de 
bien  femer ,  de  femer  également,  lorf- 
que  le  champ  eft  couvert  de  mottes. 
Le  femeurdoit  toiijouis  avoir  les  yeux 
fixés  fur  la  place  où  doit  tomber  le 
grain,  &  s'il  fait  un  faux  pas  en  met- 
tant le  pied  fur  une  motte  qu'il  ne 
voit  pas  :  alors  fon  coup  de  main  ne 
fera  plus  égal  j  ces  malfes  de  terres 
forment  des  monticules  fur  lefquelles 
le  grain  ne  peut  fe  repofer  ;.  le  fe- 
meur  glitfe,  &  les  grains  fe  trou- 
vent raffemblés  &  trop  épais  vers  fon 
pied.  Si  le  grain  refte  defTus  ,  ou  11 
en  herfant  il  fe  trouve  delfous,  dans 
l'un  &  l'autre  cas  il  eft  perdu.  Le 
premier  eft  dévoré  par  les  oifeaux  , 
&  le  fécond  eft  étouffé  fous  une 
malfe  qu'il  ne  peut  pénétrer.  Je  fais 
que  des  femmes,  des  enfans,  armés 
de  maillets  de  bois  &  à  longs  manches , 
marchent  après  le  femeut,  &  bcifent 
les  mottes  autant  qu'ils  le  peuvent. 
Mais  c'eft  une  augmentation  de 
dépenfe  &  de  dépenfe  confidérable , 
lorfqu'il  faut  malfoler  une  grande 
étendue  de  terrein.  Si  on  la  com- 
pare avec  celle  occafionnée  par  la 
lierfe,  on  verra  qu'elle  l'emporte  de 
beaucoup  ,  Se  que  l'ouvrage  ne  fera 
jamais  fi  bien  fait.  Que  fon  com- 
pare un  champ  qui  a  été  herfé  autant 
de  fois  que  le  befoin  l'exigeoit,  avec 
un  pareil  champ  où  l'on  a  été  obligé 
de  brifer  les  mottes  avec  le  maillet , 
on  verra  certainement  dans  celui-ci 
beaucoup  de  places  vides  ,  &  un 
très- grand  nombre  d'autres  inégale- 
ment femées. 

Si  on  étoit  toujours  alTuré  d'avoir 


M  O  T  6û 

une  pluie  favorable  près  de  l'époque 
des  femailles  ,  les  mottes  feroienc 
moins  nuifibles,  fur-tout,  fi  malgré 
leur  réfiftance  on  avoir  donné  des  la- 
bours profonds,  parce  qu'elles  offrent 
une  plus  grande  furface  capable  de 
recevoir  les  imprellions  des  méréores. 
(  T'^oye-^  le  mot  Amendement  &  le 
dernier  chapitre  du  mot  Culture) 
Alais  ,  comme  rien  n'eft  plus  incer- 
tain que  certe  pluie  bienfaifante  ,  la 
piudence  dide  la  loi  de  heifer  autant 
de  fois  que  le  befoin  l'exige  ,  &  de 
donner  un  nouveau  labour  après  le 
travail  de  la  herfe  ,  afin  de  découvrir 
<Sc  de  préfenter  au  foleil  le  plus  de 
furface  qu'il  eft  pofiible. 

On  a  propofé  différentes  efpèces 
de  rouleaux  pour  fupplcer  à  la  herle. 
Ils  font  repréfentés  ,  planche  XIX, 
page  477  du  cinquième  volume.  Ce 
que  je  viens  de  due  fur  la  néceflué 
de  herfer  après  chaque  labour  dans 
les  fonds  tenaces  ,  n'implique  pas 
contradiélion  avec  ce  que  j  ai  avance 
à  l'article  Herse,  qu'il  convient 
de  relire.  Il  ne  s'agit  que  des  fols 
gras ,  &  on  doit  obferver  qu'on  de- 
mande fur-tout ,  qu'après  qu'on  aura 
herfé  ,  on  laboure  de  nouveau.  Les 
motifs  en  font  détaillés  dans  cet  ar- 
ticle. 

Motte  (  planter  en  ).  Opéra- 
tion par  laquelle  on  ouvre  un  folfé 
à  une  certaine  diftance  de  l'arbre  , 
&  tout  autour,  afin  de  lui  conferver 
le  plus  grand  nombre  de  racines  qu'il 
eft  pofiible  ;  enfuite  ,  lorfque  le  foffé 
eft  à  une  profondeur  plus  baffe  que 
celles  des  racines ,  on  cerne  la  terre 
par- delfous  ,  &  on  enlève  l'arbre 
avec  la  terre  qui  eft  attachée  aux  ra- 
cines. Cette  manière  de  travailler 
réuffit  alTez  bien  lorfque  la  terre  eft 
forte  iSc  tenace  j  mais  ordinairemeiu: 
H  h  11  h  z 


6iz  MOT 

c'eft  une  peine  &  de  l'argent  perdus , 
lorfque  le  fol  eft  meuble  &c  léger, 
parce  qu'il  fe  dét^iche  de  lui-même 
à  la  moindre  fecouire.  Pbur  donner 
plus  d'adhcfion  à  cette  terre ,  on  fera 
très-bien  d'arrofer  largement  le  pied 
de  l'arbre  plufieurs  jours  à  l'avance 
avec  de  l'eau  de  fumier;  elle  donne 
du  nerf  à  la  terre. 

Prefque  toujours  la  tranchce  eft 
trop  rapprochée  du  tronc ,  tandis  qu'au 
contraire  elle  devroit  en  être  très- 
éloignée.  Plus  elle  eft  près ,  &  plus  on 
eft  torcé  de  mutiler  un  grand  nom- 
bre  de  racines  ,  c'eft  cependant  de 
leur  longueur  &  du  nombre  de  leurs 
chevelus  ,  que  dépend  la  profpetité 
de  l'arbre.  Le  propriétaire  intelligent 
veillera  à  ce  que  l'ouvrier  les  mé- 
nage ,  aind  que  les  chevelus.  C'eft, 
il  eft  vrai ,  augmenter  la  longueur  du 
travail  ;  mais ,  en  même  temps,  c'elt 
conferver  le  bien  être  de  l'arbre 
•Se  fes  relîources  pour  la  végétation. 
En  général  les  jardiniers  &  tous 
les  hommes  à  rourhiês  blâmeront 
cette  méthode.  Cependant,  pour  dé- 
liller  leurs  yeux  ,  je  les  invite  à 
planter  deux  arbres ,  l'un  dont ,  fui- 
vant  leur  coutume,  ils  auront  rigou- 
reufement  coupé  toutes  les  racines 
qui  excèdent  la  motte  de  terre  ,  6c 
l'autre  dojir  ils  auront  ménagé  avec 
beaucoup  de  foin  les  racines  &  les 
chevelus  qui  l'excédent.  Dans  ce 
dernier  cas  l'arbre  profpérera  ,  & 
dans  le  premier,  on  le  verra  fouvent 
périr  après  la  féconde  ou  troilîème 
année,  parce  que  les  nouvelles  r.a- 
cines  que  farbre  poulTe  ne  font  pas 
alTez  fortes  pour  pénétrer  dans  la 
terre  de  la  circonférence  de  l'ancien 
trou.  J'ai  vu  des  arbres  fur  lefquels 
cette  circonférence  avoir  produit  le 
même  effet  que  celle  d'un  vafe  fur 


MOT 

les  racines  de  la  plante  ou  de  l'ar- 
bufte  qu'il  contient,  c'eft-à-dite  ,  que 
les  nouvelles  racines  en  failoient 
tout  le  tour. 

Il   eft  encore    à   remarquer  ,  que 
dans  les    terres   fortes  ,    &    fur- tout 
dans  les  provinces  méridionales  ,  la 
terre  fe  gerce  pendant  les  fécherefles 
de  l'été  ,   S:   fe   fend  fur-tour  ,   Se 
dans  toute  fa  profondeur ,  &  précifé- 
ment  dans  l'endroit  de  la  circonfé- 
rence du  trcu  ;  alors  les  racines  font 
à  l'air ,  6c  l'arbre  périt.  On  objectera 
qu'on  peut  faire  travailler  le  delfus 
de  cette  terre  ,  l'arrofer  &■  faire  dif- 
paroîrre  les  gerçures.  J'en  conviens,, 
lorfqu'il  s'agit  limplement  d'un  jar- 
din ,  où  l'on   a  tout   fous  la  main; 
mais  en  eft-il  de  même  pour  les  grandes^ 
plantations  ?  Il  y  a  trois  ans  que   j'ai. 
fait  planter  une  allée  de  marronniers- 
d'Inde,  &:  malgré  mes  foins  &  les  ar- 
rofemens  que  j'ai  fait  faire ,  à  peine  la 
terre  du  trou  &  celle  de  la  circonfé- 
rence commencent-elles  à  faire  corps. 
Je  n'ai  pas  trouvé  de  meilleur  moyen 
pour  prévenir  ces  gerçures ,  que  de 
couvrir  la  rerre  du  rrou,  &  un  peu  de 
celle  de  la  circonférence ,  avec  la  baie- 
du  bled;  elle  empêche  l'évaporatioii 
après    l'arrofement  ,  &  ptévient  les 
nouvelles    gerçures.   Le  point  eflen- 
tiel  ,  après  qu'on  a  planté  un  arbre 
en  motte  ,  eft  de  faire  piocher  i^ne 
certaine  étendue  du  rerrein  de  la  cir- 
conférence près  de  celui  de  la  fofTè  , 
&  opérer  de  même  chaque  fois  que 
l'on  travaille  le  pied  de  l'arbre.  Avec 
de  tels  foins,  de  telles  précautions, 
on  peut  planter  de  très-gros  arbres  ; 
mais,  je  le  répète,  il  but  n'être  a- 
vare  ni  du  temps,  ni  de  la  dépenfe,& 
voir  manœuvrer  fous  fes  yeux.  Si  on 
s'en  rapporte  à  fon  jardinier,  ou  aux 
ou vr  iers ,  c'eft  une  opération  manquée- 


M  O  U 

On  plante  en  motte  les  atbres  ou 
arbuftes  ,  ou  plantes  femées  dans 
des  pots.  Le  premier  foin  ell  de  les 
arrofer  quelques  jours  d'avance,  de 
renvetfer  eniuite  le  por,  de  le  rouler 
un  peu  &  par  petites  fecouires ,  de 
palier  la  main  gauche  &  les  doigts 
étendus  entre  la  plante  &  la  terre  lu- 
périeure  ,  afin  de  les  contenir  ;  en- 
tin  ,  avec  la  main  droite ,  on  Ibu- 
lève  le  pied  du  pot,  &  l'on  tait  glilTer 
en  avant  fur  la  main  gauche  &  la 
terre  Se  la  plante.  Si  le  vafe  eft:  con- 
fidérable  on  fe  fait  aider.  On  voit 
ordniairement  tout  autour  de  la 
forme  de  terre  une  mulrirude  de 
■petites  racines  capillaires  &  blanches , 
quelesjardiniersappèlent  Viperruque, 
parce  qu'en  effet  ces  racines  font  en- 
trelacées &  femblent  former  un  ré- 
feau  continu  comme  les  trèfles  d'une 
perruque.  Us  ont.  grand  (oui  de  les 
couper,  de  les  détruire  ,  &  ils  s'ima- 
ginent en  favoir  plus  que  la  nature. 
Je  leur  dirai  :  commencez  à  faire 
une  folîe  beaucoup  plus  grande  que 
le  volume  de  terie  que  vous  venez 
de  tirer  du  pot  j  placez  au  milieu 
de  cette  folfe  la  motre  ;  détachez- 
en  doucement  ces  racines  blanches  \ 
érendez  -  les  en  tout  fens  dans  le 
fond  de  la  fofle  ;  couvrez -les  avec 
de  la  rerre  meuble  \  enfin  ,  hiùlfez 
de  combler  la  folle  avec  la  terre  que 
vous  en  avez  tirée,  ou  avec  de  la  meil- 
leure fi  vous  en  avez. 

MOUCHE.  Infede  fort  commun, 
&  dont  les  efpèces  font  très-multi- 
pliées.  On  les  reconnoît  &  on  les 
diftingue  des  autres  infeifies  par  leurs 
ailes  tranfparentes,  fembla'bles  à  de 
la  gaze  ,  &  fur  lefquelles  on  ne  voir 
point  cette  poulTière  ,  ou  plutôt  ces- 
petites  plumes  brillantes  1  &  diver- 


M  O  U 


<ÎTî 


fement  colorées ,  qui  embeiiiiTent  les 
ailes  des  papillons.  Leurs  aiies  fonc 
en  réfeau ,  &  ne  font  cachées  fous  au- 
cune enveloppe.  La  multiplication 
des  mouches  eft  prodigieufe.  Elles 
dépofent  leurs  œut;  là  ou  elle  favenc 
que  le  ver  qui  en  proviendra  ,  trou- 
vera une*  nourriture  contorme  à  fes 
befoins.  L'une  choifit  les  huirs  ,  les 
arbres  ,  l'autre  la  viande  ;  celle-ci  le 
fondement  du  cheval  ,  celle-là  les 
nafeaux  du  mouton  ,  de  la  brebis  ; 
&c  après  que  ces  vers  ont  fubi  dif- 
fcrens  changemens  de  peau,  à  peu- 
près  comme  le  ver-à-Joie  ,  (  Foyez 
ce  mot  )  ,  ils  forment  leurs  cocons, 
d'oii  ils  lortent  enfin  en  inleèle  par- 
fait ,  c'eft- à-dite  en  mouche  ,  qui 
cherche  à  s'accoupler  auditôt  avec 
fa  femblable.  Si  on  dc'fire  de  plus 
grands  détails  &  très-curieux  ,  on 
peut  conlulter  les  ouvrages  de  M.  de 
Réaumur,  l'abrégé  de  l'hiftoire  des 
infecles,  imprimé  à  Paris  chez  Gue- 
rin^  le  didionnaire  de  M.  Valmonc 
de  Bomare  ,  &c.  De  plus  grands  dé- 
tails m'écarteroient  du  but  de  cee 
ouvrage.  11  vaut  mieux  s'occuper 
d'objers   pratiques. 

!"■'.  Des  mouches  relativement  œ 
l'homme.  Rien  de  plus  incommode- 
que  les  mouches ,  rien  de  plus  tyran- 
ir.que  &  de  plusdéfagréable  que  leurS' 
piquures,  lorfqne  le  remps  eft  lourd,, 
bas,  ou  lorfque  le  venr  dufud  règne i, 
ou  enfin  à  l'approche  d'un  orage. 
Les  provinces  méridionales  font  plus 
à  plaindre  à  cet  égard ,  que  celles  du^ 
nord  du  royaume,  parce  que  la  durée 
des  mouches  eft  plus  longue  ,  &  la 
chaleur  plus  forre  contribue  &  hâte 
fingulièremenc  leur  multiplication.. 
Chacun  a  propofé  fon  moyen  pour 
éloigner  de  nos  demeures  un  animal' 
aulli  incommode  que  celui-ci.  Toutes. 


<îi4  MOU 

Jes  odeurs  forces,  &  mêmes  véncneu- 
fes,  ont  t'cé  miles  à  concribiuiou.  Il  cft 
certain  que  quelques-unes  éloignent 
ces  infectes  ;   par  exemple  ,  l'odeur 
de  l'huile  de  laurier  j    mais  quel  eft 
l'homme  qui  pourra  lupporcer  cette 
odeur?  Les  feuilles  de  fureau  ont  les 
mêmes   propriétés  ,  mais  4eur  odeur 
entête,  elle  eft  nauléabonde,  &  fes 
émanations  vicient  l'air  d'un  apparte- 
ment, &  le  convettillent  en  air  fixe, 
(  voye-^  ce  mot  )  s'il  refte  terme.  On 
a  beaucoup  vanté  du  miel  étendu  fur 
wnQ   feuille    de   papier.  L'expédient 
fcroit  admirable ,  puifque  ce  papier 
eit  bientôt  couvert  de  mouches  qui 
y  demeurent  attachées;  mais  l'odeur 
du  miel,    du   fucre,  i^c.   les  attire 
d'une  très-grande  diftance.  On  pro- 
pofe  de   fulpendre  au  plancher  plu- 
iieurs   petits  fagots  de    branches  de 
faule  fur  lefquelles  les  mouches    fe 
retirent  pendant  la  nuit.  Alors  on  dé- 
tache doucement  ces  fagots,  &  on  les 
fecoue  dans  l'eau  ou  dans  le  feu  .  .  . 
L'eau  fubmerge  la  mouche, mais  âhs 
qu'on   jet'.e    cette  eau  ,   dès  que  la 
mouche  eft  frappée  par  le   courant 
d'air ,  &  réchauftée  par  le  foleil  j  elle 
revient  de  fa  léthargie.  On  peut,  pour 
s'alTurer  du  fait,  faire  une  expérience 
affez  fingulière  ",   on    noyé  quelques 
mouches ,  &  avec  du  fél  de  cuifme , 
réduit  en    poudre  très-fine  ,  on  les 
faupoudre  légèrement ,  on  les  retire 
de  l'eau.  Se  on  les  porte  enfuite  au 
foleil.  L'humidité  de  leur  corps   fait 
fondre  le  fel ,  l'évaporation  de  l'eau 
eft  augmentée  ,  &  l'infecle    revient 
promptement  à  la  vie,&  comme  par 
miracle. 

On  doit  éviter  avec  foin  d'avoir, 
dans  la  partie  que  l'on  habite,  des 
fruits ,  des  viandes ,  des  fucreries ,  &c. 
'qui  attirent  les   mouches  ,  fur-tou: 


M  O  U 

lorfque  le  vent  du  fud  règne  ,  &  que 
le  temps  eft  bas.  Un  m.oyen  allez  aifé 
pour  en  détruire  une  grande  quantité, 
con(ifte  à  délayer,  dans  l'eau  &  dans 
ime  afliecte  .  de  l'orpiment,  dont  les 
peintres  fe  fervent  dans  leurs  cou- 
leurs, ou   du  réalgar.   Les  mouches 
viennent  fur  les   bords  de  l'afllette, 
&  trompées  par  cette  boilTon  douce, 
mais  perfide  ,  elles  s'empoifonnent, 
&  vont  tomber  à  quelques  pas  de-là. 
Ce  procédé  ne  peut  être  mis  en  ufage 
dans  les  chambres  où    l'on  a    laifle 
des  enfans,  à  moins  qu'on  ne  place 
le  vafe  (i  haut  qu'il  leur  foit  impof- 
fible  d'y  atteindre.    Leur  indifcrète 
curiollté  pourtoit    leur  être  aufti  fu-*" 
nefte  qu'aux   mouches.  ...   Il  feroit 
encore  très-imprudent  de   le  mettre 
en  pratique  auprès  des  cuifines ,  des 
offices  :  outre  le  déf.igrément  de  trou- 
ver des  mouches  mortes    dans  rous 
les  vafes  ;  elles  pourroient  infeéter 
les  liqueurs  ou  les  fubftances  qu'elles 
contiennent ....  Un   autre   moyen 
eft  de  fermer  toutes  les  fenêtres  d'une 
chambre  ,  de  n'y  laifter  aucun  jour  , 
&  d'ouvrir  enfuite  la   porte  de  com- 
munication avec  la  chambre  voifine. 
Elles    abandonneront  le  premier  ap- 
partement pour  fe  jeter  dans  le  fécond 
qui  fera  éclairé. par  l'aftre   du  jour  , 
&    ainfi    de    fuite  de   chambres    en 
chambres.   Il  faut   convenir  que  ces 
petites   rufes  produifent  leur  effet , 
mais  il  eft  momentané  fi  on  t'ouvre 
la  fenêtre  pour  donner  de  l'air ,  oit 
pour  refpirer  le  frais  j  les   mouches 
rentrent  par  centaines ,  &;   c'eft  tou- 
jours à   recommencer. 

Après  avoir  elfayé  tous  les  moyens 
propelés  pat  difFérens  auteurs  ,  j'ai 
vu  que  je  diminuois  le  nombre  de 
ces  infedes ,  mais  que  je  ne  pouvois 
détruire  le  mal  par  la  racine.   J'ai 


MOU 

enfin  pris  le  parti  de  faire  de  petits 
cadres  en  bois ,  d'y  tendre  &  clouer 
fur  toute  leur  largeur  &  longueur  j 
un  cannevas  peu  l'erré.  Le  cadre  eft 
foutenu  contre  le  dormant  de  la  fe- 
nêtre par  des  viroles ,  &  l'entrée  du 
cabinet  eft  également  fermée  par  une 
porte  volante,  faite  avec  un  cadre 
garni  comme  celui  des  fenêtres.  Avec 
un  moyen  fi  fimple  &  fi  peu  coûteux  , 
je  fuis  parvenu  à  avoir  cette  tranquil- 
lité fi  néceffaire  lorfqu'on  travaille, 
&  un  courant  d'air  agréable  ,  qui 
rempcre  la  chaleur  de  l'été  du  cli- 
mat que  j'habite.  Ce  canevas  ga- 
rantie des  coufins  ,  bien  plus  à  re- 
douter que  les  mouches  dans  les  pays 
méridionaux.  On  peut  au  moins  lailTer 
les  fenêtres  ouvertes  pendant  la  nuit, 
fans  crainte  d'être  |a(Tai!li&  dévoré  le 
lendemain  par  ces  infedes  mal  faifans. 

La  piquure  des  mouches  eft  quel- 
quefois dangereufe  (Se  funefte  ; 
mais  c'eft  accidentellement  :  conful- 
tez  les  mots  Araignée  ,  tome  pre- 
mier ,  page  600.  Un  peu  d'alkali 
volatil  Huor  ,  ou  d'eau  de  chaux  , 
fuftîfent  pour  diftiper  l'inflamma- 
tion.   (  I  ) 

Si  les  fenêtres  d'un  appartement 
rempli  de  mouches,  reftent  pendant 
plufieurs  jours  de  fuite  fermées,  les 
mouches  meurent.  Eft-ce  de  £iim  , 
ou  bien  ont-elles  befoin  de  rtfpirer 
un  air  nouveau?  L'une  &  l'autre  caufe 
peuvent  y  concourir,  mais  la  dernière 
me  paroît  la  plus  probable.  Quoique 
la  rumination  des  mouches  n'ait  pas 
un  rapport  direéf  avec  notre  objet,  ce 
fait  nous  a  paru  trop  curieux,  &  même, 


MO  U  615 

à  certains  égards ,  trop  incéreffant , 
pour  le  palfer  entièrement  fous  filence. 

1°.  Des  mouches  relativement  aux 
animaux.  L'expérience  journalière 
apprend  que  les  chevaux,  les  bœufs, 
les  mules  ,  &:c.  maigriflént  à  vue 
d'oeil  pendant  l'été  j  les  chevaux: 
fur-tout  ,  lorfqu'ils  font  perfécutés 
par  les  mouches.  Ils  fe  trémoulfent , 
ils  s'agitenr  ,  frappent  du  pied,  leur 
queue  eft  dans  un  mouvement  con- 
tinuel j  enfin ,  ils  ne  font  pas  un 
feul  moment  tranquilles.  Au  mon 
Ecurie  ,  tome  quatrième,  pages  141 
&  145  j  j'ai  indiqué  le  moyen  le  plus 
fur  de  chafter  ces  mouches  ,  &  de 
permettre  à  toute  efpèce  de  bétail  de 
manger  i\:  de  repofer  paifiblemenr.  La 
boucherie  de  Troyes  en  Champagne 
m'a  fait  imaginer  cer  expédient  :  en 
effet,  on  n'y  voit  pas  une  feule  mou- 
che. L'opinion  populaire  eft  que  Saine 
Loup  leur  a  défendu  d'y  entrer  ;  mais 
la  véritable  raifon  eft  que  cette  bou- 
cherie eft  très-longue  ,  très-baffe ,  & 
orientée  du  nord  au  fud,  ce  qui  éta- 
blit un  courant  d'air  continuel ,  & 
les  mouches  le  craignent.  D'ailleurs, 
comme  cette  boucherie  eft  peu  éclai- 
rée ,  on  ne  voit  des  mouches  ,  &c 
encore  en  petite  quantité  ^  que  dans 
les  boutiques  les  plus  près  de  la 
porte  \  celles  de  l'intérieur  n'en  ont 
aucune.  Si  dans  cet  intérieur  on  porte 
des  mouches  &  qu'on  les  lâche  en- 
fuite  ,  elles  fe  hâtent  de  gagner  la 
porte.  Ainfi  ,  un  grand  courant  d'air 
<îc  l'obfcunté  font  les  meilleurs  pré- 
fcrvatifs  pour  l'intérieur. 

Lorfque  les   animaux   fortent    de 


(  I  )  Les  Brames,  &  prefque  tous  les  liabirans  àc  l'Alie,  font  un  ç;rand  ufagc  de  !.î  chaux 
contre  les  piquurcs  des  confins,  tV  fur-tout  des  cuépes  &  des  mouches  à  miel  ;  i!s  prennent 
de  Ll  chaux  vive  un  peu  délayée ,  &  ils  en  froticnr  toutes  les  parties  piquées  &  tuméfiées  ; 
la  douleur  celfc  fur-lc-champ  :  il  refle  encore  un  gonflement  que  l'on  dillîpe  bien  vî;e 
par  l'application  5:  le  lavage  avec  de  l'eau  fraiclic. 


6iô 


MOU 


rétable,  de  l'écurie,  &c.  on  n'a  plus 
les  mêmes  tacilités  de  les  garantir 
des  mouches  ;  les  plus  à  redouter 
pour  eux  font  les  mouches  appeliées 
Cdons  ,  dont  la  piquure  eft  il  forte 
qu'elle  traverle  de  part  en  parc  le  cuir 
du  bœuf ,  même  dans  la  partie  la 
plus  épailfe.  Si  p'.ufieurs  taons  s'a- 
charnent à  le  perfécuter,  il  rompe , 
brife  fes  liens,  &  s'échappe  comme 
un  lion  furieux.  On  voitfouvent  dans 
les  marches ,  dans  les  foires ,  la  pi  jpart 
des  bœufs  qu'on  conduit  ,  s'agiter 
avec  violence ,  s'emporter ,  mécoii- 
noître  la  voix  de  leur  gardien  ,  pren- 
dre la  fuite  &c  jeter  par- tout  l'é- 
pouvante. Le  peuple  dit  qu'on  leur 
a  jeté  un  fort  ;  mais  les  raons  ,  les 
feuls  taons  font  l'unique  caufe  de 
tout  le   dcfaftre. 

Il  arrive  quelquefois  que  les  pi- 
quures  de  ces  mouches  dangereuses, 
font  fuivies  d'ulcères  ,  &  que  ces 
ulcères  prennent  un  caradtère  uiflam- 
matoire  lorfque  des  mouclies  d'ef- 
pèces  difrérentes  y  dépofent  leurs 
œufs  ,  d'où  proviennent  enfuite  des 
vers  qui  fe  nourrilfent  de  la  chair 
de  l'anima!  ,  &  dans  laquelle  ils 
s'implantent  fi  fottemei;t  ,  qu'il  eft 
irès-difficile  de  les  en  arracher  :  alors 
l'ulcère  creufe  de  plus  en  plus  fous 
les  mufcles  ,  il  s'y  forme  des  cla- 
piers ;  enfin  ,  il  gagne  jufqu'aux  os. 
A  l'article  Ver  ,  nous  indiquerons 
la  manière  de  les  détruire,  ainli  que 
ceux  qui  font  logés  dans  l'inteftin- 
retluni  du  cheval ,  dans  les  imus  fron- 
taux du  mouton  ,  Sec.  Ces  fimples 
indications  démontrent  combien  il 
importe  de  préfeiver  les  chevaux  & 
le  bétail  des  piquures  des  mouches. 
Dans  plufieurs  cantons  de  la  Franche- 
Comté  ,  on  fuit  une  coutume  qui  me 
jparoîi  fort  raifoiinabk.  Les  chevaux 


MOU 

font  couverts  ,  pendant  qu'ils  tra- 
vaillent ,  d'une  pièce  de  toile  qui 
leur  couvre  tout  le  dos.  La  partie 
de  devant  s'attache  au  collier  ,  6c 
celle  de  derrière,  à  la  croupière;  de 
manière  que  cette  toile  ne  touche 
l'animal  que  par  les  côtés  ,  &c  non 
pas  fur  le  dos  :  une  femblable  toile 
leur  couvre  tout  le  ventre  &  jufqu'aux 
jambes  de  devant;  de  forte  que  la 
tête  ,  l'encolure  ik  les  jambes  font 
les  feules  parties  qui  ne  foient  pas 
couvertes.  Chaque  pas  de  l'animal 
donne  un  mauveni>;nt  aux  toiles  , 
Se  les  mouches ,  fatiguées  par  ce  mou- 
vement perpétuel ,  vont  chercher  ail- 
leurs à  exercer  plus  tranquillement 
leur  voracité.  Cette  méthode  devroit 
particulièrement  être  fuivie  dans  les 
provinces  méridionales  où  les  mou- 
ches &  les  infeâes  font  beaucoup 
plus  multipliés  que  dans  le  nord. 
D'ailleurs  ,  ces  toiles  blanches  ré- 
liéchilfent  les  rayons  du  foleil  ;  & 
comme  elles  ne  touchent  que  par 
peu  de  points  le  corps  de  l'animal, 
il  règne  perpétuellement  un  courant 
d'air  entre  elle  5c  fa  peau.  L'ufage 
des  caparaçons  eft  également  utile  ; 
mais  les  mouches  piquent  le  dos  de 
l'animal  entre  les  mailles  j  la  toile 
eft  à    préférer. 

On  a  propofé  un  nombre  infini 
de  décodions  faites  avec  des  plantes 
à  odeur  forte  &:  puante  ,  ^'  d'en  frot- 
ter le  corps  de  l'animal  lorfqu'il  va 
aux  champs.  On  doit  bien  penfer 
que  celle  du  fureau  n'eft  pas  oubliée  , 
ni  celle  de  la  jufquiame  ,  de  la  pom- 
me épineufe  ,  Sec.  Outre  le  danger 
qui  réfulte  de  ces  préparations ,  pour- 
quoi vouloir  empefter  pendant  la 
journée  entière,  &  les  beftiaux  Se  les 
conduC'leurs  ?  Tout  le  monde  fait  que 
les  mouches  fuient  le  vinaigre:  fer- 

v«z-vous 


MOU 

vèz-vous  clone  de  vinaigre  iins  le 
befoin  ,  &  abandonnez  toutes  ces 
recettes  ou  inutiles  ou  dégoûtantes. 

3°,  Des  mouches  Teladvtmcnt  aux 
plantes.  Il  n'exifte  aucun  atbre ,  au- 
cun arbrilTeau  ,  aucune  herbe  qui 
ne  foit  deftiné  ,  ou  à  la  nourriture 
d'une  ou  de  plufieures  efpèces  d'in- 
fedes  ,  ou  de  dépôt  pour  leurs  œufs. 
Les  mou -lies  en  général  s'attachent 
peu  aux  fleurs ,  aux  fruits  ,  comme 
nourriture  ;  mais  certaines  efpèces  y 
logent  leurs  œufs. 

Pluiîours  efpèces  de  mouches  fe 
jettent  fur  les  arbres  attaqués  par  les 
galles  -  infeclts  ,  (  i^oyei  ce  mot  ) 
par  les  pucerons ,  &  fur  les  aibres  à 
feuilles  cloquées.  (  f'^^yei  Cloque  ) 
La  fève  s'extravafe  par  les  piquures 
multipliées  que  font  ces  infectes  Air 
les  bourgeons,  fur  la  nervure  des 
feuilles,  &  cette  fève  miellée  attire 
les  mouches  qui  la  fucent  &  s'en 
nourrilTent.  C'eft  donc  accidentel- 
lement qu'elles  font  du  mal  ,  ou 
plutôt  elles  profitent  du  mal  qui  ell 
déjà  fait  j  Se  il  eil  en  tout  fembla- 
ble  à  celui  occafionné  parles/o-vr- 
rnis.  (  f^oyei  ce  mot  )  Leurs  excré- 
mens  multipliés  &  mélangés  par  leur 
piétinement ,  avec  le  mucilage  de 
la  fève  ,  prend  une  couleur  noire  qui 
gagne  petic-à-petit  tous  les  endroits 
où  les  mouches  Se  les  fourmis  fe 
jettent  ;  enfin  ,  le  tout  forme  une 
croûte  noire.  Le  moyen  le  plus  fim- 
ple  pour  la  faire  difparoître  ,  Se  le 
plus  falutaire  pour  l'arbre  ,  eft  de 
laver  le  tout  par  le  moyen  des  fe- 
riiTgues  à  la  hollandoife  ....  L'eau 
détrepipe  le  mucilage  ,  l'entraîne  , 
ik  lailFe  la  branche  &  les  feuilles 
nettes. 

Eft-ce  une  mouche  ,  ou  une  autre 
infevte  ,   qui  pique  les  fruits  quand 
Tome  VI, 


■      MOU  Ci-j 

ils  font  encore  très- petits  ,  ou  quand 
ils  commencent  .à  nouer ,  afin  d'y 
dépofer  fes  œufs  ?  Ce  qu'il  y  a  de 
certain,  c'eft  que  l'on  voit  un  nom- 
bre afTez  conddérable  de  mouches 
brunes  volticrercà  &  là  fur  ces  flïurs 
ot  fur  ces  fruits.  En  admettant  que  ce 
fcient  elles  ,  la  queftion  fera  déter- 
n-:inée  pour  une  efpèce  feulement  \ 
mais  elle  n'en  telle  pas  moins  em- 
brouillée à  bien  des  égards ,  à  moins 
qu'on  n'admette  pluiîeurs  autres  ef- 
pèces de  mouches.  Par 'exemple  , 
celle  qui  dénofe  fes  œufs  fur  le  bon- 
chrétien  d'été,  n'eft  pas  la  même  que 
celle  qui  pique  le  martin-fec  \  puif- 
que  leur  floraifon  ne  fe  fait  pas  à  la 
même  époque,  &  la  fbrmedu  ver  que 
l'on  appercoit  en  coupint  ces  fruits, 
ert  bien  diflérente  ^  d'ailleurs  ,  l'une 
eft  une  des  premières  poires  du  prin- 
temps, &  l'autre  de  l'hiver.  Cepen- 
dant ces  vers  ont  befoin  de  leur  ma- 
turité, pour  trouver  une  nourriture 
convenable  à  leurs  befoins  ou  à  la 
formation  de  leur  chryfalide  ;  car 
lorfque  la  poire  blanquette  eft  bien 
mûre,  on  voit  la  cicatrice  de  l'an- 
cienne piquure  enlevée  ,  &  la  place 
de  la  lortie  de  l'infeéle  ailé ,  en- 
tièrement dépouillée  de  la  chair  du 
fruit  ....  Certainement  la  mouche 
qui  pique  la  pomme  calville  ,  par 
exemple,  n'eft  pas  la  même  que  celle 
du  poirier  ou  du  pommier  d'été  : 
leurs  vers  prouvent  cette  diftérence. 
Il  faut  donc  néceflairement  conclure 
que  fi  on  doit  attribuer  aux  mouches , 
les  vers  que  l'on  trouve  dans  les  fruits , 
les  efpèces  font  différentes  ,  &  con- 
venir de  bonne -foi  cjue  l'on  eft  en- 
core très-peu  inftruit  fur  cet  objet.... 
La  connoiirance  de  ces  efpèces  mal- 
faifantes  ,  feroit  digne  de  l'atten- 
tion d'un  amateur  ,  &  qui  auroit 
i  i  i  i 


tfi8  MOU  MOU 

le  temps  de  faire  des  recherches  ré-     lide.  Elle  intercepte  dans  la  fuite  le 
glées  &c  foucenues.  H  pourroit,  dès     courant    d'air    nécelTaire  à   l'animal 


qu'il  s'apperçûit  qu'un  fruit  eft  piqué, 
l'entourer  d'un  cannevas  léger ,  & 
lier  le  bas  contre  la  branche  qui  fup- 
porte  le  fruit  :  alors  il  fera  bien  sûr 
que  nul  autre  infecte  ne  pourra  en 
approcher,  &  il  trouvera  fous  le  can- 
nevas celui  que  le  ver  aura  produit. 
L'infede  une  fois  connu  ,  il  eft  plus 
facile  alors  de  lui  déclarer  la  guerre  , 
&  à  force  de  foins  multipliés  ,  de 
l'éloigner  ,  ou  de   le  détruire. 

La  mouche  menuifière  ,  ainfi  nom- 
mée, parce  qu'avec  fa  tarrière  elle 
perce    l'écorce   de    l'arbre  ,    dépofe 
fon  œuf  fur  l'aubier,  il  y  éclot  ,    & 
devient   un    ver  qui  va  toujours    en 
montant  vers  le  fommet  de  la  bran- 
che ,   afin  que  par  l'ouverture  infé- 
rieure ,  puilTent  s'échapper  les  fciu- 
res  du  bois  de  l'arbre,  ou  de  la  bran- 
che qu'il  a  rongée.  Cette  fciure  trahit 
l'infcéle  ,  en  tombant  fur  la  terre  \ 
elle    décèle  fon  exiftence  dans  l'ar- 
bre, &c  en  cherchant  perpendiculai- 
rement  fur  la  branche  ,  dans  l'en- 
droit qui  y    correfpond  ,  on   trouve 
l'entrée  de  fa  retraite.  Alors  on  prend 
un  fil  de  fer  que  l'on  a  fait  rougir , 
afin  de  le  rendre  plus  fouple   ,  plus 
difpofé  à  fuivre  les  courbures  de  la 
galerie  ;  on  l'enfonce  jufqu'à  ce  qu'il 
rencontre  le  ver,  &  on  connoit  qu  il 
l'a  bletfé  quand  on  voit  fon  extrémité 
mouillée  S<.  gluiune.  Quelquefois  ces 
galeries  ont  jufqu'à   deux    pieds  de 
longueur  j  d'où  l'on  doit  conclure  le 
dégât  qu'il  occafionne  à  la  branche. 
Un  fécond  moyen  ,  moins  difficile 
que  le  premier  ,    eft   de    boucher  à 
une  certaine    profondeur  ,    &   avec 
del'argille  ,  l'entrée  de  fa  galerie.  On 
l'y  enfonce ,  &  on  la  preffe  avec  force , 
afin    qu'elle  devienne  un  corps  fo- 


pour  vivre,  &  elle  retient  les  fciutes 
qui  ne  peuvent  plus  fortir.  La  mou- 
che menuilière  eft  beaucoup  plus 
grolTe  qu'une  abeille  \  fa  couleur  eft 
d'un  bleu  foncé  ,  &  elle  bourdonne 
beaucoup  en  volant.  Elle  fe  jette  in- 
différemment fur  toutes  efpèce  d'ar- 
bres, &  elle  dépofe  fon  œuf  toujours 
dans  le  delTous  de  la  branche.  Ne 
produit-t-elle  qu'un  feul  œuf  ?  Je 
mais  il   eft    certain    que 


l'itrnore 


lans 


chaque 


galerie  on  n  en  trouve 


qu  un    feul. 

Une  autre  mouche 
connois  pas  Tefpèce  , 
la   même  manière  que 


,  dont  je  ne 

travaille   de 

a  mouche 

être  beaucoup 

puifque  fa  galerie  l'tfi 


doit 


menuifière  :  elle 
plus   petite 

auflî  ,  &  fes  fciutes  font  plus  pe- 
tites &  à  grains  plus  fins.  Ses  rava- 
ges font  les  mêmes.  Plufieurs  abeil- 
les  font  encore  appellées  menuifières  y 
charpennères  ,  parce  qu'elles  dépo- 
fent  leurs  œufs  dans  les  vieux  bois. 
Il  feroit  trop  long  de  parler  de 
toutes  les  efpèces  de  mouches ,  &  de 
traiter  cet  article  en  naturalifte.  Si 
on  défire  de  plus  grands  détails ,  on 
peut  confulter  le  traité  des  infecles, 
de  M.  Geoffroy  ,  il  compte  quatre- 
vingt-huit  efpèces  de   mouches. 

On  a  confcillé  ,  pour  éloigner  les 
mouches  des  jardins ,  de  jeter  ç.i  êc 
là  des  branches  de  fureau  fur  celles 
de  l'arbre  fruitier  que  l'on  veut  ga- 
rantir ,  à  caufe  de  fon  odeur  forte 
qui  les  éloigne.  Mais  on  n'a  donc 
pas  obfetvé  que  pendant  que  le  -fu- 
reau eft  en  fleur,  il  eft  lui-même 
couvert  de  mouches  ?  Je  veux  bien 
qu'elles  ne  foient  pas  de  la  même 
efpèce.  Si  celles  -  ci  piquent  fes 
baies,  pourquoi  ne  pic^uetoient-elles 


MOU 

pas  cgalemenc  les  fruits  de  nos  jar- 
dins ?  Ce  que  je  puis  affurer  d'après 
ma  propre  expérience  ,  c'eft  que  j'ai 
vu  autant  de  fruits  piqués  fur  un 
poirier  que  j'avois  garni  de  branches 
de  fureau  ,  que  fur  les  autres  qui 
n'en  avoient  pas  eu. 

On  a  propofé  également  des  fu- 
migations avec  des  herbes  fortes  , 
de  faire  brûler  de  l'arfenic ,  de  l'or- 
piment, &c.  Cette  fumée  peut  éloi- 
gner pour  un  inftant  les  mouches 
&  les  infedes  ;  mais  ils  reviennent 
aufTuôt  qu'elle  eftdiffipée.  11  faudioit 
donc  que  les  arbres  fuflfent  environ- 
nés pendant  des  femaines  entières 
d'une  fumée  épiille  ;  Se  pendant  ce 
temps  -  là  ,  qui  cultiveroit  le  jar- 
din ,  &  qui  voudroit  expofer  fes 
ouvriers  à  la  fumée  de  l'arlenic,  de 
l'orpiment  !  &c.  On  fe  mettra  au 
deffous  du  courant  de  fumée,  dira- 
t-on  !  11  n'y  aura  donc  qu'une  partie 
des  arbres  du  jardin  qui  fera  préfer- 
vée  ?  11  efl:  donc  clair  que  ceux  qui 
donnent  de  pareils  confsils  ,  ou  qui 
les  répètent  dans  leurs  écrits,  ne  les 
ont  jamais   mis  en  pratique. 

Mouche  a  Miel.  (  P'oye~  Abeil- 
le ) 

Mouche  cantharide.  (  J^^'oye'^ 
Cantharde  ) 

MOULES.  On  donne  ce  nom  à 
plufieurs  efpèces  de  coquilles  bivalves , 
dont  quelques-unes  fe  trouvent  dans 
la  mer ,  &  d'autres  dans  l'eau  douce. 
La  moule  de  mer  eft  un  animal  mol , 
oblong,  blanchâtre ,  &  dont  les  bords 
font  frangés  ;  il  ell  logé  dans  une 
coquille  compofée  de  deux  pièces 
affez  minces  ,  obîongues  ,  convexes 
&  bleuâtres  à  l'extérieur,  concaves  & 


M  O  U 


<>I9 


blanches  dans  leur  face  interne.  Ces 
animaux  fe  fixent  fur  diffcrens  corps, 
au  moyen  d'un  grand  nombre  de  fils, 
à-peu-près  de  la  grodeur  d'un  che- 
veu ,  &  qu'ils  collent  autour  d'eux  : 
les  cuiiiniers  ont  foin  d'arracher  ces 
fils  avant  de  faire  cuire  les  moules- 

M.  Mercier  du  Pruy  a  donné  la 
defcription  des  bouchots  à  moules 
dans  les  mémoires  de  l'académie  de 
la  Rochelle  :  ce  font  des  efpèces  de 
parcs  formés  par  des  pieux  avec  des 
perches  entrelacées,  qui  forment  une 
elpèce  de  clayonage  très-folide  j  les 
moules  s'y  attachent  par  paquets  pour 
y  dépofer  luur  frai ,  elles  y  croiffeiu 
promptemenr,  s'y  engrailTent  &  de- 
viennent meilleures  &  plus  faines  que 
les  autres  moules  j  il  ne  faut  qu'une 
année,  ou  à-peu  près,  pour  peupler 
un  bouchot.  On  prend  les  moules 
depuis  le  mois  de  juillet  jufqu'au 
mois  d'octobre,  en  exceptant  cepen- 
dant les  temps  des  fortes  chaleurs  &: 
celui  du  frai  ;  on  n^enlève  pas  toutes 
les  coquilles  du  parc  ,  mais  on  y  ch 
laille  au  moins  le  dixième. 

On  fe  ferr  beaucoup  des  moules 
dépouillées  de  leurs  coquilles,  pour 
garnir  des  haims  pour  prendre  difté- 
rentes  efpèces  de  poifTons.  On  a  eb- 
fervéqueles  moules  devenoient  quel- 
quefois un  aliment  mal  fain,  ce  qui 
doit  être  attribue  à  un  petit  cruitacée 
qui  efl:  renfermé  dans  la  même  co- 
quille, &  qu'on  mange  avec  la  moule; 
on  éprouve  alors  des  malaifes  ,  des 
anxiétés,  &<.  même  des  convullions, 
fouvent  accompagnées  d'éruptions  cu- 
tanées :  les  vomitits  font  très  -  bons 
dans  ce  cas, 

La  poudre  des  coquilles  ou  écailles 

de  moules  patTe  pour  diurétique;  les 

vétérinaires    l'employeiit   contre    les 

taies  1^  les  onglets  qui  viennent  fur 

1  i  1  i  1 


Cio 


MOU 


les  yeux  des  chevaux^  olî  foufile  la 
poudre  sèche  fur  les  parties  malades. 

Au  rapport  de  Jjjhr :,  les  moules 
font  Ç\  communes  dans  la  province  de 
Lancaftre,  que  plufieurs  cultivateurs 
les  ramalfent  pour  les  jeter  fur  leurs 
terres  en  fjuife  de  fumier. 

La  moide  d'eau  douce  ,  qu  on 
trouve  dans  les  rivières ,  dans  les 
ruifleaux  <Sc  fur-tout  dans  les  étangs, 
eft  trèi-dilTcrente  de  ce'le  de  merj 
les  coquilles  de  la  première  font 
beaucoup  plus  larges  que  celles  des 
moules  de  mer.  On  mange  celle  d'eau 
douce,  mais  l'animal  eft  coriace,  iSc 
d'un  goût  inférieur  à  celui  qui  fe 
trouve  dans  la  mer.  Les  moules  d'eau 
douce  fournilTent  d'alfez  belles  perles  \ 
on  en  trouve  de  telles  dans  les  lacs 
d'Ecolfe,  de  Bavière,  de  la  Valogne 
en  Lonaiiie,  de  Saint-Savinien,  & 
fur- tout  de  la  Chine  j  les  perles  font 
toujours  formées  dans  ces  coquilles, 
comme  dans  toutes  celles  qui  en 
fournilTent,  fur  l'endroit  qui  a  été 
piqué  par  un  infecte.  Les  Chinois 
imitent  en  cela  la  nature  \  ils  per- 
cent les  coquilles  avec  un  morceau  de 
fil  de  laiton,  ou  bien  ils  introduifent 
dans  la  coquille  un  petit  morceau  d'une 
autre  coquille  ,  qui  gêne  l'animal  , 
bc  le  détermine  à  l'enduire  de  la 
matière  des  perles.  A.  B. 

MOULIN.  Machine  dont  on  fe 
fert  pour  pulvérifer  différentes  ma- 
tières, &  particulièrement  pout  con- 
vertir le  grain  en  farine. 

Les  moulins,  confîdérés  dans  leur 
généralité,  exigeroient  un  très-grnnd 
ttaitéj  il  eft  déjà  fait,  relativement 
aux  bleds ,  par  M.  Beguillet,  en  fix 
volumes //2-  8°.  à  Paris,  chez  Prault , 
1780,  &  enrichi  de  toutes  les  gra- 
vures néceflaires  à  leur  defcription. 


M  O  U 

Le  même  auteur  avoir  déjà  publié, 
en  1775  ,  un  ouvrage  ,  intitulé  : 
Manuel  du  charpentier  des  moulins 
&  du  meunier ,  rcdigé  fur  les  mé- 
moires diijieur  Céfar  Buquet ^  de  c'efl 
l'extrait  du  grancî  ouvrage  dont  on 
vient  de  parler.  Les  moulins  ordi- 
naires fc  à  bled  font  rrop  connus  pour 
que  je  m'en  occupe  ici ,  d'ailleurs  on 
peut  recourir  au  travail  de  l'auteur. 
Les  mouiins  cconomlques  méritent  de 
remplacer  tous  les  antres,  parceque, 
d'iuie  quantité  de  bled  donnée  ,  oi\ 
en  retire  plus  de  farine,  par  confé- 
quent  moins  de  fon ,  (Se  une  farine 
de  qualité  très-fupérieure  .à  celle  qui 
provient  de  la  mouture  ordinaire  J 
enfin  une.  farine  appellée  de  minet  3 
6;  telle  qu'on  l'expédie  dans  de  petits 
tonneaux  pour  les  ifles.  Je  préviens 
que  ce  qui  va  être  dit  eft  copié  lit- 
téralement de  l'ouvrage  intitulé  Ma^ 
nuel  du  meunier.  Nous  nous  occupe- 
rons enfuite  des  moulins  particuliers 
aux  fruits. 

Section    première. 

§.   L    Du    meilleur  moulin    à   bled  ^ 
ou    moulin    économique. 

Ce  moulin ,  comme  tous  les  autres , 
peut  être  mis  en  mouvement  par  le 
vent  ou  par  l'eau  j  on  doit  préférer 
ceux  à  bafe  folide  aux  moulins  mon- 
tés fur  bateaux.  Les  moulins  à  vent 
font  ou  à  cage  tournante  ^  ou  a.  fvm-' 
mierj  ou  à  axe  ^  ou  à  pied  (/;oirc]ui  les 
traverfe  perpendiculairement,  ou  à 
pile  .y  c'i.ft-à-dire,  que  le  comble  feul 
tourne ,  afin  de  pouvoir  placer  les  ailes 
furla  direélion  duvéntj  ou  le  moulin 
à  la  polonaife  j  dont  les  aîles  font 
verticales,  ainfi  que  l'arbre  tournant. 
Le   fécond  mérite   la   préférence   à 


r<>//i  n. 


P/.  XIV.   J',i,/c.(,i 


i\//ier.'-riilp 


MOU 

caufe  de  fa  bafe  fo'.idej  le  troifième 
eft  peu  connu  en  France.  Il  fane  le- 
moncer  aiix  temps  des  croifades  ponr 
trouver  Torigine  des  moulins  à  vent; 
c'eft  de  l'orient  que  les  croifcs  en 
apportèrent  l'idée  en  France,  décou- 
verte prccieufe  pour  l'europe  ,  parce 
que  par-tout  on  peut  crablir  ces  mou- 
lins, 3c  par-tout  on  n'a  pas  la  com- 
modité de  l'eau.  Le  mouhn  à  vent 
ii'tft  cependant  autre  cliofe  que  le 
moulin,  à  eau  rcnverfé  ,  c'e(l:-à-dire 
que  dans  celui-ci  le  mouvement  eft 
comunniiquc  par  le  bas  à  toute  la 
rnav-hine,  tandis  que  dans  celui-là  il 
l'cft  par  le  haut." 

Le  fieur  Céfar  Buquet  ne  fe  donne 
pas  pour  l'inventeur  des  moulins  éco- 
nomiques ,  plufieurs  meûr.iers  fai- 
foient  un  lecret  de  cette  mouture, 
mais  on  lui  doit  la  juftice  de  dire 
qu'il  a  donné  le  premier  à  cette  in- 
vention la  publicité  que  méritoit  une 
fi  utile  manipulation,  &  qu'il  l'a  fiu- 
gulièrement  perfe6tionnée. 

Comme  chacun  connoît  la  ma- 
nière dont  eft  placée  la  roue  à  aube  , 
mue  par  l'eau ,  ainfi  que  celle  des 
aîles  d'un  moulin  à  vent,  &  de  la 
manière  dont  l'arbre  qu'elles  font 
tourner,  s'engraine  avec  le  refte  du 
mécanifme,  il  fuffit  défaire  fentir 
ici  en  quoi  les  moulins  économiques 
ditierei.t  des  autres. 

Defcription    de    la   Planche    XVI  ; 
coupe  du  moulin  fur  la  largeur. 

A.  Pont  de  bois. 

B.  Vanne  de  décharge. 

C.  Pont  de  pierre  qui  conduit  .1   la 
vanne  mouloire. 

D.  Entrée  principale. 

E.  Efcalier  pour  monter  au  premier 
étage. 


M  OU  (îii 

F.  Rouet  avec  chevilles. 

G.  Arbre  tournant. 
H.  Tourillon. 

I.    Hcriflon  de  chevilles. 

K.    Lanterne   à  fufeaux    pour   faire 

tourner  la  petite  bluterie. 
L.   Lanterne  à  hire  tourner  la  meule, 
M.  Croifée. 
N.  Fer. 

0.  Palier. 

PP.  Les  deux   braies. 

Q.  Lanterne  .à  faire  monter  les  facs. 

S.  Arbre  de  couche  portant  une  lan- 
terne &  des  poulies ,  fervant  à  faire 
tourner  les  bluteries,  &  tarare  des 
étages  fupérieurs. 

T.  Meule  gilTante. 

V.  Weule  courante. 

X.  Enchevêtrures. 

Y.  AnniUe. 

Z.  Arcbures  &  couvercles  qui  en- 
tourent &  recouvrent  les  meules. 

^'&.  Trémions  &  porte  trémicns. 

1.  Auger. 

2.  Trémie. 

5.  Crible  de  fil  de  fer  ,  ou  crible 
d'Allemagne. 

4.  Moulinet  pour  lever  la  meule, 

5.  Bluterie  à  fon  gras. 

6.  Auget  de  la  bluterie. 

7.  Trémie  de  la  même  bluterie. 

8.  Tarare  fervant  à  nettoyer  le  bled. 

9.  Allés  du  tarare. 

10.  Poulie. 

11.  Corde  à  faire  tourner  le  tarare. 

12.  Trémie  &  auger. 

13.  Anche  qui  conduit  le  bled  du 
tarare  dans  le  bluteau  de  fer  blanc. 

14.  Bluteau  de  fer  blanc  à  paffer  le 
bled. 

15.  Poulie  &;  corde  fervant  à  faire 
tourner  le  même  bluteau. 

1  6.  Ouvrier  qui  jette  du  bled  dans 

la  trémie. 
17.  Bafcule  à  monter  les  facs. 


giz  MOU 

iS.  Garoiieime  de  dehors  pour  mon- 
ter les  facs. 

19.  Corde  à  pareil  ufage. 

20.  Garouenne  du  dedans. 

II.  Rouleau  à  faciliter  le  cable. 

21.  Ouvrier  qui  engrène  le  cable. 
2j.  Autre  qui  verfe  du  bled  dans  le 

tarare. 

La  Planche  XVII  repréfente  la  coupe 
du  moulin  fur  la   longueur. 

A.  Ouvrier  qui  avance  ou  recule  le 
chevrellier. 

B.  Chevreffier  du  dehors. 

C.  Chaife  qL'.i  porte  l'arbre  cournant. 

D.  Arbre  tournant. 

E.  Tourrillon. 

F.  M.tllîf  fervant  à  porter  la  chaife. 

G.  Roue  à  vanne. 
H  H.  Aubes. 

li.  Coyaux. 

K.  Niveau  de  l'eau  qui  fait  tourner 

la  grande  roue. 
L.  Rouet  ,  embrafures  (?>:  chevilles. 
M.   Chevreflier  du  dedans. 
N.   Hérilfon  fervant  à  faire  tourner 

la  bluterie  de  delTous. 
O.  Palier. 

P.  Lanterne  à  monter  le  bled. 
Q.  Les  deux  braies. 
R.  Beffroi. 
S.  Barre  &  croifée. 
T.  Lanterne. 
V.  Babillard. 
X.  Baguette  pour  remuer  le  bluteau 

qui  tamife  la   farine. 
y.  Bafcule  pour  engrener  la  lanterne 

qui  fait    tourner   la    bluterie   du 

deifous. 
Z.  Bluteau  fupérieur. 
^.  Partie   fupérieure    de   la  huche , 

où  tombe  la  farine  lorfqu'elle  fe 

tamife. 


MOU 

a.  Accouples  du  bluteau. 

/'.  Bluterie  cyHndrique  tournante. 

c.  Anche  qui  conduit  les  ifliies  dans 

la  bluterie  du  delTous. 
dd.  Les  différens  çruaux. 
e.  Lanterne  à  faire  tourner  la  blu- 

rerie  dr  deflous. 
/.  Chaife  du  dedans. 
g.  Poulie  &  corde  à  faire  monter  le 

bled. 
h.  Corde  à  monrer  les  facs. 
/.  Anche  des  meules,  ou  conduite  de 

la  firine  dans  le  bluteau. 
k.  Cordages  &•  poulies  faifant  tourner 

les  bluteries  au-delfus. 
/.    Trempure    pour    approcher    les 

meules. 
m.  Meule  giffanre. 
n.  Meule  courante  vue  en  coupe. 
c.  Enchevêtrure. 
p.  AnniUe. 
q.  Frayon. 
r.  Arc  hures, 

Jf.  Trémions  &   porre   trémions. 
r.   Poulie  &   corde   fervant  à  élever 

ou  à  bailfer  l'aHoet, 
u.  Auget. 
.V,  Trémie. 
y.  Crible  de  fer. 

:j.  Moulinet,  cable  &  vintaine  à  éle- 
ver la  meule  pour  rhabiller. 

1.  Bluterie  à  fon  çras. 

2.  Auget. 

3.  Trémie. 

4.  Sonnetre  avec  une  corde  ,  pour 
avertir  lorfqu'il  n'y  a  plus  de  bled 
dans  la  trémie. 

5.  Tarare  fervant  à  nettoyer  le  bled. 

6.  Ailes  du  rarare. 

7.  Trémie  du  tarare. 
S.  Auget  du  tarare. 

•j.  Bluteau  de  fer  blanc  pour  cribler 
le  bled. 


■OT.    VI. 

PL.  xril.  Pqçe.û22 

COUP£.  SVR  LA.  LOKOirEUP  T)V  MOVI.IN. 

m* 

\\  \,  il::;,  ,:n  ,  .  Il   ,  :  |rW:;T|HBfr^^^^^^^^^^^^^^^^^^ 

^mwmB'm^^'m-K^^ 

k- 

ii 

J'cStfr  .fculf 


Te: t.   TI. 


J'I  JVJII     l'a,/ e. 62:1 


Jiu/^.  1. 


NOUVKLLK 

tiiAPAvvnvx: , 


lnrt.2.    J^J^JuVCll^ALIi      MkCHANI HUE     IJ  W  Mo VL IN  ■ 


Fit/.  J. 


Echcric  j. 


li  J'ittl.r 


MOU 

I  o.  Ouvrier  qui  renverfe  un  fac  de 

fou  gras  dans  une  trémie. 
II.  Dedous  de  l'efcalier. 
II.  Rafcule  à  faire  monter  les  facs. 

13.  Garouenne  à  tirer  les  facs. 

1 4.  Ouvrier  qui  engrène  le  cable  pour 
faire  monter  les  facs. 

15.  Corde  à  monter  les  facs. 
\6.  Palier  de  l'efcalier. 

17.   Ouvrier  qui  ramalîe  le  fjn. 

la  Planche  XFIII  efl  ilvïfcc  en 
deux  parties  _,  dont  la  premlcrc  rc- 
préfente  une  nouvelle  crapaudine  , 
fervant  à  porter  le  pivot  ou  la 
pointe  du  fer. 

La  figure  I.  donne  le  plan  de  la 
crapaudine. 

A.  Crapaudine  ou  pas  qui  porte  la 
pointe  du  fer. 

B.  Boîte  ou  poellette  dans  laquelle 
efl:  enfermée  la  crapaudine. 

C.  Chadis  de  cuivre  à  travers  lequel 
palTent  les  vis  de  preflion. 

DD.  Vis  de  preifion  pour  faire  couler 
la  poellette  du  côté  nécelfaire  pour 
dteffer  les  meules. 

EE.  Boulons  pour  arrêter  le  chadîs 
fur  le  palier. 

FF.  Grofles  pièces  de  bois  ou  palier, 
fur  lequel  fe  pofe  la  crapaudine. 

G.  Plaque  de  taule  ou  de  fer  blanc 
battu,  pour  faciliter  la  poellette  à 
à  couler  avec  plus   d'aifance. 

H.  Quarré  ponctué  qui  défigne  le 
plan  du  fer. 

Il  eft  à  obferver  que  lorfque  les  cra- 
paudines  n'ont  qu'un  feul  pas , 
'  quatre  vis  fuffifent. 

Les  fig.  II  &  III  reprcfentenc  dif- 
férentes clefs  pour  ferrer  plus  ou 
moins  les  vis  de  prellion. 


MOU 


6x1 


La  féconde  partie  de  la  Planche 
XVII l  exprime  en  détail  la  prin- 
cipale méchanique  du  .  moulin. 

A.  Coupe  de  la  meule  courante. 

B.  Coupe  de  la  meule  gilfante. 

C.  Annille  ou  clef  de  la  meule  cou- 
rante. 

D.  Papillon  du  gros  fer. 

E.  Fulée. 

F.  Pointe  du  fer. 

G.  Boîte  &  boitillons. 
H.  Faux  boitillon  de  tôle. 
1.  Frayon  à  remuer  l'auger. 

K.  Trémie  où  l'on  met  le  bled. 
L.  Auget  qui  comluit  le   bled   dans 

l'œlllard  de  la  meule. 
M.  Corde  du  baille-bled  ,  fervant  à 

élever  plus  ou  moins  l'auger. 
N.  Anche  qui  conduit  la  fanne  dans 

le  blureau  mouvant. 
O.    Lanterne  à    fufeaux    pour  faire 

tourner  la  meule. 
P.  Baguette  pour  fecouer  le  blureau. 
Q.    Croifée  pour   faire  mouvoir  le 

babillard. 
R.  Le  pas  ou  crapaudine  pour  porter 

le  pivot  ou  la  pointe  du  fer. 
S.  Palier  &  les  deux  braies. 
T.  Arbre  tournant. 
U.  Rcuet ,  embrafures  &  chevilles. 
V.    Hérillon  &  chevilles  pour  faire 

tourner  la  lanterne  8  qui  eft  aa- 

dellous. 
X.  Tourillon. 
Y.  Plumard  de  cuivre  pour  porter  le 

tourillon. 
Z.  Chevredier  ou  chaife   de  l'arbre 

rournanr. 
de.  Babillard. 
I .   Batte. 

z.  Baiiuette  ou  clogne, 
5.  Bluteau  mouvant. 
4.  Accouples  eu  bluteau. 


6i±  M  O  U 

5.  Hache  où  rombe  la  farine  à  nie- 
lure  qu'elle  fe  ^imife. 

6.  Pecite  por:e  à  coiilifTe,  pour  tirer 
la  farine  hors  de  la  huche. 

.  7.    Blute  rie  tournante  pour  tamifer 
les  difîerents  gruaux. 

8.  Lanterne  de  la  bluterie  à  gruaux. 

9.  Bafcule  pour  engrener  la  lanterne 
dans  le  hcriiTon  ,  à  Geilein  de  faire 
tourner  la  bluterie. 

10.  Epée  de  la  trempure  pour  élever 
plus  ou  moins  la  meule  cou- 
rante ,   au    moyen   d'une    bafcule 

II,  &  de  fon  contrepoids  i  2. 

13.  Beffroi  pour  porter  le  plancher 
des  meules. 

14.  Pied  droit  ou  pilier  en   pierre. 

15.  Baftiant. 

La  Planche  XIX  j  divif^'e  en  trois 
parties  j  repréfente  differens  détails 
&  outils. 

La    PREMIERE  partie   offre  divers 
déviloppemens. 

A.  D.  Le  gros  fer. 

A.  Papillon. 

B.  Fufée. 

C.  Fer. 

D.  Pointe  du  fer. 

E.  Pas  ou  trapaudine. 

F.  Plan  de  la  crapaudine. 

G.  Une  des  chevilles  du  rouet. 
H.  Fufeau   de  la  lanterne. 

L  Petit  coin  de  fer  pour  dreffer   la 

meule. 
K.  Plan  de  l'annille. 
L.  ToLuilIon. 
M.   Frayon. 
N.  Plan  de  la  boîte. 
O.  Coupe  de  la  boîte. 
P.  Autre  coupe  de  la  boîte. 
Q.  Plumard  de  cuivre  fervant  fous  les 

tourillons  R.  de  l'arbre  tournant. 


MOU 

La  DEUXIEME  partie  de  la  planche 
XIX,  préfcntz  les  différens  outils 
pour  rhabiller  les  meules. 

A.  Orgueil  ou  crémaillère  qui  fert 
d'appui  à  la  pince  pour  lever  la 
meule. 

B.  Pince  pour  lever  la  meule. 

C.  Coin  de  levée,  qui  fert  à  caler 
la  meule  à  melure  qu'on  i'a  levée. 

D.  Pipoir  qui  fert  à  ferrer  les  pipes 
ou  petits  coins. 

E.  Pipe  ou  petit  coin  de  fer,  fervant 
à  ferrer  la  meule  courante. 

F.  Rouleau  fervant  à  monter  0» 
defcendre  la  meule  pour  la  re- 
mettre à  fa  place. 

G.  Marteau  à  rhabil'er  les  meules. 
FL  Marteau  à  grain  d'orge,  fervant 

à  engraver  Tannille. 
L  Marteau  fervant  à  piquer  les  meules. 
K.   MnlTe   de  fer   fervant  à  frapper 

fur  le  pipoir, 

La  TROISIEME  partie  de  la  planche 
XIX  exprime  les  plans  de  diffé- 
rentes meules. 

ha.  Jzgure  I  repréfente  le  plan  des 
meules  qui  rendent  la  farine  rouge, 
lé  fon  lourd  &  mal  écuré,  ce  qui 
provient  de  la  mauvaife  qualité 
des  meules,  de  la  manière  de  les 
rhabiller  ,  Se  de  l'irrégularité  des 
rayons. 

La  fio'i-re  II  exprime  le  plan  des 
meules  à  moudre  par  économie. 

A.  Meule  courante,  fig.  I  &  H. 

B.  Engravure  de  l'annille  ,  ou  place 
de  la  clef,  fis.  L 

B.  L'annille,  fcellée  fur  la  meule, 

fig-  11- 

C.  Meule  gilTante, /i'.  I&  H. 

D.  Place  où  fou  met  la  boîte ,  fio.  L 

D.  Boîte 


fjii-  TI  ■ 


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M  O  l#  MOU            61^ 

D.  Boîce  &  bouillons,  j7^,  II.  Par  une  mouture  bien  raifonnée, 

E.  Coupe  de  la  meule  courante  avec  6c  par  cicï  préparations  faites  à  pro- 
ies cngravures  de  l'annille , //^.  1.  pos  dans  des  fas  convenables ,  on  re- 
La  même  garnie  de  l'annille  ,  tire  des  fariner  diftérentes  en  goûc 
fy.  II.  <?:  en  qualité,  lur- tout  fi  l'on  remoud 

G.  Coupe  de  la  meule  gillante  avec  chaque  partie  du  grain  ,  comme  les 
la  place  de  la  boîte  Hyji'g.  \.  La  gruaux,  à  diverfes    reprifes  ,   fcloa 
même  garnie  de   fa    boîte  ,  boî-  leur  degré  refpeéiif  de  dureté  &  de 
tillon  &  faux  boîtillon ,  /^V.    U.  denfité,  ce  que  l'on    ne    peut  faire 
Le  grain  de  bled  eft  compofé  de  dans  la  mouture  ordinaire, 
plufieurs  lubftances,  (  Voye^  le  mot  On  connoît  en  France  quatre  fortes 
Bled  &'   fon  rinalyfe  )    les  unes  plus  de  moutures,  la  rujîique ,  en  ufage 
dures  &   plus  giollicres  ,   les   autres  dans  les  provinces  du  nord  j  ia  mou- 
plus  fines  &  plus  molles.  Il  eft  donc  nue  en  greffe  j  oii  l'on  rapporte  chez 
évident  qu'un  feul  c\'  même  moulage  foi  la  farine  mêlée  avec  le  fon  ;   la 
&  qu'un  feul  blutage  font  inlufiiians  mouture  méridionale  pour  les  ides  , 
pour  féparer  ces  parties,  mêlées  par  qui  n'eft  que  la  mouture  en  grolTe  per- 
un  leul  broyement.  Après  le  premier  fettionnée^  enfin  la  mouture  écono- 
moulage  du  grain  ,  il  refte  beaucoup  mique. 

de  parties  qui  ne  font  que  conraf-  Pour  opérer  félon  la  mouture  ruf- 
fées,  (Se  qui  n'ont  pu  être  pulvérifees,  tique,  on  place  dans  une  huche  au- 
parce  qu'elles  ont  échappé  à  l'aftion  deflous  des  meules  ,  un  blateau  d'é- 
de  la  meule  qui  portoit  fur  le  grain  t.imnie  de  laine,  qui  va  en  même 
entier  dans  le  premier  broyement  \  temps  que  le  moulin.  On  divife  la 
d'ailleurs,  le  rhabillage  des  meules,  mouture  ruftique  en  trois  cialTès  , 
excepté  celui  du  moulin  économique,  relatives  aux  différentes  groffeurs  des 
efl:  trop  grofUer  pour  atteindre  ces  bluteaux ,  &  à  leur  plus  ou  moins 
petites  parties  :  ce  font  ces  parties  de  finelfe.  Lorfque  le  bluteau  eft 
concatfées  ^-  non  moulues  qu'on  d'une  étamine  alTezgrofle  pour  laider 
nomme  gruau  ou  grcfillcn.  palfer  le  gruau  &  la  greffe  farine 
Il  y  a  donc  dans  le  produit  du  avec  beaucoup  de  fon  ,  on  l'appelle 
même  grain  plufieurs  efpèces  de  Xz.  mouture  du  pauvre -^(x  Xz^Aw.f^'wx  .^ 
gruaux  ,  comme  il  y  a  plufieurs  fortes  moins  gros ,  fépare  le  fon ,  les  recou- 
de fon  &  de  farine,  félon  la  diffé-  pes ,  recoupettes ,  &c.  on  la  nomme 
rence  des  patties  pulvérifees  ou  feu-  la  mouture  du  bourgeois  ;  enfin  ,  fi 
lement  concaffées.  On  diflingue  le  l'étamine  efl  affez  fine  pour  ne  laifler 
gruau  blanc  ,  qui  n'a  pas  d'écorce  j  pafier  que  la  fleur  de  farine,  on  Tap- 
ie gruau  gris ,  qui  n'a  que  la  féconde  pelle  moutwe  du  riche. 
écorce,  &  \e  gruau  gris  qui  efl:  taché  Tout  ce  qui  n'a  pas  palfé  par  les 
de  fon.  On  retire  des  deux  premiers  bluteaux  dans  ces  différens  moulages, 
gruaux  ,  lorfqu'on  les  fait  remou-  fe  nomme  fon  gras  ,  parce  qu'il  y 
dre  fépaicment  ,  une  farine  plus  refre  encore  quantité  de  belle  &  bonne 
belle  Se  plus  favoureufe  que  celle  du  farine  adhérente  au  fon  ;  ce  qui  le 
corps  farineux  qu'on  nomme  farine  rend  gras  ,  lourd  &  épais.  On  fait 
de  bled.  quelebledrenfermebeaucoupd'huile. 
Tome  FI.  K  k  k  k 


GrG 


MOU 


qui  a  des  propriétés ,  &:  qu'on  fe  pro- 
cure en  prellant  le  grain  entre  deux 
lames  de  ter  chaud  :  de  même  ,  cette 
mouture  groilîère  étant  rapide  «Se  fort 
ferrée  ,  elle  écliaufte  le  grain  &  fait 
fortir  l'huile  du  bled;  la  farine,  ta- 
mifée  fur  le  champ  ,  loifqu'elle  ell 
encore  brûlante  &  gralle  ,  ne  peut 
fe  détacher  du  ion  ,  ce  qui  le  rend 
gras.  Le  bluteau  ne  pouvant  débiter 
aullî  vite  que  les  meules ,  on  éprouve 
un  déchet  &  une  perte  d'autant  plus 
confidérables  ,  que  le  bluteau  ti\  plus 
fin.  Un  feptier  de  bled  de  deux  cent 
quarante  livres  ne  rend  fouvent  que 
quatre  vingt  dix  livres  de  farine,  au 
lieu  de  cent  loixante-quinze  à  cent 
quatre-vingt  qu'il  pourroit  produire. 
Si ,  au  contraire  ,  le  bluteau  elf  gros 
&  ouvert ,  le  ion  palIe  avec  les  re- 
coupes &  les  gruaux  bruts  ,  ce  qui 
rend  le  pain  lourd,  brun  ,  indigefte^ 
difficile  à  levex  &c  à  cuire  ,  Sec. 

Les  inconvéniens  de  la  mouture 
ruflique ,  (Jv.-  les  pertes  qu'elle  entraîne , 
l'ont  fait  abandonner  à  Paris  &  dans 
plufieurs  provinces  ,  fur  tout  par  les 
boulangers.  On  a  préféré  avec  raifon 
la  mouture  en  groffe  y  qui  confifte  à 
faire  moudre  le  grain  fans  bluteau. 
A  la  fortie  des  meules ,  on  eniache 
le  fon  pêle-mêle  avec  la  farine  ,  &: 
1  on  rapporte  tout  le  produit  à  la  mai- 
fon  ,  ou  l'un  eft  d'obligation  de  le 
tamifer  Se  bluter  à  la  mam. 

Cette  mouture  en  grojje  ,  quoique 
moins  défedtueufe  que  la  précédente, 
eccafionne  cependantbiendes  pertes, 
fans  parler  de  celles  qui  viennent  de 
la  mauvaife  mouture,  parce  que  les 
meuniers  ont  intérêt  d'expédier  l'ou- 
vrage. On  peut  même  ajouter  que 
le  prix  des  moutures  n'ayant  aug- 
menté que  de  très-peu,  ou  même  de 
rien  du  tout  en  plufieius  lieux ,  mal- 


MOU 

çrré  le  furhaulTement  des  baux  ,  de 
l'impôt  &  de  toutes  les  déniées,  les 
meuniers  les  plus  honnêtes  fe  trou- 
vent forcés  de  hâter  l'ouvrage,  &  de 
ne  broyer  les  grains  qu'à  moitié  j 
pour  fe  trouver  au  pair.  Mais,  pour 
le  rertreindre  aux  feuls  inconvéniens 
de  la  mouture  en  grolTe  ,  il  doit  fe 
trouver  une  grande  variation  dans 
les  produits  ,  iuivant  les  différentes 
manières  de  bien  ou  mal  faffer  ou 
bluter.  On  fen:  de  relfe  ,  que  le  pau- 
vre &  l'artifan  ,  obligés  de  vivre  aa 
jour  le  jour  ,  &  d'acheter  le  bled  à 
la  petite  mefure  ,  ne  falTent  qu'une 
fois  par  un  tamis  de  même  grolleur, 
litôt  que  la  farine  encore  chaude  eft 
arrivée  du  moulin ,  &  qu'ils  elfuient 
à-peu-près  la  même  perte,  le  même 
déchet  que  dans  la  mouture  ruftique. 
Le  bourgeois ,  qui  laille  repofer  & 
refroidir  la  farine  ,  en  ne  la  faifant 
bluter  qu'.i  mefure  de  l'emploi ,  dans 
une  bluterie  dont  le  fas  eft  de  trois 
grolfeurs  ,  fait  bien  moins  de  perte  j 
mais  il  en  effuie  toujours  beaucoup, 
fur-tout  en  confiant  le  foin  de  la 
bluterie  à  des  letvantes  &;  à  des 
domeftiques  ignorans.  Les  boulan- 
gers j  qui  font  moudre  à  la  grode , 
font  ceux  qui  favent  tirer  le  meil- 
leur parti  de  cette  méthode  ,  par 
une  bluterie  bien  entendue  &c  bien 
conduite.  Ceux  de  Paris  fur-tout 
excellent  dans  cet  art. 

