Skip to main content

Full text of "Cours d'entomologie, ou de l'histoire naturelle des crustacés, des arachnides, des myriapodes et des insectes; à l'usage des élèves de l'école du Muséum d'histoire naturelle;"

See other formats


■--;..j.-_>.-!j.  A  , 


X'J^v^ 


V 


COURS 


D'ENTOMOLOGIE 


r  s*v^  •  ■> 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  DE  CRAPELET, 

RUE  DE  V  A  U  G  I  R  A  R  D  ,  V^   q. 


COURS  L    J^- 

a 


D'ENTOMOLOGIE, 


OU 


DE  L  HISTOIRE  NATURELLE 

DES  CRUSTACÉS,  DES  ARACHNIDES,  DES  MYRIAPODES 

ET  DES  INSECTES; 

A  l'usage  des  Élèves  de  l'école  du  muséum  d'histoire  naturelle  ; 

PAR  M.  LATREILLE, 

PKOFE.SSEUR-ADM1N1STRATEUR    BE    CET    ETABLISSEMENT; 
DE     L'ACADÉiMIE     DES     SCIENCES  ,     DE    LA     LEGION     D'hONNEVR  ,    elc. 


PREMIÈRE  ANNÉE. 


Discours  d'ouverture  du  Cours.  —  Tableau  de  l'Histoire  de  l'Entomologie.  — 
Généraliîés  de  la  classe  des  Crustacés  et  de  celles  des  Arachnides,  dt-^ 
Myriapodes  et  des  Insectes.  —  Exposition  méthodique  des  Ordres,  lies 
l'auiiîles  et  des  Genres  de  trois  prernières  Clas 


isses. 


OLP^RÂGE  ACCOMPAGNÉ  D'UN  ATLAS. 


^'  ^msi*3g^^Sm 


A  PAKÎS, 

A  LA  LIBRAIRIE  ENCYCLOPÉDIQUE  DE  RORSCl 

RUI::    IIAUTEFEUILLE  ,     AU    COIN'     UE    LA    RDE     DU    BATTOIR. 

l83l  . 


M.  SERRES, 


i>t    l'acaukmik    dks    sciences,    médecin  en  chef    df.    l  hospice 

DE   LA   PITIÉ  ,   etc. ,   etc. 


Tes  lumières,  ton  expérience  et  tes  soins ,  animés  par 
la  plus  tendre  amitié ,  m'ont  deux  fois  arraché  â  la 
mort;  et,  sans  toi,  cet  ouvrage ,  pour  lequel  même  tes 
profondes  recherches  sur  le  système  nerveux  m'ont  été 
si  utiles,  neût  jamais  vu  le  jour.  S'il  m'acquiert  de 
nouveaux  droits  d  cette  estime  honorable  que  m'ont 
value  de  longs  travaux  dans  la  carrière  des  sciences 
naturelles ,  veuillent  ceux  qui  les  cultivent  se  rappe- 
ler que  tu  fus  mon  sauveur,  et  partager  mes  sentimens 
de  gratitude. 

LATREILLE, 

Professeur  d'Entomologie  au    Muséum    d'Histoire  uaturelle  » 
de  l'Académie  des    Scieuces ,  etc. 


Parii,  ce  ao  mai  i83i. 


AVERTISSEMENT. 


DÈS  le  mois  de  mars  de  Tannée  dernière,  époque  de  ma  nomination  à 
la  chaire  d'Entomologie  du  Muséum  d'Histoire  naturelle  ,  créée  par  une 
ordonnance  spéciale,  je  me  suis  disposé  à  répondre  dignement  au  choix 
unanime  que  MM.  les  professeurs  de  cet  établissement,  et  mes  confrères 
de  l'Académie  des  Sciences ,  avaient  fait  de  moi ,  pour  occuper  cette 
place.  Elle  réclamait  avant  tout  des  leçons  simples  et  élémentaires  sur 
cette  branche  de  la  zoologie ,  appropriées  aux  besoins  des  élèves.  La 
partie  entomologique  de  la  seconde  édition  de  l'ouvrage  sur  le  Hcgne 
animal  de  M.  le  baron  Cuvier  semblait  d'abord  pouvoir  me  suffire; 
mais,  outre  que  de  récentes  et  nombreuses  publications  y  nécessitaient 
des  changemens  et  d'importantes  augmentations,  il  fallait  en  simpli- 
fier l'ordonnance  méthodique,  par  la  suppression,  presque  universel- 
le ment  désirée,  des  sous-genres,  ainsi  que  celle  d'une  multitude  de 
genres  équivoques  ou  peu  intéressans.  Leur  nombre  actuel ,  en  effet , 
s'élevant  à  près  de  trois  mille,  serait-il  possible  d'en  faire  l'exposition 
dans  un  cours,  qui  doit  être  limité  à  deux  années  au  plus,  et  à  environ 
quatre-vingts  leçons  !  D'après  ces  motifs,  je  me  suis  déterminé  à  rédiger 
un  cours  d'Entomologie  qui  pût  remplir  le  but  que  je  me  proposais,  et 
la  première  partie  ou  celle  du  cours  de  la  première  année  était  prête, 
lorsque  des  événemens  politiques ,  auxquels  la  jeunesse  a  pris  tant  de 
part,  m'ont  forcé,  ainsi  cpie  bien  d'autres  professeurs,  d'ajourner  mes 
leçons.  Voulant  se  prêter  au  désir  que  j'avais  qu'elles  acquissent  de  la 
publicité,  M.  Roret,  malgré  la  situation  affligeante  de  la  librairie,  s'est 
chargé  de  leur  impression.  Il  a  d'ailleurs  pensé  que  mon  Cours  pourrait 
servir  d'introduction  à  un  ouvrage  général  sur  l'Entomologie ,  qui  doit 
faire  partie  d'une  encyclopédie  méthodique  des  sciences  naturelles ,  dont 
il  a  confié  la  rédaction  à  des  savans  des  plus  distingués ,  professeurs  et 
membres  de  l'Institut  pour  la  plupart,  et  qu'il  a  intention  de  publier,  si 
les  circonstances  deviennent  plus  favorables. 

Cette  série  incalculable  d'animaux  dont  Linné  compose  sa  classe  des 
insectes ,  se  partage  naturellement  en  ceux  qui  ont  plus  de  six  pieds  et 
c{ui  sont  tous  dépourvus  d'ailes ,  et  en  ceux  qui  en  sont  généralement 
munis  et  qui  n'offrent  que  six  pieds  L'exposition  des  premiers,  divisés 
en  trois  classes,  crustacés,  arachnides  ,  myriapodes  ow.  mille-pieds ,  sera 
l'objet  du  cours  de  la  première  année,  celui  que  je  publie  actuellement. 
Un  tableau  de  l'Histoire  de  l'Entomologie,  sujet  tout-à-fait  neuf,  et  où  je 
passe  en  revue  tous  les  écrits  des  anciens  sur  cette  branche  des  sciences 
naturelles,  en  forme,  avec  le  discours  d'entrée,  le  prélude.  Je  présente 


^[[[  AVERTISSEMENT. 

ensuite  successivement  les  généralités  de  ces  trois  classes  ,  ce  qui  donne 
le  moyen  d'en  mieux  saisir  les  rapports  et  l'enchaînement.  De  l'exposi- 
tion de  ces  principes  généraux,  ou  de  cette  sorte  de  philosophie  ento- 
mologique,  nous  arrivons  aux  détails,  c'est-à-dire  au  signalement  des 
coupes  subordonnées  aux  précédentes,  et  dont  plusieurs  sont  disposées 
dans  un  nouvel  ordre.  C'est  ainsi ,  par  exemple ,   que  relativement  aux 
crustacés  et  aux  arachnides ,  j'ai  profité  des  recherches  de  MM.  Sa- 
vi-ny     Milne  Edwards,  Straus,   Walckenaer,    et  des  Mémoires  pos- 
thumes de  Lyonet.  Possédant  enfin  le  dernier  volume  de  la  monogra- 
phie des  coléoptères  carnassiers  terrestres  de  M.    le  comte  Dejean,  j'ai 
soumis  à  un  nouvel  examen  cette  famille  d'insectes.  Le  gênera  de  ceUe 
des  brachélytres  que  vient  de  publier  M.  le  comte  de  Manneirem,  celui 
encore  de  MM  Gaury  et  Percheron,  ayant  pour  objet  les  scaiabaeides 
mélitophiles  ,  le  travail  de  M.  de  ServiUe  sur  les  longicornes  ,  et  d'autres 
Mémoires  dont  l'énumération  serait  trop  longue,  sans  parler  d  une  col- 
lection nombreuse,  fruit  d'acquisitions  pécuniaires  et  de  communica- 
tions qui  m'ont  été  faites  par  MM.  Kirby,  Kliûg,  Théodore  Roger,  Solier, 
Lefebvre,  de  Fonscolombe,  Banon,  Roux,  Gâché,  etc.,  m'ont  permis 
d'améhorer  ma  distribution  de  la  classe  des  insectes.  Mais,  à  cet  égard,  je 
ne  mentionnerai  dans  le  courant  du  texte  que  les  genres  principaux;  les 
autres  seront  exposés  dans  des  tableaux  synoptiques  ,  et  de  cette  manière , 
les  élèves  pourront  se  borner  aux  connaissances  les  plus  essentielles,  ou 
suivre  les  progrès  de  la  science,   s'ils  désirent  ne  pas  en  rester  là.  Le 
Cours  que  je  publie  facilitera  encore  l'étude  du  tableau  général  de  l'En- 
tomologie, qui  forme  les  tomes  iv  et  v  de  l'ouvrage  précité  de  M.  le  baron 
Cuvier,  et  lui  servira  de  complément.  Forcé  de  me  circonscrire,  et  vou- 
lant d'ailleurs  éviter  des  répétitions  inutiles ,  j'y  renvoie  souvent  mes 

lecteurs. 

Les  figures  de  l'atlas  qui  accompagne  ce  livre ,  sont  extraites  des  écrits 
les  plus  recommandables  par  leur  véracité  et  leur  exactitude;  elles 
représentent  les  organes  principaux  de  ces  animaux,  tant  intérieurs 
qu'extérieurs.  L'éditeur  a  déjà  fait  exécuter,  pour  l'ouvrage  projeté  dont 
j'ai  parlé  plus  haut,  un  grand  nombre  de  dessins,  ayant  pour  objet  la 
connaissance  des  genres  les  mieux  caractérisés  et  dont  plusieurs  sont 
inédits.  Les  espèces  servant  de  types  sont  aussi,  pour  la  plupart,  nou- 
velles. Des  dessins  de  cette  sorte,  eussent  été  dès-!ors  ici  superflus,  et 
n  auraient  fait  qu'augmenter  le  prix  d'un  ouvrage  que  l'on  peut  consi- 
dérer, ainsi  que  je  l'ai  annoncé,  comme  une  introduction,  soit  au  pré- 
cédent ,  soit  à  l'étude  générale  de  l'entomologie. 


# 


INTRODUCTION 


A 


L'ENTOMOLOGIE, 

EXTRAITE   DU   COURS   DE  CETTE   SCIENCE, 
PROFESSÉ    AU    MUSÉUM    d'hISTOIRE    NATURELLE.    (l) 


DISCOURS  D'OUVERTURE. 

i^EizE  ans  environ  après  la  mort  du  grand  Linné,  et  lorsque  l'ad- 
ministration du  Jardin  des  Plantes  reçut  une  nouvelle  organi- 
sation, qui,  à  peu  de  changemens  près,  s'est  maintenue  depuis , 
la  quantité  des  espèces  connues  de  cette  grande  division  des 
animaux  que  l'on  distingue  par  la  dénomination  d'iwt^e/teèreV, 
ne  s'élevait  guère  au-delà  de  vingt  mille ,  et  sur  ce  nombre , 
le  Muséum  d'histoire  naturelle  en  possédait  tout  au  plus  la 
quatrième  partie.  Malgré  l'impulsion  générale  imprimée  à  la 
science  par  cet  illustre  naturaliste  ,  sa  méthode ,  à  l'égard  des 
mêmes  animaux ,  n'avait  subi  que  de  légères  modifications.  De 
Géer  l'avait  améliorée  quant  aux  insectes  ,  et  Bruguières  avait 
commencé  quelques  réformes  indispensables  dans  sa  classe  des 
vers.  Le  nombre  des  ordres  et  des  genres  étant  alors  très  borné, 
l'enseignement  établi  sur  cette  méthode  devait  offrir  le  même 
caractère  de  simplicité  :  dans  un  tel  état  de  choses ,  il  pou- 
vait, pour  cette  division  du  règne  animal,  être  confié,  sans 
que  les  élèves  en  souffrissent ,  à  un  seul  professeur.  C'est  ce 
qui  fut  arrêté  par  le  plan  de  cette  organisation.  Le  savant  qui, 
du  temps  de  Buffon ,  avait  été  chargé  de  la  garde  des  herbiers 
du  Jardin  du  Roi ,  qui ,  par  sa  Flore  française,  avait  popularisé 
parmi  nous  la  botanique  ,  et  qui ,  par  la  forme  dichotomique 
employée  dans  cet  ouvrage  pour  le  signalement  des  coupes, 
nous  a  indiqué  une  marche  comparative  qui  écarte  toute  am- 


(i)  Ce  cours  a  été  rédigé  en  i83o. 


4!    «J*    .1 


2  COURS    D  ENTOMOLOGIE. 

biguité  dans  l'exposition  des  caractères ,  fut  destiné  à  occuper 
cette  nouvelle  chaire,  à  l'exercice  de  laquelle  il  était  déjà 
préparé  par  ses  rapports  habituels  avec  Bruguières  et  Olivier. 
Qu'est-il  besoin  de  vous  rappeler  les  services  éminens  qu'il  a 
rendus  à  cette  branche  de  la  zoologie?  Qui  ne  connaît  ses 
travaux,  et  quelle  est  la  nation  cultivant  les  sciences  chez 
laquelle  son  nom  ne  soit  prononcé  avec  la  plus  profonde 
vénération  ?  Il  est ,  quant  aux  coquilles  et  aux  zoophytes ,  le 
Linné  de  notre  époque.  Associé  à  ses  travaux  peu  d'années 
après  qu'il  fut  devenu  professeur  5  adopté  ,  pour  ainsi  dire, 
par  lui  comme  un  de  ses  enfans -,  témoin  journalier  de  ses 
efforts  pour  étendre  le  domaine  de  la  science,  qui  pourrait 
mieux  que  moi  vous  entretenir  de  lui  ?  Mais  à  ces  sentimens 
d'admiration  et  de  gratitude  viennent  se  joindre  ceux  d'une 
vive  affliction  et  d'éternels  regrets.  Il  n'est  plus,  ni  pour 
vous ,  ni  pour  moi,  ce  grand  naturaliste  que  j'avais  eu  le  bon- 
heur de  connaître  à  une  époque  où  ,  bien  jeune  encore,  je 
recevais  des  leçons  de  botanique  de  son  ami ,  l'abbé  Haùy» 
Ne  pensez  pas  de  grâce ,  Messieurs ,  que  cette  portion  de  son 
héritage  scientifique  que  je  viens  de  recueillir,  tempère  ma 
douleur ,  et  influe  sur  ma  résignation  aux  lois  d'une  destinée 
générale.  Lorsque  près  de  quatorze  lustres,  dont  la  moitié  s'est 
écoulée  dans  les  tribulations,  pèsent  sur  ma  tête,  une  voix 
intérieure  ne  me  répète-t-elle  pas  souvent  :  Et  toi  aussi,  tu  des- 
cendras bientôt  dans  la  tombe  !  IN'impose-t-elle  point  silence 
à  la  vanité  et  à  l'ambition  ?  Vous  le  savez ,  Messieurs ,  la  pos- 
térité ne  nous  jugera  pas  d'après  les  honneurs  et  les  titres 
dont  nous  nous  glorifions,  mais  sur  la  manière  dont  nous 
aurons  rempli  nos  devoirs  envers  la  société.  L'avenir  élant 
près  de  se  fermer  pour  moi,  une  dignité  nouvelle  pourrait-elle 
me  servir  de  rempart  contre  le  passé  ?  Ah  î  si  je  n'avais  suivi 
que  cette  pente  si  naturelle  qu'après  un  long  voyage  tout 
homme  a  pour  le  repos,  je  me  serais  empressé  de  renoncer  à 
cette  place,  d'autant  mieux  que  l'obligation  d'être  toujours 
au  courant  des  nouvelles  découvertes,  de  marcher  avec  la 
science,  dont  les  progrès  sont  si  rapides,  exigeront  de  ma  part 


DISCOURS    d'ouverture. 


des  efforts  pénibles  et  capables  d'altérer  de  plus  en  plus  ma 
santé.  Mais  lui  ayant  consacré  plus  de  cinquante  ans  de  ma  vie, 
pouvais-je  maintenant  lui  être  infidèle?  elle  m'avait  consolé 
dans  nos  orages  politiques  ;  deux  fois  elle  avait  détourné  le 
glaive  prêt  à  me  frapper,  et  je  me  serais  refusé  à  de  tels  sacri- 
fices! Non,  Messieurs,  sentant  qu'ils  m'étaient  prescrits  par 
l'honneur  et  la  gratitude ,  je  me  suis  armé  d'un  nouveau  cou- 
rage, et  j'ai  juré  de  lui  dévouer  les  derniers  instans  de  ma 
carrière,  à  moins  d'une  impuissance  physique  absolue. 

Isolée  et  comme  effacée  de  la  liste  des  nations  par  les  orages 
de  noire  terrible  révolution  et  par  ces  guerres  interminables 
qui  ont  embrasé  le  monde  entier  ,  la  France  triomphante  sur 
terre  ,  humiliée  sur  l'Océan ,  ne  pouvait ,  faute  de  communi- 
cations, voir  ses  musées  d'histoire  naturelle  s'enrichir.  Quand 
je  dis  communications,  je  veux  parler  de  celles  qui  n'éprou- 
vent aucune  entrave  et  que  la  paix  nous  facilite-,  car  la  jus- 
tice nous  commande  de  faire  quelques  exceptions,  et  de  rendre 
hommage  au  gouvernement  anglais,  qui,  oubliant  dans  ces 
circonstances  la  haine  qu'il  portait  à  celui  qui  était  à  la  tête 
du  nôtre  ,  favorisa  l'expédition  du  capitaine  Baudin  à  la  Nou- 
velle-Hollande. Le  Muséum  d'histoire  naturelle  ,  par  les  ac- 
quisitions nombreuses  qui  furent  le  résultat  de  ce  voyage ,  par 
celles  que  lui  avait  procurées  antérieurement  un  autre  voyage 
du  même  navigateur  aux  Antilles  ,  par  la  possession  du  cabi- 
net du  Stathouder  et  de  la  collection  qu'Olivier  avait  recueillie 
dansle  Levant,  le  Muséum  d'histoire  naturelle,  dis-je,  changea 
subitement  de  face.  Mais  bientôt  devaient  luire  pour  notre 
infortunée  patrie  des  jours  plus  sereins  et  plus  propices  aux 
sciences  naturelles.  La  France  fut  enfin  réconciliée  avec  les 
autres  nations ,  et  la  paix ,  cette  fille  du  ciel ,  qui  était  depuis 
tant  d'années  l'objet  de  tous  les  vœux,  en  nous  rouvrant 
l'empire  des  mers  et  en  rétablissant  toutes  les  relations  com- 
merciales, devint  aussi  pour  cet  établissement  la  source  de  nou- 
velles prospérités.  Malgré  la  gêne  financière  qu'il  éprouvait 
pour  réparer  les  maux  produits  par  deux  invasions  et  les 
guerres  antérieures ,  le  gouvernement  d'alors  seconda  parfai- 


[^  COURS    D  ENTOMOLOGIE. 

tement  le  zèle  de  divers  naturalistes  voyageurs.  Jamais  les 
amis  des  sciences  naturelles ,  et  particulièrement  les  profes- 
seurs-administrateurs du  Jardin  du  Roi,  n'oublieront  le  dé- 
vouement de  Lalande  fils  ,   de  Duvaucel ,  de  Leschenault , 
tous  martyrs  de  la  science^  ni  les  services  rendus  à  l'établis- 
sement par  MM.  Diard,  Auguste  de  Saint-Hilaire ,  d'Urville, 
Quoy ,  Gaymard ,  Dorbigny ,  Leprieur,  Perrottet,  et  les  natu- 
ralistes de  l'expédition  de  Morée.  D'autres  voyageurs  enrichis- 
saient en  même  temps  les  cabinets  de  Berlin ,  de  Vienne ,  de 
Londres,  etc.  -,  de  sorte  que  l'on  peut  évaluer  à  près  de  cent 
mille  le  nombre  des  espèces  d'animaux  sans  vertèbres  qui 
existent  aujourd'hui  dans  les  collections  d'Europe  réunies. 
Mais  plusieurs  de  ces  espèces  ne  pouvant  trouver  place  dans 
les  méthodes,  plusieurs  même  d'entre  elles  présentant  une 
organisation  qui  en  sapait  les  fondemens,  il  était  indispen- 
sable de  réformer  ces  méthodes  dans  les  points  reconnus  dé- 
fectueux ,  et  de  créer  de  nouvelles  coupes.  L'anatomie  com- 
parée, qui  n'avait  guère  embrassé  jusqu'alors  que  les  animaux 
supérieurs ,  éclairait  maintenant  d'une  vive  lumière  la  portion 
négligée  de  la  zoologie,  et  son  illustre  restaurateur,  M.  le 
baron  Cuvier ,  en  reconstruisant  l'édifice  de  la  science  sur  de 
nouvelles  bases,  avait  changé,  sous  ce  point  de  vue,  la  direc- 
tion des  études.  Il  était  dès-lors  impossible,  sans  détriment 
pour  la  science ,  que  le  même  professeur  fût  chargé  de  l'en- 
seignement de  l'histoire  naturelle  de  tous  les  animaux  sans 
vertèbres.  Si  bien  qu'il  remplît  sa  tâche,  il  lui  fallait  au  moins 
trois  ans  pour  donner  un  cours  complet  de  sa  partie ,  et  beau- 
coup d'élèves  ne  prouvaient  le  suivre  en  entier.  Désirant  de- 
puis long-temps  de  venir  au  secours  de  celui  de  leurs  collègues 
auquel  était  confiée  l'étude  de  ces  animaux ,  MM.  les  pro- 
fesseurs-administrateurs du  Jardin  du  Roi  ont  profité  de  la 
vacance  de  la  chaire  de  M.  le  chevalier  de  Lamarck  pour 
demander  au  monarque   qui  offrira   dans  notre  histoire  la 
triste  parodie  du  dernier  Stuart,  la  division  de  cette  chaire  : 
division  qui  pouvait  s'effectuer  très  naturellement  en  pre- 
nant pour  base  du  partage  la  distinction  établie  entre  ces 


DISCOURS    D  OUVERTURE. 


animaux,  d'articulés  et  d'inarticulés.  On  pouvait  espérer  que 
toute  mesure  capable  de  contribuer  à  l'instruction  de  son 
peuple  et  à  la  gloire  nationale ,  serait  sanctionnée  par  Sa 
Majesté.  La  scission  désirée  a  eu  lieu,  et  le  choix  est  tombé 
sur  les  personnes  désignées  par  la  voix  publique ,  et  surtout 
par  des  juges  compétens,  les  professeurs-administrateurs  du 
Jardin  du  Roi  et  l'Académie  des  Sciences.  Renfermé  aujour- 
d'hui dans  le  cercle  de  mes  études  habituelles,  libre  de  pro- 
fesser à  ma  manière,  je  m'estime  heureux  de  reprendre  des 
fonctions  qu'une  longue  maladie  m'avait  forcé  d'abandonner, 
et  dans  l'exercice  desquelles  ,  d'ailleurs ,  certaines  formes 
et  certaines  limites  imposées  par  mon  respect  pour  M.  de  La- 
marck  gênaient  ma  pensée.  Que  les  difficultés  dont  on  hérisse 
chaque  jour  l'entomologie  par  l'établissement  d'une  foule  de 
genres,  ne  reposant  en  grande  partie  que  sur  des  caractères 
trop  minutieux  et  trop  peu  appréciables,  ne  vous  effraient  pas. 
J'ai  l'intention  de  me  conformer  à  la  marche  suivie  dans  les 
collèges,  celle  de  présenter  uniquement  les  principes  généraux 
et  les  plus  élémentaires,  de  les  appuyer  sur  des  définitions 
claires  et  précises ,  et  de  vous  faire  aimer  la  science  par  l'ex- 
position de  tout  ce  que  l'histoire  des  insectes  nous  offre  de  plus 
intéressant  et  de  plus  propre  à  piquer  votre  curiosité.  Imbus 
de  ces  notions  fondamentales,  formés,  pour  ainsi  dire,  à  cette 
école  primaire,  je  vous  abandonnerai  ensuite  à  vous-mêmes. 
Considérant  le  vaste  champ  de  l'Entomologie  sous  un  point  de 
vue  topographique,  vous  parcourrez  avec  moi  les  grandes 
roules  5  mais  quant  aux  embranchemens  et  aux  chemins  de 
communication  à  la  faveur  desquels  vous  pourriez  pénétrer 
dans  les  parties  les  plus  intérieures,  moins  connues  et  souvent 
peu  accessibles ,  il  me  suffira  de  vous  les  indiquer  ou  de  vous 
fournir  la  boussole  qui  vous  empêchera  de  vous  égarer. 

Après  y  avoir  bien  réfléchi ,  j'ai  senti  qu'il  me  serait  impos- 
sible de  vous  faire,  cette  année  (i)  ,  l'exposition  de  toutes  les 
classes  qui  partagent  maintenant  celle  des  insectes  de  Linné. 

il)  i83o. 


6  COURS    D  ENTOMOLOGIE. 

Un  cours  véritablement  élémentaire  ne  s'improvise  pas  dans 
l'espace  de  quelques  mois.  Il  faut,  ce  qui  n'est  pas  commun 
aux  savans ,  que  je  descende  de  ces  sommités  où  de  longues 
études  m'ont  placé ,  pour  être  de  niveau  avec  vous  ;  que 
j'écarte  les  ronces,  les  épines,  tous  les  obstacles  en  un  mot, 
qui  pourraient  entraver  votre  marcbe ,  et  que  je  n'offre  à  vos 
regards  que  les  objets  les  plus  saillans  et  dont  votre  mémoire 
pourra  le  plus  facilement  retenir  les  noms.  Vous  comprenez , 
Messieurs,  qu'un  tel  mode  d'enseignement  exige  de  longues  et 
profondes  méditations.  Je  sais  en  outre  que  dici  à  l'année  pro- 
chaine il  paraîtra  sur  quelques  ordres  d'insectes  des  ouvrages 
spéciaux  qui  nécessiteront  quelques  changemens  dans  l'expo- 
sition et  la  série  de  certaines  familles.  C'est  ainsi  'que  nous 
attendons  la  publication  d'une  nouvelle  histoire  des  crustacés 
par  M.  Milne  Edwards  ;  celle  des  orthoptères ,  des  hémiptères 
et  des  névroptères  par  M.  Pescheron  5  la  distribution  métho- 
dique des  lépidoptères  par  M.  Boisduval,  et  un  travail  complet 
sur  les  diptères  de  M.  Macquar.  Nous  posséderons  aussi  bien- 
tôt les  belles  recherches  de  MM.  Léon  Dufour  et  Robineau  Des- 
voidy,  qui  ont  reçu  l'approbation  de  l'Académie  des  Sciences. 
J'ajouterai  que  M.  Lepelletier  s'occupe  d'un  ouvrage  sur  les 
hyménoptères,  et  que  MM.  Carcel  et  Delaporte  en  préparent  un 
autre  sur  les  coléoptères.  Voici  donc  l'ordre  que  je  me  propose 
de  suivre  dans  le  cours  de  cette  année.  Je  vous  présenterai 
d'abord  des  considérations  générales  sur  les  animaux  sans  ver- 
tèbres et  leurs  divisions  classiques.  Delà  je  passerai  à  d'autres 
vues  pareillement  générales,  ayant  pour  objet  ceux  de  ces  ani- 
maux de  l'enseignement  desquels  je  suis  exclusivement  chargé, 
les  insectes  deLinné,  et  que  j'ai  distingués  par  la  dénomination 
commune  de  cojidjlopes  (pieds  articulés).  Une  connaissance 
préliminaire  de  leur  organisation  était  indispensable  pour  l'in- 
telligence du  sujet  que  j'aborderai  ensuite,  l'histoire  de  l'ento- 
mologie ,  à  partir  des  temps  les  plus  reculés,  et  où  je  passerai 
en  revue  tout  ce  qu'Aristote ,  Pline  et  quelques  autres  auteurs 
anciens,  nous  ont  appris  sur  ces  animaux.  La  détermination  , 
du  moins  probable,  de  ceux  qu'ils  ont  mentionnés,  l'applica- 


DISCOURS    D  OUVE11TUR1-.  7 

tion  abusive  qu'ont  faite  les  modernes  de  cette  nomenclature 
primitive  :  la  connaissance  de  quelques  faits  positifs  entre- 
mêlée de  beaucoup  de  fables  et  de  contes  merveilleux,  une 
sorte  de  roman  liistorique ,  voilà  ce  que  vous  offrira  un  tel 
sujet.  Aucun  savant  ne  s'en  était  encore  occupé,  et  je  crois 
pouvoir  affirmer,  sans  manquer  aux  convenances  et  sans 
m'écarter  des  règles  prescrites  par  la  modestie,  que  parmi 
ceux  de  nos  jours  ,  il  n'en  est  point  qui  possède  cet  ensemble 
d'instruction ,  ces  vues  embrassant  un  système  général ,  sans 
lesquels  on  ne  peut  débrouiller  un  chaos  si  ténébreux.  Mon 
travail  pourra  servir,  quant  à  la  nomenclature,  de  commen- 
taire aux  écrits  de  l'antiquité  ,  et  j'ose  espérer  que  malgré 
l'aridité  de  semblables  discussions ,  il  vous  inspirera  quelque 
intérêt. 

De  l'histoire  de  la  science  je  passerai  à  l'exposition  détaillée 
de  chaque  classe  et  de  ses  familles.  Certes  si  je  voulais  vous 
présenter  ces  familles  dans  l'état  de  leur  composition  actuelle, 
j'éprouverais  un  grand  embarras,  vu  la  multitude  de  genres 
qui  les  compliquent ,  et  les  difficultés  attachées  à  leur  signa- 
lement. Je  dis  plus  ,  trois  à  quatre  ans  suffiraient  à  peine  pour 
leur  démonstration.  Mais,  comme  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  en 
prévenir,  je  désire  me  placer  de  niveau  avec  vous,  et  vous 
donner  des  principes  simples ,  clairs ,  ou  véritablement  élé- 
mentaires. Afin  d'atteindre  ce  but,  je  supprimerai  ce  qu'on 
appelle  sous-genres,  et  je  n'exposerai  que  les  coupes  généri- 
ques les  plus  intéressantes  pour  vous ,  et  dont  vous  pourrez  fa- 
cilement vérifier  les  caractères  sur  des  espèces  du  pays ,  ou 
que  l'on  trouve  dans  la  plupart  des  collections. 

DES  ANIMAUX  INVERTÉBRÉS  EN  GÉNÉRAL. 

C'est  une  opinion  généralement  admise  que  l'honneur  de 
celte  belle  et  importante  distinction  appartient  aux  temps  mo- 
dernes, et  qu'elle  est  particulièrement  le  fruit  des  méditations 
de  M.  de  Lamarck.  Je  pourrais  d'abord  objecter  que  Duchesne, 
ancien  professeur  d'histoire  naturelle,  l'avait  établie  avant  lui, 
dans  une  lettre  adressée  au  comte  de  Lacépède,  et  insérée 


8  COURS  d'entomologie. 

dans  le  Magasin  encyclopédique  de  Millin;  qu'habitant  la  pro- 
vince et  n'ayant  aucune  connaissance  de  cette  publication, 
j'avais,  moi-même,  dans  mon  ouvrage  intitulé  Précis  des 
caractères  des  ùisectes,  dont  j'avais  commencé  l'impression  en 
Tan  IV  de  la  république,  j'avais  défini  le  mot  insecte,  animal 
sans  veHèbres  ^  etc. ,  et  que  j'avais  envoyé  la  feuille  où  se 
trouvait  cette  définition  à  mon  ami  M.  Duméril ,  qui  se  livrait 
avec  non  moins  d'ardeur  que  moi  à  l'étude  des  insectes;  mais, 
sans  insister  sur  ces  réclamations,  ne  pourrions-nous  pas  mettre 
tous  les  modernes  hors  de  procès  ,  en  montrant  que  cette  dis- 
tinction n'a  point  échappé  aux  anciens ,  du  moins  quant  à  ce 
qu'elle  offre  de  plus  important  ?  or,  c'est  ce  qu'il  est  facile  de 
démontrer.  L'axe  de  la  charpente  osseuse  des  animaux  supé- 
rieurs, la  colonne  vertébrale  ou  le  rachis,  avait  paru  jouer  un 
rôle  si  important  dans  l'économie  animale  que,  dans  le  langage 
symbolique  des  anciens  Égyptiens  rendu  sensible  par  leurs 
figures  hiéroglyphiques ,  c'était  l'emblème  de  la  constitution 
virile.  Lunibum  aut  statum  constitutionemque  lioniinis  vo- 
lentes  notare,  os  spùiœ  dorsi  pingimus  ;  sunt  enim  qui  dicunt 
hinc  semen  defluere,  dit  Hor-ApoUon  dans  son  Traité  de  la 
sagesse  symbolique  des  Egyptieiis,  qui  passe  pour  avoir  été 
traduit  de  leur  langue  en  grec  par  un  nommé  Philippe,  ver- 
sion rendue  en  latin  par  le  père  Caussin ,  et  d'où  j'ai  extrait  le 
passage  précité.  Le  même  ouvrage  nous  en  fournira  d'autres 
non  moins  curieux ,  et  dont  nous  ferons  d'utiles  applications. 
Mais  Aristote  a  été  bien  plus  loin,  car  la  présence  ou  l'absence 
du  rachis  complète  le  signalement  des  deux  divisions  qu'il  fait 
des  animaux ,  en  ceux  qui  ont  du  sang  ,  et  en  ceux  qui  en  sont 
privés  ou  n'ont  qu'une  sanie  ,  ses  ajieima,  ou  les  exsangues  en 
latin.  On  sait  que  M.  le  baron  Cuvier  avait  d'abord  distingué 
ceux-ci  par  la  dénomination  d'animaux  à  sang  blanc  ^  et  dans 
le  fait  c'est  sur  cette  différence  de  couleur  qu' Aristote  paraît 
s'être  fondé  -,  car  en  refusant  un  cœur  à  ces  animaux ,  il  ad- 
mettait cependant  l'existence  de  quelque  chose  qui  y  suppléait, 
qu'il  nommait  mytis  ou  mecon  dans  les  céphalopodes  et  les 
crustacés  ,  et  qu'il  plaçait ,  relativement  aux  insectes  ,  dans  le 


DISCOURS    D  OUVERTURE.  9 

thorax.  Wolton,  dans  son  ouvrage  de  Differentiis  animaliamy 
qui  n'est  qu'un  extrait  des  écrits  des  anciens  sur  la  zoologie  , 
s'exprime  ainsi  :Quœ  sanguine  carejit,  indbque  aneima,  idest 
exsanguia  dicta  sunt;  continent  enim  liœc  non  sanguinem^  sed 
huniorem  alimn  qui  sanguini  proportione  respondeat,  page 
^3,  H;  et  dans  un  autre  passage  (174*  Ï^O  '^^'^  enimvenas , 
hœc  hahent,  non  vesicam^  non  usum  spirandij  sed  tamen 
ununi  quod  cordi  pj^opoj^ionnetur,  id  liaheant  necesse  est.  On 
lit  un  peu  plus  bas  :  osse  carent  exsanguia  omnia,  sed  neque 
spinam  hahent  ut  pisces.  C'est  aussi  par  la  présence  de  cette 
épine  dorsale  qu'Isidore  de  Séville  explique  la  différence  qui 
existe  entre  les  modes  de  respiration  d'un  serpent  et  d'un  ver 
{Origin.,  lib.  XII ,  cap.  v,  au  mot  Vermis),  Le  même  Wotton 
(  174  D.  )  remarque  que  la  lame  osseuse  et  représentant  une 
coquille  de  l'intérieur  des  seiches ,  le  sepium,  ainsi  que  celle 
qui  dans  les  calmars  lui  est  analogue,  mais  de  consistance 
cornée  et  sous  la  forme  d'une  petite  épée,  gladiolus,  ou  en 
^rec  xiphos y  semble  correspondre  à  l'épine  dorsale  des  pois- 
sons. Ces  caractères  indiqués  par  les  anciens  ont  été  malheu- 
reusement oubliés  ou  négligés.  Si  Swammerdam  les  avait  pris 
en  considération  ,  il  n'eût  certainement  pas  placé  la  grenouille 
dans  la  classe  des  insectes,  quoiqu'elle  soit  sujette  comme  eux 
à  des  métamorphoses.  On  n'eût  point  vu  un  Réaumur  (3Iém.y 
tora.  I,  pag.  57  et  58)  nous  déclarer  qu'il  n'aurait  aucune 
peine  à  donner  le  nom  d'insecte  à  un  crocodile  ,  en  convenant 
toutefois  que  ce  serait  un  furieux  insecte.  Un  célèbre  natu- 
raliste formé  à  son  école,  mais  qui  avait  aussi  reçu  des  le- 
çons d'un  autre  grand  maître,  de  Linné,  de  Géer  (Meni. 
insect.  YII,  pag.  680)  nous  rappela  le  premier,  je  crois,  la 
distinction  établie  par  les  anciens  au  sujet  des  animaux  sans 
vertèbres.  Linné  définissait  les  insectes  :  des  animaux  cuirassés 
par  une  peau  osseuse  ^  mais  de  Géer  s'exprima  à  cet  égard 
d'une  manière  plus  rigoureuse.  «  Les  véritables  insectes,  dit- 
ce  il,  sont  des  animaux,  1°.  qui  n'ont  point  de  squelelte  ni 
((  d'ossemens  intérieurs,  mais  dont  le  corps  est  couvert  d'une 
«  peau  plus  ou  moins  dure ,  écailleuse  et  souvent  crustacée  j 


lO  COURS    D  ENTOMOLOGIE. 

((  2°.  qui  ont  le  corps  divisé  en  plusieurs  parties  par  des  étran- 
({  glemens,  ou  des  incisions  plus  ou  moins  profondes,  etc.  » 
C'est  uniquement  de  ce  dernier  caractère  que  se  sont  étayés  la 
plupart  des  naturalistes  des  siècles  précédens  pour  circonscrire 
la  classe  des  insectes.  Quelques  uns ,  même ,  se  sont  montrés 
si    peu  scrupuleux   qu'ils   leur  ont   associé   les   mollusques 
et  les   échinodermes.   Vainement  ai-je  essayé,    et    d'autres 
après  moi ,  de  rapprocher  les  crustacés  et  les  céphalopodes 
des    poissons ,    ou   de   lier    les    animaux    invertébrés   avec 
les  vertébrés  -,  ils  en  sont  évidemment  séparés  par  un  grand 
hiatus,  ainsi  que  le  démontre  la  comparaison  de  leurs  divers 
systèmes  d'organisation.   Les  céphalopodes,  qui  sembleraient 
toucher  de  plus  près  aux  poissons ,  n'offrent  cependant  que 
les  vestiges   d'un   crâne;  point,  en  outre,  de  série   de  ver- 
tèbres  ou  de  rachis  à  l'intérieur,  ni    d'articulations   en  de- 
hors. S'il  nous  était  permis,  dans  une  matière  aussi  étran- 
gère à  nos  recherches  d'émettre  une  opinion ,  nous  pourrions 
dire  que  le  rnjxine  glutlnosa  nous  fournirait  la  ligne  de  dé- 
marcation entre  les  vertébrés  et  les  invertébrés.  Il  résulte  en 
effet  de  la  belle  anatomie  que  M.  Retzius  a  donnée  de  ce  pois- 
son ,  et  qui  a  été  reproduite  dans  les  Annales  des  Sciences 
naturelles  y  que  déjà  le  crâne  n'est  plus  représenté  que  par 
une  lame  cartilagineuse ,  incolore  et  transparente  ;  que  le  cer- 
veau est  le  moins  développé  de  tous  ceux  que  l'on  a  observés 
dans  les  animaux  vertébrés ,  et  que  suivant  la  propre  compa- 
raison de  l'auteur  il  se  rapproche ,  sous  plusieurs  rapports , 
des  ganglions  cérébraux  des  animaux  invertébrés  ;  qu'il  y  a 
absence  totale  du  cervelet  -,  que  les  seuls  nerfs  qu'il  a  pu  re- 
connaître appartiennent  à  la  cinquième  paire,  et  en  partie  à 
la  dixième,  ou  au  uç^vi vague ,  le  même  peut-être  que  celui 
appelé  récurrent  dans  les  insectes;  enfin,  que  la  moelle  épi- 
nière  est  formée  de  deux  cordons ,  et  que  le  rachis  est  rem- 
placé par  un  tuyau  cartilagineux  composé  de  fibres  annu- 
laires.   On  concevra  maintenant  que  ,    puisque   le  système 
nerveux  des  animaux  vertébrés  est  arrivé  à  un  tel  point  d'ap- 
pauvrissement, avec  un  degré  d'imperfection  de  plus,  les  ves- 


DISCOURS    D  OUVERTURE.  I  I 

tiges  du  crâne  et  du  rachis  disparaîtront ,  et  que  la  matière 
grise  qui  unissait  par  une  ligne  médiane  les  deux  cordons  mé- 
dullaires n'existant  plus  ,  ces  deux  cordons  seront  libres.  Y 
a-t-il  maintenant  une  grande  difTérence  entre  ce  système 
nerveux  ainsi  dépouillé  de  sa  gaine  propre  ,  ainsi  affaibli ,   à 
celui  des  derniers  animaux  vertébrés?  Je  ne  le  pense  pas. 
En  se  servant ,   non  d'analogies  et  de  raisonnemens  comme 
moi,  mais  de  sa  vue  de  lynx,  M.  Slraus  est  arrivé  à  une  opi- 
nion semblable.  Mais  ,  quoi  qu'il  en  soit ,  considérant  que  le 
système  osseux  suit  les  mêmes  pbases  progressives  dans  les 
fœtus,  j'ai  comparé  sous  ce  rapport  les  animaux  sans  vertè- 
bres aux  larves  des  reptiles  des  batraciens ,  vues  dans  un  état 
antérieur  au  développement  de  la  colonne  vertébrale.  Que 
leur  corps  soit  articulé  ou  non ,  il  résulte  des  observations  de 
MM.    Cuvier,  Straus  ,  etc.,  que  leurs  tégumens  extérieurs 
représentent  la  peau  des   vertébrés  -,   que  dans  les  articulés 
même ,  comme  les  crustacés ,  les  arachnides  et  les  insectes  , 
ces  segmens  articulaires  ne  sont  que  des  portions  plus  épaisses, 
plus  solides,  annuliformes  de  la  peau,  qui  est  toujours  conti- 
nue ,  les  portions  les  plus  minces  en  formant  les  jointures  : 
c'est  ce  dont  il  est  facile  de  se  convaincre  en  vidant  et  en 
soufflant  leur  corps ,  et  leur  abdomen  notamment.  C'est  ce 
que  l'on  peut  démontrer  encore  par  la  comparaison  de  la 
queue  d'une  écrevisse  divisée  en  tablettes ,  avec  celle  d'un 
autre  crustacé  de  la  même  famille,  les  pagures  de  Fabricius 
ou  les  hermites ,  chez  lesquels  cette  queue  n'a  plus  que  la 
forme  d'un  sac.  Ainsi ,  cette  réunion  de  segmens  est  un  faux 
squelette,  pseudo-skeleton ,  et  telle  est  la  dénomination  que 
j'emploierai  désormais.  Celle  de  têt,  adoptée  par  M.  Straus, 
n'étant  propre  qu'à  la  coquille  des  mollusques,  me  paraît  abu- 
sive et  fausse  même ,  puisque  le  faux  squelette  a  une  compo- 
sition  et  une  forme  très  différentes.  Vainement,  pour  ap- 
puyer une  opinion  contraire,  alléguerait-on  quelques  passages 
d'auteurs  qui  ont  employé  la  première  de  ces  dénominations, 
ou  se  sont  exprimés  en  termes  équivalens.  Par  suite  de  l'ab- 
sence de  toute  charpente  osseuse  intérieure ,  les  muscles  n'oni 


1-2  COURS    d'entomologie. 


eu  d'autre  attache  que  la  peau.  D'autres  changemens  se  sont 
opérés  dans  l'organisation.   «  De  quelque  manière  que  l'on 
«  considère  le  système  nerveux  ,  dit  M.  Serres ,  en  parlant  de 
«  celui  des  animaux  invertébrés  (Anatomie  comparée  du  cer- 
«  veau  des  animaux  'vertébrés ,  tom.  I,  p.  4^^)'   *^^  trouve 
((  un  hiatus  insurmontable  ,  si  l'on  cherche  à  le  mettre  en 
«  rapport   avec    le   système    cérébro  -  spinal   des  vertébrés. 
«  Tout  est  changé,  formes,  rapports,  structure-,  les  noms  de 
«  moelle  épinière  et  de  ganglions  cérébraux ,  donnés  aux  par- 
«  ties  centrales  de  ce  système  chez  les  animaux  articulés,  ne 
«  sont  propres  qu'à  faire  naître  de  fausses  analogies ,  et  à  nous 
«  maintenir  dans  une  fausse  route  d'investigations,  w  Au  sen- 
timent de  ce  profond  zootomiste  ,  les  invertébrés  seraient  ab- 
solument privés  d'encéphale ,  de  nerfs  propres  de  l'olfaction , 
de  la  vision  et  de  l'audition.  Ceux  que  l'on  a  considérés  comme 
tels  dans  les  mollusques  et  les  animaux  articulés,  ne  seraient 
que  des  rameaux  nécessaires  de  la  cinquième  paire  ou  du  nerf 
trijumeau,    et  les  ganglions  céphaliques  qui  étaient  censés 
constituer  le  cerveau  ,  répondraient  aux  ganglions  qu'offre  le 
même  nerf  dans  les  vertébrés.  D'autres  anatomisles  non  moins 
célèbres  ont  pensé  que  les  ganglions  préœsophagiens  des  ani- 
maux articulés  représentaient  les  tubercules  quadrijumeaux 
des  vertébrés,  avec  les  nerfs  de  la  cinquième  paire.  Les  crus- 
tacés sont  les  seuls  où  le  même  savant  précité  ait  aperçu  des 
traces  du  nerf  intercostal  ou  grand  sympathique.  Toujours 
demeure- t-il  constant  que  les  animaux  sans  vertèbres  dif- 
fèrent considérablement,  sous  ces  rapports,  des  vertébrés. 
L'exposition  des  diverses  classes  nous  fera  découvrir  d'autres 
dissemblances  essentielles  dans  les  autres  systèmes  d'organi- 
sation. 

Aristole  partage  ses  animaux  aneimes,  ou  sans  sang,  en 
quatre  classes  :  les  mollusques,  malafiia^  mais  qu'il  restreint 
aux  céphalopodes  de  M.  Cuvier  -,  les  testacés,  osùnchoderma, 
ou  ceux  que  d'Argenville  et  d'autres  conchyliologisles  dé- 
signent ainsi  ^  les  crustacés,  malacoderma ^  et  comprenant 
simplement  ceux  qui  composent  notre  ordre  des  décapodes  et 


DISCO€llS    d'ouverture.  i3 

celui  des  stomapodes  ;  enfin  les  entomes,  entoma^  classe  for- 
mée de  quelques  isopodes,  des  arachnides,  des  myriapodes, 
des  insectes,   d'annélides  et  de  vers   intestinaux.  Les  thétis 
ou  ascidies,  les  holothuries ,  les  astéries,  les  mcdusaires,  les 
alcyons  et  les  éponges  ,  connus  des  anciens  ,  étaient  exclus  de 
ces  classes  5  ils  les  regardaient  comme  des  élres  ambigus,  qui 
tenaient  de  la  nature  de  l'animal  et  de  celle  du  végétal ,  sans 
appartenir  néanmoins  à  l'une  de  ces  deux  divisions  des  êtres 
organisés.  De  là  l'origine  de  la  dénomination  de  zoophytes , 
que  M.  de  Lamarck  a  toujours  repoussée,  quoique,  suivant 
le  sens  qu'attachent  à  ce  mot  les  naturalistes  modernes ,  il  ne 
signifie  qu'un  animal  ayant  la  forme  d'un  végétal,  et  non  réel- 
lement un  animal-plante.  C'est  sans  doute  de  l'observation  des 
zoophytes  qu'Aristote  avait  conclu  que  le  passage  des   êtres 
inanimés  aux  animaux  ne  s'opérait  point  brusquement,  et 
que,  comme  le  dit  d'après  lui  Camus,  la  continuité  des  dégra- 
dations couvre  les  limites  qui  séparent  ces  deux  classes  d'êtres, 
et  soustrait  à  l'œil  les  points  qui  les  divisent.  Telle  est  aussi 
l'opinion  d'un  grand  nombre  de  zoologistes  de  notre  temps. 

La  dénomination  de  vertébrés  ,  donnée  par  M.  Cuvier  à  sa 
première  grande  division  ou  embranchement  du  règne  ani- 
mal ,  emporte  ,  quant  aux  autres ,  l'exclusion  d'un  squelette , 
et  dès-lors  de  toute  colonne  vertébrale.  Ses  seconde  et  troisième 
divisions  ,  les  mollusques  et  les  articulés ,  se  distinguent  de  la 
quatrième  et  dernière  classe,  celle  des  zoophytes  ou  rayonnes, 
par  la  présence  d'un  système  nerveux  offrant  un   cerveau 
placé  sur  l'œsophage,  et  l'embrassant  au  moyen  d'un  collier 
nerveux ,  ainsi  que  par  les  organes  du  mouvement  disposés 
symétriquement  aux  deux  côtés  d'un  axe.  Dans  les  mollusques, 
du  cerveau  partent  des  masses  nerveuses,  éparses,  réunies 
par  des  filets  nerveux  ,  et  la  peau  forme  une  enveloppe  molle, 
contractile  en  divers  sens ,  et  donnant  souvent  naissance  à  des 
corps  pierreux  appelés  coquilles.  Dans  les  articulés,  du  cerveau 
partent  deux  cordons  qui ,  s'étendant  le  long  du  ventre ,  se 
renflent  par  intervalles  en  nœuds  ou  ganglions  5  des  plis  trans- 
verses divisent  les  tégumens,  souvent  dans  un  plus  ou  moins 


1^  COURS    D  ENTOMOLOGIE. 

grand  nombre  d'anneaux,  et  plus  souvent  encore  aux  côtés 
du  corps  sont  attachés  des  membres  articulés.  Les  zoophytes 
ne  présentent  ni  système  nerveux ,  ni  organes  particuliers  -, 
les  organes  du  mouvement  sont  disposés  comme  des  rayons 
autour  d'un  centre ,  et,  lorsqu'ils  n'y  forment  que  deux  séries, 
les  deux  faces  du  corps  sont  semblables  -,  la  plupart  n*ont  pour 
tout  intestin  qu'un  sac  sans  issue.  Ces  animaux,  ainsi  que  l'in- 
dique leur  désignation ,  ont ,  par  leur  forme ,  leur  homogé- 
néité, de  grands  rapports  avec  les  végétaux.  Ajoutons  qu'un 
organe  de  circulation  ou  un  simple  vaisseau  dorsal  qui  en  re- 
trace les  vestiges,  et  que  des  branchies  ou  des  vaisseaux  aériens 
appelés  trachées  f  servant  à  la  respiration  ,  fortifient  les  carac- 
tères propres  aux  mollusques  et  aux  articulés.  Tels  sont  les 
signalemens  essentiels  de  ces  trois  grandes  coupes ,  qui  par- 
tagent la  division  des  animaux  sans  vertèbres.  Chacune  d'elles 
se  distribue  en  diverses  classes,  dont  je  ne  dois,  d'après  l'or- 
donnance royale  relative  aux  deux  chaires  qu'elle  a  établies  à 
l'égard  des  animaux  invertébrés  ,  exposer  que  celles  que  l'on 
a  distinguées  par  les  dénominations  de  crustacés,  à' araclviides 
çX  à' insectes ,  classes  confondues  en  une  seule  par  Linné,  et 
portant  ce  dernier  nom.  Dans  la  méthode  de  M.  Cuvier  ,  elles 
composent,  avec  celle  des  annélides ,  son  embranchement  des 
animaux  articulés.  Les  annélides ,  qu'il  avait  d'abord  nom- 
mées vers  à  sang  rouge ,  ayant  des  vaisseaux  pour  la  circula- 
tion ,  tandis  qu'une  partie  des  arachnides  et  les  insectes  qui 
se  lient  naturellement  avec  les  autres  arachnides  en  sont  dé- 
pourvus, il  fallait,  pour  ne  point  rompre  ces  rapports,  et  en 
suivant  toujours  une  série  simple,  que  les  annélides  fussent  en 
tête  de  l'embranchement ,  ou  précédassent  les  crustacés ,  qui 
en  forment  la  seconde  classe.  Mais  si  l'on  considère  que  ,  sous 
les  rapports  des  organes  des  sens  et  de  la  locomotion,  les  anné- 
lides sont  bien  inférieures  aux  autres  animaux  articulés  5  que, 
quoique  plusieurs  arachnides  et  les  insectes  soient  dépourvus 
d'un  système  de  circulation  sanguine  ,  la  nutrition  ne  s'opère 
pas  moins  chez  eux  par  l'effet  d'une  imbibition  et  d'une 
sorte  de  circulation  aérienne ,   on  sentira  que  la  nature  a 


DISCOURS    D  OUVERTURE.  l5 

assigne  aux  annélides  un  autre  rang ,  et  qu'on  ne  peut  dé- 
terminer qu'en  admettant  une  série  rameuse  ou  multiple. 
Dans  la  distribution  méthodique  de  M.  Cuvier,  les  lépas  et  les 
tritons  de  Linné ,  ou  ces  animaux  avec  laquelle  M.  de  La- 
marck  a  formé  sa  classe  des  cirripèdes ,  déjà  bien  distingués 
comme  une  division  particulière  dans  le  tableau  élémentaire 
de  l'histoire  naturelle  des  animaux  du  premier  ,  sont  rangés , 
quoique  ayant  un  système  nerveux  très  analogue  à  celui  des 
articulés,  avec  les  mollusques,  dont  ils  composent  la  septième 
classe.  Je  pense  qu'en  se  rattachant  à  ces  animaux,  ils  com- 
mencent une  branche  latérale  ,  continuée  par  les  annélides  , 
qui  semblent  se  lier  avec  les  vers  intestinaux.  Certaines  anné- 
lides peuvent  avoir  des  rapports  extérieurs  avec  les  insectes 
myriapodes ,  mais  elles  s'en  éloignent  beaucoup  par  leur  ana- 
tomie  interne.  Quoique  cette  classe  paraisse  donc  conduire 
aux  vers  proprement  dits,  plusieurs  de  ceux-ci ,  néanmoins, 
tels  que  les  lernées  de  Linné ,  semblent  se  réunir  à  des  crus- 
tacés branchiopodes  suceurs ,  notamment  aux  cécrops  et  aux 
dichélestions.  D'après  cette  disposition,  les  mollusques  acé- 
phales sans  coquilles  de  M.  Cuvier ,  ou  les  tuniciers  de  M.  de 
Lamarck ,  nous  amèneraient  tout  naturellement  aux  premiers 
zoophytes ,  les  échinodermes ,  et ,  de  ceux-ci ,  on  passerait , 
sans  rencontrer  en  chemin  les  vers  intestinaux  qui  termine- 
raient la  division  latérale ,  aux  acalèphes.  Si  on  oppose  les 
crustacés  aux  mollusques,  ou  que  l'on  compare  leur  organi- 
sation ,  les  premiers  paraîtront  supérieurs  aux  seconds ,  ou 
sembleront  devoir  au  moins  rivaliser  avec  eux.  Leur  compo- 
sition extérieure  est  d'ailleurs  si  différente  ,  que  ,  placés  avec 
eux  dans  une  même  ligne  ,  ils  y  formeront  un  singulier  con- 
traste. La  concordance  et  la  symétrie  des  rapports  naturels 
ne  pourra  être  rétablie  qu'en  supposant  qu'à  leur  point  ini- 
tial les  animaux  sans  vertèbres  sont  disposés  sur  deux  lignes , 
l'une  formée  par  les  crustacées  ,  les  arachnides  et  les  insectes, 
et  l'autre  par  les  mollusques  avec  une  ramification  ,  et  les 
zoophytes.  Sous  la  considération  de  l'exuviabilité  et  des  méta- 
morphoses, les  animaux  de  la  première  ligne  se  rapproche- 


i6  COURS  d'entomologie. 

raient  des  derniers  ordres  de  la  classe  des  reptiles,  et  ceux 
de  la  seconde  viendraient  après  les  poissons.  Je  n'ignore  pas, 
Messieurs ,  combien  toutes  ces  combinaisons  pour  établir  la 
généalogie  des  êtres  organisés  sont  arbitraires ,  et  qu'il  serait 
peut-être  plus  sage  de  ne  pas  s'en  occuper.  Mais  comme  la 
méthode  naturelle  est  aujourd'hui  le  sujet  le  plus  habituel 
de  nos  recherches ,  et  qu'il  ne  suffit  pas  de  former  des  groupes, 
mais  qu'il  faut  encore  les  coordonner  entre  eux ,  en  suivre 
les  connexions  et  les  relations  réciproques ,  il  est  difficile  de 
résister  à  cet  entraînement,  et  de  ne  point  s'exposera  franchir 
celte  barrière ,  posée  par  la  raison  et  la  faiblesse  de  notre  in- 
telligence ,  et  au-delà  de  laquelle  tout  est  ténèbres  ou  hypo- 
thèse. 

Dans  mon  ouvrage  sur  les  familles  naturelles  du  règne  ani- 
mal, je  partage  les  animaux  en  trois  grandes  séries  :  les  ver- 
tébrés ou  spini-cérébraux ,  les  céphalidiens  ou  les  invertébrés 
pourvus  de  ganglions  préœsophagiens ,  représentant  plus  ou 
moins  une  sorte  de  cerveau ,  avec  un  collier  nerveux  embras- 
sant l'œsophage ,  et  les  acéphales  ou  ceux  qui  n'ont  point  de 
tête,  et  qui  n'offrent  au  plus,  antérieurement,  qu'un  ganglion 
sous-œsophagien.  Les  premiers  sont  des  animaux  intelligens  ; 
les  seconds,  des  animaux  instinctifs,  et  les  derniers,  des  ani- 
maux automatiques.  M.  deLamarck  a  distingué  ceux-ci  par  la 
dénomination  à' apathiques ,  et  les  seconds  par  celle  de  sensi- 
bles ,  expression  trop  générale ,  puisqu'elle  convient  aussi  aux 
premiers.  Dans  les  acéphales,  la  partie  antérieure  du  corps,  ou 
sac  alimentaire,  est,  selon  moi,  un  grand  jabot  qui ,  de  même 
que  celui  d'un  grand  nombre  d'insectes,  des  carnassiers  notam- 
ment ,  présente  à  sa  surface  des  stries  ou  des  sillons  formant  un 
dessin  symétrique ,  et  par  là  j'explique  la  disposition  radiairedu 
corps  de  la  plupart  des  zoophytes.  Ces  considérations  n'em- 
brassent que  les  premières  coupes  des  animaux  invertébrés. 
D'autres  naturalistes  ont  suivi  ces  coupes  dans  leurs  divisions 
et  subdivisions  en  descendant  jusqu'aux  ordres.  Je  citerai 
entre  autres,  quant  à  l'ensemble  de  la  zoologie,  M.  de  Blain- 
ville ,  et,  pour  les  animaux  articulés,  M.  Straus  (Considéra- 


DISCOURS  d'ouverture.  I<7 

tiojis  générales  sur  Vanat.  comp.  des  anim.  articulés).  Dans 
son  tableau  des  affiliations,  le  dernier  rattache  ceux-ci  au  genre 
ainmocœtos  de  la  classe  des  poissons  par  le  moyen  d'annélides 
très  imparfaites,  les  sangsues  et  les  gordius.  Ces  rapproche- 
mens  sont  établis  sur  quelques  analogies  de  formes  extérieures, 
de  tissus  tégumentaires ,  mais  que,  pour  motiver  suffisam- 
ment son  opinion ,  il  aurait  dû  fortifier  par  d'autres  rapports 
anatomiques  ,  si  toutefois  il  en  existe. 

Ne  voulant  point  sortir  du  cercle  tracé  par  les  attributions 
de  la  chaire  que  j'occupe,  je  n'exposerai  que  ce  qui  est  relatif 
aux  animaux  composant,  dans  la  méthode  de  Linné,  sa  classe 
des  insectes,  et  que  je  nomme  collectivement  cojidjlopes, 

CARACTÈRES    DISTINCTIFS    DES    ANIMAUX    CONDYLOPES. 

Aristote ,  comme  on  l'a  vu ,  distinguait  classiquement  les 
crustacés,  des  autres  animaux  sans  sang  ou  aneimes,qu'il  nomme 
entomes,  expression  synonyme  de  celle  d'insectes  des  Latins. 
De  petits  crustacés  isopodes  ,  les  arachnides  ,  les  insectes  ap- 
tères et  ailés,  des  annélides  et  des  vers  intestinaux  formaient 
cette  dernière  classe.  Linné  restreignit  la  dénomination  d'in- 
sectes à  ceux  de  ces  animaux  qui ,  suivant  sa  définition  ,  ont 
plusieurs  pieds ,  respirent  par  des  ouvertures  latérales,  ont 
une  peau  osseuse,  et  dont  la  tête  est  munie  de  ces  filets 
mobiles,  articulés,  susceptibles  de  sensations,  appelés  an- 
tennes, ou  de  ces  organes  que  les  anciens  nommaient  coimes. 
Les  crustacés  et  les  arachnides  étaient  ainsi  réunis  à  d'autres 
animaux  pareillement  articulés ,  munis  de  six  pieds  et  d'ailes. 
L'anatomie  et  le  besoin  de  simplifier  la  méthode  repoussaient 
un  tel  assemblage.  Dans  son  tableau  élémentaire  de  l'histoire 
des  animaux,  M.  Cuvier  changea  la  disposition  étabhe  à  cet 
égard  par  Linné,  et  jeta  les  fondemens  des  divisions  classi- 
ques qu'on  a  introduites  depuis  dans  cette  série  d'animaux. 
Sans  examiner  maintenant  quelles  doivent  être  les  limites  delà 
classe  des  arachnides  instituée  par  M.  de  Lamarck ,  il  est  tou- 
jours certain  que  celle  des  insectes,  par  suite  de  l'élablisse- 

2 


l8  CARACTÈRES    DISTIIYGTIFS 

ment  de  la  précédente  et  de  celle  des  crustacés ,  a  beaucoup 
moins  d'étendue  que  dans  la  méthode  de  Linné.  Afin  d'éviter, 
lorsqu'il  s'agissait  de  ces  animaux  pris  collectivement,  la  répé- 
tition continuelle  des  mots  animaux  sans  vertèbres,  articulés,  et 
à  pieds  articulés ,  j'ai  jugé  qu'il  était  convenable  de  remplacer 
le  mot  d'insectes,  considéré  dans  son  acception  primitive  ,  par 
celui  de  condylopes,  condylopa^  pieds  à  jointures  ou  articulés, 
en  sous -entendant  toujours,  animaux  sans  vertèbres.  La  dé- 
nomination d'entomes,  synonyme  d'ailleurs,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit,  de  celle  d'insectes,  était  impropre  et  eût  augmenté 
la  confusion. 

De  tous  les  animaux  sans  vertèbres  ,  les  condylopes  sont  les 
seuls  qui  changent  de  peau  ou  qui  soient  exuviables  -,  et  ce  si- 
gnalement, joint  à  la  forme  articulaire  du  corps,  à  la  présence 
de  pieds  pareillement  articulés,  et  le  plus  souvent  encore  d'or- 
ganes propres  au  vol ,  ne  permettra  point  de  les  confondre 
avec  d'autres  animaux  articulés ,  pas  même  avec  certaines  an- 
nélides  qui ,  telles  que  les  néréides,  ont  quelque  ressemblance 
au  premier  abord  avec  les  mille-pieds.  En  général  les  condy- 
lopes, considérés  extérieurement ,  sont  des  animaux  sans  ver- 
tèbres ,  articulés,  exuviables,  pourvus  d'antennes,  d'yeux,  à 
organes  respiratoires  consistant,  tantôt  en  des  branchies  for- 
mées par  des  appendices  extérieurs,  ou  par  la  peau  même 
devenue  branchiale  ^  tantôt  en  des  pneumo-branchies  ou  en 
des  vaisseaux  aériens,   toujours  alors  intérieurs  et  recevant 
l'air  par  des  ouvertures  spéciales  pratiquées  à  la  surface  de 
la  peau^  ayant  inférieurement,  et  sur  deux  séries  longitudi- 
nales, des  appendices  en  nombre  variable,   dont  les  anté- 
rieurs propres  à  la  manducation,  et  dont  les  autres,  toujours 
articulés,  sont  tous  ou  presque  tous  destinés  au  transport  par  la 
course  ou  par  la  natation.  Ajoutons  qu'ils  ont,  pour  la  plupart, 
des  appendices  d'une  autre  sorte ,  au  nombre  de  quatre  ou  de 
deux,  situés  au-dessus  des  précédens ,  et  formant  des  organes 
du  vol.  Tous  ces  appendices  inférieurs  sont  de  véritables  pieds, 
mais  dont  les  antérieurs  peuvent,  en  quantité  variable ,  sous 
des  proportions  et  des  formes  plus  ou  moins  diverses,  suivant 


DES   CONDYLOPES.  I^ 

qu'ils  sont  destinés  à  triturer  les  matières  alimentaires,  ou  à 
pomper  des  substances  plus  ou  moins  liquides,  changer  de  fonc- 
tions et  devenir  ainsi  buccaux.  C'est  ainsi  encore  que  je  re- 
garde les  mandibules  des  scorpions  ,  des  araignées ,  des  fau- 
cheurs, comme  des  pièces  représentant  les  antennes  intermé- 
diaires des  crustacés,  mais  concourant  ici  àlamanducation.Les 
palpes  et  les  quatre  pâtes  antérieures  de  ces  mêmes  arachnides 
nous  paraissent  répondre  aux  mandibules  palpigères ,  et  aux 
quatre  mâchoires  des  mêmes  crustacés ,  et  ces  pièces  ont  pour 
analogues,  dans  les  ïules  ,  les  quatre  pieds  antérieurs.  C'est  en 
suivant  les  mêmes  analogies  que  nous  avons  cru  retrouver 
dans  les  six  pieds  des  insectes  hexapodes  les  six  pieds  mâchoires 
des  crustacés.  Dès-lors  ce  qu'on  a  nommé  thorax  dans  les  pre- 
miers n'est  plus  en  rapport  avec  la  partie  du  corps  des  seconds 
désignée  sous  le  même  nom.  Cette  confusion  dans  la  nomen- 
clature des  parties  provient  de  ce  qu'elle  n'est  fondée  que 
sur  des  considérations  isolées,  abstraction  faite  de  toute  corré- 
lation d'une  classe  à  l'autre.  J'ai  essayé  de  régulariser  cette 
nomenclature  à  l'article  Condjlopes  de  mon  ouvrage  sur  les 
familles  naturelles  du  règne  animal.  Nous  avons  besoin ,  et 
tel  est  le  vœu  que  j'y  ai  exprimé,  d'une  nouvelle  ou  plutôt 
d'une  réelle  philosophie  entomologique -,  car  je  ne  crois  pas 
que  celle  de  Fabricius,  adaptée  en  majeure  partie  à  son  sys- 
tème ,  qui  ne  repose  d'ailleurs  sur  aucune  observation  anato- 
mique,  mérite  cette  qualification.  Je  ne  pousserai  pas  plus 
loin  cet  examen  comparatif  des  rapports  généraux  des  condy- 
lopes,  me  proposant  de  revenir  sur  ce  sujet  à  mesure  que, 
passant  d'une  'lasse  à  l'autre,  j'exposerai  les  changemens 
qu'a  subis  le  type  radical.  L'histoire  de  la  science  que  je  vous 
ai  annoncée  et  que  je  présenterai,  non  comme  un  traité 
complet  et  bibliographique ,  mais  sous  la  forme  d'un  simple 
essai  ou  d'un  tableau  général,  va  fixer  votre  attention.  Quel- 
ques uns  de  vous  auraient  peut-être  désiré  que  j'eusse  choisi 
pour  mon  début  un  autre  sujet,  tel  que  celui  par  exemple  de 
l'utilité  ou  des  agrémensde  ces  études.  Mais  quel  est  l'homme 
qui,  devant  aussi  traiter  en  général  de  ces  animaux,  n'ait  donné 


20  CARACTERES    DISTINCT rFS 

un  prologue  de  cette  sorte ,  et  souvent  embelli  par  des  exagé- 
rations ?  qu'aurais-je  donc  pu  vous  dire  que  vous  n'eussiez 
trouvé  partout  ?  A  une  époque  où  le  goût  de  l'histoire  natu- 
relle est  devenu  si  universel  et  si  dominant,  où  une  jeunesse 
active  consacre  ses  instans  de  loisir  à  former  des  collections- 
d'insectes,  où  les  agronomes  et  les  cultivateurs  sont  déjà  initiés 
dans  cette  science,  soit  par  des  connaissances  acquises  de  cette 
manière ,  soit  par  des  lectures  ou  des  rapports  avec  des 
hommes  instruits  et  plus  répandus  aujourd'hui  qu'autrefois  y 
ne  serait-ce  pas  vous  faire  injure  que  de  vous  supposer  point 
ou  peu  de  zèle ,  et  de  vouloir  l'exciter  par  des  exhortations 
puisées  dans  les  ressources  et  les  avantages  que  vous  offre 
l'entomologie  ?  Oui ,  Messieurs  ,  je  suis  persuadé  que  ces  solli- 
citations sont  superflues ,  et  que  tous  mes  efforts  ne  doivent 
tendre  qu'à  vous  diriger  dans  vos  études,  aies  faciliter,  à  faire 
exploiter  en  un  mot  ces  richesses  que  la  nature  vous  offre  à 
chaque  pas,  dont  l'acquisition  ne  troublera  jamais  votre  con- 
science ,  qui  écarteront  l'ennui ,  emploieront  utilement  votre 
temps ,  élèveront  sans  cesse  votre  pensée  vers  celui  qui  a  créé 
tant  de  merveilles  -,  car  jamais  la  sagesse  de  l'Etre-Supréme  ne 
se  manifesta  plus  hautement  que  dans  cet  instinct  admirable 
et  si  varié  dont  il  a  doué  les  insectes.  S'il  existait  des  apôtres 
de  l'athéisme  et  des  détracteurs  de  la  Providence ,  je  leur  di- 
rais :  Approchez  de  cette  ruche,  pénétrez  dans  l'intérieur  de 
cette  cité  populeuse ,  observez  le  caractère  des  trois  classes 
d'habitans  qui  la  composent,  étudiez  les  lois  qui  régissent 
cette  société,  voyez  avec  quelle  étonnante  harmonie  elles 
s'exécutent  *,  admirez  surtout  l'effet  de  cet  instinct  qui  ne 
permet  pas  à  la  reine-mère  de  se  méprendre  dans  le  choix  des 
trois  sortes  d'alvéoles  qui  doivent  recevoir  les  œufs  d'autant 
d'espèces  d'individus  d'une  génération  nouvelle  ;  remarquez 
encore  que  ceux ,  les  plus  nombreux ,  qui  sont  chargés  de  tous 
les  travaux  ,  travaux  si  étonnans  par  leur  construction  géo- 
métrique qu'ils  ont  été  le  sujet  des  méditations  de  plusieurs 
mathématiciens  célèbres ,  ont  pour  cette  postérité  à  la  repro- 
duction de  laquelle  ils  n'ont  eu  aucune  part ,  toute  l'affection 


DES    CONDYLOPlîS.  21 

el  toutes  les  sollicitudes  des  mères  les  plus  tendres  ,  quoique 
les  sensations  agréables  provoquant  la  malcrnilé  leur  soient 
interdites.  D'où  leur  vient  l'idée  de  mettre  à  mort  tous  les 
mâles  de  l'habitation  à  une  époque  où  l'espoir  d'une  nouvelle 
génération  est  assuré  et  où  ces  individus  seraient  désormais  des 
bouches  inutiles?  Expliquez-nous  maintenant  tous  ces  mys- 
tères avec  des  systèmes  donnant  tout  au  hasard,  ou  bien  en 
admettant  des  lois  sans  vouloir  en  reconnaître  le  suprême  or- 
donnateur (i)  ?  Laissez-nous  dans  cette  croyance  qu'il  en  existe 
un ,  et  si  vous  persistez  à  fermer  l'oreille  à  tant  de  voix  qui  le 
proclament  sans  cesse  et  de  toutes  parts ,  souffrez  que  nous 
joignions  les  nôtres  à  cet  unanime  concert  ^  et,  si  nous  sommes 
dans  l'erreur,  ne  cherchez  pas  à  détruire  des  illusions  utiles 
plutôt  que  nuisibles  à  la  société  ,  qui  nous  rendent  heureux  , 
ou  du  moins  nous  consolent  dans  le  pèlerinage  si  traversé  de 
la  vie. 


(i)  Par  ce  mot  la  nature,  si  souveut  répété  dans  aies  écrits,  j'cuteuds  la  providence 
Ue  la  création. 


-^ 


TABLEAU 


DE  L'HISTOIRE  GENERALE  DE  L'ENTOMOLOGIE. 


Les  noms  des  hommes  célèbres  qui  oui  fait  faire  à  l'ento- 
mologie les  plus  grands  pas ,  ou  qui  lui  ont  rendu  les  services 
les  plus  signalés ,  formeront  les  titres  et  les  ères  des  périodes 
mémorables  qui  partageront  son  histoire.  Nous  préférons  cette 
méthode ,  fondée  sur  de  riches  souvenirs  et  sur  la  reconnais- 
sance ,  à  celle  qui  n'aurait  d'autre  base  qu'un  pur  ordre  chro- 
nologique ou  séculaire. 

La  première  période  remontera  à  Aristotc  ,  et  précédera 
l'ère  chrétienne  d'environ  trois  siècles  et  demi.  Elle  n'est  pas 
moins  mémorable  dans  les  annales  du  monde ,  puisqu'elle 
nous  rappelle  un  élève  de  ce  célèbre  philosophe  qui  s'illustra 
par  ses  conquêtes,  Alexandre -le- Grand  ;  et,  coïncidence 
singulière ,  c'est  sous  le  règne  d'un  homme  non  moins  extra- 
ordinaire et  non  moins  renommé ,  que  l'Aristote  de  notre  âge 
s'est  principalement  acquis  son  impérissable  réputation.  Le 
caractère  distinctif  de  la  science  entomologique  de  cette  épo- 
que ,  est  l'admission  pour  un  grand  nombre  d'insectes ,  ceux 
dont  on  n'avait  point  suivi  les  accouplemens,  de  la  général  ion 
spontanée.  Dès-lors  ,  l'animal  en  état  parfait  et  sa  larve  étaient 
classés  dans  des  genres  différens.  Avec  les  insectes  étaient 
confondus  classiquement  des  annélides  et  d'autres  animaux 
très  dissemblables  par  leur  organisation.  On  avait  cependant 
recueilli  les  premiers  élémens  d'une  bonne  méthode.  Cette 
entomologie  est  la  réunion  de  traditions  populaires,  souvent 
labuleuses,  ou  en  partie  erronées  ,  souvent  encore  plus  du  do= 
maine  de  l'art  médical  que  de  celui  de  la  zoologie  ,  entremêlées 
néanmoins  de  quelques  faits  positifs,  mais  qui  ne  pouvaient 


24  TABLEAU 

échapper  à  la  plus  simple  investigation  ,  et  qui ,  lorsqu'il  s'a- 
gissait d'organisation ,   ne  pouvaient  être  approfondis ,  parce 
que  la  puissance  oculaire  était  abandonnée  à  elle-même  ou 
n'avait  aucun  secours.  Ces  traditions  ,  transmises  par  les  Grecs 
aux  Romains ,  et  par  ceux-ci  aux  peuples  du  Nord ,  qui  ren- 
versèrent leur  domination ,  furent  long-temps  stalionnaires , 
et  il  nous  faut  traverser  l'espace  de  dix-neuf  siècles  pour  arriver 
à  la  seconde  période,  qui  date  de  i55o,  à  partir  de  l'ère  chré- 
tienne. Elle  est  remarquable  par  l'existence  simultanée  des 
trois  pères  de  la  zoologie  moderne ,  Gessner ,  Belon  et  Ron- 
delet. Ici  encore,  l'entomologie  est  infectée  de  ce  vice  radical, 
la  génération  spontanée  ,  qui  caractérise  l'époque  précédente. 
Mais  on  ne  se  traîne  plus  sur  les  pas  de  l'antiquité  *,  on  observe , 
on  recueille  de  nouveaux  faits ,  on  s'aide  pour  la  connais- 
sance des  objets ,  de  figures  gravées  sur  bois  et  de  verres  am- 
plificateurs. Quelques  hommes  même  se  dévouent  exclusive- 
ment  à   l'étude   de  cette  science.    C'est  ainsi  que  MoufFet 
imprime,  en  i634,  son  Théâtre  des  Insectes ,  ouvrage  qu'il 
est  encore  nécessaire  de  consulter ,  parce  qu'il  y  a  représenté 
beaucoup  d'insectes,  que  l'on  regarde  comme  inédits.  Ici ,  ce- 
pendant ,  comme  dans  Aldrovande  un  peu  antérieur,  il  faut 
rejeter  grand  nombre  de  détails  fastidieux  ,  qui  ont  trait  à  la 
matière  médicale.  Nous  ne  devons  pas ,  toutefois ,  les  négliger 
quant  au  fond ,  attendu  que  cet  emploi  médicamentaire  peut 
remonter  par  tradition  aux  anciens  médecins ,  et  nous  mettre 
sur  la  voie  de  recherches  propres  à  nous  faire  découvrir  les 
objets  dont  ils  ont  parlé. 

La  troisième  période ,  celle  de  l'entomologie  expérimentale, 
aura  en  tête  Pvedi  et  Swammerdam,  qui  renversèrent  de  fond 
en  comble  le  faux  principe  de  la  génération  spontanée,  et 
achevèrent  de  déchirer  le  voile  qui  dérobait  à  nos  regards  les 
métamorphoses  des  insectes.  Le  second,  surtout,  comprit 
toute  l'importance  des  études  anatomiques,  et  par  des  obser- 
vations de  cette  nature,  par  sa  distribution  basée  sur  les  mé- 
tamorphoses ,  posa  les  premiers  jalons  d'une  méthode  natu- 
relle. C'est  à  son  école  que  se  forma  le  modèle  des  observateurs, 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  25 

le  célèbre  Réaumur.  C'est  par  lui  et  par  quelques  naturalistes 
étrangers,  Frisch  notamment,  que  nous  terminerons  celte  troi- 
sième période.  Elle  n'est  pas  moins  signalée  par  l'application 
que  l'on  fit  à  l'iconographie  des  insectes ,  du  burin  ou  de  la 
gravure  en  taille-douce. 

Linné  ouvrira  la  quatrième  période.  Quel  est  le  naturaliste 
qui  ne  bénisse  sa  mémoire  ?  ]N'est-il  pas  pour  nous  tous  notre 
Minerve  ?  Et  si  l'on  a  divinisé  des  bienfaiteurs  de  l'humanité^ 
la  gratitude  ne  nous  commande-t-elle  pas  d'ériger  des  autels  à 
celui  qui  a  été  le  suprême  législateur  des  sciences  naturelles? 
Création  d'une  nouvelle  langue  propre  et  devenue  univer- 
selle, d'une  méthode  fondée  sur  l'ensemble  des  caractères 
extérieurs,  empruntée  en  partie  des  anciennes  ,  mais  épurée 
et  perfectionnée  ,  et  qui ,  à  quelques  additions  et  inversions 
près  ,  survit  encore  à  tous  les  bouleversemens  des  novateurs  -, 
enfin ,  un  code  de  lois  et  de  préceptes  fixes  écartant  l'arbi- 
traire ,  une  école  de  nombreux  disciples  et  de  zélés  mission- 
naires ,  qui  ont  propagé  la  science  ,  voilà  des  faits  qui  mettent 
ce  grand  homme  bien  au-dessus  de  Pline ,  auquel  on  l'a  com- 
paré, et  le  recommandent  à  notre  admiration  et  à  celle  de 
tous  les  siècles. 

L'un  de  ses  élèves  les  plus  illustres ,  Chrétien  Fabricius , 
déterminera  la  date  de  notre  cinquième  période.  Par  les 
principes  sur  lesquels  il  a  établi  son  système  ,  ceux  des  organes 
de  la  manducation  déjà  employés,  mais  dans  quelques  cir- 
constances seulement ,  et  non  sous  un  point  de  vue  embras- 
sant toute  la  généralité  des  insectes ,  ni  avec  le  détail  de 
toutes  les  parties ,  il  a  ouvert  une  nouvelle  minej  tous  les 
caractères  extérieurs  semblaient  être  épuisées  ,  et  il  a  suppléé 
à  cette  indigence  par  les  ressources  que  lui  a  fournies  ce  genre 
d'observations.  Sans  elles ,  vu  la  multitude  d'espèces  décou- 
vertes depuis  Linné  ,  il  nous  eut  été  impossible  d'assigner  des 
caractères  propres  à  les  grouper  génériquement  et  à  les  faire 
reconnaître. 

Enfin ,  notre  sixième  et  dernière  période  aura  pour  point 
de  départ  l'illustre  savant,  qu'une  voix  unanime  a  proclamé 


26  TABLEAU 

l'Aristote  moderne,  mais  qui ,  pour  la  méthode  naturelle  ,  est 
devenu  notre  Linné ,  et  qui  n'a  pas  moins  d'ascendant  par  sa 
réputation  littéraire  que  le  célèbre  BufFon.   Qu'est-il  besoin 
de  le  nommer?  En  rejetant  la  génération  spontanée  ,  en  n'ad- 
mettant plus    comme    caractère  classique  la  différence  des 
milieux  d'habitation ,  en  prenant  pour  base  des  coupes  toutes 
les  parties  de  l'organisation  extérieure ,  la  méthode  semblait 
avoir  acquis  toute  sa  virilité  et  la  perfection  dont  elle  était 
susceptible;  mais  elle  n'était  qu'artificielle.  Aucune  digue  n'ar- 
rêtait les  faiseurs  de  systèmes.  L'ordre,  dans  la  distribution 
des  coupes ,  soit  premières ,  soit  secondaires ,  dépendait  des 
caprices  de  chacun.  L'anatomie  comparée  pouvait  seule  mettre 
fin  à  ces  innovations  perpétuelles.  Elle  a  parlé ,  et  c'est  par  la 
bouche  de  M.  Cuvier.  Jusqu'à  lui ,  tous  les  observateurs  mo- 
dernes avaient  considéré  le  vaisseau  dorsal  des  insectes  comme 
un  véritable  cœur,  ou  même  comme  une  réunion  de  plusieurs 
viscères  de  cette  sorte.  Lyonet  seul  avait  remarqué  qu'il  n'en 
partait  aucun  vaisseau.  Les  organes  de  la  respiration  avaient 
bien  fixé  l'attention  ,  tant  de  ce  célèbre  naturaliste  que  de 
quelques  autres  antérieurs ,  tels  que  Swammerdam  ,  Réau- 
mur,  de  Geer-,  mais  ceux  de  ces  mêmes  organes  dans  les- 
quels cette  fonction  s'opère  par  l'intermédiaire  de  l'eau ,  les 
branchies  ;  d'autres  encore  ,  constituant  une  sorte  de  poumon 
et  qui  sont  propres  aux  scorpions  ,  aux  arachnides  ,  n'avaient 
pas  été  étudiés  avec  assez  de  soin  ou  d'attention ,  ni  en  eux- 
mêmes  ,  ni  comparativement.  Quelques  recherches  isolées  sur 
le  système  nerveux ,  sur  celui  de  la  digestion ,  se  présentaient 
çà  et  là  dans  les  divers  écrits  ,  publiés  jusqu'alors  sur  ces  ma- 
tières -,  mais  point  d'applications  générales ,  aucun  emploi  de 
ces  faits  dans  les  distributions  méthodiques ,  renversement 
absolu  de  l'ordre  naturel  dans  les  plus  accréditées ,  puisque 
les  crustacés  et  les  arachnides  pulmonaires  ,  supérieurs  aux 
insectes  sous  le  rapport  de  l'anatomie  ,  sont  au  contraire  sur 
les  dernières  limites  de  cette  classe.  Qui  a  réparé  un  tel  dés- 
ordre ?  M.  Cuvier.  Qu'importe  qu'on  ait  fait  ensuite  de  nou- 
velles classes.  C'est  lui  qui  en  avait  établi  les  caractères ,  et 


DE    L  HISTOIRE    DE    L  ENTOMOLOGIE.  1^ 

qui,  ne  voulant  pas  surcharger  la  nomenclature  déjà  trop 
compliquée ,  s'était  contenté  de  présenter  ces  classes  comme 
de  simples  divisions.  Et  depuis  quand  celui  qui  met  sur  un 
édifice  une  inscription  indiquant  sa  destination  Temporterait-il 
en  mérite  sur  son  architecte  .^ 

J'aurais  pu  distinguer  d'autres  époques,  mais  moins  pro- 
noncées et  moins  influentes.  Je  vous  aurais  montré  l'historien 
des  insectes  des  environs  de  Paris ,  Geoffroy ,  améliorant  la 
méthode  de  Linné  par  l'emploi  des  variations  numériques  des 
articles  de  cette  partie  terminale  des  pâtes  qu'on  nomme 
tarse.  Je  vous  aurais  parlé  d'un  autre  célèbre  naturaliste  qui 
a  honoré  la  patrie  des  Bonnet,  des  Saussure  ,  des  Huber,  feu 
Jurine  père,  veux-je  dire,  qui  a  trouvé  dans  la  réticulation 
diversifiée  des  ailes  des  hyménoptères  et  des  diptères,  de  nou- 
veaux caractères  propres  à  faciliter  l'étude  de  ces  insectes. 
Une  malheureuse  victime  de  son  zèle  pour  les  progrès  de  la 
zoologie,  qui,  pour  mieux  nous  éclairer,  s'est  précipité  dans 
les  ténèbres  d'une  nuit  éternelle ,  l'infortuné  Savigny ,  se  fût 
offerte  à  vos  regards  attristés.  Mon  confrère ,  M.  de  Blain- 
ville ,  vous  exposera  ses  découvertes  sur  les  annélides ,  les 
mollusques  et  les  zoophytes  5  ce  n'est  plus  de  mon  domaine. 
Mais  je  vous  citerai  les  observations  si  fines  et  si  délicates  , 
au  moyen  desquelles  il  est  parvenu  à  coordonner  au  même 
type  les  insectes  suceurs  et  les  insectes  broyeurs ,  vérité  que 
j'avais  entrevue  le  premier,  mais  à  laquelle  je  n'avais  pas 
donné  suite.  Lorsque  nous  ferons  la  démonstration  des  crus- 
tacés ,  des  arachnides  et  de  quelques  ordres  de  la  classe  des 
insectes,  vous  aurez  encore  l'occasion  de  l'admirer  et  de  le 
plaindre.  Il  est  bien  d'autres  zootomistes  dont  les  recherches 
ont  aussi  beaucoup  contribué  à  l'avancement  de  la  science  ^ 
mais  nous  ne  les  citerons  pas  maintenant ,  afin  de  ne  pas  anti- 
ciper sur  l'histoire  de  l'entomologie  de  leur  époque. 


28  TABLEAU 

Première  période.  —  ARISTOTE. 

55o  ans  environ  avant  l'ère  chre'tienne. 

S'imaginant,  sans  doute ,  que  la  nomenclature  entomolo- 
gique  des  anciens  naturalistes  était  indéchiffrable ,  ou  qu'il 
était  impossible  d'en  faire  une  application  suffisamment  mo- 
tivée ,  Linné  ,  Fabricius  et  d'autres  naturalistes  modernes  ont 
donné ,  sans  discernement  et  sans  critique ,  plusieurs  des 
noms  d'Aristote ,  de  Pline  et  autres ,  à  des  genres  d'insectes. 
C'est  ainsi  que  les  cantharis  de  quelques  auteurs  anciens,  qui 
sont  certainement  nos  cantharides  ,  désignent ,  dans  Linné  , 
un  genre  de  coléoptères  très  différent.  Fabricius,  entraîné  par 
l'autorité  ou  le  mauvais  exemple  de  son  maître,  voulant  sépa- 
rer génériquement  les  cantharides  des  meloés  ,  auxquels  elles 
étoient  réunies,  les  appelle  Ijtta ,  nom  d'une  espèce  de  ver 
qui  se  trouvait ,  disait-on  ,  sous  la  langue  des  chiens.  Les  vrais 
cicada  des  auteurs  latins  ,  nos  cigales  proprement  dites ,  sont 
pour  lui  des  tettigones ,  nom  donné  par  les  Grecs  à  de  petites 
cigales  muettes,  cicadastrœ ,  et  celles-ci  sont,  au  contraire, 
transformées  en  cigales.  Les  grandes  cigales  étaient  aussi 
appelées  acheta  j  et  dans  Fabricius ,  ce  nom  désigne  des  gril- 
lons. Des  espèces  de  sauterelles  ou  de  criquets  avaient  reçu 
la  dénomination  à'attacos;  c'est,  dans  Linné,  celle  d'une 
division  du  genre  plialœna.  D'autres  noms ,  consacrés  par  les 
anciens  à  des  oiseaux,  à  des  reptiles,  à  des  poissons,  etc.  , 
sont  devenus  propres  à  d'autres  genres  d'insectes.  Je  ne  suis 
pas  moi-même  exempt  de  tout  blâme  à  l'égard  de  ce  renver- 
sement de  la  nomenclature.  Mais  la  vérité  avant  tout  j  et 
ici ,  du  moins ,  il  n'y  a  rien  à  craindre  quant  à  ses  consé- 
quences. Peut-être  même  que  la  détermination  de  noms  an- 
ciens que  je  vais  entreprendre  ,  quoique  n  étant  souvent 
fondée  que  sur  des  probabilités,  produira  quelques  bons  ré- 
sultats en  arrêtant  ces  désordres ,  et  en  forçant  les  faiseurs 
de  genres  à  mettre  plus  de  circonspection  dans  remj)loi  de 
ces  désignations  tirées  de  l'antiquité;  c'est ,  du  moins,  le  but 
que  je  me  suis  proposé. 


DE  l'h(stoire  de  lentomologie.  29 

Vainement  tenterions-nous  de  nous  soustraire  au  pouvoir 
d'une  multitude  d'agens  destructeurs  que  l'auteur  de  la  na- 
ture a  répandus  sur  la  surface  de  notre  globe.  Voulant  en 
renouveler  perpétuellement  la  scène ,  il  oppose  à  tous  nos 
efforts  des  myriades  de  petits  animaux  qui  se  dérobent  à  nos 
regards  ,  et  parmi  eux  les  insectes  jouent  le  rôle  principal  -, 
tout  est  soumis  à  leur  empire.  Non  seulement  ils  détruisent 
avec  plus  ou  moins  de  rapidité  les  végétaux  qui  nous  sont  le 
plus  utiles,  tourmentent  nos  animaux  domestiques ,  mais  ils 
nous  harcèlent  jusque  dans  nos  propres  foyers ,  rongent  nos 
meubles ,  nos  provisions  ^  quelques  uns  même  se  fixent  sur 
nous.  D'autres  insectes  réveillent  notre  attention  par  des  pro- 
priétés physiques  qui  frappent  nos  sens ,  par  leur  industrie  , 
leurs  brillantes  couleurs  ou  la  singularité  de  leurs  formes.  Il 
en  est  qui ,  par  des  habitudes  particulières ,  fournissent  à  la 
superstition  et  à  la  terreur  ,  ces  produits  de  l'ignorance ,  de 
nouveaux  alimens.  Le  malade ,  en  désespoir  de  cause ,  cédant 
aux  caprices  d'une  imagination  inquiète ,  et  se  prêtant  à  tous 
les  essais  qui  lui  paraissent  susceptibles  de  lui  procurer  du 
soulagement,  va  jusqu'à  chercher  des  curatifs  ou  des  caï- 
mans dans  quelques  uns  de  ces  animaux.  Deux  substances 
bien  précieuses ,  le  miel  et  la  cire  que  nous  procure  l'a- 
beille ^  des  couleurs  fournies  par  d'autres  insectes  ^  la  soie 
pour  les  contrées  où  les  chenilles  qui  la  donnent  sont  indi- 
gènes ,  semblent  être  une  compensation  ménagée  par  la  sa- 
gesse de  la  Providence  pour  les  dommages  et  les  pertes  que 
nous  occasionnent  tant  d'autres  animaux  de  la  même  classe. 
Ces  observations ,  propres  en  général  à  tous  les  temps  et  à 
tous  les  lieux ,  sont  l'origine  de  l'entomologie ,  comme  ,  sous 
les  mêmes  rapports  d'intérêt ,  celle  des  autres  branches  de 
l'histoire  naturelle.  Nous  pouvons  encore  soupçonner  que 
l'écriture  hiéroglyphique ,  qui  emprunta  plusieurs  de  ses  em- 
blèmes des  végétaux  et  des  animaux ,  parmi  lesquels  même 
certains  insectes,,  tels  que  le  bousier  sacré,  l'abeille,  etc., 
se  rattachant  allégoriquement  à  des  pensées  religieuses ,  mé- 
ritaient plus  d'attention  ,  est  encore  l'une  des  sources  de  l'en- 


36  TABLEAU 

lomologie  primitive  ;  car  le  besoin  de  rendre  ces  images  avec 
plus  de  fidélité  et  d'exactitude  obligea  les  premiers  peintres 
à  faire  une  étude  plus  spéciale  de  ces  animaux  et  de  leurs 
parties.  Nous  en  verrons  plus  tard  une  preuve  au  sujet  du 
scarabé  sacré.  Joignez  à  ces  données  quelques  observations 
recueillies  par  des  hommes  purement  contemplatifs;  c'est 
ainsi  qu'a  dû  se  former  le  noyau  primitif  de  cette  science. 

J'ai  indiqué  plus  haut  la  manière  dont  Aristote  partageait 
les  animaux  sans  sang  ou  aneimes.  Deux  de  ces  divisions ,  les 
malacostracés  et  les  entomes ,  doivent  seules  nous  occuper. 
Ces  animaux  se  distinguent  de  ses  malakia,  ou  mollusques 
céphalopodes ,  en  ce  que  les  parties  solides  de  leur  corps  sont 
en  dehors,  et  les  parties  molles  ou  charnues  en  dedans.  Dans 
les  malacostracés ,  il  est  enveloppé  d'une  croûte  mince  qui  se 
rompt  plutôt  que  de  se  casser  en  morceaux ,  et  pourvu  de 
pieds  5  celui  des  testacés  est  défendu  par  un  test  pierreux ,  qui 
ne  se  casse  point  de  cette  sorte  ;  dans  les  entomes ,  il  est  par- 
tagé en  plusieurs  incisions ,  soit  sur  le  dos  seulement ,  soit  en 
dessous,  ou  bien  sur  les  deux  faces.  Ces  animaux  ne  sont  ni 
osseux  ni  mous  -,  leurs  tégumens  sont  d'une  consistance  inter- 
médiaire tant  en  dehors  qu'en  dedans ,  avec  une  peau  très 
fine.  Ayant  peu  de  chaleur  et  de  vivacité  ,  la  nature  y  a  sup- 
pléé en  leur  accordant  plusieurs  pieds  ,  ce  qui  facilite  leurs 
mouvemens.   Lorsque  le  corps  est  allongé  et  plus  froid ,  ce 
nombre  est  plus  considérable ,  et  tel  est  le  cas  des  ïules  :  les 
ailes  suppléent  dans  ceux  qui  en  ont  moins.  Si  le  corps  est  peu 
allongé ,  le  principe  vital  est  unique  et  en  occupe  le  milieu.  Il 
est  mulliple  dans  ceux  dont  le  corps  est  long  ;  ce  qui  fait  que 
ses  différentes  parties,  quoicjue  séparées  les  unes  des  autres, 
donnent  des  signes  de  vie. 

L'histoire  des  animaux  que  nous  a  laissée  Aristote  ,  et  son 
traité  de  leurs  parties ,  annoncent  qu'il  avait  fait  une  étude 
assez  particulière  des  malacostracés ,  ou  des  crustacés ,  dont 
les  yeux  sont  portés  sur  des  pédicules  mobiles ,  sans  cepen- 
dant en  avoir  bien  approfondi  l'anatomie  ,  car  il  leur  refuse  , 
ainsi  qu'aux  insectes ,  des  viscères ,  se  tait  sur  les  organes  de 


DE    l'histoire    de    L  ENTOMOLOGIE.  3l 

la  respiration  ,  ou  paraît  les  assimiler ,  sous  ce  rapport ,  aux 
poissons,  puisqu'il  dit  qu'ils  avalent  l'eau  et  la  rejettent.  Il 
remarque  qu'ils  ont  tous  deux  dents,  ou  ce  que  nous  nom- 
mons mandibules ,  et ,  dans  l'intérieur  de  la  bouche ,  une 
partie  charnue  qui  tient  lieu  de  langue  :  ce  doit  être  le  labre. 
Dans  un  passage  relatif  à  l'écrevisse,  ce  qu'il  appelle  col  a  em- 
barrassé quelques  critiques.  Il  nous  semble  qu'il  désigne  ainsi 
la  séparation  du  plastron  et  de  la  tête.  Ce  plastron ,  ou  la  poi- 
trine ,  est  divisé  en  cinq  parties ,  et ,  suivant  Aristote  ,  on 
peut  compter  pour  une  sixième  cette  extrémité  large  qui  se 
partage  en  cinq  tablettes  ;  c'est ,  selon  nous,  la  queue.  Quoi- 
qu'il parle  de  l'estomac,  il  ne  fait  pas  mention  des  pièces  dures 
et  dentées  qu'on  y  trouve  ,  ni  de  ces  concrétions  pierreuses 
qu'on  nomme  vulgairement  jeux  d'écreuisse.  L'intestin  est 
droit,  et  la  matrice  est  située  tout  auprès^  le  dessous  du 
corps  est  composé  de  plusieurs  tablettes,  et  là  sont  déposés 
les  œufs.  C'est  à  cette  époque  de  la  gestation  que  ces  animaux 
sont  les  meilleurs  à  manger.  La  chair  du  crustacé  appelé  ourse 
est  cependant  plus  estimée  lorsque  la  femelle  n'a  pas  encore 
fait  sa  ponte.  Dans  l'accouplement,  dont  la  durée  est  longue, 
les  deux  sexes  s'approchent  par  derrière ,  relèvent  tous  les 
deux  leur  queue  ,  et  en  appliquent  l'une  contre  l'autre  la  face 
inférieure  *,  ce  qui  suppose  que  le  corps  de  l'un  des  deux  est 
renversé  sur  le  dos  ,  quoique  Aristote  n'en  dise  rien.  Il  n'ad- 
met aucune  intromission  ,  et  cependant  il  ne  pense  pas  que  le  . 
mâle  puisse  féconder  les  œufs  à  la  manière  des  poissons.  La 
femelle  les  porte  d'abord  dans  son  corps  ^  il  se  fait  ensuite  une 
première  ponte  ,  ils  passent  sous  la  queue  ,  y  demeurent ,  du 
moins  quant  aux  langoustes  ,  l'espace  d'environ  vingt  jours,  y 
subissent  une  sorte  d'incubation  ,  et  s'en  détachent  ensuite. 
C'est  au  commencement  du  printemps  que  cette  union  a  lieu. 
A  la  même  époque  aussi,  et  quelquefois  en  automne,  ils  chan- 
gent de  peau  .  qui ,  par  les  efforts  de  l'animal ,  éclate  et  tombe 
pièce  par  pièce.  Ils  sont  omnivores ,  et  ils  se  tiennent  cachés 
pendant  les  jours  de  l'hiver  où  le  froid  est  le  plus  rigoureux, 
Quelques  uns  sont  employés  dans  la  médecine.  Telles  sont , 


3^  TABLEAU 

par  rapport  aux  malacostracés ,  les  observations  les  plus  gé- 
nérales d'Aristote  -,  il  a  d'ailleurs  décrit  avec  assez  d'étendue 
les  écrevisses  et  les  langoustes.  Mais  quels  sont  les  crustacés 
mentionnés  par  lui  et  d'autres  anciens  auteurs  ?  quels  noms 
leur  ont-ils  donnés?  C'est  ce  qui  va  être  l'objet  de  notre  exa- 
men. Heureusement  que  M.  Cuvier  nous  a  prévenus  à  cet 
égard ,  et  qu'il  a  débrouillé  en  grande  partie  cette  nomencla- 
ture dans  un  Mémoire  qu'il  a  joint  au  recueil  de  ceux  qu'il  a 
publiés  sur  les  mollusques. 

Aristote  distingue  quatre  genres  de  malacostracés  :  les  lan- 
goustes ,  cajYibosj  les  écrevisses,  astacos-,  les  squilles ,  caris,  et 
les  cancres  ou  crabes,  carcinos  :  ceux-ci  sont  des  bracbyures , 
et  les  trois  aulres  des  macroures.  Pline  a  jeté  une  grande  con- 
fusion dans  la  nomenclature  de  ces  animaux ,  et  qui  a  égaré 
plusieurs  naturalistes  modernes.  Après  avoir  parlé  des  lan- 
goustes, locustœ,  qu'il  place  avec  Aristote  parmi  les  animaux 
exsangues,  il  dit  que  les  diverses  sortes  de  cancres ,  cancri, 
sont  :  les  carabes,  caiabij  les  écrevisses,  astacij  les  maïa , 
maÙBj  les  pagures  ,  pagurij  les  héracléotiques ,  heracleotici ; 
les  lions,  leoneSy  et  d'autres  moins  connus.  Les  carabes,  sui- 
vant lui ,  s'éloignent  des  aulres  cancres  par  leur  queue.  Les 
Phéniciens  les  nomment  Iiippei,  cavaliers ,  parce  qu'ils  cou- 
rent d'une  telle  vitesse  qu'on  ne  peut  les  atteindre.  Nous 
savons  que  les  crustacés  qui  ont  de  telles  habitudes ,  et  qui  ont 
été  désignés  sous  le  même  nom  par  Aristote  {Hist.,  liv.  X, 
ch.  Il)  sont  desocypodes,  division  des  décapodes  bracbyures, 
et  que  dès-lors  ils  ne  doivent  pas  être  confondus  avec  les  ca- 
rabes de  celui-ci ,  qui  sont  des  macroures.  Traitant  immédia- 
tement après  des  cancres  ,  Pline  avance  que  le  premier  pied 
de  la  femelle  est  double ,  et  celui  du  mâle  simple  ;  mais  ce  ca- 
ractère emprunté  d'Aristote  n'est  propre  qu'aux  langoustes,  ou 
sesca;YiZ>05.Il  se  contredit,  ou  du  moins  il  commet  une  nouvelle 
méprise ,  en  disant  que  ces  cancres  ont  de  plus  deux  bras  en 
forme  de  tenailles,  et  dont  la  partie  supérieure  seule  est  mobile. 
Il  nous  montre  ces  animaux  réunis  en  troupe,  et  qui,  ne  pou- 
vant forcer  l'entrée  du  Pont-Euxin,  reviennent  sur  leurs  paSj  en 


DE    l'hISTOFRE    de    L  ENTOMOLOGIE.  33 

faisant  un  circuit  par  terre.  Lepinnothère,  pimiotheres,  est  le 
plus  petit  de  tous ,  et  le  plus  exposé  par  là  à  tous  les  dangers. 
Il  a  l'adresse  de  se  cacher  en  Ire  les  écailles  des  huîtres  vides  , 
et  de  passer  dans  de  plus  grandes  lorsqu'il  se  trouve  trop  gêné 
à  raison  de  l'accroissement  du  volume  de  son  corps.  En  com- 
parant ce  passage  avec  ceux  d'Arislote ,  où  il  parle  du  cancre 
petit ,  carcinion,  et  dont  il  désigne  plus  particulièrement  une 
espèce  vivant  dans  les  conques  sous  le  nom  de  petit  boiteux j  il 
nous  paraît  qu'il  s'agit  des  mêmes  animaux  que  dans  le  jjassage 
de  Pline  \  mais  avec  cette  différence  ,  que  le  naturaliste  grec 
leur  donne  exclusivement  ])our  habitation  des  coquilles  uni- 
valves  ,   et  que  le  naturaliste  romain  réunit  génériquement 
comme  identiques  ces  carcinions  ,  les  pagures  de  Fabricius  ou 
les  hermites,  avec  le  pinnothère  ou  pinnophylax,  le  gardien 
de  la  pinne  marine  ,  et  avec  quelques  petits  crabes  blancs  dont 
parle  l'autre,  naissant  dans  quelques  testacés  bivalves,  comme 
les  pétoncles  et  les  huîtres  ,  ceux  qui  composent  aujourd'hui 
le  genre  pinnothère  proprement  dit. 

Fabricius ,  s'embarrassant  fort  peu  du  nom  donné  ancien- 
nement aux  langoustes ,  a  imposé  à  ce  genre  la  dénomination 
de  palimuus ,  dont  l'étymologie  signifie  :  qui  uriiie ,  ou  qui 
regarde  somment)  qui  veille.  Point  d'ambiguité  à  l'égard  des 
astacus.  Ce  nom  est  propre  aux  crustacés  que  nous  appelons 
homards,  astacus  marinuSy  Fab.,  écrevisses,  astacus  Jluvia- 
tilis,  du  même ,  et  qu'Aristole  a  distingués  sous  le  rapport  des 
milieux  d'habitation,  ou  les  eaux  marines  et  les  eaux  douces. 
Les  Vénitiens  nomment  le  homard ,  astase ,  mot  qui  nous 
rappelle  celui  ^ astacus-^  c'est  le  gammaro  des  habitans actuels 
de  Rome ,  dénomination  presque  la  même  que  celle  de  gani- 
marus^  ou  cammarus  des  anciens.  Mais  il  paraîtrait ,  d'apiès 
Columelle,  Athénée  ,  et  quelques  autres  auteurs ,  que  l'on  dé- 
signait plus  particulièrement  ainsi  diverses  salicoques  ser- 
vant de  nourriture  au  peuple.  Le  gammarus  était,  suivant 
Athénée  ,  une  espèce  de  carjdon ,  expression  presque  identi- 
que avec  celle  de  caridion ,  qui  nous  rappellerait  une  squille 
d'Aristote,  qu'il  désigne  sous  le  nom  à^  petite.  Ces  crustacés 

3 


34  TABLEAU 

ont  le  corps  voûté ,  sont  très  agiles  et  sautillent ,  et  c'est  peut- 
être  pour  cette  raison  qu'on  les  a  nommés  cammarus  et 
ganunarus.  C'est  encore  au  homard  ou  à  quelqu'une  de  ses 
variétés  ,  remarquable  soit  par  sa  taille ,  soit  par  ses  couleurs , 
que  nous  rapporterons  le  crustacé  que  Pline  nomme  elephaii- 
thus.  Celui  qu'il  appelle  leOy  décrit  sous  la  même  dénomina- 
tion par  Elien ,  est  semblable  à  la  langouste,  mais  avec  des  pro- 
portions plus  grandes  et  plus  grêles ,  et  des  bras  tantôt  très 
grands ,  tantôt  pareils  à  ceux  des  crabes  -,  il  est  bleu ,  avec  des 
taches  noires.  Parmi  les  décapodes  macroures  de  la  Méditer- 
ranée ,  auxquels  ces  traits  peuvent  convenir,  je  ne  vois  que 
les  galathées ,  et  telle  avait  été  aussi  l'opinion  de  Ptondelet 
{ galathea  j^ugosa ,  Fab.),  ou  Yastacus  norwegicus,  qui,  sui- 
vant ce  que  m'a  dit  M.  Milne  Edwards ,  est  très  abondant  dans 
la  mer  Adriatique  ,  et  qu'Aldrovande  a  aussi  mentionné. 
Scylla  (i)  ,  scjllaros  ou  scjllarus,  sont  des  noms  dont  on  a 
fait  des  applications  très  diverses ,  mais  dont  l'étymologie  pa- 
raît indiquer  des  corps  rudes,  raboteux  ou  comme  rocailleux. 
Les  crustacés  du  s^enre  scjllarus  deFabricius  sont  dans  ce  cas, 
et  on  peut  y  reconnaître  avec  Rondelet  la  cigale  de  mer  de 
quelques  auteurs  anciens ,  puisque ,  suivant  M.  Roux ,  les 
scyllares  sont  encore  appelés  aujourd'hui,  dans  quelques  points 
de  la  Méditerranée ,  cigalo.  Nous  y  rapporterons  encore  Yarc- 
tos  d'Aristote,  ow.Yursa  des  Latins.  La  chair  de  ces  scyllares 
étant  excellente,  il  est  probable  que  ces  crustacés  ont  été  sous 
ce  rapport  connus  des  anciens.  La  Méditerranée  en  offre  deux 
espèces ,  l'une  plus  grande,  noire  S.  large,  Yorchetta  de  Ron- 
delet ,  et  l'autre  le  S.  ours.  On  comparait  la  cigale  de  mer 
avec  la  langouste  de  nos  côtes,  palinurus  locusta ,  Oliv.  5 
mais  on  avait  remarqué  qu'elle  en  différait  par  les  antennes 
et  l'absence  d'aiguillons  :  observations  qui  confirment  le  rap- 
prochement que  nous  avons  fait.  Ces  aiguillons,  ou  ces  épines, 
dont  est  hérissé  le  lest  de  notre  langouste ,  nous  rappellent  un 


(1)  Nom  d'un  poisson  clans  Pline. 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  35 

trait  inouï  de  cruauté  de  Tibère ,  qui ,  au  rapport  de  Suétone , 
ordonna  que  l'on  déchirât  avec  ces  épines  la  bouche  d'un 
pécheur. 

Aristote  distingue  les  caris ,  ou  squilles ,  des  autres  genres 
de  crustacés  indiqués  par  lui ,  en  ce  que  ces  crustacés  ont  une 
queue ,  qu'ils  sont  dépourvus  de  pinces ,  que  cette  queue  n'a 
que  quatre  nageoires  avec  des  épines  intermédiaires ,  et  qu'ils 
ont  plus  de  pieds  que  les  autres.  Les  naturalistes  ont  généra- 
lement retrouvé  dans  ces  squilles  ces  petits  crustacés,  qu'on 
nomme  communément  chevrettes ,  crevettes,  salicoqiies ,   et 
autres  analogues.  Quoiqu'il  ne  soit  pas  vrai  de  dire  qu'ils  n'ont 
point  de  pinces,  il  est  certain  qu'à  l'égard  de  la  grandeur  et 
de  la  force  elles  ne  sont  point  comparables  à  celles  des  crabes , 
des  écrevisses,  etc.  Le  dernier  segment  de  leur  queue  est 
étroit,  allongé  et  épineux-  les  appendices  inférieurs  de  cette 
queue ,  et  souvent  aussi  les  pieds-màchoires  étant  plus  allongés 
que  dans  les  autres  macroures ,  Aristote  ,  sous  le  rapport  du 
nombre  des  pieds ,  a  pu  être  induit  en  erreur  ou  s'exprimer 
inexactement.   Il  y  a ,  suivant  lui ,  trois  espèces  de  squilles  : 
les  squilles  bossues ,  les  cranges  et  les  squilles  de  la  petite  es- 
pèce. La  crange  a  d'abord  quatre  pieds  de  chaque  coté  ,  et 
ensuite  trois  autres.  Ce  caractère  paraît  exclusivement  con- 
venir au  genre  squilla  de  Fabricius ,  et  probablement  à  l'es- 
pèce la  plus  grande  de  la  Méditerranée  ,   celle  qu'il  appelle 
mantis.  Quant  à  la  squille  bossue  ,  qui  a  ,  suivant  lui ,  cin([ 
pieds  de  chaque  côté ,  il  paraît ,  d'après  Athénée  ,  qu'elle  était 
des  plus  recherchées  pour  la  table  ,   et  c'est  probablement 
celle  que  Rondelet  nomme  caramot,  et  dont  on  fait  un  grand 
commerce   dans  le  Levant,   ou  notre  penée   caramot.   Ces 
crustacés  macroures  et  comestibles ,  d'une  taille  inférieure  , 
connus  sous  les  noms  de  crevettes^  salicoques,  etc.,  qui  appar- 
tiennent aux  genres /7rtZemo7z^  squilla,  nika,  etc.,  seront  donc 
la  petite  espèce  de  squille  du  naturaliste  grec. 

Son  dernier  genre  ,  celui  de  carcinos,  ou  de  cancre ,  se 
compose  de  diverses  espèces ,  telles  que  le  maia ,  le  pagure  , 
l'héracléotique ,  le  carcin  de  rivière  et  le  carcin  cavalier.  La 


36  TABLEAU 

forme  arrondie  du  corps,  dont  la  queue  très  courte  est  repliée 
en  dessous ,  et  ne  paraît  pas  ,  l'animal  étant  vu  sur  le  dos,  ce 
qui  a  fait  dire  à  Aristote  qu'il  n'en  avait  pas ,  dénote  que  les 
carcins  sont  des  décapodes  brachyures.  Leur  marche  ,  en  di- 
vers sens ,  est  déterminée ,  selon  lui ,  par  le  mouvement  de 
quatre  pieds.  La  flexion  de  leurs  jambes  est  sur  le  côté,  et 
toute  différente  de  celle  des  jambes  des  quadrupèdes.  Il  décrit 
la  forme  générale  du  corps  et  la  bouche  \  il  dit  que  les  femelles 
ont  la  queue  plus  large ,  que  ces  crustacés  vivent  long-temps , 
et  qu'on  s'en  sert  comme  de  remèdes  dans  les  morsures  des 
phalanges  et  des  araignées.  Le  maia  est ,  suivant  Belon  ,  le 
crabe  appelé  squinado  à  Marseille,  ou  notre  maia  squinado. 
Il  rapporte  au  paguros  d'Aristote  le  crustacé  que  l'on  nomme 
dans  la  même  localité  calebassi,  en  Grèce  paguro,  et  pagule 
sur  quelques  côtes  de  France  5  c'est  le  cancer  paguj^s  de 
Linné.  Le  carcin  maia,  d'après  le  naturaliste  grec,  surpasse 
en  grandeur  toutes  les  autres  espèces.  Ce  crustacé  était  cé- 
lèbre par  les  vertus  médicales  qu'on  lui  attribuait ,  et  il  est 
représenté  sur  plusieurs  médailles.  L'application  qu'en  fait 
Belon  nous  paraît  devoir  être  adoptée.  Son  sentiment  au  sujet 
du  pagure,  espèce  qui,  suivant  Aristote,  est  ensuite  la  plus 
grande,  nous  semble  aussi  constaté  par  l'identité  de  sa  nomen- 
clature. Mais  on  n'a  point  les  mêmes  données  à  l'égard  du 
carcin  héracléotique ,  ainsi  nommé ,  soit  qu'il  fût  abondant 
sur  le  rivage  de  l'une  des  villes  appelées  Héraclée ,  soit  qu'il 
fût  consacré  à  Hercule.  Aristote  s'est  contenté  de  nous  ap- 
prendre qu'il  a  les  jambes  courtes,  et  que  ses  yeux  sont  plus 
rapprochés  que  ceux  du  maïa.  Si  l'on  pouvait  sur  ces  faibles 
renseignemens  hasarder  quelque  conjecture,  nous  fixerions 
nos  regards  sur  le  calappe  granulé ,  auquel  ces  caractères  con- 
viennent, et  qui  a  pu  être  remarqué  des  anciens,  à  raison  de 
sa  forme  hétéroclite.  Le  carcin  de  rivière  est  si  bien  repré- 
senté sur  quelques  anciennes  médailles  grecques  et  de  Sicile, 
qu'on  y  reconnaît  sans  difficulté  notre  Iclpliure  fluvialile.  Nul 
doute  encore  relativement  au  carcin  ipeis  ou  cavalier  5  c'est 
bien  Xocypode  ippeus  d'Olivier ,  décrit  et  figuré  par  lui  dans 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  37 

la  relation  de  ses  voyages  en  Orient.  Aristole  parle  de  petits 
crabes  que  l'on  trouve  dans  de  petits  poissons  ,  et  dont  les 
pieds  de  derrière  sont  plus  larges  ,  et  peuvent  servir  de  rames 
pour  nager.  On  juge  à  ces  traits  qu'il  a  eu  en  vue  des  por- 
tiines  deFabricius.  D'autres  crabes,  très  petits,  naissant  dans 
les  coquilles  de  quelques  testacés ,  comme  les  pétoncles ,  les 
huîtres,  etc.,  sont  évidemment,  ainsi  que  nous  l'avons  dit, 
des  espèces  de  notre  genre  pinnothère ,  dont  quelques  unes 
sont  très  communes  à  certaines  époques  de  l'année  dans  les 
moules.  Mais  le  crustacé  nommé  pinnothère  oMpinnophjlax, 
gardien  de  la  pinne  marine  par  les  anciens,  est-il  congénère? 
La  comparaison  que  l'on  a  faite  de  cet  animal  avec  un  cari- 
dion,  ou  petite  squille,  donne  lieu  à  quelque  doute,  et  qui 
serait  d'autant  plus  fondé ,  qu'Olivier  a  effectivement  trouvé 
dans  la  pinne  marine  une  espèce  particulière  de  salicoque. 
D'autres  auteurs  anciens  assimilent  le  pinnothère  à  une  petite 
araignée ,  ce  qui  conviendrait  assez  au  crustacé  que  nous  dé- 
signons ainsi.  Nous  savons  en  outre  qu'on  en  rencontre  aussi 
dans  les  pinnes  marines ,  les  éponges ,  les  alcyons ,  etc.  Un 
animal  analogue  est  figuré  sur  quelques  zodiaques  égyptiens 
et  indiens.  Ce  que  l'on  a  dit  des  habitudes  du  pinnothère 
remonte  à  la  plus  haute  antiquité.  Au  témoignage  d'Hor- 
Apollon  ,  il  était  représenté  avec  la  coquille  de  la  pinne  ma- 
rine, comme  un  symbole  indiquant  le  sort  d'une  personne 
qui  ne  peut  vivre  sans  le  secours  des  siens  ou  de  ses  proches. 
On  supposait ,  en  effet ,  que  le  propriétaire  naturel  de  la  co- 
quille l'ouvrait  afin  de  donner  entrée  aux  petits  poissons ,  et 
qu'il  était  averti  du  moment  opportun  pour  la  fermer ,  par 
son  gardien  le  pinnothère,  qui  le  pinçait.  Ils  partageaient  en- 
suite leur  proie;  mais,  faute  d'un  moniteur  si  vigilant,  le 
premier  animal  périssait.  J'ajouterai  qu'à  l'égard  de  la  con- 
stellation zodiacale  du  cancer ,  on  a  beaucoup  varié  dans  sa 
représentation.  Là  c'est  la  telphure  fluviatile  ou  un  portune; 
ici  une  langouste  ou  une  écrevisse;  sur  un  zodiaque  japonais 
c'est  un  limule. 

J'ai  parlé  plus  haut  du  carcinion  ou  petit  carcin  d'Aristote, 


38  TABLEAU 

le  cancelliLS  des  Latins ,  les  bernards  ou  hermites  ,  les  paguH 
des  naturalistes  modernes.  Il  croyait  qu'il  naissait  de  la  terre 
ou  de  la  vase.  Swamnierdam ,  en  opposition  avec  tous,  a 
soutenu  que  les  coquilles  lui  servant  d'habitation  lui  étaient 
propres. 

Ici ,  Messieurs ,  se  terminent  les  connaissances  des  anciens 
par  rapport  aux  animaux  qu'ils  désignaient  sous  le  nom  de 
malacostracés  ou  de  crustata.  Les  cloportes  et  autres  crusta- 
cés isopodes  étaient  rangés  avec  les  insectes  munis  d'un  grand 
nombre  de  pieds  ^  ce  sont  les  onos  ou  oniacos  de  Dioscoride , 
petits  animaux  qui  se  trouvent ,  disait-on  ,  sous  des  vases 
destinés  pour  l'eau,  ayant  plusieurs  pieds,  se  contractant  en 
boule  ,  lorsqu'on  les  saisit ,  et  semblables  alors  à  des  graines 
de  fèves  comestibles,  d'où  ils  furent  aussi  appelés,  cjamos , 
faba.  D'autres  les  ont  nommés  tylcs.  Alors,  comme  depuis, 
la  médecine  en  faisait  usage. 

Dans  la  même  série  des  insectes  polypodes  étaient  classés 
ceux  qu'ils  distinguaient  par  les  dénominations  suivantes  : 
muliipeda,  centipedes ,  inillepeda ,  seps ,  juins ,  l'm/o^  des 
Grecs  ,  scolopendra.  Aristote  se  borne  à  citer  Viulos  comme 
un  exemple  des  insectes  sans  ailes.  Quant  aux  scolopendres, 
ce  sont  encore,  suivant  lui,  des  insectes  aptères  ayant  plu- 
sieurs pieds  ,  et  dont  les  parties  ,  lorsqu'on  coupe  leur  corps  , 
ont  un  mouvement  progressif.  Il  en  mentionne  deux  espèces  , 
Tune  terrestre,  et  l'autre  marine.  Celle-ci,  d'après  ce  qu'il 
en  raconte,  paraît  être  une  néréide,  ou  quelque  autre  anne- 
lide  d'un  genre  voisin.  Les  scolopendres  étaient  encore  nom- 
més ophiocteiia ,  tueurs  de  serpens ,  centipeda  et  seps.  Lors- 
qu'on les  coupait  en  deux ,  cbaque  portion  était  censée  former 
un  animal,  allant  alors  en  sens  contraire,  ou  c'était,  si  l'on 
veut,  un  animal  à  deux  têtes.  Moufifet  a  figuré  comme  des 
scolopendres  marines  une  nymphe  de  libellule. 

Occupons -nous  maintenant  des  arachnides,  confondues 
pareillement  avec  les  insectes. 

Le  travail  de  l'araignée  est  trop  merveilleux  pour  n'avoir 
point  fixé  primitivement  l'attention  de  l'homme  et  obtenu 


DE    l'histoire    de    L  ENTOMOLOGIE.  3g 

son  admiration.  Salomon ,  en  remarquant  qu'elle  fixait  son 
domicile  et  établissait  son  atelier  jusque  dans  son  palais,  la 
proposait  à  ses  courtisans  comme  un  modèle  de  prudence , 
d'amour  du  travail  et  de  dextérité,  \  ous  connaissez  cette  fable 
de  la  Mytbologie ,  où  l'on  nous  peint  une  Lydienne,  élève  de 
Minerve,  punie  de  son  ingratitude  envers  elle  et  de  sa  vanité, 
et  cependant  sauvée  de  son  désespoir  par  sa  métamorpbose  en 
un  animal ,  arachne,  ou  l'araignée ,  Varaneus  des  Latins.  Les 
pbalanges,  phalanx ,  les  petites  phalanges,  ou  phalangium , 
ou  psjUon,  les  psylles ,  les  scorpions,  les  acari,  le  croton, 
ou  le  ricinus  des  Latins,  tels  sont,  avec  les  animaux  précé- 
dens  ,  les  arachnides  mentionnées  par  Arislote.  Mais  comme 
les  mêmes  espèces  ont  pu,  suivant  la  diversité  des  idiomes, 
avoir  reçu  plusieurs  dénominations,  qu'on  a  pu  parler  d'es- 
pèces qu'il  n'a  point  connues,  qu'on  a  pu  confondre  avec  les 
araignées  quelques  hyménoptères  sans  ailes ,  telles  que  les 
mutilles  ,  des  fourmis,  et  vice  verset,  on  verra,  en  consultant 
les  autres  auteurs  anciens  ,  que  cette  nomenclature  est  bien 
plus  étendue ,  et  que  n'étant  accompagnée  d'aucun  détail 
descriptif,  elle  est  en  majeure  partie  presque  indéterminable. 
Wotton  (De  differentiis  animal.,  lib.  IX,  cap.  ccx  etccxi) 
a  donné  un  extrait  de  tous  les  anciens  écrits  sur  ce  sujet.  S'il 
faut  en  croire  Pline ,  les  plialajigiurn  sont  des  espèces  d'arai- 
gnées venimeuses,  inconnues  en  Italie.  Cela  supposerait,  ce 
qui  n'est  guère  croyable ,  que  de  son  temps  la  tarentule  n'était 
pas  regardée  comme  venimeuse.  Aristote  nous  a  dit  que  deux 
espèces  de  phalanges  mordent.  Il  en  a  observé  qui  font  des 
toiles,  d'autres  qui,  telles  que  le  psjllon,  sont  vives  et  sau- 
tillantes ,  d'autres  dont  le  mouvement  est  lent  et  qui  ne  sautent 
point.  Ces  animaux  couvent,  se  multiplient  beaucoup ,  et  se 
reproduisent  à  la  manière  des  araignées.  D'ailleurs  mêmes  dif- 
férences sexuelles,  mêmes  abstinences  prolongées.  Une  telle 
variété  d'habitudes  et  de  caractères,  un  vide  aussi  absolu 
de  renseignemens  descriptifs ,  exclut  tout  moyen  de  recon- 
naissance positive.  La  dénomination  de  phalange  rappelle 
à  notre  souvenir  le  redoutable  corps  d'infanterie  macédo- 


4o  TABLEAU 

nienne  désigné  de  même  ;  l'anatomie  ,  par  comparaison  ,  s*est 
aussi  emparée  d'elle.  Beaucoup  d'aranéides  ont  sur  le  dos  des 
taches,  des  lignes  disposées  en  séries,  et  formant  des  dessins 
qui  représentent  grossièrement ,  comme  sur  nos  plans  figu- 
ratifs de  cartes  militaires  ,  un  corps  de  troupes  -,  peut-être  aussi 
désignait-on  ainsi  les  araignées  qui,  slationnaires ,  portaient 
leurs  quatre  pieds  antérieurs  en  avant  ^  peut-être  encore  les 
petits  de  plusieurs  espèces  se  réunissant  en  grand  nombre , 
lorsqu'ils  viennent  de  naître ,  est-ce  de  là  que  dérive  le  nom 
de  phalange. 

Lycos  ou  loup  est ,  suivant  Aristote ,  un  nom  commun  à 
deux  sortes  d'araignées  qui  se  mettent  en  embuscade  dans  un 
petit  trou ,  où  elles  attendent  le  moment  de  saisir  leur  proie. 
La  plus  petite  ne  fait  point  de  toile,  l'autre  en  ourdit  une 
inégale  et  mal  tissue  près  des  terres  et  des  masures.  Celle-ci 
est  probablement  une  espèce  de  clubione  ou  de  segestrie  5 
l'autre,  à  ce  que  je  présume,  est  une  espèce  de  lycose. 

Pline  nous  dit  que  les  Grecs  appellent  aussi  p7îala7igmm  un 
genre  d'araignées  ,  mais  qu'ils  le  distinguent  par  la  dénomina- 
tion de  loups.  Ce  seraient  des  araignées  des  champs ,  suivant 
JNicandre.  " 

Prévenons  à  Aristote.  L'araignée,  d'après  lui ,  vit  de  mouches 
qu'elle  prend  dans  ses  filets  ,  quelquefois  même  de  plus  grands 
animaux,  paraît  les  enchaîner,  et  ne  craint  même  pas  de  se 
jeter  sur  de  petits  lézards.  Elle  suce  sa  proie,  et  peut  sup- 
porter sans  périr  une  longue  abstinence.  Ses  fils  ne  sortent 
pas  de  l'intérieur  de  son  corps  comme  les  excrémens,  mais 
du  corps  même 5  il  veut  dire  ,  je  présume,  des  appendices  ex- 
térieurs ,  appelés  fi  licites.  La  femelle  seule  travaille ,  et  partage 
son  butin  avec  le  mâle.  Ce  naturaliste  parle  du  travail  de  trois 
espèces  d'araignées.  La  première,  du  nombre  des  tondeuses, 
se  lient  au  centre  de  sa  toile,  guette  sa  proie,  la  lie  en  l'en- 
tourant de  ses  fils,  et  la  transporte  dans  un  endroit  particulier 
destiné  à  ses  provisions.  Les  deux  autres  espèces  ourdissent 
des  toiles  d'un  tissu  serré 5  l'une ,  grosse  et  à  jambes  longues , 
se  suspend  à  l'extrémité  de  son  fil  pour  attendre  sa  proie  ; 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  4ï 

l'autre  se  lient  en  haut ,  à  une  petite  fenêtre  qu'elle  fabrique 
dans  sa  toile.  Ces  deux  araignées  appartiennent  à  la  division 
des  tapissières,  et  la  première  pourrait  bien  être  notre  araignée 
domestique,  ou  quelque  espèce  voisine. 

Ces  animaux  se  reproduisent  par  la  voie  de  la  génération. 
Le  mâle  monte  sur  la  femelle  ,  et  celle-ci  fait  l'intromission. 
Mais  il  est  une  sorte  de  phalange  faisant  une  toile ,  où  les  deux 
sexes ,  pour  cette  copulation  ,  tirent  chacun  de  leur  côté  un 
fil  5  et  qui ,  après  avoir  répété  plusieurs  fois  cette  manœuvre , 
s'approchent  et  s'unissent  par  leur  partie  postérieure.  Aristote, 
qui,  d'après  ce  que  je  viens  d'exposer,  croyait  que  ces  ani- 
maux s'accouplaient  à  la  manière  de  la  mouche  domestique  , 
donne  à  leurs  cocons  le  nom  de  vers,  dit  que  les  femelles  les 
couvent ,  et  qu'au  bout  de  trois  jours  on  en  distingue  les  mem- 
bres. Les  araignées  des  prés  déposent  les  germes  de  leur  repro- 
duction dans  une  toile ,  dont  la  moitié  est  appliquée  sur  leur 
corps  et  dont  l'autre  est  en  dehors.  Il  s'agit ,  à  ce  qu'il  nous 
semble  ,  de  quelque  espèce  de  dolomède  ou  de  lycose.  Swara- 
merdam  voudrait  qu'on  nommât  le  cocon,  nymphe,  animal  à 
forme  d'œuf ,  nymphœ  oi^iformes,  dénomination  inadmissible. 
Les  araignées  sont  aussi  vivipares  suivant  Pline  ^  il  appelle 
araneus  la  toile  qui  enveloppe  les  raisins  et  les  olives.  Le  thé- 
ridion  bienfaisant  de  M.  Walckenaer  nous  offre  un  fait  sem- 
blable ,  du  moins  quant  au  premier  de  ces  fruits.  Démocrite 
prétendait  que  les  araignées  dardaient  leurs  fils  ,  ainsi  que  le 
fait  le  porc-épic  à  l'égard  de  ses  piquans.  On  supposait  qu'elles 
tuaient  les  serpens  qui  reposaient  sous  leurs  toiles,  en  les  mor- 
dant à  la  tête.  On  avait  remarqué  qu'elles  pouvaient  servir  de 
baromètre  ;  une  élévation  plus  grande  annonçant  le  mauvais 
temps ,  c'était  alors  le  moment  du  travail  ;  si  les  jours  étaient 
sereins,  elles  se  reposaient.  Quatremère  Disjonval  a  observé 
tout  le  contraire.  On  vantait  les  propriétés  médicales  de  quel- 
ques unes  ;  elles  entraient  même  dans  la  composition  de  la 
thériaque.  Leur  toile  était  regardée  comme  un  excellent 
spécifique  coûtre  les  hémorrhagies  et  les  inflammations  des 
yeux. 


42  TA.BLEA.U 

Uaraneus  lanuginosus  de  Pline  ,  remarquable  par  la  gran- 
deur de  sa  tête,  avait,  dit-on  ,  dans  son  intérieur  deux  vermis- 
seaux qui,  attachés  avec  une  peau  de  cerf,  sur  la  femme 
avant  la  conception,  en  détruisaient  le  principe.  Aurait-on 
parlé  des  galéodes  ,  arachnides  ayant  aussi  une  grande  tête  et 
dont  les  mandihules  portent  dans  quelques  individus  un  petit 
appendice  ou  stylet  ?  Parmi  les  diverses  espèces  de  phalanges 
mentionnées  par  Aëlius  et  d'autres,  et  dont  il  serait  aussi 
fastidieux  qu'inutile  de  donner  la  nomenclature ,  il  y  en  avait 
dont  le  dessous  du  col  était  armé  d'un  dard.  La  languette  des 
galéodes  et  des  phrynes  dont  M.  Riffaut  a  trouvé  une  espèce 
en  Nubie ,  nous  présente  cette  ressemblance.  L'organe  sexuel 
de  nos  faucheurs ,  lorsqu'il  est  saillant ,  a  aussi  une  forme 
analogue.  La  manière  dont  Aëtius  parle  des  tétragnathes ,  et 
ces  quatre  bouches  ou  plutôt  ces  quatre  mâchoires  qui  leur 
ont  valu  cette  dénomination ,  nous  donne  lieu  de  soupçonner 
qu'elle  s'applique  à  ces  Galéodes.  Ces  animaux  étaient  si  abon- 
dans  une  contrée  de  l'Ethiopie  habitée  par  des  peuples  acri- 
dophages,  et  si  redoutés,  que  ceux-ci  avaient  été  forcés  de 
s'expatrier.  Dans  notre  Mémoire  sur  les  insectes  sacrés  des 
Egyptiens,  nous  avons  cité  la  figure  d'un  abraxas  donné  par  le 
père  Montfaucon ,  où  l'on  a  représenté  une  galéode.  Olivier 
a  publié  quelques  observations  sur  ces  arachnides  réputées  dan- 
gereuses. Selon  ce  que  m'a  raconté  un  excellent  entomologiste 
qui  a  parcouru  le  Caucase  et  en  a  étudié  avec  soin  les  insectes, 
M.  Godet,  une  espèce  de  ce  genre  y  est  très  commune.  Elle  vit 
dans  des  terriers  et  se  présente  avec  hardiesse  en  relevant  sa 
tête  ,  fiiisant  mouvoir  ses  mandibules  ou  plutôt  ses  chelicères, 
au-devant  de  son  agresseur,  de  l'homme  même.  Pline  a  aussi 
parlé  des  tétragnathes,  mais  il  est  bien  certain  que  l'une  d'elles, 
celle  qui,  suivant  lui,  tend  sur  les  murs  des  toiles  fort  larges 
pour  prendre  des  mouches ,  n'est  point  une  galéode ,  mais 
une  espèce  d'araignée  tapissière  ,  du  genre  segestrie  ou  de  ce- 
lui de  clubione  probablement.  Le  nom  de  solpuge  donné  par 
Lichtenstein  et  Fabricius  aux  galéodes ,  est  emprunté  d'an- 
ciens auteurs  et  synonyme  do  ceux  de  saipuga  et  solifuga. 


DE    l'pîISTOIHK    de    L'ENTOMOLOGfE.  4^ 

Les  uns  ont  comparé  l'animal  que  l'on  désignait  ainsi  à  une 
espèce  de  fourmi  ;  d'autres  en  ont  fait  une  araignée.  Il  fuyait 
la  lumière  de  l'astre  du  jour,  comme  l'indique  la  dernière 
dénomination.  Serait-ce  quelque  termes?  M.  Coquebert  de 
Montbret,  lorsqu'il  était  à  la  tète  du  bureau  de  statistique  du 
ministère  de  l'intérieur,  me  communiqua  une  espèce  de  mutille 
de  la  Corse,  dont  la  piqûre  passe  pour  être  très  venimeuse.  Or 
parmi  les  espèces  de  phalanges ,  il  en  était  une  appelée  myr- 
mecion  dont  les  caractères  donnés  par  Pline  paraissent  indiquer 
cette  espèce  ou  quelque  autre  très  analogue.  Le  myrmécion 
(  Hist,  nat.,  lib.  XXVIII,  cap.  iv  )  ressemble  par  la  tête  à  une 
fourmi ,  son  ventre  est  noir  avec  des  taches  blanches.  Elle  ap- 
paise  les  douleurs  produites  par  la  piqûre  des  guêpes  ;  je  pense 
aussi  qu'au  même  genre  de  mutille  se  rapporte  une  autre 
espèce  de  phalange,  semblable  encore,  d'après  ce  naturaliste,  à 
une  fourmi ,  mais  beaucoup  plus  grande ,  ayant  des  lignes 
blanches  et  formant  des  chevrons  sur  un  fond  noir  ;  sa  piqûre 
est  plus  vive  que  celle  des  guêpes.  L'application  du  corps 
écrasé  de  cet  insecte  ou  son  infusion,  réduit  en  poudre  ,  était 
son  antidote.  L'astérion  et  les  phalanges  nommés  sphecium, 
d^sderi,  sont  peut-être  encore  des  mutilles.  L'espèce  de  pha- 
lange appelée  sclerocephaloji ,  dont  la  tête  avait  une  consis- 
tance pierreuse  et  dont  tout  le  corps  était  marqué  de  petites 
lignes  représentant  en  quelque  sorte  ces  petits  insectes  qui  vo- 
lent autour  des  chandelles  allumées,  serait- elle,  ainsi  que  le 
scolecion ,  quelque  arachnide  du  genre  lycose ,  la  tarentule 
par  exemple ,  ou  quelque  autre  espèce  voisine  ?  Il  serait  in- 
croyable que  les  anciens  n'eussent  pas  observé  et  noté  diverses 
aranéides  remarquables  par  leur  grandeur,  et  dont  la  morsure 
d'ailleurs  pouvait  les  alarmer  5  mais  leur  nomenclature , 
faute  de  renseignemens  convenables,  est  inextricable.  J'ai 
soupçonné,  d'après  ceux  que  nous  possédons  sur  le  rhagium, 
que  cet  animal  pourrait  être  la  punaise  venimeuse  de  Miana  , 
ou  l'argus  de  Perse  de  la  tribu  des  acarides.  Pour  débrouiller 
un  tel  chaos,  il  faudrait  qu'un  nouvel  OEdipe  descfîjuiUtdu 
ciel.  /u\CiA^  /^ 


^:j» 


71/^rz. 


44  TABLEAU 

Les  arachnides  ayant  des  bras  terminés  en  pinces ,  et  dont 
la  queue  noueuse  est  armée  à  son  extrémité  d'un  aiguillon  , 
les  scorpions,  veux-je  dire,  ont  retenu  tant  dans  la  langue 
latine  que  dans  la  nôtre  et  quelques  autres  ,  cette  dénomina- 
tion reçue  antérieurement  en  Grèce.  Les  caractères  distinctifs 
exposés  ci-dessus  n'avaient  pas  échappé  à  Aristote ,  et  il  faut 
convenir  qu'il  n'y  avait  pas  grand  mérite  à  les  recueillir.  On 
ne  le  trouvera  pas  aussi  attentif  lorsqu'on  saura  qu'il  les  fait 
provenir  de  vers  à  forme  d'œuf.  C'est  aussi  ce  que  dit  Pline. 
Elien  les  fait  vivipares.  Le  nombre  des  petits  n'est ,  suivant  le 
naturaliste  grec ,  que  de  onze ,  qui  sont  quelquefois  dévorés 
par  les  mères  :  fait  dont  Maupertuis  a  été  aussi  témoin  ocu- 
laire. Les  dangers  résultant  de  la  piqûre  sont  plus  ou  moins 
grands ,  selon  la  température  des  climats  et  d'autres  circon- 
stances. Ils  deviennent  nuls  dans  quelques  uns.  Plutarque 
assure  avoir  vu  des  gens  bien  sains  manger  de  ces  animaux 
sans  en  être  incommodés.  Pline  ,  qui  enchérit  sur  tout,  et  qui 
s'appuie  du  témoignage  d' Aristote ,  dont  les  écrits  parvenus 
jusqu'à  nous  n'offrent  cependant  rien  de  semblable ,  dit  que 
les  scorpions  du  mont  Latmus  ,  en  Carie ,  ne  font  aucun  mal 
aux  étrangers ,  tandis  qu'ils  tuent  les  gens  du  pays.  Certes , 
c'est  un  trait  d'hospitalité  bien  digne  de  reconnaissance.  Tou- 
jours imbu  de  l'idée  de  la  supériorité  du  sexe  masculin  sur  le 
féminin  ,  il  veut  que  la  piqûre  des  individus  du  premier  soit 
plus  dangereuse  que  celle  des  individus  de  l'autre.  Nicandre 
compte  sept  espèces  de  scorpions.  Le  naturaliste  romain  en 
admet  deux  de  plus  ,  d'après  Apollodore  ,  et  dont  la  plus  re- 
marquable est  ailée.  Les  Psylles  avaient  souvent,  mais  en  vain, 
essayé  d'acclimater  celle-ci  en  Italie.  Strabon  ,  d'après  Mégas- 
thène  ,  parle  aussi  des  scorpions  ailés  que  l'on  trouvait  dans 
l'Inde ,  et  même  ,  disait-on  ,  en  Egypte.  Quelques  passages 
d'auteurs  anciens,  tels  que  Manilius,  Plante,  Varron,  Colu- 
melle ,  etc.,  nous  montrent  que  les  scorpions  étaient  aussi  dé- 
signés sous  le  nom  de  nepa,  Feslus  appelle  ainsi  le  crabe. 
Cette  confusion  provient  de  ce  que  le  scorpion  ,  qui  a  d'ail- 
leurs quelque  ressemblance  avec  ces  crustacés,  est  appelé 


DE    l'histoire    de    L  ENTOMOLOGIE.  ^5 

cancrah  en  hébreu ,  el  acrah  encore ,  ainsi  que  dans  la  langue 
arabe.  Il  existe  dans  les  eaux  des  contrées  intertropicales  des 
deux  mondes ,  de  grandes  espèces  du  genre  nepa  de  Linné , 
et  à  l'une  desquelles  il  a  donné  le  nom  de  grandis.  Quelques 
espèces  indigènes  ont  été  appelées  scorpions  aquatiques. 
Leurs  pâtes  antérieures  ressemblent  à  de  petits  bras,  et  au 
bout  de  leur  abdomen  sont  deux  petits  filets,  formant  une  sorte 
de  queue.  ^  oilà  ,  je  présume,  l'origine  de  l'histoire  ou  mieux 
de  la  fable  des  scorpions  volans  ou  ailés. 

Au  rapport  d'Elien  ,  les  prêtres  d'Isis  de  Coptos ,  en  Egypte , 
foulaient  impunément  aux  pieds  les  scorpions  ,  qui  étaient  très 
communs  dans  le  territoire  de  cette  ville.  Le  dessin  de  cet 
animal ,  accolé  à  celui  du  crocodile,  désignait,  dans  le  langage 
hiéroglyphique  ,  le  contact  de  deux  ennemis  égaux  en  forces. 
Il  n'est  pas  besoin  de  dire  que  le  scorpion  est  un  emblème 
astronomique  5  ce  qui  prouve  que  la  connaissance  de  cet  ani- 
mal remonte  à  la  plus  haute  antiquité.  A  entendre  Pline  ,  une 
fois  qu'on  a  été  piqué  par  lui ,  on  n'a  plus  à  craindre  de  l'être 
par  les  guêpes  et  par  les  frelons.  Tous  les  scorpions  sont  éga- 
lement venimeux  à  l'heure  de  midi.  Ils  ne  font  aucun  mal 
aux  animaux  sans  sang.  Suivant  Elien  ,  ils  tuent  toute  sorte  de 
serpens.  Une  espèce  ,  la  septième  de  Nicandre  ,  naissait ,  di- 
sait-on, de  la  putréfaction  du  crabe  appelé  pagure,  qui, 
pour  se  dérober  aux  poursuites  des  pêcheurs ,  se  retirait  dans 
des  cavernes,  et  y  périssait  quelquefois.  Ovide  y  fait  allusion 
dans  quelques  uns  de  ses  vers.  Elien  nomme  cette  espèce 
flammeus  ,  couleur  de  feu ,  parce  qu'il  prend  cette  couleur 
l'animal  étant  cuit.  On  croyait  encore  que  ces  arachnides  nais-- 
saient  du  cadavre  du  crocodile ,  idée  probablement  fournie 
par  l'hiéroglyphe  dont  je  viens  de  parler.  Suivant  d'autres  ^ 
ils  devaient  le  jour  à  la  putréfaction  de  certaines  plantes.  On 
savait  qu'il  en  existait  de  très  grands  aux  Indes.  Elien  rapporte 
qu'à  deux  journées  de  distance  de  Suze  ,  dans  le  pays  des 
Mèdes ,  il  y  a  une  telle  abondance  de  ces  animaux  ,  que  le  roi 
des  Perses  ,  devant  faire  ce  voyage  ,  en  faisait  acheter  ,  trois 
jours  auparavant  et  à  tout  prix ,  le  plus  qu'il  était  possible  , 


46  TABLEAU 

afin  de  ne  pas  être  arrêté  dans  sa  marche.  On  était  dans  l'idée 
qu'ils  se  réunissaient  pour  former,  en  s'accrochantles  uns  aux 
autres  par  la  queue  ,  une  sorte  de  chaîne  5  que  le  dernier  des- 
cendait pour  aller  piquer  l'homme  qui  dormait  au-dessous , 
qu'il  était  successivement  suivi  des  autres  de  la  bande,  et  qu'ils 
s'accrochaient  mutuellement  par  le  dos.  Un  passage  des  stro- 
mates  de  saint  Clément  d'Alexandrie  a  rapport  à  cette  idée. 
On  avait  vu  des  scorpions  à  double  queue.  Le  Muséum  d'his- 
toire naturelle  en  possède  effectivement  un ,  et  chez  lequel 
cette  monstruosité  paraît  être  naturelle.  Mais  il  nous  paraît 
plus  probable  qu'il  s'agit  ici  des  nèpes.  Aristote  mentionne 
une  petite  espèce  de  scorpion  sans  queue ,  qui  s'engendre 
dans  les  livres.  C'est  évidemment  une  espèce  du  genre  pince 
ou  faux  scorpion  ,  chelifer  de  Geoffroy.  Nous  craindrions  de 
vous  faire  perdre  un  temps  précieux  et  d'abuser  de  votre  pa- 
tience ,  si  nous  vous  entretenions  des  recettes  données  par  les 
anciens  pour  la  guérison  des  piqûres  du  scorpion ,  ainsi  que 
des  vertus  médicales  dont  un  charlatanisme  intéressé  ou  stu- 
pide  les  avait  gratifiés. 

On  classait  avec  les  insectes  se  nourrissant  des  humeurs 
des  animaux  ,  le  pou  ,  plithir  ou  pediculus  ,  la  puce  ,  psjlle 
ou  pille X ^  le  ricin,  ricinus  ou  redwus ^  redwius ,  le  cioton 
des  Grecs  ,  les  punaises  ,  cîmices  ou  coreis.  En  général ,  tous 
ces  insectes  engendraient  des  lendes,  lendes,  ou  des  conides 
dans  la  langue  des  Hellènes,  productions  oviformes,  mais  sans 
résultats  ou  stériles.  Ils  naissaient  d'eux-mêmes  des  anfrac- 
tuosités  ou  crevasses  de  la  peau  des  animaux,  ou  des  humeurs 
les  plus  chaudes  de  la  chair  même.  Il  faut  cependant  en  excepter 
la  puce  de  mer,  distinguée  par  Aristote,  et  qui  paraît  être  quel- 
que espèce  de  gammarus  deFabricius,  et  le  pou  de  mer  nommé 
œstros  en  grec ,  asilus  en  latin  ,  qui  s'attache  aux  branchies 
de  divers  poissons  ,  et  les  tourmente  comme  une  autre  espèce 
d'œstre  ou  asile,  mais  ailée.,  le  taon.  Il  s'engendre  au  fond  de 
la  mer,  et  il  empêche  souvent  les  poissons,  en  les  éveillant 
et  les  excitant,  d'être  surpris  par  les  pêcheurs  dans  leur  som- 
meil. C'est  quelque  espèce  du  genre  cjmothoa  de  Fabricius. 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  4? 

Parmi  les  poux  vivant  sur  d'autres  animaux ,  les  terrestres  , 
on  en  avait  remarqué  de  diverses  sortes  5  mais  on  confondait 
avec  eux  des  hippobosques  sans  ailes  ou  nos  melophages.  La 
maladie  dite  phthùiasis  avait  déjà  eu  des  victimes-,  le  poète 
Alcmane  ,  Phérécide  le  Syrien  ,  le  dictateur  Sylla,  furent  do 
ce  nombre.  L'on  s'imaginait  que  les  peaux  de  moutons  ou  de 
brebis  tués  par  les  loups ,  ainsi  que  les  vétemens  faits  avec 
leur  laine ,  étaient  plus  sujets  que  d'autres  à  la  vermine.  On 
distinguait  sous  le  nom  à^  pou  féroce  (^pediculus  ferox^  une 
espèce  de  ce  genre  plus  tenace  et  plus  cruelle  ,  pediculus  pu- 
bis.  On  savait  aussi  que  certains  oiseaux  en  nourrissaient. 
L'âne  avait  reçu  de  la  nature  une  exemption  totale.  Le  cheval 
était  encore  à  l'abri  des  morsures  du  ricin.  Mais  relativement 
à  celui-ci,  les  chiens  étaient  très  exposés  à  ses  attaques  ,  et  le 
ricin  était  appelé ,  pour  cette  raison  ,  cjnorhœstes.  Tout  ce 
que  raconte  Pline  de  sa  manière  de  vivre ,  de  sa  tuméfaction , 
nous    dénote   qu'il    est    question    de   ces    arachnides    qu'on 
nomme  tiques,  louvettes^  et  qui  composent  notre  genre  ixode. 
Aristote  dit  que  ces  animaux,  ou  crotones,  sont  engendrés  du 
gramen.  C'est  en  effet  sur  les  graminées  et  sur  d'autres  plantes 
des  bois  fourrés  qu'on  les  rencontre.  Il  a  aussi  connu,  ainsi 
que  Dioscoride ,  la   punaise  des  lits,   qu'on  emplovait,  de 
même  que  les  punaises  des  champs,  dans  certaines  maladies  , 
et  particulièrement  contre  la  morsure  de  l'aspic  et  d'autres 
serpens.  Elle  a  pour  ennemi  le  scolopendre  5  c'est  un  basilic 
pour  elle  ,  son  regard  lui  donne  la  mort.  Columelle  donne  le 
nom  de  puce  à  un  vermisseau  ou  une  espèce  de  chenille  qui 
ronge  certaines  plantes^  et,  comme  il  est  à  présumer  qu'il  a 
eu  en  vue  les  potagères ,  il  est  probable  qu'il  a  voulu  parler 
de  cette  espèce  d'altise  ,  que  l'on  nomme  populairement  puce 
des  jardins. 

Les  acares,  acari  en  latin  ,  et  acaridion  en  grec,  sont  men- 
tionnés par  Pline  et  Aristote.  Ce  sont  les  plus  petits  de  tous 
les  animaux ,  et  de  couleur  blanche.  On  en  trouve  dans 
la  vieille  cire  ,  et ,  suivant  quelques  variantes  du  passage  du 
naturaliste  grec ,  relatif  à  ces  arachnides ,  dans  le  vieux  fro~ 


^8  TABLEAU 

mage.  D'après  quelques  étymologistes ,  le  mot  acarus  dérive- 
rait de  cheiro  ou  tondeo,  je  tonds,  et  de  V alpha  privatif. 
D'autres  le  font  venir  du  mot  insecahile,  parce  qu'un  animal 
aussi  petit  est  incapable  d'être  divisé  par  le  tranchant  d'un 
instrument  coupant.  Nous  expliquerons  d'une  autre  manière 
l'origine  de  cette  dénomination,  lorsque  nous  arriverons  aux 
insectes  de  l'ordre  des  névroptères ,  appelés  termes  ou  ter- 
mites. Ici  se  terminent  nos  recherches  sur  les  arachnides  et 
autres  insectes  sans  ailes  de  Linné.  Ceux,  bien  plus  nom- 
breux ,  qui  ont  des  ailes ,  vont  être  le  sujet  de  notre  examen  , 
et  nous  inspireront  plus  d'intérêt.  Le  champ  que  nous  par- 
courons ensemble  ressemble  à  ces  déserts  arides ,  dans  les- 
quels on  ne  rencontre  que  de  loin  en  loin  des  oasis. 

Anciennement  comme  aujourd'hui ,  on  distinguait  au  corps 
des  insectes  ailés  trois  divisions  ou  parties  principales  :  la  tête , 
l'abdomen,  et  une  troisième,  intermédiaire,  dont  le  dessus 
portait  le  nom  de  dos,  et  la  face  opposée  celui  de  poitrine. 
Cette  division  n'avait  point  lieu  dans  les  myriapodes.  Les  in- 
sectes ont  deux  yeux  sans  paupières ,  et  comme  ils  sont  sou- 
vent fermes,  peu  favorisés  dans  leur  destination,  les  pieds 
antérieurs  ,  plus  longs  dans  plusieurs ,  y  suppléent  ;  ces  ani- 
maux s'en  servent  pour  sonder  ou  tâtonner  les  corps  sur  les- 
quels ils  sont  placés,  et  pour  se  nettoyer  les  yeux.  On  n'avait 
point  observé  leurs  organes  respiratoires ,  ou  du  moins  il  n'en 
est  pas  parlé  -,  mais  on  avait  remarqué  qu'ils  périssaient  si  on 
les  frottait  d'huile  ,  particulièrement  à  la  tête.  Les  abeilles  et 
les  cnipes  sentant  le  miel  de  loin ,  on  ne  pouvait  douter  de 
l'existence  du  sens  de  l'odorat.  Il  en  était  de  même  à  l'égard 
de  celui  du  goût,  par  rapport  aux  insectes  pourvus  d'une 
langue.  Tantôt  cet  organe  est  retiré  comme  dans  les  fourmis, 
tantôt  il  est  extérieur  et  formant  soit  une  trompe  fistuleuse 
et  charnue  propre  à  goûter  les  alimens  et  à  les  saisir,  comme 
dans  les  abeilles,  les  cigales,  les  mouches,  etc.,  soit  une 
arme  offensive  ou  aiguillon ,  ainsi  qu'on  le  voit  dans  les  œstres 
ou  taons ,  nommés  aussi  asiles,  les  cousins,  etc.  La  bouche 


ï 


DE    LlilSTOlRE    DE    l 'ENTOMOLOGIE.  49 

tle  ceux-ci  n'offre  point  de  dents  ,  et  aucun  diptère  n'a  d'ai- 
guillon à  sa  partie  postérieure.  Ces  dents  ne  ressemblent  point 
à  celles  des  autres  animaux ,   et  peuvent  exister  simultané- 
ment avec  la  langue,  comme  dans  les  fourmis.  Les  insocles 
qui  en  sont  munis  ,  et  quelques  uns  même  de  ceux  qui  n'ont 
qu'une  langue  ,  sont  omnivores.  Les  taons  sont  sanguisugcs, 
mais  il  leur  faut  peu  d'alimens ,  moins  à  raison  de  la  petitesse 
de  leur  corps  que  parce  qu'ils  sont  d'une  nature  froide.  Plus 
le  nombre  des  pieds  est  considérable  et  le  corps  allongé,  plus 
ce  tempérament  froid  domine.  Tel  est  le  cas  des  iules  et  autres 
myriapodes.    La   plupart  des  insectes  à  quatre  ailes  nues , 
généralement  vagabonds  ,   ont  un   aiguillon   au  bout  posté- 
rieur du  corps,  et  qui  peut  être  cacbé  ou  extérieur.  Les  pa- 
pillons et  les  carabes  (vojez  ci-après^  ont  à  la  tête  de  petites 
cornes  avancées  et  inofiFensives.  Les  ailes  sont  destinées  à  sup- 
pléer aux  autres  organes  de  la  locomotion.  Elles  ne  sont  point 
fendues  ni  composées  de  plumes,  mais  d'une  membrane  sèche, 
de  la  nature  de  la  peau.  Le  bourdonnement  est  le  résultat  du 
mouvement  rapide  avec  lequel  elles  s'élèvent  et  s'abaissent 
alternativement.  Plusieurs,  toujours  dépourvus  d'aiguillon, 
et  dont  la  vie  est  généralement  sédentaire,  ont  des  écailles, 
eljtron y  qui  recouvrent  et  protègent  leurs  ailes-,  ce  sont  les 
coléoptères  ou  vaginipennes.  On  appelle  ajiéfytres  ceux  qui 
les  ont  à  découvert ,  et  cbez  lesquels  leur  nombre  varie  de 
quatre  à  deux.  Les  insectes  qui  n'en  ont  que  deux  sont  petits 
et  vagabonds.  Tous  ces  animaux  sont  dépourvus  de  viscères; 
Aristote  ,  cependant ,  accorde  à  quelques  uns  un  estomac.  Les 
femelles  qui  s'accouplent  sont  généralement  plus  grandes  que 
leurs  mâles.  L'organe  de  reproduction  est  indiqué  par  une 
fente  située  au  bout  des  intestins.  Cela  est  surtout  très  visible 
dans  les  sauterelles-,  mais  dans  les  autres  insectes,  qui  sont  le 
plus  souvent  de  petite  taille,  cet  organe  n'est  point  connu. 

Les  uns  reproduisent ,  par  voie  de  copulation  ,  des  êtres 
semblables  à  eux  ,  les  sauterelles,  les  cigales  ,  etc.  -,  les  autres, 
s'accouplant  encore  ,  donnent  le  jour  à  des  animaux  d'une 
nature  différente  ,  à  de  petits  vers  ,  les  guêpes,  par  exemple  , 

4 


6o  TAELEAÎJ 

et  plusieurs  mouches  ^  d'autres ,  s'unissanl  aussi  sexuellement , 
sont  cependant  engendrés  par  la  pourriture  seule  ,  les  matières 
humides ,  comme  d'autres  mouches ,  les  puces ,  les  cantha- 
rides ,  etc.  Les  autres  ne  s'accouplent  point  et  ne  doivent  point 
leur  existence  à  des  insectes  semblables  à  eux ,  mais  naissent 
de  feuilles ,  de  la  rosée  ,  de  la  boue ,  du  fumier,  des  racines , 
du  vieux  bois ,  se  forment  aussi  dans  les  poils  des  animaux  et 
dans  leurs  excrémens  expulsés  au-dehors  ou  non  ,  dans  la  lie 
du  vinaigre  ,  la  neige  vieille ,  le  feu  même.  Dans  la  copula- 
tion ,  les  corps  sont  opposés  l'un  à  l'autre ,  et  la  femelle  intro- 
duit le  bout  de  son  ventre  dans  une  ouverture  de  celui  du 
mâle  ,  ainsi  qu'on  le  voit  dans  la  mouche  domestique  ou  com- 
mune. Il  y  a  cette  différence  entre  l'animal  produit  par  un 
œuf  et  celui  qui  l'est  par  un  ver,  que  le  premier  n'est  formé 
que  d'une  portion  de  l'œuf,  tandis  que  l'autre  s'accroît  par 
une  augmentation  générale  de  volume  des  parties  supérieures 
surtout ,  et  au  détriment  des  inférieures.  La  plupart  des  insectes 
naissent  sous  cette  dernière  forme ,  et  Aristote  considère  leurs 
œufs  comme  de  petits  vers  immobiles.  Les  chenilles  provien- 
nent de  feuilles,  de  celles  du  chou  particulièrement.  On  y 
voit  d'abord  quelque  chose  se  rapprochant  pour  la  forme  d'un 
grain  de  millet.  Le  vermisseau  se  contracte  ensuite  ^  un  peu 
accru,  il  devient  une  petite  chenille.  Quelque  temps  après 
et  ayant  grossi ,  cette  chenille  perd  ses  mouvemens  et  est 
transformée  en  chrysalide  ou  aurélie  recouverte  d'une  écorce 
ou  pellicule  assez  ferme  :  elle  ne  prend  alors  aucune  nour- 
riture. Sa  peau  se  rompt,  et  il  en  sort  un  insecte  ailé  qu'on 
nomme  papillon,  psyché,  hepiolos  en  grec,  le  papilio  des 
Latins.  Au  sujet  de  la  génération  de  ces  insectes,  Aristote 
faisait  une  exception  -,  il  avait  observé  qu'une  espèce  produi- 
sait un  corps  dur,  semblable  à  un  grain  de  carlhame.  Les  cou- 
leurs des  papillons  sont  le  produit  de  celles  de  leurs  chenilles, 
si  celles-ci  tirent  leur  nourriture  du  dehors.  Il  est  des  vers 
qui  croissent  aux  dépens  de  leur  substance  intérieure.  Tout 
ver,  n'importe  son  origine ,  qui  se  métamorpliosc  en  chrysa- 
lide,  a,  dans  ce  dernier  état ,  la  forme  et  les  propriétés  d'un 


DE    L'HISTOIRE    DE    L  ENTOMOLOGIE.  5l 

œuf.  Ainsi,  non  seulement  les  papillons,  mais  encore  les 
abeilles,  les  guêpes,  etc.  ,  sont  soumis  à  cette  loi.  La  durée 
de  ces  changemens  et  de  la  vie  n'est  point  constante.  Les 
insectes  qui  donnent  le  jour  à  des  èlres  de  leur  sorte  ou  sem- 
blables à  eux ,  vivent  généralement  plus  long-temps  ;  cette 
durée  néanmoins  ne  passe  guère  un  an.  Quelques  uns  se 
retirent ,  aux  approches  de  l'hiver,  dans  l'intérieur  des  mai- 
sons ^  les  autres  se  tiennent  cachés  pendant  cette  saison.  Les 
années  chaudes  et  humides  sont  les  plus  favorables  à  leur 
multiplication.  Leurs  habitudes  avaient  été  peu  observées. 
On  avait  seulement  remarqué  que  les  cantharides  contrac- 
toient  leurs  pieds  et  se  mettaient  en  peloton.  Voilà,  Messieurs, 
le  résumé  des  connaissances  générales  que  les  anciens  nous 
ont  transmises  sur  les  insectes.  On  voit  que,  par  rapport  aux 
ailes  ,  ils  avaient  observé  leur  nature  et  leur  nombre  ,  et  que , 
d'après  ces  données  ,  ils  formaient  dans  cette  classe  d'animaux 
trois  divisions  :  deux  ailes  recouvertes  par  deux  écailles  ,  les 
coléoptères  ^  quatre  ailes  nues  ;  deux  ailes.  On  voit  encore 
que  les  tétraptères  pouvaient  être  partagés  en  ceux  qui  ont  un 
aiguillon  postérieur  et  en  ceux  qui  sont  inermes^  qu'à  l'égard 
des  organes  de  la  manducation ,  ils  avaient  aperçu  quelques 
unes  de  leurs  modifications  principales.  Ceux  dont  la  langue 
ou  plutôt  la  trompe  était  propre  à  percer  la  peau ,  étaient 
censés  pourvus  d'un  aiguillon  extérieur-,  mais  ce  caractère 
n'était  propre  qu'à  certains  diptères.  Je  n'en  découvre  aucun 
dans  Aristote  ni  dans  Pline  qui  soit  relatif  à  la  nature  fari- 
neuse des  ailes  des  lépidoptères  ,  ni  à  la  forme  de  leur  trompe. 
Quant  à  la  génération  ,  tous  ceux  dont  la  ponte  n'avait  pas 
été  suivie  ,  et  c'était  le  plus  grand  nombre ,  étaient  considérés 
comme  naissant  spontanément  des  diverses  substances  où  on 
trouvait  leurs  larves  ou  leurs  œufs ,  désignés  sous  ces  deux 
états  par  le  nom  collectif  de  ver,  scolex ,  qui  s'étendait  jus- 
qu'aux chenilles  même.  Parmi  les  vers ,  ceux  qui  se  trouvaient 
sur  les  chairs  pourries  étaient  appelés  plus  particulièrement 
eulaij  et  ceux  de  l'intérieur  du  corps  de  l'homme  et  des  ani- 
maux ,  ou  les  vers  intestinaux  ,  étaient  des  elmins ,  nom  qu'on 


5^  TABLEAU 

a  traduit  en  latin  par  les  mots  lumbricuSf  tinea  ou  tœnia ,  et 
des  ascarides.  Cependant  Aristote  emploie  le  mot  de  scolex 
à  l'égard  de  la  larve  d'une  espèce  d'œstre  qui  se  trouve  dans 
la  bouche  du  cerf,  et  celui  d'ascaride  pour  des  larves  de 
cousins,  conops  ou  empis.  Quelques  autres  larves  d'insectes 
ont  aussi  reçu  des  dénominations  particulières^  celle,  par 
exemple,  de  teredon  (chenille-tarière,  Camus),  quant  à  la 
chenille  de  la  galerie  de  la  cire  ^  de  setis,  quant  à  celles  qui 
rongent  nos  meubles,  et  que  nous  appelons  teignes,  et  celle 
encore  de  cleros  pour  une  autre  larve  des  ruches.  Lorsqu'on 
ignorait  les  transformations  de  diverses  larves ,  on  les  distin- 
guait par  leurs  lieux  d'habitation.  Toutes  les  nymphes  inac- 
tives étaient  appelées  chrysalides,  ou  aujelies.  Ces  notions  gé- 
nérales plus  développées,  accrues  de  quelques  considérations 
nouvelles,  et  purgées  du  vice  de  la  génération  spontanée,  ont 
servi  de  base  aux  premières  bonnes  méthodes  modernes. 

Passons  maintenant  en  revue  la  nomenclature  des  insectes 
mentionnés  par  les  anciens,  et  donnons  un  extrait  des  ob- 
servations qu'ils  leur  avaient  fournies.  Procédons  avec  ordre  , 
et  commençons  par  les  coléoptères  ou  les  vaginipennes. 

Le  cantharos  des  Grecs ,  le  scarabœus  des  I^atins,  celui  que 
divers  traducteurs  ont  nommé  pilulaire,  fut  le  plus  célèbre  de 
tous ,  du  moins  chez  les  Egyptiens  et  chez  les  peuples  qui  eu- 
rent avec  eux  des  relations  habituelles  et  leur  durent  en 
grande  partie  leurs  connaissances.  De  tous  les  auteurs  qui  en 
ont  parlé,  Hor-Apollon  ,  dans  l'ouvrage  que  j'ai  déjà  cité  ,  de 
la  sagesse  symbolique  des  anciens  ,  est  celui  qui  l'a  fait  avec  le 
plus  d'étendue.  Nous  allons  donner  un  extrait  du  passage, 
mais  avec  plus  d'ordre  dans  les  idées.  Il  distingue  trois  espèces 
de  cantharos  ou  de  scarabées.  La  première  ,  ou  le  scarabée 
proprement  dit,  présente  des  sortes  de  rayons,  d'où  par  ana- 
logie elle  a  été  consacrée  au  soleil ,  et  ressemble  à  un  chat  5 
car  les  F.gyptiens  disent  que  le  chat  mâle  suit  par  le  mouvement 
de  ses  prunelles  le  cours  de  cet  astre ,  qu'elles  se  dilatent  le 
matin  au  lever  du  dieu  ,  qu'elles  s'arrondissent  vers  le  milieu 
de  sa  course  ,  et  qu'elles  s'obscurcissent  vers  son  coucher. 


DE    L  HISTOIRE    DE    l'eNTOMOLOGIE.  53 

C'est  pour  cela  qu'on  voit  à  Héliopolis  une  statue  qui  repré- 
sente ce  dieu  sous  la  forme  d'un  chat.  Tous  les  individus  de  ce 
scarabée  sont  du  sexe  masculin.  Lorsque  l'insecte  veut  se  re- 
produire ,  il  cherche  de  la  fiente  de  bœuf,  et  après  en  avoir 
trouvé,  il  en  compose  une  houle  dont  la  figure  est  celle  du 
monde.  Il  la  fait  rouler  avec  les  pieds  de  derrière  ,  en  allant  à 
reculons  et  dans  la  direction  de  l'est  à  l'ouest ,  sens  dans  lequel 
le  monde  est  emporté  par  son  mouvement.  Celui  des  astres  se 
fait  dans  un  sens  opposé  ou  du  vent  du  couchant  vers  celui  du 
levant.  Le  scarabée  enfouit  sa  boule  dans  la  terre  où  elle  de- 
meure cachée  pendant  vingt-huit  jours,  espace  de  temps  égal 
à  celui  d'une  révolution  lunaire  ,  et  pendant  lequel  la  race  du 
scarabée  s'anime.  Le  vingt-neuvième  jour,  que  l'insecte  con- 
naît pour  être  celui  de  la  conjonction  de  la  lune  avec  le  soleil 
et  de  la  naissance  du  monde  ,  il  ouvre  cette  boule  et  la  jette 
dans  l'eau  5  il  en  sort  des  animaux  qui  sont  des  scarabées. 
C'est  par  ces  motifs  que  les  Égyptiens  voulant  désigner  un 
être  unigène  ou  engendré  de  lui-même,  une  naissance,  un 
père ,  le  monde,  l'homme,  peignaient  un  scarabée.  La  seconde 
espèce  a  deux  cornes,  et  la  forme  d'un  taureau  -,  elle  est  con- 
sacrée à  la  lune  ,  déesse  dont  le  taureau  céleste  ,  au  rapport 
des  Egyptiens,  indique  l'élévation.  La  troisième  espèce  est  uni- 
corne  ,  et  d'une  figure  particulière  5  on  croit  que ,  comme 
l'ibis,  elle  a  été  consacrée  à  Mercure.  Hor-Apollon  nous  ap- 
prend dans  un  autre  endroit  que  la  figure  d'un  scarabée  aveu- 
gle est  l'emblème  de  la  mort  d'un  homme  qui  a  péri  d'une 
fièvre  occasionnée  parla  grande  ardeur  du  soleil.  La  première 
espèce  est  celle  que  dans  la  partie  zoologique  de  la  relation  du 
voyage  de  M.  Cailliaud,  j'ai  appelée  ateuchus  des Ègjptie/is. 
Elle  offre  un  reflet  métallique  que  n'a  point  Y  ateuchus  sacré 
qui  lui  ressemble  d'ailleurs  beaucoup.  Elle  est  propre  à  la 
Nubie  et  à  l'Ethiopie ,  contrée  qui ,  à  ce  que  l'on  croit ,  fut 
d'abord  habitée  par  ce  peuple.  Lorsqu'il  s'avança  plus  au  nord, 
la  seconde  espèce  devint,  faute  de  l'autre,  l'objet  de  son  culte. 
Je  n'ai  vu  retirer  que  celle-ci  de  l'intérieur  des  momies  ou- 
vertes en  ma  présence  ^  le  chaperon  est  découpé  en  six  festons 


54  TABLEAU 

que  l'on  a  comparés  aux  rayons  du  soleil.  La  seconde  espèce 
paraît  être  un  bousier  voisin  du  midas  ou  de  l'hamadryas.  La 
troisième ,  ou  i'unicorne ,  est  probablement  une  espèce  du 
même  genre,  soit  le  paniscus ,  soit  le  lunaiis ,  ou  quelque 
autre  espèce  voisine.  Au  surplus ,  les  dessins  de  ces  insectes 
présentent  tant  de  variétés,  sont  souvent  si  peu  prononcés  dans 
leurs  contours ,  quelquefois  si  défigurés  par  le  caprice  des 
sculpteurs ,  que  plusieurs  de  ces  déterminations  doivent  être 
très  douteuses.  Mais  en  général  ce  sont  des  espèces  de  bou- 
siers ,  en  restituant  à  ce  genre  son  étendue  primitive.  Il  n'en 
est  pas  moins  vrai  que  l'effigie  de  ces  coléoptères  retraçait  à  la 
mémoire  des  Egyptiens  leur  système  de  cosmogonie  et  une 
partie  de  leur  mythologie.   Messagers  du  printemps ,  annon- 
çant par  leur  reproduction  le  renouvellement  de  la  nature , 
singuliers  par  cet  instinct  qui  leur  apprend  à  réunir  des  mo- 
lécules excrémentitielles  en  manière  de  corps  sphériques,  oc- 
cupés sans  cesse ,  comme  le  sisyphe  de  la  fable ,  à  faire  rouler 
ces  corps ,  distingués  des  autres  insectes  par  quelques  formes 
particulières,  ces  scarabées  parurent  aux  prêtres  égyptiens 
offrir  l'emblème  des  travaux  d'Osiris  ou  du  Soleil.  Leur  effigie 
fut  multipliée  de  mille  manières.  Il  ne  suffisait  pas  à  la  supers- 
tition qu'elle  se  trouvât  dans  tous  les  temples ,  sur  les  bas- 
reliefs  et  sur  les  chapiteaux  des  colonnes,  sur  les  obélisques^ 
on  voulut  encore  qu'elle  fût  gravée  avec  d'autres  hiérogly- 
phes sur  des  pierres  de  diverses  sortes  et  façonnées  en  ma- 
nière de  médaillons,  sur  des  cornalines  taillées  en  demi-perles 
percées  dans  toute  la  longueur  de  leur  axe ,  et  propres  à  com- 
poser des  colliers ,  ainsi  que  des  anneaux  servant  de  cachet. 
L'image  de  ce  dieu  tutélaire  suivait  partout  les  Egyptiens ,  et 
descendait  même  avec  eux  dans  la  tombe.   Le  métal  le  plus 
précieux,  l'or,  était  souvent  employé  par  le  statuaire  ou  le 
graveur,  à  la  place  du  marbre  ou  du  granit.  Ces  idées  gran- 
dioses ,  qui  caractérisaient  le  génie  de  ce  peuple,  s'étendaient 
jusqu'à  ces  insectes ,  et  l'on  en  a  des  statues  colossales.  Dans 
mon  Mémoire  sur  les  insectes  sacrés  des  Égyptiens,  j'ai  pré- 
senté à  col  égard  diverses  autres  observations  fondées  sur  les 


DE  l'histoire  de  l'entomologte.  55 

anciens  monumens  ,  la  considération  des  médailles ,  etc.  -,  j'ai 
fait  voir,  par  exemple ,  qu'en  supposant  qu'on  eût  pris  chaque 
article  du  tarse  pour  un  doigt ,  on  avait  eu  raison  d'en  don- 
ner trente  au  scarabée  ,  puisque  chaque  tarse  a  cinq  articles , 
et  que  le  nombre  des  pieds  est  de  six.  L'une  de  ces  pierres 
gravées ,  dites  ahraxas,  et  figurée  par  Montfaucon  ,  repré- 
sente un  scarabée  ayant  à  chaque  pâte  antérieure  une  main 
étendue  avec  cinq  doigts.  Aristote  dit  que  le  cantharos  passe 
l'hiver  dans  les  boules  de  fiente  qu'il  a  formées  ,  et  qu'il  y 
dépose  des  œufs  qui  le  reproduisent.  Des  mâles  perpétuant 
seuls  leur  postérité,  voilà  toujours  une  idée  bien  bizarre.  Le 
même  cantharos  est  le  coprion,  ou  bousier,  d'Hippocrate.  Le 
scarabée  étant  un  insecte  printanier,  et  disparaissant  peut-être 
lorsque  les  rosiers  sont  en  fleurs,  cela  a  pu  faire  dire  à  Théo- 
phraste  qu'il  était  tué  par  leur  odeur. 

De  l'étude  et  de  la  comparaison  de  divers  passages  d'auteurs 
anciens,  j'ai  conclu  qu'iïn  autre  insecte  de  la  même  famille, 
celle  des  lamellicornes,  mais  vivant  sur  les  fleurs ,  la  cétoine 
fastueuse,  ou  quelque  autre  espèce  voisine,  était  le  mélolonthé 
des  Grecs ,  avec  lequel ,  du  temps  d'Aristophane  et  de  Pol- 
lux,  les  enfans  jouaient,  comme  le  font  les  nôtres  avec  le 
hanneton  ordinaire.  C'est,  dans  Pollux ,  b  jeu  de  la  galeru- 
que.  Dans  un  passage  de  la  comédie  des  Nuées,  Aristophane 
fait  dire  à  Socrate  s'adressant  à  Strepsiade  :  «  Laissez  aller 
votre  pensée  comme  le  mélolonthé,  qu'on  lâche  en  l'air  avec 
un  fil  à  la  pâte  »»  Son  scoliaste  remarque  que  c'est  un  in- 
secte couleur  d'or  semblable  au  cantharos ,  que  les  enfans 
lient  et  font  voler.  Suivant  Aristote,  le  mélolonthé  provient 
de  vers  se  formant  dans  les  excrémens  du  bœuf  et  de  l'âne. 
Pline  désigne  la  même  cétoine  sous  le  nom  de  scarabée  veit; 
celui,  dit-il,  qui  a  aiguisé  la  vue  de  ceux  qui  ont  jeté  les 
yeux  sur  lui ,  et  que  les  graveurs  en  pierres  précieuses  ou 
gemmes  se  plaisent  à  contempler.  J'ai  vu  en  eff'et  des  pierres 
antiques  où  la  figure  de  ces  cétoines  est  très  bien  rendue  , 
même  avec  l'écusson  ,  caractère  qui  empêche  de  confondre 
cet  insecte  avec  un  bousier.  Le  recueil  des  médailles  de  la  Bi- 


[)6  ïablkau 

b'iiolhèque  royale,  et  ces  salles  du  Louvre  réservées  aux  anti- 
quités égyptiennes  ,  placées  sous  la  garde  de  celui  que  ses  dé- 
couvertes et  ses  profondes  recherches  ont  si  bien  initié  dans 
leurs  mystères  ,  M.  Champollion  le  jeune,  ouvriront  un  nou- 
veau champ  aux  entomologistes  archéologues ,  et  nous  inspi- 
reront de  nouveaux  sentimens  de  reconnaissance  pour  nos 
souverains  qui  ont  acquis  ces  richesses ,  non  au  prix  du  sang 
du  peuple  qui  les  possédait ,  mais  par  des  ressources  plus  con- 
formes à  l'humanité,  à  leur  bonté  et  à  leur  munificence  ,  cette 
portion  du  revenu  public  consacré  à  l'encouragement  des 
sciences  et  des  beaux-arts. 

En  vous  nommant  le  coléoptère  connu  des  Latins  sous  le 
nom  de  buprestis  ou  de  vidprestis ,  et  des  Grecs  sous  celui 
de  voupristis y  enfle-bœuf,  un  sentiment  bien  opposé,  celui 
de  l'exécration ,  se  présente  à  votre  pensée.  Signalé  déjà 
comme  produisant  une  tympanile  mortelle  chez  les  bœufs  qui 
le  dévoraient  avec  l'herbe  ,  cet  insecte  fixa  aussi  l'attention 
du  législateur,  et  la  loi  Cornelia  condamna  à  la  peine  de  mort 
l'homme  pervers  qui ,  de  dessein  prémédité ,  empoisonnerait 
avec  cet  animal ,  ainsi  qu  avec  une  chenille  appelée  pitjo- 
campe,  la  processionnaire  du  pin ,  son  semblable.  Suivant 
Pline ,  cet  insecte  é^ait  rare  en  Italie  ,  et  ressemblait  à  un  sca- 
rabée à  longues  pales.  Geoffroy,  d'après  Mouffet  sans  doute, 
a  cru  retrouver  ces  buprestes  dans  les  coléoptères  du  genre 
carahus  de  Linné.  Mais,  outre  que  ces  insectes  ne  fréquen- 
tent point  ou  guère  les  pâturages-,  que  nos  grandes  espèces,  ou 
les  carabes  proprement  dits ,  sont  très  rares  ou  en  petit  nom- 
bre dans  le  midi  de  l'Europe  \  que  ces  animaux  se  tiennent  à 
terre,  sont  très  agiles  et  doivent  dès-lors  se  soustraire  facile- 
meqt  aux  dents  meurtrières  des  bœufs  ou  des  chevaux  qui 
paissent ,  quelques  passages  d'anciens  auteurs  nous  indiquent 
que  l'on  considérait  les  buprestes  comme  des  espèces  de  can- 
tharides  et  jouissant  des  mêmes  propriétés  vésicantes.  C'est 
donc  plutôt  au  genre  méloé  de  Linné  qu'ils  appartiennent  ; 
cl  dans  un  Mémoire  que  j'ai  publié  à  ce  sujet ,  j'ai  été  d'avis 
que  c'étaient  les  hétéromères  auxquels  Geoffroy,  Fabricius  et 


DE    l/HiSrOIRK     DK    l'enTOMOLOGIE.  5'] 

d'autres  entomologistes  posléi  leurs  ont  restreint  cette  dénomi- 
nation. M.  Bolsduval ,  qui  a  employé  ces  insectes  pour  des 
vésicaloires ,  leur  a  reconnu  plus  d'énergie  qu'à  la  cantharide 
des  boutiques.  Bélon,  cependant,  dans  ses  voyages  en  Grèce 
et  autres  contrées  du  Levant ,  dit  que  l'insecte  nommé  vou- 
piistis  par  les  habitans  du  mont  Atlios,  vole,  qu'il  répand 
une  odeur  très  fétide  ,  qu'il  ressemble  à  la  cantharide  ^  mais 
qu'il  est  plus  grand  ,  jaune  ou  d'un  jaune  fauve,  et  qu'on  le 
trouve  très  souvent  entre  les  plantes  chicoracées,  les  orties  et 
les  conizes.  Ces  caractères  annonceraient  plutôt  une  espèce 
de  mylabre  que  de  méloé;  mais  il  faudrait  savoir  si  le  nom  de 
voupristis  lui  est  exclusivement  propre.  Quoi  qu'il  en  soit , 
cet  insecte  n'en  serait  pas  moins  de  cette  famille ,  et  c'est 
peut-être  par  suite  d'une  ancienne  tradition  dont  il  est  l'objet 
que  quelques  Italiens  connaissent  la  manière  de  préparer  la 
cantharide  en  l'un  des  poisons  les  plus  violens.  Aristote  parle 
de  la  cantharide  comme  d'un  coléoptère,  de  son  accouplement 
qu'il  assimile  à  celui  de  la  mouche  domestique ,  dit  qu'elle 
aime  les  odeurs  fortes,  et  la  fait  naître  de  la  chenille  du  figuier 
et  de  matières  sèches.  Suivant  Pline,  elle  ronge  le  froment, 
sans  doute  parce  qu'on  l'avait  trouvée  sur  ses  épis.  Il  lui 
donne  pour  origine  un  ver  du  bedeguar,  mais  plus  particu- 
lièrement le  frêne  ,  arbre  sur  lequel  on  la  rencontre  le  plus 
souvent.  Il  y  avait  de  son  temps  partage  d'opinion  à  l'égard  du 
siège  de  ses  propriétés  vésicantes;  il  était  cependant  reconnu 
que  les  élytres  au  moins  les  possédaient  éminemment.  Diosco- 
ride  distingue  plusieurs  sortes  de  cantharides.  Les  meilleures 
pour  la  médecine  sont  celles  dont  les  élytres  sont  entrecoupées 
de  bandes  jaunes  et  noires,  ce  qui  paraît  indiquer  quelque 
espèce  de  mylabre  de  Fabricius ,  celui  de  la  chicorée  ,  proba- 
blement, dont  on  se  sert  encore  aujourd'hui  dans  certaines 
contrées  de  l'Italie.  Pris  en  boisson  ,  ces  insectes  peuvent  être 
un  poison  très  violent,  et  c'est  de  telle  manière  qu'un  médecin 
égyptien  fit  périr  ainsi  un  chevalier  romain  nommé  Cossin, 
ami  delNéron.  Il  eût  été  à  désirer  pour  l'humanité  que  l'erreur 
tombât  sur  l'empereur,  plutôt  que  sur  son  favori. 


58  TABLEAU 

Le  mot  de  silphe  n*est  prononcé  qu'une  fois  par  Aristote  , 
et  il  se  contente  de  nous  dire  que  cet  insecte  change  de  peau. 
Le  scoliaste  d'Aristophane,  comédie  delà  Paix,  ajoute  qu'il 
répand  partout  où  il  passe  une  mauvaise  odeur.  Les  natura- 
listes modernes  y  ont  reconnu  nos  blattes.  Pline  mentionne  à 
plusieurs  reprises  ces  derniers  animaux.  Dans  le  chapitre  où 
il  traite  des  ailes  des  insectes ,  il  dit  que  les  blattes  fuient  la 
lumière  et  fréquentent  les  lieux  où  sont  des  cuirs.  Au  cha- 
pitre sixième  du  livre  vingt-neuvième,  et  où  il  donne  diverses 
recettes  médicales,  il  distingue  trois  sortes  de  blattes  :  les 
molles,  molles,  qui,  cuites  avec  de  l'huile,  détruisent  les 
verrues^  celles  qu'on  appelle  milœcon  ou  mjlicon,  des  mj- 
laiis  ou  mjlabris  selon  d'autres,  qui  habitent  près  des  meules 
de  moulins ,  dont  on  ôtait  la  tête  ,  et  qui ,  broyées  ensuite  et 
appliquées  sur  les  parties  de  la  peau  affectées  de  la  lèpre ,  la 
guérissaient;  enfin  la  dernière  avait  des  pennes  (des  étuis), 
le  derrière  allant  en  pointe  ,  exacuta  dune,  et  avait  une  mau- 
vaise odeur.  Celle-ci  paraît  être  une  espèce  de  blaps  de  Fa-^ 
bricius.  C'est  aussi  la  hlatta  d'Isidore  de  Se  ville  ,  puisqu'il  dit 
que  lorsqu'on  la  prend  dans  la  main  elle  la  teint  d'une  cou- 
leur nommée  blatteus,  et  que  nous  savons  que  les  blaps  font 
sortir  par  quelques  articulations,  lorsqu'on  les  saisit,  une  cou- 
leur rougeâtre.  Les  blattes  molles  de  Pline  sont  probablement 
de  véritables  blattes.  Quant  à  la  seconde  espèce,  il  serait  possible 
que  ce  fût  le  tenebrio  molitor.  Le  silphe  d' Aristote  étant  sujet  à 
des  mues,  et  fétide,  ne  peut  guère  se  rapporter  qu'aux  blattes 
proprement  dites,  la  première  espèce  du  naturaliste  romain. 
Carabos,  dans  Aristote,  n'est  pas  seulement  le  nom  d'un  crus- 
tacé,  de  la  langouste,  mais  encore  celui  d'un  insecte  cité 
dans  deux  passages  des  éditions  ordinaires.  Il  dit  d'abord 
(liv.  IV,  chap.  xvii)  qu'il  porte  ses  cornes  ou  ses  antennes 
en  avant  comme  le  papillon.  Camus  (article  Criquet)  pré- 
sume que  c'est  une  espèce  de  sauterelle  ,  et  dit  qu'il  faut  lire 
cantharos-,  mais  comme  Aristote  désigne  toujours  collecti- 
vement les  sauterelles  et  les  criquets  par  la  dénomination 
èi'ahisy   cette  opinion  me  semble  invraisemblable.   L'autre 


DK  l'histoire  de  l'entomolggie.  59 

passage  du  naturaliste  grec  (liv.  V,  chap.  xix),  où  il  est  parlé 
du  carabos^  est  sujet  à  des  variantes  ,  et  Camus  même  pense 
qu'il  est  fautif.  Gaza  le  traduit  par  les  mots  JIi//o  et  scarahœus 
taurus.  Scaliger  supprime  simplement  ce  dernier  nom.  Sui- 
vant un  ancien    traducteur  ,    c'est  carabus  ou    karambius , 
Dalechamp ,  dans  ses  notes  sur  le  chapitre  vingt-huitième , 
livre  deuxième,  de  Pline  ,  où  il  s'agit  des  vaginipennes  et  des 
scarabées,  cite  ce  second  passage  d'Aristote  ^  et  Wotton,  à  cet 
égard,  s'exprime  ainsi  :  Carabo^quem  Theodorus  modo  tau- 
rum  vocat,  modo  fullonem)  antennœ  ante  oculos  prœten- 
duiitur  ut  papilioni.  GignUur  hic  ex  vermibus  qui  in  lignis 
aridis  nascuntur,  et  primiim  quidem  vermes  ipsi  immobiles 
Jiunt  :  mox  dimpto  putamine  carabus  exit  alioTum  m.ore  qui 
ex  vermibus  giguantur.  L'habitation  de  ces  vers ,  ou  plutôt 
de  ces  larves ,  ces  antennes  qui  se  dirigent  en  avant ,  et  qui , 
à  raison  de  leur  longueur  encore ,  ont  pu  faire  comparer  cet 
insecte  à  la  langouste  ,  et  lui  valoir  la  même  dénomination  , 
celle  de  karambius  d'un  ancien  traducteur,  si  rapprochée  du 
mot  cerambjx,  me  portent  à  croire  que  ce  passage  fait  allusion 
à  quelque  coléoptère  de  la  famille  des  longicornes ,  notam- 
ment le  ceramhjx  héros  de  Linné ,  ou  quelque  autre  espèce 
voisine.  Il  en  est ,  je  pense  ,  de  même  de  ce  scarabée  des  ar- 
bres ,  qui  rend  des  sons  ,  le  carabe  d'Hésychius  ,  que  produit 
le  platane ,  semblable  à  une  araignée ,  mais  n'ayant  que  six 
pâtes.  Quant  au  scarabée  fullo  de  Pline  ,  comme  il  le  dis- 
tingue par  les  taches  blanches  de  ses  élytres  ,  je  ne  doute  pas 
que  ce  soit  le  melolontha  fullo  de  Fabricius.  Son  scarabée 
taureau ,  qu'il  appelle  encore  pou  de  terre ,  et  qu'il  dit  sem- 
blable au  ricin  ,  non  probablement  pour  la  taille  ,  mais  pour 
la  couleur  rougeâtre  ou  brune  ,  appartient ,  à  ce  que  je  pré- 
sume ,  à  la  même  famille,   et  peut-être  au  genre  orjctès. 
Il  dit,  liv.  XXX,  chap.  v,  qu'on  frotte  les  écrouelles  avec  de 
la  terre  que  ces  animaux  ont  fouillée.   Cette  habitude  ,  et 
l'épithète  de  taureau,  me  donnent  lieu  de  former  cette  con- 
jecture. On  suspendait  au  cou  des  enfans  les  cornes  ou  dé- 
fenses de  l'insecte  nommé  lucanus  par  Nigidius.  Ces  amulettes 


6o  TABLEAU 

étaient  regardés  comme  un  spécifique  dans  quelques  unes  de 
leurs  maladies,  et  notamment  dans  les  flux  d'urine.  Tous  les 
naturalisles  modernes  ont  rapporté  cet  insecte  au  lucamis  cer- 
sms ,  et  je  pense  que  c'est  avec  raison.  La  m.ême  unanimité 
n'existe  pas  à  l'égard  du  cossus  de  Pline  et  des  autres  auteurs 
anciens  ,  qui ,  engraissé  dans  de  la  farine ,  était  réputé  chez 
les  Piomains  ,  les  Phrygiens ,  etc. ,  un  mets  délicat  ,  et  qui 
servait  aussi  en  médecine.  La  chenille  appelée  ainsi,  ou  celle 
du  cossus  ligniperda ,  jette  par  la  bouche  une  liqueur  trop 
acre  et  trop  fétide  pour  avoir  pu  devenir  un  objet  comestible. 
On  n'en  aurait  point  trouvé,  d'ailleurs,  une  assez  grande 
quantité.  Les  larves  de  quelques  grands  capricornes  (  les  ha- 
maticlierus  de  M.  Dejean),  toujours  cachées  dans  le  tronc 
des  arbres ,  et  pas  assez  abondantes  ,  n'auraient  pu  suffire  non 
plus  à  la  consommation.  Festus,  en  parlant  des  cossus,  dit 
qu'ils  sont  ventrus  et  paresseux.  L'étymologie  de  ce  mot  in- 
dique un  corps  ridé ,  plié  ,  et  quelques  personnages  consulaires 
étaient,  pour  cette  raison  ,  nommés  cossi.  Peut-être  aussi  que 
l'emploi  du  même  nom  dérive  de  la  même  source,  en  désignant 
Yobcsité,  et  au  figuré  Vopulence.  Ceux  de  ces  insectes  qui 
vivaient  sur  les  chênes ,  ou  plutôt  dans  les  chênaies ,  et  qui 
étaient  les  plus  grands,  étaient  préférés.  D'après  toutes  ces 
données,  je  crois,  avec  MoufFet  et  quelques  autres  natura- 
listes, que  le  cossus  des  anciens  était  la  larve  du  hanneton  or- 
dinaire ,  insecte  malheureusement  trop  commun ,  et  qui ,  dans 
des  années  favorables  à  sa  multiplication  ,  dépouille  de  feuilles 
des  forêts  de  chênes.  La  dénomination  de  cossus  pouvait  ce- 
pendant s'étendre  à  d'autres  larves  et  lignivores-,  car  il  est 
raconté  que  les  pies  savaient  les  découvrir  en  frappant  les 
arbres  à  coup  de  bec  pour  savoir  s'ils  étaient  creux.  Aristote 
dit  que  ces  oiseaux  cherchent  sur  le  chêne  le  scjiipe y  et  ce 
nom  différant  très  peu  de  celui  de  cnips,  qu'il  donne  à  un  in- 
secte qui  sent  de  loin  l'odeur  du  miel ,  le  niulio  de  Théodore, 
on  a  pensé  (Camus,  Notes  sur  Aristote,  au  moi  3Ioucheron) 
qu'il  y  avait  identité  spécifique.  Mais  nous  croyons  que  par 
ie  premier  il  faut  ontendre  des  insectes  lignivores,  et  que  le 


DE  l'histoire  de  l'eî^tomologie.  6i 

second  s'applique  à  quelque  autre  insecte.  Plusieurs  arbres 
fruitiers  sont  sujets  à  être  attaqués  par  diverses  larves  qui 
avaient  reçu  les  noms  de  cérastes,  de  rauca,  de  vers  rou- 
tes,  etc.,  mais  dont  il  est  impossible  de  faire  une  application 
tant  soit  peu  fondée.  Certains  arbres,  très  durs,  odorans  ou 
amers  ,  étaient  réputés  privilégiés  ou  à  l'abri  de  leurs  ravages. 
Il  eût  été  difficile  que,  dans  des  pays  si  riches  en  vignobles,  on 
n'eut  pas  remarqué  divers  insectes  qui ,  en  état  parfait  ou  dans 
leur  premier  état,  rongent  les  feuilles  ou  les  grappes  de  la 
vigne,  les  plient  et  leur  font  prendre  la  forme  de  cornets  ;  et 
ce  sont  en  effet  ces  petits  animaux  qu'on  nommait  involvulus , 
vohox ,  volucra,  bjturus ,  ips.  Au  témoignage  de  Slrabon  , 
l'ipoctone  ou  tueur  d'ips,  un  oiseau  probablement,  était,  pour 
un  certain  peuple  dont  les  vignes  n'étaient  pas  exposées  aux 
ravages  de  ces  insectes,  l'objet  d'un  culte  particulier.  Le 
rhyncbite  bacchus,  l'eumolpe  de  la  vigne,  et  certaines  py- 
rales ,  doivent  être  compris  dans  cette  nomenclature.  La  ca- 
landre des  grains  et  celle  du  riz  furent  désignées  par  les  Grecs 
sous  le  nom  de  cis  ou  kis ,  et  sous  celui  de  curculio ,  ou  plu- 
tôt ,  à  cause  de  son  prolongement  guttural  et  rostriforme  , 
gurgulio,  par  les  Latins.  On  croyait  que  ces  insectes  ne  s'en- 
gendraient point  au-dessous  d'une  palme  de  profondeur,  à 
prendre  de  la  surface  du  monceau  de  blé.  Dans  Aristote  ^ 
kalendrion  paraît  être  le  nom  d'un  oiseau  5  celui  de  mida  ou 
midas  avait  été  donné  par  les  Grecs  aux  bruches,  qui  rongent 
les  graines  des  pois,  des  lentilles,  etc.  On  avait  distingué  les 
larves ,  ou  vers ,  qui  perforaient  l'intérieur  du  bois  coupé  et 
mis  en  œuvre.  Quoique  Pline  dise  que  l'on  trouve  ,  tant  sur 
lesvétemens  que  sur  les  chairs,  des  térèdes  [teredoji)^  sui- 
vant Théophraste  cette  dénomination  serait  propre  à  certains 
vers  à  grosse  tête ,  rongeant ,  au  moyen  de  fortes  dents  ,  des 
matières  soumises  uniquement  à  l'influence  des  eaux  de  la 
mer  \  le  pin  ,  dit  larice  ,  employé  dans  la  construction  des 
vaisseaux,  était  attaqué  par  eux.  Les  dommages  qu'ils  cau- 
saient étaient  si  prompts ,  qu'on  ne  pouvait  y  porter  remède. 
Il  paraîtrait,  dès -lors,  qu'il  a  eu  en  vue  les  tarets ,  nom 


TABLEAU 


d'ailleurs  dérivant  de  celui  de  teredo.  Mais  on  pouvait  réparer 
les  pertes  qu'occasionnaient  des  térèdes  terrestres,  nommées 
scoleces ,  thrlps ,  dont  l'action  était  plus  lente  ,  et  dont  quel- 
ques unes  minaient  les  poutres  des  maisons  ,  en  plongeant  les 
matières  attaquées  dans  de  l'eau  de  mer.  Les  larves  de  ly- 
mexylons.,  de  bostriches,  de  scolytes,  d'hélops  et  de  divers  lon- 
gicornes ,  toutes  xylophages ,  sont  probablement  ces  térèdes 
de  terre.  On  avait  remarqué  les  impressions  sinueuses,  ou 
sortes  de  sillons ,  formées  par  quelques  unes  d'entre  elles. 
L'une,  que  l'on  trouvait  dans  la  farine,  farris  vermiculus y 
enfermée  avec  de  la  cire  dans  les  dents  creuses ,  les  faisait , 
assurait-on  ,  tomber  d'elles-mêmes.  Un  ver  rongeant  des  ra- 
cines sèches  est  appelé  thripes  par  Théopbraste  ,  et  peut-être 
ce  nom  est-il  le  même  que  celui  de  thrips.  Nous  verrons  plus 
bas  qu'Aristote  a  encore  donné  le  nom  de  teredon  à  la  fausse 
teigne  de  la  cire  \  il  répond  en  général  à  celui  de  teigne,  ou  il 
indique  une  larve  vermiforme ,  mineuse  ou  perforante ,  et 
plus  particulièrement  lignivore.  Isidore  de  Séville  dit  qu'en 
Espagne  on  nomme  termites  les  teredojies  des  Grecs ,  ou  vers 
du  bois.  Tarmus  est ,  suivant  lui ,  un  ver  du  lard ,  et  il  est 
naturel  de  soupçonner  que  c'est  la  larve  du  dermestes  larda- 
rius.  D'autres  larves  à  corps  grêle  se  nourrissant  de  substances 
alimentaires,  étaient  appelées  ga/^/2. 

Un  passage  d'Aristote  ,  très  embarrassant ,  est  celui  qui  est 
relatif  au  prasocuris  que  Camus  traduit  par  les  mots  :  mite 
qui  mange  le  porreau.  Cet  insecte  se  trouve  dans  les  ruches. 
Nous  savons  qu'une  larve  très  pernicieuse  aux  abeilles ,  celle 
des  trichodes  apiarius,  y  naît  aussi  et  y  subit  ses  métamor- 
phoses. On  trouve  souvent  l'insecte  parfait  sur  les  ombelles 
du  porreau,  de  l'ognon ,  dans  les  parties  méridionales  de  l'Eu- 
rope où  l'on  cultive  plus  en  grand  ces  légumes.  Voilà,  je 
pense  ,  le  prasocuris  du  naturaliste  grec.  En  traitant  particu- 
lièrement des  abeilles  ,  nous  verrons  qu'il  a  connu  la  larve  du 
trichodes  als^earius.  Parmi  les  ennemis  des  abeilles  ,  il  cite  le 
teredon,  ie  pjraustes  et  le  cleros.  Celui-ci  est  un  petit  ver 
s'engendrant  dans  le  plancher  de  la  ruche  ,  semblable  à  une 


DE    L  HISTOIRE    DE    L  ENTOMOLOGIE.  63 

araignée,  et  qui  ,  parvenu  à  sa  croissance,  remplit  toute  la 
ruche  de  fils  analogues  à  ceux  de  cet  animal  ,  ce  qui  fait 
pourrir  les  gâteaux.  Le  teredon  ayant  les  mêmes  habitudes 
provient  de  petits  papillons  qui  se  brûlent  à  la  chandelle  ,  et 
dans  lesquels  on  reconnaîtra  facilement ,  soit  la  gallerie  de  la 
cire  de  Fabricius  ,  soit  la  phalène  de  la  graisse.  Puisque  Aris- 
tole  distingue  le  cleros  du  Teredo,  il  faut  qu'il  ait  eu  connais- 
sance de  deux  larves  habitant  les  ruches  ,  fileuses  l'une  et 
l'autre ,  mais  distinctes ,  et  son  cleros  pourrait  être  dès-lors 
la  chenille  de  cette  phalène ,  ou  celle  d'une  autre  espèce  de 
gallerie  ,  Yalvearia.  Mais  comme  il  mentionne  en  outre  le  ver 
produisant  le  ;7/'a5ocu7'i5_,  nous  verrons  dans  celui-ci  la  larve  du 
trichodes  apiarius .  Ce  sont  jusqu'ici  les  seuls  insectes  parasites 
des  ruches,  bien  connus.  Pline,  trompé  par  ce  que  dit  Aristote 
du  cleros  et  de  ses  fils,  met  l'araignée  au  nombre  des  ennemis 
les  plus  dangereux  des  abeilles ,  et  ce  nom  devient  celui  d'une 
maladie  qui  est  caractérisée  par  le  vide  des  gâteaux.  Si  le  cou- 
vain n'arrive  pas  à  sa  perfection ,  c'est  une  autre  maladie , 
la  blapsigonie. 

La  vieille  neige  produit  des  vers,  les  oripœ  de  Théophrasle  : 
les  uns  velus  et  rougeâtres,  les  autres  blancs  et  plus  grands.  Si 
on  les  en  retire ,  ils  meurent  de  suite.  H  est  certain  que  les 
ouragans  d'hiver,  en  déracinant  des  arbres  ,  enlèvent  avec  la 
neige  des  larves  de  téléphores  et  de  divers  autres  insectes.  Voilà 
probablement  l'origine  de  cette  tradition  relative  aux  oripes , 
ou  à  quelques  uns  de  ces  vers  ainsi  nommés. 

L'étymologie  du  mot  pjrgolampis,  cu-luisant ,  nom  donné 
par  Aristote  à  des  insectes  ,  nous  indique  qu'il  avait  observé 
nos  lampyres  ou  vers  luisans.  Il  les  cite  comme  un  exemple 
d'un  même  genre  offrant  des  individus  ailés  et  des  individus 
sans  ailes.  Certaines  chenilles  noires  et  velues,  qui  ne  sont  pas 
fort  grandes  ,  donnent  naissance  aux  pyrgolampis  aptères  ,  et 
leur  seconde  métamorphose  leur  procure  des  ailes.  Celui-ci 
est  alors  un  bostrichos,  cirrus  en  latin  ,  expression  que  Camus 
traduit  par  celle  de  boucle  de  cheveux.  Si  l'on  réfléchit  que  le 
corcelet  des  lampyres  recouvre  la  tête,  et  que  les  antennes  sont 


64  TABLEAU 

seules  saillantes  et  en  manière  de  barbillons  ,  cette  désignation 
s'expliquera  facilement.  «  Les  lampyrides  ,  dit  Pline,  brillent 
la  nuit  comme  des  feux  ,  par  la  couleur  éclatante  de  leurs 
flancs  et  de  leur  croupe.  Etincelans  lorsqu'ils  déploient  leurs 
ailes ,  cachés  dans  l'ombre  lorsqu'ils  les  ferment ,  on  ne  les 
voit  ni  avant  que  les  fourrages  soient  mûrs,  ni  après  qu'on  les 
a  fauchés.  »  Les  mêmes  insectes  ont  été  appelés  cicindula  ou 
cicendulay  lucion,  noctiluca^  lucula ,  Jiitidula  ou  nitidule-,  la 
dénomination  de  cicendela  avait  été  aussi  donnée  à  des  lustres. 
Un  autre  insecte  ,  le  pjralis  d'Aristote  ,  le  pjjigona  d'Elieii , 
et  appelé  aussi  pyrausta,  de  la  grandeur  d'une  mouche  , 
n'ayant  que  quatre  pieds ,  se  formait  dans  les  fournaises  de 
File  de  Chypre  :  le  feu  était  son  élément  natal.  Pjralis  était 
aussi ,  suivant  le  même  philosophe  grec  ,  le  nom  d'un  animal 
ennemi  de  la  tourterelle ,  peut-être  quelque  espèce  d'oiseau 
de  proie  couleur  de  feu.  Quant  à  l'autre  pyrale ,  que  pour- 
rons-nous dire  ?  Rien.  Même  ignorance  de  notre  part  au  sujet 
de  ces  insectes  (lib.  XI,  cap.  xxviii)  qui  sont  dorés ,  très 
grands ,  et  creusent  dans  les  terres  arides  des  cavités ,  où  ils 
construisent  des  rayons  dans  la  forme  d'une  petite  éponge  très 
poreuse ,  et  dont  le  miel  est  un  poison.  Serait-ce  quelque  es- 
pèce de  bourdon,  bomhus?  Quelle  conjecture  pourrait-on 
encore  se  permettre  à  l'égard  de  son  scarabée ,  caniharo-le- 
ilnus,  qui  ne  peut  vivre  que  dans  un  canton  près  d'Olinthe, 
ville  de  Thrace  ? 

Pour  terminer  l'ordre  des  coléoptères,  il  ne  nous  reste  plus 
à  parler  que  du  spondyle  d'Aristote  ,  mentionné  par  lui  deux 
fois.  Ici  c'est  un  insecte  qui  s'accouple  \  là,  selon  Scaliger,  il  est 
question  d'une  plante.  Dans  Pline ,  spondjlus  est  le  nom  d'un 
poisson.  Dans  un  autre  passage  ,  il  est  parlé  d'une  espèce  de 
serpent,  le  spondyle,  rongeant  les  racines.  Aristophane^ttri- 
bue  au  spondyle  une  mauvaise  odeur  -,  son  scoliaste  le  fait 
semblable,  probablement  pour  ce  motif,  au  silpbe  dont  nous 
avons  déjà  parlé.  Le  mot  serpent,  employé  par  Pline  ,  ne 
doit  pas  s'entendre  rigoureusement  d'un  ophidien,  mais  d'un 
animal  rampant,  vivant  aussi  dans  des  terriers;  et  le  sentiment 


y: 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  65 

de  ceux  qui  regardent  cet  animal  comme  notre  courtilière  ou 
taupe-grillon,  paraît  assez  vraisemblable.  D'autres  naturalistes 
ont  rapporté  l'insecte  d'Aristote  au  genre  des  staphylins  ,  qui 
ont  en  effet  une  odeur  désagréable,  mais  qui  sont  moins  dignes 
d'intérêt  sous  les  autres  rapports  que  l'insecte  précédent ,  et 
qu'on  a  pu  dès-lors  négliger.  Mouflet  est  de  cette  opinion  ,  et 
fait  un  staphylin  de  la  chenille  dite  V écureuil,  celle  du  bom- 
hjx  fagi,  qui  a  le  derrière  relevé  et  terminé  par  une  queue. 

Arrivé  aux  insectes  de  l'ordre  des  orthoptères ,  commençons 
par  des  espèces  tellement  communes,  qu'il  est  bien  difficile  de 
croire  que  les  anciens  auteurs  n'en  aient  pas  fait  mention ,  les 
forficules  ou  perce-oreilles ,  qui  composent  l'ordre  des  labi- 
boures  de  M.  Léon  Dufour.  L'insecte  nommé  par  Aristote 
orsodacjie  ou  orcadacne,  la  mordelle,  mordella  de  ses  traduc- 
teurs ,  me  paraît  être  le  seul  capable  de  représenter  ces  or- 
thoptères. Un  ver  se  métamorphosant  dans  le  chou  le  produi- 
sait. L'étymologie  du  mot  orsodacne  dérive  ,  suivant  Camus , 
àioro ,  j'excite  ou  j'élève,  ou  de  dacne ,  je  mords.  Tout  cela 
convient  très  bien,  et  exclusivement  aux  forficules^  car  ils 
relèvent  l'extrémité  postérieure  de  leur  corps  ,  ayant  au  bout 
un  forceps  leur  servant  d'arme  offensive  et  défensive.  Les 
tiges  creuses  des  vieux  choux,  et  les  intervalles  qui  se  trouvent 
entre  leurs  feuilles,  en  recèlent  souvent  un  grand  nombre. 

Pline  désigne  évidemment  les  grillons  dans  le  passage  du 
chap.  XXVIII ,  liv.  XI ,  où  il  dit  que  des  insectes  creusent  une 
multitude  de  trous  dans  les  foyers  et  dans  les  prés  ,  et  font 
entendre  pendant  la  nuit  un  bruit  aigu  et  perçant.  Il  ne  leur 
donne  ici  aucun  nom  \  mais  au  chap.  vi  du  liv.  XXIX  ,  il 
recommande  ,  à  l'occasion  des  maux  d'oreilles ,  une  onction 
faite  avec  le  grillon  et  la  terre  de  son  habitation.  Il  conseille 
aussi  l'emploi  de  cet  insecte,  torréfié  et  6n  friction,  pour  une 
autre  incommodité  ,  au  ch.  x  du  même  livre.  Des  propriétés 
médicales  semblables  ,  et  les  mêmes  habitudes  ,  nous  le  font 
aussi  reconnaître  dans  un  passage  de  jNigidius.  Il  ajoute  qu'il 
marche  à  reculons ,  et  qu'on  lui  fait  la  chasse  dans  ^!df0x^\ 
au  moyen  d'une  fourmi  attachée  par  un  fil.   PRi%è:>pjesèpt^  /N^ 


v.v'- 


^«?* 


.c:> 


56  TABLEAU 

encore  l'usage  d'un  insecte  semblable  à  la  locusta ,  mais  sans 
ailes,  (jue  les  Grecs  appellent  tiyxalis,  et  que  divers  auteurs 
regardent  comme  un  grillon  qui  serait  alors  en  état  de  larve. 
Mais  je  soupçonnerais  que  ce  serait  plutôt  la  locuste  ephip- 
piger,  insecte  assez  gros  ,  très  commun  dans  le  midi  de  l'Eu- 
rope ,  bruyant ,  et  différant  de  nos  sauterelles  ordinaires  ,  en 
ce  qu'il  n'a  que  des  élytres  très  courtes.  Il  parle  aussi  de  pe- 
tites locustes  sans  ailes  appelées  attelabes,  Yattelahos  d'Aris- 
tote.  Selon  celui-ci ,  ces  insectes  pondent  des  œufs  comme 
Vacris,  et  meurent  ensuite.  Les  pluies  d'automne,  lorsqu'elles 
sont  très  abondantes,  font  périr  ces  œufs.  Swammerdam  les 
prend  pour  des  nympbes  de  sauterelles^  mais  comme  diverses 
espèces  de  ce  genre  sont  aptères  à  tout  âge  ,  on  ne  peut  déter- 
miner quelles  sont  celles  dont  il  s'agit.  Saint  Jérôme  donne 
aux  altelabes  de  petites  ailes.  Les  noms  à'onos,  asellus,  asira- 
cus  ou  axjracus,  désignant  d'autres  orthoptères  sans  ailes  et  à 
grosses  cuisses,  nous  présentent  aussi ,  dans  leur  application  , 
le  même  embarras.  La  locusta  onos ,  espèce  aptère  des  plus 
saillantes  ,  paraît  être  ,  d'après  M.  Lefèvre ,  qui  en  a  rapporté 
beaucoup  d'individus ,  commune  dans  quelques  cantons  de 
l'Asie -Mineure,  et  c'est  à  elle,  ou  à  l'ephippiger ,  que  nous 
serions  tenté  de  rapporter  Vonos  et  Vasellus.  La  dénomination 
ancienne  de  bjucus  ou  bruchus ,  donnée  à  des  espèces  d'in- 
sectes du  même  ordre ,  s'est  conservée  en  Illyrie  ,  où  elle  dé- 
signe les  sauterelles  et  les  criquets,  c'est-à-dire  les  acris 
d'Aristote.  En  lonie,  au  rapport  de  Nicandre  {de  Thejiaca) , 
ces  insectes  ont  été  appelés  en  général,  et  à  raison  du  nombre 
de  leurs  ailes,  tetrapeljrides  :  c'étaient  aussi  des  conops , 
parnops  ou  pornops  ;  et  Hercule  ,  pour  les  avoir  chassés  d'un 
territoire  où  ils  étaient  sans  doute  un  fléau ,  fut  surnommé 
Cornoplon  o\\.Painopion.  En  Ambracie,  on  les  nommait  mas- 
tace.  Ceux  qui  ravageaient  les  fromens  étaient  les  moluris. 
Nicandre  désigne  ainsi  ceux  des  prés.  Il  semblerait  que  le  nom 
polonais  de  înulalaurij  et  celui  de  molj^  qui  est  hongrois,  don- 
nés l'un  et  l'autre  aux  sauterelles  en  général,  retracent  quelques 
vestiges  du  précédent.  Une  telle  diversité  de  noms  dépendant 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  67 

ie  plus  souvent  de  celle  des  dialectes ,  et  il  est  impossible  de 
dissiper  la  confusion  qui  en  résulte.  On  croyait  que  quelques 
uns  de  ces  orthoptères  s'attachaient  à  la  gorge  des  scrpcns  ,  et 
les  faisaient  périr-,  de  là  l'épithète  iïophiomachus,  qui  combat 
les  serpens.  D'autre  part ,  la  rapidité  de  leur  vol ,  leurs  ra- 
vages ,  et  quelques  autres  caractères ,  les  ont  fait  comparer , 
par  les  Arabes  spécialement  (voyage  de  Niébur) ,  à  ces  mêmes 
ophidiens,  à  l'aspic  en  particulier.  C'est  ainsi  que  j'explique- 
rai ,    avec    un    savant    helléniste  ,    traducteur   d'Hérodote  , 
M.  Miot  (i) ,  le  passage  de  cet  historien  relatif  aux  serpens 
ailés  dont ,  dans  un  canton  de  l'Arabie  voisin  de  la  ville  de 
Bulhus  ,  il  avait  vu  des  cadavres  amoncelés  et  une  multitude 
inouïe  d'os  et  d'épines,  ou  leurs  pâtes  postérieures.  Il  est  in- 
dubitable que  diverses  espèces  de  grands  criquets  voyageurs, 
réunis  dans  les  airs  en  masses,  semblables  à  des  nuages,  et  plus 
terribles  que  ceux  où  se  forment  la  grêle  ,  s'abattent  dans  les 
li^T'UX  cultivés  et  fertiles ,  et  y  portent  la  désolation  en  dévo- 
rant les  récoltes  -,  et  que  quelquefois  aussi ,  accablés  de  faim 
et  de  lassitude ,  rejetés  par  les  vents  sur  des  plages  désertes, 
souvent  dans  la  mer  ou  sur  ses  bords,  ils  y  périssent  ainsi  ras- 
semblés. Quelques  espèces  d'oiseaux  en  font  spécialement  leur 
nourriture  ^  mais  leur  plus  cruel  ennemi  est  une  espèce  d'é- 
tourneau  ou  de  merle,  le  turdus  roseus  de  Linné ,  connu  des 
Arabes  sous  le  nom  de  samavmac  ou  samarmaj ,  c'est-à-dire 
mangeur  de  sauterelles.  Trompé  par  quelque  faux  rapport, 
Hérodote   l'a  pris  pour  Y  ibis ,  dont  le  bec  n'est  nullement 
propre  à  saisir  des  insectes.   C'est  près  de  Peluse,  ou  dans  le 
canton  même  mentionné  par  Hérodote  ,  qu'Aristote  établit 
le  séjour  de  cet  oiseau. 