Le  commerce  a  aurtî  contribué  ï 
perfeétionner  la  mouture  en  groffe 
dans  les  provinces  méridionales  ,  où 
l'on  fabrique  les  farines  de  minot  , 
ainfi  nommées  du  nom  des  barri- 
ques dans  lefquelles  on  les  envoie 
aux  Ifles.  Avant  de  faire  moudre  le 
grain  dans  la  mouture  méridionale  , 
on  a  foin  d'adoucir  les  meules  en  les 
faifant  travailler  pour  le  pauvre,  eu 


»           MOU  M  O  U             (Tiy 

pour  les  beftiatu.  On  rapporte  tout  mais  il  n'étoit  pas  affez  iiiftruic  fur 

le  produit  de  la  mouture  qu'on  étend  les  procédés  de  la   mouture    écono- 

dans  un  grenier  ^  pour  le  lallFer  fer-  mique  ,  pour  pouvoir  les  comparer , 

menter  en  tas   pendant   cinq  ou  fix  quoiqu'il   y   ait  d'excellentes  chofes 

femaines.  Ce  tas  de  farine  entière  fe  dans  Ion  Ouvrage.  Parmi  une  infinité 

nomme  r^/we,  fans  doute  parce  qu'on  de  défauts  qui   fe  rencontrent   dans 

le  remue  de  temps  à  autre  avec  des  la  mouture  méridionale  ,   elle  ai", 

rames  ou  balais  ,  pour  le  faire   fer-  le  vice  de  multiplier  la  main-d'œu- 

menter   également  par- tout  avec  le  vre  &d*occafionnerla  perre  du  temps; 

fon.  On  prétend  que  cette  opération  z".    de  trop  échauffer  la  farine,   par  ■ 

perfectionne  la  farine  ,  6c  la  difpofe  un  moulage  trop  fort  6c  trop  ferré  , 

à  fe  mieux  féparer  des  fous.  Quand  quand  on   veut  broyer  en  une   feule 

la  rame  efl:  refroidie,  il  but  la  biu-  fois  tontes  les  parties  du  grain  5  3°. 

ter  à  propos  \  une  féconde  termen-  la    farine  trop  échauffée    fermente  , 

cation  la  feroit  gâter ,  en  détruifant  ce  qui ,  au  lieu  de  la  bonifier,  comme 

la  combinaiion  de  principes,  qui  cil  on  le  croir ,  peut  en  altérer  la  qualité 

le  réfultat  de  la  première.  plus  ou   moins    :  d'ailleurs  ,  fi    l'on 

Pour  tirer  la  brine  de  la  rame  ,  manque  l'inflant  de  cette  première 
on  la  lait  palTer  par  un  bluteau  de  fermentation,  on  court  rifque  de  voir 
trois  qualités  qui  fe  fuivenc  par  de-  corrompre  tout  le  ras  de  rame  ou  de 
grés  de  fineffe.  On  fe  fert  nuOi  de  fanne  entière  j  4°.  la  farine  qui  a 
plufieurs  bluteries  de  différentes  éprouvé  un  commencement  de  fer- 
foies,  plus  ou  moins  groffes.  La  la-  mentation  ,  à  caufe  du  fou  qu'on  y 
rine  qui  tombe  la  première  ,  fe  nom-  laiffe  pendant  fix  femaines  ,  ne  fe 
me  farine  de  minât  ,  ou  le  fin  ;  la  conferve  pas  fi  bien  que  celle  qui  a 
féconde  fe  nomme  leyTOT/'/t;,  &  quand  été  purgée  du  fou  fans  fermentation- 
on  la  mêle  avec  la  première  ,  on  5°.  on  facrifie  ,  parle  défaut  de  rc- 
Vz^'^sWq  fimplefin ,  ou  farine  en  cô  ;  moulage  ,  des  grefiilons  &  repaffes  , 
enfin,  la  troilième  Se  la  plus  groffe  ,  &  même  du  fon  qui  eft  mal  écuré , 
qui  comprend  le  germe  &  la  plupart  uns  quantité  confidérable  de  bonne 
des  gruaux  ,  fe  nomme  greftHon ,  farine  qui  pourroit  erre  employée 
fans  doute  à  caufe  de  fa  reffemblance  avec  avantage  :  Icfin  qu'on  retire  par 
avec  du  grefil.  Oi\  paffe  encore  les  cette  méthode  eft  en  très-petite  quau- 
fons  dans  un  bluteau  plus  gros ,  pour  tiré, 

en    tirer  une   farine  grofiîère   qu'on  Enfin  ,  la  monture  méridionale  ne 

nomme  repajfe  ,  &  qu'on  mêle  avec  diffère  de  la  mouture  en  groffe,  que 

le  grefillon  pour  faire  le /'ai/z  ^« /5aw-  par  la   fermentation   qu'on    lui    fait 

rrc  :  le  fimple  fert  à   faire    le   pain  éprouver  à  l'aide  d'un  air  chaud   & 

bourgeois,  &  le  fin  s'envoie  aux  Illes  d'une  mouture  ferrée.  Cette  fermen- 

en  minot,  ou  fert  à  faire  le  pain  des  ration  n'a  pas  paru  fi  nécellaire  dans 

riches.  les  pays  feptentrionaux  ,  où  le  bled 

L'auteur  de  l'art  de  la  meunerie,  eft  moins  fec  &  le  climat  plus  humi- 

infére  parmi   ceux    de  l'Académie  ,  de  :  elle  feroit  inutile  d'ailleurs  dans 

donne   la   préférence   à    la   mouture  la  mouture  économique ,   où    l'on  a 

méridionale   fur   toutes   les  autres  j  trouvé  le  fecret  de  moudre  à  plufieurs 

'  K  k  k  k  i 


Cz"^  MOU 

reprifes  toutes  les  paities  du  grain  , 
fans  échauffer  la  farine,  &  d'épargner, 
par  des  bhitcaux  attachés  au  moulin, 
des  manipulations  ultérieures  ,  du 
temps  &  des  frais.  Ceux  des  bou- 
langers de  Paris  ,  qui  font  encore 
moudre  à  la  grolTe  ,  &c  qui  font  en 
petit  nombre  ,  fe  contentent  de  bif- 
fer repofer  leur  farine  avant  de  la 
bluter  ,  fur-tout  b'ils  ont  le  moyen 
d'attendre. 

§.    II.    Examen   des  pièces  parùcu- 
lièrcs  aux  moulins  économiques. 

Les  moulins  économiques  ne  dif- 
fèrent des  moulins  ordinaires  que  pat 
les  cribles  ,  tarares  &  autres  ma- 
chines à  nettoyer  les  grains.  Le  (im- 
pie énoncé  ou  catalogue  des  pièces 
qui  conftituent  ceux-ci  ,  fuffit  pour 
en  donner  une  idée  jufte.  D'ailleurs, 
on  peut  fe  tranfporter  dans  les  mou- 
lins ordinaires ,  &  y  érudier  ce  que 
l'on  ne  connoitrou  qu'iinpatfaite- 
ment. 

Les  deux  points  capitaux  de  la 
mouture  par  économie  ,  coniiftent  : 
i".  A  bien  manœuvrer  les  bleds 
pour  ne  les  moudre  qu'après  avoir 
été  bien  épurés  &  nettoyés  de  toutes 
les  mauvaifes  graines  &  poulfières 
qui  les  infeftent  :  2'.  à  bien  féparer 
les  farines  des  fons  ^  recoupes  & 
gruaux,  pour  pouvoir  rewort^rd  ceux- 
ci  féparément  &  à  propos. 

On  vient  à  bout  de  la  première 
opération  par  le  moyen  des  cribles  j 
tarares  ,  &cc.  &  de  la  féconde  par  le 
fecours  des  hluteries  adaptées  au  mou- 
lage. Toutes  ces  machines  font  leur 
effet ,  &  font  mifes  en  mouvement 
par  la  même  force  motrice  de  la  roue 
à  aubes  :  le  refte  eft  entièrement  fem- 


M  O  U 

blable  aux  moulins  ordinaires  ,  tels 
qu'ils  font  décrits  dans  ce  chapitre. 

Le  nettoyage  des  grains  doit  pré- 
céder leur  moutures ,  &  ne  s'opère  que 
par  les  cribles  qui  font  de  trois  for- 
tes j  i".  les  cribles  ronds  à  la  main. 
Voyez  f  s;.  II  ,  delà  Planche  XJ , 
pjg.  309,  du  fécond  volume,  au 
mot  Blutoir.  Les  cribles  inclinés 
ou  cribles  d'Allemagne ,  fig.  i  o  de  la 
me  me  gravure  ;  3  °.  Les  cribles  cylin- 
driques ,  fig.  1.  idem. 

Le  meunier  économe,  qui  fait  de 
queiie  importance  il  eft ,  pour  faire 
de  belles  farines  &  de  bon  pain.  Se 
même  pour  la  fanté ,  de  ne  moudre 
que  des  grains  bien  nets  j  bien  épu- 
res ,  bieny^cj  &  bien  rafraîchis  par 
[efaffément ,  fait  ufage  d-'S  trois  for- 
tes de  cribles  dont  on  vient  de  pat- 
1er ,  fur-tout  quand  il  a  des  endroits 
convenables,  (?c  que  fon  moulin  a 
plufieufs  étages  ;  parce  qu'alors  le 
même  mouvement  du  moulage  peut 
faire  tourner  les  cribles  &  épargner  la 
main  d'œuvre. 

On  fcpare  avec  les  cribles,  les  bleds 
dans  les  trois  qualités  àx^tupiéss  dans 
le  commerce  des  grains  ;  favoir ,  bled 
de  la  tète  ,  bled  du  milieu  de  bled  de 
la  dernière  qualité. 

Dans  le  crible  normand ,  qu'on  em- 
ploie à  la  main  ,  on  fait  palfer  tout 
le  grain  le  plus  petit ,  le  moins  nour- 
ri &  les  mauvaifes  graines.  Ce  bled, 
formé  en  tas  avec  le  crible  normand, 
fert  à  faire  les  petites  fatines  b;fes  de 
dernière  qualité.  Un  autte  avai:tage 
qu'on  a  de  fe  fervir  d'abord  du  crible 
normand ,  c'eft  que  le  coup  de  poignée 
fait  venir  du  bord  ,  au-deffas  du  bon 
bled,  la  paille  du  petit  bkd  mort, 
toutes  les  bouffies  ,  &c  fur- tout  Ver- 
gct  &;  la  cloccuc  j  qui  eft  propre- 
ment l'euveloppe  du  bled  charbon- 


M  O  U 

né  ,  donc  la  pouffière  fétide  nuiroit  à 
la  qualité  des  faiùnes  &  à  la  fakibricé 
du  pain.  L'homme  fe  plaint  fouvenc 
d'un  grand  nombie  de  maladies  dont 
il  ignore  la  fource  j  il  la  trouveroit 
dans  Ion  indolence  à  nettoyerles  grains 
dont  il  fe  nourrir.  Lorfque  le  coup 
de  poignet  a  fait  monter  routes  ces 
faletcs ,  qui  fe  rallemblent  au-delUis 
du  bon  grain  parce  qu'elles  font  plus 
légères  que  lui ,  on  les  enlevé  foi- 
gneufement  à  la  main ,  ce  qui  ne  peut 
s'opérer  auffi  patfairement  dans  les 
autres  cribles  que  dans  le  crible  nor- 
mand qui  mérite,  à  cet  égard,  la 
préférence  ,  ou  du  moins  qui  eft  plus 
à  la  portée  dt  tout  le  monde. 

Après  cette  opération  ,  on  verfe  le 
bon  grain  qui  n'a  pu  pafler  par  le  cri- 
ble normand ,  dans  un  grand  crïhlc 
cylindrique  à  fil  de  jer  ,  dont  la  tête 
étant  plus  ferrée  ,  lailfe  palier  le  grain 
moyen  y  &  l'orme  le  bled  du  milieu  :  la 
partie  intérieure  de  ce  cylindre  étant 
un  peu  plus  ouverte  ,  livre  palfage 
aux  grains  les  plus  gros ,  les  plus  ronds 
&  les  mieux  nourris  ,  qui  forment  le 
bled  de  la  tête. 

Après  la  divifion  faite  de  ces  bleds 
en  crois  qualités  ^  ils  ne  font  point 
encore  nettoyés  des  poufllcres  prove- 
nant du  mélange  des  grains  étrangers, 
de  la  nielle  &  de  la  pouflière  du  char- 
bon ,  donc  la  brolîe  du  grain  peut  être 
garnie.  , 

Mais  on  remplit  ce  dernier  objet, 
en  faifant  palier  chaque  qualité  de 
grain  féparément  par  le  veintlaceur  (  i  ) 
ou  crible  à  vent,  que  les  meuniers 
nomment  tarare,  mot  fignilicatif , 
emprunté  du  bruit  qu'il  lait. 

Du   ventilateur  ,   le  b'ed  combe 


M  O  U  <îi9 

dans  un  grand  cylindre  de  fer-blanc  , 
appelle  crible  des  Chartreux  ,  dont  les 
feuilles  de  fer-blanc' font  piquées  en- 
dedans  en  manière  de  râpe  pour  né- 
toyer  (i\;  comme  râper  les  grains  qui  y 
font  ballotés  ,  afin  d'enlever  la  poul- 
iiére  de  charbon  dont  ils  pourroient 
être  tachés.  Au  lortir  du  cylindre  de 
fer  blanc  ,  les  bleds  coulent  dans  un 
lecond  xntle  d'Jllemagne  j  au  bas 
duquel  eft  un  emoiteux  j  pour  ancrer 
les  pierres  &  les  petites  mottes  de  ter- 
re qui  auroient  pu  paifer  avec  le  bled 
par  tous  les  cribles.  \]\\ç.  petite  poche 
de  cuir  qui  eft  attachée  fous  ce  der- 
nier crible  incliné  ,  en  reçoit  les  cri- 
blures  (Se  mr.uvaifes  graines.  D'autres 
le  iervLiit  d'un  petit  ventilateur  qui' 
eft  préférable  au  crible  d'Allemagne, 
attendu  que  le  cylindre  en  râpe ,  ayant 
occafionné  beaucoup  de  cralTe  &  de 
poulllère  dans  le  bled  par  les  tours 
qu'il  a  fait,  le  vent  les  jette  liors  ou 
dans  une  poche.  Enfin  ,  le  bled  bien 
nettoyé  tombe  dans  la  trémie  ,  &  de- 
1.1  entre  les  meules ,  où  il  eft  écrafé. 
Ce  manœuvrage  induftrieux  des  bleds 
en  augmenteroit  beaucoup  la  valeur. 
11  faut  fuppofer  un  étage  fupé- 
rieur  dans  tous  les  moulins  ordi- 
naires ,  pour  y  placer  les  diftérens 
cribles  dont  j'ai  parlé,  Se  p^our  faire 
tourner  par  le  même  moteur  un  ven- 
tilateur ou  tarare  ,  fig.  f>  6*  9  ,  Plan- 
che XFi  j  un  crible  des  Chartreux  , 
fig.  14,  «Se  une  bîuterie  cylindrique, 
fig-  S  y  ^  ^  7  ■>  deftinée  pour  bluter 
à  part  les  fons  gras  lorfqu'on  les  a  un 
peu  lailTés  fécher  ,  afin  d'en  tirer  en- 
core mieux  la  farine  qui  pourroic  y 
erre  reftée  adhérente  :  elle  peut  aullî 
faciliter  le  travail  des  moulins  qui , 
tandis    que    la    bluterie    fépare    kj 


(  i)  Voyez  figure  1 ,   j ,  4  de  k  même  gravure  que  l'on  vient  de  citer. 


6^.o  MOU 

gruaux  ,   continuenr  toujours  de  leur 
côté  à  moudre  du  nouveau  bled. 

Pour  ce:  elret ,  il  n'y  a  qua  adap- 
ter à  l'extrémicé  d'un  arbre  de  couche 
ou  horifontal ,  faif>in:  un  anL;le  droit 
avec  le  grand  arbre  tournant  du  mou- 
lin ,  une  petite  lanterne  de  dix-huit  à 
vingt  pouces  de  diamètre  ,  plus  ou 
moinî ,  fuivant  la  force  du  moulin, 
ahn  que  les  fufeaux  de  cette  petite 
lanterne  5  prenant  les  dents  du  rouet  F, 
falTenc  tourner  l'arbre  de  couche  de 
trois  ou  quatre  pouces  de  gros ,  dans 
lequel  font  emmanchées  les  lïo\s pou- 
lies S  ,  Planche  Xf^l. 

Ces  poulies  font  de  petites  roues 
cannelées  qu'on  enchalle  dans  les  ar- 
*bres  des  machines ,  auxquelles  on  veut 
imprimer  un  mouvement  de  rotation 
par  le  moyen  d'une  chaîne  ou  corde 
ians  fin.  Ces  poulies  fe  peuvent  pren- 
dre dans  une  même  tourte  de  bois 
d'orme,  quand  la  bluterie  à  fon  gras 
eft  droit  fous  le  tarare ,  ou  li  elle  n'y 
eft  pas ,  on  place  fa  poulie  fur  l'arbre 
de  couche  au  droit  de  ladite  blute- 


rie. 


11  eft  bon  que  les  poulies  de  l'ar- 
bre de  couche  foient,  autant  que  faire 
fe  peut ,  directement  au-deQ'ous  des 
autres  poulies  adaptées  aux  autres 
machines  qu'elles  doivent  mettre  en 
mouvement  :  car  fi  les  poulies  ne  pou- 
voient  pas  être  placées  direâ:ement 
les  unes  fous  les  autres ,  il  faudroit 
abfolument  fe  fervir  de  poulies  de 
renvoi  pour  regagner  la  perpendicu- 
laire. 

La  poulie  d'en-bas  du  tarare  ou 
ventilateur ,  peut  avoir  trente  pouces 
de  diamètre  ,  Se  celle  qui  fera  em- 
manchée dans  le  tourrillon  de  l'arbre 
tournant  du  ventilateur ,  doit  avoir 
douze  pouces  :  celle  de  l'arbre  de  cou- 
che, deftiuée  à  faire  mouvoir  le  moulin 


M  O  U 

de  fer- blanc ,  vingt-quatre  pouces ,  & 
celle  emmanchée  dans  le  bourde  l'ar- 
bretournantdudit  moulin  de  fer-blanc, 
vingt-huit  pouces.  On  peut  faire  cette 
dernière  poulie  d'une  tourte  plus  épaif- 
fe ,  afin  d'y  ménager  une  féconde  pou- 
lie de  renvoi  qui  ira  faire  tourner  un 
grand  crible  de  fil  de  fer ,  pofé  en 
fens  contraire  du  moulin  de  fer- 
blanc. 

Enfin  la  poulie  qui  fera  rourner  la 
bluterie,  doir  avoir  vingt-deux  pou- 
ces ,  (Se  celle  qui  fera  emmanchée 
dans  le  bois  de  l'arbre  tournant  de  la- 
dite bluterie,  doit  avoir  vingt  -  fix 
pouces.  Toutes  ces  mefures  peuvent 
varier  fuivant  la  différence  &c  la  force 
des  moulins  ,  des  machines  &:  des 
mouvements.  On  peut  voir  cette 
difpofition   dans  la   Planche  XFI  j 

fis-  S. 

En  général ,  on  peut  obferver  que 
fi  le  mouvement  fe  trouve  trop  rapi- 
de ,  on  peut  tenir  les  poulies  plus 
grandes  en  haut,  ou  bien  fe  conten- 
ter de  diminuer  celles  du  bas  :  cela 
fera  rallentir  le  mouvement.  S'il  ar- 
rivoit  au  contraire  que  le  mouvement 
fût  trop  lent,  on  diminueroit  les  pou- 
lies d'en  haut ,  ou  ,  ce  qui  produiroit 
le  même  effet ,  on  en  metttoit  de 
plus  grandes  en  bas.  On  doit  calcu- 
ler les  poulies  luivant  la  force  des 
moulins  ,  de  manière  que  le  ventila- 
teur falfe  quatre-vingt-dix  à  cent  tours 
par  minute  ,  &  la  bluterie  ,  ou  crible 
cylindrique,  environ  vingt- cinq  ou 
trente  au  plus. 

Il  eft  nécelfaire  que  les  poulies 
foient  faites  en  patte  d'écreviff'e  , 
c'eft-à-dire  ,  que  la  rainure  foit  large 
d'entrée  ,  &  aille  toujours  en  dimi- 
nuant, afin  que  les  cordes  ferrent 
mieux  iSc  rournent  avec  plus  de  faci- 
lité.   U  eft  à  propos  que  les  cordes 


MOU 

employées  A  ces  opérations  ,  aient 
déjà  fervi  ,  parce  qu'elles  ne  font 
ponu  h  dures ,  &  qu'elles  font  tour- 
ner plus  rondement  quand  elles  onc 
fait  leur  eÇ'et. 

On  Git  que  les  cordes  fe  raccour- 
cirent dans  les  temps  humides,  &  s'al- 
longent dans  les  temps  fecs.  On  re- 
médie aifément  à  cet  inconvénient , 
en  mettant  au  bout  des  cordes  une 
patte  de  cuir  de  Hongrie  d'un  bout , 
&  de  l'autre  une /o/^Dc^.  Par  ce  moyen 
fi  fimple ,  on  peut  allonger  ou  rac- 
courcir les  cables  fuivant  le  temps. 
On  peut  encore  taire  de  petites  haf- 
cules  j  qui  fervent  à  élever  ou  à  baïf 
fer  les  arbres  tournants  \  ce  qui  fera 
allonger  ou  raccourcir  les  cordes  fui- 
vant le  befoin. 

Si  le  tarare  ne  tourne  point  affez 
rapidement  j  le  fecre.t  eft  de  raccour- 
cir les  cordes  ;  s'il  tourne  au  contraire 
avec  trop  de  rapidité,  il  taut  les  ral- 
longer. 

Cet  arrangement  eft ,  fans  nulle 
comparaifon  ,  de  beaucoup  préférable 
aux  rouages  &  aux  petits  hérljjons 
qu'on  pourroit  employer  en  pareilles 
cccafions  j  parce  que  les  poulies  du- 
rent bien  plus  &  coûtent  bien  moins» 
D'ailleurs,  ces  hcriifons  demandent, 
pour  leur  exécution  ,  un  charpentier 
habile  &  verfé  dans  la  méchanique  , 
ce  qui  n'eft  pas  l'acile  à  trouver  \  au 
lieu  que  l'invention  des  poulies  cft 
d'une  lîmplicité  qui  eft  à  portée  de 
toutes  fartes  d'ouvriers ,  &  qui  ne 
demande  que  peu  d'attention  éi.  d'a- 
drelfe  pour  être  conduite. 

Telle  eft  ,  en  général  ,  la  manière 
d'opérer  la  première  chofe  qu'exige 
la  bonne  mouture  par  économie  , 
favoir  ,  le  parfait  nettoiement  des 
grains. 


MOU 


^31 


§   III.  Des  pièces  qui  donnent  le  mou- 
vement au  blutage  j  &c. 

Le  blutage  de  la  méthode  écono- 
mique contribue  en  quelque  farte 
encore  plus  que  les  meules ,  à  la  per- 
feétion  des  farines.  C'eft  par  cette 
raif^n  que  la  mouture  en  grolfe  & 
la  mouture  méridionale ,  dans  lel- 
quelles  on  blute  hors  le  moulin ,  ap- 
portent tant  de  fîins  ,  tant  de  pré- 
cautions &:  de  patience,  &  emploient 
un  h  grand  nombre  de  bluteaux  dif- 
ferents  pour  dillinguer  les  farines  , 
les  gruaux  de  les  fons. 

La  mouture  ruftique  avoir  un  avan- 
tage fur  les  deux  autres ,  en  ce  qu'en 
faifmt  bluter  en  même  temps  cju'elle 
broie  les  grains  ,  elle  épargne  du 
temps  &  de  la  main  d'œuvre.  Mais 
la  bluterie  eft  (î  imparfaite,  &  la  perte 
qu'on  elfaie  ,  taure  de  favoir  em- 
ployer les  fons  gras,  eft  fi  confidéra-- 
ble ,  que  la  mouture  en  grolfe  (^îc  Li 
mourure  méridionale ,  malgré  leurs 
impertedlions  ,  font  de  beaucoup  pré- 
férables à  la  mouture  ruftique. 

Les  meuniers  économes  ont  adopté 
ce  que  toutes  les  antres  méthodes 
avoient  de  meilleur  :  ils  ont  pro.uré 
aux  moutures  en  grolfe  l'épargne  du 
temps  &  de  main  d'œuvre  employés 
aux  bluteries  hors  le  moulin  ,  &  ils 
ont  fubftitué  à  la  mouture  ruftique 
toute  la  perfeétion  des  bluteries  de  la 
mouture  en  grolfe  &  de  la  méridio- 
nale. Outte  ces  avantages ,  conlidé- 
rabies  par  eux-mêmes ,  ces  meuniers 
ont  encore  fu  iÀXQ  hénéfickr  leur  mé- 
thode de  tout  l'excédent  de  belles  fa- 
rines de  gruaux ,  c'eft-à  dire,  des  meil- 
leures parties  du  grain  .  que  tes  autres 
meuniers  lailfent  confommer  en  pure 
perte. 


^3 


I  MOU 

On  voie  par-là,  de  quelle  impor- 
tance eft  la  bluterie  dans  la  mouture 
par  économie ,  donr  elle  eft  une  dé- 
pendance Si  comme  racceiroire  prin- 
cipal. Il  y  a  un  grand  nombre  de  mou- 
lins économiques  qui  pèchent  u)ar  cet 
article  :  la  perfedion  &  la  conduite 
du  blutage  méritent  la  plus  férieufe 
attention  des  meuniers  pour  qui  cette 
fcience  eft  toute  nouvelle. 

II  ne  faut  pas  que  le  blutage  com- 
mande le  moulin  ;  en  effet ,  s'il  ne 
répondoit  pas  fuftifamment  au  mou- 
vement des  meules,  cela  occafionne- 
roit  un  retard  ,  parce  qu'il  faudroit 
fouvent  retirer  du  bled.  Le  bluteau 
jlperieur ,  placé  dans  la  huche  fous 
les  meules  ,  eft  un  fac  d'étamine  de 
fept  à  huit  pieds  de  longueur ,  dont 
l'ouverture  eft  coufue  par  un  bout  , 
fur  le  cerceau  qui  joint  au  trou  de  la 
huche  par  où  fort  le  fon  gras  :  ce 
dernier  tombe  dans  Yanche,  qui  con- 

■  duit  dans  le  dadinace  ou  la  bluterie 
o 

cylindrique  ,  pofée  dans  la  partie  in- 
férieure de  la  même  huche.  Il  faut 
donc  que  ce  bluteau  fupérieur  tamijc 
érralement  la  mcme  quantité  que  les 
meules  font  de  farine  \  autrement  li 
le  bluteau  ne  tamife  pas  aufti  vite  que 
le  moulin  moud  ,  il  faut  relever  Vau- 
get  de  la  trémie ,  pour  empêcher 
qu'il  ne  tombe  tant  de  bled  dans  les 
meules.  Mais  alors  les  meules  n'ayant 
pas  une  nourriture  fuffifante  ,  ou  man- 
quant de  bled  ,  font  la  farine  rouge  _, 
parce  que  le  fon  fe  broie  en  très -pe- 
tites parties  &  fe  mêle  à  la  farine.  Il 
eft  donc  bien  ellentiel  que  le  bluta- 
ge marche  en  même  temps  que  le 
moulin, puifque s'il  fait  un  retard^  & 
que  les  meules  n'aient  pas  autant  de 
bled  qu'elles  en  àc)\s&\\i  porter  ^  les 
farines  feront  bifes  &  mauvaifes.  Si 
au  contraire  le  bluteau  tamife  plus 


MOU 

vite  que  le  moulin  nt  fournit  ^  il  ta- 
mife mal  &  il  laiiïe  palfer  du  fon  avec 
la  fleur. 

Tout  dépend  donc  de  l'accord  de 
ces  pièces  ,  qui  doivent  être  propor- 
tionnées entr'elles ,  afin  qu'elles  puif- 
fent  produire  leur  effet  à  leur  aife. 

Pour  parvenir  à  faire  bien  bluter 
un  moulin  ,  il  faut  que  le  pivot  du 
babillard,  c\  Planche XTIII  Jo\i  pla- 
cé fut  le  chevreffur  j  du  dedans  Z  , 
ou  à  côté  &  le  plus  près  poffible  ,  à 
fix  ou  huit  pouces  des  tourillons  de 
V arbre  tournant  T,  Planche  XP'III.  Il 
faut  lui  donner  une  croijee  Q ,  de 
trente  à  trente-lix  pouces ,  à  quatre 
bras ,  quand  le  lieu  le  permet.  Si 
l'on  eft  borné  par  la  place ,  il  fuftit 
de  monter  une  croifée  faite  d'une 
tourte  de  bois  dorme ,  d'environ  vingt- 
deux  pouces  de  diamètre  ,  avec  trois 
bras  égaux  de  huit  à  dix  pouces  de 
longueur  ,  en  obfervant  de  percer 
bien  dans  le  milieu  ,  la  lumière  ou  le 
trou  par  où  doit  palier  le  fer  du  mou- 
lin. A  l'aide  de  c:t  arrangement,  le 
blutage  fera  excellent  &:  très-doux  ; 
car  il  eft  fouvent  préférable  de  ne  laif- 
fer  que  trois  bras  .à  la  croifée  ,  parce 
que  lorfqu'il  y  en  a  quatre,  &:  que  le 
moulin  va  fort ,  les  coups  font  trop 
fréquents ,  6:  le  blureau  n'a  pas  le 
temps  de  bien  tamifer. 

On  fe  rappelle  fans  doHte  que  le  ha- 
billardQ?z  une  pièce  de  bois  polee  per- 
pendiculairement ,  de  manière  qu'elle 
peut  fe  mouvoir  en  bas  fur  un  pivot, 
&  en  haut  dans  un  collet  de  fer  ou  de 
bois  bien  dur,  attaché  au  beffroy.  11 
eft  percé  en  haut  d'une  lumière  ou 
trou  quarré ,  par  où  pafte  la  batcc  j 
qui  va  joindre  la  croifée  ,  &  d'une 
féconde  lumière  où  pafte  la  baguette , 
ou  clogne  attachée  au  bluteau. 

Pour  monter  U  batte    i  &  la  ba- 
guette 


MOU 

guette  P  dans  une  jufte  proportion  , 
il  faiK  appuyer  la  baguette  d'un  côté 
P  contre  la  huche  5  ,  &  inefurer  la 
batte  I  contre  la  pointe  de  la  croifée 
Q,  de  façon  qu'il  y  ait  à -peu -près 
deux  pouces  de  diftance  du  bout  de 
la  batte  au  bout  de  la  croifée.  On 
laiirc  alors  revenir  le  babillard ,  de 
manière  que  la  batte  prenne  de  quatre 
à  cinq  pouces  fur  le  bras  de  la  croifée, 
Se  l'on  eft  sûr  alors  que  la  baguette 
doit  f^.ire  remuer  le  bluteau  dans 
une  jufte  vîrefie ,  &  ne  fauroit  toucher 
contre  la  huche  en  tournant  ;  ce  qu'il 
faut  éviter  avec  foin.  Il  faut  que  la 
force  de  la  batte  foit  proportionnée  à 
celle  du  moulin  ,  «Se  même  qu'elle  ne 
foit  pas  fi  forte,  parce  que  cette  par- 
tie doit  être  lejle. 

Si  un  moulin  eft  en-dejfous  avec 
une  huche  de  bouc  j  il  convient  de 
mettre  le  babillard  à  mont  l'eau  ;  & 
avallant  l'eau  j  toujours  près  du  tou- 
rillon ,  fi  c'eft  un  moulin  eti-dejfus. 
Le  mouvement  en  eft  bien  plus  doux. 

Lorfqu'un  moulin  va  très-fort ,  il 
y  a  toujours  de  l'avantage  de  préférer, 
comme  on  l'a  dit ,  une  croifée  à  trois 
iras  &  trente  pouces  de  diamètre  , 
<|uand  le  lieu  le  permet.  On  peut 
faire  la  croifée  de  trois  morceaux  de 
jantes  ;  c'eft-à-dire  ,  de  ces  pièces  de 
bois  qui  forment  les  tours  d'une  roue 
de  charriot  emmanchées  l'une  dans 
l'autre  &  bien  chevillées  :  de  cette 
manière  la  croifée  n'eft  pas  fi  fujette 
à  fe  fendre  que  h  elle  n'étoit  que  d'u- 
ne feule  pièce. 

On  parvient  à  la  confolider  par  le 
moyen  de  trois  boulons  ou  tètes  de 
fer  de  deux  à  trois  pouces  de  tour , 
retenus  chacun  par  un  bon  e'crouj&c  qui 
prenne  depuis  la  tourte  du  deflous  de  la 
lanterne  ,  c'eft-à-dite  depuis  l'aHlette 
du  deflous  de  la  lanterne ,  jufques 
Tome  FI. 


MOU  6y, 

deflus  les  bras  de  la  croifée  :  ces  bou- 
lons fervent  de  faux  fufcaux  en  de- 
dans de  la  tourte  ,  en  y  ajoutant  une 
cquerre  de  fer  fur  la  croifée  fi  l'on 
veut  de  la  folidité  ,  &  fermant  le  tout 
à  écrou  ;  cette  pièce  devient  prefquç 
impérilTable,  elle  rend  le  mouvement 
plus  doux  &  cafte  bien  moins  de  blu- 
teaux  que  les  croifécs  à  quatre  bras, 
fur- tout  quand  les  moulins  paftent 
vingt-cinq  à  trente  fetiers.  En  eiTet,  à 
chaque  tour  de  lanterne,  la  croifée 
heurte  trois  fois  contre  la  batte ,  ce  qui 
fait  remuer  trois  fois  le  babillard,  la 
baguette  ,  &  par  conféquent  le  blu- 
teau ;  &  quatre  fois  lorfque  la  croi- 
fée a  quatre  bras.  Comme  il  faut  que 
le  bluteau  aille  &  vienne,  il  eft  évi- 
dent que  lorfque  le  moulin  va  vite, 
le  bluteau  n'a  pas  le  temps  de  reve- 
nir ,  &:  la  farine  ne  fe  remue  pas  bien. 

On  ajoute  un  fécond  babillard  au- 
près du  premier  quand  on  fe  fert  d'un 
dodinagc  ou  bluteau  lâche  pour  tami- 
fer  les  gruaux ,  en  obfervant  que  Ci 
le  grand  babillard  qui  donne  la  fe- 
coulle  au  bluteau  fupérieur  ,  eft  à 
mont  l'eau  y  à  côté  de  l'arbre  tournant, 
il  faut  que  celui  du  dodinage  ou  blu- 
teau inférieur  foit  avallant  l'eau  :  fi 
au  contraire  le  grand  eft  avallant , 
l'autre  doit  être  à  mont  l'eau. 

Mais  lorfqu'au  lieu  du  dodinage  , 
ou  fécond  bluteau  à  gruaux  ,  on  pré- 
fère ,  comme  pl'us  utile,  une  petite 
bluterie  cylindrique  ,  alors  on  la  fait 
tourner  au  moyen  d'une  petite  lan- 
terne de  vingt  à  vingt-deux  pouces  de 
diamètre  ,  avec  onze  ou  douze  /«- 
féaux  3  même  à  huit  (  fuivant  la  force 
du  moulin  )  qui  s'engrènent  dans  les 
dents  d'un  petit  henffon  de  vingt- 
quatre  à  vingt -cinq  chevilles  ,  pofé 
autour  de  l'arbre  tournant  ^  près  les 
tourillons  du  dedans. 

LUI 


6i4 


MOU 


Cette  dernière  méthode  eft  très- 
bonne  ,  lorfque  la  huchc  eft  de  haut  , 
c'eft-à-dire,  lorique  les  biuteaiix  font 
far  la  même  ligne  que  l'arbre  du 
moulin.  Mais  lî  la  luiclie  eft  de  pun , 
c'eft- à-dire  ,  fi  elle  eil  pofce  en  fens 
contraire  de  l'arbre  du  moulin  ,  de 
manière  qu'elle  coupe  l'arbre  du  mou- 
lin à  angles  droits  ,  alors  on  pourri 
faire  engrener  une  petite  lanterne  ou 
un  petit  hcrilTon  dans  les  dents  du 
srand  rouet  ;  cette  lanterne  ou  hcrif- 
fon  fera  tourner  à  l'autre  bout  une 
poulie  qui ,  par  le  moyen  d'une  chaî- 
ne ou  d'une  corde  ,  ira  prendre  l'au- 
tre poulie  adaptée  à  J'arbre  de  la  blu- 
terie  cylindrique,  pour  lui  communi- 
quer le  même  mouvement.  On  fent 
que  ces  poulies  doivent  être  propor- 
tionnées à  la  force  des  moulins ,  c'tft- 
à-dire,  que  loifqu'un  moulin  va  fort, 
il  faut  que  la  poulie  foit  plus  grande 
pour  rallentir  fon  mouvement  :  iî  le 
moulin  eft  inférieur  en  force,  il  faut 
que  la  poulie  foit  pli>s  petite  ,  pour 
multiplier  le  mouvemenr.  En  un  mot, 
il  faut  donner  aux  poulies  le  diamè- 
tre nécelfaire  pour  que  les  bluteries 
falfent  à-peu-prcs  vingt-cinq  tours 
par  minute. 

Il  faut  des  pages  entières  pour 
décrire  des  machines  qui  font  fi  fim- 
ples ,  que  la  feule  infpeftion  les  fe- 
roit  comprendre  dans  un  clin  d'œil. 
J'ai  tâché  d'y  fupplèer  en  déhniirant 
tous  les  termes ,  afin  de  donner  de  la 
clarté  aux  exprelFiuns,  &  de  les  rendre 
à  portée  d'être  facilement  entendues, 
fur-tout  h  l'on  veut  prendre  la  peine 
de  conférer  les  explications  avec  les 
gravures. 

§.  I  V.   Des  llutcaux  j  (St. 

Après  l'examen  des  pièces  qui  don- 
nent le  mouvement  au  blutage ,  vient 


MOU 

celui  de  l'arrangement  intérieur  d'u- 
ne bonne  blutene  •  il  taut  une  huche  5 , 
Planche  JCTIII,  de  fept  à  huit  pieds 
de  longueur ,  &  de  trois  à  quatre 
pieds  de  largeur ,  avec  un  hiuceau  à 
trois  grands  its  d'ecamine  ^  ou  à  qua- 
tre petiti  lés  ,  ce  qui  produit  le  même 
efte:. 

Vers  le  haut  de  cette  huche  ,  on 
place  nnpalonnier  4 ,  Planche  XFIII, 
Parc.  1.  fupporté  pat  des  ac<}ouples 
de  fer  ou  de  cuivre,  &  même  de  cor- 
de ,  qui  tieiinent  à  la  huche  ^'  au  pa- 
lonnier.  Ce  palonnier  qui  ferc  à  fou- 
tenir  la  corde  An  bluteau ,  eft  un  mor- 
ceau de  bois  blanc  bien  inc  &  bien 
léger  ,  d'environ  quarre  pouces*  de 
largeur  \  il  doit  déborder  le  bluteau 
aux  deux  bouts ,  tant  à  caufe  des  ac- 
couples qui  le  foutiennent  par  des  cor- 
dons ,  que  des  paffemerus  qui  font  le 
tour  du  palonnier. 

Les  paffemencs  font  la  partie  du 
cordeau  qui  foutient  le  bluteau  ,  ren- 
forcée d'une  longe  de  cuir  de  Hon- 
grie ,  qui  doit  aller  le  long  du  blu- 
reau  &  foutenir  les  attaches  de  cuir 
qui  tiennent  à  la  baguette  :  la  der- 
nière attache  du  bluteau  doit  être  au 
bout  de  la  baguette  ,  &  l'autre  à  en- 
viron quinze  pouces  de  diftance.  II 
eft  à  propos  que  la  longe  de  cuir  ait 
déjà  fervi,  afin  qu'elle  s'alonge  moins 
ayanr  fait  fon  effet.  Il  eft  bon  de  ré- 
duire le  palonnier  à  un  pouce  d'épaif- 
feur  entre  les  deux  pafTements,  parce 
que  plus  il  fera  léger,  &:  mieux  le 
bluteau  tamifera  j  il  fuffir  qu'il  ait  de 
la  force  aux  accouples  &  fous  les  paf- 
fements. 

On  ne  doit  point  mettre  de  palfe- 
ment  de  l'autre  côté  des  attaches ,  à 
moins  que  ce  ne  foit  un  moulin  très- 
forcé;  car  quand  le  bluteau  eft  fermé 
d'un  palîement  des  deux  côtés ,  fou- 


MOU 

vent  il  ne  commence  à  bluter  qu'ïux 
attaches  :  il  y  en  a  qui  prêtèrent  les 
bluteaux  à  quatre  petits  lés  ëc  deux 
palûiiniers  à  chajjis  _,  parce  qu'étant 
bien  ouverts  ils  doivent  mieux  blu- 
ter: mais  ces  bluteaux  font  trop  lourds 
Se  trop  matériels  pour  des  moulins 
inférieurs  de  force  \  le  poids  des  deux 
palonniers  à  chailis  furcharge  trop , 
&c  un  blutage  ne  fauroit  être  ttop  leile 
pour  bluter  avec  plus  de  facilité  :  quoi- 
qu  il  n'y  ait  qu'un  pairement,  on  ne 
doit  pas  craindre  que  le  bluteau  fe  dé- 
cjiire  s'il  eft  bien  monté. 

La  pente  qu'on  donne  au  bluteau, 
doit  ccce  d'eaviion  un  pouce  par  cha- 
que pied,  fuivant  la  longueur  de  la 
huche  \  c'eft-à-dire ,  une  huclie  de 
huit  pieds  à  huit  pouces  de  pente ,  & 
fept  pouces  de  pente  fi  elle  n'a  que 
fept  pieds ,  à  moins  que  ce  ne  loit  un 
moulin  qui  aille  fort  :  auquel  cas  on 
peut  donner  en.ore  quelques  pouces 
de  pente  aubluceau,  afin  qu'il  ne  fe 
charge  pas  tant. 

On  ne  peut  avoir  de  belle  farine 
que  par  l'accord  du  blucage  avec  le 
moulage ,  parce  que  le  bluteau  doit 
débiter  à  proportion  que  les  meules 
travaillent  :  ainli  la  grolfeur  du  blu- 
teau doit  être  proportionnée  à  la  force 
des  moulins  :  car  plus  un  moulin  moud 
fort  &  vite  ,  plus  il  fmt  que  le  blu- 
teau débite  à  proportion  •,  il  doit  par 
conféquent  être  un  peu  plus  gros  ,  afin 
qu'il  laille  palTer  vice  la  farine ,  puif- 
qu'il  s'en  préfente  plus ,  fi  les  meules 
vont  vite  &  fi  elles  moulent  promp- 
tement.  Un  moulin  qui  ^iffieurc  bien, 
foutlre  un  bluteau  plus  gtos  fans  que 
la  farine  en  foit  pour  cela  plus  bife. 

La  qualité  &:  la  finefle  des  bluteaux 
doit  auffi  varier  fuivant  la  fécherelTe 
des  bleds  ,  fuivant  la  piquure  des 
meules ,  &  fuivant  qu'un  bluteau  eft 


MOU  ^3^. 

bien  ou  mal  monté.  Tout  le  monde- 
fait  que  quand  les  bleds  font  fecs ,  il 
faut  des  bluteaux  plus  fins ,  &  que 
quand  ils  font  tendus  ,  il  en  faut  de 
plus  ronds  :  des  meules  piquées  con- 
V.  nablement ,  &  montées  pour  faire 
un  bon  travail ,  peuvent  foulFrir  un 
bluteau  plus  rond  ,  fans  pour  cela  rou- 
gir la  farine.  Souvent  on  peut  faire 
bluter  également  un  bluteau  de  deux 
échantillons  plus  fins  l'un  que  l'autre 
avec  les  mêmes  bleds  &  mêmes  mou- 
lins d'égale  force  j  tout  cela  dépend 
de  la  manière  de  bien  monter  le  blu- 
cage. 

L'e'iamine  ou  étoffe  à  deux  étaims  , 
eft  une  étoffe  de  laine,  qu'on  fabri- 
que à  Rheims&  en  Auvergne  ,  pour 
les  bluteaux  ,  &:  qui  porte  un  tiers 
ou  un  quatt  de  largeur  :  il  y  a  douze 
échantillons  d'étamines  pout  les  blu- 
teaux ,  qui  vont  en  augmentant  de 
finelfe  depuis  le  numéro  i  i  ,  jufqu'aux 
numéfos  40  à  4Z ,  c'elV à-dire  qu'elles 
ont  depuis  onze  jufqu'à  quarante-, 
deux  fils  dans  chaque  portée  :  les  der- 
niers numéros  font  les  plus  fins,  parce 
que  plus  il  y  a  de  fils  dans  une  même 
portée,  &'  plus  les  intervalles  qu'ils 
iaifient  entre  eux  font  étroits,  ainfî 
on  prend  ces  derniers  numéros  pour 
les  bluteaux  fupérieurs  qui  tamifent 
la  fleur-farine  de  bled  ,  &c  on  emploie 
depuis  le  numéro  1 1  jufqu'au  nu- 
méro 1  8  ,  pour  le  dodinage  ou  blu- 
teau inférieur  qui  doit  tamifet  les 
gruaux  &  recoupes ,  &.c. 

Tous  les  détails  qu'on  vient  d'expo- 
fer  montrent  fuffifamment  de  quelle 
importance  il  eft  de  ben  favoir  mon- 
ter les  bluteaux  fupérieurs  ,  propres 
.1  tamifer  la  farine  de  bled  éi  celle 
de  gruau  :  c'eft  apparemment  cette 
difficulté  qui  avoit  engage  le  fieur 
MalilTet  à  fubftituer  dans  fes  mou- 
L  1  1  1  1 


^3^ 


MOU 


lins  de  Corbeil ,  des  bliuoires  Cylin- 
driques de  foie  aux  bluteaux  lâches 
ordinaires  j  mais  il  s'en  faut  bien  que 
le  produit  en  farine  blanche  en  fuit 
nunî  avantageux ,  tant  pour  la  qua- 
lité que  pour  !a  quantité ,  &  ils  ne 
peuvent  d'ailleurs  lervir  à  faire  mou- 
dre les  gruaux. 

En  effet,  ces  blutoires  de  foie  don- 
nent affez  leur  premier  produit  pour 
les  farines  de  bled  ,  parce  qu'il  s'y 
trouve  des  fons  alongés  ,  des  gruaux 
en  nature ,  &  des  recoupes  en  noyaux 
durs  ,  qui,  par  leur  falfement ,  frot- 
tent continuellement  la  foie,  &  fa- 
cilitent le  partage  de  la  fleur  :  mais 
loffque  les  gruaux  font  remoulus ,  il 
ne  s'y  trouve  prefque  plus  aucuns 
noyaux,  aucune  dureté,  &  les  blu- 
toires de  foie  s'engraiflent  &  ne  ta- 
mifent  plus ,  ou  du  moins  pas  fi  bien, 
à  beaucoup  près,  qu'une  étoffe  de 
laine  fortement  fecouée ,  &  fans  ceffe 
ngltée  par  le  mouvement  de  la  ba- 
guette. 

On  a  fait  à  Lizy,  près  de  Mèaux 
en  Brie,  une  nouvelle  épreuve,  qui 
confiffe  à  mettre  deux  bluteaux  dans 
le  premier  étage  d'une  huche  dé  bout , 
de  fix  pieds  de  large  fur  fept  à  huit 
de  long,  un  babillard  à  monc  l'eau, 
&  l'autre  av allant ,  à  côté  de  l'arbre 
tournant.  Il  y  a  ai;flî  deux  anches  qui, 
à  l'aide  d'une  cou/iffe  adaptée  à  la 
pièce  d't/îcAcvtrri/rfij  dirigent  la  farine 
pour  la  faire  tomber  également  dans 
les  deux  bluteaux  :  il  fiut  que  le 
fécond  bluteau  foit  plus  fin  que  le 
premier  ,  attendu  que  la  première 
anche  ,  du  côté  de  la  pouflée  de  la 
meule,  eft  celle  où  eftla  couliffe,  & 
par  où  la  fleur  tombe  toujours  h  pre- 
mière :  au  moyen  de  cette  coulilfe, 
on  charge  le  fécond  b'ureau  tant 
Se  fi  peu  que  l'on  veut.  Il  faut  tenir 


MOU 

ces  deux  bluteaux  à  trois  petits  lés,. 
&  bien  ouverts ,  avec  des  palonniers 
larges,  comme  on  l'a  expliqué  ci- 
devant. 

Il  faut  obferver  qu'avant  cet  arran- 
gement,  la  huche  du  moulin  de  Lizi 
étoit  de  travers  au  lieu  d'être  eiv 
long,  de  forte  que  n'étant  pas  pof- 
fible  d'approcher  le  babillard  près  le 
tourillon  ,  à  caufe  d'un  mur,  il  falloir 
retirer  beaucoup  de  bled  au  moulirji 
pour  faire  bluter  le  bluteau  ,  ce  qui 
rougifloit  la  farine.  Ce  moulin  ne  poii-^ 
voit  moudre  alors  qu'environ  trente 
fetiers  en  vingt  quatre  heures  j  mais 
depuis  qu'il  eft  monté  de  cette  nou- 
velle façon ,  il  peut  moudre,  dans  la' 
bonne  eau,  jufqu'à  cinquante-cinq  & 
même  foixante  fetiers  dans  le  rncme 
efpace  de  temps,  Ik  faire  la  farine  de' 
bien  meilleure  qualité.  Une  fuite  de- 
cette  obfetvation  eft  que ,  pour  opérer 
un  pareil  changement  dans  un  mou» 
lin,  il  faut  qu'il  aille  fort,  &  que' 
les  meules  foient  bien  ardentes  à  pro- 
portion, pour  bien  affleurer  &  écurer 
les  fons ,  ôc  cela  parce  qu'il  a  fallu 
augmenter  le  débit  du  bluteau  à  pro- 
portion de  la  force  du  moulin  :  il 
faut  cependant  avouer  que  la  farine 
d'un  moulin  économique,  qui  va  de 
vin.gt  cinqà  quarante  fetiers,  eft  pré- 
férable à  celle  d'un  moulin  qui  dé- 
bite jufqu'à  foixante  fetiers. 

Pour  terminer  cet  article  du  blu- 
tage par  quelques  principes  généraux,, 
il  faut  examiner,  i''.  fi  le  babillard 
du  bluteau  fupérieur  n'eft  éloigné  du 
tourillon  de  l'arbre  rournant  que  de 
fix  à  huit  pouces ,  ou  de  dix  au  plus;, 
2"-'.  fi  la  bluterie  déchire  les  blu- 
teaux ,  eu  i'ils  bluttenr  trop  fort  ;  car 
alors  il  faudroit  débrayer  la  batte  ou 
la  baguette  pour  rallentir  &  diminuer 
leurs  coups  j   3''.  ou  bien  s'il  arrivoiV 


MOU 

que  les  bliueaiix  ne  blutent  point 
alfez ,  ce  ferait  alors  une  marque 
qu'ils  n'auroient  pas  alTez  de  mouve- 
ment, &  il  taudioic  r embrayer.  Dé- 
brayer oujrembrayer ,  c'eft  ferrer  plus 
ou  moins  la  batte  fut  la  croifée ,  ou 
ferrer  la  baguette  plus  ou  moins  près 
de  la  huche  du-  côte  de  la  croifée. 

§.  V.  Du  dûdcnage  &  de  la  bluurie 
cylindrique. 

Comme  l'étage  fupérieur  de  la 
huche  ell:  pour  les  bluteaiix  fins ,  def- 
tinés  à  tirer  la  première  farine  de 
blé  ,  on  place  dans  l'étage  inlcrieiir 
un  dodmage  ou  blureau  lâche,  d'une 
étamine  plus  ouverte,  &  de  deux  ou 
trois  grolTeurs  pour  féparer  les  gruaux 
&  recoupes.  Ce  dodinage  peur  être 
fait  &  monté  comme  le  grand  blu-- 
tage  ,  à  l'exception  que  la  lumière 
de  la  baguette  ne  doit  point  être  à 
plomb  à  celle  de  la  batte 3  mais  elle 
doit  être  percée  un  peu  en  équerre, 
fuivant  la  lumière  de  la  batte  ,  c'eft^ 
à-dire  venant  fur  la  croifée,  afin  de 
donner  au  bout  de  la  baguette  une 
plus  grande  diftance  de  {on  moteur, 
&  que  cela  falîe  mieux  tamifer,  en 
donnant  un  plus  grand  mouvement 
audodijiage.  Si  le  grand  babillard  ell: , 
comme  on  l'a  déjà  dit,  à  mont  l'eau, 
celui  du  dodinage  doit  ètreavallant , 
parce  qu'il  faut  les  pofer  en  fens 
contraires. 

Dans  tous  les  cas ,  foit  qne  l'on 
ait  une  huche  de  bout  j  foit  qu'elle 
foit  de  plat,  on  doit  préféter  une 
bluterie  cylindrique  à  itn  dodinage, 
fur-tout  fi  l'on  vife  au  blanc ,  de  à 
i'exaéte  divifion  des  matières.  Cette 
bluterie  «fe  met  en  mouvement , 
comme  on  l'a  pu  remarquer  plus  haut, 


M  O  U 


637 


au  moyen  d'une  lanterne  emmanchée 
à  fon  exttémité  ,  &:  engrenant  dans 
les  dents  d'un  petit  hérilTon  pofé 
près  les  tourillons  fur  l'aibie  tour- 
nant j  ou  bien  on  lupplée  la  lanterne 
&  l'hérilTon  par  deux  poulies  unies 
pir  un  pignon  ,  engrenant  dans  les 
dents  du  grand  rouet. 

Par  le  moyen  de  cette  bluterie, 
on  a  toujours  un  gruau  plus  parfait 
qu'avec  un  dodinage  ,  mais  il  fauc 
bien  prendre  garde  que  la  bluterie  ne 
(q gomme  j  c'eft-à-dire,  ne  s'engrailTe 
par  les  gruaux  trop  mous.  C'eft  ce 
qui  arrive  encore  quand  le  bluteau 
fupérieur  ne  blute  pas  fuffifamment, 
ou  blute  mal ,  parce  qu'alors  il  tombe 
dans  la  bluterie  cylindrique  de  la 
farine  de  bled,  ou  de  la  fleur  avec 
les  gruaux,  ce  qui  gomme  la  foie. 

Lorfqu'on  fe  fert  d'un  dodinage,, 
les  gruaux  ,  &  fur-tout  les  féconds  , 
font  fouvent  mêlés  de  rougeurs,  &• 
quand  on  fait  remoudre  ces  parties, 
qui  font  dures  &  petites  ,  on  eft 
obligé  d'approcher  les  meules  pour 
pouvoir  les  atteindre,  &  l'on  rougit 
la  farine  en  mettant  en  poudre  les 
rougeurs  que  le  dodinage  a  mêlées 
aux  gruaux.  Le  plus  siàr  moyen,  pour 
avoir  du  blanc  ,  eft  de  faffer  les 
gruaux  gris ,  pour  en  ôtet  les  rou- 
geurs avant  de  les  moudre. 

Alais ,  parle  moyen  d'une  bluterie, 
on  foulage  le  moulin  pour  n'enlever 
que  l'écorce  extérieure  de  la  partie 
qu'on  veut  moudte ,  patce  qu'on  eft^ 
sûr  que  la  bluteiie  féparant  exacfte- 
ment  ces  rougeurs  ,  on  pourra  enfui  te, 
dans  le  moulage  ,a/'/jroc/z<.T  tant  qu'on 
voudra  pouv atteindre  les  petits  noyaux 
qui  auront  échappé  aux  premières 
moutures  ,  fans  piquer  ni  rougir  la 
farine  qui  en  doit  provenir.  Le  pre- 


^38  AI  O  U 

mier  les  de  la  blaterie  faic,  en  dernier 
travail,  un  gruau  clair  &  tîn,  qu'on 
peur  aifément  metrre  dans  le  blanc  ; 
le  fécond  lés,  un  fécond  gruau  qui  eft 
bon  pour  le  bis-blanc ^  &  une  partie 
du  refte  en  bis  :  au  lieu  qu'avec  le 
dodinage,  les  gruaux  reftans  du  re- 
moulage font  bien  plus  rouges ,  & 
ne  peuvent  plus  être  employés  qu'en 
bis. 

La  bluterie  eft  encore  d'une  grande 
-milité  lorfqu'il  y  a  des  recoupes  qui 
font  dures  j  ce  qui  ell  fouvent  occa- 
fionné  par  une  rhabillure  trop  foncée, 
ou  par  la  nature  du  bled.  Lorfqu'on 
veut  remoudre  ces  recoupes,  on  ell 
obligé  d'approcher  le  moulin  ,  ce  qui 
le  fatiçTue  beaucoup  &  roucu  totale- 
ment  h  t«rme  qui  provient  de  ces 
recoupes,  fi  l'on  fe  fer:  d'un  dodi- 
nage \  au  lieu  que ,  par  le  moyen  d'une 
blaterie,  le  moulin  va  roujours  en 
allégeant ,  fans  que  l'on  remette  les 
rougeurs  fous  la  meide ,  ce  qui  fait 
que  la  farine  provenant  de  ces  re- 
coupes eft  bien  plus  claire.  On  trouve 
encore  par  le  remoulage  au  premier 
lés  de  la  bluterie  ,  de  petits  gruaux 
bons  à  metrre  en  ^i5-/'/i7/7c  j  &  le 
refte  en  bis;  ce  qui  avantage  beau- 
coup un  moulin,  parce  que  rien  n'eft 
perdu,  &  qu'il  tourne  toujours  fur 
fes  march'indjfes  en  allégeant. 

Il  eft  vtai  que  cette  méthode  oc- 
cafîonne  des  évaporations  ;  mais  on 
en  eft  amplement  dédommagé  par  la 
quantité  &  la  qualité  de  la  farine. 
D'ailleurs ,  il  ne  faut  pas  perdre  de 


MOU 

vue  qu'on  n'entend  parler  ici  que  d'uu 
moulin  à  blanc  ,  d'où  l'on  cherche  à 
tuer  de  grandes  qualités  :  mais  pour 
un  moulin  à  bis  ou  à  bis-b.anc  j  le 
dodinage  eft  fuffifant,  &  l'on  peuc 
tirer,  par  fon  moyen,  la  totalité  des 
farines.  On  ne  prétend  cependant  pas 
blâmer  les  dodinages  j  mais ,  d'après 
l'expérience ,  il  confte  que  les  blute-^ 
ries  font  les  gruaux  ^p] as  clairs.  Plu- 
fieurs  meuniers  fe  fervent  d'abord  du 
dodinnge  pour  dégraiffèr  les  fons  gras, 
&  enfuite  d'une  bluterie  :  cette  opé- 
ration eft  très-bonne. 

On  pourra  encore  objecter,  qu'au 
§.  précédent  on  a  blâmé  la  méthode 
de  ceux  qui  préfèrent  les  blutoirs  de 
foie  aux  bluteaux  d'ctamine  ;  mais 
il  s'agilToit  alors  du  bkueau  fupérieur, 
qui,  dans  tous  les  cas,  doit  être  de 
laine,  parce  qu'il  eft  deftiné  à  palTer 
la  fleur  ou  farine  de  bled  qui  gom- 
meroit  la  foie  :  ici  au  contraire  il  ne 
s'agit  que  du  bluteau  inférieur  pour 
les  gruaux  &  recoupe"^,  dont  le  fu- 
périeur a  ôté  la  fine  fleur  ou  farine 
alongce  fur  le  bled ,  &  gf'^jj^  par 
elle-même  ,  &  qui  a  befoin  d'une 
forte  fecoulfe  pour  être  bien  blutée  ; 
au  lieu  que  la  bluterie  cylindrique 
fuftic  pour  les  gruaux  fecs  &  les  fons 
durs.  D'ailleurs  ,  les  foies,  ou  quin- 
tins  &  cannevas  des  cylindres  à 
çruaux,  doivent  être  plus  ouverts  o^q 
ceux  qu'on  emploieroit  à  tamifer  la 
farine  de  bled,  &  par  cela  même  ils 
font  moins  fujets  à  s'engraifler  , 
&c.  (  I  ) 


(  I  )  Ceux  qui  on:  aflez  d'emplacement ,  feront  bien  de  laiffer  fermerter  le  fon  gras  avant 
de  le  paffer  à  la  bluterie ,  le  gruau  fc  fépare  mieux ,  le  fon  refte  plus  (i.c ,  &c  On  verra 
daiis  l'explication  des  Plar.chcs  ,  les  moyens  de  placer  avantageufement  cette  bluterie 
féparémcnt ,  fans  qu'elle  gcne  en  aucune  manière  les  autres  opérations  du  moulin. 


MOU 

§.  V 1.  Réfumé  de  toutes  les  machines 
du  moulin  économique  ,  de  leur  prix 
commun  j  &  des  moyens  de  monter 
les  moulins  ordinaires  à  l'écono- 
mique. 

On  a  cru  bien  faire  de  récapi- 
tuler en  très- peu  de  mors  le  jeu  des 
inachines  ,  &  de  fuivre  le  bled  par 
les  difFérens  chançemeus  fuccellîfs 
quil  éprouve,  pour  parvenir  a  don- 
ner fes  divers  produits. 

En  fuppofant  donc  qu'il  s'agifTe 
d'un  moulin  à  eau  de  pied  ferme  , 
où  l'on  peut  moudre  par  CLonomie, 
avec  des  greniers  au-deiïus  pour  le 
nettoyage  des  grains;  le  bled  ,  après 
avoir  été  tranfportc  ,  à  l'aide  des  ma- 
chines ,  dans  l'étage  fupérieur  ,  où 
il  eft  criblé  &  féparé  en  Çqs  trois 
qualités  de  bled  ,  de  la  tête  ,  du  mi- 
Ut  u  &  de  la  dernière  clajje  ,  par  les 
différens  cribles  normands  &  à  cylin- 
dre ,    eft  verfé  , 

1*.  Dans  la  trémie  du  tarare  ou 
ventilateur ,  qui  en  enlève  lapouflîère 
&:  la  halle. 

D'où  il  tombe,  i°.  dans  le  crible 
cylindrique  de  jcr-hlanc  , 
où  le  bled  moucheté  iSc 
niellé  eft  comme  versetté 
&  râpe; 

—  3".    \y-\wi\Q  crible  d'Allemagne 

incliné  ,  au  bas  duquel  eft 
\émotteux. 

—  4°.     Dans  la  trémie  des  meules , 

qui    le    verfe    par   Wiugct 
agité  par  \tfrayon. 

—  5'.    Dans  Vœillard  de  la  meule 

courante,  à  travers  les  bras 
de  ï'annille  ; 

—  6°.  Sur  le  cœur  de    la    meule 

fifflmce  boudinière  j    où  il 
fe  bfije. 


M  O  U  ^39 

—  7°.    Dans   Ventrepied  des  meu- 

les ,  où  il  s'afine  Se  fe  forme 
en  gruau  ; 

—  3^.    Dans  la /eai///^re  des  meu- 

les ,  où  il  s'affleure  par 
Vecurage  des  Jons  &  fe 
convertit  en  farine  ;         î 

—  9".   Dans  Manche  ,  où  la  farine 

entière  eft  challée  par  le 
mouvement  circulaire  des 
meules  ; 

—  ic°.    Dans  le  bluteau  fupérieur, 

où  palfe  la  farine  de  bled  , 
dite  le  blanc  ,  <Sc  d'où  fort 
le  fon  gras  ; 

—  11°.    Dans  le  dodinage  ,  ou  blu- 

terie  cylindrique  ,  qui  dif- 
tingue  le  fon  gras  dans  fes 
trois   gruaux  j  recoupettes 
&  recoupes  ; 
Et  enfin,    12°.   Au  bout  du  bluteau 
inférieur  ,    par  où  fort  le 
fon   maigre  bien  cvidé  de 
farine. 
Quand  on  a  retiré  toutes  ces   qua- 
lités &  ces  divers  produits  du  grain, 
on  met  à  part  la  farine  de  bled  ou 
le  blanc  tiré  par  le  bluteau  fupéntur, 
(Se  on  la  diftingue  en  deux  qualités  ; 
favoir  ,  la  première  farine  de  bled  j 
ou  la  feur ,  qui  fe  trouve  à   la   tête 
du    bluteau,  (S:  un  cinquième  ou  un 
fixième  fut  la  longueut  de  la  huche, 
de  féconde  farine  de  bled.  Cette  dif- 
tindion  de  première  &  de  féconde 
farine   de  bled  eft  bonne    dans  les 
inoutures ,  telles  que  celles  de  Me- 
lun  ,  où  les  fons  gras  font  rapportés 
chez  le  boulanger  ;    mais  à  la  mou- 
ture économique  toutes   ces  farines 
doivent  être    tirées  à  blanc. 

Enluite  on  prend  le  gruau  blanc 
pour  le  faire  repaffer  fous  les  meu- 
les &  le  produit  de  ce  premier  gruau 
fait  le  même  chemin  que  le  premier 


/j4o 


MOU 


pcodiiit  du  blé.  11  donne,  par  le  blu- 
teau  fupérieur  ,  une  premièie  farine 
ou  deur  ,  bien  liipérieuce  à  la  pre- 
mière de  bled.  On  la  nomme  pre- 
mière farine  de  gruau. 

Ce  qui  n'a  pas  palIé  à  travers  le 
bluteau  fupérieur,  fe  remet  encore 
fous  la  meule  ,  pour  être  remoulu 
une  féconde  lois  ,  &  l'on  obtient  la 
féconde  farine  de  gruau  ,  qui  eft  un 
peu  moins  blanche  que  la  précédente. 

Le  rétidu  de  cette  féconde  farine 
fe  repalTe  encore  fous  la  meule  une 
.troifième  fois  ,  lorfqu'on  a  pour  but 
de  rirer  la  plus  grande  quantité  de 
blanc  poflible;  mais  ordinairement  ce 
réfidu  fe  mêle  avec  le  gruau  gris , 
ce  qui  forme  une  troikème  farine  de 
gruau,  moins  blanche  encore  que  la 
féconde. 

L'on  palTe  une  féconde  ibis  fous 
Ja  meule  le  réfulu  du  gruau  gris  pour 
avoir  une  quatrième  farine  de  gruau 
qui  eft  blfe  ,  &  l'on  y  mêle  encore 
le  produit  des  gruaux  bis  &  des  re- 
coupettes  qu'on  ne  moud  qu'une 
feule  fois. 

Il  refte  à  la  fin  de  toutes  ces  opé- 
rations ,  un  petit  fon  qu'on  appelle 
fieurage  ,  ou  remoulage  de  gruaux  , 
qui  eft  bon  pour  les  volailles  &  les 
cochons . 

On  voit  par-là  qu'on  peut  varier 
à  l'infini  les  procédés  de  la  mou- 
ture par  économie,  pour  en  tirer  tou- 
tes les  qualités  de  farine  qu'on  déhre. 

La  conftruftion  de  la  cage  &  des 
bâtimens  d'un  mouhn  à  eau  de  pied- 
ferme  ,  qui  eft  la  principale  forte  de 
moulin  la  plus  commune,  la  mieux 
connue  &  la  plus  utile,  coûte  à  pro- 
portion de  la  plus  ou  moins  grande 
étendue  des  bâtimens  qu'on  veut  y 
faite  ,  &  du  nombre  ou  de  l'éten- 
due des   magafins   que  l'on  y   veut 


MOU 

établir.  On  n'entrera  point  dans  l.s 
détail  &  le  prix  de  ces  fortes  deconf- 
tructions  ,  pour  fe  fixer  à  ce  qui  re- 
garde la  méchanique  feulemenr. 

La  roue  &  l'arbre  tournant  peu- 
vent coûter  deux  cent  foixante ,  à  trois 
cent  livres ,  fuivant  la  hauteur  de  la 
roue ,  la  grolFeur  de  l'arbre ,  &  les 
ferrures  qu'on  veut  y   mettre. 

le  rouet  &  Ja  lanterne  coûtent  en- 
viron deux  cent ,  à  deux  cent  cinquante 
liv. ,  fuivant  la  hauteur  du  rouet,  la, 
qualité  des  bois,  le  boulonnement  du 
rouet,  les  ferrures  de  Ja  lanterne,  &c. 

Le  beffroi  peut  être  en  maçon-- 
nerie  ;  le  pallier ,  les  deux  braies  & 
la  trempure  peuvent  coûter  cinquante 
à  foixante  liv. 

Le  fer  ,  l'annllle  ,  le  pas  ou  cra- 
paudine ,  environ  cent  ou  cent-cin- 
quante liv.  ,  fuivant  la  force;  &  fi 
l'on  veut  y  joindre  les  nouveaux 
chalîls  à  dreffer  les  meules  avec  des 
vis,  chaflis  de  fer ,  poclette  de  cui- 
vte  ,  crapaudine  métallique  ,  c'eft 
encore  un  objet  de  foixante  à  quatre- 
vingt  liv. 

Les  deux  meules  de  bonne  qualité, 
&  bien  mifes  en  moulage  ,  peuvent 
revenir  à  environ  mille  livres ,  &  à 
Paris  j  huit  cent  liv.  Les  cerces  des 
meules,  couvercles ,  trémion,  porte- 
trémdon  ,  trémie  ,  auget  &  frayon , 
environ  cent  liv. 

La  huche  &  fa  blurerie  de  deflbus , 
oudodinage  ,  quatre-vingt-dix  à  cent 
livres  ;  fes  bluteaux ,  depuis  quinze 
à  vingt-quatre  liv.  pièce,  fuivant  leur 
finefle;  le  babillard  quinze  liv.,  (3cc. 

Et  fi  l'on  veut  y  joindre  les  ma- 
chines nécelTaires  pour  cribler  &  ma- 
nœuvrer les  bleds  ,  il  faut  une  lan- 
terne qui  prenne  dans  le  rouet;  un 
petit  atbre  de  couche  ;  poulies  ,  cor- 
dages ,  ventilateurs ,  cylindre  d'en- 

.vkoQ 


MOU 

-vîron  douze  pieds  fur  deux  pîeds  & 
demi  de  gros ,  garni  de  feuilles  de 
fer-b!anc  pique;  cribles  Normands  , 
cribles  de  fil-de-fer  à  cylindres,  cri- 
bles d'Allemagne,  inclines,  &:c.  &c. 
Toures  ces  machines  qui  fervent  à 
cribler  ^  épurer  les  blés  fans  main- 
d'œuvre  ,  peuvent  coûter  environ 
trois  à  quatre  cens  liv. ,  même  juf- 
qu'à  fix  &  huit  cens  liv.  ,  fuivant 
leurs  qualités. 

Un  moulin  à  vent  que  l'on  vou- 
droit  conftruire  pour  y  moudre  par 
économie ,  feroit  un  objet  de  cinq 
à  fix  mille  livres.  D'ailleurs  ,  tous 
ces  prix  varient  fuivant  le  prix  de 
la  main-d'œuvre ,  plus  ou  moins  chère 
dans  un  pays  que  dans  l'autre  ,  ainfî 
que  le  prix  du   bois. 

On  doit  également  conclure  de 
tout  ce  qui  précède  ,  que  rout  mou- 
lin ordinaire  peut  facilement  opérer 
la  mouture  par  économie  avec  peu 
de  dépenTes ,  en  y  faifant  très-peu 
de  changemens  ,  fur-roue  fi  l'on  ne 
veut  pas  y  ajourer  les  machines  à 
nettoyer  les  blés  ;  parce  qu'en  effet 
on  peut  y  fuppléer  en  quelque  forte 
par  les  cribles  Normands  ,  par  les 
cribles  d'Allemagne  inclinés,  par  les 
cribles  cylindriques  de  fil-de  fera  ma- 
nivelle y  &  enfin  ,  par  le  tarare  por- 
tatif. 

Dans  cette  fuppofition ,  il  ne  s'^-igit, 
l".  que  de  piquer  les  meules,  non 
pas  à  coups  perdus  comme  ci-devant , 
mais  en  rayons  compaffés  du  centre 
à  la  circonférence,  comme  on  le  voit 
repréfenté  ,  Planche  XIX  ,  part.  5. 
2°.  D'ajouter  une  huche  divifée 
fur  la  hauteur  en  deux  parues.  Dans 
la  partie  fupérieure  ,  on  placera  un 
bluteau  d'une  feule  étamine  ,  pour 
tirer  tout  le  produit  de  la  farine  de 
blé.  Pour  mouvoir  ce  premier  blu- 
Tome  VI. 


MOU 


C\\ 


teau,  on  placera  ,  comme  on  l'a  dit, 
un  babillard  ou  treuil  verrical  fur  le 
chevrejjler  du  dedans  ,  à  fix  pouces 
environ  du  tourillon  du  grand  arbre. 
Ce  treuil  roulant  pat  en- bas  fur  uu 
pivot  ,  &  par  en-haut  dans  un  collet 
attaché  au  beffroi ,  eft  percé  dans  la 
partie  fupérieure  de  deux  lumières , 
l'une  par  ou  palfe  la  batte  qui  va 
joindre  les  denrs  de  la  croifée  adap- 
tée à  \arbre  de  fer  au  delfus  de  la 
lanterne  \  l'autre  trou  ,  ou  lumière 
fert  à  palfer  la  baguette  attachée  au 
bluteau ,  de  manière  que  chaque  fois 
que  la  batte  attrape  la  croifée  ,  le 
babillard  fait  un  dtmi-tour ,  &  par 
conféquent  la  baguette  attachée  au 
bluceau  fait  le  même  mouvement 
dans  un  fens  oppofé  à  la  batte.  La 
planche  XVIll  rend  cet  arrangement 
fenfible.  «S*  eft  le  babillard  ;  1  eft  la 
batte  ;  P  ell  la  baguette  ;  3  eft  le 
bluteau;  Q  eft  la  croifée  adaptée  fur 
la  lanterne,  &  tournant  avec  elle. 