La  locuste,  locusta,  a  été  ainsi  nommée,  suivant  Isidore 
de  Séville ,  parce  que  ,  à  raison  de  la  longueur  de  ses  pieds  , 
elle  ressemble  à  une  pique  ,  hasta,  et  c'est  pour  cela  que  les 
Grecs  appellent ,  tant  celle  de  terre  que  celle  de  mer ,  has- 
tago.  D'autres  font  dériver  cette  étymologie  des  mots  locis 

(i)  Tome  î,  page  .^00. 


68  TA.BLEAU 

ustisj  et  en  effet  Pline  dit  que  ces  insectes  brûlent  ce 
qu'ils  touchent,  multa  contacta  adurentes.  Soit  pour  ces  in- 
sectes ,  soit  pour  les  crustacés ,  la  nomenclature  latine  s'éloi- 
gne souvent  beaucoup  de  celle  des  Grecs ,  et  doit  dès-lors 
avoir  une  origine  propre. 

Le  passage  suivant  et  curieux ,  tiré  de  cet  auteur  ,  nous 
fera  bien  connaître  tout  ce  que  l'on  savait  alors  sur  ces  or- 
thoptères. J'emprunterai  à  cet  égard  la  traduction  de  Gue- 
roult,  mais  en  conservant  les  dénominations  propres  de  lo- 
custa  et  de  gj^aculus ,  qu'il  a  remplacées  par  celles  de  saute- 
j elles  et  de  choucas,  a  Les  insectes  qui  ont  des  pieds  les 
meuvent  obliquement.  Il  y  en  a  dont  les  pieds  de  derrière , 
plus  longs  que  les  autres,  se  courbent  en  dehors.  Telles  sont  les 
locustes.  Celles-ci ,  enfonçant  dans  la  terre  la  pointe  de  leur 
queue  (spinœ  caule),  y  déposent  en  automne  les  œufs, 
qu'elles  rassemblent  en  un  tas  commun.  Ils  restent  enterrés 
tout  l'hiver.  L'année  suivante,  à  la  fin  du  printemps,  il^fn 
éclot  de  petites  sauterelles  noires,  sans  jambes,  et  qui  se  traî- 
nent à  l'aide  de  leurs  ailes  (i).  Les  pluies  du  printemps  font 
périr  les  œufs  ^  dans  un  printemps  sec ,  le  produit  est  très 
abondant.  Quelques  auteurs  disent  que  l'espèce  se  renouvelle 
et  se  détruit  deux  fois  chaque  année  j  qu'elles  se  reproduisent 
au  lever  des  pléiades^  qu'ensuite,  au  lever  de  la  canicule,  ou , 
suivant  quelques  autres,  au  coucher  d'Arcturus,  elles  meu- 
rent ,  et  d'autres  renaissent.  Il  est  certain  que  les  femelles 
meurent  après  avoir  jeté  leurs  œufs.  Un  petit  ver  qui  leur 
vient  à  la  gorge  les  étrangle.  Les  mâles  périssent  à  la  même 
époque.  Quoique  leur  vie  tienne  à  peu  de  chose,  une  seule 
suffit  pour  tuer  un  serpent ,  en  le  saisissant  et  le  mordant  au 
cou.  Elles  ne  naissent  que  dans  des  lieux  crevassés.  On  pré- 
tend que  dans  l'Inde  elles  ont  jusqu'à  trois  pieds  de  long. 
Leurs  jambes  et  leurs  cuisses  servent  de  scie.  Il  est  encore 
pour  elles  une  cause  de  destruction.  Enlevées  en  masse  par 
le  vent ,  elles  tombent  dans  la  mer  ou  dans  les  étangs ,  ce  qui 

(i)  Pline  fait  ici  preuve  d'uue  grande  ignorance.  Comment  ces  insectes  pourraient- 
ils  avoir  des  ailes  et  être  privés  de  jambes? 


'       DE    L'iIlSTOirxE    DE    LEKTOiMOLOGlE.  (jQ 

arrive  par  des  circonstances  fortuites  ,  et  non  ,  comme  l'ont 
pensé  les  anciens,  parce  que  leurs  ailes  ont  été  mouillées  par 
l'humidité  de  la  mer.  Ces  mêmes  anciens  ont  dit  qu'elles  ne 
volent  pas  la  nuit,  à  cause  du  froid.  Ils  ignoraient  qu'elles 
traversent  une  vaste  étendue  des  mers ,  et  même  ,  ce  qui  est 
plus  merveilleux,  qu'elles  supportent  la  faim  pendant  plu- 
sieurs jours,  dans  le  dessein  de  gagner  des  pâturages  lointains. 
On  les  regarde  comme  un  fléau  de  la  colère  céleste.  En  effet, 
elles  apparaissent  quelquefois  d'une  grandeur  démesurée.  Le 
bruit  de  leurs  ailes  les  fait  prendre  pour  des  oiseaux.  Elles 
obscurcissent  le  soleil.  Les  peuples  les  suivant  d'un  œil  in- 
quiet, tremblent  que  cette  armée  formidable  ne  s'abatte  sur 
le  pays.  Leur  vol  se  soutient  long-temps ,  et ,  comme  si  c'était 
peu  d'avoir  franchi  les  mers,  elles  traversent  des  contrées  im- 
menses qu'elles  couvrent  d'un  nuage  épais,  ravageant  les  mois- 
sons, brûlant  tout  ce  qu'elles  touchent,  rongeant  jusqu'aux 
portes  des  maisons.  L'Italie  est  souvent  infestée  par  celles  qui 
viennent  d'Afrique.  Souvent  le  peuple  romain  ,  menacé  de  la 
famine ,  fut  contraint  de  recourir  aux  remèdes  sibyllins.  » 

«  Dans  la  Cyrénaique  une  loi  ordonne  de  leur  faire  la  guerre 
trois  fois  l'année  ^  la  première ,  en  écrasant  leurs  œufs  -,  la  se- 
conde ,  en  tuant  les  petits  \  la  troisième  ,  en  exterminant  les 
grandes.  Quiconque  néglige  ce  devoir  est  puni  comme  dé- 
serteur. Dans  l'île  deLemnos  on  a  déterminé  une  mesure  que 
chaque  habitant  est  obligé  d'apporter  au  magistrat ,  remplie 
de  locustes  tuées.  C'est  pour  cette  raison  que  ces  peuples  ré- 
vèrent les  gracules  qui  volent  au-devant  des  locustes  pour  les 
détruire.  En  Syrie ,  on  est  obligé  d'employer  les  troupes  pour 
les  exterminer ,  tant  cette  engeance  funeste  est  répandue  sur 
le  globe.  Les  Parthes  en  font  un  de  leurs  mets.  » 

(c  La  voix  des  sauterelles  semble  sortir  du  derrière  de  leur 
tête.  On  prétend  qu'à  la  jointure  de  leurs  épaules,  elles  ont 
des  espèces  de  dents  dont  le  frottement  produit  les  sons  aigus 
qu'elles  rendent  (i).  Elles  se  font  entendre  surtout  aux  deux 

(i)  C'est  eu  frottant  leurs  gouvernails,  dit  Aristote, 


yO  TABLEAU 

équinoxes.  La  cigale  ne  chante  qu'au  solstice  d'été.  L'accou- 
plement des  sauterelles  se  fait  comme  celui  de  tous  les  insectes 
chez  lesquels  la  copulation  a  lieu.  La  femelle  porte  le  mâle, 
en  repliant  conlre  lui  l'extrémité  de  sa  queue.  Elles  demeurent 
long-temps  accouplées.  Dans  toute  cette  espèce,  les  mâles  sont 
plus  petits  que  les  femelles.  » 

On  croyait  que  ces  insectes  vivaient  entre  eux  dans  la  plus 
grande  concorde  sans  avoir  besoin  de  chef-,  et  Salomon ,  dans 
un  de  ses  proverbes ,  fait  allusion  à  ces  républicains  si  inouïs 
et  si  introuvables.  Non  seulement  les  Parthes ,  mais  beaucoup 
d'autres  peuples ,  tant  de  l'Afrique  que  du  Levant ,  se  nour- 
rissaient au  besoin  de  sauterelles,  ou  plutôt  de  criquets  -,  et  de 
là  le  nom  d'acridiphages  qui  leur  fut  donné  par  les  Grecs.  Le 
sort  de  ces  contrées  ne  s'étant  pas  amélioré ,  cet  usage  s'y  est 
maintenu. 

Aucun  passage  d'Aristote  ou  de  Pline  ne  m'a  paru  men- 
tionner ces  singuliers  orthoptères  appelés  mantes  ou  dei^ins'^ 
les  prega-diou  des  Provençaux,  qui,  dirigeant  leurs  deux 
premières  pâtes  en  avant ,  et  en  repliant  une  portion  sur 
l'autre ,  offrent  l'attitude  d'un  suppliant.  Dans  l'opinion  po- 
pulaire ,  ils  indiqueraient  au  voyageur  sa  route ,  ou  ils  annon- 
ceraient la  famine.  Telle  serait  l'origine  du  nom  de  mantis , 
devin.  Quelques  espèces  sont  encore  aujourd'hui  pour  des 
peuplades  africaines,  des  fétiches.  Mais,  suivant  MoufFet,  le 
poète  Anacréon  et  deux  autres  auteurs  anciens  auraient  parlé 
de  ces  insectes. 

Je  pourrais  vous  amuser  en  vous  citant  les  moyens  tout-à- 
fait  risibles  que  l'on  indiquait  pour  se  garantir  du  fléau  des 
sauterelles.  Je  n'en  citerai  qu'un ,  qui  est  relatif  aux  vignes. 
Il  consistait  à  semer  trois  grains  de  moutarde  près  de  leurs 
racines,  afin  que  l'odeur  de  cette  plante,  lorsqu'elle  aurait 
poussé,  éloignât  ces  insectes. 

Voilà  ,  Messieurs  ,  tous  les  renseignemens  que  nous  fournit 
l'antiquiié  sur  les  orthoptères.  Voyons  ce  qu'elle  nous  apprend 
des  hémipières,  en  commençant,  ainsi  que  dans  l'ordre  pré- 
cédent ,  par  les  plus  intéressans. 


1  » 


DK    L  HISTOIRE    DE    L  ENTOMOLOGI  F.  "7  I 

Comment  n'aurait-on  point  connu  ces  insectes  si  communs 
dans  les  pays  chauds ,  si  incommodes  par  leurs  sons  bruyans  , 
qu'on  nomme  cigales,  cicadœ,  mais  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  les  insectes  précédens  ,  ainsi  que  cela  a  lieu  dans  les 
contrées  septentrionales  où  les  vraies  cigales  ne  se  trouvent 
point  ?  Les  hiéroglyphes  égyptiens  déposent  en  faveur  de  l'ob- 
servation de  ces  insectes.  Par  l'organe  du  chant  qui  les  carac- 
térise ,  et  qui  est  placé  sur  le  dos  et  non  à  la  bouche ,  ils  re- 
présentaient emblématiquement  les  ministres  de  la  religion. 
Aristote  ,  qui  nomme  ces  insectes  teUix,  dit  qu'ils  n'ont  point 
de  bouche,  mais  une  sorte  de  langue  placée  sous  la  poitrine, 
et  servant  à  pomper  la  rosée.  Les  mâles  seuls  chantent,  et 
l'abdomen,  où  est  situé  l'organe  propre  à  cette  fonction,  offre 
une  séj)aralion  avec  des  membranes ,  c'est-à-dire  les  opercules. 
Pline  leur  attribue  simplement  une   poitrine  fistuleuse.  Le 
ventre  est  censé  n'avoir  point  d'issue  pour  les  excrémens.  Les 
ailes,  ainsi  que  celles  des  abeilles,  sont  des  membranes  sè- 
ches ;  et  de  là  l'origine  du  mot  hyménoplère ,  ailes  membra- 
neuses ,  et  appliqué  par  Linné  à  un  ordre  d'insectes.  Aristote 
distingue  deux  espèces  de  tetrix ,  les  grandes  ou  chanteuses  , 
achetés  y  et  les  petites  ou  muettes  ,  teltigoiiioji  ou  tettigoiiia , 
cicadrastœ  en  latin  ,  cigaletles  dans  notre  langue.  Les  yeux 
sont  faibles,  et  Pline  ajoute  que,  si  on  présente  le  doigt  à  ces 
insectes,  ils  viennent  s'y  poser  comme  sur  une  feuille.  Il  eût 
été  facile  à  l'un  et  à  l'autre  de  s'assurer  du  contraire;  car  l'on 
sait  que,  dès  que  l'on  s'approche  d'eux,  ils  ne  vous  attendent 
pas  et  s'envolent  de  suite.  Le  naturaliste  grec  avait  observé 
leur  accouplement  et  leurs  organes  générateurs.  Le  mâle  in- 
troduit les  siens.  La  femelle  est  pourvue  d'un   instrument 
pointu  ou  sorte  de  tarière ,  qui  pénètre  la  terre ,  les  roseaux , 
les  ceps  de  vigne  ,  ou  d'autres  corps ,  lorsqu'elle  doit  y  déposer 
ses  œufs.  Il  en  sort  de  petits  vers.  Les  nymphes  étaient  appelées 
tettigonietra y  ou  mères  de  cigales.  Certains  cantons  contigus 
à  d'autres  où  l'on  trouvait  des  cigales  chanteuses  n'en  avaient 
que  de  muettes.  Diodore  de  Sicile  nous  apprend  qu'il  n'y  en 
avait  point  dans  le  territoire  de  Locres ,  parce  qu'Hercule  ^ 


n2  TABLEAU 

incommodé  de  leur  bruit ,  avait  prié  les  dieux  de  l'en  délivrer, 
et  que  ses  vœux  avaient  été  exaucés.  Les  substances  sur  les- 
quelles ces  insectes  aiment  à  se  reposer  avaient  donné  lieu 
aux  épitbètes  suivantes  :  sarcularia ,  frumentaria ,  arenama. 
Une  espèce  portail  le  nom  de  cejxops;  et  Fabricius,  en  l'ap- 
pliquant à  un  genre  de  cette  famille,  ne  mérite  cette  fois  au- 
cun reprocbe.  Divers  peuples  orientaux  mangeaient  les  ci- 
gales.  On   préférait  les  mâles  avant  l'accouplement ,  et  les 
femelles  après  leur  fécondation.  Isidore  de  Séville,   trompé 
sans  doute  par  ce  qui  est  propre  aux  larves  de  la  cigale  écu- 
meuse  ,  la  spumaria  de  Linné,  dit  que  les  cigales  provenaient 
du  crachat  des  coucous,  cuculorum  nascuntur  sputo  {Orig. , 
lib.  XXII,  cap.  viii).  Quelques  médecins  les  donnaient  avec  un 
pareil  nombre  de  grains  de  poivre ,  dans  les  coliques.  Nous 
avons  vu  plus  haut  qu'un  crustacé ,  du  genre  scyllare ,  à  ce 
que  nous  présumons,  était  encore  appelé  cigale;  mais  avec 
l'adjectif  distinctif  tiré  de  son  milieu  d'habitation. 

Il  est  fait  mention  de  la  punaise  sous  le  nom  de  coris,  dans 
Aristote  (Hist. ,  liv.  V,  chap.  xxxi).  Il  ne  résulte  de  son 
acouplement ,  de  même  que  de  ceux  de  la  puce  et  des  poux, 
que  des  lentes.  Galien  ,  Dioscoride  ,  Pline,  etc. ,  parlent  des 
vertus  médicales  qu'on  lui  accordait ,  et  de  son  utilité  surtout 
contre  la  morsure  des  serpens.  On  la  distinguait  des  punaises 
des  champs  et  des  jardins. 

L'usage  du  kermès  ou  cochenille  du  chéne-vert  pour  la 
teinture  en  rouge  des  laines,  était  déjà  pratiqué.  On  faisait  la 
récolte  de  la  galle  considérée  comme  une  espèce  de  pomme , 
C0CCUS3  avant  la  dernière  métamorphose  des  individus  ailés, 
ou  des  mâles  que  l'on  assimilait  à  des  cousins,  conops.  C'était 
avec  l'espèce  de  sanie  de  l'intérieur  de  la  galle  que  l'on  prépa- 
rait la  teinture. 

Nous  avons  parlé  des  népes  en  traitant  des  scorpions. 
Parvenu  à   l'ordre  des  insectes  névroptères,  nous  débute- 
rons par  ceux  anciennement  connus  qui  nous  paraissent  ap- 
partenir au  genre  actuel  des  termes  ou  termites,  vulgairement 
fourmis  blanches. 


DE  l'histoire  de  l'entojvîologie.  7*3 

Déjà,  au  sujet  des  teredo ,  nous  avons  dit  que  du  temps 
d'Isidore  de  Séville ,  on  désignait  selon  lui  en  Espagne  ces 
vers  du  bois  par  le  nom  de  termites.  Les  espèces  européennes 
de  ce  genre  font  beaucoup  de  tort  aux  oliviers,  dont  le  tronc 
avait  pareillement  reçu  la  dénomination  de  termes.  Nous 
avons  dès-lors  présumé  que  les  insectes  nommés  ainsi  aujour- 
d'hui étaient  compris  avec  ces  térèdes  ou  vers  du  bois.  J'ai 
encore  soupçonné  qu'il  avait  voulu  parler  des  mêmes  termites 
en  état  de  larves  que  l'on  trouve  aussi  en  grande  abondance 
sous  les  écorces  des  chênes,  dans  les  contrées  méridionales  de 
l'Europe.  La  dénomination  de  caria  provenant  de  celle  de 
cane5  (  carie  )  ,  appliquée  dans  quelques  contrées  du  Levant 
aux  mêmes  insectes,  vient  fortifier  mes  conjectures.  Servius, 
cependant  (i) ,  ayant  dit  que  les  termites  ne  rongeaient  que 
la  moelle  des  arbres ,  il  serait  possible  que  ce  nom  eût  été 
aussi  donné  à  des  chenilles  d'hépiales  ou  plutôt  de  zeuzères. 

Camus,  dans  ses  notes  sur  l'histoire  des  animaux  d'Aristote, 
article  Fourmi,  dit  que  les  observations  relatives  aux  habi- 
tudes du  fourmilion  ne  sont  point  aussi  modernes  que  l'a  cru 
Réaumur,  et  qu'elles  remontent  à  Albert-le-Grand  cité  par 
Cardan.  Mais  Isidore  de  Séville ,  antérieur  de  six  siècles  à 
Albert-le-Grand  (2),  parle  de  cet  insecte.  Le  fourmilion  {for- 
micoleoji)  est,  dit-il,  ainsi  nommé  de  ce  qu'il  est  le  lion  des 
fourmis ,  en  ce  qu'il  se  cache  dans  le  sable  et  qu'il  tue  les 
fourmis  portant  du  froment^  il  est  ensuite  appelé  lion  et 
fourmi ,  parce  qu'il  est  fourmi  pour  les  autres  animaux ,  et 
comme  un  lion  pour  les  fourmis  propres  {Origin. y  liv.  XII, 
cap.  m). 

Aristote  (Hist.  liv.  V,  chap.  xxxii)  parle  avec  assez  d'éten- 
due d'un  insecte  qu'il  nomme  xjlophtoroiiy  perce-bois,  et  qui 
est  une  sorte  de  teigne  ayant  les  pieds  sur  le  dos  et  se  formant  un 
habillement  composé  de  paille  et  de  fétus  de  paille.  Il  y  est 


(1)  Foyez  Mouffet. 

(2)  Il  vivait  dans  le  vii^  siècle,  et  Albert-le-Grand  dans  le  xni'. 


«74  TABLEAU 

adhérent  et  si  on  l'en  retire,  il  périt.  Quoique  des  chenilles 
de  j3sychés  se  fabriquent  des  habitations  analogues,  il  paraît 
cependant  plus  probable ,  ainsi  que  l'avait  dit  Réaumur,  que 
ce  passage  s'applique  aux  charrées  ou  larves  de  phryganes, 
bien  plus  communes  d'ailleurs  et  qu'il  était  facile  d'observer. 
Ces  chenilles  en  outre  n'emploient  point  de  sable  dans  la  con- 
struction de  leurs  fourreaux. 

Sous  les  dénominations  à^ephemeron,  àliemerobion  et  de 
monomerus ,  ayant  toutes  une  étymologie  commune,  qui  ne 
vit  qu'un  jour,  ou  peu  de  temps,  Aristote  ,  Pline  et  d'autres 
ont  désigné  des  insectes  auxquels  les  naturalistes  modernes  ont 
rapporté  ceux  du  genre  éphémère.  Le  premier  leur  donne 
quatre  pieds,  autant  d'ailes,  et,  suivant  lui,  les  humeurs  inté- 
rieures de  leur  corps  suffisent  à  leur  courte  existence.  Dans 
un  autre  endroit ,  il  dit  que  l'on  trouve  sur  les  eaux  de  l'Hy- 
panis,  fleuve  du  Bosphore  cimmérien,  des  espèces  de  coques 
plus  grosses  qu'un  grain  de  raisin ,  s'ouvrant  pour  donner 
passage  à  un  insecte  ailé  ,  qui ,  vieillissant  à  mesure  que  le 
soleil  baisse,  meurt  dès  que  cet  astre  est  couché.  Cicéron  et 
Pline  citent  ce  passage^  celui-ci  nomme  ces  insectes  liemero- 
hion ,  et  Elien  ,  qui  en  parle  aussi,  monomeros ,  Il  est  assez  na- 
turel d'y  voir  nos  éphémères,  qui  sortent  quelquefois  et  simul- 
tanément en  si  grand  nombre  de  nos  rivières ,  qu'elles  sont 
pour  le  peuple  même  une  sorte  de  phénomène  extraordinaire. 
Les  deux  pâtes  antérieures  des  éphémères  simulant  des  an- 
tennes ,  Aristote  a  pu  s'y  méprendre ,  et  faire  de  ces  insectes 
des  tétrapodes.  Il  ne  paraît  pas,  à  l'égard  des  névroptères,  que 
les  connaissances  des  anciens  se  soient  étendues  plus  loin. 
L'agriculteur  n'ayant  pas  à  s'en  plaindre  ,  et  ces  insectes  n'in- 
téressant que  le  naturaliste  de  profession  ,  ils  auront  été  né- 
gligés ou  peu  remarqués.  Il  n'en  a  pas  été  ainsi  de  ceux  de 
l'ordre    des   hyménoptères;    les    abeilles,   les    guêpes,    les 
fourmis  ,  etc. ,  leur  ont  fourni  sous  le  rapport  de  l'intérêt  am- 
ple matière  d'observations.  C'étaient,  ainsi  que  les  précédens, 
les  fourmis  ouvrières  exceptées,  des  tétraptères,  ou  insectes  à 
quatre  ailes  nues. 


DE  l'histoire   de  l'entomologie.  75 

Leur  organisation  n'ayant  pas  encore  été  étudiée  ou  assez  ap- 
profondie, des  différences  d'habitudes,  qu'il  était  aisé  de  dé- 
couvrir, devaient  naturellement  servir  de  base  au  signalement 
des  groupes  que  Ton  établissait  dans  cet  ordre  d'insectes.  On 
remarqua  ,  par  exemple  ,  que  plusieurs  construisaient,  à  l'ins- 
tar des  abeilles,  de  petites  cellules  rassemblées  aussi  en  manière 
de  gâteaux  ou  de  rayons ,  et,  sans  avoir  égard  à  la  nature  des 
substances  mises  en  œuvre ,  ils  formèrent  avec  ces  hyménop- 
tères une  petite  famille,  celle  des  insectes  à  ruches  ou  alvéo- 
laires, et  qui  comprit  plusieurs  espèces  des  genres  apis,  vespa 
et  sphex  de  Linné.  L'abeille  domestique  en  fut  le  prototype. 
Elle  fixa  naturellement  l'attention  des  premiers  hommes ,  et 
puisque  les  sauvages  de  nos  jours  savent  profiter  du  fruit  de 
son  travail ,  il  est  à  présumer  qu'il  en  fut  de  même  dans  les 
temps  anciens,  ou  qu'on  avait  commencé  à  observer  cet  in- 
secte antérieurement  à  toute  civilisation.  Les  Grecs  le  dési- 
gnaient par  la  dénomination  de  melitta  et  melissa.  Hésiode 
l'appelle  nielia,  et ,  fait  assez  intéressant  pour  les  philologues, 
en  chinois ,  mi  signifie  miel ,  et  nii-la  ,  la  cire  (^voyez  Abel 
Rémusat,  extrait  de  V  Encyclopédie  japonaise).  Aristote  con- 
sidérait comme  des  sortes  d'abeilles  les  bourdons,  bombus , 
les  guêpes  et  les  autres  hyménoptères  alvéolaires.  Dans  le  chi- 
nois encore  ,  ^bw/ze^  est  le  nom  de  l'abeille,  et  le  radical  de 
quelques  autres  noms  désignant  les  insectes  précédens.  Je  re- 
marquerai aussi  que  les  Latins  me  paraissent  être  le  seul  peuple 
qui  ait  distingué  l'abeille  par  la  dénomination  à'apis.  On  a 
beaucoup  différé  et  varié  sur  son  étymologie.  Peut-être  vient- 
elle  des  anciens  Égyptiens  j  car,  suivant  une  fable  populaire, 
cet  insecte  était  censé  naître  spontanément  de  la  fiente  ou  du 
cadavre  du  bœuf  ou  du  taureau  ,  si  vénéré  par  ce  peuple  sous 
le  nom  à' Apis,  lorsqu'il  réunissait  certaines  qualités  tirées 
principalement  de  ses  couleurs.  Ce  dieu,  sur  quelques  figures 
de  leurs  temples,  est  représenté  avec  un  manteau  où  l'on  voit 
des  dessins  d'abeilles.  S'il  est  vrai ,  comme  on  le  croit  commu- 
nément d'après  plusieurs  analogies  de  langage,  que  des 
peuples  de  la  Germanie  soient  originaires  de  la  Perse,  qui,  à 


76  TABLEAU 

des  époques  très  reculées ,  était  sous  la  domination  des  rois 
d'Egypte ,  ces  figures  d'abeilles  sculptées  sur  quelques  espèces 
d'armoiries  que  l'on  trouva  dans  un  tombeau  de  l'un  des  pre- 
miers rois  francs ,  découvert  sous  Louis  XIV ,  ne  nous  sur- 
prendront point  d'après  ce  que  je  viens  d'exposer  et  ce  qui  va 
suivre.  Après  le  scarabé  sacré ,  l'abeille  est  sur  les  hiéroglyphes 
égyptiens  l'objet  le  plus  souvent  reproduit.  Sa  figure  repose 
sur  celle  d'un  segment  de  cercle  désignant  probablement  une 
portion  de  la  terre,  une  contrée,  et  elle  est  accompagnée  d'une 
autre  figure  que  j'avais  comparée  à  la  représentation  d'un 
faisceau  d'étamines  avec  un  pistil  au  milieu  :  c'est,  à  ce  que 
je  présume,  une  sorte  de  sceptre  ou  de  bâton  pastoral,  em- 
blème de  la  royauté,  car,  suivant  Hor- Apollon,  l'abeille  était 
celui  d'un  peuple  obéissant  aux  ordres  de  son  souverain. 
Qu'on  me  permette  une  dernière  conjecture.  Dans  quelques 
langues  anciennes  du  nord  de  l'Asie,  sej^  ou  zer  veut  dire  or. 
Que  cette  syllabe  précède  le  mot  apis ,  nous  aurons  serapis , 
et  voilà  peut-être  ce  veau  d'or  qui  à  certains  intervalles  fut 
l'objet  du  culte  idolâtre  des  Hébreux,  et  dont  la  source  devait 
être  égyptienne.  Ceux  qui  font  dériver  apis  du  mot  apus ,  sans 
pieds ,  parce  que  la  larve  de  cet  insecte  n'a  pas  de  pieds  ,  n'ont 
pas  remarqué  qu'on  avait  dû  lui  donner  un  nom  antérieure- 
ment à  une  observation  de  cette  nature ,  et  qui  n'est  propre 
qu'à  un  peuple  assez  avancé  en  civilisation. 

Mettant  à  profit  toutes  les  traditions  et  tous  les  renseigne- 
mens  qu'ils  avaient  pu  obtenir,  Aristote  et  Pline  ont  exposé 
longuement  l'histoire  de  l'abeille. 

«  Parmi  tous  les  insectes ,  dit  le  dernier,  les  abeilles  tien- 
«  nent  le  premier  rang.  Plus  que  tous  les  autres ,  elles  ont 
((  droit  à  notre  admiration  ,  puisqu'elles  sont  les  seuls  animaux 
«  de  ce  genre  qui  aient  été  créés  pour  l'homme  5  elles  com- 
«  posent  le  miel ,  le  plus  doux  ,  le  plus  subtil ,  le  plus  salubre 
«  de  tous  les  sucs  -,  elles  fabriquent  les  rayons  et  la  cire ,  qui 
«  servent  pour  une  infinité  d'usages.  Elles  supportent  le  tra- 
ce vail ,  exécutent  des  ouvrages,  forment  des  associations  poli- 
ce tiques  j  elles  ont  des  conseils ,  des  chefs ,  et ,   ce  qui  est  le 


DE    l'histoire    de    i/eNTOMOLOGIF.  'J'J 

({  plus  merveilleux ,  une  morale  et  des  principes.  Encore 
((  qu'elles  ne  soient  ni  de  la  classe  des  animaux  domestiques 
«  ni  de  celle  des  animaux  sauvages,  telle  est  pourtant  la  puis- 
ce  sance  de  la  nature ,  que  d'un  avorton ,  que  de  l'ombre  d'un 
«animal,  elle  a  su  former  un  chef-d'œuvre  incomparable. 
«  Quels  nerfs,  quelle  force,  mettrez-vous  de  pair  avec  leur  in- 
«  fati^able  et  féconde  industrie?  Quel  génie  égale  leur  intel- 
((  ligence  ?  Elles  ont,  du  moins,  sur  nous  cet  avantage  que 
«  chez  elles  tout  est  en  commun.  Ne  disputons  point  sur  leur 
(c  respiration  \  accordons  même  qu'elles  ont  du  sang.  Toute- 
«  fois,  combien  peut-il  y  en  avoir  dans  de  si  petits  êtres? 
«  N'envisageons  que  leur  art  et  leur  talent.  » 

Il  serait,  je  pense,  inutile  de  vous  prémunir  contre  plu- 
sieurs fausses  idées  émises  dans  ce  passage  -,  elles  appartiennent 
à  un  temps  où  l'homme  était  considéré  comme  le  centre  et  le 
but  de  la  création  ,  où  l'on  ne  distinguait  point  l'intelligence 
et  ses  opérations  de  celles  de  l'instinct ,  et  où  l'on  soumettait 
les  animaux ,  ainsi  que  l'espèce  humaine  ,  à  des  règles  de 
morale. 

Aristote  distingue  neuf  sortes  d'abeilles,  dont  six  sociales  et 
trois  vivant  isolément  ou  solitaires.  Les  six  premières  sont 
la  melitte,  ou  l'abeille  propre  \  le  roi  des  abeilles,  le  bomhilus^ 
ou  bourdon  leur  cohabitant  -,  le  sphex ,  Xajithrine  et  le  teji- 
thredon,  qui  est  Varthredo  ou  Y anthredo  de  quelques  autres. 

Les  trois  premières  ne  sont  que  les  trois  espèces  d'individus 
dont  se  compose  la  société  de  nos  abeilles  ou  son  espèce , 
savoir  :  l'ouvrière ,  la  femelle  transformée  ici  en  roi ,  le  mâle 
ou  faux-bourdon,  nommé  aussi  en  grec  castros  (Isidore  de 
Séville).  Camus  traduit  le  mot  sphex  par  ceux  de  guêpe 
annuelle  ^  Xanthine  est  le  frelon  ,  et  le  tenthredon  le  grugeur. 
Ce  dernier  insecte  a  des  rapports  avec  le  sphex  par  la  couleur 
et  la  taille-,  il  ressemble  cependant  à  l'abeille.  Il  est  friand, 
et  va  cherchrT  dans  les  cuisines  du  poisson  et  autres  mets  de 
ce  genre  ,  il  se  reproduit  sous  terre  de  même  que  le  sphex , 
mais  sa  retraite  forme  une  cavité  plus  grande  et  plus  allongée. 
Ces  paroles  ,  ainsi  que  tout  ce  qu'il  dit  de  ce  dernier  et  de 


-^8  TABLEAU 

Vanthriiie  ou  anthrena,  ne  peuvent  convenir  qu'à  des  gué- 
piaires,  dont  nous  parlerons  ci-après. 

Les  trois  dernières  sortes  d'abeilles  ,  ou  les  solitaires ,  sont 
le  grand  et  le  petit  seiren  ou  sîren  ^  et  le  bombjlios  ou  bom~ 
bjle.  L'étyraologie  du  mot  sireji  peut  nous  faire  présumer 
que  les  insectes  auxquels  ce  nom  est  donné  font  entendre  une 
sorte  de  chant,  ce  qui  s'appliquerait  à  diverses  espèces  d'apiai- 
res  -,  mais  ce  naturaliste  ne  nous  apprenant  autre  chose  sinon 
que  le  grand  siren  est  noir  et  tacheté,  et  le  petit  brun,  il  faut 
renoncer  à  toute  investigation  utile.  Camus  présume  qu'il 
s'agit  des  deux  sexes  de  l'abeille  maçonne  de  Réaumur  (xylo' 
copa  muraria ,  Fab.)  \  mais  aucun  des  deux  individus  n'a  le 
corps  noir  et  varié  de  taches.  Cette  conjecture  est  d'autant 
plus  fausse  qu'Aristote  fait  de  l'abeille  maçonne  un  iclnieu- 
niOTi]  suivant  lui ,  de  petits  insectes  coléoptères  qu'il  ne  dé- 
signe pas  déposent  des  vers  dans  de  petits  nids ,  que  ces 
ïchneumons  font  avec  de  la  boue,  et  qu'ils  appliquent  contre 
les  murs  et  les  tombeaux.  (^Hist.,  liv.  V,  chap.  xx).  Ce  pas- 
sage convient  très  bien  à  l'abeille  maçonne,  dans  les  nids  de 
laquelle  nous  savons  que  le  trichodes  alvearius  de  Fabricius 
dépose  ses  œufs  ,  et  dont  Réaumur  a  donné  l'histoire. 

Pline  parle  aussi  du  siren.  Après  avoir  dit  que  le  roi  des 
abeilles  ne  se  montre  point  d'abord  sous  la  forme  de  ver, 
mais  muni  de  ses  ailes,  il  ajoute  que  les  autres  abeilles  ayant 
commencé  à  prendre  une  forme  sont  appelées  nymphes 
comme  les  faux-bourdons,  fuci ,  les  sirènes  ou  céphènes.  Il 
semblerait  dès-lors  que ,  dans  l'opinion  de  cet  auteur,  cephen 
serait  synonyme  de  siren.  Or,  d'après  Aristote  (  Camus ,  au 
mot  bourdon)^  le  nom  de  cephen  est  propre  aux  mâles,  les 
fiici  de  Pline.  Daléchamp  ,  dans  ses  remarques  sur  ce  passage, 
donne  une  version  qui  supprime  la  particule  disjonctive. 
Quant  au  bombjle ,  cet  insecte,  au  rapport  du  naturaliste 
grec  ,  se  reproduit  sur  la  terre  nue,  sous  une  pierre  où  il  fait 
un  petit  nombre  de  cellules  renfermant  un  miel  imparfait ,  et 
qui  n'est  pas  bon.  On  peut  présumer  que  c'est  \apis  lapidaria 
de  Linné ,  espèce  de  genre  bombus  ou  bourdon. 


DE    L  HISTOIRE    DE    L  ENTOMOLOGIE.  ^Q 

Quoique  Pline  nous  dise  que  certains  hommes  aient  été 
passionnés  pour  les  abeilles^  qu'Aristomachus  de  Sole  s'en 
soit  uniquement  occupé  pendant  cinquante -huit  ans;  que 
Philiscus  de  Thasos ,  surnommé  agrius  ,  ou  le  sauvage ,  ait 
vécu  au  milieu  des  déserts  pour  soigner  ces  insectes  ;  cepen- 
dant il  confesse,  et  tel  avait  été  aussi  l'aveu  d'Aristote,  que  leur 
génération  était  encore  un  problème,  parce  qu'on  n'avait  pas 
vu  leur  accouplement.  Selon  quelques  auteurs ,  dans  le  cas  de 
la  destruction  de  l'espèce^  on  pouvait  la  renouveler  en  enter- 
rant dans  le  fumier  le  ventre  d'un  bœuf  tué  récemment.  Sui- 
vant Virgile,  le  corps  d'un  jeune  bœuf  qu'on  a  fait  expirer 
sous  les  coups ,  produit  des  abeilles ,  comme  celui  d'un  cheval 
donne  naissance  à  des  guêpes  et  des  frelons ,  et  celui  d'un  âne 
à  des  scarabées,  la  nature  changeant  ces  animaux  en  d'autres. 
Plusieurs  ,  au  récit  de  Pline ,  avaient  pensé  que  les  abeilles 
se  formaient  de  fleurs  combinées  et  disposées  d'une  manière 
convenable.  Au  dire  d'Aristote  ,  elles  y  recueilleraient  les  se- 
mences destinées  à  leur  reproduction.  D'autres  prétendaient 
qu'elles  n'v  récollaient  que  les  semences  à^^  faux-bourdons ^ 
et  qu'elles  étaient  engendrées  par  le  roi  qu'on  qualifiait  du 
nom  de  mère.  Il  y  en  avait  qui  croyaient  qu'elles  prove- 
naient de  l'accouplement  d'un  seul  individu  et  seul  mâle,  et 
pour  cette  raison  plus  grand ,  plus  fort  ;  il  était  le  roi  de  cha- 
que essaim  ,  et  sans  lui  la  reproduction  ne  pouvait  avoir  lieu  ; 
les  autres  abeilles  raccompagnaient.  Mais  alors ,  disait-on , 
comment  expliquer  la  génération  des  faux-bourdons ,  et  com- 
ment se  fait-il  que,  du  même  accouplement,  il  résulte  des 
cires  parfaits  et  d'autres  imparfaits?  Aristote ,  en  déclarant 
toutefois  que  l'expérience  seule  pouvait  nous  éclairer,  pense 
que  le  roi  des  abeilles  et  les  abeilles  ouvrières  sont  herma- 
phrodites-, que,  sans  accouplement,  le  roi  produit  celles-ci, 
qui,  à  leur  tour,  et  sans  accouplement  encore,  donnent  le 
jour  aux  faux-bourdons.  Pline  avance  que  l'on  voit  quelque- 
fois naître  au  bord  des  ruches  des  abeilles  plus  grandes  qui 
donnent  la  chasse  aux  autres,  et  que  cette  espèce  nuisible  se 
nomme  œstrus.  Aristote  a  ignoré  ce  fait;,  du  moins  il  ne  le 


8o  TABLEAU 

mentionne  pas.  Il  n'est  pas  croyable  qu'il  s'agisse  ici  d'une 
espèce  de  taon,  Xasilus  des  Romains.  Mais  quel  est  cet  ani- 
mal? C'est  ce  qu'on  ne  devinera  pas,  je  crois,  aisément.  Je 
sais  que  quelques  espèces  de  guêpes ,  telles  que  Vholsatica ,  ne 
fabriquant  que  de  petits  nids  ,  choisissent  quelquefois  l'inté- 
rieur des  ruches  pour  domicile  ^  que  la  philanthe  apivore  dé- 
truit beaucoup  d'abeilles^  mais  on  ne  peut  prononcer  d'après 
un  simple  nom^  appliqué  même  diversement. 

L'erreur  qui  faisait  naître  ces  insectes  de  la  corruption  du 
cadavre  d'un  bœuf,  d'une  vache ,  ou  d'un  taureau ,  s'est  main- 
tenue jusqu'au  xvii^  siècle,  puisque  Jonston  est  dans  cette 
croyance.  Suivant  Aristote  ,  la  semence  devant  reproduire  les 
abeilles  et  les  faux-bourdons  est  blanche  ^  celle  des  rois  est 
roussâtre.  Ceux-ci  ne  passent  point  par  l'état  de  ver.  Les  cel- 
lules où  ils  se  forment ,  ainsi  que  celles  des  faux-bourdons , 
sont  plus  grandes.  Les  abeilles  couvent  comme  les  oiseaux.  Le 
ver  est  situé  transversalement  ^  il  se  relève  ,  prend  de  la  nour- 
riture fournie  par  les  abeilles  ^  et ,  lorsqu'il  est  sur  le  point  de 
passer  à  l'état  de  nymphe ,  il  ferme  l'alvéole ,  file  de  la  soie 
pour  en  tapisser  l'intérieur,  et ,  sous  sa  nouvelle  forme ,  ne 
mange  plus.  Les  pieds  et  les  ailes  se  développent^  et  lorsqu'il 
a  acquis  sa  perfection  ,  il  rompt  la  membrane  qui  le  renfer- 
mait et  sort.  La  petite  abeille  travaille  trois  jours  après  sa 
sortie.  Si  on  ôte  la  tête  à  un  embryon  d'abeille  avant  qu'il  ait 
acquis  des  ailes  ,  les  abeilles  mangent  le  reste  du  corps.  Selon 
Pline ,  les  petits  sont  parfaits  au  bout  de  quarante-cinq  jours , 
ainsi  que  cela  avait  été  vérifié  à  la  campagne  d'un  consul  ro- 
main qui  avait  fait  construire  des  ruches  de  corne  transparente. 
Avec  le  naturaliste  précédent ,  il  admet  deux  sortes  de  rois 
distingués  l'un  et  l'autre  par  la  grandeur,  l'éclat,  des  ailes  plus 
courtes,  des  jambes  droites,  une  démarche  fière  ,  et,  comme 
s'il  avait  voulu  l'assimiler  au  bœuf  Apis  des  Egyptiens,  par  une 
tache  blanchâtre  et  en  forme  de  diadème  sur  le  front.  Ils  ne 
piquent  point  quoique  armés  d'un  aiguillon.  Le  meilleur  est 
noir  et  tacheté.  La  piqûre  des  abeilles  a  fait  périr  de  grands 
animaux,  des  chevaux  meme^  mais  elles  meurent  elles-mé- 


DE    l'histoire    de    L  ENTOMOLOGIE.  8i 

mes,  leur  intestin  sortant  avec  l'aiguillon.  Si  on  le  retire  de  la 
plaie,  l'on  ne  souffre  plus  de  la  blessure. 

«  Qu'on  cherche  maintenant,  dit  Pline,  combien  il  faut 
compter  de  Bacchus  ,  et  tant  d'autres  choses  effacées  par  la 
rouille  des  siècles  !  Voici  un  fait  bien  simple  que  toutes  nos 
campagnes  offrent  sans  cesse  à  l'observation  ,  et  sur  lequel  les 
auteurs  ne  peuvent  s'accorder.  Le  roi  des  abeilles  est-il  seul 
privé  d'aiguillon  ,  sans  autres  armes  que  sa  propre  majesté  ;  ou 
la  nature,  en  lui  donnant  un  aiguillon,  lui  en  a-t-elle  à  lui  seul 
refusé  l'usage  ?  Ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'est  qu'il  ne  s'en  sert 
jamais  :  son  peuple  est  un  modèle  d'obéissance.  Lorsqu'il  sort, 
l'essaim  entier  l'accompagne,  forme  un  groupe  autour  de  lui, 
l'enveloppe,  le  couvre  et  le  cache  à  tous  les  yeux.  Dans  les 
autres  temps  ,  lorsque  le  peuple  est  à  ses  travaux ,  il  parcourt 
les  ouvrages  intérieurs,  comme  pour  animer  ses  gens.  Seul,  il 
est  exempt  de  travail.  Des  satellites,  des  licteurs,  rangés  au- 
tour de  lui,  annoncent  la  présence  du  souverain.  Il  ne  sort  ja- 
mais que  lorsque  l'essaim  doit  changer  de  demeure.  On  en  est 
averti  plusieurs  jours  à  l'avance  -,  un  bourdonnement  qui  se  fait 
entendre  dans  la  ruche  annonce   que  les  abeilles  font  leurs 
apprêts  et  qu'elles  n'attendent  qu'un  jour  favorable.  Si  on  arra- 
che une  aile  au  roi,  l'essaim  ne  se  déplacera  pas.  Lorsqu'elles 
se  sont  mises  en  marche,  chacune  ambitionne  d'être  auprès  du 
roi  -,  leur  gloire  est  d'en  être  vues  remplissant  leur  devoir.  S'il 
commence  à  se  lasser,  elles  le  soutiennent  avec  leurs  épaules  ; 
elles  le  portent  tout-à-fait  s'il  est  fatigué.  Celles  qui  sont  res- 
tées suivent  la  troupe ,  conduites  par  l'odorat.  En  quelque 
lieu  que  le  roi  s'arrête  ,  l'armée  entière  établit  son   camp. 
Alors  j,  suspendues  en  grappes  dans  les  maisons  et  dans  les 
temples  ,  elles  forment  des  présages  privés  et  publics ,  souvent 
accomplis  par  de  grands  événemens.  Elles  se  posèrent  sur  la 
bouche  de  Platon  encore  enfant,  annonçant  la  douceur  de  son 
éloquence.  Elles  se  posèrent  aussi  dans  le  camp  de  Drusus 
lorsqu'il  combattit  avec  le  plus  heureux  succès  auprès  d'Ar- 
balon  ;  ce  qui  met  en  défaut  la  doctrine  des  aruspices,  qui  pen 
sent  qu'un  tel  présage  est  toujours  sinistre.  Le  roi  une  fois 

6 


32  TA.BLEAU 

pris,  on  est  le  maître  de  tout  Tessaim.  A-t-il  disparu,  toute 
la  troupe  se  disperse  et  va  se  joindre  à  d'autres  chefs.  Lors- 
qu'il y  en  a  plusieurs,  elles  les  tuent,  mais  à  regret ,  et  quand 
elles  désespèrent  d'une  année  abondante ,  elles  préfèrent  dé- 
truire les  cellules  où  ils  doivent  naître.  Alors  elles  chassent 
aussi  les  faux-bourdons.  Quant  à  ces  derniers,  je  vois  qu'on 
ne  s'accorde  pas  sur  leur  nature.  Quelques  auteurs  pensent 
qu'ils  forment  une  espèce  particulière  ainsi  que  les  grosses 
mouches  noires  à  large  ventre  qui  se  rencontrent  parmi  les 
abeilles,  et  qu'on  nomme  bourdons- la? rons,  parce  qu'elles 
dérobent  et  mangent  le  miel.  Il  est  constant  que  les  abeilles 
tuent  les  faux-bourdons.  Ceux-ci  n'ont  point  de  roi  ^  mais 
comment  se  fait-il  qu'ils  naissent  sans  aiguillon  ?  c'est  ce  qu'on 
n^explique  pas.  » 

Yoilà ,  Messieurs ,  le  passage  de  Pline  qui  m'a  paru  ,  relati- 
vement à  ces  insectes ,  le  plus  digne  de  sa  plume ,  quoique 
toujours  marqué  au  coin  de  l'exagération,  Aristote  nous  dit 
que  les  faux-bourdons  sont  utiles  dans  une  ruche  lorsqu'ils 
y  sont  en  petit  nombre,  leur  présence  rendant  les  abeilles 
plus  ardentes  au  travail  5  leur  destruction  et  celle  de  leur 
couvain  est  l'effet  de  la  même  prévoyance.  Si  on  ôte  les  ailes 
à  un  de  ces  individus  et  qu'on  le  jette  dans  l'habitation  ,  les 
abeilles  mangent  les  ailes  des  autres  faux-bourdons.  Suivant 
Pline ,  c'est  le  faux-bourdon  lui-même  qui  prive  les  autres  de 
cet  organe  :  son  faux-bourdon-larron  est  l'abeille  voleuse  ou 
le  voleur,  phoj^  ou  phorios  d'Aristote.  Il  fait  des  gâteaux  iné- 
gaux semblables  à  ceux  des  frelons,  mais  avec  peu  ou  point 
de  miel;  il  ne  s'occupe  qu'à  détruire  les  ouvrages  des  autres, 
même  ceux  qu'on  lui  abandonne  5  mais  les  petites  abeilles  lui 
donnent  la  chasse,  et  le  tuent  si  elles  l'attrapent.  De  ces 
abeilles  voleuses  viennent  les  rois  de  la  mauvaise  espèce, 
beaucoup  de  faux-bourdons  ou  des  individus  de  leur  propre 
race,  c'esl-à-dire  des  voleurs.  La  description  qu'en  donne  le 
naturaliste  romain  pourrait  convenir  à  la  xylocope  violette , 
dont  les  métamorphoses  s'opèrent  dans  les  vieux  châssis ,  et 
peut-être  aussi  dans  le  vieux  bois  employé  pour  la  construc- 


DE  l'histoire  de  i/entomologie.  83 

tion  des  ruches.  Le  naturaliste  grec  distingue  deux  sortes 
d'abeilles  ordinaires  :  la  meilleure  est  petite,  ronde  et  versi- 
colore  ^  l'autre  est  allongée  et  semblable  au  frelon,  f^lien  parle 
d'abeilles  fainéantes,  mais  qui  cependant  font  la  garde,  ap- 
portent de  l'eau,  et  ensevelissent  les  morts.  Les  deux  autres 
naturalistes  ont  décrit  les  travaux  des  abeilles  et  leurs  gâteaux; 
ces  gâteaux  sont  formés  de  deux  rangs  de  cellules ,  de  manière 
que  deux  d'entre  elles  étant  réunies,  elles  représentent  une 
double  coupe-,  observation  dont  on  trouve  des  traces  dans 
y  Iliade  d'Homère.  Pline  dit  formellement  que  ces  cellules 
sont  hexagones ,  et  que  les  abeilles  les  forment  avec  leurs 
pieds;  elles  commencent  la  chaîne  par  le  haut  sous  le  cou- 
vercle de  la  ruche,  et  la  continuent  en  descendant  et  en 
faisant  plusieurs  rayons.  Suivant  lui ,  le  miel  vient  de  l'air  ;  il 
se  forme  généralement  au  lever  des  astres,  surtout  sous  la 
constellation  de  Sirius  ,  jamais  avant  le  lever  des  Pléiades,  et 
vers  l'aube  du  jour-,  aussi  les  feuilles  des  arbres  sont-elles,  à 
la  naissance  de  l'aurore ,  humectées  de  cette  liqueur,  et  ceux 
qui  se  trouvent  le  matin  dans  les  champs  sentent  leurs  habits 
et  leurs  cheveux  enduits  d'une  matière  onctueuse.  «  Au  sur- 
plus ,  nous  dit-il ,  que  le  miel  soit  une  rosée  du  ciel ,  une 
transpiration  des  astres ,  une  épuration  de  l'air  ;  plût  aux 
dieux  qu'il  nous  parvînt  pur,  liquide ,  naturel ,  tel  qu'il  a 
coulé  d'abord  !  Aujourd'hui  même,  tombant  d'une  grande 
hauteur,  contractant  mille  souillures  dans  sa  route ,  infecté 
par  les  exhalaisons  terrestres  qu'il  rencontre,  recueilli  ensuite 
sur  les  feuilles  et  sur  les  herbes ,  entré  dans  l'estomac  des 
abeilles ,  car  c'est  de  là  qu'elles  le  retirent  pour  le  dégorger, 
corrompu  par  le  suc  des  fleurs  macéré  dans  les  ruches ,  tel 
qu'il  est  enfin  après  tant  d'altérations,  sa  délicieuse  saveur 
conserve  encore  une  nature  céleste.  »  Il  paraîtrait ,  d'après 
cela  et  ce  qui  va  suivre  ,  que  Pline  ne  distinguait  pas  la 
miellée  du  miel.  Le  calice  des  fleurs  les  plus  exquises  donne 
le  meilleur,  tel  que  celui  du  mont  Hymète  en  Attique ,  du 
mont  Hybla  en  Sicile,  et  de  l'île  de  Calidna.  D'abord  liquide, 
il  fermente  et  s'épure  ;  l'abondance  de  sa  récolte  n'est  pas  la 


84  TABLKAU 

même  partout  :  on  a  eu  en  Germanie  un  rayon  de  huit  pieds. 
Le  miel  du  printemps  est  nommé  anthidium,  ou  miel  des 
fleurs  -,  celui  d'été  est  Varaion  j  et  celui  d'automne ,  récollé 
sur  les  fleurs  de  bruyère  ,  et  dont  on  ne  fait  aucun  cas  ,  est 
Véricée.  Pline  fait  connaître  les  diverses  qualités  et  propriétés 
de  cette  substance.  Le  rouge  est  d'une  qualité  supérieure,  et 
le  plus  pur  est  appelé  aceron ,  sans  cire.  Il  parle  du  temps 
propice  à  sa  récolte,  et  qu'il  fait  souvent  dépendre  d'un  cer- 
tain aspect  du  ciel  ou  de  considérations  astrologiques  ;  elle  est 
i)lus  abondante  dans  la  pleine  lune  -,   il  faut  aussi  que  les 
abeilles  se  tiennent  sur  les  rayons  ,  afin  de  cuire  le  miel.  C'est 
au  solstice  d'été  que  les  ruches  sont  le  plus  approvisionnées^ 
une  sage  économie  doit  cependant  présider  à  leur  dépouil- 
lement. Le  dixième  ou  le  douzième  de  la  récolte  est  abandonné 
aux  abeilles  :  c'est  en  juin  et  juillet,  au  temps  de  la  capri- 
fication  ,  que  les  habitans  de  l'Attique  la  font  ^  elle  n'a  lieu 
ailleurs  qu'à  la  fête  de  Vulcain  ou  dans  le  mois  d'août.  Le 
miel  que  Ton  retire  sans  employer  la  fumée  est  appelé  aca- 
piion ,  sans  fumée.  Si  le  printemps  est  humide ,  les  essaims 
multiplient  davantage  ^  est-il  au  contraire  sec ,  le  miel  est 
plus  abondant.  L'abeille  se  nourrit  de  cette  liqueur,  et  mange 
aussi  du  cerinthe ,  que  Pline  nomme  encore  sandaraque  et 
érithaque.  Dans  la  disette  ,  ces  petits  animaux  attaquent  et 
pillent  les  ruches  voisines.  Le  transport  des  fleurs  occasionne 
aussi  des  rixes  et  des  combats  oii  chaque  armée,  disposée  en 
ordre  de  bataille ,   a  son  chef  ^  un  peu  de  fumée  ou  de  la 
poussière  sépare  les  combattans  :  une  légère  aspersion  de  lait 
ou  d'eau  miellée  réconcilie  les  deux  partis.  Le  produit  d'une 
ruche  est,  d'après  Arislote  ,  de  deux  à  trois  mesures  -,  ce  qui , 
d'après  la  comparaison   de  ces  mesures  avec  le  congé  des 
Romains,  donnerait  une  capacité  susceptible  de  recevoir  cent 
douze  onces  d'eau.  Les  ruches  dureraient  neuf  à  dix  ans  au 
plus,  et  les  abeilles  ne  vivraient  pas  au-delà  de  six  à  sept.  Les 
vieilles  sont  plus  velues,  et  travaillent  dans  l'intérieur^  les 
jeunes  sortent,  et  ne  piquent  point  comme  les  autres.  Ces 
inôecles  ne  nuisent  point  aux  fruits  \  jamais  ils  ne  se  posent 


DE    l'histoire    Dli    L  ENTOMOLOGIE.  85 

sur  un  corps  mort ,  ni  même  sur  des  fleurs  desséchées.  Ils 
travaillent  dans  une  circonférence  dont  le  rayon  est  de 
soixante  pas.  A  mesure  que  les  fleurs  sont  épuisées ,  ils  en- 
voient plus  loin  reconnaître  de  nouveaux  pâturages  -,  si  la  nuit 
surprend  ces  avant-coureurs,  ils  veillent  couchés  sur  le  dos, 
afin  de  garantir  leurs  ailes  de  la  rosée.  Lorsque  le  temps  est 
mauvais,  les  abeilles  ne  sortent  point.  Elles  craignent  les 
mauvaises  odeurs,  celles  qui  sont  factices,  les  parfums  même-, 
elles  sentent  le  miel  de  fort  loin.  Le  bruit  produit  par  l'airain 
leur  est  agréable. 

Chaque  abeille  a  sa  tâche  dans  la  ruche.  Le  soir,  elles  font 
entendre  à  leur  rentrée  un  bourdonnement  qui  diminue  peu 
à  peu.  L'une  d'elles  vole  autour  de  la  ruche ,  comme  pour 
donner  le  signal  du  repos  ^  alors  toutes  se  taisent,  e^se  livrent 
au  sommeil.  L'une  d'eUes  les  éveille  par  deux  ou  trois  bour- 
donnemens.  Les  bonnes  abeiUes  ont  soin  de  nettoyer  leurs 
habitations  des  petits  animaux  qui  s'y  engendrent  ^  elles 
emportent  celles  qui  meurent  ;  elles  font  leurs  ordures  en 
volant ,  et  d'ordinaire  dans  des  cellules  qui  n'ont  point  d'autre 
destination.  Aristote  et  Virgile  ont  dit  que,  dans  les  grands 
vents,  elles  emportaient  une  petite  pierre,  afin  de  se  lester^ 
ils  ont  sans  doute  confondu  avec  elles  d'autres  apiaires , 
l'abeille  maçonne  notamment ,  déjà  citée.  La  cire  est  aussi 
récoltée  sur  les  fleurs ,  quelquefois  encore  sur  les  feuilles 
de  l'olivier  -,  c'est  avec  les  cuisses  que  ces  insectes  l'em- 
portent-, ils  ne  vont,  à  chaque  voyage,  que  sur  une  seule 
espèce  de  fleurs.  A  leur  arrivée  dans  la  ruche ,  trois  à  quatre 
autres  de  ceux  de  l'intérieur  s'empressent  de  les  décharger. 
Les  divers  enduits  recueillis  sur  différentes  fleurs,  sur  plu- 
sieurs arbres  dont  quelques  uns  sont  résineux,  et  employés 
par  les  abeilles  lorsqu'on  leur  donne  une  ruche  vide,  sont  le 
conysis ,  le  mjtis y  le  poix-cire  ou.  pisso-ceros ,  et  le  kerosis. 
Les  naturalistes  modernes  ne  font  point  ces  distinctions,  et  ces 
diverses  sortes  de  mastics  ont  reçu  une  dénomination  com- 
mune ,  celle  de  propoUs,  Pour  qu'il  ne  manquât  rien  à  ce 
tableau,   fruit  en   majeure    partie   de    l'imagination,  Pliu-t?. 


86  TABLEAU 

ajoute  que  lorsque  leurs  travaux  sont  achevés,  ces  insectes  se 
livrent  à  des  jeux  et  à  des  exercices  communs,  ceux  par 
exemple  de  se  lancer  dans  les  airs ,  de  tournoyer  en  volant 
jusqu'à  ce  que  l'heure  du  repas  les  rappelle. 

Ils  se  dégoûtent  quelquefois  de  leur  habitation-,  on  les  y  fixe 
en  soufflant  sur  l'essaim  du  vin  sucré  ;  on  les  rassemble  aussi 
en  faisant  du  bruit.  Il  est  à  propos  de  planter  dans  leur  voisi- 
nage certains  végétaux  qui  leur  plaisent,  comme  des  fèves, 
de  la  luzerne,  du  myrte,  du  pavot,  du  thym,  du  serpolet, 
des  amandiers ,  des  poiriers,  etc. 

Les  abeilles  sont  sujettes  à  diverses  maladies,  et  ont  encore 
plusieurs  ennemis.  Parmi  les  maladies,  nous  avons  déjà  fait 
mention  de  celles  qu'il  nomme  clerus  et  blapsigonia;  une 
autre  conf^  'ste  en  une  sorte  de  durillon  de  cire  d'une  saveur 
amère,  afrpelée  clou,  cla^us ^  et  provenant,  ainsi  que  les 
précédentes ,  de  l'inertie  de  ces  insectes  et  des  suites  qui  en 
résultent  pour  le  couvain.  Si  l'année  est  sèche  et  que  les  fleurs 
soient  gâtées  par  la  rouille ,  elles  peuvent  en  être  incommo- 
dées. Qnoiqu'en  général  elles  soient  très  ménagères,  qu'elles 
chassent  les  prodigues ,  gourmandent  les  paresseux  et  les 
lâches ,  cependant  il  leur  arrive  quelquefois  d'être  victimes 
de  leur  intempérance.  La  mauvaise  qualité  du  miel  peut  éga- 
lement influer  sur  leur  santé  ;  si  on  frotte  leurs  corps  ou 
simplement  sa  partie  extérieure  avec  du  miel  ou  de  l'huile  , 
elles  périssent.  Les  hirondelles  et  d'autres  oiseaux,  les  guêpes, 
les  frelons  ,  en  détruisent  aussi  beaucoup.  Une  grenouille  de 
haie  (rainette)  vient  souffler  aux  portes  de  la  ruche ,  ce  qui 
excite  la  curiosité  de  l'abeille ,  l'attire  au-dehors ,  et  la  fait 
tomber  dans  la  gueule  de  l'animal  qui  lui  a  tendu  ce  piège. 
Parmi  leurs  ennemis  intérieurs ,  Pline  cite  le  pyrauste ,  la 
chenille  tarière  ou  teredo,  et  l'araignée  -,  il  en  a  déjà  été  ques- 
tion lorsque  nous  avons  traité  des  coléoptères.  Le  même  na- 
turaliste rapporte  que ,  suivant  quelques  personnes ,  on  peut 
rendre  à  la  vie  les  abeilles  mortes  en  gardant  leur  corps  dans 
la  maison  ,  en  les  exposant  ensuite  au  soleil  du  printemps  ,  et 
en  les  réchauffant  un  jour  entier  dans  la  cendre  du  figuier. 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  87 

Aristole  parle  d'abeilles  très  blanches  qui  se  trouvent  dans 
le  royaume  de  Pont,  et  donnent  du  miel  deux  fois  par  mois, 
de  celles  de  Themyscis  et  deThermodon  qui  font  leurs  gâteaux 
dans  la  terre,  de  quelques  autres  habitant  les  montagnes  voi- 
sines d'Amise ,  déposant  sur  les  arbres  un  miel  très  blanc ,  sans 
gâteaux  de  cire,  et  de  quelques  autres  enfin  faisant  dans  la  terre 
de  triples  gâteaux  contenant  du  miel,  mais  sans  vers.  De  la  di- 
versité de  la  nature  de  leurs  lieux  d'habitation,  s'en  suivraient 
des  variétés  dans  leur  tempérament  et  leurs  habitudes.  Il  y  en 
aurait  de  plus  ardentes  au  travail  et  de  plus  méchantes.  Selon 
Pline,  depuis  le  solstice  d'hiver  jusqu'au  lever  d'Arctuius,  c'est- 
à-dire  pendant  soixante  jours  ,  elles  dorment  sans  prendre  de 
nourriture  ;  depuis  le  lever  d'Arcturus  jusqu'à  l'équinoxe  de 
printemps,  la  saison  étant  plus  douce,  leur  sommeil  cesse, 
mais  elles  ne  sortent  pas  encore  ,  et  elles  vivent  des  provisions 
qu'elles  ont  réservées  pour  ce  temps.  En  Italie,  elles  commen- 
cent à  manger  au  lever  des  pléiades  ,  et  elles  dorment  jusqu'à 
cette  époque.  Le  coucher  cosmique  de  cette  constellation  est 
l'époque  de  leur  retraite.  Mais  on  a  fait  remarquer  que  cet  au- 
teur ,  ainsi  que  Columelle ,  place  le  lever  du  matin  de  cette 
constellation  quarante-huit  jours  après  l'équinoxe  du  prin- 
temps, et  que  ce  calcul  n'est  vrai  que  pour  le  temps  de  Méton, 
qui  vivait  4o3  ans  avant  Jésus-Christ ,  et  pour  le  climat  de  la 
Grèce,  Les  Romains  avaient  adopté  le  calendrier  des  Grecs, 
sans  examiner  s'il  convenait  à  leur  position  et  à  leur  siècle. 

Tels  sont ,  Messieurs  ,  les  principaux  traits  de  l'histoire  de 
l'abeille  tracée  par  les  anciens.  Vous  y  avez  vu  beaucoup  de 
fables ,  dont  deux  erreurs ,  savoir  que  les  femelles  étaient 
des  rois,  et  que  ces  insectes  étaient  doués  d'une  intelligence 
rivalisant  avec  celle  de  Thomme  ,  sont  les  sources  principales. 
Les  autres  sont  fondées  sur  des  observations  inexactes  ou  sur 
de  faux  rapports.  L'imagination  est  un  véhicule  précieux^ 
mais  lorsque  l'on  s'abandonne  trop  à  elle  ,  le  roman  prend  la 
place  de  l'histoire. 

Pour  terminer  tout  ce  qui  est  relatif  aux  diverses  espèces 
d'abeilles  d'Aristote  ,   il  ne  nous  reste  plus  qu!à  j^uki,  tîû 


/X 


S8  Tableau 

spheXy  de  Vanthine  et  du  tenthredoji,  qu'il  range  parmi  celles 
qui  se  réunissent  en  société,  he  tenthredon,  que  Camus  rend 
dans  notre  langue  par  le  mot  de  grugeur,  ressemble  assez  à 
Y anthrine ',  cependant  par  les  couleurs  et  la  taille  il  se  rappro- 
che de  l'abeille.  Ses  habitudes,  que  nous  avons  exposées  à 
l'occasion  des  distinctions  établies  par  le  naturaliste  grec  dans 
son  genre  jiielitta  ou  abeille ,  étant  les  mêmes  que  celles  de  la 
guêpe  commune,  et  sa  taille  et  ses  couleurs  cependant  lui 
donnant  plus  de  rapports  avec  l'abeille  que  n'en  a  l'anthrine, 
il  y  a  tout  lieu  de  présumer  que  c'est  une  espèce  très  voisine 
de  celte  guêpe ,  mais  où  la  couleur  noire  domine  davantage. 
Camus ,  ainsi  que  nous  l'avons  dit ,  traduit  le  mot  sphex  par 
celui  de  guêpe ,  et  l'anthrine  est  le  frelon.  Selon  Aristote  ,  les 
anthrines  construisent  leurs  ruches,   dont  les  alvéoles  sont 
composées  d'une  matière  tenant  de  l'écorce  et  de  la  toile 
d'araignée,  sous  la  terre,  qu'ils  creusent  comme  les  fourmis; 
et  quelquefois  le  nombre  de  leurs  gâteaux  est  considérable. 
S'ils  manquent  de  chef,  ils  les  font  dans  quelque  lieu  élevé. 
Les  guêpes  placent  le  leur  dans  des  trous  ;  ces  ruches  souter- 
raines et  dont  les  rayons  sont  quelquefois  très  nombreux ,  se- 
raient plutôt  l'ouvrage  de   nos  guêpes   ordinaires  que   des 
frelons,  et  ceux-ci  se  logeant  souvent  dans  des  trous  devien- 
draient les  sphex  d'Arislote.  Quant  aux  anthrines  qui,  privés 
de  chef,  fabriquent  leur  ruche  dans  quelque  lieu  élevé,  ce 
naturaliste  aurait  confondu  avec  la  guêpe  commune  ou  sous 
la  même  dénomination,  soit  les  frelons,  qui  quelquefois  font 
leur  nid  dans  l'intérieur  des  bâtimens,  soit  plutôt  quelque 
autre  espèce  ayant  les  habitudes  du  moyen  frelon  de  De  Géer, 
qui  fixe  le  sien  aux  branches  des  arbres  ,  ou  bien  quelque  es- 
pèce de  poliste.  Il  dit  d'ailleurs  que  les  anthrines  se  nourris- 
sent ordinairement  de  chair,  qu'ils  attrapent  de  grosses  mou- 
ches et  qu'ils  les  emportent  après  leur  avoir  enlevé  la  tête. 
Qui  ne  sait  que  les  bouchers  sont  obligés  de  faire  la  chasse  à 
notre  guêpe  commune,  et  qu'on  la  voit  aussi  souvent   em- 
porter des  mouches  ?  Mais  les  frelons  fréquentent  plus  parti- 
culièrement les  jardins  dont  ils  attaquent  les  fruits  ,  et  les  bois. 


DE  l'histoire  de  l'entomologîe.  89 

Pline  ne  parle  point  des  guêpes  ou  des  frelons  privés  de  chef. 
Ceux-ci,  suivant  lui,  s'établissent  dans  des  cavernes  ou  sous 
terre.  Les  autres  ,  ou  les  guêpes  ,  font  leur  nid  avec  de  la  boue 
et  dans  un  lieu  élevé.  Les  alvéoles  de  ces  deux  espèces  sont 
hexagones.  Leur  cire  ,  la  matière  composant  leurs  gâteaux 
veut-il  dire ,  tient  de  l'écorce  et  de  la  toile  d'araignée ,  expres- 
sions qu'il  emprunte  d'Aristote:  les  petits  éclosent  sans  ordre 
et  sans  règle.  Les  uns  s'envolent  tandis  que  les  autres  sont 
encore  en  état  de  nymphes  ou  de  vers  ,  et  tout  cela  s'opère  en 
automne  et  non  au  printemps.  C'est  dans  la  pleine  lune  qu'ils 
prennent  leur  plus  grand  accroissement  j  parmi  les  frelons  il 
y  en  a  de  forestiers,  vivant  dans  des  creux  d'arbres,  dont  la 
vie  n'excède  pas  deux  ans ,  et  dont  la  piqûre  occasionne  la 
fièvre.  Il  y  a  même  des  personnes  qui  prétendent  que  vingt- 
sept  de  ces  piqûres  suffisent  pour  tuer  un  homme.  Ces  frelons 
forestiers  paraissent  être  notre  frelon  ou  quelque  espèce  de  la 
même  taille.  Cela  est  d'autant  plus  vraisemblable  qu'Aristote 
dit  que  les  sphex  sauvages  sont  plus  grands  et  plus  noirs  que 
les  autres^  Pline  a  donc  converti  les  sphex  en  crahrones.  Il 
parle  d'autres  frelons  qui  semblent  moins  malfaisans,  et  dont 
la  société  se  compose  des  travailleurs  qui  sont  plus  petits  et 
meurent  l'hiver,  qui  paraissent  être  l'anthrine  annuelle  d'A- 
ristote ,  et  de  femelles  ou  les  mères  qui  vivent  deux  ans  et  ne 
font  point  de  mal.  Au  printemps  elles  construisent  des  nids , 
qui  d'ordinaire  ont  quatre  ouvertures.  C'est  là  qu'elles  enfan- 
tent les  travailleurs  ^  ceux-ci  étant  élevés  ,  elles  font  d'autres 
nids  plus  grands  pour  y  produire  les  mères ,  et  elles  sont  aidées 
dans  leurs  travaux  par  les  individus  précédons.  Leur  taille  est 
plus  grande  que  la  leur  \  on  doute  si  elles  ont  un  aiguillon 
parce  qu'elles  ne  le  montrent  jamais.  Les  frelons  ont  aussi 
leurs  faux-bourdons  ^fuci,  mais  ni  eux  ni  les  guêpes  n'ont  de 
chef.  Si  l'on  excepte  les  frelons  forestiers,  tout  ce  que  Pline 
raconte  des  habitudes  des  autres,  nous  semble  indiquer  la 
guêpe  commune.  Quant  aux  insectes  qu'il  désigne  ainsi ,  nous 
croyons  qu'il  s'agit  des  anthrines  sans  chef  d'Aristote.  Celui- 
ci  donne  un  aiguillon  aux  femelles  ,  mais  qu'elles  perdent , 


go  TACLJiAU 

suivant  lui ,  aux  approches  de  l'hiver.  Etant  effeclivemenl 
alors  très  faibles,  elles  doivent  moins  s'en  servir.  Après  avoir 
d'abord  rejeté  pour  la  reproduction  de  ces  insectes  la  voie  or- 
dinaire, il  déclare  dans  un  autre  passage  qu'ils  s'accouplent  et 
donnent  naissance  à  des  petits  ou  plutôt  à  ce  qu'il  appelle  se- 
mence. Le  ver  mange ,  rend  des  excrémens ,  devient  une 
nymphe  immobile  qui  s'enferme.  Point  d'essaims  ni  de  pro- 
visions. La  reproduction  se  fait  au  printemps  -,  Elien  fait  venir 
ces  insectes  de  la  moelle  épinière  du  cheval ,  et  c'est  sans 
doute  d'après  cette  idée  que  les  Egyptiens  représentaient  le 
cadavre  de  ce  quadrupède  pour  désigner  les  frelons  ou  les 
guêpes. 

Les  hyménoptères  du  genre  sphex  de  Linné ,  ou  les  guêpes- 
ichneumons,  sont  tout  simplement  des  ichneumons  pour 
Aristole,  et  des  guêpes  nommées  ichneumons  pour  Pline.  Tel 
est,  à  l'égard  d'Aristote,  le  passage  du  chap.  i",  liv.  IX,  de 
son  Histoire  des  Animaux  y  où  il  parle  du  combat  de  l'ichneu- 
mon  avec  la  phalange,  espèce  d'aranéide;  et  comme  il  ne 
classe  pas  cet  insecte  avec  ceux  qui  font  des  ruches ,  on  ne 
peut  le  rapporter  au  genre  pélopée-,  ce  doit  être  un  sphex 
propre  ou  un  pompile.  Pline  rapporte  le  même  fait.  Il  est  dit 
dans  un  autre  passage  du  naturaliste  grec,  liv.  V,  chap.  xx, 
d'un  autre  ichneumon,  ou  sorte  d'anthrine  plus  petite  que  les 
autres  et  qui  est  peut-être  le  pseudo-spliex  de  Pline,  qu'il 
tue  aussi  de  petites  phalanges ,  les  porte  dans  un  trou  de  mur 
ou  dans  quelque  autre  cavité,  dont  il  ferme  l'entrée  avec 
de  la  boue ,  après  y  avoir  déposé  sa  semence ,  et  qu'il  en  vient 
un  autre  insecte  semblable.  C'est  ce  que  font  aussi  d'autres 
sphex  de  Linné,  notamment  ceux  des  genres  actuels  try- 
poxjlon  et  crahro.  Nous  avons  remarqué  plus  haut  qu'Aris- 
tote  réunissait  aussi ,  avec  ses  ichneumons ,  l'abeille  maçonne 
de  Réaumur. 

La  fourmi  était ,  dans  les  hiéroglyphes  des  Égyptiens ,  le 
symbole  de  l'intelligence  et  de  la  prévoyance.  La  figure  de 
l'origan,  dans  la  croyance  où  l'on  était  que  cette  plante  semée 
près  de  son  habitation  la  mettait  en  fuite ,  indiquait  son  éloi- 


DE    L  HISTOIRE    DE    L  ENTOMOLOGIE.  QI 

gnement.  Tout  le  monde  sait  que  le  sage  des  sages ,  Salomon , 
renvoie  le  paresseux  à  son  école. 

Suivant  Aristote  les  fourmis  ,  myrraiceSy  vivent  en  société, 
mais  sans  chef,  dans  des  demeures  propres  à  leur  conserva- 
tion,  et  où  elles  passent  l'hiver.  Les  unes  sont  ailées,  et  les 
autres  aptères.  Elles  ne  s'accouplent  point,  et  font  cependant 
des  petits  vers  ayant  la  forme  d'un  œuf,  et  qui  ne  sont  atta- 
chés à  rien.  De  ronds  et  de  petits  qu'ils  étaient  d'abord,  ils 
s'allongent,  grandissent,  et  leurs  membres  prennent  ensuite 
leurs  formes.  Ce  sont  des  animaux  très  industrieux,  qui  serrent 
et  amassent  leur  nourriture.  Leurs  dénis  leur  servent  non 
seulement  à  manger,  mais  à  saisir  et  à  emporter  divers  objets. 
Du  soufre  ou  de  l'origan  mis  en  poudre,  et  jeté  dans  leur 
habitation ,  les  font  déserter.  Il  y  en  a  de  diverses  grandeurs. 
Outre  l'espèce  commune,  on  en  distingue  deux  :  l'une,  ap- 
pelée scnips,  qui  sent  le  miel  et  les  substances  dont  elle  se 
nourrit,  de  fort  loin  (formica  emarginata?)'^  et  l'autre,  très 
grosse,  à  tête  de  cheval,  hippomjrmex  {f.  Egjptia,  Lin.), 
et  qu'on  ne  trouve  point  en  Sicile-,  mais  Pline  attribue  cette 
exclusion  aux  individus  ailés.  Transformant  les  fourmis  en 
espèces  de  porte-faix ,  il  raconte  que  lorsque  leur  charge  est 
trop  pesante,  elles  se  retournent,  font  effort  avec  les  épaules 
contre  quelque  point  d'appui ,  et  poussent  leur  fardeau  avec 
leurs  pieds  de  derrière.  Avant  que  de  serrer  les  grains  elles 
les  rongent,  pour  qu'ils  ne  germent  pas;  trop  grands,  elles 
les  divisent  à  la  porte  de  leurs  magasins  •,  s'ils  viennent  à  être 
mouillés  par  la  pluie ,  elles  les  sortent ,  et  les  font  sécher. 
Pendant  la  pleine  lune  elles  travaillent  même  la  nuit ,  et  elles 
se  reposent  lorsqu'elle  est  nouvelle  ou  en  conjonction.  Leur 
mémoire  et  leur  prévoyance  sont  étonnantes.  Les  fourmis , 
laissant  toujours  parler  le  même  historien,  nous  offrent  une 
sorte  d'organisation  républicaine.  Elles  ont  certains  jours  de 
marché.  Pour  se  reconnaître  mutuellement,  quel  concours  et 
quels  nombreux  rassemblemens  !  On  dirait  qu'elles  causent 
avec  celles  qu'elles  rencontrent,  qu'elles  se  demandent  de 
leurs  nouvelles.  Nous  voyons,  ajoute-t-il,  des  cailloux  usés 


92  TABLEAU 

par  le  frottement  de  leurs  pieds.  Le  terrain  qu'elles  traver- 
sent pour  aller  à  l'ouvrage  devient  un  sentier  battu.  Grand 
exemple ,  dit-il  encore ,  de  ce  que  peut  en   toute  chose  la 
continuité  du  plus  petit  effort  de  tous  les  êtres  vivans.  Elles 
seules ,  avec  l'homme ,  donnent  la  sépulture  à  leurs  morts.  Il 
nous  apprend  que  les  cornes  d'une  fourmi  de  l'Inde  furent 
attachées  comme  une  merveille  dans  le  temple  d'Hercule  à 
Erythie  ;  que  chez  les  Indiens  septentrionaux ,  appelés  Dan- 
dares,  certaines  fourmis  tirent  l'or  des  mines,  et  qu'elles  sont 
de  la  couleur  du  chat  et  de  la  grandeur  du  loup  d'Egypte. 
Les  Indiens  leur  dérobent,  pendant  la  chaleur  de  l'été,  le 
métal  qu'elles  ont  extrait  dans  l'hiver,  parce  qu'alors  elles 
sont  retirées  pour  se  garantir  du  chaud.  Averties  toutefois  par 
l'odorat,  elles  sortent,  volent  après  les  ravisseurs  de  leurs  tré- 
sors, et  souvent  les  mettent  en  pièces,  sans  que  la  légèreté 
de  leurs  chameaux  puisse  les  sauver.  Les  Dandares  habitant 
le  nord  de  l'Inde,  près  du  Gange,  pouvaient  extraire  des 
paillettes  d'or  que  quelque  quadrupède  fossoyeur  mettait  à  dé- 
couvert en  creusant  sa  tanière.  Serait-ce  une  espèce  d'ours,  ou 
le  pangolin  à  courte  queue  ?  C'est  ce  que  je  ne  discuterai  point. 
Un  autre  hyménoptère  dont  il  nous  reste  à  parler,  est  celui 
que  les  Grecs  nommaient  psen,  et  dont  on  se  servait  pour  la 
caprification ,  ou  pour  faire  hâter  la  maturité  des  figues.  Cet 
usage  s'est  perpétué.  On  cultive  dans  l'Archipel  deux  sortes 
de  figuiers.  Le  premier  s'appelle  ornos,  du  grec  littéral  erinos, 
qui  signifie  sauvage,  ou  le  caprificus  des  Latins.  Ses  fruits  se 
succèdent  à  diverses  époques,  et  ont  été  distingués  par  les 
dénominations  Aq  f omîtes ,  de  cratirites  et  de  orni.  Les  pre- 
miers ,  fornites ,  paraissent  dans  le  mois  d'août ,  et  durent 
jusqu'en  novembre  sans  mûrir.  Il  s'y  engendre  de  petits  vers, 
d'où  sortent  des  moucherons  ou  le  psen,  qu'on  ne  voit  vol- 
tiger qu'autour  de  ces  arbres.  Dans  les  mois  d'octobre  et  de 
novembre,  ces  insectes  piquent  d'eux-mêmes  les  seconds  fruits 
des  mêmes  pieds  de  figuier,  qu'on  nomme  cralirites ,  et  qui 
ne  se  montrent  qu'à  la  fin  de  septembre.  Les  fornites  tombent 
à  peu  près  à  la  sortie  des  moucherons.  Les  cratirites,  au  con- 


DK  l'histoire  de  l'êintomologie.  93 

traire,  restent  sur  Tarbre  jusqu'au  mois  de  mai,  et  renfer- 
ment les  œufs  que  les  moucherons  des  fornites  y  ont  déposés 
en  les  piquant.  Dans  le  mois  de  mai,  la  troisième  sorte  de 
fruit ,  qui  est  beaucoup  plus  gros ,  et  que  l'on  nomme  oimi, 
commence  à  pousser  sur  le  même  arbre.   Lorsque  son  œit 
commence  à  s'entrouvrir,  il  est  piqué  en  cette  partie  par  les 
moucherons  des  cratiriles  qui  se  trouvent  en  état  de  passer 
d'un  fruit  à  l'autre  pour  y  faire  leur  ponte.  Ces  trois  sortes  de 
fruits  ne  sont  pas  bonnes  à  manger,  mais  elles  sont  destinées  à 
faire  mûrir  les  fruits  des  figuiers  domestiques.  Aux  mois  de 
juin  et  de  juillet,  les  cultivateurs  prennent  les  orni,  dans  le 
temps  que  les  moucherons  sont  prêts  à  sortir,  et  les  portent 
tout  empilés  dans  des  fétus  sur  les  figuiers  domestiques.  Si  Ton 
manque  le  temps  favorable,  les  orni  tombent,  et  les  fruits 
du  figuier  domestique  ne  mûrissent  point,  et  tombent  aussi. 
Aussi  ces  cultivateurs  font-ils  la  revue  tous  les  matins ,  et  ne 
transportent-ils  sur  les  figuiers  domestiques  que  les  fruits  bien 
conditionnés.  Ils  ménagent  si  bien  les  orni ,  que  les  mouche- 
rons font  mûrir  les  fruits  du  figuier  domestique  dans  l'espace 
de  quarante  jours.  Voilà  ce  que  nous  a  appris,  sur  la  capri- 
fication ,  Hasselquist,  dans  son  voyage  au  Levant,  traduction 
française,  t.  I ,  p.  338.  Pline  en  a  parlé  avec  plus  d'étendue 
qu'Aristote^  mais  nous  pensons  que  cette  opération  a  seule- 
ment pour  but  d'avancer  la  maturité  des  fruits  5  car  pourquoi , 
sans  elle,  ne  réussiraient-ils  point,  puisqu'ils  viennent  à  bien 
dans  des  contrées  septentrionales,  011  cette  pratique  est  in- 
connue ?  Le  psen  est  probablement  une  espèce  de  cinips,  mais 
sur  laquelle  nous  n'avons  encore  aucune  donnée  certaine. 

Si  l'on  en  excepte  ce  qui  est  relatif  aux  bombyx,  tout  ce 
qu'Aristote  et  Pline  nous  apprennent  des  lépidoptères  est  très 
succinct  et  presque  insignifiant.  Les  seules  dénominations- 
propres  par  lesquelles  le  premier  distingue  ces  insectes  en  état 
parfait,  sont  celles  de  psjche  et  àliepiolos,  de  penia  et  d'/zr- 
pera.  Le  psyché ,  dont  il  paraît  faire  un  genre ,  a  de  petites 
cornes  devant  les  yeux-,  ces  insectes  proviennent ,  en  général, 
de  chenilles ,  campe  y  et  attendu  qu'il  fait  mention  de  celles 


g4  TABLEAU 

du  chou ,  il  serait  possible  qu'il  eût  désigné  par  ce  nom  de 
psyché  quelque  papillon  brassicaire  ou  quelque  espèce  de 
piéride.  A  l'occasion  de  l'un  des  insectes  qui  incommodent  les 
abeilles,  il  le  compare  à  Vhepiolos,  qui  vole  autour  de  la 
lumière  des  lampes;  il  dit  d'un  autre  insecte  pareillement 
nuisible  aux  abeilles ,  qu'il  est  semblable  au  précédent.  Quant 
aux  chenilles ,  il  distingue  celles  qui  marchent  par  ondula- 
tions ,  en  avançant  d'abord  une  partie  de  leur  corps  et  cour- 
bant ensuite  l'autre  pour  la  ramener  en  avant.  On  y  recon- 
naîtra sans  peine  les  chenilles  arpenteuses  ou  géomètres  -,  il 
en  vient  les  penies  et  les  hypères.  Dès-lors,  ces  deux  déno- 
minations s'appliquent  à  des  phalènes  proprement  dites  ^  celle 
à'hepiolos  peut  convenir  à  tout  lépidoptère  nocturne.  Une 
autre  chenille,  le  teredoji ,  attaque  les  gâteaux  des  abeilles, 
et  y  fait  une  toile  dont  les  fils  ressemblent  à  ceux  des  arai- 
gnées -,  c'est ,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  la  fausse  teigne  de  la 
cire  ,  ou  la  chenille  de  la  galleria  cereana.  Nicandre  ,  d'après 
la  citation  qu'en  fait  Wotton ,  nomme  phalœnes  les  lépidop- 
tères qui  viennent  voler  à  la  lumière  5  leurs  ailes  sont  sau- 
poudrées d'une  espèce  de  poussière  comme  de  la  cendre , 
caractère  que  je  ne  trouve  point  exprimé  dans  les  écrits 
antérieurs.  On  les  appela  aussi  kandelobeses  et  psora ^  gale, 
à  raison  de  cette  poussière  farineuse  ;  peut-être  aussi  que  cette 
dernière  dénomination  ne  s'applique  qu'aux  teignes.  Nous 
avons  aussi  fait  mention  du  cleros  ou  pjrauste.  Aristote  a 
connu  les  teignes,  seds ,  de  nos  appartemens,  celles  qui 
rongent  la  laine  et  se  fabriquent  avec  elle  un  fourreau;  la 
chenille  serait  une  espèce  de  ver,  et  qui  serait  produit  par 
la  laine  même  :  telle  est  aussi  l'opinion  de  Pline.  Tineœ  duram 
genus,  dit  Virgile  en  parlant  de  ces  animaux.  Hippocrate 
paraît  avoir  eu  connaissance  de  la  chenille  du  sphinx  de  l'eu- 
phorbe ou  de  celui  du  cjparissias,  car  il  fait  mention  d'une 
chenille  vivant  sur  le  tithymale,  et  ayant  une  corne. 

Les  passages  d'Arislote,  de  Pline  et  des  autres  auteurs 
anciens,  concernant  les  bombyx,  ont  été  pour  nous  le  sujet 
de  recherches  particulières  et  l'objet  d'un  Mémoire  que  nous 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  95 

avons  communiqué  à  l'Académie  des  Sciences ,  et  que  nous 
intercalerons  ici.  Nous  y  avons  essayé  d'éclaircir  l'une  des 
difficultés  les  plus  inextricables  de  l'histoire  primitive  de 
l'Entomologie  ;  mais  sans  embrasser  une  question  secondaire, 
celle  qui  a  rapport  aux  divers  emplois  de  la  soie  et  leurs  déno- 
minations. 

Malgré  toutes  les  peines  que  se  sont  données  des  commen- 
tateurs des  plus  instruits  et  d'habiles  critiques  pour  éclaircir 
les  passages  d'Aristote  et  de  Pline  où  ces  auteurs  parlent  des 
bombyx ,  cette  question  est  restée  enveloppée  d'épaisses  té- 
nèbres. On  n'a  enfanté  que  de  simples  conjectures,  et  souvent 
très  hasardées^  j'ai  pensé  que,  pour  y  répandre  quelque 
lumière,  il  fallait  moins  la  connaissance  des  langues  mortes 
que  celle  de  l'histoire  naturelle  des  insectes,  et  que,  sous  ce 
rapport,  je  pourrais  être  plus  heureux^  j'avais  d'ailleurs  à 
ma  disposition  des  moyens  qui  leur  ont  manqué ,  et  que  j'in- 
diquerai plus  loin  (1).  Entrons  en  matière. 

Après  avoir  rapporté  ce  que  dit  Aristote  des  bombyx  d'As- 
syrie et  de  ceux  qui  ourdissent  une  toile  à  la  manière  des 
araignées  ,  et  que  Pamphyla ,  fille  de  Latoùs ,  parvint  la 
première  à  dévider  et  à  convertir  en  tissus,  Pline  nous  parle 
des  bombyx  de  l'île  de  Co ,  que  ses  traducteurs  et  ses  com- 
mentateurs ont  prise  pour  l'île  de  Cos,  l'une  de  celles  de 
l'archipel  de  la  Méditerranée,  et  où  Hippocrate  vit  le  jour. 
Voici  comment  il  s'exprime,  en  adoptant  à  cet  égard  la  tra- 
duction du  passage  donnée  par  Guéroult.  (  Hist,  Jiat.  des 
Animaux  de  Pline,  t.  III ,  p.  Ç>5). 

«  On  dit  que  l'île  de  Cos  produit  aussi  des  bombyx.  S'il 


(1)   Ou  a  tant  écrit  sur  ce  sujet,  qu'il  m'a  été  impossible  de  me  procurer,  ou 
même  de  conuaître  tous  les  ouvrages  qui  ont  été  publiés  à  cet  égard.  Il  m'est  cepen- 
dant permis  de  douter  qu'aucun  auteur  ait  eu  autant  de  ressources  que  moi ,  et  qu'il 
ait  pu  combiner  cet  ensemble  de  recherches  d'histoire  niturelle  et  de  géographie  que 
nécessitait  une  semblable  discussion.  La  liste  nombreuse  des  auteurs  que  l'on  mMfffâit   A  y^^^v, 
citer,  m'offre  les  noms  d'hommes  justement  célèbres ,  et  dont  je  respecte  les/iuipi^b&i —         /  ^ 
mais  je  n'en  vois  aucun  qui  ait  fait  une  étude  spéciale  de  l'entomologie/ &t^e  jjjn«&        O^ 
que,  sans  ce  secours,  on  ne  pouvait  résoudre  ces  difficultés. 


'^1/      # 


g6  TAlîLKAÙ 

faut  croire  ce  qu'on  rapporte ,  la  chaleur  de  la  terre  anime 
et  vivifie  les  fleurs  que  les  pluies  ont  fait  tomber  du  cyprès  , 
du  térébinthe ,  du  frêne  et  du  chêne.  Il  se  forme  d'abord  de 
petits  papillons  tout  nus  ^  bientôt  ils  se  couvrent  de  poils  qui 
les  défendent  du  froid.  Ils  se  composent  eux-mêmes  des 
tuniques  épaisses  pour  l'hiver  5  ils  arrachent  le  duvet  des 
feuilles,  qu'ils  grattent  avec  leurs  pieds-,  puis,  rassemblant 
ce  duvet  en  un  tas ,  ils  le  cardent  avec  leurs  ongles ,  le 
traînent  sur  les  branches,  en  forment  une  espèce  de  filasse; 
après  quoi  ils  saisissent  les  brins,  les  roulent  autour  d'eux, 
et  s'enveloppent  tout  entiers.  C'est  dans  cet  état  que  les  lia- 
bitans  les  emportent  -,  on  les  dépose  dans  des  vases  de  terre,  où 
ils  sont  entretenus  par  une  chaleur  douce  et  où  on  les  nourrit 
avec  du  son.  Il  leur  pousse  des  ailes  d'une  espèce  particulière  ; 
alors  on  leur  rend  la  liberté  pour  qu'ils  aillent  commencer 
d'autres  travaux.  Leurs  coques,  jetés  dans  l'eau,  s'amol- 
lissent; puis  on  les  file  avec  un  fuseau  de  jonc.  Les  hommes 
n'ont  pas  eu  honte  d'usurper  ces  étoffes ,  parce  qu'elles  sont 
légères  pour  l'été.  Il  n'est  pas  dans  nos  mœurs  d'endosser  la 
cuirasse-,  nos  vêtemens  eux-mêmes  sont  une  charge  incom- 
mode. Toutefois,  nous  laissons  encore  aux  femmeSj.la  bombyce 
assyrienne.  » 

Dans  un  passage  antérieur,  où  le  naturaliste  romain  parle , 
d'après  Arislote,  de  l'espèce  de  bombyx  dont  Pampliyla  a 
appris  à  utiliser  le  travail ,  il  est  dit  qu'elle  fit  cette  décou- 
verte à  Ceo,  dénomination  d'une  des  îles  composant  l'archi- 
pel des  Sporades.  Dans  le  texte  analogue  du  naturaliste  grec, 
on  lit  cependant,  et,  à  ce  qu'il  paraît,  sans  variantes,  l'île 
Cos.  Suivant  une  version  donnée  par  Isidore  de  Séville ,  à 
l'occasion  des  noms  des  vêtemens  (Orig.,  lib.  XIX,  c.  xxii), 
celui  de  bombycine  vient,  dit-il,  du  bombyx,  vermisseau  qui 
produit ,  de  sa  substance ,  des  fils  très  longs ,  dont  le  tissu  est 
appelé  hombjcinum y  et  qui  se  fait  dans  l'île  Choo.  D'après 
tous  ces  passages,  il  était  bien  naturel  de  penser  que  ces 
bombyx ,  dont  Pline  nous  a  donné  une  histoire  particulière , 
et  que,  suivant  les  rapports,  il  dit  être  originaires  de  l'île  Co, 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  97 

étaient  réellement  propres  à  l'Europe.  Mais  si  nous  compa- 
rons ces  renseignemens  avec  ceux  que  nous  fournit  un  auteur 
postérieur,  Pausanias ,  nous  aurons  lieu  de  soupçonner  qu'on 
a  pu  se  méprendre  sur  la  patrie  de  ces  animaux,  et  qu'en 
nous  transportant  bien  loin  de  là ,  et  dans  ces  contrées  où , 
depuis  un  temps  immémorial ,  on  cultive  le  ver  à  soie ,  nous 
arriverons  peut-être  à  la  solution  de  la  difficulté.  Voyons 
donc  ce  qu'il  nous  apprend ,  et  recourons  à  la  traduction  qu'a 
publiée  Clavier  de  l'ouvrage  où  nous  puisons  ces  documens, 
sa  description  de  la  Grèce ,  et  celle  de  l'Élide  en  particulier 
(tome  III,  page  426).  Nous  remarquerons  seulement  que  le 
texte  grec  porte  :  ((  un  petit  animal  »  ,  au  lieu  du  mot  insecte, 
et  que ,  dans  les  traductions  latines ,  cette  expression  est 
remplacée  par  celle  de  ver,  permis, 

«  L'Elide  est  un  pays  fertile  en  productions  de  tous  les 
genres,  et  entre  autres  en  byssus  (coton  herbacé).  On  y  sème 
du  chanvre ,  du  lin  ou  du  byssus ,  suivant  la  qualité  du  ter- 
rain. Les  fils  que  les  Seres  emploient  à  faire  des  vétemens  ne 
sont  point  tirés  d'une  écorce  \  voici  comment  ils  sont  pro- 
duits :  Ils  ont  dans  leur  pays  une  espèce  d'insecte ,  que  les 
Grecs  nomment  ser  (i) ,  mais  à  qui  les  Seres  donnent  un  autre 
nom.  Cet  insecte  est  deux  fois  plus  fort  que  le  plus  gros  des 
scarabées-,  il  ressemble,  pour  tout  le  reste,  aux  araignées  qui 
font  leurs  toiles,  et  il  a  huit  pieds  comme  elles  (2).  Les  Seres 
nourrissent  ces  insectes  dans  des  maisons  construites  exprès 
pour  eux,  où  ils  sont  à  l'abri  du  froid  et  de  la  chaleur-,  leur 
ouvrage  consiste  en  des  filets  très  déliés,  qui  s'entortillent 
autour  de  leurs  pieds.  On  Tes  nourrit  durant  quatre  ans  avec 
des  panics,  et  la  cinquième  année  (car  on  sait  qu'ils  ne  vi- 
vraient pas  plus  long-temps)  on  leur  donne  du  roseau  vert. 
Cette  nourriture  est  la  plus  agréable  à  ces  animaux  j  ils  se  jet- 


(1)  Thsan,  en  cliinois  ,  signifie  chenille.  Il  n'y  a  point  de  z  en  cette  langue.  Youan 
thsan,  Ter  à  soie;  kian ,  cocon, 

(2)  On  a  pu  prendre  les  antennes  que  les  bombyx  portent  en  avant,  pour  des  pieds, 
et  dès-lors  ces  insectes  seraient  ceusés  en  avoir  huitj  car ,  lorsqu'ils  sont  en  repos, 
les  pieds  eux-mêmes  sont  avancés. 


C)8  TA.BLEAU 

tent  dessus  avec  avidité ,  et  s'en  remplissent  tellement  qvkih 
crèvent.  On  trouve  encore  beaucoup  de  ce  fil  dans  leur  corps. 
On  sait  que  la  Série  est  une  île ,  dans  le  fond  de  la  mer  Ery- 
thrée-,  d'autres  disent  que  ce  n'est  pas  la  mer  Erythrée,  mais 
un  fleuve,  qui  l'embrasse,  comme  le  Nil  embrasse  le  Delta, 
et  qu'elle  n'est  pas  entourée  par  une  seule  mer^  ils  ajoutent 
qu'il  y  a  une  autre  île  Série.  Les  Seres ,  et  ceux  qui  habitent 
Lhassa  et  Sacœa,  îles  voisines,  sont  Ethiopiens  d'origine*, 
cependant  ils  ne  se  disent  pas  Ethiopiens ,  et  se  prétendent 
un  mélange  de  Scythes  et  d'Indiens.  » 

Avant  d'aller  plus  loin,  je  crois  devoir  présenter  les  ob- 
servations suivantes,  et  qui  sont  relatives  à  la  situation  des 
Seres  \  car,  pour  éclairer  davantage  mon  sujet,  je  me  suis  vu 
forcé  d'appeler  à  mon  secours  la  géographie  et  l'histoire  : 

i**.  Ctésias  (i)  nous  paraît  être  le  premier  qui  ait  fait  men- 
tion des  Seres ,  nom  qui  dérive  du  mot  persan  zer  ou  ser,  qui 
veut  dire  oi\  et  qui  est  commun  à  la  langue  thibétaine.  Le 
même  métal  est  appelé,  en  chinois,  kin^  et  de  là,  ou  du  mot 
tsiriy  l'origine  de  celui  de  sinae.  Ce  même  nom  de  kin  ou  d'or 
distinguait  la  tribu  des  Tatars  Mantchoux,  et  les  Thibétains 
désignent  encore  l'empereur  de  la  Chine  sous  la  dénomina- 
tion de  ser  kji,  roi  de  l'or.  Les  auteurs  anciens,  à  commencer 
par  Hérodote,  ont  été  dans  l'opinion  qu'il  existait,  aux  extré- 
mités orientales  de  l'Asie ,  un  pays  très  riche  et  fortuné ,  une 
espèce  d'Ophir,  ou,  comme  nous  dirions,  un  Pérou,  et  que 
plusieurs  ont  nommé  Sjria  ou  Séria. 

2**.  La  culture  du  ver  à  soie  (2)  ordinaire  n'a  été  introduite 
qu'assez  tard  dans  les  provinces  méridionales  de  la  Chine ,  les 
peuples  de  ces  contrées  étant  restés  long-temps  dans  un  état 
demi-sauvage.  Cette  branche  d'industrie  n'y  a  été  florissante 
que  plusieurs  siècles  après  l'ère  chrétienne  :  voilà  ce  qu'at- 
testent les  historiens  chinois.  Mais  ces  peuples,  au  défaut  du 


(i)  Ceci  est  extrait  de  ma  Notice  sur  les  Seres,  imprimée  dans  le  recueil  de  plu- 
sieurs de  mes  Mémoires. 

(2)  l'oyez,  sur  l'origine  du  mot  soie ^  le  Journal  asiatique,  tome  II,  page  2^3, 
no'c  de  M.  Klaproth,  et  l'addition  qu'y  a  faite  M.  Abel  Rémusat. 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  99 

ver  à  soie  domestique ,  liraient  partie  de  l'industrie  de  vers  à 
soie  sauvages-,  et,  de  leur  coté,  les  empereurs  de  la  Chine 
ne  s'avisèrent  que  tardivement  d'encourager  ce  nouveau  genre 
d'industrie.  Les  habilans  de  diverses  contrées  limitrophes,  au 
sud  de  ce  grand  empire,  jouissaient  et  jouissent  encore  au- 
jourd'hui des  mêmes  avantages,  ayant  aussi  d'autres  vers  à 
soie  indigènes  non  moins  utiles.  Il  s'ensuit  que  les  Européens 
ayant  eu ,  par  le  commerce  maritime,  des  relations  assez  fré- 
quentes avec  ces  derniers  peuples ,  ont  pu  acquérir  d'eux 
quelques  notions  sur  ces  insectes  -,  mais  ils  n'avaient  pas  les 
mêmes  movens  à  l'égard  du  ver  à  soie  ordinaire,  ou  du  homhyx 
mori.  Il  fallait  aller  par  terre,  en  s'exposant  à  une  foule  de 
dangers  ,  jusqu'aux  frontières  du  nord-ouest  de  la  Chine  \  ces 
voyages  devaient  être  fort  longs  et  très  dispendieux.  Les  fai- 
bles documens  que  l'on  put  se  procurer  sur  le  ver  à  soie, 
transmis  d'ailleurs  par  des  négocians  peu  instruits,  et  que  l'on 
pouvait  tromper,  durent  naturellement  être  combinés  avec 
ceux  que  l'on  avait  acquis  sur  les  autres  vers  à  soie ,  ou  ceux 
qui  étaient  indigènes  des  contrées  méridionales  de  l'Inde  et 
pays  circonvoisins.  Les  étoffes  que  l'on  fabriquait  avec  la  soie 
des  derniers,  quoique  d'un  emploi  différent,  furent  confon- 
dues avec  les  autres  par  les  auteurs  qui  nous  en  ont  parlé , 
ou  du  moins  les  modernes  n'ont  pas  donné  assez  d'attention 
aux  distinctions  nominales  qu'ils  en  ont  faites. 

3°.  Le  passage  précité  de  Pausanias  se  rattachant  à  un  point 
de  géographie  ancienne,  j'ai  été  forcé  de  me  livrer  à  quelques 
recherches  sur  les  pays  occupés  par  les  Seres,  et  sur  les  limites 
des  connaissances  géographiques  des  anciens  à  l'orient.  Quoi- 
que le  célèbre  géographe  que  la  mort  vient  de  nous  ravir, 
M.  Gossellin ,  se  fût  beaucoup  occupé  de  cette  dernière  ques- 
tion et  y  eût  jeté  le  plus  grand  jour  (i),  j'ai  cru ,  comme  dans 
toutes  mes  études,  devoir  ne  m'en  rapporter  aveuglément  à 
aucune  autorité,  parce  que  je  pouvais  encore  découvrir  quel- 
ques faits  inaperçus.  Mais  ne  voulant  point  vous  fatiguer  par 


(i)  M,  Walckenaer,  par  la  publication  de  son  Orbis  ojetus,  achèvera  d'éclaircir  ces 
difficultés. 


lOO  TABLEAU 

des  discussions  qui  vous  sont  étrangères,  je  n'en  exposerai 
que  les  résultats^  ils  viennent  d'ailleurs  à  l'appui  de  mon  sujet* 
Ce  promontoire  que  Pline  nomme  Tabin,  et  qui ,  dans  sa 
description  de  l'Asie ,  est ,  du  côté  de  l'orient ,  son  nec  plus 
ultra,  est  le  cap  M  art  ah  an ,  composé  de  deux  mots  :  mar, 
grand,  et  Taban,  presque  identique  avec  celui  de  Tabin. 
M.  Gossellin  avait  très  bien  reconnu  dans  le  sinus  magjius  de 
Ptolémée,  le  golfe  de  Martaban,  et  l'adjectif  magnus  semble 
être  une  application  de  celui  donné  au  cap  méme^  mais  une 
observation  qui  m'est,  je  pense,  particulière,  c'est  que  le  lieu 
nommé  Bramma  par  le  géographe  grec,  et  qui  avait  proba- 
blement reçu  cette  dénomination  à  raison  du  culte  plus  spé- 
cial qu'on  y  rendait  à  cette  divinité ,  correspond ,  sur  la  carte 
de  l'Inde  du  major  Rennell,  à  la  situation  de  Quekmi  Pa- 
goda,  près  de  la  côte  occidentale  de  la  presqu'île  de  Malacca. 
J'ajouterai  que  la  ville  d'Ava  me  paraît  être  XUrathinne  du 
géographe  grec ,  la  Sera  major  de  Peutinger,  la  Juvia  de 
Cosmas  Indicopleustes ,  et  la  Sinia  Siniarum  du  traducteur 
de  la  géographie  abrégée  d'Edrisi.  Me  fussé-je  égaré  dans  ces 
recherches,  j'aurais  du  moins  l'avantage  d'avoir  découvert 
un  fait  d'histoire  naturelle  de  quelque  intérêt,  c'est  que  le 
kakatoès  des  Moluques,  ou  celui  à  huppe  blanche,  était  déjà 
connu  du  temps  de  Ptolémée  5  car,  en  parlant  d'une  cité  qua- 
lifiée de  royale,  nommée  Trigljphon,  et  dont  la  situation 
nous  reporterait  au  nord  du  royaume  d'Aracan ,  il  dit  que , 
suivant  les  rapports,  on  y  trouve  des  coqs  gallinacés  barbus, 
ainsi  que  des  corbeaux  et  des  perroquets  blancs.  Je  ne  crois 
pas  que,  vu  les  localités,  on  puisse  appliquer  à  d'autres  perro- 
quets que  le  kakatoès  indiqué  ci-dessus,  l'épithète  de  blanc,  (i) 
Ces  prémisses  établies ,  on  reconnaîtra  facilement  cet  ar- 
chipel ou  ce  delta ,  ainsi  que  l'île  nommée  Série  dont  parle 
Pausanias ,  dans  cette  partie  méridionale  de  l'empire  des  Bir- 
mans que  la  rivière  d'Ava  ou  l'Irraouadi ,  et  plus  à  l'orient , 
celle  du  Pegu ,  le  Serus  de  Ptolémée  ,  divisent  en  une  infinité 
d'îlots,  en  se  partageant  vers  leurs  embouchures  en  un  grand 

(i)  Je  vieas  d'apprendre  que  M.  le  barouWalckenaer  avait  fait  la  même  remarqua. 