3".  Dans  la  partie  inférieure  de 
la  huche,  il  faut  mettre  une  bluterie 
cylindrique  garnie  de  trois  différentes 
étoffes  :  la  première  de  foie  ,  la  deu- 
xième de  quintin  ,  la  troifiême  de 
canncvas.  Ceux  qui  veulent  diftin- 
guer  les  recoupettes  &  recoupes ,  dii 
gruau  bis  ,  mettent  le  cannevas  de 
trois  grolfeuis.  Cette  bluterie  cylin- 
drique eft  traverfée  par  un  axe  ,  au 
bout  duquel  eft  une  lanterne  qui 
tourne  par  le  moyen  d'un  hériU'on. 
adapté  au  grand  arbre  de  la  roue.  Le 
bas  de  la  planche  XVII  fait  voir  cette 
difpofition  :  &  eft  la  huche ,  Z  eft  le 
premier  bluteau,  6  repréfenté  la  blu- 
terie ,  C  la  lanterne ,  &  N  le  hérif- 
fon  adapté  à  l'arbre  D  du  moulin. 
Souvenr ,  à  la  place  du  hérilfon  3c 
d'une  lanterne,  on  mee  à  la  tête  da 
la  bkuerie  miQ  poulie  de  renvoi ,  qui 
M  m  m  m 


64-i 


MOU 


tourne  au  moyeu  d'un  pignon  pre- 
nant dans  le  rouet.  On  peut  aufll 
lemplaLer  labhuerie  cylindrique  par 
un  dodinage  ou  bluteau  lâche  ,  formé 
d'étamines  de  trois  grolFeurs ,  &c  agité 
par  un  fécond  babillard  pofé  en  fens 
contraire  du  premier,  6cc. 
4 -Tel  eft  le  fimple  méchanifme  à 
ajouter  aux  moulins  ordinaires,  pour 
y  pratiquer  la  mouture  par  économie. 
Tous  ces  changemens  font  peu  coû- 
teux ,  quand  d'ailleurs  le  moulin  eft 
bien  monté  de  fes  pièces  ,  telles 
qu'elles  ont  été  décrites.  Une  huche 
avec  une  petite  bluterie ,  ou  dodinage , 
peut  coûter  .à-p^-près  cent  livres. 
Chaque  babillard  peut  T-tre  un  objet 
de  douze  à  quinze  livres.  11  eft  à  pro- 
pos d'avoir  cinq  à  fix  blureaux  d'éta- 
mines de  différentes  grolfcurs  ,  qui 
reviennent  depuis  quinze  à  vingt- 
quatre  livres.  On  peut  juger  par-là 
qu'un  moulin  bien  conditionne  pour 
moudre  à  l'ordinaire,  ne  peut  guères 
exiger  au-delà  de  quatre  à  cinq  cent 
liv.  Au  furplus ,  l'eftim.i.tion  de  cette 
dépenfe  concerne  principalement  les 
moulins  des  environs  de  Paris  ,  qui 
font  déjà  en  bon  état ,  quoique  muu- 
lant  brut.  Mais  lorfqu'il  s'agit  de 
raire  ce  changement  en  provmce,  & 
d'y  envoyer  des  ouvriers ,  cela  coûte 
beaucoup  plus ,  tant  pour  la  main- 
d'œuvre  que  pour  le  voyage  &  retour 
des  ouvriers.  ITail leurs ,  les  autres 
pièces  de  ces  moulins  font  fouvent 
en  très  mauvais  état. 

§.  VII.  Defc-'pàon  d'un  moulin 
économique  y  &  détail  de  fes  opé- 
rations. 

Avant  de  faire  l'explication  de  tons 
les  proi.édés  de  la  mouture  écono- 
mique ,  il  faut  donner  une  idée  lé- 


MOU 

gère  de  l'enfemble  d'un  mouUn  dif- 
pofé  pour  opérer  fuivant  cette  nou- 
velle méthode.  Cet  enfemble  fervira 
de  récapitulation  à  tout  ce  qui  a  pré- 
cédé fur  le  méchanifme  de  chaque 
partie  en  détail.  On  pourra  recourir 
au  grand  Ouvrage  de  M.  Beguil!et 
pour  avoir  de  plus  grands  éclaircif^ 
lemens  fur  les  mouhns  économiques, 
&  en  particulier  fur  celui  de  Senlis, 
dont  je  me  contente  de  tracer  l'é- 
lévation &  la  coupe  fur  la  longueur. 
&  la  largeur. 

La  planche  XVI  exprime  la  coupe 
du  moulin  fur  la  largeur.  On  y  voit 
la  liaifon  de  routes  fes  diverfes  par- 
ties :  on  doit  principalement  obfer- 
ver  comment  ,   à   l'aide  des  poulies 

5  adaptées  à  un  arbre  de  couche  , 
ayant  à  fon  extrémité  une  lanterne 
qui  s'engrène  dans  les  dents  du  rouer, 
on  fait  mouvoir  naturellement  la 
bluterie  à  fon  gras  5  au  premier  étage; 

6  dans  le  fécond  ,  le  tarare  8,9, 
au  moyen  de  \-\  poulie  de  renvoi  10  , 
ainfi  que  le  crible  de  fer-blanc  14  , 
à    l'aide  de  la  poulie  de  renvoi   11. 

\J ouvrier  22  ,  en  tirant  une  corde, 
fait  engrener  dans  le  rouet  la  lanterne 
Q  ,  qui  a  pour  axe  le  treuil  R  :  auflî- 
tôt  le  cable  19  ,  au  crochet  duquel 
eft  attaché  un  fac  ,  file  fut  ce  treuil , 
l'enlève  au  troifième  ét.ige  du  m<iu- 
lin  ,  où  l'ouvrier  le  reçoit  &  le  verfe 
dans  le  grenier  à  l'endroit  23  ,  d'où 
il  découle  dans  la  trémie  12  ,  de-là 
dans  le  tarare  8,9,  dans  V anche  1 3  , 
dans  le  crible  de  fer- blanc  14  ,  dans 
le  crible  de  jîl-de-fer  d'Allemagne  5  , 
dans  la  trémie  2  ,  de-là  entre  les 
meules   pour    être   moulu. 

Si  l'on  veut  fuivre  le  chemin  que 
fait  le  produit  du  blé  moulu  ,  il 
faut  avoir  recours  à  la  planche  XVII 
qui  répréfente   la    coupe   du  moulin 


MOU 

fur  la  longueur.  On  y  voit  dans  une 
autre  fituation  les  objets  qu'on  vient 
de  dcciire.  L'ouvrier  14  tait  engre- 
ner la  lanterne  pour  faire  monter  le 
fac  j  5  ,  (î  expriment  le  tarare  ou 
ventilateur  5  9  ,  le  bluteau  de  fer- 
blanc  ;  ^  ,  le  crible  de  fil-de-ff  r  ; 
X  ,  la  trémie  j  «  ,  la  meule  cou- 
tante  :,  m  ,   la    meule  gilTante. 

Le  blé  broyé  entre  les  meules  , 
eil  chafle  par  Vanche  i  ,  d'oti  il  en- 
tre dans  un  bluieau  fin  Z  où  paflTe 
Izjicur  de  Jarine  &  ,  qui  tombe  dans 
la  huche  :  de-là  ,  par  un  conduit  c  , 
jefiongras  va  dans  la  tlutcrie  h ,  dont 
la  lonçrueur  eft  divifée  en  trois  nar- 
ties  :  celle  qui  efl:  plus  clevée  eft 
plus  fine  que  la  féconde  ,  &  celle- 
ci  plus  fine  que  la  tioifième  :  les 
trois  tas  de  diftérens  gruaux  font 
exprimés  par  d  ,  d  ,  d  ,  ôc  le  fon 
maigre  fort  par  l'extrémité  inférieure. 

Cette  blutéric  b  eft  niife  en  mou- 
vement par  la  lanterne  e ,  que  l'on 
fait  engrener  à  volonté  dans  les  dents 
du  hérijfon  N,  adapté  au  grand  arbre 
de  la  roue. 

Quand  au  bluteau  Z  ,  il  eft  mû  par 
la  baguette  X,  qui  tient  au  babillard 
V  ,  lequel  eft  rais  à  fon  tour  en  mou- 
.vement  par  le  moyen  de  la  batte  S  , 
qui  frappant  fur  les.dents  delà  cro'ifce 
adaptée  fous  la  lanterne  T  ,  fait  agiter 
le  bluteau  Z. 

Toute  cette  difpofition  du  moulin 
étant  bien  entendue  ,  il  fera  aifé  de 
concevoir  fes  différentes  opérations. 
La  première  confifte  .1  nettoyer  &  à 
cribler  le  blé ,  avant  qu'il  tombe  dans 
la  trémie  des  meules  :  la  féconde  ,  à 
le  moudre  demanièrequ'il  nepuilTeni 
s'échauffer, ni  contradter  aucune  odeur 
ni  autre  mauvaife  qualité  ,  ni  touf- 
ftir  trop  de  déchet  &  d'évaporation  : 
la  troifième ,  à  bluter  en  même  temps 


MOU  645 

que  les  meules  ttavaillent ,  pour  fé- 
parer  les  diverfes  qualités  de  fatines 
&  de  gruaux  :  la  quatrième ,  à  faire 
remoudre  les  ditfcrens  gruaux  ,  pour 
en  tuer  de  nouvelle  farine. 

La  première  opération ,  de  nettoyer 
le  blé,  fe  fait,  comme  on  l'a  déjà 
dit ,  en  tranfportant  les  facs  au  troi- 
fième étage  ,  pour  y  palfer  pat  les  cri- 
bles. Deux  ouvriers ,  l'un  en  bas  , 
l'autre  en  haut ,  font  tout  ce  feivice. 
Le  premier,  à  l'aide  d'une  brouette 
très-commode  par  fa  fimplicité  &  fa 
facilité  ,  mène  le  fac  jufqu'à  l'endroit 
convenable ,  &  l'attache  au  ctochet 
du  cable  19  ;  auiîi-tôt  l'oi'.vtier  21  , 
Planche  XFI ,  qui  eft  en  haut  ,  fait 
engrener,  en  tirant  une  corde  ,  la  lan- 
terne Q  du  treuil  R  dans  le  rouec 
F ,  ce  qui  emporte  fur  le  champ  au 
tfoifième  étage  le  fac  de  blé  a>tta- 
ché  au  cable  1  9  :  lorfqu'il  y  eft  arri- 
vé,  l'ouvrier  21  lâche  la  corde  pour 
défeiigrener  la  lanterne  Q  ,  &  dét.i- 
che  le  fac,  qu'il  vide  fur  un  tas  voi- 
lln  ,  d'où  ,  après  avoir  été  criblé  deux 
fois  au  crible  normand  ou  à  la  main , 
il  découle  de  lui-même  à  travers  !e 
plancher,  par  un  conduit,  dans  la 
trémie  1 2  du  tarare  8  ,  où  il  eft 
éventé  par  les  ailes  9  du  ventilateur, 
qui  le  purifient  &  le  nettoyent  en 
chaffant  la  pouffière  ,  les  pailles ,  la 
clocque  ,  les  grains  Icgets  rongés  par 
les  infeétes  ,  iSc  en  féparant ,  par  fes 
grilles,  la  plupart  des  grains  étran- 
gers. Enfuite  le  grain  va  communi- 
quer j  par  le  conduit  1 3  ,  dans  le  cti- 
ble  de  fer-blanc  piqué  14,  où  il  eft 
comme  râpé  &  frotté ,  pour  en  ôter 
la  poulîière  de  charbon  :  le  tarare  &: 
le  crible  font  mis  en  aétion  par  les 
poulies  S.  De-là  le  grain  eft  reçu  dans 
un  crible  d'Allemagne  ;  ,  Planche 
XVI ,  &  y  FLxnche  XVII  ^  au  bas 
Al  m  m  m  ; 


^44 


MOU 


duquel  eft  un  émorreux  dont  les  fils  de 
fer  plus  diftancs  laiireiupalTer  le  grain 
&c  retiennent  les  pierres  &  les  petites 
mottes  de  terre  qui  pourroient  s'y 
trouver  :  enfin ,  le  grain  tombe  pur 
êc  net  dans  la  trémie  des  meules. 

Cette  piemière  opération  du  net- 
toyage des  grains,  eft,  comme  l'on 
voit  ,  indépendante  de  la  mouture 
économique ,  &  ne  regarde  que  la 
préparation  du  blé  avant  dette  mou- 
lu j  préparation  qui  peut  fe  faire  na- 
turellement &  à  peu  de  frais ,  en  dif- 
pofant  la  partie  fupérieure  d'un  mou- 
lin à  eau  de  la  manière  qu'on  vient 
de  décrire  j  mais  dans  le  cas  où  cet 
arrangement  ne  feroit  paspolîible,  il 
faut  apporter  au  moulin  les  blés  bien 
nets  &  purgés  de  toute  mauvaife  grai- 
ne \  fans  cela ,  il  ne  faut  efpéiet  ni 
belle  farine  ni  bon  pain, 

La  féconde  opération  confifte  dans 
le  moulage  du  grain  ,  fans  échauffer 
la  farine.  Les  meules  entre  lefquelles 
le  blé  eft  introduit,  font  piquées  en 
rayons  réguliers,  PL  XIX j  parc.  5. 
Jîg.  II.  Comme  les  meules  font  bien 
montées,  elles  vont  toujours  en  allé- 
geant. La  piquure  plus  fine  que  celle 
des  meules  ordinaires,  fabrique  mieu-x 
la  farine  ,  fans  couper  le  grain  ni  ha- 
cher les  fons.  A  quelques  pouces  de 
l'annille  ,  le  blé  commence  à  être 
concatfé  ;  au  milieu  de  l'entrepied  , 
ce  font  les  gruaux  ,  &  la  feuillure  af 
fleure  la  farine  &  écure  les  fons. 
Comme  on  doit  remoudre  les  diffé- 
rents grains ,  l'on  n'eft  point  torcé  de 
rapprocher  ni  de  ferrer  les  meules  , 
ainfi  que  dans  les  méthodes  oïdinai- 
res ,  où  l'on  veut  tirer  tout  le  produit 
par  une  feule  mouture.  Ici  au  con- 
traire le  premier  moulage  eft  htt  gai, 
la  farine  qui  en  fort  n'eft  point  échauf- 
fée &  conferve  toute  fa  qualité. 


u  o  u 

Par  la  troihème  opération  ,  on  ra- 
mife  la  farine  &  l'on  fcpare  les  gruaux 
en  même  temps  que  l'on  moud  ,  ce 
qui  fe  fait  d'après  les  principes  don- 
nés dans  le  chapitre  précédent ,  pour 
accorder  le  blutage  avec  le  moulage^ 
afin  que  le  bluteari  ne  débite  ni  plus 
ni  moins  que  les  meuies.  La  farine 
entière  j  c'eft-à-dire  ,  mêlée  avec  les 
gruaux ,  les  recoupes  S<  les  fons ,  tombe 
au  fortir  des  meules  parla  hanchei. 
Pi.  XVII,  dans  le  premier  bluteau  Z^ 
placé  dans  la  partie  fupérieure  de  la 
huche  :  le  blureau  reçoit  fon  mouve- 
ment  de  la  batte  S  ,  qui ,  en  frap- 
pant fur  les  bras  de  la  croifée  ,  placée 
fur  la  lanterne  T ,  fait  agir  le  babil- 
lard /-^j  &  par  conféquent  la  baguec- 
ce  X ,  attachée  au  bluteau  Z.  La  fa- 
rine qui  palfe  par  ce  bluteau  ,  tombe 
en  &  ;  elle  eft  d'une  grande  hnelfe  & 
a  toute  fa  perfcétion  j  on  la  nomme 
farine  de  blé ,  parce  qri'elle  eft  pro- 
duite dans  la  mouture  fur  blé,  ce  qui 
la  dift.ngue  des  farines  de  gruau  :  elle 
va  à-peu-près  à  la  moitié  du  produit. 

Le  refte  du  grain  moulu  qui  eft  le 
fon  gras  ,  fort  par  le  bout  inférieur 
du  premier  bluteau  ,  &  va  par  un 
conduit  c  ,  dans  un  fécond  bluteau 
frappant ,  nommé  dodinage  j  qui  eft 
plus  gros  &  plus  lâche  que  le  précé- 
dent. Il  eft  ordinairemenr  compofé 
de  trois  différentes  crofteurs  d'étami- 
nés  &  de  cannevas  qui  divifent  fi 
longueur  en  trois  parties  égales.  On 
verra  tous  ces  développemens  du  do- 
dinage, dans  les  Planches  du  grand 
ouvrage  de  M.  Beguiller  ,  &  dans 
l'explication  dont  elles  font  accom- 
pagnées. 

Dans  le  modèle  du  moulin  de  Sen- 
lis ,  il  ny  a  point  de  dodinage  dans  la 
partie  inférieure  de  la  huche  ;  à  fa 
place  eft.  une  bhuerie  à  cylindre  b  j 


MOU 

PL  XFII,  laquelle  eft  préférable , 
en  ce  qu'elle  faïc  un  plus  beau  gruau 
qu'un  dodinage  ;  elle  eft  garnie  par 
tiers  ,  de  foie  ronde ,  d'un  quincin 
&  d'un  cannevas  :  cette  bluterie  h  y 
reçoit  fon  mouvement  de  rotation  dû 
hériffon  N  ,  dont  les  dents  s'engrè- 
nent dans  les  rufeauxde  la  petite  lan- 
terne e  ,  qui  termine  l'axe  de  la  bki- 
terie  à  cylindre. 

Des  divi fions  du  bluteau  inférieur, 
foie  dodinage  ,  foit  bluterie  cylindri- 
que ,  doivent  nécelTairemenc  fortir 
trois  fortes  de  gruaux  ,  ou  plutôt  de 
matières  de  farine  imparfaite  j  dj 
d ,  d  ;  la  première ,  eft  le  gruau  blanc 
qui  fe  trouve  à  la  tête  du  blureau  ;  la 
deuxième  ,  le  gruau  gris  qui  fe  prend 
dans  le  milieu  ,  &  la  troifième  ,  les 
recoupes  à  l'extrémité  du  bluteau  : 
ceux  qui  multiplient  les  divilfons  de 
la  bluterie  cylindrique  ,  diftinguenr 
encore  avant  les  recoupes ,  \qs  gruaux 
gris  &  les  recoupcttes  ;  mais  une 
fi  grande  précifion  n'eft  pas  nécef- 
faire. 

La  quatrième  opération  du  moulin 
de  Senlis ,  confillie  à  remoudre  les  dif- 
férens  gruaux  pour  en  tirer  de  nou- 
velle farine.  Après  que  les  blu teaux  ont 
féparé  routes  les  qualités  j  &  que  le 
mei^uiier  a  mis  à  part  la  farine  de  bled, 
il  rengrène  le  gruau  blanc  trois  fois 
féparémentdes  autres  efpèces,  &c  tou- 
jours de  la  même  façon  ,  mais  en  ne 
faifanc  communément  ufage  dans  tout 
lerefte  des  opérations  que  du  premier 
bluteau  Z  ,  Planche  XTII.  On  dit 
communément ,  parce  que  les  meiàniers 
qui  vifen:  à  une  grande  qualiré  de 
blancheur  ,  laiiTenr  encore  paifer  à 
chaque  opération  les  gruaux  à  travers 
la  bluterie  cylindrique  ou  le  dodina- 
ge,  pour  en  extraire  les  rougeurs  ou 
les  parckules  de  fon  qui  s'y  trouvent. 


MOU  (Î45 

d'où  il  réfulte  que  la  deuxième  l\'  troi- 
fième farine  de  gruaux  en  efl  bien  plus 
claire. 

Le  premier  rengrènage  du  gruau 
donne  une  farine  fupérieure  en  qua- 
iSé  à  la  fjrine  de  blé  :  on  nomme 
cette  farine  de  premier  gruau  ,  blanc- 
hourgeois  ,  pour  la  diftinguer  de  la 
farine  de  blé  qu'on  appelle  le  blanc. 
Le  blanc  n'eft  pas  plus  tin  que  le 
blanc-bourgeois  ,  mais  celui-ci  a  plus 
de  corps  &  de  faveur. 

Le  fécond  rengrènage  du  reflrant 
du  premier  gruau ,  produit  une  farine 
d'une  qualité  un  peu  inférieure  à  la 
précédente,  &  le  troifième  rengrè- 
nage donne  encore  une  farine  au-def- 
fous  ,  mais  fans  mc'lange  de  fon  , 
parce  que  le  gruau  blanc  n'en  a  poinc^ 
c'til:  en  remêlant  ces  farines  des  rrois 
rengrènages  du  premier  gruau,  qu'on 
forme  le  blanc-bourgeois  j  félon  l'Au- 
teur de  l'art  de  la  meunerie  ;  mais 
félon  les  termes  admis  par  les  mar- 
chands de  farine  ,  le  blanc-bouroeois 
eft  proprement  le  produit  du  premier 
rengrènage  de  gruau  blanc  feul.. 

Le  gruau  gris  fe  rengrène  féparé- 
ment&  fe  moud  légèrement  pour  en 
extraire,  par  un  tour  de  bluterie,  les 
rougeurs ,  de  manière  que  la  tête  de 
cette  bluterie  peut  rentrer  avec  le 
gruau  blanc  fous  les  meules.  Enfin  le 
refte  du  giuau  gris ,  après  avoir  été 
repaflé  fous  la  meule  ,  donne  une  fa^ 
rine  bife  j  mais  purgée  de  fon  par 
l'attention  qu'on  a  de  moudre  les 
gruaux  gris  légèrement  la  première 
fois,  &  d'en  extraire  le  fon  ou  les 
rougeurs  par  la  bluterie.  Les  farines 
de  blé ,  de  premier  &  fécond  gruaux , 
mêlées  enfemble/orment  le  pain  blane 
de  quatre  livres  qu'on  vend  à  Paris. 

11  eft  à  obferver  qu'il  y  a  des  meu- 
niers qui  j  après  avoir  tiré  la  pteniicre 


,^i  M  O  U 

farine  du  gruau  blanc ,  mêlent  le  ref- 
tanc  des  gruaux  blancs  avec  le  gruau 
aris ,  &  les  font  repaffer  enfemble 
2eux  fois  fous  les  meules  ;  mais  les 
meuniers  intelligents  repalTent  à  part 
fous  les  meules  ,  les  gruaux  gris,  «c 
à  l'aide  d'une  bluterie  ,  parviennent 
à  en  faire  du  blanc ,  ou  du  moins  une 
partie. 

Les  recoupes  fe  rengrènent  de 
même  féparément  une  feule  fois,  & 
produifent  une  farine  blfe  égale  à-peu- 
près  à  la  féconde  qualité  du  gruau 
gris,  «Se  toujours  fans  mélange  de  Ion  : 
comme  il  tombe  à  chaque  opération 
du  blutage  ,  de  gros  gruaux  qui  ont 
échappé  à  la  meule  ,  le  meunier 
les  ramalfe  encore  pour  les  remou- 
dre ,  ce  qu'on  nomme  remoulage  de 
gruaux. 

Le  meunier  doit  être  attentif  pen- 
dant ces  différents  moulages ,  à  fixer 
rafliette  de  fes  meules ,  à  en  diriger 
les  mouvements  avec  égalité  ,  à  les 
faire  approcher  plus  ou  moins  ,  afin 
d'enlever  légèrement  la  pellicule  fui- 
vant.  les  différents  genres  de  moutu- 
re ,  &c  afin  d'empêcher  dans  tous  les 
cas  que  la  farine  ne  foit  courte  & 
échauffée  j  mais  au  contraire ,  de  faire 
en  forte  qu'elle  (oit  fraîche  j  allongée^ 
&c  produife  un  gros  fon  doux  :  lors 
de  la  mouture  des  derniers  gruaux , 
il  n'en  réfulte  qu'un  petit  fon  qu'on 
nommQ  fîeurage. 

Pendant  le  premier  moulage  fur 
blé ,  le  meunier  a  foin  de  tenir  la 
meule  courante  un  peu  haute  j  c'eft- 
à'dire  de  ne  pas  la  ferrer  beaucoup, 
afin  d'enlever  la  pellicule ,  de  faire 
plus  de  gruaux  j  &  de  mettre  moins 
de  fon  avec  la  farine^  miis  lors  de 
la  mouture  des  gruaux  ,  il  affeéte  au 
contraire  de  tenir  les  meules  plus  fer- 
rées ,  vu  que  les  parties  font  plus  pe- 


îvl  O  U 

tites  ,  dures,  &c.  Cependant  les  véri- 
tables bons  moulages  bien  rhabillés, 
demandent  fouvent  à  alléger  un  quart 
d'heure  après  avoir  pris  fleur. 

g.   Vin.    Différents   réfultats   de  la 
mouture  économique  des  blés. 

Premier  Résultat.  En  fuivnnc 
tous  les  procédés  ou'on  vient  de  dé- 
crire ,  un  ferier  u^^  bon  blé  pefant 
deux  cents  quarante  livres ,  mefure 
de  Paris ,  doit  donner  communément 
c-n  roralité  de  farines,  tant  bifes  que 
blanches ,  175  à  i  80  livres,  ci.  1  80  1. 
En  fons ,  recoupes ,  &  iffues  .  5  5 
En  déchet 5 

Poids  égal  à  celui  du  blé.     7  40  1. 


Si  la  bhuerie  inférieure  fépare 
les  ilfues  du  premier  bluteau, 
en  trois  gruaux  ,  recoupettes 
&  recoupes ,  alors  ces  diffé- 
rents produits  montent  en 
détail  ,  fa  voir  ; 
En    fleur  ou  farine  de    blé    environ 

lOol. 

En    belle   farine    de   premier 

gruau .^o 

En  farine  de  deuxième  gruau.       20 
En  farine  de  troifième  gruau.       10 
En   farine    de    remoulages  de 
gruaux  &  recoupettes    . 


10 


180 


Sons  de  différentes  efpèces.     5  5 
Déchet 5 


Poids  égal  à  celui  du  blé.   240  1. 


Par  le  mélançre  de  toutes  ces  for- 
tes  de  qualités ,  on  fait  ordinairement 
de  quatre  efpèces  de  farines;  1°.  la 
farine  de  lie  ^  ou  le  blanc  ^  en  m.ê- 
lant  les  deux  qualités  que  donne  le 
bluteau  fupérieur  j  2":'.  la  farine  des 


MOU 

trois  rengrènages  du  premier  gruau  , 
appellée  blanc  bourgeois  ;  3°.  la  ja~ 
fine  de  fécond  gruau  ,  que  l'on  mêle 
très-fouvent  avec  le  blanc  bourgeois, 
quind  le  meunier  a  eu  allez  d'adreiFe 
pour  moudre  légèremenr  le  gros  gruau 
&c  en  réparer  les  rougeurs  \  4°.  la 
farine  hife  j  qui  réfuke  du  mélange 
des  farines  des  derniers  gruaux  ,  re- 
moulages &  recoupettes. 

Les  fons  reftancs  fe  Trouvent  auffi 
de  trois  efpèces  :  les  gros  Jons  ,  les 
recoupes  ,  les  petits  fons  on  f  enrages. 

Il  faut  encore  obfeiver  qu'il  y  a 
beaucoup  de  variations  fur  les  dé- 
chets: ils  font  moins  forts  dans  les 
procès- verbaux  d'expériences  publi- 
ques ,  où  tout  eft  pefé  aux  onces  avec 
le  plus  grand  fcrupule  ,  &•  au  forcir 
des  meules ,  ce  qui  fait  moins  de 
déchet  que  fi  les  farines  repofées  ne 
font  pefées  que  deux  ou  trois  Jours 
après  la  mouture,  fur- tout  fi  elles 
ont  été  tranfporcées  de  cinq,  dix  , 
quinze  à  vingr  lieues  par  la  chaleur 
qui ,  avec  les  fecouffes  des  voitures , 
contribue  pour  beaucoup  aux  déchets  : 
fouvent  l'trreur  vient  de  l'inexaélitu- 
de  de  la  pefée  ,  &c. 

On  devinera  aifément  que  les  pro- 
duits de  la  mouture  économique  ne 
peuvent  pas  être  toujours  uniformes 
tant  en  farines  qu'en  fons  ;  les  diffé- 
rentes façons  de  moudre  &:  remou- 
dre, l'habileté  du  meunier  ,  la  bonté 
des  meules  &  du  moulin  ,  le  jeu  & 
la.  perfection  de  fes  diverfes  pièces , 
les  différentes  fortes  de  grains ,  fui- 
vant  qu'ils  font  plus  ou  moins  fecs , 
plus  ou  moins  pefants,  plus  nouveaux 
ou  plus  vieux  ,  &.c.  apportent  tou- 
jours des  d  fférencesconfidérablesdans 
les  produits.  On  va  ,  par  cette  raifon, 
examiner  encore  les  divers  produits , 
Cil  égard  aux  qualités  des  blés ,   & 


MOU  <J47 

en  faifanten  forte  de  fe  borner,  pour 
chaque  qualité  de  blé  ,  à  un  terme 
moyen  de  comparaifon  ,  fouvent  mê- 
me en  afîcétant  de  prendre  le  plus 
foible  ,  pour  qu'on  n'accufe  pas  l'au- 
teur de  trop  avantager  la  nouvelle 
méthode. 

Second  Résultat.  Il  y  a  en  tout 
pays  trois  clalfesde  blé  :  b/e  de  la  tête., 
ou  de  qualité  fupérieure  j  blé  du  mi- 
lieu, dit  blé  marchand  ,  &  blé  de  la 
dernière  qualité  ,  dit  blé  commun. 

Première  Classe. 

Poids  du  fetierannée  commune.  240I. 

Produit  en  farines  des  quatre 
fortes  fufdires    ....      1  80 

Produit  en  fons  des  trois  fortes 
fufdites jj 

Déchet 5  d  (î  1. 

Poids  égal  à  celui  du  blé.      2^0 
Produit  en  pain  cuit.  .   .     240 

Deuxième  Classe. 
Poids  du  fetier    .     .     .     .     230 1. 

Produit  en  farines  des   quarte 

fortes jyo 

Produit  en  fons  des  trois  fortes.    5  5 
Déchet 5  à  6 1. 

Poids  égal  à  celui  du  blé.     230 

Produit  en  pain  cuit    .     .230 

Troisième    Classe. 
Poids  du  fetier  •  .     .     .      .    220  1. 

Produit  en  farines  des  quatre 

fir:es 1^0 

En  f(  ns ^  j 

Déchet <  à?  I. 


^48  MOU 

Poids  égal  à  celui  du  fetier.   210 
Produit  en  pain  cuit.  .     .12.0 

On  voit  par  ces  réfultats  que  ,  dans 
la  ditférence  des  qualités  de  giains , 
celle  des  produits  tombe  fur  la  farine, 
&  non  pas  fur  les  fons  j  parce  que 
meilleur  eft  le  Blé  ,  &  moins  il  a  de 
fon.  Je  mets  ici  le  produit  en  pain 
cuit  au  plus  bas.  Il  eft  de  fait  qu'on 
retire  d'un  fetier  de  blé  ,  lorfque  la 
farine  eft  bien  purgée  de  fon  ,  autant 
de  livres  de  pain  cuit  qu'il  y  a  de  li- 
vres de  blé. 

Troisième  Résultat.  En  opé- 
rant fur  de  moindres  quantités  de 
blés  également  fecs ,  mais  de  qua- 
lités différentes  ,  un  quintal ,  ou  cent 
livres  de  blé  de  la  tête  peuvent  pro- 
duire environ  quatre- vingt  livres  de 
farine  ,  fa  voir  (i)  : 
Farine  à  faire  pain  blanc.  .  6^  1. 
Farine  à  faire  pain  bis-blanc  & 

bis 15 

Gros  &  petits  fons.     .     .     ,       18 
Déchet,  environ     ....       z 

Total  égal  au  poids  du  blé.      lool. 

Un  quintal  de  blé  de  la  deu- 
xième qualité  peut  produire 
76  livres  de  farines ,  favoir: 

Farine  à  faire  pain  blanc  .     .     6o\. 

Propre  à  faire  pain  bis-blanc  & 
bis      ......     ,        i(î 

Sons 2if 

Déchet 2i 

Egal  au  poids     .     .     .       100 1. 


MOU 

Un  quintal  de  blé  de  la  dernière 
qualité  peut  produire  foixante-dix  li- 
vres de  farine  ,  dont  cinquante  à  cin- 
quante-cinq livres  à  faire  pain  bis- 
blanc,  &  le  furplus  en  pain  bis ,  eu 
(on  &  en  déchet.  Les  troifièmes  claf- 
fes  de  blé  ne  font  propres  en  effet 
qu'à  faire  de  bon  bis-blanc,  &:  il  n'y 
a  que  les  deux  premières  qui  puiffenc 
fournir  le  blanc. 

On  voit  avec  plus  d'évidence  en- 
core dans  ce  troilième  réfultat ,  011  le 
poids  des  trois  qualités  eft  fuppofé  le 
même  ,  que  la  diminution  qui  fe  fait 
fur  les  farines ,  fe  rejette  fur  les  fons 
&  le  déchet  ,  qui  augmentent  en 
quantité  ,  à  proportion  que  celle  des 
farines  diminue  relativement  à  la  qua- 
lité des  blés. 

Il  fe  trouve  aufti  une  différence  re- 
lative à.  la  qualité  des  farines.  Les 
meuniers  de  Pontoife  prétendent  que 
le  blé  de  belle  qualité  doit  rendre 
environ  feize  parties  de  farines  blan- 
ches contre  une  dix-feptième  partie 
de  farine  bife  ou  petite  farine  :  que 
le  blé  de  la  féconde  qualité  rend 
neuf  dixièmes  de  blanc  contre  un  di- 
xième de  bis;  &c  celui  de  la  dernière 
qualité  ,  cinq  fixièmes  de  blanc  ou 
bis-blanc  contre  un  iixicme  de  bis. 
L'exaélitude  de  ces  proportions  dé- 
pend audi  des  années  j  par  exemple, 
les  blés  verfés  rendent  moins  en  fa- 
rines blanches ,  &:c.  Sec. 

Les  proportions  ci-deifus  ne  font 
pas  exaétes  ,  félon  le  fieur  Buquet, 
qui  prétend  qu'un  neuvième  à  un  di- 
xième, tant  bis-  blanc  que  bis,  eft  une 
mouture  bien  faite  ,  ou  un  douzième 


(  I  )  Malgré  le  produit  admis  dans  ces  réfulcats ,  on  doit  toujours  s'en  tenir  au  produit 
commun  de  cent  foixante  &  quinze  à  cent  quatrc-vin^t  livres ,  de  toute  farine,  par  fetief 
de  deux  cents  quarante  livres  dans  la  mouture  économique  ordinaire. 

au 


MOU 

na  plus.  M.iis  il  faut  de  grandes  qua- 
lités de  blé  pour  cela  :  fi  ou  tire  plus , 
1-e  pain  blanc  &  le  bis  n'ont  pas  a(Tez 
de  faveur  :  le  pain  blanc  n'eft  pas 
clair ,  ôcc. 

Obfervez  encore  que  ,  relative- 
ment à  cette  même  qualité  de  blés , 
le  pain  fait  de  fouine  provenant  du 
blé  de  la  première  claffb  ,  fera  plus 
beau  que  celui  de  la  féconde ,  &  ce- 
lui de  la  féconde  ,  que  celui  de  la 
troifième  ,  fuivant  les  proportions  ci- 
devant  temarquées. 

§.  IX.   Mouture  des  pauvres  _,    dite 
À    Li   Lyonnoije, 

Dans  les  rcfultirs  précédens  ,  on 
a  fixé  le  produit  du  feptier  de  blé  par 
la  mouture  économique  ,  de  cent 
foixaute-quinze  à  cent  quatre -vingt 
livres  de  farine  bien  purgée  de  fon  ; 
mais  avec  un  peu  d'adrelle  &  d'habi- 
tude ,  &  fi  les  blés  font  d'une  qua- 
lité fupérieure  ,  on  peut  porter  ce 
produira  cent  quatre  vingt  cinq  liv. 
&  plus.  Le  fieur  Buquet  imagina 
depuis  la  mouture  des  pauvres ,  dite 
à  la  Lyonnoife  ,  comme  un  rafine- 
ment  de  la  mouture  économique  , 
pour  procurer  encore  ,  en  faveur  des 
maifons  de  charité  ,  une  plus  grande 
épargne  &  un  plus  grand  produit  du 
grain,  &  pour  tirer  des  ilïïies  de  la 
mourure  les  parties  de  farine  qui 
y  reftent  encore  attachées  après  la 
réparation  des  gruaux. 

Suivant  cette  nouvelle  méthode , 
on  difpofe  les  meules  comme  pour 
la  mouture  économique  ,  de  manière 
qu'elles  travaillent  légèrement  fans 
trop  approcher  le  blé  :  on  a  égale- 
ment foin  de  tenir  le  cœur  Se  l'entre- 
pied  des  meules  ,  plus  ouverts  de 
deux  à  trois  pouces  ,  afin  que  le  (o\\ 
fe  concalTe  moins  ,  devînt  repalfer 
Tome  FI, 


MOU 


<Î49 


fous  la  meule.  On  retire  d'abord  la 
farine  de  blé  ;  mais  au  lieu  de  re- 
moudre toute  la  malle  des  fons  gias 
enfemble  ,  on  les  fait  pafier  par  une 
bluterie  cylindrique  qu'on  emploie 
au  lieu  du  dodmage.  On  en  retire 
les  deux  gruaux  blancs  ,  àâts  premier 
&i  fécond  ,  qu'on  fait  remoudre  deux 
fois  ,  toujours  fans  trop  approcher 
les  meules ,  crainre  de  tacher  la  fa- 
rine par  les  parties  de  fon  qu'une 
mouane  trop  forte  y  feroit  infail- 
liblement paifer  :  la  farine  de  ces 
gruaux  fe  mêle  avec  la  première  fa- 
rine de   blé. 

Enfuite  on  repafie  fous  la  meule 
tout  à  la  fois  le  gruau  gris,  la  recoii- 
pette  ,  les  recoupes  cîc  les  fous ,  en 
adaptant  un  bluteau  d'un  ou  deux 
degrés  plus  gros  que  celui  qui  a  fervi 
à  tirer  la  première  farine  ,  &  on 
place  au-delfous  un  dodinage  pour 
en  tirer  encore  un  petit  gruau  que 
l'on  peut  faire  entier  dans  la  malfe 
totale  de  la  farine,  en  le  mêlant,  foir 
tel  qu'il  a  paffé  par  le  dodinage,  foit 
en  le  repalTaiu  encore  fous  la  meule. 

La  mouture  dite  des  pauvres  a  cet 
avantage,  que  Ci  l'on  veut  féparer  la 
fiirine  de  blé  d'avec  celle  des  gruaux 
blancs  ainfi  remoulus,  elle  donnera 
beaucoup  plus  de  pain  ,  &  il  fera  de 
meilleur  goût  ;  mais  h  l'on  mêle  les 
derniers  produits  du  gruau  gris  ,  re- 
coupes &  fons  avec  ces  premières 
farines  blanches  ,  on  aura  un  pain 
de  ménage  excellent  ,  fupérieur  en 
fubftance  6c  en  vraie  nourriture  à 
tous  les  autres  pains,  &  l'on  en  aura 
une  plus  grande    quantité. 

C'eft-là  le  vrai  pain  qui  convient  au 
peuple ,  c'eft  le  plus  favoureux,  le  plus 
fubftantiel,  celui  qui  conferve  le  p!i>s 
long-temps  fa  fraîcheur  ,  celui  qui 
fait"  le  plus  de  prqfîr  •■  c'eft  le  pain 
N  n  n  n 


(3^0 


MOU 


de  ménage  f.iic  de  toiires  farines,  en 
noiaiic  que  le  gros  fon  Ik  les  re- 
coupes j  ce  pain  n'ell  pas  partaitemenc 
blanc  j  il  eft  plucôc  jaune  nièlé  de 
gris  j  c'ell  pourquoi  les  habltans  des 
villes  pourroienc  le  confoncire  au 
premier  coup -d'oeil  avec  le  paia 
bis-blanc  j  mais  la  dilîcrence  en  eft 
bien  grande  ,  puifque  dans  ce  dernier, 
on  a  extraie  la  farine  de  blé  ou  le 
blanc,  &.  la  farine  favouieufe  du  pre- 
mier gruau  pour  faire  le  pain  blanc , 
&c  que  le  pain  bis  ,  oc  le  bis-blanc 
ne  lonc  faits  que  de  féconde  ,  troi- 
fîème  &  quanième  farines  de  gruaux 
&  recoupettes  ,  fuivant  le  nombre 
de  fois  qu'on  les  fait  remoudre.  Sou- 
vent encore  mèle-t-on  du  fon  &  des 
recoupes  dans  le  pain  bis.  Le  pain 
de  ménage,  au  contraire,  eft  fait  en 
mêlant  enfemble  toutes  les  farines, 
fuit  la  farine  de  blé,  foit  les  farines 
de  gruauiY  le  produit  des  remoulages. 

On  dira  que  le  fon  d'une  mouture 
économique  ne  vaut  rien  pour  les 
animaux  j  ce  Ion,  il  eft  vrai,  n'eft  pas 
fi  gros,  ni  fi  chargé  de. farine.  Mais 
apprenons  à  tirer  toute  la  farine  de 
nos  grains  _,  nous  ferons  les  maîtres 
de  lailfer  aux  animaux  la  nourriture 
quand  nous  le  voudrons,  c'tft-à-dire 
dans  les  années  abondantes.  D'ail- 
leurs on  voit  les  pauvres  manger  du 
farrafin  ,  même  de  l'avoine ,  de  l'orge , 
du  feigle  ergotté  ,  &:c.  Qu'on  donne 
aux  animaux  tous  ces  grains  ,  & 
qu'on  falfe  manger  aux  pauvres  la 
farine  de  homent,  en  appremnt  bien 
la  mouture  ,  &:  à  tirer  tout  le  produit 
du  grain. 

Jufqu'ici  ,  ceux  qui  fuivoient  la 
mouture  économique  ne  faifoient 
remoudre  que  les  gruaux  ;  mais  , 
malgré  toutes  les  relfources  de  l'art , 
il  reftoit   encore  beaucoup  de   par- 


M  O  U 

ties  farineufes  arrachées  aux  recou- 
pes &  aux  Ions.  Ces  parties  retran- 
chées fur  la  fabftance  du  pauvre  , 
pouvoient  être  épargnées  en  failant 
remoudre  les  écorces  dans  le(t]uelles 
elles  étoient  retenues  ,  pour  les  mê- 
ler avec  toutes  les  autres  latines.  C'eft 
là  la  véritable  mouture  des  pjuvres  6c 
des  maifons  de  charité  ,  puifque  c'eft 
celle  qui  donne  le  plus  grand  produit , 
la  meilleure  nourriture  &  le  moins 
de  déchet.  U  eft  vrai  que  le  pain 
eft  moins  blanc  ^  mais  eft-ce  la  cou- 
leur qui   fair   le  bon  pain  ? 

La  mouture  des  pauvres,  dite  à  la 
Lyonnoifc  ,  au  lieu  de  cent  foixante- 
quinze  à  cent  quatre-vingt  livres  de 
farine  que  peut  rendre  le  fetier  de 
blé  du  poids  de  deux  cent  quarante 
livres  par  la  mouture  économique, 
en  peut  tirer  jufqu'.à  cent  quatre-vingt- 
quinze  de  toute  farine  ^  ce  qui  faïc 
quinze  livres  de  farine  de  plus  fur  le 
fetier ,  &  près  de  fept  pour  cent  fur 
le  produit  en  farine.  Le  même  fe- 
tier moulu  à  la  Lyonnoife  ,  rend 
environ  deux  cent  foixante  livres  de 
pain  ,  (Sec.  C'eft  par  cette  économie 
que  l'Hôpital-général  de  Paris  a  épar- 
gné près  de  cinq  mille  fetiers  par 
année ,  lorfque  le  fieur  Buquet  fuE 
chargé  des  moutures  de  cet  Hôpital. 
Les  preuves  de  ce  fait  font  authen- 
tiques,  puifqu'elles  font  confignées 
dans  les  rcgiftres  de  cette  mailon  , 
&  dans  le  rapport  imprimé  de  l'un 
des   adminiftrareurs ,  iScc. 

Eu  effet  ,  le  fetier  de  blé  ne 
produifoit,  lors  de  l'entrée  du  fieur 
Buquet  à  l'Hôpital  ,  que  de  cent 
foixantequinze  à  cent  foixante-dix- 
huit  livres  de  farine  ,  &  il  l'a  porté 
de  cenj;  quatre- vingt  dix  à  cent  qua- 
tre-vingt-quatorze. L'Hôpital  con- 
fomme  fix  à  fept  niuids   par  jour  : 


MOU 

c'eft  donc  environ  douze  cent  livres 
de  farine  ,  qui  font  au  moins  feize 
cent  livres  de  pain  par  jour  ,  dont 
le  fieur  Buquet  a  fait  protîrer  l'Hô- 
pital :  c'eft  bien  cinquante  à  foixanre 
mille  livres  par  an  que  ce  meûniet  a 
fait  gagner  à  cette  maiion  ;  ce  qui 
a  déjà  cté  prouvé  par  M.  l'abbé 
Baudeau  ,  dans  les    éphémcrides. 

§.    X.     Manière   de  moudre  par  éco- 
nomie les  feigles  ,  méteils  j  i/c. 

Tout  ce  qu'on  a  dit  jufqu'ici  fur 
la  manière  de  moudre  par  économie  , 
ne  concerne  que  les  fromens.  A  l'é- 
gard des  autres  grains,  les  procédés, 
ainfi  que  les  réfultats  ,  en  font  un 
peu  différens. 

Comme  il  y  a  plus  d'un  cniquième 
du  royaume  qui  ne  vit  que  de  Icigle, 
on  a  cru  devoir  donner  un  article 
parciculier  à  la  mouture  de  cette  ef- 
pèce  de  blé  qui ,  par  fa  forme  mince 
&  alongée  ,  perd  bien  plus  que  le 
froment  ,  par  la  mouture  ordinaire. 
C'eft  néanmoins  précifément  fur  les 
feigles  qu'on  devroit  prévenir  la  perte 
énorme  c]ui  s'en  fait  par  les  mauvailes 
moutures  ,  parce  que  le  pauvre  qui 
s'en  nourrit  n'eft  en  état  de  fup- 
porter  aucune  perte. 

La  mouture  ruftique  eft  celle  qui 
c'CJahonne  le  plus  grand  dcche:  dans 
l'emploi  des  feigles.  On  dira  peut- 
être  que  l'on  parvient  à  l'éviter ,  en 
mettant  un  gros  bluteau  qui  tire  tou- 
tes les  farines  ,  &  même  les  fons. 
Mais  alors  la  farine  eft  compofée  , 
pour  la  majeure  partie  ,  de  gruaux 
entiers  <^  de  recoupes  qui  ne  preii- 
nent  pas  l'eau  ,  qui  ne  lèvent  point, 
qui  empêchent  le  boufFement  du  pain 
&  la  bonne  fabrication  :  indépendam- 
ment de  ce  qu'un  pareil  pain  fera 
préjudiciable  à  la  faute  ,  c'eft  qu'en 


MOU 


^S% 


employant  les  gros  &:  petits  gruaux 
en  nature  ,  il  y  a  un  douzième  ou 
un  quinzième  à  perdre  fur  la  quan- 
tité ,    dans  la  fabrication    du  pain. 

Le  dodinage  dont  on  fe  fert  peur 
la  mouture  économique  ,  permet 
d'employer  un  blutcau  d'un  degré  plus 
fin  que  le  bluteau,  ordinaire  parce  que 
l'on  peut  remoudre  les  gruaux  &  les 
recoupes  qui  font  ddatés  par  l'efîet 
de  la  meule  :  la  farine  plus  alongce 
fait  beaucoup  plus  blanc,  prend  plus 
d'eau ,  occaiionne  la  bonne  fabrica- 
tion du  pain,  &  le  rend  plus  profi- 
table au  corps. 

Il  faut,  pour  la  bonne  mouture 
des  feigles ,  tenir  les  rayons  des  meu- 
les plus  près  &  plus  petits  que  pour 
moudre  les  fromens,  afin  que  le  grain 
fe  hache  davantage  ,  parce  qu'on  en 
tirera  plus  de  farine.  On  commence 
par  moudre  les  feigles  fans  dodinage , 
puis  l'on  fait  remoudre  la  totalité 
des  fons  &  gruaux  ,  &  l'on  ne  fait 
aller  le  dodinage  ou  la  bluterie  que 
la  féconde  fois  pour  en  tirer  tous 
les  gruaux  &  recoupes ,  afin  de  les 
remoiidre  féparément  deux  petites 
fois  ,  iSc  de  les  tirer  à  {'qq. 

La  vraie  raifon  de  la  différence  de 
ces  procédés  de  la  mouture  écono- 
mique des  feigles  à  celles  des  blés  , 
vient  de  ce  que  le  fon  ,  ou  la  robe 
extérieure  du  froment,  tient  moins 
à  la  farine  que  celle  du  feigle  ;  un 
premier  broiement  fuffit  pour  déca- 
cher l'enveloppe  du  froment;  au  lieu 
que  le  {z'^n  de  feigle  reftant  toujours 
chargé  de  farine  ,  il  eft  bon  de  le 
faire  renalfer  fous  la  meuie  une  fé- 
conde fjis  avec,  les  recoupes  ou 
gruaux.  Cette  obfervation  eft  de  la 
plus  grande  importance,  en  ce  qu'elle 
opère  un  ménaoement  confidérable 
fit  la  nourriture  fpéciale  du  pauvre. 
N  n  n  n  i 


C^r  MOU 

Dans  tous  les  pays  où  la  mouture 
économique  n'eft  point  adoptée  ,  il 
fetoit  du  moins  intcrelTant  ^  lorf- 
qu'il  s'agit  de  petites  moutures  ,  de 
faire  remoudre  toute  la  quantité  des 
fons  ,  une  ou  deux  petites  fois ,  & 
de  bien  alonget  la  tarine.  Le  pro- 
duit fetrouveroi:  à-peu-près  le  même 
que  celui  de  la  mouture  économi- 
que ,  quoique  la  farine  n'en  fût  pas 
Il  purgée  de  fon  ,  à  caufe  du  doJi- 
nage  qui  tire  chaque  partie  à  blanc  j 
mais  du  moins  l'on  éviteroit  fur  cette 
denrée  la  perte  de  la  mouture  ruf- 
tique.  Quant  à  la  mouture  en  grolTe , 
comme  on  ne  tire  pas  les  fons  au 
moulin  ,  on  ne  peut  pas  les  faire 
remoudre  ,  &  la  perte  qu'elle  fait 
faire  fur  les  feigles  eft  inévitable. 

Si  la  nature  même  des  chofes 
exige  que  les  procédés  de  la  mou- 
ture des  feigles  foient  difFérens  de 
ceux  de  la  mouture  des  fromens  , 
&  que  même  le  rabillage  des  meules 
&  les  rayons  varient  fuivant  l'efpèce 
à  moudre  ,  il  eft  évident  que  tous 
les  mélanges  defeigle  &  de  froment, 
connus  fous  les  noms  de  méteil  , 
conceau  j  mefcle  ^  méléard  ,  coffegail , 
&c.  feront  toujours  défavantageux  à 
toutes  les  moutures.  Cela  fera  encore 
plus  fenlîble  ,  fi  l'on  réfléchit  qu'à 
chaque  broiement  des  parties  de  fro- 
ment, foit  entières ,  foit  en  gruaux  , 
l'adrelfe  du  meunier  coniifte  dans 
l'art  d'enlever  légèrement  la  pellicule 
extérieure ,  tandis  que  dans  le  feigle , 
le  fon  étant  plus  adhérent  par  fa 
nature  à  la  farine,  il  faut  un  broie- 
ment plus  fort  &  plus  ferré  pour  l'en 
détacher. 

Il  feroit  donc  intéreffant  de  faire 
toujours  moudre  le  froment  d'un 
côté ,  &  le  feigle  à  part  ,  fuivant 
les  ptocédés  détaillés  ci-devant  pour 


MOU 

chaque  efpèce  ,  afin  de  mieux  tirer 
toute  la  farine.  Sans  cela ,  la  diffé- 
rente configuration  de  ces  deux  es- 
pèces de  grains  fait  que  l'un  eft  broyé 
&  haché  fous  la  meule  ,  tandis  que 
l'aurre  n'eft  qu'applati  ou  à  peine 
concaffé  ,  ce  qui  produit  une  perte 
confidérable  dans  la  mouture,  mais 
bien  moins  grande  dans  la  mouture 
économique  que  dans  les  autres , 
parce  que  celle-là  fe  tempère  par  le 
remoulage  des  gruaux.  Au  refte,  ces 
obfervations  fur  les  méteils  ne  con- 
cernent que  ceux  qui  font  dans  l'ha- 
bitude de  mêler  le  feigle  &:  le  fro- 
ment avant  de  les  envoyet  au  mou- 
lin j  car  lorfque  ces  deux  fortes  de 
blés  ont  été  femés  &  récoltés  en- 
femble  (  ce  qui  eft  encore  défavan- 
tageux ,  puifque  le  temps  de  leur 
maturité  n'eft  pas  le  même  )  ,  il  eft 
alors  impcffible  de  les  moudre  fépa- 
rément  :  mais  du  moins  dans  ce 
cas ,  il  n'y  a  que  la  mouture  éco- 
nomique qui  puifle  diminuer  le  dé- 
chet &  la  perte  que  l'on  fait  fur 
les  méteils. 

La  mouture  économique  des  orges 
demande  auili  des  attentions  particu- 
lières. 11  faut  bien  fe  garder  de  remoa- 
dre  la  totalité  des  fons  comme  cela  fe 
fait  pour  les  feigles  ,  parce  que  la 
paille  de  l'orge  palferoit  alors  dans  le 
bluteau ,  &  feroit  préjudiciable  à  la 
confervation  des  farines,  à  la  beauté 
du  pain  ,  Se  même  à  la  falubrité.  Il 
faut  néceftairement  mettre  un  dodi- 
nage  ou  une  bluterie  pour  en  tirer 
la  paille  :  enfuite  on  fait  remoudre 
deux  fois  les  gruaux  bis  &:  blancs 
oui  en  fortiront ,  en  ayant  foin  de 
les  bien  aftleurer.  Puis  on  remoud 
les  recoupes  une  feule  fois  &  fort 
légétement ,  fans  approcher  les  meu- 
les que  très-peu  ,  afin  que  repalTant 


MOU 

toute  la  mafTe  au  dodiuage  ou  à  la 
bluceriej  on  puilie  encore  en  tirer  les 
petits  gruauxqui  pourront  s'y  trouver. 

La  mouture  des  biocailles,  farra- 
fins  ou  blés  noirs  ,  ainii  que  celle 
des  avoines  ,  peut  fe  faire  également 
avec  beaucoup  d'avantage  par  la 
même  méthode  que  celle  des  orges, 
au  moyen  d'un  gros  dodinage  pour 
en  extraire  la  paille,  &  en  faifant 
remoudre  deux  fois  les  gruaux  ,  &c. 

La  conféquence  naturelle  de  ce§., 
efl:  que  la  mouture  économique  eft 
fpécialement  avantageufe  dans  l'em- 
ploi des  feigles  &  menus  grains  , 
pour  l'épargne  de  la  fubfiftance  des 
pauvres  :  on  en  va  voit  de  nouvelles 
preuves  que  l'expérience  rendra  fans 
réplique. 

RéJuUats  de  la  mouture  économique 
des  feigles. 

Le  produit 
d'un  fetier  de 
fei"le  moulu 
par  économie  , 
&  fuppofé  du 
poids  de  deux 
cent  cinquante 
livres  ,  donne 
en  farine  de  fei- 
gle     .     .     . 

En  deuxième 
farine    .... 

En  troifième 
farine    .... 


MOU 


653 


107 1. 
34  î- 


183I.1. 


3+ 


En  fons  .  . 
Et  de  remou- 
lage.    ...       i.C  \.    j 
Fraiement  ou  déchet  .  . 

Total  égal  à  celui  du 
fetiet      


60 


Les  expériences  de  corn  paraifon  des 
moutures  faites  par  économie,  avec 
toutes  les  autres  moutures ,  &  où  on 
avoir  pouffé  l'exaditude  jufqu'à  tenir 
compte  des  onces  &  même  àts  gros , 
ont  prouvé  dans  différentes  provin- 
ces ,  que  les  anciennes  font  très- 
défedueufes,  &  que  la  mouture  éco- 
nomique mérite  feule  à  tous  égards 
de  devenir  la  méthode  univerfclle 
dans  le  royaume. 


E    c    T    I    o    N 


I  L 


^5' 


Des  moulins  à  araines. 

Je  prends  &  cire  pour  modèle 
celui  des  Hollandois  ,  comme  le 
plus  parfait  de  tous  ceux  que  l'on 
connoît ,  &  le  feul  en  état  de  bien 
extraire  l'huile  des  graines  j  mais  je 
puis  en  même  temps  parler  du  mou- 
lin ,  fans  donner  le  détail  du  pref- 
foirqui  l'accompagne.  La  même  mé- 
chanique  fait  mouvoir  l'un  ^  l'autre, 
&  ils  font  pour  aind  dire  infépa- 
rables.  Les  moulins  à  huile  &  à  vont, 
fi  multipliés  dans  les  environs  de 
Lille  en  Flandres ,  en  font  les  dimi- 
nutifs ,  quant  à  l'effet  &  quant  à 
la  perfe£tion. 

Le  moulin  que  je  vais  décrire  n'efl: 
point  une  machine  nouvelle  ,  enfan- 
tée par  une  imagination  plus  bril- 
lante que  réglée  j  une  machine  dont 
le  fuccès  foit  douteux.  Elle  exifte,  au 
contraire  ,  depuis  nombre  d'années; 
d'abord  groffière  &  mal  entendue 
comme  nos  moulins ,  elle  eft  patve- 
nue  ,  à  force  de  tâtonnemens  &  d'ex- 
pétiences,  à  la  plus  haute  perfeiftion. 
Toutes  les  proportions  en  font  fi 
bien  &  fi  exaftement  prifes,  la  ma- 
chine a  tant  de  folidité,  qu'on  n'en- 
tend aucun  craquement.  Elle  eft  11 


<^54 


M  O  U 


bien  entendue  ,  qu'on  n'appeiçoic  au- 
cun frottement  dur  j  en  un  mot  , 
chaque  pièce  eft  dans  fon  genre  aulU 
bien  travaillée  ,  aulli  bien  propor- 
tionnée que  le  font  les  rouages  & 
les  autres  pièces  de  nos  montres. 
Ceux  qui  ne  connoilTent  pas  les  ma- 
chmes  hollandoifes  ,  diront  que  ce 
témoignage  tient  de  Tenthoudafine  j 
j'y  confens  ,  &  j'ajouterai  encore  , 
que  dans  le  liience  du  cabinet  ,  je 
ne  puis  me  lalTer  d'admirer  la  (im- 
plicite Se  la  perfeftion  du  inéchanii- 
nie  de  ce  moulin  j  cependant  ,  la 
defcription  en  fera  longue  ,  parce 
qu'il  eft  plus  difficile  de  décrire  tou- 
tes les  parties  pour  les  faire  com- 
prendre, que  de  ie  les  repréfenter  à 
l'imagination. 

Les  objets  d'utilité  réelle  gagnent 
de  proche  en  proche  ,  &  pour  cela 
il  faut  du  temps  ou  des  circonftances 
Jieureules.  Le  Brabançon,  lié  inti- 
mement par  Ion  commerce  avec  le 
HoUandois  ,  a  commencé  à  adopter 
fon  moulin  à  graines  :  celui  de  G.ind 
mérite  detre  examiné  par  les  voya- 
geurs; &  comme  il  eft  nouvellement 
conftruit  ,  il  a  prefque  toutes  les 
perflclioiis  de  ceux  de  Hollande.  Le 
genre  de  moulin  que  je  décris ,  eft 
prodigieufement  multiplié  en  Hol- 
lande ,  &  c'eft  aujourd'hui  le  feul 
qui  y  foit  en  uf.ige  ;  il  n'y  varie  que 
par  un  peu  plus  ou  par  un  peu  moins 
de    pertections. 

La  Hollande  &  le  Brabant  font 
à  la  porte  de  nos  provinces  (epten- 
trionales  ;  ôc  froids  fur  nos  véritables 
intérêts  ,  nous  regardons  avec  indif- 
férence ,  bu  plutôt,  nous  ne  favons 
pas  voir  ce  qui  augmenteroit  nos 
richelfes.  Lhomme  qui  ne  peut  pas 
apptécier   une  machine  ,  &  dont  les 


MOU 

connolifances  font  bornées  ,  devroic 
faire  le  rnifonnement  fuivant,  qui  eft 
à  la  porrée  de  l'homme  le  moins  inf- 
truit  ,  puift]u  il  s'ai^it  de  fes  intérêts. 
"  Le  HoUandois  fait  comptet  &:  cal- 
»  culer  le  produit  &  la  dcpenfe;  il  a 
;)  lœil  ouvert  jour  <?c  nuit  (ut  le  plus 
"  léger  iinérct  ,  il  tire  le  Jzn  du  fin. 
)>  Or ,  s'il  a  généralement  adopte 
»  ce  moulin  ,  quoique  plus  difpen- 
I)  dieux  que  celui  de  fes  voiiins ,  ce 
>5  moulin  doit  donc  donner  un  plus 
»  grand  bénéfice  ?  Mais ,  pour  qu'il 
jî  donne  un  plus  grand  bcnéhce  , 
»  il  faut  donc  que  le  travail  aille 
«  plus  vite  ,  que  la  main-d'œuvre 
»  foit  diminuée  ;  que  Ihuile  foit 
V  extraite  des  graines  en  plus  grande 
)j  quantité  ;  car  il  ne  peut  y  avoir 
■>■>  que  ces  objets  qui  atîurent  un  bé- 
>'  néhce ,  &;  cjui  couvrent  l'intérêt 
j>  pour  la  mife  des  frais  de  conf- 
»  truélion  r  Pourquoi  ne  retirerai-je 
■>  pas  comme  lui  ce  bénéfice  »  ?  Ce 
raifonnement  eft  bien  (impie  ,  & 
tout  (impie  qu'il  eft  j  nous  ne  l'avons 
pas  encore  fait  ,  nous  dont  le  tecr 
rein  produit  abondamment  les  grai- 
nes à  huiles  ,  avantages  que  n'ont 
pas  les  HoUandois  \  nous  qui  avons 
la  (implicite  de  leur  vendre  ces  mê- 
mes graines,  tandis  que  nous  rache- 
tons d'eux  Ihuile  qu'ils  en  fabriquent. 
Cet  aveu  eft  humiliant  pout  la  Na- 
tion •  mais  il  n'en  elt  pas  moins 
vrai.  Comme  ces  vues  de  commerce 
ne  font  pas  de  ma  compétence ,  je 
ne  m'y  arrêterai  pas  davantage ,  & 
je  reviens  à  des  obfervations  préli- 
minaires fur  le  moulin  dont  il  eft  ici 
queftion. 

En  Hollande  ,  dans  le  Brabant  , 
en  Flandres  ,  en  Artois  ,.  <Jcc.  ces 
moulins  ont  le  vent  pour   moteur. 


MOU 

Si  le  local  le  permettoic  ,  il  feroit 
bien  plus  avancaeeiix  que  l'eau  le  Ht 
agir  5  parce  que  le  vent  eft  trop  iu- 
conftaiit,  foavent  trop  adif,  ou  nul, 
&  rarement  modité  au  ponu  qu'on 
le  délire  :  mais  il  faut  bien  fe  fer- 
vir  du  vent  quand  on  ne  peut  pas 
taire  autrement.  Malgré  cetre  né- 
celiitéabfolue  pour  quelques  endroits, 
j'ai  repréfenté  le  moulin  que  je  vais 
décrire  ,  pour  être  placé  fur  un  cou- 
rant d'eau  ,  moteur  plus  unitorme 
&  toujours  conftant  j  parce  que  les 
nsnul'.ns  à  vent  ne  peuvent  avoir  lieu 
dans  la  majeure  partie  des  provinces 
de  France.  Si  on  trouve  des  politions 
où  l'on  puilFe  employer  les  m'ouhns 
à  vent  ik.  à  eau  ,  c'ell  aux  proprié- 
taires à  bien  examiner  lequel  des  deux 
partis  leur  lera  le  plus  avantageux. 
Tout  le  monde  connoît  le  mécha- 
nifme  du  moulin  à  vent  ordinaire , 
il  fuffit  de  taire  l'application  de  fon 
mouvement  pour  le  moulin  dont  je 
parle.  La  différence  de  celui  à  vent 
avec  celui  à  eau  eft  peu  confidérable 
poor  le  mouvement  à  donner.  Dans 
celui  à  vent  ,  le  mouvement  eft 
communiqué  par  les  ailes  ou  vannes 
par  le  haut  ,  &  dans  celui  à  eau  , 
par  une  roue  à  aubes  ou  à  palettes, 
&c.  ,  qui  agit   dans  le   bas. 

La  divifion  du  mouvement  d'un 
moulin  à  huile  à  la  manière  des 
Hollandois  ,  &  qui  eft  mu  par  le 
vent ,  s'accorde  ,  à  peu  de  chofe 
près  ,  avec  celui  que  je  vais  décrire. 
Voici  en  abrégé  la  règle  du  mouve- 
ment  de  ce  moulin  à  vent. 

La  premiè- 
re roue  den- 
tée ,  mue  par 
l'arbre       qui 


M  O  U 


^55 


porte  les  ailes 

ouvo!ans,a   j+denrs.^  l  ^pace  de 
La  lanter-                   f         ' 

>-  s  pouces 


5P' 

&  demi. 


l'efpace  de 
5  pouces 
6c  demi. 


ne    mue    par  ( 

celle  ci   ,     a  3  j  dents.3 

Le  même 
arbre  perpen- 
diculaire a 
une  autre  lan- 
terne de  .  .      z6  dents. 

Sur  l'arbre 
horizontal  , 
qui  tait  mou- 
voir les  pilons   61  dents._ 

Sur  le  mê- 
me arbre  per- 
pendiculaire, 
une  lanterne 
de  treize  tu- 
feaux  ,  mue 
par  la  lanter- 
ne de  3  5  dents  1 5  dents. 

Cette  lan- 
terne de  I  j 
dents  fait 
mouvoir  une 
roue  de  yC 
dents  ,  la- 
quelle fait 
mouvoir  les 
meules  .  .  .  76  dents._ 

Ceux  qui  veulent  avoir  une  idée 
claire  &:  rapprochée  des  moulins 
aétuels  de  Flandres  ,  &  qui  ne  peu- 
vent pas  les  jugei  fur  les  lieux,  n  ont 
qu'à  confulter  le  mémoire  que  j'ai 
publié  ,  intitulé  :  yues  économiques 
fur  les  moulins  &  prejjoirs  à  huile 
d'olives  ,  connus  en  France  &  en 
Italie.  Ce  mémoire  a  été  inféré  dans 
le  journal  de  phyfique,  d'hilloire  na- 
turelle &  des  arts  ,  dans  le  cahier 
de  décembre    i77<>« 


l'efpace 
Me  5  pouces 
3    quarts. 


6^6 


MOU 


Plan  ,  defcription  _,  coupes  &  propor- 
tions de  toutes  les  parties  du  mou- 
Un  à  huile  ,  conjlruit  à  la  manière 
des  Hollandois  j  &  comhine  pour 
être  mis  en  aciion  "pcr  un  courant 
d'eau.  (  Planche  XX ,  première 
dlvijlon.  ) 

Figure  tremiÈre.  A...!!",  i.  La 
roue  à  aubes  ,  mue  par  un  courant 
d'eau.  Pour  fa  grandeur  ,  voyez 
l'échelle  de  proportion  ,  ainfi  que 
pour  toutes  les  autres  parties  de  cette 
planche.  C'efl:  à  la  maUeou  à  la  chute 
d'eau  que  l'on  a  ,  à  décider  le  dia- 
mètre de  cette  roue.  Elle  eft  la  che- 
ville ouvrière  de  tout  l'édihce  &:  le 
moteur  général.  Moins  la  chute  fera 
haute,  moins  on  aura  d'eau  ,  plus 
les  aubes  doivent  avoir  de  largeur  , 
&  le  diamcrre  de  la  roue  diminuer 
en  proportion.  On  voit  à  Apeldorn 
un  moulin  ,  dont  la  chute  eft  fi 
courte  ,  que  la  roue  a  à  peine  fix 
pieds  de  diamètre  \  mais  ,en  revanche, 
les  aubes  ont  fix  pieds  de  longueur , 
&  deux  pieds  &  demi  de  largeur  j 
de  forte  que  cette  chûre  ayant  plus 
de  furface  ,  équivaut  à  une  chute 
d'une  plus  grande  hauteur.  Au  con- 
traire ,  fi  la  chute  vient  d'un  endroit 
fort  élevé  ,  (Se  i\  on  a  la  facilité  d'a- 
grandir le  diamètre  de  la  roue,  la 
la  chute  aura  plus  de  force.  Tout  dé- 
pend donc  du  local  &  de  favoir  com- 
biner la  malîe  d'eau  &:  le  poids  qu'elle 
acquiert  par  fa  chute  avec  le  diamètre 
de  la  roue  ,  ahn  d'avoir  une  force 
fuffifante  pour  mettre  en  jeu  toutes 
les  pièces  pécelfaires. 

z.  Le  dormant  fur  la  maçonnerie, 
avec  le  pivot  de  l'arbre  tournant. 

3.  La  chute  d'eau  fuppofce  &■  vue 
par  derrière. 


MOU 

Figure  StcoNOE.  B...  n''.  i.  La 
roue  denrée,  mue  par  la  roue  à  aubes, 
compofée  de  51  dents,  le  pas  de 
5    pouces  un  quart. 

2.  La  lanterne  ou  rouet  ,  mife 
en  mouvement  par  la  roue  dentée  , 
n".  I  ,  cette  lanterne  eft  compofée 
de  7 S  dents,  dont  le  pas  eft  de  5 
pouces    &  un  quart. 

5.  L'arbre  tournant  ,  deftiné  à  éle- 
ver les  pilons.  Cet  arbre  eft  garni 
de  grandes  dents  ou  élèves,  fur  fa 
circonférence ,  &  les  pilons  tombent 
deux  fois  fur  une  révolution  de  la 
roue  ,  mue  par  le  courant  d'eau. 

4,  La  charpente  avec  la  pierre  , 
ou  grenouille  de  cuivre  ,  placée  & 
alfiijerrie  fur  le  dormant ,  pour  fup- 
porrer  l'arbre  tournant;  le  tout  mar- 
qué par  des  points ,  pour  éviter  toute 
confufion  à  l'œil.  Le  profil  en  efi  re- 
prefenté ,  figure  s  3  féconde  divifion, 

5 .  Maçonnerie  portant  le  dormant 
de  l'arbre  de  la  roue  à  aubes,  fup- 
portant  l'équipage  du  haut. 

(î.  Pivot  qui  entre  dans  un  heur- 
toir ou  plaque  d'acier,  pour  contenir 
l'arbre  à  fa  place. 

Figure  Troisième.  C  ,  e'iévatlon 
du  moulin  â  huile  ;  équipage  des 
pilons  ,  les  creux  j  les  plions  pour 
preJJ'er  ou  tordre  l'huile  j  &  les  pilons 
du   défermoir. 

I .  Les  fix  pilons.  Leurs  propor- 
tions font  données  dans  la  planche 
XXI  j  féconde  divifion. 

1.  Les  pièces  appliquées  entre  les 
pilons  &  les  pièces  de  traverfe  , 
marquées  5.  Ces  premières  pièces 
défignées  par  le  chiffre  1,  forment 
des  coulilies  qui  maintiennent  les 
pilons  dans  leur  à-plomb  Si  dans 
leur  place. 

5.  Deux  pièces  de  traverfe.  (  On 
ne  voit  qu'une  de  ces   pièces  dans 

cette 


Tt'in.  VJ. 


FI  II  Fiu/e_ô56, 


Setlter  ^cculp. 


MOU 

cette  élévation  ).  Elles  font  alTujet- 
ties  pat  des  boulons  de  fer  dans  les 
montans  ,  n*.  ii  .  .  .  Ces  pièces  de 
travcrfe  font  caraclcrlfas  j  ii°.  i  3  , 
dans  la  planche  XXL  ,  première  di- 
vijîon, 

4.  Les  queues  des  mentonets  des 
pilons ,  qui  répondent  aux  bras  des 
élèves  de    l'arbre. 

5.  Une  pièce  de  traverfe  ,  feule- 
ment par-devant  pour  adapter  les 
élèves  Se  pour  arrêter  les  pilons  , 
marquésï\''\  i^,daris  la plancheXXI, 
première    divifion. 

6.  Une  folive  à  une  diftance  des 
pilons  ,  fur  laquelle  font  attachées 
les  poulies  cjui  fupporteiit  la  corde 
pour  lever  Se  arrêter  les  pilons  ,  in- 
dc(jues ,  n*.  1 6  ,  planche  XXI  _,  pre- 
mière   divijîon. 

7.  Les  poulies  avec  les  cordes  , 
marquées n° .  i^  , planche  XXI ^ pre^ 
mière  diviJion. 

8.  Le  pilon  pour  frapper  fur  le 
coin  qui  prelTe  ou  tord  l'Imile. 

9.  Le  pilon  pour  frapper  fur  le 
défennoir  qui   fait    lâcher    le   coin. 

10.  Deux  pièces  de  traverfe  (  on 
n'en  peut  voir  qu'une  dans  le  delTin  ) 
avec  les  pièces  entre-deux  ,  qui  for- 
ment des  coulilTes  en  bas,  marquées 
11°.  \^  ,  planche  XXI ^  première  divi- 
jîon. 

1  I.  Rouet  dertiné  à  mouvoir  la 
fpatule  dans  la  payelle  ou  bnjjine  , 
pour  remuer  &  retourner  la  pâte  fur 
le  feu,  il  eft  compofé  de  18  dents  , 
dont  le  pas  eft  de  j  pouces  &  demi  , 
marqué ,  n^ .  6  ,  figure  i, planche XXI, 
première  divifion. 

1 1.  Quatre  montans  attachés  au 
bloc  &  fupérieurement  aux  poutres 
&  folives  du  bâtiment ,  &;  qui  con- 
tiennent &  affermilTenc  enfemble 
tout  l'équipage. 

Tome  FI. 


MOU 


^57 


13.  Les  fix  creux  pour  les  fix  pi- 


lons. 


1 4.  Le  bas  des  fix  pilons  ,  garnis 
d'une  chaullure  de  fer. 

15.  Une  planche  par-derrière,  de 
champ,  &  inclinée  en  renverfant  , 
pour  empêcher  le  grain  de  fauter  , 
de  tomber  par  terre  &  de  fe  perdre  : 
on  le  garantit  par-devant  de  la  même 
manière  \  mais  on  n'a  pu  repréfentec 
ici   cette  féconde  planche. 

1 6.  Creux  pour  pueller  ou  tordre 
la  farine  de  la  graine  après  qu'elle 
eft  fortie  pour  la  première  fois  de 
delFous  les  meules.  Figure  5  ,  n°.  9. 

17.  Creux  à  l'autre  extrémité  du 
bloc  ,  pour  tordre  la  farine  après 
qu'elle  a  paffé  pour  la  féconde  fois 
fous  les  pilons. 

18.  Equipage  pour  fupporter  l'ar- 
bre des  pilons. 

19.  Rouet  à  l'extrémité  de  l'arbre 
des  pilons ,  pour  mouvoir  les  meules , 
compofé  de  28  à  30  dents  ,  dont  le 
pas  eft  de  5  pouces   Se   un  quarr. 

10.  Pivot  heurtant  contre  un  heur- 
toir ,  affermi  dans  le  montant  de 
l'équipage  ,  &  iimplement  marqué 
par  des    points. 

il.   Balîins  à   recevoir  l'huile. 

21.  Pièces  de  fupporr  ,  aiîîfes  fut 
le  terrein  fous  le  bloc. 

Figure  Quatrième.  D,  mécha- 
nifme  &  élévation  des  meules. 

1.  Arbre  perpendiculaire  ,  qui 
traverfe  la  roue  dentée  &  le  chaOis 
des  meules  qui  tournent  fur  champ. 

2.  Roue  horizontale,  mife  en  mou- 
vement par  le  rouet,  n°.  19,  de  la 

figure  troifième.  Cette  roue  eft  com- 
poféede7(î  dents,  dont  le  pas  eft  de 
cinq  pouces  un  quart. 

3.  Chaflis  des  meules  tournantes, 
plus  facile  à  connaître  dans  la  figure  6  j 
O  0  00 


6^S 


M  O  U 


11".  4  de  !a  planche  XX  j  féconde 
divijiûn. 

4.  Pierre  ou  meule  romnante  , 
que  je  numme  .-«^i-vvc'.vrt;,  parce  qu'elle 
tft  plus  rapprochée  de  l'arbre,  11°.  i. 