\ 


) 


DE    l'histoire    de    l'i£NTOMOLOGIE.  IOI 

nombre  de  branches.  C'est  la  Chersonnèse  d'or  du  même  géo- 
graphe, et  l'île  Chryse  de  quelques  autres.  La  petite  île  où  est 
située  la  ville  de  Sirian  nous  rappelle  très  bien  l'île  Série  de 
Pausanias,  et  son  fleuve  Ser  se  retrouve  dans  celui  que  Ptolé- 
mée  appelle  Serus^  et  qui,  selon  M.  Gossellin,  est  identique 
avec  la  rivière  de  Pegu  ou  le  Sitang.  La  description  que  nous 
donne  ce  géographe  du  peuple  qu'il  nomme  Basades ,  celle 
que  fait  Arrien  des  Sesates,  dont  l'habitation  était  au  nord  de 
ces  contrées ,  nous  annoncent  qu'ils  étaient  en  effet  un 
mélange  de  Scythes  et  d'Indiens.  Le  fleuve  Chrjsoana  du 
premier,  dont  l'étymologie  est  toujours  analogue  à  celle  de 
l'épithète  donnée  au  pays,  est  cette  branche  de  la  rivière 
d'Ava  qui,  sur  la  carte  du  major  Rennell,  porte  le  nom  de 
Kéogong.  La  dénomination  de  Negrais  affectée  à  une  île 
et  à  un  cap  situés  dans  le  voisinage  de  son  embouchure  n'est 
peut-être  qu'une  modification  de  celle  d'Éthiopiens.  Me  fon- 
dant sur  ces  corrélations  géographiques,  je  ne  saurais  voir 
avec  les  auteurs  de  quelques  cartes  classiques  récentes,  la 
Chersonnèse  d'or  des  anciens  dans  la  presqu'île  de  Malacca. 
Il  est  d'ailleurs  reconnu  qu'elle  est  peu  fournie  de  ce  métal , 
et  que  sous  ce  rapport,  ainsi  que  sous  ceux  des  autres  objets  de 
commerce,  les  royaumes  d'Ava  et  de  Pegu  sont  plus  favorisés. 
Examinons  maintenant  si  ces  bombyx  de  l'île  Co,  men- 
tionnés par  Pline ,  et  dont  l'un  pourrait  bien  être  le  même 
que  celui  de  Ceo  dont  il  a  parlé  d'après  Aristote ,  en  substi- 
tuant toutefois  cette  dernière  dénomination  à  celle  de  Cos  em- 
ployée par  celui-ci,  ne  seraient  pas  des  vers  à  soie  propres 
aux  contrées  méridionales  de  la  Chine ,  et  à  celles  des  Indes 
situées  à  l'est  du  Gange.  C'est  ce  que  n'ont  pas  fait  les  com- 
mentateurs de  ces  deux  célèbres  naturalistes ,  et  de  là  l'impos- 
sibilité pour  eux  de  donner  une  explication  plausible  de  ces 
passages.  A  Dieu  ne  plaise  que  je  veuille  me  permettre  ici  la 
plus  légère  censure.  Eussent-ils  été  versés  dans  la  connais- 
sance des  insectes,  ils  n'avaient  pas,  ainsi  que  j'en  ai  pré- 
venu, les  secours  dont  j'ai  été  pourvu  ,  comme  le  Mémoire  de 
"William  Ro.xburgh  sur  les  vers  à  soie  du  Bengale  nommés 


I02  TABLEAU 

tuffeh  et  arrindj,  inséré  dans  le  VIl^  volume  des  Actes  de  la 
Société  Linnéenne  de  Londres,  et  la  connaissance  surtout  d'un 
manuscrit  chinois  très  précieux,  accompagné  de  figures,  qui 
m'a  été  confié  par  mon  confrère  à  l'Académie,  M.  Huzard.  Ce 
manuscrit  du  père  Cibot,  enrichi  d'explications  données  par 
le  P.  d'Incarville  ,  a  servi  de  base  à  un  Mémoire  sur  les  vers 
à  soie  sauvages  de  la  Chine  que  l'on  trouve  dans  le  second 
volume  du  recueil  des  Mémoires  des  missionnaires  de  Pékin. 

Déjà  Tavernier,  dans  la  relation  de  ses  voyages,  avait  parlé 
du  cocon  de  l'un  de  ces  vers  à  soie  qui  l'avait  frappé  par  sa 
grosseur.  Déjà  encore  le  P.  Du  Halde  avait  fait  mention 
dans  sa  description  de  la  Chine  de  deux  espèces  de  vers  à  soie 
sauvages  de  Quang-Fong ,  province  de  cet  empire.  L'un,  le 
tsoueu-kien ,  et  avec  la  soie  duquel  on  fabrique  l'étoffe  ap- 
pelée hien-tcliou^  est  évidemment  celui  du  fagara  du  manu- 
scrit chinois  et  du  Mémoire  précité  des  missionnaires  5  l'autre, 
le  tiao-kien,  et  qui  fournit  une  soie  d'une  qualité  inférieure, 
est  le  ver  à  soie  sauvage  du  chêne  des  précédçns.  Selon  Du 
Halde,  le  premier  ne  tire  pas  la  soie  en  rond  ni  en  ovale 
comme  le  ver  à  soie  domestique ,  mais  en  fils  très  longs  et  qui 
s'attachent  aux  arbrisseaux  et  aux  buissons ,  suivant  que  les 
vents  les  poussent  d'un  côté  ou  d'un  autre.  On  les  amasse  ,  et 
l'on  en  ourdit  une  sorte  de  droguet.  Voulant  me  restreindre 
dans  ce  mémoire  à  l'explication  des  passages  de  Pline  et 
d'Aristote,  je  ne  parlerai  point  de  la  qualité  ni  des  usages  de 
cette  étoffe  \  mais  j'ai  dû  exposer  ce  que  Du  Halde  raconte  de 
la  manière  dont  ce  ver  à  soie  dispose  son  cocon  ,  pour  faciliter 
l'intelligence  de  quelques  auteurs  anciens  où  cette  substance  est 
comparée  à  une  sorte  de  laine  suspendue  aux  arbres  et  où  il  ne 
s'agit  nullement ,  comme  on  l'avait  cru  ,  de  notre  ver  à  soie , 
qu'on  ne  connut  bien  en  Europe  que  depuis  qu'il  y  fut  introduit, 
ce  qui  eut  lieu,  comme  on  le  sait,  sous  l'empereur  Juslinien. 

Le  cyprès,  le  térébinthe,  le  frêne  et  le  chêne ,  tels  sont  les 
arbres  mentionnés  par  Pline  dans  le  passage  qui  a  pour  objet 
le  bombyx  de  l'île  Co.  Or,  des  deux  espèces  de  vers  à  soie  sau- 
vages qui  sont  le  sujet  du  manuscrit  chinois  et  du  Mémoire 


DE    L  HISTOIRE    DE    L  ENTOMOLOGIE.  lo3 

des  missionnaires,  Tun  donnant  un  bombyx  du  sous-genre 
satujnia,  et  que  je  nommerai  spécifiquement /:7<2/7ip^) /a ,  vit 
sur  le  fagara  ou  poivrier  de  la  Chine  et  sur  un  arbre  appelé 
en  langue  du  pays  tcheou  tchun ,  que  l'auteur  du  Mémoire 
considère  comme  un  frêne  qui  lui  avait  paru  d'abord  ne  pas 
différer  du  nôtre ,  mais  qu'il  en  a  plus  tard  distingué.  Le 
fagara  a  été  rapporté  par  plusieurs  botanistes  à  la  famille  des 
térébinthacées -,  c'est  donc,  en  nous  exprimant  d'une  manière 
générale,  une  sorte  de  térébintbe.  L'autre  espèce  de  ver  à  soie 
sauvage,  celui  qui  produit  notre  saturnia  vestiaria ,  vit  sur 
un  chêne  dont  les  feuilles  ont  des  rapports  avec  celles  du 
châtaignier.  Voilà  donc  trois  des  arbres  cités  par  Pline,  le 
thérébinthe,  le  frêne  et  le  chêne,  mentionnés  aussi  dans  ces 
mémoires,  et  même  dans  un  ordre  semblable  ,  comme  nour- 
rissant des  vers  à  soie  ou  bombyx.  Reste  à  découvrir  le  pre- 
mier des  arbres  delà  liste  du  naturaliste  romain,  le  cyprès.  Au 
témoignage  d'Isidore  de  Se  ville  (0/%m.,  lib.  XVII,  cap.  vu), 
les  Grecs  appelaient  cet  arbre  conon  ,  à  raison  de  la  forme  de 
son  fruit.  A  une  époque  où  la  botanique  n'existait  pas  encore 
comme  science ,  où  sa  nomenclature  était  extrêmement  res- 
treinte et  très  vague  ,  des  végétaux  très  différens  par  les  carac- 
tères botaniques  pouvaient  avoir  une  dénomination  commune. 
Ainsi  tous  les  arbres  dont  le  fruit  était  ovoïde  ou  conoide 
pouvaient  être  assimilés  au  cyprès.  Aussi  M.  Abel  Rémusat, 
dans  son  Extrait  de  V Encyclopédie  japonaise,  remarque  que 
tout  ce  qui  concerne,  dans  cet  ouvrage,  les  végétaux  coni- 
fères et  autres  végétaux  analogues ,  c'est-à-dire  conocarpes , 
est  très  obscur. 

L'un  des  deux  vers  à  soie  sauvages  décrits  par  Roxburgh, 
celui  qu'il  noxïimç^  tus  s  eh,  et  qui  donne  la  phalène /7a/7/iia  de 
Linné,  le  bombyx  niylitta  de  Fabricius ,  vit  non  seulement 
sur  le  rhammus  jujuba,  mais  encore  sur  le  rhizopliora  cas- 
colaris  et  diverses  espèces  de  jambolifera  ou  de  jambosiers  , 
dont  le  fruit  est  rond  ou  conoide.  Ce  ver  à  soie ,  dont  le  cocon 
est  employé,  se  trouve  au  Bengale  et  dans  pksieurs  autres 
contrées  orientales  de  l'Inde.  L'autre,  Vanindy,  qui  produit 


I04  TABLEAU 

la  phalène  cjntliia  de  Drury ,  et  dont  la  soie  est  encore  mise 
en  œuvre  par  les  Indiens,  se  nourrit  de  feuilles  du  ricinus 
palma  Christi,  connu  des  Grecs  sous  le  nom  de  croton.  Il  ne 
serait  point  surprenant  que  Pline,  trompé  par  quelques  rap- 
prochemens  de  noms  et  de  propriétés  physiques ,  car  le  fruit 
de  cette  plante  est  oléagineux  de  même  que  le  cyprès,  égaré 
aussi  peut-être  par  quelque  orthographe  vicieuse,  fût  tombé 
à  cet  égard  dans  quelque  méprise.  Ainsi,  voilà  la  nomencla- 
ture des  végétaux  cités  par  cet  auteur  toute  retrouvée.  Mais 
après  nous  être  transportés  dans  des  climats  bien  éloignés  de 
celui  où  il  nous  avait  placés,  l'île  de  Cos ,  comparons  main- 
tenant les  renseignemens  historiques  transmis  par  les  anciens 
au  sujet  des  bombyx  avec  ceux  que  nous  avons  sur  les  vers  à 
soie  sauvages  de  cette  partie  de  l'Asie.  Nous  verrons  que, 
malgré  quelques  exagérations ,  quelques  accessoires  fabuleux 
et  peu  d'ordre  dans  l'exposition  des  faits  ,  la  vérité  cependant 
n'est  point  tellement  altérée  qu'on  n'en  découvre  les  traits  les 
plus  saillans  ^  en  un  mot ,  tout  découle  des  mêmes  traditions 
orientales.  L'extrait  d'un  Mémoire  d'un  auteur  chinois  sur  la 
culture  du  ver  à  soie  ,  publié  par  Du  Halde  ,  dans  sa  descrip- 
tion de  la  Chine ,  nous  prêtera  un  nouveau  secours.  Pour  l'in- 
telligence des  passages  d'Aristote  et  autres ,  il  faudra  se  péné- 
trer de  sa  doctrine  et  de  celle  des  autres  anciens  naturalistes, 
sur  la  reproduction  des  insectes.  Ils  avaient  bien  observé  que 
les  chenilles  se  transformaient  en  chrysalides,  état  que  le  pre- 
mier comparait  à  celui  d'un  œuf  (i)  *,  et  que  de  ces  chrysalides 
naissaient  des  lépidoptères-,  mais  n'ayant  point  vu  ou  suivi 
l'accouplement  de  ces  insectes,  ils  croyaient  que  ces  chenilles 
provenaient  de  feuilles  vertes,  de  fleurs,  de  la  rosée,  etc. 
L'œuf  proprement  dit,  ainsi  que  la  chenille  venant  de  naître, 
étaient  assimilés  à  une  sorte  de  ver ,  et  il  fallait  que  cette 
chenille  eût  une  forme  plus  prononcée  pour  qu'on  la  désignât 
ainsi.  En  général,  selon  eux,  les  insectes  commençaient  par 


(i)  L'œuf  était  censé  être  uu  ver  imuiobile.  Aristote  le  désigne  quelcjnefois  sous  le 
nom  de  semence. 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  fo5 

un  état  vermiforme.  L'insecte  parfait  même,  lorsqu'on  n'en 
avait  qu'une  connaissante  vague  ,  et  qu'on  le  considérait  dans 
les  premiers  instans  de  sa  reproduction  ,  recevait  la  qualifica- 
tion de  ver.  C'est  ce  qui  paraît  résulter  d'un  passage  d'Aris- 
tote  qui  a  mis  l'esprit  des  critiques  à  la  torture.  Après  avoir 
parlé  de  diverses  espèces  de  chenilles,  il  dit  qu'il  existe  un 
certain  grand  ver  qui  a  comme  des  cornes  et  qui  est  différent 
des  autres  ^  que  sa  première  métamorphose  produit  une  che- 
nille qui  devient  bombyle,  et  se  change  ensuite  en  nécjdale 
(né  de  nouveau  de  lui-même)  ,  et  qu'il  suhit  ces  métamor- 
phoses dans  l'espace  de  six  mois.  Il  ajoute  que  quelques  fem- 
mes en  tirent  une  soie  qu'elles  développent  en  la  dévidant,  et 
dont  on  fait  ensuite  des  étoffes  ,  et  qu'on  attribue  cette  inven- 
tion à  Pamphyle  ,  fille  de  Latoùs,  habitant  de  l'île  de  Cos.  Ce 
grand  ver,  ayant  comme  des  cornes  ,  et  dont  la  première  mé- 
tamorphose est  une  chenille  ,  nous  paraît  être  évidemment  un 
homhyx  femelle ,    considéré   au   moment  de  sa  ponte  -,  et , 
comme  Aristote  nous  fait  entendre  qu'il  est  originaire  de  l'île 
de  Cos,  nous  présumons  qu'il  doit  être  compris  parmi  ces 
bombyx  de  Pline ,  indigènes  d'une  île  homonyme  ,  et  qu'il  a 
fait  un  double  emploi ,  puisqu'il  copie  d'abord  Aristote  ,  et 
que  les  bombyx  de  l'île  de  Cos  sont  ensuite  le  sujet  d'un  autre 
paragraphe.  Par  suite  des  mêmes  principes  erronés  sur  la  gé- 
nération des  insectes,  ce   naturaliste  ajoute  qu'il  se  forme 
d'abord  de  petits  papillons  tout  nus ,  et  que  bientôt  ils  se 
couvrent  de  poils  qui  les  défendent  du  froid.  Nous  savons  par 
le  Mémoire  des  missionnaires  de  Pékin  sur  les  vers  à  soie  sau- 
vages de  la  Chine ,  que  celui  du  chêne  paraît  être  beaucoup 
plus  velu  dans  les  premiers  temps  ,  ou  lorsqu'il  est  jeune,  que 
lorsqu'il  approche  de  l'époque  de  sa  métamorphose.  Les  figures 
du  manuscrit  qui  traite  des  mêmes  insectes  le  montrent  clai- 
rement. Pline  attribue  ce  caractère  aux  papillons,  puisque, 
selon  lui,  ils  sont  petits  et  d'abord  tout  nus.  Il  s'ensuit  qu'il  u 
confondu  sous  la  dénomination  de  petits  papillons  le  bombyx 
femelle  en  état  parfait,  ses  œufs  et  les  chenilles  qui  en  pro- 
viennent. Ces  chenilles  étant  d'abord  velues  ne  sont  point 


ïo6  tablf.au 

notre  ver  à  soie,  puisque  sa  peau  est  toujours  rase.  Pausanias 
nous  représente  l'animal  donnant  la  soie  comme  une  sorte 
d'araignée  à  huit  pâtes,  et  deux  fois  plus  grande  que  les 
scarabées  ordinaires.  Il  est  encore  incontestable  qu'il  s'agit  ici 
d'un  bombyx  femelle  de  grande  taille ,  du  papliia  ou  Mjlitta^ 
par  exemple ,  dont  la  grandeur  surpasse  de  beaucoup  celle  du 
bombyx  du  mûrier,  ou  de  notre  ver  à  soie.  J'ai  prévenu  au 
commencement  de  ce  Mémoire  ,  que  ,  dans  les  traductions  la- 
tines de  cet  auteur ,  on  avait  rendu  l'expression  de  petit  ani- 
mal dont  il  se  sert ,  par  celle  de  vermis.  Aucun  de  ces  passages 
n'est  donc  applicable  au  ver  à  soie  domestique  ,  et  nous  en 
fournirons  bientôt  de  nouvelles  preuves.  Mais,  commençons 
par  nous  débarrasser  des  passages  les  plus  obscurs  et  les  moins 
détaillés,  ceux  d'Aristote  et  que  Pline  a  reproduits  sans  y 
ajouter  aucun  éclaircissement.  Ils  sont  au  nombre  de  deux. 
Dans  l'un  {Hist.  des  Anim.,  liv.  V,  cb.  xxiv  )  ,  il  est  parlé  des 
bombycies  [bomhjcia)  ou  espèce  de  bombyx,  bombjcum , 
selon  Pline,  de  l'Assyrie,  qui  forment  avec  de  la  boue,  contre 
une  pierre  ou  quelque  autre  corps  semblable  ,  un  nid  ter- 
miné en  pointe ,  recouvert  d'un  enduit  ayant  l'apparence  de 
sel ,  ou,  suivant  quelques  manuscrits  ,  celle  du  verre,  si  épais 
et  d'une  telle  dureté  qu'on  a  de  la  peine  à  le  percer  d'un  coup 
de  lance.  Elles  y  engendrent  et  produisent  de  petits  vers  blancs 
recouverts  d'une  membrane  noire.  En  debors  d'eux  ,  et  dans 
cette  boue ,  elles  font  une  cire  beaucoup  plus  pâle  (^ue  celle 
des  abeilles.  Pline  dit  qu'elles  en  font  en  plus  grande  quan- 
tité, et  que  le  vers  auquel  elles  donnent  naissance  est  aussi 
plus  gros.  Ce  passage ,  ainsi  que  l'ont  remarqué  la  plupart  des 
commentateurs  qui  ont  connu  les  Mémoires  de  Réaumur,  ne 
peut  s'entendre  que  de  son  abeille  maçonne,  dont  Aldrovande, 
long-temps  avant  lui ,  avait  donné  l'histoire.  Il  faut  cependant 
convenir  qu'Aristote  a  connu  par  lui-même  les  nids  de  l'abeille 
maçonne-,  car  dans  son  Histoire  des y4nimaux,  liv.  V,  c.  xx, 
à  l'occasion  de  l'insecte  ichneumoji ,  il  dit  que  de  petits  co- 
léoptères déposent  des  vers  dans  de  petits  nids  que  l'ichneumon 
se  fait  avec  de  la  boue ,   et  qu'il  applique  contre  les  murs 


DE    L  HISTOIRE    DE    L  ENTOMOLOGIE.  IO7 

et  les  tombeaux.  Ce  coléoptère  est  le  trichodes  alveaiius  de 
Fabricius  ,  ou  quelque  autre  espèce  analogue.  Pour  prononcer 
à  l'égard  du  bombyx  d'Assyrie ,  il  nous  faudrait  d'autres  do- 
cumens  qui  eussent  pour  objet  les  habitudes  des  insectes  de 
ce  pays.  Mais  est-ce  à  ce  bombyx  assyrien  que  Pline  fait  allu- 
sion lorsque,  après  avoir  parlé  de  ceux  de  l'île  de  Cos  et  des 
étoffes  que  l'on  fabrique  avec  les  fils  composant  leurs  coques, 
il  termine  ainsi  :  «  Toutefois,  nous  laissons  encore  aux  fem- 
mes labombyce  assyrienne  ?  »  Nous  ne  le  pensons  pas.  Ici,  le  mot 
de  bombyce  est  appliqué  à  une  sorte  d'étoffe  que  l'on  tirait  de 
l'Assyrie,  mais  qui  venait  d'une  contrée  beaucoup  plus  éloi- 
gnée ,  de  la  Sérique  proprement  dite ,  et  dont  notre  ver  à  soie 
avait  fourni  la  matière ,  celle  en  un  mot  qui  formait  l'habille- 
ment désigné  sous  le  nom  de  vestismedica.  [Hist,  des  Jnim., 
liv.  V,  chap.  XIX.) 

Le  second  passage  d'Aristote  a  pour  objet  ce  grand  ver 
ayant  deux  espèces  de  cornes  ,  qui  devient  d'abord  chenille , 
ensuite  bombyle  ,  puis  nécydale ,  et  dont  nous  avons  fait 
mention  plus  haut.  Selon  la  leçon  commune,  on  lit  bomhjlios, 
expression  que  Pline  remplace  par  celle  de  hombjlis  ,*  mais 
Gaza ,  Scaliger  et  d  autres  ,  sont  d'avis  que  l'on  doit  lire 
partout  homhyx.  Camus ,  dans  une  note  sur  ces  passages , 
observe  que  ce  changement  jette  ici  de  la  confusion.  Comment 
concevoir,  en  effet ,  qu'après  avoir  distingué  généralement 
ces  insectes  sous  un  nom  commun  ,  celui  de  bombyx ,  l'on 
puisse  désigner  l'un  de  leurs  états  sous  la  même  dénomination? 
S'ils  étaient  d'abord  bombyx,  ils  n'ont  pas  besoin  de  le  deve- 
nir-, lisez  homhyle ,  et  il  n'y  aura  plus  d'équivoque.  Ce  nom 
est  reproduit  dans  Aristote  ,  lorsqu'il  traite  des  insectes  qui , 
comme  les  abeilles ,  construisent  des  cellules  ou  alvéoles 
réunies  en  manière  de  rayons ,  et  dont  il  compte  neuf  espèces 
{Hist.  des  Anim,  y  liv.  IX,  chap.  xl).  Ce  bombyle  est 
solitaire ,  se  reproduit  sur  la  terre  nue  ou  sous  une  pierre , 
où  il  fait  un  petit  nombre  de  cellules  dans  lequelles  on  trouve 
un  miel  imparfait,  et  qui  n'est  pas  bon  (  ch.  xliii).  A  ces 
traits  on  reconnaît  facilement  un  insecte  de  la  division  des 


lo8  TABLEAU 

apiaires,  et  qui  paraît  être  Vapis  lapidana  femelle  de  Linné , 
ou  quelque  autre  espèce  du  même  genre  bourdon  ,  et  con- 
struisant sans  aucun  aide  son  ouvrage  au  printemps.  Tous  les 
interprètes  s'accordent  à  faire  dériver  les  mots  hombyle  et 
homhjx  de  celui  de  bomhos  ^  signifiant  en  grec  bourdonne- 
ment, bruit  des  moucbes.  Suivant  Isidore  de  Se  ville  {Origin., 
lib.  XII ,  cap.  V  )  ,  le  ver  produisant  la   soie  serait  nommé 
bombyx ,  parce  qu'en  expulsant  au-debors  les  fils  de  cette 
substance  il  devient  vide  et  ne  contient  plus  que  de  l'air. 
Dans  son  cbapitre  des  laines  (xxvii,  lib.  XIX),  il  dit  que 
la  soie ,  sericum ,  a  été  ainsi  nommée  de  ce  que  les  Seres  l'ont 
envoyée  les  premiers ,  et  qu'on  raconte  que  l'on  trouve  dans 
leur  pays  de  petits  vers  appelés  par  les  Grecs  bombyx,  qui 
filent  autour  des  arbres^  et  de  là  l'expression  bombyx  fron- 
dium  vermis.  Si  ce  nom  ,  ainsi  que  celui  de  bombjle,  dérive 
de  bombos,    bourdonnement,   je    ne  comprends    pas    trop 
comment  on  a  pu  en  faire  l'application  au  ver  à  soie ,  puisque 
considéré  dans  tous  ses  états ,  ou  sous  ceux  de  ver  et  de  chry- 
salide au  moins,  il  ne  produit  aucun  son.   Ne  serait-ce  pas 
plutôt  parce  que  la  soie  a  des  rapports  avec  le  coton  des  cap- 
sules du  bombax,  ou  avec  le  duvet  qui  revêt  le  corps  des 
bourdons,   bombjlis ,  insectes  qui  bourdonnent.^  Pline  ,   en 
parlant  de  diverses  espèces  de  roseaux  dont  les  feuilles  sont  plus 
ou  moins  soyeuses  (lib.  X\T,  cap.  xxxvi)  ,  emploie  l'épithète 
de  bombjciœ.   Le  cocon  du  ver  à  soie  ayant,  comme  on  le 
sait ,  une  forme  ovoïde,  quelques  interprètes  ont  pensé  que  la 
dénomination  de  bombjle  avait  pu  lui  être  donnée  à  raison 
de  sa  ressemblance  avec  un  vase  de  même  forme  ,  que  les 
Grecs  appelaient  de  même  -,   mais  il  faudrait  qu'ils  eussent 
connu  celle  de  ces  cocons ,  et  tous  les  passages  qu'on  peut 
alléguer  semblent  prouver  qu'ils  regardaient  la  soie  comme 
une  sorte  de  laine  ou  un  assemblage  de  fils  suspendus  aux 
arbres.  Pline,  en  effet,  dit  bien  qu'ils  enveloppaient  l'animal, 
mais  il  se  borne  là.  Puisque  le  grand  ver  dont  parle  Aristole 
passe  immédiatement  de  l'état  de  chenille  à  celui  de  bombyle^ 
il  est  naUircl  de  conclure  que  ce  second  état  désigne  celui  de 


DE    L  HISTOIRE    DE    L  EINTOMOLOGIE.  I O9 

r-hrysalide ,  et  que  le  suhant,  celui  de  nécydale  (né  de  nou- 
veau de  lui-même,  suivant  divers  interprèles),  doit  être  la 
dernière  métamorphose  de  l'insecte  ,  celle  qui  le  fait  jouir  de 
toutes  ses  facultés,  ou  ce  que  nous  appelons  état  parfait.  Ces 
diverses  transformations  s'opèrent ,  suivant  Aristote ,  dans 
l'espace  de  six  mois  j  celles  de  notre  ver  à  soie  n'en  exigeant 
que  deux,  on  en  a  conclu  qu'il  s'agissait  ici  d'une  autre  es- 
pèce. Celte  conclusion  serait  cependant  fausse  dans  le  cas  où 
il  serait  question  de  la  dernière  génération  ,  celle  dont  on 
conserve  les  œufs  pour  les  faire  éclore  l'année  suivante  ;  mais 
nous  croyons  néanmoins  qu'Aristole  a  voulu  parler,  ainsi  que 
nous  l'avons  dit  plus  haut ,  d'un  ver  à  soie  sauvage  et  de  l'un 
prohablement  des  bombyx  de  l'île  de  Co  de  Pline.  Quelques 
critiques  ont  pensé  que  par  le  mot  de  nécydale  il  fallait  en- 
tendre la  chrysalide;  mais  alors,  d'après  la  succession  des 
métamorphoses,  l'état  où  l'insecte  est  représenté  sous  la  forme 
de  chenille  répondrait  à  celui  où  il  est  sous  la  forme  d'œuf , 
et  la  chenille  garnie  de  poils  serait  ce  qu'Aristole  nomme 
hombjle.  Ces  changemens  n'exigeraient  pas ,  à  coup  sûr,  un 
laps  de  temps  dont  la  durée  serait  d'une  demi-année. 

La  découverte  de  l'art  de  dévider  la  soie  et  d'en  faire  des 
étoffes  est  attribuée  par  ce  naturaliste,  ainsi  que  par  Pline  son 
copiste  ,  à  Pamphyle,  fille  de  Latoùs,  habitant  de  l'île  de  Cos, 
ou  de  Ceo  suivant  le  dernier  \  c'est  aussi  à  une  femme ,  Si- 
Ling  ,  l'une  des  épouses  de  l'empereur  Hoang-Ti ,  dont  l'his- 
toire remonte  aux  premiers  temps  de  leur  monarchie,  que 
les  Chinois  font  honneur  de  cette  invention.  Sénèque ,  en 
parlant  de  ces  étoffes  de  soie  servant  de  vétemens  aux  femmes, 
qui  ne  garantissaient  ni  le  corps  ni  la  pudeur,  ou  de  ces  bom- 
bycines  qui  formaient  une  sorte  de  gaze ,  dit  qu'on  les  faisait 
venir,  à  grands  frais,  de  pays  inconnus  même  au  commerce. 
On  pourrait  dès-lors  soupçonner  que  cette  Pamphyle  d'Aris- 
tole  est  le  même  personnage  que  celui  de  la  tradition  chinoise  5 
mais  on  est  arrêté  par  ce  passage  de  Pline  dans  lequel ,  à 
l'occasion  de  la  soie  que  l'on  recevait  des  Seres  (lib.  VI, 
cap.  XVII ),  il  s'exprime  de  manière  à  nous  faire  croire  que 


ÎÎO  TARLÉA.U 

les  femmes  romaines  savaient  effiler  des  étoffes  composées  de 
celte  matière,  en  retordre  les  fils  ,  et  ourdir,  en  les  réunissant 
probablement  avec  une  certaine  quantité  de  fils  provenant  de 
substances  indigènes  ,  un  nouveau  tissu  ,  ou  ce  qu'on  appelait 
tramo-serica ,  dont  la  chaîne  était  de  lin  et  la  trame  de  soie  ; 
Undè  ge minus  fœniinis  nostris  labor^  redoj^diendi  jïla ,  jur- 
sîimque  texere.  J'ignore  quelle  est  en  chinois  l'étymologie  du 
mot  Si-Ling  ^  mais  si  celui  de  Pamphyle,  en  écrivant  par  un 
y^  signifie  ,  au  dire  de  quelques  lexicographes ,  qui  a  toutes 
sortes  de  nations,  il  faut  avouer  que  cette  étymologie  ne  con*^ 
vient  guère  ni  à  l'île  de  Cos  ni  à  l'un  de  ses  habitans.  Mais 
outre  que  les  conséquences  déduites  des  étymologies  sont 
souvent  erronées  ou  très  douteuses ,  comme  il  est  dit  que 
Pamphyle  était  fille  de  Latoùs ,  et  que  la  tradition  chinoise 
garde  le  silence  sur  l'origine  de  Si-Ling,  il  est  plus  probable 
que  Pamphyle  était  native  de  l'une  des  îles  de  la  Grèce ,  et 
qu'elle  découvrit  réellement  une  manière  de  tirer  parti  de  la 
soie  ouvrée  -,  mais,  je  le  répète  ,  je  ne  pense  pas  qu'on  la  tirât 
de  l'île  de  Cos.  Si  les  bombyx  de  cette  île  avaient  fourni  de  la 
soie  ,  comment  ce  genre  d'industrie  s'y  serait-il  perdu ,  et 
comment  n'en  serait-il  pas  resté  quelque  souvenir  ? 

Parmi  les  villes  situées  dans  le  Delta  formé  par  les  diverses 
branches  de  la  rivière  d'Ava  ou  de  l'Yarrouddi ,  celle  des 
Cosmin  est  réputée  l'une  des  plus  anciennes  et  des  plus 
célèbres  par  son  commerce.  Min,  en  chinois,  veut  dire 
peuple  (i)  ,  et  ce  mot  peut  être  commun  à  d'autres  idiomes 
indiens,  de  même  que  celui  de  man ,  homme.  Ainsi,  l'on 
pourrait  traduire  Cosmin,  peuple  de  Cos  ;  et  comme  cette 
ville  est  placée  dans  une  petite  île,  on  aurait  pu  substituer  à 
cette  expression  île  de  Cos.  Telle  est  peut-être  l'origine  de 
cette  confusion  nominale  ^  mais  ce  n'est  qu'une  simple  con- 
jecture ,  et  à  l'adoption  de  laquelle  je  n'attache  point  une 
grande  importance.  Reprenons  ce  passage  de  Pline,  afin  d'en 


(i)  C'est  ce  qui  m'a  été  dit  par  un  excellent  philologue,  M.  Julien,  sous-bibliothé- 
caire de  r Institut. 


DE    l'histoire    de    L  ENTOMOLOGIE.  tîl 

continuer  l'explication  ;  nous  reviendrons  après  sur  celui  de 
Pausanias. 

Nous  avons  dit  que  les  vers  à  soie  du  chêne  étaient  beau- 
coup plus  velus  dans   les  premiers  jours  de  leur  existence 
que  lorsque  ,  devenus  plus  gros  ,  ils  étaient  prêts  à  se  changer 
en  chrysalides  -,  c'est  ce  qui  a  fait  dire  à  Pline  que  ces  petits 
papillons  ,  d'abord  nus ,  se  couvraient  de  poils  ,  villis  inhor- 
rescere.  Il  est  évident  que  cela  ne  s'applique  point  au  bombyx 
proprement  dit,    puisqu'il  ajoute  qu'ils  se   fabriquent   des 
tuniques  pour  passer  l'hiver,  en  ratissant  avec  leurs  ongles 
le  duvet  des  feuilles ,  et  en  en  formant  une  sorte  de  filasse 
qui  les  enveloppe  entièrement.  On  comprendra  aisément  que 
ces  tuniques  sont  des  cocons,  et  que  ce  naturaliste  a  dénaturé 
la  manière  dont  ces  insectes  s'y  prennent  pour  les  faire.  Sui- 
vant lui ,  les  habilans  les  emportent  dans  cet  état ,  disposés 
dans  des  vases  de  terre,  où  ils  sont  entretenus  par  une  chaleur 
douce,  et  où  on  les  nourrit  avec  du  son.  On  se  demandera, 
sans  doute ,  pourquoi  et  comment  nourrir  ces  insectes  ainsi 
emprisonnés  en  état  de  léthargie,  et  surtout,  ce  qui  paraît 
fort  étrange ,  avec  du  son  ?  Voici  les  faits ,  dégagés  de  tout 
merveilleux ,  et  puisés  dans  les  sources  indiquées  plus  haut. 
Parmi  les  cocons  de  vers  à  soie  sauvages  provenant  de  la  der- 
nière ponte  ,  on  en  met  à  part  une  certaine  quantité  pour 
obtenir  au  printemps  suivant  une  nouvelle  génération  ^  mais 
leur   conservation  exige  quelques  soins.   Les  bombyx  étant 
nés ,  on  donne  la  liberté  aux  mâles ,  et  l'on  fixe  les  femelles 
sur  un  paquet  de  moelle  d'une  espèce  de  millet  (^amndma- 
ceum) ,  où  elles  ne  tardent  pas  à  être  fécondées  par  les  indi- 
vidus de  l'autre  sexe  et  à  déposer  leurs  œufs.  Tantôt  on  sus- 
pend le  faisceau  de  moelle  où  les  vers  sont  nés  sur  une 
branche  de  l'arbre  destiné  à  les  nourrir,  afin  qu'ils  puissent 
passer  sur  les  feuilles  -,  tantôt  on  en  coupe  une  branche,  et  on 
la  met  dans  un  vase  plein  d'eau,  en  y  attachant  le  faisceau. 
Les  petits  vers  gagnent  vile  les  feuilles,  se  réunissent  d'abord 
en  société  ,  et  devenus  plus  forts ,   manquant  d'ailleurs  de 
vivres,  ils  se  dispersent  pour  en  chercher  ailleurs.  Les  vers  à 


1 I 2  TABLEAU 

soie  du  chêne  sont  plus  délicats  que  ceux  du  fagara ,  et  leur 
première  éducation  a  lieu  dans  une  chambre  bien  fermée  et 
exposée  au  midi.  Tout  ce  qui  a  rapport  à  cette  éducation  est 
transposé  dans  Pline,  ou  bien  il  passe  d'une  génération  à  une 
autre  sans  l'annoncer,  et  comme  si  c'était  toujours  la  même. 
Mais  que  veut-il  dire  par  ces  paroles  :  On  les  nourrit  avec  du 
son  ?  Le  Mémoire  sur  l'éducation  des  vers  à  soie ,  publié  par 
Du  Halde,  y  répondra.  On  peut  alimenter  les  jeunes  vers  à 
soie  avec  une  farine ,  expression  propre  de  l'auteur,  formée 
de  feuilles  de  mûriers  recueillies  durant  l'automne  et  réduites 
en  poudre  -,  pour  cela ,  on  humecte  des  feuilles  printanières 
de  cet  arbre  ,  et  on  répand  dessus  cette  sorte  de  farine  ou  de 
son  pour  me  servir  de  la  comparaison  de  Pline.  Ce  naturaliste 
arrive  enfin  à  la  dernière  métamorphose  des  vers  à  soie ,  en 
disant  qu'il  leur  pousse  des  ailes  d'une  espèce  particulière  ; 
elles  sont,  en  effet,  très  remarquables  par  la  tache  oculaire  et 
vitrée  qu'offre  le  disque  de  chacune  d'elles.  Il  en  est  aussi  où 
les  supérieures  se  terminent  en  manière  de  faux.  Du  Halde  a 
exposé  très  en  détail  les  procédés  relatifs  au  cocon  ,  à  la  ma- 
nière de  dévider  ou  de  filer  les  fils ,  et  au  tissage.  Pline  en 
avait  eu  quelque  idée ,  puisqu'il  nous  dit  que  leurs  coques , 
jetées  dans  l'eau  ,  s'amollissent ,  et  qu'on  les  file  ensuite  avec 
un  fuseau  de  jonc.  Nous  remarquerons  cependant  que  M.  Gue- 
roult  ,  dont  nous  citons  la  traduction,  n'aurait  pas  dû  em- 
ployer le  mot  de  coques,  car  le  texte  dit  simplement  :  Quœ 
vero  cœpta  sint  lanijicia. 

Aucune  personne  un  peu  versée  dans  l'éducation  des  vers  à 
soie  et  des  autres  chenilles,  en  général,  ne  croira  ce  que 
raconte  Pausanias  de  la  durée  du  temps,  quatre  à  cinq  années, 
que  demande  l'éducation  des  vers  dont  il  parle  dans  le  passage 
que  nous  avons  rapporté.  Selon  lui,  on  les  nourrissait  quatre 
ans  avec  des  panics  ^  et  la  cinquième  année,  car  ils  ne  vivent 
pas  plus  long-temps  ,  on  leur  donnait  du  roseau  vert,  nour- 
riture la  plus  agréable  pour  eux  ,  sur  laquelle  ils  se  jetaient 
avec  avidité,  et  dont  ils  se  remplissaient  tellement  qu'ils  cre- 
vaient. Si  nous  consultons  le  Mémoire  du  père  Du  Halde , 


DJ;    L  HISTOIRE    DE    L  ENTOMOLOGIE.  Il3 

cette  fable  ridicule  se  réduira  à  la  confusion  qu*a  faite  Pau- 
sanias  du  mûrier  avec  l'insecte  et  à  quelques  autres  faits  très 
simples.  «  Les  jeunes  arbrisseaux  ,  est-il  dit  dans  ce  Mémoire, 
«  qu'on  a  trop  effeuillés  avant  qu'ils  eussent  trois  ans  se  ressen- 
«  tent  dans  la  suite  de  cet  épuisement  -,  ils  deviennent  faibles 
«  et  tardifs.  Il  en  arrive  de  même  à  ceux  dont  on  ne  coupe 
«  pas  bien  net  les  feuilles  et  les  brancbes  qu'on  emporte  tout 
«  effeuillées.  Quand  ils  ont  atteint  trois  ans ,  ils  sont  dans 
«  leur  grande  vigueur  -,  mais  ils  commencent  à  la  perdre  vers 
«  l'âge  de  cinq  ans,  lorsque  leurs  racines  s'entrelacent.  »  Nous 
apprenons  aussi  par  ce  Mémoire  que,  pour  rendre  les  arbres 
tche,  ou  le  mûrier  sauvage ,  plus  propres  à  nourrir  des  vers 
domestiques ,  il  est  bon  de  les  cultiver  à  peu  près  de  même 
que  les  mûriers  véritables  -,  il  est  surtout  à  propos  de  semer 
du  mil  dans  le  terrain,  où  on  les  aura  plantés  un  peu  au  large. 
Le  mil  corrige  l'âpreté  des  petites  feuilles  de  l'arbre  tche,  qui 
deviennent  plus  épaisses  et  plus  abondantes-,  les  vers  qui  s'en 
nourrissent  travaillent  les  premiers  à  leurs  coques,  et  leur 
soie  en  est  plus  forte.  Le  même  arbre  nourrit  aussi  des  vers  à 
soie  sauvages  ou  campagnards,  ainsi  que  les  appelle  le  P.  Du 
Halde  \  et  comme ,  suivant  lui ,  le  fruit  du  tche  ressemble 
au  poivre,  je  présume  que  cet  arbre  est  le  fagara  dont  j'ai 
parlé.  Quant  à  ce  que  dit  Pausanias  du  roseau  vert ,  que  les 
Seres  donnent  la  cinquième  année  au  ver  à  soie  élevé  par  eux , 
on  comprend  que  puisque ,  d'après  son  opinion ,  cette  cin- 
quième année  est  le  terme  de  la  vie  de  cet  insecte  ou  l'époque 
de  sa  dernière  métamorphose ,  celle  de  la  réunion  des  sexes  et 
de  la  ponte  des  femelles ,  il  a  défiguré  la  tradition  relative  à 
l'usage  d'employer  la  moelle  d'un  panicum  du  pays ,  pour  y 
attacher  ces  derniers  individus  et  les  contraindre  à  déposer 
dessus  leurs  œufs.  Lorsqu'il  dit  que  les  vers  crèvent  à  force> 
de  manger  de  ce  roseau ,  on  comprend  qu'il  s'agit  ou  de  la 
ponte  ou  de  la  construction  du  cocon.  Toutes  les  tentatives 
qu'on  a  faites  pour  rendre  domestiques  les  vers  à  soie  sauvages 
ont  été  inutiles  ,  suivant  les  auteurs  des  Mémoires  dont  je  me 
suis  servi ,  tant  ces  insectes  ont  un  caractère  d'indépendance 

8 


Il/j  TABLEAU 

et  d'amour  de  la  liberté;  il  en  est  de  même  de  celui  appelé  au 
Bengale  tusseh  ou  bughj,  et  qui  produit  la  phalène  paphia 
de  Linné.  Mais  le  ver  à  soie  arrendj,  celui  qui  vit  sur  le  ricin 
palma  chnstiy  a  été  réduit  par  les  soins  des  Indiens  à  l'état  de 
domesticité  -,  ils  l'élèvent  chez  eux  à  peu  près  comme  le  ver  à 
soie  ordinaire  (i).  On  récolte  sur  l'arbre  nommé  mango-tree 
par  les  Anglais,  ou  une  espèce  de  manguier,  un  cocon  que  l'on 
file  avec  celui  de  Yairendj ;  mais  on  ne  connaît  pas  encore 
bien  ni  le  ver  à  soie  ni  son  bombyx.  Je  réserve  pour  un 
autre  mémoire  la  description  de  ces  vers  à  soie  sauvages  de  la 
Chine ,  ainsi  que  celle  de  plusieurs  autres  espèces  ,  dont  nous 
pourrions  tirer  parti.  Le  cocon  de  notre  bombyx  grand-paon 
pourrait  aussi  être  employé.  Un  jeune  et  habile  chimiste , 
M.  liassaigne ,  professeur  à  Alfort ,  a  bien  voulu ,  à  ma  solli- 
citation ,  faire  divers  essais  pour  lui  enlever  le  gluten  qui 
embarrasse  ses  fils  ,  et  il  y  est  parvenu. 

De  mes  recherches  l'on  doit  tirer  cette  conséquence  que  les 
passages  d'Aristote ,  de  Pline,  de  Pausanias,  et  de  plusieurs 
autres  auteurs  anciens  concernant  les  vers  à  soie ,  ne  sont  que 
des  traditions  indiennes,  chinoises  ou  thibétaines,  relatives  à 
des  vers  à  soie  sauvages,  plus  ou  moins  altérées  et  entremêlées 
de  quelques  circonstances  propres  à  la  culture  de  l'espèce 
domestique. 

Maintenant ,  si  l'on  peut  donner  le  nom  de  Sérique  aux  con- 
trées propres  à  ces  insectes  ,  et  qui  servirent  jadis  d'entrepôt 
au  commerce  de  diverses  sortes  de  soieries,  produits  de  leur 
industrie  et  de  celle  de  l'homme,  on  distinguera  ,  comme  nous 
l'avions  fait ,  trois  Sériques  :  i°.  l'ultra-gangétique  ou  la  Série, 
celle  dont  nous  avons  le  plus  souvent  parlé  dans  ce  Mémoire, 
d'où  l'on  tirait  des  étoffes  fabriquées  en  grande  partie  avec  la 
soie  de  quelques  espèces  de  vers  sauvages  ;  2°.  la  Sérique , 
au  nord  de  l'Imaùs,  ou  la  Sérique  propre,  celle  de  Ptolé- 
mée  ,  et  dont  la  métropole  était,  selon  moi ,  la  ville  actuelle 
de  Turfan  5  3°.  la  Sérique  nord-indienne,  ou  le  Ser-Hend,  co- 

(i)  M.  Picot-Lamarre  m'a  communiqué,  sur  l'éducatiou  de  cet  insecte,  de  nouveaux 
reuseigucmeos. 


DE  l'histoirk  de  i/entomologie.  ii5 

lonie  de  la  précédente,  et  qui  se  forma  dans  les  premiers  siècles 
chrétiens ,  lorsque  les  Huns  du  nord,  les  Yve-Chi ,  etc.,  com- 
pris sous  le  nom  générique  de  Seres,  refoulés  par  les  conquêtes 
des  Chinois,  qui  s'étaient  avancés  jusqu'à  la  mer  Caspienne, 
s'étahlirent  au  nord  de  l'Inde ,  près  des  sources  du  Gange;  car 
on  sait  que  c'est  de  Sérinda  ,  ou  Ser-Hend  ,  que  du  temps  de 
Justinien  des  moines  apportèrent  à  Constantinople  des  œufs  de 
notre  hombyx  du  mûrier.  Déjà  aussi  la  culture  de  ce  précieux 
insecte  s'était  introduite  dans  la  Bactriane,  ou  la  grande  Bu- 
charie.  On  voit  bien  par  Ptolémée  qu'à  l'époque  où  il  écrivait , 
les  Saces  et  d'autres  peuples  de  la  Scythie  avaient  émigré  dans 
l'Inde,  où  leur  établissement  portait  le  nom  à' Indo-Scjthia ', 
mais  il  nomme  Cjlindnnes  le  peuple  qui  occupait  l'empla- 
cement correspondant  à  celui  des  Seres  indiens.  Ici  se  ter- 
minent le  Mémoire  relatif  aux  vers  à  soie  ,  que  j'ai  lu  à  l'Aca- 
démie des  Sciences ,  et  mes  recherches  sur  les  lépidoptères 
connus  des  anciens. 

Dans  l'ordre  des  diptères  s'offrent  d'abord  ceux,  et  les  plus 
communs,  qui  ont  reçu  le  nom  de  mouches,  nom  qui  s'est  même 
étendu  à  des  insectes  tétraptères  ,  comme  l'abeille.  Ce  sont  les 
maia  ou  myïa  d'Arislote.  Ici  il  leur  donne  un  aiguillon  per- 
çant la  peau  jusqu'au  sang  ,  et  les  confond  dès-lors  ,  ainsi  que 
le  vulgaire ,  avec  les  espèces  du  genre  stomoxe ,  et  peut-être 
avec  la  calcitrante,  si  importune  pour  nous  ;  là  leur  langue 
ne  sert  qu'à  pomper.  La  femelle  se  comporte  extérieurement 
dans  l'acte  de  la  génération  comme  le  mâle  -,  ces  insectes  s'at- 
tachent à  tout ,  et  se  nettoient  au  moyen  de  leurs  pâtes  anté- 
rieures. Il  est  aisé  de  pressentir,  pour  peu  que  l'on  ait  observé 
les  habitudes  de  la  mouche  domestique  et  de  quelques  autres 
espèces  analogues ,  que  c'est  d'elles  qu'il  s'agit.  Les  mouches 
produisent  des  vers  -,  ceux  que  l'on  trouve  dans  les  excrémens 
séparés  de  la  litière  se  convertissent  en  insectes  ailés  ainsi 
désignés.  Ailleurs,  Aristote  semble  supposer  que  ces  vers  se 
forment  d'eux-mêmes  dans  ces  matières  j  si  une  mouche  meurt, 
on  la  rappelle  à  la  vie  en  la  mettant  dans  de  la  cendre  qu'on 
expose  au  soleil. 


b 


J  î  6  TABLEAU 

Parlons  maintenant  d'un  diptère  souvent  cité ,  sujet  d'a- 
larmes et  de  terreur  pour  les  troupeaux  ,  ainsi  que  l'a  si  bien 
exprimé  dans  ses  Géologiques  le  prince  des  poètes  latins,  l'œs- 
tros  des  Grecs,  veux-je  dire ,  et  qui  est,  suivant  lui,  Yasilusdie?, 
Romains  -,  c'est  aussi  la  mouche  asile  de  quelques  auteurs  fran- 
çais. Nous  avons  vu  que  cette  dénomination  diœstros  avait  déjà 
été  donnée  à  de  petits  crustacés  parasites,  et  que  Pline  désignait 
encore  de  même  un  insecte  nuisible  aux  abeilles,  naissant  sur 
le  bord  des  ruches  ;  ici  il  est  question  d'un  diptère  ayant  une 
trompe  avancée  servant  d'aiguillon,  et  perçant  la' peau  de 
l'homme  et  celle  des  animaux.  Il  est  évident,  d'après  ce  carac- 
tère, que  les  modernes  ont  appliqué  ce  nom  à  des  insectes  très 
difFérens.  Dans  le  chap.  xix  du  liv.  V  de  son  Hist.  des  Anim,, 
Aristote  fait  venir  Yœstros  de  petits  animaux  plats  qui  nagent 
sur  la  surface  des  rivières.  Au  chapitre  i^',  livre  P%  il  dit 
qu'il  se  forme  de  l'empis  de  rivière  j  mais,  suivant  Camus  ,  le 
texte  pourrait  être  fautif.  L'asile ,  d'après  Elien ,  a  le  corps 
ferme  et  dur,  avec  un  aiguillon  sorlantde  la  bouche.  Le  taon  , 
le  tahanus  des  Latins ,  ou  le  mjops  des  Grecs ,  ressemble  à 
la  mouche  du  chien  ,  a  l'aiguillon  plus  petit  que  l'asile ,  mais 
son  son  est  plus  fort.  Aristole  dit  que  les  myops  viennent  du 
bois,  qu'ils  n'attaquent  que  l'homme,  que  lorsqu'ils  sont  près 
de  leur  fin ,  ils  deviennent  ridés ,  et  que  leurs  yeux  se  rem- 
plissent d'eau.  Ces  insectes  sont  les  tahani  ou  taons  de  Pline; 
car,  ainsi  que  le  naturaliste  grec,  il  les  fait  naître  dans  le 
bois,  ainsi  que  les  cossons ,  cossoni,  et  ils  meurent  quelque- 
fois aveugles.  Suivant  lui ,  ces  insectes  portent  aussi  le  nom 
(Y asiles  ,•  et  Camus  cite  d'autres  passages  relatifs  à  cette  syno- 
nymie, ou   au  rapprochement  de   ces  diptères.  Ces   taons, 
qui  deviennent  ridés  et  aveugles,  sont  des  espèces  du  genre 
chrysopS)  dont  les  yeux  sont  brillans  et  très  agréablement  co- 
lorés lorsque  l'animal  est  en  vie ,  mais  qui  s'altèrent  et  s'obs- 
curcissent à  leur  mort.  Leur  abdomen  ,  assez  mou  ,  est  encore 
sujet  à  se  dessécher  et  à  se  rider  ;  ce  qui  n'a  point  lieu  dans 
les  grandes  espèces  ou  les  taons  propres.  Trois  naturalistes, 
l'un  allemand ,  M.  Keferstein  ,  et  les  deux  autres   anglais , 


DE  l'iiistoirt:  de  l'entomologie.  m  y 

MM.  Mac-Leay  fils  et  Bracq-Clarck  (  Bulletin  des  Se.  naiur, 
<le  M.  le  baron  de  Férussac  ,  avril  1819) ,  ont  traite  le  même 
sujet.  Le  second  voit  dans  les  oïstj^os  des  Grecs  les  diptères  du 
genre  œstrus  de  Linné  -,  mais  cette  opinion  ne  peut  s'accorder 
avec  les  renseignemens  transmis  par  les  anciens ,  et  que  j'ai 
rapportés.  Les  autres  explications  ne  m'ont  pas  satisfait  davan- 
tage ,  et  je  crois  devoir  persister  dans  la  mienne-,  on  s'est  tu  , 
d'ailleurs ,  sur  ce  qui  concerne  la  cécité  des  taons ,  difficulté 
que  je  pense  avoir  bien  résolue. 

L'empis  ou  le  cousin  provient,  comme  nous  allons  le  voir, 
de  petites  larves  ou  de  vers  qu'on  nommait  ascaiides.  Il  est  in- 
finiment probable  qu'on  a  confondu  avec  les  œstros  ouïes  asiles 
des  stratiomes,  dont  les  larves  longues  et  plates  ont  de  la  res- 
semblance avec  les  ascarides,  les  sangsues,  etc.  ,  qui  vivent 
dans  les  rivières  marécageuses  et  dans  les  étangs.  Lesempis  ou 
cousins  provenant  d'ascarides  qui,  suivant  Aristote ,  naissent 
d'elles-mêmes  dans  des  amas  d'eau  où  il  se  dépose  de  la  terre, 
cet  auleur,  pour  distinguer  les  œstros  des  insectes  précédens, 
aura  désigné  leurs  larves  sous  la  dénomination  d'empides  de 
rivière.  La  comparaison  de  divers  passages  d'Aristote  à  l'égard 
des  mots  empis  et  conops ,  montre  qu'ils  peuvent  signifier  un 
cousin  ou  quelque  sorte  de  moucheron,  et  qu'ils  sont  dès-lors 
équivoques.  L'empis  a,  suivant  lui,  deux  ailes,  un  aiguillon  en 
avant,  change  de  peau  et  naît  de  petits  vers  nommés  ascarides  ^ 
et  c'est  ce  que  dit  aussi  Hor-Apollon  dans  une  explication  des 
hiéroglyphes  égyptiens  relatifs  à  cet  insecte.  Le  conops  est 
mentionné  trois  fois  par  Aristote.  Dans  un  endroit  il  dit 
que  sa  langue  ou  plutôt  son  aiguillon  perce  la  peau  ^  dans 
un  second  ,  qu'il  cherche  non  ce  qui  est  doux ,  mais  ce  qui 
est  acide,  enfin  dans  un  autre  ,  qu'il  est  produit  par  de  petits 
vers  qui  viennent  dans  la  lie  du  vinaigre.  Il  est  clair  que  les 
conops  dont  il  parle  dans  ces  deux  derniers  passages,  sont 
ces  petites  mouches  que  l'on  voit  voltiger  autour  des  vases 
renfermant  des  liqueurs  fermentées  et  qui  y  déposent  leurs 
œufs.  Le  conops  mentionné  dans  le  premier  passage ,  nous 
montrant  un  diptère  sanguisuge  peut  s'entendre  des  cousins. 


Il8  TABLEAU 

Les  OEléens  avaient  surnommé  Hercule  Comopius,  parce  qu'il 
avait  chassé  ces  insectes.  Apollon  avait  été  aussi  appelé  pour 
un  motif  semblable  Pamopion  par  les  Béotiens  -,  cornopeion 
désigne  chez  les  Grecs  une  cousinière  :  c'est  le  canopy  des  An- 
glais. Dans  un  passage  d'un  auteur  grec  cité  par  Mouffet ,  il  est 
parlé  d'un  empis  vivant  dans  les  lieux  marécageux  et  annelé 
de  blanc,  ce  qui  convient  très  bien  à  une  espèce  de  cousin, 
YannulatuSj  que  nous  trouvons  fréquemment  chez  nous  dans 
des  localités  analogues.  Pline  met  au  nombre  des  ennemis  des 
abeilles  le  mulio  espèce  de  cousin,  probablement  le  cnips 
d'Aristote.  Ainsi  les  mots  empis  etconops  désignent  générale- 
ment les  cousins  et  d'autres  petits  insectes.  Aussi  Gaza,  consi^ 
dérant  le  mot  culex  collectivement,  et  faisant  allusion  à  divers 
passages  d'Aristote  et  de  Pline ,  distingue-t-il  les  divers  in- 
sectes qu'il  comprend  sous  cette  dénomination  générique  ,  par 
celles  de  mulio ,  vinarius  ^  Jîcarius . 

Dans  le  cinquième  chapitre,  livre  second,  de  son  ffistoire 
des  Animaux,  et  à  l'occasion  des  scolex ,  Aristote  fait  men- 
tion de  vers  vivans  trouvés  dans  des  cavités  placées  sous  la 
racine  de  la  langue  des  cerfs.  Ce  sont  peut-être  les  larves 
d'une  espèce  d'œstre  ,  Réaumur  en  ayant  décrit  une ,  tome  V, 
page  69,  trouvée  dans  l'intérieur  du  palais  du  même  qua- 
drupède. 

Si  nous  voulions  parcourir  la  nomenclature  générique  des 
entomologistes  modernes ,  et  la  comparer  avec  celle  d'Aris- 
tote ,  nous  y  découvririons  aisément  grand  nombre  de  fausses 
applications.  Une  réforme  est  malheureusement  impossible 
parce  qu'elle  serait  pire  que  le  mal.  Il  me  suffira  de  vous 
prévenir  que  ceux  des  anciens  noms  employés  et  que  je  n'ai 
pas  cités  dans  mon  travail ,  sont  presque  tous  étrangers  à  l'en- 
tomologie. N'oubliez  pas  non  plus  que  ce  travail  n'est  qu'un 
simple  essai,  et  qui  sollicite  sous  ce  rapport,  et  vu  les  diffi- 
cultés dont  il  est  hérissé  ,  votre  bienveillante  indulgence. 

Les  auteurs  grecs  et  latins  sont  les  seuls  que  j'aie  consultés  ; 
mais  il  sera  peut-être  un  jour  possible  par  l'étude  des  langues 
orientales    d'étendre    beaucoup   plus   loin    ces    recherches. 


DE    l'histoire    de    L  ENTOMOLOGIE.  II9 

L'extrait  d'une  encyclopédie  japonaise  publiée  par  M.  Abel 
Rémusat ,  semble ,  à  raison  du  nombre  des  insectes  qui  y  sont 
cités ,  figurés  et  disposés  dans  un  certain  ordre ,  ouvrir  à  la 
critique  et  à  l'observation  un  nouveau  champ  \  mais,  outre  que 
ce  savant  s'est  borné  uniquement  à  la  nomenclature  et  que 
nous  attendons  une  traduction  complète ,  un  semblable  tra- 
vail exigerait  un  temps  assez  considérable  sur  lequel  à  mon 
âge  je  ne  puis  guère  plus  compter,  et  que  je  puis  mieux  em- 
ployer. D'après  la  manière  dont  les  insectes  sont  classés  dans 
cet  ouvrage ,  les  Chinois  et  les  Japonais  sont  bien  inférieurs 
sous  le  rapport  de  la  méthode  aux  auteurs  anciens  dont  j'ai 
ex-posé  les  connaissances  ,  et  je  ne  partage  nullement  l'opinion 
de  l'un  de  mes  plus  savans  confrères  qui,  au  sujet  de  la  défi- 
nition qu'ils  ont  donnée  des  insectes  ,  avait  pensé  qu'elle  était 
le  fruit  de  profondes  méditations. 

De  grands  événemens  politiques  et  la  régénération  des 
lettres  précèdent  la  seconde  période.  Les  Arabes  définitive- 
ment expulsés  de  l'Espagne,  dont  néanmoins,  quoique  maho- 
métans,  ils  avaient  été  les  bienfaiteurs  sous  les  rapports  de 
l'agriculture ,  des  sciences  et  des  arts  -,  le  renversement  de 
l'empire  grec ,  que  les  souverains  de  l'Occident  auraient  pu 
empêcher,  avec  moins  de  perte  de  sang  qu'il  n'en  a  coûté  pour 
en  rétablir  une  portion  -,  la  terre  des  Miltiade ,  des  Solon ,  des 
Lycurgue,  des  Démosthène,  souillée  par  la  présence  d'un 
peuple  alors  ennemi  de  toute  instruction ,  et  de  toute  société 
qui  ne  croyait  pas  au  Coran  -,  les  lumières  quittant  les  lieux  où 
elles  avaient  si  long-temps  brillé  avec  tant  d'éclat ,  cher- 
chant un  asyle  dans  cette  Italie,  qui  jadis  avait  été  leur  tri- 
butaire, et  récompensant  noblement  l'immortel  Laurent  de 
Médicis  de  l'hospitalité  qu'il  leur  donne  et  de  son  zèle  à  les 
propager  -,  la  fondation  d'une  trentaine  d'universités  dans  les 
diverses  parties  de  l'Europe  \  la  découverte  d'un  nouveau 
monde  ,  pour  lequel  il  eût  été  peut-être  plus  heureux  de  de- 
meurer inconnu  -,  celle  de  l'imprimerie  ,  source  de  tant  de 
biens  et  de  tant  de  maux,  voilà,  Messieurs ,  les  événemens 
qui  marquent  la  fin  du  xv*"  siècle.  Depuis  près  de  deux  mille 


I20  TABLEA.U 

ans  les  sciences  naturelles  n'avaient  fait  aucun  progrès,  et 
bientôt ,  dans  l'espace  de  trois  siècles ,  elles  vont  prendre  un 
essor  si  rapide,  que  le  même  homme  ne  peut  aujourd'hui  en 
embrasser  avec  avantage  qu'une  seule  branche  ,  et  que  s'il 
perd  un  instant  de  vue  les  objets  de  ses  éludes,  il  reste  pour 
toujours,  à  moins  d'efforts  inouïs,  en  arrière  de  l'état  pré- 
sent de  la  science.  La  France  peut  se  glorifier  d'avoir  donné  le 
jour  à  Belon  et  à  Rondelet,  qui ,  avec  Gesner,  sont  les  pères 
de  la  zoologie  moderne.  Aucun  d'eux  cependant  n*a  traité 
des  insectes  ,  mais  ils  ont  donné  une  attention  particulière  aux 
crustacés,  à  raison  des  rapports  qu'ils  leur  trouvaient  avec  les 
poissons,  et  ils  en  ont  figuré  plusieurs.  Parmi  les  voyages  en- 
trepris dans  l'intérêt  des  sciences  naturelles  ,  celui  de  Belon 
au  Levant  est  peut-être  le  premier  à  citer.  Il  eut  des  imita- 
teurs,  témoin  Flacourt,  qui,  dans  sa  description  de  l'île  de 
Madagascar  publiée  vers  le  milieu  du  xvi''  siècle ,  représente 
des  plantes  et  des  animaux  propres  à  cette  île.  Nous  mention- 
nerons encore  Pison  et  Marcgrave.  L'histoire  des  poissons  de 
Rondelet  nous  offre  plusieurs  observations  curieuses  sur  leur 
respiration.  De  la  même  époque  date  aussi  la  formation  des 
premiers  musées.  Sans  approuver  l'érudition  fastidieuse  et 
dénuée  de  critique  qui  règne  dans  les  écrits  d'Aldrovande , 
mort  aveugle  en  i6o5 ,  pourrait-on  ne  pas  admirer  sa  patience 
et  son  zèle  infatigable ,  puisque  ses  écrits ,  tous  consacrés  à 
l'histoire  naturelle  ,  accompagnés  aussi  de  figures  en  bois ,  se 
composent  de  quinze  volumes  in-folio  ,  dont  plusieurs  im- 
primés après  sa  mort  ?  Dans  l'un  d'eux  il  traite  des  mollusques 
et  des  crustacés  5  quelques  uns  de  ces  derniers  étaient  in- 
connus. Les  insectes  sont  l'objet  d'un  autre  volume,  qui  est 
divisé  en  sept  livres  où  il  passe  successivement  en  revue  les 
abeilles ,  les  insectes  à  quatre  ailes  nues ,  les  diptères ,  les 
coléoptères  avec  lesquels  il  range  les  orthoptères  comme  les 
sauterelles  ,  les  mantes,  etc. ,  les  insectes  aptères  pourvus  de 
pieds,  les  vers,  ceux  qu'il  nomme  insectes  aquatiques,  dont  les 
sangsues  et  les  astéries  font  partie.  Le  théâtre  des  insectes  de 
Mouffet,  imprimé  en  i634,  est,  pour  celte  époque,  très  rc- 


DE    L  HISTOIRE    DE    L  ENTOMOLOGIE.  121 

marquable.  Il  y  en  a  représenté  un  grand  nombre  d'espèces ,  et 
dont  plusieurs  ont  été  données  depuis  comme  inédites.  C'est 
sur  la  présence  et  l'absence  des  ailes  qu'il  fonde  ses  deux  pre- 
mières divisions.  Il  partage  ceux  qui  n'en  ont  point ,  ou  les 
aptères ,  en  terrestres  et  en  aquatiques  ^  ceux-là  se  lient  ainsi 
aux  premiers,  qui  sont  tous  pareillement  terrestres.  Quant  aux 
subdivisions,  elles  sont  également  fondées  sur  les  organes 
propres  à  la  marclie  et  sur  leur  nombre. 

Nous  avons  principalement  caractérisé  la  troisième  période 
de  l'Histoire  de  l'Entomologie  par  des  recherches  expérimen- 
tales, dont  le  résuLtat  fut  de  détruire  le  faux  principe  de  la 
génération  spontanée ,  de  nous  mieux  faire  connaître  les  mé- 
tamorphoses des  insectes ,  et  de  nous  introduire  dans  une 
nouvelle  carrière,  celle  de  l'anatomie  de  ces  animaux,  sans 
les  lumières  de  laquelle  il  est  impossible  de  fonder  une  mé- 
thode naturelle  inébranlable.  Tels  sont  les  titres  de  gloire  de 
Malpighi,  de  Redi,  de  Swammerdam,  de  Leeuwenhoek ,  etc. 
Le  premier  nous  dévoila  l'organisation  intérieure  du  ver  à 
soie  -,  mais  en  considérant  le  vaisseau  dorsal  comme  un  organe 
circulatoire,  il  tomba  dans  une  erreur  capitale,  qui,  ainsi 
que  nous  l'avons  déjà  remarqué,  s'est  maintenue  jusque  dans 
ces  derniers  temps.  Bravant  l'opinion  de  son  siècle  et  de  toute 
l'antiquité,  Harvey  avança  le  premier  que  tout  être  vivant  est 
le  produit  d'une  semence.  Saisissant  cette  idée  enfantée  par 
le  génie ,  Redi  se  livra  à  des  expériences  simples ,  et  propres 
à  en  constater  la  vérité.  Elles  lui  montrèrent  que  toute  chair 
enfermée  hermétiquement  ou  à  l'abri  de  toute  communica- 
tion avec  les  agens  extérieurs,  n'engendrait  jamais,  quoique 
putréfiée  ,  aucune  espèce  de  vers ,  mais  qu'il  n'en  était  pas 
ainsi  des  viandes  exposées  à  l'air.  A  ces  recherches  il  joignit 
des  observations  sur  un  grand  nombre  d'espèces  du  genre 
pediculus  de  Linné;  et  quoique  les  figures  qu'il  en  a  données 
soient  assez  grossières,  on  est  encore  aujourd'hui  obligé  d'y 
recourir.  Le  célèbre  Boerhaave ,  aidé ,  quant  à  la  traduction 
du  hollandais  en  latin  par  Ganhius,  savant  des  plus  distingués 
par  ses  connaissances  en  anatomie  et  en  chimie ,  rassembla 


122  TABLEAU 


tous  les  ouvrages  de  Swammerdam ,  et  les  réunit  en  un  seul 
corps,  sous  le  titre  de  Biblia  naturœ,  monument  admirable 
de  la  patience ,  de  l'ardeur  infatigable ,  de  la  dextérité  et  de 
la  sagacité  de  l'auteur,  qui  était  sans  cesse  arrêté  par  la  né- 
cessité de  créer  de  nouveaux  moyens  d'investigation. 

L'anatomie  de  la  seiche  officinale,  que  Linné  cependant, 
et  d'autres  naturalistes ,  par  un  oubli  inconcevable ,  n'ont 
point  citée  dans  leur  synonymie  des  céphalopodes ,  celle  de 
divers  mollusques,  de  plusieurs  insectes  considérés  dans  leurs 
divers  états ,  une  étude  suivie  des  métamorphoses  de  ces  ani- 
maux et  de  celles  de  la  grenouille,  plur=^ieurs  autres  obser- 
vations importantes ,  du  moins  sous  le  rapport  de  la  nou- 
veauté ,  la  découverte  du  galvanisme ,  ou  du  moins  des  expé- 
riences qui  y  conduisent  directement  ;  voilà ,  Messieurs  ,  les 
objets  les  plus  saillans  que  vous  présentera  cet  immortel  ou- 
vrage. Si ,  parmi  les  recherches  anatomiques,  celle  qui  a  pour 
objet  une  espèce  de  céphalopode  est  digne  d'une  mention 
spéciale ,  nous  vous  ferons  remarquer  que  c'est  aussi  par  un 
Mémoire  sur  ces  mêmes  animaux  que  le  plus  célèbre  zooto- 
miste  de  notre  âge ,  M.  le  baron  Cuvier,  a  commencé  son 
illustration,  et  qu'Aristote,  plus  de  deux  mille  ans  aupara- 
vant, en  avait  pareillement  fait  une  étude  particulière.  Dans 
mes  généralités  sur  la  classe  des  insectes,  j'exposerai  les  di- 
verses sortes  de  transformations  qu'ils  subissent ,  et  d'après 
lesquelles  Swammerdam  a  distribué  ces  animaux.  Mais  avant 
de  terminer  ce  que  j'avais  à  dire  sur  cet  auteur,  je  vous  cite- 
rai, pour  preuve  de  sa  dextérité,  qu'il  parvint  à  retirer  de 
l'intérieur  d'une  chenille  son  papillon  ,  et  à  démontrer  ainsi 
que  cette  chenille  n'était  pour  lui  qu'un  masque  formé  de 
[)lusieurs  enveloppes;  c'est  ce  qu'il  fit  voir,  en  1668,  à  deux 
savans ,  Magalotti  et  Thévenot. 

L'ouvrage  de  Leeuwenhoek,  intitulé  Arcana  naturœ,  est 
encore  un  recueil  précieux  d'observations  entomologiques,  et 
de  quelques  autres  relatives  à  la  physiologie  végétale.  Nous 
citerons  entre  autres  son  histoire  complète  de  la  puce,  sa 
description  de  la  trompe  du  cousin,  de  celle  du  pou ,  de  l'ai- 


DE    L  HISTOIRE    DE    L  ENTOMOLOGIE.  12D 

pulUon  du  scorpion ,  ses  observations  sur  les  araignées ,  sur 
divers  acarus ,  des  fourmis,  etc. 

Lister  ne  s'est  point  borné  à  l'étude  des  coquilles.  Son  petit 
traité  sur  les  araignées  de  l'Angleterre,  quoique  antérieur  à 
notre  âge  d'un  siècle  et  demi,  peut  encore  être  proposé  aux 
monographes  comme  un  excellent  modèle  à  suivre,  et  n'a  été 
surpassé,  en  ce  genre  d'observations,  que  par  l'un  de  mes 
plus  illustres  confrères  de  l'Institut ,  M.  le  baron  Walckenaer, 
qui  5  employant ,  selon  les  principes  de  Fabricius ,  les  organes 
de  la  manducation ,  décrivant  les  autres  d'une  manière  plus 
complète,  et  embrassant  le  genre  araneade  Linné  dans  toute 
son  étendue ,  est  devenu  le  suprême  législateur  de  cette  bran- 
che de  l'entomologie.  Lister  a  aussi  publié  un  appendice  sur 
les  scarabées  de  l'Angleterre,  et  distribué  d'une  manière  mé- 
thodique l'ouvrage  de  Goedaert,  sur  les  métamorphoses  des 
insectes,  qui  en  avait  suivi  un  assez  grand  nombre ,  mais  avec 
un  esprit  imbu  de  préjugés,  et  de  cette  fausse  idée  que  les 
dessins  des  objets  mentionnés  par  lui  devaient  suffire,  ou 
n'avaient  pas  besoin  de  description. 

Wallisnieri  devança  Réaumur,  quant  à  l'histoire  du  four- 
milion et  à  celle  de  diverses  espèces  d'œstres ,  de  criocères  et 
de  quelques  hyménoptères.  Il  avait  aussi  observé  les  méta- 
morphoses de  la  puce  commune,  sujet  qui,  depuis  des  re- 
cherches postérieures  aux  précédentes ,  celles  de  B.œsel ,  ne 
laisserait  plus  rien  à  désirer  si  l'anatomie  l'avait  éclairé. 

Petiver  introduisit,  en  entomologie,  l'usage  déjà  établi  en 
botanique ,  de  signaler  les  espèces  en  raccourci ,  c'est-à-dire 
par  des  phrases ,  mais  peu  rigoureuses ,  et  admettant  des  com- 
paraisons relatives  de  grandeurs  qui  devaient  en  être  exclues. 
Willughby  et  Ray  décrivirent ,  avec  beaucoup  plus  d'éten- 
due et  d'exactitude  qu'on  ne  l'avait  fait  jusqu'alors,  et  en 
rejetant  ce  fatras  d'érudition  surannée  et  ces  formulaires  phar- 
maceutiques qui  composaient  au  moins  les  deux  tiers  des  ou- 
vrages précédens ,  un  grand  nombre  d'espèces  de  la  Grande- 
Bretagne,  et  les  disposèrent  selon  une  nouvelle  méthode  ayant 
pour  base,  ([uant  aux  insectes  sujets  aux  métamorphoses,  les 


I  ll\  TABLEAU 

principes  de  Swammerdam.  Ceux  qui  n'en  éprouvent  point, 
les  amétamorphotes ,  les  amétabolies  du  docteur  Leach ,  ou 
mes  homotènes  (semblables  jusqu'à  la  fin),  sont  apodes  ou 
munis  de  pieds.  Les  premiers  sont  terrestres  ou  aquatiques. 
Ainsi,  les  annélides  et  les  vers  restent  avec  les  insectes.  Les 
différences  numériques  des  pieds ,  celle  des  milieux  d'habita- 
tion ,  la  présence  ou  l'absence  d'une  queue ,  la  grandeur  et  la 
forme  du  corps,  fournissent  les  caractères  des  autres  divisions. 
Les  insectes  sujets  à  des  métamorphoses,  les  métamorpha- 
mènes,  ou  les  métabolies  de  M.  Leach,  c'est-à-dire  encore 
mes  polymorphes ,  sont  d'abord  distribués  en  trois  sections 
principales,  d'après  la  nature  de  ces  transformations  :  i°.  mé- 
tamorphose demi-complète ,  celle  où  l'insecte  est  hexapode  et 
actif  dans  tous  les  états-,   2°.  métamorphose  incomplète  ou 
enveloppée  {obtecfa  de  Linné),  c'est-à-dire  celle  où  les  nym- 
phes sont  inactives ,  où  l'on  distingue  à  l'extérieur  les  prin- 
cipaux organes  de  l'animal  parfait ,  et  qui  n'est  arrivée  à  cet 
état  que  par  des  mues  successives-^  et,  3°.  métamorphose  res- 
serrée (contracta,  Linné)  ou  oviforme,  celle  où  la  peau  de  la 
larve  devient  pour  la  nymphe  une  coque  en  forme  d'oeuf,  sans 
traces  distinctes  des  organes  extérieurs  ;  celle-ci  n'est  propre 
qu'à  certains  diptères,  ceux  particulièrement  du  genre  musca 
de  Linné.  Les  hémiptères,  les  orthoptères,  et  plusieurs  névrop- 
tères  appartiennent  à  lapremière  section .  La  seconde  comprend 
des  insectes,  tantôt  ayant  des  élytres,  tels  sont  les  coléoptères-, 
tantôt  sans  élytres ,  et  dont  les  uns ,  comme  les  lépidoptères , 
ont  des  ailes  farineuses ,  et  les  autres  les  ont  nues  et  membra- 
neuses. Ceux-ci  se  divisent  en  diptères  et  en  tétraptères.  Parmi 
les  derniers ,  les  uns  sont  réunis  en  société,  et  construisent  des 
gâteaux  alvéolaires  ^  les  autres  n'en  font  point,  et  sont  solitaires. 
Les  hémiptères,  les  névroplères,  qui  composent  des  ordres  si 
naturels,  offrant  cependant  des  métamorphoses  de  la  seconde 
et  de  la  troisième  sorte  ,  se  trouvent ,  d'après  cette  classifica- 
tion, dilacérés,  et  l'on  voit  dès-lors  que  les  caractères  doivent 
être  pris  avant  tout  de  l'insecte  parfait.  Nous  préviendrons 
aussi  que ,  dans  la  manière  de  voir  de  Linné,  l'insecte  qui,  à 


DE    l'histoire    de    L  ENTOMOLOGIE.  lîS 

sa  naissance  ,  jouit  de  toutes  ses  facultés  locomotiles,  comme 
les  arachnides  ,  les  cloportes,  etc. ,  appartient  à  cette  espèce 
de  métamorphose  qu'il  nomme  complète,  de  sorte  que  le  mot 
de  métamorphose  est  à  peu  près ,  pour  lui ,  synonyme  de  celui 
de  mue  complète. 

Le  domaine  de  la  science  s'était  déjà  tellement  agrandi,  que 
divers  auleurs  restreignaient  leurs  puhlications,  les  uns,  à 
des  faunes  locales  ^  d'autres,  à  la  description  des  collections  ; 
et  d'autres ,  à  celle  des  animaux  observés  au  microscope.  Il  y 
en  avait  même  dont  les  sujets  d'observation  étaient  encore  plus 
circonscrits. 

Les  crustacés,  dont  on  n'avait  jusqu'alors  traité  qu'acces- 
soirement, furent  l'objet  d'une  monographie,  qui  n'est,  à  la 
vérité,  qu'une  compilation  informe,  celle  de  Sachs,  publiée 
à  Francfort,  en  i665,  sous  le  titre  de  Gammarologia. 

L'intérêt,  ou  un  penchant  naturel,  déterminèrent  des  pein- 
tres à  faire  l'application  de  leurs  talens  à  l'entomologie.  Nous 
citerons  Aubriet,  Albin,  Blancard  ,  Hœfnagel ,  l'Amiral  le 
jeune,  Marie  Sybille  Mérian  ,  qui,  ayant  peint  beaucoup 
de  lépidoptères  d'Europe  dans  leurs  divers  âges,  entreprit, 
quoique  d'un  sexe  délicat  et  peu  accoutumé  à  braver  les  dan- 
gers d'un  voyage  maritime ,  de  se  transporter  à  Surinam  pour 
y  dessiner,  avec  leurs  couleurs  naturelles,  les  lépidoptères  de 
cette  colonie  hollandaise.  Avant  que  d'arriver  à  Réaumur,  nous 
croyons  ne  pas  devoir  passer  sous  silence  un  ouvrage ,  celui  de 
Frisch ,  qui ,  malgré  son  infériorité ,  sous  le  rapport  de  la  gra- 
vure des  planches  ,  à  beaucoup  d'autres  qui  avaient  paru  avant 
lui ,  n'est  pas  moins  remarquable  par  la  fidélité  du  trait,  par  le 
soin  que  son  auteur  y  a  mis  à  représenter  fidèlement  les  ailes 
des  insectes,  de  manière  à  montrer  qu'il  avait  déjà  senti  le 
parti  que  l'on  pourrait  tirer  un  jour,  pour  la  méthode,  de  la 
variété  de  leur  réticulation.  Il  y  figure  d'ailleurs  les  larves  et 
les  nymphes  de  plusieurs  de  ces  animaux. 

Si  je  voulais  inspirer  à  quelqu'un  le  goût  de  l'histoire  na- 
turelle, le  former  à  l'observation,  je  lui  mettrais  entre  les 
mains  les  Mémoires  de  Réaumur.  C'est,  et  je  crois  être  ici 


120  TABLEAU 

l'écho  de  l'opinion  générale ,  l'un  des  plus  grands  zoologistes 
qui  aient  jamais  existé.  Le  seul  défaut  qu'on  pourrait  lui  re- 
procher, c'est  d'avoir  donné  trop  de  confiance  aux  dessins  qui 
accompagnent  ses  Mémoires ,  et  d'avoir  ainsi  négligé  de  dé- 
crire les  objets  qu'ils  représentent,  ce  qui,  à  l'égard  de  quel- 
ques petites  espèces ,  nous  laisse  dans  l'incertitude  sous  le 
rapport  de  leur  détermination.  Vous  sentez,  Messieurs,  que 
je  ne  puis  vous  présenter  ici  un  extrait  des  Mémoires  de  ce 
grand  naturaliste.  Outre  que  nous  le  donnerons  en  traitant  à 
part  de  chaque  genre ,  je  vous  renverrai  au  discours  prélimi- 
naire qui  est  en  tête  de  la  partie  entomologique  de  Y  Encyclo- 
pédie méiliodique ,  où,  à  l'article  Réaumur,  vous  trouverez 
un  résumé  fort  étendu  de  ces  Mémoires.  Je  me  contenterai 
de  vous  citer  ceux  qui  sont  relatifs  aux  lépidoptères,  aux 
abeilles,  aux  guêpes,  aux  cigales,  aux  galles,  aux  libellules 
ou  demoiselles,  aux  pucerons,  et  à  divers  diptères.  Mais  je 
vous  inviterai  surtout  à  méditer  ceux  qui  ont  pour  objet  la 
classification  des  insectes ,  et  même  de  leurs  larves.  Je  regrette 
que  plusieurs  auteurs  modernes,  très  estimables  d'ailleurs, 
n'aient  pas  suivi  à  cet  égard  la  marche  qu'il  avait  tracée ,  ou 
qu'ils  aient  négligé  l'étude  de  certains  détails  absolument  in- 
dispensables pour  la  connaissance  approfondie  des  objets,  et 
sans  lesquels  on  ne  pourra  jamais  bien  distinguer  ces  animaux 
de  quelques  autres  qui  leur  ressemblent  par  la  masse  générale 
des  rapports.  C'est  ainsi ,  par  exemple ,  que  les  belles  figures 
d'Abbot  sur  les  chenilles  des  lépidoptères  de  la  Géorgie , 
celles  d'Hubner  sur  les  chenilles  des  lépidoptères  d'Europe , 
représentant  ces  animaux  de  grandeur  naturelle,  me  parais- 
sent insuffisantes,  en  ce  qu'elles  ne  font  point  assez  connaître 
la  forme  particulière  de  la  tête,  ni  celle  des  épines,  des  tu- 
bercules et  autres  éminences  qu'offrent  divers  anneaux  dans 
un  grand  nombre  d'espèces  ,  ni  la  manière  dont  les  pâtes 
membraneuses  sont  terminées.  Aucune  de  ces  considérations 
importantes  n'avait  échappé  à  Réaumur  -,  et ,  si  l'on  en  ex- 
cepte son  élève  De  Géer,  bien  peu  de  naturalistes  depuis  y 
ont  fait  allcnllon.  L'on  se  verra  contraint,  tôt  ou  tard,  de 


DE    L  HISTOIRE    DE    L  ENTOMOLOGIE.  I27 

revenir  sur  ces  oublis,  et  d'y  suppléer  par  des  figures  de  détails. 

Un  peintre  qui ,  par  la  multitude  de  ses  recherches  et  la 
variété  de  leurs  sujets,  est  en  quelque  sorte  le  Réaumur  de 
l'Allemagne ,  mais  qui  est  bien  loin  d'entrer  en  parallèle  avec 
lui  dans  la  manière  d'exposer  les  faits,  d'entraîner  le  lecteur 
par  les  agrémens  du  style,  et  qui  est  d'ailleurs  moins  instructif, 
parce  que  le  talent  de  l'artiste  prédomine  chez  lui  sur  le  génie 
du  naturaliste,  est  Rœsel;  Rléeman  et  Knorr  l'ont  continué. 

Nous  avons  dit  précédemment  que  l'un  des  caractères  se- 
condaires de  cette  troisième  période  de  l'entomologie ,  est 
l'emploi  du  burin  dans  la  gravure. 

Linné  ,  Fabricius  et  Cuvier  ouvriront  chacun  les  trois  der- 
nières périodes  de  la  science.  Celui-ci,  dans  sa  Biographie  du 
premier,  a  exposé  avec  son  talent  ordinaire  et  si  rare,  les 
services  éminens  qu'il  a  rendus  à  l'histoire  naturelle.  Que 
pourrais-je  maintenant  vous  dire  de  plus  sur  ce  sujet,  et 
quelles  couleurs  plus  brillantes  et  plus  vives  pourrais-je  y 
ajouter?  Tout  est  renfermé  dans  ce  peu  de  mots  :  Linné  a 
été  le  législateur  de  cette  branche  des  connaissances  humai- 
nes. Comment  y  parvint-il  relativement  aux  corps  organisés? 
1°.  en  étudiant  avec  soin  leur  composition  extérieure  et  gé- 
nérale, et  en  subordonnant  cette  connaissance  à  une  méthode 
qui  nommait,  définissait  et  classait  chaque  partie 5  2°.  en  dis- 
tribuant sur  des  similitudes  de  rapports  ces  êtres  en  divers 
groupes,  en  coordonnant  ces  coupes  d'après  la  diminution 
progressive  de  la  valeur  de  leurs  rapports,  en  une  sorte  de 
hiérarchie,  et  en  donnant  à  chacune  d'elles  un  nom  particu- 
lier tel  que  ceux  de  classes,  ordres,  familles,  genres;  3".  en 
nous  conduisant  ainsi  par  degrés  au  nec  plus  ultra  de  la  série, 
ou  à  son  dernier  terme,  l'espèce-,  \°,  enfin,  en  signalant 
d'une  manière  rigoureuse  et  la  plus  laconique  possible,  tous 
ces  groupes.  Les  premières  éditions  de  son  Systema  naturœ 
furent  d'abord  de  simples  essais  ou  des  tàtonnemens.  Les 
espèces  n'y  sont  point  nommées ,  et  l'on  ne  doit  pas  être  sur- 
pris que  l'historien  des  insectes  des  environs  de  Paris ,  Geof- 
froy, n'ayant  pas  à  l'époque  où  il  écrivait  d'autres  éditions. 


128  TABLKAU 

en  ait  agi  de  même.  Voilà  aussi  pourquoi  il  réunit  les  orthop- 
tères aux  coléoptères ,  Linné ,  qui  le  dirigeait ,  ayant  d'abord 
établi  la  même  association  ^  et ,  quoiqu'elle  fût  défectueuse ,  elle 
était  néanmoins  préférable  à  celle  que  le  dernier  a  faite  de- 
puis en  rassemblant  dans  l'ordre  des  hémiptères  des  insectes 
broyeurs  et  des  insectes  suceurs.  La  définition  qu'il  donne  de 
ces  animaux  étant  établie  sur  l'existence  de  plusieurs  pieds,  et  de 
ces  spiracules  latéraux  appelés  stigmates,  qui  servent  à  l'entrée 
de  l'air  nécessaire  à  la  respiration ,  ne  permet  pas  de  confon- 
dre les  insectes ,  avec  les  annélides  ni  avec  les  vers.  Les  diffé- 
rences de  milieux  d'habitation  et  les  métamorphoses  sont  exclues 
des  caractères  divisionnaires ,  ce  qui  dégage  la  méthode  des  en- 
traves qu'elle  éprouvait,  et  en  facilite  l'usage.  Linné,  cepen- 
dant ,  généralise  trop  le  caractère  tiré  des  stigmates ,  puisque 
les  crustacés  n'en  ont  point  et  respirent  par  des  branchies. 
D'après  sa  distribution  des  insectes ,  en  ceux  qui  sont  ailés  et 
ceux  qui  sont  aptères,  ces  crustacés,  les  arachnides  et  les 
myriapodes  sont  relégués  à  la  fin  de  la  classe ,  tandis  que  l'or- 
dre naturel  leur  assigne  la  prééminence. 

Brisson  jugea  mieux  ces  rapports.  Il  forma  une  classe  des 
crustacés ,  mais  dans  laquelle  il  comprit  les  arachnides  de 
M.  de  Lamarck ,  et  lui  donna  le  pas  sur  celle  des  insectes.  Les 
crustacés  de  cet  auteur  sont  positivement  les  insectes  apiro- 
podes  de  M.  Savigny.  C'est  à  M.  Cuvier  que  nous  sommes  re- 
devables du  redressement  de  la  méthode  à  cet  égard. 

Les  insectes  ailés  sont  distribués  par  Linné  en  six  ordres. 
Ceux  des  cinq  premiers  ont  quatre  ailes  ,  dont  les  deux  supé- 
rieures crustacées  et  à  suture  droite ,  dans  les  coléoptères  ou 
le  premier  ordre ,  et  semi-crustacées  et  croisées  dans  les  hé- 
miptères, ou  le  second.  Les  quatre  sont  membraneuses  dans 
les  trois  suivans.  Celle  des  lépidoptères,  le  troisième  ordre, 
sont  couvertes  de  petites  écailles  imbriquées  ^  celles  des  deux 
ordres  suivans,  les  névroplères  et  les  hyménoptères,  sont  nues. 
Ici  l'abdomen  porte  un  aiguillon  ^  là,  il  en  est  dépourvu.  Les 
diptères,  ouïes  insectes  du  sixième  ordre,  n'ont  que  deux  ailes, 
et  l'on  voit  à  la  place  des  inférieures  deux  balanciers.  Enfin, 


DE    l'histoire    de    L  ENTOMOLOGIE.  T^C) 

le  septième  et  dernier  ordre,  celui  des  aptères,  se  dislingue 
par  l'absence  constante  de  tout  organe  du  vol.  Les  lépidop- 
tères offrent  un  autre  caractère,  et  qui  est  unique,  celui  d'a- 
voir une  langue  roulée  en  spirale.  Geoffroy  suivit  Linné  ,  mais 
ne  fit  qu'un  seul  ordre  des  névroptères  et  des  hyménoptères , 
sous  la  dénomination  de  tétraptères  à  ailes  nues.  Il  remarqua 
que  cette  division  terminale  du  pied,  qu'il  nomme  tarse,  mais 
qui  est  plutôt  l'analogue  d'un  doigt ,  variait  quant  au  nombre 
de  ses  articulations ,  et  il  employa  avantageusement  ces  diffé- 
rences numériques.  Schaeffer,  de  Géer ,  Olivier  et  plusieurs 
autres  entomologistes  l'ont  imité. 

Scopoli ,  dans  son  entomologie  de  la  Carniole ,  désigna  sous 
le  nom  de  proboscidea  l'ordre  des  hémiptères  -,  sous  celui 
à'aculeata  l'ordre  des  hyménoptères;,  les  diptères  devinrent 
ses  halterata,  et  les  aptères  ses  pedestria.  Il  aurait  pu  et 
même  dû  se  dispenser  de  changer  la  nomenclature  linnéenne-, 
mais  on  lui  a  l'obligation  d'avoir  fait  le  premier  une  étude 
particulière  de  la  composition  de  la  trompe  des  diptères,  et 
d'avoir  donné  à  Fabricius  l'éveil  sur  l'utilité  d'employer  gé- 
néralement les  organes  de  la  manducation.  Dans  son  intro- 
duction à  {'Histoire  naturelle,  publiée  postérieurement  (1777), 
il  partagea  les  insectes  en  cinq  grandes  tribus  :  les  lucifuges, 
ou  les  aptères  de  Linné ,  formant  deux  races  :  les  crustacés  et 
les  pédiculaires  -,  les  gymnoptères  sont  divisés  en  trois  races  : 
les  porte-balanciers,  les  porte-aiguillon  et  les  porte-queue  ;  les 
lépidoptères  composent  aussi  trois  races  :  les  sphinx ,  les  pha- 
lènes et  les  papillons  5  les  proboscidés,  ou  les  hémiptères,  sont 
divisés  en  terrestres  et  en  aquatiques-,  enfin,  les  coléoptères  y 
sont  partagés  de  même,  et  d'une  manière  pareillement  vicieuse. 

Encouragé  par  Réaumur,  le  prenant  pour  modèle,  et  ne 
négligeant  aucun  genre  d'observations ,  mais  formé  aussi  à 
l'école  de  Linné ,  descripteur  non  moins  exact  que  lui ,  et 
s'appesantissant  davantage  sur  les  détails ,  profitant  aussi  des 
améliorations  qu'avaient  faites  à  sa  méthode  Geoffroy  etSchcTf- 
fer ,  de  Géer  en  donna  une  nouvelle ,  et  répara  quelques  dé- 
fauts de  la  précédente  par  de  nouveaux  ordres,  mais  moins 

9 


l3o  TABLE  A.U 

naturelle  dans  sa  disposition.  Ainsi  que  Linné,  il  divise  les 
insectes  en  ailés  et  en  aptères.  Il  met  en  tête  des  ailés,  com- 
posant une  première  classe  générale,  ceux  dont  les  quatre  ailes 
sont  découvertes ,  et  dont  il  fait  un  premier  ordre  divisé  en 
cinq  classes  :  les  lépidoptères,  les  névroptères  sans  mandibules, 
ou  les  agnathes  de  M.  Cuvier,  et  comprenant  les  genres  phrj- 
ganea  et  ephemera  de  Linné  5  les  névroptères  de  celui-ci 
moins  les  deux  genres  précédens ,  les  hyménoptères,  et  enfin 
ceux  de  mes  hémiptères  que  j'appelle  homoptères,  en  en  re- 
tranchant les  gallinsectes.  Dans  son  second  ordre  ,  deux  étuis 
coriaces  ou  écailleux  recouvrent  deux  ailes.  Il  le  partage  en 
trois  classes  :  les  hémiptères  formant  ma  section  des  hétérop- 
tères,  les  dermaptères,  ou  les  orthoptères  d'Olivier,  et  les 
coléoptères.  Les  insectes  du  troisième  ordre  n'ont  que  deux 
ailes  et  qui  sont  découvertes.  Les  uns  ont  des  balanciers  sous 
les  ailes  et  une  trompe  sans  dents-,  c'est  la  classe  des  diptères, 
la  neuvième  de  sa  série  ;  les  autres  n'ont  point  de  balanciers, 
les  mâles  seuls  sont  ailés  ,  et  n'offrent  ni  trompe  ni  dents  ;  ce 
sont  les  gallinsectes,  ou  les  cocus  de  Linné.  Enfin ,  la  seconde 
classe  générale,  celle  des  insectes  sans  ailes,  se  divise  en  deux 
ordres ,  d'après  les  métamorphoses.  Ceux  qui  y  sont  sujets,  ou 
les  premiers,  composent  une  classe,  la  onzième,  et  qui  ré- 
pond à  mon  ordre  des  suceurs  ou  au  genre  pulex  de  Linné. 
Ces  insectes  ont  six  pâtes  et  une  trompe  sans  dents.  Ceux 
qui  n'éprouvent  aucune  transformation  sont  distribués  d'a- 
près le  nombre  des  pieds ,  six  ,  huit ,  dix ,  quatorze  et  plus , 
en  trois  autres  et  dernières  classes  (quatorze  en  tout).  La 
première  renferme  nos  parasites  et  nos  thysanoures  5  la  se- 
conde les  arachnides  et  nos  crustacés  décapodes  et  branchio- 
podes  ^  la  dernière ,  nos  autres  crustacés  et  nos  myriapodes. 
Olivier  s'est  contenté  d'ajouter  aux  ordres  de  la  méthode 
de  Linné  celui  des  orthoptères  déjà  établi  par  de  Géer,  et  il 
les  a  distribués  dans  une  série  calquée  sur  celle  de  ce  der- 
nier naturaliste.  J'ai  dit  plus  haut  qu'une  telle  disposition 
était  moins  naturelle  que  celle  de  Linné.  Pourquoi,  en  effet, 
ne  pas  commencer  par  les  coléoptères ,  qui  sont  à  coup  sûr  les 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  i3i 

insectes  dont  l'organisation  est  la  plus  avancée ,  et  quels  rap- 
ports y  a-t-il  entre  eux  et  les  diptères,  qui,  dans  celte  méthode, 
leur  succèdent  immédiatement  ?  Mais  en  blâmant  son  ordon- 
nance méthodique ,  je  ne  puis  m'empécher  de  lui  rendre  cette 
justice,  qu'il  a  singulièrement  contribué  à  l'avancement  de 
l'Entomologie.  Son  ouvrage  sur  les  coléoptères,  formant  six 
volumes  in-4°.  *,  ceux  qu'il  a  publiés  dans  l'Encyclopédie  mé- 
thodique-, ses  voyages  en  Angleterre,  en  Hollande,  dans  la 
Turquie,  l'Egypte,  la  Syrie  et  la  Perse,  sont  des  preuves 
irréfragables  de  son  dévouement  et  de  sa  persévérance.  Lié 
avec  lui  quelques  années  avant  notre  révolution ,  il  n'a  cessé 
de  m'encourager  et  de  me  donner  des  témoignages  de  l'amitié 
la  plus  sincère.  Si  donc  mes  travaux  m'ont  acquis  quelques 
droits  à  votre  reconnaissance,  veuillez  en  déverser  une  partie 
sur  celui  qui  les  a  favorisés  de  tout  son  pouvoir.  De  même  que 
de  Géer  avait  mis  à  profit  le  caractère  tiré  des  tarses,  introduit 
par  Geoffroy,  de  même  aussi  Olivier  a  fait  usage  des  organes 
de  la  manducation  employés  par  Fabricius,  en  se  restreignant 
toutefois  dans  les  signalemens  génériques  à  ceux  de  ces  orga- 
nes qu'il  est  plus  facile  d'observer,  tels  que  les  mandibules  et 
les  palpes.  On  ne  peut  disconvenir  que  ces  parties,  ainsi  que 
les  antennes  et  les  ailes ,  ne  fournissent  des  caractères  de  pre- 
mière valeur.  Mais  puisqu'on  leur  avait  associé  ceux  que  pré- 
sentent les  tarses,  pourquoi  négliger  d'autres  considérations 
organiques  ,  lorsque  leur  emploi  prête  de  nouveaux  secours  à 
la  méthode  ?  Aussi,  sentant  dès  mes  premiers  essais  le  besoin  de 
l'asseoir  sur  une  base  plus  large  -,  de  lui  donner  une  sorte  d'élas- 
ticité qui  la  mît  en  rapport  avec  ses  progrès  et  les  découvertes 
futures,  je  ne  me  suis  attaché  exclusivement  à  aucun  organe. 
Partout  où  j'ai  cru  apercevoir  quelque  caractère  important  et 
propre  à  signaler  une  coupe  ,  je  l'ai  saisi  avec  empressement. 
Voilà  ce  qui  m'a  valu  de  la  part  de  l'un  des  premiers  natura- 
listes de  notre  âge ,  M.  Rirby,  dont  l'Angleterre  se  glorifie  à 
juste  titre,  la  qualification  de  fondateur  de  la  méthode  éclecti- 
que. Il  est  inutile  devons  en  faire  actuellement  l'exposition. 
Puisqu'elle  est  la  base  de  mon  enseignement,  j'aurai  occasion 


l3l  TABLEAU 

de  VOUS  la  développer  et  de  vous  en  facililer  l'étude,  soit  avec 
les  objets  mêmes,  soit  avec  les  excellentes  figures  de  l'icono- 
graphie de  M.  Guérin.  Ce  n'est  pas  non  plus  à  moi  qu'il  ap- 
partient de  la  juger  j  je  crois  néanmoins  pouvoir  affirmer, 
sans  manquer  aux  convenances,  que  j'ai  fait  preuve  de  mon 
dévouement  à  la  science.  Déjà  plus  d'un  demi-siècle  s'est  écoulé 
depuis  que  j'ai  commencé  à  la  cultiver,  et  mes  premières  pu- 
blications ont  quarante  ans  de  date.  Mais  elle  m'a  amplement 
récompensé  des  efforts  et  des  sacrifices  que  j'ai  faits  pour 
elle.  11  n'existe  en  Europe  qu'une  seule  chaire  d'entomologie, 
et  je  suis  le  premier  qui  l'occupe.  Désirez-vous,  au  surplus, 
avoir  une  connaissance  plus  approfondie  des  diverses  méthodes 
entomologiques  ?  Consultez  l'excellent  ouvrage  que  M.  Kirby 
a  publié  dans  sa  propre  langue,  conjointement  avec  son  ami 
M.  Spence  ,  ayant  pour  titre  :  Introduction  à  V Entomologie  y 
ses  élémens  y  sont  exposés  avec  beaucoup  d'étendue  ,  et  for- 
tifiés par  de  bonnes  figures. 

Vous  sentez,  Messieurs,  que  je  ne  puis  vous  esquisser  ici 
que  les  méthodes  qui  ont  véritablement  un  caractère  d'origi- 
nalité, et  que  je  ne  considère  point  comme  telles  celles  qui  ne 
sont  que  des  reviremens  des  anciennes,  ou  des  méthodes  retour- 
nées n'apprenant  rien  et  souvent  plus  pernicieuses  qu'utiles. 

Vous  distinguerez  encore  parmi  elles  celles  que  l'on  pour- 
rait nommer  mixtes ,  parce  qu'elles  sont  une  combinaison  du 
système  alaire  fondé  par  Linné  ,  et  du  système  buccal  dont 
Fabricius  est  l'auteur;  telles  sont  celle  d'Olivier.^  dont  j'ai 
parlé  ,  et  quelques  autres. 

Exposons  maintenant  succinctement  ce  dernier  système  , 
qui ,  par  sa  nouveauté  et  l'influence  qu'il  a  eue ,  forme  le 
point  de  départ  de  notre  cinquième  période. 

Puisque  les  zoologistes,  à  l'égard  des  animaux  supérieurs  ou 
vertébrés,  avaient  tiré  un  parti  avantageux  des  instrumens 
que  la  nature  leur  a  donnés  pour  saisir  leurs  alimens  et  les 
rendre  propres  à  la  déglutition  et  à  la  nutrition  ,  il  était  à 
présumer  que  les  mêmes  organes  pourraient  aussi ,  quant  aux 
autres  animaux  ,  fournir  de  bons  caractères.  Nous  avons  dit 


DE  l'histoire  de  l'entomologie.  i33 

que  Scopoli  en  avait  fait  l'application  aux  insectes  diptères  : 
Jean-Chrétien  Fabricius,  danois  et  disciple  de  Linné,  conçut 
le  projet  de  généraliser  cette  application  ,  et  il  l'exécuta  dans 
son  Système  d'entomologie ,  qui  parut  en  m'jS.  Les  insectes, 
pris  dans  l'acception  linnéenne  ,  n'y  furent  d'abord  rangés 
qu'en  huit  classes  ou  ordres  5  mais  depuis  il  en  a  augmenté 
le  nombre  de  cinq.  J'ai  cherché  ,  par  le  moyen  de  l'analyse,  à 
en  simplifier  l'exposition  ;  ils  me  paraissent  subordonnés  aux 
divisions  principales  suivantes  : 

1°.  Deux  mâchoires  ;  deux  antennes  ^  quatre  à  six  palpes , 
dont  deux  ou  quatre  maxillaires. 
CLASSE  L  Éleutérates    (  coléoptères  ).    Mâchoires  nues , 

libres. 

CLASSE  IL  Ulonates  (ortJioptères).  Mâchoires  recouvertes 
d'une  pièce  en  forme  de  petit  casque  (galea)  et  obtuse. 

CLASSE  IIL  Synistates  (les  genres  lepisma ,  podura,  et  les 
névr  opter  es ,  moins  les  libellules  ).  Mâchaires  coudées  à 
leur  base  et  réunies  avec  la  lèvre. 

CLASSE  IV.  PiÉzATES  (les  hyménoptères).  Mâchoires  cor- 
nées, comprimées,  souvent  allongées. 
2°.  Deux  mâchoires,  deux  antennes,  deux  palpes  et  maxil- 
laires. 

CLASSE  V.  Odonates  (le  g.  lihellula  de  Linné). 
3°.  Deux  mâchoires  sans  palpes,  deux  antennes. 

CLASSE  VI.  MiTOSATEs  (les  g.  scolopendra,  lulus). 
4°.  Deux  mâchoires  onguiculées,  point  d'antennes. 

CLASSE  Vn.  Unogates  (les  g.  solpuga,  aranea,  plialan- 
gium,  scorpio.) 
5°.  Plusieurs  mâchoires. 
Tantôt  elles  sont  recouvertes  par  une  lèvre. 

CLASSE  MIL  P0LVGONATES  (les  g.  oniscus  de  Linné,  et  celui 
de  monoculus  du  même,  à  l'exception  de  l'espèce  nom- 
mée polyphemus  et  autres  analogues). 
Tantôt  elles  sont  en  dehors  de  la  lèvre. 
Ici,  non  recouvertes  par  des  palpes. 


l34  TABLEAU 

CLASSE  IX,   Kleistagnates  [décapodes  hrachjures,  et  le 
g.   limulus  y  formé  avec  le  monoculus  poljpliemus  de 
Linné  ). 
Là ,  recouvertes  par  des  palpes. 