5.  Pierre  ou  meule  extérieure, 
parce  qu'elle  eft  plus  ébiguce  de 
l'arbre. 

6.  Le  ramoneur  intérieur  ,  qui 
conduit  le  grain  fous  la  meule  ex- 
térieure. 

■'-7.  Le  ramoneur  extérieur  ,  qui 
conduit  le  grain  fous  la  meule  inté- 
rieure ;  en  forte  que  le  grain  eft  fans 
celfe  labouré  &  écrafé  en-deiïïis  , 
en-deffous  &  dans  toutes  les  faces 
qu'il  préfenc?  luccellivement  (  1  ). 
Ce  ramoneur  extérieur  eft  encore 
garni  d'un  chiffon  de  toile  qui  frotte 
contre  la  bordure  ou  contour,  n".  i  o , 
ahn  d'entraîner  le  peu  de  graines  qui 
refteroient  dans  l'ancre  de  ce  con- 
tour. 

8.  Les  extrémités  de  l'eflieu  de 
fer  qui  traverfe  l'arbre  perpendicu- 
laire ,  de  forte  que  les  meules  tour- 
nent fur  ce  centre.  Elles  ont  donc 
deux  mouvemens  ;  1°.  le  mouve- 
ment de  rotation  fur  elles-mêmes  \ 
1°.  celui  qu'elles  fubilTent  en  décri- 
vant un  cercle  fur  la  table  ,  ou  ma- 
çonnerie fur  laquelle  elles  roulent. 
Les  trous  des  meules  ,  «Se  mêm.e 
ceux  des  oreilles  du  chaÛis  ,  ne  doi- 
vent point  être  fi  juftes ,  que  l'effieu 
n'ait  pas  un  jeu  très  libre  ^  car  on 
fent  très-bien  que  fî  la  meule  ren- 
controit  fur  la  table  une  trop  grande 


MOU 

made  de  graines  à  écrifer  par  foiT 
feul  poids  ,  elle  ne  pourroit  vaincre 
cet  obftacle  qui  feroit  forcer  l'eflieu  , 
&  le  cafferoit  peut-être.  Il  convient 
donc  qu'elle  puiffe  un  peu  hauiîer 
ou  bailfer ,  fuivanr  le  befoin;  alors 
fon  mouvement  fera  toujours  régu- 
lier ,  uniforme ,  &  n'ira  pas  par  fauts 
&   par  bonds. 

5.  Les  oreilles  qui  conduifent  les 
deux  extrémités  de  l'eflieu.  Elles  font 
arrachées  avec  des  tenons  qui  tra- 
verfent  la  pièce  de  bois  du  chalfis 
en  H — h. 

10.  Contour  &  rebord  en  bois  de 
la  table  ,  ou  pierre  gijjante  ou  meute 
pofée  à  plat.  Quelques  moulins  n'onc 
point  de  rebord  ,  &  c'eft  un  mal ,  parce 
qu'il  s'échappe  beaucoup  de  graines. 

1 1.  La  table  ,  ou  pierre  giflante  , 
ou  meule  pofée  à  plat.  Ces  noms 
varient  fuivant  les  lieux. 

I  2.  Maçonnerie  folide  fur  laquelle 
eft  pofée  la  meule  giflante.  Cette 
meule  doit  erre  parfairement  alfu- 
jetrie  &  placée  dans  le  niveau  le  plus 
exact ,  fans  quoi  la  mouture  feroit 
plus  longue  ,  &  on  rifqueroit  de 
faire  rompre  l'eflieu  ,  is;  d'ufer  les 
meules  plus  fur  un  point  que  fur  un 
autre. 

PLANCHE  XX,  SECONDE 
DIVISION. 

Figure  première.  U arbre  tour- 
nant avec  les  cames  j  ou  mentoncts 
à  élever  les  pilons. 


(  I  )  Le  nombre  de  ce^  ramoneurs  varie  ;  il  y  a  des  moulins  où  l'on  n'en  met  rjuun;  it 
eft  pins  avantageux  d'en  mettre  deux  :  l'intérieur  ramène  la  graine  en  talus.  (  f^oye^  fig.  3  , 
Plancha  XXI,  première  divifîon.  )  La  meule  l'applatit ,  &;  le  fécond  ramoneur  la  relève,, 
ainlî  qu'il  cil  marqué  figarc  4  ;  de  forte  que  le  grain  eft  reprcfenté  en  tout  fens  fous  la 
meule.  Se  le  refte  de  la  pierre  gilTante  ,  n".  1 1  ,  ou  ::;ble  ,  eft'  p»r  eux  balayé  ,  de  manière 
gu'il  n'y  refie  pas  la  moindre  grain*. 


M  O  U 

1.  Deux  endroits  arrondis,  garnis 
^e  lames  de  fer  enchâflees  exafte- 
nient  au  niveau  du  bois ,  pour  tourner 
fur  une  pierre  dure,  ou  fur  une  gre- 
nouille de  cuivre  fondu  ,  de  métal. 


M  O  U" 


^59 


longueur  de  l'atbre  fut.  la  crcon- 
fcrence ,  en  zi  portioua  égales  5  \x 
circonférence  eft  enfuite  partagée  en 
7  portions  j  favoir,  6  pour  les  pilons , 
^  une  pour  le  fermoir.  &  dcirermoic 


&C.,  parce  que  le  jeu  des  pilons  &     du    rebattage  ,    ou   fécond    tordage- 

■  Elles  font  indiquées  dans,  cette  figura 

par  les  nombres  i.  i.  5.  4.  5.  6.  7. 
Le  fermoir  ce  défermoir  du  premier 
rordage  ,  ne  fe  comptent  pas  dans  la 
mefure  de  la  marche. 

On  place  enfuite  trois  mentonets 
pour  chaque  pilou  ,  &  trois  pour  le 
fermoir  &  defermoir  du  fécond  tor- 
dage.  Le  fermoir  &  défermoir  du 
premier  tordage  ont  une  cheville  & 
demie,  c'eft-à-dire,  une  pour  le  fer- 


le tremblement ,  ne  pourroient  être 
fupportcs  par  des  pivots  enchâlfés 
aux  extrémités ,  comme  dans  la  ma- 
nière ordinaire. 

i.  Deux  pi\^ots  heurtoirs  aux  ex- 
trémités ,  pour  heurter  en  tournant 
contre  une  plaque  d'acier  qui  empê- 
che que  l'arbre  ne   vacille. 

5.  Les  rouets  pour  mouvoir  la 
fpatule  ,  marquée  dans  le  plan  d'éU- 
vadon  ,  n°.  1 1  ,  figure  3  ,  planche 
XX  f  première  divifion. 


moir ,  &  une  demie  pour  le  déxer- 
4.  Les  mentonets  pour  la  prefle  ,     moit-  feulement;  en  forte  que  le  dé- 
fermoir  frappe  deux  fois ,  &  le  fer- 
moir une  fois  dans   une   révolution 


de  l'arbre  ,  comme  on   le  voit  par 
le  n°.  5. 

Figure   troisième.    L'arbre  di- 
vifé  en  z.i  portions  égales  ;.  les  qua- 


ou  tordoir  du   rebattage 

5.  Les  mentonets  pour  le  tordoir 
du  premier  battage. 

6.  Les  mentonets  pour  élever  les 
fix   pilons. 

ficvRESicovDi.  Explication  pour 

compajfer  le  devis  des  mentonets  fur  tte  lignes  mitoyennes  plus  en  grand, 

l'arbre  tournant  j  pour  le  mouvement  afin  de  mieux  faire    fentir  ks  divi- 

des  fix   pilons  ,     des   fermoirs    du  fions.    On  prévient    que   dans  cette 

premier  tordage  &  du  fécond  tordage  j  figure  ,  on  n"a  pas  obfervé  l'échelle 

ou    rebattage  :  le    tout   à    la  façon  de  proportion. 

de    Hollande  j    qui    dijfère    de  celle  Figure     quatrième.      Manière 

de  Flandres.  dont  l'arbre  eft  divifé  en  z  i  portions 

La  figure  féconde  repréfente  l'atbre  égales,  avec  les  quatre  lignes  mitoyen- 

déployé  dans  toute  fa  circonférence  ,  nés  marquées  par  des  points  qui  for- 

de  forte  que   l'on    voit   l'arbre    tout  rnent  la  croix.  On  n'a    obfervé    ici 

entier.    1°.  On    partage   l'arbre  fur  aucune  proportion  de  l'échelle,  parce 

la  longueur  &  par  quartiers  \  1°.  on  qu'elle   étoit  inutile, 

marque  les  quatre  lignes  mitoyennes.  Pour  placer  les  chevilles,  on  ob- 

qu'on  appelle   les  quatre  pôles   mi-  ferve  de  les  mettre  vis-à-vis  les  men- 

toyensj  comme  on  les  voit  dans  cette  touets  des   pilonS   où  elles  doivent 


figure  ,  marqués  par  des  points  &  nu- 
mérotés I.  z.  3.4.  Les  quatre  lignes 
font  indiquées  par  des  -d — h-i — h. 

On   commence    enfuite  par   une 
ligne  mitoyenne  ,  ôc  on  partage  la 


agir  ,  &  dans  chaque  poinr  où  la 
ligne  de  diftance  coupe  la  divifion 
de  II.  La  cheville  &  demie  du  pre- 
mier rordage  ,  du  coté  où  elle  eft 
double  ,  fe  place  fur  la  ligne  mi- 
O  o  o  o  i 


66o 


MOU 


toyenne  qui  tombe  entre  les  numé- 
ros 1  o  &  II,  comme  on  le  voit  dans 
la  _fig.  5  ,  au  point  marqué  ■+-  de  la 
PL  XX,Jeconde  divïfion  ,  traverfant 
l'arbre  par  le  centre.  On  a  la  cheville , 
dont  la  moitié  fert  à  l'autre  côté  , 
comme  on  le  voit  dans  la  figure  pre- 
mière de  la  même  planche ,  à  l'endroit 
marqué  n''.  5.  Enfuite^  on  commen- 
ce ,  à  gauche  ,  à  difpofer  les  che- 
villes pour  les  pilons.  Si  on  compte 
à  gauche,  ce  premier  pilon  porte 
fur  les  chevilles  i .  S.  1 5 .  ;  le  fécond  , 
fur  les  chevilles  4.  11.  18.  j  le  troi- 
fième  ,  fur  les  chevilles  7.  14.  zi.,.. 
On  volt  dans  le  troifième  ,  les  deux 
demi- chevilles  ne  faire  qu'un  dans 

Ja  circonférence Le    quatrième 

porte  fur  les  numéros  j.  10.  17....; 
le  cinquième  ,  fur  les  numéros  6. 
13.  20....  j  le  fixième  ,  fur  les  nu- 
méros 2.  9.  \6..„.  La  feptième  che- 
ville ,  deftinée  pour  le  fermoir  &  le 
défermoir  du  fécond  tordage ,  fe  place 
fur  les  numéros  5.  i  z.   ly. 

Les  pilons ,  pour  tordre  ou  prefler 
l'huile ,  s'élèvent  à  20  pouces  de 
hauteur,  &  ceux  qui  tombent  dans 
les  creux  ,  s'élèvent  à  la  hauteur  de 
7  pouces.  Les  creux  ont  douze  pouces 
^  demi  de  profondeur. 

Figure  cinquième.  Numéro  i. 
L'arbre  à  chevilles  ou  de  profil. 

2.  L'arbre  mu  par  la  roue  à  aubes , 
&  mife  en  mouvement  par  le  cou- 
rant   d'eau. 

3.  La  roue  dentée  ,  mue  par  la 
roue  à  aubes  ,  &  caraâérifée  par 
des   points. 

4.  La  roue  de  l'arbre  aux  pilons, 
marquée  par  des  points. 

5.  La    maçonnerie. 

6.  Le  dormant. 

7.  Le  montant  &  le  dormant  pour 
fupporter  l'arbre  des  pilons ,  marqué 


MOU 

par  des  points  j  n°.  4  ,  planche  XX, 
fig.  1  ,  première  divijîon. 

Figure  sixième  ,  repréfentant  la 
meule  fur  la  table  ou  fur  la  pierre 
gijfante.^ 

Numéro  i.  La  maçonnerie  fur  la- 
quelle porte  la  meule. 

2.  Meule  tournant  fur  champ. 

3.  La  meule  emboîtée,  pour  em- 
pêcher que  le  grain  ne  tombe  à  terre , 
entr.iîné  par  le  mouvement  de  rota- 
tion. Je  préférerois ,  en  cette  partie, 
la  méthode  de  Gemer  de  Dordrecht , 
à  celle  de  Sardani,  f^oye^  fg'^''^  9* 
A  A  ,  font  deux  tringles  de  fer,  de 
6  à  8  lignes  d'épailfeur ,  attachées 
des  deux  côtés  fur  l'eflîeu  B  de  la 
meule.  La  partie  inférieure  G  de 
certe  tringle  ,  touche  prefque  à  la 
meule  ,  ôc  dans  le  petit  intervalle 
qui  refte  entre  deux  ,  on  adapte  un 
morceau  de  cuir  D ,  qui  frotte  con- 
tinuellement fur  la  meule  ,  &  faic 
tomber  la  graine  fur  la  table. 

4.  La  partie  du  chaflîs ,  du  côté  du 
plat  de  la  meule. 

5 .  L'arbre  droit  qui  donne  le  mou- 
vement. 

6.  L'oreille  enchâflee  par  le  haut 
dans  le  chaflîs  ,  avec  deux  pièces  en 
arc-boutant ,  fixant  &  portant  dans 
fi  bafe  l'axe  qui  traverfe  la  meule. 
Cet  axe  eft  porté  &  implanté  dans 
l'arbre  principal,  n°.  5 ,  dont  je  viens 
de  parler. 

Figure  septième.  Les  mêmes  par- 
ties que  celles  décrites  dans  la  figure 
fixième  j  mais  vues  par-dejfus  ou  à 
vol  d'oifeau. 

i.  Les  meules  tournantes. 

2.  La  pierre  giflante. 

3.  Le   chaflîs. 

4.  Les  bras  qui  enveloppent  l'atbre 
petpendiculaire. 

5.  L'elfieu  qui  traverfe  la  pierre. 


Toi'  i^j  ■ 


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MOU 

s.  Le  ramoneur  extérieur. 

7.  Le  ramoneur  intérieur. 

Figure  huitième  ,  repréfcncant 
la  table  nue  (  aux  deux  ramoneurs 
près  )  ,  ou  la  pierre  gijjance  avec 
le  couloir. 

■   I.  Le  couloir    à    l'entour   de   la 
pierre  gilTante. 

2.  Bordure  en  bois ,  de  6  pouces 
de  hauteur  ,  fur  un  pouce  d  cpail- 
feur  ,  élevée  à  l'entour  du  couloir. 
Beaucoup  de  moulins  n'ont  pas  cette 
bordure  ,  &:  c'eft  un  mal. 

3.  Vanne  ou  trappe  ,  qu'on  ouvre 
&  ferme  à  volonté  ,  pour  faire  tom- 
ber la  farine  y  c'eft-à-dire  la  graine 
inoulue. 

4.  Portion  du  cercle  que  décrit 
la  meule  extérieure  en  tournant. 

5.  Portion  du  cercle  décrit  par  la 
meule  intérieure  en  tournant.  On  voie 
par  ces  deux  portions  de  cercle,  que 
les  deux  meules  ne  roulent  pas  fur  la 
même  place,  &  on  juge  par-là  de  la 
nécefllté  des  deux  ramoneurs  pour 
diriger  les  grains  fous  les  meules. 

6.  Le  ramoneur  extérieur. 

7.  Le   ramoneur  intérieur. 

8.  Ramoneur  pour  faire  tomber 
la  farine  par  la  trappe  ,  n''.  j.  On 
voit  dans  cette  figure  8  deux  tiaits 
près  du  n° .  7  ,  &  une  -f-  depuis  ces 
deux  traits  jufqu'au  n°.  8.  Or,  cette 
partie  refte  foulevée  pendant  tout  le 
temps  que  la  meule  broyé  les  grai- 
nes. Lorfqu'elles  font  fiiffifamment 
broyées ,  moulues ,  on  laille  tomber 
l'extrémité  de  ce  ramoneur  intérieur 
fur  la  table  ,  loriqu'on  veut  faire 
couler  la  farine  par  la  trappe  ,  pour 
remettre  de  nouvelles  graines.  La 
partie  de  ce  ramoneur  intérieur ,  la 
plus  rapprochée  du  centre  ,  refte 
toujours  étendue  ,  &  touchant  la 
table  par  cous  fes  points. 


MOU 


66i 


PLANCHE  XXÎ,  PREMIÈRE 
DIVISION. 

Equipage  vu   de  profil. 

Figure  première.  Numéro  i. 
L'arbre  tournant  pour  élever  les  pi- 
lons. 

2.  Trois  chevilles  à  élever  les 
pilons. 

3.  Roue  pour  la  fpatule,  dcfignée 
planche  XX ,  n°.  i  1  j  première  diyi- 
fion ,  é'ii".  3  ,  féconde  divifion^  com- 

pofée  de  18  dents. 

4.  Autre  roue  qui  engtaine  dans 
la  première,  composée  de  20  dents. 
Les  dents  de  cette  roue  &:  de  la 
précédente  font  efpacées  de  trois 
pouces   &  demi. 

5.  L'eflleu  tournant. 

6.  Autre  roue  à  l'extrémitc  de 
l'ertieu  ,  compofée  de  1  3  dents  .  .  . 
Pas  ,  de  trois  pouces. 

7.  La  roue  au  haut  de  la  verge 
de  la  fpatule  ,  compofée  de  ii 
dents  .  .  .  Pas  de  trois  pouces. 

8.  Deux  pièces  ,  que  traveife  la 
verge  de  fer  de  la  fpatule ,  de  fiçoii 
à  pouvoir  tourner  librement  dans  les 
ouvertures  ,  &  haulfer  ^'  bailler  à 
volonté. 

9.  Pièce  mobile  ,  par  laquelle 
pafle  la  verge  &  où  elle  tourne  li- 
brement. La  verge  dans  cet  endroit 
eft  garnie  d'un  bouton  ou  rebord  qui 
appuie  delfus  la  pièce  mobile  ,  & 
par  lequel  elle  eft  élevée  ou  abaiffée 
à  volonté. 

10.  Pièce  mobile  pour  lever  la 
fpatule  &  la  verge  ,  pour  les  engrai- 
ner  &  dcgrainer.  La  pièce  p  eft 
fixée  en  a  ,  &  mobile  en  b  dans 
une  coulilTe. 

1 1.  Un  pilon. 

1 2.  Un  menronec  attaché  au  pilon. 


CGi.  M  O  U 

.  ij.  Les  deux  pièces  de  triverfe, 
marquées  w" .  3  dans  la  planche  XX, 
figure   5  ,  première  diviflon. 

14.  La  pièce  de  traverfe  j  à  la- 
quelle eft  arraché  le  bias  pour  éle- 
ver ,  arrêter  &  tenir  le  pilon  fuf- 
pendu ,  marque  n".  5  dans  le  plan 
d'élévation. 

15.  Bras  pour  arrêter  les  pilons 
par  le   moyen  de  la  corde. 

\6.  Solive  à  une  diftance  des 
pilons  pour  attacher  la  poulie  ,  par 
Laquedlepalfe  la  corde,  marquée  dans 
le  plan    d'élévation  ,   n^.    6. 

17.  Poulie  fur  laquelle  paffe  la 
corde  ,  marquée  dans  le  plan  d'éléva- 
tion ,  u°,  7. 

18.  La  corde  pendante  du  côté 
de  l'ouvrier. 

1 9.  Deux  pièces  de  traverfe  ,  mar- 
quées ,  n°.  I  o  ,  dans  le  plan  d'élé- 
vation. 

20.  Bloc  des  creux  des  pilons  , 
marqués  ,  n°.  x  i  dans  le  plan  d'élé- 
vation. 

11.  Badin  à  recevoir  l'huile  ,  mar- 
qué dans  le  plan  d'élévation ,  n°.  21. 

21.  Fourneau  à  échauffer  la  farine, 
z  5 .  Baflin  ouvert  par-delfous ,  dans 

lequel  on  place  le  fac  deftiné  à  rece- 
voir la  farine ,  dont  on  doit  extraire 
l'huile  après  qu'elle  a  été  échauffée. 

24.  Spatule  qu'on  lailfe  tomber 
dans  la  payelle  ,  ou  bafline  pour  re- 
tourner la  farine  pendant  qu'elle  eft 
fur  le  feu. 

Figure  seconde.  Plate -forme 
de  l'ouvrage  fur  le  terrein. 

1.  Fourneau  à  échauffer  la  tarine, 
marqué,  n°.  22  ,  dans  la  figure  pré- 
cédente. 

2.  Le  baffin  divifé  en  deux  por- 
tions ,  fous  lefquelles  on  fuf]jend  les 
deux   facs  pour  verfer  la  farine  der- 


MOU 

tière  la  payelle  ^  de  forte  qu'elle 
tombe  en  deux  portions  égales,  mar- 
quées n°.  23  dans  la  figure  précé- 
dente. 

2..  Payelle  ou  balfine  fur  le  feu 
avec  la  fparule  dans  le  fond.  ., 

4.  Boite  ,  fur  laquelle  eft  pofé 
un  couteau  pour  rogner  les  rives  oi; 
bords  des  tourteaux ,  lorfqu'ils  fortenc 
du  fac  après  la  ptelfe  ,  &  dans  la- 
quelle tombent  les  débris  des  tour- 
teaux. 

5 .  Le  tordoir  ou  pretTe  pour  le 
fécond    tordage. 

6.  Le  tordoir  du  premier  tordage  , 
parce  qu'il  eft  plus  près  des  meules. 

7.  Les  fix  creux  pour  les  pilons. 

8.  Planche  fur  champ  &  inclinée 
pour  empêcher  la  graine  de  tomber. 

9.  La  meule  giffante. 

I  o.  Le  centre  de  la  meule  giffante . 
plus  élevée. 

II.  Planche  <iarnie  d'une  bordure 
pour  élargir  le  contour  de  la  meule 
giffante  ,  d:  pour  empêcher  la  farine 
de  romber  à  terre.  Elle  efl  indiquée 
n°.  10  ,  figure  4  ^  planche  XX ^  pre- 
mière divifion. 

PLANCHE     XXI    ,     SECONDE 
DIVISION. 

Le  bloc  avec  les  creux  des  pilons  & 
les  tordoirs  coupés. 

FiGURETREMiiRH.  Numéro  I.  Les 
fix  pilons. 

2.  Les  fix  creux  avec  une  plaque 
de  fer  dans  le  fond  ,  marquée  par 
une  H-, 

;.  Le  fermoir  qui  frappe  fur  le 
coin  du  premier  battage  ou  tordage. 

4.  Le  fermoir  qui  frappe  fur  le 
coin  du  fécond  tordage. 


MOU 

5.  Le  défermoir  àa  premier  tor- 
<iage  ,  qui  frappe  fur  le  coin  à  dé- 
fermer. 

6.  Le  défermoir  du  fécond  tor- 
dage,  qui  frappe  fur  le  coin  à  dc- 
fermer. 

7.  Coin  à   défermer. 

8.  Coin  à  fermer. 

9.  Couffins  de  bois  entre  le  fer  & 
le  coin  h — h  -h  ,  deux  plaques  de 
bois  de  deux  pouces  d'épailfeur  ,  qui 
fe  placent  entre  le  coin  à  fermer  Se 
le  couffin  &  le  défermoir. 

10.  Secrails  ,  entre  lefquels  on 
place  le  fac  de  crin  qui  contient  la 
graine.  Dans  la  figure  fuivante  ,  je 
détaillerai  mieux  ce  qu'on  entend  par 
ferraïl.  L'ufage  varie  pour  les  facs  : 
ici  ,  ils  font  de  crin  ;  là ,  c'cfl:  une 
pièce  d'étofte  de  laine.  Tous  deux 
font  bons,  dès  qu'ils  n'éclatent  pas 
par  la  force  de  preffion. 

1 1.  Fontaine  par  où  coule  l'huile. 

12.  Ballin  pour  recevoir  l'huile. 

13.  Plaque  de  fer,  qui  fe  place  à 
plat  fous  les  coins ,  les  couffins  &  les 
ghlloirs. 

14.  Pièces  de  bois  fur  lefquelles 
eft  pofé  &  alTujetti  le  bloc. 

1 5.  Le  bloc  en  deux  pièces  jointes 
enfemble  dans  le  milieu  ,  garnies  de 
bandes  de  fer.  11  doit  en  être  égale- 
ment  garni  aux  deux  extrémités. 

16.  La  corde  pour  laiiTer  defcen- 
dre  le  coin  ou  détermoir  à  la  hauteur 
.convenable  ,  afin  qu'il  puifie  défer- 
mer. 

Figure  Seconde.  Serrails  entre 
lefquels  on  place  les  facs  garnis  de 
farine  pour  en  extraire  l'hurle. 

1 .  Deux  fers  nommés  chajfeurs  de 
plat. 

2.  Les  mêmes  vus  fur  champ  ou 
par  coté ,  de  la  manière  dont  on  les 


MOU 


66 


\oit  n".  10  ^figure  i  j  Planche  XXI ^ 

féconde  divifon. 

3.  Plaques  de  fer,  qui  fe  placent 
fur  la  longueur. 

4.  La  lontaine  ,  marquée  \\° .  11, 
dans  la  figure  première.  Les  ferrails 
fe  placent  de  la  même  façon  que  dan;» 
cette  hïiure  ;  il  s'agit  feulement  de 
réunir  les  deux  bouts  qui  répondent 
à  la  fontaine  ,  &  en  redreflant  les 
quatre  extrémités ,  marquées  par  une 
-r-  ,  on  s'en  forme  une  idée  très- 
jufte. 

5.  Les  facs  dans  lefquels  on  mec 
la  farine  pour  tordre.  Il  faut  obfetvec 
que  les  coutures  de  ces  facs  viennent 
fur  le  plat  &  non  fur  les  bords  exté- 
rieurs j  la  preffion  pourroit  les  faire 
éclater. 

6.  Le  crin  ,  entre  les  plis  duquel 
on  renferme  le  fac. 

Détails  de  l'opération  pour  enfer- 
mer le  fac  dans  le  crin.  Le  fac  étant 
rempli ,  on  place  fa  bafe  en  a  Se  l'au- 
tre bout  en  b  ;  on  plie  enfuire  le  bout 
c  jufqu'en  h  ,  &c  on  replie  enfuite  i'ex- 
trémiré  d  jufqu'en  a  ;  l'ouverture  x 
fert  pour  l'empoigner,  l'emporter, 
le  placer  dans  le  tordoir  &  l'en  re- 
tirer. 

7.  Un  pilon  garni  de  fa  virole,  oti 
chauffiure  de  fer. 

8.  Clous  qui  s'enfoncent  dans  le 
bout  du  pois  du  pilon  ,  lequel  eft 
entouré  de  fa  virole  ou  chaulfure. 

9.  Pièces  qui  fervent  pour  élever 
les  pilons  &  les  arrêter. 

10.  Pilon  pour  le  tordoir. 

1 1.  Mortoifes  ,  dans  lefquelles  fe 
placent  les  mentonets  qui  répondent 
au  bras  des  leviers  fur  l'arbre  tour- 
nant pour  élever  les  pilons. 

Figure  Troisième.  Ce  qui  confit' 
lue  la  preffe  ou  tordoir. 

I.   LescouOîns,  pièces  de  bois. 


66^ 


M  O  U 


marquées  n".  9  ,   dans  la  figure  pre- 
mière. 

z.  Le  coin  à  défernier ,   n°,   7, 


hgure  I. 


3.  Le  coin  à  fermer  ou  tordre,  11*. 
8  ,  rigiire  i. 

4  <;<c  5.  Les  deux  gliiroiis  de  bois, 
entre  leiquels  on  place  le  coin  ù  fer- 
mer ,  marqué  figure  i  ,  par  des  -h  -t- 

D'après  les  détails  dans  lefquels  je 
viens  d'entrer  pour  expliquer  le  mou- 
vement &  l'aiftiûn  de  toutes  les  piè- 
ces qui  compolent  cette  ingénieufe 
machine  ,  que  l'on  compare  actuelle- 
ment le  moulin  Hollandois  avec  ceux 
des  provinces  de  Flandres ,  d'Artois 
&  de  Picardie,  Le  plus  fimple  coup- 
d'œil  «Se  le  plus  Icget  examen  démon- 
treront julqu'à  l'évidence  ,  lequel  des 
deux  l'emporte  en  perfeélion ,  en  di- 
minution de  main-d'œuvre  -~v  en  pro- 
duit. Le  Flamand  fe  contente  ,  en 
premier  lieu  ,  de  faire  écrafer  la  grai- 
ne par  dis  pilons  j  le  Hollandois  la 
fait  broyer  par  des  meules  qui  ont  7  , 
8  &  même  9  pieds  de  hauteur ,  fur 
18  à  20  pouces  d'épailleur.  Cette 
opération  lui  donne  une  graine  beau- 
coup mieux  écrafé  en  tout  feus  ,  & 
par  conféquent  ,  elle  fournit  au  tor- 
dage  beaucoup  plus  d'huile  vierge  _, 
c'eft-à-dite  ,  tirée  fans  teu. .  .  Com- 
me les  meules  ccrafent  beaucoup  plus 
de  graines  à  la  fois  que  les  pilons , 
&  que  la  même  quantité  de  graines , 
mi  Tes  fous  les  pilons  ou  fous  les  meu- 
les ,  eft  beaucoup  plus  promptement 
écrafée  par  celle-ci  ,  le  travail  ell 
donc  confidétablement  diminué  ,  & 
dans  le  même  efpace  de  temps ,  il 
l'eft  au  moins  du  double  par  les  meu- 
les  Quel  avantage  immenfe  ne 

retireroit-on  pas  d'un  lemblable  mou- 
lin placé  fur  une  rivière  i  puifqu'en 


MOU 

Flandres  ,  comme  en  Hollande  ,  les 
moulins  ne  peuvent  aller  un  bon  tiers 
de  l'année,  je  pourrois  même  dire  la 
moitié....  Le  moulin  Flamand  n'a 
qu'un  tordùir:  il  faut  donc  qu'on  fe 
contente  ,  ou  de  tordre  feulement  de 
la  graine  pour  avoir  Ihuile  vierge  ,  ou 
de  la  graine  qui  palfe  par  la  payelle 
pour  y  être  échauffée.  Le  moulin  Hol- 
landois fait  ces  deux  opérations  à  la 
fois. ...  Le  Flamand  ne  dilpofe  que 
des  trois  pilons  pour  écrafer  ou  la 
graine  fraîche  ,  ou  la  farine  qui  a  dé- 
jà été  tordue  \  le  Hollandois  en  fait 
manœuvrer  fix  ,  dont  trois  pour  la 
farine  fraîche  &  trois  pour  la  farine 
qui  a  fubi  le  premier  tordage  j  il  a 
donc  encore  en  cela  un  double  avan- 
tage.,.. Comme  la  gtaine  a  été  mieux 
écrafée  par  la  meule  ,  elle  devient 
donc  fufceptible  d'êtte  mieux  écrafée 
de  nouveau  par  les  pilons  au  fécond 
battage.  Or,  cette  pâte  du  fécond  bat- 
tage donne  plus  d'huile  au  retordage. 
En  effet ,  les  tourteaux  fottis  du  re- 
tordage hollandois  font  parfaitement 
fecs  ,  tandis  que  ceux  des  moulins 
de  Flandres  ,  d'Artois  &  de  Picaidie 
font  encore  gras  au  toucher  &  onc- 
tueux ,  lotfqu'ils  fortent  du  retorda- 
ge  Le  Hollandois  a  donc  retiré 

plus  d'huile  d'une  maffe  de  graine 
donnée  ....  il  l'a  retirée  plus  promp- 
tement ;  il  a  donc  ,  fur  le  Flamand, 
l'Artéfien  &  le  Picard  ,  le  bénéhce 
du  temps  ,  &  le  bénéhce  de  la  plus 
grande  quantité  d'huile.  ...  Le  Fla- 
mand &  le  Hollandois  ont  le  même 
moteur  pour  leurs  moulins,  le  ventj 
il  eft  aulîî  actif  dans  l'un  que  dans 
l'autre  pays.  La  feule  différence  eft 
donc  dans  le  produit  ?  Quelle  leçon  ! 
Si  on  compare  adiuellement  à  com- 
bien la  graine  revient  aux  Hollandois, 
on  concluera  que  ,  fans  la  prompti- 
tude 


MOU 

rude  Se  Texcellence  du  leurs  moulins , 
ils  ne  pourroienc  pas  routeuir  la  con- 
currence dans  cetce  branche  de  com- 
merce ,  avec  le  Br.ibançon  &:  le  Fran- 
çois. En  eife  t ,  le  HoUandois  vient  ache- 
ter nos  graines ,  parti culièremenc  celles 
de  lin,  jiifques  dans  les  provinces  mé- 
ridionales de  France  ,  (ans  parler  de 
celles  qu'il  achète  à  Bordeaux ,  à  la 
Rochelle  ,  à  Nantes ,  à  Dunkerque, 
&c.  (i).  lia  donc  à  fupporter  le  prix 
de  l'achat ,  &  par  confequent ,  le  bé- 
néfice de  celui  qui  ven.i  la  graine  , 
les  frais  déchargement,  de  décharge- 
ment, de  fret,  &c.  &  ceux  de  la  main- 
d'œuvre  beaucoup  plus  hauts  chez  lui 
qu'en  France.  Malgré  cela,  il  donne 
fes  huiles  de  graine  au  même  prix 
qu'en  France  ,  &  même  quelquefois 
à  un  prix  inférieur. 

A  ces  confidéracions ,  il  convient 
d'en  ajouter  encore  une  autre  ;  c'eft 
la  dépenfe  conlîdérable  qu'il  fait  né- 
celTlrirement  pout  la  conftiuétion  de 
fes  moulins.  Le  Hollandois  ne  regar- 
de jamais  à  la  mife  première ,  lorf- 
qu'elle  doit  aflurer  la  folidicé  &  la 
durée.  Par -tout,  il  eft  obligé  de 
fortement  piloter  pour  bâtir  ,  &  le 
pays  ne  fournit  pas  un  feul  arbre  ca- 
pable de  le  conferver  fous  terre  & 
dans  l'eau.  Il  eft  donc  forcé  de  recou- 
rir à  l'étranger  pour  les  bois  de  pilo- 
tage. Il  l'eft  également  pour  tous  les 
bois  de  conftruétion ,  de  charpente ,  ôc 


-MOU  6^5 

même  pour  le  bois  dcftiné  à  faire  des 
planches.  S'il  bâti: ,  c'eft  en  briques, 
èc  la  brique  eft  fort  chère  en  Hol- 
lande; entîn,  l'on  voit  à  Amftetdam  , 
près  la  porte  d  Utretht ,  Uii  moulin 
piloté ,  bâti  en  brique  &  fort  élevé  , 
pour  gagner  le  vent,  qui  a  coûté  plus 
de  Soooo  liv.  de  notre  monnoie.  On 
feiit  bien  que  tous  les  moulins  à  huile 
de  la  Hollande  ne  coûtent  pas  à  beau- 
coup près  autant  que  celui-ci.  Je  ne 
cire  cet  exemple  que  pour  prouver 
quel  doit  donc  être  le  produit  pour 
couvrir  les  intérêts  de  la  mife  de  conf- 
trudlion ,  la  différence  du  prix  auquel 
les  graines  reviennent ,  &:  la  haulle  de 
la  main  dœuvre.  Cependant,  le  Hol- 
landois foutient  la  concurrence  avec 
nous,  fi  elle  n'eft  pas  déjà  à  fon 
avant.;  i^e. 

Tout  concouft  donc  à  prouver  les 
avantages  que  les  Flamands  ,  les  Ar- 
téilens&  les  Picards  auroient  en  adop- 
tant ce  moulin.  Il  ferviroic  avec  le  mê- 
me fuccès  dans  l'intérieur  de  ce  royau- 
me ,  pour  la  mouture  des  noix,  ob- 
jet d'une  prodigieufe  confommation. 
Combien  n'y  a-t-il  pas  de  provinces 
dans  le  royaume  où  la  feule  huile  de 
noix  eft  en  ulage  ! 

Des  Provinces  feptentrionales,  paf- 
fons  à  celles  du  midi ,  &  faifons 
l'application  de  ce  moulin  pour  les 
huiles  d'olives  de  Languedoc,  de  Pro- 
vence &  de  Corfe.  Les  meules  qu'on 


(  I  )  Dans  les  Pays-Bas  Autrichiens ,  il  eft  défendu ,  fous  quelque  prétexte  que  ce  foit , 
de  fortir  des  graines  à  huile  ,  pour  que  toute  l'huile  foit  fabriquée  dans  le  pays.  La  feule 
Ch.itellenie  de  Lille  fait,  année  commune,  de  trentc-(ïx  à  quarante  mille  tonnes  d'huile 
(  la  tonne  contient  loo  livres ,  poids  de  marc  )  de  graines  quelconques ,  dont  au  moins 
les  trois  quarts  de  celle  de  colfat,  environ  un  huitième  de  celle  de  lin ,  environ  un 
huitième  de  celle  à' œillet.  Ceux  qui  ont  vu  la  quantité  de  lin  cultivé  dans  cette  Châtellcnie, 
conviendront  que  les  Lillois  vendent  aux  Hollandois  ou  aux  Brabançons,  au  moins  la 
moitié  de  leurs  graines  de  lin.  Avec  de  meilleurs  moulins,  ils  feroient  dans  le  cas 
d'acheter  des  graines ,  &  non  pas  d' en  vendre. 

Tome  FI.  P  P  P  P 


(.GG  M  O  U 

Y  emploie  font ,  en  général,  trop  pe- 
tites, pas  alfez  madives  ,  &  l'ettci- 
tage  d'une  motte  d'olives  ,  dure  trois 
heures.  Des  meules  de  7  à  9  pieds 
de  dinmètre  ,  &  de  "i(î  à  18  pouces 
d'épr-ilTeur  ,  feroient  l'ettrirage  en 
moins  d'une  demi-heure  ;  i  '^.  à  caufe 
de  leur  poids;  2°.  à  caufe  de  la  vî- 
teiïe  avec  laquelle  elles  tournent  ; 
3".  parce  qu'il  y  aurcit  deux  meules 
fi  on  adoptoit  la  machine  que  je  pro- 
pofe  \  4'*.  enfin  ,  que  l'on  compare 
l'aélion  du  vent  ou  de  l'eau  avec  celle 
du  cheval_q«t-t«urne  la  meule  ,  & 
qui  eftobligé  de  décrire  un  très-grand 
cercle.  Chaque  meule,  mue  par  ces 
deux  agens,  auroit  fait  trois  tours  dans 
le  temps  que  celle  que  fait  aller  im 
cheval,  n'en  auroit  fait  qu'un;  c'eft 
donc  fix  contre  un  de  diftérence. 

Ceux  c]ui  veulent  avoir  de  1  huile 
excellente  pour  In  qu^Iîfé  ,  verront 
les  premiers  ,  qu'en  diminuant  le 
temps  de  l'opération  de  l'ettrirage  , 
les  olives  feront  moins  long-temps  à 
fermenter,  &  les  habitans  d'Aix  fa- 
venc  ,  par  expérience  ,  que  l'amon- 
celement  des  olives  trop  long-temps 
mifes  à  fetmenter,  nuit  lingulière- 
ment  à  la  qualité  de  l'huile.  Il  ne 
s'agit  aujourd'hui  que  de  la  manière 
d'extraire  l'huile  en  plus  grande  quan- 
tité &  plus  promptement  j  fuivons 
la  marche  de  l'opération. 

1''.  L'olive,  parfaitement  ettri- 
tée,  fêta  mife  dans  des  cabats  ou 
dans  des  facs  de  laine  ou  de  crin  , 
(  plus  grands  que  ceux  dont  on  fe 
fert  aiSuellement  en  Hollande  ,  quoi- 
que ceux-ci  foient  plus  que  du  dou- 
ble plus  grands  que  ceux  de  Flan- 
dres )  ,  attendu  que  l'olive,  réduite 
en  pâte  ,  eft  bien  moins  sèche  que  la 
farine  de  la  graine  ,  &  qu'elle  cède 
plus  facilement  à  l'adion  de  la  preiïe. 


MOU 

Je  ne  crains  pas  de  foutenir  que  cerra- 
manière  de  tordre  ,  l'emporte  fur 
toutes  celles  qu'on  employé  dans  les 
pays  méridionaux.  L'aétion  du  coin  _,. 
ici,  eft  direde,  &  les  co/-;//?wj  agiffent 
direétement  fur  toutes  les  parties  du 
fac ,  tandis  que  l'adiicn  du  manteau 
des  preffes  ordinaires ,  fe  porte  &  fe 
partage  fur  plufieurs  doubles  Aqs  ca- 
bats. L'on  metd'ai'leurs  toujours  trop 
de  cabats  les  uns  fur  les  autres,  ce  qui 
diminue  &:  amortit  beaucouo  Taélion 
de  1?  pre'.fe.  Il  faut  cinq  ,  &  m.ême 
li.\  hommes ,  pour  fervir  les  preffes 
ordinaires  \  ici ,  un  feul  fuffit  pour 
le  premier  tordage  &  pour  le  fervice 
des  meules  ;  &  un  fécond ,  pour  le 
fécond  tordage  &  le  rebattage.  La^ 
machine  fait  tout  le  refte. 

2".  Les  tourteaux  fortis  du  pre- 
mier tordage  ,  feront  mis  dans  les 
pots  voifins ,  pour  que  la  pâte  foit 
écrafée  de  nouveau  par  les  pilons  ,  &; 
remife  enfuite  dans  le  premier  bar- 
rage. On  rerirera  ,  par  cette  opéra- 
tion ,  une  huile  plus  épailTt;  «Se  moins 
fine  que  la  ptemière ,  mais  elle  fera 
encore  retirée  fans  le  feccurs  de  l'eau-, 
chaude,  qui  nui:  toujours  à  la  qualité 
de  l'huile  ;  cette  féconde  huile  for- 
mera une  féconde  qualité. 

3".  Le  tourteau  forti  pour  la  fé- 
conde fois  du  premier  tord.ige,  fera 
repris  par  une  féconde  perfonne  pour 
être  remis  fous  les  féconds  pilons  , 
ou  pilons  de  rehattage  ;  enfuite  ,  les 
parties  de  ce  touiteau  ainfi  brifées , 
feront  mifes  dans  \z  payale  ou  kajp^- 
ne  _,  avec  un  peu  d'eau.  L'a.dion  du 
feu  du  petit  foutneau  qui  eft  en  ^^î- 
fous  ,  ramollira  le  parenchyme  du 
fruit,  détachera  l'huile  des  débris 
des  novaux  .  &  cette  pâte  ainfi  échauf^ 
fée ,  fera  porrée  dans  les  facs  du  re- 
batuge ,  &  tellement  difpofée  à  fu- 


MOU 

:bir  l'aclion  de  la  preffe  ,  qu'il  n'y  ref- 
tera  plus  un  atome  dhuile.  Si  on 
veur  juger  de  la  quantité  d'iuiile  qui 
refte  dans  les  tourteaux  fortis  des 
prelFes  ordinaires,  que  l'on  confidère 
que  les  moulins  de  recenfc  de  la  feule 
ville  de  GrafTe ,  retirent  par  an  plus 
de  2000  rhubs  d'huile  (  le  rliub  pèfe 
io  liv.  )  des  feuls  marcs  que  l'on- 
jeuoit  autrefois  (i). 

Cette   manière  de    prelfer  l'olive 
difpenferoit  donc,  i°.  d'avoir  recours 
aux    moulins    de    rcccnje  ;    z°.    on 
diminueroit   au   moins   de  moitié  , 
peut-être  même  des  trois  quarts  ,  la 
dépenfe  en  bois  pour  chaufter  l'eau 
que  l'on  vide  dans   les  cabats  après 
la  première  pretfe.  Cet  objet  mérite 
certainement  d'être  pris  en   confidé- 
ration  dans  le  Languedoc  &  dans  la 
Provence,  où  le  bois  eA  très-cher.  Je 
fais  que  l'on  fe  fert  communément 
du  marc ,  après  qu'on  l'a  retiré  de  la 
preife  ,  pour  chauffer  l'eau  ^  mais  ce 
marc  ,  confumé  inutilement  ,  fervi- 
roir  à  chaufter  fes  propriétaires,  ou 
du  moins  les  gens  de  leur  ferme.  5". 
Deux   hommes   feuls  dirigeront  fix 
opérations  à  la  fois",  i''.  celle  des  deux 
meules  5  2^.   celle  du   premier  tor- 
dage^  3".  le  battage  pour  le  lecond 
tordage;  4".  le  battage  pour  le  troi- 
fième  tordagej  5°.  l'échaudement  de 
la  pâtej  6°.  le  battage  du  retordage. 
Enfin ,  ces  fix  opérations  feront  faites 
en  deux  tiers  moins  de  temps  que 
l'ettritage  &  le  preffurage  tels  qu'on 
les  fait  aituellement.  Cela  paroît  dif- 
ficile à  comprendre ,  mais  je  m'en  rap- 
porte à  la  décifion  de  ceux  qui  auront 
vu,  comme  moi ,  les  opérations  de 
Languedoc  &  de  Provence,  6c  qui, 
fans  prévention,  les  auront  comparées 


M  O  U 


661 


avec  celles  de  Flandres,  &c  far-tout, 
avec  celles  de  Hollande.  Si  tes  vérités 
étoient  moins  frappantes,  il  me  feroic 
facile  de  les  démontrer  jufqu'à  l'é- 
vidence \  mais  ce  n'eft  point  pour 
celui  qui  ne  fait  pas  voir,  que  j'écris. 

On  fe  récriera,  fans  doute,  fur  la 
difficulté  de  fe  procurer  des  meules 
de  fept  à  neuf  pieds  de  diamètre ,  fur 
quinze  à  dix-huit  pouces  d'épaiifeur, 
iîc  fur  la  dépenfe  de  cette  emplette. 
Je  demande  :  en  reconnoît-on  l'a- 
vantage ?  on  ne  doit  donc  pas  re" 
garder  à  la  dépenfe.  Si  le  Hollandois 
s'en  fert  pour  des  graines,  à  p!us  forte 
raifon  le  Languedocien  &;  le  Pro- 
vençal doivent-ils  les  employer  pour 
un  fruit  dont  le  noyau  l'emporte  par 
fa  dureté ,  à  tous  égards ,  fur  celle 
des  graines.  Si  le  moulin  de  recenfe , 
établi  près  de  Baitia  en  Corfe ,  avoic 
une  meule  dont  la  hauteur  fût  en 
proportion  de  fon  épailleur  ,  on  ne 
diroit  pas  que  les  noyaux  des  olives 
de  Corfe  font  trop  durs  pour  être 
écrafés ,  parce  que  la  meule  agiroic 
avec  plus  d'aétion  fur  une  moins 
grande  furface,  car  il  eft  évident  que 
la  trop  grande  furface  diminue  con- 
fidérablement  l'aclion  de  la  meule 
en  partageant  trop  fon  poids.  Il  faut 
donc  du  poids  aux  meules,  &  plus  il 
fera  confidérable  ,  plus  elles  feront 
parfaites.  Revenons  aux  moyens  de 
fe  procurer  des  meules ,  &  examinons 
quelle  doit  être  leur  qualité. 

Plus  le  grain  d'une  meule  eft  ferré 
&  compade,  plus  la  meule  pèfe,  & 
moins  elles'ufe  promprement.  Aufïi, 
un  Hollandois  qui  auroit  à  faire  conf- 
ttuire  un  moulin,  par  exemple,  dans 
la  partie  voifine  du  Pont  de  Saint- 
Efprlt ,  &;  qui  n'auroit  pas  une  ef- 


(i  )  Voyelle  la  defcription  du  moulin  de  recenfe  à  l'article  Huîli. 

Pppp  1 


C6% 


M  O  U 


pèce  de  maibre  comme  celai  des 
meules  qu'il  cire  des  environs  de 
Namur ,  ne  balanceroit  pas  à  faire 
tailler  les  laves  dures  qui  lont  à  cent 
toifes  du  Rhône ,  vis-à-vis  Xlonté- 
limard.  Celui  qui  craindra  cette  dé- 
penfe,  trouvera  entre  Viviers  &  le 
village  de  Theil ,  au  bord  du  Rhône , 
dans  la  carrière  nommée  le  Decrou  . 
une  pierre  calcaire,  dure  ,  qui  offre 
de  très-grands  bancs,  &  qui  eft  fiifcep- 
tible  du  poli  ^  il  trouvera  encore  à 
Chaumeyracen  Vivarais,  &  qui  n'eft 
pas  éloignée  du  Rhône ,  une  bonne 
carrière  de  marbre  gris  ,  &  d'une 
grande  dureté;  enfin,  une  autre  car- 
rière près  du  Pouflîn.  On  voit  donc 
que  ces  carrières  fuffiroient  bien  au- 
delà  pour  la  fourniture  des  moulins 
à  huile ,  depuis  Rochemore,  h  ramont, 
jufqu'à  Nifmes  ,  &  le  tranfport  n'en 
l'eroit  pas  bien  coiàteux.  Les  moulins, 
depuis  Nifmes  jufqu'à  Beziers  &  au- 
delà  ,  feront  approvilîonnés  par  les 
meules  du  Poulfan,  entre  Agde  & 
Montpellier  ;  par  celles  de  Saint- 
Julien,  près  de  Carcaffonne,  qui  fe- 
ront tranfportées  par  le  canal.  On 
donne  la  préférence  pour  le  blé  à  celles 
de  Saint-Julien  ,  &  je  préférerois  à 
toutes  deux,  pour  ettriter  les  olives, 
les  meules  qu'on  feroit  avec  les  laves 
d'Agdej  le  tranfport  en  feroit  facile 
&  peu  coûteux.  Les  pierres  noires  de 
Nebian,  près  de  Pezenas ,  font  déjà 
employées  pour  l'ettritagej  elles  font 
bonnes ,  très-dures  ,  il  ne  s'agit  plus 
que  de  leur  donner  un  plus  grand 
volume.  Ne  pourroit-on  pas  encore  , 
dans  les  couches  de  marbre  gris  , 
veiné  de  blanc ,  qu'on  voit  près  de  la 
ville  de  Cette j,  &  au  bord  de  la  mer, 
tailler  commodément  des  meules  ? 
ceci  mérite  d'être  examiné.  Combien 
d'autres  endroits  n'y  a-t-il  pas  à  citer 


MOU 

dans  cetcc:  a:  "  c  taiTe  du  Languedoc? 
mais  c'efl  û  ^.Ua^^ue  particulier  à  étu- 
dier la  nature  des  carrières  qui  font 
dans  fon  vilfinage ,  afin  d'évitei  la 
dépenie.  il  fufHr  oc  bien  voir,  &  fur- 
tout  de  vouloir  tfîicacement. 

La  Provence  n'clt  pas  r-oins  abon- 
dammer.t  pourvue  rie  carrières.  Les 
environs  de  Draguignan  fournilfenc 
aujourd'hui  des  meules  taillées  dans 
la  grandeur  de  cinq  pieds,  fiir  huit  à 
dix  pouces  de  largeur.  Ces  bancs  de 
pierres  calcaires  font  fufceptibles  de 
fournir  des  meules  dans  les  propor- 
tions que  je  demande  ....  On  en 
trouveroit  du  même  grain  6c  de 
même  nature  à  Caffis  ....  La  pierre 
calcaire  de  la  petite  montagne  du 
fort  de  la  Malque ,  qui  couvre  Toulon, 
otîre  les  mêmes  refTources. . .  Dans  les 
environs  de  cette  ville ,  on  a  découvert 
un  marbre  (  bardille  bleu  )  aulîi  dur 
que  le  marbre  ou  pierre  de  Namur ^ 
dont  les  HoUandois  fe  fervent  fî  avan- 
tageufement  pour  leurs  moulins.  Les 
blocs  de  ce  marbre  fonr  d'un  volume 
prodigieux  ,  &  les  meules  qu'on  en 
tailleroit  feroient  tranfporrées  fans 
peine  par  terre  &  par  mer.  Le  marbre 
de  Sainte-Baume  feroit  trop  difpeii- 
dieux  pour  le  ttanfporr . ...  Le  terri- 
toite  de  Roquevaire  fournit  des  meu- 
les dont  on  fe  fert  à  Matfeille;  mais 
les  meilleures ,  fans  contredit  ,  font 
celles  que  l'on  tire  des  vaux  d'OI- 
lioules  à  Cagolin  &  à  Evenos  ;  cts 
vaux  font  remplis  de  laves  Se  de 
pierres  volcaniques.  La  chaîne  de 
montagnes  de  Toulon  en  fourniroit 
de  femblables.  On  regarde  en  Pro- 
vence les  meules  tirées  des  laves  , 
comme  les  meilleures  &  les  plus  pro- 
pres à  écrafet  l'olive ,  &'  j'y  en  ai  va 
plufieurs  de  cette  nature.  Les  bonnes 
meules  d'Ollioules ,  de  cinq  pieds  & 


MOU 

demi  de  hauteur  fur  quatorze  pouces 
d'épaiireur,  ne  coûtent,  tranfportées 
jufqu'à  Saint -Nazaire,  que  de  cent 
cinquante  à  deux  cent  livres ,  &  en 
leur  donnant  la  proportion  que  je  de- 
mande ,  elles  feroient  excellentes  pour 
le  nouveau  moulin.  J'ai  vu  de  fem- 
blables  laves  dans  les  montagnes  de 
l'Efterelle,  que  l'on  traverfe  pour  aller 
de  Toulon  à  Antibes  j  mais  la  diffi- 
culté du  tranfport  en  rendroit  le  prix 
trop  exceflîf . ...  La  chaîne  de  monta- 
gnes contre  laquelle  la  ville  de  GraiTe 
eft  adoirée  ,  fournit  des  marbres  à 
grains  durs  ëc  excellens,  dont  on 
tireroit  de  bonnes  meules  ,  &  même 
dans  des  grandeurs  plus  confidcrables 
que  celle  de  dix  pieds. 

Plus  la  pierre  fera  dure ,  plus  fon 
grain  fera  ferré.  Se  mieux  elle  vau- 
dra pour  ettriter  l'olive.  Celle  que 
l'on  nomme  ordinairement  pierre 
meulière,  (  (apis  moUtoris  )  quoique 
excellente  pour  moudre  le  blé,  n'a  pas 
le  même  avanrage  pour  l'olive;  elle 
s'ufe  rrop  facilement,  &  elle  elt  rrop 
perfillée.  La  pâte  de  l'olive  fe  niche 
dans  cette  efpèce  de  carie;  ces  petites 
cavités  correfpondent  prefque  toutes 
les  unes  avec  les  autres  ;  elles  font , 
pour  ainlidire,  l'office  de  fiphon,  & 
une  quantité  d'huile  efl:  abfoibce  par 
cette  pierre.  Ce  n'eft  encore  qu'un 
demi  mal,  puifqu'une  fois  farcie  de 
pâte  &  d'huile,  elle  nefauroit  en  re- 
cevoir davantage  ;  mais  cette  pâte  & 
cette  huile  moifilfent,  fermentent, 
fe  ranciiïenc,  &  acquièrenr  enfin  la 
caufticité  des  huiles  elfentielles.  On 
fenc  combien  ,  dans  cet  état ,  elles 
communiquent  facilement  leur  mai> 
vais  goût  Se  leur  mauvaife  odeur  à 
la  pâte  fraîche  qu'elles  broyent.  Le 
befoin  exigeroit  donc  de  démonter 
tous  les  mois  ces  meules   pour  les 


M  OU  <Î(Î9 

laver  &  les  nettoyer  à  fond;  ce  qui 
feroit  encore  prefque  impollible. 

J'avois  publié  ce  mémoire  en  1777, 
&  tout  ce  que  j'ai  vu  en  fait  de  mou- 
lins à  graines  &  à  fruit,  depuis  cette 
époque ,  ne  fert  qu'à  cenfirmer  mou 
opinion  fur  l'excellence  du  moulin 
Hollandois  ;  j'en  avois  tait  faire  un 
modèle  en  Hollande,  je  l'ai  envoyé 
à  M.  de  Marange  ,  à  Cadillac  fur 
Garonne,  près  de  Bordeaux,  où  il  va 
le  faire  exécuter,  &  je  ne  doute  pas 
que  fon  exemple  ne  foit  bientôt  fuivi 
dans  les  provinces  voifines  où  l'on 
fait  calculer.  Si  j'avois  eu  de  l'eau  à 
ma  difpolltion  ,  il  y  a  long -temps 
qu'il  feroit  fur  pied  dans  l'endroit 
que  j'habite. 


E    c    T    I    0    N 


I  I  I. 


Des    moulins  â  fruic. 

Ils  fervent  communément  aux 
noix  ,  noifettes  ,  faînes,  pommes, 
poires  ,  olives  ,  &c. 

L'emplacement  d'un  moulin  à 
graines  huileufes  n'eft  pas  indiffé- 
rent ;  car  l'on  fait  que  lorfque  le 
froid  s'y  fait  fentir  ,  ces  graines 
lâchent  plus  difficilement  l'huile 
qu'elles  contiennent;  par  conféquent 
il  y  a  une  perte  réelle  pour  le  pro- 
priétaire j  Se  cette  perte  augmente 
en  raifon  de  l'intenfité  du  froid. 
Malgré  cette  obfervation ,  connue 
dans  tous  les  pays,  on  voit  cependant 
prefque  par-tout  ces  moulins  mai  re- 
couverts ,  les  fenêtres  n'en  font  pas 
fermées  par  des  chaflîs ,  &  fouvenc 
leur  toîture  eft  percée  par  de  grandes 
lucarnes  deftinées  à  l'idue  de  la  fu- 
mée des  fourneaux.  Les  propricraires 
de  pareils  moulins,  Se  fur-tout  ceux 
qui  retiennent  comme  falaire  ,  une 
partie  des   marcs    de    ces   graines  , 


è-JO 


MOU 


ajoutent  encore  le  plus  d'ouvertures 
qu'ils  peuvent ,  afin  d'augmenter  le 
bénéfice  qu'ils  retirent  par  une  nou- 
velle mouture  des  marcs  ,  foit  en 
les  faifant  bouillir  dans  des  chau- 
dières ,  foit  en  les  partant  au  mou- 
lin de  recenfe  j  (  l-^oye^  la  gravure 
8c  la  delciiption  de  ce  moulin ,  à 
l'article  Huile.) 

Le  moulin  n'eft  autre  chofe  qu'une 
maile  de  maçonnerie  A  (  figure  i  , 
planche  XXII  ).  Suivant  les  pays  elle 
varie  beaucoup  fur  la  iiauteur  ,  qui 
eft  communément  de  vingt-quatre  à 
rrente  ponces.  Je  crois  que  la  meil- 
leure eft  celle  qui  ,  combinée  avec 
la  hauteur  de  la  meule  B  ,  rendroit 
prefque  de  niveau  la  barre  C  au  poi- 
trail du  cheval ,  comme  on  la  voit 
repréfentée  dans  la  ligure  2  5  parce 
que,  dans  cette  poûtion  ,  l'animal  a 
plus  de  force  &  fatigue  moins.  Il 
eft  bien  démontré  que  le  cheval  ne 
tire  que  par  fon  poids  j  ou  par  fa 
pefanreur ,  &  l'efFort  de  fes  mufcles 
ne  fert  qu'à  porter  fucceiïivement 
fon  centre  de  gravité  en  avant  ,  ou 
à  reproduire  continuellement  le  re- 
nouvellement de  cette  a<îtion  de  fa 
pefanreur.  Si  les  cordes  ou  leviers 
attachés  à  la  barre  C  font  trop  balles, 
le  cheval,  en  tournant,  a  beaucoup 
plus  de  peine  ,  &  fupporte  en  partie 
le  poids  de  la  meule  :  cette  pefan- 
teur  eft  cependant  nécelTaire  pour 
écrafer  les  graines  ,  étritter  les  oli- 
ves, &c.  Si ,  au  contraire ,  elles  font 
trop  hautes  ,  le  cheval  eft  foulevé 
par-devant ,  &  fes  pieds  ne  trouvent 
pas  contre  terre  un  bon  appui  pour 
poulTer  fon  corps  en  avant.  U  y  a 
donc  un  point  qu'on  doit  faifir ,  & 
auquel  on  ne  penfe  gucres,  paifque 
les  mêmes  rraits  ,  fans  les  alonger 
ou  les  r^iccourcir ,  fervent  à  des  che  - 


MOU 

vaux  qui  varient  beaucoup  pour  la 
taille.  Exiger  ces  précautions  de  l'ou- 
vrier ,  ce  feroit  trop  lui  demander  j 
il   n'y  regarde  pas    de  fi  près. 

La  maçonnerie  A,Ji'gure  i  ,  dont 
le  diamètre  eft  de  fixi  huit  pieds, eu 
recouverte  de  dales  polies,  qui  incli- 
nent de  E  en  F.  Dans  certains  endroits 
on  fuppléé  les  dales  par  des  planches 
de  chêne  fortement  aflujetties  ,  ôc 
leur  inclinaifon  eft  de  fix  à  dix  pou- 
ces. La  meilleure  eft  celle  qui  offre 
le  moins  de  réfiftance  à  l'homme 
qui  ,  avec  la  pèle  ,  repoufle  en  G 
le  marc  que  la  meule  en  tournant 
fait  refluer  fur  le  plan  incliné.  La 
partie  G  eft  celle  fur  laquelle  la 
meule  en  tournant  ,  prefl"e  ,  brife  , 
triture  les  graines  ,  les  fruits  charnus 
&  leurs  noyaux.  On  doit  préférer 
les  dales  aux  plateaux  en  bois.  L'hu- 
midité ,  la  chaleur ,  la  féchereife  fait 
travailler  ceux-ci,  ils  fe  déjetrent, 
fe  défunillent  &  s'ufent  j  enfin  , 
l'huile  les  pénétre  ,  rancit  dans  les 
potes  du  bois  ,  &  communique  fa 
rancidité  aux  fruits  qu'on  y  moud. 
Confultez  le  mot  Huile. 

Le  feule  infpeclion  de  la  gravure 
explique  le  méchanifme  bien  fimple 
de  ce  moulin.  Le  cheval  attaché  au 
levier  C  ,  fait  tourner  la  meule  B  : 
la  meule  en  fuit  le  mouvement  j 
mais  elle  a  encore  fon  mouvement 
particulier  fur  fon  axe  ,  autrement 
il  n'y  auroit  qu'une  de  fes  parties 
qui  frotteroit  contre  la  meule  gif- 
fante  j  ce  qui  la  rendroit  defeélueufe 
en  peu  de  temps....  Le  levier  C  eft 
fortement  alTujetti  en  H  dans  l'ar- 
bre K  ,  mobile  &  perpendiculaire  , 
&  dont  la  partie  fupcrieure  tourne 
dans  une  poutre  du  plancher  L  ,  qui 
le  tient  d'à-plomb ,  ôc  lui  permet  de 
tourner  fur  lui-même  avec  la  meule. 


,//.  rr. 


./•/  .£///.     y'tu/i\  Ù70- 


Y/w/   ^rt  u//' 


MOU 

Ce  moulin  eft  le  plus  (unplc  r!e 
Cous  ■■,  mais  il  exige  qu'une  peilonne 
ïepouife  fans  celle  la  pâte  de  E  en 
F  j  &  la  lupprelllon  d'une  journée 
d'iiomine  ,  qui  le  renouvelle  fans 
celFe  ,  n'eft  pas  une  petice  écono- 
mie. 

La  figure  i  démontre  qu'on  peut 
fe  palier  de  cet  ouvrier.  La,  table  A 
eft  en  maçonnerie  comme  dans  la 
£gare  première  j  mais  au  lieu  d'être 
inclinée  comme  celle  de  E'  en  F  ^ 
elle  forme  au  contraire  une  auge 
circulaire.  L'extérieur  eft  conftruic  en 
pierres  taillées  exprès,  qui  porteni  un 
peu  fur  la  meule  glifante  ;  i?i  le 
Hoyau  intérieur  qui  fupporte  l'arbre 
eft  de  la  même  hauteur  que  les 
pierres  de  la  circonférence  j  de  force 
qu'entre  elles  Se  lui,  l'efpace  forme 
l'auge.  Si  les  circonftances  le  permet- 
tent j  on  peut  conftruire  !k  tailler  le 
tout  dans  une  feule  pierre,  ou  bien  on 
fe  fert  de  plufieurs.  La  cavité  qui 
fe  trouve  de  C  en  D  forme  l'auge 
de  fix  à  dix  pouces  de  profondeur , 
dans  laquelle  la  meule  E  roule  & 
rourne  fur  elle-même  comme  dans 
la  figure  première.  Comme  les  pa- 
rois du  noyau  (Se  des  pierres  de  la 
circonférence  font  taillées  d'à- plomb, 
la  pâte  retombe  au  fond  de  l'auge  ,. 
à  mefure  que  la  meule  s'avance  & 
s'éloigne  5  mais  comme  cela  n'arrive 
pas  toujours ,  &  comme  la  pâte  a 
befoin  d'être  foulevée  ,  d'être  ra- 
menée au  milieu  de  l'auge  pour  que 
la  meule  la  reprenne  ,  on  ajoute  un 
rabot  ou  valet  qui  fuit  la  meule  ,  & 
fait  le  travail  de  l'homme  dont  on 
a  parlé.  A  cet  efi'et  on  attache  en  FF, 
du  côté  de  la  meule  qui  traverfe  le 
levier  G  ,  une  corde  ou  une  chaîne  , 
ou  une  petite  barre  de  fer  appellée 
tringle  :  cette  corde  ,  chaîne  ,  i!i«:c. 


MOU 


^71 


derrière  «S?  un  peu  au  deli  de  la 
meule.  Là  les  deux  bouts  de  la  corde 
s'attachent  à  la  bafe  des  oreilles 
H  H  de  l'inftrument  de  fer  I  appelle 
rahot  ou  valet  ,.  reprcfenté  féparé- 
ment ,  fig.  3  \  de  forte  que  la  meule 
en  tournant  le  traîne  après   elle. 

Ce  rabot  eft  courbé  en  demi-cer- 
cle dans  le  même  fens  que  l'auge. 
Il  touche  en  tournant  par  toutes  les 
parties  j  &  prelTe  celles  de  la  pierre. 
Les  deux  montans  H  H  font  repliés 
en  manière  d'oreilles  ,  dont  la  lar- 
geur augmente  en  raifon  de  leur 
élévation  ,  afin  de  faire  tomber  dans 
le  milieu  de  l'auge  le  marc  qui  étoic 
adhérent  à  fes  parois.  La  partie  inté- 
rieure K  du  rabor  eft  applatie  ,  mrnce 
(Se  elle  fert  à  foulever  la  pâte  lur  la- 
quelle la  meule  vient  de  palTer  j  de 
forte  que  lorfque  la  meule  revient  ^ 
la  pâte  eft  retournée ,  èc  préfente  de 
nouvelles  faces.- 

Si  d.i.ns  les  environs  du  local 
on  avoit  lui  courant  d'eau  à  fa  dil- 
pofition ,  il  vaudroit  mieux  en  conf- 
truire un  à  aubes  ,  qui  iroit  par  la 
chute  de  l'eau  (  f-'oye:^^  fig.  5.  )  5- 
Se  en  y  ajoutant  un  valet  ou  rabot , 
en  économiferoit  la  journée  d'un 
homme  ,  &  de  deux  chevaux  ou 
mules  ,  parce  que  les  animaux  ont 
befoin  de  fe  repofcr  après  avoir  tra- 
vaillé pendant  deux  à  trois  heures 
de  fuire.  Je  ne  propofe  le  plan  de 
ce  moulin  que  pour  en  donner  l'idée,: 
parce  que  les  acceiToires  doivent  va- 
rier fuivant  le  local  ,  la  quantité 
d'eau  &  fa  chute.  Si  la  chute  ou 
la  quantité  font  corifidérables  ,  la 
même  roue  à  aubes,  (Se  le  même 
arbre  C  C  peuvent  en  faire  aller 
plufieurs.  Ce  moulin  ne  diffère  àts 
précédens  que  par  la  pofition  des 
roues.    L'eau  eft  fuppofée  venir  pas 


G-i%  MOU 

le  canal  A  ,  mettre  en  mouvement 
la  roue  à  aubes  B  ,  fortement  aiFu- 
jettie  &  traverfée  par  l'arbre  C.  La 
roue  D  ,  perpendiculaire  &  parallèle 
à  la  roue  à  aubes  ,  tourne  avec  l'ar- 
bre C.  Mais  comme  elle  eft  garnie 
de  dents  ,  elles  s'engrainent  dans 
celles  de  la  roue  horizontale  D  , 
fupporcée  par  le  pied  F  ,  &  contre 
lequel  la  meule  G  eft  ailujettie  par 
une  trayerfe. 

Les  moulins  à  cidre ,  de  Norman- 
die, de  Bretagne  ,  &cc.  diffèrent  des 
précédens  ,  quoique  dans  le  fond  , 
ridée  foit  la  même.  C'eft  toujours 
une  meule  qui  tourne  dans  une  auge  ; 
mais  elle  doit  être  grofTe  ,  moins 
haute,  moins  mallive  ,  parce  que  les 
fruits  à  pépins  ,  cèdent  plus  facile- 
ment à  la  preffion ,  que  les  graines 
de  lin,  de  colzat ,  &c. ,  &  fur-tout 
que  les  noyaux  d'olives. 

AA.  Auge  circulaire  de  la  pile 
figures  <î  &  7  ;  B  rabot  ou  valet  j 
ce  cafés  ou  féparation  pour  recevoir 
les  différentes  efpèces  de  pommes  ; 
D  la  meule  j  E  axe  de  la  meule  ;  F 
palonnier  auquel  les  traits  de  l'animal 
font  attachés  ;  G  guide  du  cheval. 
Sans  cette  guide  ,  formée  d'un  bois 
léger  ,  l'animal  ne  fauroic  tourner 
autour  du  moulin  ,  &  il  s'en  écar- 
ceroit.  On  couvre  fes  yeux  avec  une 
toile  à  plufieurs  doubles  ,  ou  avec 
ce  qu'on  appelle  des  luneues  en 
cuir  ,  qui  s'enchâffent  fur  fes  yeux 
fans  les  bleffer.  Sans  cette  précau- 
tion, le  cheval  feroit  étourdi  en  tour- 
nant  les    yeux  ouverts. 

Il  feroit  trop  long  de  décrire  toutes 
les  efpèces  de  moulins  ;  en  général , 
ils  rentrent  tous  du  plus  au  moins 
dans  ceux  dont  on  vient  de  parler  j 
&  ceux-ci  font  les  plus  (impies  &:  les 
plus  communs. 


MOU 

MOURON.  (  Planche  XXÎIl  ]. 
Tournefort  le  place  A?<m  la  dixième 
fection  de  la  clalfe  des  herbes  d  fleur 
dune  feule  pièce  &  en  entonnoir  , 
dont  le  piflil  devient  un  huit  dur 
&  i^c.  Il  l'appelle  cnagali'is  j-hœni- 
ceo  flore.  Von  Linné  le  nomme  ana- 
gallls  arvenfls  ,  &  le  cl  allé  dans  la 
pentandrie  monogynie. 

Fleur  A.  En  rofette,  profondément 
découpée  en  cinq  parties  ,  ainfi  que 
le  calice.  B  repréfente  le  piftil  ,  C 
les  étamines. 

Frulc  D.  Capfule  fphérique  ,  s'ou- 
vrant  horizontalement  E,  &  renfer- 
mant des  femences  G  menues,  angu- 
leufes  ,  ridées ,  brunes  ,  &  attachées 
au  placenta. 

Feuilles.  Très-entières  ,  fimples  , 
lifiTes  ,  pointues  par  le  bout ,  évafées 
à  leur  bafe  par  où  elles  adliérent  aux 
tiges. 

Port.  Tiges  herbacées ,  rameufes , 
foibles,  longues  de  tîx  à  dix  pouces  j 
les  rieurs  naiflent  de  leurs  aillelles, 
&  chacune  eft  fourenue  par  un  pé- 
duncule^  elles  font  rouges  j  les  feuil- 
les font  oppofées  une  à  une  fur  les 
tiges. 

Racine.  Blanche,  fimple,  fibreufe. 
Lieu.  Les  champs  ,  les  bords  6ss 
chemins  ;    la   plante  eft  annuelle  Se 
fleurit  prefque  pendant  tout  l'été. 

Telle  eft  la  plante  ,  improprement 
appellée  mouron   mule  ,    puifque  fa 
fleur  eft  hermaphrodite  ,   compofée  , 
de    cinq    étamines  &  d'un  piftil. 

Le  mouron  appelle /êmt.7J<;  eft  une 
variété  du  premier  ,  &  il  ne  mérite 
pas  mieux  cette  dénomination.  Il 
ne  diftère  du  précédent  que  par  fes 
feuilles  plus  petites  ,  fes  tiges  plus 
menues  ,  &  fes  fleurs  d'une  bille 
couleur  bleue  &  quelquefois  blan- 
che. 

Propriétés, 


Tom.   VJ. 


Pi.  xjjfj.  r.'.jc  (i"-2. 


Zi'  Jfoiiron  Jtlà/e  cl  Femelle 


Le  Jfdi/itel  tle.i-l'oi.i'  e//  Jli-/>.ii//i/m-  e'/eilec 


I.e  .Vil /le  lie  l'ettii.  eu  J/it/le<uiile 


MOU  MOU            (^75 

Propriétés.    Les  feuilles  ont  une  l'infiifion.  Le  traitement  eft  le  même 

faveur  douce  &  amère  ,  une  odeur  pour  les  animaux  ;  il  fuffit   d'aug- 

légérement   aromatique  ,   &    défa-  menter  la  dofe  fuivant  leur  gtotTeuto 
gréable  quand    elles   font    froilîees. 

Toucc  la  plante  eft  vulnéraire  ,  dé-  MOUSSE.  Je  ne  m'arrêterai  pa« 

terfive  &  céphalique  j  le  fuc  exprimé  à  décrire  botamqucmcnt  les  ei'pècas 

des  feuilles  &  des  tiges,  &  leur  infu-  de  moulTes  ;  elles  font  trop  variées-, 

fion,  contribuent  à  ce-ndre  l'expeéto-  D'ailleurs  chacun  diltinguè  fans  peine 

ration  plus  libre,  &  à  diminuer  l'op-  des  autres   plantes   ,   la  moufle  qui 

prellîon  dans  l'afthme  pituitêux,  dans  naît  dans  fon  pays.    Il  s'agir  feule*» 

la  phtifie  pulmonaire  de  nailfance  ,  ment    ici  de  confidérer  cerce  planne 

&  dans  la  phtifie  pulmonaire  par  in-  relativement  à  fon  utilité   ou  à  fes 

flammation  des  poumons.  défavantages. 

La  Société  Economique  de  Berne  On  confond  en  général  les  lichens 

a  publié  dans   la  colle6tion   de   fes  avec  les  moufles ,  quoique  ce  foient 

Mémoires, que plufieurs  de  fes Mem-  des   plantes    très- différentes  ;    inais 

bres  s'étoient  fervis  avec  fuccès  de  cette  erreur  ne  porte  aucun    préju- 

cette   plante  dans  l'hydrophobie   ou  dice  à  l'agriculture.  Les  lichens  font 

rage  des  hommes.  J'ai  obtenu  éga-  des  plantes  membraneufes ,  qui  s'é- 

lement  un  bon  fuccès  de  cette  plante  rendent  &c  font   appliquées    comme 

dans  le  traitement  de  plufieurs  ani-  des  feuilles  de  papier,  prefque  colées 

maux  mordus  par  des  chiens  enragés,  contre  les  arbres  ,  les   pierres  ,  &c. 