CLASSE  X.  ExocHNATEs  {décapodes  macroures  et  amphi- 
podes). 
6°.  Point  de  mâchoires ,  une  langue  ou  une  trompe. 

CLASSE  XL  Glossates  (lépidoptères).  Une  langue  roulée 
en  spirale ,  entre  des  palpes  recourbés. 

CLASSE  XIL  Ryngates  (hémiptères).  Une  trompe  en  forme 
de  bec  articulé  extérieurement. 

CLASSÉ  XIIL  Antliates  (diptères,  et  les  g.  pjcnogonum , 
pediculus  et  acarus).  Une  trompe  en  forme  de  suçoir 
inarticulé. 

On  voit  par  ce  résumé  que  Fabricius  divise  les  insectes  en 
broyeurs  et  en  suceurs ,  et  les  premiers  d'après  le  nombre  des 
mâchoires ,  la  présence  ou  l'absence  des  antennes ,  celle  des 
palpes,  et  leur  nombre.  L'idée  de  ce  premier  partage  lui  est 
donc  propre,  et  MM.  de  Lamarck  et  Clairville  ne  l'ont  présenté 
que  d'une  manière  plus  claire  et  plus  explicite.  Le  premier  a 
eu  le  bon  esprit  de  ne  rien  innover  quant  à  la  nomenclature 
des  ordres  linnéens,  mais  le  second  n'en  a  conservé  qu'une 
seule  dénomination,  celle  de  l'ordre  des  aptères. 

Long-temps  avant  Fabricius  on  avait  signalé ,  de  la  même 
manière ,  les  ordres  de  la  division  des  insectes  suceurs  \  mais 
celle  des  insectes  broyeurs  fondée  sur  le  nombre  des  mâ- 
choires, quoique  inexacte  dans  les  détails,  lui  appartient.  Les 
caractères  qu'il  assigne  aux  ordres  où  l'on  ne  trouve  que  deux 
de  ces  organes ,  ne  pourraient  soutenir  un  examen  tant  soit 
peu  sévère,  et  on  peut  les  considérer  comme  nuls.  Après  Oli- 
vier et  moi,  M.  Savigny,  l'un  de  mes  collègues  à  l'Académie 
des  Sciences,  est  celui  qui  a  le  plus  étudié  les  organes  de  la 
manducalion  de  ces  animaux-,  et,  sous  le  rapport  de  leur 
connaissance  complète  et  de  l'exactitude  scrupuleuse ,  il  s'est 


DE    L*HrSTOmE    DE    L  ENTOMOLOGIE.  l'55 

montré  supérieur  à  tous  les  entomologistes  précédens.  J'avais 
aperçu  et  dit  avant  lui,  que  la  bouche  des  insectes  suceurs 
n'était  qu'une  modification  de  celle  des  broyeurs-,  mais  je 
n'avais  point  développé  cette  idée ,  et  il  en  a  donné  la  dé- 
monstration. Néanmoins,  tout  en  lui  payant  le  tribut  bien 
légitime  de  mon  admiration ,  je  n'ai  point  adopté,  du  moins 
quant  aux  arachnides  et  aux  myriapodes,  ses  opinions,  ni  la 
nomenclature  qui  en  est  la  conséquence. 

L'exposition  de  ces  divers  systèmes  vous  a  prouvé  qu'on 
avait  presque  épuisé  toutes  les  ressources  que  pouvait  offrir 
l'organisation  extérieure  des  insectes.  Métamorphoses,  or- 
ganes du  mouvement,  parties  de  la  bouche,  tout  avait  été  mis 
à  profit,  mais  on  n'avait  pas  pénétré  plus  avant  ou  au-delà  de 
l'écorce.  Quelques  auteurs,  parmi  lesquels  nous  citerons  sur- 
tout celui  qui  nous  a  donné  l'anatomie  de  la  chenille  du  saule, 
immortel  chef-d'œuvre  de  sagacité ,  de  patience ,  quant  aux 
recherches ,  et  modèle  parfait  quant  aux  dessins  et  à  la  gra- 
vure, le  célèbre  Lyonet,  avaient  publié  diverses  observations 
anatomiques,  mais  dont  on  ne  pouvait  faire  des  applications 
générales,  parce  qu'elles  étaient  trop  partielles.  Vu  cependant 
l'impulsion  que  ces  recherches  et  celles  de  Daubenton ,  de 
Vicq-d'Azir,  avaient  imprimée  à  l'anatomie  générale,  il  était 
impossible  que  l'esprit  humain  ne  franchît  point  les  limites  de 
la  routine,  et  qu'il  ne  s'élevât  point  un  homme  de  génie  qui 
nous  dévoilât  ces  mystères  d'organisation ,  bien  plus  capables 
que  tout  ce  qui  frappe  ordinairement  nos  regards  d'élever 
notre  pensée  vers  le  sublime  auteur  de  la  création.  Il  est 
apparu,  cet  homme  de  génie,  et  c'est  lui  qui  ouvrira  notre 
sixième  et  dernière  période. 

Le  tableau  élémentaire  de  l'histoire  naturelle  des  animaux, 
de  M.  Cuvier,  qui  parut  en  179B,  fera  toujours  époque  dans 
les  annales  de  la  zoologie.  Quoiqu'il  n'eût  pas  alors  distingué 
classiquement  les  crustacés  et  les  arachnides  des  insectes,  il 
n'en  avait  pas  moins  établi  leurs  lignes  de  démarcation ,  et  sur 
des  caractères  anatomiques  que  ses  investigations  lui  avaient 
fait  découvrir,  tels  que  celui  de  l'absence  de  tout  vaisseau 


l36  TABLEAU 

propre  à  la  circulation  dans  les  insectes  ailés  et  dans  plusieurs 
de  ceux  qui  sont  aptères ,  tels  que  ceux  encore  des  branchies 
des  crustacés ,  et  d'organes  pulmonaires  dans  les  arachnides 
composant  notre  premier  ordre. 

De  même  que  Fabricius ,  il  partage  les  insectes  en  ceux  qui 
ont  des  mâchoires,  et  en  ceux  qui  en  sont  dépourvus,  et  chez 
lesquels  ces  parties ,  et  d'autres  de  la  bouche ,  sont  remplacées 
par  une  sorte  de  trompe.  En  tête  des  premiers  se  trouvent  les 
aptères,  qui  forment  le  premier  ordre.  Une  première  division, 
celle  des  crustacés ,  comprend  ceux  qui  ont  plusieurs  mâ- 
choires 5  les  mille-pieds  viennent  immédiatement  après-,  suc- 
cèdent les  arachnéides  où  la  tête  est  confondue  avec  le  thorax, 
et  dont  le  nombre  de  pieds  est  de  huit.  Une  quatrième  et  der- 
nière division  des  aptères  maxillaires,  les  phjteréides ,  ren- 
ferme ceux  qui  ont  une  tête  distincte  et  six  pieds. 

M.  Cuvier  passe  ensuite  aux  insectes  maxillaires  ailés ,  en 
commençant  par  ceux  qui  ont  quatre  ailes  membraneuses 
nues,  ou  les  gymnoptères,  afin  de  lier  les  orthoptères  avec  les 
insectes  suceurs  les  plus  rapprochés  d'eux  sous  la  considéra- 
tion des  élytres.  Les  né^^roptères  formant  trois  sections,  sa- 
voir :  les  libelles,  les  perles  et  les  agnathes ,  et  les  hyménop- 
tères,  tels  sont  les  ordres  composant  la  division  des  gymnop- 
tères. Maintenant  viennent  les  insectes  broyeurs ,  dont  les 
deux  ailes  sont  recouvertes  par  deux  écailles  ou  des  étuis, 
ceux  de  l'ordre  des  coléoptères  et  de  celui  des  orthoptères. 
Dans  les  coléoptères ,  tantôt  ces  étuis  ou  élytres  se  prolongent 
jusqu'à  l'extrémité  de  l'abdomen ,  et  parmi  eux  il  en  est  qui 
ont  quatre  palpes ,  et  d'autres  six  -,  tantôt  une  grande  portion 
du  dessus  de  l'abdomen  est  à  nu,  les  élytres  étant  fort  courtes. 
D'après  ces  subdivisions ,  les  lamellicornes  commencent  cet 
ordre,  et  les  carnassiers  et  les  brachélytres  ou  les  staphylins  le 
terminent.  Les  orthoptères  sont  suivis  des  insectes  suceurs , 
qui,  comme  dans  les  méthodes  précédentes,  composent  l'or- 
dre des  hémiptères  ,  ceux  de  lépidoptères  et  de  diptères  ,  mais 
avec  un   de  plus,   le  neuvième  et  dernier,  et  comprenant 
des  aptères  suceurs,  tels  que  les  puces,  les  poux  et  les  acarus* 


DE    l'histoire    de    L  ENTOMOLOGIE.  iSj 

Vous  savez ,  Messieurs ,  que  ses  leçons  d'analomie  comparée 
sont  remplies  d'observations  relatives  aux  insectes,  et  que  ce 
précieux  ouvrage  est  devenu ,  pour  tous  les  zoologistes ,  une 
source  des  plus  fécondes  où  ils  puisent  sans  cesse. 

Excités  par  son  exemple ,  plusieurs  savans  d'Allemagne  , 
notamment  Tréviranus,  Ramdhor,  Hérold ,  etc. ,  se  sont  aussi 
occupés  de  l'anatomie  des  insectes. 

Dans  la  méthode  de  M.  de  Lamarck,  tous  les  insectes  aptères 
de  Linné,  à  l'exception  du  genre  pulex y  dont  les  espèces 
subissent  des  métamorphoses ,  composent  deux  classes ,  celle 
des  crustacés  et  celle  des  arachnides.  Les  premiers,  distin- 
gués des  seconds  par  leurs  branchies  ou  l'absence  des  stig- 
mates ,  se  divisent  en  deux  ordres ,  les  pédiocles  et  les  sessi- 
liocles.  Les  arachnides  sont  privées  ou  munies  d'antennes. 
De  là  aussi  deux  ordres,  les  palpistes  et  les  antennistes.  Les 
autres  insectes,  savoir  les  ailés,  et  les  aptères  à  métamor- 
phoses, forment  la  classe  des  insectes  proprement  dits,  et  qui 
se  partage  en  huit  ordres.  Les  quatre  derniers ,  les  lépidop- 
tères, les  hémiptères,  les  diptères  et  les  aptères  remplissent 
la  division  des  suceurs.  Celle  des  broyeurs,  ou  la  première  , 
comprend  les  coléoptères  ,  les  orthoptères ,  les  névroptères  et 
les  hyménoptères. 

M.  Duméril  (Zool.  analjt.)  admet  la  classe  des  crustacés 
en  en  retranchant  cependant  le  genre  oniscus  de  Linné  qu'il 
place  ainsi  que  les  arachnides  de  M.  de  Lamarck  dans  son  der- 
nier ordre  de  la  classe  des  insectes,  celui  des  aptères.  Ceux 
qui  ont  des  ailes  sont  divisés  d'après  la  présence  ou  l'absence 
des  mâchoires.  Coléoptères ,  orthoptères ,  névroptères  et  hy- 
ménoptères, tels  sont  les  ordres  appartenant  à  la  première  di- 
vision -,  hémiptères ,  lépidoptères  et  diptères ,  voilà  ceux  qui 
forment  la  seconde.  Tous  ces  ordres  se  distribuent  en  diverses 
familles  ayant  des  dénominations  grecques  et  latines.  Voulant 
rendre  sa  méthode  aussi  simple  et  aussi  facile  que  possible , 
M.  Duméril  n'a  presque  point  employé  dans  les  signalemens 
les  organes  de  la  manducation  ,  de  sorte  que  le  nombre  de  ses 
coupes  génériques  est  beaucoup  plus  borné  que  dans  les  mé- 


l38  TABLEAU 

ihodes  fondées  sur  les  principes  de  Fabricius  •,  la  sienne  est 
ainsi  plus  populaire  et  plus  usuelle. 

Un  entomologiste  anglais  des  plus  distingués  et  des  plus  in- 
fatigables ,  non  moins  recommandable  encore  par  ses  aimables 
prévenances  envers  tous  les  naturalistes  auxquels  antérieure- 
ment à  la  suspension  de  ses  travaux,  il  pouvait  être  utile,  soit 
par  ses  lumières ,  soit  par  la  communication  de  matériaux 
d'instruction  qu'il  pouvait  procurer,  le  docteur  Leacli ,  a  aussi 
publié  une  distribution  générale  des  insectes  de  Linné.  Il  en 
forme  quatre  classes,  les  crustacés,  les  myriapodes,  les  ara- 
chnides et  les  insectes.  La  première  est  partagée  en  deux  sous- 
classes  ,  les  entomostracés  et  les  malacostracés ,  division  que 
j'avais  faite  depuis  long-temps.  Ceux-ci  sont  podophthalmes  ou 
édriophlhalmes,  selon  que  leurs  yeux  sont  pédicules  ou  sessiles. 
Nous  renverrons  pour  les  autres  subdivisions  à  l'ouvrage  de 
M.  Desmarest  intitulé  :  Considérations  générales  sur  la  classe 
des  crustacés.  Le  savant  naturaliste  anglais  m'a  suivi  dans  ses 
divisions  des  myriapodes.  La  classe  des  arachnides  se  compose 
de  quatre  ordres ,  et  pour  la  formation  desquels  l'auteur  s'est 
plus  attaché  aux  formes  extérieures  qu'aux  caractères  tirés  de 
l'anatomie.  Les  dénominations  de  ces  ordres  étant  trop  longues 
et  difficiles  à  retenir,  nous  les  passerons  sous  silence.  Quant 
aux  insectes ,  ou  ils  ont  des  formes  constantes  ,  ou  ils  subissent 
ces  changemens  notables  qu'on  nomme  métamorphoses  ;  voilà 
pour  lui  deux  sous-classes.  Les  premiers,  tous  aptères,  con- 
stituent deux  ordres ,  celui  des  thjsajiures  et  celui  des  anO' 
plw^eSy  que  j'avais  appelés  parasites.  S'étayant  des  idées  de 
M.  Savigny  relativement  à  l'identité  des  parties  de  la  bouche 
des  insectes  broyeurs  et  suceurs ,  et  conservant  pour  les  uns 
et  les  autres  les  dénominations  de  mandibules ,  de  mâchoires, 
de  lèvres,  etc.,  M.  Leach partage  la  seconde  sous-classe  d'après 
le  plus  ou  moins  d'allongement  de  ces  parties  et  leurs  autres 
modifications.  Les  ailes  et  la  nature  des  métamorphoses  lui 
fournissent  ensuite  d'autres  caractères.  Il  commence  par  les 
coléoptères  ^  vient  ensuite  l'ordre  des  dermaptères  ,  formé  du 
^envc  fojficula  de  Linné,  et  que  M.  Léon  Dufour  a  nommé 


D>:  l'histoire  de  l'entomologik.  iSq 

depuis  lahidoures y  expression  empruntée  de  M.  Duméril.  Les 
autres  orthoptères  d'Olivier  composent  deux  autres  ordres, 
celui  des  orthoptères  propres,  si  la  suture  des  élytres  est  droite, 
et  celui  des  dictuoptères,  si  ces  élytres  se  croisent.  Ils  sont 
suivis  des  hémiptères  formant  encore  deux  ordres  qui  corres- 
pondent aux  deux  divisions  que  j'y  ai  établies;  le  premier  re- 
tient seul  cette  dénomination ,  il  nomme  avec  moi  le  second 
omoptères.  Le  genre  pulex  de  Linné  est  le  type  du  neuvième 
ordre ,  celui  des  aptères  -,  succèdent  ensuite  les  suivans  :  les 
lépidoptères  y  les  trichoptères  y  comprenant  le  ^enre  phrjganea 
de  Linné  ,  les  néwroptères ,  les  hyménoptères ,  les  rhipiptères, 
les  diptères  et  les  omaloptères.  Celui-ci  déjà  indiqué  par  moi 
a  pour  objet  les  hippobosques. 

M.  Mac-Leay  fils ,  qui ,  dans  un  ouvrage  rempli  de  recher- 
ches, ses  Horœ  entomologicœ,  a  éclairci  la  famille  des  coléop- 
tères lamellicornes ,  a  cru  reconnaître  qu'en  suivant  une  filia- 
tion naturelle ,  les  crustacés ,  les  arachnides  et  les  insectes 
subdivisés  d'après  la  considération  des  métamorphoses  et  la 
nature  des  organes  de  la  manducation  ,  pouvaient  être  repré- 
sentés par  cinq  groupes  composés  chacun  de  cinq  divisions 
ou  ordres ,  et  disposées  circulairement  tout  autour  d'un  centre 
commun ,  les  annélides.  Il  a  étendu  cette  combinaison  jus- 
qu'aux ordres  et  à  certaines  familles.  C'est  ce  que  M.  Kirby 
nomme  système  quinaire,  et  ce  que  nous  regarderons  comme 
un  jeu  d'esprit,  ou  comme  une  hypothèse  assez  gratuite  et  sans 
aucun  résultat  avantageux  pour  la  science. 

Ceux,  au  surplus  ,  qui  désireront  connaître  toutes  les  vicis- 
situdes de  la  méthode  en  trouveront  l'exposition  dans  l'excel- 
lente ouvrage  de  MM.  Kirby  et  Spence  ,  destiné  à  servir  d'in- 
troduction à  l'entomologie,  ainsi  que  dans  un  autre  ,  de  même 
nature  ,  mais  plus  succint  de  M.  Samouelle  ,  leur  compatriote. 

Sans  vouloir  faire  d'innovations  importantes  à  la  classe  des 
insectes,  M.  de  Blainville  dans  une  distribution  générale  des 
animaux ,  a  cru  devoir  néanmoins  disposer  ceux  qui  sont  ar- 
ticulés, ou  ses  entomozoaires ,  dans  un  nouvel  ordre.  Nous 
ferons  d'abord  observer  que  tous  ses  caractères  sont  tirés  des 


l4o  TABLEAU 

parties  extérieures,   ou  que   l'anatomie  interne   en  est  ex- 
clue. Terminant  cette  division  générale  par  les  sétipodes  ou 
annélides ,  il  a  composé  et  divisé  la  série  des  autres  animaux 
articulés  de  manière  à  arriver  aux  précédens  par  ceux  qui 
sous  le  rapport  de  la  forme  générale  du  corps,  le  nombre  de 
leurs  appendices  locomotiles  ou  des  pieds,  paraissent  s'en  rap- 
procher le  plus,  et  tels  sont  les  myriapodes.  Ses  divisions  sont 
dès-lors  établies  sur  une  progression  croissante  du  nombre  de 
ces  organes.  C'est  ainsi  qu'il  met  en  tête  ceux  qui  n'ont  que 
six  pieds  pour  passer  ensuite  à  ceux  qui  en  ont  huit ,  dix,  etc. 
Ces  divisions  deviennent  des  classes ,  de  sorte  qu'il  y  en  a  six , 
savoir  les  hexapodes,  lesoclopodes,  les  décapodes,  les  hétéro- 
podes  ,  les  télradécapodes  et  les  myriapodes.  Parmi  les  hexa- 
podes les  tétraptères  forment  une  sous-classe  qui  se  compose 
des  ordres  que  Linné  y  a  établis  et  de  celui  des  orthoptères. 
Les  diptères  et  les  aptères  en  constituent  deux  autres  ;  les  dé- 
capodes ,  les  hétéropodes  et  les  tétradécapodes  sont  pareille- 
ment divisés  en  deux  sous-classes.  Aux  premiers  se  rapportent 
nos  crustacés  décapodes  ;  aux  seconds  nos  branchiopodes  et  nos 
stomapodes  ou  ses  squillaires  ,  et  aux  troisièmes  nos  autres  or- 
dres des  crustacés,  mais  en  outre  les  épizoaires  de  M.  de  La- 
marck.  Voyez  ,  pour  plus  amples  détails ,  son  prodrome  d'une 
nouvelle  distribution  systématique  du  règne  animal. 

Tels  sont,  Messieurs,  les  principaux  systèmes  d'entomolo- 
gie, dont  je  devais,  d'après  mon  plan,  vous  présenter  une 
analyse  succincte.  Aux  ouvrages  de  Fabricius,  d'Olivier,  et  à 
ceux  de  quelques  autres  naturalistes ,  se  rattache  le  souvenir 
d'un  savant  qui ,  sans  avoir  beaucoup  écrit  sur  les  insectes ,  a 
cependant  bien  mérité  de  la  science  par  les  secours  qu'il  a 
fournis  à  ceux  qui  s'y  livraient  de  son  temps ,  feu  M.  Bosc , 
si  souvent  cité  par  ces  auteurs. 

D'autres  entomologistes  ont  restreint  beaucoup  plus  le  cer- 
cle de  leurs  études.  Quelques  uns  ont  embrassé  une  seule 
classe.  Celle  des  crustacés  a  plus  particulièrement  fixé  l'atten- 
tion d'Othon-Frédéric  Mùllcr,  de  SchœfFer,  de  de  Géer,  de 
Jurine  père   et  de  l'un  de  ses  fils ,  d'Herbst ,  ainsi  que  de 


DE  l'histoire  de  t/eivtomologie.  i4i 

M^I.  Ramdhor,  Leach ,  Tilésius,  Savigny,  Brébisson ,  Risso, 
Desmarest ,  Rafinesque  et  Thomas  Say.  Le  Spicilegia  zoolo- 
gica,  du  célèbre  Pallas,  est  aussi  à  consulter,  tant  pour  ces 
animaux  que  pour  des  arachnides  et  divers  coléoptères. 
M.  Milne  Edwards ,  qui ,  de  concours  avec  son  ami  M.  Vic- 
tor Audouin  ,  a  enfin  éclairci  tous  nos  doutes  sur  le  mode  de 
circulation  des  crustacés ,  a  communiqué  à  l'Académie  des 
Sciences  un  grand  nombre  d'observations  destinées  à  faire 
partie  d'un  travail  général  sur  cette  classe.  MM.  Straus  , 
Quoy,  Gaymard,  d'Orbigny  père,  Adolphe  Brongniart,  Gué- 
rin  et  Marion ,  ont  contribué  à  améliorer  cette  branche  de  la 
zoologie.  Beaucoup  d'espèces  du  littoral  de  la  Méditerranée 
n'avaient  pas  été  figurées,  et  M.  Roux,  conservateur  du 
Musée  de  Marseille ,  a  commencé  à  remplir  cette  lacune  par 
la  publication  de  six  fascicules,  dont  les  planches,  quoique 
simplement  lithographiées ,  ne  satisferont  pas  moins  les  vœux 
des  naturalistes,  parce  que  tous  les  caractères  distinctifs  y 
sont  rendus  avec  une  rare  fidélité ,  et  que  l'ouvrage  est  d'ail- 
leurs accompagné  de  bonnes  observations. 

Lister,  Albin  ,  Clerck ,  et  de  Géer  principalement ,  avaient 
fait  une  étude  spéciale ,  les  uns,  comme  le  dernier,  de  toutes 
les  arachnides  en  général,  et  les  autres  desaranéides.  Dans  ces 
derniers  temps ,  l'abbé  Sauvage  et  Dorthez  réveillèrent  l'at- 
tention des  entomologistes  par  leur  Mémoire  sur  l'araignée 
maçonne.  Je  fus  l'un  des  premiers  à  répondre  à  cet  appel ,  et 
peu  de  temps  après  l'arachnélogie  trouva  dans  M.  Walckenaer 
un  homme  tout  dévoué  à  elle ,  qui ,  depuis  plus  de  trente  ans, 
et  malgré  des  fonctions  importantes ,  n'a  point  cessé  d'obser- 
ver ces  animaux  ,  et  a  publié  sur  eux  des  ouvrages  qui  ne 
laissent  rien  à  désirer.  Les  espèces  de  divers  autres  genres  de 
cette  classe ,  tels  que  les  scorpions ,  les  phrynes ,  les  thely- 
phones ,  les  galéodes  ou  solpuges ,  les  phalangium  ou  fau- 
cheurs, ont  été  figurées  dans  des  monographies  spéciales  par 
Herbst.  M.  Cuvier  nous  a  fait  connaître  les  points  essentiels 
de  l'anatomie  des  scorpions.  Elle  a  été  ensuite  donnée  plus  en 
grand  par  MM.  Marcel  de  Serres,  Léon  Dufour  et  Tréviranus. 


\l^2  TA.BLEAU 

M.  Ehrenberg  vient  de  proposer  une  nouvelle  distribution  de 
ces  animaux ,  d'après  le  nombre  des  yeux ,  sur  lequel  on  s'était 
trompé.  MM.  Léon  Dufour,  Gaëde,  Tréviranus  et  Straus, 
ont  encore  exercé  leur  scalpel  sur  quelques  aranéides.  Le 
grand  ouvrage  sur  l'Egypte  nous  offre  plusieurs  planches  con- 
sacrées aux  arachnides,  et  il  suffit  de  dire  qu'elles  ont  été 
exécutées  sous  les  yeux  et  la  direction  de  M.  Savigny.  Othon- 
Frédéric  Muller,  destiné  par  la  nature  à  découvrir  cette  mul- 
titude d'animaux  inférieurs  qui  peuplent  les  eaux ,  avait  de- 
puis long-temps  décrit  et  figuré  ces  acarus  aquatiques ,  qui 
forment  le  genre  hydrachné.  Beaucoup  d'autres  acarus  et 
arachnides ,  de  la  famille  des  holètres ,  ont  fourni  à  feu  Her- 
mann  fils  grand  nombre  d'observations  intéressantes,  consi- 
gnées dans  son  Mémoire  aptérologique.  Le  docteur  Leach , 
qui  a  embrassé   presque  toutes  les  parties   de  la  zoologie, 
a  donné  une  monographie  du  genre  chelifer.  Notre  ordre 
des  parasites  ayant  pour  type  un  genre  d'insectes  bien  dé- 
goûtans,  celui  de  pediculus  a  été  aussi  le  sujet  de  ses  re- 
cherches ,  et  plus  particulièrement  encore  de  celles  du  pro- 
fesseur Nitsch.  Nous  devons  à  M.  Savi  fils,  professeur  à  Pise, 
de  nouveaux  faits  sur  les  jules.  Voilà,  pour  les  crustacés, 
les  arachnides  et  les  insectes  aptères ,  les  noms  les  plus  re- 
commandables.  Avant  de  continuer  la  série ,  en  parcourant 
successivement  tous  les  ordres ,  je  dirai  un  mot  de  quelques 
auteurs  dont  les  études   ont  embrassé  l'universalité  de  ces 
ordres  ou  quelques  uns  d'entre  eux.  Le  titre  Aq  faune,  donné 
à  plusieurs  ouvrages,  est  trompeur  ou  abusif,  en  ce  qu'on 
n'y  traite  que  d'une  partie  de  la  zoologie  ou  même  d'un  seul 
ordre.   La  faune  du  Groenland  d'Othon  Fabricius  est  pres- 
que, à  ma  connaissance,  le  seul  livre  qui  puisse  entrer  en  pa- 
rallèle avec  la  faune  de  Suède  de  Linné.  Celle  de  Toscane, 
par  Rossi ,   dont  deux  célèbres  entomologistes ,  Hellwig  et 
lUlgcr,  ont  donné  une  édition  enrichie  de  leurs  notes,  se 
borne   aux  insectes  ^   celle  de  Paykull ,   intitulée    encore  : 
Fauna  suecica ,  ne  comprend  que  les  coléoptères.  Sans  par- 
ler de  Pallas  et  de  quelques  autres  savans  qui  ont  écrit  sur  les 


DE    L  HISTOIRE    DE    l'eNTOMOLOGIE.  i43 

diverses  branches  de  la  zoologie  ,  je  citerai ,  relativement  aux 
insectes,  Dalman  et  MM.  Savigny,  Kirby,  Klùg,  Germar , 
Leach,  Mac-Leay  fils,  Donovan,  Hummel,  Serville,  Lepelle- 
tier  de  Saint-Fargeau ,  Panzer,  etc.  Ils  ont  montré  plus  ou 
moins  que  la  plupart  des  ordres  de  cette  classe  d'animaux 
leur  étaient  familiers. 

De  tous  les  ouvrages  qui  ont  paru  sur  les  coléoptères,  ceux 
d'Olivier ,  de  PaykuU ,  d'Illiger  et  de  MM.  Gyllenhal ,  le 
comte  Dejean,  Klûg,  Scbœnherr,  Germar,  Sturm ,  Knoch  , 
Duftchmid,  Marsbam,  Zetterstedt,  m'ont  paru  renfermer  le 
plus  d'espèces.  Nous  mentionnerons ,  quant  aux  orthoptères  , 
et  toujours  d'une  manière  générale,  StoU ,  Thunberg  et 
MM.  Lichtenstein  et  Toussaint  Charpentier.  L'ouvrage  de 
celui-ci ,  ayant  pour  titre  Horœ  entomologicœ ,  sera  d'un 
grand  secours  pour  la  connaissance  des  espèces  d'Europe.  On 
a  aussi  une  monographie  des  orthoptères  de  la  Suède ,  par 
M.  Zetterstedt.  Schellenberg  a  publié ,  avec  figures ,  un  gé- 
néra des  hémiptères.  Celles  que  Stoll  a  données  des  cigales 
et  des  punaises  ,  l'ouvrage  aussi  de  WolËP,  sur  les  géocorises , 
qui  est  accompagné  d'excellens  dessins  en  couleur,  et  ceux  de 
Fallen  ,  sont  indispensables.  Celui  déjà  cité  de  M.  Toussaint 
Charpentier,  intéressera  encore  les  entomologistes  qui  vou- 
dront étudier  plus  spécialement  les  névroptères.  On  y  trou- 
vera une  bonne  monographie  des  libellulines  européennes , 
et  qui ,  à  l'égard  des  caractères  propres  à  bien  signaler  les 
espèces,  est  en  parfaite  harmonie  avec  une  autre  monogra- 
phie des  mêmes  insectes,  mise  au  jour  en  même  temps  par 
M.  Vander-Linden ,  qui  avait  décrit  auparavant  les  espèces 
des  environs  de  Bologne.  Ce  dernier  savant  vient  aussi  de 
terminer  une  autre  monographie,  pareillement  restreinte  aux 
espèces  d'Europe,  celle  des  fouisseurs,  ordre  des  hyménoptères. 
M.  Klùg  semble  avoir  affectionné  ces  derniers  insectes ,  té- 
moins les  excellens  Mémoires  qu'il  a  publiés  sur  divers  genres 
de  cet  ordre.  Nous  citerons,  entre  autres,  sa  monographie 
des  sirex  et  des  tenlhrèdes  de  Linné.  M.  Lepelletier  de  Saint- 
Fargeau  a  achevé  d'applanir  les  obstacles  qui  embarrassaient 


l44  TABLEAU 

l'étude  de  ces  derniers  insectes  par  une  autre  monographie. 
Une  autre  famille  du  même  ordre ,  bien  plus  pénible  à  étu- 
dier, celle  des  ichneumonides ,  a  été  l'objet  des  investigations 
de  MM.  Nées  d'Esembach  et  Gravenborst.  Il  faut  véritable- 
ment avoir  reçu  du  ciel  un  don  extraordinaire  de  courage  et 
de  patience  pour  pouvoir,  comme  ce  dernier,  consacrer  plu- 
sieurs années  de  sa  vie  à  l'étude  d'un  groupe  d'animaux  si 
nombreux  en  espèces,  n'inspirant  aucun  attrait,  dont  la  plu- 
part sont  très  petits,  et  dont  il  est  si  difficile  de  distinguer  les 
sexes.  Mais  déjà  M.  Gravenborst,  par  sa  Monographie  des 
coléoptères  microptères  ou  bracbélytres ,  nous  avait  fait  voir 
que  son  zèle  et  sa  persévérance  n'avaient  point  de  bornes. 
M.  Maximilien  Spinola  est  aussi  l'un  de  ces  savans  pour  qui 
les  hyménoptères  ont  été  des  objets  de  prédilection. 

Depuis  long-temps  M.  Rirby  s'est  acquis  une  gloire  immor- 
telle par  sa  Monographie  des  abeilles  d'Angleterre.  Peut-on 
maintenant  écrire  sur  cette  intéressante  famille  sans  avoir  sans 
cesse  sous  la  main  les  ouvrages  de  MM.  Hubert  père  et  fils  ? 
Quel  naturaliste  n'a  pas  entendu  parler  des  découvertes  du 
dernier  sur  les  fourmis,  genre  dont  j'avais  aussi  donné  une 
histoire   générale  ?  La   Suisse  s'enorgueillit   encore  d'avoir 
donné  le  jour  à  Bonnet,  le  Réaumur  de  cette  contrée,  et  à 
Jurine.  Celui-ci  en  établissant,  ainsi  que  je  l'ai  dit  plus  haut, 
d'après  la  réticulation  des  ailes,  une  nouvelle  classification  des 
hyménoptères,  a  rendu  à  tous  les  entomologistes  un  service 
des  plus  signalés.  L'ordre  des  lépidoptères,  si  brillant,  mais  si 
délicat  et  si  fragile ,  est  devenu  abordable  depuis  que  Rœsel , 
Sepp,  Esper,  Herbst,  Drury,  Ernest,  Cramer,  Stoll,  Abbot, 
Donovan  ,  et  surtout  Hûbner,  ont  suppléé,  par  des  figures,  à 
des  descriptions  presque  toujours  insuffisantes.  Mais,  comme 
l'on  ne  peut  cependant  se  passer  de  méthode ,  le  catalogue  des 
lépidoptères  des  environs  de  Vienne ,  les  ouvrages  de  Bork- 
auscn,  d'Ochsenheimer  et  de  Treitschke,  sur  les  espèces  d'Eu- 
rope -,  celui  de  feu  Godart,  sur  les  espèces  de  France,  continué 
par  M.  Duponchel;  la  monographie  des  sésies ,  par  Laspeyres; 
celle  de  Castnies  de  Dalman  5  celle  des  torlrices  du  royaume 


DE    l'histoire    de    L  ENTOMOLOGIE.  l45 

de  Wurtemberg ,  par  M.  Frôlich,  doivent  faire  partie  de  la 
bibliothèque  de  tout  entomologiste.  Espérons  qu'on  y  joindra 
bientôt  celui  que  prépare  sur  ce  même  ordre  M.  Boisduval, 
qui  a  si  avantageusement  débuté  par  sa  monographie  des  zygé- 
nides  ,  plusieurs  fascicules  sur  les  lépidoptères  de  l'Amérique 
septentrionale ,  et  ceux  de  l'iconographie  et  de  l'histoire  natu- 
relle des  coléoptères  d'Europe,  qu'il  a  publiés  en  commun  avec 
M.  le  comte  Dejean.  M.  de  Basoches  s'est  acquis  des  droits  à 
la   gratitude   des  naturalistes   français  auxquels   la  connais- 
sance de  la  langue  allemande  est  étrangère ,  par  une  traduction 
des  caractères  de  divers  genres  de  l'ouvrage  précité  d'Ocbsen- 
heimer  et  de  M.  Treitschke.  Un  travail  sur  les  lépidoptères  diur- 
nes de  Java,  dont  M.  Horsfield  vient  d'enrichir  cette  partie  de 
la  science,  nous  promet  de  nouvelles  lumières  et  dès-lors  de  nou- 
veaux progrès.  M.  Hérold  a  complété  en  quelque  sorte  les  con- 
naissances anatomiques  que  nous  avait  procurées  sur  cesinsectes 
l'incomparable  ouvrage  qu'avait  donné  Lyonet.  Nous  avons  ,  à 
M.  De  Haan  ,  l'un  des  conservateurs  du  cabinet  de  Leyde  , 
l'obligation  d'avoir  sauvé  de  la  destruction  des  Mémoires  post- 
humes de  ce  dernier.  On  a  commencé  à  les  imprimer  dans  le 
recueil  de  ceux  du  Muséum  d'histoire  naturelle. 

Un  ordre  presque  négligé  ,  celui  des  diptères ,  est  enfin  sorti 
de  son  obscurité ,  et  son  catalogue  s'est  de  beaucoup  agrandi  par 
la  description  d'une  quantité  considérable  d'espèces  inédites. 
Schellemberg  avait  déjà  essayé,  par  un  généra  iconographique, 
de  faciliter  la  connaissance  des  genres,  mais  qui  était  insuffisant  j 
on  ignorait   d'ailleurs  à  cette  époque  que  la  disposition   des 
cellules  des  ailes  offrait  de  bons  caractères  distinctifs.  M.  Mei- 
gen ,  par  son  excellent  ouvrage  sur  les  diptères  d'Europe ,  est 
venu  à  notre  secours.  MM.  Wiedemann,  Fallën  et  Macquart, 
celui-ci  surtout ,  ont  puissamment  concouru  à  cette  régénéra- 
tion. Le  docteur  Leach,  par  son  intéressante  monographie  du 
genre  hippohosca  de  Linné ,  n'y  a  pas  été  non  plus  étranger. 
Quelques  observations  de  M.  Lepelletier  de  Saint-Fargeau  pa- 
raissent constater  l'hybridité  de  certaines  espèces.  Les  articles 
de  l'Encyclopédie  méthodique,  relatifs  aux  mêmes  insectes 

10 


j46  tableau 

qu'il  a  traités  conjointement  avec  M.  x\udinet-Serville,  pré- 
sentent des  vues  neuves,  et  qui  ne  doivent  pas  être  négligées. 
Nous  jouissons  enfin  du  grand  travail  de  M.  Robineau  Des- 
voidy  sur  ses  myodaires  ou  mes  muscides ,  mais  qui  malheu- 
reusement, par  la  multiplicité  des  genres,  est  un  vrai  dédale. 
Vous  savez  qu'à  l'égard  d'un  grand  nombre  d'espèces ,  leur 
détermination  réclame  le  secours  de  figures.  Il  est  donc  de 
mon  devoir  de  vous  indiquer  les  livres  où  vous  trouverez  les 
meilleures.  Celui  de  M.  Curtis  ,  sur  les  genres  d'insectes  indi- 
gènes de  l'Angleterre  ,  me  paraît  avoir  atteint  Vultimatum  de 
la  perfection.  Tous  les  caractères  de  détail  y  sont  rendus  avec 
la  plus  grande  netteté  et  fidélité.  Je  vous  ai  déjà  cité  l'Icono- 
graphie du  règne  animal  de  M.  Guérin  :  en  harmonie  avec  l'ou- 
vrage de  M.  le  baron  Cuvier  ,  elle  est  pour  le  zoologiste 
un  livre  de  première  nécessité.  Tous  les  dessins  exécutés 
par  M.  Leprétre  pour  le  Dictionnaire  des  sciences  naturelles , 
sont  dignes  de  cet  habile  artiste;  ils  ont  été  d'ailleurs  faits  sous 
l'inspection  de  deux  profonds  naturalistes ,  MM.  Duméril  et 
Desmarest ,  qui  se  sont  également  proposé  de  les  faire  servir 
à  un  généra.  Ceux  de  l'ouvrage  sur  les  malacostracés  de  la 
Grande-Bretagne ,  publié  par  le  docteur  Leach  ,  sont  encore 
de  M.  Curtis-,  il  est  donc  inutile  d'en  faire  l'éloge.  M.  Sturm 
s'est  acquis  depuis  long-temps  en  ce  genre  une  réputation  bien 
méritée  *,  il  est  en  outre  un  très  bon  entomologiste.  La  Faune 
d'Allemagne  de  Panzer,  à  laquelle  il  a  concouru,  l'ouvrage  de 
Woët  sur  les  coléoptères,  et  ceux,  pour  divers  ordres,  d'Harris, 
de  Drury ,  de  Donovan ,  ainsi  que  l'entomographie  de  la  Russie , 
par  M.  Fischer  de  Waldheim,  ne  sont  pas  moins  estimés  et  ad- 
mirés. J'ai  déjà  mentionné  d'autres  auteurs,  et  il  serait  superflu 
d'en  reproduire  la  nomenclature.  Il  est  cependant  encore, 
relativement  aux  coléoptères  ,  des  monographies  ou  des  généra 
particuliers  qu'il  est  essentiel  de  connaître.  Ainsi ,  quant  à 
ceux  de  la  famille  des  coléoptères  carnassiers ,  je  vous  citerai 
MM.  Clairville  et  Bonelli ,  et  pour  les  espèces  dont  elle  se 
compose,  le  beau  travail  de  M.  le  comte  Dejean,  intitulé 
Specics  y  à  l'appui  duquel  vient  l'iconographie  mentionnée 


DE  l'histoire   de  l'entomologie.  r47 

précédemment.  M.  EschschoUz  a  débrouillé ,  au  moyen  d'un 
autre  généra ,  la  tribu  des  élatérides.  La  famille  des  curcu- 
lionides  ,  bien  plus  difficile  encore ,  a  été  ,  sous  ke  même  rap- 
port ,  le  sujet  des  recbercbes  de  M.  Schœnberr.  La  monogra- 
pbie  du  genre  agra  et  de  quelques  autres  de  la  famille  des 
coléoptères  carnassiers  de  M.  Klùg ,  celles  des  genres  mega- 
lopus  et  chlamySy  qu'il  a  encore  données,  celle  de  M.  KoUar, 
sur  ce  dernier,  enrichies  d'ailleurs  de  très  belles  figures, 
ont  mérité  la  reconnaissance  de  tous  les  entomologistes.  La 
monographie  des  histéroides  de  Paykull,  celle  des  cholèves 
par  M.  Spence ,  celle  des  pselaphes  de  M.  Reichenbach ,  et 
celle  des  érotyles  de  M.  Duponchel ,  peuvent  encore  être 
proposées  pour  modèles.  M.  le  comte  de  Manheiren ,  zélé 
protecteur  des  amis  des  sciences  naturelles,  s'est  distingué 
par  son  travail  sur  le  genre  Eucnémis  et  par  quelques  autres 
Mémoires.  Parmi  les  naturalistes  anglais  dont  le  début  nous 
fait  concevoir  les  plus  belles  espérances  ,  nous  mention- 
nerons M.  Westwood  ,  profond  observateur,  et  non  moins 
habile  critique.  MM.  Sahlberg  et  Steven  ne  doivent  pas  non 
plus  être  omis  dans  cette  énumération.  H  me  serait  impos- 
sible,  Messieurs,  de  l'étendre  davantage  sans  convertir  ce 
discours  en  une  sorte  de  catalogue  biographique  très  fas- 
tidieux. Je  suis  encore  plus  contraint  de  passer  sous  silence 
une  foule  de  Mémoires  particuliers ,  disséminés  soit  dans  des 
recueils  académiques ,  soit  dans  des  journaux  littéraires.  Vous 
consulterez  plus  particulièrement  le  Magasin  entomologique 
d'IUiger,  continué  par  M.  Germar-,  le  Bulletin  de  la  Société 
Philomalique  -,  les  Actes  de  la  Société  Linnéenne  de  Londres 
et  de  Paris  -,  les  Mémoires  des  Académies  ou  Sociétés  savantes 
de  Suède ,  de  Berlin ,  de  Bonne  -,  le  Zoological  Journal ,  et 
quelques  autres  Recueils  d'un  genre  analogue  ,  publiés  en 
Angleterre  -,  les  Annales  des  sciences  physiques  de  Bruxelles 
et  celles  des  sciences  naturelles,  par  MM.*  Victor  Audouin  , 
Adolphe  Brongniart  et  Dumas  ^  les  Mémoires  du  Muséum 
d'histoire  naturelle  et  le  Bulletin  universel  de  M.  le  baron  de 
Férussac,  pour  diverses  annonces.  Les  Mémoires  du  Muséum 


l48  TABLEA.U 

d'histoire  naturelle  vous  en  offriront  plusieurs  sur  les  organes 
du  vol  des  insectes  ,  de  M.  Chabrier  -,  d'autres  ,  de  M.  Marcel 
de  Serres,  suj;-  quelques  points  de  leur  anatomie.  Mais  si  vous 
vous  proposez  de  vous  livrer  à  cette  partie  fondamentale  de 
l'entomologie,  la  lecture  des  Annales  des  sciences  naturelles 
vous  sera  rigoureusement  imposée.  Vous  y  trouverez  un  grand 
nombre  de  Mémoires  de  M.  Léon  Dufour,  concernant  le  sys- 
tème digestif  et  générateur  des  coléoptères,  de  plusieurs  hémi- 
ptères et  de  divers  autres  insectes.  MM.  Audouin ,  Milne 
Edwards  et  Guérin  y  ont  aussi  inséré  d'autres  observations 
pleines  d'intérêt.  Quelques  unes,  de  M.  Desmarest,  professeur 
à  l'école  vétérinaire  d'Alfort ,  nous  font  regretter  qu'il  ne  se 
soit  pas  adonné  plus  long-temps  à  l'étude  de  l'entomologie. 

Tous  les  savans  n'avaient  pu  voir  sans  être  saisis  d'admira- 
tion ,  les  travaux  que  M.  Savigny  a  publiés  sur  les  animaux 
sans  vertèbres ,  à  la  suite  desquels  il  a  perdu  la  vue.  La  Pro- 
vidence nous  a  ménagé  une  consolation ,  en  nous  donnant 
M.  Straus.  Son  anatomie  du  hanneton  est  un  chef-d'œuvre  de 
patience  et  de  dextérité.  J'aurais  seulement  désiré  qu'il  eût  cité 
quelques  zootomistes  qui  avaient  éclairci ,  avant  lui,  plusieurs 
points  de  cette  matière,  et  tels  sont  MM.  Léon  Dufour  et 
Chabrier.  S'il  avait  ouvert  mon  ouvrage  sur  les  familles  natu- 
relles du  règne  animal,  il  aurait  encore  vu  que  j'avais  adopté 
la  classe  des  myriapodes  et  que  je  l'avais  prévenu  à  l'égard  de 
l'établissement  de  quelques  coupes  dans  la  division  des  crusta- 
cés branchiopodes  ou  des  entomostracés.  Mais  qu'il  soit  per- 
suadé que  ces  omissions  n'affaibliront  jamais  les  sentimens  de 
ma  haute  estime  pour  lui. 

Enfin,  Messieurs,  je  vous  recommanderai  la  lecture  des  voya- 
ges, soit  que  leurs  auteurs,  comme  Pallas,  MM.  Tilésius,  Cail- 
liaud,  etc.,  y  aient  traité  séparément  des  objets  d'histoire  na- 
turelle recueillis  par  eux,  soit  qu'ils  aient  fondu  dans  le  corps 
de  leurs  ouvrages  les  renseignemens  qu'ils  nous  donnent  à 
cet  égard.  On  y  trouve  souvent  des  observations  curieuses,  des 
traditions  qui  ne  sont  pas  à  négliger,  et  des  données  qui,  très 
vagues  d'abord,  peuvent  s'éclaircir  avec  le  temps,  au  moyeu 


Dïù    LÏlISTOlllE    DE    l'eNTOMOLOGIE.  1 49 

(le  la  possession  des  objets  propres  au  pays  dont  a  parlé  le 
voyageur,  et  du  discernement  du  naturaliste  qui  en  est  le  pro- 
priétaire ^  des  relations  même  très  anciennes  m'ont  été  souvent 
utiles^  je  pourrais  aussi  remonter  beaucoup  plus  baut ,  et 
citer  des  auteurs  grecs  et  latins. 

O  vous,  mes  cbers  compatriotes  ,  Messieurs  Lefebvre,  Ba- 
non  ,  Roger,  Pioux  ,  Boyer-de-Fons-Colombe ,  Solier,  Darge- 
las ,  Gâché  ,  Gaury  ,  Percheron  ,  Chevrolat ,  Barthélémy,  La- 
cordaire  ,  Maille,  Lebas  ,  etc.  ,  pourrais-je  oublier  les  services 
que  vous  m'avez  rendus ,  ainsi  qu'à  l'entomologie  ,  par  vos  in- 
téressantes et  généreuses  communications  ! 

Peut-être  quelques  personnes  d'entre  vous  murmurent-elles 
secrètement  de  n'avoir  pas  entendu  prononcer  leurs  noms. 
Je  les  prie  de  croire  que  ni  l'insouciance  ni  l'ingratitude  n'y 
ont  pas  la  moindre  part-,  mais  si  elles  veulent  bien  réfléchir  que 
ma  mémoire  se  ressent  de  mon  âge ,  j'ose  espérer  qu'elles  au- 
ront pour  moi  de  l'indulgence.  J'ai  craint  d'ailleurs  de  m'é- 
carter  de  mon  plan  par  une  prodigalité  inconsidérée  d'éloges 
ou  de  citations. 

Que  le  tableau  de  tant  d'efforts  de  l'esprit  humain  pour  le 
progrès  de  cette  branche  des  sciences  naturelles  ne  décourage 
point  ceux  qui  voudraient  entrer  dans  la  même  carrière. 
Combien  l'anatomie  et  la  physiologie  de  ces  animaux  vous 
promettent  encore  de  découvertes  !  combien  sont  peu  con- 
nues leurs  métamorphoses  et  leurs  habitudes  !  quelle  riche 
moisson  d'espèces  nouvelles  à  récolter  !  que  de  difficultés  en- 
core à  surmonter  pour  arriver  à  une  méthode  parfaitement 
naturelle  !  Songez  que,  dans  quelques  années,  les  soutiens  ac- 
tuels de  la  science  auront  cessé  de  vivre.  C'est  à  vous  dont  les 
travaux  et  l'âge  n'ont  point  altéré  la  santé  qu'elle  fait  un  ap- 
pel. Méritez  ses  faveurs  et  la  reconnaissance  de  la  postérité  -, 
elle  fera  votre  bonheur  comme  elle  a  fait  le  mien. 


DIVISIONS  GÉNÉRALES 


DES  CONDYLOPES. 

{INSECTA,   LiNN.) 


Il  en  est  une  première  et  si  naturelle  qu'elle  a  été  saisie  par 
les  premiers  observateurs ,  celle  qui  repose  sur  l'existence  et 
l'absence  des  ailes  •,  ainsi,  les  uns  sont  ailés,  alata,  et  les  autres 
sont  aptères,  optera,  ou  sans  ailes.  Mais,  pour  se  conformer 
aux  règles  grammaticales  de  la  science ,  il  faudrait  remplacer 
la  première  de  ces  dénominations  par  celle  de  pterota,  ou ,  en 
la  conservant,  substituer  à  la  seconde  celle  à'impenjiia.  Tous 
ces  animaux  se  trouvant,  à  leur  naissance,  dans  cette  dernière 
condition ,  ou  aptères ,  et  les  ailes  ne  se  développant  qu'avec 
l'âge ,  les  deux  coupes  établies  sur  la  considération  de  ces  or- 
ganes ne  pouvaient  être  ordonnées  d'une  manière  rigoureuse 
et  naturelle ,  qu'autant  que  l'on  aurait  observé  soit  les  divers 
changemens  qu'éprouvent  ces  animaux  dans  le  cours  de  leur  vie, 
soit  leur  sexe,  puisque  nous  en  connaissons  dont  les  mâles 
sont  ailés  et  les  femelles  aptères,  et  que  nous  savons  que  dans 
un  grand  nombre  d'espèces  du  même  genre  ou  de  la  même  race 
ces  deux  sortes  d'individus  peuvent  êtce  privés ,  par  avorte- 
ment,  des  organes  locomotiles.  Ces  données  préliminaires  ayant 
manqué  aux  premiers  naturalistes,  leurs  distributions  métho- 
diques furent,  sous  ce  rapport,  défectueuses.  Le  même  animal, 
méconnu  dans  ses  divers  âges,  fut  réparti  dans  l'une  et  l'autre 
division.  Eclairé  par  les  observations  de  Malpiglii,  de  Swam- 
merdam  et  de  Réaumur,  Linné,  en  adoptant  cette  base^,  sut 
éviter  l'écueil  où  étaient  tombés  les  anciens.  Les  aptères  for- 
ment le  dernier  ordre  de  sa  classe  des  insectes  ,  qui  comprend 


DIVISIONS    GÉNÉRALES    DES    CONDYLOPES.  l5l 

toute  la  série  des  condylopes.  Brisson ,  dans  sa  distribution  du 
règne  animal,  crut  devoir,  relativement  à  ces  animaux  ,  faire 
usage,  en  première  ligne,  de  la  considération  des  pieds  et  de 
leur  nombre.  La  classe  des  insectes  fut  restreinte  à  ceux  qui 
n'en  ont  que  six ,  et  ne  \int  qu'après  celle  des  crustacés ,  com- 
posée non  seulement  de  ces  animaux  proprement  dits,  mais 
des  mille-pieds  et  des  aracbnides ,  en  un  mot,  de  tous  les 
condylopes  ayant  huit  pieds  et  plus.  Ainsi,  la  disposition  lin- 
néenne  fut  renversée  ,  puisque  les  insectes  aptères  y  ont  le 
pas  sur  les  insectes  ailés ,  et  cette  inversion  s'est  trouvée  en 
harmonie  avec  la  méthode  naturelle ,  ou  celle  qui  a  pour  base 
l'anatomie.  Dans  notre  tableau  de  l'histoire  de  l'entomologie, 
nous  avons  présenté  une  esquisse  de  diverses  méthodes,  et  si 
nous  revenons  sur  le  même  sujet,  ce  n'est  que  pour  faire  sentir 
que  la  distinction  d'insectes  en  apiropodes  et  hexapodes  de 
M.  Savigny  répond  à  celle  qu'avait  proposée  Brisson,  mais 
avec  des  dénominations  différentes,  pieds  sajis  fui,  et  six 
pieds,  ou,  ce  qui  est  synonyme,  les  hjperliexapes ,  ayant 
plus  de  six  pieds,  et  les  hexapes ,  n'ayant  que  six  pieds. 

Les  myriapodes  ou  mille-pieds  offrant  un  système  de  respi- 
ration analogue  à  celui  des  insectes  hexapodes,  doivent,  si  ces 
premières  divisions  sont  uniquement  fondées  sur  l'anatomie, 
être  réunis  avec  eux  dans  la  même  classe  j  et  telle  est  en  effet 
la  marche  qui  a  été  suivie  dans  les  deux  éditions  de  l'ouvrage 
sur  le  règne  animal  de  M.  Cuvier.  Mais  anciennement,  à  la 
publication  de  la  seconde  ,  nous  avions ,  à  l'exemple  du  doc- 
teur Leach ,  séparé  classiquement  les  myriapodes  -,  de  sorte  que 
notre  classe  des  insectes  se  compose  aujourd'hui  de  ceux  qui 
n'ont  que  six  pieds ,  n'importe  qu'ils  soient  ailés  ou  aptères  , 
et  qu'elle  embrasse  la  classe  des  insectes  de  Lamarck ,  et  ses 
arachnides  antennistes  hexapodes.  Nous  remarquerons  cepen- 
dant que  cette  quantité  numérique  souffre  quelques  exceptions, 
puisque  quelques  espèces  d'arachnides  sont  aussi  hexapodes. 
Ajoutons  encore  que,  s'il  est  vrai  de  dire  que  certains  insectes 
de  la  division  de  ceux  qui  sont  ailés  sont  réellement  aptères , 
cette  division  néanmoins  ne  s'applicjue  bien  rigoureusement 


l52  DIVISIOIVS    GÉNÉRALES 

OU  naturellement  qu'à  ceux  qui ,  dans  leur  série  classique ,  sont 
tous  privés  d'organes  du  vol ,  ou  qui  n'ont  aucune  disposition 
à  les  acquérir.  Le  nombre  de  ceux  qui  ne  présentent  aucun 
rudiment  d'élytres  et  d'ailes  est  même  très  petit. 

PREMIÈRE  SECTION. 

APIROPODES   {APIROPODA), 

Jamais  d'ailes.  Plus  de  six  pieds.  Des  branchies,  soit  aquatiques, 
soit  aériennes,  dans  le  plus  grand  nombre  (i).  Des  trachées,  clans 
les  autres,  dont  les  troncs  principaux,  ainsi  que  les  ouvertures  ou 
stigmates,  par  lesquelles  elles  reçoivent  l'air,  tantôt  limités  à  la  ré- 
gion abdominale  ou  la  partie  postérieure  du  céphalothorax ,  tantôt 
s'étendant,  ainsi  que  ces  ouvertures,  dans  toute  la  longueur  du  corps, 
divisé  alors  en  segmens  nombreux,  pedigères  jusqu'au  bout,  sans 
distinction  apparente  de  thorax  et  d'abdomen.  Organes  sexuels  si- 
tués ,  à  l'exception  d'un  petit  nombre  ,  en  avant  de  l'anus ,  et  doubles 
dans  plusieurs. 

L'organisation  buccale  nous  fournit  aussi  un  caractère  gé- 
néral. Aucun  apiropode  n'offre  de  parties  rigoureusement 
comparables  à  la  lèvre  inférieure  des  insectes.  Dans  ceux  qui 
sont  broyeurs ,  on  voit  à  sa  place ,  tantôt  deux  mâchoires  ,  ou 
deux  espèces  de  pieds,  soit  très  rapprochés,  soit  réunis  inférieu- 
rement  ^  tantôt ,  comme  dans  quelques  arachnides ,  un  simple 

(i)  J'ai  donné  à  ces  branchies  aériennes  le  nom  de  pneumo -  branchies ,  parce 
qu'elles  ressemblent  à  de  véritables  branchies ,  et  qu'elles  font  cependant  l'office  de 
poumons.  Dans  plusieurs  crustacés,  les  branchies  proprement  dites  ne  forment  point 
d'appendices  propres  ou  détachés;  mais  elles  sont  suppléées  par  des  poils  ou  par 
des  espaces  dermiques  susceptibles  d'absorber  l'oxigène.  J'ai  appelé  fausses-bran- 
chies des  appendices  latéraux  du  corps  de  certaines  larves,  jouissant,  et  par  les 
mêmes  moyens  ,  de  cette  propriété  ;  mais  ici  il  n'y  a  point  de  vaisseaux  aériens  ,  et 
des  trachées  les  remplacent  :  ce  sont  des  exotrachées.  Les  crustacés  stomapodes, 
amphipodes,  et  divers  autres,  ont  à  la  base  d'un  certain  nombre  de  leurs  pieds  des 
vésicules ,  qui  paraissent  concourir  à  la  locomotion  ,  et  que  je  compare  à  des  sortes 
de  vessies  natatoires.  C'est  sur  un  plan  analogue  ,  et  pour  le  même  but ,  que  la  na- 
ture a  formé  les  ailes  des  iusectes.  Le  fluide  où  vivent  ces  insectes  étant  beaucoup 
plus  léger  que  Teau  et  plus  mobile,  il  fallait  convertir  ces  vessies  en  rames  aériennes. 
Lorsque  les  ailes  inférieures  sont  très  étendues,  les  deux  sui>érieurcs  deviennent 
pour  elles  des  organes  protecteurs  ou  des  écailles  servant  d'étuis. 


DES    CONDYLOPES.  I  53 

j)rolongement  sternal ,  que  l'on  considère  comme  une  lèvre , 
mais  sans  palpes.  Dans  les  apiropodes  suceurs,  celte  pièce 
forme  la  gaine  inférieure  du  suçoir,  tandis  que  dans  les  in- 
sectes où  le  suçoir  est  renfermé  dans  un  tuyau  ,  c'est  la  pièce 
correspondante  à  la  lèvre  inférieure,  proprement  dite,  qui 
compose  cette  gaine. 

Je  dois  encore  faire  remarquer  que ,  outre  le  menton  et  la 
pièce  terminale  appelée  languette ,  constituant  la  lèvre  infé- 
rieure ,  il  existe  une  autre  partie  correspondante  à  la  langue 
des  crustacés  maxillaires  ou  dentés ,  et  dont  on  a  souvent  né- 
gligé l'observation.  Dans  les  coléoptères  ,  de  la  famille  des 
carnassiers,  elle  compose  les  deux  appendices  latéraux  que 
M.  Bonelli  nomme  paraglosses  -,  mais  elle  n'est  ordinairement 
visible  que  lorsqu'on  observe  la  face  antérieure  ou  cacbée  de 
la  lèvre  j  on  la  distinguera  très  bien  dans  les  suceurs.  Elle  y 
est  divisée  en  deux  petits  lobes  oblongs,  et  situés  derrière  la 
naissance  de  ceux  qui  forment  la  languette ,  expression  qu'il 
faudrait  dès-lors  cbanger. 

PREMIÈRE  CLASSE. 

CRUSTACÉS    {CRUSTACEA). 

Des  branchies  dans  tous,  tantôt  formant  des  appendices  propres,  soit  ca- 
chés sous  les  côtés  du  test  thoracique ,  soit  extérieurs  ;  tantôt  ne  consistant 
qu'en  des  poils  ou  des  soies  barbues  des  organes  de  locomotion  ,  ou  en  une 
portion  plus  ou  moins  étendue  de  la  peau  de  ces  parties  ou  du  corps,  ayant 
la  propriété  d'absorber  exclusivement  l'oxigène.  Point  d'ouvertures  respi- 
ratoires ou  stigmates  à  la  surface  de  la  peau.  Dix  pieds  au  moins.  Quatre 
antennes  dans  la  plupart.  Yeux  à  facettes. 

Animaux  généralement  aquatiques. 

SECONDE  CLASSE. 

ARACHNIDES    {ARACHNIDES). 

Respiration  tantôt  pneumobranchiale  (i),  tantôt  (le  plus  grand  nombre) 


(t)  Il  est  nécessaire  de  distinguer  les  ouvertures  communiquant  avec  des  pneumo- 
branchies ,  des  stigmates  proprement  dits ,  ou  des  ouvertures  extérieures  des  trachées. 
Je  les  nommerai  branchioslomes ,  bouches  de  branchies. 


l54  DIVISIONS    GÉNÉRALES 

trachéenne  ;  ouvertures  destinées  à  l'entrée  de  l'air  au  nombre  de  deux  à 
huit ,  uniquement  situées  sur  le  céphalothorax  ou  sur  le  ventre  ,  nulles  dans 
quelques  :  deux  pâtes  de  plus  et  ovifères,  dans  les  femelles  de  ces  derniers. 
Jamais  plus  de  huit  pieds  ambulatoires  ;  les  deux  antérieurs  précédés  immé- 
diatement de  deux  palpes,  en  forme  de  serres ,  dans  quelques.  Deux  cheli- 
cères  ou  antennes-pinces  ,  et  coopérant  à  la  manducation,  à  la  place  des  an- 
tennes proprement  dites  ,  les  mitoyennes  des  crustacés  décapodes  et  autres. 
Des  yeux  lisses  uniquement.  Corps  généralement  composé  d'un  céphalo- 
thorax (r)  et  d'un  abdomen  souvent  réunis  en  une  masse.  Tarses  pluriar- 
ticulés  et  terminés  par  deux  ou  trois  crochets. 
Animaux  pour  la  plupart  terrestres. 

TROISIÈME  CLASSE. 

MYRIAPODES    [MYRIAPODA). 

Respiration  uniquement  trachéenne;  ouvertures  (stigmates)  destinées  à 
l'entrée  de  l'air  (  souvent  cachées  ou  peu  distinctes) ,  s'étendant  dans  toute 
la  longueur  du  corps,  très  nombreuses,  en  quantité  variable,  disposées  en 
une  suite  considérable  et  pareillement  indéterminée  (leur  quantité  augmen- 
tant avec  l'âge  )  de  segmens  ;  tous  ,  à  l'exception  des  deux  ou  trois  posté- 
rieurs ,  pédigères.  Corps  d'une  même  venue,  généralement  linéaire,  sans 
distinction  apparente  de  thorax  et  d'abdomen.  Deux  antennes.  Languette 
et  mâchoires  plus  ou  moins  en  forme  de  pieds,  très  rapprochés  ou  réunis  au 
côté  interne.  Un  à  deux  segmens  incomplets  surajoutés  à  la  tête,  recouvrant 
les  appendices  correspondans  aux  mâchoires.  Yeux  de  la  plupart  composés 
de  deux  groupes  d'yeux  lisses.  Mandibules  divisées  transversalement  en  deux 
par  une  sorte  de  suture. 

Animaux  tous  terrestres. 

DEUXIEME  SECTION. 

HEXAPODES    {HEXJPODjy 

Des  ailes,  susceptibles  d'avortement ,  dans  la  plupart,  se  déve- 
loppant graduellement,  à  la  suite  de  mues  ou  de  métamorphoses. 
Six  pieds  dans  l'animal  parfait,  paraissant  simultanément,  soit  lors- 
qu'il naît,  soit  lorsqu'il  passe  à  l'état  de  nymphe,  quelquefois  accom- 
pagnés de  plusieurs  autres  pieds,  mais  abdominaux,  sans  crochets  au 

(l)  L'écaillé,  ou  espèce  de  scutum,  recouvrant  le  dessus  du  céphalotorax,  ne  porte 
que  les  yeux.  La  portion  antérieure  de  la  tête  portant  les  chclicères,  et  formée  de 
l'éplstome ,  du  labre  et  de  cette  pièce  carénée ,  hérissée  de  poils ,  que  des  auteurs  ont 
considérée  comme  «ne  langue  ou  une  languette,  mais  à  tort,  puisqu'elle  est  située 
eu  avant  du  pliarynx,  est  très  petite,  inclinée  ,  et  ne  paraît  pas  au  premier  abord 


DF.S    CONDYLOPES.  l55 

bout,  et  s'évanouissant  lorsqu'il  passe  à  l'état  de  nymphe.  Respiration 
uniquement  trachéenne.  Troncs  des  trachées  s'érendant ,  ainsi  que 
leurs  ouvertures  ou  stigmates,  placées  à  la  surface  extérieure  de  la 
peau,  dans  toute  la  longueur  d'un  corps,  divisé  en  trois  parties,  la 
tête,  le  thorax  et  l'abdomen,  et  dont  le  nombre  des  segmens,  la  tête 
non  comprise,  ne  s'élève  jamais  au-delà  de  treize.  Deux  organes 
sexuels,  les  masculins  de  quelques  uns  exceptés,  situés  à  l'anus.  Deux 
yeux  à  facettes  dans  presque  tous. 

QUATRIÈME  CLASSE. 

INSECTES  {INSECTA). 


PREMIÈRE  SECTION. 

APIROPODES    {APIROPODA). 

PREMIÈRE  CLASSE. 

CRUSTACÉS    {CRUSTACEA). 

Ils  ont  tous  une  circulation  et  les  organes  sexuels  doubles.  Ils  respi- 
rent, soit  par  des  branchies ,  tantôt  cachées  sous  les  côtés  inférieurs  du  test 
ou  de  l'écailIe  dure  et  en  partie  calcaire,  qui  recouvre  la  tête  et  le  thoi'ax, 
tantôt  extérieures  et  situées  su/ides  appendices  locomotiles ,  et  quelquefois 
sur  quelques  uns  de  ceux  de  la  bouche,  soit  par  la  surface  du  corps;  cette 
surface  n'offre  jamais  de  spiracules.  Le  canal  alimentaire  est  toujours  droit. 
Leur  foie,  suivant  M.  Straus,  est  une  réunion  de  glandes  conglomérées, 
formées  d'un  parenchyme  granuleux,  et  recouvert  d'une  membrane  très 
miuce  et  molle  ,  et  probablement  celluleuse ,  ou  bien  d'un  grand  nombre 
de  vaisseaux  aveugles,  assez  gros,  repliés  «ur  eux-mêmes  et  enveloppés  par 
une  membrane  générale ,  très  faible  et  celluleuse. 

Ils  ont  le  plus  souvent  quatre  antennes,  dix  pieds  au  moins,  non  com- 
pris les  pieds-mâchoires  (i),  et  terminés  par  un  seul  crochet.  Ces  pieds- 
mâchoires,  qui,  dans  les  espèces  occupant  le  premier  rang,  celles  de  l'ordre 
des  décapodes,  sont  des  sortes  de  pieds  buccaux ,  recouvrant  les  autres  or- 
ganes de  la  manducation,  sont  susceptibles  de  devenir  propres  à  la  locomo- 

(l)  M.  Savigny  les  appelle  mâchoires  auxiliaires,  à  l'égard  des  crustacés  décapodes, 
La  paire  supérieure  est  pour  lui ,  quant  aux  crustacés  aiuphlpodes  et  isopodes  ,  une 
lèvre  auxiliaire ,  et  les  suivantes  sont  des  pieds.  M.  Straus  s'est  mépris  en  lui  attri- 
buant la  déuoniluatiou  de  pieds-raàchoircs  :  je  l'ai  emplojée  le  premier. 


I  56  DIVISIONS    GÉNÉRALES    DES    CONDYLOPES. 

tion,  ce  qui  augmente  alors  le  nombre  des  pieds  proprement  dits.  Ils  ont 
deux  yeux  à  facettes,  quelquefois  réunis  en  un  seul.  Quelques  uns  offrent, 
en  outre,  un  ou  deux  yeux  lisses.  Ceux  qui  sont  broyeurs,  et  c'est  le  plus 
i^rand  nombre  ,  ont  plusieurs  mâchoires. 

Les  crustacés  sont  généralement  aquatiques ,  carnassiers ,  et  vivent  plu- 
sieurs années.  Ils  changent  plusieurs  fois  de  peau  avant  que  de  devenir 
ndultes,  et  quelques  uns  alors  éprouvent  des  changemens  notables,  ou  des 
métamorphoses  proprement  dites. 

DIVISION    DES    CRUSTACÉS    EN    ORDRES. 

J'avais  d'abord  partagé  cette  classe  en  deux  grandes  sections, 
l'une  appelée,  d'après  les  anciens ,  malacostracés ,  et  l'autre 
distinguée  par  Mùller  sous  la  dénomination  à! entomostracés 
(insectes  à  coquille),  et  que  j'ai  remplacée  par  celle  de  bran- 
chiopodes.  Les  premiers  sont  généralement  les  plus  grands  de 
tous,  pourvus  de  tégumens  plus  solides,  d'une  nature  cal- 
caire ,  de  quatre  antennes ,  et  d'une  bouche  composée  d'un  ^ 
labre,  de  deuxmandibulesportant  souvent  un  palpe,  d'une  lan- 
guette ,  et  de  deux  paires  de  mâchoires,  recouvertes  par  deux 
à  six  pieds-mâchoires.  Le  nombre  de  leurs  pieds  varie  de  dix 
à  quatorze,  et  va  même  quelquefois  jusqu'à  seize  (stoma- 
podes),  selon  les  changemens  qu'éprouvent  les  pieds-mâ- 
choires. Ils  peuvent,  le  plus  souvent,  servir  à  marcher,  à 
nager,  et  à  la  préhension,  étant  terminés  par  un  onglet.  Le 
dessous  du  post-abdomen ,  ou  ce  que  l'on  nomme  la  queue , 
est  presque  toujours  garni  d'appendices  disposés  par  paires, 
et  ordinairement  ovigères.  Ils  ont  toujours  deux  yeux  et 
portés  dans  plusieurs  sur  un  pédicule  articulé. 

Les  entomostracés ,  au  contraire ,  sont  le  plus  souvent  fort 
petits,  presque  microscopiques,  mous,  avec  des  tégumens  minces 
et  cornés.  Le  nombre  de  leurs  antennes  et  de  leurs  pieds  est 
moins  constant  \  ces  derniers  organes,  en  tout  ou  en  partie, 
garnis  de  poils  ou  d'appendices,  faisant  l'office  de  branchies, 
sont,  dans  quelques,  réduits  à  six,  et  dans  d'autres,  comme 
les  phyllopes ,  leur  nombre  est  très  considérable;  ils  ne  sont 
point  ordinairement  propres  à  la  préhension.  Plusieurs  de  ces 
animaux  sont  suceurs,  et  les  mâchoires  des  autres  ne  sont  jamais 


DIVISIOJV    DES    CRUSTACÉS    EN    ORDRES.  l  F)'J 

recouvertes  par  des  pieds-machoires.  Les  yeux  sont  presque  loi:- 
jours  sessiles,  et  dans  plusieurs  on  n'en  voit  qu'un.  Les  der- 
niers anneaux  du  corps  sont  le  plus  fréquemment  nus  ou  sans 
appendices  inférieurs.  Là  les  œufs  sont  renfermés  dans  deux 
sortes  d'ovaires  extérieurs  en  forme  de  capsules  ou  de  grappes; 
ici  la  gestation  est  tout-à-fait  intérieure.  Aucune  espèce  ne  vit 
sur  terre.  On  voit  par  cet  ensemble  de  caractères,  que  la  dis- 
tinclion  de  ces  deux  groupes  est  compliquée  et  inappréciable 
ou  ambiguë  ,  dans  quelques  unes  de  ses  applications.  Plusieurs 
de  ces  entomostracés  se  rapprochent  des  derniers  malaco- 
stracés,  à  l'égard  des  organes  de  la  manducation.  Ainsi,  ils 
consistent  en  un  labre  .^  en  deux  mandibules  ,  une  languette  et 
deux  paires  de  mâchoires  ;  mais  les  limules  d'abord,  et  ensuite 
les  caliges  et  autres  entomostracés  suceurs  ou  parasites ,  for- 
ment deux  types  particuliers,  qui  dans  une  série  naturelle , 
semblent  composer  une  branche  particulière,  se  dirigeant 
vers  les  arachnides.  Il  paraîtrait  même  qu'ainsi  que  dans  ces 
derniers  animaux  et  les  décapodes  brachyures ,  leur  système 
nerveux  est  plus  centralisé  que  celui  des  autres  crustacés  -,  ces 
deux  types  constituent  dans  l'ouvrage  sur  le  règne  animal  de 
M.  Cuvier  l'ordre  des  pœcilopesj  mais  il  est  évident  qu'ils  en 
forment  deux  très  distincts. 

Ces  observations  et  quelques  autres  nous  ont  conduit  à 
diviser  cette  classe  d'une  autre  manière  (Familles  Jiaturelles 
du  règne  animal^  p.  264),  et  qui  nous  semble  beaucoup  plus 
simple  et  plus  facile,  surtout  si  l'on  adopte  l'ordre  des  stiri- 
podes  de  M.  Straus.Lesphyllopesbioculés  me  paraissent  se  lier 
par  le  haut  avec  les  mvsis  et  par  l'autre  bout  avec  les  cyclopes. 
La  sériede  ces  entomostracés  se  continue  ensuite,  en  formant  un 
rameau  latéral ,  et  se  termine  par  les  phyllopodes  et  les  trilo- 
bites.  Voici  le  tableau  des  ordres  de  cette  classe. 

PREMIÈRE  DIVISION.  —-  Crustacés  maxillaires  [maxillosa). 

Bouche  composée  au  moins  d'un  labre,  de  deux  mandibules     d'une 

languette  et  de  mâchoires  rapprochés  antérieurement,  com nip-^Tcrr^  /    ^ 
àm^âve.  (Crustacés  vagabonds.)  /^vVD'V-'-^.     ^ 

I.  Pieds  très  distincts.  Segraens  du  corps,  vus  en  dessus,  ^ol^t^xd^és     ..... 


1  58  DIVISION    DES    CRUSTACÉS 

quelques  uns  offrant  au  plus  près  des  bords  latéraux  une  section  ou 
fissure  longitudinale. 

A.  Seize  pieds  thoraciques  au  plus. 

a.  Deux  yeux  séparés  (pédicules  dans  plusieurs).  Cinq  paires  de  pieds 
thoraciques ,  immédiatement  précédés  de  trois  autres  paires  d'appen- 
dices articulés  en  forme  de  palpes  ou  de  pieds  (soit  remplissant,  en  tout 
ou  en  partie,  les  fonctions  de  véritables  pieds  ,  soit  formant  des  pieds- 
mâchoires  ou  des  pieds  qui  leur  ressemblent  ). 

*  Yeux  portés  sur  des  pédicules  articulés  et  mobiles. 

PREMIER  ORDRE.  —  Décapodes  {Decapoda). 

Test  toujours  indivis.  Branchies  situées  sous  un  replis  de  ses  côtés.  Dix  pieds 
thoraciques.  Les  deux  ou  quatre  derniers  pieds-mâchoireS  rarement  am- 
bulatoires. 

DEUXIÈME  ORDRE.  —  Stomapodes   {Stomapoda). 

Test  biparti  dans  la  plupart.  Branchies  extérieures  ou  nulles.  Pieds-mâ- 
choires conformés  de  même  que  les  quatre  premiers  pieds  thoraciques 
au  moins,  ou  peu  différens.  t 

**  Yeux  sessiles  et  immobiles. 

4-  Thorax  toujours  articulé  (sept  segmens  dans  presque  tous).  Branchies 
sous-abdominales,  ou  inconnues  et  remplacées  peut-être  par  des  corps 
vésiculaires ,  situés  à  la  base  d'un  nombre  variable  de  pieds;  ces  pieds 
tous  ou  en  grande  partie  onguiculés,  préhenseurs  ou  ambulatoires, 
point  bifides  ,  ni  raraeux . 

TROISIÈME  ORDRE.  —  L^MODiPODEs  {Lœmodipoda), 

Tête  toujours  confondue  avec  le  premier  segment  thoracique,  portant  les 
quatre  pieds  antérieurs ,  ou  les  analogues  des  quatre  premiers  pieds- 
mâchoires.  Point  d'appendices  bien  distincts  sous  le  post-abdomen  (la 
queue). 

QUATRIÈME  ORDRE.—  Amphipodes  {Amphipoda), 

Tête  presque  toujours  distincte  du  premier  segment  thoracique,  et  ne  por- 
tant que  la  première  paire  de  pieds-mâchoires.  Des  appendices  très  appa- 
rens  (servant,  du  moins  en  partie ,  à  la  respiration)  sous  le  post-abdomen  ; 
les  trois  paires  antérieures  différant  des  suivantes,  terminées  chacune 
par  deux  pièces  plus  ou  moins  coniques  ou  sétacées  ,  digltiformes,  striées 
ou  dentelées. 

CINQUIÈME  ORDRE.  —  Isopodes  (Isopoda). 

Tête  presque  toujours  distincte  du  premier  segment  thoracique,  ne  portant 
que  la  première  paire  de  pieds-mâchoires.  Des  appendices  très  apparens 


EN    ORDRES.  I  59 

(servant,  du  moins  en  partie,  à  la  respiration)  ;  les  quatre  à  cinq  paires 
antérieures  identiques,  et  point  terminées  par  deux  pièces  digitiformes. 

-j.  -}.  Thorax  tantôt  confondu  avec  la  tête,  et  recouvert,  ainsi  qu'elle, 
parle  test;  tantôt  (  alvi-thorax  )  articulé,  et  de  six  segmens  au  plus. 
Branchies  adhérentes  à  quelques  uns  des  appendices  articulés  qui  pré- 
cèdent le  post-abdomen,  ou  inconnues.  Pieds  simplement  natatoires, 
ciliés,  dont  les  deux  antérieurs  au  moins  et  les  appendices  articulés 
qui  le  précèdent,  divisés  en  deux  branches,  à  leur  extrémité. 

SIXIÈME  ORDRE.—  Dicladopes  {Dicladopa). 

Ce  nouvel  ordre  comprendra  les  genres  ncbalie,  ponde ,  condyliire 
et  cumc  f  qui  se  lient  d'une  part  avec  les  inysis  et  de  l'autre  avec  les 
cyclopes,  premier  genre  de  Tordre  suivant. 

b.  Un  seul  œil  et  toujours  sessile  et  immobile.  Quatre  à  cinq  paires  de 
pieds  thoraciques,  précédés  au  plus  de  deux  paires  d'appendices  arti- 
culés en  forme  de  palpes  ou  de  pieds  dans  ceux  qui  en  ont  quatre 
paires,  et  d'une  seule  dans  ceux  qui  en  ont  cinq.  (Tête  confondue  avec 
le  thorax.  Un  test  renfermant  plus  ou  moins  le  corps  dans  un  grand 
nombre.  Pieds,  peu  exceptés,  conformés  comme  dans  l'ordre  précé- 
dent. Branchies  situées  de  même,  ou  inconnues.) 

*  Thorax  segmentaire  ou  recouvert,  ainsi  que  la  tête,  d'un  test  d'une 
seule  pièce,  pouvant  se  plier  en  deux  et  formant  comme  deux  valves, 
mais  point  séparées  et  sans  charnière.  Pieds  toujours  découverts  en 
totalité  ou  en  partie.  Quatre  antennes,  ou  deux,  mais  en  forme  de 
bras  et  rameuses. 

SEPTIÈME  ORDRE.  —  Lophyropes  [Lophyropa). 

**  Un  test,  formé  de  deux  valves  distinctes,  réunies  par  une  charnière, 
et  pouvant  entièrement  renfermer  le  corps.  Deux  antennes  simples  et 
velues. 

Nota.  Le  nombre  des  pieds  et  autres  appendices  articulés  paraît  être  moindre 
que  dans  l'ordre  précédent;  mais  le  genre  cjpris  est  le  seul  où  l'on  ait  observé 
ces  parties  avec  soin. 

HUITIÈME  ORDRE.—  Ostrapodes  (Ostrapoda). 

B.  Vingt  paires  de  pieds  thoraciques  au  moins  (tous  lamellaires  ou  fo- 
liacés ). 

NEUVIÈME  ORDRE.—  Phyllopes  {Phjllopa). 

2.  Pieds  indistincts.  Segment  de  corps,  succédans  à  l'antérieur  et  qui 
a  la  forme  d'un  bouclier  plus  ou  moins  semi-circulaire,  divisés  Ion- 
gitudinalement  en  trois  parties  ou  lobes. 


lf)0  DIVISION    DKS    CRUSTACl^S 

DIXIÈME  ORDRE.—  Trilobites  (TrilobUa). 
DEUXIÈME  DIVISION.  —  Édentés  {Edentata). 

Bouche  consistant  soit  en  des  appendices  maxilliformes  de  la  base  des 
pieds  antérieurs,  au  centre  desquels  est  le  pharynx,  soit  en  un 
siphon  servant  de  suçoir.  Portion  antérieure  du  corps  au  moins, 
recouverte  par  une  sorte  de  bouclier ,  ou  présentant  un  grand 
segment.  Diverses  sortes  de  pieds. 

ONZIÈME  ORDRE.  —  Xyphosures  (  Xyphosura  ). 

Base  des  pieds  de  la  division  antérieure  du  corps  ou  du  céphalothorax,  les 
deux  derniers  exceptés  ,  formant  un  appendice  niaxilliforme.  Test  dur, 
divisé  eu  deux  boucliers,  recouvrant  tout  le  corps,  divisé  en  dessus  par 
deux  sillons  longitudinaux;  le  dernier  terminé  par  une  pièce  très  dure» 
ensiforrae  et  mobile.  Onze  paires  de  pieds ,  tant  les  antérieurs  que  les  pos- 
térieurs, ou  ceux  de  ces  deux  parties  du  corps,  compris. 

DOUZIÈME  ORDRE.  —  Siphonostomes  {Slphonostoma). 

Bouche  consistant  en  un  siphon  ou  en  un  mamelon  servant  de  suçoir. 
Test,  lorsqu'il  existe,  ne  formant  qu'un  seul  bouclier,  mou  et  membra- 
neux. Six  à  sept  paires  de  pieds  au  plus,  tant  les  antérieurs  que  posté- 
rieurs compris.  Crustacés  parasites. 

Il  semble  que  les  pycnogonides  doivent  former  un  autre 
ordre  dans  cette  classe,  et  cela  serait  d'autant  plus  avanta- 
geux pour  la  méthode  ,  qu'en  les  plaçant  avec  les  ai^achnides, 
ils  interrompent  la  série  des  condylopes,  ayant  des  stigmates 
ou  des  ouvertures  analogues  (i).  Mais,  après  y  avoir  long-temps 
réfléchi ,  il  m'a  paru  que  par  les  organes  de  la  vision ,  leur 
nombre  et  leur  situation,  la  composition  des  pâtes  et  celle  du 
suçoir,  ces  animaux  étaient  plus  voisins  des  arachnides.  Une 
idée  à  laquelle  on  n'a  point  donné  de  l'attention,  ou  (|ui  ne 
s'est  point  présentée  à  l'esprit,  c'est  que  la  nature  a  pu  repro- 
duire ici,  comme  dans  les  crustacés,  des  myriapodes.  Les 
pycnogonides  ayant,  à  ce  qu'on  a  dernièrement  observé,  une 
circulation,  et  respirant  probablement  par  la  surface  de  la 


(i)    Les  laemorlipodos  et  les  pycnogonides  forment  penf-êfre  nn  rameau  latéral, 
partant  des  ampliipodes. 


EN    ORDRl'S.  i6r 

peau  ,  peuvent  terminer  sous  une  forme,  s'éloignant  du  type 
ordinaire  d'organisation ,  les  arachnides  pulmonaires.  Dans 
toute  hypothèse  quelconque  ,  on  ne  saurait  citer  une  seule 
arachnide  qui  fasse  le  passage  des  pulmonaires  aux  tra- 
chéennes. J'ai  toujours  cru  que,  malgré  l'inconvénient  de 
multiplier  les  classes ,  il  fallait  en  former  une  pour  les  arach- 
nides trachéennes,  celle  des  phalajigides j  en  les  réunissant 
avec  les  pulmonaires  ,  on  pèche  contre  les  règles  fondamen- 
tales del'anatomie,  et  on  n'a  d'autre  excuse  que  le  peu  d'éten- 
due de  la  classe  des  arachnides. 

M'étant  proposé  de  vous  offrir  d'abord  un  tableau  général 
de  l'entomologie  ,  l'exposition  ,  veux-je  dire  ,  de  ses  divisions 
classiques  et  ordinales  ,  de  vous  montrer  leur  enchaînement , 
de  vous  préparer  ainsi  aux  connaissances  des  coupes  subsé- 
quentes ,  comme  les  familles  et  les  genres,  je  vais  passer  im- 
médiatement à  la  seconde  classe  ,  celle  des  arachnides ,  sur 
les  détails  de  laquelle  et  des  suivantes  je  reviendrai  ensuite, 
en  prenant  pour  base  la  méthode  que  j'ai  suivie  dans  la  nou- 
velle édition  du  règne  animal  de  M.  le  baron  Cuvier. 

DEUXIÈME  CLASSE. 

ARACHNIDES   [ARACHNIDES). 

Elle  a  reçu  ce  nom  de  celui  à'arachne^  sous  lequel  les  Grecs 
désignaient  les  animaux  les  plus  nombreux  de  cette  coupe,  les 
araignées,  araneus  ou  araneœ  des  Latins.  Confondus  par 
Linné  avec  les  insectes ,  et  relégués  à  la  fin  de  cette  classe 
avec  ceux  qui  sont  privés  d'ailes  ,  ayant  ensuite  formé  dans  la 
méthode  de  Fabricius,  mais  toujours  dans  la  même  classe,  un 
ordre  particulier,  celui  des  unogates,  distingués  plus  tard  par 
moi  (Préc.  des  caract.  gén.  des  Insect.)  sous  la  dénomination 
à! acéphales ,  il  leur  fut  assigné,  dans  le  tableau  élémentaire  de 
l'histoire  des  animaux  ,  le  rang  que  la  nature  leur  a  assigné. 
Ils  vinrent  immédiatement  à  la  suite  des  crustacés,  transportés 


1 1 


162  DEUXIÈME    CLASSE. 

en  léle  de  celle  classe.  Ces  crustacés  en  ayant  ensuite  composé 
une  particulière,  M.  deLamarck  sentit  qu'il  était  pareillement 
nécessaire  d'en  former  une  nouvelle  avec  les  autres  insectes 
aptères  de  Linné  ,  et  telle  est  celle  qu'il  nomme  arachnides . 
Mais,  d'après  l'étendue  qu'il  lui  donne,  elle  comprend  des  ani- 
maux d'une  organisation  très  différente  sous  les  premiers  rap- 
ports d'anatomie.  Pour  remédier  à  ce  désordre,  nous  restrei- 
gnons la  classe  des  arachnides  à  celles  qui  constituent  son  ordre 
des  palpistes  -,  celui  qu'il  appelle  antennistes  compose  notre 
classe  des  myriapodes  et  les  premiers  ordres  de  celle  des  in- 
sectes ,  avec  cette  seule  différence  ,  que  nous  rangeons  encore 
parmi  les  insectes  aptères  hexapodes  venant  en  tête,  son  ordre 
des  insectes  aptères  établi  avec  le  genre  pulex ,  puce ,  et  par 
lequel  il  termine  sa  classe  des  insectes.  Ainsi  bornée ,  celle 
des  arachnides  se  distingue  facilement  des  autres ,  sauf  quel- 
ques exceptions  à  l'égard  du  nombre  des  pieds  et  des  organes 
respiratoires  ,  par  les  caractères  suivans  :  des  ouvertures  pour 
la  respiration  à  la  surface  extérieure  de  la  peau  du  ventre  ou 
de  l'extrémité  postérieure  et  inférieure  du  thorax.  Corps  di- 
visé en  deux  parties ,  la  postérieure  formée  par  l'abdomen , 
et  l'antérieure  par  la  tête  ,  confondue  avec  le  thorax ,  sous 
la  forme  d'un  céphalothorax.    Huit  pieds  dans  le  plus  grand 
nombre,  six  dans  les  autres.  Point  d'antennes  proprement 
dites  ^  tantôt  deux  pinces,  tantôt  deux  lancettes  styliformes  les 
remplaçant.  Point  d'yeux  à  facettes.  Des  yeux  lisses  (au  nombre 
de  deux  à  douze).  Organes  sexuels  situés  en  avant  de  l'anus. 
Animaux  ne  changeant  pas  essentiellement  de  forme  dès  leur 
sortie  de  l'œuf.  Dans  le  tableau  général  des  classes,  partageant 
la  division  des  animaux  sans  vertèbres  articulés  et  à  pieds 
articulés ,  nous  avons  présenté  quelques  autres  caractères , 
fondés  principalement  sur  l'anatomie ,  et  qu'il  est  inutile  de 
répéter.  Mais  nous  ajoulerons  que  les  organes  visuels  des  arach- 
nides ont ,  d'après  les  recherches  du  docteur  Mùller,  profes- 
seur à  l^onn  ,  un  cristallin  et  un  corps  vitré  -,  ou  que  de  même 
que  ceux  des  animaux  vertébrés ,  des  céphalopodes  et  de  quel- 


ARACHNIDES.  l63 

nues  gastéropodes ,  ils  ont  des  milieux  réfringens  recevant  la 
lumière  ,  qui  va  se  réunir  en  un  foyer  sur  une  rétine  ,  tandis 
que  dans  les  yeux  composés  des  crustacés  et  des  insectes ,  la 
lumière  qui  tombe  perpendiculairement  sur  la  surface  suscep- 
tible de  sensations  est  seule  perçue  5  toute  celle  qui  arrive 
obliquement  est  interceptée  par  un  organe  quelconque.  La 
surface  sentante,  en  ce  cas,  doit  être  nécessairement  sphé- 
rique,  afin  d'offrir  un  plus  grand  nombre  de  points  d'inci- 
dence particulière.  Dans  les  yeux  de  quelques  scorpions  d'A- 
frique les  deux  grands  yeux  lisses  ou  simples  du  cépbalolborax 
se  composent  toujours  d'une  cornée ,  d'un  cristallin  sphérique  ,* 
d'un  corps  vitré  à  face  antérieure  convexe  extérieurement, 
d'un  pigmentum  faisant  la  fonction  de  choroïde,  et  d'une 
rétine  membraneuse  supportant  la  base  du  cône  formé  par  le 
nerf  optique.  Les  yeux  lisses  latéraux  et  plus  petits  ont  pro- 
bablement la  même  organisation.  Le  corps  sphérique  ,  blan- 
châtre et  mou ,  situé  derrière  la  cornée ,  de  ceux  de  la  my- 
gale aviculaire ,  et  que  Sœmmering  a  pris  pour  la  rétine ,  n'est 
que  le  corps  vitré.  D'ailleurs  ces  observations,  ainsi  que  celles 
du  professeur  Gaëde,  s'accordent  quant  aux  autres  faits.  Jus- 
qu'ici on  n'avait  compté  au  plus ,  dans  les  arachnides ,  que 
huit  yeux  lisses ,  mais  MùUer  en  a  vu  dix  dans  ces  mêmes 
scorpions  ;  les  deux  latéraux  postérieurs  n'avaient  pas  été  com- 
pris dans  cette  supputation  ,  ou  on  ne  les  avait  pas  considérés 
comme  des  yeux.  MM.  Hemprich  et  Ehrenberg  en  donnent 
douze  à  d'autres  espèces  ,  celles  qui  composent  leur  genre  an- 
droctonus.  Il  m'a  paru  que  les  derniers  yeux  lisses  latéraux  de 
ces  scorpions  étaient  progressivement  plus  petits ,  et  avaient 
une  tendance  à  s'oblitérer  ou  à  avorter.  Je  pense  aussi  que 
l'on  peut  facilement  confondre  ces  organes  avec  quelques 
petites  élévations  arrondies  et  luisantes  de  la  peau ,  et  que 
c'est  par  suite  d'une  telle  méprise  que  M.  MùUer  attribua  six 
yeux  lisses  aux  solpuges ,  ou  quatre  de  plus  qu'on  n'en  avait 
compté,  et  situés,  deux  par  deux,  de  chaque  coté.  Si  ce  sont 
réellement  des  organes  de  la  vision ,  il  faut  convenir  qu'ils 
sont  très  imparfaits. 


|64  DEUXIÈME    CLASSK. 

Diverses  observations  nous  ont  prouve  que  des  membres 
des  arachnides  pouvaient  se  régénérer,  lorsque  ces  animaux 
les  perdaient.  Cette  faculté ,  la  longévité  reconnue  de  quel- 
ques espèces ,  et  d'autres  caractères  d'organisation  les  rap- 
prochent évidemment  des  crustacés.  M.  Savigny  les  assimile 
<à  des  animaux  de  cette  classe ,  mais  dont  la  tête  serait  em- 
portée. Leur  corps  ne  serait  composé  que  d'un  thorax  et  d'un 
abdomen.  Il  avoue  cependant  (Explication  des  planches  de 
l'atlas  de  Zoolog.  de  l'ouvrage  sur  l'Egypte)  que  la  présence  ,^ 
des  yeux  décèle  l'existence  de  cette  léte.  Ils  sont  situés  de  même  H 
que  le  labre  et  ces  deux  appendices  qu'on  a  nommées  man- 
dibules  y  qui  sont  pour  lui  des  forcipules  et  pour  moi  des 
antennes-pinces  ou  des  chélicères,  analogues  aux  antennes  mi- 
toyennes des  crustacés,  mais  ayant  d'autres  usages,  sur  le  pre- 
mier segment  du  thorax.  La  bouche  s'ouvre  à  la  jonction  de 
ce  segment  et  du  suivant.  Elle  consiste  principalement  en  un 
pharynx ,  qu'il  avait  d'abord  considéré  comme  double ,  à 
raison  de  deux  conduits  ou  ouvertures ,  mais  qui  lui  paraît 
maintenant  unique  ,  avec  trois  ouvertures.  Il  est  pourvu  supé- 
rieurement d'un  labre  ,  et  inférieurement  d'une  lèvre  ster- 
nale ,  pièce  que  l'on  désigne  communément  sous  le  nom  de 
lèvre.  Elle  est  quelquefois ,  suivant  lui ,  munie  de  deux  palpes , 
et  insérée  sur  le  troisième  segment  thoracique.  Deux  mâ- 
choires, portant  chacune  un  palpe,  dont  le  dernier  article, 
le  digital ,  est  transformé  dans  les  mâles  adultes  de  quelques 
espèces ,  en  organe  excitateur  ou  provoquant  la  copulation  , 
sont  annexées  au  second  segment.  Ces  derniers  palpes  sont 
des  bras  palpaires ,  et  les  deux  autres  des  palpes  labiaux.  Le  i 
thorax  présente  ensuite  quatre  autres  segmens ,  portant  chacun 
deux  organes  locomoteurs  ou  pieds.  La  première  et  la  seconde 
paire  sont  quelquefois  dilatées  à  leur  base  interne  ,  et  cette 
dilatation  forme  une  mâchoire  surnuméraire.  Quelquefois 
encore  la  première  paire  devient  tentaculaiie ,  et  c'est  alors 
un  pied  paipaire. 

Le  nombre  des  segmens  varie  ;  tantôt  on  en  distingue  bien 
treize  ou  douze,  tantôt  neuf  à  dix  ;  ils  s'oblitèrent  ou  se  con-     ' 


ARACIUNIDES. 


l65 


foiuleiit,  et  ne  forment  qu'une  masse.  Les  organes  de  la  géné- 
ration ont  toujours  leur  issue  sous  le  premier  segment,  et  l'on 
voit  par  là  que  M.  Savigny  adopte  le  sentiment  de  M.  Trévi- 
ranus,  relativement  à  la  situation  des  parties  sexuelles  des 
aranéides.  Il  nomme  épigyjie  un  organe  prévalvulaire ,  dont 
la  fonction  principale  est  de  recevoir,  l'un  après  l'autre ,  dans 
le  prélude  de  l'accouplement ,  les  organes  excitateurs  mâles. 
Cette  pièce  est  tubuleuse  et  percée  de  deux  orifices  plus  re- 
marquables, un  de  chaque  côté.  L'anus  est  placé  au  dernier 
segment,  et  accompagné  de  filières  dans  les  aranéides.  Les  pieds 
se  divisent  en  quatre  parties  principales  :  la  hanche  ,  formée 
d'un  article  radical,  suivi  quelquefois  de  deux  autres  supplé- 
mentaires ^  la  cuisse,  qui  en  offre  deux,  l'exinguinal  et  le  fé- 
moral ;  la  jambe,  composée  aussi  de  deux  articles,  le  génual 
et  le  tibial^  enfin  le  tarse,  qui  se  subdivise  ordinairement  en 
plusieurs  phalanges  ou  articulations ,  et  dont  la  dernière  est 
munie  d'un  à  trois  ongles ,  portés  sur  un  support  commun  ,  ou 
d'un  pédicule  vésiculeux,  sans  ongle.  Les  forcipules  se  ter- 
minent communément  par  uu  ou  deux  doigts  ,  ou  sont  mono- 
dactyles ou  didactyles  j  dans  quelques  autres,  ils  ont  la  forme 
d'un  stylet  dentelé  à  sa  pointe.  M.  Savigny  fait  observer  que 
les  limules,  genre  de  crustacés  de  l'ordre  des  xyphosures, 
ont  de  l'affinité  avec  les  arachnides  :  c'est  même  dans  cette 
dernière  classe  que,  suivant  M.  Straus,  il  faudrait  les  placer. 
Ces  rapports  se  montrent ,  en  effet ,  dans  la  division  du  corps 
en  deux  parties ,  le  céphalothorax  et  l'abdomen ,  ainsi  que  dans 
l'organisation  buccale  et  celle  du  système  nerveux ,  formé  de 
trois  ganglions  au  plus ,  non  compris  le  cerveau  ;  les  scorpions , 
en  ayant  sept,  semblent  faire  exception  ;  mais  les  quatre  der- 
niers aj)partiennent  à  la  queue  ou  au  post-abdomen ,  partie  du 
corps  qui,  comparativement  à  la  plupart  des  arachnides  et  à 
un  grand  nombre  de  crustacés,  peut  être  considérée,  par  les 
modifications  qu'elle  subit  et  par  son  anéantissement  même , 
comme  surnuméraire.  Si  M.  Savigny  avait  réfléchi  que  c'est 
plutôt  sur  elle  que  sur  la  portion  antérieure  du  corps,  dont  les 
fonctions  sont  autrement  importantes,  que  la  nature  opère  des 


l66  DEUXIÈME    CLASSE. 

réductions ,  il  n'aurait  pas  comparé  les  arachnides  à  des  crus- 
tacés sans  tête.  Pour  terminer  sa  nomenclature  des  organes 
extérieurs  de  ces  animaux,  nous  envisagerons  la  structure  du 
thorax  des  arachnides  d'une  autre  manière  ^  et ,  tout  en  ren- 
dant hommage  à  l'exactitude  de  la  description  qu'il  a  donnée 
de  ses  parties ,  nous  ne  pouvons  adopter  les  applications  ana- 
logiques qu'il  en  déduit.  La  portion  antérieure  du  corps,  et 
qui  se  présente,  indépendamment  des  forcipules  ouchélicères, 
insérées  à  son  origine ,  ou  sous  le  bord  de  cette  partie  anté- 
rieure de  l'écaillé  dorsale  portant  les  yeux  ,  sous  la  forme 
d'une  languette  triangulaire ,  se  compose ,  dans  la  nomencla- 
ture de  M.  Savigny,  de  l'épistome ,  du  labre  et  de  l'épichile. 
Sa  face  inférieure ,  et  qu'on  peut  désigner,  avec  ce  savant ,  sous 
le  nom  àe  palais ,  est  ordinairement  carénée  longitudinalement 
dans  son  milieu.  La  carène  est  hérissée  de  poils  dans  les  ara- 
néides,  et  offre,  dans  son  milieu,  un  canal  longitudinal.  Le 
même  naturaliste  dit  avoir  observé  sous  l'épichile ,  qui  peut  se 
relever  de  devant  en  arrière ,  une  fente  servant  probablement 
à  l'émission  de  quelque  liqueur.  Lyonet,  dans  ses  Mémoires 
posthumes,  et  Tréviranus ,  dans  son  Anatomie  des  Araignées 
et  des  Scorpions ,  ont  considéré  cette  pièce  comme  une  langue. 
Le  premier  en  a  donné  plusieurs  figures  détaillées  -,  mais ,  com- 
parativement à  la  pièce  désignée  ainsi  dans  les  crustacés ,  cette 
dénomination  ne  saurait  lui  convenir,  puisqu'elle  est  située  en 
avant  du  pharynx. 

M.  Savigny  en  a  bien  observé  toutes  les  parties,  mais  sans 
les  distinguer  nominativement.  Elle  forme,  au-dessus  des  autres 
organes  de  la  manducation ,  une  sorte  de  toit  ou  de  voûte ,  et 
je  l'appellerai  conséquemment  cainerostome  (camerostoma^. 
Dès-lors  celle  qui  a  reçu  la  dénomination  de  lèvre  ,  labium,  et 
qui  est  pour  M.  Savigny  une  lèvre  sternale,  étant  située  en 
arrière  du  pharynx,  le  recouvrant,  et  s'appliquant  sur  la  face 
inférieure,  ou  le  palais,  du  camérostome,  serait  plutôt  une  lan- 
guette proprement  dite  :  mais,  comme  dans  les  scorpions,  elle 
est  formée  de  deux  pièces,  qui  sont  chacune  un  appendice  de 
la  base  des  seconds  pieds,  et  que,  dans  les  crustacés,  la  lan- 


ARACHNIDES.  •>  1 67 

cueltc  est  isolée  et  tout-à-fail  indépendante  des  autres  organes 
buccaux,  la  pièce  qui,  dans  ces  arachnides,  semblerait,  par 
sa  situation,  devoir  la  représenter,  quoique  essentiellement 
différente  de  la  lèvre  des  insectes ,  puisqu'elle  ne  porte  point 
de  palpes,  peut  être  assimilée  à  une  sorte  de  lèvre,  faisant  aussi 
l'office  de  languette.  C'est  ce  qui  m'avait  déterminé  à  lui  don- 
ner le  nom  de  glossoïde.  Dans  les  limules,  l'organe  que  M.  Savi- 
gny  nomme  languette,  consiste  dans  deux  appendices  maxilli- 
formes  de  la  cinquième  paire  de  pieds,  mais  libres  ou  détachés. 
La  lèvre  des  aranéides  est  peut-être  formée  de  la  réunion  d'ap- 
pendices analogues  et  pareillement  libres.  Dans  tous  les  cas , 
elle  se  présente  sous  la  forme  d'un  prolongement  pectoral  ou 
sternal^  et  afin  de  ne  pas  trop  embarrasser  la  nomencla- 
ture ,  nous  lui  conserverons  la  dénomination  eénéralement 
reçue.  ^ 

Quant  aux  parties  du  camérostome,  celle  que  M.  Savigny 
nomme  diastome ,  est  cet  espace  de  la  tête  qui  précède  immé- 
diatement le  chaperon  ou  le  véritable  épistome ,  et  où  sont  in- 
sérées les  chélicères  ou  forcipules.  Ce  qu'il  nomme  labre  sera 
dès-lors  cet  épistome ,  et  la  pièce  qui  le  termine  ou  l'épichite , 
le  labre  proprement  dit.  Le  sillon  longitudinal  et  médiaire  du 
palais  est  un  canal  proœsophagien.  Les  galéodes  et  quelques 
autres  arachnides  ont,  suivant  ce  naturaliste,  deux  palpes  à  la 
lèvre  sternale  ^  mais  il  est  aisé  de  voir,  à  l'égard  au  moins  de 
ces  galéodes,  que  les  pièces  qu'il  considère  comme  des  palpes  et 
dont  l'extrémité  offre  une  soie  plumeuse ,  ne  sont  que  deux 
lobes  terminaux  de  la  lèvre ,  qui  est  formée  par  le  prolongement 
interne  et  antérieur  de  la  base  des  deux  palpes  ;  ce  qu'il  nomme 
ici  lèvre  sternale  est  le  castérostome.  D'après  notre  manière 
de  voir,  les  appendices  venant  immédiatement  après  la  lèvre 
sternale  répondront  successivement  et  comparativement  aux 
crustacés  dentés ,  à  deux  mandibules  membraneuses  et  pal- 
pigères ,  à  deux  paires  de  mâchoires ,  mais  sous  la  forme  de 
pieds,  et  ayant  quelquefois  à  leur  base,  comme  dan 
faucheurs,  des  mâchoires,  et  à  deux  paires  de  piéc^^'^iS»^  l, 
choires  ,  représentés  par  deux  autres  paires  de  piod§V^pl3a- *~*'^ 


l68  DEUXIÈME    CLASSE. 

toiles  (i).  Cette  hypothèse  ne  suppose  aucune  anomalie  ,  et 
s'accorde  avec  la  marche  toujours  simple  de  la  nature. 

La  plupart  des  arachnides  sont  carnassières;  les  plus  gran- 
des ,  telles  que  celles  de  notre  premier  ordre ,  et  beaucoup  de 
celles  du  dernier,  vivent  d'insectes  qu'elles  saisissent  vivans  ; 
les  autres  T  dont  l'instinct  est  le  même  et  qui  sont  toujours  de 
petite  taille,  se  fixent  sur  divers  animaux  vertébrés,  l'homme 
même,  et  sur  des  insectes,  et  en  sucent  les  humeurs.  Quelques 
espèces  y  pullulent  en  telle  abondance,  qu'elles  épuisent  ces 
animaux  et  finissent  par  les  faire  périr.  Il  en  est  qui  attaquent 
les  collections  d'insectes ,  lorsqu'on  les  laisse  dans  des  appar- 
temens  froids  et  humides.  Sans  les  détruire ,  elles  leur  nuisent 
néanmoins  par  l'action  qu'elles  exercent  sur  les  parties  molles 
des  objets  conservés,  et  en  les  disposant  à  la  putréfaction  ou 
à  la  dissolution  de  leurs  parties.  Les  autres  arachnides,  et  tou- 
jours très  petites ,  souvent  même  presque  imperceptibles,  ron- 
gent quelques  unes  de  nos  provisions  de  bouche,  comme  la 
farine,  le  fromage,  etc.  On  trouve  aussi  quelques  espèces  sur 
des  végétaux.  Dans  plusieurs,  deux  de  leurs  pâtes  ne  se  mon- 
trent que  vers  les  dernières  mues. 

M.  Savigny,  dont  la  méthode  est  d'ailleurs  restreinte  aux 
espèces  recueillies  par  lui  en  Egypte  et  dans  les  contrées  adja- 
centes, a  uniquement  fondé  sa  distribution  des  arachnides  sur 
les  organes  de  la  manducation  et  de  la  locomotion ,  ainsi  que 
sur  le  nombre  et  la  disposition  des  yeux.  Elles  forment  onze 
séries  -,  dans  les  dix  premières,  les  forcipules  sont  monodactyles 
ou  didactyles.  Ils  ont  la  forme  d'un  stylet  dentelé ,  et  les 
mâchoires  sont  soudées  supérieurement  entre  elles  dans  la  der- 
nière ou  la  onzième.  Toutes  les  espèces  des  cinq  premières  sé- 
ries ont  des  forcipules  monodactyles  ;  ceux  des  cinq  suivantes 
se  terminent  en  une  pince  didactyle.  Les  autres  caractères 
sont  tirés  de  la  forme  des  palpes  maxillaires,  tantôt  simples, 
tantôt  finissant  aussi  en  pince ,  du  nombre  des  ongles ,  des 
tarses  et  des  yeux  ,  du  rapprochement  ou  de  l'écart  de  ces 


1 


(i)    Les  quatre  antérieurs  des  insectes. 


ARACHNIDES.  !  69 

derniers  organes,  de  la  présence  ou  l'absence  des  palpes,  de 
la  lèvre  slernale  et  des  mâchoires  surnuméraires.  Il  com- 
mence par  les  mygales ,  passe  de  Là  aux  autres  aranéides , 
dont  la  série  s'éloigne  peu  de  la  nôtre ,  aborde  ensuite  notre 
famille  des  pédipalpes ,  qui  le  conduit  à  celle  des  faux-scor- 
pions et  aux  autres  arachnides  trachéennes.  Enfin  ,  nos  genres 
ixode  et  argas  constituent  sa  dernière  série.  Cette  distribution 
est,  relativement  aux  groupes  principaux,  en  harmonie  avec 
celles  de  notre  généra,  et  de  l'ouvrage  sur  le  règne  animal 
de  M.  le  baron  Cuvier.  Ici ,  cependant ,  et  après  de  mûres 
réflexions,  nous  ferons  quelques  changemens  à  cette  méthode  : 
1°.  Nous  mettrons  en  tête  les  scorpions  et  autres  arachnides 
pédipalpes  ,  parce  que  leur  organisation  nous  a  paru  supé- 
rieure à  celles  des  autres  animaux  de  cette  classe,  et  plus 
rapprochée  de  celle  des  crustacés-,  2°.  les  pyenogonides  com- 
poseront un  nouvel  ordre,  celui  des  aporohranches  (bran- 
chies sans  issue)  ,  attendu  qu'il  est  impossible  de  les  conserver 
dans  les  ordres  déjà  établis,  sans  en  troubler  ou  en  obscurcir 
les  caractères  distinctifs. 

Je  partagerai  donc  la  classe  des  arachnides  en  trois  ordres  , 
et  que  je  signalerai  ainsi  : 

PREMIER  ORDRE. 

PULMONAIRES  {PULMONARIM). 

Des  vaisseaux  pour  la  circulation.  Des  pueumobranchies,  couiposées  d'un 
grand  nombre  de  petits  feuillets,  renfermées  dans  des  bourses  ou  sacs 
{ au  nombre  de  huit  à  deux),  situées,  par  paires ,  de  chaque  côté  du  ventre  , 
i  sous  la  peau  ,  et  recevant  chacune  l'air  par  une  fente  transverse  (ùranchios- 
tome)  analogue  aux  stigmates  des  insectes.  Organes  de  la  génération  dou- 
bles. Six  à  huit  yeux  lisses.  Huit  pâtes  dans  tous.  Bouche  toujours  maxillaire. 

DEUXIÈME  ORDRE. 

APOROBRANCHES    {ÂPORODRANCHIM). 

Aucun  stigmate  apparent  à  la  surface  du  corps.  Respiration  s'opérant 
probablement  par  quelques  portions  de  la  peau  ,  ayant  les  propriétés  des 
branchies.  Corps  linéaire,  composé  1°.  d'une  bouche  en  forme  de  siphon 


3-0  TROISIEME    CLASSE. 

avancé,  tubulaire,  et  dont  les  pièces  intérieurement  soudées;  a»,  de  cinq 
se-mens  :  le  premier  portant  les  deux  premières  pâtes,  et  dans  les  femelles 
deux  autres,  mais  uniquement  ovigères  ;  un  tubercule  dorsal,  muni  de  quatre 
yeux  ;  souvent  deux  chélicères  et  deux  palpes  ,  situés  en  avant,  sur  ce  même 
segment  ;  les  trois  suivans  portant  chacun  une  paire  de  pieds  ;  le  cinquième 
et  dernier,  petit,  tubulaire,  cylindrique,  remplaçant  l'abdomen 5  deux  cro- 
chets réunis  en  un,  inégaux  et  dont  l'un  bifide,  au  bout  des  tarses.  Organes 
sexuels  inconnus. 
Animaux  marins. 

TROISIÈME  ORDRE. 

TRACHÉENNES    {TRACHEARIM). 

Point  de  vaisseaux  pour  la  circulation.  Des  trachées  recevant  l'air  par 
deux  ouvertures  ou  stigmates,  situées  à  la  surface  de  la  peau,  soit  sur  les 
côtés  inférieurs  de  l'extrémité  postérieure  du  thorax,  soit  sur  le  ve-ntre. 
Quatre  yeux  au  plus,  et  jamais  réunis  ,  lorsque  ce  nombre  existe  sur  un 
tubercule  commun.  Organes  sexuels  uniques  (.).  Huit  à  six  pâtes.  Bouche 
tantôt  maxillaire,  tantôt  en  siphon,  mais  à  pièces  libres. 

TROISIÈME  CLASSE. 

MYRIAPODES    {MYRIAPODA). 

Eli  prenant  uniquement  pour  base  d'une  méthode  naturelle 
les  caractères  fournis  par  l'anatomie  intérieure  ,  ces  animaux 
offrant,  comme  les  insectes  hexapodes,  absence  de  tout  organe 
de  circulation  et  des  trachées  (2)  pour  la  respiration  ,  doivent 
leur  être  réunis  ,  et  ne  point  former  une  classe  particulière  5 
mais  ils  contrastent  tellement  avec  eux  par  la  configuration 
générale  de  leur  corps ,  la  multitude  de  leurs  pieds  et  quel- 
ques autres  traits  distinctifs ,  qu'une  semblable  association 
paraît  monstrueuse  et  vicier  la  classe  des  insectes. 

Fabricius  en  fit  un  ordre  spécial ,  sous  le  nom  de  mitosates. 
Dans  mon  Précis  des  caractères  génériques  des  insectes ,  je 


(i)  Les  galéodes  peut-être  exceptés,  car  leurs  palpes  sont  terminés  par  uu  boutou 
présentant  les  vestiges  de  quelques  appendices,  qui  sont  peut  être  sexuels.    ^ 

(2)  Les  unes  artérielles  et  les  autres  pulmonaires  {^vojez  les  généralités  de  la 
classe  des  insectes).  Ces  animaux  ont  aussi  un  très  grand  nombre  de  vaisseaux  hé- 


patiques 


MYRIAPODES.  I^I 

riiunis,  au  même  ordre,  que  je  nommai  myriapodes ,  les  clo- 
portes et  les  aselles.  M.  Cuvier,  dans  son  Tableau  élémentaire 
de  l'Histoire  naturelle  des  animaux,  combinant  la  méthode 
de  Fabricius  avec  celle  de  Linné ,  mais  en  plaçant ,  sauf  les 
genres  pediculus  et  acanis ,  l'ordre  des  aptères  en  tête  de  la 
classe  des  insectes ,  forma  avec  les  mitosates  du  premier  sa 
seconde  division  du  même  ordre ,  celle  des  mille-pieds ,  pré- 
cédée immédiatement  de  celle  des  crustacés  ,  terminée  par  les 
cloportes  ,  et  suivie  de  celle  des  aracnéides,  mais  dont  il  n'au- 
rait pas  dû  exclure  les  acarus.  Les  myriapodes  font  partie, 
dans  la  méthode  de  M.  de  Lamarck,  de  sa  classe  des  arach- 
nides ,  ordre  desantennistes.  Ils  composent  le  premier  de  celle 
des  insectes  ,  dans  l'ouvrage  sur  le  règne  animal  de  M.  Cuvier. 
Enfin,   M.   Leach  en  a  formé  une  classe   particulière,  sous 
la  même  dénomination  de  myriapodes,  et  l'a  signalée  par  des 
caractères  tirés  des  antennes ,  de  l'organisation  buccale  et  du 
nombre  des  pieds.  Il  a  mis  à  profit  les  observations  curieuses 
publiées  à  cet  égard  par  M.  Savigny  dans  ses  Mémoires  sur 
les  animaux  sans  vertèbres ,   et  d'après  lesquelles  la  bouche 
des  myriapodes  serait  composée  de  deux  mandibules ,  d'une 
lèvre  inférieure  produite  de  la  réunion  des  deux  paires  de 
mâchoires  des  crustacés  broyeurs,  et  de  deux  sortes  de  lèvres 
auxiliaires ,  formées  par  des  palpes  ou  par  les  deux  ou  quatre 
pieds  antérieurs,  conjoints  ou  très  rapprochés  à  leur  naissance. 
Mais  la  pièce  qu'il  nomme  lèvre  inférieure  n'est  point ,  selon 
nous ,  une  réunion  de  mâchoires.  L'ordre  des  successions  des 
parties  de  la  bouche  indique  qu'elle  correspond  à  la  langue 
de  ces  crustacés ,  et  si  elle  paraît  plus  composée ,  c'est  que  la 
nature  voulant  multiplier   ici    d'une   manière   excessive  le 
nombre  des  organes  du  mouvement,  donner  même  à  ceux  de 
la  bouche  une  forme  analogue  ou  des  caractères  qui  nous  la 
rappellent,  a  assujetti  à  ce  plan  la  langue  même.  Ainsi  cette 
prétendue  lèvre  inférieure  se  compose  de  deux  sortes  de  palpes 
avec  un  appendice  interne ,  soit  séparés  comme  dans  les  sco- 
lopendres ,  soit  soudés  comme  dans  les  iules.  Les  deux  lobes 
de  la  langue  de  certaines  crevettes,  des  apus,  etc.,  sont  même 


1^2  TROISIÈME    CLASSE. 

divisés  longitudinalement  en  deux  parties ,  et  la  division  ex- 
térieure, dans  ce  dernier  genre,  est  déjà  biarticulée.  En 
admettant  dès-lors  que  cette  lèvre  inférieure  représente  la 
langue  des  crustacés,  il  s'ensuivra  que  d'après  l'ordre  de 
succession  des  autres  parties  de  la  bouche ,  les  deux  lèvres 
auxiliaires  sont  les  analogues  des  quatre  mâchoires  des  mêmes 
animaux.  Ainsi  que  semble  l'indiquer  l'alternation  des  stig- 
mates, les  segmens  du  corps,  comparés  à  ceux  des  insectes, 
ne  sont  que  des  demi-segmens ,  ou  deux  des  premiers  équi- 
valent à  l'un  de  ceux-ci-,  par  conséquent  encore  les  deux 
paires  de  paîes  n'en  représentent  qu'une  des  dernières,  ou 
l'une  d'elles  est  surnuméraire.  Dans  les  iules,  la  tête  propre- 
ment dite  ne  porte  que  les  antennes ,  les  yeux  ,  les  mandibules 
et  la  langue-,  et  les  quatre  premières  paires  de  pieds  au  moins, 
sont  annexées  à  autant  de  segmens,  mais  incomplets  en  des- 
sous, ou  point  entièrement  fermés. 

Dans  les  scolopendres,  la  première  lèvre  auxiliaire,  cor- 
respondante à  la  première  paire  de  pieds  des  myriapodes  pré- 
cédens,  lient  évidemment  à  la  tête,  et  le  segment  suivant 
porte  à  la  fois  la  seconde  lèvre  auxiliaire ,  consistant  en  deux 
pieds  en  forme  de  crochets ,  et  les  deux  premiers  pieds  ordi- 
naires. Ici  donc  ce  segment  est  formé  de  la  réunion  de  deux 
des  suivans  ;  et  en  effet  les  deux  premiers  stigmates  distincts 
sont  sur  le  troisième ,  et  leur  seconde  paire  est  placée  sur  le 
mnquième.  M.  Straus ,  comparant  la  tête  du  hanneton  ordi- 
naire avec  celle  des  scolopendres ,  estime  que  les  pieds  à  cro- 
chets de  ces  derniers  animaux  sont  les  analogues  des  mâ- 
choires des  insectes ,  ou  des  appendices  de  la  pièce  qu'il 
appelle  basilaire,  et  nullement  les  analogues  de  leur  lèvre 
inférieure.  Mais  d'après  les  faits  exposés  ci-dessus  ,  l'orga- 
nisation extérieure  des  myriapodes  s'éloigne  fortement,  sous 
beaucoup  de  rapports,  de  celle  des  insectes  coléoptères^  et 
si  l'on  peut  établir  ici  quelques  similitudes,  c'est  plutôt 
avec  les  crustacés  qu'avec  ceux-ci ,  qu'il  faut  comparer  les 
myriapodes  ^  telle  a  été  aussi  notre  marche.  L'ordre  graduel 
des  pièces  buccales  nous  a  montré  dans  leur  seconde  lèvre 


MYRIAPODES.  l'jS 

auxiliaire,  le  représentant  de  la  lèvre  inférieure  des  insectes, 
et  tout  ce  que  peut  dire,  à  cet  égard,  M.  Slraus,  ne  nous  a 
point  fait  changer  d'opinion.  S'il  s'était  donné  la  peine  de 
consulter  les  écrits  publiés  avant  lui,  sur  les  sujets  dont  il 
traite,  il  ne  nous  aurait  pas  reproché  de  n'avoir  point  adopté 
la  classe  des  myriapodes,  puisque  nous  l'avions  déjà  fait  dans 
notre  ouvrage  sur  les  familles  naturelles  du  règne  animal , 
qui  a  paru  en  1825  ,  et  que  nous  y  avions  présenté  quelques 
aperçus  nouveaux. 

De  tous  les  animaux  sans  vertèbres  et  aptères,  respirant  par 
des  trachées  aériennes  ,  les  myriapodes  sont  les  seuls  dont  le 
corps,  composé  d'une  série  ordinairement  très  considérable, 
indéterminée  ,  et  souvent  variable  avec  l'âge,  d'anneaux,  soit 
pourvu,  dans  toute  sa  longueur,  de  pales,  et  dont  le  nombre  est 
au  moins  de  douze  paires.  Soustraction  faite  des  gloméris  et 
des  pollyxènes ,  genres  peu  nombreux ,  ces  animaux  ressem- 
blent à  des  vers  ou  à  de  petits  serpens,  ainsi  qu'aux  né- 
réides ,  de  la  classe  des  annélides  ;  mais  ils  sont  tous  ter- 
restres ,  au  lieu  que  ces  annélides  sont  toutes  marines  et 
respirent  d'ailleurs  par  des  branchies. 

Le  corps  étant  d'une  même  venue  ou  sous  la  forme  d'un  fût, 
scapuSy  et  ses  segmens,  à  l'exception  au  plus  des  deux  derniers, 
étant  munis  de  pâtes,  le  thorax  n'est  point  distinct  de  l'abdo- 
men. Mais  la  situation  des  organes  masculins,  ou  un  change- 
ment dans  l'ordre  sériai  des  stigmates  ,  semble  cependant  an- 
noncer cette  séparation.  Ainsi  dans  les  iules  les  parties  sexuelles 
masculines  sont  situées  sur  le  septième  segment,  et  à  la  place  de 
la  huitième  paire  de  pâtes.  Dans  les  grandes  scolopendres , 
celles  qui  ont  vingt-une  paires  de  pieds  (ceux  à  crochets  non 
compris),  les  deux  premiers  stigmates  sensibles  se  trouvent 
sur  le  troisième  segment^  le  cinquième  et  le  septième  en 
offrent  chacun  deux  autres.  Si  cette  alternation  se  con- 
tinuait ,  la  quatrième  paire  serait  placée  sur  le  neuvième  ; 
mais  elle  anticipe ,  et  on  la  découvre  sur  le  huitième.  J'ai 
présumé  que  ces  changemens  établissaient  en  quelque  sorte 
la  démarcation  du  thorax  et  de  l'abdomen.  J'ai  dit  que  dans 


iy4  TROISIEME    CLASSE. 

les  iules,  la  langue,  ou   la  pièce  que   M.  Savigny   appelle 
lèvre  inféiieure,  fermait  inférieurement  la  bouche  ,  de  sorte 
que  celles  qui  représentent  les  mâchoires  en  étaient  séparées. 
Quoique   dans  les   scolopendres  les    analogues   de   la   pre- 
mière paire  de  ces  derniers  organes  soient  annexés  à  la  tête , 
il  serait  possible  qu'ils  dépendissent  d'un  segment  propre, 
mais  rudimentaire  -,  et  ,   dans  cette   supposition  ,  autorisée- 
d'ailleurs  par  la  considération  du  premier  segment,  portant 
les  pieds  à  crochets  et  les  deux  premiers  pieds  ordinaires ,  la 
lansfue  fermerait  aussi  en  dessous  la  cavité  buccale.  A  sa  base 
antérieure   est  situé    le   pharynx.   Les   deux   antennes  sont 
simples,  presque  toujours   plus  longues  que   le  corps,  soit 
composées  de  peu  d'articles  et  un  peu  plus  grosses  au  bout , 
soit  sétacées  et  très  articulées.  Les  scutigères  sont  les  seuls 
myriapodes  qui  aient  des  yeux  à  facettes  5  ils  sont   composés 
dans  tous  les  autres  d'un  groupe  de  petits  yeux  lisses  ,  placés 
derrière  les  antennes  et  s'oblitérant  dans  quelques  espèces. 
Les  mandibules  des  uns  semblent  être  divisées  en  deux  par 
une  suture  transverse  ,  et  se  terminent  en  manière  de  cuiller, 
dentelée  sur  ses  bords  avec  un  petit  appendice  latéral ,   re- 
présentant le  palpe  des  mandibules  des  crustacées  décapodes-, 
celles  des  autres  sont  formées  de  trois  pièces  dont  la  der- 
nière   garnie  au   bout  de  dents  écailleuses ,    en    recouvre- 
ment ou  imbriquées ,  et  s'articulant  avec  elle ,  ou  paraissant 
formée  de  petits  appendices  propres  et  mobiles.  Ces  mandi- 
bules diffèrent  dq^c  beaucoup  de  celles  des  insectes ,  et  ont 
plus  de  rapports  avec  celles  des  crustacées.  Il  en  est  de  même 
de  la  composition  des  pieds  et  de  la  manière  dont  ils  se  ter- 
minent. Si  l'oti  en  excepte  les  scutigères,  ils  sont  courts,  de 
six  articles,  presque  d'égale  longueur,   à  partir  du  second, 
et  avec  un  seul  onglet  au  bout.  Le  nombre  de  ces  pieds ,  de 
même  que  celui  des  segmens  qui  les  portent ,  croît  avec  l'âge, 
dans    toutes   les   espèces    serpentiformes    ou   le  plus   grand 
nombre  -,  dans  les  insectes ,  tous  ces  organes  se  développent 
à  la  fois.  Beaucoup  de  myriapodes,  tels  que  ceux  du  premier 
ordre ,  se  rapprochent  encore  des  crustacés ,  à  l'égard  de  la 


MYRIAPODES.  17^ 

consistance  plus  ou  moins  calcaire  de  leurs  tégumens.  Ils  vi^ 
vent  et  croissent  aussi  plus  long-temps  que  les  insectes  ,  et , 
selon  M.  Savi ,  il  faut  au  moins  deux  ans  aux  iules  ,  pour 
que  les  organes  de  la  génération  soient  apparens.  Ils  se  tien- 
nent généralement  à  terre.  Les  uns ,  d'une  nature  carnas- 
sière, courant  avec  agilité  ,  sont  nocturnes  et  se  cachent  sous 
les  pierres  ou  difFérens  corps  -,  les  autres  marchent  très  len- 
tement et  sont  rongeurs.  Le  canal  alimentaire  est  droit. 

Ces  animaux  formant  maintenant  une  classe  propre ,  les 
deux  familles  qui  les  comprenaient  ,  lorsqu'ils  ne  compo- 
saient qu'un  ordre ,  reçoivent  naturellement  cette  dernière 
qualification. 

PREMIER  ORDRE. 

CHILOGNATHES    {CHILOGN ATHA). 

Organes  sexuels  extérieurs,  situés  à  la  partie  antérieure  et  inférieure  du 
corps.  Bouche  coraposée  de  deux  mandibules  sans  palpes  et  d'une  lame 
crustaçée ,  formant  une  sorte  de  lèvre  inférieure.  Corps  le  plus  souvent  dé- 
fendu par  des  tégumens  solides  ,  calcaires ,  c}  lindrique ,  ou  en  forme  de 
serpent  dans  les  uns,  ovale  et  se  mettant  en  boule  dans  les  autres,  pénicil- 
ligère  lorsqu'il  est  mou  ;  chaque  anneau  portant  le  plus  souvent  deux  paires 
de  pieds.  Antennes  grossissant  vers  le  bout,  ou  filiformes,  de  sept  articles. 
Stigmates  cachés  ou  peu  distincts. 

DEUXIÈME  ORDRE. 

CHILOPODES    {CHILOPODA). 

Organes  sexuels  intérieurs  et  postérieurs.  Bouche  composée  d'un  labre, 
de  deux  mandibules  palpigères,  d'une  languette  multifîde,  de  deux  appen- 
dices en  forme  de  palpes,  et  de  deux  forts  crochets,  percés  au  bout,  et 
réunis  inférieurement.  Corps  déprimé  ,  à  tégumens  flexibles  ;  chaque  anneau 
ne  portant  ordinairement  qu'une  paire  de  pieds;  les  deux  derniers  formant 
une  sorte  de  queue.  Antennes  sétacées,  composées  d'un  grand  nombre  d'ar- 
ticles. Stigmates  distincts. 


iy6  QUATRIEME    CLA.SSE.   INSECTES. 

QUATRIÈME  CLASSE. 

INSECTES  [INSECTA). 

tJn  corps  pourvu ,  dans  le  plus  grand  nombre  ,  de  quatre  ou  de  deux  ailes , 
se  développant  au  moyen  de  mues  plus  ou  moins  remarquables,  appelées 
métamorphoses ,  et  de  tégumens  coriaces  ou  membraneux,  ayant  de  chaque 
côté,  dans  toute  sa  longueur, une  rangée  d'ouvertures  ou  de  stigmates  pour 
l'entrée  de  l'air  ;  divisé  en  trois  parties ,  savoir  :  i°.  une  tête  offrant  deux 
antennes  de  figure  très  variée,  des  yeux,  au  nombre  de  deux  et  compo- 
sés dans  la  plupart;  une  bouche  formée,  dans  les  uns  ou  les  broyeurs, 
d'un  labre,  de  deux  mandibules  sans  palpes,  de  deux  mâchoires  et  d'une 
lèvre  inférieure,  munies  de  palpes;  dans  les  autres,  ou  les  suceurs  ,  d'or- 
ganes correspondans ,  et  constituant  une  sorte  de  trompe;  2°.  un  tronc, 
ou  thorax,  partagé  en  trois  segmeus  {prothorax,  mésothorax  et  métathorax), 
portant  chacun  une  paire  de  pâtes,  et  dont  les  deux  derniers,  ou  le  dernier 
seul,  servant  d'attache  aux  ailes;  'i'^.  un  abdomen  de  dix  segmeus  au  plus, 
avec  les  organes  sexuels  uniques  et  situés,  les  mâles  de  quelques  uns  {li- 
bellules de  Linné)  exceptés,  à  son  extrémité  postérieure.  Les  six  pâtes  parais- 
sant simultanément ,  soit  à  la  sortie  de  l'œuf,  soit  lorsque  l'animal  passe  à 
l'état  de  nymphe. 

Tel  est  l'ensemble  des  caractères  qui  signalent  maintenant 
cette  classe  d'animaux,  considérés  dans  leur  état  parfait,  ou 
lorsqu'ils  sont  susceptibles  de  se  reproduire.  Je  dis  mainte- 
nant, car  nous  avons  vu  que,  dans  la  méthode  de  Linné,  elle 
est  bien  plus  considérable ,  puisqu'elle  comprend  les  crusta- 
cés, les  arachnides  et  les  myriapodes.  Telle  que  nous  l'avons 
restreinte,  elle  est  un  peu  plus  étendue  que  dans  la  méthode 
de  feu  M.  de  Lamarck ,  attendu  que  nous  y  faisons  entrer 
ses  arachnides  antennistes,  ou  les  insectes  aptères  hexapodes 
et  ne  subissant  pas  de  métamorphoses  proprement  dites ,  du 
naturaliste  suédois. 

Nous  allons  d'abord  nous  occuper  de  leur  anatomie  inté- 
rieure ,  et  nous  reviendrons  ensuite  à  l'examen  de  leurs  or- 
ganes extérieurs,  qui  réclament  un  examen  plus  détaillé,  vu 
leur  emploi  plus  fréquent. 

Déjà,  dans  les  arachnides  trachéennes,  nous  n'avons  plus 
trouvé  d'organe  de  circulation  ^  il  y  est  remplacé  par  un 
vaisseau  sans  branches  ,  et  qui ,  à  raison  de  sa  position  ,  est 


GÉNÉRALITÉS.  17 


77 

appelé  dorsal  :  c*est,  dans  l'opinion  la  plus  générale,  un  ves- 
tige ou  une  ébauche  du  cœur.  Swammerdam,  Malpighi  et 
d'autres  naturalistes,  jusqu'à  Lyonet,  croyant  qu'il  en  faisait 
les  fonctions,  l'avaient  désigné  ainsi.  Mais  le  dernier,  dans 
son  admirable  Traité  de  V Anatomie  de  la  Chenille  du  saule, 
ayant  déclaré  qu'il  n'en  partait  aucun  vaisseau ,  un  savant 
qui  devait,  à  l'aide  de  semblables  recherches,  poser  les  bases 
immuables  d'une   nouvelle   classification  zoologique,  M.  le 
baron  Cuvier,  confirma  ces  observations,  et  réduisit  le  mode 
de  nutrition  des  insectes  à  une  simple  imbibilion.  Depuis, 
d'autres  investigations,  parmi  lesquelles  je  citerai  plus  par- 
ticulièrement celles  de  M.  Marcel  de  Serres ,   sont  venues 
à  l'appui  de  son  sentiment.  Les  propriétés  de  cet  organe  sont 
cependant  encore  contestées.  Il  semblerait  même,  depuis  la 
publication  du  travail  de  M.  Straus  sur  l'analomie  du  han- 
ricton,  que  l'on  n'aurait  pas  bien  connu  sa  structure.  Suivant 
Lyonet,  il  renfermerait  une  substance  gommeuse  ,  de  couleur 
orangée  5   et,  selon   M.  Marcel  de  Serres,   il  sécréterait  la 
graisse,  qui  serait  ensuite  élaborée  dans  le  tissu  adipeux  l'en- 
veloppant. Ces  deuxsavans,  ainsi  que  les  autres  zootomistes, 
ne  l'avait  considéré  que  comme  un  vaisseau  très  simple,  ou 
un  organe  tubulaire,  aminci  vers  ses  deux  extrémités,  fixé 
par  des  ligamens  latéraux,  formant  des  espèces  d'ailes,  et  sus- 
ceptible d'un  mouvement  de  systole  et  de  diastole.  Mais,  au 
sentiment  de  M.  Straus,  sa  structure  serait  autrement  com- 
pliquée, et  peu  s'en  faudrait  qu'elle  ne  se  rapprochât  de  celle 
d'un  cœur  proprement  dit.  Déjà,  avant  l'impression  de  l'ou- 
vrage précité,  et  en  rendant  compte  d'un  Mémoire  de  M.  Hé- 
rold  sur  le  même  sujet  {^BuUet.  des  Sciences  natur.,  de  M.  le 
baron  de  Férussac)  ,  il  avait  donné  un  extrait  de  ses  obser- 
vations, et  de  l'opinion  qu'il  s'était  formée  à  cet  égard.  Sui- 
vant lui ,  le  cœur  de  cet  insecte  est  un  gros  vaisseau  dorsal , 
droit ,  placé  dans  la  ligne  médiane  et  dorsale  de  l'abdomen  , 
depuis  le  dernier  segment  jusqu'au  tergum,  où  il  se  recourbe 
subitement  en  dessous,  et  se  termine  par  une  artère  unique 
qui  entre  dans  le  thorax  par  l'échancrure  du  tergum  ,  par- 

]  2 


M  V 


1^8  QUATRIEME    CLASSE.  INSECTES. 

court  i(3  thorax,  s'y  rétrécit  fortement,  et  va  se  rendre  à  la 
tête,  sans  produire  aucune  branche.  A  chaque  segment  abdo- 
minal, il  offre  latéralement  deux  ouvertures  transversales, 
auriculo-ventriculaires ,  par  lesquelles  le  sang  qui  remplit  la 
cavité  de  l'abdomen  s'insinue  dans  l'intérieur  de  ce  vaisseau. 
Au  bord  postérieur  de  chacune  de  ces  huit  paires  d'ouver- 
tures ,  est  une  valvule  semi-lunaire ,  dirigée  obliquement ,  en 
avant ,  dans  l'intérieur ,  servant  à  fermer  l'ouverture  dans 
le  mouvement  de  systole  et  empêchant  le  sang  de  ressortir. 
Au  bord  antérieur  de  ces  ouvertures  est  fixée  une  autre  val- 
vule, dirigée  pareillement  en  dedans  et  en  avant,  mais  beau- 
coup plus  grande  que  la  postérieure  ,  se  prolongeant  jusqu'au 
milieu  du  cœur,  aux  parois  duquel  elle  adhère  par  ses  bords 
supérieur  et  inférieur^  tandis  que  l'antérieure,  qui  est  libre, 
s'applique  contre  la  valvule  opposée.  Le  cœur  se  trouve  ainsi 
partagé,  au  moyen  de  ces  valvules,  en  huit  chambres  consé- 
cutives, correspondantes  à  autant  de  segmens  abdominaux,  et 
dont  la  dernière  seule  et  très  petite  est  terminée  en  cul-de- 
sac.  Il  s'ensuivrait  que  ce  qu'il  nomme  artère,  pourrait  n'être 
qu'une  autre  chambre,  de  forme  et  proportions  différentes, 
opposée  à  celle-ci.  Le  cœur  présente  deux  tuniques  (i)  ,  dont 
l'extérieure,  consistant  en  une  m.embrane  épaisse,  fibreuse, 
fort  dense,  semblable  à  la  seconde  des  crustacés,  forme,  en 
se  repliant  dans  les  ouvertures  auriculo-ventriculaires,  les 
valvules,  et  dont  l'intérieure  est  une  couche  musculeuse,  très 
épaisse,  composée  de  fibres  circulaires,  irrégulièrement  pa- 
rallèles ,  et  parfaitement  distinctes  les  unes  des  autres.  Les 
ligamens  du  cœur  y  forment,  de  chaque  côté,  huit  expansions 
ou  toiles,  de  figure  triangulaire,  dont  la  base  est  adossée  au 
cœur,  et  auxquelles  on  a  donné  le  nom  d'ailes.  Ils  naissent 
d'un  teiidon  fixé  au  bord  antérieur  des  huit  arceaux  supérieurs 
de  l'abdomen,  et  ces  expansions  forment,  près  du  cœur,  une 
toile  composée  d'une  infinité  de  petites  lanières ,  se  réunissant 


(x)  Celui  des  crustacés  et  des  arachnides  piilraor aires  en  offre  trois,  selon  ce 
zootomistc.  • 


GKNÉRALITÉS.  J -^Q 

en  une  membrane  adhérente  à  la  face  intérieure  du  viscère, 
et  se  continuant  avec  celles  du  coté  opposé,  tandis  que  les 
supérieures  se  fixent  le  long  de  ses  côtés.  Les  lanières  qui  se 
dirigent  vers  ces  ouvertures  latérales  s'attachent  à  de  petites 
arcades  ligamenteuses ,  se  portent  de  leur  lèvre  antérieure  à 
la  postérieure,  de  manière  que  les  arcades  étant  tirées  en 
dehors  par  les  ligamens,  on  observe  près  de  chaque  ouverture 
un  trou  semi-circulaire  dans  les  ailes  du  cœur,  et  par  lequel 
le  sang  de  l'abdomen  y  arrive  plus  facilement. 

Une  graisse  formée  de  petits  grains  recouvre,  dans  la  plu- 
part des  insectes,  les  fibrilles  de  la  surface  des  ailes,  qui  paraît 
ainsi  granuleuse ,  et  c'est  sous  cet  aspect  qu'elles  sont  repré- 
sentées dans  la  figure  de  la  chenille  du  saule  de  Lyonet. 
((  Lorsque ,  dit  M.  Straus ,  la  dernière  chambre  du  cœur  se 
dilate,  le  sang  que  contient  la  cavité  abdominale  se  précipite 
dans  son  intérieur  par  les  deux  ouvertures  auriculo-ventri- 
culaires ,  qui  se  trouvent  à  l'extrémité  de  celte  première 
chambre.  Celle-ci  venant  à  se  contracter  ensuite,  ses  valvules 
semi-lunaires  s'appliquent  sur  ces  ouvertures,  pour  empêcher 
le  sang  de  ressortir^  et  par  la  compression  que  ce  dernier 
éprouve,  il  force  les  valvules  inter-ventriculaires  de  s'écarter, 
et  passe  dans  la  seconde  chambre ,  qui  se  dilate  au  même 
moment.  Mais,  outre  le  sang  que  cette  première  partie  du 
cœur  pousse  dans  la  seconde  ,  celle-ci  en  reçoit  encore ,  lors 
de  son  mouvement  de  diastole,  par  ses  propres  ouvertures 
auriculo-ventriculaires.  Cette  seconde  chambre  se  contrac- 
tant à  son  tour,  le  sang  qu'elle  contient  pressant  sur  les  val- 
vules inter-ventriculaires  postérieures,  elles  s'appliquent  l'une 
contre  l'autre ,  et  s'opposant  à  son  retour  dans  la  première 
chambre,  le  liquide  pénètre  dans  la  troisième,  qui  se  dilate 
pour  le  recevoir.  Le  sang  passe  ainsi  successivement  d'une 
chambre  à  l'autre,  et  enfin  dans  l'artère,  qui  va  l'épancher 
dans  la  tète,  d'où  il  revient  à  l'abdomen.  »  Telle  est  la  des- 
cription du  vaisseau  dorsal,  donnée  par  M.  Straus 5  organe 
qui  serait  ainsi  bien  plus  compliqué  qu'on  ne  l'avait  cru, 
puisque  aucun  autre  analomiste  n'avait  découvert  ces  loges, 


l8o  QUATRIÈME    CLASSE.   INSECTES. 

ces  ouvertures  et  ces  valvules  dont  il  parle.  Ce  serait  presque 
le  cœur  d'un  crustacé  stomapode,  ayant  pareillement  une  forme 
allongée,  avec  des  ouvertures  pour  l'entrée  du  sang,  mais 
sans  vaisseaux  propres  à  l'y  conduire  ou  à  l'en  faire  sortir  et  le 
répandre ,  et  sans  péricarde ,  son  enveloppe  extérieure  n'étant 
composée  que  de  deux  tuniques.  Il  est  à  désirer  que  de  nou- 
velles recherches,  faites  surtout  sur  des  larves  d'insectes  où 
les  tégumens  sont  moins  solides  et  les  divisions  segmentaires 
moins  tranchées,  confirment  ces  faits,  et  nous  garantissent 
qu'il  n'y  a  pas  eu  d'illusion.  Ce  vaisseau  reposant  immédiate- 
ment sur  une  couche  épaisse  de  graisse,  l'opinion  de  M.  Marcel 
de  Serres,  sur  la  nature  de  ses  sécrétions,  paraîtrait  motivée. 
Mais  cette  graisse  étant  elle-même  contiguë  au  canal  intesti- 
nal, doit,  par  ce  contact,  éprouver  une  sécrétion  particu- 
lière, qui  modifie  celle  de  la  suhstance  adipeuse.  On  ne  sau- 
rait douter  que  cette  matière  ne  contribue  puissamment  à  la 
conservation  de  la  vie  des  insectes  dans  leur  hybernalion,  ou 
dans  les  longs  jeûnes  auxquels  quelques  uns  sont  exposés,  et 
le  vaisseau  dorsal  peut  dès-lors  y  avoir  une  bonne  part.  Ses 
mouvemens,  qui  se  prolongent  quelquefois,  ainsi  que  je  l'ai 
vu,  lorsque  l'animal  ne  donne  d'ailleurs  aucun  signe  de 
vie,  doivent  communiquer  aux  autres  organes  intérieurs  une 
impulsion  vitale,  et  maintenir  le  corps  dans  la  température 
qui  lui  est  propre.  La  petitesse  de  ces  animaux  ne  permet 
point  de  déterminer  cette  température  ,  et  tout  se  réduit 
à  quelques  données  approximatives.  Puisque  des  chrysa- 
lides et  des  nymphes,  exposées  à  l'air  libre,  dans  les  ré- 
gions les  plus  hyperhoréennes  et  où  le  mercure  se  congèle , 
ne  périssent  point  par  la  rigueur  extrême  du  froid  ,  il  faut 
que  quelques  uns  au  moins  aient  une  grande  force  vitale. 
On  sait  encore  qu'ils  peuvent  supporter ,  et  pareillement 
sans  succomber,  une  forte  chaleur-,  et  l'on  a  même  trouvé  de 
petits  hydrophiles  dans  des  eaux  thermales  bouillantes.  M.  Le- 
fehvre  m'a  donné  plusieurs  coléoptères  qu'il  avait  psis  près 
des  bords  du  cratère  de  l'Etna.  MM.  Hubert  fils  et  Spallanzani 
ont  fait  diverses  expériences  sur  la  chaleur  naturelle  de  nolr(i 


% 


GÉNÉRALITÉS.  l8l 

abeille  domestique.  Ils  se  sont  assurés  qu'elle  peut  rester, 
pendant  plusieurs  heures  et  sans  geler,  à  un  froid  de  deux 
ou  trois  degrés  au-dessous  du  terme  de  la  congélation  du 
thermomètre  de  Réaumur,  et  qu'elle  s'engourdit  lorsqu'il  est 
à  neuf  degrés  et  demi  au-dessus  du  même  point  ou  de  zéro. 
La  chaleur  intérieure  d'une  ruche  bien  fournie  peut  excéder 
d'environ  seize  degrés  celle  de  la  température  atmosphérique  ^ 
de  sorte  que  ces  insectes  peuvent  jouir  des  douceurs  du  prin- 
temps au  milieu  de  l'hiver,  ou  éprouver  les  chaleurs  de  la 
zone  torride ,  lorsfju'à  l'extérieur  la  température  diffère  peu 
du  terme  moyen.  Mais  on  ne  doit  point  perdre  de  vue  que 
cet  excédant  de  calorique  est  produit  par  la  fermentation  de 
l'acide  carbonique  qui  résulte  de  la  respiration  de  ces  in- 
sectes ,  ainsi  que  des  matières ,  comme  la  cire  et  le  miel ,  ren- 
fermées dans  la  ruche.  Aussi ,  désertent-ils ,  en  partie  ,  leur 
habitation ,  ou  périssent-ils  lorsque  cette  chaleur  intérieure 
atteint  son  maximum.  Spallanzani  a  observé  que  plus  le  froid 
qu'ils  ont  éprouvé  est  grand ,  plus  il  leur  faut  de  temps  et 
une  température  élevée  pour  se  ranimer.  Diverses  expériences 
nous  ont  montré  que  Ton  peut  accélérer  ou  retarder  le  déve- 
loppement des  insectes  en  augmentant  ou  en  diminuant ,  par 
des  moyens  artificiels  ,  la  température  du  local  où  on  les 
place.  De  la  même  cause  dépendent  aussi ,  du  moins  en  par- 
lie  ,  des  différences  spécifiques  et  certaines  variétés  ^  mais 
ces  considérations  se  rattachent  plus  particulièrement  à  la 
géographie  des  insectes  ,  sujet  dont  nous  traiterons  plus  bas. 
Il  résulte  de  celles  que  nous  venons  de  présenter,  par  rapport 
au  vaisseau  dorsal ,  que  cet  organe  est ,  comme  on  le  pense 
communément ,  un  cœur  ébauché  ou  très  imparfait ,  sans  ar- 
tères ni  veines  proprement  dites,  et  que,  dans  l'hypothèse 
même  de  M.  Straus  ,  la  circulation  se  réduirait  à  une  simple 
transfusion  alternative  du  sang  du  ventricule  dans  la  cavité 
du  corps,  et  de  celle-ci  dans  le  ventricule.  La  nutrition 
s'opère  néanmoins  tout  aussi  bien  que  dans  les  animaux  pour- 
vus d'un  cœur  véritable  ;  de  nombreux  vaisseaux  aériens , 
infiniment  propres,  d'ailleurs,  à  diminuer  la  pesanteur  spé- 


l82  QUATRIEME    CLASSE.  INSECTES. 

cifique  du  corps  et  à  favoriser  le  vol,  y  suppléent  :  ils  consistent 
en  deux  tubes  principaux,  appelés  irac/zee^^  s'étendant  pa- 
rallèlement l'un  à  l'aulre  ,  dans  toute  la  longueur  du  corps  de 
l'animal ,  recevant  le  fluide  respirable  au  moyen  d'ouvertures 
nommées  stigmates  (i)  ,  pratiquées  à  la  surface  extérieure 
de  la  peau ,  et  d'où  partent,  comme  autant  de  centres ,  beau- 
coup de  rameaux  qui  se  prolongent ,  en  s'anastomosant  d'une 
manière  indéfinie,  dans  tout  l'intérieur  du  corps,  et  jusqu'à 
l'extrémité  même  des  appendices  les  plus  longs  et  les  plus 
déliés,    comme  les  antennes ,  par  exemple.  Les  intervalles 
compris  entre  les  ramuscules  peuvent  remplir  l'office  de  tubes 
capillaires ,  et ,  comprimés  par  le  fluide  aérien ,  transmettre 
les  sucs  nourriciers  dans  les  diverses  parties  du  corps,  qui  s'y 
distribue  avec  une  parfaite  symétrie  -,  car  les  monstruosités 
sont  très  rares  dans  cette  classe  d'animaux.   Ajoutons-y  le 
concours  de   quelques   vaisseaux  particuliers ,    tels  que    les 
biliaires,  les  salivaires  ,  etc.  Notez  bien  que  d'après  les  ob- 
servations de  Swammerdam  ,  de  Lyonet  et  autres ,  des  fibrilles 
unissent  le  corps  graisseux  avec  les  autres  organes  intérieurs. 
Celte  action  réciproque  et  générale  doit  produire  le  mode  de 
nutrition  que  M.  Cuvier  appelle  imbihition. 

Sous  le  rapport  de  la  composition  ,  on  distingue  deux  sortes 
de  tracbées  :  les  tubulaires ,  ou  élastiques  ,  et  les  vésiculaires. 
Les  premières,  de  couleur  de  nacre  ,  ou  argentées,  sont  for- 
mées de  trois  membranes,  dont  l'intermédiaire,  consistant  en 
un  filet  cartilagineux ,  élastique,  roulé  en  spirale  ,  et  les  deux 


(r)  Chaque  stigmate,  suivant  M.  Stiaus  ,  communique  intérieurement  avec  une 
grosse  trachée,  qu'il  nomme  trachée  d'origine,  de  laquelle  part  un  certain  nombre 
débranches;  les  unes,  ordinairement  très  fortes,  se  portant  sur  les  stigmates  voisins 
du  même  côté,  forment  des  trachées  de  communication  longitudinale,  ou  des  tra- 
cJièes  longiludiaales  ;  les  autres  s'anastomosant  avec  leurs  correspondantes  du  côte 
opposé,  établissc-nt  des  communications  entre  les  deux  moitiés  symétriques  du  corps: 
ce  sont  des  tracliées  de  communication  transversale,  ou  plus  simplement  des  trachées 
transversales.  Une  foule  de  petites  branches  partant  soit  de  chaque  trachée  d'origine, 
soit  de  leurs  trachées  longitudinales,  se  répandent  sur  les  organes.  Ce  système  tra- 
chéen est  pins  compliqué  dans  divers  orthoptères,  tels  que  les  blattes,  les  saute- 
relles. 


GENERALITES. 


l83 


autres  celluleuses.  Les  secondes  n'offrent  que  les  deux  der- 
nières membranes,  et  sont  des  espèces  d'ulriculcs,  ou  poches 
pneumatiques ,  susceptibles  de  se  gonfler,  et  communiquant 
les  unes  aux  autres  par  des  trachées  de  la  première  espèce. 
Elles  sont  propres  aux  insectes  gymnoplères ,  ou  à  ailes 
nues  (i),  à  divers  coléoptères  et  orthoptères,  ainsi  qu'aux 
hémiptères  terrestres.  Les  insectes  aquatiques  en  sont  dé- 
pourvus ,  ou  ,  lorsqu'elles  y  existent ,  elles  sont  accompagnées 
de  trachées  tubulaires.  Sous  le  rapport  du  mode  de  respira- 
lion  ,  les  larves  des  libellules  méritent  surtout  une  attention 
propre  ,  et  M.  Cuvier  en  a  fait  l'objet  d'un  Mémoire  par- 
ticulier. On  les  voit  ouvrir  sans  cesse  le  rectum ,  le  rem- 
plir d'eau  ,  et  l'instant  d'après  la  repousser  avec  force ,  mêlée 
de  grosses  bulles  d'air,  ce  qui  facilite  leur  progression.  L'in- 
térieur du  rectum  offre ,  à  l'œil  nu ,  douze  rangées  longitu- 
dinales de  petites  taches  noires,  rapprochées  par  paires,  et 
imitant  des  feuilles  ailées  ou  pinnées.  Vues  au  microscope, 
ces  taches  paraissent  être  formées  par  une  mullilude  de  petits 
tubes  coniques  ,  ayant  la  même  structure  que  les  trachées 
élastiques,  parcourant  la  longueur  du  corps,  et  desquelles 
partent  les  branches  distribuant  l'air  dans  ses  diverses  parties. 
Ces  trachées  sont  au  nombre  de  quatre.  Lyonet  dit  que  si  on 
met  ces  larves  sur  le  feu ,  l'air  renfermé  dans  les  trachées  se 
dilate,  sort  par  fusées,  et  souvent  avec  bruit,  par  les  deux 
stigmates  antérieurs  du  corselet.  Il  croit  que  ces  larves  ont 
des  organes  propres  h  extraire  lair  de  l'eau  ,  et  telle  avait  été 
d'abord  aussi  l'opinion  de  M.  Cuvier.  L'insecte  parfait ,  quoi- 
qu'il ait  le  même  nombre  de  trachées  principales ,  respire  par 
les  stigmates  latéraux. 

Les  trachées  ne  sont  pas  toujours  uniquement  intérieures; 
dans  quelques  larves  aquatiques ,  telles  que  celles  des  gyrins , 
des  éphémères,  elles  parcourent,  en  forme  de  veines  anasto- 


(i)  L'intérieur  de  leur  abdomen  offre  souvent  à  sa  base  deux  grosses  vessies 
aériennes,  et  accompagnées  de  quelques  autres  plus  petites.  Il  y  en  a  quatre,  pa- 
rcillcmeut  volumineuses,  dans  l'hydropliile  piceus. 


l84  QUATRIÈME    CLASSE.  INSECTES. 

mosées ,  l'intérieur  de  divers  appendices  ou  nageoires ,  que 
j'ai  désignés  par  la  dénomination  Aq  fausses-branchies, 

M.  Marcel  de  Serres  a  observé  que  les  troncs  de  ces  or- 
ganes respiratoires  ,  soit  tubulaires,  soit  membraneux,  vont , 
dans  plusieurs  insectes ,  s'aboucher  immédiatement  avec 
d'autres  trachées.  Celles-ci  reçoivent  alors  la  dénomination 
de  pulmonaires  et  les  autres  ai  artérielles .  Il  me  paraît  que 
les  précédentes  sont  les  mêmes  que  celles  que  M.  Léon  Dufour, 
dans  un  excellent  Mémoire  sur  l'anatomie  de  la  ranatre  li- 
néaire et  de  la  nèpe  cendrée ,  désigne  par  l'épithète  de  pec- 
torales. Des  espèces  de  fausses  côtes ,  ou  arcs  cartilagineux  du 
sternum ,  soutiennent ,  dans  divers  orthoptères ,  les  trachées 
artérielles.  Les  stigmates  ,  ou  bouches  aériennes  (spiracules)^ 
se  présentent  à  l'extérieur  sous  la  forme  de  boutonnières ,  ou 
de  deux  lèvres  rapprochées,  mais  susceptibles  de  s'écarter.  Ces 
lèvres  sont  formées  par  un  anneau  corné  ou  écailleux  ,  dont  le 
diaphragme  (épiglotte ,  Straus)  est  divisé,  au  moyen  d'une 
fente  longitudinale,  en  deux,  à  la  manière  de  deux  volets  ou 
battans ,  avec  des  fibres  ou  stries  transverses ,  barbues  ou 
hérissées  de  poils,  formant  même  des  houppes  ou  des  arbus- 
cules  dans  quelques  espèces.  Ces  stigmates  ont  un  petit  sup- 
port, donnant  naissance  aux  muscles  contracteurs  et  exten- 
seurs. Supposons  que  le  diaphragme  disparaisse  ou  se  confonde 
avec  l'anneau  ou  le  rebord  extérieur,  que  cet  anneau  acquière 
un  peu  plus  d'extension,  et  forme  lui-même  deux  volets,  ou 
paupières,  s'ouvrant  et  se  fermant  à  volonté,  on  aura  cette 
sorte  de  stigmates,  que  M.  Marcel  de  Serres  nomme  trérnaèr-es, 
qui  est  particulière  au  mésothorax  des  orthoptères,  de  divers 
coléoptères,  et  qui  a  été  très  bien  figurée  par  MM.  Léon 
Dufour  et  Straus.  Le  premier  et  M.  Sprengel  ont  publié 
plusieurs  observations  intéressantes  sur  les  trachées  des  in- 
sectes. Mais  il  nous  manque  encore  un  travail  général  et 
comparatif  sur  ces  organes.  Lyonet  a  remarqué  que ,  dans 
les  ixodes ,  les  stigmates  forment  une  petite  plaque  presque 
circulaire ,  percée  d'un  trou.  Dans  des  corées  et  d'autres  hé- 
miptères ,  ils  apparaissent  sous  la  forme  d'une  cavité  arrou- 


GÉNÉRALITÉS.  l8j 

die,  bordée  inlérieurement  d'un  petit  feuillet,  entourant 
lui-même  une  autre  cavité  plus  intérieure.  Les  deux  du  pre- 
mier segment  abdominal  diffèrent  souvent  des  suivans  ,  soit 
par  leur  grandeur,  leur  forme  plus  ohlongue,  soit  par  d'au- 
tres caractères.  Dans  les  mâles  des  cigales  ,  des  criquets  ,  ils 
se  combinent  avec  les  organes  de  la  stridulation  ,  et  dans  les 
diptères  avec  les  pièces  qu'on  a  nommées  halanciers.  Ceux 
du  prolhorax  des  diverses  sauterelles  y  forment  deux  grandes 
cavités.  C'est  par  une  étude  scrupuleuse  et  suivie  de  ces  or- 
ganes que  l'on  pourra  parvenir  à  donner  une  explication  sa- 
tisfaisante du  bourdonnement  de  certains  insectes. 

Les  larves,  celles  de  plusieurs  diptères  exceptées  ,  ont  dix- 
huit  stigmates,  ou  neuf  de  chaque  côté,  et  distribués  par 
paires.  La  première  est  sur  le  premier  anneau  après  la  télé  *, 
la  seconde  sur  le  quatrième  ,  et  les  autres  sur  les  suivans,  sans 
interruption.  Le  second  et  le  troisième  anneau  en  sont  dé- 
pourvus, parce  que,  du  moins  relativement  aux  insectes  à 
quatre  ailes,  le  développement  de  ces  organes  s'y  oppose. 
Dans  les  larves  de  diptères,  anomales  sous  ce  rapport,  les 
deux  premiers  stigmates  sont  situés  sur  le  second  anneau  , 
et  les  autres,  dont  le  nombre  est  de  deux  à  huit,  sont  placés  sur 
le  dernier ,  et  souvent  recouverts  par  les  chairs  de  son  contour, 
formant  alors  une  sorte  de  bourse.  Quelques  autres  larves , 
du  même  ordre,  respirent  par  l'anus;  le  corps  s'allonge,  s'amin- 
cit en  arrière  tubulairement,  et  se  termine  par  des  appendices 
rayonnes  ou  par  deux  filets  propres  à  cet  usage.  C'est  aussi 
ce  qui  a  lieu  dans  les  ranatres  et  les  nèpes  :  mais  ici  ces  deux 
filets  composent  un  tube.  Certains  insectes  aquatiques,  en 
état  parfait,  comme  les  hydrophiles,  les  gyrins,  les  dytiques^ 
les  notonectes ,  les  naucores,  etc.,  viennent  pour  respirer  à 
la  surface  de  l'eau  et  s'y  suspendent  par  le  derrière ,  de  sorte 
que  l'on  croirait  que  leur  anus  remplit  cette  fonction.  Mais  ik 
se  bornent  à  soulever  ou  à  écarter  l'extrémité  postérieure  de 
leurs  élytres,  afin  que  l'air  puisse  pénétrer  dans  les  stigmates 
situés  sur  le  dos ,  et  les  seuls  organes  propres  à  la  respiration. 

Quelques  nymphes  de   l'ordre   des   diptères  respirent  au 


l8G  QUATRIÈME    CLASSE.    INSECTES. 

moyen  d'un  ou  de  deux  tubes  ;  mais,  généralement,  le  nombre 
des  stigmates  des  insectes,  dans  cet  état  de  transformation, 
est  le  même  que  dans  l'état  parfait.  On  n'en  attribue  commu- 
nément à  ceux-ci  que  dix-liuit  •  mais  il  y  en  a  deux  de  plus  , 
ou  vingt,  savoir  :  deux,  que  Swammerdam  avait  très  bien 
aperçus  Çojyctès  nasicorne)  ^  appartenant  au  prothorax  et 
intérieurs  dans  un  grand  nombre  \  deux  au  mésothorax  ou 
au  segment  suivant ,  et  les  huit  autres  paires  sur  les  huit  pre- 
miers anneaux  de  l'abdomen  -,  les  deux  derniers ,  et  même 
quelquefois  les  deux  précédens ,  sont  oblitérés  ou  très  petits 
et  peu  sensibles.  Les  stigmates  de  cette  partie  du  corps  y  sont 
situés  tantôt  en  dessus ,  près  de  ses  bords ,  et  tantôt  sur  ses 
côtés  inférieurs.  Ceux  des  coléoptères  et  des  orthoptères  sont 
dans  le  premier  cas,  et  alors  recouverts  par  les  ailes.  Ceux  du 
mésothorax  ,  ou  les  trémaères  de  M.  Marcel  de  Serres  ,  sont 
placés  immédiatement  derrière  les  élytres  dans  les  premiers , 
et  sur  les  flancs  du  thorax,  immédiatement  au-dessus  de  la 
naissance  des  secondes  pâtes ,  ou  un  peu  plus  en  arrière 
dans  les  orthoptères  (i)  et  les  hémiptères.  Je  n'ai  pu  en  dé- 
couvrir que  deux  au  thorax  des  insectes  à  ailes  nues  ;  ils  sont 
placés  en  dessus,  et  à  la  jonction  de  ses  deux  premiers  seg- 
mens.  Les  portions  membraneuses  des  côtés  de  l'abdomen  , 
qui  unissent  les  anneaux  supérieurs  de  ses  segmens  avec  les 
inférieurs,  présentent  souvent  de  petits  espaces  plus  solides, 
et  portant  les  stigmates  de  cette  partie  du  corps  ^  ce  sont , 
dans  la  Nomenclature  de  M.  Audouin  ,  des  péritrèmes. 
Réaumur  pense  que  l'expiration  s'opère  au  moyen  de  petites 
ouvertures  placées  sur  la  peau.  De  Géer,  en  admettant  aussi 
une  inspiration  et  une  expiration  alternatives  ,  croit  qu'elles 
s'efFecluent  l'une  et  l'autre  de  la  même  manière ,  et  par  les 
l)roncbes  et  les  stigmates.  Lyonet ,  qui  a  fait  diverses  expé- 
riences sur  la  chrysalide  du  sphinx  du  troëne ,  présume 
qu'elle  vit  un  certain  espace  de  tem.ps  sans  respirer,  et  que  | 


(i)   Le   second  segmeut  thoraciquc  des  spectres  aplcres  n'a  point  «le  stigmates, 
mais  on  en  voit  quatre  sur  le  suivant,  et  dont  les  deux  postérieurs  plus  petits. 


GÉNÉRALITÉS.  1  87 

ses  deux  stigmates  antérieurs,  qui  sont  les  plus  grands  et  se 
ferment  les  derniers,  ne  servent  alors  qu'à  faciliter  l'évapo- 
ralion  des  humeurs  surabondantes ,  et  à  permettre  à  l'air 
extérieur  d'occuper  leur  place. 

De  diverses  expériences  faites  sur  la  respiration  des  in- 
sectes ,  et  parmi  lesquelles  celles  du  célèbre  chimiste  Vau- 
quelin  doivent  surtout  être  mentionnées  ,  l'on  doit  conclure 
que,  dans  cette  fonction  ,  le  gaz  oxigène  a  la  plus  grande  in- 
fluence ,  et  que  si  l'acide  carbonique  ou  le  gaz  azote  viennent 
à  dominer,  ces  animaux  périssent.  Ils  peuvent  cependant, 
ainsi  que  cela  résulte  de  plusieurs  expérimentations  faites  par 
Lyonet  sur  des  chenilles  privées  quelque  temps  d'air,  ou 
tenues  ,  pendant  dix-huit  jours  dans  de  l'eau  ,  sans  qu'elles 
aient  péri ,  suspendre  leur  respiration  un  long  espace  de 
temps,  et  leurs  organes,  quoique  momentanément  paralysés, 
reprennent  leur  activité  primitive  dès  que  la  cause  perturba- 
trice cesse. 

Ils  peuvent  vivre  dans  une  quantité  plus  grande  de  gaz  dé- 
létères que  les  animaux  vertébrés  ,  et  ces  gaz  leur  sont  moins 
pernicieux.  Il  résulte  aussi  des  observations  de  Spallanzani, 
qu'ainsi  que  ces  derniers ,  ils  absorbent  Toxigène  par  la  res- 
piration ;  qu'ils  produisent  même  après  leur  mort  et  en  état 
de  putréfaction  ,  quoiqu'en  moindre  quantité  alors  ,  l'acide 
carbonique  et  de  l'azote  ;  que  l'oxigène  est  absorbé  ,  non 
seulement  par  les  organes  de  la  respiration  ,  mais  par  tout  le 
corps  ;  que,  transporté  dans  le  fluide  nourricier,  il  s'y  combine 
avec  le  carbone  et  forme  ainsi  l'acide  carbonique,  qui  s'exhale 
aussi  par  toutes  les  parties  du  corps.  Il  a  fait  voir  encore 
que,  placés  dans  l'oxigène  pur,  ils  en  absorbent  une  plus 
grande  quantité  que  hors  de  cette  situation  ou  dans  l'air 
atmosphérique^  que  la  respiration  est  plus  active  chez  les 
chenilles  et  les  papillons  que  chez  les  chrysalides-,  que  son 
énergie  est  en  rapport  avec  l'élévation  de  la  température  5 
qu'elle  cesse  à  un  certain  degré  et  que  l'animal  tombe  en 
état  de  lélliargie  sans  cesser  de  vivre  :  la  chenille  du  pa- 
pilio  hiassicœ  de  Linné  n'absorbe  plus  d'oxigène  et  ne  pro- 


l88  QUATRIÈME    CLASSE.  INSECTES. 

duit  plus  d'acide  carbonique  à  un  degré  au-dessous  de  o,  et 
gèle  déjà  à  2  7.  Sa  chrysalide  gèle  à  4  ?  et  supporte  un  froid 
considérable.  Ces  animaux  peuvent  résister  à  l'air  libre,  à  un 
froid  de  ly  degrés  au-dessous  de  o.  Nous  avons  dit  plus  haut 
qu'ils  produisaient,  en  élat  de  vie,  de  l'azote,  mais  il  paraît 
qu'il  s'en  dégage  une  plus  grande  quantité  après  leur  mort. 
M.  Straus,  qui  a  fait  aussi  un  grand  nombre  de  recherches 
intéressantes  sur  ce  point  de  physiologie ,  et  de  l'ouvrage  du- 
quel nous  avons  extrait  une  partie  de  ces  renseignemens,  dit 
que  les  crustacés,  XQ\^à(\aQV Astacus flii^iatilis  oul'écrevissede 
rivière  ,  absorbent  l'oxigène  et  dégagent  l'acide  carbonique  , 
quoique  morts,  mais  que  cet  effet  cesse  lorsqu'ils  ont  subi  un 
degré  d'ébullition.  Privés  de  leurs  branchies,  ils  absorbent 
encore  à  peu  près  la  moitié  de  l'oxigène  qu'ils  consomme- 
raient élant  intacts  ,  et  rendent  aussi  la  moitié  de  l'acide 
carbonique  qu'ils  fourniraient  dans  ce  dernier  état. 

Il  rapporte  d'autres  expériences  comparatives  de  Spallan- 
zani ,  et  desquelles  il  s'ensuivrait  que  trois  individus  de  la 
même  chenille  du  chou  auraient  absorbé,  dans  l'espace  de 
quatre  heures,  douze  fois  plus  d'oxigène  et  produit  quinze 
fois  autant  d'acide  carbonique  qu'une  grenouille-,  et  que  re- 
lativement à  une  espèce  de  mammifères  ,  du  genre  des  loirs 
Çniyoxus  a^ella/iaràis)^  la  respiration  des  mêmes  chenilles 
serait  à  celle  de  ce  dernier  animal  ,  comme  8,17  est  à 
59,45,  pour  l'absorption  de  l'oxigène-,  et  comme  0.77  est  à 
19,81,  pour  la  production  de  l'acide  carbonique.  Psous  re- 
grettons de  ne  pouvoir  rendre  compte  des  propres  expérien- 
ces de  M.  Straus. 

Swammerdam  avait  décrit  le  premier  le  système  nerveux 
de  quelques  insectes ,  comme  l'abeille ,  le  ver-à-soie ,  l'o- 
ryctès  nasicorne ,  etc.  Mais  c'est  à  l'incomparable  ouvrage 
sur  l'anatomie  de  la  chenille  du  saule  de  Lyonet  qu'il  faut 
recourir  pour  se  former  une  idée  parfaite  de  sa  composition , 
et  c'est  d'après  lui  que  nous  nous  sommes  exprimé  ainsi  dans 
la  seconde  édition  du  règne  animal  de  M.  le  baron  Cuvier. 
«  Le  système  nerveux  de  la  plupart  des  insectes  hexapodes 


y 


GÉNÉRALITÉS.  1 89 

est  généralement  composé  d'un  cerveau  formé  de  deux 
ganglions  opposés  ,  réunis  par  leurs  bases  ,  donnant  huit 
paires  de  nerfs  et  deux  nerfs  solitaires,  et  de  douze  (i) 
ganglions,  tous  intérieurs.  Les  deux  premiers  sont  situés 
près  de  la  jonclion  de  la  tête  avec  le  thorax ,  et  corttigus 
longiludinalement  ;  l'antérieur  donne  des  nerfs  à  la  lèvre 
inférieure  et  aux  parties  adjacentes;  le  second  et  les  deux 
suivans  sont  propres  à  chacun  des  trois  premiers  ,  ou  ceux 
qui ,  dans  les  insecles  hexapodes ,  composent  le  thorax  -,  les 
autres  ganglions  appartiennent  à  l'abdomen  ,  de  manière  que 
le  dernier  ou  le  douzième  correspond  à  son  huitième  (9.) 
anneau  ,  suivi  immédiatement  de  ceux  qui  composent  les  or- 
ganes sexuels-,  chacun  de  ces  ganglions  donne  des  nerfs  aux 
derniers  anneaux  du  corps.  La  région  frontale  offre  trois 
ganglions  particuliers,  désignés  par  Lyonet  sous  le  nom  de 
frontaux  j  et  dont  le  premier  produit  postérieurement  un 
gros  nerf,  ayant  des  renflemens,  le  plus  long  de  tous,  et 
qu'il  nomme  récurrent.  Le  premier  ganglion  ,  ou  le  sous- 
oesophagien,  pousse,  selon  lui,  quatre  paires  de  nerfs,  et 
les  suivans  deux  paires  chacun  ;  de  sorte  qu'en  y  comptant  les 
huit  paires  du  cerveau ,  les  dix  brides  épinières  que  l'on  peut 
considérer  comme  autant  de  paires  de  nerfs,  on  a  ,  en  tout, 
quarante-cinq  paires  de  nerfs  ,  indépendamment  des  deux 
nerfs  solitaires ,  ou  douze  à  quatorze  de  plus  que  n'en  offre 
le  corps  humain.  Les  deux  cordons  nerveux,  qui  forment  par 
leur  réunion  les  ganglions,  sont  tubulaires  et  composés  de 
deux  tuniques  ,  dont  l'extérieure  offre  des  trachées  ^  une 
substance  médullaire  remplit  le  canal  central.  Le  bel  ou- 
vrage de  M.  Hérold  sur  l'anatomie  de  la  chenille  du  pa- 
pillon du  chou  ,  étudiée  dans  sa  croissance  progressive  et 
jusqu'à  sa  transformation  en  chrysalide,  nous  montre  que  le 
système  nerveux  et  celui  des  organes  digestifs  éprouvent  des 

(i)  Trois  spuleineut  dans  les  coléoptères  laniillicoriies  ,  où  ou  a  observé  ce  sys- 
tème, et  deux  dans  les  ranatres  ,  les  uèpcs  ,  genres  de  l'ordre  des  hémiptères,  et 
même,  à  ce  qu'il  paraît,  dans  la  plupart  des  autres  du  inéaic  ordre. 

(2)  Septième ,  par  erreur. 


iC)0  QUATRIÈ3IE    CLASSE.  —     INSECTES. 

changemens  notables  :  que  les  cordons  nerveux  sont  dans 
rorigine  plus  longs  et  plus  écartés  ,  observation  qui  favorise 
l'opinion  de  l'un  des  plus  grands  zootomistes  de  notre  époque , 
le  docteur  Serres ,  sur  l'origine  et  le  développement  du  sys- 
tème nerveux.  )> 

Suivant  M.  Straus  ,  le  cerveau  du  hanneton  commun  pro- 
duit cinq  paires  de  nerfs ,  savoir  :  les  antennaux  ou  acousti- 
ques, les  optiques,  et  trois  autres  paires,  naissant  des  gan- 
glions accessoires.  Les  autres  nerfs  proviennent  des  ganglions 
sous-œsophagiens.  Le  cerveau  est  beaucoup  plus  volumineux 
que  les  ganglions  de  la  moelle  épinière.  Il  en  offre  deux  très 
grands,  formant  sa  masse  principale,  et  deux  autres  paires, 
mais  qui  ne  sont  qu'accessoires  ou  collatéraux,  et  qui  pa- 
raissent n'être  composés  chacun  que  d'un  nerf  simple,  terminé 
par  un  petit  ganglion,  et  jetant  au  côté  interne  une  branche 
finissant  de  méme^  ils  naissent  de  la  face  postérieure  des  pré- 
cédens.  Il  existe  encore  deux  ganglions  impairs  ,  et  qui  dé- 
pendent de  ce  qu'il  nomme  système  nerveux  vital.  Ils  sont 
situés  sur  l'œsophage,  auquel  ils  distribuent  leurs  nerfs.  Le 
premier  est  placé  devant  le  cerveau  sur  le  muscle  constric- 
teur du  pharynx  ,  auquel  il  adhère  -,  c'est  une  petite  masse 
triangulaire  qui  produit  un  cordon  médullaire  unique,  sui- 
vant la  ligne  médiane  de  l'œsophage  jusqu'au-delà  du  cer- 
veau ,  où  il  forme  le  second  ganglion ,  qui  est  presque  im- 
perceptible j  celui-ci  adhère  également  à  l'œsophage  et  se 
prolonge  de  même  en  un  cordon  médullaire  :  l'un  et  l'autre 
donnent  chacun  une  paire  de  nerfs.  Peut-être  le  cordon  se 
rend -il  à  un  anneau  blanc  qui  entoure  l'extrémité  posté- 
rieure de  l'œsophage.  Le  premier  de  ces  deux  ganglions  cor- 
respond ,  à  ce  qu'il  paraît ,  à  l'un  de  ceux  que  Lyonet  appelle 
frontaux.  La  figure  que  celui-ci  a  donnée  du  cerveau  et  des 
nerfs  de  la  tête  de  la  chenille  du  saule  ,  présente  encore  des 
ganglions  latéraux  analogues  à  ceux  que  M.  Straus  considère 
comme  accessoires  ou  collatéraux. 

Les  deux  cordons  médullaires ,  embrassant  l'œsophage ,  en 
forme  de  collier,  se  rendent  inférieurement  au  ganglion  sous- 


f 

4 

/ 


GKNERAMTES.  IQT 

œsophagien  ,  composé  de  deux  ganglions  réunis  en  une 
masse,  et  placés  dans  la  concavité  de  la  pièce  basilaire  (i), 
sous  l'arcade  que  cette  pièce  forme  dans  l'intérieur  de  la  tète. 
Ils  produisent  trois  paires  de  nerfs,  dont  les  deux  premières 
sont  lesmandibulaires  et  les  maxillaires  5  la  troisième  se  com- 
pose de  deux  petits  filets  nerveux  postérieurs,  se  dirigeant 
en  arrière  et  au-dessus,  et  allant  se  perdre  dans  les  muscles 
adducteurs  des  mandibules. 

Le  tronc  ou  le  thorax  des  insectes  hexapodes  est  divisé,  ainsi 
que  nous  l'exposerons  plus  bas,  en  trois  segmens  .  que  l'on 
désigne  maintenant,  en  partant  de  la  tête,  sous  les  noms  de 
prothorax ,  de  niésothorax  et  de  niétathorax.  Geoffroy  et 
d'autres  naturalistes  français  ont  appelé  corselet  toutes  les 
parties  découvertes  de  ce  tronc,  de  sorte  que  celte  dénomina- 
tion s'applique  tantôt,  ainsi  que  dans  les  coléoptères,  les  or- 
thoptères, etc.,  au  segment  antérieur  ou  au  prothorax,  tantôt 
aux  trois  segmens  réunis,  comme  dans  la  plupart  des  insectes 
à  ailes  nues  ou  sans  élytres.  M.  Straus  a  conservé  au  premier 
de  ces  segmens  la  désignation  de  corselet  -,  mais  les  deux  autres 
étant  censés  composer  le  thorax  propre  ,  il  appelle  prolhorax 
le  segment  intermédiaire ,  ou  le  mésothorax.  Le  troisième  et 
dernier  ne  change  point  de  nom  ,  ou  forme  le  métathorax. 

Le  corselet  renferme  deux  ganglions,  composant  une  masse 
triangulaire ,  écbancrée  postérieurement  et  réunie  par  les 
deux  cordons  médullaires,  formant  un  pédicule,  à  deux  autres 
ganglions,  ceux  du  métholhorax,  qui  composent  une  masse 
orbiculaire,  évidée  dans  son  centre.  Ces  divers  ganglions  jet- 
tent des  nerfs  aux  membres  attachés  à  ces  scijfmens.  Chez  les 
insectes  dont  les  arceaux  inférieurs  de  l'abdomen  sont  soudés 


;  (i)  Cet  espace  du  dessous  de  la  tête,  compris  entre  le  trou  occipital  et  la  nais- 
sauce  de  la  lèvre  inférieure  ,  qu'on  appelle  le  gosier,  gula ,  se  divise  en  deux  parties^ 
la  supérieure,  celle  sur  laquelle  repose  immédiatement  la  lèvre,  et  qui,  dans  le 
liannetou  ,  est  lisse,  G^tXn. pièce  prébasilaire ;  l'autre,  ou  l'Inférieure  et  la  plus  spa- 
cieuse ,  est  la  basilaire.  Mais  comme  cette  division  n'est  fondée  que  sur  de  simples 
impressions  superficielles,  il  n'existe  réellement  qu'une  seule  pièce,  partagée  trans- 
versalement en  deux  plans. 


.  192  QUATRIÈME    CLASSE.  INSECTES. 

OU  peu  mobiles,  les  ganglions  abdominaux,  suivant  M.  Straus, 
sont  ordinairement  réduits  à  une  seule  paire  et  il  en  fait  une 
loi  :  c'est  ce  qui  a  lieu  dans  le  hanneton.  Ces  deux  ganglions 
sont  placés  dans  le  thorax ,  immédiatement  derrière  les  deux 
du  métathorax.  Il  y  a  aussi  ici  une  transposition  des  nerfs  -,  les 
deux  premiers  segmens  abdominaux  reçoivent  leurs  nerfs,  au 
nombre  de  cinq  paires  ,  des  ganglions  du  métathorax ,  et  non 
de  leurs  ganglions  propres.  Les  deux  cordons  médullaires  sor- 
tent de  ceux-ci  ou  des  abdominaux  ,  se  portent  droit  en  arrière 
et   commencent   à  ne  jeter  des  branches  qu'au  cinquième 
segment^  les  premières  sont  plus  fortes  que  les  autres,  qui 
s'affaiblissent  graduellement.  Tels  sont  les  deux  types  princi- 
paux du  système  nerveux  des  insectes ,  l'un  normal  ou  ordi- 
naire ,  formé  d'un  nombre  de  ganglions  correspondant  presque 
à  celui  des  segmens  du  corps,  et  l'autre  exceptionnel  en  ce  que 
leur  quantité  est  très  inférieure  à  celle  de  ces  segmens.  Il  four- 
nirait,  suivant  la  théorie  de   M.  Straus,    relativement  au 
système  nerveux  des  animaux  sans  vertèbres  et  articulés  ,  une 
application  de  sa  sixième  loi ,  savoir  que  lorsque  le  tronc  est 
composé  de  segmens  distincts,  soit  mobiles,  soit  soudés,  et 
que  ceux  de  l'abdomen,  ou  leurs  arceaux  inférieurs  au  moins, 
sont  très  peu  mobiles  ou  soudés ,  celte  dernière  partie  du  corps 
reçoit  ses  nerfs  d'une  grosse  paire  de  ganglions.  Placés  dans  la 
partie  antérieure  de  la  cavité  viscérale,  ou  bien  le  tronc  lui- 
même,  les  cordons  médullaires  se  prolongent  jusqu'à  l'extré- 
mité postérieure  du  corps ,  mais  sans  y  produire  ,  comme  dans 
le  tronc,  de  ganglions.  Mais  je  ne  vois  pas  que  les  segmens 
abdominaux  des  lucanes,  des  carabes,  etc.,  soient  plus  mobiles 
que  ceux  du  hanneton  ,  et  cependant  ici ,  le  système  ganglion- 
naire est  poursuivi  dans  toute  la  longueur  du  corps.  Si  celle 
soudure  ou  celle  immobilité  des  segmens  influait  sur  le  nombre 
des  ganglions,  le  tronc  des  hyménoptères,  des  lépidoptères  et 
de  plusieurs  autres  insectes  étant  composé  d'anneaux  intime- 
ment unis  et  sans  mouvement  individuel,  devrait  être  soumis 
à  la  même  loi  fjuc  l'abdomen  ,  et  cependant  chacun  de  ses 
segmens  offre  un  ganglion  propre.  Kii  un  mot,  ainsi  que  je 


GKNEP.ALITKS.  If)3 

l'ai  dit  ailleurs,  ce  n'est  pas  sur  un  petit  nombre  d'observa- 
tions de  cette  nature  que  l'on  peut  établir  solidement  des  lois 
générales. 

La  théorie  des  sensations  des  insectes  présente  encore  de 
grandes  difficultés,  ainsi  que  le  montre  le  partage  des  opi- 
nions sur  les  sens  de  l'ouïe,  de  l'odorat  et  du  goût.  L'organe 
de  la  vision,  quoique  ayant  été  depuis  long-temps  l'objet  des 
recherches  de  plusieurs  célèbres  anatomistes,  n'a  été  bien 
connu  que  tout  récemment.  On  sait  que  les  yeux  des  insectes 
sont  de  deux  sortes,  les  uns  appelés  lisses  ou  simples,  se  pré- 
sentant sous  la  forme  d'une  simple  petite  lentille  tout  unie , 
toujours  ronde  ou  ovale,  et  les  autres  distingués  par  les  déno- 
minations à' jeux  composés ,  à' y  eux  à  facettes  ou  à  réseau , 
parce  qu'ils  sont  un  assemblage  de  petites  lentilles,  souvent 
hexagones,  et  dont  le  nombre  est  quelquefois  de  plusieurs 
mille;  ceux  du  hanneton  ordinaire  en  ont  environ  8,828, 
suivant  M.  Straus  (i);  il  les  assimile  à  des  crystallins ,  ayant 
la  forme  de  petits  prismes  hexaèdres,  avec  les  deux  bases 
convexes,  ayant  o,oooo3  de  grosseur,  sur  0,0000^7  de  long. 
Les  premiers  yeux  manquent  dans  plusieurs  ,  mais  les  seconds 
existent  toujours,  du  moins  dans  les  insectes  ailés.  La  descrip- 
tion qu'il  a  donnée  des  derniers  a  donné  lieu  à  une  contro- 
verse ,  et  nous  a  valu  de  précieux  éclaircissemens  fournis  par 
MM.  Mùller  et  Antoine  Dugès.  Une  choroïde  incapable  de 
livrer  passage  à  la  lumière ,  une  supposition  de  trachées 
imaginaires ,  l'impossibilité  d'expliquer  d'une  manière  rai- 
sonnable les  phénomènes  optiques,  telles  étaient  les  consé- 
quences de  l'opinion  que  l'on  s'était  formée  avant  ces  deux 
savans ,  sur  cet  organe.  M.  Dugès ,  désirant  vérifier  les  ob- 
servations de  MM.  Marcel  de  Serres,  Straus  et  Mùller,  s'est 
plus  spécialement  attaché  à  étudier  la  composition  des  yeux 
de  la  libellule  grise  ou  commune  (^  Annal,  des  Scienc.  natur., 
tom.  XX  ,  pag.  341  et  suiv.  )  ,  genre  où  leur  grandeur  est  des 


(i)  L'œil  d'un  papillon  en  offre,  suivant  Pngct,  17, 325.  /  Vy  •  O  ^a- 


iq4  QUATRIÈME    CLASSE.    INSECTES. 

plus  remarquables  (i).  De  ses  recherches  à  cet  égard,  il  en 
déduit  cette  conclusion  générale ,  que  les  organes  sont  une 
réunion  d'yeux  qui ,  considérés  isolément,  peuvent,  jusqu'à 
un  certain  point,  être  assimilés  à  l'œil  des  vertébrés.  «  Nous 
y  trouvons  en  effet ,  dit-il ,  un  filet  nerveux  inséré  à  l'extré- 
mité d'un  corps  transparent  qui  représentera  facilement ,  si 
l'on  veut ,  l'humeur  vitrée  et  le  crystallin  -,  une  cornée  trans- 
parente précédera  cet  appareil ,  et  une  choroïde  représentée 
ici  par  un  pigment  coloré  ,  enveloppera ,  comme  chez  les  ver- 
tébrés ,  chacun  de  ces  petits  appareils  de  réfraction  et  de  sen- 
sation ,  dont  l'assemblage  constitue  un  œil  à  réseau.  »  Etudié 
plus  en  détail ,  nous  y  distinguerons ,  en  allant  de  l'extérieur 
à  l'intérieur,  et  dans  un  sens  longitudinal,  trois  parties  :  i°.  la 
cornée;   2°.   un  enduit  coloré  ou  pigment;   3®.  le  ganglion 
optique  et  ses  filets  nerveux.  La  cornée  est  formée  d'une 
réunion  de  petites  facettes  ou  cornéules  ,  distinguées  les  unes 
des  autres  par  des  apparences  de  suture  qui  résultent  de  l'opa- 
cité de  leurs  limites  respectives ,  divisée  en  petites  lamelles  , 
et  paraissant  avoir  un  épiderme.   L'enduit  ou  pigment  co- 
loré ,  représentant  la  choroïde ,  se  partage  longitudinalement 
en  trois  couches  ;  la  première  (2)  ou  la  sous-cornéenne  est 
noire ,  pure  et  homogène  ;  la  seconde  ou  l'intermédiaire  est 
large ,  noirâtre  en  avant ,  orangée  en  arrière  ,  traversée  dans 
sa  longueur  par  des  vaisseaux  appelés  cônes  ou  prismes  par 
divers  auteurs ,  assez  solides ,  tubulaires ,  cylindriques  ,  per- 
pendiculaires,  transparens ,  remplis  d'une  humeur  visqueuse, 
plus  dense  que  l'eau ,  congelable  par  l'alkool ,  beaucoup  plus 
grêles  et  cylindriques  inférieurement ,   épaissis  supérieure- 
ment ,  rétrécis  au  sommet  (3),  et  aboutissant  chacun  à  une  fa- 


(i)  Ils  diffèrent  surtout  de  ceux  des  autres  insectes,  en  ce  que  les  facettes  de  leur 
partie  postérieure  et  supérieure,  et  autrement  colorées,  sont  deux  fois  au  moins  plus 
grandes  que  les  antérieures.  Svrammerdam  l'avait  déjà  dit. 

(2)  Appelée  uvée  par  Swammerdam. 

(3)  Il  paraîtrait  que  ces  renflemens  supérieurs  forment ,  dans  la  description  des 
yeux  de  l'abeille  donnée  par  Swammerdam,  le  premier  rang  de  fibres  pyramidales, 
cx  qu'il  sépare  du  second  par  une  double  membrane,  au-dessous  de  laquelle  sont 
des  fibres  transversales. 


GÉNÉRALITÉS-  IqS 

celte  ou  cornéule  ,  de  manière  qu'il  existe  en  ce  point ,  dans  la 
première  couche  du  pigment ,  un  espace  vide ,  ou  sorte  de 
chambre  située  immédiatement  au-dessous  de  la  cornéule.  La 
troisième  couche,  qui  est  d'un  noir  assez  foncé,  s'étend  jus- 
qu'au ganglion  optique  ,  dont  elle  environne  immédiatement 
la  partie  blanche  ^  les  filets  nerveux  qui  en  partent  la  parcou- 
rent dans  sa  longueur,  et  vont  aboutir  chacun  à  l'un  des  vais- 
seaux Iransparens  dont  nous  venons  de  parler.  Le  ganglion 
optique ,  quoique  pulpeux  et  homogène  au  premier  abord , 
soumis  à   une   compression  modérée ,   offre  cependant  une 
structure  fibreuse  et  radiée.  Ainsi  la  couche  supérieure  du 
vernis  ou  pigment  qui  revêt  la  face  inférieure  des  cornéules, 
quelque  variable  que  soit  son  épaisseur,  n'est  point  continue, 
mais  cloisonnée,  et  forme,  par  un  vide,  entre  chacune  d'elles 
et  le  sommet  du  vaisseau  cylindrique  et  transparent  corres- 
pondant ,  un  iris ,  ou  du  moins  une  uvée  qui  ne  permet  à  la 
lumière  de  traverser  que  le  centre  de  l'appareil,  u  Là ,   dit 
M.  Dugès ,  est  une  ouverture,  ou  véritable  pupille,  qui  pa- 
raît noire,  comme  chez  l'homme  lui-même,  lorsqu'on  l'exa- 
mine à  un  fort  grossissement ,  après  avoir  aminci  et  applani 
la  cornée  avec  un  instrument  bien  tranchant.  L'ensemble  des 
pupilles,  dont  l'axe  répond  à  celui  de  l'œil  de  l'observateur, 
forme  ,  comme  l'a  prouvé  M.  Mùller,  et  comme  me  l'a  appris 
le  microscope  à  la  lumière  réfléchie  ,  cette  tache  noire  et  mo- 
bile qui  a  embarrassé  plus  d'un  observateur.  ))  Il  a  paru  à 
M.  Dugès  que  ces  taches  noires  éprouvaient  des  élargissemens 
comme  les  pupilles  des  mammifères  ;   que  derrière  chaque 
cornéule  il  existait  une  petite  cavité  ,  une  sorte  de  chambre 
antérieure,  remplie  d'humeur  aqueuse,  et  dont  la  paroi  pro- 
fonde aurait  été  formée  en  partie  par  l'iris  ou  la  portion  du 
pigment  dont  il  s'agit  en  ce  moment ,  et  en  partie  par  l'extré- 
mité libre  du  cylindre  transparent  qui  appartient  à  l'appareil 
examiné.  La  diaphanéilé  et  le  brillant  des  vaisseaux  cylin- 
driques les  a  fait  prendre ,  par  divers  observateurs,  pour  des 
faisceaux  de  trachées  mélangées  de  filets  nerveux.  Telle  est 
la  structure  des  yeux  des  insectes  diurnes  j  car  il  paraîtrait 


igG  QUATRIÈME    CLASSE.    — •    INSECTES. 

d'après  M.  Dugès ,  que  la  couche  supérieure  du  pigment  est 
nulle  dans  les  insectes  lucifuges  ^  il  a  remarqué  que  cet  enduit 
est  peu  abondant  dans  les  langoustes.  Les  teintes  de  ses  couches 
varient,  et  ce  que  nous  avons  dit  à  ce  sujet  s'applique  aux 
libellules,  dont  M.  Dugès  a  plus  particulièrement  observé  les 
yeux.  Dans  la  mouche  domestique  ,  le  pigment  est  d'un  rouge 
de  sang  ,  et  voilà  pourquoi  lorsqu'on  écrase  sa  tête,  il  en  sort 
une  liqueur  ayant  toute  l'apparence  du  fluide  sanguin.  Dans 
beaucoup  d'insectes  la  cornée  est  hérissée  de  poils  que  l'on  a 
comparés  aux  cils  des  paupières ,  ou ,  quant  à  leur  usage  ,  aux 
paupières  mêmes.  Ils  peuvent  en  effet  recevoir  la  poussière , 
que  l'animal  enlève  ensuite  aisément  au  moyen  d'un  frotte- 
ment produit  par  les  deux  pâtes  antérieures.  Les  insectes  se  te- 
nant souvent  cachés  dans  des  retraites,  et  leurs  yeux  étant  sou- 
vent en  contact  avec  divers  corps  ,  il  était  nécessaire  que  leur 
cornée  fût  solide.  Dans  sa  description  de  ceux  du  hanneton , 
M.  Straus  ne  s'est  point  essentiellement  éloigné  de  celle  qu'on 
avait  donnée  jusqu'alors  de  ces  organes.  La  première  couche 
du  pigment ,  celle  qui  revêt  intérieurement  la  cornée ,  est  la 
choroïde  propre;  les  vaisseaux  tubulaires  et  transparens  y 
sont  considérés  comme  des  nerfs  optiques  propres ,  se  portant 
d'une  rétine  perpendiculaire  à  la  cornée  ^  d'autres  nerfs ,  les 
secondaires,   partent  des  ganglions  optiques,   traversent  les 
autres  couches  du  pigment,  rencontrent  une  membrane  d'un 
rouge  brillant ,   concentrique  à  la  cornée ,  la  choroïde  de 
M.  Cuvier,  ou  la  choroïde  commune  de  M.  Straus  ^  derrière 
cette  membrane  ,  les  nerfs  secondaires  se  réunissent  pour  for- 
mer une  expansion  médullaire  qu'il  nomme  rétine  générale. 
M.  Dugès  a  fait  une  étude  assez  suivie  et  assez  complète  des 
yeux  lisses  (i)  ou  stemmates,  pour  se  prononcer  à  cet  égard. 
Ceux  de  la  mantis  religiosa  semblent  être  formés  ,  selon  lui, 
d'un  sac  conique  ,  et  ceux  du  gryUus  lineola  d'une  cupule 
hémisphérique.  Les  différences  que  l'on  observe  à  cet  égard 
dans  les  yeux  de  quelques  crustacés  isopodes ,  des  myriapodes , 


(t)   Ocelli ,  ocelles. 


GÉNÉRALITÉS.  T97 

nous  porteraient  à  croire  que  les  yeux  lisses  ou  simples  sont 
les  éicmens  primitifs  des  yeux  composés,  et  que  l'on  peut  con- 
sidérer comme  tels ,  ou  comme  rudimentaires ,  ceux  de  di- 
verses larves  d'insectes,  et  particulièrement  des  chenilles.  La 
description  qu'a  donnée  Lyonet  de  ceux  de  la  chenille  du  saule 
jious  semhle  appuyer  cette  conjecture.  Ils  sont  certainement, 
dans  la  classe  des  arachnides,  les  organes  de  la  vision.  On  a 
cru  en  reconnaître  l'existence  dans  quelques  espèces  de  co- 
léoptères du  genre  staphylin  de  Linné  5  mais  cela  nous  paraît 
encore  douteux.  Cet  ordre  d'insectes ,  ainsi  que  plusieurs  es- 
pèces des  autres  ordres  ,  en  est  dépourvu  ^  ils  sont  ordinaire- 
ment au  nomhre  de  trois  ,  et  disposés  triangulairement  sur  le 
sommet  de  la  téte^  on  n'en  voit  que  deux,  et  de  situation  va- 
riable ,  dans  d'autres.  On  s'est  plus  attaché ,  dans  les  Mémoires 
publiés  à  ce  sujet ,  à  constater  leur  existence  et  leur  quantité, 
qu'à  étudier  leur  structure  et  leurs  propriétés.  Nous  avons 
déjà  parlé  de  ces  organes  en  traitant  des  arachnides. 

Ces  filets  articulés ,  situés  entre  les  yeux  ou  au  -  devant 
d'eux,  qu'on  nomme  antennes,  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  les  antennules  ou  palpes ,  autres  filets  pareillement  arti- 
cules, généralement  plus  courts,  et  de  formes  moins  variées, 
mais  faisant  partie  de  la  bouche ,  ont  été  regardés  tour  à  tour 
comme  le  siège  de  l'ouïe,  de  l'odorat  et  du  tact.  La  première 
opinion ,  et  qui  est  celle  de  M.  Straus,  est  appuyée  sur  l'ana- 
logie, puisque,  dans  les  crustacés  décapodes,  l'organe  de 
l'ouïe  est  situé  à  la  base  des  antennes  extérieures.  Les  nerfs 
qu'elles  renferment  dans  les  insectes  sont  généralement,  sui- 
vant lui,  de  seconde  grosseur,  ou  de  seconde  importance^ 
car,  dans  sa  manière  de  voir,  la  grosseur  des  nerfs  est  en  rai- 
son inverse  de  la  densité  de  l'agent  qui  doit  être  perçu;  d'où 
il  résulte  que  la  lumière  étant  le  corps  le  plus  subtil  dont 
l'animal  doit  distinguer  les  variations,  ce  sont,  toutes  choses 
d'ailleurs  égales ,  les  yeux  qui  reçoivent  les  nerfs  les  plus 
forts.  Après  ceux  des  antennes ,  viennent  ceux  des  palpes 
maxillaires  et  labiaux,  qui  paraissent  les  uns  et  les  autres  ser- 
vir à  un  sens,  mais  dont  il  n'indique  point  la  nature.  Les  nerfs 


ig8  QUATRIÈME    CLASSE.   INSECTES. 

maiidibulaires ,  dans  lesquels  réside  probablement,  suivant 
lui,  la  perception  du  goût,  ont  une  grosseur  moins  forte  en- 
core. Les  pâtes,  comme  des  organes  du  toucber  proprement 
dit,  reçoivent  toujours  des  nerfs  très  considérables.  Enfin,  la 
peau ,  comme  organe  du  toucher  général ,  ne  reçoit  que  des 
branches  extrêmement  faibles  chez  toutes  les  espèces  dont  les 
tégumens  sont  solides,  et  ce  sens  doit  nécessairement  être  très 
obtus.  Les  nerfs  des  sens  sont  toujours  proportionnés  au  vo- 
lume de  l'organe  auquel  ils  se  rendent.  Pour  ne  pas  nous  éten- 
dre trop  sur  ce  sujet ,  nous  ne  suivrons  point  cet  auteur  dans 
l'exposition  qu'il  fait  de  l'importance  des  nerfs,  relativement 
à  l'action  musculaire ,  à  la  respiration ,  et  aux  autres  fonctions 
de  la  vie  animale.  Il  avance  diverses  propositions  que  l'état 
de  nos  connaissances  en  anatomie  et  en  physiologie  ne  nous 
permet  point  d'aborder  et  de  discuter.  Faisant  observer,  avec 
raison,  que  la  pulpe  auditive  ne  servant  à  transmettre,  en  der- 
nier résultat ,  que  les  vibrations  de  l'air  au  nerf  acoustique , 
n'est  pas  rigoureusement  nécessaire  à  la  perception  du  son , 
il  pense  que  cette  transmission  peut  s'opérer  par  d'autres 
moyens ,  et  que  les  tégumens  des  antennes  qui  enveloppent 
assez  étroitement  le  nerf  dans  une  grande  étendue ,  peuvent 
très  bien  remplir  cette  fonction.  Dans  les  astacus  ou  écre- 
visses ,  la  pulpe  auditive  contenue  dans  le  follicule  du  pre- 
mier article  reçoit  les  vibrations  de  l'air,  d'une  manière  di- 
recte, par  la  membrane  tympanique  du  vestibule,  et  la  partie 
terminale  des  antennes  est  un  second  appareil  acoustique  sur- 
ajouté au  précédent.  Celui-ci  manquant  dans  les  insectes,  le 
second  appareil  en  remplirait  les  fonctions.  Mais  dans  cette 
supposition ,  les  insectes  où  la  faculté  auditive  est  plus  puis- 
sante ,  tels  que  les  cigales ,  les  criquets  ,  les  sauterelles ,  il 
semblerait  que  les  antennes  devraient  avoir  un  plus  grand 
développement,  et  c'est  ce  qui  n'a  pas  lieu,  principalement 
dans  les  cigales ,  où  elles  sont  au  contraire  fort  petites.  Plu- 
sieurs grandes  espèces  de  criquets  offrent,  près  de  leur  nais- 
sance ,  les  traces  d'un  tympan,  ce  qui  confirmerait  l'opinion 
(Je  Scarpa,  qui  place  à  l'origine  de  ces  organes  le  siège  du  scuà 


I 


GÉNÉRALITÉS.  1 99 

de  Touic.  J'ai  vu  dans  quelques  cigales  deux  cavités  particu- 
lières, situées  une  de  chaque  cote,  près  de  la  base  de  l'épi- 
stome.  Correspondraient-elles  aux  mêmes  organes?  On  peut 
concevoir  que  la  membrane  tympanique ,  seule  partie  néces- 
saire pour  recevoir  les  vibrations  de  l'ouïe ,  pouvant  persé- 
vérer ,  sans  que  son  contour  soit  déterminé ,  l'organe  de  ce 
sens  n'en  existera  pas  moins  ,  quoiqu'il  ne  soit  plus  dis- 
tinct à  nos  yeux.  Quelques  lépidoptères  m'ont  offert,  près  du 
bord  interne  des  yeux,  deux  petits  trous,  et  j'ai  soupçonné 
qu'ils  pouvaient  être  des  conduits  auditifs.  Les  antennes ,  et 
plus  particulièrement  celles  des  mâles ,  tantôt  se  terminant  en 
massue  perfoliée  ou  lamellée  ,  tantôt  garnies  de  barbes  ou 
d'appendices,  dans  quelques  familles,  dont  les  espèces  se  nour- 
rissent, elles  ou  leurs  larves,  de  matières  putrides,  animales  ou 
végétales,  j'avais  cru  qu'en  admettant  que  ces  organes  fussent 
le  siège  du  sens  de  l'odorat,  il  était  facile  d'expliquer  ces  diffé- 
rences. Dans  plusieurs  autres  insectes,  les  coléoptères  longi- 
cornes  surtout,  et  plus  spécialement  encore  dans  leurs  mâles, 
les  antennes  sont  fort  allongées ,  et  filiformes  ou  sétacées.  Il 
est  naturel  de  présumer  qu'elles  servent  alors  au  tact ,  d'au- 
tant plus  qu'ils  les  portent  souvent  en  avant.  Les  impressions 
qu'elles  peuvent  recevoir  peuvent-elles  au  moins  les  prémunir 
contre  les  dangers  qui  les  menacent  ?  Les  tarses  antérieurs  des 
phrynes ,  ceux  des  faucheurs  et  de  diverses  autres  arachnides 
paraissent,  sous  ce  rapport  et  par  des  motifs  semblables,  jouir 
des  mêmes  propriétés. 

M.  Straus  combat  l'opinion  de  ceux  qui  regardent  les  an- 
tennes comme  les  organes  du  toucher  proprement  dit.  Il  an- 
nonce qu'il  a  fait  de  nombreuses  recherches  à  ce  sujet,  et  qu'il 
n'a  jamais  pu  reconnaître  que  les  insectes  explorassent  les  ob- 
jets en  les  palpant  avec  les  antennes  \  il  dit  qu'il  est  fort  rare, 
au  contraire ,  qu'ils  le  fassent ,  et  que  ce  n'est  alors  que  par 
un  pur  hasard.  Celte  conjecture,  suivant  lui,  ne  serait  fondée 
que  sur  des  faits  mal  observés,  sinon  entièrement  faux.  L'on 
serait  tenté  de  croire ,  d'après  une  telle  assertion ,  qu'il  n'a 
jamais  observé  de  fourmis  dans  leurs  marches  et  leurs  rcu^ 


200  QUATRIEME    CLASSE.   INSECTES. 

contres  mutuelles ,  et  qu'il  n'a  pas  lu  cetle  partie  de  l'ouvrage 
de  MM.  Hubert  sur  les  abeilles  où  sont  exposées  leurs  cu- 
rieuses recherches  à  l'égard  de  ces  organes,  et  qui  prou- 
vent qu'ils  servent  non  seulement  au  tact,  mais  qu'ils  sont, 
pour  ces  insectes  ,  un  moyen  de  communication  et  une 
sorte  de  langage.  M.  Hubert  fils  observe,  à  cette  occasion, 
que  le  bruit  du  tonnerre ,  les  décharges  d'armes  à  feu ,  ne 
paraissent  point  affecter  ces  petits  animaux,  et  que,  s'ils  sont 
doués  du  sens  de  l'ouïe ,  il  doit  y  être  modifié  différemment 
que  dans  ceux  d'un  ordre  plus  élevé.  Les  arachnides  ayant ,  à 
la  place  des  antennes ,  des  instrumens  de  préhension  ou  de 
manducation ,  devraient ,  si  les  antennes  étaient  exclusive- 
ment le  siège  de  ce  sens ,  en  être  privées.  Il  faut  donc ,  dans 
ce  cas ,  que  ces  animaux  ne  fassent  point  exception  à  la  règle 
générale ,  et  que  ce  sens  y  soit  situé  ailleurs. 

Par  notre  exposition  de  l'encéphale  des  insectes,  on  a  vu 
qu'il  existait  à  sa  partie  antérieure  un  système  ganglionnaire 
spécial.  La  découverte  de  quelques  nerfs  particuliers ,  situés 
à  la  même  place ,  dans  quelques  crustacés ,  fait  présumer  à 
M.  Robineau-Desv^oidy,  que  les  antennes  intermédiaires  de 
ces  animaux  sont  le  siège  de  l'odorat.  Baster  l'avait  placé  à 
l'entrée  de  l'appareil  respiratoire,  opinion  que  M.  Duméril 
a  soutenue  et  développée  ,  et  pour  laquelle  incline  aussi 
M.  Straus.  Mais  les  stigmates  s'étendanl  dans  toute  la  lon- 
gueur du  corps,  comment,  s'il  n'existe  point  un  centre  de 
rapports  ou  un  point  unique  de  perceptions ,  l'animal  pourra- 
t-il  se  diriger  vers  le  lieu  d'où  partent  les  émanations  odo- 
rantes, ou  les  fuir,  si  elles  lui  sont  pernicieuses  ?  Quel  sera 
d'ailleurs  le  siège  du  même  sens  dans  les  crustacés ,  qui  ont 
un  tout  autre  appareil  respiratoire?  M.  Marcel  de  Serres, 
d'après  diverses  recherches  sur  les  orthoptères ,  a  pensé  que 
les  palpes  étaient  des  organes  olfactifs  (i)  ^  mais  plusieurs  in- 


(i)  Il  a  observé  que  deux  nerfs,  qu'il  regarde  comme  olfactifs,  et  partant,  l'ini 
du  cerveau  etTautre  du  premier  ganglion  venant  après,  ou  du  ganglion  sous-œsoplia- 
gien,  parcourent  rintérieur  de  ces  palpes  ;  qu'il  y  a  entre  eux  une  trachée,  formant 
d'abord  une  poche  pneumatique ,  et  se  développant  ensuite  entièrement  lorsqu'elle 


GENERALITES.  20I 

sectes  en  sont  privés ,  ou  n'en  ont  que  de  très  petits  ;  seraient- 
ils  donc  privés  de  ce  sens?  Ces  parties,  lorsqu'elles  ont  une 
expansion  remarquable,  la  languette ,  dans  les  espèces  où  elle 
est  proportionnellement  plus  développée,  et  dans  les  crusta- 
cés, le  labre,  nous  semblent  être  plutôt  l'organe  du  goût,  et 
tout  nous  porte  à  présumer  que  le  système  nerveux  et  spécial 
dont  nous  venons  de  parler,  joue  un  rôle  principal  dans  ces 
affections  ou  dans  celles  de  l'odorat ,  qui  se  lient  naturelle- 
ment avec  les  précédentes.  Des  expériences  directes  pourront 
seules  éclaircir  ces  difficultés,  et  jusqu'alors  nous  nous  in- 
terdirons tout  jugement  positif.  M.  Straus,  qui  a  traité  ce 
sujet  avec  assez  d'étendue,  soupçonne  que  les  palpes  pour- 
raient être  l'organe  d'un  sens  analogue  à  celui  que  l'on 
suppose  résider  dans  ce  que  M.  de  Blainville  nomme  l'o/- 
gane  de  Jacobson,  et  qui  permet  aux  mammifères,  les  her- 
bivores surtout,  de  reconnaître  la  nature  de  leurs  alimens, 
et  de  repousser  ceux  qui  peuvent  leur  être  nuisibles  j  il  y  est 
placé  près  des  fosses  nasales.  Il  ne  nous  appartient  point  de 
nous  livrer  à  une  discussion  sur  l'existence  de  cet  organe  5 
mais  nous  pensons  que  la  nature  a  pu  arriver  au  même  but 
sans  créer  un  sens  spécial  5  car  une  impression  désagréable, 
produite  directement,  soit  par  l'odorat,  soit  par  le  goût, 
nous  paraît  pouvoir  suffire.  M.  Straus  pense  encore  que  cer- 
tains appendices  articulés,  semblables  à  des  palpes  ou  à  des 
nntennes,  que  l'on  voit  à  l'extrémité  postérieure  de  beaucoup 
d'orthoptères,  des  lépismes ,  etc.,  peuvent  aussi  être  le  siège 
d'un  sens  sur  lequel  il  n'ose  hasarder  aucune  conjecture.  Mais 
quelle  nécessité  v  a-t-il  encore  d'admettre  un  nouveau  sens? 
Ces  appendices  ne  peuvent -ils  pas  être  ,  soit  des  organes 
excréteurs,  soit  des  organes  du  toucher?  Lorsque  des  in- 
ductions fondées  sur  l'analogie  peuvent  nous  conduire  à  des 


pénètre  la  cavité  de  ces  organes.  Nous  ajouterons  que  dans  les  espèces  les  plus 
grandes  de  plusieurs  genres,  le  dernier  article  des  palpes  est  beaucoup  plus  volumi- 
neux que  daus  les  petites ,  et  qu'ici  ce  deruier  article  s'eufonce  dans  le  précédent  on 
Huit  eu  mauièrc  d'altnc. 


!202  QUATRIEME    CLASSE.  =—    INSECTES. 

explications  raisonnables,  qu'est-il  besoin,  je  le  répète  en- 
core ,  d'ajouter  de  nouvelles  bypolbèses  à  celles  que  la  fai- 
blesse de  nos  conceptions  n'a  que  trop  multipliées  ? 