Malgré  QQS  avantages,  cette   décou-  Leur  couleur  ordinaire  fur  les  troncs 

verte   doit  être   examinée  &  fuivie  &:  ks   branches  d'arbres  eit  jaune , 

avec  beaucoup  d'attention.   On  ex-  quelquefois  brune   ou  blanche.  Ces 

prime  le  fuc  des  feuilles  fraîches,  (5\:  membranes  fontchargées  déboutons, 

on  le  donne  depuis  une  once  jufqu'à  &  de  rugofités.  Il  efl;  très  -  difficile  de 

quatre  ;    en  poudre    sèche  ,   deux    à  tirer  aucun  parti  avantageux  des  li- 

quatre  drachmes  infufces  dans  cinq  chens,  excepté  dans  la  teinture  &:  dans 

ou    dix    onces    d'eau    fuffifeiit.    On  la  médecine  \    ils  nuifent  beaucoup 

met  du  fel  en  poudre  fur  la  partie  aux  arbres  fur  lefquels  ils  végètent. 

mordue  ,   &  on  applique  par-de(fus  De   Vutilué    des    mouJJ'es.     Ces 

le  marc  de  l'infufion  ,   ou  une  plus  plantes  forment  prefque  roujours  une 

grande  quantité  :  le  tout  efl  main-  mafle  compofée  d'un  grand  nombre 

tenu  par  un  linge  à  plufieurs  doubles,  de  tiges   feuillées  depuis  le  bas  juf- 

&c  ce  marc  doit  être  changé  deux  fois  qu'en  haut  ;   mais  les  feuilles  infé- 

dans  les  vingt  quatre  heures.  Mais,  rieures,  privées  de  l'influence  de  l'air 

comme  la  chaleur  de  la  partie  aff^ec-  &  de  la  lumière  ,  fe   delfccfienr ,  Se 

itée  fait  bientôt   évapoter  l'humidiré  chaque  tirze  n'eft:  plus   feuillée  qu'à 

du  marc  &  des  linges  ,  il  faut  avoir  fon  fommet.    La   plante    refle    tou- 

foin  de  les   tenir  toujours  mouillés  jours  verte  ,    &  elle  ell:  vivace.    La 

avec  l'infufion.  Au  remède  extérieur  chute  &c  la  décompofition  des  feuil- 

on  ajoute  l'intérieur,  qui  confifte  à  les  inférieures,  établit  à  la  longue  fur 

boire  plufieurs  fois  par  jour  j   &   à  le  fol  une  couche  de    terre  noire  , 

4€S  diftances  réglées  ,   un   verre  de  douce,lcgère&entièremen:végétalej 

Tome  FI,                  '  Q  q  q  g 


^74 


MOU 


enfin ,  le  véritable  humus.   (  Voye-[ 
le  dernier  chapirre  du  mot  Cultu- 
re   ,    &    le   mot    Amendement.   ) 
Cette  couche ,  après  un  certain  njom- 
bre  d'années ,  a  quelquefois  de  quatre 
à^flx  pouces  d'cpaiiîeur.   Voilà   une 
relfource  bien  précieule  pour  les  fleu- 
riftes  &  pour  les  amateurs ,    la  na- 
ture en  fait  tous  les  frais,  &  l'ama- 
tÊur  n'a  d'autre  dépenfe  à  faire  que 
de  l'enlever.  Si  l'éloignement   ,    les 
frais    ou    d'autres  ci  rconfta  ne  es ,   ne 
permettent  pas  de  voiturer  la  terre , 
on  peut  faire  de  très-gros  paquets  ou 
ballots  de  mouffe,  &  les  charger  fur 
un  animal  ou  fur  une  charrette.  Le 
fol  des  forets ,  les  grottes  un  peu  hu- 
mides ,  font  couverts  par  cette  plante. 
Une  fois  arrivée  au  dépôt  de  l'ama- 
teur,  il  fait  un  lit  déterre  ,  un  lit 
de  moulTe  de  la  même  épaitreur,& 
ainfi  de  fuite  ;  le  dernier  eft  en  terre  ^ 
&  la  mouife   de  chaque  lit  doit  être 
recouverte  avec  la  terre  ,   afin  qu'il 
n'en  paroiffe  point  fur  les  bords  que 
l'on  talTe  fortement  afin  de  retenir  la 
terre.  Si  ce  mêlanfre  a  lieu  au  prin- 
temps  ,  ou    au   commencement  de 
l'été  ,   il    eft    prudent  d'arrofer  lar- 
gement chaque  lit  de  moulTe  y  afin 
que    la   chaleur  ,    faifant"  travailler 
l'h.umidité  intérieure  du   monceau  , 
V  excire  une  prompte  fermentation  , 
&  par  conféquenr  une  plus  prompte 
décompoficion     à(î%     principes     des 
plantes.    Lorfqu'on    s'apperçoit   que 
les   mouffes  font  pourries ,   on  pafTe 
la   terre  à  la  grille  ,    &  on   met  de 
Qoik  la  mouife  qui  eft  reftée  entière, 
afin   qu'elle   ferve  dans  un   nouveau 
monce.iu.  Si  aux  lits  des  plantes  on 
ajoute  la  terre  du  fol  qui  les  nour- 
rilToit ,  il  convient  de  proportionner 
la  malfe  de  terre  vierge....  La  mouife 
fert  encore  à  couvrir  les  femis  des 


MOU 

plantes  délicates  ,  qui  exigent  que  le 
lerrein  relie  meuble ,  &  ne  foit  pas 
ferré  par  les  arrofemens. 

Il  faut  obferver  qu'une  plante  de 
mouife  ,  qui  refte  expofée  à  l'air  , 
au  foleil  ,  par  exemple  ,  pendant 
plufieurs  mois  ,  ou  même  pendant 
une  année,  fe  flctiit ,  &  fe  delléche, 
&  reffemble  .î  une  plante  parfaite- 
ment morte  \  mais  fi  on  la  remet 
en  terre  &  qu'on  l'arrofe  ,  elle  re- 
prend fa  première  végétation  qui 
n'avoit  été  que  fufpendue.  Ce  qui 
prouve  combien  il  eft  important  que 
tous  les  lits  de  mouife  du  monceau 
foient  cachés  par  la  terre. 

Les  moulTes,  employées  comme  li- 
tière, font  excellentes,  parce  qu'elles 
fe  pénètrent  bien  des  urines  &  des 
excrémens  ;  mais  on  ne  doit  employer 
le  fumier  qui  en  réfulte ,  que  lorf- 
qu'il  eft  bien  confommé. 

Tout  eft  habitude  5  les  gens  de  1» 
campagne  dorment  fur  un  peu  de 
paille  ,  fiir  des  feuilles  de  noyer,  de 
châtaignier,  (Sec;  cependant  on  peut 
ajouter  facilement  à  leur  bien-être 
en  fe  fervant  de  la  mouife  ,  parce 
qu'il  eft  aifé  d'en  faire  de  très-  bons 
matelats. 

On  choifit  (?c  on  ramaffe  la  moufte 
lorfqu'elle  ejl  dans  fa  plus  forte  vé- 
gétation ,  c'eft-à-dire,  au  mois  d'aoijt, 
&  on  ta  débarralfe ,  autanr  que  l'on 
peut ,  de  la  terre  qui  eft  reftée  at- 
tachée aux  racines.  11  faut  choifir  la 
mouife  ta  plus  longue,  la  plus  douce, 
&  en  féparer  tout  corps  étranger.  On 
porte  cette  mouife  fous  des  hangards^ 
&  on  l'y  étend  afin  de  la  faire  fécher. 
Lorfqu'elle  eft  alfez  fèche ,  mais  non 
pas  calfante  ,  on  la  place  fur  des 
claies,  &  on  la  bat  légèrement  avec 
des  baguettes ,   ce  q^ui   finit  de  k 


MOU 

dépouiller  de  toute  poufllère  &  de 
toute  terre  j  s'il  y  refte  quelques  corps 
durs ,  on  les  fépare.  Il  ne  s'agit  plus 
que  d'appotter  les  toiles  des  matelas, 
éc  de  les  remplir  aulli  également 
qu'on  le  peut  :  l'épailTeur  de  fix  , 
huit,  à  dix  pouces  forme  un  excellent 
matelas  \  après  cela  on  coût  toutes  les 
ouvertures,  on  pique  d'efpace  en  ef- 
pace  le  matelas,  afin  que  la  moulTe 
ne  fe  rairemble  pas  par  paquets.  Si 
le  matelas ,  à  force  de  coucher  deflus , 
s'applatit ,  on  le  bat  de  temps  à  autre  j 
il  reprend  fa  première  cpailleur,  Se 
il  dure  plus  de  dix  ans. 

Des  effets  nuijibles  des  mouffer. 
On  a  déjà  dit  qu'on  nommoit  vul- 
gairement mouffes  toutes  efpèces  de 
plantes  qui  s'attachoient  aux  arbres  , 
&  qui  fe  nourrifToient  à  leurs  dé- 
pends ,  le  cruy  excepte.  (  f^oye-^  ce 
mot  )  Les  principes  répandus  dans 
l'air  atmofpKcrique  contribuent  au 
moins  pour  les  trois  quarts  à  leur  nu- 
trition. Ce  n'eft  donc  pas  par  l'ab- 
forption  des  fucs  qu'elles  tirent  des 
arbres  qu'elles  leurs  nuifent  beau- 
coup j  on  pourroit  même  avancer  en 
général  que  l'écorce  des  arbres  fert 
feulement  de  mitrice  à  leurs  racines, 
extrèmementdcliées  &  fines;  en  effet, 
on  voit  des  lichens  alfez  relfemblans 
à  ceux  des  arbres ,  croître  &:  végéter 
fur  des  pierres  ,  fur  des  rochers  nuds 
&:  dui;.  ,  qui  ne  peuvent  fournir  à 
leur  nourriture;  ainfi  on  peut  con- 
clure, par  analogie,  que  les  arbres  ne 
contribuent  en  rien  ou  du  moins  pour 
bien  peu  à  la  profpérité  des  moulles, 
des  lichens.  Se  des  autres  plantes  pa- 
tafites.  Le  véritable  dommage  qu'elles 
caufent  aux  arbres,  conlifte  dans  la 
fuppretlion  de  leur  tranfpiration  fous 
route  la  partie  qu'elles  recouvrent, 
&  l'on  fait  jufqu'à  quel  poinc  cette 


fécrétion  eft  eOenticlle  à  la  phuue^, 
à  l'homme  Se  à  l'animal.  ., 

On  a  confeillé  de  déchaulTer  tout 
autour  le  pied  de  l'arbre  jufqu'à  Ift 
courbure  principale  des  grolîes  ra- 
cines, &  de  jeter  dans  cette  fofle  uu 
demi-boifleau,  par  exemple,  de  cen- 
dres de  bois  ou  de  charbon  de  terre; 
c'eft  travailler  &  tourmenter  un  arbre 
en  pure  perte,  puifque  le  remède  ne 
peut  pas  produire  l'effet  qu'on  défire. 
Par  cet  engrais,  on  augmentera  la 
végétation  de  l'arbre,  fans  détruite 
les  lichens  ou  les  moulfes,  puifque 
ces  plantes  ne  s'attachent  que  fur  leurs 
écorces ,  &  même  fur  les  écorces  de- 
venues fèches,  lif;neufes ,  crevaflees 
&  réduites  en  croûtes  fèches,  comme 
on  le  voit  fur  les  vieux  chênes,  &c. 
Dira-t-on  que  le  fel  des  cendres, 
dilfous  8c  entraîné  avec  la  fève  dans 
fon  afcenfion  &  fa  defcenfion  dans 
l'arbre,  fera  riiourir  ces  plantes;  ce 
feroit  avancer  un  paradoxe ,  puifque 
la  fève  ne  nourrit  plus  les  écorces 
déjà  fèchées  ou  ligneufes.  Il  n'y  a 
qu'un  feul  moyen  capable  de  détruite 
ces  lichens,  ces  mouffes;  c'eft  d'avoir 
des  broffes  à  poils  courts  &  rudes, 
ou  des  torchons  de  paille  ,  &  d'eu 
frotter,  après  qu'il  a  plu,  les  bran- 
ches, les  troncs  qui  en  font  chargés; 
alors  ces  lichens  ramollis ,  cèdent  fa- 
cilement ,  &  l'arbre  reile  net.  En 
général,  les  arbres  qui  croilTent  dans 
des  terreins  fecs  ,  &  dont  les  pieds 
font  alTez  éloignés  les  uns  des  auttes 
pour  que  leurs  têtes  ne  fe  touchent 
pas,  ne  font  pas  fujets  à  avoir  des 
plantes  parafites;  au  contraire,  ceux 
qui  végètent  dans  un  terrein  bas  , 
humide  ,  oufouvent  arrofé  ,  ou  fous 
un  ciel  pluvieux  ,  en  font  couverts  , 
Cl  on  ne  les  en  délivre  ;  ce  qui 
prouve  encore  que  ces  plantes  fe 
Q  q  q  (j  Z      . 


in& 


MOU 


nourriffent  beaucoup  plus  des  fùcs  ré- 
pandus dans  ratmofphère  ,  que  de 
ceux  de  l'arbre. 

Lorfque  la  moufle  gagne  une  prai- 
rie ,  elle  la  dérruir  bientôt;  la  bonne 
herbe  périt  &  meurt  étouftce;  il  lui 
fuccède  des  plantes  dont  la  végéta- 
tion eft  analogue  avec  celle  des 
moulTes ,  ou  du  moins  qui  ne  la 
détruifent  pas.  L'expérience  a  prouvé 
que  touie  efpèce  de  cendre ,  (  Voyc-^  ce 
mot)  répandue  furceterrein,  faicdif- 
paroîcre  les  monires,  &  que  la  bonne 
herbe  reprend  leur  place.  La  chaux 
éteinte  à  l'air  &  réduite  en  poufiicre, 
produit  un  etfet  encore  plus  prompt 
&  plus  sûr.  Il  vaudroit  beaucoup 
mieux  pour  le  propriétaire,  confer- 
ver  ces  cendres  ,  &  s'en  fervir  à  la 
fobrication  du  falpêcre.  (  Foyc^  ce 
mot) 

MOUT  ,  ou  MOUST.  Liqueur 
(Exprimée  du  raifin  ,  de  la  poire  , 
enfin  de  tous  les  fruits,  &  qui  n'a 
pas  encore  fubi  le  commenceinent 
de  la  fermentation  ,  (  Voye:[  ce  mot) 
&  qui  par  conféquent  n'eft  pas ,  dans 
cet  état ,  dans  le  cas  de  donner  du 
fpiritueux  par  la  difiillation  ;  ce  n'eft. 
même  pas  un  vin  ,  mais  feulement 
ime  fubftance  capable  de  le  devenir. 
Le  moût  fe  digère  très-difficiiement, 
il  fermente  dans  l'eftomac  ,  &  occa- 
fionne  des  coliques ,  dcc.  par  la  quan- 
tité d'ait  qui  s'en  dégage  dans  ce 
vifcère. 

MOUTARDE,  ou  SÉNEVÉ, 
eu  SINAPI  ,  ou  MOUTARDE 
NOIRE.  (  Foyei  Planche  XXIII ^ 
page  6ji)  Tournefort  la  place  dans 
la  quatrième  feél:ion  de  la  cinquième 
clalfe ,  comme  les  choux ^  (  Foyer  ce 
mot  )  &  il  l'appelle y?«a£i  rapi  folio. 


MOU 

Von  Linné  la  clalfe  dans  la  tétradymîe- 
filiqueufe  ,  &  il  la  nomme  Jinapi 
nigra. 

Fleur.  Compofée  de  quatre  pé- 
tales Bj  difpofées  en  croix ,  &  attachées 
au  calice  par  des  onglets.  Le  calice  C. 
eft  formé  de  quatre  feuilles  longues 
&  étroites,  qui  tombent  avant  la  ma- 
turité du  fruit  ;  les  étamines  D  au 
nombre  de  fix,  dont  quatre  plus  lon- 
gues &  deux  plus  courtes. 

Fruit.  Silique  E  ,  qui  renferme  les 
graines  F  noires  &  fphériques ,  ce  qui- 
fait  appeler  cette  plante  moutarde 
noire. 

Feuil/es.  A- pen-ptès  femblables  à 
celles  de  la  rave,  plus  petites,  plus 
rudes  au  toucher ,  adhérentes  aux 
tiges. 

P..ûcine  A.  En  forme  de  navet,  li- 
gneufe,  fibreufe. 

Porc.  Tige  haute  de  deux  à  trois 
pieds,  moclleufe,  velue,  rameufe  ; 
les  fleurs  portées  par  des  péduncules 
au  fommet  ;  les  feuilles  placées  al-, 
ternativemenr. 

Lieux.  Les  bords  de  la  mer,  les 
terreins  pierreux  ;  cultivée  dans  nos 
jardins;  la  plante  eft  annuelle ,  fleu- 
rit en  juin  &  juillet. 

Propriétés.  Odeur  aromatique  ,. 
piquante,  d'une  faveur  acre  &  brû- 
lante. On  ne  fe  fert  ordinairement 
que  des  femences;  elles  font  réputées 
fternutatoires  ,  diurétiques  ,  véfica- 
toires,  puilfamment  déterfives  ,  anti- 
fcorbutiques. 

L'ufage  des  femences  réveille  les 
forces  vitales ,  elles  échauffent  &  for- 
tifient l'eftomac  affoibli  par  abondance 
d'humeurs  féreufes  &  pituiteufes  ; 
elles  font  indiquées  dans  la  paralyfîe 
par  humeurs  féreufes  ;  dans  la  paralyfîe 
par  apoplexie  pituiteufe;  l'afthme  pi^ 
tuiceuxj  le  rhutnatifme  féreiixj  com- 


MOU 

me  mafticatoires ,  elles  déterminent 
une  plus  grande  fécrérion  de  falive , 
tendent  à  diminuer  la  paralyfie  de  la 
lans^ue,  à  relever  le  voile  du  palais 
«Si  la  luette  ,  relâchés  fans  indam- 
mation. 

Les  femences,  réduites  en  poudre, 
Se  a-ppliquées  fous  forme  de  cata- 
plafmes  fur  les  tégumens,  caufenr  en 
itès-peu  de  temps  une  douleur  aiguë, 
une  grande  ciiaïeur,  l'inflammation, 
ôc  forment  des  velîies;  mifes  fur  le 
point  douloureux  de  la  poitrine  dans 
les  premiers  jours  d'une  pleurcfie  ou 
d'une  péripneumonieeflentielle,  elles 
calment  la  douleur,  &  favorifent  la 
réfolution  avec  plus  de  fuccès  que  les 
mouches  cantharides;  appliquées  fur 
les  parties  afFeétées  de  rhumatifme  fé- 
reux  ou  de  paralyfie  par  des  humeurs 
féreufes  ,  elles  produifent  fouvent  de 
bons  effets  ;  fur  les  jambes ,  dans  les 
maladies  foporeufes  &  dans  les  ma- 
ladies de  foiblelle,  où  il  faut  obtenir 
une  prompte  dérivation  &:  produire 
une  violente  action  fur  le  genre  ner- 
veux, elles  font  d'un  grand  fecoursj 
on  doit  même  les  préférer  dans  ce 
cas  à  l'application  des  mouches  can- 
tharides ,  parce  que  l'aétion  de  ces  der- 
nières feroient  trop  lentes,  &  que  la 
douleur  n'en  feroit  ni  allez  vive,  ni 
alTez  prompte,  &  que  leurs  moHé- 
cules  palTées  dans  les  fécondes  voies, 
uourroient  affedler  le  cerveau. 

Ufages.On  donne  pour  l'homme  les 
femences  pulvérilées ,  depuis  fix  grains 
jafqu'à  une  drachme ,  délayées  dans 
quatre  onces  de  véhicule  aqueux  , 
eu  incorporées  avec  un  firop  .  ,..  , 
femences  concaflées  ,  depuis  une 
drachme  jufqu'à  une  once  ,  en  ma- 
cération au  bain -marie  dans  cinq 
ences  d'eau  ....  femences  pulvérifées 
&c  mêlées-  avec  fuffifante  quantité  dfr 


MOU 


C-jj 


vin  ou  de  vinaigre,  pour  un  cata- 
plafme  j  à  lailfer  plus  eu  moins  fur 
les  tégumens  ,  fuivant  le  degré  de 
fenfibilité  du  malade. 

On  a  remarqué  dans  les  hôpitaux 
ou  dans  les  grandes  maifons  où 
l'on  nourrit  un  nombre  confidérabie 
d'hommes  tk  d'enfans  ,  que  l'ufage 
de  la  moutarde,  mêlée  avec  les  ali- 
mens  ,  diminuoit  beaucoup  le  vice 
fcorbutique  qui  attaque  fouvent  ceS 
individus  ralTemblés.  On  retire ,  par 
expreilîon,  delà  moutarde  une  huile 
qui  fert  à  tous  les  ufages  économi- 
ques; mais  pour  l'en  extraire,  il  faut 
avoir  recours  aux  moulin  &  prejjoir 
hollandois;  (  Foyci  le  mot  Moulin) 
les  nôtres  n'expriment  pas  les  fucs 
alTez  fortement  Si  on  défire  lui  faire, 
perdre  l'odeur  &  le  goût  du  fruit  qui 
rend  cette  huile  défagréable  à  ceux 
qui  n'y  font  pas  accoutumés ,  con- 
fultez  l'article  Huil£.  ) 

MoUT^ARDE   BLANCHE  OU  A   FEUIX-'- 

LES     DE   PERSIL.    Sinap'i    alha.  Lin.- 
même  clalfe  que  la  précédente. 

Fleur.  La   même. 

Fruit.  Silique  velue,  dont  l'extré- 
mité efl:  alongée  &  courbée  comme, 
un  bec  ;  femences  quelquefois  blan- 
ches. 

Feuilles.  Découpées  ,  garnies  da 
poils,  adhérentes  aux  tiges. 

Racine.  Comme  dans  la  précé- 
dente. 

Port.  Tige  de  îa  hauteur  de  deux 
à  trois  pieds,  velue,  rameufe,  cylin- 
drique; les  fleurs  au  fommet,  por- 
tées fur  des  péduncnles  de  même  que 
la   précédente;   feuilles  alternes. 

Lieu.  Dans  les  blés,  les  prés  ;  la 
plante  eft  vrvace. 

Propriétés.  Les  mêmes  que  la  pré- 
cédente, mais  dans  un  moindtedegfci. 


C-!^  MOU 

MOUTON,  BELIER,  BREBIS. 
Médecine  vétérinaire.  Le  mou- 
ton eft  le  mâle  coupé  de  la  brebis. 
Cec  animal  domeftique  ,  fymbole 
de  la  douceur  &c  de  la  timidité  , 
femble  n'exilter  que  pour  fournir  aux 
premiers  befoins  de  l'homme.  La 
laine  ,  la  peau,  la  chair,  les  os,  tout 
enfin  ,  dans  cet  animal  ,  eA  devenu 
le  domaine  de  lanéce(ri:é&  de  l'in- 
duftrie. 

On  appelle  bélier,  le  mâle  de  U 
brebis   lorfqu'il  n'a    pas   été  coupé. 

Ces  animaux  ,  donc  le  naturel  eft 
fi  doux ,  font  aulii  d'un  tempcram- 
ment  très-foible  ,  fur-roue  la  brebis. 
Ils  ne  peuvent  marcher  longremps , 
les  voyages  les  affoibliffen:  &  les  ex- 
ténuent ;  dès  qu'ils  courrenc  ,  ils 
palpitent  &z  font  bientôt  eflouflés. 
La  grande  chaleur  ,  l'ardeur  du  fq- 
leil,  l'humidité,  le  froid  exceflif, 
les  mauvaifes  herbes  ,  Sec.  font  la 
lourde  de  leurs  maladies. 

La  phifionomie  du  bélier  fe  décide 
au  premier  coup  d'oeil.  Les  yeux  gros 
èc  fort  éloignés  l'un  de  l'autre  ,  les 
cornes  abailfées,  les  oreilles  dirigées 
horizontalement  de  chaque  côté  de 
la  tête,  le  mufeau  long  &  effilé, 
le  chanfrein  arqué  font  les  traits  qui 
cara6térifent  la  douceur  &  l'imbécil- 
lité  de  ce:  animal. 

La  grandeur  des  béliers  varie  beau- 
coup :  ceux  de  médiocre  taille  ont, 
fi  on  les  mefure  en  ligne  droite  , 
depuis  le  bout  du  mufeau  jufqu'à 
l'anus ,  trence-fix  ou  quarante  pou- 
ces \  de  hauteur  du  train  de  devant, 
mefuré  depuis  le  garot  jufqu'à  terre, 
vingt  à  vingt-deux  pouces  j  du  train 
de  derrière  ,  un  pouce  de  plus  que 
celui  de  devant. 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  da- 


MOU 

vantage  fur  l'hiftoire  naturelle  dti 
mouton.  (  Pour  cer  effet  ,  voye^ 
l'Hilloire  Naturelle  de  M.  de  BufFon, 
article  Mouton  ,  Brebis  ,  &c.  ) 
Nous  cioyons  allez  remplir  notre  tâ- 
che ,  en  donnant  au  long  un  traité 
économique  fur  cet  animal.  C'eft 
principalement  dans  l'inftruclion  pour 
les  bergers  &  pour  les  propriétaires 
des  troupeaux ,  de  M.  Daabenton  ,que 
nous  avons  puifé  pour  rédiger  cec 
article.  Le  public  ,  déjà  prévenu  en 
faveur  de  cet  Ouvrage  ,  nous  faura 
fans  doute  gre  de  lui  faire  part  de 
plus  en  plus  des  découvertes  utiles 
de  ce  citoyen  aufii  zélé  que  refpeda- 
ble.  Entrons  en  matière. 

Plan   du   Travail. 

PREMIÈRE     PARTIE. 

CHAPITRE  PREMIER.  De  la  connoif- 
fance  &  du  choix  des  bêtes  à  laine. 

CHAP.  II.  Des  alliances  des  bétes  a  laine 
&   de  leur  amélioration. 

CHAP.  III.  De  la  génération  &  de,  la 
caftration. 

CHAP.    IV.   De  l'engrais  des   moutons. 
CHAP.  V.  De  la  conduite  des  moutons  auX 

pâturages, 
CHAP.  VI.  De  la  nourriture  des  moutons. 
CHAP.   VII.  Manière  de  donner  à   manger 

aux   moutons.    De  la    Quantité   des  ali- 

mens.   Manière  de  les  faire   boire    &   de 
'    leur  donner  du  fel. 

CHAP.  VIII.  Du  parcase  des  bêtes  à  laine. 
CHAP.   IX.  Du  logement,  de  la  litière  & 

du  fumier  des   moutons. 
CHAP.   X.    De  la  tonte  des  bétes   a  laine, 

DEUXIÈME     PARTIE. 

Des  Maladies  des  Movtoks. 

CHAPITRE  PREMIER.  Maladies  aigués. 
CHAP.  U.  Maladies  cfironiques. 


MOU  MOU           (579 

huits  dents  ,  s'alTurer  de    l'âge   des 

PREMIÈRE      PARTIE,  bêces  à  laine  pendant  leur  cinq  pre- 
mières années  j  enfuite  on   reftime 

CHAPITRE    PREMIER.  par  l'état  des  dents  madielièresj  plus 

elles  font  ufées  &  rafées  ,   plus  l'a- 

Ve  LA  CONÇOIS  s  ANCE    ET    DU  nimal  eft  vieux.  Enfin  ,  les  dents  de 

CHOJX  DES   BÊTES  A  LAINE.  devant  tombent  ou  fe  calFent  i  l'âge 

de  fept  ou  huit  ans.  Il  y  a  des  bêtes 

§.   I.  De  la  connoiffance  de  Page.  ^  laine  qui  perdent  quelques  dents 

de    devant  dès  l'âge   de  cinq  ou  fix 

Les  bêtes  à  laine  diffèrent  les  unes  ans. 
des  autres  par  le  fexe  ,  par  l'âge ,  par 

la  hauteur  de   la  taille  ,  &   par  les  §.    II.  Des  différences  de  la    taille 

qualités  de  la  laine  &:  de  la  chair.  des  bèies   à.  lame  j  (S*  comment  on 

On  connoît   l'âge   par    les  dents  les  reconnoît.                                ^ 
du  devant  de  la  mâchoire  inférieure  , 

la  mâchoire  fupérieure  en  étant  dé-  On  diflingue  lesbêtesà  lainede  di- 
pourvue  :  elles  font  au  nombre  de  vers  pays  ,  en  diverfes  races  ou  bran- 
huit  j  elles  paroilfent  toutes  dans  la  ches  qui  diffèrent  entr'elles  par  la 
première  année  de  l'animal  ,  qui  hauteur  de  la  taille ,  par  les  qualités 
porte  alors  le  nom  d'agneau  mâle  de  la  laine  ,  &;c. 
ou  femelle.  Ces  dents  ont  peu  de  Pour  connoître  les  différences  de 
largeur  &  font  pointues.  la  taille ,  il  faut  prendre  la  hauteur 
Dans  la  féconde  année  les  deux  de  chaque  bête  ,  depuis  terre  juf- 
du  milieu  tombent  ,  «Se  font  rem-  qu'au  garot  ,  comme  on  mefure  les 
placées  par  deux  nouvelles  dents  que  chevaux.  On  dit  qu'il  y  a  des  races 
l'on  diftingue  aifément  par  leur  lar-  de  bêtes  à  laine  qui  n'ont  qu'un  pied 
geur,  qui  furpaffe  de  beaucoup  celle  de  hauteur  j  ce  font  les  plus  petites  ; 
des  fix  autres  :  durant  cette  féconde  d'autres  ont  jufqu'à  trois  pieds  huit 
année  le  bélier ,  la  brebis  &  le  mou-  pouces  ,  ce  font  les  plus  grandes» 
ton  portent  le  nom  d'antenois  ou  de  Ainfi  ,  les  races  moyennes  de  toutes 
primer.  les  bêtes  à  laine  connues  ,  ont  en- 
Dans  la  rroifième  année,  deux  an»  viron  deux  pieds  quatre  pouces  de 
très  dents  pointues,  une  de  chaque  hauteur,  fuivant  les  mefutes  qui 
côté  de  celles  du  milieu  ,  font  rem-  en  ont  été  données.  Mais  il  n'y  a 
placées  par  deux  larges  dents  j  de  en  France  que  les  bêtes  à  laine  de 
forte  qu'il  y  a  quatre  larges  dents  Flandre  qui  aient  plus  de  deux  pieds 
au  milieu  ,  &  deux  pointues  de  cha-  quatre  pouces.  Ainfi  ,  parmi  les  au- 
que  côté.  très  races,  la  petite  taille  va  depuis. 
Dans  la  quatrième  année  ,  les  un  pied  jufqu'à  dix-fept  pouces  \  la 
larges  dents  font  au  nombre  de  fix  ,  taille  moyenne  ,  depuis  dix-huit 
&  il  ne  rcfte  que  deux  dents  poin-  pouces  jufqu'à  vingt-deux,  &lagran- 
tues  ;  elles  font  toutes  remplacées  de  taille  ,  depuis  vingt-trois  jufqu'à 
par  de  larges  dents.  vingt-fept  pouces.  On  eft  auflî  dans 
On  peut  donc  j  par  l'état  de  ces  l'ufage  de  mefurex  les  bêtes  à  laines 


é$o  îvl  o  u 

depuis  les  oreilles  jufqu'à  la  naiffance 
de  la  queue  ;  mais  cette  mefure  eft 
fujecte  à  varier  dans  les  difFéremes 
fituations  de  la  tète  de  l'animal.  On 
peut  juger  de  l'une  de  ces  mefures 
par  l'autre  j  car  la  hauteur  d'une  bète 
à  laine  a  un  tiers  de  moins  que  fa 
longueur.  Par  exemple,  un  mouton 
qui  eil:  long  de  trois  pieds  ,  n'a  que 
deux  pieds  de  hauteur. 

§.  III.  Des  différences  des    laines  ^ 
manière   de   ks  connoure. 

Les  laines  font  blanches  ,  ou  de 
mauvaife  couleur ,  courtes  ou  lon- 
gues ,  fines  ou  groffes  ,  douces  ou 
rudes ,  fortes  ou  foibles ,  nerveufes 
ou  molles. 

Il  n'y  a  que  les  laines  blanches 
qui  reçoivent  des  couleurs  vives  par 
Ja  teinture.  Les  laines  jaunes ,  touffes , 
■branes ,  noirâtres  ou  noires  ne  font 
f  raployéesdans  les  manufactures  qu'à 
des  ouvrages  groflîers  ,  ou  pour  les 
vête  mens  des  g.ens  de  la  campagne  , 
loifqu'elles  fonr  de  mauvaife  qua- 
lité j  mais  celles  qui  font  fines  fer- 
vent pour  des  étoffes  qui  refient  avec 
leur  couleur  naturelle ,  fans  palfcr  à 
la  teinture^, 

Les  mèches  de  la  laine  font  com- 
pofées  de  plufieurs  filamens  ,  qui  fe 
touchent  les  uns  les  autres  par  leurs 
extrémités.  Chaque  mèche  forme 
dans  la  toifon  un  flocon  de  laine 
féparé  des  autres  par  le  bout.  Les 
laines  les  plus  courtes  n'ont  qu'un 
pouce  de  longueur  ,  les  plus  longues 
ont  jufqu'à  quatorze  pouces  &  davan- 
tage :  Il  y  en  a  de  toutes  longueurs , 
depuis  un  pouce  jufqu'à  «.juatorze  , 
&   même  jufqu'à  vingt-deux  pouces. 

Il  y  a  des  filamens  très-fins  dans 
coûtes  les  laines  ,  aième  dans  les 


MOU 

plus  greffes  ;  mais  quelle  que  foit  la 
fineffe  ou  la  groifeur  d'une  laine  , 
fes  filamens  les  plus  gros  fe  trouvent 
au  bout  des  mèches.  En  exam'nant 
ces  filamens  dans  un  grand  noinbre 
de  races  de  moutons,  on  a  diflingué 
différentes  fortes  de  laines  j  fivcir  , 
des  laines  fuperfines  ,  laines  fines  , 
laines  moyennes , laines  grolfes ,  laines 
fupergrofles. 

Pour  reconnoîcre  ces  différentes 
fortes  de  laines  ,  il  faut  avoir  des 
échantillons  de  chaque  forte  pour 
leur  comparer  la  laine  dont  on  veut 
connoître  la  finelTe  ou  la  grofTeur. 
/'oj  e^  la  planche  XX  de  Vinjlruc- 
tion  pour  les  bergers  &  pour  les 
propriétaires  de  troupeaux  j  par  M. 
Daubenton.  Pour  faire  cet  examen , 
on  prendra  une  mèche  fur  le  garât 
du  mouton  ,  où  fe  trouve. toujours 
la  plus  belle  laine  de  la  toifon.  En- 
fuice  on  fépirera  un  peu  les  filamens 
de  l'extrémité  de  cette  mèche  les  uns 
des  autres ,  pour  les  mieux  voir  j  on 
les  mettra  à  côté  des  échantillons  , 
far  une  étofîe  noire  ,  pour  les  faire 
mieux  paroître.  Aiors  on  verra  fa- 
cilement auquel  des  échantillons  ils 
relfembleront  le  plus.  Pour  favoir , 
par  exemple  ,  fi  la  laine  d'un  bélier 
efi;  plus  ou  moins  fine  qu€  celle  des 
brebis  avec  lefquelles  on  veut  le  faire 
accoupler,  il  faut  couper  le  bout  d'une 
mèche  fur  le  garot  du  bélier,  &  en 
placer  les  filamens  fur  une  étoffe 
noire;  on  mettra  fur  la  même  étoffe, 
des  filamens  pris  au  bout  des  mèches 
du  garot  de  quelques  brebis,  &  l'on 
reconnoîtra  aifément  fi  leur  laine  eft 
plus  ou  moins  fine  que  celle  du  bélier. 

Y^n  touchant  un  flocon  de  laine  , 
on  fent  aifément  fi  elle  efl:  douce  Se 
moclleufe  fous  la  main  ,  ou  rude  & 
fèche,  ou  bien  l'on  étend  une  mèche 

entre 


MOU 

entre  cîeux  doii^ts  ,  Se  en  frottant 
{égèrement  fes  Hlamens  ,  on  connoîc 
s'ils  font  doux   ou  rudes. 

Si  des  filamens  de  laine  qu'on 
prend  Se  qu'on  tend,  en  les  tenant 
des  deux  nuins  par  les  deux  bouts , 
calTent  au  premier  effort ,  c'eft  une 
preuve  que  la  laine  eft  foible  ;  plus 
ils  rcfiftent ,  plus  la  laine  a  de  force. 

Pour  connoître  fi  la  laine  eft  ner- 
veufe  ou  molle  ,  on  en  prend  une 
poignée  &  on  la  ferre  ;  enfuite  on 
ouvre  la  main.  Alors  fi  la  laine  eft 
nerveufe  ,  elle  (e  renfle  autant  qu'elle 
l'étoit  avant  d'avoir  été  comprimée 
dans  la  main  ;  au  contraire  ,  fi  la 
laine  eft  molle  ,  elle  refte  affaiffée 
ou  fe  renfle  peu. 

Les  laines  blanches,  fines,  douces, 
fortes  &  nerveufes  font  les  meilleures 
laines.  Celles  qui  ont  une  mauvaife 
couleur.  Se  qui  font  grolfes ,  rudes, 
foibles  ou  molles ,  font  de  moindre 
qualité.  Les  laines  mêlées  de  beau- 
coup de  jarre  font  les  plus  mauvaifes. 

Le  jarre  eft  un  poil  mêlé  avec  la 
la  laine  ,  (?c  qui  en  diffère  beaucoup  ; 
il  eft  dur  Se  luifant  ;  il  n'a  pas  la 
douceur  de  la  laine.  Se  il  ne  prend 
aucune  reinture  dans  les  manufac- 
tures. Une  laine  jarreufe  ne  peut 
fervir  qu'à  des  ouvrages  grolfiers  : 
plus  il  y  a  de  jarre  dans  la  laine  , 
moins  elle  a  de  valeur.  On  voit  du 
jarre  dans  les  laines  fuperfines  ,  & 
il  s'en  trouve  d'auifi  fin  que  ces  lai- 
nes. 

§.  IV.    Des  (îgnes  de    la    mauvaife 
&   bonne  fanté  des  bêtes  à  laine. 


MOU 


6%\ 


hrileine  ,  les  gencives  &  la  veine 
pales  ,  font  autant  de  fignes  de  la 
mauvaife  fanté  des  bêtes  à  laine.  Les 
fignes  ,  au  contraire  ,  de  leur  bonne 
fanté ,  fe  réduifent  aux  fuivans  :  la 
tcte  haute,  l'œil  vif  &  bien  ouvert  ; 
le  front  Se  le  mufeau  fecs ,  les  na- 
feaux  humides  fins  mucolité  ;  l'ha- 
leine fans  mauvaife  odeur  ,  la  bou- 
che nette  Se  vermeille,  rousles  mem- 
bres agiles  ,  la  laine  fortement  adhé- 
rente à  la  peau  qui  doit  être  rouge  5 
douce  Se  fouple  ,  le  bon  appétit,  la. 
chair  rougeâcre  ,  Se  fiir-tout  la  veine 
bonne  &  le  jarret  fort. 

Pour  connoître  la  veine,  le  betgec 
met  le  mouton  entre  fes  jambes  j  il 
empoigne  fa  tête  avecles  deux  mains  ; 
il  relève  avec  le  pouce  de  la  main 
droite  ,  la  paupière  du  delfus  de 
l'oeil  ,  Se  avec  le  pouce  de  la  main 
gauche,  il  abailFe  la  paupière  du  def- 
fous.  Alors  il  regarde  les  veines  du 
blanc  de  l'œil  j  fi  elles  font  bien  ap- 
parentes ,  d'un  rouge  vif,  &  fi  les 
chairs  qui  font  au  coin  de  l'œil,  du 
côté  du  nez  ,  ont  auflî  une  belle 
couleur  rouge ,  c'eft  un  ligne  que 
l'animal   eft    en  bonne  fanté. 

Pour  favoir  fi  le  jarret  eft  bon  , 
il  faut  failîr  le  mouton  par  l'une  det 
jambes  de  derrière  \  s'il  fait  de  grands 
efforts  pour  retirer  fa  jambe  ;  fi 
l'on  eft  obligé  d'employer  beaucoup 
de  force  pour  la  retenir  ,  c'eft  une 
preuve  que  l'animal  eft  fort  Se  vi- 
goureux. 

§.  V.  Des  proportions  qui  font  rt' 
connoître  un  bon  bélier  &  les  bon- 
nes brebis. 


Les  patries  du  corps  dégarnies  de         II  faut  choifir  des  béliers  qui  aient 
laine  ,  le  regard  trifte,  la  mauvaife     là  tête  groffe  ,  le  nez  camus  ,    les 
Tome  FI.  R  r  r  r 


6Si  MOU 

/nafeaux  coures  &  étroits  ,  le  front 
large  ,  élevé  &  arrondi  ,  les  yeux 
noirs ,  grands  &  vifs  ,  les  oreilles 
grandes  &  couvertes  de  laine ,  l'en- 
colure large  ,  le  corps  élevé  ,  gros 
&  allongé,  le  rable  large,  le  ventre 
grand ,  les  telticules  gros  &  la  queue 
longue. 

Les  brebis  doivent  avoir  le  corps 
grand  ,  les  épaules  larges ,  les  yeux 
gros  ,  clairs  &  vifs  ,  le  col  gros  & 
droit  ,  le  ventre  grand  ,  les  tettines 
longues  ,  les  jambes  menues  &  cour- 
tes  ,  &  la  queue  epaille. 

Quant  aux  moutons ,  il  faut  choifir 
ceux  qui  n'ont  point  de  corne  ,  qui 
font  vigoureux  ,  hardis  &  bien  faits 
dans  leur  taille  ,  qui  ont  de  gros  os 
&  la  laine  douce  3  graife,  nette  ôc 
bien  frifée. 

§.  VI.  ^  quel  âge  faut-il  prendre  les 
bêtes  à  laine  pour  former  un  trou- 
peau ?  Doit-on  toujours  préférer 
les  bêtes  à  laine  de  la  plus  haute 
taille  ?  Les  plus  grandes  races 
font-elles  préférables  dans  tous  les 
pays  ? 

Pour  former  un  troupeau  ,  il  faut 
prendre  les  béliers  à  deux  ans  :  c'eft 
l'âge  où  ils  com.mencent  à  avoir 
allez  de  force  pour  produire  de  bons 
agneaux.  Us  font  bons  béliers  jufqu'à 
l'âge  de  huit  ans  \  mais  plus  vieux , 
ils  ne  peuvent  plus  être  de  bon  fer- 
vice.  11  faut  aulîi  prendre  des  brebis 
de  l'âge  de  deux  ans  ,  &  préférer 
cellesqui  n'ont  pas  porté ,  s'il  eft 
pollible  d'en  trouver.  A  cinq  ans  les 
brebis  font  encore  plus  propres  à 
produite  de  bons  agneaux  ,  h  elles 


MOU 

n'ont  Jamais  porté  ,  ou  au  moins  il 
elles  n'ont  pas  porté  avant  1  âge  de 
dix- huit  mois  ou  deux  ans.  A  fepc 
ou  huit  ans  ,  elles  s'afFoibliirent  , 
parce  que  les  dents  de  devant  leur 
manquent  pour  brourer.  On  prend 
les  moutons  à  l'âge  de  deux  ou  trois 
aiis  ,  pour  en  tirer  les  toifons  juf- 
qu'à l'âge  de  fept  ans  ,  &  alors  ou 
les  engraiife  pour  les  vendre  au  bou- 
cher. 

On  ne  doit  pas  toujours  préférer 
les  bêtes  à  laine  de  la  plus  haute 
taille.  Une  bête  à  laine  de  taille  mé- 
diocre ,  &  même  petite  ,  eft  préfé- 
rable à  une  plus  grande,  lorfqu'elle 
a  de  meilleure  laine  j  mais  lorf- 
que  la  qualité  de  la  laine  eft  la  même , 
il  faut  choifir  les  plus  grandes ,  parce 
qu'elles  font  d'un  meilleur  produit 
par  les  toifons  &  par  la  vente  que 
Ton  fait  de  l'animal  pour  la  bou- 
cherie ,  <Sj  auffi  parce  qu'elles  font 
plus  fortes    &  plus   robuftes. 

Les  plus  grandes  races  ne  font 
pas  non  plus  à  préférer  dans  tous  les 
pays  ,  parce  qu'il  faut  des  pâturages 
très-abondans  pour  fuffire  à  la  nour- 
riture des  bêtes  à  laine  de  grande 
race ,  telle  que  la  flandrine.  Elles  ne 
trouveroient  pas  allez  de  nourriture 
dans  les  tetreins  fecs  &  élevés  ,  où 
l'herbe  eft  rare  &  fine.  Ges  terreins 
conviennent  mieux  aux  petites  ef- 
pèces  qui  demandent  moins  de  nour- 
riture. On  ne  met  pas  des  moutons 
de  grande  race  fur  des  terreins  hr- 
mides ,  parce  qu  ils  y  font  plus  fujets 
à  la  maladie  de  la  pourriture  (  f^oye^ 
ce  mot  )  que  les  moutons  de  petit© 
race.  D'ailleurs ,  fi  les  petits  étoienc 
attaqués  de  ce  mal ,  il  y  auroit  moius-5 
à  perdre   que  fur  les  grands. 


MOU 

CHAPITRE     II. 

Des  Alliances  des  Bêtes  a 
Laine  ,  et  de  leurs  Amé- 
liorations. 

§.  I.  Des  précautions  à  prendre 
pour  tirer  un  bon  produit  des  al- 
liances des   têtes  à  laine. 

Pour  tirer  im  bon  prodiiic  des  al- 
liances des  bêres  à  laine  ,  il  ne  faut 
donner  le  bélier  aux  brebis  que  dans 
le  temps  qui  eft  le  plus  flivorable 
pour  l'accouplement,  ôc  qui  répond 
le  mieux  à  la  faifon  où  les  agneaux 
prennent  un  bon  accroilTement.  On 
doit  choillr  les  béliers  &C  les  brebis 
les  plus  propres  à  perfeétionner  l'ef- 
pèce ,  foit  pour  la  taille  ,  foit  pour 
la  laine.  Il  faut  féparer  les  béliers 
des  brebis ,  lorfqu'il  eft  à  craindre 
qu'ils  ne   s'accouplent  trop  tôt. 

§.  II.  Du  temps  le  plus  favorable 
pour  l'accouplement  des  bêtes  à 
laine. 

Ce  temps  n'eft  pas  le  même  par- 
tout ;  il  dépend  du  froid  des  hivers 
&  de  la  chaleur  des  étés  ,  dans  les 
-différens  pays  où  font  les  troupeaux. 

Plus  les  hivers  font  rigoureux  , 
plus  il  faut  retarder  le  temps  des 
accouplemens.  On  ne  doit  les  per- 
mettre dans  nos  provinces  fepten- 
trionales  ,  qu'en  feptembre  ,  en  oc- 
tobre ,  afin  que  les  agneaux  ne  naif- 
fcnt  qu'au  mois  de  février  &  de 
mars ,  &  ne  foient  pas  expofcs  aux 
grands  froids  qui  retarderoient  leur 
accrollfement  dans  le  premier  âge , 
parce  qu'ils  n'auroient  que  de  mau- 
vaifes  nourritures  s'ils  étoient  nés 
j>lutôc.  Au  contraire  ,  dans  le«  pays 


M  O  U  ^83 

gÙ  les  hivers  font  doux  ,  &  les  étés 
fort  chauds ,  tels  que  la  Provence  & 
le  bas  Languedoc  ,  il  hiut  avancer 
les  accouplemens ,  en  donnant  les 
béliers  aux  brtbis  dès  le  mois  de  juin 
ou  de  juillet  ,  afin  d'avoir  des 
agneaux  dans  les  mois  de  novembre 
ou  de  décembre.  Us  n'ont  rien  à 
craindre  de  l'hiver,  ils  trouvent  une 
bonne  nourriture  dans  cette  faifon, 
&  ils  deviennent  adez  forts  pour 
réfifter  aux  grandes  chaleurs  de  l'été  ; 
ils  ont  beaucoup  plus  de  laine  dans 
le  temps  de  la  tonte  ,  &  ils  font 
beaucoup  plus  grands  à  la  fin  de 
l'année  que  s'ils  n'étoient  venus 
qu'après  l'hiver.  Tous  ces  ufages 
étant  bons  ,  les  uns  pour  les  pays 
chauds ,  &  les  autres  pour  les  pays 
froids  ,  le  plus  fût  ,  dans  les  pays 
tempérés  ,  où  l'hiver  eft  doux  dans 
quelques  années  ,  &  tiès-froid  dans 
d'autres  ,  eft  d'attendre  le  mois  de 
feptembre  pour  donner  le  bélier  aux 
brebis  ,  parce  que  l'on  courroit  le 
rifquede  perdre  beaucoup  d'agneaux, 
fi  l'hiver  étoit  très-froid  ,  &  qu'ils 
vinftent  à  naîtie  dans  les  mois  de  dé- 
cembre ou  de  janvier. 

§.  III.  Les  béliers  qui  n  ont  point  de 
cornes  font-ils  aujfi  bons  que  ceux 
qui  en  ont  ?  A  quel  âge  font-ils 
en  état  de  produire  de  bons  agneaux? 
Combien  faut- il  donner  de  brebis 
à  chaque  bélier  ? 

On  doit  préférer  les  béliers  qui 
n'ont  point  de  cornes,  parce  qu'ils 
tiennent  moins  de  place  au  râtelier, 
&  qu'on  a  moins  à  craindre  qu'ils 
ne  bleflent  quelqu'un  ,  qu'ils  ne 
foient  bleffcs  eux-mêmes  en  fe  bat- 
tant à  coups  de  tête  les  uns  contre 
les  autres  »  &  qu'ils  ne  falfent  dii 
Rc  r  r  i 


6^4- 


MOU 


mal  aux  autres  bèces  du  troupeau  i 
fur-tout  aux  brebis  pleines.  D'ail- 
leurs ,  les  agneaux  qu'ils  produifent 
ont  la  tête  moins  grolTe  que  ceux 
qui  viennent  des  béliers  cornus,  & 
fatiguent  moins  la  mère  lorfqu'elie 
met  bas.  Mais  dans  les  pays  où  l'on 
enferme  les  moutons  par  des  clôtu- 
res de  haies  ,  on  préfère  ceux  qui 
ont  des  cornes  ,  parce  qu'elles  les 
empêchent  de  palfer  à  travers  les 
haies  ,  &  de  perdre  de  leur  laine  en 
Ifcs  traverfajir. 

Les  béliers  font  en  état  de  pro- 
duire des  agneaux  depuis  l'âge  de  dix- 
huit  mois  jufqu'à  fept  ou  huit  ans  ; 
c'eft  à  trois  ans  qu'ils  font  le  plus 
vigoureux.  Lorfqu'on  fait  accoupler 
des  béliers  de  dix-huit  mois  ou  deux 
ans ,  il  faut  choifir  les  plus  forts. 
Dès  l'âge  de  fix  mois  ils  pourroient 
faillir  les  brebis  j  mais  n'ayant  pas  en- 
core pris  allez  d'accroilîement ,  ils  ne 
produiroientque  de  foibles  agneaux: 
pafle  huirans  ils  font  nop  vieux. 

Il  faut  donner  plus  de  brebis  aux 
béliers  jeunes  &:  vigoureux  ,  qu'à 
ceux  qui  font  vieux  &  foibles.  Un 
bon  bélier  peut  fervir  cinquante  ou 
foixante  brebis  ;  mais  pour  conferver 
un  bélier  fans  l'aftoiblir  ,  &  pour 
avoir  de  forts  agneaux  qui  ne  dé- 
génèrent pas  de  l'efpèce  du  bélier  , 
il  ne  lui  faut  donner  que  douze  à 
quinze  brebis.  Il  faut  au  furplus  que 
le  bélier  foit  de  bonne  taille,  bien 
fain  &  couvert  de  benne  laine. 

§.  IV.  ^  quel  âge.  doit-on  faire 
Jaillir  les  brebis  ?  Sont-elles  fuf- 
ceptibles  de  cranfmettre  leurs  vices 
aux  agneaux,  i  Moyens  de  les 
prévenir. 

Il  faut  faire  faillir  les  brebis  de- 
jais  l'âge  de  dix-huit  mois  jufqu'à 


]M  O  U 

huit  ans.  Dès  l'âge  de  (\x  mois  i 
elles  donnent  des  fignes  de  chaleur  , 
&  elles  peuvent  recevoir  le  mâle  j 
mais  elles  font  trop  jeunes  pour 
produire  de  bons  agneaux  ,  &  palTé 
luiir  ans  ,  elles  font  trop  vieilles  : 
cepencAut  on  en  voit  qui  font  de 
bons  agneaux  dans  un  âge  plus  avan- 
cé. Les  brebis  font  dans  leur  plus 
grande  force  à  quatre  ans.  Le  mei'* 
leureft  de  ne  commencer  qu'à  trois 
ans  à  les  faire  couvrir. 

Les  défauts  &  les    vices  que  les 

brebis  peuvent  communiquer  à  leurs 
agneaux  ,  font  ceux  de  leur  tailla 
de  leur  laine ,  &  de  plulieurs  ma- 
ladies. L'agneau  participe  aux  mau* 
vaifes  qualités  de  la  brebis  &  du 
bélier  dont  il  vient.  11  faut  choifir , 
pour  l'accouplement,  les  bêtes  blan- 
ches ,  ou  celles  qui  n'ont  que  la  face 
&  les  pieds  cachés. 

Pour  relever  la  taille  des  bètes  X 
laine  ,  il  faut  choifir  les  brebis  les 
plus  grandes  du  troupeau  ,  &  leur 
donner  des  béliers  qui  fuient  encore 
plus  grands  qu'elles.  Dès  la  première 
génération  les  agneaux  deviendront 
plus  grands  que  les  mères  ,  pref- 
qu'aulli  grands  que  les  pères,  &  quel- 
quefois plus  grands.  (  l'oye^  et  qui 
eft  dit  au  mot  Lainb-) 

§,   V.    Comment  peut-on   améliorer 
les  laines  ? 

11  y  a  deux  fortes  d'amélioration 
pour  les  laines  :  on  peut  les  rendre 
plus  longues  ou  plus  fines. 

On  les  rend  plus  longues  ,  en 
choifidant  dans  le  troupeau  les  bre- 
bis qui  ont  la  plus  longue  laine  ,  & 
les  faifant  accoupler  avec  des  béliers 
qui  ont  la  laine  encore   plus.  loiJr 


MOU 

gue  ;  celle  des  agneaux  qu'ils  pro- 
duiroiîc  deviendra  plus  longue  que 
l'a  laine  des  mèces  ,  &  quelquefois 
plus  longue  que   celle  des   pères. 

On  a  eu  des  preuves  de  ce:  ac- 
eroiirement  de  la  laine  en  longueur, 
en  donnant  des  béliers  dont  la  laine 
avoic  iix  pouces  de  longueur,  à  des 
brebis  dont  la  laine  n'étoit  longue 
que  de  crois  pouces.  Celle  des  bctes 
qui  font  venues  de  ces  alliances  , 
avoit  jufqu'à  cinq  pouces  &  demi  de 
longueur.  En  donnant  aux  brebis , 
à  toutes  les  générations ,  des  béliers 
dont  la  laine  étoit  plus  longue  que 
la  leur ,  on  eft  parvenu  en  Angle- 
terre à  avoir  des  laines  longues  de 
vingt-deux  pouces.  On  auroit  peine 
à  croire  cette  grande  amélioration , 
fi  l'on  n'avoit  vu  cette  laine  ,  & 
mefuré  la  longueur  de  fes  hlamens. 

Pour  rendre  la  laine  plus  tîne  ,  on 
ehoifit  dans  le  troupeau  que  l'on  veut 
améliorer,  les  brebis  qui  ont  la  laine 
la  moins  grolFe,.  &:  on  leur  donne  des 
béliers  qui  aient  une  laine  plus  fine. 
Les  bctes  qu'ils  produifent  ont  la 
laine  moins  groire  que  celle  des  mè- 
res, &  quelquefois  aulîî  fine  &  même 
plus  fine' que  la  laine  des  pères. 

On  a  eu  également  des  preuves 
de  cette  am-élioration  de  la  laine  en 
finefle,  en  donnant  des  béliers  qui 
avoient  une  laine  fine,  à  des  brebis 
à  laine  grolTe.  Celle  des  agneaux 
qu'ils  ont  produits  eft  devenue  de 
qualité  moyenne  ,  encre  le  lui  &:  le 
gros.  Des  brebis  à  laiue  moyenne  , 
ayant  été  alliées  avec  dés"  béliers  à 
laine  faperfine  ,  leurs  agneaux  ont 
eu  une  laine  fine  :  quelquefois  la 
laine  des  ■à!j;neaax  a  liirpalfé  en  fi- 
iielle  celle  des  béliers  qui  les  avoient 
produits.  Par   ces   alliances    on    efl 


MOU  ^85 

parvenu  à  améliorer  au  degré  de 
iuperfin  des  races  d'Angleterre  ,  de 
Flandres  j  d'Auxois  ,  de  Roulîillon 
&  de  Maroc  ,  par  des  béliers  de 
Roulîillon  ,  fans  avoir  des  béliers 
d'Efpagne.  On  en  a  eu  des  preuves 
convaincantes  dans  un  troupeau  de 
trois  cents  bêtes  de  ditFérentes  races 
qui  ont  des  laines  fuperfines  ,  quoi- 
qu'elles viennent  de  brebis  à  groifes 
laines  ,  la  plupart  jarreufes  :  ces  bre- 
bis ont  été  accouplées  avec  des  bé- 
liers de  Roulîillon.  Le  troupeau , 
aiiid  amélioré  eft  en  Bourgogne,  près 
de  la  ville  de  Montbard  ,  fans  que 
les  agneaux  aient  été  mieux  nourris 
&c  mieux  foignés  que  leur  père.  On 
les  avoit  laillés  à  l'air  nuit  &  jour 
pendant  toute  l'année  ,  au  lieu  de 
les  renfermer  dans   des  érables. 

§.  VL  Comment  peut- on  rendre  la. 
produclion  de  la  laine  plus  abon>- 
dante  ?  Peut-on  faire  produire  par 
des  brebis  jarreufes  des  agneaux 
qui  n'ont  point  de  jarre  } 

Pour  augmenter  le  poids  des  toi<- 
fons  ,  il  faut  avoir  des  béliers  qui; 
portent  plus  de  laine  que  ceux  du 
troupeau  que  l'on  veut  améliorer,. 
La  toifon  des  agneaux  qui  en  vien- 
dront ,  fera  proportionnée  à  celle  de 
leurs  pères.  On  a  des  preuves  de 
cette  amélioration  par  ks  expérien- 
ces fuivantes  faites  dans  un  canton 
où  les  pâturages  font  maigres  ,  & 
an  les  moutons  &  les  béliers  ne  por- 
tent communément  qu'une  livre  on 
cinq  quarterons  de  laine  ,  &  les 
brebis  trois  quarterons  ;  en  donnant 
à  ces  brebis  des  béliers  qui  avoient 
environ  trois  livres  de  laine  ,  leurs 
agneaux  en  ont  eu  à  la  féconde  an^- 


^U  MOU 

née  deux  livres ,  &  jufqu'à  deux  livres 
&  deniie.  Un  bélier  de  Flandres  dont 
la  toifon  pefoit  cinq  livres  dix  onces, 
ayant  été  allié  à  une  brebis  de  Rouf- 
hilon  ,  qui  n'avoit  que  deux  livres 
deux  onces  de  laine  ,  a  produit  un 
aeneau  mâle  ,  qui  dans  fa  troifième 
année  ,  en  portoit  cinq  livres  quatre 
onces  fix  gros.  Ce  bélier  avoir  été 
bien  nourri  ^  car  il  ne  haut  pas  ef- 
pércr  qu'avec  des  pâturages  &  des  four- 
rages peu  abondans  ,  les  moutons 
puillent  avoir  des  toifons  d'un  grand 
poids. 

Si  l'on  fait  accoupler  une  brebis 
médiocrement  jarreufe  ,  avec  un  bé- 
lier qui  n'air  point  de  jarre  ,  l'agneau 
qu'ils  produiront  ne  fera  pasjarreux. 
Si  la  brebis  a  beaucoup  de  jarre,  fon 
agneau  en  aura  aulli ,  mais  en  moin- 
dre quantité.  Si  cet  agneau  efl:  une 
femelle  ,  qui  foit  accouplée  dans  la 
fuite  avec  un  bélier  fans  jarre,  leur 
agneau  n'en  aura  point.  On  a  eu 
pïuheurs  preuves  de  cette  améliora- 
tion après  avoir  fait  accoupler  ex- 
près dès  brebis  jarreufes  avec  des 
béliers  fans  jarre. 

§.  VU.  Si  Pon  peut  rendre  l'amélio- 
ration des  bctes  à  laine  plus 
prompte    &     plus   profitable  ^    en 

■  -  achetant  des  béliers  de  haut  prix. 

Pour  toutes  les  améliorations  des 
bêtes  à  laine  ,  les  béliers  les  plus 
parfaits  améliorent  le  plus  prompte- 
ment  ,  &  donnent  le  plus  de  profit. 
11  ne  faur  donc  pas  épargner  l'argent 
pour  faire  venir  des  béliers  de  loin  , 
lorfque  les  bonnes  races  fe  trouvent 
dans  des  pays  éloignés.  On  peut 
comptet  d'avance  ce  que  l'on  pourra 
gagner  fut   les   agneaux   qu'ils  pro- 


M  O  U 

duiront ,  par  l'amélioration  de  leat 
taille  &  de  leur  laine  en  quantité 
&  en  qualité.  On  ne  fera  pas  fur- 
pris  qu'un  bélier,  dont  la  laine  avoir 
jufqu'à  vingt  -  trois  pouces  de  lon- 
gueur ,  air  été  vendu  1200  francs 
en  Angleterre.  Jamais  l'amélioration 
des  troupeaux  ne  fe  foutiendra  dans 
un  pays  où  les  béliers  ne  feront 
pas  de  très  -  grand  prix.  Il  fiudroit 
au  moins  qu'ils  fe  vendilfent  plus 
chers  que  les  beaux  moutons  ,  afin 
d'engager  les  propriétiires  des  trou- 
peaux à  garder  les  meilleurs  agneaux 
pour  en  faire  des  béliers.  On  feroit 
plus  sûr  d'avoir  ces  béliers  ,  fi  l'on 
donnoir  des  arrhes  au  propriétaire , 
pour  l'empêcher  de  faire  couper  ou 
de  vendre  les  agneaux  que  l'on  avoit 
choifis.  U  vaudroit  encore  mieux 
les  acheter,  afin  de  les  bien  nourrir 
jufqu'au  temps  où  ils  feroient  en 
écar  de  fervice.  Il  faudroit  aulîl  que 
les  communautés  mitfent  de  bons 
béliers  dans  leurs  troupeaux;  un  bé- 
lier produit  chaque  année  au  moins 
quinze  ou  vingt  agneaux  ,  tandis 
qu'une  brebis  n'en  a  ordinairement 
qu'un  feul.  Il  faudroit  donc  quinze 
ou  vingt  lois  plus  de  brebis  qu'il 
ne  faut  de  béliers  pour  avoir  la  même 
amélioration;  d'où  l'on  doit  conclure 
que  les  bons  béliers  font  plus  nécef- 
faires  que  les  bonnes  brebis  pour 
l'amélioration  des   troupeaux. 

§.  VIII.  Moyens  pour  améliorer  une 
race  de  hctcs  à  Liine  ,  fans  faire  de 
dépenfê  y  ou  avec  peu  de  dépenfe. 

Il  eft  poflîble  d'améliorer  une  race 
de  bêtes  à  laine  fans  faire  de  dé- 
penfe ,  mais  il  faut  beaucoup  de 
temps.  L'amélioration  fe  fait  peu  à 
peu;  fi  Ion  choiût  tous  les  aus  leç 


MOU 

meilleius  agneaux  mâles  pour  être 
des  béliers  lorfqu'ils  feront  en  bon 
âge,  &les  meilleurs  agneaux  femelles 
pour  les  accoupler  dans  la  fuite  avec 
les  béliers  de  choix,  chaque  généra- 
tion fera  meilleure  que  celle  qui 
l^aura  précédée ,  mais  les  progrès  fe- 
ront lents. 

Quant  aux  moyens  d'améliorer 
plus  promptement  &  avec  peu  de  dé- 
penfe ,  il  faudroit  acheter  des  béliers 
d'une  race  meilleure  que  celle  que 
l'on  veut  améliorer  ;  on  peut  trouver 
de  ces  béliers  dans  le  voifinage,  alors 
il  n'en  coûte  pas  beaucoup  ;  fi  l'on 
efl:  oblieé  de  les  aller  chercher  un 
peu  loin ,  ce  n'eft  encore  qu'une  pe- 
tite dépenfc,  &  l'on  gagne  bien  du 
temps  pour  l'amélioration  ,  parce  que 
ces  béliers  ayant  des  qualités  fiipé- 
rieures  à  Cv^lles  des  brebis  les  mieux 
choifies  de  la  race  que  l'on  veut  per- 
feétionner,  &  étant  accouplés  avec 
elles  ,  ils  produifent  des  agneaux  qui 
ont  de  meilleures  qualités  que  s'ils 
ctoient  venus  des  béliers  de  la  raca 
de  leurs  mères. 

§.  IX.  Moyens  pour  maintenir  en 
bon  état  une  race  de  bttcs  à  laine 
améliorée,. 

Lorfqu'une  race  de  bères  à  laine 
eft  améliorée  au  point  qu'on  le  dé- 
firoit  ,  pour  la  maintenir  dans  cet 
état,  il  faut  la  bien  loger,  la  bien 
nourrir,  guérir  les  maladies,  tâcher 
de  les  prévenir  j  il  faut  auiîi  avoir 
grand  foin  de  ne  faire  accoupler  que 
les  meilleurs  béliers  &  les  meilleures 
brebis,  tant  pour  la  taille  ,  pour  la 
quantité  &  la  qualité  de  la  laine, 
^que  pour  la  bonne  fauté,  car  il  n'y  a 
lien  de  bou  à  efpérer  d'une  brebis  j 


MOU 


Cl-j 


8c  principalement  d'un   bélier  ,  qui 
feroient  foibles  ou  de  mauvaifefantéi 

§.  X.  FJ?-il  mécejfaire  de  faire  venir 
des  brebis  avec  les  behers  ^  lorf~ 
qu'on  veut  avoir  une  race  d'un 
pays  éloigné  ou  d'un  pays  étranger? 

En  faifant  venir  des  brebis  avec  les 
béliers ,  la dépenfe  feroit  plus  grande;, 
il  efl  vrai  que  l'on  gagneroit  du 
temps  ,  puifque  l'on  auroit  la  race 
parfaite  dès  la  première  génération  ; 
mais  il  y  aurou  plus  de  rifque  pour 
le  fuccès  de  l'entreprife,  que  fi  l'on 
ne  faifoit  venir  que  des  béliers  fans 
brebis.  11  faut  que  non-feulement  les 
béliers,  mais  auffi  les  brebis,  ne  rrou- 
vent,  dans  les  pays  où  ils  ont  été 
amenés,  rien  qui  leur  iuit  nuiiible, 
ni  aux  agneaux  qu'ils  produiront; 
au  lieu  qu'en  accouplaiu  des  béliers 
éttangers  avec  des  brebis  du  pays,  il 
n'y  a  de  nfque  que  pour  les  béliers  ; 
les  agneaux  qui  viennent  de  ce  mé- 
lange ayant  déjà  le  teinpérammenc 
à  demi  fait  au  pays,  puifque  leurs 
m  ères  en  font. 

§.  XI.  De  l'âge  &  de  la  faifon  auxquels 
il  faut  faire  venir  les  bèies  à  laine  i 
manière  de  les  gouverner  dans  le 
voyage  ;  précautions  à  prendre  pour 
les  accoutumer  au  nouveau  pays. 

Le  meilleur  âge  pour  faire  voyager 
les  bctes  à  laine,  eft  celui  où  elle» 
ont  pris  la  plus  grande  partie  de  leur 
accroilfemenr  :  c'eft  à  dtux  ans.  ta. 
meilleure  faifon  eft  lorfqu'il  ne  fait 
pas  trop  chaud,  lorfque  la  terre  n'tft.' 
ni  gelée  ni  mouillée,  lorfqu'il  y  a  de 
l'herbe  fur  les  chemins  pour  feivir; 


^SS  MOU 

de  pâture  ,  &  lorfque  les  brebis  ne 
,fonr  pas  pleines  &  n'allaitenr  pas 
leurs  agneaux.  D'après  ces  confidé- 
.rations,  il  faur  prendre  le  temps  le 
plus  favorable  ,  par  rapport  à  la  lon- 
gueur de  la  route  Se  au  pays  que  les 
moutons  doivent  traverfer. 

Il  faut  encore  les   mener  dou<:e- 
ment,  fans  les  échauffer  ni  les  fati- 
guer.  On    doit    les  faire   repofer   à 
l'ombre  dans  le  milieu  du  jour,  lorf- 
qu'il  fait   chaud  ;  il   faut   les   lailfer 
paître    chemin   faifant.    Quand    ces 
animaux  font  arrives  au  "îte,  on  leur 
donne  du  fourrage,  s'ils  n'ont  pas  le 
ventre  afTez  rempli,  &  de  l'avoine 
pour  les  fortifier  :  ils  peuvent  faire 
quatre,  cinq  ou  fix  ligues  moyennes 
chaque  jour;  mais  lorfqu'ils  paroif- 
lent  fatigués,  il  eft  nécelfaire  de  les 
faire  féjourner  pour  qu'ils  fe  repofent. 
■Si,  dans  les  lieux  où  l'on  s'arrête,  il  n'y 
a  point  de  râteliers,  on  attache  plu- 
■fieurs  bottes  de  fourrage  à  une  corde 
par  un  nœud  coulanr ,  &  on  les  fuf- 
pend  à  la  hauteur  des  moutons.  Ils 
fe  placent  autour  du  fourrage  :  à  me- 
fure  qu  ils  en  mang-ent ,  le  nœud  fe 
ferre  ,  (^'  empêche  que  le  lefte  du  foin 
ije  tombe. 

Quant  aux  précautions  à  prendre  , 
lorfque  les  bètes  à  laine  font  arrivées 
dans  un  pays  nouveau  pour  elles ,  elles 
fc  réduifejit  à  peu  de  chofe,  fi  ces  ani- 
maux ne  viennent  pas  de  loin;  jnais 
fi  on  les  a  tirées  d'un  pays  éloigné  , 
on  doit  s'informer  de  la  manière  dont 
elles  y  étaient  nourries  «Se  conduites 
au  pâturage  ;  il  faut  câclier  de  les 
gouveriier  de  la  même  manière,  ik 
de  leur  donner  les  mêmes  nourritures; 
Cl  l'on  eft  obligé  à  quelque  change- 
ment ,  on  ne  le  fera  que  peu  à  peu, 
sk  avjsc  prudence^. 


MOU 

CHAPITRE     II  L 

De    la    GÉNÉRATION!. 

§.  I.  Des  précautions  qu'il  faut 
prendre  pour  l'accouflement  des 
betcs  à  iaine. 

On  doit  faire  un  bon  choix  des 
béliers  &  des  brebis  pour  améliorer 
les  races  ,  ou  pour  les  empêcher  de 
dégénérer;  il  faut  fur-tout  ne  pren- 
dre ,  pour  l'accouplement ,  que  des 
bctes  tn  bonne  faute  &  en  bon  âge; 
fi  l'on  s'apperçoit  que  quelques  brebis 
refuient  le  mile,  on  peut  leur  donner 
quelques  poignées  d'avoine  ou  de 
chenevis,  ou  une  provende  compofée 
d'un  oignon  ou  de  deux  gouifes  d'ail, 
coupés  en  petits  morceaux,  jSc  mêlés 
avec  deux  poignées  de  fon  &  une 
demi-once  de  fel ,  qui  tait  deux  pin- 
cées; il  faut  traiter  de  même  les 
béliers  ,  brfqu'ils  ne  font  pas  affez 
ardens, 

§.  I  I.  Des  foires  qu'il  faut  avoir 
des  hj-ehif  après  l' accouple/nait^ 
Moyens  pour  prévenir  les  accidens 

qui  caufent  l'avortement. 

Il  s'agit  de  préferver  les  brebis  de 
tout  ce  qui  peut  faire  mourir  l'a- 
gneau dans  le  ventre  de  la  mère,  oy 
la  faite  avorter;  Ja  mauvaife  nour- 
riture, la  fatigue,  les  fauts,  la  com- 
predlon  du  ven^te  ,  la  trop  grande 
chaleur ,  la  frayeur  peuvent  caufec 
ces  accidens,  qui  ne  font  que  trop 
fréquens.  (  J^'oyci  Avortement  ) 

On  ne  peut  pas,  à  la  vérité,  pré- 
venir la  frayeur  que  caufe  un  coup  de 
îonnerrej  ou  l'approche  d'un  loupj 

mais 


MOU 

mais  on  peut  empêc'ier  que  les 
chiens,  les  béliers,  ou  i'autres  ani- 
maux n  epouvancenc  les  Hre'-'s  l<^i'^ 
qu'elles  font  pleines  j  il  faut  les  bien 
nourrir,  les  conduire  doucement,  ne 
les  pas  meccre  dans  le  cas  de  lauter 
des  folTés  ,  des  rochers  ,  des  haies, 
&c.,  de  fe  ferrer  les  un^s  contre  les 
autres  ,  ou  de  fe  heurter  contre  des 
portes ,  des  murs ,  des  pi^-rres  ou  des 
arbres. 

§.  III.  Combien  de  temps  Us  bref'ts 
pertent-elles  ?  Comment  ccnnott-on 
qu'une  brebis  ejî  prête  à  mettre 
bas?  Que  faut-il  faire  lorfqu'elle 
fouffre  trop  long-temps  funs  pouvoir 
mettre  bas  ? 

La  brebis  porte  environ  cent  cin- 
quante jours  ,  qui  font  à  peu  près 
cinq  mois.  On  s'apperçoit  qu'elle  eft 
prête  à  mettre  bas ,  par  le  gonflement 
des  parties  naturelles  &  du  pis  qui 
fe  remplit  de  lait ,  &  par  un  écou- 
lement de  férofités  &  de  glaires  par 
les  parties  naturelles  ,  &  que  les  ber- 
gers appellent  les  mouillures  \  elles 
durent  vingt  -  cinq  jours  ,  &  quel- 
quefois un  mois  ou  fix  femaines. 

Si  l'accouchement  eft  laborieux  , 
fi  la  brebis  fouffre  trop  long  temps 
fans  pouvoir  mettre  bas  ,  il  faut 
tâcher  de  favoir  fi  les  forces  lui 
manquent,  ou  (i ,  au  contraire,  elle 
a  trop  de  chaleur  &  d'agitation  ;  dans 
ce  dernier  cas  il  eft  bon  de  la  faigner, 
mais  fi  elle  eft  foible  ,  il  faut  lui 
faire  boire  un  verre  de  bon  vin  ,  ou 
deux  verres  de  piquette, ou  de  bierre, 
ou  de  cidre,  ou  de  poiré  :  on  doit 
préférer  celai  de  ces  breuvages  qui 
eft  le  moins  cher  dans  le  pays  où  l'on 
fe  trouve.  On  peut  auflî  donner  à  la 
brebis  la  provende  qui  a  été  con- 
sume f'^1. 