Déjà,  en  traitant  de  la  composition  buccale  des  crustacés, 
des  araclinides  et  des  myriapodes ,  nous  avons  fait  connaître 
plusieurs  des  organes  de  lamanducation  qui,  tels  que  le  labre, 
les  mandibules ,  les  mâchoires ,  les  palpes  et  la  languette^  se 
retrouvent  aussi  dans  les  insectes  broyeurs ,  et  sont  même  com- 
muns à  tous ,  mais  sous  un  travestissement  propre  à  un  autre 
mode  de  manducation.  Ici,  il  nous  est  plus  facile  de  ramener 
ces  organes ,  malgré  toutes  les  modifications  qu'ils  nous  pré- 
sentent, à  un  seul  type.  «  La  bouche  des  insectes  à  six  pieds , 
avons-nous  dit  dans  la  nouvelle  édition  du  règne  animal,  est, 
en  général ,  composée  de  six  pièces  principales ,  dont  quatre 
latérales,  disposées  par  paires  et  se  mouvant  transversalement  \ 
les  deux  autres ,  opposées  l'une  à  l'autre ,  dans  un  sens  con- 
traire à  celui  des  précédentes ,  remplissent  le  vide  compris 
entre  elles  :  l'une  est  située  au-dessus  de  la  paire  supérieure, 
et  Tautre  au-dessous  de  l'inférieure.  Dans  les  insectes  brojeurs, 
ou  qui  se  nourrissent  de  matières  solides ,  les  quatre  pièces 
latérales  font  l'office  de  mâchoires,  et  les  deux  autres  sont 
considérées  comme  des  lèvres-,  mais,  comme  nous  l'avons 
déjà  observé ,  les  deux  mâchoires  supérieures  ont  été  distin- 
guées par  la  dénomination  particulière  de  mandibules  ,*  les 
deux  autres  ont  seules  conservé  celle  de  mâchoires  -,  elles  ont 
d'ailleurs  un  ou  deux  fdets  articulés  qu'on  appelle  palpes  ou 
antennules ,  caractère  que  n'offrent  jamais,  dans  cette  classe, 
les  mandibules.  Leur  extrémité  se  termine  souvent  par  deux 
divisions  ou  lobes ,  dont  l'extérieure  est  nommée ,  dans  l'ordre 
des  orthoptères ,  galète.  Nous  avons  encore  dit  qu'on  était 
convenu  d'appeler  labre,  la  lèvre  supérieure  j  l'autre,  ou  la 
lèvre  proprement  dite ,  est  formée  de  deux  parties  :  l'une , 
plus  solide  et  inférieure,  est  le  menton-,  la  supérieure,  et  qui 
porte  le  plus  souvent  deux  palpes ,  est  la  languette.  Dans  les 
insectes  suceurs,  ou  ceux  qui  ne  prennent  que  des  alimens 
fluides ,  les  divers  organes  de  la  manducation  se  présentent 


GENERALITES. 


io3 


SOUS  deux  sortes  de  modificalions  générales  :  dans  la  première , 
les  mandibules  et  les  mâchoires  sont  remplacées  par  de  petites 
James  en  forme  de  soies  ou  de  lancettes,  composant,  par  leur 
réunion  ,  une  sorte  de  suçoir,  qui  est  reçu  dans  une  gaine 
tenant  lieu  de  lèvre,  soit  cylindrique  ou  conique,  et  articu- 
lée en  forme  de  bec  (le  rostre)  ^  soit  membraneuse  ou  char- 
nue ,  inarticulée ,  et  terminée  par  deux  lèvres  (  la  trompe  )  : 
le  menton  n'est  qu'un  avancement  d'une  portion  des  tégu- 
mens  inférieurs  ou  gulaires  de  la  télé  ,  distingué  à  son  origine 
par  une  suture.  Dans  la  plupart  des  hyménoptères,  ceux  sur- 
tout, comme  les  abeilles,  qui  ont  une  trompe  ,  au  lieu  de  for- 
mer une  sorte  de  plaque  ou  de  bouclier,  il  a  pris  la  figure 
d'un  tube,  soutenu  par  des  muscles  et  mobile.  Les  mâchoires 
des  insectes,  ainsi  que  je  l'ai  dit  en  traitant  des  crustacés, 
me  paraissent  représenter  les  pieds-mâchoires  de  ceux-ci,  et 
les  premiers  surtout  des  amphipodes  ;  et  la  lèvre  inférieure 
ne  serait  encore,  dans  mon  opinion  ,  que  des  pieds-mâchoires 
analogues ,  mais  dont  les  appendices  intérieurs  seraient  réunis 
et  confondus  en  une  pièce ,  la  languette  ;  le  labre  est  triangu- 
laire ,  voûté ,  et  recouvre  la  base  du  suçoir.  Dans  la  seconde 
sorte  d'organisation ,  le  labre  et  les  mandibules  sont  presque 
oblitérés  ou  extrêmement  petits  5  la  lèvre  n'est  plus  un  corps 
libre,  et  ne  se  distingue  que  par  la  présence  de  deux  palpes,  dont 
elle  est  le  support;  les  mâchoires,  qui  ont  acquis  une  longueur 
extraordinaire,  sont  transformées  en  deux  filets  tubuleux,  qui, 
se  réunissant  par  leurs  bords ,  forment  une  espèce  de  trompe , 
se  roulant  en  spirale ,  et  qu'on  nomme  Icmgiie^  mais  que , 
pour  éviter  toute  équivoque ,  il  serait  préférable  d'appeler  spi- 
ritrompe  (spijigjiatha)  ;  son  intérieur  présente  trois  canaux, 
dont  celui  du  milieu  est  le  conduit  des  sucs  nutritifs;  à  la  base 
de  chacun  de  ces  filets  est  un  palpe,  ordinairement  très  petit 
et  peu  apparent.  » 

Dans  notre  histoire  générale  des  crustacés  et  des  insectes, 
imprimée  bien  long-temps  avant  l'observation  de  M.  de  Blain- 
ville  sur  le  rapport  du  palpe  interne  des  mâchoires  avec  leur 
iobe  terminal  et  la  galèlc ,  avions-nous  reconnu  cette  identité  ? 


2o4  QUATRIÈME    CLASSE.    —    INSECTES. 

Mais  comme  ces  distiiiclions  sont  fondées  sur  des  changemens 
de  formes  bien  tranchés,  qu'elles  sont  avantageuses  à  la  mé- 
thode, je  crois  devoir  les  maintenir,  et  je  ne  saurais  approu- 
ver M.  Straus,  qui,  n'ayant  pas  égard  à  ces  modifications, 
donne  au  galea  une  acception  trop  générale.  C'est  ainsi,  par 
exemple ,  qu'il  nomme  la  pièce  dentée  terminant  les  mâ- 
choires du  hanneton.  On  verra,  lorsque  nous  traiterons  des 
orthoptères ,  que  la  galète  a  une  forme  très  différente.  Dans  la 
description  de  la  lèvre  de  cet  insecte,  il  a  bien  distingué,  et 
avec  raison ,  la  languette  d'une  autre  pièce  située  en  avant  du 
menton,  et  cachée  par  lui ,  la  langue.  La  plupart  des  entomo- 
logistes l'ont  confondue  avec  la  précédente  -,  elle  constitue , 
dans  la  famille  des  coléoptères  carnassiers ,  ces  deux  lobes  que 
M.  Bonelli  nomme  paraglos ses ,  et  qui  correspondent  aussi  aux 
deux  latéraux  de  la  lèvre  des  staphylins  5  mais  le  plus  souvent 
elle  est  cachée  par  la  languette.  Afin  d'éviter  la  confusion  que 
peuvent  produire  ces  deux  expressions  presque  identiques  de 
languette  et  de  langue,  il  conviendrait  de  ne  faire  usage  que 
de  celle-ci,  et  de  remplacer  l'autre  par  celle  de  Zèpre,*  le  tout 
serait  le  glossaire  (glossaîium).  Le  menton  ou  ganache  n'est 
qu'un  prolongement  de  cet  espace  inférieur  et  gulaire  de  la  tête 
que  M.  Straus  nomme  pièce  prœbasilaire,  et  sur  laquelle  nous 
reviendrons ,  en  exposant  la  composition  générale  de  la  tête 
des  insectes.  Les  hémiptères ,  insectes  suceurs ,  sont  aussi  pour- 
vus d'une  langue  proprement  dite ,  mais  non  pénétrante  ,  ou 
ne  coopérant  point  à  la  manducation.  L'observation  de  cette 
pièce  est  propre  à  M.  Savigny,  qui  a  étudié,  avec  une  attention 
si  scrupuleuse,  l'appareil  buccal  des  insectes.  Un  fait  qui  lui 
a  échappé  est  qu'une  autre  pièce ,  dont  Réaumur  avait  déjà 
parlé ,  à  l'occasion  de  la  trompe  des  bourdons ,  mais  négligée 
depuis ,  Vêpiglosse  ou  espèce  de  sous-labre  fermant  l'entrée 
du  pharynx,  se  retrouve  aussi  dans  des  hémiptères,  comme 
les  cigales  ,  les  ranatres ,  et  beaucoup  d'autres  insectes  -,  on 
l'a  confondue  avec  le  labre.  Ces  deux  pièces  sont,  dans  la 
description  du  suçoir  de  la  ranatre  linéaire  donnée  par  M.  Léon 
Dufour,  les  deux  de  la  base  de  ce  suçoir,  formant  comme  deux 


GÉNKR  ALITÉS.  2o5 

bractées  cngaînaiiles.  Mais  je  soupçonne  que  la  pièce  slyli- 
forme  et  dentée  qu'il  considère  comme  la  langue ,  est  double , 
et  ne  représente  point  celle  que  M.  Savigny  et  moi  désignons 
ainsi. 

Je  ferai  remarquer  qu'il  est  nécessaire  de  restreindre  l'appli- 
cation trop  générale  et  trop  vague  du  mot  de  trompe.  Ainsi 
à  l'égard  des  charansonites  et  des  panorpes,  où  la  tête  se  pro- 
longe antérieurement  en  forme  de  trompe ,  mais  sans  chan- 
gement dans  les  organes  de  la  bouche,  je  nommerai  cette 
saillie  probosci-rostre  ou  museau-trompe  [probosciroslmm). 
La  trompe  de  la  puce  sera  un  ros telle  [rostellum),  et  celle  des 
crustacés  siphonostomes  et  de  plusieurs  arachnides,  un  siphon 
(siphon).   L'expression  diminulive  de  siphoncule  (siphun- 
culus)  sera  propre  aux  poux.  Atcc  Fabricius  et  Olivier,  je 
continuerai  d'appeler,  quoique  le  mot  soit  très  impropre ,  la 
trompe  des  hémiptères^  un  rostre  (rostrum).  La  dénomina- 
tion de  proboscide  ou  trompe  (proboscis)  sera  exclusivement 
réservée  aux  diptères  ,  et  celle  de  promuscide  {pj^omuscis')  ne 
sera  aussi  consacrée  qu'aux  hyménoptères.  Enfin,  à  l'égard 
des  lépidoptères  ,  j'ai  rejeté  le  mot  de  langue,  et  je  l'ai  rem- 
placé par  celui  de  spiiitivmpe  (spirignatha). 

Les  insectes,  considérés  sous  le  rapport  de  la  situation  corré- 
lative des  organes  buccaux,  forment  deux  divisions  principales, 
les  gjmnosLomes  et  les  thécostomes .  Dans  la  première,  tous  les 
organes  de  la  manducalion  sont  à  nu,  et  quatre  d'entre  eux  ont 
toujours  une  forme  maxillaire.  Quoique  leurs  proportions  va- 
rient, ils  conservent  toujours  leur  type  caractéristique  5  c'est 
ainsi  que  les  lépidoptères,  qui  semblent  le  plus  s'en  éloigner, 
appartiennent  néanmoins  à  cette  division .  Dans  la  seconde,  plu- 
sieurs de  ces  pièces  très  déliées,  rapprochées  en  un  faisceau  et 
forantes ,  ou  propres  à  percer,  composent  un  suçoir,  renfermé 
dans  une  gaine;  tel  est  le  caractère  qui  signale  les  poux,  les 
puces ,  les  hémiptères  et  les  diptères.  Dans  les  uns ,  comme  les 
hémiptères,  la  pièce  représentant  la  langue  ne  coopère  point 
à  la  perforation  ou  du  moins  n'agit  point  comme  un  instru- 
ment offensif;  il  n'en  est  pas  ainsi  dans  les  diptères.  Nous  di- 


âo6  QUATRIKME    CLASSE.    INSECTES. 

rons  enfin  que  l'ascension  des  liquides  dans  les  insectes  suceurâ 
s'opère  par  un  rapprochement  graduel  des  pièces  du  suçoir, 
renfermant  ces  liquides  ou  les  parois  de  leur  canal ,  c'est-à-dire 
qu'elles  s'écartent  d'abord  par  leur  extrémité  ,  afin  de  leur  li- 
vrer passage,  et  que  se  rapprochant  ensuite  peu  à  peu  et  tou- 
jours en  avant,  afin  de  leur  interdire  tout  retour,  elles  les  ohli- 
gent  par  cette  compression  à  monter  et  à  pénétrer  enfin  dans 
le  pharynx  situé  au  centre  de  réunion  des  parties.  Nous  re- 
marquerons ,  en  outre ,  que  dans  les  insectes  véritablement 
suceurs ,  celte  portion  inférieure  et  mobile  des  mâchoires  qui 
dans  les  insectes  broyeurs,  s'étend  depuis  leur  naissance  jus- 
qu'à celle  des  palpes,  est  maintenant  très  raccourcie  et  fixe, 
ou  même  presque  nulle.  Les  palpes  disparaissent  souvent. 

L'appareil  digestif  des  insectes  se  compose  de  deux  sortes 
d'organes,  les  uns  extérieurs  ou  introducteurs,  et  les  autres  in- 
ternes.-Les  premiers  forment  l'appareil  buccal;  les  autres 
comprennent  le  tube  intestinal,  les  organes  sécréteurs,  tels 
que  les  vaisseaux  biliaires  ou  hépatiques ,  les  vaisseaux  sali- 
vaires ,  ceux  que  l'on  désigne  sous  le  nom  à' excrémentitiels 
ou  urinaires ,  le  vaisseau  dorsal  et  l'épiploon  ou  le  corps 
graisseux.  L'appareil  buccal  ou  les  instrumens  que  la  nature 
a  donnés  à  ces  animaux  pour  saisir  leurs  alimens  et  les  faire 
passer  dans  le  canal  alimentaire  ,  soit  après  les  avoir  triturés 
comme  dans  les  insectes  dits  hrojeiirs,  soit  immédiatement  et 
sans  préparation ,  vu  leur  liquidité  ,  comme  dans  les  insectes 
suceurs,  doit  fixer  plus  particulièrement  noire  attention ,  en 
ce  qu'il  fournit  les  principaux  caractères  de  la  méthode. 

Le  canal  alimentaire  des  animaux  articulés ,  et  par  consé- 
quent des  insectes,  est  formé,  suivant  M.  Straus ,  de  trois 
tuniques.  L'interne  est  muqueuse,  analogue  à  celle  des  verté- 
brés, mais  pas  toujours  distincte  dans  quelques  parties  du 
canal.  La  seconde ,  nommée  par  lui  membrane  propre,  est 
ordinairement  blanche  et  fort  mince,  présentant  dans  plusieurs 
endroits  des  granulations  très  petites,  alignées,  qu'il  soupçonne 
être  des  follicules  destinées  à  sécréter  quelques  liqueurs  digcs- 
tives,  et  qu'il  désigne  par  la  dénomination  de  glandes  gastri- 


GENERALITES.  o.O'] 

(jucs.  La  troisième  tunique  est  une  couche  musculeuse ,  qui 
ne  revêt  que  certaines  parties  de  ce  canal  j  elle  est  surtout  fort 
épaisse  sur  les  intestins,  le  gésier,  et  souvent  sur  l'œsophage , 
mais  le  jabot  et  le  ventricule  succenturié  en  sont  en  grande 
partie  dépourvus  j  elle  est  ordinairement  fournie  de  fibres 
transversales. 

Les  anatomistes  ont  partagé  le  tube  intestinal  suivant  les 
modifications  de  forme  qu'il  éprouve  dans  toute  sa  longueur 
en  divers  espaces,  ayant  autant  de  noms  propres ,  mais  sur  les- 
quels ils  ne  s'accordent  pas  toujours.  Nous  suivrons  à  cet  égard 
les  distinctions  adoptées  par  M.  Léon  Dufour  dans  ses  recher- 
ches anatomiques  ,  qui  ont  jeté  tant  de  lumière  sur  cette 
partie.  Le  pharynx ,  l'œsophage  ,  le  jabot ,  le  gésier^,  l'estomac 
ou  le  ventricule  chylifique ,  l'intestin  grêle,  le  gros  intestin, 
le  cœcum  et  le  rectum  ,  telle  est  la  nomenclature  des  parties 
du  tube  alimentaire,  en  commençant  par  la  bouche.  Le  pha- 
rynx en  formera  l'entrée,  qu'elle  soit  distincte  ou  non  par  sa 
figure  et  ses  muscles  particuliers.  Cette  portion  initiale  du 
tube,  s'étendant  depuis  le  pharynx  jusqu'au  premier  renfle- 
ment venant  après,  est  ce  qu'on  appelle  l'œsophage.  Il  est 
très  court  ou  confondu  avec  cette  dilatation ,  et  quelquefois , 
comme  dans  le  blaps  gigas,  précédé  d'une  épiglotte.  Les  di- 
vers renflemens  que  présente  le  canal  alimentaire ,  à  partir  de 
ce  point,  jusqu'à  l'intestin  exclusivement,  ont  été  désignés 
par  MM.  Cuvier  et  Straus  sous  les  noms  àe  jabot ,  de  ventri- 
cule succenturié  et  de  gésier.  Chez  plusieurs  oiseaux ,  l'œso- 
phage porte  latéralement  une  poche  ,  où  les  alimens  séjour- 
nent avant  que  de  passer  dans  le  gésier,  et  c'est  ce  qu'on 
appelle  le  jabot.  Chez  d'autres  ,  une  portion  de  l'œsophage  en 
remplit  les  fonctions  ^  c'est  le  ventricule  succenturié.  Le  tube 
alimentaire  des  courtilières  ou  grjllo-talpa  ressemble  à  celui 
des  premiers ,  qudnt  à  la  présence  de  cette  poche  latérale  (i)  ^ 
mais  dans  beaucoup  d'autres  insectes,  elle  n'existe  pas ,  et  la 


(i)  Des  syrphes  et  des  lépidoptères,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  dans  Swammerdam. 
eu  ont  aussi  uue. 


2o8  QUATRIEME    CLASSE.    —    INSECTES. 

porlion  de  Tœsophage  qui  précède    le  gésier  la  remplace  *, 
M.  Straus  lui  applique  la  dénomination  de  jabot  succenturié. 
Nul  doute  ^  d'après  ce  qu'il  dit  de  sa  longueur  extraordinaire 
et  de  ses  circonvolutions  dans  les  insectes  herbivores,   que 
cette  partie  ne  soit  celle  que  M.  Dufour  nomme  ventricule 
chjrlifique,  ou  plus  simplement  V estomac.  Il  paraîtrait  cepen- 
dant que  M.  Straus,  relativement  à  plusieurs  insectes,  tels 
que  les  carabiques ,  regarde  ce  ventricule  chylifique  comme 
la  première  portion  de  l'intestin ,  qu'il  nomme  duodéjium , 
car  il  dit  qu'il  est  recouvert  par  une  infinité  de  petits  vais- 
seaux ou  glandes  gastriques ,  manquant  sur  le  colon ,  et  que  les 
vaisseaux  biliaires  s'insérant  souvent  sur  l'intestin ,  marquent 
encore  la  limite  du  duodénum  et  du  colon  j  or,  cette  portion 
du  tube  alimentaire  hérissée  de  papilles  et  recevant  des  vais- 
seaux biliaires  ,  considérée  dans  les  carabiques,    est,   pour 
M.  Dufour,  le  ventricule  chylifique.  Mais  il  en  serait  tout  au- 
trement à  l'égard  du  hanneton  commun,  puisque,  comme  nous 
le  remarquerons  bientôt,  le  dernier  considère  comme  faisant 
partie    des    intestins,    celle    qui,    d'après    les    principes  de 
M.  Straus,  est  un  duodénum,  venant  immédiatement  à  la 
suite  d'un  renflement  nommé  par  lui  gésier  et  regardé  comme 
une  sorte  de  colon ,  et  précédé  d'un  intestin  grêle ,  suivant 
M.  Dufour.  D'après  l'ordre  d'énumération  des  parties,  donné 
par  M.  Straus,  le  gésier  vient  immédiatement  après  le  jabot 
succenturié  ,  et  précède  immédiatement  les  intestins ,  tandis 
que  dans  la  série  adoptée  par  le  second ,  le  gésier ,  lorsqu'il 
existe,  est  toujours  antérieur  au  ventricule  chylifique  ou  au 
jabot  succenturié;  mais  M.  Straus  dit  ailleurs  qu'il  est  situé  à 
des  points  différens  de  la  longueur  du  tube  intestinal ,  que , 
chez  les  insectes  dépourvus  de  jabot,  il  est  souvent  très  grand 
et  en  remplit  les  fonctions ,   et  qu'il  se  distingue  des  autres 
dilatations  antérieures  par  ses  muscles,  les  côtes  et  les  pièces 
diversement  conformées   qu'il    présente  souvent.   Ses  deux 
orifices  sont  désignées  par  les  dénominations  de  cardia   et 
de  pylore.  Lorsque  le  ventricule  chylifique  est  précédé  de 
deux    dilatations  ,    la    seconde  ,    dans   la   nomenclature   de 


GÉNÉRALITÉS.  2O9 

M.  Dufour,  est  toujours  le  gésier,  et  l'antérieure  le  jabot, 
quelle  que  soit  d'ailleurs  sa  composition.  Il  s'ensuit  que, 
relativement  aux  coléoptères  carnassiers ,  où  l'on  observe  ces 
deux  renflemens ,  et  où  le  premier  ofFre  ordinairement  des 
côtes  ou  une  granulation ,  celui-ci  doit  être  pour  M.  Straus 
un  gésier. 

En  comparant  les  dénominations  qu'ils  ont  affectées  aux 
diverses  parties  du  tube  alimentaire  du  hanneton  commun  , 
on  voit  que  M.  Dufour  n'indique  point  cette  dernière  ;  que 
le  ventricule  chylifique  ,  ouïe  jabot  succenturié  de  M.  Straiis  , 
est  immédiatement  suivi  d'un  intestin  grêle  fort  court  , 
transformé  en  jabot  par  celui-ci^  et  que  le  renflement  strié, 
succédant  immédiatement  à  cet  intestin,  est  une  sorte  de 
colon  pour  le  premier  et  un  gésier  pour  le  second.  Mais  il 
paraît  qu'en  général  M.  Straus  comprend  sous  la  dénomi- 
nation commune  de  colon  l'intestin  grêle  et  le  cœcum  de  la 
nomenclature  suivie  par  M.  Dufour.  Il  fait  observer  que  le 
colon  se  confond  avec  le  rectum ,  et  que  celui-ci  forme,  dans 
plusieurs  insectes ,  une  poche  très  volumineuse.  L'anus  , 
ainsi  que  chez  les  oiseaux  et  les  reptiles  ,  s'ouvre  dans  un 
cloaque ,  où  aboutissent  les  organes  de  la  génération ,  et  don- 
nant ainsi  passage  à  la  verge  du  mâle ,  aux  œufs  et  aux  ex- 
crémens.  Dans  les  sauterelles  ,  cependant ,  ce  cloaque,  suivant 
lui ,  n'existe  point,  et  l'anus  s'ouvre  séparément  à  l'extérieur. 
Plusieurs  insectes  offrent  près  du  gésier  ,  et  tantôt  plus  en 
arrière  ,  des  cœcums  ordinairement  simples ,  mais  qui  dans 
certaines  espèces  se  subdivisent  en  plusieurs  poches  ou  bran- 
ches. On  en  observe  six,  dans  les  acjydium ,  formant  en  ar- 
rière du  gésier  une  couronne  ,  et  ayant  chacun  un  petit 
appendice  latéral.  Nous  présumons  que  ces  organes  sécrètent 
les  liqueurs  digestives  et  les  transmettent  aux  parties  voi- 
sines ,  ce  qui  les  distingue  des  vaisseaux  biliaires  ou  hépati- 
ques, ceux-ci  versant  au  contraire  dans  le  canal  intestinal  les 
humeurs  qu'ils  renferment.  La  nomenclature  des  parties  du 
canal  intestinal  ,  présentée  par  M.  Marcel  de  Serres  ,  ne 
s'accorde   pas  non  plus,   en  divers  points,  avec  les  précé- 


14 


2IO  QUA^TRIKME    CLASSE.    INSECTES. 

dentés ,  et  nous  en  tirerons  naturellement  cette  conséquence 
qu'il  est  à  désirer  qu'un  habile  zootomiste  la  régularise 
d'après  des  principes  rationnels ,  afin  qu'elle  soit  désormais 
uniforme.  Passons  maintenant  à  l'examen  des  glandes  sécré- 
toires  ,  qui  dépendent  de  l'appareil  digestif ,  pour  arriver 
ensuite  à  essayer  d'expliquer  la  manière  dont  la  digestion 
s'opère  dans  ces  animaux.  Nous  puiserons  dans  l'ouvrage  de 
M.  Straus  de  nouvelles  lumières  sur  ce  sujet  ,  si  digne  de 
l'attention  du  physiologiste. 

Les  glandes  sécrétoires ,  sous  l'apparence  de  vaisseaux  flot- 
tans  ,  varient  tant  par  leur  nombre  que  par  leurs   formes 
et  leur  point  d'insertion.  Les  unes  débouchent  aux  deux  ex- 
trémités opposées  du  tube  intestinal ,  et  sont  distinguées  par 
la  dénomination  de  salwaires  si  leur  issue  est  antérieure,  et  par 
celle  à' excrémentitielles  si  elle  a  lieu  près  de  l'anus.  Les  au- 
tres s'insèrent  dans  le  tube,  entre  le  ventricule  chylifîque  et  le 
rectum.  Elles  ont  reçu,  par  analogie,  le  nom  àliépatiques  ou 
de  biliaires.  L'expression  de  vaisseaux  est  plus  communément 
employée  à  la  place  de  celle  de  glandes.  Ils  paraissent,  en  efî'et, 
provenir  d'un  réservoir  formant  la  glande  proprement  dite. 
Les  premiers  ou  les  salivaires,   ordinairement  au  nombre  de 
deux ,  versent  leurs  produits  dans  le  pharynx  ou  dans  l'œso- 
phage ;  ce  sont  en  général  des  vaisseaux  dissolvans  ,  et  géné- 
ralement plus  propres  aux  insectes  suceurs  qu'aux  insectes 
broyeurs  ;  quelques  uns  de  ceux-ci  en  offrent  cependant  ;  des 
espèces  de  la  même  famille   (  inelasoines  )  ,   et  d'autres  du 
même  genre  en  sont  dépourvues  ,   tandis  qu'on  en   trouve 
dans  les  autres.  Les  vaisseaux   hépatiques  ,   beaucoup   plus 
longs  et  très  compliqués  dans  quelques,  sont  le  plus  souvent  ij 
au  nombre  de  six  ou  de  quatre ,  disposés  en  un  ou  deux  pa- 
quets, et  rapprochés  ou  réunis  en  manière  de  verticille  aux 
points  d'insertion.  Je  vois,  d'après  les  recherches  anatomi- 
ques  de  M.  Léon  Dufour  sur  le  système  digestif  des  coléop- 
tères, que  dans  ceux  de  la  section  des  pentamères  ,  les  clai- 
rons exceptés ,  ces  vaisseaux  n'y  forment  qu'un  seul  faisceau, 
Tandis  qu'il  y  en  a  un   autre   plus  en  arriére  dans  presque 


GliJNI^RALlTÉS.  211 

tous  les  hétdromères  et  les  tëtramères  ,  coléoptères  ,  se  nour- 
rissant généralement  de  substances  végétales.    Je  remarque 
aussi  qu'aucun  de  ces  derniers  n'offre  de  vaisseaux  excrémen- 
titiels,  et  que  ces  vaisseaux  paraissent  être  propres  aux  co- 
léoptères pentamères  carnassiers  ,  et  à  quelques  autres  vivant 
de  matières  animales  corrompues  (i).  Les  vaisseaux  hépati- 
ques inférieurs  ou   ceux   du    second  rang  contiennent  une 
substance    d'un    blanc   pur ,   qui    paraît   composée    d'acide 
urique,  de  potasse  et  d'ammoniaque,  ou  d'acide  urique  à 
l'état  de  sous-urate  de   potasse  et  d'ammoniaque.  Quant  à 
celle,  de  couleur  jaunâtre,  des  vaisseaux  antérieurs,  l'on  pré- 
sume que  cette  sécrétion  a  de  l'analogie  avec  celle  de  la  bile. 
M.  Straus  pense  que  ces  petits  vaisseaux  courts  et  aveugles , 
recouvrant  tantôt  le  jabot  succenturié  et  tantôt  le  duodénum, 
désignés  par  lui  sous  le  nom  de  glandes  gastriques ,  et  dont 
nous  avons  déjà  fait  mention  ,  sécrètent  une  liqueur  digestive, 
de  la  nature  du  suc  gastrique  ou  pancréatique.  Ce  sont  des 
absorbans  du  chyle ,  suivant  M.  Rengger.  Les  vaisseaux  ex- 
crémentitiels  ,  qui  ,  parmi  les  coléoptères ,  sont  propres  aux 
pentamères  carnassiers   et   à    quelques  autres  de   la  même 
section ,  soit  doubles ,  soit  uniques ,   et  débouchant  dans  le 
canal  intestinal  près  de  l'anus  ,  sont  considérés  ,  par  le  pre- 
mier ,  comme  des  reins  ou  vaisseaux  urinaires.  Ils  sont  le 
réservoir  de  ces  liqueurs   acres   et  caustiques  que  plusieurs 
jettent  par  l'anus.  La  glande  à  venin,  qui  se  trouve  à  l'ori- 
gine de  l'aiguillon  de  plusieurs  hyménoptères  est  du  nombre 
de  ces  vaisseaux.  Ils  portent  souvent  près  de  leur  insertion 
un  réservoir  faisant  les  fonctions  de  vessie.  Mais ,  ainsi  que 
dans  la  catégorie  des  vaisseaux  salivaires  ,  il  en  existe  ,  parmi 
les  excrémentitiels,  qui  renferment  une  substance  analogue  à 
celle  de  la  soie  ou  gommeuse  ^  c'est  ce  qui  a  lieu  dans  les  hv- 
drophiles  femelles.  Peut-être,  dès-lors,  serait-il  à  propos  de 
substituer  la  dénomination  à'iiropygiejis  à  celle  d'excrémen- 


ioAi 


(i)  M.  Stiaus  admet  dans  le  hauneton  deux  vaisseaux  urinaires.  La/û^^'/éQJil  eu       ^  .- 
a  donnée,  ainsi  que  celle  du  canal  alimentaire,  qc  m'a  point  paru  a/s'ï*»^açfe /««»» ^'  . 


2  12  QUATRIEME    CLASSE.  INSECTES. 

llliels  ,  qui,  d'après  le  sens  qu'on  y  attache  dans  notre  langue, 
ne  convient  guère  à  cette  dernière  sorte  de  vaisseaux. 

Un  tissu  adipeux,  flottant  dans  les  cavités  splanchniques , 
formant  autour  des  viscères  une  atmosphère  plus  ou  moins 
dense,  et  que  l'on  a  nommé  epiploon ,  avait  d'abord  été 
rangé  par  M.  Léon  Dufour  parmi  les  dépendances  du  sys- 
tème digestif.  Il  a  cru  ensuite ,  ])ar  prudence  ,  décrire  simple- 
ment ce  tissu ,  sous  la  dénomination  de  tissu  adipeux  splancli- 
nique,  et  garder  le  silence  sur  ses  fonctions.  M.  Straus  a 
encore  été  plus  réservé  ^  car  il  me  paraît  n'avoir  pas  même 
abordé  ce  sujet.  Ce  tissu  existe  généralement  dans  tous  les 
insectes.  On  n'en  voit  que  des  vestiges  membraneux  dans  ceux 
dont  la  vie  est  très  active,  et  qui  parcourent  habituellement 
les  airs  ,  tandis  qu'il  abonde  dans  la  plupart  des  larves  et  dans 
les  insectes  qui  ont  moins  d'énergie  vitale.  M.  Dufour  a  ob- 
servé que  des  carabes  proprement  dits,  ouverts  en  automne, 
étaient  bien  moins  agiles  qu'au  printemps  et  en  été;  qu'ils 
étaient  presque  dépourvus  de  ce  tissu  ;  que  leurs  viscères 
étaient  comme  flétris  et  sans  énergie  ,  et  qu'il  s'était  fait  aussi 
un  changement  dans  de  petits  corps  particuliers  ,  sous  la 
forme  de  globules,  ayant  la  plupart  un  col  tubuleux,  qu'il 
avait  trouvés  adhérons  aux  lambeaux  graisseux,  déchiquetés, 
blanchâtres  et  comme  pulpeux ,  composant  ce  tissu.  Ces  cor- 
puscules étaient  alors  presque  tous  dépourvus  de  col,  libres 
et  transparens  ,  ou  n'off'rant  plus  cette  pulpe  homogène  et  très 
blanche,  dont  ils  étaient  remplis  dans  le  principe.  De  là,  cet 
habile  anatomisle  en  déduit,  mais  conjecturalement ,  qu'on 
peut  les  regarder  comme  des  réservoirs  de  graisse  pour  les 
temps  de  disette.  Ce  soupçon  me  semble  d'autant  mieux  fon- 
dé,  que  certains  hétéromères  aptères,  comme  des  blaps,  des 
akis,  vivent  plus  de  six  mois ,  quoique  percés  d'une  épingle, 
et  que  ce  tissu  adipeux  y  est  pareillement  abondant  et  déchi- 
queté. Il  est  formé  de  filets  membraneux,  plus  ou  moins 
plissés,  et  représente  un  véritable  mésentère  dans  les  dyti- 
ques. Là  ,  il  se  compose  de  petits  grains  ou  de  petites  utricules; 
ici ,  de  sachets  oblongs,  enfilés  par  des  trachées  et  réunis  en 


CEINERA^LITKS. 


i3 


"rappes  élégantes.  Il  paraît  être  le  réceptacle  du  parfum  à  la 
rose ,  propre  au  cerarnhix  nioschatiis  de  Linné ,  et  à  quel- 
ques autres  longicornes.  Sa  couleur  varie  :  il  est ,  soit  rosé  , 
soit  safrané  ou  jaune,  dans  divers  insectes  -,  des  fibrilles  ou  de 
petits  vaisseaux  en  lient  les  parties.  Par  son  voisinage  immé- 
diat avec  le  canal  alimentaire  ,  il  doit  absorber  une  portion  du 
chyle  qui  s'en  échappe ,  et  contribuer  à  la  formation  des  sé- 
crétions particulières  des  différens  vaisseaux  dont  nous  avons 
parlé  (i).  Dans  les  larves,  des  portions  ou  lobes  du  corps  grais- 
seux qui  paraissent  contribuer  à  la  formation  et  au  développe- 
ment des  appendices  extérieurs  de  l'insecte  futur  et  de  sa  peau, 
doivent  différer  substantiellement,  en  quelques  points,  des 
autres  portions.  L'épiploon  qui  entoure  les  intestins ,  dans  la 
chenille  du  saule,  y  forme,  à  commencer  au  quatrième  an- 
neau, vingt-huit  paquets  ou  masses.  Ici,  suivant  Lyonet ,  il 
représenterait  le  foie. 

Le  chapitre  relatif  aux  fonctions  digestives  de  l'ouvrage 
de  M.  Straus ,  si  souvent  cité  par  nous ,  n'est  presque  qu'un 
extrait  de  celui  de  M.  Rengger,  sur  la  physiologie  des  in- 
sectes. Les  expériences  de  ce  dernier  ont  été  faites  sur  la  che- 
nille du  sphinx  du  tithymale,  sur  le  carabus  granulatus ,  et 
plusieurs  espèces  de  sauterelles  (locusta).  Il  en  résulte  les  faits 
suivans  :  Le  mouvement  péristaltique  ne  pouvant  avoir  lieu 
qu'au  moyen  de  fibres  musculaires ,  dont  l'œsophage  et  la 
partie  antérieure  du  jabot  succenturié  sont  presque  entière- 
ment privés ,  n'est  apparent  que  sur  l'intestin.  Aussi ,  à  l'égard 
de  cette  chenille ,  M.  Rengger  a-t-il  remarqué  que  des  mor- 
ceaux de  feuilles  ,  coupés  avec  ses  mandibules,  ne  parviennent 
à  ce  jabot  que  poussés  par  ceux  qui  les  suivent.  Le  bol  alimen- 
taire s'imbibe  déjà  dans  le  pharynx  d'une  salive  aqueuse  et 
incolore,  paraissant  être  d'une  nature  alcaline,  sécrétée  par 
les  parois  de  l'œsophage ,  et  que  cet  animal ,  ainsi  que  d'autres 
chenilles ,  rend  par  la  bouche  lorsqu'on  l'irrite.  Les  substances 
alimentaires  s'imprègnent  aussi,  dans  le  jabot  ou  l'estomac, 

(î)  C'est  surtout  aux  espèces  hivernautcs  qu'il  est  plus  nc-cessaire-. 


2l4  QUATRIÈMt:    CLASSE.   INSECTES. 

d'un  suc  gastrique  qui  lui  est  propre ,  et  qui  paraît  être ,  d'après 
des  expériences  chimiques ,  de  la  même  nature  que  la  salive. 
On  trouve  souvent,  entre  les  deux  tuniques  de  cette  partie  du 
canal  intestinal,  un  suc  brun,  ou  une  matière  concrète  et 
blanchâtre ,  qui  parait  être  du  chyle  qui  a  transpiré  à  travers 
la  membrane  muqueuse.  D'autres  essais  chimiques  montrent 
que  ce  chyle  a  une  grande  analogie  avec  celui  de  l'homme.  Le 
suc  obtenu  des  excrémens  pris  dans  l'intestin  ne  donne  point 
ce  précipité  blanc  que  produit  le  chyme  de  l'estomac  délayé 
dans  de  l'eau  distillée ,  et  filtrée  ensuite ,  avec  un  mélange 
d'acide  sulfurique  étendu  d'eau,  précipité  que  donne  encore 
la  liqueur  que  vomissent  les  chenilles  quelque  temps  après 
qu'elles  ont  mangé.  Ce  suc  consiste  en  une  substance  biliaire 
(urine,  Straus  )  ;  celle  du  précipité  ne  se  trouvant  point  toute 
formée  dans  les  plantes,  avant  que  l'animal  s'en  soit  nourri, 
ni  dans  les  matières  fécales ,  il  est  évident  qu'elle  est  formée 
du  chyle  élaboré  dans  la  partie  antérieure  du  canal  alimen- 
taire ^  l'estomac  étant  plus  humide  que  l'intestin ,  doit  répan- 
dre ,  par  les  parois ,  plus  de  liqueur. 

Les  viscosités  ou  glandes  pancréatiques  du  troisième  estomac 
contiennent  d'ordinaire  du  chyle,  et  M.  Rengger  pense  qu'elles 
sont  plutôt  destinées  à  servir  de  réservoir  à  ce  liquide  qu'à 
sécréter  une  liqueur  digestive.  M.  Straus  est  d'une  opinion 
contraire ,  parce  que ,  suivant  lui ,  le  chyle  n'a  pas  besoin  d'un 
autre  réservoir  que  la  cavité  du  corps  dans  laquelle  il  doit  se 
répandre.  Il  nous  semble  cependant  que  des  papilles  ou  des 
glandes  où  le  fluide  s'accumulerait ,  en  faciliteraient  l'extrac- 
tion ,  et  cela  paraît  d'autant  plus  naturel  qu'elles  sont  plus 
nombreuses  et  plus  apparentes  dans  les  coléoptères ,  pourvus 
de  vaisseaux  excrémentitiels.  Le  docteur  Gaëde  ,  professeur 
d'histoire  naturelle  à  Liège  ,  s'était  aussi  occupé  de  semblables 
recherches ,  mais  dont  M.  Straus  ne  fait  point  mention.  Nous 
désirons  avec  lui  qu'on  en  tente  de  nouvelles,  afin  de  pouvoir 
éclaircir  un  point  de  physiologie  encore  si  peu  connu. 

Continuant  de  poursuivre  l'anatomie  interne  des  insectes , 
nous  passerons  à  la  description  des  organes  génitaux ,  et  ensuite 


^ 


GÉNÉRALITÉS.  2l5 

à  celle  des  systèmes  musculaire  cl  légumeutaire.   M.  Cuvier 
distingue  les  organes  sexuels  des  insectes  en  piéparateurs , 
copalatcurs  Qi  édiiccUeurs .  Les  organes  préparateurs  masculins 
se  composent  de  deux  testicules  et  de  deux  vésicules  séminales. 
Ceux  des  femelles  sont  constitués  par  les  ovaires ,  formés  de 
longs  canaux  tubulaires,  ou  d'espèces  d'intestins  très  fins,  dans 
lesquels  les  œufs  sont  rangés  à  la  file ,  à  peu  près  comme  les 
grains  d'un  chapelet ,  et  de  manière  que  les  plus  gros  et  les 
plus  à  terme  sont  les  plus  près  de  l'oviducte ,  et  que  la  gros- 
seur des  autres  diminue  graduellement  à  mesure  qu'ils  en  sont 
plus  éloignés.  Sous  le  nom  à'o^iducte ,  l'on  désigne  un  canal 
auquel  aboutissent  les  ovaires ,  formant  ordinairement  deux 
paquets ,  qui  se  rend  dans  une  cavité   oblongue ,  regardée 
comme  l'analogue  de  la  matrice,  et  que  M.  Cuvier  a  distinguée 
par  l'épithète  d'éducateur  :  c'est  là  que  la  liqueur  du  mâle  est 
déposée.   Selon  IMalpighi ,  cette  liqueur  pénétrerait  ensuite 
dans  le  conduit  commun  des  ovaires  par  un  canal  de  commu- 
nication ,  et  y  féconderait  les  œufs  à  l'instant  où  ils  passeraient 
par  l'embouchure  de  ce  canal  pour  venir  au  jour.  Chez  les  in- 
sectes appelés  vwipaieSj  ou  les  o^o-vwipares  de  M.  de  Lamarck, 
l'économie  des  ovaires  est  changée  :  tantôt  les  jeunes  larves 
sont  disposées  par  paquets  ,  tantôt  elles  composent  une  espèce 
de  cordon  roulé  en  spirale ,  et  dont  la  longueur,  la  largeur  et 
l'épaisseur  répondent  précisément  à  la  longueur  et  à  la  gros- 
seur de  ces  petits.  Par  organes  copulateurs ,  on  entend  les  par- 
lies  les  plus  extérieures  ou  terminales  de  la  génération ,  et , 
relativement  aux  femelles ,  le  canal  conduisant  de  ces  parties 
à  l'organe  éducateur  ou  la  matrice.  Les  individus  de  ce  sexe 
n'ont  pour  parties  extérieures  qu'une  simple  ouverture ,  celle 
de  la  vulve ,  et  qui  est  souvent  munie  de  deux  crochets  propres 
à  retenir  le  mâle  dans  l'accouplement.  Dans  plusieurs ,  les 
derniers   anneaux    composent  un  autre   oviducte    destiné  à 
introduire  les  œufs  dans  les  lieux  propices.  Ici  c'est  un  tube 
réUactile-,  là  c'est  une  sorte  de  tarière,  que  M.  Marcel  de 
Serres  a  nommée  o^iscaptt^  j  elle  devient  pour  la  plupart  des 
hyménoptères  une  arme  offensive  ou  un  aiguillon.  Tantôt  cet 


2l6  QUATRIÈME    CLASSE.   INSECTES. 

oviscapte  n'est  composé  que  de  deux  pièces  agissant  Tune  et 
l'autre  5  tantôt  il  est  formé  de  trois  dont  les  deux  extérieures 
servent  simplement  d'étui  ou  de  fourreau  à  l'intermédiaire , 
la  tarière  proprement  dite.  Dans  quelques  diptères,  le  tube 
terminant  l'abdomen ,  va  chercher  l'organe  copulateur  du 
mâle.  Celui-ci  est  ordinairement  composé  de  deux  écailles 
cornées  et  extérieures  ,  susceptibles  de  s'écarter  au  moyen  de 
muscles  particuliers  situés  à  leur  base ,  et  de  faire  l'office  de 
coin  ,  en  contraignant  la  vulve  de  s'ouvrir,  ou  de  deux  cro- 
chets saisissant  et  retenant  l'extrémité  postérieure  de  l'ab- 
domen de  la  femelle  et  de  la  verge  placée  au  milieu  -,  elle  est 
cylindrique  ou  conique ,  terminée  dans  plusieurs  par  un  stylet 
plus  ou  moins  long ,  membraneuse  à  l'extérieur,  et  composée 
intérieurement  d'une  substance  analogue  à  celle  du  corps  ca- 
verneux de  la  verge  des  autres  animaux.  Les  pièces  extérieures 
lui  forment  une  sorte  de  gaine  ou  d'armure  que  M.  Rirby 
nomme  forceps  :  on  peut  encore  distinguer  avec  lui,  dans  l'or- 
gane fécondateur,  le  pénis  et  le  phallus. 

C'est  par  la  méditation  des  beaux  Mémoires  de  M.  Du- 
four  sur  ces  organes ,  considérés  dans  les  coléoptères ,  que 
l'on  pourra  acquérir  une  connaissance  profonde  de  leur 
structure,  si  modifiée  selon  les  genres.  A  l'égard  de  ceux 
des  mâles ,  outre  les  parties  mentionnées  plus  haut ,  il  faut 
distinguer  les  deux  vaisseaux  déférens  qui  se  rendent  aux  vé- 
sicules séminales  ,  et  le  vaisseau  éjaculateur  qui  part  de  ces 
vésicules  et  pénètre  la  verge.  Les  organes  reproducteurs  des 
femelles  sont  formés  ,  suivant  lui ,  des  parties  suivantes  : 
1°.  deux  ovaires ,  composés  chacun  d'un  calice  plus  ou  moins 
prononcé ,  et  d'un  nombre  variable  de  gaines  ovigènes ,  unilo- 
culaires  ou  multiloculaires ,  terminées  le  plus  souvent  par  une 
pièce  charnue  où  se  fixe  un  ligament  suspensoir -,  2°.  une 
glande  sébacée ,  de  structure  diverse  ,  et  destinée ,  suivant 
l'opinion  générale ,  par  l'humeur  qu'elle  recèle ,  à  lubréfier 
ou  à  enduire  les  œufs  à  l'époque  de  la  ponte  ^  3".  un  oviducte 
plus  ou  moins  long,  qui  se  continue  en  un  vagin  ^  4"-  ^^^^^ 
vulve  souvent  atcompagnée  de  pièces  copulatricesj    5".  des 


GJiNKRALITES.  21  7 

œufs  de  formes  différentes,  mais  ordinairement  globuleux  ou 
ovales  5  6°.  enfin  ,  dans  quelques  cas  rares,  l'on  voit  un  appa- 
reil sécréteur  particulier,  propre  à  former  une  enveloppe  com- 
mune ou  une  coque  aux  œufs.  Les  organes  générateurs  des 
deux  sexes  (les  masculins  des  libellules  seuls  exceptés)  dé- 
bouchent,  avec  le  canal  intestinal,  dans  cette  cavité  com- 
mune qu'on  a  nommée  cloaque  :  ils  sont  formés  par  les  der- 
niers anneaux  de  l'abdomen.  La  glande  sébacée  ,  mentionnée 
ci-dessus,  serait,  dans  l'opinion  de  M.  Audouin  ,  une  poche 
où  les  œufs  seraient  fécondés  à  leur  passage  \,  mais  cette  idée , 
qui  a  d'ailleurs  des  rapports  avec  l'opinion  de  Malpighi ,  et 
qui  n'est  point  étayée  par  un  assez  grand  nombre  de  recher- 
ches, a  rencontré  dans  M.  Dufour  une  puissante  opposition. 

Réaumur,  pour  donner  une  idée  de  la  fécondité  des  insectes, 
a  fait  un  calcul  très  intéressant  sur  celle  de  l'abeille  femelle  -, 
il  a  trouvé  qu'une  seule  mère  met  au  jour,  dans  moins  de 
deux  mois ,  au  moins  douze  mille  œufs ,  et  d'où  il  conclut 
qu'elle  doit  en  pondre  deux  cents  au  moins  par  jour. 

Lyonet  en  obtint  d'une  seule  ponte  de  la  phalène  à  brosses 
de  cet  auteur,  trois  cent  cinquante. 

Leeuwenhoeck  a  calculé  qu'une  seule  mouche  pouvait  pro- 
duire ,  en  trois  mois ,  sept  cent  quarante-six  mille  quatre  cent 
quatre-vingt-seize  individus  ,  c'est  ce  qui  a  fait  dire  spirituel- 
lement à  Linné  que  trois  mouches  consumaient  aussi  vite 
qu'un  lion  le  cadavre  d'un  cheval. 

Nous  ne  parlerons  pas  ici  de  la  nature  et  de  la  variété  de 
formes  des  œufs,  ce  sujet  se  rattachant  à  l'exposition  des  habi- 
tudes des  insectes ,  dont  nous  traiterons  après  avoir  décrit 
leurs  organes. 

Il  est  à  désirer  qu'à  l'imitation  de  M.  Dufour  et  de  M.  He- 
getschweiler  (  Dissertatio  inauguralis  zootomica  de  insecto- 
rum  genitalibus,  Turici ,  1820)  ,  on  fasse  une  étude  plus  sui- 
vie et  comparative  des  organes  générateurs.  Se  bornerait-on 
à  l'examen  de  l'appareil  copulateur,  et  pour  beaucoup  d'in- 
sectes aux  appendices  postérieurs  de  l'abdomen  ,  on  en  reti- 
rerait encore  un  grand  avantage  pour  l'établissement  des  dé- 


'2  1 8  QUATRIEME    CLASSE.    INSECTES. 

marcalions  spécifiques ,  ainsi  que  l'a  montré ,  d'après  des 
recherches  sur  les  bourdons  ,  M.  Audoin  ,  conjointement  avec 
feu  Lâchât,  et  comme  le  prouvent  encore  les  observations  de 
MM.  Vander-Linden  et  Toussaint  Charpentier ,  à  l'égard  des 
libellules.  Nous  terminerons  cet  article  par  une  remarque  qui 
nous  paraît  digne  d'intérêt ,  et  que  nous  a  fournie  l'étude  des 
beaux  ouvrages  de  Lyonet  et  de  M.  Herold  sur  l'anatomie  des 
chenilles  soumises  à  leurs  recherches,  c'est  que  les  deux  corps 
intérieurs  que  le  premier  distingue  par  la  dénomination  de 
reniformes ,  constituent  les  élémens  primitifs  des  organes  de 
la  génération  des  lépidoptères  qui  en  proviennent. 

Examinons  maintenant  la  composition  du  tissu  tégumen- 
taire ,  et  traitons  sommairement  des  muscles  qui  s'y  ratta- 
chent, et  mettent  en  jeu  ses  diverses  parties.  MM.  Cuvier 
et  Straus  seront  nos  guides.  D'après  les  recherches  de  celui-ci, 
la  peau  des  annélides,  et  particulièrement  celle  des  sangsues, 
se  compose  i°.  d'une  membrane  extérieure,  très  mince  ,  cor- 
née, incolore,  sans  fibres,  V épidémie',  2°.  d'une  matière 
muqueuse,  placée  immédiatement  au-dessous-,  et  3^.  d'une 
autre  membrane  fort  épaisse ,  d'un  tissu  serré  et  fibreux  ,  le 
derme.  Chez  les  limuleSy  genre  de  crustacés ,  sa  contexture 
est  la  même ,  mais  avec  cette  différence  que  le  derme  est  aussi 
sans  fibres,  et  que  la  matière  muqueuse  s'est  portée  à  sa  face 
interne. 

La  peau  des  insectes  est  pareillement  composée  de  trois 
couches  -,  l'extérieure  consiste  dans  cette  portion  de  la  matière 
muqueuse  qui ,  d'après  les  analyses  chimiques  dont  nous  allons 
parler,  est  seule  soluble  dans  l'alcool ,  forme  une  sorte  de 
vernis  répandu  sur  tout  le  corps ,  et  donne  à  ces  animaux  ces 
couleurs  si  brillantes  et  si  variées  qui  fixent  nos  regards ,  c'est 
la  matière  colorante-,  l'épiderme  et  le  derme  constituent  les 
deux  autres  couches.  L'épiderme  est  percé  d'une  infinité  de 
pores ,  d'où  sortent  souvent  des  poils  qui  y  naissent ,  ainsi  que 
ceux  des  animaux  vertébrés,  sur  des  bulbes,  présentant  deux 
renflemens  placés  l'un  sur  l'autre  -,  il  est  le  plus  souvent  noir 
ou  brun  ,  ce  qui  le  distingue  du  derme  ,  sur  lequel  il  est  ap- 


GÉNÉRALITÉS.  ^IQ 

pliqué,  et  qui  est  d'un  brun  pâle  ou  blanc;  il  est  ordinaire- 
ment dur,  cassant,  friable  et  sans  traces  de  fibres.  Le  derme 
au  contraire  en  offre ,  s'entrecroisant  en  divers  sens ,  mais 
qui  cependant  sont  la  plupart  longitudinales  ou  transversales , 
par  rapport  à  la  direction  de  la  pièce  ,  dont  elles  font  partie  ; 
il  est  formé  de  lames  très  minces ,  dont  le  nombre  est  difficile 
à  déterminer,  mais  qui  va  au  moins  de  trois  à  cinq.  Telle  est, 
suivant  M.  Straus ,  la  composition  de  la  peau  ou  du  test  des 
insectes.  Considéré  dans  toutes  les  parties  du  corps,  ce  test  est 
beaucoup  moins  solide  ou  presque  membraneux  sur  le  dessus 
de  l'abdomen  des  coléoptères,  les  élytres  recouvrant  et  proté- 
geant cette  partie.  On  sait  que  les  ailes  des  insectes  sont  for- 
mées de  deux  membranes  appliquées  l'une  sur  l'autre  ;  en  les 
comparant  avec  les  demi-élytres  des  hémiptères  et  les  élytres 
des  orthoptères,  il  m'a  paru  que  celles  des  coléoptères  n'étaient 
que  des  ailes ,  renfermant  entre  leurs  membranes  une  plus 
grande  quantité  de  matière  muqueuse  que  celle  des  orthop- 
tères. Dans  les  élytres  du  hanneton  foulon  et  de  plusieurs 
autres  coléoptères ,  le  derme  se  détache  aisément  et  souvent 
de  lui-même  de  l'épiderme ,  et  l'on  voit  qu'il  est  formé  d'une 
pellicule  très  mince,  presque  transparente  ,  et  velue  en  des- 
sous dans  cette  espèce.  Sous  l'épiderme ,  couvert  en  dessus 
de  petites  écailles  blanches ,  on  aperçoit  une  autre  couche 
plus  pâle ,  parsemée  à  sa  face  intérieure  de  petits  poils  nais- 
sant d'une  petite  bulbe.  Si  les  autres  tégumens  ont,  comme  il 
y  a  tout  lieu  de  le  présumer,  la  même  organisation ,  il  existe- 
rait entre  l'épiderme  et  le  derme  une  couche  de  matière  mu-* 
queuse ,  et  à  en  juger  par  la  manière  dont  Réaumur  a  expliqué 
les  taches  dorées  ou  argentées  de  certaines  chrysalides  de  lé- 
pidoptères diurnes,  le  principe  colorant  résiderait  dans  la 
portion  supérieure  de  cette  couche  muqueuse  ;  n'étant  re- 
couverte que  par  une  peUicule  très  mince  et  diaphane ,  où 
la  membrane  supérieure  de  l'aile ,  ses  couleurs  perceraient  et 
paraîtraient  former  la  couche  extérieure  mentionnée  par 
M.  Straus.  Mais  cette  huile  colorée  et  soluble  dans  l'alcool, 
qyxe  M.  Odier  a  trouvée  dans  son  analvse  chimique  des  élytres 


220  QDATRIÈx"^I£    CLASSE.  INSECTES. 

du  hanneton  commun,  leur  donnerait,  au  moyen  d'une  trans- 
sudation ,  l'éclat  ou  cette  apparence  de  vernis  que  Ton  ob- 
serve à  ces  écailles  et  autres  portions  tégumentaires.  Suivant 
cet  habile  chimiste ,  les  ailes  ne  sont  composées  que  d'une 
substance  particulière,  la  chitine ,  dont  le  poids  égale  le  quart 
de  celui  des  élytres ,  et  les  nervures ,  qui  sont  plus  solides , 
sont  de  la  même  nature  que  cette  écaille,  ou  formées  de  cette 
chitine  et  des  autres  substances  découvertes  par  l'analyse.  Un 
autre  chimiste  non  moins  distingué ,  M.  Lassaigne ,  professeur 
à  l'école  vétérinaire  d'Alfort,  qui  a  pareillement  analysé  les 
élytres  et  les  ailes  du  même  hanneton ,  a  trouvé  que  ces  der- 
niers organes  ne  différaient  des  précédens  que  par  une  plus 
grande  abondance  de  cette  substance  qu'il  nomme  entomei- 
Une,  et  dont  le  poids  forme  les  }  de  celui  des  élytres.  L'on 
voit  ainsi  que  cette  matière  ,  qu'il  dit  être  animale ,  est  la 
même  que  celle  que  M.  Odier  nomme  chitine,  et  qui,  suivant 
lui ,  n'est  soluble  que  dans  l'acide  sulfurique  à  chaud.  Le 
premier  a  observé  que  la  portion  insoluble  des  élytres  conser- 
vait la  forme  de  ces  parties ,  qu'elle  était  presque  incolore , 
transparente  et  légèrement  flexible,  comme  les  ailes  d'une 
mouche^  d'où  j'en  déduis  qu'elle  est  formée  de  la  portion 
membraneuse  ou  de  l'épiderme  et  du  derme  isolés.  Négligeant 
quelques  autres  substances ,  telles  que  le  phosphate  de  chaux , 
ceux  de  magnésie  et  de  fer,  etc. ,  qu'ils  ont  retirées  de  ces 
analyses ,  mais  qui  paraissent  n'y  être  qu'accessoires ,  celles 
qui  après  la  chitine  ou  l'entomeiline  méritent  le  plus  d'atten- 
tion sont  :  1°.  cette  matière  animale  soluble  dans  l'eau  bouil- 
lante ,  appelée  par  M.   Lassaigne  coccine ,  parce  qu'elle  se 
comporte  comme  la  matière  animale  des  coccus  et  des  insectes 
de  la  même  famille  ,  et  qui  nous  semble  être  la  même  que  la 
matière  extractive  et  soluble  dans  l'eau ,  de  M.  Odier  ;  2^  la 
substance  brune ,  provenant  d'une  solution  de  potasse  caus- 
tique ,  de  la  même  nature  que  la  précédente ,  selon  M.  Las- 
saigne ,  et  qui  ne  diffère  pas  encore  de  la  substance  animale  \ 
brune,  obtenue  par  M.  Odier  de  la  même  solution,  mais  ré-^ 
sistant  à  l'action  de  l'alcool  5  3°.  l'huile  colorée,  qu'il  a  rcli- 


GENERALITES.  22  1 


j  rée  par  une  solution  clans  ce  liquide,  ou  la  substance  dissoute 
'  par  l'alcool  et  l'éther  du  chimiste  précédent.  En  résumant , 
les  tégumens  des  insectes  se  composent  d'une  substance  ani- 
male ,  dont  la  majeure  partie  ,  V entomeiline  ou  la  chitine ,  est 
insoluble ,  et  dont  l'autre  est  soluble  dans  l'eau  bouillante ,  la 
potasse  caustique  ,  mais  non  dans  l'alcool  \  d'une  huile  colo- 
rée provenant  d'une  solution  opérée  par  ce  liquide,  ou  par 
l'éther ,  et  de  divers  phosphates.  L'huile  retirée  des  élytres 
du  hanneton  est  brune  comme  elles-,  celle  que  donnent  les 
élytres  du  criocère  du  lis ,  et  qui  sont  rouges ,  est  pareille- 
ment concolore.  D'après  l'analyse  chimique  du  test  de  Yas- 
tacus  marinus  et  du  cancer  pagurus,  faite  par  M.  Chevreul , 
le  carbonate  de  chaux  ,  et  ensuite  l'eau  et  la  matière  animale 
y  dominent;  les  tégumens  des  insectes  s'en  distinguent  par 
l'absence  de  ce  carbonate  et  la  présence  du  sous-carbonate  de 
potasse ,  accompagné  de  phosphate  de  fer. 

Des  fibres  molles,  disposées  en  faisceau  et  propres,  par  leur 
raccourcissement,  à  rapprocher  l'une  de  l'autre  les  parties 
sur  lesquelles  elles  sont  fixées,  forment  ce  qu'on  nomme 
muscles.  Ceux  des  insectes  ne  sont  pas  entourés  de  ces  fibres 
aponévrotiques,  que  l'on  observe  à  ceux  des  animaux  verté- 
brés. Ils  sont  toujours  attachés  par  un  tendon  de  substance 
cornée  ,  et  qui  est  le  plus  souvent  un  appendice  de  la  partie 
qu'ils  doivent  faire  mouvoir. 

D'ordinaire ,  il  n'y  a  dans  chacune  des  parties  que  deux 
muscles  ^  ils  sont  placés  dans  leurs  cavités ,  et  agissent  très 
près  des  points  d'articulation  ou  du  centre  du  mouvement  : 
l'un,  \ extenseur,  étend  la  partie,  et  l'autre,  \q  fléchisseur, 
la  plie. 

«  Dans  les  insectes,  dit  M.  Cuvier  [Anatom.  compar. , 
tom.  I,  p.  444)  -)  l'articulation  de  la  tête  sur  le  corselet  pré- 
sente deux  dispositions  principales.  Dans  l'une,  les  points  de 
contact  sont  solides,  et  le  mouvement  est  subordonné  à  la 
configuration  des  parties  -,  dans  l'autre ,  l'articulation  est  liga- 
menteuse :  la  tête  et  le  thorax  sont  réunis  par  des  membranes. 
L'articulation  de  la  tête,  par  le  contact  des  parties  solides, 


2  22  QUATRIEME    CLASSE.   INSECTES. 

se  fait  de  quatre  manières  clifFérentes  :  i°.  ou  la  tête  porte ,  à  sa 
partie  postérieure,  un  ou  deux  tubercules  lisses,  que  reçoivent 
des  cavités  correspondantes  dans  la  partie  antérieure  du  cor- 
selet -,  c'est  ce  qu'on  observe  dans  les  scarabées ,  les  lucanes , 
les  capricornes,  etc.  :  dans  ce  premier  cas,  la  tête  est  mobile 
d'avant  en  arrière  ;  2°.  ou  la  partie  postérieure  est  absolument 
arrondie ,  et  tourne  sur  son  axe ,  dans  une  fossette  correspon- 
dante de  la  partie  antérieure  du  tborax ,  comme  on  le  voit 
dans  les  charançons,  les  brentes,  etc.  :  la  tête  se  meut  en 
tout  sens 5  3°.  ou  la  tête  est  tronquée  postérieurement,  et 
présentant  une  surface  plate,  et  articulée  tantôt  sur  un  tuber- 
cule du  tborax ,  tantôt  sur  une  autre  surface  aplatie  et  cor- 
respondante ,  comme  dans  presque  tous  les  hyménoptères  et 
dans  le  plus  grand  nombre  des  diptères,  tels  que  les  taons, 
les  mouches,  les  syrphes ,  etc.;  4°-  enfin,  ou  comme  dans 
quelques  espèces  d'attelabes,  la  tête  se  renverse  en  arrière 
par  un  tubercule  arrondi,  reçu  dans  une  cavité  correspon- 
dante du  thorax  *,  le  bord  de  cette  cavité  est  échancré ,  et  ne 
permet  le  mouvement  de  la  tête  que  dans  un  seul  sens.  Il  n'y 
a  guère  que  dans  les  insectes  orthoptères  et  dans  quelques 
névroptères ,  continue  M.  Cuvier,  qu'on  remarque  l'articula- 
tion ligamenteuse  :  la  tête,  dans  cette  disposition  articulaire, 
n'est  gênée  que  dans  ses  mouvemens  vers  le  dos ,  parce  qu'elle 
est  retenue  par  une  avance  du  thorax ,  mais  au-dessous  elle 
est  absolument  libre.  Les  membranes  ou  les  ligamens  s'éten- 
dent du  pourtour  du  trou  occipital  à  celui  de  la  partie  anté- 
rieure du  corselet,  ce  qui  donne  une  grande  étendue  aux 
mouvemens.  » 

Les  muscles  qui  meuvent  la  tête  sont  situés  dans  l'intérieur 
du  corselet  ou  protborax  ;  les  principaux  sont  ceux  qui  ser- 
vent à  la  relever  ou  à  l'abaisser ,  et  qu'on  nomme  ,  à  raison 
de  cela,  éléuateurs  et  abaissées.  Il  contient  en  outre  ceux  qui 
font  mouvoir  la  première  paire  de  pâtes  antérieures;  ceux 
qui  mettent  en  jeu  les  ailes  et  les  autres  pâtes  sont  renfermés 
dans  les  autres  segmens  du  thorax.  Le  mouvement  des  an- 
neaux de  l'abdomen  s'opère  au  moyen  de  fibres  musculaires 


GÉNÉRALITÉS.  22  3 

(lui  s'étendent  de  tout  le  bord  antérieur  de  chacun  d'eux ,  au 
bord  postérieur  de  celui  qui  le  précède.  Les  fibres  dorsales  se 
contractent-elles,  l'abdomen  est  obligé  de  se  recourber;  si  ce 
sont  celles  du  ventre,  il  se  fléchit  en  dessous.   L'étendue  du 
mouvement  est  ensuite  subordonnée  au  nombre  et  à  l'espèce 
d'articulation  des  anneaux.  Ainsi ,  il  est  plus  borné  dans  les 
coléoptères  que  dans  les  hyménoptères  à  abdomen  pédicule. 
Il  y  a  ici  une  véritable  articulation  solide,  une  espèce  de 
charnière,  le  premier  anneau  étant  écbancré  en  dessus,  et 
relevant  une  portion  saillante  de  l'extrémité  postérieure  du 
thorax.  Des  ligamens  élastiques  unis  et  forts  rendent  plus  so- 
lide cette  articulation.  Les  parties  principales  des  pâtes,  qu'on 
nomme  la  hanche,  la  cuisse  ou  fémur,  la  jambe  ou  tibia,  le 
tarse  ou  doigt,  sont  autant  d'étuis  tubulaires  et  cornés,  jouant 
les  uns  sur  les  autres ,  par  ginglyme,  parce  que  la  substance 
dure  étant  en  dehors,  l'articulation  n'a  pu  se  faire  par  moins 
de  deux  tubercules  :  le  mouvement  de  chaque  article  n'a  lieu 
que  sur  un  plan  ,  à  l'exception  de  celui  de  la  hanche ,  qui  joue 
dans  une  cavité  cotyloïde  de  la  poitrine ,  sans  y  être  articulé 
d'une  manière  positive.  Les  muscles  de  ces  hanches  sont  pla- 
cés dans  l'intérieur  du  thorax.  Celui  qui  étend  la  cuisse  est 
très  considérable ,  et  s'attache  un  peu  au-dessous  de  celui  qui 
fait  tourner  la  hanche  en  arrière.  Les  muscles  de  la  jambe 
sont  situés  dans  l'intérieur  de  la  cuisse,  et  le  fléchisseur  est  le 
plus  fort.  Il  y  en  a  deux  pour  chacun  des  articles  des  tarses; 
l'un  ,  l'extenseur,  sur  la  face  supérieure  ou  dorsale  ;  l'autre , 
ou  le  fléchisseur,  sur  la  face  opposée.  Les  dytiques,  coléop- 
tères aquatiques  et  carnassiers ,  ont  les  deux  hanches  posté- 
rieures immobiles  ,  et  les  fémurs  de  ces  pâtes  ont  quatre  mus- 
cles ,  deux  extenseurs  et  deux  fléchisseurs.  Les  autres  appen- 
dices extérieurs ,  les   parties  de  la  bouche  même ,  ont  des 
muscles  propres.  Ceux  des  élytres  et  des  ailes  ont  été  plus 
particulièrement  l'objet  des  études  de  MM.  Chabrier  et  Straus. 
Feu  Jurine  père  a  publié  un  excellent  Mémoire  sur  les  ailes 
des  hyménoptères.  Le  système  musculaire  des  insectes  est  bien 
plus  compliqué  que  celui  des  animaux  vertébrés ,  puisque  le 


2^4  QUATRIEME    CLASSE.  INSIiCTES. 

nombre  des  muscles  du  corps  humain  n'est  guère  que  de  cinq 
cent  vingt-neuf,  et  que  Lyonet  en  a  compté  quatre  mille 
quarante  et  un  dans  la  chenille  du  saule.  Si  ici  ceux  des  pâtes 
membraneuses  forment  un  excédant  remarquable ,  il  y  a  dans 
l'insecte  parfait,  n'offrant  plus  que  six  pâtes,  une  compensa- 
tion sous  le  rapport  des  muscles  des  ailes ,  dont  il  était  privé 
dans  son  premier  état.  La  force  et  la  disposition  des  muscles 
des  chenilles  arpenteuses  ou  géomètres  doit  être  prodigieuse, 
puisqu'elles  se  tiennent  presque  horizontalement  en  l'air, 
n'étant  fixées  que  par  leurs  pâtes  postérieures.  Vous  sentez. 
Messieurs,  que  de  plus  grands  détails  seraient  fastidieux,  et 
deviendraient  même  inutiles  à  une  simple  lecture.  Il  nous 
manque  d'ailleurs  un  travail  général  ou  embrassant  le  système 
musculaire,  considéré  dans  tous  les  ordres  de  cette  classe.  Fai- 
sons des  vœux  pour  que  M.  Straus,  qui  a  le  mieux  approfondi 
la  myologie  de  ces  animaux ,  publie  le  résultat  de  ses  impor- 
tantes recherches.  Il  a  communiqué  tout  récemment  à  l'Aca- 
démie des  Sciences  celles  qui  sont  relatives  à  la  myologie  des 
mygales,  et  qui  sont,  comme  son  travail  sur  le  hanneton,  un 
monument  admirable  de  patience  et  d'un  talent  supérieur 
dans  l'art  du  dessin. 

Ici  je  terminerai  l'exposition  générale  de  nos  connaissances 
anatomiques  des  insectes.  Considérons  maintenant  leurs  or- 
ganes extérieurs,  d'un  emploi  beaucoup  plus  précieux,  et  qui, 
bien  étudiés  et  éclairés  par  l'observation  des  habitudes,  nous 
ramènent  également  à  la  méthode  naturelle. 

Le  corps  de  ces  animaux  se  compose ,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit  au  commencement  de  ces  généralités,  de  la  télé,  du  tho- 
rax ou  du  tronc,  de  l'abdomen  ,  et  des  appendices  annexés  à 
ces  parties. 

Lyonet  nomme  l'ensemble  des  parties  solides,  composant 
l'enveloppe  extérieure  de  la  tête  de  la  chenille  du  saule ,  le 
casque  ou  le  crâne.  Il  y  distingue  trois  écailles,  deux  parié- 
taies  portant  les  mandibules,  les  yeux  et  les  antennes,  et  la 
frontale,  dont  la  lèvre  supérieure  est  une  annexe.  Les  mâ- 
choires, les  barbillons  ou  palpes,  et  la  lèvre  inférieure  ou  la 


GÉNÉRALITÉS.  9.25 

filière  ,  forment  un  assemblage  particulier  au-dessous  de  la 
tète.  M.  Slraus  considère  cette  partie  du  corps  des  insectes 
comme  une  réunion  en  une  seule  masse  de  plusieurs  segmens 
simples ,  analogues  aux  autres  ;  il  établit  une  comparaison 
entre  elle  et  celle  des  scolopendres,  et  il  en  déduit  que  les 
segmens  céphaliques  sont  au  nombre  de  sept,  représentés 
par  le  labre,  le  cbaperon  ,  l'épicrâne  ,  avec  les  mandibules, 
la  lèvre ,  la  pièce  prébasilaire  et  la  basilaire ,  dont  les  appen- 
dices réunis  formeraient  les  mâchoires.  Il  ajoute  cependant 
qu'il  serait  possible  que  le  labre ,  ou  plutôt  le  chaperon ,  ne 
fût  que  la  partie  supérieure  du  même  segment ,  auquel  appar- 
tient la  lèvre,  et  que  l'épicrâne  fît  également  partie  de  celui 
duquel  dépend  la  pièce  prébasilaire ,  et  alors  la  tête  ne  serait 
réellement  composée  que  de  cinq  segmens.  Nous  avons  déjà 
parlé  de  ces  analogies  en  traitant  des  myriapodes  ,  et  elles 
nous  ont  paru  peu  fondées.  C'est  d'ailleurs  une  question  assez 
oiseuse  ou  peu  importante  pour  l'entomologie  j  et  si  elle  est 
susceptible  d'amener  quelques  résultats  intéressans ,  ce  ne 
sera  pas  avec  quelques  faits  isolés  qu'on  pourra  les  obtenir. 
Selon  Lyonet ,  les  antennes  sont  une  dépendance  des  écailles 
pariétales-,  il  est  cependant  positif  que,  dans  beaucoup  d'in- 
sectes, elles  sont  insérées  sur  l'écaillé  frontale,  La  tête  de 
l'hippobosque  du  mouton ,  qui ,  par  sa  simplicité ,  semble 
devoir  fixer  plus  particulièrement  l'attention ,  se  partage,  vue 
en  dessus,  en  deux  pièces  :  l'une,  postérieure,  beaucoup  plus 
grande,  presque  semi- circulaire  ,  portant  les  yeux  sur  une 
aire  bien  distincte  et  les  yeux  lisses^  l'autre,  antérieure,  petite, 
triangulaire,  et  portant  les  antennes.  Ici,  comme  dans  la  plu- 
part des  diptères ,  le  chaperon ,  ou  la  portion  de  la  tête  ser- 
vant d'attache  au  labre ,  est  incorporé  avec  la  trompe ,  de 
sorte  qu'il  se  meut  avec  elle.  Les  ganglions  de  la  tête  fourni- 
raient peut-être  des  données  moins  arbitraires  pour  l'expli- 
cation de  sa  composition.  Ainsi ,  les  deux  lobes  latéraux  du 
caveau  correspondraient  aux  écailles  pariétales  ^  les  petits  gan- 
glions situés  en  avant,  dans  l'espace  intermédiaire,  à  l'écaillé 
frontale,  et  le  ganglion  sous-œsophagien  à  la  portion  infér 

i5 


^26  QUATIUÈME    Cl-ASSE.   INSFXTF.S. 

rieure  de  la  tête  placée  au-dessous  de  la  cavité  buccale ,  et 
portant  les  mâchoires  et  la  lèvre  inférieure.  La  gorge,  ju^u- 
luni,  ou  l'espace  situé  immédiatement  au-dessous,  est  di- 
visé, par  M.  Straus,  en  deux  pièces  ou  aires  :  la  prébasilaire, 
f[ui  est  antérieure  -,  et  la  basilaire ,  venant  à  la  suite  de  la  pré- 
cédente ,  et  terminant  inférieurement  la  télé.  Ces  deux  pièces 
composent,  selon  lui,  avec  quatre  autres,  l'épicrâne,  le  cha- 
peron et  les  deux  cornées  des  yeux,  le  crâne  du  hanneton, 
et  sont  toutes  soudées  ensemble.  Il  expose  les  diverses  modi- 
fications qu'elles  présentent  dans  plusieurs  genres  d'insectes 
du  même  ordre.  On  avait  antérieurement  partagé  la  surface 
de  la  tête  en  plusieurs  petites  aires,  que,  par  analogie  avec 
les  vertébrés,  on  avait  distinguées  par  les  dénominations  de 
front,  de  sinciput ,  d'occiput  et  déjoues,  outre  le  chaperon, 
que ,  pour  éviter  toute  équivoque,  j'appelle  épistome  ou  sur- 
boucle.  M.  Kirby  le  nomme  nasus ,  nez. 

Ayant  déjà  parlé  des  organes  de  la  vision ,  il  est  inutile  de 
revenir  sur  cet  objet.  Par  la  variété  de  leurs  formes,  de  leur 
saillie  et  de  leur  étendue ,  ils  présentent  souvent  de  bons  si- 
gnalemens^  mais  il  faut  remarquer  que,  dans  beaucoup  de 
genres,  les  différences  relatives  de  grandeur  sont  uniquement 
sexuelles  :  ceux  des  mâles  sont  généralement  plus  spacieux 
dans  les  diptères  et  divers  hyménoptères.  On  tire  aussi  parti 
du  nombre  et  de  la  situation  respective  des  yeux  lisses ,  sur- 
tout dans  ces  deux  ordres. 

La  tête  des  insectes  nous  offre  des  filets  articulés ,  appelés 
cornes  par  le  vulgaire  et  antennes  par  les  entomologistes.  Ils 
sont  au  nombre  de  deux ,  et  insérés  entre  les  yeux ,  quelquefois 
même  dans  une  échancrure  de  leur  bord  interne ,  ou  bien  au- 
devant  d'eux.  Leur  composition,  leur  forme  et  leurs  propor- 
tions variant  beaucoup,  ils  ont  fourni  à  la  méthode  des  carac- 
tères iraportans,  mais  qu'on  ne  peut  souvent  généraliser  ou 
employer  rigoureusement  qu'après  les  avoir  observés  dans  les 
deux  sexes,  ceux  des  mâles  étant  beaucoup  plus  compliqués 
6U  proportionnellement  plus  longs  que  ceux  des  femelles. 
Considérés  sous  le  rapport  des  modifications  qu'ils  éprouvent 


GENERALITES.  2  2  y 

clans  leur  épaisseur,  ces  orcjanes  onl  reçu  diverses  déiiomina- 
lions.  Sont-ils  de  la  même  grosseur  partout ,  sans  être  com- 
posés d'articles  globuleux,  on  les  compare  h  un  fil,  et  on  dit 
qu'ils  sont  filiformes  ou  linéaires.  Si,  avec  cette  forme,  ils 
sont  courts ,  la  désignation  de  cylindriques  leur  est  alors  af- 
fectée. Que  ces  articles  prennent  une  figure  arrondie  ou  glo- 
buleuse ,  de  manière  à  former  par  leur  réunion  une  sorte  de 
collier  de  perles,  ces  antennes  sont  moniliformes  ou  grenues. 
Sont-elles  allongées  et  amincies  insensiblement  pour  se  ter- 
miner en  pointe,  on  les  appelle  sétacées ,  du  mot  latin  seta^ 
soie.  Courtes  et  finissant  brusquement  d'une  manière  aiguë , 
imitant  une  sorte  de  poinçon  ,  elles  sont  suhulées  ou  en  alêne  ^ 
elles  peuvent  aussi,  en  allant  graduellement  en  pointe,  être 
comprimées  et  ressembler  à  une  lame  d'épée;  c'est  ce  qu'in- 
dique l'expression  à* ensiform.es .  Là  ,  elles  sont  renflées  ou 
plus  épaisses  dans  une  partie  de  leur  longueur  \  si  c'est  vers 
leur  milieu,  avec  leurs  faces  arrondies,  elbs  sont fusifoj^mes 
ou  en  fuseau-,  si,  dans  le  même  cas,  leur  coupe  transverse 
présente  celle  d'un  prisme ,  on  les  distingue  par  la  dénomina- 
tion de  prismatiques.  Le  renflement  va-t-il  en  augmentant 
notablement,   elles  sont  en  massue  {clavatœ)-^  n'est-il  dis- 
tinct qu'au  bout  et  arrondi ,  on  les  dit  terminées  en  bouton 
(capitatœ)  -,  est-il  formé  graduellement  et  faible,  on  emploie 
les  expressions  latines  suivantes   :   extrorsum  sensim   cras- 
siores.  Celles  des  mouches  ordinaires  sont  en  palette,  parce 
que  leur  troisième  et  dernier  article  ,  plus  grand  que  les  pré- 
cédens,  en  a  la  figure^  et  comme  il  est  accompagné  d'une  soie 
simple  ou  barbue  ,  on  exprime  ce  caractère  par  l'épitlièle 
à'aristatœ  y  antennes  en  aigr^ette.  La  forme  particulière  des 
articles  de  ces  organes  leur  a  fait  donner  divers  noms  :  pei- 
foliées,  ou  composées  d'articles  aplatis,  lenticulaires  et  enfilés 
dans  le  milieu  ^  serrées  ^  ou  à  articles  en  dents  de  scie  ;  pec- 
tinées ,  si,  plus  longs  et  parallèles,  ils  imitent,  réunis,  un 
peigne  -,  lamellées  ou  feuilletées ,  s'ils  ont  la  forme  de  lames 
ou  de  feuillets,  rapprochés  sur  un  centre  commun  ,  et  suscep- 
tibles de  s'épanouir  et  de  se  fermer.  Elles  sont  aussi ,  dans  plu- 


Q28  QUATRIÈME    CLASSK.   TNSFXTES. 

sieurs,  flabellées  ou  en  éventail ,  hranchues  ou  rameuses  :  ces 
saillies  peuvent  être  communes  aux  deux  côtés  ou  à  l'interne 
seulement  ;  elles  peuvent  encore  n'être  propres  qu'à  la  mas- 
sue. Dans  ceux  où  elle  est  ordinairement  feuillettée,  le  pre- 
mier article  de  cette  massue  peut  se  contourner  de  manière  à 
former  un  entonnoir,  enveloppant  les  suivans  :  telle  est  la  si- 
gnification du  mot  tunicatœ  :  ce  sont  des  antennes  en  coruet. 
Les  articles  de  cette  massue  sont  quelquefois  si  étroitement 
unis  entre  eux  ,  que  l'on  croirait  qu'il  n'y  en  a  qu'un  ^  c'est 
une  massue  solide  y  qui  peut  se  terminer  en  pointe  ou  être 
tronquée  Dans  quelques,  l'avancement  de  l'un  des  articles 
inférieurs  ,  et  les  suivans  composant  une  massue  courte,  fait 
paraître  l'antenne  auriculée^  de  là,  l'origine  des  mots  aiui- 
culatœ ,  proliferœ,  IN'ofFre-t-elle  aucune  saillie,  elle  est  alors 
simple;  considérée  dans  sa  direction,  tantôt  elle  est  droite ^ 
tantôt  elle  est  coudée.  Dans  ce  dernier  cas ,  l'expression  de 
geiiiculatœ  est  plus  convenable  que  celle  de  fractœ.  Le  plus 
ordinairement  ces  organes  sont  entièrement  libres;  mais,  dans 
quelques,  ils  peuvent  se  loger,  en  tout  ou  en  partie,  dans 
des  cavités  ou  rainures  de  la  tête,  ou  du  prothorax.  On  tient 
encore  compte  du  nombre  des  articles ,  des  différences  res- 
pectives de  leurs  longueurs,  et  de  celle  de  l'antenne  comparée 
à  celles  du  corps,  de  la  tête  et  du  thorax.  Le  nombre  de  ces 
articles  n'est  pas  toujours  identique  dans  les  deux  sexes.  Les 
coléoptères  et  les  hémiptères  sont  ceux  où  il  varie  le  moins. 
Dans  les  premiers ,  il  est  ordinairement  de  onze ,  et  de  quatre 
à  cinq  dans  les  seconds.  Ayant  déjà  exposé  les  diverses  opi- 
nions émises  par  les  naturalistes  sur  les  propriétés  de  ces  or- 
ganes, et  fait  connaître  d'une  manière  générale  ceux  de  la 
manducation,  nous  passerons  à  l'examen  du  thorax. 

Linné  désigna  d'abord,  sous  la  dénomination  de  trojic, 
celte  partie  du  corps  des  insectes  qui  supporte  les  organes  du 
mouvement,  et  sa  face  supérieure  devint  le  thorax,  Fabricius, 
son  disciple,  établit  évidemment  cette  distinction  dans  sa  Phi- 
losophie enlomologique  :  Thorax  supcrior  trujici pars .  La  (aco 
inférieure  élail   censée  formée  de  la  poitrine  et  du  sternum. 


GENERALITES.  '^29 

<]ette  petite  pièce  triangulaire  qui  est  située  entre  les  élytres 
et  à  leur  base ,  et  qui  est  une  annexe  du  mësothorax  ou  second 
segment,  fut  appelée  scutellum ,  Vécusson.  Il  était  cependant 
aisé  de  voir  que  le  tronc  d'un  cruslacé,  d'une  arachnide,  dif- 
férait de  celui  d'un  insecte  hexapode,  par  sa  composition  et 
le  nombre  des  appendices  qui  y  sont  attachés ,  et  qu'il  fallait 
en  modifier  l'application  nominale,  ainsi  que  celle  du  mot 
thorax.  Geoffroy,  dans  son  Histoire  des  Insectes  des  environs 
de  Paris  ,  en  fît  le  corselet-,  et  cette  dénomination ,  plus  par- 
ticulièrement affectée  au  premier  segment  du  tronc  des  co- 
léoptères ,   des  orthoptères  et  des  hémiptères ,  s'étendit  au 
tronc  entier,  lorsque  ses  trois  segmens  sont  réunis  en  une 
masse,  comme  cela  a  lieu  dans  les  hyménoptères,  les  lépidop- 
tères et  les  diptères.  De  Géer  sentit  néanmoins  la  nécessité  de 
distinguer  le  premier  de  ces  segmens,  et  ne  portant  que  les  deux 
pâtes  antérieures,  des  deux  autres.  «  Le  corselet  des  insectes  , 
dit-il  (Mém.  ^  tom.  III,  pag.   4^0)5  ^^^  composé  de  deux 
parties  ,  dont  l'antérieure  est  celle  à  qui  appartient  propre- 
ment le  nom  de  corselet,  auquel  sont  attachées  les  deux  pâtes 
antérieures.  La  seconde  partie  est  celle  à  laquelle  tiennent 
les  quatre  autres  parties,  aussi-bien  que  les  étuis  et  les  ailes 
dont  elle  est  entièrement  couverte  en  dessus ,  de  façon  à  n'être 
pas  aperçue  de  ce  coté -là  :  j'ai  déjà  nommé  ailleurs  cette 
partie  la  poitrine.  »  Olivier  nomma  cette  seconde  partie  le  dos. 
Mais ,  dans  la  pratique  ,  ni  lui ,  ni  le  naturaliste  précédent ,  ne 
firent  guère  usage  de  cette  distinction.  M.  Kirby,  dans  son 
excellente  Monographie  des  Abeilles  de  la  Grande-Bretagne , 
désigna  cette  même  seconde  partie  du  tronc  par  l'expression 
de  metathorax.  Soit  dans  mon  Gênera  (  tom.  Il,  pag.  286)  , 
soit  dans  la  première  édition  du  Règne  animal,  je  partageai 
le  thorax  ou  le  tronc  en  trois  segmens,  savoir  :  \e prothorax , 
le  mesothorax  et  le  metathorax,  dénominations  qui,  sans 
j      que  j'en  eusse  connaissance,  avaient  été  employées,  par  le 
docteur   Nitzsch  ,    dans   sa   Monographie   des    Insectes    épi- 
zoiques,  publiée  en  1818  ,  et  que  i\J.  Audouin  a  ensuite  adop- 
tées dan-s  son  ouvrage  intitulé  :  Recherches  anatoniiques  siw 


23o  QUATRIÈME    CLASSE.  — -    INSECTES. 

le  thorax  des  animaux  articulés  et  celui  des  insectes  en  parti" 
culier^  travail  qui  a  rendu  un  important  service  à  la  science, 
mais  qui  aurait  probablement  été  modifié  s'il  avait  été  plus 
approfondi  quant  aux  classes  formées  aux  dépens  de  celle  des 
insectes  -,  car,  dans  le  compte  qui  en  a  été  rendu  par  M.  le 
baron  Cuvier  à  l'Académie  des  Sciences,  il  n'est  question  que 
des  insectes  hexapodes  ailés.  Nous  allons  en  donner  un  extrait. 
Le  tronc  de  ces  animaux  est  divisé  en  trois  anneaux,  portant 
chacun  une  paire  de  pâtes,  savoir  :  le  protliorax ,  le  meso- 
thorax  et  le  metathorax  ,•  les  deux  derniers  segmens  portent, 
en  outre,  chacun,  du  moins  dans  la  division  des  tétraptères, 
une  paire  d'ailes.  Ils  sont  tous  formés  de  quatre  parties ,  une  in- 
férieure ,  le  sternum j  deux  latérales  ou  les  flancs,  et  une  supé- 
rieure ,  ou  le  dos.  Les  flancs  se  composent  chacun  de  trois  pièces 
principales  :  l'une  ,  tenant  au  sternum  ,  esiV  épisternumj  la  se- 
conde, placée  en  arrière  de  la  précédente  et  à  laquelle  la  hanche 
s'articule,   est  Vcpi/nère,  la  troisième  et  dernière,   Vhjpop- 
tère,  est  située  sous  chaque  aile  en  avant  de  l'épisternum  \  une 
autre  pièce  servant  à  unir  l'épimère  et  la  hanche,  est  le  tro- 
chantin  y  nommée  ainsi  par  opposition  avec  la  pièce  des  pâtes 
appelée  trochanter.  Quelquefois  il  y  a  encore  autour  des  stig- 
mates une  petite  pièce  cornée  ,  c'est  le  péritrème.  La  partie 
supérieure ,  ou  le  tergum,  de  chaque  segment ,  en  offre  quatre  : 
prœscutum  j  scutum ,   s  eut  e  Hum ,  postscutellum  ,  et  dont  la 
première  est  souvent,  et  la  quatrième  presque  toujours,  ca- 
chée dans  l'intérieur.  On  n'avait  guère  distingué  que  le  scu- 
tellum  ou  l'écusson  ,  pièce  du  mésothorax  mentionnée  plus 
haut.  En  y  comprenant  les  hypoptères,  le  nombre  des  pièces 
du  tronc  peut  aller  à  quarante-trois ,  plus  ou  moins  visibles  à 
l'extérieur.  Quelques  unes  d'entre  elles  donnent  intérieure- 
ment naissance  à  diverses  productions  qui ,  à  raison  de  leur 
importance  et  de  leurs  usages,  méritent  des  noms  particuliers. 
Ainsi,  de  la  partie  supérieure  du  sternum  de  chaque  segment 
s'élève,  en  dedans,  une  apophyse  verticale,  quelquefois  figu- 
rée en  Y,  et  qui  sera  Ventothorax.  Elle  fournit  des  attaches  aux 
muscles  des  ailes  ,  et  protège  le  cordon  médullaire.  Son  anu- 


GENERALITES. 


23r 


logue  se  montre  dans  la  tète,  et  même  quelquefois  dans  les 
premiers  anneaux  de  l'abdomen.  D'autres  proéminc-nces  inté- 
rieures ,  résultant  des  pièces  externes  voisines  soudées  en- 
semble ,  et  dont  les  unes  donnent  attacbe  aux  ailes  et  les  autres 
aux  muscles,  sont  des  apodcmes.  M.  Audouin  nomme  épi- 
dèmes  d'autres  petites  pièces  mobiles ,  situées  ,  soit  à  l'inté- 
rieur entre  les  muscles ,  soit  à  la  base  des  ailes.  Ces  pièces  ne 
se  laissent  pas  toujours  séparer,  et  ne  se  distinguent  souvent 
que  par  des  traces  de  leurs  sutures  -,  mais  on  en  trouve  tou- 
jours les  vestiges.  Il  a  depuis  remplacé  le  nom  d'hjpoptère 
par  celui  de  paraptère.  La  dénomination  à' ento thorax  chan- 
gera aussi  dans  quelques  circonstances.  Relativement  à  la 
tète,  ce  sera  Y entocéphale ,  et  Ventogastrcj  par  rapport  à 
1  abdomen.  Il  considère  aussi  la  tète  comme  formée  de  plu- 
sieurs segmens.  Nous  ne  le  suivrons  pas  dans  quelques  appli* 
cations  qu'il  fait  de  quelques  unes  de  ces  pièces  aux  crustacés, 
aux  arachnides,  et  à  quelques  ordres  ou  quelques  genres  d'in- 
sectes.  Mais  une  observation  à  citer,  et  qui  ne  m'avait  pas  non 
plus  échappé,  c'est  que  dans  les  hyménoptères  (Mémoire  sur 
quelques  appendices  particuliers  du  thorax  des  insectes  )  , 
le  premier  anneau  de  l'abdomen  s'unit  toujours  intimement 
au  tergum  du  métatliorax,  et  que,  dans  les  insectes  de  cet 
ordre  ,  où  l'abdomen  est  pédicule  ,  c'est  son  second  anneau  et 
non  le  premier  qui  est  rétréci  à  sa  base ,  pour  former  ce  pé- 
dicule. En  un  mot,  le  premier  anneau  recouvre  et  termine 
postérieurement  le  thorax  ,  de  sorte  que  ce  thorax  avec  cette 
addition  est  ce  que  j'appelle  surcomposé.  Le  métathorax  se 
trouve  réduit  en  dessus  à  un  arceau  très  étroit,  portant  les 
ailes  inférieures.  Celui  du  premier  arceau  abdominal  vient 
s'adosser  au  précédent ,  et  forme  une  plaque  plus  ou  moins 
étendue,  sur  laquelle  on  distingue  quelquefois  un  arriére- 
écusson  de  figure  carrée.  Ainsi  que  dans  les  autres  insectes  , 
il  offre,  de  chaque  côté,  un  stigmate,  caractère  qui  ne  per- 
met pas  de  confondre  ce  segment  avec  le  métathorax  propre, 
puisque  celui-ci  en  est  dépourvu.  J'ai  nommé  ce  segment 
devenu  thoracique ,  et  faisant ,  en  quelque  sorte  ,  l'office  de 


2^2  QUATRIÈME    CLASSE.   INSECTES. 

bascule,  médiaire.  Si  on  veut  le  regarder  comme  partie  in- 
tégrante du  métalhorax  ,  il  faudra  supposer  que  ce  dernier 
segment  se   compose  de  deux   parties.    Le  prothorax  ,   que 
des  auteurs  modernes ,  comme  M.  Klùg  ,  appellent  collier 
(collare),  est  aussi,  dans  les  lépidoptères,  les  diptères  et 
beaucoup  d'hyménoptères,  partagé  en  deux.  Les  deux  pâtes 
antérieures,  réunies  au  moyen  de  l'arceau  inférieur,  leur  ser- 
vant de  support,  forment  entre  la  tête  et  le  tronc  un  petit 
collier  distinct  du  prothorax  (voyez  surtout  les  g.  parnopès , 
et  autres  dérivés  de  celui  de  chrjsis).  Deux  autres  natura- 
listes, M.  Chabrier,  ancien  officier  supérieur  d'artillerie,  et 
M.  Straus,  se  sont  encore  occupés  de  la  composition  du  thorax. 
Ce  dernier  surtout  a  décrit,  de  la  manière  la  plus  détaillée, 
celle  du  hanneton.  Mais  il  est  fâcheux  que ,  sans  avoir  égard 
au  travail  de  M.  Audouin ,  il  ait  donné  une  nomenclature 
particulière  ,  qui  augmente  la  confusion  ,  et  nous  rejette  dans 
un  dédale  inextricable-,   car  déjà  Knoch,  et  d'autres  natu- 
ralistes après  lui,  avaient  aussi  désigné,  sous  d'autres  noms, 
les  épimères ,  l'arrière-poitrine ,  et  les  hanches  des  deux  pâtes 
postérieures  qui ,  dans  les  coléoptères ,  sont  très  grandes ,  et 
entrent,  sous  la  forme  de  lames,,  dans  la  composition  de  la 
poitrine  (i).  Nous  devons  ajouter  que,  quoique  les  épimères 
s'articulent  avec  les  hanches,  tantôt  sur  les  côtés  inférieurs 
et  les  extrémités  latérales  de  ces  hanches ,  et  tantôt  transver- 
salement et   avec  leur  bord  postérieur,   elles  ne  sont  point 
leur  support  proprement  dit.  Les  arceaux  inférieurs,  ou  l'épi- 
sternum  réuni  avec  le  sternum  du  mésothorax  et  du  méta- 
thorax ,  fournissent  les  points  d'attache  des  pâtes.  Les  épi- 
mères du  premier  de  ces  deux  segmens  sont  toujours  voisines 
des  stigmates  qui  lui  sont  propres ,  ou  les  portent  même  comme 
dans  divers  orthoptères.  Elles  sont  très  remarquables  par  leur 
épaisseur  et  leur  saillie,  dans  les  cétoines,  vues  en  dessus.  En 
général ,  les  épimères  me  paraissent  représenter,  à  l'égard  du 


(i)  Telles  sont  les   dénominations  suivantes  :  scapulœ ,   paraiileurœ ,  acelabttlum  , 
perislœthiuni  ,  meriaiaia ,  etc. 


GÉNÉRALITÉS.  23'^ 

thorax ,  les  paraptères  de  l'abdomen  ^  et  ces  deux  sections  prin- 
cipales du  corps  des  insectes  me  semblent  avoir  pour  base  une 
division  quaternaire. 

Destinés  à  habiter  les  airs  et  Teau ,  ces  animaux  ont  aussi 
des  organes  locomoteurs  de  deux  sortes ,  des  ailes  et  des  pieds. 
Plusieurs  ont  en  outre  d'autres  appendices ,  comme  des  espèces 
de  balanciers,  d'épaulettes  ou  ptérygodes,  qu'il  est  nécessaire 
de  faire  connaître. 

Considérées  dans  leur  plus  simple  composition,  telle  qu'elle 
se  présente  dans  quelques  hyménoptères  du  genre  chalcis  de 
Fahricius,  les  ailes  sont  formées  de  deux  membranes  transpa- 
rentes appliquées  l'une  sur  l'autre  ,  implantées  sur  les  côtés 
supérieurs  du  mésothorax  et  du  métathorax  ,  ou  du  premier 
seulement,  et  se  mouvant  par  des  muscles  renfermés  dans 
leur  intérieur.  Il  y  a  ici  absence  de  ces  nervures  ou  de  ces 
conduits  aériens  qui ,  dans  d'autres  insectes  où  l'organisation 
de  ces  parties  est  plus  avancée ,  divisent  leur  surface  en  une 
suite  de  mailles  ou  d'aréoles  plus  ou  moins  nombreuses,  et  lui 
donnent  même  l'aspect  d'un  réseau.  Des  crustacés  amphipodes 
nous  ont  montré  des  corps  vésiculeux  accompagnant  leurs 
pâtes ,  et  que  nous  avons  comparés  à  des  vessies  natatoires. 
Diverses  annélides  sont   aussi  pourvues  d'appendices   sem- 
blables. Pour  donner  aux  insectes  la  faculté  de  voler,  la  na- 
ture nous  paraît  avoir  employé  des  moyens  analogues ,  mais 
en  convertissant  ces  organes  en  espèces  de  rames  aériennes , 
de  formes  et  d'étendue  variées.  C'est  probablement  dans  le 
même  but  qu'elle  a  remplacé  des  vaisseaux  sanguins  par  des 
vaisseaux  remplis  d'air,  et  qu'elle  a  ainsi  diminué  la  pesanteur 
spécifique  des  corps  de  ces  animaux.  Elle  n'a  eu  besoin  ,  à  cet 
effet ,  que  d'accroître  la  portion  membraneuse  de  leur  peau  , 
de  la  rejeter  en  dehors,  d'y  ajouter  des  muscles,  et  d'intro- 
duire ,  dans  l'intérieur  de  ces  nouveaux  appendices ,  des  tubes 
aériens,  et,  relativement  aux  élytres  ou  étuis,  une  portion  de 
ce  tissu ,  qu'on  nomme  muqueux.  Ces  deux  écailles  allongées 
et  parallèles  qui  recouvrent ,  dans  le  repos ,  les  ailes  du  han- 
neton et  de  divers  autres  insectes  analogues  ,  sont  ce  qu'on 


s 34  QUATRIÈME    CLASSE.  —     INSECTES. 

appelle  éljtres  ou  étuis.  De  là,  l'origine  de  la  dénomination 
de  coléoptères ,  ailes  à  étuis,  qu'on  a  donnée  à  un  ordre  com- 
posé de  ces  insectes.  Ces  écailles,  par  leur  peu  d'étendue, 
leur  épaisseur  et  leur  solidité  ,  diffèrent  beaucoup  de  deux 
appendices  membraneux ,  beaucoup  plus  larges  ,  plies  trans- 
versalement ,   coupés  par  des  nervures ,   situés  en  dessous. 
On  sent  bien  que  ceux-ci  sont  de  véritables  ailes.   Si  nous 
examinons  ces  étuis  dans  une  sauterelle  ,  ils  nous  paraîtront 
moins  solides ,  plutôt  coriaces  que  cornés ,  flexibles  et  non 
cassans,  et  se  rapprochant  déjà  de  la  nature  des  ailes,  qui  ici 
d'ailleurs  sont  plissées  longitudinalement  en  éventail.  Ceux 
de  la  punaise  des  jardins,  si  commune  sur  le  chou  et  autres 
plantes  crucifères ,  nous  offriront  une  composition  mixte  :  ils 
ressemblent,  jusque  près  de  leur  extrémité,  à  ceux  des  co- 
léoptères ;  mais  ils  se  terminent  brusquement  par  une  mem- 
brane. On  les  nomme  à^mi-étuis  ou  héméfytres.  Dans  les 
libellules  ou  demoiselles,  plus  d'élytres  ni  de  demi-étuis  :  ces 
organes  sont  remplacés  par  deux  ailes  proprement  dites,  sem- 
blables à  des  lames  de  talc  ou  de  mica,  nous  présentant  un 
lacis  considérable  de  petites  nervures,  formant  un  réseau  très 
fin ,  et  qui  leur  a  valu  l'épithète  de  réticulées.  Les  deux  autres 
ailes  ont  la  même  structure,  les  mêmes  dimensions,  et  s'é- 
tendent horizontalement  ou  verticalement,  ainsi  que  les  précé- 
dentes. Les  ailes  des  guêpes,  des  abeilles,  etc.,  sont  encore  d'une 
composition  essentiellement  pareille^  mais  ici  les  nervures, 
celles  des  secondes  ou  inférieures  surtout ,  sont  moins  nom- 
breuses, ne  forment,  en  se  croisant,  que  de  grandes  mailles 
appelées  aréoles  ou  cellules ,  et  dont  il  est  facile  de  compter 
le  nombre.  Les  ailes  inférieures  sont  d'ailleurs  plus  petites,  et 
les  supérieures,  dans  les  guêpes,  sont  doublées  longitudina- 
lement, lorsque  ces  animaux  n'en  font  point  usage.  Ici,  en 
outre ,  nous  observons  à  leur  naissance  une  petite  écaille  cor- 
née, ayant  la  figure  d'une  valve  de  coquille,  dont  la  convexité 
est  en  dessus  ;  c'est  Vécaillette,  squamula  ou  tegula.  Près  du 
point  du  bord  extérieur  où  les  ailes  des  coléoptères  sont  cou- 
dées pour  fonmr  un  pli,  on  voit  aux  supérieures  des  insectes 


GENERA.LITES. 


235 


précédens,  et  généralement  de  ceux  du  même  ordre,  celui  des 
hyménoptères,  une  callosité  formée  par  la  conjonction  des 
nervures  de  ce  bord  ,  qu'on  a  nommée  tantôt  stigmate^  tantôt 
le  point  calleux  y  mais  que  feu  Jurine  père  appelle  simplement 
le  point,  ou  le  carpe  de  l'aile,  parce  que,  la  comparant  à  celle 
d'un  oiseau ,  cette  callosité  est  située  à  la  terminaison  de 
Tavant-bras  ,  et  que  l'articulation  se  trouve  entre  ces  deux 
parties  :  il  serait ,  ce  me  semble ,  plus  convenable  de  rem- 
placer cette  expression  par  celle  de  calus.  Le  bord  extérieur 
des  ailes  inférieures  offre  aussi ,  dans  plusieurs  insectes  sans 
élytres  ou  gymnoptères ,  de  petits  crochets,  hamuli,  ou  de 
petits  cils  en  forme  d'épines ,  dont  on  peut  profiter  dans  la 
classification  ,  d'autant  plus  qu'ils  peuvent  servir  dans  ceux 
qui  sont  pourvus  de  quatre  ailes  à  maintenir  fixe  la  supé- 
rieure avec  l'inférieure  correspondante.  Quoique  ces  organes 
soientrgénéralement  nus  et  transparens  ,  il  est  cependant  plu- 
sieurs espèces  on  leur  surface  est  parsemée  ou  hérissée  de 
poils  ou  de  petites  soies  ^  mais,  sous  ce  rapport,  l'ordre  des 
lépidoptères,  ou  celui  qui  renferme  les  papillons,  les  pha- 
lènes, les  teignes,  etc. ,  se  distingue  éminemment.  Si  on  froUe 
leurs  ailes,  soit  avec  le  doigt,  soit  avec  un  pinceau,  on  en 
détache  une  poussière  ou  un^  sorte  de  farine;  la  partie  qui 
en  est  dépouillée  a  perdu  ses  couleurs,  et  n'offre  plus  qu'un 
espace  membraneux ,  transparent  et  veiné.  Vue  au  micro- 
scope, cette  poussière  est  un  amas  de  petites  écailles  de  formes 
très  variées ,  mais  pour  la  plupart  plus  ou  moins  cunéiformes 
ou  ovales,  dentées  au  bord  postérieur,  et  les  unes  sessiles,  et 
les  autres  pédicellées.  Observée  avec  le  même  instrument , 
la  surface  de  l'aile  offre  des  points  enfoncés  et  alignés,  où  les 
écailles  sont  implantées  et  disposées  en  recouvrement  les  unes 
sur  les  autres,  à  la  manière  des  tulles  d'un  toit.  L'étymologie 
du  mot  lépidoptères ,  ailes  à  écailles,  exprime  ce  caractère. 
Cette  pièce,  dont  nous  venons  de  parler  sous  la  dénomination 
à! écaillette ,  se  montre  ici  sous  une  dimension  extraordinaire  , 
et  fournit  un  nouveau  trait  dislinctif.  Nous  verrons  encore, 
en  traitant  particulièrement  de  cet  ordre  ,  que  les  ailes  infé- 


236  QUATRIÈME    CLASSE.  INSECTES. 

rieures  du  plus  grand  nombre  ont  à  leur  base  un  appendice 
corné,  en  forme  d'épine  ou  de  crochet,  ou  une  sorte  de  bride, 
de  frein  (frenum)  ,  qui ,  se  glissant  sous  une  petite  saillie  en 
forme  de  boucle  ou  de  demi-anneau  de  la  face  intérieure  des 
ailes  de  dessus,  les  maintient  dans  l'inaction. 

Ces  organes,  considérés  d'une  manière  générale,  ont  la 
figure  d'un  triangle  allongé,  en  partie  curviligne,  dont  le 
côté  le  plus  long,  celui  qu'on  nomme  côte,  bord  extérieur, 
bord  antéiieur,  forme  la  base.  L'angle  opposé ,  ou  celui  du 
sommet  du  triangle ,  est  appelé  angle  postérieur  ou  interne  ,• 
le  même,  aux  ailes  inférieures,  est  distingué  du  précédent  par 
la  dénomination  à' anal-,  les  deux  autres  terminent  le  bord  ex- 
terne ,  et  l'un  est  apical,  et  l'autre  basilaire.  Le  bord  interne 
s'étend  de  celui-ci  à  l'angle  interne,  ou  à  l'angle  anal,  s'il  s'agit 
des  secondes  ailes ,  et  le  bord  posténeur  du  dernier  à  l'apical 
ou  le  bout  de  Taile.  Frisch,  naturaliste  allemand,  dont  un 
ouvrage  sur  les  insectes  date  de  près  d'un  siècle ,  avait  pres- 
senti que  l'on  pourrait  employer  la  considération  du  nombre 
et  de  la  disposition  des  cellules  de  ces  organes  du  mouvement, 
ainsi  qu'on  peut  le  conclure  du  soin  qu'il  a  mis  à  figurer  les 
ailes  à  part,  et  d'une  manière  assez  exacte.  Harris,  auteur 
anglais ,  mais  postérieur,  leur  donna  aussi  une  attention  par- 
ticulière ,  et  désigna  même  les  nervures  de  quelques  lépi- 
doptères par  des  noms  propres.  Mais  il  était  réservé  à  feu 
Jurine  père  d'établir  à  cet  égard  une  théorie  générale,  et  de 
l'approprier  à  la  méthode.  Une  certaine  quantité  de  cellules 
des  ailes  supérieures,  les  antennes,  les  mandibules,  et  la  ma- 
nière dont  l'abdomen  se  joint  au  thorax,  forment  la  base  de 
sa  classification  des  hyménoptères.  Il  se  proposait  de  l'appli- 
quer aux  diptères,  lorsque  la  mort  nous  l'a  enlevé.  Il  aurait 
pu  cependant  tirer  un  meilleur  parti  de  la  considération  des 
ailes,  en  ne  se  restreignant  pas  aux  aréoles  ,  dont  il  se  sert,  et 
c'est  ce  que  j'ai  fait  dans  mon  Gênera.  MM.  Fallën,  Meigen, 
Macquart,  et  Lepelletier  de  Saint-Fargeau  surtout,  ont  aussi 
généralisé  l'emploi  de  ces  nouveaux  caractères,  mais  je  n'y 
allachc  pas  la  même  importance  que  le  savant  auquel  nous  en 


GÉNÉRALITÉS.  1?in 

sommes  redevables.  Plusieurs  de  ses  genres  sont,  sous  ce  rap- 
port,  très  artificiels,  et  se  composent  d'espèces  assez  dispa- 
rates, quant  aux  habitudes  et  à  la  forme  des  organes  de  la 
manducalion. 