MOU 


^89 


feillée  pour  exciter  la  chaleur  dans 
le  temps  de  l'accouplement.  (  Foye\ 
le  §.  J.  )  Mais,  avant  d'employer  les 
remèdes ,  il  faut  être  bien  sûr  que 
l'accouchement  n'eft  retardé  que  par 
la  foiblelfc  de  la  mère  \  ih  lui  feroient 
très-contraires  fi  ,  au  lieu  d'être  trop 
foible ,  elle  étoit  trop  agitée  j  ce  qu'il 
eft  aifé  de  connoîtie  par  la  chaleur 
des  oreilles ,  &  le  pouls  plus  prompt 
que  dans  les  autres  brebis  ,  par  la 
langue  &  les  lèvres  fèches ,  la  rou- 
geur des  yeux  ik  le  battement  du 
flanc. 

§.  IV.  Ce  qu'il  y  a  à  faire  lorfqu'une 
brebis  agnele ,  &  que  l'agneau  fe 
préfente  mal.  De  la  fituation  de 
l'agneau  dans  le  ventre  de  la  mère. 
Des  moyens  à  employer  pour  chan- 
gci  la  mauvaije  fituation  de  l'a- 
gnei  u.  Du  délivre. 

11  n'y  a  rien  à  faire  fi  l'agneau  fe 
préfente  bien  &:  fort  facilement  j  mais 
s'il  refte  trop  long-temps  au  palTage, 
il  faut  l'aider  à  fortir  en  le  tirant 
peu-à-peu  &  doucement;  mais  il  faut 
attendre  pour  cela  que  la  brebis  faffe 
elle-même  des  efforts  pour  le  poulfer 
au-dehors;  fi  au  contraire  il  fe  pré- 
fente mal,  il  faut  tâcher  de  changer 
fa  mauvaife  fituation,  &  de  le  re- 
tourner pour  le  mettre  en  état  de 
fortir. 

Pour  que  l'agneau  forte  aifément 
du  ventre  de  la  mère  ,  il  faut  qu'il 
préfente  le  bout  du  mufeau  à  l'ou- 
verture de  la  matrice  ou  portière  , 
&  qu'il  ait  les  deux  pieds  de  devant 
au  deftous  du  mufeau  &c  un  peu  en 
avant;  fes  deux  jambes  de  deirière 
doivent  être  repliées  fous  fon  ventre, 
&  s'étendre  en  arrière  à  mefure  qu'il 
fort  de  la  matrice. 

Sfff 


É^O 


MOU 


Les  maiivaifes  fiuwtions  les  plus 
fréquentes  qui  empL-chenc  l'agiieaii 
•de  fortir  de  la  matrice,  font  j  i*'.  la 
mauvaife  iituation  de  la  tète,  lorfque 
l'agneau,  au  lieu  de  préfenter  le  bouc 
du  niufeau  à  l'ouverture  de  la  ma- 
trice ,  préfente  quelque  partie  du 
fommet  ou  des  côtés  de  la  tête  j 
tandis  que  le  bout  du  mufeau  eft 
jouriié  de  côté  ou  en  arrière. 
,  i".  La  mauvaife  fituation  àes 
jambes  de  devant,  qui,  au  lieu  d'être 
étendues  en  avant  de  façon  que  les 
pieds  fe  trouvent  à  Touverture  de  la 
matrice  avec  le  mufeau ,  font  repliées 
fur  le  cou  ou  étendues  en  arrière. 

3°.  La  mauvaife  fituation  du  cor- 
don ombilical  ,  lorfqu'il  paiîe  devant 
l'une  des  jambes. 

Pour  changer  ces  mauvaifes  fitu.i- 
tlons  ,  le  berger  ,  lorfqu'il  fent ,  à 
l'ouverture  de  la  matrice,  la  tête  de 
l'agneau,  au  lieu  du  mufeau,  doit 
râclier  de  repoulTer  la  tête  en  arrière,. 
&  d'attirer  le  mufeau  à  l'ouverture 
de  la  matrice  ;  il  eft  néceiïaire  qu'il 
frotte  fes  doigts  avec  de  l'huile,  pour 
faire  cette  opération  fans  blefler  la 
brebis  ni  l'agneau  ;  s'il  ne  voit  pas  les 
pieds  de  devant,  il  faut  cju'il  tâche 
de  les  trouver  ^'  de  les  attirer  à  l'ou* 
verture  de  la  matrice  j  fi  les  jambes 
de  devant  font  étendues  en  arrière , 
il  faut  que  le  berger  tâche  de  faire 
fortir  la  tête ,  enfuite  qu'il  elfaye 
d'attirer  les  deux  jambes  de  devant, 
ou  feulement  l'une  ,  pour  empêcher 
que  les  épaules  ne  forment  un  trop 
grand  obftacle  à  la  fortie  de  l'agneau  ; 
fi  les  jambes  de  devant  reftoient  éten- 
dues en  arrière,  on  feroit  obligé  de 
tu'er  l'agneau  avec  rajit  de  force,  que 
l'on  conrroit  rifque  de  le  faire  mou- 
rir. Lorfque  Je  berger  reconnoît  que 
Je.  cordon  palfe  devant  l'une  des  jara- 


MOU 

bes,  il  doit  tâcher  de  le  rompre  fans 
attirer  le  délivre ,  le  cordon  fe  rom- 
pant de  lui-même  dès  que  l'agneau- 
eft  forti. 

Le  délivre  eft  compofé  des  mem- 
branes qui  enveloppoient  l'agneau, 
dans  le  ventre  de  la  mèrej  elles  tom- 
bent quelque  temps  après  que  l'agneau, 
eft  né.  Si  le  délivre  ne  lort  pas  de 
lui-même,  le  berger  doit  le  tirer  dou- 
cement; s'il  le  tiroit  avec  force,  il 
rifqucroit  de  le  cafTer  ou  de  déchirer 
la  matrice  ,  ou  d'attirer  celle-ci  au— 
dehors  avec  le  délivre  '■,  lorfqu'il  eft: 
forti,  on  l'éloigné  de  la  mère,  pont 
empêcher  qu'elle  ne  le  mange. 

§.  'V^.  Des  foins  qu'il  faut  avoir  pour- 
la  brebis  après  qu'elle  a  mis  bas>- 
Des  moyens  à  employer  pour  qu'elle 
allaite  fon  agneau  &  qu'elle  le 
foigne.  Ce  qu'il  y  a  à  faire  lorf- 
quelle  fait  plus  d'un  agneau  d'une 
même  portée,. 

Quelques  heures  après  que  la  bre- 
bis a  mis  bas,  il  faut  lui  donner  un 
peu  d'eau  blanche  tiède  ,  du  fon  ,  de 
l'orge  ou  de  l'avoine,  &  la  meilleure 
nourriture  que  l'on  pourra  trouver 
dans  la  laifon;  on  la  lailfe  avec  ion 
agneau  pendant  quelques  jours  5  tanr 
qu'elle  allaite  il  tant  la  bien  nourrir. 

Pour  que  la  brebis  allaite  fon 
agneau  &  le  feigne  ,  on  comprime 
les  mammelons  de  la  mère,  c'eft-à- 
dire ,  les  bouts  du  pis  ,  afin  de  les 
déboucher  en  faifant  fortir  un  peu 
de  lait.  Il  faut  prendre  garde  fi  la 
mère  lèche  fon  agneau  pour  le  fé- 
cher  j  &r  lorfqu'elle  ne  le  fait  pas ,  on 
répand  iin  peu  de  fel  en  poudre  fur 
l'agneau  ,  &  on  l'approche  de  la- 
mère  pour  l'engager  à  le  lécher  par 
l'appât  du  fel.  Lorfque  la  faifou  dt 


MOU 

iitimide  ou  froide ,  on  peut ,  s'il  eft 
•néceiraire,  aider  la  mère  à  fécher  fon 
agneau  ,  en  l'efTuyant  avec  du  foin 
ou  avec  un  linge.  Les  brebis  qui 
agnclenc  pour  la  première  fois,  fonc 
plus  lujettes  que  les  ancres  à  négliger 
leurs  agneaux;  pour  les  rendre  plus 
attentives,  on  les  fcpare  du  troupeau, 
&:  on  les  enferme  quelque  part  avec 
leurs  agneaux.  Lorfqu'un  agneau  ne 
cherche  pas  de  lui-même  la  mam- 
melle,  c'eft-à-dire  le  pis  pour  tetcer, 
il  faut  l'en  approcher ,  &  hiire  couler 
du  lait  de  la  mamnielle  dans  fa  gueule. 
Lorfqu'une  brebis  rebute  fon  agneau , 
qu'elle  l'empêche  de  tetter  &c  qu'elle 
le  fuit,  il  faut  la  tenir  en  place,  &  le- 
ver une  jambe  de  derrière  pour  mettre 
les  mammelles  à  portée  de  l'agneau. 
La  brebis  fait  ordinairement  un 
feul  agneau,  quelquefois  deux,  Se 
très-rarement  trois.  11  y  a  des  races 
de  brebis  qui  portent  deux  fois  l'an. 
On  dit  que  celles  des  comtés  de 
Juliers  &  de  Clèves  portent  deux  fois , 
6c  donnent  deux  ou  trois  agneaux 
chaque  fois;  cinq  brebis  produifent 
jufqu'à  vingt-cinq  agneaux  en  un  an. 
•Quoi  qu'il  en  foit ,  fi  la  brebis  qui 
a  fait  plus  d'un  agneau  eft  graffe,  l\ 
les  mammelles  font  grolfes  &  bien 
remplies  ,  fi  la  faifon  commence  à 
ctre  bonne  pour  les  pâturages  ,  on 
peut  lailTer  à  la  mère  deux  agneaux, 
mais  il  faut  lui  ôter  le  troifième;  & 
même  le  fécond,  fi  elle  tft  foible , 
ou  fi  la  faifon  eft  mauvaife. 

§.  VI.  Comment  fait-on  venir  du  lait 
aux  brebis  qui  n'en  ont  pas  affe-:^  ? 
En  quel  temps  peut-on  traire  les 
brebis ,  &  quelles  font  celles  que  l'on 
jieuc  traire  ?  De  i'ufage  du  Uit. 

On  fait  venir  du  lait  aux  brebis 
en  leur  dounanc  de  l'avoine  oti  de 


M  O  U 


tfpi 


Torge  mêlées  avec  du  fon ,  des  raves 
&  des  navets;  des  carottes,  des  pa- 
nais ou  des  faihfix  ;  des  pois  cuits  p 
des  fèves  cuites  ,  àcs  choux  ou  du 
lierre,  &c.  {  ï'^oye^  tous  ces  mots) 
on  les  mène  dans  les  meilleurs  pâ- 
turages. On  a  remarqué  que  le  chan- 
gement de  pâturage  leur  donne  de 
l'appétit  ,  &  leur  fait  beaucoup  de 
bien  ,  pourvu  qu'on  ne  les  fade  pas 
fortir  d'un  bon  pâturage  pour  les 
mettre  dans  un  moindre. 

Lorfque  l'agneau  qu'allaitoit  une 
mère  brebis  ne  peut  pas  la  terter,  on 
tire  le  lait  delamammelle  pour  le  faire 
boire  à  l'agneau.  On  peut  auili  traire 
les  brebis  lorfque  les  agneaux  font 
morts  ou  levrés.  Il  y  a  des  bergers 
allemands  qui  lèvrent  les  agneaux  s. 
huit  ou  dix  femaines ,  &  qui  traient 
enfmte  les  mères  pendant  toute  l'an- 
née. Dès  que  les  agneaux  peuvent 
paître  ,  il  y  a  des  gens  qui  les  fé- 
parent  des  mères  fans  les  ievrer  en- 
tièrement. Le  matin  ,  après  avoir 
trait  les  mères  ,  ils  font  venir  les 
agneaux  pour  tetter  le  peu  de  lait  qui 
eft  refté  dans  les  mammelles, enfuite 
ils  éloignent  les  agneaux  pendant 
toute  la  journée;  le  foir,  ils  les  font 
revenir  pour  tetter  encore  ,  après  que 
l'on  a  trait  les  brebis.  On  dit  que  le 
peu  de  lait  qui  refte  à  chaque  fois, 
joint  à  l'herbe  des  pâturages ,  fuffic 
pour  la  nourriture  de  ces  agneaux  ; 
mais,  (\  l'heibe  n'étoit  pas  afiez  nour- 
rilfante,  cet  ufage  pourroit  leur  être 
nuilible.  •  ' 

L'écoulement  de  lait  préferve  les 
brebis  de  pluheurs  maladies  qui  pour- 
roient  venir  d'humeurs  trop  abon- 
dantes; mais  lorfqu'il  dure  trop  long- 
temps, les  brebis  maigrillent  &  dé- 
périlfenc,  &  elles  donnent  moins  de 
laine, 

§fffi 


C^i  MOU 

On  ne  rifqiie  rien  de  traire  les 
brebis  dont  la  laine  eft  de  maiivaife 
qualité  &  de  peu  de  produit,  mais 
il  ne  faut  pas  traire  celles  qui  ont  de 
bonne  laine,  &  principalement  celles 
dont  on  veut  relever  ou  maintenir  la 
race  j  cependant  ,  fi  elles  étoient 
foupçonnées  de  maladies  produites 
par  des  humeurs  trop  abondantes , 
on  pourroit  les  traire  une  ou  deux 
fois  par  femaine,  pour  donner  ilHie  à 
ces  humeurs.  On  croit  que  cette  pré- 
caution les  préferve  de  la  pulmonie, 
de  la  pourriture  ,  &c.;  (  Voyc-:{.  ces 
mots  )  mais  il  faudroit  jeter  ce  lait 
comme  mal  fain. 

Quant  à  l'ufage  du  lait  de  la  brebis , 
il  eft  le  même  que  celui  de  la  vache  5 
(  /^oye^  Boeuf)  il  rend  moins 
de  petit  lait  ,  mais  il  eft  plus  gras 
&  plus  agréable  au  goût  ,  il  a  plus 
de  parties  propres  à  faire  du  fromage  j 
on  en  fait  de  très-bons  &  de  très- 
recherchés  ,  principalement  ceux  de 
Roquefort  en  Rouergue. 

§.  VII.  T>cs  foins  qu'il  faut  avoir 
lorf qu'un  agneau  vient  de  naître. 
Manière  de  reconnaître  la  bonne 
qualité  de  lait.  Ce  qu'il  y  a  à  faire 
lorfque  la  mère  n'a  point  de  lait ^ 
ou  n'en  a  pas  ajfei^  lorfqu'il  ejl 
mauvais  j  quelle  ejl  malade  y  ou 
qu'elle  ejl  morte  en  agnelant. 

Lorfcju'un  agneau  vient  de  naître, 
il  faut  vifiter  le  pis  de  la  mère,  pour 
couper  la  laine  ,  s'il  y  en  a  deifus, 
pour  favoir  s'il  eft  alTez  plein  de  lair, 
&  pour  en  faire  forrir  des  mamme- 
lons,  afin  de  voir  s'il  eft  bon  ;  en- 
fuite  il  faut  pr-endre  garde  fi  la  mère 
lèche  fon  agneau ,  &c  fi  l'agneau  la 
terre. 


MOU 

On  peut  croire  que  le  lait  eft  bon; 
lorfque  la  mère  eft  en  bonne  fanté, 
&  lorfqu'il  eft  blanc  &  de  bonne 
confiftance  ,  c'eft-à-dire ,  alTez  épais  j 
mais  lorfqu'il  eft  gluant  ,  bleuâtre, 
jaunâtre  ou  clair,   il  eft  mauvais. 

Si  une  brebis  mère  eft  malade, 
ou  fi  elle  eft  morre  en  agnelant,  il 
faut  donner  à  l'agneau ,  pour  l'allaiter, 
une  autre  mère  qui  aura  perdu  le 
lien  J  ou  une  chèvre  qui  aura  du  lait. 

11  arrive  fouvent  qu'une  brebis  ne 
veut  pas  allaiter  un  agneau  qui  ne 
vient  pas  d'elle  ;  mais  on  dit  que  l'on 
peut  la  tromper  en  couvrant  cet 
agneau  pendant  une  nuit  avec  la  peau 
de  celui  qui  eft  mort,  fi  cette  peau 
eft  encore  fraîche  j  quoiqu'on  l'ôte  le 
matin,  la  brebis  croit  déjà  avoir  re- 
trouvé fon  propre  agneau  :  mais  on 
a  éprouvé  un  moyen  plus  facile  que 
celui-là ,  c'eft  de  frotter  feulement 
l'agneau  mort  contre  celui  que  Ton 
veut  faire  tetter  à  fa  place. 

Si  l'on  n'a  ni  brebis  ,  ni  chèvre 
pour  allaiter  un  agneau  privé  de  fa 
mère  ;  on  fait  boire  à  cet  agneau 
du  lait  tiède  de  brebis  ,  de  chèvre 
ou  de  vache,  d'abord  par  cuillerées  , 
enfuite  au  moyen  d'un  biberon  dont 
le  bec  eft  garni  d'un  linge  ,  afin 
que  l'agneau  puifTe  fucer  ce  linge 
à -peu -près  comme  le  mammelon 
d'une  brebis  :  on  lui  préfente  le  bi- 
beron aulîi  fouvent  qu'il  auroit  tetté 
la  mère.  11  faut  faire  enforte  que  le 
mufeau  ne  foit  pas  trop  élevé,  parce 
que  dans  cette  poi^ure  le  lait  pour- 
roit fuftoquer  l'agneau  en  entrant  dans 
le  corner;  on  rient  l'agneau  dans  un 
lieu  un  peu  chaud ,  pour  fuppléer 
à  la  chaleur  qu'il  auroit  reçue  de  fa 
mère,  s'il  avoit  été  couché  contr'elle. 
Il  y  a  des  agneaux  qui ,  au  bout  de 
trois  jours,  peuvent  fe  palTer  de  bi- 


MOU 

beron ,  &  boire  dans  un  vafe.  On 
commence  par  faire  boire  du  lait  aux 
agneaux  quatre  fois  par  jour,  enfuire 
trois  fois ,  6c  enfin  deux  fois ,  jufqu'à 
ce  qu'ils  foient  alTez  forts  pour  man- 
ger de  l'herbe.  Si  l'on  n'avoir  point 
de  laie,  ou  fi  on  vouloit  l'épargner, 
on  pourroit  leur  donner  de  l'eau 
tiède,  mêlée  de  farine  d'orge 5  mais 
cette  boilTon  eft  moins  nourrilTante 
que  le  lait. 

§.  VIII.  Que  faut-il  faire  lorfqu'on 
s'appercoit  qu'un  agneau  eft  tujle , 
foible  ,  ou  maigre.,  ou  engourdi  par 
le  froid? 

Lorsqu'un  agneau  eft  trifte ,  foible 
ou  maigre ,  le  berger  doit  obferver  fi 
la  mère  eft  en  bonne  fanté  ,  fi  fon 
lait  eft  bon,  fi  l'agneau  la  tette,  ou 
fi  quelqu'autre  agneau  lui  dérobe  fon 
lait.  Il  y  a  des  agneaux  gourmands 
qui  tettent  plufieurs  mères  les  unes 
après  les  autres  ,  ce  qui  prive  les 
autres  agneaux  de  la  nourriture  de 
leur  mère  ;  il  faut  veiller  foigneu- 
fement  à  ce  que  tous  les  agneaux , 
principalement  les  plus  foibles,  tet- 
lent  leurs  mères ,  &  à  ce  qu'ils  aient 
de  bon  lait  &  en  fuffifante  quantité. 
La  plupart  des  agneaux  qui  périlfent, 
meurent  de  faim  ,  ou  n'ont  eu  que 
de  mauvais  lait. 

Si  un  agneau  a  beaucoup  foufFerc 
du  froid  ,  il  faut  le  réchauffer  en 
l'enveloppant  de  linges  cliauds,  en  le 
couchant  auprès  d'un  teu  doux  ,  &  en 
le  difpofant  de  manière  que  la  tète 
foit  à  l'ombre  du  corps.  En  Angle- 
terre, on  met  ces  agneaux  refroidis 
dans  une  meule  de  foin  ,  ou  dans  un 
four  chauffé  feulement  avec  de  la 
paille  j  on  en  a  fauve  de  cette  ma- 


MOU 


^93 


nière  qui  avoient  tant  foufFerc  du 
froid,  qu'ils  donnoient  à  peine  quel- 
ques fignes  de  vie.  On  fait  prendre  .à 
l'agneau  une  petite  cuillerée  de  lait 
tiède  ,  ou ,  s'il  eft  nécefTaite  ,  une 
cuillerée  de  bierre  ou  devin,  mêlés 
d'eau  :  on  le  nourrit  au  coin  du  teu 
pendant  quelques  jours  s'il  eft  foible, 
enfuite  on  le  met  avec  fa  mère,  juf- 
qu'à ce  qu'il  foit  rétabli ,  dans  un  lieu 
couvert  &  même  fermé. 

§.  IX.  Que  faut-il  faire  des  agneaux 
qui  ne  viennent  qu'à  la  fin  d'avril 
ou  en  mai  ? 

On  ne  doit  point  garder  ces 
agneaux  pour  les  troupeaux  ,  parce 
qu'ils  font  foibles  &  petits.  On  les 
engraifle  pour  les  manger.  11  eft  fa- 
cile de  les  engraifTer  ,  parce  qu'ils 
nailîent  dans  une  faifon  oii  il  y  a 
déjà  de  l'herbe.  Ces  agneaux  font 
les  premiers  des  jeunes  brebis  ,  ou 
les  derniers  qui  viennent  des  vieilles. 
Nous  leur  donnons  le  nom  de  tar- 
dons ,  parce  qu'ils  font  venus  trop 
tard  5  on  les  appelle  en  Angleterre  , 
agneaux-coucous ,  parce  qu'ils  naif- 
fent  dans  la  faifon  où  cet  oifeau 
chante. 

§.     X.      Manière     d'engraijfer     les 
aoneaux. 

o 

On  garde  les  agneaux  à  la  ber- 
gerie où  ils  tettent  les  mères  ,  foir 
&  matin,  &  pendant  la  nuit.  Dans 
le  jour  ,  tandis  que  leurs  mères  font 
aux  champs ,  on  leur  fait  tetter  des 
marâtres,  c'eft- à-dire,  des  brebis  qui 
ont  perdu  leurs  agneaux.  On  donne 
de  la  litière  fraîche  ,   une  ou   deux 


^94 


MOU" 


fois  eu  vingt  -  quatie  heures  ,  aiù 
aeneaux  que  l'on  eugrailTe.  On  mec 
auprès  d  eux  une  pierre  de  craie 
pour  qu'ils  la  lèchenc.  La  craie  les 
préferve  du  dévoieraenc  (  f'^oye^  ce 
mot  )  auquel  ils  fon:  fujets  ,  &  qui 
les  empccheroic  d'en^raiirer.  Lorf- 
que  les  agneaux  mâles  que  l'on 
engrailfe,  ont  quinze  jours ,  il  faut 
les  couper  ,  comme  il  iera  expliqué 

au  §.  Xliî Les  agneaux  mâles 

coupés  ont  la  chair  auiîi  bonne  que 
celle  des  agneaux  femelles  j  mais  ils 
ne  deviennent  pas  fi  gros  que  ceux 
qui  n'ont  pas  été  coupes.  La  plupart 
des  gens  qui  engraillent  des  agneaux 
pour  les  vendre  ,  aiment  mieux  ne 
les  pas  couper  ,  pourvu  qu'ils  foient 
plus  gros  ,  quoique  leur  chair  n'ait 
pas  alors  il  bon  goût,  ils  les  vendent 
mieux. 

§.  XI.  A  quel  âge  les  agneaux  peu- 
vent-ils prendre  d'autres  nourritures 
que  le  lait  ?  (Quelles  précautions 
y  a-t-il  à  prendre  jufquà  ce  quils 
foient  fevrés.  Quand  &  comment 
faut-il  Us  fevrer  ? 

Il  y  a  At%  agneaux  qui  commen- 
cent à  mander  dans  l'autie  &  au 
lacelier  ,  «Je  à  brouter  l'herbe  a  l'âge 
de  dix- huit  jours.  Alors  on  peut  leur 
donner  les  chofes  fuivantes  dans  les 
auges. 

1°.  De  la  farine  d'avoine  feule,  ou 
mêlée  avec  du  fon  :  on  dit  que  le 
■fon  leur  donneroit  trop  de  ventre  s'il 
n'étoit  pas  mêlé  avec  d'autres  nour- 
ritures. 2°.  Des  pois,  les  bleus  font 
plus  tendres  &  plus  nourrilfans  que 
les  blancs  &  les  gris.    Si  l'on  fait 


MOU 

crever  les  pois  dans  l'eau  bouillante,' 
&  li  on  les  mêle  avec  du  lait,  ilsfonc 
encore  plustendres&  plusappéciffans. 
On  peut  aulfi  les  mêler  avec  de  la, 
farine  d'avoine  ou  d'orge  \  mais  la. 
farine  d'orge  dégoûte  les  agneaux  , 
parce  qu'elle  reûe  entte  leurs  dents. 
5 ''.De  l'avoine  ou  de  l'orge  engraiû: 
l'avoine  eft  la  nourriture  que  les 
agneaux  aiment  le  mieux  ;  c'eft  auffi 
la  plus  faine,  &;  cellequi  les  engraille 
le  plus  promptement.  4°.  Du  foin  le 
plus  fin  ,  de  la  paille  battue  deux 
tois  ,  pour  la  rendre  plus  douce  ;  du 
trcffle  fec,desgerbées  d'avoine  ,  c^cc, 
&  principalement  du  fain-foin.  5°.  Les 
herbes  des  prés  bas ,  &  routes  celles 
qui  font  bonnes  pour  l'engrais  des 
moutons ,  comme  on  le  verra  dans 
le  §.  II  du  chapitre  quatrième. 

Les  précautions  que  demandent  les 
agneaux  jufqu'à  ce  qu'ils  foient  fe- 
vrés ,  conliftenc  à  ne  pas  renir  trop 
chaudement  ceux  que  l'on  eft  obligé 
de  mettre  à  couvert  à  caufe  des 
grands  froids  ;  on  doit  leur  donner 
de  l'air  &  les  faire  forcir  le  plus  fou- 
vent  qu'il  eft  podîble  ,  pour  les  for- 
tiher.  Lorfqu'un  agneau  a  huit  jours, 
il  peuc  déjà  fuivre  fa  mère  près  de 
la  bergerie. 

On  fèvre  les  agneaux  lorfque 
le  laie  de  la  mère  commence  à 
tarir  :  alors  l'agneau  a  environ  deux 
mois.  C'eft  vers  le  premier  de  mai, 
pour  les  agneaux  qui  viennent  à  la 
fin  de  février  ou  au  commencement 
de  mars.  Lorfque  les  agneaux  naif- 
fent  plutôt  ,  on  eft  obligé  de  les 
laitfer  tetter  plus  de  deux  mois  ,  afin 
qu'ils  puilfent  avoir  de  bonne  herbe 
lorfqu'on  les  fèvre.  Par  exemple  , 
un  agneau  qui  vient  en  décembre  , 
ne  pourroic  avoir  de   bonne  herbe 


MOU 

en  février  :  dans  les  pays  où  rhivet 
eft  rude  ,  il  faut  attendre  le  mois 
de  mars  ou  d'avril  pour  le  fevrer. 
Il  y  a  des  gens  qui  ne  fèvrent  les 
agneaux  qu'au  temps  de  la  tonte  ; 
quelques-uns  ne  reconnoiirent  plus 
leurs  mères  apiès  qu'elles  ont  été 
dépouillées  de  leur  toifon  j  il  arrive 
plus  louvent  qiie  la  mère  ne  recon- 
iioîc  fon  agneau  que  difficilement 
après  qu'il  a  été  tondu.  Si  l'agneau 
refte  toujours  avec  fa  mère ,  elle  le 
fèvre  d'elle-mcme  ,  lorfque  le  lait 
lui  manque ,  ou  lorfqu'elle  entre  en 
chaleur  :  alors  elle  repoufle  fon 
agneau  ,  &  lui  fait  perdre  l'habitude 
de  tetter  :  quelquefois  aufîi  les 
agneaux  s'en  dégoûtent  lorfqu^ils  ont 
de  bons  pâturages. 

Pour  fevrer  les  agneaux  ,  on  les 
fépare  des  mères  ,  &  s'il  eft  po.lible , 
en  les  éloigne  affez  pour  qu'ils  ne 
puilTent  pas  entendre  la  voix  des 
mères  ,  ni  leur  faire  entendre  la  leur. 
Pour  qu'ils  s'oublient  de  parc  &  d'au- 
tre plus  promptemenr,  on  met  les 
agneaux  jufqu'au  nombre  de  quarante, 
avec  une  vieille  brebis  ,  pour  les 
conduire  &  les  empêcher  de  s'écarter. 
On  les  fait  paître  dans  des  prairies 
de  treffle  ,  de  mélilot  ou  de  raygras ,. 
&c.  ;  on  peut  auHi  les  mettre  dans 
des  prairies  ordinaires  qui  ne  foient 
pas  humides.  On  a  trouvé  un  moyen 
de  fevrer  les  agneaux  fans  les  fé- 
parer  de  leurs  mères.  On  leur  me: 
une  forte  de  cavelîbn  ou  mufelière 
aflez  lâche  pour  leur  laifier  la  liberté 
de  manger,  &  garni  fur  le  nez  de 
pointes  ou  d'épines  qui  piquent  les 
mammelles  de  la  mère,.  &  l'obligent 
à  repouiïer  l'agneau  lorfqu'il  veut 
tetter  ;  mais  il  faut  que  ces  piquans 
foient  alTez  doux  pour  ne  pas  blelfer 
les  mamixielles. 


MOU 


(3  pi 


§.  XII.  Doit-on  couper  ta  queue  des 
agneaux?  Manière  de  la  couper. 

Il  s'attache  beaucoup  d'ordures  à 
la  queue  des  bêtes  à  laine,  princi- 
palement lorfqu'elles  ont  le  dcvoie- 
ment.  (  f-'oye^  ce  mot  )  Celles  donc 
la  queue  a  été  coupée  ,  font  les 
plus  propres.  Les  moutons  qui  n'ont 
poinr  de  queue  parollfent  avoir  la 
croupe  plus  large.  On  dit  que  l'on 
ne  raccourcit  la  queue  des  agneaux  , 
que  pour  empêcher  qu'elle  ne  fe 
charge  de  boue  par  l'extrémité  ,  &• 
que  cette  boue  une  fois  durcie  ,  ne 
blefle  les  pieds  de  la  bête  ,  ou  ne 
l'excite  à  courir.  Lorfqu'elle  a  com- 
mencé à  doubler  le  pas  ,  la  pelotre 
de  terre  dure ,  attachée  au  bout  de 
la  queue  ,  trappe  de  plus  en  plus 
fur  le  bas  des  jambes  ;  ces  coups  re- 
doublés animent  la  bête  au  point 
qu'il  eft  difficile  de  l'arrêter.  11  eft 
donc  à  propos  de  couper  la  queue 
des  agneaux  dans  les  pays  où  la 
terre  eft  de  nature  à  s'arracher  & 
à  fe  durcir  à,  l'extrémité  de  leurs- 
queues. 

On  fait  cette  opéra  non  ptir  urr 
temps  doux ,  lorfque  l'agneau  a  un 
mois  ,  fix  femaines,  ou  deux  mois,, 
ou  dans  l'automne  qui  fuit  fa  naif- 
faiice.  On  coupe  la  queue  à  l'endroic 
d'une  jointure  entre  deux  os  ,  &  l'on 
met  des  cendres  fur  la  plaie.  Si  leS' 
cendres  ne  fuffifoient  pas  feules ,, 
on  les   mèleroir  avec  du  fuif. 

Il  eft  bon  même  de  couper  la' 
laine  de  la  queue  ,  ainfî  que  des 
felTes  y  lorfqu'elle  eft  chargée  d'or- 
dures qui  pourroient  caufer  des  dc- 
mangeaifons  &  la  gale.  (^0)2:5;  ce* 
mots..  ] 


^9<J            MOU  MOU 

Quant   aux    autres    manières    de 

§.  XIII.  De  la   cajlration.  A  quel  châcrer  les  agneaux  ,  confultez  l'ai- 

âge&  comment  dû'u-on  la  faire?  ticle   Castration. 

Pour  faire  cette  opération,  on  doit 

On  chcâtre  les  agneaux  pour  len-  bien  comprendre  qu'il  faut  choifir  un 

dre  la  chair  de  l'animal  plus  tendre  ,  temps  qui  ne  foit  ni  trop  chaud,  ni 

&  pour  lui    ôter  un  mauvais    goût  trop   froid.  La  grande  chaleur  pour- 

qu'elle  auroit   naturellement,  fi  on  roit  caufer  la  grangrène  dans  la  plaie; 

le  lailToit  dans  l'état  de  bélier  j  pour  le  trop  grand  froid  l'empècheroit  de 

le  difpofer  à  prendre  plus  de  grailfe  ;  guérir.  Après   l'opération  ,  on  frotte 

pour  rendre    la  laine  plus    fine  &  les  bourfes  avec  du  fain-doux  ;  on 

plus  abondante  :  en  même  temps  on  tient  les  agneaux  en  repos  pendant 

rend  l'animal  plus  doux  &  plus  aifé  deux  ou  trois  jours  ,  &  on  les  nour- 

à  conduire.  rit  mieux  qu'à  l'ordinaire. 

On  les  appelle  moutons,  lorfqu'ils 

font   âgés   d'un    an.  §.  XIV.    Des    moutonnes.    A    quel 

C'eftàhuitouquinze  jours  après  leur  âge  &  comment  fait- on  les  mour 

naiiïance  ,  qu'on  châtre  les  agneaux.  tonnes? 
On   eft  aufli  dans  l'ufage  de  ne   les 

châtrer  qu'à  l'âge  de  trois  femaines ,  Les    moutonnes    font   des  brebis 

ou  de  cinq   à   fix  mois  \  mais  leur  auxquelles  on  a  ôté  les  ovaires  dans 

chair  n'eft  jamais  fi  bonne  que  s'ils  leur  premier  âge,  pour  les  empêcher 

avoient  été  châtrés  huit  jours  après  d'engendrer.  On  les  appelle,  à  caufe 

leur  naidance  :  plus  on  retarde  cette  de  cela,    brebis  châtrices  ;    mais   il 

opération ,   plus  elle  fait    périr  d'à-  vaut  mieux  leur  donner  le  nom  de 

gneaux.   Ceux   qui  ont   été   châtrés  moutonnes ,  parce  qu'elles  font  dans 

n'ont   pas    la  tète    auili    belle  ,    &  le  même  cas  que  les  moutons, 

ne  deviennent  pas  auflî  gros  que  les  On  fait  des  moutonnes  pour  ren-» 

autres.  dre   les   brebis   aufTi  utiles    que    les 

Lorfqu'oii    châtre    les    agneaux  à  moutons  ,  par  le  produit  de  la  laine, 

huit  ou  dix  jours   ,    la  manière  la  &:  par  la  qualité  de  la  chair, 

plus  fimple  eft  de  leur    faire    une  Pour   faire  des   moutonnes  ,   on 

ouverture    par    incillon    au   bas   des  attend    que    les    agneaux    femelles 

bourfes  ,  &   de  couper  les    cofdons  aient  environ   fix  femaines  ,    parce 

qui    font    au-deiïus  des    tefticules  :  qu'il   faut  que  les  ovaires  foient  à- 

c'elt  ce  que  l'on  appelle  châtrer  en  peu-piès  gros  comme  des  haricots  , 

agneaux.  Lorfque  les  agneaux  font  ahn  que  l'on  puilfe  les   reconnoître 

plus  âgés  ,  on  incife  les  bourfes  de  aifcment   en  les  cherchant   avec  le 

chaque   côté  de  leur  fond  j  on    fait  doigt. 

fprtir  un  tefticule  par  chacune  de  ces  Le  berger  qui  fait  l'opération,  com- 

Quvertnres  ,  &   on  coupe  le  cordon  mence  par  coucher  l'agneau   fur  le 

qui  eft  au-delTus  de  chaque  tefticule.  coté  droit  ,  près  du  bord  d'une  ta- 

On  appelle  cette  opération,  châtrer  ble  ,  ahij  que  la  tète  foit  pendante 

en  veau  ,  parce  que  c'eft   ainfi  que  hors  de  la  table.  Enfuite  il   place  à 

l'on  châtre  les  veaux,  fa  gauche  un  aide  qui  ctend  la  jambe 

gauche 


MOU 

gauclie  de  (hrrière  de  l'agneau  ,  8c 
qui  l'empoigne  avec  la  main  gau- 
che à  l'eiidroic  du  canon  ,  c'eft  à-dire 
au-delfus  des  ergots ,  pour  la  tenir 
en  place.  Un  fécond  aide  ,  placé  à 
la  droite  de  l'opérateur  ,  raflemble 
les  deux  jambes  de  devanc  de  l'a- 
gneau ,  avec  la  jambe  droite  de  der- 
rière ,  (Se  les  contient  en  les  em- 
poignant toutes  les  trois  de  la  main 
droite,  à  l'endroit  des  canons.  (  f^oye:^ 
la  planche  VIII  de  l'ouvrage  de 
M,  Dauhenton  _,  déjà  cité  j  fig.  i  , 
page  231  ).  L'agneau  étant  ainfi 
difpofé  ,  l'opérateur  foulève  la  peau 
du  flanc  gauche  avec  les  deux  pre- 
miers doigts  de  la  main  gauche,  pour 
former  un  pli  à  égale  diftance  de 
la  partie  la  plus  haute  de  l'os  de  la 
hanche  &  du  nombril.  L'aide  du 
côté  gauche  ,  alonge  ce  pli  auilî 
avec  la  main  gauche  jufqu'à  l'endroit 
des  faull'es  côtes.  Alors  l'opérateur 
coupe  le  pli  avec  un  couteau  ,  de 
manière  que  l'inciiion  n'ait  qu'un 
pouce  &  demi  de  longueur  ,  &  fuive 
une  ligne  qui  iroit  depuis  la  partie  la 
plus  haute  de  l'os  de  la  hanche  juf- 
qu'au  nombril.  L'ouverture  étant 
faite,  en  coupant  peu-à-peu  toute 
l'épailTeur  de  la  chair  ,  jufqu'à  l'en- 
droit des  boyaux  ,  fans  les  toucher  , 
l'opérateur  introduit  le  doigt  index  , 
c'eft-à-dire ,  celui  qui  eft.  près  du 
pouce  ,  dans  le  ventre  de  l'agneau , 
pour  chercher  l'ovaire  gauche  j  lorf- 
qu'il  l'a  fenti ,  il  l'attire  doucement 
au- dehors.  Les  deux  liframens  larçes , 
la  matrice  &  l'autre  ovaire  fortent 
en  même  temps.  L'opérateur  enlève 
les  deux  ovaires,  &  fait  rentrer  les 
ligamens  &  la  matrice  j  enfuite  il 
fait  trois  -points  de  couture  à  l'en- 
droit de  l'ouverture  pour  la  fermer  \ 
il  ne  palTe  l'aiguille  que  dans  la 
Tome  VI. 


MOU 


(?97 


pe.au,  il  a  foin  qu'elle  n'entre  pas  dans 
la  chair  ;  il  lailfe  paiTer  au  dehors' 
les  deux  bouts  du  fil ,  &  il  met  un 
peu  de  graiffe  fur  la  plaie.  Au  bouc 
de  dix  ou  de  douze  jours  ,  lorfque 
la  peau  eft:  cicatrifée  ,  on  coupe  le 
fil  au  point  de  couture  du  milieu  , 
&  on  tire  les  deux  bouts  qui  paf- 
fent  au-dehors  ,  pour  enlever  le  fil , 
afin  d'empêcher  qu'il  ne  caufe  une 
fuppuration.  Lorfque  cette  opération 
eft:  bien  faite  ,  !.,s  agneaux  ne  s'en 
relTentent  que  le  premier  jour  ;  ils 
ont  les  jambes  un  peu  roides  \  ils  ne 
tettent  pas;  mais  dès  le  fécond  jour, 
ils  font  comme  à  l'ordinaire. 

CHAPITRE     IV. 

Dz  l'Engrais  des   Moutons^ 

§.  I.  Du  terrein  qui  convient  le 
mieux  aux  moutons  pour  l'en- 
grais. 

En  général  ,  les  terreins  fecs  $c 
élevés  conviennent  mieux  aux  bêtes 
à  laine  que  les  terreins  bas  &  hu- 
mides ,  principalement  aux  béliers, 
&  aux  moutons  de  garde  ,  c'efl:-à- 
dire  ,  aux  moutons  que  l'on  ne  veut 
pas  engraifîer  ;  mais  l'humidité  des 
pâturages  contribue  à  engrailfer  les 
moutons  &  les  brebis  deftinés  à  la  boi;- 
cherie,   ainfi  que  les  béliers  tournés. 

Des  moutons  de  trois  &  de  quatre 
ans  ne  profitent  que  dans  les  terreins 
où  il  y  a  beaucoup  d'herbages  5  mais 
les  moutons  d'un  an  &  de  deux  ans 
peuvent  profiter  dans  des  terreins  où 
les   pâturages   font  moins  fournis, 

§.  II.    Manière  d'engraifjer  les  mou- 
tons.  Des  meilleurs  herbages. 

Il  y  a  trois  manières  d'engraiffer 
les  moutons.  L'une  ell  de  les  faire 

T  t  t  t 


6c,^  M  O  U 

pâcurer  dans  de  bons  herbages  : 
c'eft  ce  que  l'on  appelle  l'engrais 
diieibe  ,  ou  la  rraille  d'herbe.  L'au- 
rre  manière  ert  de  leur  donner  de 
bonnes  nourritures  au  râtelier  &  dans 
des  auges  :  c'ell  l'engrais  de  pouture, 
ou  la  graiire  fèche ,  la  graille  pro- 
duite par  des  fourrages  fecs.  La 
troifième  manière  eft  de  commencer 
par  mettre  les  moutons  aux  herbages 
en  automne  j  &  enfuite  à  la  pou- 
ture. 

Le  temps  néceifaire  pour  engraif- 
fer  les  moutons  par  les  engrais  d'her- 
bages ,  eft  relatif  à  l'abondance  &  à 
la  qualité  de  ces  mêmes  herbages j 
lorfqu'ils  font  bons  ,  on  peut  en- 
grailler  des  moutons  en  deux  ou  trois 
mois  ,  &  faire  par  confcquent  trois 
engrais  par  an  dans  le  même  pâtu- 
rage ,  en  commençant  dès  le  mois 
de  mars.  Lorfque  les  pâturages  font 
moins  bos^s  ,  il  faut  plus  de  temps 
pour  engrnilTer  les  moutons. 

11  faut  laifier  les  mourons  en  re- 
pos le  plus  qu'il  eft  poffible  ,  les 
mener  très-doucemenr  ,  prendre 
garde  qu'ils  ne  s'échaufîent  j.  les  faire 
boire  le  plus  que  l'on  peut ,  &  pren- 
dre bien  garde  qu'ils  n'aient  le  dcvoie- 
ment ,  qui  eft  ordinairement  occa- 
fionné  par  la  rofce. 

Cette  manière  d'engraiffer  les  mou- 
tons  n'a  lieu  qu'au  printemps.  En  été 
&  en  automne ,  dans  les  pays  où  les 
gelées  détruifent  l'herbe ,  on  mène  les 
moutons  au  pâturage  de  grand  matin, 
avant  que  le  foleil  ait  fèché  l'herbe; 
on  les  met  au  frais  &  à  l'ombre 
pendant  la  chaleur  du  Jour  ,  &  on 
les  fait  boire  \  on  les  remène  fur  le 
foir  dans  des  pâturages  humides  , 
&   on  les   y  lailfe  jufqu'à  la  nuit. 

Les  meilleurs  herbages  pour  en- 
graiffer  les  moutons,  font  la  luzerne; 


M  O  U 

outre  qu'elle  eft  très  -  nourrllfante  , 
elle  engrailfe  très  -  promptement  ^ 
mais  on  dit  qu'elle  donne  à  ia  graille 
des  moutons  une  couleur  jaunâtre 
&  un  goût  défagréable  ;  d'ailleurs 
elle  peut  les  faire  enfler  ,  &  par 
conféquent  les  faire  mourir.  Les 
tréfiles  offrent  les  mêmes  avantages 
&  les  mêmes  inconvéniens  que  la 
luzerne  :  on  prétend  qu'ils  rendent  1» 
chair  jaunâtre  j  mais  qu'elle  a  bon 
goût.  Le  fain-foin  eft  fort  bon  pour 
engrailTer  ,  &  l'on  n'a  rien  à  en 
craindre.  Le  froaiental  ,  la  coquiole 
ou  graine  d'oifeau  ,  le  thimuthy,  le 
ray-gras  ,  les  herbes  des  prés ,  fur- 
tout  des  prés  bas  &  humides  ,  & 
dans  certains  pays  les  chaumes  après  la 
moillon ,  &  les  herbages  des  bois  y 
font  aulli  de  bons  engrais  pour  les 
mourons  ;  mais  ils  ne  les  engraiffenr' 
pas  auflî  promptement  que  la  luzerne , 
le  treffle  &  le  fain-foin. 

L'engrais  de  pouture  fe  fait  pen- 
dant la  mauvaife  faifon  ;  par  exem- 
ple ,  à  Noël.  Après  avoir  tondu  leS' 
moutons  ,  on  les  renferme  dans  une 
érable,  &  on  ne  les  lailfe  fortir  qu'.x 
midi  pendant  que  l'on  met  de  la 
nourriture  dans  leurs  auges.  Le  ma- 
tin &  le  foir  on  leur  donne  à  manger 
au  rarelier,  &■  même  pendant  les 
nuits  longues.  On  leur  donne  de 
bons  fourrages  &  des  grains  ou 
d'autres  chofes  fort  nourrifiantes  , 
fuivant  les  produétions  du  pays  &c 
le  prix  des  denrées  ;  car  il  faut 
prendre  garde  que  les  frais  de  l'en- 
grais n'emportent  le  gain  que  l'on 
devroit  faire  en  vendant  les  mou- 
tons gras. 

Dans  plufîeurs  pays  on  donne  aux 
moutons  de  trois  ou  quatre  ans  ,  le 
matin  ,  trois  quarterons  de  foin  à 
chacun  ,  &  autant  le  foir  ;  à  midi 


MOU 

îiue  livre  d'avoine  &  une  livre  de 
maton  ,c'efl:  à-diie,  de  pain  ou  tourte 
de  navette  ,  ou  rabecte  ,  ou  de  che- 
nevi  réduit  en  morceaux  gros  comme 
des  noifcttes  j  on  les  fait  boire  tous 
les  jours.  Dans  d'autres  pays  on  ne 
leur  donne  à  chacun  le  matin,  que 
dix  onces  de  foin  j  à  midi  un  quar- 
teron d'avoine  &  une  demi-livre  de 
maron  ,  &  le  foir  dix  onces  de  foin  ; 
mais  la  meilleure  manière  eft  de  leur 
donner  de  ces  nourritures  tant  qu'ils 
en  peuvent  manger.  Le  maton  rend 
la  chair  huileufe  &  le  fuint  trop 
abondant.  11  faut  fubftituer  au  ma- 
ton une  autre  nourriture  pendant  les 
quuize  derniers  jours,  pour  donner 
bon  goût  à  la  chair. 

Les  meilleures  nourritures  pour 
l'engrais  de  pouture  ,  font  les  grains , 
tels  que  l'avoine  en  grain  ,  ou  grof- 
fièrement  moulue ,  l'orge  ou  la  fa- 
rine d'orge  ,  les  pois ,  les  têves,  dcc. 
La  nourriture  qui  engrailfe  le  plutôt, 
ell  l'avoine  en  grain  ,  mêlée  avec 
de  la  farine  d'orge  ou  de  fon  ,  ou 
avec  les  deux  enfemble.  Si  on  ne 
mettoit  que  du  fon  avec  la  farine 
d'orge  j  cette  nourriture  ,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit ,  refteroit  entre 
les  dents  des  moutons  ,  &  ils  s'en 
<légoûteroient. 

On  engrailfe  encore  les  moutons 
avec  des  navets  ou  des  choux.  Pour 
les  engrailfer  avec  des  navets  ,  on 
commence  par  faire  pâturer  les  mou- 
tons dans  des  chaumes  après  la  moif- 
fon  jufqu'au  mois  d'oétobre,  pour  les 
difpofer  à  l'engrais.  Enfuite  on  les 
met  dans  un  champ  de  navets  pen- 
dant le  jour  ;  le  foir  on  leur  donne 
de  l'avoine  avec  du  fon  &:  de  la  fa- 
rine d'orge.  Les  navets  qui  font  dans 
de  bon^  terreins ,  bien  cultivés,  &  pris 
avant  d'être  trop  vieux,  ou  pourris. 


M  O  U 


(Î99 


ou  gelés,  valent  prefque  autant  que 
l'herbe  pour  engrailfer,  Ils  rendent  la 
chair  des  moutons,  tendre  &  de  bon 
goût.  Mais  lorfqu'on  donne  le  foir 
une  bonne  nourriture  d'auge  aux 
moutons  ,  elle  contribue  plus  encore 
que  les  navets  à  les  engrailfer  ,  & 
à  rendre  leur  chair  tendre  :  elle  les 
préferve  des  maladies  que  les  navets 
peuvent  leur  donner  lorfqu'ils  font 
dans  un  terrein  humide.  Les  navets 
trop  vieux  &  jSlandreux  ,  pourris  ou 
gelés,  font  une  mauvaife  nourriture. 
Un  arpent  de  bons  navets  peut  en- 
grailfer treize  ou  quatorze  moutons. 
Quant  à  l'engrais  des  moutons 
avec  les  choux ,  on  met  les  moutons 
dans  des  champs  de  choux  cavaliers 
ou  de  choux  frifés  ,  (  f^oye-^  Chou  ) 
depuis  le  mois  d'oélobre  ou  de  no- 
vembre jufqu'au  mois  de  février.  Les 
choux  engrailfeftt  les  moutons  plutôt 
que  l'herbe  j  mais  ils  donnent  à  la 
chait  un  goût  de  rance,  &  lorfque 
les  moutons  mangent  de  vieux  choux , 
leur  haleine  a  une  mauvaife  odeur 
qui  fe  fait  fentir  lorfqu'on  approche 
du  troupeau.  Pour  empêcher  que 
les  choux  ne  donnent  un  mauvais 
goût  à  la  chair  des  moutons  ,  ou  ne 
les  falfe  ender  ,  il  faut  leur  donner 
en  mcme-temps  une  nourriture  d'auge 
plus  douce ,  telle  que  l'avoine  ,  les 
pois ,  la  farine  d'orge  ,  &c. 

§.  III.  /^  quel  âge  faut-il  engraijfer 
les  moutons  ?  Comment  connaît- 
on  qu'un  mouton  ejl  gras  ? 

Si  l'on  veut  avoir  des  moutons 
gras,  dont  la  chair  foit  tendre  Se  de 
bon  goût ,  il  faut  les  engrailTer  de 
pouture  à  l'âge  de  deux  ou  trois 
ans.  Les  moutons  de  deux  ans  ont 
peu  de  corps,  &  prennent  peu  de 
T  t  t  t  2 


700 


MOU 


grailTe.  A  trois  ans  ils  font  plus  gros, 
&  prennent  plus  de  graifle.  A  quatre 
ans  ils  font  encore  plus  gros  &  ils 
deviennent  plus  gras  ;  mais  leur 
chair  eft  moins  tendre.  A  cinq  ans 
la  chair  eft  dure  &  fèche;  cepen- 
dant fi  l'on  veut  avoir  le  produit 
des  toifons  &  des  fumiers  ,  on  at- 
tend encore  plus  tard  ,  mcme  juf- 
qu'à  dix  ans,  lorfqu'on  eft  dans  un 
pays  où  les  moutons  peuvent  vivre 
jufqu'à  cet  âge  j  m,ais  il  faut  les 
engrailfer  un  an  ou  quinze  mois 
avant  le  temps  où  ils  commenceroient 
à  dépérir. 

On  connoît  qu'un  mouton  eft  gras , 
en  le  tarant  à  la  queue  ,  qui  de- 
vient quelquet^ois  grolfe  comme  le 
poignet;  on  regarde  aufli  aux  épaules 
&  à  la  poitrine,  &  fi  l'on  y  fent  de 
Ja  graille,  c'eft  ligne  que  les  moutons 
font  bien  gras.  Lorfqu'après  les  avoir 
dépouillés  on  voie  fur  le  dos  la  grailfe 
paroître  en  petites  veflies  comme  de 
l'écume  ,  c'eft  une  marque  de  bon 
engrais  :  cela  arrive  ordinairement 
lorfqu'ils  ont  mangé  des  navets.  Les 
mourons  que  l'on  a  engrailfés  d'her- 
bages ou  de  pouture  ne  vivroient 
pas  plus  de  trois  mois  ,  quand  même 
on  ne  les  livreroit  pas  au  boucher. 
L'eau  qui  contribue  à  ces  engrais  , 
caiiferoit  la  maladie  de  la  pourriture. 
(  P^oye^   ce  mot  ) 

CHAPITRE     V. 

De    la    conduire    des   moutons   aux 
pâturages. 

Les  principales  règles  que  les 
bergers  doivent  fuivre  pour  faite 
paître  les  moutons ,  peuvent  fe  ré- 
duire à  fept. 

i".  Faire  paître  les  moutons  tous 
les  jours  ,  s'il  eft  poffible, 


MOU 

i".  Ne  les  pas  arrêter  trop  fo«- 
vent  en  pâturant  ,  excepté  dans  les 
pâturages  clos. 

3°.  Empêcher  qu'ils  ne  faffent  du 
dommage  dans  les  terres  expofées 
au  dégât. 

4^.  Eviter  les  terreins  humides 
&  les  herbes  chargées  de  rofées  ou 
de  gelées  blanches. 

5  "".  Mettre  les  moutons  à  l'ombre 
durant  la  plus  grande  ardeur  du 
foleil  ,  &  les  conduire  le  matin  fut 
des  coteaux  expofés  au  couchant  , 
(Se  le  foir  fur  des  coteaux  expofés  au 
levant  ,  autant  qu'il  eft  pofîible. 

6''.  Eloigner  les  mourons  des  her- 
bes qui  peuvent  leur  être   nui/îbles. 

7".  Les  conduire  lenrement  ,  fur- 
tout  lorfqu'ils    montent  des  colines. 

Nous  allons,  pour  l'inftrudtion  des 
gens  de  la  campagne  ,  faire  un  para- 
graphe particulier  de  chacune  de  ces 
règles  principales. 

§.  1.  Pourquoi  faire  paître  les  mou- 
tons tous   les  jours  ? 

On  doit  faire  paître  les  moutons 
tous  les  jours  ,  parce  que  la  manière 
la  plus  naturelle  &  la  moins  coûteufe 
de  nourrir  les  moutons ,  eft  de  les 
faire  pâturer  ,  &  qu'on  n'y  fupplée 
qu'imparfaitement  en  leur  donnant 
des  feutrages  au  râtelier.  En  pâtu- 
rant ils  choififTent  leur  nourriture  à 
leur  gié  ,  &  la  prennent  dans  le 
meilleur  état  :  l'herbe  leur  profite 
toujours  mieux  que  le  foin  &  la 
paille.  Quand  même  ils  ne  trouve- 
roient  point  de  pâture  dans  les 
champs ,  l'exercice  qu'ils  prcndroient 
en  marchant j  leur  donneroit  de  lap- 
pctit  pour  les  fourrages  fecs  ;  d'ail- 
leurs, l'allure  naturelle  des  bêtes  à 
laine  eft  de  vaguer  de  place  en  place 


MOU 

pour  paître  :  cet  exercice  entretient 
leur  vigueur. 

§.  II.  Pourquoi  ne  pas  laijfer  paître 
les  troupeaux  en  liberté  dans  les 
pâturages  clos ,  comme  dans  ceux 
des  champs  ? 

Les  bctes  à  laine  gâteroient  pKis 
d'herbe  avec  les  pieds  qu'elles  n'en 
brouteroienr ,  fi  on  les  laiflbit  par- 
courir en  libeité  un  patinage  abon- 
dant. Pour  confervet  l'herbe,  on  ne 
livre  chaque  jour  au  troupeau  que 
celle  qu'il  peut  coiifommer  \  on  le 
retient  dans  un  parc  où  il  fe  trouve 
aiïez  d'herbe  pour  le  nombre  des 
inoutons  j  le  lendemain  on  change 
le  parc,  &  fucceiTivement  le  trou- 
peau parcourt  tout  le  pâturage. 

§.    III.   Pourquoi   éviter  les  terreins 
humides  ? 

Quoique  les  terreins  humides  foient 
ceux  où  l'herbe  efl  le  plus  abondante, 
rirumidité  eft contraire  aux  moutons, 
lorfqii'il  y  en  a  trop  dans  le  fol  qu'ils 
habitent  ou  qu'ils  parcourent,  &  dans 
les  herbes  aqueufes  qu'il  produit. 
Cette  humidité,  lorfqu'elle  eft froide 
comme  celle  des  rofées ,  peut  caufer 
la  maladie  appellée  la  pourriture,  le 
foie  pourri,  la  maladie  du  foie,  le 
gamer  ou  gamige.  (  Voye^  ces  mots  ) 
L'humidité  caufe  aufli  aux  mourons 
des  coliques  très- dangereufes  5  leur 
inftindl  les  porte  à  attendre  d'eux- 
mêmes  dans  les  champs  ,  avant  de 
pâturer  ,  que  la  roféè  ou  la  gelée 
blanche  foient  difiipécs. 

Ordinairement  la  rofée  eft  plus 
froide  que  la  pluie  ou  le  ferein  ;  les 
bctci  à  laine  pâturent   avec   moins 


MOU 


701 


d'appétit  lorfque  l'herbe  eft  mouillée , 
excepté  dans  les  temps  où  la  pluie, 
arrivant  après  une  grande  féchtrelTe, 
humeûe  l'herbe  ,  &  la  rend  plus 
douce  &  plus  appétiftante. 

§.  IV.  Pourquoi  faut -il  mettre  les 
bêtes  à  laine- à  l'ombre  ,  &  les  faire 
marcher  le  matin  du  côté  du  cou- 
chant j  &  le  foir  du  côté  du  levante 

On  met  les  moutons  à  l'ombre , 
parce  que  la  grande  chaleur  eft  plus 
.à  craindre  pour  eux  que  le  grand 
froid  j  leur  laine,  qui  empêche  que 
l'air  ne  les  rtfroidilte  en  hiver,  em- 
pêche auffi  que  l'air  ne  les  rafraîchifle 
en  été.  Se  n'augmente  la  chaleur  de 
leur  corps  au  point  de  les  empêcher 
de  pâturer;  c'eft  pourquoi  il  faut  les 
mettre  à  l'ombre  durant  la  grande 
ardeur  du  foleil,  qui  les  échaufïerolc 
beaucoup  trop  fous  leur  laine;  d'ail- 
leurs ,  ces  animaux  ont  le  cerveau 
foible,  les  rayons  du  foleil  tombant  à 
plomb  fur  leur  têre  ,  peuvent  leur 
caufer  des  vertiges  (  /^oye:j  Vertige  , 
Tournoiement  )  qui  les  font 
tourner,  &  le  mal,  appelle  la  cha- 
leur ,  qui  les  fait  périr  promptemenr, 
fi  l'on  n'y  remédie  par  la  faii',née  : 
il  faut  les  mettre  à  l'ombre  d'un  mur 
ou  d'un  arbre  dans  le  milieu  du  Jour; 
le  matin  on  doit  les  conduire  â\\  côté 
du  couchant,  &:  le  foir  du  côté  du 
levant  ,  pour  que  leur  lête  foit  d 
l'ombre  du  corps ,  tandis  qu'elles  la 
tiennent  bailTée  en  pâturant. 

Alais,  me  dira-t  on  ,  lorfque  les 
moutons  fe  ferrent  les  uns  contre  les 
autres,  &  que  charun  d'eux  baille  le 
cou  &  place  la  tête  fous  le  ventre  de 
fon  voifin ,  n'eft-elle  pas  fufSfamnienî 


70Î  MOU 

garantie  de  l'ardeur  du  foleil  ?  Il  eft 
vrai  que  la  tête  du  mouton  eft  a 
l'ombre  j  mais  cette  iitiiation  eft  plus 
dangereule  que  l'ardeur  du  loleil , 
parce  que  la  tête  eft  penchée  Se  en- 
vironnée d'un  air  chargé  de  pjuffièie, 
ëc  iuteélé  par  la  vapeur  du  corps  des 
moutons ,  qui  l'échauffé,  &  qui  em- 
pêche qu'il  ne  fe  renouvelle  j  aufti  les 
moutons  ne  cachent  leur  tête  que  pour 
mettre  leuts  nafeaux  à  l'abri  de  la  per- 
fécutioii  des  mouches  qui  les  cher- 
chent pour  y  pondre  leurs  œufsj  dans 
ce  cas ,  il  faut  conduire  le  troupeau 
dans  un  lieu  frais. 

Les  moutons  ne  peuvent  pâturer, 
lorfque  la  terre  eft  couverte  d'une 
alTez  grande  épaifleur  de  neige  pour 
empêcher  qu'ils  ne  découvrent  l'herbe 
avec  les  pieds;  alors  on  ne  les  con- 
duit dans  la  campagne  que  pour  les 
faire  boire  &  pour  les  promener  ; 
mais  lorfque  les  vents  font  très- 
grands  &  les  pluies  très-abondantes , 
il  ne  faut  pas  les  faire  fortir  pendant 
le  fort  de  l'orage  ;  il  faut  les  mener 
paîtte  le  matin,  au  lever  du  foleil, 
îorfqu'il  n'y  a  point  de  rofée  ou  de 
brouillard  j  &  Iorfqu'il  y  en  a,  il  faut 
attendre  qu'ils  foient  diffipés.  Dans 
le  milieu  du  jour  ,  lorfque  la  chaleur 
commence  à  fatiguer  les  moutons 
dans  la  campagne  ,  ils  ceiient  de  pâ- 
turer, ils  s'agitent,  ils  s'arrêtent ,  les 
mouches  les  tourmentent',  c'eft  alors 
qu'il  faut  les  mettre  à  l'ombre  dans 
im  lieu  frais  &  bien  expofé  à  l'air, 
où  ils  foient  éloignés  des  mouches, 
ôc  où  ils  puilfent  ruminer  à  leur  aife. 
11  feroit  dangereux  de  les  faire  entrer 
en  trop  grand  nombre  dans  une  érable 
fermée  j  ils  pourroient  y  périr,  fuffo- 
qués  par  l'air  qu'ils  auroient  échauffé 
éi  iiifeété  par  la  vapeur  de  leur  corps 


MOU 

&  leur  tranfpiration  pulmonaire.  0« 
les  remène  au  pâturage  lorfque  le 
foleil  commence  à  bailler,  &:  que  le 
fort  de  la  chaleur  eft  palîé  ,  «S;  on 
peut  les  laiffer  pâturer  jufqu'à  la  fia 
du  jour  ,  &  même  pendant  quelques 
heures  de  nuit,  dans  les  cantons  où 
l'herbe  eft  affez  grande  &  allez  abon- 
dante pour  être  faille  facilement  : 
mais  lorfqu'elle  eft  mouillée  par  le 
ferein  ,  il  faut  retirer  le  troupeau  * 
du  pâturage,  quoique  beaucoup  de 
gens  croient  que  le  ferein  n'eft  pas 
nuifible  aux  bêtes  à  laine,  ou  qu'il 
l'eft  moins  que  la  rofée  ;  cependant 
c'eft  la  même  humidité  froide,  elle 
doit  produire  à -peu -près  le  même 
effet  le  foir  que  le  matin, 

§.  V.  Pourquoi  élolgne-t-on  les  moutons 
des  herbes  qui  leur  font  nuijïbles? 

Les  moutons  ne  mangent  pas  \ts 
herbes  qui  pourroient  leur  être  nui- 
fibles  par  elles-mêmes  \  quand  on 
met  quelques-unes  de  ces  herbes  dans 
leur  râtelier,  ils  reftent  auprès  pen- 
dant toute  la  journée  fans  y  toucher, 
quoiqu'ils  n'ayent  aucune  autre  nour- 
riture ;  mais  il  y  a  des  herbes  qui  , 
quoique  de  bonne  qualité  par  êIIcst- 
mêmes ,  &  quoique  les  moutons  les 
mangent  avec  avidité  ,  peuvent  ce- 
pendant leur  faire  beaucoup  de  mal 
dans  certaines  circonftances. 

Les  bonnes  herbes  qui  peuvent  f\ire 
du  mal  aux  mou  tons,  font  les  trèfles,  la 
luzerne,  le  froment,  le  feigle,  l'orge, 
le  coquelicot  J  &  en  général  toutes 
celles  que  les  moutons  mangent  avec 
le  plus  d'avidité,  ou  qui  font  trop 
fucculentes  ;  les  herbes  trop  tendres 
&  trop  aqueufes ,  telles  que  celles 
des  regains ,  celles  qui  fe  trouvsnj 


M  O  U 

dans  des  filions  humides ,  6c  celles 
qui  font  à  l'ombre  des  bois  j  les 
herbes  qui  font  dans  leur  plus  grande 
vigueur  ou  chargées  de  rofée  ,  ou  de 
l'eau  des  pluies  froides. 

Les  herbes  font  du  mal  aux  mou- 
tons ,  lorfqu'étan:  en  trop  grande 
quantité  dans  la  panfe ,  elles  la  font 
enfler  au  point  de  rendre  l'animal 
plus  gros  qu'il  ne  devroit  être,  &  lui 
donnent  le  mal  qu'il  faut  appeler 
colique  de  panfe  5  on  le  nomme  or- 
dinairement écouflure ,  enflure ,  en- 
flure des  vents  ,  fourbure  ,  gonfle- 
ment de  ventre,  6cc.  (  f^oye^  tous  ces 
mots  )  alors  il  refte  debout  fans 
manger,  il  fouftre,  il  s'agite,  fa  ref- 
piration  eft  gênée,  il  bat  des  flancs j 
îorfqu'on  frappe  le  ventre  avec  la 
main  ,  il  fonne  fans  que  l'on  entende 
aucun  mouvement  d'eau  j  enluite  les 
animaux  attaqués  de  ce  mal  tombent 
&  meurent  fuffoqucs,  quelquefois  en 
grand  nombre. 

U  eft  aifé  de  prévenir  ce  mal  en 
attendant  qu'il  n'y  ait  plus  de  rofée 
ni  de  gelée  blanche  fur  les  herbes , 
avant  de  faire  paître  les  moutons. 
11  ne  faut  pas  les  conduire  le  matin, 
lorfqu'ils  font  alTamés ,  dans  des  her- 
bages abondans  Si  fucculens  j  au  con- 
traire, il  faut  laiirerpafler  leur  grolfe 
faim  dans  des  pâturages  maigres ,  les 
mener  enfuite  dans  de  plus  gras , 
&  ne  pas  les  y  lailTer  aifez  long- 
temps pour  qu'ils  y  prennent  trop 
de  nourriture.  Il  ne  faut  pas  non  plus 
faire  boire  les  moutons  après  qu'ils 
ont  mangé  des  pois  ,  des  Kves,  ou 
d'autres  légumes  farineux. 

Quant  aux  remèdes  que  le  berger 
doit  mettre  en  ufage ,  lorfqu'il  voit 
enfler  les  moutons  par  la  colique  de 
panfe,  f^oye:^  Bouffissure,  Mé- 
TÉORiSME,  Panse,  (colique  de  ) 


MOU 


703 


§.  VI.  Pourquoi  faut  -  il  conduire 
lentement  un  troupeau  ^  &  fur-touc 
lorfqu'il  monte  des  collines  ? 

Si  le  berger  conduit  fon  troupeau 
trop  vite ,  lur-tout  en  montant  des 
collines ,  il  rifque  d'échauffer  plu- 
fieurs  de  fes  moutons  au  point  de  les 
rendre  malades  ,  &  même  de  les 
fliire  périr  j  il  faut  empêcher  qu'au- 
cune bête  ne  s'écarte  du  troupeau  en 
allant  trop  en  avant  ,  en  reftant  en 
arrière,  ou  en  s'éloignant  à  droite  ou 
à  gauche. 

Le  berger  peut  faire  tout  cela  à 
l'aide  de  fon  fouet,  de  fa  houlette 
&  de  fes  chiens.  Lorfqu'il  fait  mar- 
cher le  troupeau  devant  lui,  il  chaiïe 
avec  le  fouet  les  bctes  qui  reftent  eu 
arrière  j  le  chien  eCt  en  avant  du 
troupeau,  &  retient  les  bêtes  qui 
vont  trop  vite  ;  le  berger  menace 
avecla  houlette  celles  qui  s'éloignent 
à  droite  ou  .1  gauche  pour  les  faire 
revenir  au  ttoupeau  ,  ou  s'il  a  un 
chien  derrière  lui ,  il  l'envoie  aux 
bêtes  qui  s'écartent  pour  les  ramener, 
ou  il  les  fait  retourner  en  jerant  vers 
elles  un  peu  de  terre,  mais  il  ne  faut 
jamais  leur  rien  jeter  diredbemenr. 
Lorfqu'il  veut  arrêter  fon  troupeau , 
s'il  eft  deriiêre  ce  même  troupeau,  il 
commence  par  s'arrêter  lui-même, 
en  même-temps  il  parle  au  chien  qui 
eft  au-devant  du  ttoupeau,  pout  que 
ce  chien  s'arrête  ,  &  empêche  les 
premières  bêtes  d'avancer.  S'agir- il 
de  remettre  le  troupeau  en  marche, 
il  patle  au  chien  qui  eft  au- devant 
du  troupeau  pour  le  faire  avancer,  & 
enfuite  il  chalFe  devant  lui  les  der- 
nières bêtes.  Le  berger  peut  auflî  faire 
aller  fon  troupeau  en  avant ,  ou  le 
faire  revenir,  en  parlant  fur  difFérens 


704  Aï  O  U 

rons  auxquels  il  l'a  accoutumé  d'obéir, 
&  pour  l'engager  à  refter  en  place 
dans  un  endroit  où  la  pâture  efl: 
bonne ,  il  doit  y  refter  lui-même  avec 
les  chiens ,  &  jouer  de  quelqu'inf- 
trument,  tel  que  le  flageolet,  la  flûte, 
le  hautbois ,  la  mufette  ,  !kc.  Les 
bêtes  à  laine  fe  plailentà  entendre  le 
fon  des  inftrumens  ;  elles  pailFent 
tranquillement,  tandis  que  le  berger 
en  joue. 

CHAPITRE    VI. 

1}  E    LA     NOURRITURE    DES 
MOUTONS. 

§.  I.  De  la  meilleure  nourriture  pour 
les  moutons.  D'où  dépend  la  bonté 
des  pâturages  ?  Des  meilleures 
herbes. 

La  meilleure  de  toutes  les  nourri- 
tures pour  les  moutons,  efl:  ,  fans 
contredit,  l'herbe  des  pâturages  brou- 
tée fur  piedj  mais  tous  les  pâturages 
ne  font  pas  également  bons. 

La  bonté  des  pâturages  dépend  de 
la  fifuation  &  de  la  qualité  du  ter- 
rein  ,  de  l'état  &  de  la  propriété  des 
brebis. 

Les  terreins  les  plus  élevés,  les 
plus  en  pente ,  les-  plus  légers  bc  les 
plus  (qcs  ,  font  les  meilleurs  pour  le 
pâturage  des  moutons. 

Les  meilleures  herbes  font  celles 
qui  ont  dcjà  pris  de  l'accroiflement, 
qui  approchent  de  la  floraifon  ,  ou 
qui  commencent  à  fleurir.  Les  herbes 
trop  jeunes  n'ont  pas  été  aflez  mûries 
par  l'air  &  par  le  fpleil  pour  faire 
une  bonne  nourriture  j  elles  font  trop 
aqueufes,  &,  pour  aiiill  dire,  trop 
crues.  Celles  qui  ont  pris  tout  leur 
accroiflement ,  qui  portent  graine , 


MOU 

on  qui  font  trop  vieilles,  n'ont  plus 
alfez  de  fuc  &  font  trop  dures.  Il  y 
a  des  herbes  qui  réfiftent  à  la  gelée, 
&  qui  font  prefqu'aulli  fraîches  dans 
le  fort  de  l'hiver  que  dins  la  bonne 
faifon;  telles  font  la  piinprenelle  & 
le  paftel  j  on  peut  en  faire  des  pâtu- 
rages pour  l'hiver. 

§.  II.  Des  fourrages  fecs.  Moyens 
d'empêcher  leurs  mauvais  effets. 
Des  nourritures  fraîches  que  l'on 
peut  avoir  pour  les  moutons  dans 
la  mauvaife  faifon. 

Lorfque  l'herbe  des  pâturages 
manque,  on  peut  donner  une  bonne 
Jiourriture  aux  moutons  en  fourrages 
{qcs.  Les  meilleurs  fourrages  de  cette 
efpèce  font  dépérir  les  moutons,  & 
fur-tout  les  brebis  pleines,  celles  qui 
allaitent,  &  leurs  agneaux.  Le  mau- 
vais effet  de  la  nourriture  fèche ,  fur 
les  bêtes  à  laine,  vient  de  ce  qu'elles 
font  accoutumées  à  vivre  d'herbes 
fraîches  pendant  toute  la  bonne  fai- 
fon ;  les  fourrages  fecs  ne  font  pas 
auflî  convenables  à  leut  tempéram- 
ment ,  ils  les  échauffent ,  ils  les  nour- 
riflenr  moins ,  &  ils  nuifent  à  l'ae- 
croilfement  &  aux  bonnes  qualités  de 
la  laine. 

Si  les  bêtes  à  laine  refl:ent  pendant 
plufieurs  jours  de  fuire  fans  aller  aa 
pârurage  ,  on  empêche  le  mauvais 
efler  des  fourrages  fecs  ,  en  tâchant 
de  fe  procurer  quelques  nourritures 
fraîches  qu'on  leur  donne  au  moins 
une  fois  dans  la  journée. 

Les  nourritures  fraîches  que  l'oa 
peut  fe  procurer  pour  les  moutons 
dans  la  mauvaife  faifon  ,  font  le 
colza ,  les  choux  de  bouture ,  les  choux 
cavaliers  &:  les  choux  frangés  j  ils  ré- 
fiftent à  la  gelée,  «S:  on  peut  cueillir 

les 


MOU 

les  feuilles  de  ces  plantes  qui  font 
hautes  ,  &  que  la  neige  laifTe  à  de- 
couvert  dans  les  temps  où  elle  couvre 
le  paftel  &  la  pimprenelle.  Ces  plantes 
feroient  mauvaifes  pour  les  moutons 
dans  la  bonne  faifon  ,  lorfqu'ils  ne 
mangent  que  de  l'herbe  fraîche;  mais 
dans  l'hiver ,  lorfqu'ils  n'ont  foir  & 
matin  que  du  fourrage  fec,  elles  ne 
peuvent  que  leur  faire  du  bien.  Outre 
ces  plantes ,  on  peut  avoir  encore  des 
racines  de  carotte  ,  de  panais  j  de 
faUifix  &  de  chervij  des  raves  &  des 
navets,  des  pommes  de  terre  &  des 
topinambours. 

§.  III.  Ne  peut-on  pas  donner  aux 
moutons  des  chojes  plus  nourrif- 
fantes  que  ces  racines? 

On  donne  encore  aux  moutons  des 
grains,  des  graines  &  des  légumes. 
Les  grains,  tels  que  l'avoine,  l'orge 
&  le  fon  de  froment  leur  profitent 
beaucoup  ;  une  petite  poignée  d'orge 
ou  d'avoine,  donnée  chaque  jour  à 
un  mouton ,  fuffit  pour  le  préferver 
du  mauvais  effet  des  fourrages  d'hi- 
ver; les  graines  de  la  bourre  du  foin  , 
du  chenevis  ,  la  graine    de  genêt  , 
les  glands ,    le  pain  ou  tourteau  de 
chenevi ,  de  navette  &  de  colza  font 
très-noutridans.  Parmi  les  graines  de 
ces  fortes  de  plantes,  il  s'en  trouve 
qui  fortifient  l'eftomac  des  moutons, 
éc  qui  aident  à  la  digeftion.  Le  che- 
nevis   réchauffe  ,    &    il    donne   des 
forces   aux   animaux  ;  il    les   anime 
pour  l'accouplement  :  les  glands  font 
nourriffans ,   mais  ils  donnent  le  dé- 
voiement  aux   bctes  à  laine  ,  &   ils 
les  altèrent  lorfqu'elles  en  mangent 
beaucoup",  il  ne  faut  leur  en  donner 
qu'une  fois  par  jour  &  en  petite  quan- 
tité. Les  pains  ou  tourteaux  de  che- 
Tome  FI, 


MOU 


705 


ne  vis,  de  navette  ,  de  colza,  de  noir 
&  de  lin  ,  ne  font  autre  chofe  que  le 
marc  qui  refte  après  que  l'on  a  tiié 
l'huile  de  ces  fubftances  ;  le  pain  de 
chenevis  nourrit ,  réchauffe  &  anime 
les  moutons ,  mais  il  les  altère  & 
leur  donne  le  dévoiement  lorfqu'ils 
en  mange.nten  trop  grande  qu.-intité; 
le  pain  de  navette  &  de  colza  les 
échauffe  &  les  altère  moins  que  celui 
de  chenevis  :  le  pain  de  graine  de  lin 
&  de  noix  les  nourrit  iSc  les  engrailfe 
plus  que  les  autres  pains. 

Les  légumes  que  l'on  donne  aux 
moutons  font  les  féverolles  &  les 
vefces;  on  pourroit  auflî  leur  donner 
des  lentilles  ,  des  pois  &  des  ha- 
ricots ,  lorfqu'il  y  en  a  de  refte  pour 
la  nourriture  des  hommes. 

Les  moutons  mangent  auflî  des 
lupins ,  après  qu'on  les  a  fait  trem- 
per dans  l'eau  pour  en  ôtet  l'a- 
mertume. 

§.  IV.  Des  gerbées  &  des  feuiUces 
que  l'on  donne  aux  moutons  dans 
la  mauvaife  faifon. 

Les  gerbées  font  des  bottes  de 
paille  battue  ,  dans  laquelle  on  a 
lailTé  du  grain,  ce  qui  fait  que  ces 
gerbées  font  une  très-bonne  nourri- 
ture. 

La  gerbée  d'avoine  eft  la  meilleure ," 
parce  que  le  grain  &  la  paille  y  font 
plus  tendres,  &  parconféquent  meil- 
leurs que  dans  les  gerbées  de  feigle  , 
d'orge  &  des  grains  mêlés  que  l'on 
appelle  brelée.  Dans  quelques  pays, 
les  gerbées  de  froment  i?.:  de  méteil , 
ou  confeau  ou  confeigle  ,  qui  eft  un 
mélange  de  froment  &  de  feigle, 
feroient  les  meilleures  de  routes  ; 
mais  les  grains  font  trop  chers,  ils 
V  v  V  V 


-70^  MOV 

doivent  être  réfervés  en  entier  pour 
la  nourriture  des  hommes. 

On  peut  faire  encore  des  gerbées 
avec  des  légumes,  tels  que  iesvefces, 
les  lentilles,  les  pois  &c  les  haricots  j 
on  recueille  ces  plantes  avant  que  le 
fruit  fuit  mûr,  ou  après  fa  maturité  j 
mais  ces  fourrages  font  plus  tendres 
&c  plus  nourrilTans ,  lorfqu'ils  ont  été 
recueillis  avant  leur  maturité. 

Ou  fait  aulli  des  gerbées  du  mau- 
corne  &  de  la  dragée.  On  appelle 
mancorne  un  mélange  de  pois  &  de 
vefces  femés  enfemble  ,  tandis  que 
la  dragée  eft  un  mélange  d'avoine 
&  de  vefce  d'été  ,  ou  de  pois.  On 
donne  aufli  le  nom  de  dragée  à  un 
mélange  d'avoine  avec  des  pois,  de 
la  we(cQ ,  des  lentilles,  des  lupins  ou 
de  fenûgrec.  (  P'oye:^  tous  ces  mots  ) 

Les  feuillées  font  des  branches 
d'arbres  garnies  de  leurs  feuilles,  que 
l'on  donne  aux  moutons.  On  coupe 
ces  branches  après  la  fève  d'août , 
avant  que  les  feuilles  fe  defTéchent^ 
on  les  laiffe  un  peu  faner,  &  enfuite 
on  en  fait  âes  fagots. 

Les  meilleures  feuillées  font  celles 
d'aunes,  de  bouleaux,  de  charmes, 
de  frênes ,  de  peupliers  ,  des  faules , 
&c.  ;  on  en  peut  faire  de  prefque 
toutes  les  fortes  d'atbres  &;  des  ar- 
briileaux. 

§.  V.  Des  meilkurs  foins  &  de  la 
meilleure  paille.  Des  herbes  donc 
on  fait  des  prairies  artificielles 
pour  les  moutons.  De  leurs  e^ets. 
De  leurs  qualités.  Des  autres  ef- 
pèces  de  nourriture. 

Les  foin^  des  prés,  où  l'eau  de  la 
«net  monte  ,  &  que  l'on  appelle  prés 
falés ,  font  les  meilleurs  pour  les 
montons ,  parce  que  l'eau  de  la  msi 


MOU 

y  laifle  du  fel.  Les  foins  des  prcs  Cecs  i. 
où  l'eau  ne  croupit  jamais ,  lont  aulll 
très-bons,  parce  qu'ils  font  fins, déli- 
cats &  agréables  au  bétail  y  les  foins  qui 
ont  été  fauchés  avant  d'être  trop  mûrs , 
&:  qui  ont  été  peu  fanés  ,  font  ceux 
dont  ces  animaux  font  les  plus  ftiands. 

Les  prés  bas  &  m.arécageux  don- 
nent des  foins  grofliers  :  leurs  Irerbes 
font  rudes  &  défagréables  au  bétail. 
Les  herbes  qui  cfoilfent  au  bord  des 
étangs  &  des  rivières ,  les  joncs  des 
marais  ,  les  rofeaux  ,  font  encore 
plus  mauvais  pour  faite  du  foin  ;. 
celui  qui  a  été  fauché ,  loifqu'il  étoic 
trop  mûr,  ou  qui  a  été  trop  fané,, 
a  perdu  fon  fuc  ^  il  eft  peu  nour^ 
riltant.  Le  foin  qui  a  été  mouillé 
pendant  la  fenaifon  perd  fa  couleur 
&  (es  bonnes  qualités  j  il  ne  fe  garde 
pas  •,  il  eft  fujet  à  s'échauffer  &  à  fe- 
pourrir  dans  le  fenil.  Le  fuin  qui  a 
reçu  quelque  mauvaife  odeur  des 
érables  ,  ou  qui  a  été  mouillé  &c 
moilî  ,  dégoûte  les  bêtes  à  laine  5 
celui  qui  a  été  rouillé  eft  très -mau- 
vais, parce  qu'il  donne  à  ces  animaux 
des  maladies  de  poitrine;  ils  ne  le 
mangent  que  lorfqu'ils  y  font  forcés 
par  la  faim. 

Pour  avoir  des  prairies  qui  ne  por- 
tent que  des  herbes  de  bonne  qua- 
lité &  d'un  bon  rapport ,  il  faut  né- 
cefTairement  commencer  par  détruire , 
par  la  culture,  toutes  les  herbes  qui 
y  font,  de  enfuite  en  femer  d'autres, 
bien  choifies  pour  le  terrein  où  on  les 
met  ,  cSc  pour  l'emploi  que  l'on  en 
veut  faire  :  c'eft  par  ce  moyen  que 
l'on  obtient  des  prairies  arcificielleî 
pour  les  moutons. 

Les  herbes  dont  on  fait  des  prai- 
ries artificielles  font  le  fromental, 
la  coquiole,  le  raygrafs  ,  la  luzerne, 
le  uéfle,  le  fain-foiu  ,  la  pijppre- 


M  O  U 

neîle  ,  Sec,  {  ^'^oyei  ces  mors)  On 
donne  le  nom  de  graminées  aux  trois 
premières,  ainfi  qu'à  toutes  celles  qui 
ont  des  feuilles  longues  &:  étroites,, 
qui  poullent  un  long  tuyau ,  &  qui 
portent  un  épi  :  on  fème  ces  herbes 
féparémeut  ,  ou  plulleurs  mêlées  en- 
femble. 

Le  fromental  s'élève  à  une  plus 
grande  hauteur  que  toute  autre  herbe 
des  pâturages  ;  il  vient  dans  toutes 
fortes  de  terreins  ,  mais  il  produit 
plus  d'herbes  dans  les  bonnes  terres 
que  dans  les  mauvaifes  :  on  le  fauche 
de  bonne  heure;  fon  herbe  &  fon 
foin  font  très-bons  pour  les  moutons. 
Les  terrenis  légecs  conviennent  à 
la  coquiole  ;  elle  efl:  fine  &  très- 
bonne  pour  les  moutons ,  tant  en  verc 
qu'en  fec. 

Le  ray-grafs  vient  drms  les  terres 
fortes  &  dans  les  terres  froides  ; 
c'eft  une  très-bonne  nourriture  pour 
les  moutons,  mais  (es  tuyaux  font 
fujets  à  fe  durcir  lorfqu'on  ne  les 
fauche  pas  alfez  tôt. 

La  luzerne  eft  d'un  très-grand  rap- 
port dans  les  bons  terreins  en  plaine  j 
les  terreins  humides  ne  lui  convien- 
nent pas.  L'herbe  &  le  foin  de  la 
luzerne  font  très-nourriffans  pour  les 
moutons;  mais  l'herbe,  prife  en  trop 
grande  quantité  ,  ou  lorfqu'elle  eft 
mouillée  ,  fait  enfler  ces  animaux  , 
Se  le  foin  peut  les  frire  périr  de  la 
gras-fondure  ,  {  P^oye^  ce  mot  )  ou 
d'autres  maladies  ;  il  fiut  le  mèlet 
avec  du  foin  ordinaire  ,  du  fain-foin 
ou  de  la  paille. 

Les  terres  douces,  grafTes  Se  hu- 
aiides,  &  fur  tuut  celles  que  l'on  peut 
arrofer,  conviennent  au  trèfle;  il  eft 
très-nourriflant,  &:  fujet  à  peu  ptès 
aux  mêmes  inconvéniens  que  la  lu- 
zerne ,  cant  en  herbe  qu'en  foin. 


MOU 


ffo7 


Le faiiT-foin  vient  dans  les  plaines, 
fur  les  coteaux  &  fut  les  montagnes; 
mais  il  eft  d'un  meilleur  rapport  dans 
les  terreins  qui  ont  du  fond  &.  dans 
les  bonnes  terres:  il  eft  très-fain, 
mais  trop  nourrilfant ,  fi  on  ne  le 
mêle  avec  de  la  paille  pour  le  donner 
aux  moutons  ;  fes  tiges  font  trop 
dures  lorfqu'on  les  fauche  tard. 

La  pimprenelle  vient  dans  toutes 
fortes  de  terreins ,  mais  elle  eft  d'u» 
meilleur  rapport  dans  les  bonnes  terres 
fraîches  ;  cette  plante  fortifie  les  mou- 
tons, elle  eft  toujours  verte  ;  on  peut 
la  faire  pâturer  en  hiver,  &  la  coupée 
pour  la  donner  aux  agneaux  dans  les 
auges. 

La  meilleure  paille  pour  les  mou- 
tons eft  la  paille  d'avome  ,  parce 
qu'elle  eft  la  plus  tendre  :  celle  de 
feigle  vaut  mieux  que  la  paille  de 
froment  ,  parce  qu'elle  n'eft  pas  fi 
dure  ,  &  qu'il  refte  dans  les  épis  quel- 
ques grains  que  l'on  appelle  des  épé- 
zones.  La  paille  d'orge  barbu  peut 
être  nuifible  ,  à  caufe  des  barbes  qui 
s'attachent  à  la  laine  lorfqu'elles  tom- 
bent delïïis.  Les  moutons  ne  man- 
gent que  l'épi,  le  bout  du  tuyau  & 
les  feuilles  de  la  paille.  Cette  nour- 
riture ne  fuffit  pas  pour  entretenir  un 
troupeau  en  bon  état,  il  faut  y  ajoutée 
quelque  chofe  de  plus  nourrillant. 

Les  moutons  mangent  encore  les 
balles  d'avoine  ,  de  froment  &  de 
fti;ïle,  mais  ils  ne  mangent  pas  la 
balle  d'orge.  Quant  à  ce  qui  refte  de 
la  tige  de  lin  ,  après  qu'elle  a  été 
teillée,  les  moutons  mangent  cette 
paille  ,  mais  c'eft  la  plus  mauvaife 
de  toutes.  On  les  nourrit  encore  avec 
des  écorces  d'arbres ,  des  marrons 
d'inde  &  des  chaillats.  On  enlève 
récQtce  des  peupliers ,  des  fapins  6ç 

V  V  Y  V  2 


7oS  MOU 

d'autres  .libres;  on  la  fait  (échcr ,  & 
on  1;\  brife  ,  pour  Li  donner  en  fuite 
aux  moutons  dans  des  auges  ;  mais  on 
ne  fait  uf.ige  de  Lttte  nourriture  que 
iorfqu'il  n'y  en  a  pas  de  meilleure. 
Cesanimnus  mangenrnon-feulemenc 
les  marrons  d'inde  ,  lorfqu'ils  font 
coupes  en  deux  ou  crois  parties , 
mais  aulli  lécorce  qui  les  enveloppe, 
quoiqu'elle  ait  des  pointes  dures  &: 
piquantes.  Quant  aux_  chaillats  ,  ce 
ne  fonr  que  les  tiges ,  les  feuilles  & 
les  gouires  des  pois ,  des  harricors  , 
des  vefccs,  des  lentilles  Se  des  fcve- 
rolles ,  après  que  les  plantes  ont  été 
battues  :  îorfqu'on  les  bat,  il  s'encafle 
des  parcelles  que  l'on  ramafTe,  &  que 
l'on  appelle  de  la  bourre  ;  les  bêtes 
à  laine  aiment  mieiix  le  chaiiiat  que 
la  paille  :  il  eft  plus  nourriflant.  Le 
chaiiiat  de  pois  a  moins  d'humidité 
que  celui  des  haricots. 

CHAPITRE     VIL 


M  O  U 

donne  le  matin  ,  lorlque  la  gelée 
blanche  empîche  pendant  quelques 
heures  le  troupeau  d'aller  à  la  cam- 
pagne, (Se  le  foir ,  lorfqu'il  revient 
du  pâturage  fans  erre  alfez  rempli;, 
mais  lorfque  la  neige  empêche  pen- 
dant toute  la  journée  le  troupeau  de 
fortir,  on  lui  donne  le  matin  &c  le 
foir  du  fourrage  fec  ;  mais  il  faut 
tâcher  d'avoir  a  lui  donner,  dans  le 
milieu  du  jour,  une  nourriture  fraî- 
che, telle  que  des  feuilles  de  choux, 
des  racines  de  carottes,  de  panais  ou 
de  chervis ,.  des  raves,  des  navets, 
des  pommes  de  terre  ou  des  topi- 
nambours ;  des  marrons  d'inde,  dii 
gland,  &-C.  (  f^oye^  le  chapitre  VU, 
§.  2  ,  3.  &  fuiv.  ) 

§,  II.  De  la  quantité  de  feuilles  ds. 
choux  j  de  carottes  j  de  navets  j 
cLs  pommes  de  terre  j  de  marrons 
d'inde  _,  qu'on  doit  donner  aux. 
moutons.. 


MASIERE  de  DONytER  A  i,lAt^- 
GER  AUX  MOUl-OKS.  Dz  LA 
QUANTITE  r>ES  ALIAÎEXS. 
MANIERE  DELES  FAIRE  BOIRE 
ET   DE  LEUR  DONNER  DU  SEL. 

§.  I.  En  quel  temps  ejl-on  obligé  de 
donner  à  manger  aux  moutons  ? 

Lorfque  les  moutons  ne  trouvent 
pas  affez  de  pâture  dans  la  campagne 
ni  dans  les  enclos ,  ou  lorfque  les 
mauvais  temps  les  empêchent  de 
fortir,  il  faut  leur  donner  du  four- 
rage au  râtelier  ou  dans  l'es  auges. 

Dans  les  provinces  de  France,  où 
Thiver  eft  rude  ,  on  commence  à 
donner  du  fourrage  iez  aux  moutons 
CH  oûobre  &  en  novembre;  on  le 


On  a  éprouvé  qu'un  mouton  de 
taille  médiocre  mangeoit  environ  cinq, 
livres  de  feuilles  de  chou  en  un  jour  :, 
ainfi  il  faut  en  donner  au  moins  une 
livre  &  demi  pour  une  ration,  Lorfque 
les  feuilles  font  tendres  comme  celles 
des  choux  cabus  ,  il  les  mange  en 
entier  ;  mais  lorsqu'elles  font  dures 
comme  celles  du  chou  de  bouture, 
il  lailfe  des  côtes  qui  font  près  d'un 
tiers  du  poids  des  feuilles  :  pour  y 
fuppléer  ,  il  faut  donner  au  moins 
deux  livres  de  ces  feuilles  pour  une 
ration..  L^n  mouton  mange  environ- 
trois  livres  de  carottes  à  un  repas , 
près  d'une  livre  Se  demi  de  navets  „ 
environ  une  livre  &  demi  de  pom- 
mes de  terre  ou  de  topinambours  „ 
à  peu  près  une  livre  &  un  quarc 
de  marroiis  d'inde  ou  de  leur  écorcgr, 


u  o  u 

On  donne  à  ces  animaux  de  la 
iiouiTiture  fraîche  au  moins  une  tois 
chaque  jour ,  parce  que  cette  elpèce 
de  nourriture  eft  leur  aliment  natu- 
rel ;  ils  s'y  iont  accoutumes  pendant 
toute  la  bonne  failon.  Lorfqa'on 
change  entièrement  cette  nourriture 
en  ne  leur  donnait  que  de  la  paille, 
ils  ne  font  plus  allez  nourris  ;  ils 
maigrilicnt  peu  à  peu.  Les  bergers 
difenc  alors  qu'ils  perdent  leur  graif- 
f e  ,  leur  fuif,  c'eft-à-dire  ,  qu'ils  àé- 
périlîent.  La  nourriture  lèche  les  altè- 
re, ils  boivent  beaucoup  d'eau  cjui peut 
leur  donner  pluheurs  maladies ,  tiir- 
tout  celle  de  la  pourriture.  (  ^'bycr 
ce  mot  )  Uiî  repas  chaque  jour  de 
nourriture  fraiLhe  ,  les  empêche  de 
dépérir  &  d'être  trop  altérés.  Lorf- 
qu'on  n'a  point  de  nourriture  fraîche 
à  donner  aux  moutons  dans  la  mau- 
vaife  laifon  ,  on  y  fupplée  par  l'u- 
fage  des  grains ,  des  légumes ,  des 
gerbées,  &c.  (  f'oje^  le  chap.  VI  , 
§.  III  ,  IV.  )  LIne  poignée  d'avoiiie 
ou  d'autre  grain  ,  itillit  pour  empê- 
cher les  moutons  de  dépérir. 

§•  in.   De  la  quantité  de  paille  &  de 
foin  à  donner  aux  moutons. 

Au  mois  d'Odobre  &  de  Novem- 
bre,  lorfque  les  moutons  commen- 
cent à  avoir  befoin  de  manger  au  râ- 
telier ,  il  faut  leur  donner  les  chofes 
qui  ne  fe  gardent  pas  long- temps  , 
ou  qui  fe  gîteroient,  parce  qu'elles 
ne  font  pas  bien  conditionnées.  On 
commence  par  celles  qui  leur  font 
les  moins  agréables ,  comme  la  paille 
de  froment ,  de  feigle  ,  &  de  confei- 
gle ,  parce  que  fi  l'on  commençoit 
par  leur  donner  de  la  paille  d'avoine 
qu'ils  aiment  le  mieux  ,  ils  répugne- 
loienc  dans  la  fuite  à  manger  les  au- 
wes. 


rvî  o  u 


7C9 


La  qa?.!itité  de  paille  ncceilaire  à 
un  mouton  ,  dépend  de  la  hauteur 
de  la  taille  de  l'animal  &c  de  la  qua- 
lité de  la  paille.  U  faut  donner  cha- 
que jour  à  un  mouton  de  taille  mé- 
diocre ,  deux  livres  &  demie  de  paille 
d'avoine  ,  fi  l'on  a  foin  de  remettre 
au  râtelier  celle  qui' en  cfl;  tombée. 
Le  mouton  mange  chaque  jour,  fui- 
vant  les  épreuves  qui  en  ont  écc  lai- 
tes ,  un  peu  plus  de  deux  livres  de 
cette  paille  ,  &  il  en  refte  prés  d'une 
demie  livre  qu'il  ne  trouve  pas  bonne 
à  manger ,  &  qui  fe  mêle  avec  la  li- 
tière. On  peur  compter  qu'il  ne  fauc 
par  jour  qu'un  fagot  de  paille  d'avoi- 
ne ,  pefant  cinquante  livres,  pour 
vingt  moutons  de  taille  médiocre  ,  (î 
r^n  relève  après  chaque  repas  ,  celle 
qiii  eft  tombée  du  râtelier.  ( 

La  quantité  de  foin  iiécefTaire  à' 
ivn  mouton  ,  dépend,, comme  la  quan- 
tité de  la  paille  ,  de  la  hauteur  de 
l'animal  &  de  la  qualité  du  foin,  il 
faut  donner  chaque  jour  à  un  mou- 
ton de  taille  médiocre  deux  livres  de 
foiii  commun  ,  tiré  d'une  bonne  prai- 
rie; ces  deux  livres  lulîilent,  fi  l'on  a 
foin  de  remettre  au  râtelier  le  foin 
qui  en  eft  tombé.  Ainii  on  peurcomp- 
ter  qu'il  faut  une  bette  de  foin  du 
poids  de  dix  livres ,  tirée  d'une  bon- 
ne prairie  ,  pour  cinq  mourons ,  en 
fuppofant  toujours  qu'on  relève ,  après 
chacjue  repas,  ce  q.ui  eft  tombé  du 
râtelier. 

La  paille  ne  fuffîroit  aux  moutons 
que  JLiJqu'au  mois  de  Janvier  ,  dans- 
les  pays  où  l'hiver  eft  rude,  parce 
qu'alors  il  n'y  a  plus  guères  de  bon- 
nes herbes.  On  y  fupplée  en  mêlant 
avec  la  paille  un  peu  de  foin  ou  d'au- 
tres bonnes  nourritures  ,  telles  que 
les  chaillats  de  pois  ,  de  haricot ,  de 
vtfce ,  ou  de  lentille.  (  J\)'-\  le  chap,. 


710  MOU 

VI.  §.  V.  )  On  a  remarque  depuis 
long-temps  que  ie  chaillac  de  teves 
eft  pins  fec  que  le  chaillat  de  pois , 
Se  qu'il  faut  le  donner  aux  bêtes  à 
laine  le  foie  dans  les  temps  humides 
&  pluvieux. 

§.  IV.  En  que!  temps  cejfe-t-on  de 
donner  à  manger  aux  moutons  ? 
Q_ueile  quantité  d'herbe  un  mouton 
mange-t-ii  en  un  jour  ? 

Ou  ceiïe  de  donner  du  fourrage 
aux  moutons  dans  le  râtelier  ,  au 
printemps  ,  lorfqu'ils  commencent 
à  trouver  dans  la  campagne  une  lut'- 
fîfante  quantité  d'herbe  pour  leur 
nourriture  ,  &  lorfqu'ils  font  bien 
ronds,  c'cft  à-dire  ,  bien  remplis  efi 
revenant  le  foir  à  la  bergerie. 

Un  mouton  de  taille  médiocre  a 
mangé  chaque  jour ,  fuivant  l'épreuve 
qui  en  a  été  faite  j  près  de  huit  li- 
vres d'herbe  tirée  d'un  bon  pré.  On 
a  fait  perdre  à  cette  herbe  environ 
les  trois-quarts  de  fon  poids  en  la  fai- 
fant  faner  ;  huit  livres  d'herbe  fe 
fout  réduites  à  environ  deux  livres 
de  foin.  On  peut  donc  conclure  qu'un 
mouton  de  taille  médiocre  ,  mange 
à  peu  près  huit  livres  d'herbe  en  un 
jour ,  ou  environ  deux  livres  de  foin 
dans  îe  même  efpace  de  temps;  mais 
iorfque  les  moutons  ne  mangent  que 
de  l'herbe  ,  ils  ne  boivent  que  peu 
ou  point  du  tout,  tandis  que  lorfqu'ils 
font  au  fec  j  ils  boivent  une  plus  gran- 
de quantité  d'eau. 

§.  V.  De  la  meilleure  eau  pour  les 
moutons.  De  la  quantité  d'eau 
qu'ils  peuvent  hoire  j  &  dans  quel 
temps  on  doit  les  faire  boire. 

L'eaii  des  rivières  &  des  ruiflêaux 


MOU 

qui  coulent  continuellement,  eft  la 
meilleure  pour  les  moutons.  L'eau 
des  lacs  &  des  étangs  qui  coule  en 
partie  ,  eft  préférable  à  l'eau  des 
marais  qui  ne  coule  point  du  tout: 
il  n'y  f.iut  abreuver  les  moutons  que 
lorfqu'il  eft  impolîibk  d'avoir  de 
meilleure  eau.  La  plus  mauvaife  eft 
celle  qui  croupit  dans  les  marais ,  dans 
les  mares,  dans  les  folTés,  dans  les 
iîUons,  &c.  Lorfqu'on  eft  obligé  de 
donner  aux  moutons  de  l'eau  de  pluie 
ou  de  citerne  ,  il  faut  l'expofer  à  l'ait 
pendant  quelque  temps.  Les  eaus 
croapies  &  corrompues  font  très  nui- 
fibles  aux  mourons ,  év'  font  la  fource 
des  maladies  épizootiques.  (  f^oye^ 
Epizootie.  ) 

Ces  animaux  boivent  peu  ,  quand 
ils  font  en  bonne  fanté  ;  loriqu'on 
voit  un  mouton  courir  à  l'eau  avec 
trop  d'avidité  ,  c'eft  ligne  qu'il  eft 
malade  ou  qu'il  le  deviendra  bientôt. 
Les  moutons  ne  boivent  que  très- 
peu  dans  les  temps  où  les  herbes  font 
les  plus  fucculentes.  Ils  boivent  da- 
vantage dans  les  grandes  féchereffes, 
dans  les  grandes  chaleurs ,  les  grands 
froids  ,  &  lorfqii'on  ne  leur  donne 
que  des  nourrirures  feches.  Alors  ua 
mouton  d'environ  vingt  pouces  de 
hauteur,  boit  une  ,  deux  ,  trois  ou 
quatre  livres  d'eau  par  jour ,  mais  il 
y  a  des  jours  où  il  n'en  boiroit  point, 
quoiqu'on  lui  en  préfentàt.  On  faic 
par  des  expériences  faices  par  M. 
Daubenton  ,  que  plufieurs  mourons 
nourris  d'un  mélange  de  paille  &:  de 
foin  au  fort  de  l'hiver ,  font  reftés 
dans  une  érable  fermée  pendant  trente 
jours  fans  boire ,  &  qu'on  ne  leur  a 
reconnu  d'autre  incommodité  que  la 
foif. 

Quant  au  temps  où  l'on  doit  faire 
boire  les  moutons ,   il  y  a  fur  cela. 


MOU 

'des  pratiques  bien  différentes  j  dans 
plufieurs  pays  ,  on  les  fait  boire 
deux  fois  le  jour  ;  dans  d'autres  ,  on 
les  abreuve  une  fois  chaque  jour; 
dans  d'autres  enhn  ,  une  fois  en 
deux  jours  ,  eu  en  quatre  jours ,  ou 
en  fix ,  huit ,  dix  ou  quinze  jours , 
êcc.  Ces  pratiques  changent  fuivant 
les  faifons  &  les  différentes  nour- 
ritures ;  mais  il  n'y  a  point  de  règle 
établie  fur  de  bonnes  raifons.  Ce- 
pendant on  a  reconnu  par  des  ex- 
périences faites  en  Bourgogne ,  qu'il 
re  falloir  pas  abreuver  les  iiioutons 
deux  fois  par  jour  ,  parce  qu'ils  boi- 
vent plus  d'eau  chaque  jour  en  plu- 
fieurs fois  qu'en  une  ieule.  Lorfqu'ii 
y  a  de  l'eau  dans  le  voifinage  ,  &:  lorf- 
que  le  troupeau  eft  fain  ,  conduifez- 
le  à  l'eau  une  fois  chaque  jour  feule- 
ment ;  mais  ne  l'arrêtez  pas ,  menez 
le  doucement.  Les  bêtes  qui  auront 
befoin  de  boire  s'arrêteront ,  tandis 
que  les  autres  pafferont  fans  boire  ; 
moins  une  bête  à  laine  boit ,.  mieux 
elle  fe  porte. 

Quelquefois  l'eau  eft  Ci  loin  que 
l'on  ne  peut  pas  y  conduire  les  mou- 
tons fans  les  fatiguer  ;  dans  ce  cas  , 
il  fuffit  d'y  conduire  le  troupeau  une 
fois  en  deux  ou  trois  jours,  fuivant  la 
iiourriture  &  la  faifon  ;  mais  il  ne 
faut  jamais  trop  tarder  à  l'abreuver , 
parce  qu'il  eft  prouvé  que  les  mou- 
ions  boivent  en  un  jour  prefqu'au- 
îant  d'eau  qu'ils  en  auroient  bu  dans 
les  jours  précédents  qu'ils  ont  paf- 
fés  fans  boire.  Cette  grande  quantité 
d'eau  prife  tout  à  la  fois  ,  leut  fait 
plus  de  mal  ,  que  s'ils  l'avoient  bue 
en  plufieurs  fois  &  à  différents  jours. 
Cet  excès  caiife  les  épanchemens 
d'eau  auxquels  les  bêtes  à  laine  font 
£iès-fujettes. 


MOU  71T 

§'.  V I.  S'il  faut  donner  du  fel  aux 
moutons  ?  En  quel  temps  faut-il 
le  donner  ?  Combien  doit  -  on  en 
donner  à  chaque  fois  ?  Quels  font 
les  effets  du  fel  ? 

Les  moutons  qui  font  dans  un  pays 
fec  ,  &z  qui  fe  portent  bien  ,  peuvent 
fe  paffer  de  fel.  On  voit  des  trou- 
peaux en  très-bon  état  dans  les  pays 
où  on  ne  donne  point  de  fel  aux  mou- 
tons j  même  dans  les  pays  maréca- 
seux  où  ils  font  fujets  à  la  pourriture 

t>  il-/-' 

&  aux  autres  maladies  caulees  par 
l'eau  ,  &  dans  tous  les  pays  lorfque 
les  bètes  à  laine  font  attaquées  de  ces 
maladies,  le  fel  pourroit  peut-être 
les  en  préfetver  ou  les  guérir. 

On  doit  donner  du  fel  aux  mou- 
rons ,  lorfqu'ils  font  languiffans  oiî 
dégoûtés  ;  ce  qui  arrive  le  plus  fou- 
vent  dans  les  temps  de  brouillards , 
de  pluie  ,  de  neige  ,  ou  de  grandi 
froid ,  &  lorfqu'ils  n'ont  quedes  nour- 
ritures fèches. 

Une  petite  poignée  à  chaque  mou- 
ton tous  les  quinze  jours  ,  une  livre 
pour  vingt  tout  les  huit  jours ,  ce  qui. 
fait  environ  fix  gros  pour  chaque  bê- 
te ,  voilà  la  quantité  ds  fel  qu'il  fauc 
donner  à  chaque  fois. 

Le  fel  par  fa  nature  donne  de  l'ap- 
pétit &  de  la  vigueui ,  deffèche  les 
humidités,  empêche  les  obftructions,, 
fait  couler  les  eaux  fuperflues  qui- 
font  la  caufe  de  la  plupart  des  ma- 
ladies des  moutons.  11  eft  donc  indif- 
penfable  d'en  donner,  au  temps prsf- 
crit ,  à  ces  animaux. 

Cependant  l'ufage  n'en  eft  ni  af- 
fez  général  ni  affez  uniforme.  Cer- 
tains cultivateurs  en  donnent  deur 
fois  par  mois  ,  d'autres  trois  fois  „ 
d'autres  tous  les  huit  jours  j  quelqussr 


rj\r  MOU 

uns  le  croient  plus  néceflaire  dans  les 
temps  de  féchereire  ,  d'autres  dans 
des  temps  d'humidité.  Ces  derniers 
prétendent  que  lorfque  le  mouton 
commence  à  prendre  les  herbes  du 
printemps ,  on  ne  peut  alFez  lui  en 
ïervir  :  quelques  autres,  effrayés  par 
la  dépenfe  ,  n'en  donnent  qu'une  fois 
par  mois ,  ou  en  hiver  feulement  ; 
d'autres  enfin  ,  par  les  mêmes  motifs 
ou  par  d'autres  raifons ,  n'en  donnent 
point  du  tout  j  aulîi  Vijit-on  beau- 
coup de  moutons  périr,  fur- tout 
pendant  l'hiver ,  &  on  £n  attribue  la 
perte  à  tout  autre  caufe  qu'à  la  priva- 
lion  du  fel. 

Parmi  les  cultivateurs  qui  ne  font 
point  ufage  de  cet  aliment  pour  leurs 
moutons ,  les  uns ,  comme  nous  l'avons 
déjà  dit  ,  s'en  abftlennent  par  éco- 
nomie ,  tandis  que  les  autres  le  regar- 
dent au  moins  comme  inutile.  Les 
lins  &  les  autres  n'ont  pas  fans  doute 
confulté  l'expérience  \  c'étoit-là  ce- 
pendant ce  qui  devoit  les  guider. 

11  eft  prouvé  que  Les  moutons  qui 
paitrent  fur  les  côtes  de  la  mer,  font 
en  général  plus  robulies  que  les  au- 
tres ,  à  éducation  égale,  &  moins  fu- 
jets  aux  maladies  qui  affedent  trop 
fouvent  ceux  de  l'intérieur  du  royau- 
me. C'eft  fans  doute  d'après  cette  ré- 
flexion que  les  cultivateurs  intelligens, 
qui  ne  font  pas  à  portée  de  la  mer , 
fe  font  déterminés  à  en  donner  à  leurs 
troupeaux.  11  eft  encore  prouvé  que 
les  moutons  qui  paiffent  dans  des  pâ- 
turages falés,  ou  auxquels  on  donne 
du  fel ,  ont  la  chair  plus  ferme  &  de 
meilleur  goût  j  enfin  ,  indépendam- 
}nenc  de  ce  que  nous  fommes  à  por- 
tée de  voir  par  nous-mêmes  ,  on  peut 
pncore  s'en  rapporter  à  la  conduite  de 
nos  voiiins.    Les  Efpagnols  donneur 


MOU 

du  fel  au  gros  &  menu  bétail  \  les 
Anglois  ne  l'en  ptivenc  jamais  \ 
enfin  ,  les  Suilfes  font  11  perfuadés 
de  la  nécelîité  d'en  donner ,  que  les 
Cantons  ont  plulîeurs  tois  délibéré 
qu'on  devoit  en  augmenter  la  dofe 
aux  troupeaux. 

Si  l'ufage  du  fel  eft  indifpenfa- 
ble ,  l'excès  en  doit  être  nuifible.  La 
véritable  dofe,  pour  l'ordinaire,  nous 
le  répétons ,  eft  d'en  donner  une  livre 
par  vingt  moutons;  l'animal  le  plus 
vorace  &  le  plus  fort ,  eft  celui  qui 
en  mange  le  plus.  Lorfqu'il  en  prend 
trop,  fon  fang  s'échauffe,  fa  fanté 
&  la  qualité  de  la  laine  s'altèrent  j 
tandis  que  l'humidité  qui  règne  dans 
l'animal  auquel  on  règle  l'ufage  de 
cet  aliment,  en  lui  confervant  wnt 
bonne  conftitution  ,  prête  à  la  laine 
des  reiTôrts  &  une  finefte  que  l'humi- 
dité naturelle  de  l'animal  lui  refufe- 
xoit. 

Quelques  perfonnes  prétendent 
qu'en  abreuvant  les  troupeaux  dans 
les  marais  falans  ,  cette  pratique 
peut  fuppléer  au  fel ,  en  appaifant  la 
loif  ;  mais  elles  fe  trompent ,  (^'  ex- 
pofent  le  bétail  à  plulîeurs  accidens. 
L'eau  des  marais  falans  eft  commu- 
nément bourbeufe  ,  &  celle  qui  eft 
renouvellée  par  les  eaux  de  la  mer  , 
eft  encore  chargée  d'une  trop  grande 
quantité  de  parties  limoneufes  ;  la 
partie  faline  dont  elle  eft  d'ailleurs 
compofée,  eft  trop  acre,  pour  qu'elle 
pui(Te  produire  le  même  effet  que 
le  fel.  Pour  s'en  convaincre,  on  n'a 
qu'à  jeter  les  yeux  lur  la  manière 
dont  fe  fait  le  fel  ,  &  l'on  verra 
qu'avant  de  le  hiire  cryftallifer ,  il 
faut  purger  l'eau  de  ce  qu'elle  a  de  li- 
moneux &  de  trop  acre ,  fans  quoi  le 
fel  feroi:  nuifible  :  d'ailleurs ,  il  y  a. 

encorç 


MOU 

encore  une  autre  inconvénient  d'a- 
breuver les  troupeaux  dans  les  ma- 
rais filans  j  les  bords  en  font  remplis 
d'herbes  que  les  moutons  broutent  : 
ces  herbes  contiennent  beaucoup 
d'humidité  ,  des  parties  limoneu- 
fes  &  acres  que  le  fel  qu'elles  ren- 
ferment ne  fauroit  corriger  ;  on  ne 
doit  donc  pas,  fous  prétexte  d'éco- 
nomie ,  faire  abreuver  les  troupeaux 
dans  ces  marais  ,  parce  que  le  pré- 
tendu avantage  qu'on  croit  en  tirer  , 
ne  compenfe  pas  les  inconvéniens  qui 
peuvent  en  réfulter. 

M.  Leblanc,  infpeéleur  des  ma- 
nufactures de  Languedoc,  après  avoir 
réfléchi  tant  fur  les  inconvéniens  que 
fur  la  dépenfc  que  le  fel  occafionne, 
a  tâché  de  remédier  à  l'un  Se  à  l'autre , 
par  le  moyen  decertainsgâreaux  falés, 
qui,  en  faifant  le  même  effet  que  le 
fel,  n'en  ont  pas  les  inconvéniens, 
&  diminuent  la  dépenfe  de  trois  cin- 
quièmes :  nous  en  avons  introduit 
l'ufage  dans  quelques  granges  de 
jîotre  département ,  &c  les  proprié- 
taires s'en  trouvent  bien  :  voici  en 
quoi  conCfte  cette  méthode  écono- 
mique. 

La  bafe  de  ces  gâteaux  ert:  de  la 
farine  de  froment ,  qu'on  mêle  avec 
delà  farine  d'orge, ou  par  moitié  ,  ou 
par  cinquième.  Sur  une  quantité  dé- 
terminée de  cette  farine,  on  y  met 
un  quart  de  fel.  On  prend  le  tiers  du 
poids  de  ces  farines  mélangées ,  que 
l'on  pérrit  avec   une  quantiré  d'eau 
fuffifante,  &  dans  laquelle  on  a  fait 
dilToudre  environ  un  huitième  de  fel , 
en  fuppofant  toujours  qu'on  en  em- 
ploie   vingt  -  cinq   livres  ,    pour    uir 
quintal  de  farine.  On  met   dans   la 
pâte  la  quantité  de  levain  d'ufage  : 
lorfque  cette  première  pâte  eft  bien 
.levée,  on  prend  le  fécond  tiers,  que 
Tome  J^I. 


MOU 


715- 


l'on   pétrit  avec  le  premier,  en   les 
mélangeant  enfemble  par  le  moyen 
d'une  quantité  d'eau  futttlante,  dans 
laquelle   on    aura    fait    diiroudre    le 
tiers  de  ce  qui  réitéra  de  fel,  &  lorf- 
que cette  pâte  eft  encore  bien  levée, 
on  pétrit  le  troilième  tiers ,  que  l'on 
mêle  avec  les  deux  premiers  par  le 
moyen  de   l'eau  qui  refte ,   &   dans 
laquelle  on  a  fait  dilToudre  le  furplus 
du  fel.  Dans  tous  ces  cas,  le  fel  doit 
être  dilfous  dans  l'eau,  pour  le  dif- 
tribuer   également   par -tour.  Après 
avoir  donné  à  la  pâte  le  temps  né- 
celfaire  pour  lever  &:  être    mife   ai; 
four ,  on  la  divife  en  petits  gâteaux 
d'une  livre  :  ces  gâteaux  doivent  être 
plats,  c'eft-à-dire,  qu'on  ne  doit  leur 
donner  qu'un  pouce  d'épailfeur,  afin 
qu'il  n'y  airabfolument  que  la  croûte, 
foit   pour    éviter   que  ceux  que  l'on 
conferve  ne  fe  moifilfent ,  foit  pouc 
les   concalfer    avec  plus   de   faciliré. 
On    fait    enfuite    cuire  ces  gâceaux 
comme  le  pain;  il  vaut  mieux  qu'ils 
foient  trop  cuirs  que  trop  peu,  parce 
qu'ils    fe    broyeur   &c   fe   confervent 
mieux  quand  ils   fonr  un  peu   fecs. 
Lorfqu'on  les  a  tirés  du  four ,  on  les 
lailfe  refroidir  entièrement  avant  de 
s'en  fervir,(Sc  fion  veutles  conferver, 
on  doit  les  mettre  dans  un  endroit 
fec  &  à  l'abri  des  rats  :  on  peut  les 
garder,  fans  rifque,  une  année. 

Avanr  de  donner  aux  moutons  les 
gâteaux  falés,  il  faut  les  concaller 
par  petits  morceaux  ,  afin  que  la 
diftribution  en  foit  plus  égale.  Si  cette 
diftribution  fe  fait  en  plein  champ 
ou  dans  une  balle  cour ,  on  pourroit 
avoir  deux  planches  en  forme  de  gou- 
tière ,  avec  un  linteau  en-dedans,  pour 
les  alîujetrir  &  faciliter  aux  moutons 
le  moyen  de  prendre  tout  ce  qu'ils 
trouveronr;  on  aura  feulement  acten- 

X  X  X  X 


7H 


MOU 


tion  qu'il  n'y  ai:  que  vingt  moutons 
à-la-fois  pour  chaque  gâteau  du  poids 
d'une  livre  ,  fans  quoi  on  ne  ponr- 
roic  être  sûr  de  faire  une  diftribution 
égale.  Si  cette  diftribution  fe  fait 
dans  la  bergerie ,  on  tera  fortir  les 
Rioutons ,  &  après  .avoir  mis  un  gâ- 
teau concafTé,  du  poids  d'une  livre, 
dans  la  mangeoire  ,  on  lailTera  entrer 
vingt  moutons  feulement 5  après  que 
ceux-ci  auront  mangé  ,  on  les  fera 
Sortir  pour  en  faire  entrer  vingt  au- 
tres ,  pour  lefquêls  on  aura  concalfé 
un  autre  gâteau  du  même  poids,  & 
ainfi  de  fuite. 

Les  "âteaux  falés,  ainfi  diftribués 
aux  moutons,  préviendront  leurs  ma- 
ladies ,  &  entretiendront  leur  bonne 
conftitution ,  ou  la  rétabliront  s'ils  l'ont 
perdue,  du  moins  s'il  n'y  a  point  de 
vice  intérieur  qui  exige  un  traitement 
extraordinaire.  On  peut  auffi  en  don- 
ner aux  béliers  quelques  heures  avant 
de  faire  faillir  les  brebis,  aux  brebis 
avant  d'être  faillies  ,  aux  moutons 
•dont  la  laine  {■>aroit  tomber,  ou  dont 
le  tempéramment  paroîc  afloiblij  & 
aux  agneaux  qui  ne  parollfent  pas 
d'une  boi.ne  confticution ,  en  obfer- 
vant  de  diminuer  la  dofe  de  plus  de  la 
moitié;  on  peut  en  donner  auflî  aux 
chevaux  ,  aux  mulets ,  aux  bœufs , 
«S:c.  qui  font  dégoûtés,  relativement 
à  des  humeurs  qui  s'amaîfent  dans 
i'eftoniac  &  les  inteftins  \  mais  la 
dofe  pour  ceux -ci  doit  être  quadruple. 

Outre  les  gâteaux  falés,  on  peut 
encore  emiployer  d'autres  fels  qui 
font  moins  coûteux  que  le  fel  com- 
mun ,  &  peut  -  être  aulïï  bon;  &c 
même  meilleurs.  Le  fel  de  tartre,  la 
potaffe  ou  les  cerKires  gravelées  fon- 
dues dans  l'eau,  feroient  auili  ap- 
périlîans  que  les  gâteaux  pour  les 
sxoutons  j  mais  il  faudroit  les  donner 


MOU 

à  moindre  dofe.  On  a  éprouvé  que  Xx. 
potafTe ,  donnée  à  la  dofe  d'un  groî 
pendant  plufieurs  jours  de  fuite  à  uii, 
mouton  ,  ne  lui  a  caufé  aucune  in- 
commodité. Si  l'on  n'avoit  aucuns  de- 
ces  fels,  on  pourroit  y  fuppléer  par  le 
procédé  fuivant  :  Verfez  deux  écusl- 
lées,  ou  environ  deux  livres  d'eau  fur 
une  demi-livre  de  cendres,  lailfez  te- 
pofer  l'eau  pendant  quatre  heures ,  & 
la  tranfvafez  pour  la  faiie  boire  à  un 
mouton. 

Pour  favoir  pofitivement  fi  ces  fels 
font  aulli  bons  que  le  fel  commun 
dans  la  maladie  de  la  pourriture  , 
(  Voye-:^  ce  mot  )  il  faudroit  être 
dans  un  canton  où  les  moutons  fuf- 
fent  fujets  à  cette  maladie  :  on  pour- 
roitchoifir  alors  des  moutons  du  même 
âge,  qui  auroient  cette  maladie  au 
même  degré  ,  &  l'on  donneroit  aux 
uns  du  fel  commun  ,  &  aux  autres 
de  l'eau  dans  laquelle  on  aurolc  jeté 
des  cendres  ,  ou  fait  fondre  de  la. 
potafTe  ,  des  cendres  gravellées  ,  du 
fel  de  tartre.  En  continuant  ces  re- 
mèdes on  jugeroit  de  leurs  effets,  &t 
l'on  parvicndroit  à  connoî'cre  quelles 
en  doivent  être  les  dofes. 

Tous  ces  eiïais  font  aflez  intéret- 
fans  pour  mériter  l'attenrion  d'uiî 
médecin  vétérinaire,  ou  dun  culti- 
vateur intelligent ,  qui  feroient  ca- 
pables de  les  bien  faire,  &  qui  ha- 
biteroient  un  pays  où  les  moutons 
feroient  fujets  à  la  pourriture. 

CHAPITRE     VIII. 

DV    PARCAGE    DES    BÊTES    A' 

ZAlKE,- 

§.  I.  Qu'entend- on  par  parcage  ?. 
Comment  faii-oa  parquer  les  bètes- 
à  laine  ? 

Le  parcage  des  bêces  à  lama  eft  14 


'  M  G  U 

temps  qu'elles  palTenc  fur  difft'ren- 
res  pièces  de  terre,  qu'on  veut  rendre 
plus  fertiles  par  l'urine  &  la  fiente 
que  ces  animaux  y  répandenc. 

On  fait  parquer  les  bctes  à  laine, 
en  les  enfermant  dans  une  enceinte, 
qui  eft  formée  par  des  claies ,  &c  que 
l'on  appelle  un  parc.  Cette  enceinte 
retient  ces  animaux  dans  l'efpace  de 
terre  qu'elles  peuvent  fettilifer  pen- 
dant un -certain  temps,  &  arrête  les 
loups.  Le  berger  eft  couché  près  du 
parc,  dans  une  cabane,  pour  le  gar- 
der j  le  chien  efl:  aufli  autour  du  parc 
pour  donner  la  chalfe  aux  loups. 

§.  II.  Comment  les  claies  d'un  pjrc 
doivent  être  faites.  Manière  de  les 
dreffer  pour  former  un  parc.  De 
r étendus;  d'un  parc. 


On  donne  aux  claies  quatre  pieds 
&:  demi  ou  cinq  pieds  de  hauteur  ; 
&  fept,  huit,  neuf  ou  dix  pieds  de 
longueur  ,  fi  elles  ne  deviennent  pas 

fias  trop  pefantcs;  car  il  faut  que 
e  berger  puilTe  les  tranfporcer  ai- 
fément.  Elles  font  compofées  de  ba- 
guettes de  coudrier  ,  ou  d'autre  bois 
léger  &:  flexible ,  entrelacées  entre 
des  montans  un  peu  plus  gros  que 
les  baguettes.  On  fait  aulTî  des  claies 
avec  des  voliges  affemblées,  on  fim- 
plement  clouées  fur  des  montans.  On 
laille  dans  les  claies  de  coudrier  trois 
ouvertures  d'un  demi-pied  de  hauteur 
&  de  largeur,  placées  toutes  les  trois 
a  la  hituteur  de  quatre  pieds  ^  il  y  en 
a  une  à  chaque  bcnit ,  &  une  dans 
le  milieu  ;  celles  des  bouts  font  ap- 
pellées  les  voies. 

Pour  former  un  parc,  on  drelfe  ces 
claies  les  unes  au  bout  des  autres  fur 
quatre  lignes  ,,pout  former  un  quarré , 
&  on  les  foiuienc  par  le  moyen  de5 


MOU  715 

crofTes ,  qui  font  des  bâtons  couibés 
par  l'un  des  bouts.  Les  claies  antici- 
pent un  peu  Tune  derrière  l'autre ,  de 
façon  que  les  deuK  voies  fe  rencon- 
trent; on  y  palTe  le  bout  de  la  crolTe, 
11  eft  percé  de  deux  trous ,  dans  lef- 
quels  on  mec  deux  chevilles ,  l'une 
derrière  les  montans  des  claies  ,  &: 
l'autre  devant  ;  enfuite  on  abbailfc 
contre  terre  l'autre  bout  de  la  crolfe  , 
qui  eft  courbe  &:  percée  d'une  entaille  p 
dans  laquelle  on  mer  une  clef,  que  Von 
enfonce  en  terre  à  coups  de  mailler. 
(  r.  la  PL  XIL  de  l'injlruclion  pour 
les  bergers  &  pour  les  propriétaires 
de  troupeaux  j  par  M.  Oaubenton  ^ 
fig.  in.  ir.  F.  VI.  VII.  )  Il  ne 
faut  point  de  croffes  aux  coins  du 
parc,  il  fuffic  de  lier  enfemble  les 
deux  montans  qui  fe  touchent,  avec 
un    cordeau   pallé  dans    les  voies. 

L'étendue  d'un  parc  doit  être  pro- 
portionnée au  nombre  des  moutons 
que  l'on  veut  y  mettre  ,  parce  qu'il 
faur  que  le  rroupeau  répande  alfez 
de  fiente  &  d'urine  ,  pour  fertilifer 
l'efpace  de  terre  renferme  dans  le 
parc.  Chaque  mouton  peut  fournir 
à  une  étendue  d'environ  dix  pieds 
quarrés;  par  confcquent  fi  les  claies 
ont  dix  pieds  de  longueur ,  il  faut 
douze  claies  pour  un  parc  de  quatre- 
vingt-dix  moutons;  dix-huit  pour 
deux  cents;  vingt- deux  pour  trois 
cents.  Si  les  claies  n'ont  que  neuf 
pieds ,  il  faut  deux  claies  de  plus  pour 
chacun  de  ces  parcs  ;  quatre  claies 
de  plus,  fi  elles  n'ont  que  huit  pieds, 
&  fix  de  plus ,  fi  leur  longueur  n'eft 
que  de  fepr  pieds.  Il  iùut  pour  un 
parc  de  cinquante  bètes,  douze  claies 
de  fept  ou  huit  pieds  chacune,  ou  dix 
claies  de  neirf  ou  dix  pieds  de  lon- 
gueur ,  &c.  Ces  comptes  ne  peuvent 
pas  ctce  bien  juftes ,  c'eft  pourquoi  l'oa 

X  X  X  X  i 


■J\(j 


MOU 


peut  mettre  un  peu  plus  ou  un  peu 
moins  de  moutons  pour  chaque  nom- 
bre de  claies.  Lorîque  leur  nombre 
ne  peut  pas  être  égal  fur  chacun  des 
quatre  côtés  du  parc  ,  il  doit  y  avoir 
iar  deux  côtés  oppofés  une  claie  de 
plus  que  fur  les  deux  autres. 

§.  III.  Comment  le  berger  falt-ïl  un 
parc  ?  Manière  de  faire  un  parc  à 
la  fuite   d'un  autre. 

Pour  faire  un  parc,  le  berger  fe 
met  au   coin   du  champ,  il  mefure 
au  pas ,  fur  le  bout  &  fur  le  long  du 
champ  ,  retendue  nécellaire  pour  pla- 
cer les  claies  des  deux  côtés  du  parc  : 
il  marque    le    point   où  la  dernière 
doit  aboutir:  enfuite  il  mefure  l'é- 
tL.ndue   que  doivent  avoir  les  deux 
autres  côtés  du  parc  pour  former  un 
quarrc  ,  &  il  fait  une  marque  où  les 
dtux  autres  côiés  fe  rencontrent;  en- 
lin  il  pofe  les  claies  fuivant  ces  ali- 
gnemens.    Pour    tranfpotter    chaque 
claie  ,  le  berger  pafle  le  bout  de  fa 
houlette  dans  l'ouverture  qui  eft  au 
milieu ,  il  appuie  fon   des  contre  la 
claie,  il  la  foulève ,  &  la  porte,  en 
faifanc    paffer    la    houlette   fur    fon 
épaule  ,  èc  en  la  tenant  ferme  avec  les 
deux  mains.  On  peut  aufli  porter  les 
claies,  en  partant  le  bras  droit  à  tra- 
vers la  voie  du  mdieujou  fous  l'a- 
vant-dernière  planche  des  claies   de 
volige.    (  l'^over    la    Planche    XIII. 
jîg.   I.   de  l'ouvrage   ci-defjus  cité  ^ 
fecl.  II.  )  Après  avoir  placé  la  claie , 
il  l'afflire  par  une  croiTe. 

Lorfque  le  berger  veut  faire  un 
nouveau  parc  à  la  fuite  d'un  autre  , 
l'un  des  côtés  du  premier  pnrc  fert 
pour  le  fécond  ;  après  avoir  mefure 
§c  aligné  les   trois  autres  côtés  du 


MOU 

fécond  parc ,  il  y  tranfporte  les  claie? 
du  premier.  Lorfqu'il  eft  parvenu  aa 
bout  du  champ,  après  avoir  placé  des 
parcs  à  la  file  les  uns  des  autres,  il 
en  fait  un  nouveau  à  côté  du  der- 
nier ,  &  il  fuit  une  nouvelle  file  en 
revenant  jufqu'à  l'autre  bout  da 
champ,  &  ainû  de  fuite,  jufqu'à  ce 
qu'il  ne  refte  aucun  efpace  qu'il  n'air 
parque. 

§.  IV.  De  la  cabane  du  berger.  Où 
doit-elle  être  placée  ? 

La  cabane  du  berger  doit  avoir  fix^ 
pieds  de  longueur  lur  quatre  pieds  d& 
largeur  i?c  de  hauteur  ;  elle  doir  être 
couverte  par  un  toît  de  paille  ou  de 
bardeau.  On  la  pofe  fur  quatre  petites 
roues.  (  Foyei  la  Planche  XIV.  fig.  I. 
de  l'ouvrage  ci-dcjfus  cité.  )  Elle  a  une 
porte  qui  ferme  à  clef.  On  met  dans- 
cette  cabane  un  matelas ,  des  draps  &C 
des  couverrures  pour  coucher  le  ber- 
ger, &  une  tablette  pour  placer  quel- 
ques haches  ,  &  des  provifioas  dé- 
bouche. 

On  place  la  cabane  près  du  parc  ,, 
afin  que  le  berger  puilfe  le  voir  de 
fon  lir ,  en  ouvrant  la  porte.  Lorf- 
qu'un  nouveau  parc  s'éloigne  trop  ,. 
le  berger  en  approche  fa  cabane ,  ea 
la  faifant  rouler  lui  feid ,  fi  le  ter- 
rein  eft  aifé ,  ou  en  prenant  l'aide; 
d'un  fécond  dans  le  cas  contraire. 

§.  V.  Combien  de  tems  fait-on  par" 
quer  les  moutons  chaque  nuit  ? 
A  quelles  heures  faut -il  changer 
de  parc  dans  la.  nuit  «S*  dans  lai 
rr.atinée  ? 

On  fait  entrer  les  moutons  dans- 
le  parc   fur   la    fin   du   jour ,   ou  à; 


MOU         -  MOU            717 

fteurheures  du  foir,  lotfque  les  jours 

font  bien  longs,  &  qu'il  n'y  a  [loint  §•  VI.  Si  l'on  peut  faire  parquer  les 

de  ferein.  On  les  fait  fortir  du  parc  moutons   dans  l'hiver.  Du  moindre 

à  neuf  heures  du  matin     lorfqiie  l'air  ^^^^^^^,^^   ^^  ^^,^^^  ^  i^^-,^^  ^^^  y.^,^ 

&  le  foleil  ont  feché  les  herbes,  ou  „, 

V   1     ■     I                T     r     '•!      '              •    -  peut  faire  parquer,  tffets  de  c  cn~ 

a  huit  heures,  loriqu  il  ny   a  pouic  t        J         r    1          jj 

eu  de  rofée.  ^''^'^  ^-  parcage. 

Il  fuit  changer   de  parc    dans   la 

nuit  &  dans  la  matinée,  dans  la  fai-  On  peut  faire  parquer  pendant  l'iù- 

fon  où  les   moutons   rendent  beau-  ver  fur   les    terreins   fecs ,  tant   que 

coup  de  hente  &  d'urine  ,  parce  que  le    berger  n'til:   pas   incommodé   du 

ks  herbes  qu'ils  mangent  ont  beau-  troid  en  couchant  dans  fa   cabane  : 

coup  de  fuc  :  chaque    parc  ne  doit  mais  en  hiver ,  lorfque  les  moutons 

durer  qu'environ  quatre  heures.  Aind  n'ont  que  des  fourrages  fecs,  ils  ne 

le  premier    parc   commence  à    neuf  rendent  que  peu  d'urine  &  de  hente, 

heures   du   foir ,  il  doit   finir  .à  \.\nQ  qui  font   peut-être  mieux  employés 

heure  du   matin  ;  le    fécond  à  cii:q  à  engraiflcr  des  fumiers    lous  eux  , 

heures ,  &  le  troifième  à  neut  heures,  qu'au  parcage. 

Ce  dernier  parc  fe  faifant  de  jour,  Lorfqu'on  n'a  qu'un  très-petit  nom- 
ks  loups  ne  font  peint  tant  à  crain-  hre  de  bêtes  à  laine  à.  fiire  parquer, 
dre.  C'eft  pourquoi  le  berger  peut  il  n'y  a  que  la  dépenfe  du  berger 
fe  difpenfer  de  l'enclorre  de  claies,  qui  puilTe  en  empêcher  ;  le  produit 
il  fuftir  de  placer  les  chiens  de  ma-  du  troupeau  n'y  fuffiroit  pas.  Mais 
nière  qu'ils  retiennent  les  moutons  on  peut  ralTembler  plufieurs  petits 
dans  l'efpace  deftiné  au  troifième  troupeaux  pour  les  faire  parquer  tous 
parc  :  c'ell:  ce  qui  s'appelle  parquer  enfemble  lous  la  conduite  d'un  feul 
en  blanc.  Lorfque  les  nuits  font  Ion-  berger.  H  y  a  des  cultivateurs  qui 
gués,  &  que  le  premier  parc  com-  prennent  à  louage ,  pour  un  certain 
mence  avant  neuf  heures  du  foir,  tems,  plufieurs  troupeaux  peu  nom- 
Gn  fait  durer  d'aurant  plus  long-rems  breiix,  &  qui  les  réunifient  pour  les 
chacun  des  parcs.  Dans  les  faifons  où  faire  parquet  fur  leurs  terres.  D'ait- 
les  herbes  ont  moins  de  fuc,  &  où  très  n'ayanr  qu'un  petit  troupeau,  les 
les  bêtes  à  laine  rendent  moins  de  mettent  tous  enfemble,  &  les  font 
fiente  &:  d'urine,  le  berger  ne  change  parquer  à  frais  communs,  fur  les 
le  parc  qu'une  fois:  il  tâche  de  don-  terres  qui  leurappartiennent  à  chacun 
ner  à-peu-près  aurant  de  rems  pour  en  particulier.  Si  l'on  ne  faifoit  par- 
le premier  que  pour  le  fécond.  Si  quer  qu'un  rrès- petit  nombre  de 
l'on  parquoit  en  hiver,  on  pourroit  moutons  ,  1!  faudroit  beaucoup  de 
ne  faire  qu'un  parc  chaque  jour,  parce  tems  pour  tertilifer  un  champ.  Il  faut 
que  dans  cetre  faifon  les  bêtes  à  laine  avoir  au  moins  cinquante  ou  foixante 
rendent  peu  de  fiente  &  d'urine  ,  bêres  pour  faire  un  parc;  encore  eft- 
&  que  le  froid  ne  permet  pas  au  ce  lorfque  le  berger,  étant  un  enfant 
berger  de  changer  fon  parc  dans  la  de  la  maifon  ,  ne  coûte  rien  de  plus 
nait>  pour  le  parcage.  Cinquaote  bctes  à. 


7iS  MOU 

laine  fertilifent  dans  un  parc  refp.ice 
de  cinq  cent  pieds  quarrés  ;  ainfi ,  il 
faut  foixante-cinq  parcs  pour  un  ar- 
penc  de  terre.  Si  l'on  fait  trois  parcs 
chaque  jour ,  il  faudra  vingt-deux  jours 
^ûur  tcrcihfer  un  arpent  5  trente-deux 
jours ,  il  Ton  ne  fait  que  deux  parcs 
en  un  jour;  foixante-cinq  jours,  il 
l'on  ne  iaic  qu'un  parc  :  !k  (uivant 
le  même  calcul ,  deux  cents  foixante- 
dix  mourons  parqueront  un  arpent , 
en  douze  parcs  j  deux  cents  bèces  , 
en  dix-fept  parcs.j  cent  bères ,  en 
trente-deux  parcs ,  &c.  L'arpent  de 
terre  contient  à-peu- près  cent  per- 
ches quartées,  de  dix-huit  pieds  cha- 
cune, ce  qui  fait  trente-deux  mille 
quatre  cents   pieds  quarrés. 

Avant  de  faire  parquer  les  mou- 
tons,  on  donne  deux  labours,  afin 
que  l'urine  entre  plus  facilement  dans 
la  terre.  Aulîi-tôt  que  le  parcage  eft 
fini  dans  un  champ,  on  le  laboure 
afin  de  mêler  la  fiente  &  l'urine  avec 
la  terre ,  avant  qu'il  y  ait  du  def- 
sèchement  ou  de  l'évaporation. 

Lorfqu'un  champ  eil  femé,  &  que 
le  grain  ell  levé  ,  on  peut  encore 
pirquer  dans  des  jours  fecs,  jufqu'à 
ce  que  le  bled  ou  l'orge  ait  un  pouce 
de  hauteur.  On  dit  que  les  moutons 
dédommagent,  parce  qu'ils  font  du 
bien  aux  racines,  en  foulant  les  terres 
légères  ,  «Se  qu'ils  écartent  les  vers 
par  leur  odeur. 

L'engrais  du  parcage  eft  meilleur 
que  le  tumier  de  mouton  :  il  pro- 
duit un  effet  très-ienfible  pendant 
deux  ans  fur  la  produâion  du  froment 
aue  l'on  recueille  dans  la  première 
année  ,  &:  fur  celle  de  l'avoine  dans 
h.  féconde  année.  Il  rend  aufii  les 
prairies  sèches  d'un  bon  rapporr,  en 
iiounant  des  récoltes  abondantes  de 


M  O  U 

fûîn  fur  des  coteaux  ,  où ,  fans  îe 
parcage  ,  il  ne  viendroit  pas  aifer 
d'herbe  pour  être  fauchée  j  on  ne 
fauroit  donc  trop  parquer  les  ptairies 
sèches  :  plus  le  parc  y  relie ,  plus  elles 
produifent.  Dans  les  temps  lecs  ,  on 
peut  lailfer  le  patc  pendant  deux  ou 
trois  nuirs  fur  le  même  endroir ,  tan- 
dis que  dans  les  tems  humides  OQ 
eft  obligé  de  le  changer  chaque  jour, 
parce  que  les  excrémens  de  la  veille 
n'étant  pas  féchés ,  ne  peuvent  que 
falir  les  moutons. 

CHAPITRE     IX. 

Du  LOGEMEKTj  DE  LA  LITIERE 
ET  DU  FUMIER  DES  MOUTONS. 

§.  I.  S'il  fa uc  loger  les  moutons  dans 
des  étables  jermées  :  comment  doh~ 
on  les  loger  pour  les  maintenir  en 
bonne  Jante  j  &  pour  avoir  de 
tonnes  laines  &  de  bons  fumiers  ? 

Les  étables  fermées  font  le  plus 
inauvais  logement  que  l'on  puilfe 
donner  aux  moutons.  La  vapeut  qui 
fort  de  leur  corps  &  du  fumier ,  in- 
fefte  l'air,  &  met  ces  animaux  ea 
fueur.  Ils  s'atfoibli(Tent  dans  ces  éta- 
bles trop  chaudes  &  mal-faines  ;  ils 
y  prennent  des  maladies  ;  la  laine  y 
perd  fa  force  ,  &  fouyent  le  fumier 
s'y  defsèche  &  s'y  brûle.  Lorfque  les 
bêtes  fartent  de  l'étable ,  l'air  du 
dehors  les  faiiît  quand  il  eft  froid  : 
il  arrête  fubitement  leut  fueur  j  & 
quelquefois  il  peut  leur  donner  de 
grandes  maladies.  Il  faut  donc  don- 
ii;r  beaucoup  d'air  aux  moutons;  ils 
font  mieux  logés  dans  les  étables  ou- 
vertes que  dans  les  étables  fermées  , 
iriêaie  fous  des  appentis  ou  des  Ijaa- 


MOU 

gar  Js ,  que  dans  des  érables  ouvertes  : 
un  parc  peut  leur  fervir  de  logement 
lans  aucun  abri. 

§.  II.  Des  étables  ouvertes.  Du  bien 
&  du  mal  qu'elles  font  aux  moutons. 
.  Des    appentis  &  des  hangars  ^  de 
leurs  proportions. 

Une  ctable  ouverte  a  plufieurs  fe- 
nêtres ,  qui  ne  font  fermées  que  par 
des  grillages,  de  même  que  la  porre. 
Elle  vaut  mieux  qu'une  érable  fer- 
mée ,  parce  qu'une  partie  de  l'air 
infeété  de  la  vapeur  du  corps  des 
moutons  Se  du  fumier ,  fort  par  les 
fenêtres  &  par  la  porte,  tandis  qu'il 
entre  de  l'air  fain  du  dehors  par  les 
mêmes  ouvertures  ;  mais  ce  change- 
ment d'air  ne  fe  fait  qu'à  la  hauteur 
des  fenêtres  :  l'air  qui  rtfte  autour 
des  moutons  dans  la  partie  balfe  de 
rétable,  au-deflous  des  fenêtres,  ell 
toujours  mal -fain,  quoiqu'il  foit 
moins  échauffé  &  moins  infeéï  que 
celui  des  étables  fermées.  Celles  qui 
font  ouverres  ne  fonr  que  diminuer 
le  mal;  ce  logement,  quoique  moins 
mauvais  pour  les  mourons  que  les 
étables  fermées,  n'eft  cependant  pas 
bon. 

Un  appentis  eft  un  pan  de  toît , 
appliqué  contre  un  mur,  &  fourenu 
en  devant  par  des  poteaux.  Ce  lo- 
gement vaut  mieux  que  les  étables 
en  partie  ouvertes  ,  parce  qu'il  eft 
entièrement  ouvert  du  côté  des  po- 
teaux dans  toute  fa  longueut,  mais 
il  eft  fermé  en  entier  du  côté  du  mur; 
l'air  infedé  refte  au  milieu  des  mou- 
tons ,  fur-tout  au  pied  de  ce  mur. 
Quoique  ces  appentis  valent  mieux 
pour  les  moutons  que  les  étables  ou- 
vercet  j  ce  n'eft  cependant  pas  leur 


MOU 


7^9 


meilleur  logement.  Les  hangars  font* 
à  préférer. 

Un  hangard  eft  un  toît  foutenw 
tour-au-tour  fur  des  poteaux.  (  f^oye'^ 
la  Planche  II  ^  avec  l'explication  j 
fig.  I.  de  l'ouvrage  de  M.  Daubcnton^ 
cité  ci  -  dcJJ'us.  )  L'air  infeéb  en  fort 
facilement,  &  l'air  fain  y  enrre  de 
tous  les  côtés  ;  les  moutons  peuvent 
en  fortir,  lorfqu'ils  ont  trop  chaud, 
&c  y  enrrer  pour  fe  mettre  à  l'abri  de 
la  pluie.  C'eft  certainement  le  meil- 
leur logement  pour  ces  animaux  , 
il  eft  trcs-fain  S:  très-commode  pour 
eux;  mais  il  eft  coûteux  pour  les  pro- 
priétaires des  troupeaux. 

La  manière  la  moins  coûreufe 
de  faire  un  hangar  pour  Io^er  les 
mourons ,  eft  de  It  faire  fans  murs. 
Pour  cer  effer ,  ayez  des  poteaux  de 
fix  ou  fepr  pieds  de  hauteur,  placez- 
les  de  manière  qu'ils  foienr  fourenus 
chacun  par  un  dé,  &  rangés  fur  deux, 
files ,  à  dix  pieds  de  diftance  les  uns 
des  autres;  alfemblez-les  avec  des 
folives  &  des  fiblières ,  de  la  même 
longueur  de  dix  pieds ,  qui  porteront 
un  couvert,  dont  les  faîres  n'auront 
auffi  que  dix  pieds,  &  les  chevrons 
feulement  fept  pieds.  Au  milieu  de 
cet  efpace  on  met  un  rarrelier  dou- 
ble ;  de  chaque  côté  du  même  efpace 
on  bâtir  un  petit  appentis  qui  n'a 
que  deux  pieds  de  largeur,  &  dont 
le  faite  eft  placé  contre  les  poteaux- 
du  bâtiment  du  milieu  ,  à  un  demi- 
pied  au-deiïbus  de  la  fablière.  Les 
folives  de  cet  appentis  n'ont  que  deux 
pieds  de  longueur,  &  les  chevrons 
trois  pieds.  Les  poteaux  qui  foutien- 
nent  la  fablière  n'ont  aiilli  que  rrois- 
pieds.  Des  conttefiches  placées  à  des 
diftances  proporrionnées  à  la  longueur, 
du  bcâriment,  &  a(Temblces  avec  les- 
entraics  &  les  poteaux ,  empêclienc: 


710  M  O  U 

que  !a  charpente  ne  dévetfe.  On  at- 
tache contre  les  poteaux  des  appentis 
un  rateliet  \  de  lorte  que  la  bergerie 
a  quatre  rangs  de  râteliers  fut  fa 
largeur,  qui  eft  de  quatorze  pieds. 
(  f'oje:[  lu  Planche  indiquée  ci-dcffus.) 
Si  on  la  couvre  en  toile  ,  il  fuflir 
que  les  bois  de  la  charpente  aient 
quatre  à  cinq  pouces  d'équarrillage. 
Ils  peuvent  encote  être  plus  petits , 
fi  l'on  fait  la  convertute  en  batdeau 
ou  en  paille. 

En  donnant  à  chaque  bête  un  pied 
&  demi  de  râtelier ,  il  y  a  dans  la 
bergerie ,  pour  chacune ,  un  efpace  de 
cinq  pieds  quairés  ,  ce  qui  fuffic  d'au- 
tant mieux  pour  les  moutons  de  petite 
taille  ,  qu'il  n'eft  pas  à  craindre  que 
l'air  s'y  échauffe,  car  cet  efpace  n'etl 
fermé  que  par  des  claies  j  les  unes 
fervent  de  portes ,  Si.  les  autres  em- 
pêchent que  les  moutons  ne  pallent 
par-deifous  les  râteliers  du  côté  de 
la  bergerie  ,  &  foutiennent  le  four- 
rage qui  eft  dans  les  râteliers.  De 
plus ,  l'air  fe  renouvelle  auiH  à  tout 
jnftantpar  l'ouverture  qui  eft  tout  au- 
tour de  la  bergerie  au-delfus  des  ap- 
pentis. Si  l'on  deftinoit  cette  bergerie 
à  des  bêtes  de  taille  moyenne  ou  de 
grande  taille  ,  il  faudroit  en  augmen- 
ter les  dimenfions  ou  fupprimer  le  râ- 
telier double  du  milieu  \  dans  le  der- 
nier cas  j  il  y  auroit  pour  chaque  bê- 
te un  efpace  de  dix  pieds  quartés , 
ce  qui  fuffiroit  pour  les  plus  grandes. 
En  augmentant  la  larçreur  de  la  ber- 
getie  de  trois  pieds  ou  de  hx ,  ce  qui 
feroit  deux  ou  quatre  pieds  pour  le  bâ- 
timent ,  &  un  demi-pied  ou  un  pied 
pour  chacun  des  appentis ,  &:  en  lait- 
fant  le  râtelier  double,  chaque  bête 
auroit  un  efpace  de  (ix  ou  fept  pieds 
quaurcs  ,  ce  qui  fuffiroit  pour  des 
tnoutons  de  moyenne  race.  Quant  à 


MOU 

la  longueur  de  la  bergerie  ,  elle  fe- 
roit proportionnée  au  nombre  des  bê- 
tes \  on  pourroit  la  coniliruire  en  ligne 
droire  ou  en  équerre  ,  &c.  fuivant  le 
terrein. 

Un  hangar,  tel  quenous  venons  de 
le  décrire,  eft  le  logement  que  l'on 
doit  prétérer  à  tout  autre  pour  les 
moutons.  Quoique  la  conftruclion  foit 
moins  couteufe  que  celle  des  érables 
&  des  appentis,  cependant  elle  exige 
allez  de  dépenfe  pour  qu'il  fût  à  dé- 
lirer d'en  être  difpenfé  j  car  quand 
même  la  couverture  de  ce  hangar  ne 
feroit  que  de  chaume ,  il  faudroit 
toujours  une  charpente  affez  forte 
pour  réfifter  aux  grands  vents ,  &  de 
quelque  manière  que  ce  hangar  fût 
conftruit ,  il  exigeroit  des  frais  pour 
fon  entretien.  11  vaut  donc  mieux 
évitet  toute  cette  dépenfe  en  lailfani 
les  moutons  dans  un  parc  en  plein  air, 
fans  aucun  couvert.  On  le  place  dans 
une  baffe-cour ,  &  on  lui  donne  le 
nom  de  parc  domeftlque  ,  pour  Le 
dilbnguer  du  parc  des  champs. 

§.  III.  De  l'éiindue  d'un  parc  domef- 
tlque 3  de  fa  fnuation  y  de  la  hau^ 
teur  qu'il  faut  lia  donner  pour  mec^ 
tre  les  moutons  eu  fureté  contre  les 
loups.  Des  auges  &•  des  râteliers. 

Lorfque  la  litière  eft  rare  ,  oa 
eft  obligé  de  refferrer  le  parc  domef- 
tique  ,  afin  d'avoir  afftz  de  litière 
fxiur  en  mettre  par-tout  j  mais  il  faut 
qu'il  y  ait  au  moins  lix  pieds  quarrés 
pour  chaque  inouioii  de  race  moyenne. 
Lorfqa'on  peut  donner  plus  de  litiè^ 
re  ,  il  eft  bon  d'agrandir  le    parc  do- 

5-   1  *  1  • 

meftique  jufqu'à  ce  quil  y  ait  dix 
ou  douze  pieds  quarrés  pour  chaque 
mouton  :  les  endroits  couverts  de 
fiente  y   font  plus   éloignes   les  uns 

dss 


MOU 

des  îuties  que  dans  un  parc  moins 
grand  5  les  moutons  y  falillent  moins 
leur  laine  ;  ils  peuven:  s'y  mouvoir 
plus  librement  j  ils  y  endommagent 
moins  leur  laine  en  fe  frottant  les 
uns  contre  les  autres  ;  les  brebis  plei- 
nes &  les  agneaux  nouveauux  nés  y 
fent  moins  expofés  à  être  blelTés. 

Les  meilleures  exportions  pour  un 
parc  domsftique  ,  font  celles  du  mi- 
di, du  fud-oueft  tSj  du  fud-eft,  parce 
cjue  les  murs  du  parc  mettent  le  trou- 
peau à  l'abri  des  vents  de  bife  &  de 
galerne  j  les  moutons  y  réfiftent  com- 
me aux  autres  expofitions ,  mais  ils 
y  font  plus  fatigués.  Des  bêtes  à  laine 
qui  feroient  répandues  dans  la  cam- 
pagne ,  comme  les  animaux  fauva- 
ges ,  y  trouveroient  des  abris  :  il  faut 
donc  placer  leur  parc  dans  le  lieu  le 
plus  abrité  de  la  balTe  cour  j  il  faut 
auflî  que  le  terrein  du  parc  foit  en 
pente ,  afin  que  les  eaux  des  pluies 
aient  de  l'écoulement. 

Des  murs  de  fept  pieds  de  hauteur , 
dit  M.  d'Aubenton  ,  ont  empêché  les 
loups  d'entrer  dans  un  parcdomeftique 
prcsdeMontbardjOÙil  y  abeauoup  de 
moutons  &  de  chiens  depuis  quatorze 
ans.  Ces  murs  font  bâtis  de  pierres 
fèches  ;  il  y  a  nécelfairement  entre 
ces  pierres  des  joints  ouverts  qui  don- 
neroient  aux  loups  la  facilité  de  grim- 
per au-delfus  des  murs  j  mais  ils  font 
terminés  par  de  petites  pierres  amon- 
celées en  dos-d'âne  ,  de  la  hauteur 
de  huit  pouces  j  quelques-unes  de  ces 
pierres  romberoient  fi  le  loup  mer- 
toit  le  pied  delTus  pour  arriver  fur  le 
mur.  On  ne  s'eft  apperçu  d'aucun  dé- 
rangement qui  ait  fait  foup(j-onner  des 
tentatives  de  la  part  des  loups  pour 
entrer  dans  le  parc  ,  quoique  l'on  ait 
reconnu  les  traces  de  ces  animaux  qui 
âvoient  rodé  tout  autour. 
Tome  FI. 


M  o  ir        -jii 

Les  râteliers  d'un  parc  domeftique 
doivent  avoir  deux  pieds  de  longueur 
aux  barreaux  ,  &  on  les  place  à  deux 
pouces  &  demi  de  diftance  les  uns 
des  autres  ,  fi  c'eft  pour  une  petite 
race  de  moutoiis  j  on  éloigne  davan- 
tage les  barreaux  ,  fi  la  race  eft  plus 
grande ,  parce  que  leur  mufeau  eft  plus 
gros  ;  mais  plus  les  barreaux  fonc 
éloignes  les  uns  des  autres  /  plus  les 
moutons  perdent  de  fourrage  ,  car  ils 
ne  ramairent  p.is  celui  qu'ils  font  tom- 
ber fur  le  fumier  en  le  tirant  du  râ- 
telier. On  fait  des  rareliers  fimples 
pour  les  attacher  contre  les  murs  ou 
contre  les  claies ,  &  des  râteliers  dou- 
bles en  forme  de  berceau  ,  pour  les 
placer  au  milieu  du  parc. 

Si  l'enclos  dont  on  veut  faire  un 
parc  domeftique  eft  petit ,  &  fi  le 
troupeau  eft  nombreux,  on  met  des  râ- 
teliers contre  tous  les  murs  &  un  râ- 
telier double  au  milieu  du  parcj  mais 
ordinairement  on  fait  le  parc  dans 
une  balfe-cour  ,  comme  nous  l'avons 
déjà"  dit  j  dont  il  n'occupe  qu'une 
partie,  &  pour  le  former,  on  place 
un  rang  de  claies  vis-à-vis  les  murs  i 
une  diftance  convenable  ,  &  on  atta- 
che les  râteliers  au  mur  ;  on  peut 
auilî  en  attacher  aux  claies  :  dans  ce 
cas ,  il  faut  laiffer  entre  les  claies  Se 
le  mur  une  plus  grande  diftance  que 
s'il  n'y  avoir  qu'un  rang  de  râteliers , 
afin  que  les  moutons  aient  chacun 
dans  le  parc  le  nombre  de  pieds  quar- 
rcs  qui  leur  eft  néceflaire.  11  faut  tou- 
jours mettre  par  préférence  les  râte- 
liers contre  les  murs ,  parce  que  les 
moutons  fe  réfugient  au  pied  de  ces 
murs  pour  avoir  un  abri. 

Quant  aux  auges ,  on  les  met  fous 

les  râteliers,  pour  recevoir  les  graines 

&  les  brins  de  fourrage  qui  rombent 

du  râtelier ,  &  que  les  moutons  ne 

Y  y  y  y 


711 


MOU 


▼oudroient  pas  manger,   s'ils  fe  mê- 

loien:  avec  la  lirière  ôc   le  fumier. 

On  fait  ces  auges  avec  des  voliges  j 

on  peuc  leur  doi'.ner  fix  pouces  de 

profondeur  ,  un  pied  de  largeur  au- 

dedus  5  &  lix  pouces  au  fond.   Lorf- 

quoii  veut  donner  aux  moutons  àcs 

racines ,  du  grain  ou  d'autres  chofes 

qui  palTeroien:  à  travers  les  râteliers, 

on  les  met  dans  les  autres, 
o 

§.  IV.  Si  les  moutons  peuvent  ré- 
Jîficr  aux  injures  de  tair  dans  les 
hivers  les  plus  fo'ts  ,  fans  être  à 
couvert  dans  un  parc  domejlique^ 

La   laine  dont  les  moutons  font 
^ctus  ,    les  défend  aflez  des  injures 
de  l'air  :  elle  a  une  forte  de  crailfe  , 
que  l'on  appelle  le  fuint ,  qui  empê- 
che pendant  long-temps  la  pluie  de 
pénétrer  jufqu'à  fa  racine;   de  forte 
que  les  flocons  ne  font  ni  froids ,  ni 
iiiouillés  près  de  la  peau,  tandis  que 
ie  refte  eft  chargé  d'eau ,  de  glace , 
©Il  couvert  de  givre  ou  de  neige.  Lorf- 
que  les   moutons   fcntent  qu'il   y  a 
trop  d'eau  fur  leur  laine ,  ils  la  font 
tomber  en  fe  fecouant.    Ils  peuvent 
ie  déb^îtralfer  de  la  neige  par  le  mê- 
me mouvement  ;  mais  qu,tnd  ils  en 
feroienr  couverts  ,  quand  même  ils  s'y 
trouveroient  enfouis  pendant   quel- 
que temps  ,    ils  n'y  périroient  pas. 
]\î.  <i'AubeiHon  a  fait  cette  épreuve 
près  de  la  ville  de  Montbard  ,.  dans 
la  haute  Bourgogne  ,  d'abord  fur  une 
douziine  de  bêres  à  laine,  &  enfuite 
pendant  quatorze  ans,  depuis  1767, 
jufqu'en  1785  ,  fur  un  troupeau  d'en- 
viron trois  cents  bêtes  ,  qui  n'ont  eu 
d'autre  logement  pendant  ce  temps 
qu'une  balfe-cour   fermée   de  murs. 
Les  râteliers  font  attachés  aux  murs 
fans  aucun  couvert ,  les  brebis  y  ont 


MOU 

lïiîs  bas  ;  les  agneaux  y  font  toujoars^ 
reftcs  ,    &:  toutes  les  bêtes   s'y  font 
maintenues  en  meilleut  état  qu'elles» 
n'auroient  fait  dans  des  érables  fer- 
mées ,  quoiqu'il  y  ait  eu  pendant   le 
temps  de  leur  féjour  à  l'air  ,  plufieurs 
années  très-pluvieufes ,  &  des  hivers 
très  -  froids ,  en  particulier  celui  de 
1776.  On  fait   d'alUeufS  qu'en  An- 
gletetre  ,  les  bêtes  à  laine  relient  en 
plein  champ  pendant  tout  lluver.   Il- 
y  en  a  eu  dans  ce  psys-là  qui  ont  paCTé- 
plufieurs  jours  enfoncées  fous  la  nei- 
ge de  qui  en  ont  été  retirées  faines  & 
fauves  y  mais  dans   la  faifon  où  les 
brebis  agnèlent ,  les  bergers  veillent 
pendant  les  nuits  troides  ,  pour  em- 
pêcher que   les  agneaux  ne  gèlent,, 
principalement  ceux  des  mères  jeu- 
nes ,    foibles   ou  mal  nourries  :    ceê- 
accident  eft  peu  à  craindre  ,  lorfqu'on 
n'a  donné  le  bélier  aux  brebis  qu'en 
odobre.    Avant  d'expofer   un  grand- 
troupeau  en  plein  air ,  on  peut  faire 
un  elfai  fur  un  petit  nombre  de  bêtes,, 
comme  on  l'a  fait  en  Bourgogne. 

Les  parties  du  corps  des  mourons 
fur  lefquelles  il  n'y  a  point  de  laine,, 
telles  que  les  jambes,   les  pieds,  le 
mufeau  &  les  or&illes  ,  ne  pourroient 
point  rélilier  au  grand  froid  ,   fi  ces 
animaux  ne  favoient  les  tenir  chaudes. 
Etant  couchés  fur  la  litière  ,  ils  raf- 
femblent   leurs    jambes    fous    leurs 
corps  ;  en  fe  ferrant  plufieurs  les  uns 
contre  les  autres ,  ils  mettent  leur  tête 
6v'  leurs  oreilles  à  l'abri  du  froid ,  dans 
les  petits  intervalles  qui  reftent  en- 
tr'eux  ,    &r  ils  enfoncent  le  bout  de 
leur  mufeau  dans  la  laine.  Les  temps 
où  il  fait  des  vents  froids  &  humi- 
des, font  les  plus  pénibles  pour  les 
moutons  expofés  à  l'ait  ;  les  plus  foi- 
bles tremblent  &  ferrent  les  jambes,., 
c'eft-à  dire  ,  qu'étant  debout ,  ils  ag- 


M  O  U 

prochent  leurs  jambes  plus  près  les 
unes  des  autres  qu'à  l'ordinaire,  pour 
empêcher  que  le  froid  ne  gagne  les 
aînés  Se  les  ailfelles  où  il  n'y  a  ni 
laine ,  ni  poil  ;  mais  dès  que  l'ani- 
mal prend  du  mouvement  ou  qu'il 
tnange ,  il  fe  réchauffe  ,  &c  le  trem- 
blement celTe. 

Dans  un  troupeau  loge  en  plein 
air ,  s'il  y  a  des  agneaux  foibies  & 
languilfans  ,  s'il  y  a  des  moutons  ma- 
lades ,  ôc  ii  l'on  voit  que  les  injures 
de  l'air  augmentent  leur  mai  ,  il  faut 
les  mettre  à  couvert  de  la  pluie  &  à 
l'abri  des  mauvais  vents  ,  dans  quel- 
que coin  d'appentis ,  d'écurie,  ou  de 
quelqu'autre  bâtiment  ,  jufqu'à  ce 
qu'ils  loient  fortifiés  ou  guéris. 

§.  V.  Si  les  fumiers  d'un  pare  do~ 
mejlique  font  aujji  bons  que  ceux 

d'une  étable. 

Les  fumiers  qui  fe  font  en  plein 
air  ne  font  pas  fujets  comme  ceux 
des  étables ,  à  fe  trop  échauffer,  à 
blanchir  &  à  perdre  de  leur  force  ; 
parce  que  les  brouillards ,  la  neige  & 
les  pluies  les  humedlent ,  &  en  tont 
un  engrais  meilleur  que  les  fumiers 
qui  ont  été  pendant  long -temps  à 
couvert. 

Tant  qu'il  y  a  du  fumier  dans  le 
parc  domeftique,  il  faut  nécelfaire- 
ment  de  la  litière  pour  empêcher 
les  moutons  de  falir  leur  laine  & 
d'être  dans  la  boue  ;  mais  Ç\  l'on 
n'avoit  plus  de  litière  à  leur  donner , 
il  faudroit  mettre  le  fumier  hors  du 
parc  ,  enfuite  le  balayer  tous  les  ma- 
tins to  enlever  les  ordures.  On  a  fait 
cette  épreuve  pendant  plufieurs  an- 
nées fiar  un  troupeau  qui  s'eftbien  paffé 
«de  litière  ;  mais  dans  ce  cas ,  i!  faut 
fabier  le  parc,  G  le  terrein  n'tftpas  i<i-_ 


M  O  H  7^3' 

lidc ,  &  lui  donner  beaucoup  de  pente 
pour  l'écoulement  des  eaux.  On  ne 
s'eft  pas  apperçu  que  les  eanx  des 
pluies  qui  cavent  le  fumier  d'un  parc 
domertique  ,  &  qui  s'écoulent  en  de- 
hors ,  aient  dégtaillé  le  fumier  &  en 
aient  diminué  la  force  ;  il  a  tait  au- 
tant &  plus  d'effet  fur  les  terres  que 
celui  des  étables  \  mais  pour  ne  rien 

ferdre  ,  il  faut  tâcher  de  conduire 
égoùt  du  parc  fur  un  terrein  en  cul- 
ture, ou  dans'une  folfe  doat  on  retire 
l'engrais  qui  s'y  eft  amalfé. 

CHAPITRE     X. 

Z>  £    LA    TONTE     D£S    BETES 
A     LAm  E. 

§.  I.  Du  temps  où  U  faut  tondre  les 
moutons.  Des  inconvéniens  qu'il 
y  a  à  tondre  trop  tôt ^  ou  trop  tard. 
Des  mauvais  effets  du  retard  de  la. 
tonte. 

Tous  les  ans ,  vers  le  mois  de 
mai ,  il  fort  une  nouvelle  laine  de 
la  peau  des  moutons  ;  en  écartant 
les  mèches  de  la  laine  ,  on  apper- 
çoit  la  pointe  de  la  nouvelle  ,  lorf- 
qu'elle  commence  à  poulTer  :  c'eft 
alors  le  temps  de  la  tonte. 

Si  l'on  tondoit  plutôt ,  la  laine  ne 
feroit  pas  à  fon  vrai  point  de  matu- 
rité j  elle  n'auroit  pas  toutes  les  qua- 
lités qu'elle  peut  acquérir  jufqu'au 
terme  naturel  de  fon  acctoiffement  ; 
les  moutons  étant  dépouillés  trop  tôt 
dans  les  pays  froids  ,  fouftriroient 
des  injures  de  l'air. 

Plus  on  retarde  la  tonte  ,  plus  il 
fe  perd  de  laine.  Lorfque  la  nouvelle 
laine  commence  à  paroître  ,  l'an- 
cienne fe  déracine  aifément  ;  le 
aïoindie  effoic  fuffit  pour  l'arracheu 

Y  y  y  y.  * 


714  MOU 

Alors  fi  les  moutons  paflent  contre 

des  buiffons  ou  des  haies ,  les  bran- 
ches accrochent  quelques  flocons  de 
Jaine  qui  y  relient  fufpendus ,  après 
s'être  détachés  de  la  peau. 

Le  retatd  que  l'on  met  encore  à 
tondre  les  moutons ,  a  d'autres  mau- 
vais effets  ,  en  caufant  une  autre 
perte  ;  lorfque  la  nouvelle  laine  a 
déjà  quelques  lignes  de  longueur  au 
temps  de  la  tonte,  on  la  coupe  avec 
l'ancienne.  Quoique  cette  nouvelle 
laine  augmente  le  poids  de  la  toi- 
fon  ,  le  propriétaire  y  perd  au  lieu 
d'y  gagner ,  parce  que  l'acheteur  in- 
telligent &  le  manufacturier  favent 
^ue  cette  nouvelle  laine  étant  très- 
courte,  fe  fépare  de  l'autre,  lorfqu'on 
l'emploie  ;  ainli  ils  diminuent  d'au- 
tant le  prix  de  la  toifon.  La  nouvelle 
laine  ayant  été  coupée  à  fon  extré- 
mité eft  moins  longue  qu'elle  ne  de- 
vtoit  l'être  l'année  luivante. 

§.  II.   Ce  qu'il  faut  faire  avant   de 
tondre  les  riioutùns. 

Il  n'y  a  rien  à  faire  fi  l'on  veut  en- 
lever la  toifon  fans  l'avoir  lavée  ; 
mais  c'eft  un  mauvais  ufage ,  il  vaut 
mieux  laver  la  laine  fur  le  corps  du 
mouton  avant  de  le  tondre  '■,  c'eft  ce 
que  l'on  appelle  laver  à  dos  ou  fur 
pied.  Ce  lavage  fcpare  de  la  laine 
ks  ordures  qui  la  faliiTent  de  qui 
ipourroient  garer  la  toifon  ,  fi  elle 
reftoit  long- temps  avec  l'urine  ,  la 
fiente  &  la  boue  dont  elle  s'eft  char- 
gée \  d'ailleurs ,  le  propriétaire  con- 
iioît  mieux  la  valeur  des  toifons  lorf- 
qu'il  les  vend  au  poids  après  qu'elles 
ont  été  lavées  à  dos,  qu'en  les  vendant 
au  fuint.  L'acheteur  fait  toujours 
mieux  acheter  que  le  propriétaire 
AS  fait  vendre  ,  parce  que  celui-ci 


MOU 

ne  vend  qu'une  fois  l'a-n ,  &  que  l'au- 
tre achette  tous  les  jours. 

§.  III.  Du  lavage  à  dos  •  comment 
fe  fait-il  i 

Pour  faire  le  lavage  à  dos,  on  fair 
entrer  chaque  mouton  dans  une  eau 
courante  jufqu'à  ce  qu'il  en  ait  au 
moins  à  mi-corps  j  le  berger  eft  aufli 
dans  l'eau  au  moins  jufqu'au  genou; 
il  palfe  la  main  fur  la  laine  &  la 
prelf^  à  différentes  fois  pour  la  bien' 
nettoyer.  On  peut  faire  auffi  ce  la- 
vage dans  une  eau  dormante ,  fi  elle 
eft  propre.  Mais  dans  les  cantons  où 
l'on  n'a  que  de  l'eau  de  fontaine  ,  de 
puits  ou  de  citerne  ,  il  fufîît  d'en 
remplir  des  baquets.  On  verfe  cette 
eau  avec  un  pot  fur  la  laine  du 
mouton  j  en  la  prefTant  avec  la  main^ 
Mais  û  l'on  pouvoir  avoir  une  chute 
d'eau  de  trois  ou  quatre  pieds  de  hau- 
teur ,  on  la  recevroit  dans  un  cuvier 
où  l'on  plongeroit  le  mouron  j  (  voye-^ 
la  plamhe  X de  l'ouvrase  de  ÀJ.  Dau' 
benton pl'djiciirs  fols  cite)  deux  hom- 
mes ,  dont  les  manches  feroienr  re- 
troullées  (Se  recouvertes  par  de  faufies 
manches  de  roile  cirée  ,  laveroienr 
mieux  le  mouton  que  de  toute  a'utte 
manière  j  on  a  fuivi  cette  méthode 
pendant  plufieurs  années  avec  l'eau 
d'une  fontaine,  fans  que  les  moutons 
aient  été  incommodés  par  la  fraîcheur 
de  cette  eau  :  ceux  que  l'on  tient  en 
plein  air  pendant  toute  l'année,  fonr, 
fans  aucun  inconvénient ,  fouvenc 
expofés  à  des  pluies  aufli  froides  qu'un 
bain  d'eau  de  fource. 

Maisavanr  de  tondre  les  mourons, 
il  eft  néceflaire  de  les  laver  plufieurs 
fois  pour  que  la  laine  foir  bien  nette 
&  de  bon  débit;  après  le  dernier  la- 
vage ,  il  faut  tenir  les  moutons  dans 
des  lieux  propres  jufqu'au  momeaç 


MOU  MOU  715 

tle  la  tonte  ,  que  l'on  ne  doit  faire  du  bord;  on  pafle  un  coidon  en  plu- 
qu'apiès  avoir  lallfc  lécher  la  laine  ,  fieurs  endioits  par  les  ouvertures  j 
ahn  que  la  coifon  ne  foit  pas  fujette  pour  retenir  fur  la  table  les  jambes 
à  fe  gâcer  par  l'humiàicc.  11  hiut  donc  de  devant  dans  un  endroit  ,  &  les 
tacher  de  ne  faire  le  dernier  lavage  jambes  de  derrière  dans  lui  autre, 
que  par  un  beau  temps.  (  ^oje^  la  planche  XI  de  l'ouvrage 

Les  gens  de  la  campagne  ont  beau-  ci-dcffus  cite.)  Lorfque  c'eft  un  bélier 
coup  de  préfages  du  beau  temps  ou  cornu  ,  on  attache  aufiî  Tune  des 
de  la  pluie;  mais  la  plupart  de  ces  pré-  cornes  fur  la  table  ;  par  ce  moyen, 
fages  font  faux  ou  trop  incertains;  ils  la  b"te  eu  moms  gênée  ,  &  les  ton- 
ne connoilTent  prefque  pas  le  meil-  deurs  travaillent  à  leur  aile  ;  ils  peu- 
leur  qui  eft  le  baromètre.  Un  berger  venr  être  alîis.  Cette  commodité  eft 
bien  inftruit  devroit  le  connoître  ;  on  nécelfaire  pour  un  ouvrage  qui  de- 
voir dans  un  tuyau  de  verre,  du  vif-  mande  de  l'attention  &  de  l'adrelTe, 
argent  qui  monte  ou  qui  dekend  en     car  il  faut  coupet  la  laine  avec  les 

ditïérens  temps  ;  à  côté  du  tuyau,  la  forceps,  très-près  de  la  peau  ,  fans  la 

hauteur  eft  marquée  par  pouces  &  par  blefler.  Lorfque  le  mouton  eft  tondu 

lignes.  (^<?yeç  baromhre&  la  planche,  fur  l'un  des  côtés  du  corps,  on  le  dé- 

fia.  I  .tom.  i^pûg.  158.  )  Lorfqu'on  lie  ,  on  le  retourne,  &  on  l'attache 

regarde  le  baromètre  ,  on  remarque  de  l'autre  côté. 
à  quel  point  de  hauteur  &  à  quelle         Lorfque  les  moutons  font  tondus, 

ligne  eft  le  vif-argent  :   on  revient  fi  l'on   apperçoit  quelque  hgne   de 

quelque  temps  après  ,  &  on  voit  il  gale,  {voye^  ce  moc)'û  faut  les  frot- 

le  vif-argent  a  monté  ou  defcendu  ;  ter  avec  un  onguent  de  graille  ou  de 

s'il   a   monté ,    c'eft   figne  de   beau  fuit  &  d'elfence  de  térébenthine.  Si 

temps;  s'il  a  defcendu,  c'eft   hgne  la  peau  a  été  entamée  par  les  forceps, 

de  pluie  ou  de  venr.  îe  même  onguent  eft  bon  pour  ces 

R    ^\T     r>  r       -7        j      7  petites  plaies.  Cet  onguent  fe  fait  de 

^.    IV .    Comment    faut-il  tondre  les  \  X.       .  .  o 

•^  an-  •>•;/-  ia  manière  luivante  : 

mourons  r  Du  traitement  au  il  faut  ^  ■        ^      ,  ,.  ,     ,-  .^ 

,        r  ■         1    r    >■!    r  \  ,     ]  faites  tondre  une  livre  de  fuif  en 

leur  faire  3  lorlqu  ils    ont  tondus.  ,  ,         ,         .,-r       ,  .  .        ,     , 

r-        1-7  y         ■    j  /  ère,  ou  ae  graille  en  hiver,  retirez-la  du 

Ce  au  il  y  a  a  craindre  pour  les  r       ^      ?,  ^    r  T       ,         -X- 

•  -^      .     7  reu,  &  mêlez  avec  le  luit  ou   a  (^raille 

animaux  après  la  tonte  :  moyens  '  „,     .,      ,       ,   ,,     » ,  . 

J,     ■  7      J  un  quarteron  d  huile  de  rcrebenthine 

a  éviter  tous  les  dangers.  ^,  >i     ,,      -     ,t- •  '^""'^ 

"  ou  plus,   s  il  elt  necellaire  pour  la 

On  eft   dans  l'ufage ,    quand   on  gale. 

veut    tondre   les  moutons ,  de  leur         JLa  grande  chaleur  du  foleil  &  les 

lier    les    quatre    jambes    enfemble  pluies  froides  font  à  craindre  pour 

pour  les  empêcher   de  fe  débattre  ,  les  moutons  pendant  dix  ou   douze 

niais   c'eft  une  mauvaife    prarique  ;  jours  apics  la  ronte.  Le  grand  foleil 

lorfqu'on  les  gène  ainfi  ,  le  ventre,  racornit  leur  peau  fur  le  dos  ,  &   la 

&  par  conféquent  la  vellie  ,  font  pref  difpofe  à  la  gale  &  à  d'autres  mala- 

fés,  de  façon  que  l'urine  «Si  la  fiente  dies ,  tandis   que  les   pluies  froides 

fortent  &  falilfent  la  toifon  ,  il  vaut  morfondent  les  moutons  &  les  tran- 

mieux  coucher   le  mouton  fur  une  filTent  au  point  de  les  faites  mourir^ 

table  percée  de  pluûeurs  trous  près  fi  on  ne  les  réchauffe  promptemenc. 


72^  M  O  U 

Mais  on  peut  éviter  ces  dange  rs , 
en  mettant  les  moutons  à  l'ombre  ,  au 
milieu  du  jour  lorfque  le  foleil  eft 
très-ardent  ;  au  contraire  ,  s'il  eft  à 
craindre  qu'il  ne  tombe  des  pluies 
froides  ou  de  la  grêle ,  il  ne  faut  pas 
éloigner  le  troupeau  de  la  bergerie , 
afin  de  pouvoir  le  faire  rentrer  &  le 
mettre  promprement  à  couvert  s'il 
eft  néceflaire.  Cela  arrive  plus  rare- 
ment pour  les  moutons  qui  font  tou- 
jours à  l'air,  que  pour  les  auttes;  car 
dans  une  bergerie  qui  eft  fituée  en 
Bourgogne  près  de  Montbard,  &  où 
il  n'y  a  point  d'érables  depuis  plus  de 
quatorze  ans ,  on  n'a  jamais  été  obligé 
de  mettre  les  moutons  à  couvert  après 
la  tonte. 

§.  V.  Que  faut- il  faire  de  la  toïfon  , 
après  qu'une  bête  «  laine  a  été 
tondue  ? 

Il  faut  expofer  la  tolfon  à  l'air 
pour  la  faire  féclier  :  plus  elle  eft 
féche  ,  moins  elle  eft  fujette  à  fe  gâ- 
ter \  enfuite  on  l'étend  de  façon  que 
la  face  qui  tenoit  au  corps  de  l'ani- 
mal fe  trouve  en  delfous ,  &  l'on  re- 
plie tous  les  bords  fur  le  milieu  de 
î'autre  face  ;  on  en  fait  un  paquet 
que  l'on  arrête  en  alongeant  de  part 
&  d'autre  quelques  parties  de  laine 
•que  l'on  noue  enfemble.  Les  toifons 
ainfi  difpofées ,  font  mifes  en  tas  dans 
un  lieufeCj  jufqu'au  temps  de  les 
vendre. 

§.  VI.  Des  infectes  qui  gâtent  U  plus 
la  laine.  Manière  de  les  connaître 
.6"  d'en  préferver  la  laine. 

Les  infeéles   qui   gâtent  le  plus 
îa  laine  f«nc  les  teignes.  On  donne 


MOU 

ce  nom  à  des  chenilles  produites  par 
des  papillons  que  l'on  appelle  aufti 
des  teignes  ;  pour  les  diftmguer  des 
autres  infeéles  du  même  nom  ,  on 
les  appelle  teignes  communes.  La 
plupart  des  gens  prennent  les  che- 
nilles teignes  pour  des  vers  j  quoi- 
qu'elles aient  des  jambes  comme  les 
autres  chenilles  ,  tandis  que  les  vers 
n'en  ont  point.  Les  papillons  teignes 
fe  trouvent  dans  les  maifons  où  il  y 
a  des  meubles  ou  des  magafins  de 
laine  ;  ils  ont  à-peu-près  trois  lignes 
de  longueur  ;  ils  font  de  couleur  jau- 
nâtre luifinte.  On  les  voit  voltiger 
depuis  la  fin  d'avril  jufqu'au  com- 
mencement d'odtobre ,  un  peu  plutôt 
ou  plus  tard  ,  fuivant  que  la  faifou 
eft  plus  ou  moins  chaude.  Pendant 
tout  ce  temps  les  papillons  teignes 
pondent  fut  la  laine  de  petits  œufs 
que  l'on  apperçoit  difficilement  j  c'eft 
de  ces  œufs  que  fortent  les  chenilles 
qui  rongent  la  laine:  (  f^oye-[  CHSr 

NILLE.  ) 

Les  chenilles  teignes  édofent  pen- 
dant les  mois  d'odrobre  ,  de  novem- 
bre &  de  décembre  ;  elles  font  très- 
petites  5  &  prennent  peu  d'accroif- 
fement  pendant  tout  ce  temps  ,  & 
même  elles  font  engourdies  ,  lorf- 
qu'il  fait  de  grands  froids  ;  mais 
pendant  le  mois  de  mars  &  le  com- 
mencement d'avril  ,  elles  grandiftenc 
promptement  \  c'eft  alors  qu'elles  cou- 
pent un  grand  nombre  de  fdamens 
de  laine  pour  fe  nourrir  &:  fe  vêtir. 

On  connoît  les  chenilles  teignes, 
lorfqu'on  voit  fur  les  toifons  de  laine 
ou  dans  d'autres  endroits ,  de  petits 
fourreaux  d'environ  une  ligne  de  dia- 
mètre, fur  quatre  ou  cinq  lignes  de 
longueur  &  rarement  fix  ;  ces  four- 
reaux font  un  peu  renflés  dans  le 
milieu  &  évafés  par  les  deux  bouts. 


MOU 

0  7  a  dans  chacun  une  clienille  qui 
s'y  tien:  à  couvert,  parce  qu'elle  n  e(l 
revcrue  que  d'une  peau  blanche ,  min- 
ce, rranfparenre  &  délicate.  La  che- 
nille ceigne  avance  un  tiers  de  la  Ion- 
gueur  de  (on  corps  au  dehors  de  (on 
fourreau  ,  par  un  bouc  ou  par  l'autre  ; 
car  elle  peut  s'y  recourner  dans  le  mi- 
lieu ,  à  l'endroic  où  il  e(l  le  plus  lar- 
ge ;  elle  peut  aufll  en  fortir  prciqu'en- 
tiérement ,  il  n'y  relie  que  la  partie 
poftérieure  du  corps  &  les  deux  jam- 
bes de  derrière  qui  s'attachent  ait 
fourreau  ,  de  force  que  la  chenille 
peut  l'entraîner  avec  elle  lorfqu'elie 
marche  ,  par  le  moyen  de  fes  autres 
jambes  :  elle  n'a  que  le  tiers  de  fon 
corps  au  dehors  du  fourreau  lorf- 
qu'elie coupe  les  filamens  de  la  laine  : 
elle  fe  contourne  en  diliérens  (ens 
pour  atteindre  au,  plus  grand  nombre 
de  ces  filamens;  elle  fe  nourrir  de  la 
fubftance  de  la  laine ,  (Se  elle  l'em- 
ploie aulTî  pour  former  &  pour  agran- 
dir fon  fourreau  ;  c'eft  pourquoi  il  cft 
de  mîme  couleur  que  la  laine.  On 
ne  peut  pas  douter  qu'il  .n'y  ait  eu  , 
ou  qu'il  n'y  aie  encore  des  chenilles 
teignes  dans  de  la  laine  ,  lorfqu'on  y 
voit  de  leurs  excremens ,  ou  lorfqu'ils 
font  répandus  au-delfous.  Ces  excré- 
Hiens  fonc  en  pecics  grains  arides 
Si  anguleux  ,  gris  ,  lorfque  la  laine 
eft  blanche,  noirâcres,  lorfqu'elie  eft 
noire. 

Les  chenilles  teignes,  après  avoir 
pris  tout  leur  accroilTement  ,  quit- 
î€nt  pour  la  plupart  les  toifons  pour  fe 
retirer  dans  de  petits  coins  obfcurs  du 
magafin  de  laine,  &  s'y  attachent  par 
les  deux  bouts  de  leur  fourreau,  ou 
elles  fe  fufpendent  au  plancher  par 
unfeulj  alors  elles  ferment  les  deux 
ouvertures  du  fourreau,  &  changent  de 
forme  £c  de  nom  j  on  leur  donne  alors 


MOU 

celui  de  chryfalide.  (  l^oye^  ce  moi  ) 
Elles  relient  dans  cet  état  pendant 
environ  trois  femaines  j  eniuite  ces 
infedles  percent  le  bouc  de  leur  en- 
veloppe qui  efc  le  plus  près  de  leur 
tête,  (S:  ils  foitent  fous  la  forme  d  uu 
papillon. 

Quant  aux  moyens  de  ptéferver 
la  laine  du  domiiiage- des  chenilles 
teignes  ,  jufqu'.à  préfenc  on  n'en  a 
trouvé  aucun  pour  l'en  garantir  entiè- 
rement,  mais  on  peut  l'éviter  en 
partie  :  faites  enduire  en  blanc  les 
murs  &  plafonner  le  plancher  du 
magafin  où  l'on  farde  des  laines  ^ 
afin  que  les  papillons  reignes  qui  f« 
pofent  furies  murs  &  fur  le  platond, 
fuient  plus  apparents.  Placés  les  laines 
fur  des  claies  qui  foient  foutenues  à 
un  pied  au-de(Ius  du  carrelage  ,  ayez 
un  bâton  terminé  comme  un  tleuret 
à  l'une  de  fes  extrén-ntés  parun  bou- 
ton rembourré  j  lorfque  vous  encre- 
rez dans  le  magafin  ,  vous  frapperez 
avec  le  bâton  fur  les  laines  6c  fous 
les  claies  pour  faire  fortir  les  papil- 
lons teignes  j  ils  s'envoleront  ,  ils 
iront  le  pofer  fur  les  murs  ou  fur  le 
plafond,  où  il  fera  facile  de  les  tuer 
en  appliquant  fur  eux  l'extrémité 
du  bâton  rembourré.  En  répétant 
fouvenc  cecce  recherche  ,  depuis  Li 
fin  d'avril  jufqu'au  commencement 
d'oélobre .  on  détruic  un  crand  nom-^ 
bre  de  papillons  ceignes;  on  prévient 
leur  ponte  ,  ou  on  ne  la  lailfe  pas 
achever  ;  par  conféquent  il  y  a  beau» 
coup  moins  de  ces  chenilles  rongeufes 
dans  la  laine  :  un  enfant  eft  capable 
de  la  foigner  de  cette  manière.- 

On  a  prétendu  que  l'odeur  dm 
camphre  ou  de  l'efprit  de  térében- 
thine, étoient  des  préfervatifs  poup 
la  laine ,  contre  les  teignes  :  elles  peu- 
vent être  détournées  par  ces  odeurs,. 


yïS  M  O  tJ 

fi  elles  trouvent  à  fe  placer  fur  des 
laines  qui  ne  les  aient  pas;  mais  à 
leur  défaut  elles  s'accoutument  à  l'o- 
deur du  camphre  &  de  la  tc'rcbentine. 
La  vapeur  du  fouffre  fait  audi  péiir 
les  chenilles  teignes;  mais  il  faut  que 
cette  vapeur  foit  concentrée  dans  un 
petit  cfpace.  Elle  ne  pourroit  pas 
l'être  dans  un  magafin  de  laines , 
d'ailleurs  elle  leur  donneroitune  mau- 
vaife  odeur  ;  celle  du  camphre  efl: 
auffi  très-défagréable.  11  vaut  mieux 
battre  les  laines  dans  les  magaims , 
&  en  tirer  les  papillons  teignes  :  aufli 
eft-ce  la  méthode  des  fourreurs,  pour 
conferver  les  pelleteries;  ils  les  bat- 
tent ,  &  ils  courent  après  les  papillons 
teignes ,  dès  qu'ils  en  apperçoivenr. 

DEUXIÈME    PARTIE. 

CHAPITE     PREMIER. 

Maladi:es    a  i  g  u  z  s, 

§.  I.  Inflammatoires, 

Le  catatre ,  la  péripneumonie  ou 
inflammation  de  poitrine,  les  tumeurs 
phlegmoneufes  ,  refqjiinancie  lun- 
ple  ,  l'enflure  à  la  tète ,  la  courbatu- 
re ,  le  piflement  de  fang ,  l'enflure 
au  bas  ventre  ,  le  mal  rouge  ,  la  ma- 
ladie du  fang. 

§.  IL  Carhunculaïres, 

Le  charbon  à  la  lanç^ue,  le  char- 
bon œdémateux  ,  le  vrai  charbon  ,  le 
chancre. 

§.  III.  Phlogofo-  gangreneufes. 

L'efquinancie  gangreneufe  ,  le  feu 
ixQih  ou  éréfipèle ,  la  rougeole. 


MOU 

§.  IV.  Putrides  &  malignes: 

La  pefte  des  brebis. 

§.  V.  Eruptions  exanthcmatiques. 

Le  claveau  ou  clavellée,  la  cryftal- 
line  des  brebis. 

§.  VI.  Phlegmon  infecles. 

Les  tumeurs  par  la  piquure  des  in- 
fectes, (Sec,  par  la  ponte  de  leurs 
œufs. 

CHAPITRE     IL 

Malad],es    Chroniques. 

§.  I.    Séreufes  j   humorales  _,  plethor. 
riques. 

La  bouffilTure,  l'hydropifie. 

§.  II.  Tiydaiïdcufcs. 

L'hydropilre  au  cerveau  ,  aux  pou- 
mons, au  bas  ventre,  la  pourriture, 
les  douves ,  les  vers  de  différente  ef- 
pèce  ,  la  toux  ,  la  pulmonie. 

§.   III.  Fluxîonnaires  ou  évacuatives. 

L'écoulement  par  les  nafeaux  ,  la 
morve,  la  dysenterie,  la  diarrhée 
ou  dévoiement. 

§.  IV.  Les  pforiques. 

La  gale  ,  les  dartres ,  le  bouquet 
ou  noir  mufeau ,  le  cancer  des  bre- 
bis ou  feu  Saint-Antoine. 

§.  V.  Sèches  ou  arides, 

La  brûlure  ou  mal  de  feu  ,  la  coii- 
fomption. 

La  planche  ci-jointe  repréfente  un 
mouton ,  &  indique  les  parties  affec- 
tées   par    ces    différentes   maladies. 

Quanj 


s. 


^' 


v: 


IN 


M  O  U 

•Quant  au  traicemenc ,  on  le  trouvera 
dans  le  corps  du  Didionnaire  fous  le 
nom  qui  les  déligne.  Al.  T. 

MOUTURE.   Foyei  Moulin. 

MOXA.  Efpèce  de  coton  de  la 
Chine  dont  on  fe  fert  pour  cauté- 
rifer.  Les  Japonois  &:  les  Chinois  en 
font  un  grand  uiage  ;  il  mériteroic 
bien  d'être  généralement  adopté  en 
Europe.  C'eft  une  efpèce  de  duvet 
fort  doux  au  toucher  ,  d'un  gris  de 
cendre,  &  femblable  à  la  filalle  de 
lin.  On  le  compofe  de  teuilles  d'^r- 
rnoifc  j  pilées ,  (  /-'o_yf~  ce  mot  )  dont 
on  fépare  les  libres  dures  &c  les  par- 
ties les  plus  épailfes  j  cette  matière 
étant  fèche  ,  prend  aifément  teu , 
mais  elle  fe  confume  lentement  lans 
produire  de  flamme  &  fans  caufer 
une  brûlure  fort  douloureufe.  11  en 
part  une  fumée  légère ,  d'une  odeur 
allez  agréable.  Lorfqu'il  s'agit  d'ap- 
pliquer le  moxa,  on  prend  une  petite 
quantité  de  cette  hlalfe  que  l'on  roule 
entre  fes  doigts  pour  lui  donner  la 
forme  d'un  cône  d'environ  un  pouce 
de  hauteur  j  on  applique  ce  cône  par 
fa  bafe,  après  l'avoir  humedbé  d'un 
peu  de  falive,  fur  la  partie  que  l'on 
veut  cautérifer ,  pour  qu'il  s'y  atta- 
.che  plus  aifément ,  après  quoi  l'on 
met  le  feu  au  fommet  du  cône ,  qui 
,fe  confume  peu  à  peu,  &  finit  par 
faire  une  brûlure  légère  à  la  peau , 
•qui  ne  caufe  point  une  douleur  con- 
fidérable  :  quand  un  de  ces  cônes  eft 
confume  ,  on  en  applique  un  fécond  , 
tm  troifième ,  &  même  jufqu'à  dix 
&  vingt ,  fuivant  l'exigence  des  cas. 
•  C'eft  fur-tout  le  long  du  dos  que  les 
Chinois  appliquent  le  moxa. 

M.  Pouteau  ,  chirurgien  de  Lyon, 
connu  dans  toute  l'Europe  par  fes  fa- 
Tome  yi. 


M  O  X  719 

vans  écrits ,  &;  que  la  mort  a  trop 
tôt  enlevé  pour  le  bien  de  l'huma- 
nité ,  a  été  un  des  pkis  célèbres  pro- 
moteurs de  la  cautérifation  Japonoife. 
D'une  fanté  foible,  délicate  ,  aftedc 
de  la  poitrine  ,  c'ell  fur  lui  qu'il  en  a 
fait  les  premiers  ellais ,  &  il  s'en  eft 
fi  bien  trouvé  ,  qu'il  a  elfayé  &  léulîi 
à  guérir  phifieurs  poitrinaires  ,  ôc  à 
faire  difparoître  des  maladies  contre 
lefquelles  on  avoit  elfayé  tous  les 
remèdes  connus.  Cette  méthode  pa- 
roît  au  premier  coup  d'ocil  barbare  , 
Se  fur-tout  très-douloureufe  ;  cepen- 
dant elle  ne  l'eft  point.  J'ai  vu  plu- 
sieurs femmes  tenir  elles-mêmes  le 
cylindre,  fe  lailfer  brûler  tranquille- 
ment, &  recommencer  de  nouveau 
quand  le  cylindre  étoit  confume.  Le 
feu  mis  dans  la  partie  fupérieure  , 
poufie  lentement  la  chaleur  contre  la 
peau  ■■,  la  peau  lubréhée  par  un  peu 
d'humidité  qui  refte  dans  le  moxa, 
&  par  la  tranlpiration  qui  ne  peut 
s'échapper,  s'y  accoutume  peu  à  peu^ 
la  douleur  cft  fi  petite  quand  le  fea 
eft  bien  gradué  ,  que  je  réponds,  d'a- 
près ma  propre  expérience  ,  qu'il  faut 
être  bien  délicat  pour  ne  pas  la  fup- 
porter. 

On  a  publié  plulîeurs  manières  de 
préparer  le  moxa  ,  de  le  comjxjfer , 
ikc  ;  elles  font  au  moins  inutiles 
puifqu'il  ne  s'agit  d'établir  qu'une 
chaleur  graduée  ;  &  les  propriétés 
particulières  des  plantes  n'ajoutent 
rien  à  la  valeur  de  l'aétion  du  feu.  Le 
coton  feul  fuffit.  On  prend  un  mor- 
ceau de  toile  d'un  pouce  de  hauteur 
&  d'un  peu  plus  de  trois  pouces  de 
largeur ,  donr  on  réunit  &  fixe  les 
deux  extrémités  par  des  points  ,  ce 
qui  forme  alors  un  cylindre.  On  I4 
remplit  couche  par  couches  de  co- 
ton j  que  l'eu  ptefle  vivement.  Aa 
Z  z  z  z 


730  M  U  C 

bas  du  cylindre  &  de  chaque  cô- 
ré  ,  on  attache  un  morceau  de  ru- 
ban de  hl  au  moyen  duquel  on  tient 
commodément  le  cylindre  fixé  dans 
l'endroit  qu'on  veut  cautérifcr  ;  en- 
fuite  on  met  le  feu  au  haut  du  cône. 

J'ai  vu  réulîir  avec  le  plus  grand 
fuccès  ,  cette  cautérifation  dans  les 
commencemens  des  maladies  de  poi- 
trine ,  en  appliquant  le  moxa  deux 
pouces  au-deirus  du  creux  de  l'efto- 
mac  ;  fur  les  parties  affectées  de  rhii- 
matifmes ,  &  de  rhumatifmes  gou- 
leux.  U  me  paroît  que  dans  ces  cas 
urgens ,  le  moxa  doit  très-utilement 
fupplcer  les  vcficatoires  ,  vu  que 
fon  effet  eft  plus  prompt  :  d'ailleurs, 
on  ne  craint  pas  ,  comme  avec  les 
véficatoires  ,  les  funeftes  effets  des 
jnouches  cantarides  fur  la  veffie. 

Il  convient  d'entretenir  la  plaie 
faite  par  la  brûlure  ,  par  l'application 
ties  feuilles  de  bettes  ou  de  cardes- 
poirées  ,  ou  de  laitues  \  (  f^oyei  as 
îMots  )  Il  en  découle  une  eau  ordinai- 
rement limpide  ,  Se  c'efl  la  matière 
de  l'humeur  qui  fort  par  cette  voie. 

MUCILAGE,  Subftance  qu'on  re- 
tire àQi  plantes ,  qui  efl:  parfaitement 
mifcible  à  l'eau,  tk  la  leule  dans  la 
nature  qui  foit  nourrilTante  \  on  l'ap- 
pelle gilatïntufc  dans  le  règne  ani- 
mal ;.  quant  au  fond ,  c'eit  la  même 
fubftance  que  celle  qu'on  tire  des 
végétaux  :  ce  qui  nourrit  dans  la  fa- 
rine,  dans  les  fruits,  dans  les  vian- 
des, &c,  c'eft  cette  partie  muqueufc  ou 
mudlûglneufe.  {  f^oye^  le  mot  Pain) 
Ce  mucilage  eil  uni  naturellem.ent 
ou  artiticiellemenc  avec  une  portion 
fucrée ,  &z  tous  deux  étendus  dans  un 
fiaide  en  quantité  proportionnée,  la 
fermentation  s'établit  ,  (  J^oye^  ce 
Bioc  )  il  en  téfulre  un  vin,  &  de  ce 


M  U  F 

vîn  on  retire  de  l'efprir  ardent  ou 
eau-de-vie.  Tel  eft  le  réfultat  de  la 
fermentation  de  la  liqueur  du  taiiin, 
du  cidre  ,  du  poiré  ,  de  l'orge  fer- 
mentée  pour  la  bière  ,  &c.  Le  mu- 
cilage eft  en  général  plus  particulier 
aux  femences  <Sc  aux  racines,  qu'aux 
tiges  &  aux  fleurs  :  les  plantes  gra- 
minées font  exceptées  de  cette  règle. 
Les  gommes  pures  font  àQS  muci- 
lages. 

MUFLE  DE  VEAU.  (  Foyei. 
Planche  XX/ÎI  ^  page  6yi  )  Tour- 
nefort  le  place  dans  la  quatrième 
feétion  de  la  quatrième  clafTe  des 
fleurs  d'inie  ftule  pièce  irrégulière, 
terminées  par  un  mufle  à  deux  mâ- 
choires ,  <Sc  il  l'appelle  anthirrinum 
vulgare.  Von  Linné  le  nomme  anthir- 
rinum inajus  _,  &  le  claffe  dans  la 
dydinamie  angiofpermie. 

Fleur.  Compofée  d'un  tube  très- 
long,  divifé  en  deux  lèvres  j  la  fupé- 
rieurelendue  en  deux,  &z  l'intérieure 
en  trois.  B  repréfente  la  lèvre  fupé- 
rieure  avec  les  quatre  étamines,  dont 
deux  plus  longues  &  deux  plus  cour- 
tes. C  fait  voir  le  calice,  le  piftil  & 
l'embrion. 

Fruit.  Capfule  fingulière  quand 
elle  eft  feche  ;  elle  repréfente  le 
mufle  d'un  veau  ,  d'où  la  plante  a 
tiré  fa  dénomination.  On  le  voit  en 
D  :  cette  capfule  efV  partagée  en  deux 
loges,  remplies  de  femences  menues. 

Feuilles.  Entières  ,  en  forme  de 
fer  de  lance ,  portées  par  des  pétioles. 

Racine  A.  En  forme  de  fufeaux, 
avec  des  rameaux  latéraux  &  che- 
velus. 

Port.  Tige  haute  de  deux  à  trois 
pieds,  fuivant  le  fol  &  la  culture, 
droite ,  rameufe  ;  les  fleurs  au  haut 
de  la  tige  difpofces  en  épi,  les  feuilles 


M  U  G 

alternatiyenienc  placées  fur  elles.  La 
fleur  eft  purpurine  ,  plus  ou  moins 
foncée  en  couleur  ;  il  y  en  a  une  va- 
tiété  à  fleur  blanche  &  à  Heur  jaune. 

Lieu.  Les  rerreins  incultes ,  les  vieux 
murs.  La  plante  eft  vivace;  on  l'a  tranf- 
portée  dans  nos  jardins  ,  &c  elle  fert 
de  décoration  dans  les  plates-bandes. 

Propriétés.  On  la  dit  vulnéraire  , 
&  on  l'emploie  en  décodion. 

Culture.  Le  lieu  où  elle  croit  fpon- 
tanément  prouve  que  fa  culture  n'eft 
pas  difficile.  On  multiplie  le  mufle 
'de  veau  de  deux  manières ,  &  par  fe- 
mence  &  par  filleule.  On  lefème  dès 
que  l'on  ne  craint  plus  les  gelées  d» 
l'hiver.  Dans  les  provinces  du  midi 
&  du  centre  du  royaume,  les  plantes 
provenues  des  femis ,  fleuriront  en  au- 
tomne ,  &  les  autres  au  printemps 
fuivant,  à  moins  que  l'été  des  pro- 
vinces du  nord  n'ait  été  chaud .... 
On  multiplie  la  plante  par  filleule  , 
en  en  féparant  les  tiges  ,  &  en  les 
emportant  avec  leur  racine  ;  chaque 
bcin,  ainfi  garni  de  racines,  reprend 
avec  la  plus  grande  facilité.  L'opéra- 
tion doit  être  faite  ou  vers  la  fin  de 
l'automne,  ou  avant  que  la  fève  fe 
foit  mife  en  mouvement  après  l'hiver  : 
ces  plantes  ciaignent  les  terreins  hu- 
mides &  marccigeux.  Si  on  veut 
qu'elles  fleuriflent  pendant  prefque 
toute  l'année  ,  il  faut  couper  raz  de 
terre  les  tiges  au  moment  qu'elles  ont 
palfé  fleur,  &  répéter  la  même  opé- 
ration après  chaque  fleuiaifon. 

MUGUET  ou  LIS  DES  VAL- 
LEES. Tournefort  le  place  dans  la 
féconde  fedtion  de  la  première  claflTe 
des  herbes  à  fleur  en  grelot ,  dont  le 
piftil  devient  an  fruit  mou  &  alfez 
petit ,  &  il  l'appelle  lilium  conval- 
iium  album.  Von  Linné  le  noram,e 


M  U  G  73Î 

convallaria  majalis ,  &  le  claffe  dans 
l'hexandrie  monogynie. 

Fleur.  En  forme  de  cloche,  d'une 
feule  pièce,  découpée  fut  ies  bords, 
à  quatre  ou  cinq  fegmens  recourbés. 

Fruit.  Sphérique  ,  mou  ,  rouge , 
rempli  de  pulpe  &  de  femences 
dures,  entaflees  les  unes  fut  les  autres. 

Feuilles,  Pour  l'ordinaire  au  nom- 
bre de  deux,  grandes,  ovales  ,  par- 
tant des  racines  &  enibraflant  la  tige 
par  leur  bafe. 

llacine.  Horizontale  ,  charnue  , 
noueufe  ,  traçante. 

Port.  La  tige  eft  nue ,  elle  s'élève 
à  un  demi  pied,  porte  plufieurs  fleurs 
difpofées  en  grappes,  îk  rangées  d'un 
féal  coté. 

Lieu.  D.ans  les  bois  du  centre  da 
royaume  ,  la  plante  eft  vivace  pat  fa 
racine  tk  fleurit  au  printemps. 

Propriétés.  Les  fleurs  ont  une 
odeur  pénétrante  très-agréable,  leur 
faveur  eft  amère  \  elles  font  atté- 
nuantes, antifpafmodiques,  &  tien- 
nent le  premier  rang  entre  les  cépha- 
liques  j  les  fleurs  feules  font  en  ufage 
en  médecine. 

Vfao:\  L'huile  par  macération  des 
fleurs  oftre  un  parhim  agréable;  elle 
relâche  la  portion  des  tégumens  fur 
le(quels  elle  eft  appliquée  :  les  fleurs 
fèchées,  pulvérifées,  tamifées  &:  inspi- 
rées par  le  nez ,  déterminent  l'évacua- 
tion des  humeurs  féreufes  qui  rem- 
plillent  la  membrane  pituitaiie.  Sous 
cette  forme  elles  font  indiquées  dans 
le  larmoyement  par  abondance  d'hu- 
meurs féreufes,  pat  des  humeurs  pi- 
tuiteufes,  dans  le  catarrhe  humide, 
L'enchifrénement,  lorfqu'il  n'exifte  pas 
de  difpofitions  inflammatoires. 

Il  n'eft  aucun  propriétaite  habitant 
la  campagne,  qui  ne  doive  avoir  chez 
foi  une  petite  provilion  de  bonne 
Z  z  z  z  1 


732  M  U  I 

cau-de-vîe,  dans  laquelle  on  fait  in- 
fufer  les  fleurs  du  muguet.  Si  l'eau- 
de-vie  marchande  eft  trop  foible  ou 
trop  aftoiblie  par  l'eau  ,  il faut  fe  fervir 
d'efprit-de-vin.  On  remplit  une  ou 
deux  bouteilles  de  pinte  ,  avec  des 
fleurs  de  muguet,  fans  les  prellerj  on 
ajoute  pat-  dedus  autant  de  bonne 
eau-de-vie  ou  d'efprit-de  vin  que  cha- 
que bouteille  peut  en  contemrj  enfin 
on  les  bouche  exactement  j  on  les 
lailTe  ainfi  macérer  pendant  quelques 
mois  dans  un  endroit  naturellement 
chaud.  Au  bout  de  ce  temps,  on  palIe 
la  liqueur  à  travers  un  papier  gris  j  on 
retire  les  fleurs,  on  exprime,  à  l'aide 
d'un  linge,  le  fluide  qu'elles  ont  re- 
tenu, afin  de  la  pafler  par  le  papier 
gris,  &  tout  le  produit  en  liquçur  eft 
mêlé  enfemble ,  &  renfermé  dans  des 
bouteilles  bien  bouchées  Voici  les 
ufages  auxquels  on  peut  employer  cette 
liqueur  ,  dont  je  répond  de  l'efHcacité 
après  une  expérience  de  trente  années. 

Dans  les  indigeftions  ,  dans  les 
dérangemens  d'eftomacpar  foiblelfe, 
on  en  prend  une  cuillerée  à  bouche. 
Cet  élixir  bien  fimple  réuilît  fingu- 
liètement  dans  les  coliques ,  lors  de  la 
fupprellion  du  flux  menftruel ,  dans 
les  défaillances  ,  les  fyncopes ,  à  la 
dofe  indiquée  ci-deflus  ;  dans  les  pre- 
miers momens  de  l'apoplexie  féreufe 
on  double  la  dofe. 

Cet  élixif ,  infpiré  par  le  nez  lorf- 
qu'une  abondance  d'humeurs  féreufes 
fe  jette  fur  les  yeux  ,  fait  beaucoup 
cternuer ,  &  détourne  cette  humeur. 
C'eft  ainfi  que  j'ai  rendu  la  vue  à  un 
Jellinateur  ,  après  avoir  ,  pendant 
quinze  jours  de  luire,  infpiré  chaque 
matin  un  peu  d'élixir. 

MuGtJEr    DES     BOIS  ,    OU    HÉpa- 

riqvz    ÉToiLÉE.   {  Voyez    Planche- 


M  U  L 

XXIII 3  page  6-ji.  )  Tournefort 
nomme  cette  plante  aparine  lati- 
folia  j  humllior  j  montana  ;  Se  Von 
Linné  la  déligne  fous  le  nom  de- 
afperula  odorata  j  &  la  place  dans  la 
tétandrie  monogynie.    ■ 

Fleurs.  PéJunculées,  ternifnales,. 
blanches  &  compofées  d'un  tube  di- 
vifé  en  quatre  parties  B. 

Fruir.  Sec  &  un  peu  velu  E  &  F, 
furmonté  d'un  piftil  D. 

Feuilles.  Ovales  ,  lancéolées ,  nn' 
peu  ciliées  fur  leur  bord,  au  nombre- 
de  huit  par  verticilles  j  les  fupérieutes- 
font  plus  grandes  que  les  inférieures. 
€  fait  voir  le  calice. 

Racine  A.  Branehue  ,  chevelue 
Se  vivace. 

Porc.  Tiges  hautes  de  fix  à  fept- 
pouces,  fimples,  lifles,  feuillées  &- 
légèrement  anguleufes. 

Lieu.  Les  bois  Se  les  lieux  couverts.- 

Propriétés.    L'herbe   verte    &c    à/ 
demi  formée,  a  une  odeur  agréable  :- 
elle   eft  resardée    comme   tonique, 
vuhieraire  ,    tk.  légèrement  emeija-- 
çocrue. 

MUID.  Mefure   dont  on  fe  fert 
pour  les  liquides  &  pour  les  folides. 
A  Paris  le  muid  pour  tous  les  grains- 
eft  compofé  de  douze  fetiers  ;  chaque' 
fetier  contient  deux  mines  j  chaque, 
mine   deux   minots;    chaque    minoC' 
trois  boiffeaux;  chaque boifleau quatre- 
quaits  de   bollfeau  ou  feize  litrons; 
chaque  litron  trente- fix  pouces  cubes,^ 
qui  excèdent  notre  pinte  de  i  ~{  pouces 
cubes  :  le  fetier  de  froment  pèfe  de 
deux  cent  quarante  à  deux  cent  cin- 
quante livres ,  poids  de  marc ,  fuivant 
la  bonté  du  gtain. 

Le  muid   d'avoine  eft  double  do.- 
muid  de  froment,  quoique  compofé-  . 
comme  celui  -  ci  de  doaze  fetisrs  ;,-, 


MUE 

maïs  chaque  fecier  contient  vîng> 
quatre  bollfeaux-  le  muid  de  charbon 
de  bois  contient  vingt  mines,  facs  ou 
charges,  chaque  raine  deux  minots , 
chaque  minot  huit  boilleaux  ,  chaque 
boideau  quatre  quarts  de  boilTeau. 

On  mefure  également  le  vin  par 
muid,  ainlï  que  les  autres  liqueurs. 
Le  muid  de  vin  fe  divife  à  Paris  en 
demi  muid,  quatre  quarts  de  muid, 
&  huit  demi  -  quarts  de  muid.  Le 
muid  de  Paris  contient  deux  cent 
quatre-vingt-huit  pintes  j  celui  du 
Bas-Languedoceftde(ixcent  foixante- 
quinze  bouteilles,  mefure  de  Paris, 
&  en  temps  de  guerre  cette  mefure 
ne  coûte  fouvent  que  dix -huit  à 
vingt  livres. 

MULE.  (  F'oyei  Engelure) 

MULES  TRAVERSINES.  Mé- 
decine VÉTÉRINAIRE.  On  douiie  ce. 
nom  à  des  efpèces  de  crevaffes,  d'où 
fuinte  une  fcrofité  tétide,  &  qui  font 
fîtuées  fur  le  derrière  du  bouler.  11 
sft  rare  qu'elles  arrivent  aux  pieds 
de  devant  :  c'eft  fans  doute  à  raifon 
de  leur  pofuion  tranfverfale  ,  qu'on 
les  appelle  travcrfines ^  travcr/icres  j 
ôcc. 

Elles  font  toujours  douloureufes, 
&  ne  fe  guérllfent  pas  facilement, 
attendu  que  le  cheval  en  marchant, 
meut ,  étend  &  plie  fuccelhvement 
l'articulation  ,  ce  qui  les  ouvre  ,  & 
les  irrite  continuelkment. 

On  les  guérit  dans  le  commen- 
cement, en  y  appliquant  des  cata- 
plafmes  émoUiens  &  adoucillans ,  & 
enfuite  des  deflîcatifs'  qu'on  fait 
tomber  avec  la  brolfe.  Quant  aux 
mules  traverjines  invétérées  &  de  mau- 
■çaife  qualité,  on  emploira  les  remèdes 
indiqués  aaix  mots  Creyasse,  Cra- 


M  U  L 


733 


rAUDiNE  ,  &  fur- tout  à  l'excelienc 
traité  des  eaux  aux  jambes  ^  inféré 
dans  cet  ouvrage  ,  tom.  IV.  pag.  84. 
par  M.  Huzard,  vétérinaire  rrès-dif- 
tingué  dans  la  capitale.  M.  T. 

MULET ,  MULE.  Le  mulet  eft 
un  quadrupède,  pour  l'ordinaire  ,  en- 
gendré d'un  âne  &  d'une  jument,, 
quelquefois  d'un  étalon  &  d'une 
âneife.  La  croups  de  cet  animal  eft 
affilée  &  pointue  ,  fa  queue  &  fes 
oreilles  tiennent  beaucoup  de  celles 
de  l'àne  ;  pour  le  refte,  il  refiemble 
au  cheval.  11  tient  de  l'âne  la  bonté 
du  pied  ,  la  sûreré  de  la  jambe  &: 
la  famé  j  il  a  les  reims  très-  forts,  & 
il  porte  des  fardeaux  plus  cunfidé- 
rables  que  le  cheval.  On  donne  le 
nom  de  mule  à  la  femelle  de  cet 
animal.  Nous  allons  traiter  un  peiîi 
au  long  de  l'un  &  de  l'autre. 

CHAPITRE   PREMIER. 

Parallèle  du  mulet  avec  le  Bardeau,  • 

En  confervant ,  dit  M.  de  Buffon  , , 
le  nom  de  mulet  à  l'animal  qui  pro-- 
vient  de  l'âne  &  de  la  jumenr,  nous- 
appellerons  bardeau  _,  celui  qui  a  le; 
cheval  pour  pèrec^i  l'àiielfe  pour  mère,. 
Perfonne  n'a  jufqu'à  préfent  obfervc. 
les  différences  qui  fe  trouvent  entre: 
ces  deux  animaux  d'efpèt:e  mélançce;. 
c'ell  néanmoins  l'un  des  plus  sûrs 
moyens  que  nous  ayons  pour  recon- 
noître  &  diflinguer  les  rappotts  ds: 
l'influence  du  mâle  &  de  la  femelle  j. 

dans  le  produit  de  la  génération , 

Le  bardeau  eft  beaucoup  plus  périt, 
que  le  mulet,  il  paroît  donc  tenir  def 
fa  mère  l'ânelfe ,  les  dimenfions  du. 
corps;  &  le  mulet,  beaucoup  pUiss 
grand  &  plus  gros  que  le  bardtau  ,, 


734  M  U  L 

les  tient  également  de  la  jument  (x 
mère  ;  la  grandeur  &  la  grolfeur  du 
corps ,  paroilTenc  donc  dépendre  plus 
de  la  mère  que  du  père  ,  dans  les 
elpèces  mélangées.  Maintenant ,  û 
nous  contîdérons  la  forme  du  corps , 
ces  deux  animaux,  pris  enfemble  , 
paroiflent  être  d'une  êgure  différente  j 
le  hdrdeau  a  l'encolure  plus  mince, 
le  dos  plus  tranchant  ,  en  forme  de 
dos  de  carpe  ,  la  croupe  plus  pointue 
&  avalée  ,  au  lieu  que  le  mulet  a 
l'avant -main  mieux  tait,  l'encolure 
plus  belle  &  plus  fournie ,  les  côtes 
plus  arrondies ,  la  croupe  plus  plei- 
ne ,  &  la  hanche  plus  ur.ie.  Tous 
deux  tiennent  donc  plus  de  la  mère 
-que  du  père,  non-feulement  pour  la 
grandeur,  mais  aulli  pour  la  forme 
du  corps.  Néanmoins ,  il  n'en  eft  pas 
de  même  de  la  tère,  des  membres 
&c  des  ancres  extrcmicés  du  corps. 
La  tète  du  bardeau  eft  plus  longue , 
&:  n'eft  pas  fi  grofle  à  proportion 
que  celle  de  l'àne  \  &:  celle  du  mulet 
eil  plus  courte  &  plus  grolTe  que 
celle  du  cheval.  11  tiennent  donc  pour 
la  forme  &  les  dimenfions  de  la  tête , 
.plus  du  pète  que  de  la  mère.  La  queue 
du  bardeau  eft  garnie  de  crins,  à-peu- 
près  comme  celle  du  cheval  :  la  queue 
du  mulet  eft  ptefque  nue ,  comme 
celle  de  l'âne  ;  ils  relTemblent  donc 
à  leur  père  par  cette  extrémité  du 
corps.  Les  oreilles  du  mulet  font 
plus  longues  ^ue  celles  du  cheval ,  & 
les  oreilles  du  bardeau  font  plus  cour- 
tes que  celles  de  l'âne;  les  autres  ex- 
trémités du  corps  appartiennent  donc 
aufli  plus  au  père  qu'à  la  mère  :  il 
en  eft  de  même  de  la  forme  des 
jambes,  le  mulet  les  a  sèches  comme 
l'âiw  \  &■  le  bardeau  les  a  plus  four- 
nies :  tous  deux  relTemblent  donc  par 
îa  tête ,  par  les  membres ,  &  par  les 


M  U  L 

autres  extrémités  du  corps  ,  beaucoup 
plus  à  leur  pète  qu'à  leur   mète. 

CHAPITRE      II. 

Des  moyens  pour  avoir    de    beaux 
&   bons  mulets. 

Pour  avoir  des  mulets  pour  la  pa- 
rade &  .pour  voyager ,  on  fe  fert  des 
ânes,  les  plus  gros  &  les  mieux  cor- 
fés  qu'on  peut  trouver ,  &  on  leur 
fait  fauter  des  jumeni  efpagnoles.  Ces 
animaux  ainfi  accouplés  ,  produifent 
des  mulets  fuperbes ,  d'une  couleur 
qui  tire  ordinairement  vers  le  noir. 
On  en  fait  venir  encore  de  plus  forts, 
en  leut  faifant  fauter  des  jumens  fla- 
mandes; cette  efpèce  eft  ordinaire- 
ment aulli  vigoureufe  que  les  plus 
forts  chevaux  de  caroffe  ;  ils  réfiftent 
même  à  des  travaux  plus  rudes,  font 
nourris  à  moins  de  frais,  &  font  ex- 
pofés  à  moins  de  maladies. 

CHAPITRE      I  I  L 

Tics  Joins  qu'il  faut  avoir  pour  Je 
procurer  de  bons  mulets  ,  relative- 
ment à  l'ufage  auquel  on  les  def- 
tine. 

Les  mulets  fervent  à  la  felle  ,  à 
la  charrette  ou  à  la  charrue  ;  leur  pas 
eft  doux  &  aifé  ,  &  leur  trot  n  ell 
pas  fi  fuiguant  que  celui  du  cheval. 
En  général ,  avant  que  de  faire  pro- 
pager ces  animaux ,  il  hiut  favoir  quel 
fervice  on  prérend  eii  tirer  ;  on  choifit 
en  conféquence  fes  Jumens  ;  car  il 
eft  de  fait ,  que  le  mulet  tient  plus 
de  la  mète  que  du  pète  ;  fi  les  mu- 
lets,  donc,  font  deftinés  à  la  felle, 
il  faut  choifir  une  jument  alongée 
&  légère,  tandis  que  l'on  doit  choifir 
les  jumens  les  plus  fortes  &  les  plus 


M  U  L 

mafîîves ,  quand  ou  les   deftine   à  la 
eharrecte  ou  au  labourage. 

CHAPITRE      IV. 

Ce  qu'il  y  a  à  rechercher  dans  la 
mule  &  le  mulet ,  pour  qu'ils  fuient 
.bons. 

Xj\\Q  mule  bonne  &  propre  au  tra- 
vail doit  avoir  le  corfage  gros  & 
rond,  les  pieds  petits ,  les  jambes 
menues  &  sèches ,  la  croupe  pleine 
&  large  ,  la  poitrine  ample ,  le  col 
long  Se  voûté,  la  tête  sèche  &  petite. 

Le  mulet,  au  contraire,  doit  avoit 
les  jambes  un  peu  grolFes  6c  rondes, 
le  corps  étroit,  la  croupe  pendante 
vers  la  queue.  Les  mulets  font  plus 
forts,  plus  puilTansj  plus  agiles  que 
les  mules,  &  vivent- plus  long-tems. 

CHAPITRE     V. 

Du  climat  le  plus  propre  au  mulet. 
De  la  durée  de  fa  vie.  De  fon  âge. 
De  la  manière  de  le  nourrir  &  de 
connaître  l'â^'c. 

a 

Le  mulet  efl:  un  animal  d'autant 
plus  précieux,  qu'il  vient  &  Te  main- 
tient vigoureux  dans  toutes  fortes  de 
climats.  Ceux  qui  font  jiés  dans  les 
pays  froids  font  toujours  les  meil- 
leurs j  l'expérience  prouve  qu'ils  vi- 
vent plus  long-tems  que  ceux  qui 
viennent  dans  les  pays  chauds.  On  en 
élève  beaucoup  en  Auvergne,  en  Poi- 
tou, dans  le  Mirebalais.  Il  y  en  a 
de  très-beaux  en  Efpagne  :  on  en  fait 
des  attelages  de  carrolfes. 


M  U  L 


73  5 


Quant  à  la  durée  de  la  vie  de  cet 
animal ,  &  à  la  manière  de  le  nour- 
rir ,  elle  eft  la  mcme  que  pour  le 
cheval.  (  Voye^  cet  article  j  tom,  IIL 


236.) 
CHAPITRE 


V  I. 


Des  maladies  auxquelles  le  mulet  eji 
fujet. 

On  trouve  dans  le  dictionnaire  éco- 
nomique, plulleurs  recettes  contre  les 
maladies  des  mulets.  Il  en  eft;  fur-tout 
une  contre  la  fièvre  que  nous  ne  fau- 
rions  approuver.  Il  faut,  dit-on,  leur 
donner  à  manger  des  choux  verds. 
Quelle  peut  être  la  raifon  d'une  pa- 
reille indication  ?  Ne  vaudroit-il  pas 
mieux  confultcr l'expérience,  &  dire, 
(i  la  manière  de  vivre  des  mulets  eft: 
la  même  que  celle  du  cheval,  fi  les 
caufes  des  maladies  qui  affligent  l'un 
&  l'autre  de  ces  animaux,  dépendent 
également  de  la  manière  peu  con- 
venable dont  ils  font  foignés  ou  con- 
duits j  fi  l'état  de  fervitude  &  de 
contrainte  dans  lequel  on  les  tient 
perpétuellement,  état  h  t)ppofé  à  leur 
nature ,  font  la  fource  ordinaire  de 
leurs  maladies;  fi  les  fignes ,  la  mar- 
che ,  les  progrès  de  ces  maladies , 
font  à-peu-près.les  mêmes,  pourquoi 
n'emploieroit-on  pas  les  mêmes  re- 
mèdes ?  Ainfi  l'oyei  Chlval,  en 
ce  qui  concerne  la  divifîon  des  mala- 
dies j  &  chaque  maladie  en  particu-^ 
lier  fuivant  l'ordre  du  diclionnaire ^. 
quant  au  traitement  qui  leur  ejl  prch- 
pre.  M.  T. 


Pj.jV    du    Tome    Si.xième- 


Univer^ftaT" 
BIBLIOTHECA 


ERRATA. 

Aux  mots  Bergerie,  Écurie,  Étable,  il  eft  dit  Voye'^  Fumigation 
îorfqu'il  s'agit  de  les  définfedter,  &  cependant  le  mot  Fumigation  a  été 
omis  5  cet  oubli  eft  réparé  au  mot  Mei'hitisme  ,  à  la  page  49.1.  de  ce 
lîxième  Volume. 

Je  ne  lais  par  quelle  fingularité  ,  ou  fi  c'eft  la  faute  de  celui  qui  a  cor- 
rigé les  épreuves,  il  s'eft  glillc  une  erreur  manifefte  au  mot  Fromjnt  , 
Tome  V,page  izi,  ligne  34,  II^' colonne,  voilà  donc  deux  points  connus  ^ 
&c.  ;  il  faut  lire  jufqu'à  la  fin  de  l'article  :  «  Voilàdonc  deux  points  connus, 
»5  celui  du  total  de  la  fuperficie,  exprimé  par  le  nombre  14400,  &  le  total 
»>  des  grains  par  368^^40.  Pour  favoir  combien  il  y  aura  de  grains  de 
j>  femence  par  pied  quarré ,  il  fuffit  d'établir  cette  proportion  14400:  i  :; 
j>  3(^8640  :  X  la  valeur  ;  la  valeur  de  X  ejl  en  ce  cas  157  j  ce  qui  exprime  la. 
s>  quantité  de  grains  de  femence  contenus  par  chaque  fuperficie  de  pied  quarré^ 
j5  Le  pied  quarré  contient  144 /'oaa'j  quarrés  ,  &  chaque  fupeficie  de  pied 
»>  quarré  ayant  2  5  grains  \ ,  chaque  grain  aura  donc  un  peu  plus  de  cinq 
»>  pouces  quarrés  de  fuperficit.  >> 

Page  113,  I"^  colonne ,  ligne  12  j  efpacé  de  deux  pouces  ;  lifez  :  efpacé 
■de  cinq  pouces. 

Ibid....  ligne  2<j,  en  femant  400  livres;   lifes  ••  en  femant /^o  livres^ 


De  l'Imprimerie  de  Cl.  SIMON ,  Imprimeur  de  Mgr.  l'Archevêqua 
de  Paris  ,  rue  Saiw-Jacgues ,  près  S.  Yvej.  N°.  2.7.  17S5. 


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