La  base  de  l'aile  présente  quatre  nervures,  qu'il  nomme 
priniitwes.  Dans  les  hyménoptères  à  abdomen  sessile ,  il  y  en 
a  cinq.  Les  trois  internes,  et  pour  ceux  où  il  est  pédicule, 
deux  de  ces  nervures  seulement  sont  appelées  brachiales  [i). 
Le  disque  est  toute  la  portion  de  l'aile  renfermée  entre  ses 
bords  \  cette  dénomination  est  dès-lors  synonyme  de  celle  de 
surface ,  et  en  opposition  avec  les  idées  reçues ,  puisqu'on  a 
coutume  de  ne  l'affecter  qu'à  l'espace  central  ou  le  milieu. 
La  première  nervure  du  bord  externe,  qui ,  partant  de  la  base 
et  se  dirigeant  presque  en  ligne  droite  dans  le  sens  de  la  lon- 
gueur, va  se  réunir  près  du  milieu  de  ce  bord ,  soit  directe- 
ment, soit  au  moyen  d'un  rameau,  avec  le  calus  ou  renfor- 
cement de  la  partie  cornée  du  même  bord ,  est  le  rayon.  La 
nervure  située  immédiatement  au-dessous  de  la  précédente 
est  l'os  du  coude ,  ou  le  cubitus.  Une  autre,  plus  petite,  par- 
tant de  la  précédente,  ou  du  calus,  c'est-à-dire  le  carpe, 
dans  la  nomenclature  de  Jurine ,  et  se  dirigeant  vers  le  bout 
de  l'aile,  forme  avec  l'extrémité  postérieure  du  bord  externe, 
auquel  elle  se  réunit  souvent,  la  cellule  radiale,  que  j'avais 
nommée,  dans  mon  Gênera,  marginale j  elle  est  quelquefois 
divisée  en  deux  par  une  très  petite  nervure.  Si  elle  descend 
de  la  callosité,  elle  forme  deux  cellules  radiales  j  mais  si  elle 
prend  naissance  au-delà ,  la  petite  cellule  terminale  n'est  plus 
que  rudimentaire ,  et  prend  le  nom  d'appejidicée.  De  l'extré- 
mité de  la  nervure  cubitale  et  près  du  calus,  descend  une 
seconde  nervure  secondaire,  allant  aussi  vers  le  bout  de  l'aile. 
L'intervalle  compris  entre  elle  et  celle  qui  a  aidé  à  former  la 
cellule  radiale,  est  coupé  par  des  nervures  transverses,  d'où 
résultent  d'autres  cellules,  les  cubitales,  ou  celles  que  j'avais 


(i)  Dans  son  Mémoire  sur  les  ailes  des  hyménoptères,  il  nomme  humérales  les 
cellules  antérieures  aux  radiales  et  cubitales. 


238  QUATRIEME    CLASSE.  ÏIVSECTES» 

appelées  sous-marginales .  Leur  nombre  varie  de  un  à  quatre. 
Quelquefois  l'une  d'elles  ne  s'étend  pas  dans  toute  la  largeur 
de  l'espace  qui  les  limite-,  elle  n'est  produite  que  par  la  bifur- 
cation intérieure  d'une  nervure  transverse,  ressemblant  à 
un  Y  renversé.  La  cellule  paraît  alors  être  surmontée  d'une 
tige  ou  d'un  pétiole  ,  et  voilà  pourquoi  on  la  distingue  par 
l'épitbète  de  pétiolée.  Si  la  dernière  cellule  cubitale  n'atleint 
pas  le  bout  de  l'aile  et  n'est  pas  fermée,  soit  par  son  bord 
postérieur,  soit  par  une  nervure  transverse,  on  dit  qu'elle  est 
incomplète.  Une  ou  deux  autres  nervures  pareillement  trans- 
verses,  et  appelées  récurrejites ,  réunissent  les  cellules  discoi- 
dales  avec  les  cubitales.  On  note  lesquelles  de  celles-ci  reçoi- 
vent ces  nervures.  Dans  un  grand  nombre  d'ichneumons,  la 
première  de  ces  dernières  cellules  est  fort  grande,  parce  que  le 
commencement  de  la  nervure  qui  les  circonscrit  est  avorté. 
Dans  d'autres  espèces  de  la  même  famille  ,  elle  est  partagée  en 
deux  par  cette  nervure ,  et  sa  portion  inférieure  devient  une 
cellule  discoidale.  Dans  plusieurs  autres  hyménoptères,  le 
nombre  des  mêmes  cellules  cubitales  diminue  peu  à  peu,  se 
réduit  ensuile  à  une,,  qui  finit  par  n'être  plus  fermée-,  enfin, 
l'extrémité  de  l'aile  n'offre  plus  que  des  nervures  isolées  ou 
perdues  -,  celles  de  la  base  disparaissent  même  avec  les  précé- 
dentes, et  on  ne  voit  plus  que  le  calus  ou  le  point  marginal. 
Les  ailes  inférieures  peuvent  être  dépourvues  de  nervures, 
quoique  les  autres  en  aient.  Le  rayon  s'éloigne  quelquefois 
assez  du  bord  externe  pour  composer  avec  lui  une  cellule 
étroite  et  allongée  -,  les  ailes  des  fourmis  sont  dans  ce  cas. 
MM.  Lepelletier  de  Saint-Fargeau  et  Serville  ont  traité  ce 
sujet  ex  professo  dans  V Encyclopédie  méthodique ,  au  mot 
Radiales.  Les  mâles  de  quelques  phalènes  ont ,  proche  l'ori- 
gine des  ailes  inférieures,  un  appendice  de  même  consislance 
qu'elles,  couché  sur  leur  face  supérieure,  plat,  ovale,  et  plié 
en  double.  Ces  lépidoptères  paraissent  ainsi  avoir  six  ailes; 
mais  les  deux  surnuméraires  ne  sont  qu'un  repli  du  bord  in- 
terne des  inférieures. 

Les  nervures  des  ailes  sortent  immédiatement  du  thorax 


GÉNÉRA  riTÉS.  289 

ot  sont  autant  de  lul)es  solides ,  élastiques  ,  et  recevant  dès 
leur  origine  une  véritable  trachée  roulée  en  spirale ,  suscep- 
tible de  s'étendre  ou  de  se  contracter.  Ces  vaisseaux  se  di- 
visent et  communiquent  entre  eux  par  des  espèces  d'anasto- 
moses.   Dans  divers  hvménoptères  ,  la  continuité   des  tubes 
esl  interrompue  par  de  petits  points  ronds  et  transparens, 
semblables  à  des  bulles  d'air.  Au  point  où  ils  se  forment  ,  la 
substance  cornée,  composant  ces  tubes,  s'étend  de  chaque 
coté  en  petits  filets ,  dans  la  duplicalure  de  l'aile ,  et  en  s'é- 
parpillant  perd  ainsi  sa  couleur^  mais  il  n'y  a  aucune  inter- 
ruption dans  les  trachées.  Les  poils  dont  la  surface  des  ailes 
est  hérissée  servent  ,  suivant  Jurine  ,  à  mettre  ces  organes  à 
l'abri  des  injures  extérieures-,   mais  je  leur  soupçonne  une 
autre  destination.  Les  muscles  qui  les  font  mouvoir  et  tous 
renfermés  dans  l'intérieur  du  tronc  paraissent  être  de  deux 
sortes,  qui  se  distinguent  par  la  différence  de  leurs  longueurs. 
Les  plus  courts  servent  à  les  étendre  ou  à  les  plier,  et  les  plus 
longs  à  les  élever  ou  à  les  abaisser.  Ils  se  correspondent  ou  se 
bifurquent  pour  s'attacher  de  chaque  côté  aux  ailes,  puisque 
si  l'on  remue  l'une  d'elles  ,  l'insecte  étant  mort ,  l'opposée 
exécute  les  mêmes  mouvemens.  Nous  renverrons  pour  d'au- 
tres détails  au  beau  Mémoire  de  Jurine  sur  les  ailes  des  hy- 
ménoptères ,  à  ceux  de  M.  Chabricr  et  à  la  description  de  ces 
organes ,  considérés  dans  le  hanneton  commun ,  donnée  par 
M.  Straus. 

Les  élytres  étant  aussi  solides  et  aussi  épaisses  que  les  tégu- 
mens  du  corps  sont  susceptibles  des  mêmes  modifications ,  de 
sorte  que  leur  surface  offre  souvent  des  dessins  en  relief  très 
variés  ,  diverses  sortes  de  ciselures ,  des  éminences  sous  la 
forme  de  tubercules,  de  piquans,  d'aiguillons  et  quelquefois, 
comme  dans  quelques  dytiques  ,  elle  diffère  selon  les  sexes. 
Plusieurs  coléoptères  ,  néanmoins,  n'ont  point  des  étuis  aussi 
solides  et  aussi  épais.  Ils  sont  alors  minces ,  flexibles,  et  géné- 
ralement unis.  La  ligne  où  ils  se  joignent ,  ou  s'appliquent 
l'un  contre  l'autre  par  leur  bord  interne  ,  et  qui  dans  les  co- 
léoptères et  les  forficules ,  est  toujours  droite  ,  est  ce  qu'on 


24o  QUATRIÈME    CLASSA.    INSECTES. 

appelle  la  suture.  Dans  plusieurs  espèces  ces  étuis  sont  sou- 
dés ,  et  les  ailes  manquent  toujours  dans  cette  circonstance. 
Elles  avortent  aussi  ou  ne  sont  que  rudimentaires  dans  d'au- 
tres. Mais  on  ne  connaît  encore  aucun  coléoptère  qui  soit 
privé  d'élytres.  Leur  situation  est  horizontale  dans  ce  même 
ordre  -,  il  n'en  est  pas  ainsi  dans  les  criquets ,  les  sauterelles 
et  autres  insectes  de  l'ordre  des  orthoptères  -,  elles  y  forment 
un  toit  ou  un  angle  au-dessus  de  l'abdomen.  Ici  elles  le  dé- 
passent notablement  ,  tandis  que  dans  l'ordre  précédent  elles 
se  terminent  avec  lui  ou  sont  même  plus  courtes.  Les  in- 
sectes à  étuis  étaient  distingués  anciennement  par  la  dénomi- 
nation de  vaginipennes ,  et  ceux  dont  les  ailes  sont  nues  par 
celle  à' anélytres ,  ou  sans  étuis.  Les  premiers  sont  mes  élj- 
troptères ,  et  les  seconds  mes  gjmnoptères.  L'expression  de 
coléoptères,  synonyme  primitivement  de  celle  de  vaginipen- 
nes, ayant  été  restreinte  à  une  partie  d'entre  eux,  je  lui  ai 
substitué  celle  d'élytroptères,  qui  présente  la  même  signifi- 
cation. 

J'ai  dit  précédemment  que  les  écaillettes  des  lépidoptères 
étaient  remarquables  par  leur  grandeur.  Elles  forment  en  effet 
des  espèces  d'épaulettes  prolongées  en  arrière ,  le  long  d'une 
partie  du  dos  et  appliquées  sur  lui.  Je  leur  donne  alors  le 
nom  de  pterjgodes  (ptery godes). 

Il  nous  reste  à  examiner,  pour  compléter  la  description  des 
appendices  supérieurs  du  thorax  relatifs  au  vol ,  ceux  qui  ont 
reçu  la  dénomination  de  balariciers ,  d'ailerons  ou  cueille- 
rons ,  de  prébalanciers .  Les  deux  premiers  sont  propres  aux 
diptères ,  et  les  derniers  aux  rhipiptères. 

Les  balanciers  (^haltères)  ,  au  nombre  de  deux,  et  [)lacés 
50US  l'origine  des  ailes  des  diptères,  immédiatement  au- 
dessous  des  ailerons  ou  cueillerons  ,  consistent  en  un  petit 
torps  membraneux ,  dont  la  longueur  est  en  raison  inverse  de 
celle  de  ces  derniers  appendices  ;  ils  sont  en  forme  de  maillet , 
ou  composés  d'une  tige  filiforme,  terminée  en  un  bouton  ovale 
ou  triangulaire,  et  susceptibles  d'un  mouvement  très  rapide 
de  vibration.  Le  renflement  terminal  ressemble  à  une  vessie 


GÉNÉRA LITÉSi  9,4  I 

dont  le  sommet  est  tantôt  concave  et  tantôt  saillant.  Ce  corps 
est  un  peu  élargi  ou  dilaté  au  point  d'attache.  Une  opinion 
assez  généralement  adoptée  ,  est  que  les  balanciers  repré- 
sentent les  ailes  inférieures  ou  en  sont  les  rudimens.  Mais 
dans  mon  Mémoire  sur  quelques  appendices  du  thorax  de 
divers  insectes  ,  j'ai  essayé  d'en  prouver  la  fausseté  ;  voici  en 
peu  de  mots  mes  motifs. 

La  construction  du  thorax  des  diptères  est  essentiellement 
la  même  que  celle  du  thorax  des  hyménoptères.  Ici  le  méla- 
thorax ,  ou  le  segment  portant  les  ailes  inférieures  ,  ne  forme  , 
ainsi  que  nous  l'avons  dit ,  qu'un  arceau  dorsal  très  court ,  et 
suivi  de  la  portion  supérieure  du  segment  médiaire  ,  ou  de  la 
partie  de  l'abdomen  qui  ferme  postérieurement  le  thorax  ,  et 
offre  dans  plusieurs ,  de  chaque  côté  ,  un  angle  ou  une  dent 
saillante  ,  avec  un  stigmate.  Son  milieu  présente  aussi  ,  dans 
plusieurs ,  un  petit  espace  carré  ,  que  l'on  a  nommé  arrière- 
écusson  y  on  faux-écusson.  Jamais  ces  ailes  ne  sont  insérées 
à  cette  extrémité  et  près  de  l'articulation  de  l'abdomen  avec 
le  tronc.  Or,  c'est  positivement  près  de  ce  point  de  réunion  et 
au  côté  extérieur  de  deux  stigmates ,  que  les  balanciers  pren- 
nen  t  naissance.  Dépendans  du  segment  médiaire,  ils  ne  peuvent^ 
par  leur  situation  ,  correspondre  aux  ailes  inférieures.  Le  méta- 
ihorax  est  encore  plus  réduit  que  dans  les  hyménoptères ,  et  ne 
paraît  point  ou  presque  pas-,  mais  le  thorax  ,  ainsi  qu'on  peut 
s'en  assurer  par  l'inspection  de  celui  des  grandes  lipules  et 
autres  diptères  à  corps  allongé ,  se  termine  de  même  ,  et  on  y 
voit  aussi  un  faux-écusson.  La  membrane  plissée  de  l'organe 
du  chant  des  cigales  et  faisant  partie  du  segment  médiaire, 
cette  lame ,  percée  d'un  petit  trou  et  servant  d'opercule  à 
une  cavité  remarquable ,  qu'on  observe  de  chaque  côté ,  au 
même  anneau  ,  dans  les  criquets ,  nous  font  présumer  que  les 
balanciers  n'en  sont  aussi  que  des  appendices,  communiquant 
probablement  avec  les  trachées  voisines  ,  pouvant  recevoir 
une  certaine  quantité  de  fluide  aérien ,  et  analogues  en  quelque 
sorte  à  ceux  qui  accompagnent  les  organes  respiratoires  des 
aphrodites,  ou  à  ceux  qui  sont  sur  les  côtés  de  l'abdomen  des 

16 


'X[\1  QUATRIÈME    CLASSE.  —    INSECTES. 

machiles  et  des  forbicines.  Je  ne  doute  point,  d'après  cela, 
qu'ils  ne  jouent  un  rôle  dans  l'acte  du  vol,  et  qu'ils  ne  servent 
de  contrepoids,  ainsi  qu'on  l'avait  pensé. 

On  nomme  aileron,  cueilleron  {alula,  squamuld)  une  petite 
écaille  membraneuse,  située  au-dessous  de  l'origine  des  ailes 
des  diptères,  recouvrant  plus  ou  moins  les  balanciers,  ordi- 
nairement blanchâtre  ,  arrondie  et  ciliée  sur  ses  bords ,  for- 
mée de  deux  pièces  convexes  d'un  côté  et  concaves  de  l'autre , 
semblables  auxbattans  d'une  coquille  bivalve,  réunies  par  l'un 
des  bords  ,  placées  l'une  sur  l'autre  dans  le  repos ,  mais  s'é- 
tendant  et  se  trouvant  sur  le  même  plan  lorsque  l'insecte  vole. 
Par  leur  position  ,  ces  appendices  auraient  plus  de  rapports 
avec  les  ailes  inférieures  que  les  balanciers.  Ils  me  sem- 
blent néanmoins  partir  d'un  point  un  peu  plus  élevé  que  les 
ailes. 

Les  prébalanciers  (^prœJialteres)  sont ,  ainsi  que  je  Tai  dit 
plus  baut ,  exclusivement  propres  à  des  insectes  très  singu- 
liers, avec  lesquels  M.  Rirby  a  établi  son  ordre  des  strepsitères 
(ailes  torses),  dénomination  qui  m'a  paru  devoir  être  changée, 
et  que  j'ai  remplacée  par  celle  de  rhipiptères ,  ailes  en  éven- 
tail. Ce  sont  deux  pièces  étroites,  allongées,  arquées  ou  con- 
tournées à  leur  extrémité  ,  creuses  ou  tubulaires ,  à  ce  qu'il 
paraît ,  insérées ,  une  de  chaque  côté ,  près  de  l'extrémité 
antérieure  du  thorax  et  de  l'origine  des  premières  pâtes ,  et 
que  l'insecte  meut  avec  une  grande  rapidité  lorsqu'il  vole. 
M.  Kirby  les  a  prises  pour  des  élytres.  Il  semble,  en  effet, 
que  les  ailes  étant  plissées  longitudinalement  correspondent 
aux  inférieures  des  orthoptères,  et  que  dès-lors  ces  appendices 
remplacent  les  élytres.  Mais  le  thorax  ayant  bien  plus  d'a- 
nalogie avec  celui  des  hyménoptères  et  des  lépidoptères 
qu'avec  celui  des  orthorptères ,  j'ai  considéré  ces  organes 
comme  des  pièces  analogues  aux  ptérygodes  des  lépidoptères. 
Les  côtés  du  prothorax  de  quelques  espèces  de  psychodes  et 
des  scénopines ,  genres  de  l'ordre  des  diptères ,  se  prolongent 
aussi  latéralement ,  et  les  prébalanciers  des  rhipiptères  pour- 
raient être  des  appendices   similaires  5   mais  comme   ils  se 


GÉNÉRALITÉS.  l[\h 

meuvent  avec  les  ailes,  qu'ils  sont  plus  allongés  et  dirigés  en 
arrière ,  j'ai  pensé  qu'ils  avaient  plus  d'analogie  avec  les  pté- 
rygodes.  Au  surplus  nous  en  parlerons  plus  en  détail  lorsque 
nous  serons  arrivés  à  cet  ordre  d'insectes. 

Le  bourdonnement  produit  par  certains  insectes,  les  sphinx, 
les  abeilles,  et  les  moucbes  notamment,  est  considéré  comme 
un  effet  des  vibrations  rapides  de  leurs  ailes.  Mais  cette  expli- 
cation est  trop  générale ,   et  mérite  un  examen  plus  appro- 
fondi et   confirmé  par  un  grand  nombre  d'expériences   :   il 
en  est  de  même  du  mécanisme  du  vol.    Deux  savans  déjà 
cités  ,   MM.  Chabrier  et  Straus ,   ont  traité  ,  dans   ces  der- 
niers temps  ,  ce  sujet  \   mais  l'opposition  que  le  premier  a 
trouvée  dans  les  membres  de   la  commission  nommée   par 
l'Académie  des  Sciences  pour  l'examen  de  son  travail ,  nous 
prouve  que  cette  matière  est  au  moins  sujette  à  controverse  \ 
n'ayant  pas  assez  de  lumières  en  mécanique  et  en  anatomie 
pour  discuter  et  peser  ces  diverses  opinions,  de  telles  expli- 
cations ne  devenant  d'ailleurs  intelligibles  qu'avec  le  secours  de 
figures ,  nous  passerons  outre ,  en  invitant  néanmoins  ceux  qui 
désireraient  s'instruire  sur  un  semblable  sujet ,  de  recourir  aux 
ouvrages  précités,  sans  préjudice  des  antérieurs,   et  surtout 
au  Mémoire  de  Jurine  sur  les  ailes  des  hyménoptères ,  inséré 
dans  le  recueil  de  ceux  de  l'Académie  des  Sciences  de  Turin  , 
admirable  pour  les  détails  et  les  planches  qui  l'accompagnent , 
et  où  tous  les  objets  sont  prodigieusement  grossis.  Mais  je  dois 
prévenir  que  chacun  de  ces  auteurs  ayant  une  nomenclature 
propre,  l'on  éprouvera  souvent  de  grands  embarras,  et  je 
ne  puis  m'empécher  de  dire  que  M.  Straus  ,  qui  a  écrit  le 
dernier  sur  ce  sujet ,  aurait  dû  ,  afin  de  ne  pas  accroître  cette 
confusion  ,  comparer  ce  qui  avait  été  fait  sur  la  même  matière 
avec  son  travail ,  et  s'il  jugeait  nécessaire  de  créer  de  nou- 
veaux noms  ,  d'indiquer  au  moins  leur  correspondance  avec 
ceux  de  MM.  Chabrier  et  Jurine. 

Les  autres  et  derniers  appendices  du  thorax  des  insectes 
dont  nous  ayons  à  parler,  sont  ceux  qui  naissent  du  sternum 
servent  à  la  marche  ,  et  dans  plusieurs  au  saut  ou  à  la  nata- 


244  QUATRIÈME    CLASSE.    INSECTES, 

lion  ,  el  qu'on  appelle  pieds.  Ils  consistent  en  une  suite  d'ar- 
ticles tubuleux ,  formés  de  même  que  les  tégumens  d'un  épi- 
derme  et  d'un  derme  ,  renfermant  des  muscles  propres,  deux 
dans  la  plupart ,  l'un  extenseur  et  l'autre  fléchisseur.  Ces  arti- 
cles ont  reçu  les  mêmes  dénominations  que  les  membres  ana- 
logues des  vertébrés,  c'est-à-dire  qu'ils  se  composent  d'une  ban- 
cbe ,  d'une  cuisse  ,  d'une  jambe  et  d'un  tarse  ,  ou  plutôt  d'un 
doigt ,  partagé  en  phalanges  ou  articles,  dont  le  nombre  est  de 
cinq,  au  plus,  quantité  constante  dans  les  insectes  anélytres  ou 
sans  étuis,  l'ordre  des  névroptères  seul  excepté,  et  qui,  quelle 
qu'elle  soit,  est  pareillement  généralement  identique  dans  les 
insectes  de  la  même  famille  naturelle.  Le  dessous  de  ces  articles 
est  fréquemment  garni  de  poils  ou  de  soies ,  formant  dans  un 
grand  nombre  des  sortes  de  brosses  ou  des  pelotes.  Quelque- 
fois encore  ,  la  même  face  présente  de  petites  palettes  mem- 
braneuses ou  des  espèces  de  soles.  La  pénultième  est  souvent 
partagée  en  deux  lobes ,  et  le  dernier  se  termine  presque  tou- 
jours par  deux  petits  onglets  ou  crochets.  Les  deux  tarses 
antérieurs  des  hyménoptères ,  de  la  famille  des  mellifères , 
sont  appelés  par  M.  Kirby  la  main ,  et  leur  premier  article  en 
est  la  paume  (palma).  La  dénomination  des  tarses  n'est  ap- 
pliquée qu'aux  quatre  postérieurs.  Ici  le  premier  article  reçoit 
le  nom  de  planta ^  la  plante,  et  les  autres  constituent  le  doigt. 
La  hanche  ou  la  rotule  (coxa,  capitulunï)  n'est  composée  que 
d'une  seule  pièce.  Il  ne  faut  pas  négliger  d'observer,  ainsi 
qu'on  l'avait  généralement  fait ,  sa  forme ,  ses  proportions 
relatives ,  ainsi  que  celles  de  la  cavité  cotyloide  où  elle  s'em- 
boîte. La  cuisse  (fémur)  est  formée  de  deux  articles  ,  dont  le 
premier,  beaucoup  plus  court ,  est  le  trochanter.  La  jambe^ 
divisée  ordinairement  en  deux  articles  dans  les  crustacés ,  les 
arachnides  ,  n'en  offre  qu'un  seul  dans  les  insectes  ,  et  qui  se 
termine  par  deux  épines  ou  éperons.  On  donnera  encore  une 
attention  particulière  à  la  forme  des  deux  pieds  antérieurs  ou 
avant-pieds  {prœpedes)  ^    et  on  les  étudiera  dans  les  deux 
sexes  ,  parce  qu'elle  est  quelquefois  différente.  Les  deux  pieds 
postérieurs  eux-mêmes  peuvent  aussi  offrir  des  caractères  par- 


GÉNÉRALITÉS.  '2^5 

ticuliers  ,  ainsi  qu'on  le  voit  par  les  abeilles  ,  où  ils  sont  polli- 
niferes  (^polliniferi) .  Dans  d'autres  insectes  ,  ils  se  terminent 
par  un  tarse  comprimé  ,  très  cilié  ou  fort  velu  ,  propre  à  ramer 
ou  à  nager  ;  ce  sont  des  pieds  natatoires  [jiatatorii) .  Les  jambes 
des  deux  premiers  sont  encore ,  dans  quelques  espèces ,  plus 
larges,  dentelées  ou  épineuses  au  bord  externe.  Ces  pieds 
deviennent  ainsi  aptes  à  fouir,  et  on  les  distingue  par  l'épi- 
tbète  Aq  fossoyeurs  {fossorii).  Les  mêmes,  dans  quelques 
lépidoptères  diurnes,  sont  très  courts ,  coudés  et  repliés  ,  sans 
ongles,  ou  n'en  ayant  que  de  très  petits,  inutiles  en  un  mot 
pour  la  marche  :  ce  sont  des  pieds  mutiques  on  faux  [mutici, 
spurii).  Geoffroy,  à  l'égard  de  quelques  espèces  ,  les  appelle 
pieds  en  palatine.  Dans  les  mantes  ,  les  nèpes  ,  ils  ont  reçu  la 
dénomination  de  iriuisseurs^  parce  que  pouvant  se  replier  avec 
prestesse  sur  eux-mêmes ,  ils  font  l'office  de  serres  ou  de  pinces  , 
avec  lesquelles  ces  insectes  saisissent  et  retiennent  leur  proie. 
L'obligation  d'étudier  avec  soin  les  organes  de  la  locomotion 
s'étendra  aussi  à  ces  mêmes  insectes  dans  leur  premier  état, 
ou  sous  celui  de  larve.  Réaumur,  qu'il  faut  toujours  citer 
pour  le  modèle  des  vrais  observateurs ,  avait  remarqué  de 
notables  différences  dans  la  forme  des  pâtes  membraneuses 
des  chenilles  ,  et  de  celle  des  dents  ou  petites  épines  qui  cou- 
ronnent plus  ou  moins  leur  extrémité.  Depuis  cette  époque  , 
si  l'on  en  excepte  Roesel  et  de  Géer,  on  n'a  pas  tenu  compte 
de  ces  considérations  ,  et  le  bel  ouvrage  d'Hùbner  sur  les  che- 
nilles des  lépidoptères  d'Europe  étant,  à  cet  égard,  incomplet, 
l'on  se  verra  un  jour  dans  la  nécessité  d'en  publier  un  autre 
de  même  nature ,  avec  les  détails  qu'il  n'a  pas  représentés , 
et  qui  néanmoins  sont  indispensables  pour  la  connaissance 
positive  de  ces  larves. 

L'abdomen  (^abdomen)  ou  la  troisième  et  dernière  division 
principale  du  corps  ,  renferme  les  viscères  ,  les  organes 
sexuels  ,  et  se  compose  de  neuf  à  dix  anneaux  ou  segmens , 
divisés  chacun  en  deux  arceaux  ou  demi-segmens ,  l'un  supé- 
rieur et  l'autre  inférieur ,  et  réunis  latéralement  par  une 
membrane  sur  laquelle  sont  ce  que  M.  Audouin  nomme  péri- 


^46  QUATRIÈME    CLASSE.   INSECTES. 

trèmes.  On  est  convenu  d'appliquer  le  nom  de  ventre  à  la 
partie  inférieure,  l'opposée  est  le  dos.  Les  derniers  anneaux 
sont  souvent  rapetisses  et  cachés  dans  l'intérieur  de  l'abdo- 
men ,  de  sorte  qu'il  n'en  offre  souvent  à  l'extérieur  que  six  à 
sept.  Dans  les  coléoptères  même ,  le  nombre  des  demi-seg- 
mens  inférieurs  ou  ventraux  est  moindre  que  celui  des  demi- 
segmens  supérieurs  -,  les  deux  ou  trois  premiers  de  ceux-ci 
embrassent  toute  l'étendue  de  l'espace  occupé  par  le  premier 
des  autres  ;  mais  on  distingue  en  avant,  sur  celui-ci,  des  su- 
tures ou  des  lignes  enfoncées  transverses,  indiquant  sa  com- 
position. Les  organes  de  la  génération  sont  situés,  les  mascu- 
lins des  libellulines  exceptés,  à  l'extrémité  postérieure,  et 
sortent  par  l'anus.  Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  une  tarière  ou 
un  o\^is capte ,  ordinairement  extérieure  et  souvent  saillante, 
accompagne  ceux  de  plusieurs  femelles.  Dans  quelques  au- 
tres, elle  est  transformée  en  un  aiguillon,  mais  caché  dans 
l'intérieur.  L'extrémité  de  l'abdomen  offre  aussi  d'autres 
appendices,  comme  des  espèces  de  stylets  coniques  et  arti- 
culés ,  qui  paraissent  être  des  organes  sécréteurs ,  des  filets 
composant  une  queue ,  une  pince  ou  tenaille  à  deux  branches. 
Dans  les  malachies ,  genre  de  coléoptères ,  des  tentacules 
membraneux  et  rétractiles,  appelés  cocardes,  sortent  des 
côtés  de  sa  base ,  ainsi  que  de  ceux  de  la  poitrine.  Quelques 
uns  des  demi-segmens  intérieurs  diffèrent  aussi  dans  les  deux 
sexes  ,  soit  par  des  échancrures  ,  soit  par  des  saillies  parti- 
culières ,  sous  la  forme  de  dents  ou  de  tubercules.  Enfin ,  re- 
lativement à  la  manière  dont  l'abdomen  s'articule  avec  le 
thorax ,  il  peut  être  sessile  ou  pétiole. 

Telle  est.  Messieurs,  la  physionomie  générale  des  insectes, 
ou  leur  organisation  tant  intérieure  qu'extérieure.  Leur  con^ 
servation ,  but  principal  que  s'est  proposé  en  les  créant  l'au- 
teur de  la  nature,  entraîne  l'examen  de  leur  mode  de  nulri-r 
tion  et  de  reproduction.  Leurs  principales  habitudes  ,  leur 
accouplement ,  leurs  pontes  et  les  soins  admirables  que  leur 
suggère  l'instinct  pour  garantir  et  défendre  les  germes  de 
leur   postérité  \  leur  éducation  ou  le   tableau  des  premiers 


GKNÉRÂLITtS.  9.47 

âges  de  ces  animaux  ,  c'est-à-dire  leurs  métamorphoses  ,  enfin 
leur  distribution  géographique  sur  la  surface  du  globe ,  d'où 
dépendent  aussi  leurs  moyens  d'existence  et  de  propagation  \ 
voilà  ,  Messieurs ,  ce  qu'il  nous  reste  à  vous  présenter  pour 
compléter  cette  introduction  à  l'Entomologie. 

Il  n'est  presque  aucune  substance,  tant  animale  que  végé- 
tale, qui  ne  serve  d'aliment  à  quelque  espèce  d'insecte.  Mal- 
heureusement pour  nous,  les  végétaux  les  plus  nécessaires  à 
nos  premiers  besoins  sont  pareillement  soumis  à  leur  pouvoir 
destructeur.  Des  larves  de  lipulaires,  vivant  dans  l'intérieur 
des  tiges  de  plusieurs  de  nos  plantes  céréales,  détruisent,  lors- 
que des  circonstances  favorisent  leur  multiplication  ,  tout  l'es- 
poir du  laboureur.  Les  ravages  de  l'alucite  des  blés  et  de  la 
fausse  teigne  qui  en  ronge  encore  les  grains,  ne  sont  que  trop 
connus;  la  première  surtout  a  porté  la  désolation  dans  plu- 
sieurs de  nos  départemens  méridionaux.  Deux  espèces  de 
calandres,  dont  l'une  en  vit  aussi,  et  dont  l'autre  attaque  le 
riz,  infestent  les  dépôts  où  sont  renfermées  ces  précieuses  se- 
mences. Celles  des  lentilles,  des  pois ,  du  mais ,  sont  dévorées 
par  des  larves  de  bruches.  D'autres  coléoptères  très  voisins 
des  précédens ,  tels  que  les  anthribes ,  les  attelabes  5  d'autres 
charansonites ,  l'eumolpe  de  la  vigne,  plusieurs  petites  che- 
nilles, les  guêpes,  etc. ,  nous  privent  de  différens  fruits,  ou  nous 
obligent  d'en  rejeter  une  bonne  partie.  Nos  plantes  potagères, 
les  feuilles  de  plusieurs  de  nos  arbres  fruitiers,  sont  la  proie 
de  divers  autres  animaux,  parmi  lesquels  nous  citerons  prin- 
cipalement les  pucerons  et  les  gallinsecles.  Des  myriades  de 
larves  d'une  espèce  de  galéruque ,  des  légions  innombrables 
de  chenilles  ou  de  fausses  chenilles,  dépouillent  encore  de 
feuilles  nos  ormes,  nos  chênes,  nos  pins,  lorsque  la  nature 
prend  à  peine  la  livrée  du  printemps ,  et  presque  tout  à  coup 
se  reproduit  à  nos  regards  le  triste  spectacle  de  l'hiver.  Des 
larves  de  cossus,  d'hépiales,  de  capricornes,  de  scolites,  de 
bostriches ,  etc. ,  sont  bien  plus  pernicieuses  encore  ,  puisque 
elles  attaquent  le  cœur  de  nos  arbres  forestiers.  Qui  n'a  pas  à 
se  plaindre  des  fourmis?  Quels  sont  les  colons  des  deux  Indes 


HqS  QUATIUÈME    CLASSE.    —    INSECTES. 

et  d'Afrique  qui  ne  gémissent  des  dommages  incalculables 
que  leur  occasionnent  les  termes  ?  Quel  est  le  cultivateur 
d'abeilles  qui  ne  maudisse  souvent  l'existence  de  ces  teignes 
qui  dévorent  la  cire  ?  Combien  de  fois  n'avons-nous  pas  vu 
avec  une  extrême  douleur  plusieurs  de  nos  pelleteries,  de  nos 
étoffes,  de  nos  meubles,  dévastés  par  d'autres  teignes?  Et 
vous,  qui  recueillez  avec  tant  de  zèle,  tant  peut-être  de  sa- 
crifices pécuniaires,  des  objets  d'histoire  naturelle,  n'avez- 
vous  pas  éprouvé  fréquemment  des  regrets?  N'avez-vous  pas 
fait  une  guerre  acharnée  à  des  larves  d'anthrènes ,  de  ptines, 
de  dermestes?  La  conservation  de  nos  provisions  de  bouche, 
de  la  viande  surtout,  sollicite  encore  toute  notre  vigilance. 
Quelques  heures  suffisent  pour  faire  éclore  les  œufs  qu'une 
mouche  y  a  déposés.  D'autres  insectes  du  même  ordre,  tels  que 
les  cousins  ,  les  taons ,  les  stomoxes ,  sans  parler  des  poux  ,  de 
la  puce,  ne  nous  ont  que  trop  souvent  tourmentés  par  leur 
aiguillon.  D'autres  larves  de  diptères,  celles  des  œstres,  ayant 
pour  domicile  diverses  parties  du  corps  des  bêtes  à  cornes  et 
des  chevaux,  soit  extérieures,  soit  intérieures,  les  font  souf- 
frir, et  quelquefois  périr  par  leurs  corrosions ,  aussi  fatales 
que  celles  des  vers  intestinaux.  Rendons  cependant  hommage 
à  la  sage  prévoyance  et  aux  bontés  du  Créateur^  il  nous  offre 
quelque  compensation  dans  les  services  que  nous  rendent  d'au- 
tres larves  en  purgeant  la  terre  de  cadavres  et  de  plusieurs 
matières  putrides,  qui,  par  leurs  exhalaisons  délétères,  cor- 
rompraient le  fluide  que  nous  respirons.  Les  produits  de 
l'abeille,  du  ver  à  soie,  la  cochenille,  doivent  aussi  exciter 
notre  gratitude ,  sans  que  nous  voulions  dire  toutefois  que 
c'est  nous  qu'il  a  eu  en  vue  en  donnant  l'existence  à  ces 
êtres. 

Ainsi  que  dans  les  classes  supérieures  d'animaux,  beaucoup 
d'insectes  fuient  la  lumière  du  jour  -,  d'où  il  résulte  que  plu- 
sieurs de  ceux  que  nous  avons  intérêt  à  détruire  échappent  à 
nos  poursuites.  C'est  ainsi  que  nous  chercherions  en  vain 
le  jour,  sur  des  végétaux,  certaines  chenilles  qui  les  dé- 
pouillent de  leurs  feuilles:  elles  se  tiennent  alors  cachées  dans  ' 


GÉNÉRALITÉS.  249 

la  terre  ou  sous  quelque  abri  \  mais  comme  c'est  ordinaire- 
ment à  peu  de  distance,  des  fouilles  ou  des  recherches  faites 
aux  environs  pourront  souvent  nous  amener  à  leur  décou- 
verte. Aussi  les  collecteurs  zélés  d'insectes  ne  se  bornent  pas 
à  des  chasses  diurnes  :  munis  d'une  lanterne  ou  d'un  flam- 
beau ,  ils  essaient  de  les  surprendre ,  lorsqu'ils  accourent , 
attirés  par  la  lumière.  Cependant,  lorsque  l'habitude  nous  a 
appris  à  bien  connaître  les  lieux  de  leurs  retraites,  on  n'a 
pas  besoin  de  recourir,  du  moins  aussi  souvent,  à  ces  moyens. 

Tous  les  individus,  dans  cette  classe  d'animaux,  sont  mâles 
ou  femelles^  mais  parmi  ceux-ci  il  en  est  dont  les  ovaires, 
n'ayant  pas  reçu  une  élaboration  convenable,  ne  sont  point 
propres  à  la  génération,  et  ces  individus,  réunis  en  société, 
sont  uniquement  chargés  des  travaux  de  construction,  des 
approvisionnemens,  du  maintien  et  de  la  défense  de  cette  réu- 
nion ,  ainsi  que  de  l'éducation  des  petits  ^  ce  sont  des  mulets 
ou  des  neutres.  Les  fourmis,  les  guêpes,  les  bourdons  et  les 
abeilles,  nous  en  offrent  exclusivement  des  exemples.  Dans  les 
sociétés  si  innombrables  des  termes ,  les  individus  désignés  par 
des  naturalistes  ou  des  voyageurs  sous  le  nom  de  soldatSy 
paraissent  en  être  uniquement  les  défenseurs*,  mais  nous 
n'avons  pas  encore  sur  eux  des  renseignemens  positifs. 

Outre  les  caractères  proprement  dits  sexuels ,  les  mâles  dif- 
fèrent des  femelles  par  une  taille  plus  petite,  et  souvent  en- 
core par  des  antennes  composées  d'un  ou  de  plusieurs  articles 
de  plus ,  soit  aussi  en  ce  qu'ils  sont  plus  développés  latérale- 
ment, ou  bien  en  ce  qu'elles  sont  plus  longues.  Dans  un  grand 
nombre  de  coléoptères  lamellicornes,  la  tête  et  le  thorax, 
comparés  dans  les  deux  sexes,  présentent  des  disparates  re- 
marquables^ les  mâles  ont  une  ou  plusieurs  cornes,  que  l'on 
ne  retrouve  pas  dans  leurs  femelles.  Dans  plusieurs  hymé- 
noptères, ces  différences  affectent  quelques  unes  des  pâtes. 
L'abdomen,  vu  à  l'extérieur,  a  un  segment  de  plus,  comme 
sept  au  lieu  de  six.  Quelquefois  encore  les  femelles  sont 
aptères.  Les  couleurs  sont  plus  brillantes,  ou  même  différentes 
dans  plusieurs  mâles.  Quelques  uns,  tels  que  ceux  des  cigales, 


aSo  QUATRIÈME    CLASSE.    INSECTES. 

des  sauterelles ,  rendent ,  au  moyen  d'organes  propres ,  un 
son  plus  ou  moins  bruyant,  qu'on  a  qualifié  du  nom  de  chant, 
mais  qui  n'est  qu'une  simple  stridulation  produite  par  un 
frottement.  Les  vrillettes  s'appellent  réciproquement  en  fai- 
sant aussi  entendre  un  bruit,  mais  semblable  à  celui  du  batte- 
ment d'une  montre,  et  qui  est  le  résultat  des  coups  réitérés 
de  leurs  mandibules  sur  des  cbâssis  ou  des  corps  ligneux-,  se 
dirigeant  d'après  l'intensité  progressive  du  son,  ces  insectes 
finissent  par  se  rencontrer,  et  vaquent  à  leurs  amours.  Les 
femelles  aptères  de  divers  lampyres  ont  les  derniers  anneaux 
de  l'abdomen  lumineux  ou  pbosphorescens.  Cette  propriété 
peut  devenir  commune  aux  deux  sexes  de  plusieurs  insectes 
nocturnes. 

L'accouplement  se  fait  à  la  manière  ordinaire ,  ou  le  mâle 
se  place  sur  le  dos  de  sa  compagne ,  et  la  retient  avec  l'espèce 
de  forceps  qui  accompagne  ordinairement  ses  parties  génitales. 
Dans  plusieurs  coléoptères,  les  tarses  antérieures  des  mêmes 
individus  sont  dilatés  ou  en  forme  de  palette ,  ce  qui  favorise 
la  copulation.  Dans  certains  apiaires  les  mêmes  parties  sont 
garnies,  pour  un  but  semblable,  de  brosses  ou  de  poils  serrés. 
Les  libellules  font  seules  exception  à  cette  règle  générale.  Le 
mâle  a,  ainsi  que  les  autres  insectes,  des  crochets  au  bout  de  I 
l'abdomen  -,  mais  les  organes  proprement  dits  de  la  génération 
étant  situés  près  de  l'origine  du  ventre ,  l'accouplement  ne 
peut  avoir  lieu  de  la  manière  accoutumée.  Nous  verrons,  lors- 
que nous  en  serons  à  ces  insectes,  comment  il  s'effectue. 

Tantôt  le  mâle  reste  dans  l'attitude  qu'il  a  d'abord  prise 
tout  le  temps  qu'il  dure  ,  tantôt  il  se  tient  à  côté  de  sa  femelle 
ou  dans  une  même  ligne  avec  elle  et  en  sens  opposé,  et  très  ra- 
rement celle-ci  est-elle  placée  au-dessus  du  mâle  dans  cet  acte; 
la  puce  et  les  éphémères  nous  en  montrent  seules  un  exemple. 
Des  mouches  nous  offrent  aussi  une  autre  anomalie  ,  en  ce  que 
la  femelle  introduit  les  derniers  anneaux  de  l'abdomen  dans 
l'intérieur  de  celui  de  l'autre  individu.  La  durée  de  l'accou- 
plement varie  5  elle  est  longue  dans  quelques  espèces.  Il  n'est 
pas  vrai,  ainsi  qu'on  l'a  avancé,  que  les  insectes  ne  s'unissent 


GléNÉRALITéS.  aSi 

,qu'uDe  fois  dans  le  cours  de  leur  vie.  Cet  acte  terminé,  les  fe- 
melles se  livrent  à  la  ponte  des  œufs.  Les  éphémères,  ainsi 
nommées  de  la  courte  durée  de  leur  vie  ,  les  font  sortir  tous 
à  la  fois  et  en  une  masse.  C'est  encore  ce  qui  a  lieu  dans  les 
mantes ,  les  blattes,  les  hydrophiles  5  les  œufs  se  trouvent  ren- 
fermés dans  une  capsule  ou  sous  une  enveloppe  qui  se  forme 
dans  l'intérieur  de  l'abdomen  ^  mais  le  plus  souvent  ils  sont 
pondus  un  à  un ,  et  par  intervalles  plus  ou  moins  longs.  On  a 
remarqué  que  les  grosses  mouches  bleues  de  la  viande  ne  pon- 
dent que  lorsqu'elles  trouvent  de  la  chair  morte  à  leur  dispo- 
sition. Il  est  probable  que  cette  habitude  est  générale  ,  parce 
que ,  sans  celte  précaution  ,  le  but  de  la  nature  ne  serait  pas 
atteint ,  les  larves  devant  périr  faute  de  nourriture.  Par  suite 
de  cette  prévoyance ,  les  femelles  des  guêpes  et  des  abeilles 
qui  se  sont  accouplées  dans  l'arrière-saison  ne  mettent  bas  leurs 
œufs  qu'au  printemps  suivant. 

Jamais  la  Providence  ne  se  manifesta  plus  admirablement 
que  dans  les  moyens  qu'elle  a  choisis  pour  assurer  la  conser- 
vation de  ces  germes.  L'histoire  de  ces  animaux  nous  en  four- 
nira les  preuves  les  plus  palpables ,  mais  qu'afin  de  ne  pas 
tomber  dans  des  redites  ,  nous  ne  pouvons  maintenant 
exposer. 

Parmi  les  œufs  des  insectes,  les  uns  sont  crustacés  ou  de 
consistance  ferme  et  solide,  et  les  autres  membraneux.  Leurs 
figures  et  leurs  couleurs  sont  prodigieusement  diversifiées^  le 
'  sculpteur  y  trouverait  des  modèles  qu'il  aurait  de  la  peine  à  imi- 
ter. Il  en  est,  comme  ceux  des  hémérobes,  qui  ressemblent  à  des 
j  plantes  parasites,  et  que  des  botanistes  se  sont  même  appropriés-, 
mais ,  en  général ,  leur  forme  la  plus  habituelle  se  rapproche 
de  celle  d'une  sphère  ou  d'un  corps  ovalaire.  Il  est  probable 
que  le  fœtus  s'y  développe  de  la  même  manière  que  dans  les 
œufs  des  crustacés  et  des  araignées ,  dont  quelques  savans  déjà 
cités  ont  suivi  avec  une  patience  bien  digne  d'éloge  tous  les 
progrès.  Des  observations  semblables  nous  manquent  à  l'égan 
des  insectes.  On  sait  seulement  que  leurs  œufs  ne  présoïïteljtA>  / 
qu'une  substance  aqueuse,  avec  un  point  obscur  auQiilieuc^^  ^^/ 


232  QUATRIEME    CLASSE.    —    INSECTES. 

qui,  suivant  Swammerdam ,  n'est  nullement  l'animal  entier, 
mais  uniquement  sa  tête ,  qui  prend  sa  première  consistance 
et  sa  couleur.  Il  n'y  croît  point ,  et  ses  parties  s'y  forment  et 
s'y  affermissent.  Sous  la  coque  de  l'œuf  est  une  pellicule  très 
fine  qui  l'enveloppe ,  et  que  l'on  peut  comparer  au  chorion 
ou  à  l'amnios.  Lorsque  l'humidité  intérieure  et  surabondante 
est  dissipée ,  et  que  les  membres  du  petit  ont  acquis  assez  de 
force  pour  pouvoir  rompre  la  coque ,  il  en  sort  ordinaire- 
ment par  une  ouverture  circulaire ,  soit  naturelle  ,  soit  exé- 
cutée par  ses  dents.  Il  avance  d'abord  sa  tête ,  qui  était  re- 
pliée en  dessous  -,  puis  il  développe  ses  organes ,  les  meut ,  et 
fait  sortir  ses  pâtes ,  s'il  en  est  pourvu  ,  les  unes  après  les 
autres. 

Tout  a  été  calculé  par  l'auteur  de  la  nature  pour  qu'il  ait  à 
sa  portée  ,  en  venant  au  jour,  les  alimens  qui  lui  ont  été  des- 
tinés. On  conçoit  dès-lors  que  les  œufs  pondus  aux  approches 
de  l'hiver  ne  doivent  éclore  que  lorsqu'une  température  plus 
élevée  aura  développé  les  substances  animales  ou  végétales  dont 
se  compose  cette  nourriture,  c'est-à-dire  au  printemps  ou  à 
l'été  de  l'année  suivante.  Si  la  durée  de  ces  alimens  est  fugace, 
si  la  chaleur  est  comparativement  plus  forle ,  l'éclosion  des 
œufs  sera  aussi  plus  prompte.  Quelques  heures  suffisent  pour 
ceux  de  quelques  diptères  \  pour  d'autres ,  même  en  été ,  il 
faut  une  ou  plusieurs  semaines.  La  plupart  des  femelles  se  bor- 
nent à  les  placer  dans  les  lieux  où  leurs  petits,  dès  leur  nais- 
sance, auront  à  leur  disposition  leurs  substances  alimentaires, 
ou  sur  ces  matières  mêmes  ^  mais  celles  d'un  grand  nombre 
d'hyménoptères  leur  préparent  un  nid,  où  elles  déposent  cette 
pâture ,  consistant ,  soit  en  cadavres  de  divers  autres  insectes 
ou  d'arachnides ,  soit  en  un  mélange  de  poussière  d'étamines 
et  de  miel.  Les  œufs  de  quelques  diptères  éclosent  dans  l'inté- 
rieur du  corps  de  leur  mère ,  et  ces  insectes  sont  alors  vwipares 
ou  oi^O'Vwipares .  Les  femelles  des  hippobosques  sont  encore , 
sous  ce  rapport,  plus  remarquables ,  en  ce  qu'elles  mettent  au 
monde  des  larves  déjà  prêtes  à  passer  à  l'état  de  nymphes  ,  ou 
en  ce  qu'elles  sont  pupipares. 


GÉKÉRALITÉS.  ^53 

Ces  réunions  de  trois  sortes  d'individus  dont  nous  avons 
parlé  ,  le  spectacle  de  leur  régime  ,  ces  soins  merveilleux  que 
prennent  les  mères  pour  la  conservation  de  leur  postérité , 
nous  conduisent  naturellement  à  l'examen  du  principe  qui  di- 
rige leurs  actions ,  ou  de  leurs  facultés  intellectuelles.  Faut-il , 
avec  quelques  auteurs,  leur  prêter  ces  combinaisons  d'idées 
et  ces  jugemens  qu'une  organisation  beaucoup  plus  parfaite  et 
beaucoup  plus  compliquée  permet  à  d'autres  animaux?  ou 
bien  doit-on  rapporter  tous  ces  faits  surprenans  à  une  cause 
purement  mécanique,  ou  à  une  disposition  naturelle  qui  rend 
ces  animaux  propres  à  exécuter,  sans  aucun  effort  de  leur  part, 
d'une  manière  déterminée  et  constante,  ce  qui  est  nécessaire 
au  soutien  de  leur  existence  et  à  la  propagation  de  leur  race , 
à  l'instinct  en  un  mot  ?  C'est  à  cette  dernière  idée  que  je  m'ar- 
rête (i).  Trop  passagers  sur  la  scène  de  la  nature ,  ils  n'avaient 
ni  le  temps  de  délibérer,  ni  celui  de  profiter  des  leçons  de 
l'expérience  ]  tout  faux  calcul  eût  compromis  le  sort  de  leur 
postérité^  l'instinct  pouvait  donc  seul  leur  servir  de  guide. 

L'abeille  vient  à  peine  de  naître,  qu'elle  se  met  déjà  au 
travail  -,  qu'elle  montre  les  talens  de  l'artiste  le  plus  expé- 
rimenté ;  qu'elle  exécute ,  dans  les  proportions  les  plus  régu- 
lières, sans  avoir  aucun  modèle,  sans  la  moindre  hésitation, 
un  ouvrage  qui  suppose  les  calculs  d'une  haute  géométrie ,  et 
dont  un  habile  mécanicien  ne  pourrait  venir  à  bout  qu'après 
de  longs  tâtonnemens  ,  et  avec  des  instrumens  dont  l'abeille 
est  dépourvue;  en  les  accordant  même  à  cet  insecte ,  il  lui  se- 
rait impossible  de  construire  d'avance  ses  alvéoles  dans  des 
proportions  convenables  au  nombre  de  la  population  future 


(i)  Ce  qui  suit  est  textuellement  copié  de  trois  de  mes  Mémoires;  le  premier,  in- 
titulé Considérations  nouvelles  et  générales  sur  les  insectes  vivant  en  société,  fut  lu  à  la 
séance  publique  de  l'Académie  des  Sciences,  du  17  mars  1817,  et  a  été  publié  dans 
le  recueil  des  Mémoires  du  Muséum  d'Histoire  naturelle;  le  second,  relatif  aux  mé- 
tamorphoses des  insectes,  a  été  imprimé  dans  la  seconde  édition  du  Nouveau  Dic- 
tionnaire d'histoire  naturelle,  à  l'article  Insectes;  enfin,  le  troisième,  ayant  pour 
objet  la  géographie  de  ces  animaux ,  a  été  aussi  communiqué  à  l'Académie  des 
Sciences  ,  et  fait  également  partie  des  Mémoires  du  Muséum  d'Histoire  naturelle. 


254  QUATRIEME    CLASSE.   —    INSECTES. 

qu'il  ne  prévoit  pas ,  et  de  donner  aux  alvéoles  qui  doivent 
renfermer  le  couvain  des  mâles  et  des  femelles ,  la  grandeur 
requise  pour  ces  individus  qui  n'existent  pas  encore.  Mais  la 
nature  a  été  le  précepteur  de  l'abeille ,  et  l'a  formée  géomètre. 
Ne  voyons -nous  pas  aussi  parmi  les  hommes  même  des  indi- 
vidus qui  naissent  avec  des  dispositions  heureuses  pour  les 
arts  mécaniques ,  et  y  excellent  sans  avoir  eu  de  maîtres  •,  les 
idées  les  plus  justes  et  les  plus  ingénieuses,  qui  sont  d'ordi- 
naire le  fruit  de  la  méditation  et  de  l'enseignement ,  se  pré- 
sentent ,  avec  vivacité  et  sans  efforts  ,  à  leur  esprit  -,  l'instinct 
le  plus  parfait  des  insectes  n'est  que  ce  don  accidentel  de  la 
nature  ,  converti  en  habitude  nécessaire ,  persévérante  et  se 
perpétuant  de  race  en  race.  Aux  causes  habituelles  et  stimu- 
lantes de  ce  penchant ,  telles  que  l'impression  qu'excitent  sur 
les  sens  les  objets  extérieurs,  la  faim,  le  désir  de  se  repro- 
duire, il  faut  ajouter  un  sentiment  prédominant,  celui  de  la 
conservation  de  la  postérité.  Pourquoi  l'abeille  neutre,  à  la- 
quelle la  maternité  est  interdite,  étant  mise,  dès  l'instant  de 
sa  naissance,  dans  une  ruche  neuve,  travaille-t-elle  aussitôt 
à  la  construction  de  ses  rayons  ?  si  ce  n'était  que  pour  sa 
propre  nourriture  ,  serait-il  nécessaire  qu'elle  se  livrât  à  des 
travaux  aussi  longs  et  aussi  pénibles  .^^  et  alors  pourquoi  se 
laisserait-elle  mourir  de  faim ,  lorsqu'elle  est  privée  de  cette 
reine  qui  doit  propager  sa  race  ?  qui  peut  lui  inspirer  ces  soins 
si  détaillés ,  si  attentifs  ?  pourquoi  les  femelles  des  insectes , 
lors  même  qu'elles  ont  vécu  isolées  et  solitaires,  déposent- 
elles  leurs  œufs  avant  de  terminer  leur  vie  ?  n'est-ce  pas  l'effet 
d'une  impulsion  intérieure  ou  d'un  sentiment  maternel  au- 
quel ces  animaux  sont  forcés  d'obéir  ?  Les  premiers  natura- 
listes, pénétrés  d'une  sorte  de  respect  pour  l'industrieuse 
société  des  abeilles ,  et  envisageant  aussi  son  utilité ,  leur  don- 
nèrent la  première  place  dans  leurs  classifications  méthodiques 
des  insectes  ^  mais  ,  à  cet  égard ,  l'organisation  intérieure  est 
le  caractère  essentiel  sur  lequel  nous  devons  nous  régler  :  le 
don  plus  ou  moins  étendu  de  l'instinct  serait  un  indice  peu 
fidèle.  Parmi  les  abeilles  elles-mêmes ,  on  trouve  plusieurs 


GÉNÉRALITÉS.  255 

espèces  qui,  bien  qu'extrêmement  rapprochées  par  leur  orga- 
nisation de  l'abeille  commune,  mais  vivant  solitaires,  lui  sont 
extrêmement  inférieures  sous  le  rapport  de  l'instinct.  La  per- 
fection de  cette  qualité  est  donc  en  quelque  sorte  accessoire  à 
l'organisation  de  l'animal.  Ainsi,  le  castor,  quoique  plus  in- 
dustrieux que  les  mammifères  carnassiers,  est  bien  au-dessous 
d'eux  quant  à  l'organisation.  On  voit  souvent  des  insectes  ras- 
semblés en  grande  quantité  dans  le  même  lieu;  mais  si  leur 
conservation  individuelle  est  leur  seul  motif  de  réunion  ,  s'ils 
ne  sont  là  que  parce  qu'ils  y  ont  trouvé  avec  plus  d'abondance 
des  alimens  qui  leur  sont  communs  ,  un  abri  où  ils  sont  moins 
exposés ,  soit  aux  intempéries  des  saisons ,  soit  aux  attaques  de 
leurs  ennemis,  ces  réunions  accidentelles  ne  peuvent  être 
considérées  comme  des  sociétés  proprement  dites.  Certaines 
cJienilles  que  l'on  a  désignées  sous  le  nom  de  communes ,  de 
processionnaires ,  déjà  rapprochées  les  unes  des  autres  lors- 
qu'elles étaient  sous  la  forme  d'œufs,  filent,  de  concert,  une 
toile  qui,  semblable  à  un  hamac  ou  à  une  tente,  leur  sert 
d'habitation  jusqu'à  leur  dernière  métamorphose.  Mais  ces 
travaux  n'ont  trait  qu'à  leur  propre  existence;  elles  ne  s'oc- 
cupent que  d'elles-mêmes  ;  point  de  famille  à  élever  ;  point  de 
peine  ni  de  soins  au  sujet  des  générations  auxquelles  elles  don- 
neront un  jour  naissance.  Il  règne  parmi  elles,  dit  Bonnet ,  la 
plus  parfaite  égalité;  nulle  distinction  de  sexe  et  presque  nulle 
distinction  de  grandeur;  toutes  se  ressemblent,  toutes  ont  la 
même  part  aux  travaux;  toutes  ne  composent  proprement 
qu'une  seule  famille  issue  de  la  même  mère.  Cette  société 
temporaire  est  dissoute  dès  le  moment  que  ces  chenilles  pas- 
sent à  l'état  de  chrysalides.  Tout  rentre  alors  dans  l'inertie, 
et  dans  un  isolement  absolu.  Il  n'en  est  pas  ainsi  des  sociétés 
dont  je  vais  vous  entretenir;  elles  se  distinguent  éminemment 
des  précédentes,  non  seulement  à  raison  des  différences  très 
remarquables  que  l'on  observe  dans  les  formes  extérieures  des 
individus  qui  les  composent ,  mais  encore  par  les  institutions 
qui  les  gouvernent.  Leur  fin  principale  est  l'éducation  des  pe- 
tits, et  ceux  même  qui ,  sous  la  forme  de  nymphes,  n'auront 


^56  QUATRIÈME    CLASSE.   IWSECTES. 

plus  besoin  de  nourriture  ,  trouveront  dans  des  sentinelles  ac- 
tives et  vigilantes  ,  de  prévoyans  défenseurs  contre  les  dangers 
qui  menacent  leur  existence.  A  l'époque  où  cette  éducation 
est  achevée ,  ces  associations  nous  offrent  trois  sortes  d'indi- 
vidus parfaits  et  jouissant  de  leurs  facultés  :  des  mâles,  des  fe- 
melles, et  des  individus  du  même  sexe,  mais  nuls  pour  la 
reproduction.  On  a  désigné  ces  derniers  sous  les  noms  de 
neutres ,  de  mulets  y  à^ ouvriers ,  et  même  sous  celui  de  soU 
dats,  comme  dans  les  termes  (i).  La  dénomination  d'ouvrier, 
employée  le  plus  souvent,  est  équivoque,  puisque  les  guêpes  et 
les  bourdons  femelles  sont  aussi  laborieux  que  ces  individus; 
celle  de  neutre  me  semble  donc  préférable.  Ces  sociétés  sont 
temporaires  ou  continues;  temporaires,  elles  doivent  leur  ori- 
gine à  une  femelle  qui ,  sans  aides,  et  abandonnée  à  ses  propres 
moyens ,  jette  les  fondemens  de  la  colonie,  et  trouve  bientôt 
des  auxiliaires  dans  les  neutres  qu'elle  commence  par  mettre 
au  monde  ;  telles  sont  les  sociétés  des  guêpes  et  des  bourdons  ; 
mais  celles  qui  sont  continues  nous  offrent  en  tout  temps  des 
neutres.  Tantôt ,  ainsi  que  parmi  les  fourmis  et  les  abeilles, 
ils  sont  chargés  exclusivement  de  tous  les  travaux  et  des  soins 
de  la  famille-,  tantôt  ils  n'ont  d'autres  fonctions  que  de  veiller 
à  la  défense  de  la  communauté ,  et  peut-être  à  la  conservation 
des  germes  de  la  race,  comme  dans  les  termes.  Les  contrées 
situées  entre  les  tropiques  sont  celles,  en  général ,  où  la  nature 
a  le  plus  d'énergie,  et  où  ces  réunions  d'insectes  sont  plus 
multipliées  et  plus  redoutables.  L'action  qu'exercent  sur  les 
substances  animales  et  végétales  les  insectes  qui  vivent  isolés 
et  solitaires,  est  ordinairement  lente,  et  ces  effets  ne  sont 
sensibles  qu'au  bout  d'un  temps  quelquefois  assez  long  -,  mais 
que  ces  animaux  soient  rassemblés  dans  le  même  lieu  en 
grandes  corporations  ;  qu'ils  forment,  comme  les  termes  et  les 
fourmis,  des  légions  innombrables;  bientôt,  malgré  leur  pe- 
titesse, ils  dévoreront  et  feront  disparaître  tout  corps  orga- 


(l)  royez  la  page  2 ',9. 


GENERALITES.  2^7 

iiisé  qu'ils  trouveront  privé  de  vie.  Le  but  de  l'Auteur  de  la 
nature ,  en  établissant  de  telles  sociétés  d'insectes  ,  paraît  donc 
avoir  été  d'augmenter  l'énergie  de  cette  force  active  et  réac- 
tive qui  maintient  l'équilibre  parmi  les  êtres  ,  et  qui ,  par  des 
créations  et  des  destructions  continuelles,  rajeunit  sans  cesse 
sur  notre  globe  la  matière  organisée.  Si  les  régions  voisines 
de  l'équateur  développent  des  productions  plus  nombreuses, 
le  nombre  des  agens  destructeurs,  par  une  juste  compensa- 
tion, y  est  aussi  bien  plus  considérable.  Des  millions  de  fourmis 
et  de  termes  travaillent  sans  cesse  à  purger  la  surface  du  sol 
des  cadavres  par  lesquels  l'air  serait  bientôt  corrompu  ,  et  tels 
sont  leur  voracité  et  leur  nombre  que  souvent  en  une  journée 
ces  armées  d'insectes-vautours  ont  dévoré  les  chairs  d'un  qua- 
drupède colossal .  A  leur  tour  ils  deviennent  lapâtured'une infi- 
nité d'oiseaux ,  de  reptiles  et  de  quadrupèdes  ,  sans  parler  des 
ennemis  que  leur  oppose  la  classe  d'animaux  dont  ils  font  eux- 
mêmes  partie.  Les  femelles  des  insectes  sociaux  sont  d'une  fé- 
condité prodigieuse.  Réaumur  évalue  à  douze  mille  le  nombre  des 
œufs  que  l'abeille  domestique  pond  au  printemps  dans  l'espace 
de  vingt  jours.  Mais  cette  fécondité  est  bien  inférieure  à  celle 
des  termes  du  même  sexe.  Leur  ventre ,  à  l'époque  de  la  ponte, 
est  tellement  distendu,  à  raison  du  nombre  des  œufs  dont  il 
est  rempli ,  que  cette  partie  est  alors  ,  suivant  Smeathman  , 
quinze  cents  ou  deux  mille  fois  plus  grosse  que  le  reste  de 
leur  corps  -,  son  volume  est  vingt  ou  trente  mille  fois  plus 
grand  que  celui  du  ventre  des  neutres-,  enfin  le  nombre  des 
œufs  que  la  femelle  pond  dans  l'espace  d'un  jour  s'élève  au- 
delà  de  quatre-vingt  mille.  Or,  cette  excessive  fécondité  des 
insectes  vivant  en  société ,  et  la  nature  des  alimens  dont  les 
petits  se  nourrissent ,   me  paraissent  établir  la  nécessité  de 
l'existence  d'une  troisième  sorte  d'individus  ou  des  neutres, 
qui  n'aient  de  la  maternité  que  les  affections,  sans  faculté  re- 
productive. 

Tous  ces  insectes,  à  l'exception  des  termes,  sont  du  nom- 
bre de  ceux  qui  subissent  des  métamorphoses  complètes  ,  et 


a 58  QUATRIEME    CLASSE.  INSECTES. 

qui,  dans  leur  premier  âge,  ont  la  forme  d'un  vermisseau  7 
très  mou  ,  sans  pieds ,  dont  la  bouche  est  si  petite  qu'elle  est 
à  peine  visible,  incapable,  en  un  mot,  de  pouvoir  lui-même 
suffire  à  ses  besoins.  D'ailleurs  vainement  chercherait-il  à  se 
procurer  sa  nourriture ,  puisqu'elle  consiste  en  matières  ani- 
males ou  végétales  ayant  subi  une  préparation  digestive.  Il 
est  certain  que ,  dans  cet  état  de  choses ,  des  secours  presque 
journaliers  lui  sont  indispensables.  Comment  les  mères,  si 
elles  eussent  été  seules ,  auraient-elles  eu  le  temps  et  la  force 
de  rassembler  des  magasins  de  vivres  pour  une  famille  aussi 
nombreuse  ?  Ces  provisions ,  celles  du  moins  qui  auraient  été 
recueillies  les  premières,  auraient- elles  pu  se  conserver  jus- 
qu'an  temps  où  les  petits  viendront  à  éclore  ?  Si  nous  prolon- 
geons au-delà  le  terme  de  l'existence  de  ces  mères,  et  si 
nous  leur  confions  l'éducation  de  leurs  enfans ,  les  difficultés 
croîtront  encore^  trouveront-elles  chaque  jour,  surtout  dans 
les  temps  pluvieux,  la  quantité  d'alimens  nécessaire?  Sup- 
posant même  qu'elles  s'en  procurent  en  abondance ,  auront- 
elles  le  temps  de  les  distribuer  à  leurs  petits  ?  Comment  pour- 
raient-elles aussi  veiller  sur  eux ,  et  les  préserver  d'un  nombre 
infini  de  périls  qui  les  menacent  ?  Il  n'en  est  pas  ainsi  des  in- 
sectes solitaires  :  leur  famille,  peu  nombreuse,  isolée,  cachée, 
n'occupant  qu'un  très  petit  espace  ,  peut  aisément  se  soustraire 
aux  recherches  de  ses  ennemis.  Mais  les  insectes  réunis  en 
grand  nombre  dans  le  même  nid  ont  plus  de  chances  défa- 
vorables à  courir  5  n'avons-nous  pas  été  souvent  touchés  de 
la  sollicitude  des  fourmis  neutres  pour  leur  famille  lorsque 
leur  habitation  éprouve  quelque  désordre  ?  Observez-les  sur- 
tout au  moment  où  la  pluie ,  pénétrant  la  terre  en  trop  grande 
abondance,  peut  atteindre  les  galeries  où  les  petits  sont  dé- 
posés -,  voyez  avec  quelle  vivacité  elles  les  saisissent  et  les 
transportent  à  de  plus  grandes  profondeurs  !  l'orage  a-t-il 
cessé  et  le  soleil  a-t-il  séché  leur  asile ,  considérez  avec  quel 
soin  elle  les  rapportent  au  faîte  de  l'édifice  pour  les  exposer 
à  l'influence  d'une, bienfaisante  chaleur!  La  conservation  de 


GÉNÉRALITÉS.  269 

ces  animaux  et  la  prospérité  de  leur  famille  ne  pouvaient 
donc  être  assurées  que  par  Télablissement  d'un  ordre  parti- 
culier et  nombreux  d'individus  qui  suppléassent  aux  fonctions 
des  mères,  et  qui  n'en  n'eussent  même  que  les  sentimens  et 
les  affections.  La  nature,  en  formant  ici  des  neutres,  s'est 
vue  contrainte  de  s'écarter  de  ses  lois  ordinaires  pour  que  son 
ouvrage  subsistât ,  et  sa  prévoyance  a  modifié  ses  ressources 
selon  les  circonstances  où  les  êtres  devaient  être  placés.  Par 
exemple,  elle  a  suivi  un  autre  plan  à  l'égard  des  termes 
dont  les  jeunes  individus  n'ont  point  cette  faible  enfance,  et 
ne  diffèrent  de  ceux  qui  sont  adultes  que  par  une  taille  plus 
petite  ,  l'absence  ou  la  brièveté  des  ailes ,  et  quelques  autres 
particularités  peu  importantes^  alors  les  neutres  ,  justement 
appelés  soldats,  ont  une  grande  tête,  de  fortes  mâchoires 
{rnandibules)  agissant  en  manière  de  pinces  ,  et  ne  composent 
^uère  que  la  centième  partie  de  la  population  \  ils  en  sont 
simplement  les  vedettes  et  les  défenseurs.  Les  autres  indi- 
vidus ,  jusqu'au  moment  où  leurs  organes  sont  entièrement 
développés,   demeurent   exclusivement  chargés  de  tous  les 
travaux  intérieurs.  Encore  délicats  et  sans  défense ,  ils  ont 
seulement  besoin  d'être  garantis  de  l'impression  trop  forte  de 
la  chaleur,  et  des  attaques  des  ennemis  qui  pourraient  s'in- 
troduire dans  leur  habitation.  En  travaillant  à  couvert  et  dans 
des  galeries  souterraines,  ils  évitent  le  premier  de  ces  dan- 
gers -,  les  neutres  armés  les  préviennent  contre  le  second ,  et 
la  société  se  maintient  par  cette  réciprocité  de  services.  Une 
activité  commune  à  tous  les  membres  de  la  population  dis-» 
tingue  ainsi  la  société  des  termes ,  qui  sont  un  des  plus  ter^ 
ribles  agens  de  destruction  des  contrées  équatoriales.  Comme 
ils  ne  travaillent  que  dans  leur  enfance,  et  qu'à  cet  âge  ils 
sont  privés  d'ailes  ou  n'en  ont  que  les  rudimens ,  ils  ressem- 
blent alors  beaucoup,  parleurs  habitudes,  aux  fourmis.  Ce- 
pendant leur  puUulation  étant  bien  plus  grande ,  ils  con- 
struisent des  habitations  plus  vasies ,  plus  solides ,  et  comme 
leurs  besoins  sont  plus  grands ,  leur  force  destructive  est  aussi 
plus  puissante.  On  peut  d'autant  moins  s'opposer  à  leurs  in- 


a6o  QUATRIÈME    CLASSE.  INSECTES. 

vasions  qu'ils  agissent  dans  les  Jénèbres ,  et  qu'ils  échappent 
ainsi  aux  regards  de  l'homme  et  à  sa  vengeance.  L'historien 
de  ces  insectes  ,  Smeathman  ,  n'a  pas  connu  leurs  nymphes  ^ 
les  individus  qu'il  semble  considérer  comme  tels  sont  des 
neutres,  et  sont  ceux  qui  défendent  l'habitation;  les  indi- 
vidus qu'il  appelle  ouvriers  ne  sont  que  des  termes  dans  leur 
premier  âge ,  ou  en  forme  de  larves  :  ces  insectes  ne  subis- 
sent pas  leur  dernière  métamorphose  à  la  même  époque.  Les 
individus  moins  avancés  recueillent  les  femelles  qui  ont  été 
fécondées  ,  et  prennent  soin  des  œufs.  Les  termes  forment 
donc ,  sous  tous  les  rapports ,  une  société  très  distincte  de 
celle  des  fourmis  ,  des  guêpes ,  des  bourdons  et  des  abeilles , 
insectes  qui  subissent  tous  une  métamorphose  parfaite.  Ces 
dernières  sociétés ,  d'après  la  considération  des  organes  du 
mouvement ,  sont  établies  sur  trois  modèles  :  dans  l'une ,  telle 
que  celle  des  fourmis ,  les  neutres  sont  dépourvus  d'ailes ,  et 
n'ont ,  pour  la  confection  de  leurs  travaux ,  d'autres  instru- 
mens  que  les  parties  de  la  bouche. 

Tous  les  individus  des  autres  sociétés  ont  des  ailes ,  mais 
les  guêpes  ne  sont  pas  mieux  partagées  que  les  fourmis  à 
l'égard  des  moyens  directement  propres  à  l'exécution  de  leurs 
ouvrages.  Il  n'en  est  pas  ainsi  des  bourdons  et  des  abeilles  5 
les  jambes  et  les  tarses  de  leurs  pâtes  postérieures  ont  une 
forme  particulière  qui  leur  permet  de  récolter  le  pollen  des 
fleurs.  Ces  insectes  ont  en  outre  des  organes  destinés  unique- 
ment à  élaborer  et  à  sécréter  le  miel  et  la  cire.  Ainsi  que 
parmi  les  guêpes ,  la  femelle  fait  partie  intégrante  de  la  so- 
ciété tout  le  temps  qu'elle  subsiste  :  les  femelles  des  guêpes 
et  des  bourdons  commencent  même  l'établissement,  et  sont 
fondatrices  en  même  temps  que  mères.  Ces  différences  orga- 
niques ont  une  grande  influence  sur  l'instinct  de  ces  insectes; 
car  la  perfection  de  leurs  ouvrages  est  proportionnée  à  leurs 
moyens.  Privées  d'ailes,  les  fourmis  neutres  vivent  à  terre  ou 
s'établissent  dans  les  fentes  des  murs  et  des  arbres,  à  peu 
d'élévation  au-dessus  du  sol.  Celles  qui  construisent  des  habi- 
tations emploient  un  temps  considérable  à  charrier  les  maté- 


GÉNÉRALITÉS.  261 

riaux  qui  doivent  les  composer  ;  aussi  se  contentenl-elles  do 
les  rapprocher  et  d'y  pratiquer  diverses  routes  conduisant  au 
séjour  de  la  famille  qu'elles  élèvent.  Tous  leurs  ouvrages  sont 
d'une  construction  rustique  et  simple.  Les  guêpes,  les  bour- 
dons et  les  abeilles,  auxquels  les  organes  du  vol  donnent 
la  facilité  de  s'éloigner  rapidement  et  à  de  grandes  distances 
de  leur  domicile,  et  d'y  revenir  avec  autant  de  célérité,  après 
avoir  récolté  les  matières  de  leur  choix ,  sont  plus  favorisés 
dans  leurs  travaux.  Leurs  produits  sont  connus,  et  l'objet  de 
notre  admiration  ;  mais  l'observation  suivante  me  paraît  avoir 
échappée  aux  historiens  de  ces  animaux.  De  toutes  les  sub- 
stances qu'il  est  possible  de  mettre  en  œuvre,  celles  qu'ils 
préfèrent  sont  les  plus  propres  à  la  construction  d'un  édifice , 
qui,  suspendu  dans  les  airs,  soit,  sous  un  volume  donné,  le 
mieux  distribué  pour  le  nombre  de  la  population ,  le  moins 
pesant  et  le  plus  solide,  relativement  à  la  durée  de  la  société. 
Ainsi  les  nids  des  guêpes  sont  de  carton  ou  d'un  papier  très 
épais,  dans  la  construction  duquel  domine  la  matière  ligneuse. 
L'abeille  sait  recueillir  et  préparer  une  substance  résineuse, 
susceptible ,  par  sa  ductilité  ,  d'être  réduite  en  lames  très 
minces ,  d'être  façonnée  au  gré  de  l'animal ,  en  un  mot ,  la 
cire,  matière  pareillement  résistante  et  légère,  dont  l'abeille 
est  seule  le  fabricant.  I/entrée  des  pièces  qui  composent  l'édi- 
fice est  tantôt  verticale,  tantôt  horizontale,  mais  toujours 
inférieure ,  ce  qui  met  ses  habitans  à  l'abri  de  la  pluie ,  lors 
même  que  des  murs  solides  ne  les  protègent  pas.  L'abeille  est, 
de  tous  ces  insectes,  celui  dont  l'instinct  est  le  plus  parfait, 
le  seul  qui  n'ait  point  d'habitudes  carnassières,  et  son  existence 
est  un  bienfait  de  la  nature  ;  les  autres  sont  nés  pour  la  des- 
truction. Elle  semble,  au  contraire,  être  faite  pour  assurer 
la  fécondation  des  végétaux ,  en  transportant  des  uns  aux  au- 
tres le  pollen  de  leurs  fleurs ,  que  les  vents  seuls  n'auraient 
pas  aussi  certainement  propagé  ^  elle  a ,  seule  ,  une  brosse  et 
une  corbeille  pour  recueillir  ce  pollen  ,  une  espèce  de  siphon 
pour  puiser  le  miel ,  et  des  organes  spéciaux  et  intérieurs  où 
il  est  reçu,  et  011  il  s'élabore  et  se  convertit  en  cire.  Les 


9/6-2  QUATRIEME    CLASSE.   INSLCTES. 

rayons  qu'elle  construit  sont  disposés  sur  un  plan  vertical ,  et 
garnis  de  deux  cotés  d'alvéoles,  tandis  que  ceux  des  guêpes 
sont  toujours  horizontaux,  et  n'offrent  qu'un  seul  rang  de  cel- 
lules. La  société  des  guêpes  est  temporaire  -,  celle  des  abeilles , 
dont  le  régime  est  d'ailleurs  monarchique,  est  durable,  et  ne 
cesse  que  par  des  circonstances  accidentelles.  Notre  abeille 
domestique  peut  s'acclimater  partout-,  elle  brave  les  froids  de 
la  Sibérie ,  comme  les  chaleurs  de  la  zone  torride ,  où  les 
Européens  l'ont  transportée.  Quoique  l'instinct  de  ces  insectes 
soit  assujetti  à  une  marche  uniforme ,  il  est  cependant  des  cas 
extraordinaires  où,  pour  le  salut  de  leur  race,  ils  varient  leurs 
procédés  :  l'Auteur  de  la  nature  a  prévu  ces  circonstances 
particulières,  et  a  permis  à  l'instinct  de  se  modifier  avec  elles 
,  autant  qu'il  le  fallait  pour  la  permanence  des  sociétés  qu'il 
avait  formées.  C'est  ainsi  que,  pour  réparer  la  perte  des  abeilles 
femelles,  l'unique  espoir  de  leurs  sociétés,  il  apprend  aux 
abeilles  neutres  à  transformer  la  larve  d'un  individu  de  leur 
caste ,  qui  n'est  pas  âgé  de  plus  de  trois  jours,  en  une  larveJ 
de  reine  ou  de  femelle  :  c'est  ainsi  encore  que  cette  espèce] 
d'abeille  solitaire  (osmie  du  pavot)  qui  revêt  l'intérieur  d( 
l'habitation  de  ses  petits  d'une  tenture  formée  de  morceau: 
arrondis  de  pétales  de  coquelicot,  emploie  au  même  usage,] 
lorsqu'elle  en  est  dépourvue ,  les  pétales  de  fleurs  de  navette  :| 
il  est  évident  que,  dans  cette  occasion,  le  sentiment  intérieui 
qui  la  guide  sait  se  plier  à  la  nécessité.  Les  sociétés  dont 
nous  avons  parlé  jusqu'ici  sont  toutes  composées  d'individus 
de  la  même  espèce  -,  mais  deux  sortes  de  fourmis ,  que  l'on 
désigne  par  les  dénominations  de  roussâtre  et  de  sanguine , 
nous  présentent  à  cet  égard  un  fait  bien  étrange ,  dont  l'ob- 
servation est  due  à  M.  Hubert  fils.  Les  sociétés  de  ces  insectes 
sont  mixtes-,  on  y  trouve,  outre  les  trois  sortes  d'individus 
ordinaires,  des  neutres  provenus  d'une,  ou  même  de  deux 
autres  espèces  de  fourmis ,  enlevés  de  leurs  foyers  sous  la 
forme  de  larves  ou  de  nymphes.  Les  neutres  de  l'espèce  rous- 
sâtre composent  un  peuple  de  guerriers,  et  de  là  viennent 
les  noms  d'amazones,  de  légionnaires,  sous  lesquels  M.  Hu- 


GÉNÉRALITÉS.  ^63 

hcrt  les  a  désignés.  Vers  le  moment  où  la  chaleur  du  jour 
commence  à  décliner,  si  le  temps  est  favorable ,  et  régulière- 
ment à  la  même  heure ,  du  moins  pendant  plusieurs  jours 
consécutifs ,  ces  fourmis  quittent  leur  nid ,  s'avancent  sur  une 
colonne  serrée,  et  plus  ou  moins  nombreuse,  selon  la  popu- 
lation, se  dirigent  jusqu'à   la   fourmilière  qu'elles  veulent 
envahir,  y  pénètrent  malgré  la  résistance  des  propriétaires, 
saisissent  avec  leurs  mâchoires  les  larves  ou  les  nymphes  des 
fourmis  neutres  de  l'habitation ,  et  les  transportent ,  en  sui- 
vant le  même  ordre  ,  dans  leur  propre  domicile.   D'autres 
fourmis  neutres  de  l'espèce  conquise ,  nées  parmi  ces  guer- 
riers ,  et  autrefois  arrachées  aussi  dans  l'état  de  larves  à  leur 
terre  natale,  prennent  soin  des  larves  nouvellement  appor- 
tées, ainsi  que  de  la  postérité  même  de  leurs  ravisseurs.  Ces 
fourmis  étrangères,   que  M.  Hubert  compare  à  des  nègres 
esclaves  et  à  des  ilotes,  appartiennent  aux  espèces  que  j'ai 
désignées,  dans  mon  histoire  de  ces  insectes,  sous  les  noms 
de  noir-cendrée  et  de  mineuse.  Les  fourmis  amazones  s'em- 
parent indistinctement  de  l'une  ou  de  l'autre.   J'avais  été 
témoin,  en  1802,  d'une  de  leurs  excursions  militaires.  L'ar- 
mée traversait  une  de  nos  grandes  routes ,  dont  elle  couvrait 
la  largeur  sur  un  front  d'environ  deux  pieds.  J'attribuais  ces 
mouvemens  à  une  émigration  forcée.  Cependant,  d'après  la 
forme  de  cette  espèce,  j'avais  déjà  soupçonné,  avant  que 
M.  Hubert  en  publiât  l'histoire  ,  qu'elle  avait  des  habitudes 
particulières.  J'ai  depuis  retrouvé  cette  fourmi  dans  les  bois 
des  environs  de  Paris ,  et  tous  les  faits  avancés  par  ce  natura- 
liste ont  été  vérifiés.  J'essaierai  ici  d'en  donner  une  explication, 
et  de  prouver  qu'ils  sont  en  harmonie  avec  d'autres  lois  déjà 
connues.  Les  fourmis'neutres  enlevées  par  les  guerriers  de  la 
fourmi  amazone ,  ne  sont  qu'expatriées  ,  et  leur  condition 
n'éprouve  aucun  changement.  Toujours  libres,  toujours  des- 
tinées aux  mêmes  services,  elles  retrouvent  dans  une  autre 
lîmille  des  objets  qui  les  auraient  attachées  à  la  leur,  et  même 
desrjgtits  (Je  jç^j,  propre  espèce  :  elles  les  élèvent  ainsi  que 
c€ux  ig  leurs  conqucrans.  Ne  voyons-nous  pas  plusieurs  de 


204  QUATRIÈME    CLA.SSE.  INSECTES. 

nos  oiseaux  domestiques  nous  donner  l'exemple  de  pareilles 
adoptions,  et  se  méprendre  dans  l'objet  de  leur  tendresse 
maternelle  ,  les  fourmis  ne  sont  donc  ni  des  esclaves  ni  des 
ilotes.  Afin  de  diminuer  certaines  races  et  d'en  propager  d'au- 
tres, la  nature,  toujours  fidèle  à  son  système  d'actions  et  de 
réactions,  a  voulu  que  plusieurs  animaux  vécussent  aux  dé- 
pens de  quelques  autres.  Les  insectes,  dont  les  espèces  sont  si 
multipliées,  nous  en  fournissent  une  infinité  de  preuves;  c'est 
ainsi  que ,  dans  la  famille  des  abeilles ,  celles  qui  forment  le 
genre  des  nomades  vont  déposer  leurs  œufs  dans  les  nids  que 
d'autres  abeilles  ont  préparés  à  leurs  petits ,  et  les  provisions 
que  celles-ci  avaient  rassemblées  deviennent  la  proie  de  la 
postérité  des  nomades.  Ces  sortes  de  larcins  eussent  été  in- 
suffisans  à  des  insectes  qui ,  comme  les  fourmis  amazones , 
sont  réunis  en  grandes  corporations;  les  vivres  auraient  bien- 
tôt été  épuisés.  Il  n'y  avait  de  remède  sûr  que  de  s'approprier 
ceux  qui  les  récoltent,  et  de  profiter,  non  seulement  de  leurs 
labeurs  d'un  jour,  mais  de  ceux  de  toute  leur  vie.  Au  sur- 
plus, il  était  physiquement  impossible  aux  fourmis  amazones, 
d'après  la  forme  de  leurs  mâchoires  et  des  parties  accessoires 
de  leur  bouche ,  de  préparer  des  habitations  à  leur  famille , 
de  lui  procurer  des  alimens,  et  de  la  nourrir.  Leurs  grandes 
mâchoires,  en  forme  de  crochets,  annoncent  qu'elles  ne  sont 
destinées  qu'au  combat.  Leurs  sociétés  sont  peu  répandues, 
au  lieu  que  celles  des  fourmis  noir-cendrées  et  mineuses  sont 
très  abondantes  dans  notre  climat.  Par  leurs  habitudes  para- 
sites ,  ces  fourmis  amazones  mettent  un  obstacle  à  la  trop 
grande  propagation  des  dernières,  et  l'équilibre  est  rétabli. 
Les  fourmis  sanguines,  assez  rares  en  France,  très  rappro- 
chées ,  quant  à  leurs  organes  et  leur  amour  du  travail ,  des 
fourmis  communes ,  semblaient  devoir  se  passer  d'auxiliaires; 
aussi  ne  se  livrent -elles  à  ces  déprédations  que  dans  une 
extrême  nécessité.  M.  Hubert  remarque  qu'elles  n'altaquen»^ 
que  cinq  ou  six  fois ,  dans  un  été ,  les  fourmis  noir-cendrép  > 
et  qu'elles  emportent  beaucoup  moins   d'individus  qur  les 
iourmis  amazones.  Celles-ci  sont  presque  toujours  en  cotises, 


GÉNÉRALITÉS.  265 

dans  Tété ,  lorsque  le  temps  est  beau  -,  les  précédentes  étant 
très  carnassières,  presque  toujours  occupées  de  chasse,  sor- 
tant souvent  ensemble,  afin  de  se  prêter  des  secours  dans  les 
dangers,  seraient  obligées  de  laisser  leur  famille  sans  défense; 
elles  chargent  de  ce  soin  les  fourmis  noir-cendrées  ,  qu'elles 
ont  associées  à  leurs  travaux.  Mais  les  fourmis  sanguines  se 
procurent  encore,  et  par  des  procédés  également  violens, 
d'autres  auxiliaires,  les  neutres  des  fourmis  mineuses;  leurs 
sociétés  offrent  ainsi  trois  sortes  de  neutres ,  dont  deux  étran- 
gères. On  a  soupçonné  ,  d'après  les  observations  relatives  aux 
abeilles,  et  rapportées  plus  haut,  que  les  individus  neutres 
tiraient  leur  origine  de  femelles  imparfaites,  sous  le  rapport 
des  facultés  génératrices ,  et  qui  auraient  formé ,  par  voie  de 
génération  ,  avec  le  laps  de  temps ,  une  race  particulière  et 
constante.  Mais  je  crois  avoir  prouvé  que  le  régime  po- 
litique des  insectes  sociaux  émanait  d'un  plan  général  , 
complet,  parfaitement  ordonné,  et  que  l'existence  des  neu- 
tres était  liée  au  maintien  de  cet  état  des  choses.  Nous 
avons  vu  encore  qu'une  impérieuse  nécessité  maîtrisait  toutes 
leurs  actions  ;  tout  changement  dans  leur  manière  de  vivre 
est  donc  impossible  ,  d'autant  plus  que  ces  animaux  ,  à  l'ex- 
ception des  abeilles  ,  ne  sont  point  du  nombre  de  ceux 
que  l'homme  a  fait  entrer  dans  son  domaine  ,  et  dont  il 
peut  modifier,  jusque  dans  certaines  limites  ,  les  propriétés. 
Si  on  ne  veut  point  admettre  un  plan  primitif,  que  l'on 
me  dise  d'où  proviennent  ces  différences  extérieures  et  si 
frappantes  que  l'on  remarque  entre  les  neutres  et  les  fe- 
melles capables  de  se  reproduire  ,  celles  ,  par  exemple  , 
que  nous  offrent  comparativement  les  pieds  et  les  mâchoires 
des  abeilles ,  le  thorax  des  fourmis ,  la  tète  des  termes  ? 
que  l'on  m'explique  l'origine  de  ces  insectes  et  de  quelques 
lois  si  extraordinaires  de  leurs  gouvernemens ,  par  exemple 
cette  proscription  générale  à  laquelle  sont  voués  les  mâles 
des  abeilles ,  devenus  inutiles ,  et  les  larves  et  les  nymphes 
des  guêpes  qui  n'ont  pu  se  développer  avant  l'arrivée  des 
mauvais  temps?  Comment  encore  les  fourmis  amazones  ont- 


a 66  QUATRIÈME    CLASSE.   INSECTES. 

elles  pu  acquérir  ce  tact  si  fin  par  lequel  elles  discernent , 
toujours  sans  erreur,  les  larves  et  les  nymphes  des  fourmis 
neutres,  qu'elles  enlèvent  pour  la  prospérité  de  leur  race? 
Quoique  les  abeilles  puissent  transformer,  dans  quelques  cir- 
constances, des  larves  d'abeilles  neutres  en  celles  de  mères  ou 
de  femelles,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  les  germes  de  ces 
larves  neutres  existent,  et  sous  un  nombre  déterminé,  dans  le 
ventre  de  leur  mère-,  qu'elle  sait  distinguer  les  alvéoles  qui 
leur  sont  propres.  Enfin  les  insectes  qui ,  dans  le  premier  âge , 
n'ont  pas  été  aussi  bien  nourris  qu'ils  auraient  pu  l'être  dans 
un  état  ordinaire,  ne  diffèrent  absolument  que  par  la  petitesse 
de  leur  taille  ,  de  ceux  qui ,  à  la  même  époque  de  leur  vie , 
n'ont  pas  éprouvé  de  semblables  privations.  De  tout  ce  que 
je  viens  d'exposer,  je  me  plais  à  déduire  cette  conséquence  : 
les  lois  qui  régissent  les  sociétés  des  insectes,  celles  même  qui 
nous  paraissent  les  plus  anomales ,  forment  un  système  com- 
biné avec  la  sagesse  la  plus  profonde,  établi  primordialement, 
et  ma  pensée  s'élève  avec  un  respect  religieux  vers  cette  rai-  ,, 
son  éternelle  qui ,  en  donnant  l'existence  à  tant  d'êtres  divers, 
a  voulu  en  perpétuer  les  générations  par  des  moyens  sûrs  et 
invariables  dans  leur  exécution  ,  cachés  à  notre  faible  intelli- 
gence ,  mais  toujours  admirables.  Portons  maintenant  nos 
regards  sur  les  insectes  considérés  dans  leur  enfance  ,  ou  dans 
les  divers  changemens  qu'ils  éprouvent ,  et  qu'on  a  nommés 
métamorplioses . 

Nous  avons  souvent  rencontré  ,  dans  nos  promenades  ou 
dans  nos  courses ,  des  femelles  de  papillons  et  de  divers  autres 
insectes,  occupées  à  faire  leur  ponte.  Nous  avons  pu  remar- 
quer leurs  œufs  ;  nous  avons  pu  observer  leurs  figures  variées 
et  régulières  ,  la  disposition  symétrique  qu'ils  forment  par 
leur  assemblage ,  la  manière  dont  ils  sont  fixés ,  la  nature 
presque  liquide  et  la  couleur  ordinairement  blanchâtre  de 
leur  substance  intérieure-,  enfin  nous  avons  appris  à  les  dis- 
tinguer des  corps  qui  n'ont  qu'une  forme  analogue  ,  et  sur- 
tout de  plusieurs  graines  de  végétaux  avec  lesquelles  on  serait 
tenté  de  les  confondre.  Or,  supposons  qu'une  curiosité  bien    I 


!  GIÉNÉR/VLITÉS.  267 

louable ,  aiguillonnée  par  le  désir  de  s'instruire  ,  nous  invite 
à  suivre  la  destinée  de  ces  œufs  et  à  connaître  les  animaux  qui 
y  prennent  naissance,  il  nous  vient  aussitôt  en  pensée  de  ra- 
I  masser  une  certaine  quantité  de  ces  œufs  ,  et  d'en  choisir  le 
I  plus  de  variétés  possibles.  Mais  une  difficulté  nous  arrête-, 
quels   alimens  donnerons -nous  aux  animaux,   lorsqu'ils  se 
montreront  pour  la  première  fois  à  la  lumière  du  jour?  Inter- 
rogeons la  nature  ,  qui  met  tant  de  soins  à  conserver  les  races 
des  êtres  répandus  sur  notre  globe.  Elle  nous  répondra  que  la 
mère  a  déposé  les  germes  de  sa  postérité  dans  les  lieux  où  les 
petits,  venant  à  éclore,  trouveront  à  leur  bienséance  la  nour- 
riture qui  leur  est  propre.  Recueillons  donc,  avec  les  œufs, 
les  substances  végétales  ou  animales  sur  lesquelles  ils  sont 
placés,  ou  qui  les  avoisinent.  A  une  époque  déterminée,  va- 
riable, selon  la  disposition  ou  la  reproduction  des  substances 
qui  doivent  servir  de  nourriture  aux  espèces,  et  subordonnée 
à  l'influence  momentanée  de  l'atmospbère  ,  nous  vovons  pa- 
raître des  animaux  ,  ayant  des  conformations  plus  ou  moins 
diverses  ^  les  uns  ont  une  grande  ressemblance  avec  les  pu- 
naises de  nos  jardins,  nos  sauterelles^  on  prendrait  les  autres 
pour  de  petits  vers,  mais  ayant  six  pieds  ^  ceux-ci  en  ont  un 
plus  grand  nombre ,  et  à  ce  caractère ,  à  la  forme  étroite  et 
allongée  de  leur  corps ,  nous  y  reconnaissons  sans  peine  de 
très  jeunes  chenilles-,  en  voilà  qui  sont  tout-à-fait  dépourvus 
de  pâtes ,  et  dont  la  physionomie  est  celle  d'un  vermisseau  : 
nous  avions  trouvé  leurs  œufs  sur  de  la  viande.  Ayons  l'at- 
tention de  séparer  par  espèces  ces  animaux ,  et  de  leur  fournir 
la  pâture  qui  leur  convient.  Dans  le  cas  que  plusieurs  d'entre 
eux  refusent  les  alimens  que  nous  leur  présentons ,  nous  pou- 
vons trouver  dans  nos  jardins  ou  à  la  campagne  des  animaux 
parfaitement  identiques ,  dans  l'instant  où  ils  prennent  leur 
repas  ,  connaître  ainsi  les  mets  qui  sont  de  leur  goût ,  et  l'édu- 
cation que  nous  ferons  de  ces  derniers  nous  conduira  au  même 
but.  Bien  tôt  nos  nourrissons  grandissent  à  vued'œil^  quelques 
uns  cependant  paraissent  languir,  faire  abstinence  et  rester  à 
la  même  place.  Nous  ne  tardons  pas  à  en  découvrir  la  cause; 


a63  QUATKIEME    CLASSE.   INSECTES. 

ils  se  préparaient  à  une  mue  ou  à  un  changement  de  peau ,  et 
c'était  pour  eux  un  état  de  crise.  Si  nous  continuons  notre 
examen  ,  et  sans  négliger  aucun  de  ces  animaux,  nous  demeu- 
rerons convaincus  que  cette  habitude  de  muer  est ,  pour  eux , 
une  loi  presque  générale,  et  dont  l'exécution  se  renouvelle 
quatre  à  cinq  fois.  Mais  quelle  est  l'utilité  de  ces  mues?  L'ob- 
servation nous  l'apprendra  peut-être.  En  effet,  nous  voyons 
que  quelques  uns  de  ces  animaux ,  ne  cessant  pas  d'ailleurs 
d'agir  et  de  manger,  ont  sur  le  dos  ,  immédiatement  à  la  suite 
d'une  mue ,  de  petites  pièces  que  nous  n'avions  pas  encore 
aperçues,  et  nous  ne  doutons  point  qu'à  raison  de  leur  forme 
et  de  leur  situation  elles  ne  soient  des  commencemens  d'ailes. 
D'autres  élèves  ne  prennent  plus  de  nourriture ,  et  leur  état 
stationnaire  nous  surprend  par  sa  durée  ;  mais  nous  sommes 
encore  plus  étonnés  de  les  voir  se  former  autour  d'eux  une 
sorte  de  berceau ,  de  construire  une  habitation  ,  dont  leur 
propre  corps  même  leur  fournit  les  matériaux.  Ils  ont  rempli 
leur  tâche  ,  et  les  voilà  dans  une  retraite  qui  les  dérobe  à  nos 
yeux. 

Tenons-nous  en  garde  contre  la  précipitation  ,  et  retenons 
l'impatience  où  nous  sommes  de  savoir  ce  qui  se  passe  à  l'in- 
térieur. Nous  pourrions  suspendre  le  cours  des  opérations  de 
la  nature,  en  empêcher  même  les  effets.  Quelques  jours  se 
sont  écoulés  ,  et  nous  forçons  l'entrée  de  plusieurs  de  ces  ha- 
bitations, qui  ont,  pour  la  plupart,  la  forme  d'une  coque. 
Qu'y  voyons-nous  ?  un  animal  presque  sans  vie,  ayant  des 
organes  entièrement  analogues  à  ceux  des  insectes  qui  volent 
autour  de  nous ,  mais  mous ,  rapetisses  et  d'une  teinte  uni- 
forme ,  tirant  sur  le  blanc  ou  sur  le  jaunâtre.  Mais  bientôt  les 
coques  auxquelles  nous  n'avions  pas  touché  ,  sont  percées  et 
livrent  passage  à  l'insecte  captif.  Il  marche  ,  il  agite  ,  étend 
ses  ailes  et  ses  pieds  en  tout  sens  ^  toutes  ses  parties  se  déve- 
loppent ,  reçoivent ,  par  l'action  de  l'air ,  la  solidité  et  le  co- 
loris plus  ou  moins  brillant  qui  leur  sont  propres  ;  en  un  mot 
l'insecte  devient  semblable  à  tant  d'autres  qui  s'offrent  jour- 
nellement à  notre  vue  ,  et  dont  la  multiplicité  nous  incom- 


GÉNÉRALITÉS.  269 

mode.  Ceux  mêmes  sur  lesquels  nous  avions  déjà  observé  des 
rudimens  d'ailes ,  dont  l'activité  et  les  habitudes  n'ont  pas  été 
interrompues  ,  ont  maintenant  des  ailes  parfaites ,  et  qui  leur 
permettent  de  prendre  l'essor.  Nous  avons  donc  été  témoins  de 
changcmens  bien  extraordinaires ,  et  qui  retracent  à  notre 
imagination  les  métamorphoses  (i)  de  la  Mythologie.  Puis- 
qu'elles sont  aussi  merveilleuses,  pourquoi  ne  les  désignerions- 
nous  pas  de  la  même  manière?  Cette  série  instructive  d'ob- 
servations nous  apprend  que  les  animaux  dont  nous  avons 
suivi  la  croissance,  passent  successivement  par  trois  sortes 
d'élat  (2)  ,  et  qui  sont  autant  de  grandes  périodes  de  leur  vie. 
Dans  le  premier,  ils  n'ont  point  d'ailes  :  quelques  uns  même 
n'ont  aucun  organe  du  mouvement^  dans  le  second,  n'importe 
que  ces  animaux  soient  agiles  ou  dans  une  espèce  de  léthargie 
apparente  ,  ces  mêmes  organes  ont  commencé  à  paraître  , 
quoique  plus  petits  et  raccourcis  ^  le  troisième ,  enfin ,  nous 
montre  l'insecte  jouissant  de  toutes  ses  facultés,  et  tel  qu'il 
sera  jusqu'à  la  fin  de  sa  carrière.  Il  est  donc  prouvé  que  ces 
métamorphoses  développent  graduellement  l'animal ,  et  que 
les  peaux  ou  les  vêtemens  qui  le  recouvrent ,  et  qu'il  rejette 
les  uns  après  les  autres,  sont  une  espèce  de  voile  ou  de  masque 
qui  nous  le  cache.  Ainsi  le  mot  de  larve  (/<2/va)  ,  qui  signifie 
masque ,  peut  s'appliquer  à  l'insecte  considéré  dans  son  pre- 
mier état  -,  le  second  nous  le  présente,  du  moins  dans  un  grand 
nombre ,  sous  une  forme  contractée  et  comme  emmailloté  : 
de  là  l'origine  du  nom  de  nymphe  Çjvympha)  qu'on  a  donné 
à  cette  seconde  mutation.  Quelques  unes  de  ces  nymphes  ont 
des  taches  dorées  ou  argentées ,  et  celles-ci  ont  reçu  la  déno- 
mination particulière  de  chrysalides  (chrysalis)  ^  d'aurélies 
[aurelia).  Le  troisième  état  est  le  complément  de  l'existence 
de  l'insecte,  le  terme  qu'il  devait  atteindre  pour  avoir  le  plein 


(1)  Meta,  au-delà  ,  tt  morphe ,  forme,  ou  forme  extraordinaire. 

(a)  Fabricius  en  compte  quatre,  metamorphosis  quadruplex ,  parce  qu'il  y  com- 
prend celui  où  l'animal  est  encore  dans  l'œuf;  mais  nous  ne  partons  que  du  moment 
où  il  est  né. 


2'-?0  QUATRIEME    CL.\SSE,    INSECTES. 

exercice  de  ses  fonctions  :  c'est  l'insecte  parfait  ou  dévoilé 
(inseclLuii  perfectum,  declaratiun,  imago  recelât  a). ha.  marche 
que  nous  avons  adoptée  pour  cette  exposition  préliminaire , 
nous  a  transportés  à  l'origine  de  la  science  -,  elle  nous  a  con- 
duits lentement ,  il  est  vrai ,  mais  d'une  manière  simple,  na- 
turelle, et  qui  nous  facilitera  les  connaissances  de  détail  où 
nous  devons  entrer.  Quoique  les  métamorphoses  des  insectes 
se  réduisent  à  trois  cliangemens  principaux ,  nous  avons  ce- 
pendant remarqué  que  chacun  de  ces  étals  présentait  des  dif- 
férences importantes,  selon  les  divers  groupes  de  ces  animaux. 
Il  est  conséquemment  essentiel  d'établir  à  cet  égard  des  dis- 
tinctions ,  et  d'en  fixer  les  caractères  généraux.  Les  natura- 
listes qui  nous  ont  précédés  en  ont-ils  fait  le  sujet  de  leur 
contemplation?  ont-ils  décrit  les  variétés  de  ces  métamor- 
phoses ?  quels  noms  leur  ont-ils  imposés  ?  Voilà  ce  que  nous 
allons  examiner,  maintenant  que  des  observations  préalables 
nous  permettent  d'étudier  avec  fruit  celles  qu'on  a  pu  re- 
cueillir sur  une  partie  de  la  science  si  pleine  de  charmes  et 
d'intérêt. 

La  connaissance  générale  de  ces  singulières  transformations 
que  subissent  les  insectes  pour  arriver  ,  si  je  puis  m'exprimer 
ainsi,  à  leur  état  de  puberté  est  une  découverte  du  xviii"  siè- 
cle ,  et  qui  eût  seule  immortalisé  son  illustre  auteur ,  Swam- 
merdam(i).  J'ai  dit  la  connaissance  générale,  parce  que  des 
passages  d'auteurs  anciens,  d'Aristote  notamment,  nous  don- 
nent lieu  de  soupçonner  qu'ils  observèrent  les  mutations  suc- 
cessives de  quelques  lépidoptères ,  et  que  d'ailleurs  l'éducation 
du  ver  à  soie  avait  pu  ,  dans  des  temps  postérieurs ,  faire  naître 
de  nouvelles  idées  et  laisser  entrevoir  quelques  rayons  de  lu- 
mière. Willugbby,  Lyonet,Réaumur,  Roësel,  de  Géer,  suivi- 
rent une  découverte  si  curieuse  en  elle-même ,  mais  plus  avan- 
tageuse du  coté  des  résultats ,  puisqu'elle  rectifiait  les  méthodes 
anciennes,  où  l'animal,  dans  chacun  de  ses  états  ,  était  regardé 


(r)  ro/ez  notre  Tableau  de  l'histoire  de  rEntoraologie. 


GÉNÉRALITÉS.  2^1 

comme  un  être  différent ,  el  que  Ton  reproduisait  sous  d'autres 
noms,  dans  autant  d'ordres  ou  de  classes.  Si  nous  voulons  con- 
cevoir d'une  manière  claire  et  positive  le  sens  qu'il  faut  atta- 
cher au  mot  de  métamorpliose,  il  est  nécessaire  que  nous  nous 
formions  auparavant  une  idée  exacte  de  celui  de  mue^  car  leurs 
significations  paraissent  avoir  beaucoup  d'affinité  ,  et  il  est 
essentiel  de  les  déterminer  aussi  rigoureusement  qu'il  est  pos- 
i  sible.  La  mue  est  un  état  par  lequel  l'animal  se  dépouille  uni- 
quement, et  sans  altérations  organiques  essentielles,  de  sa 
peau,  ou  des  appendices  de  sa  surface,  pour  reparaître  avec 
des  parties  analogues.  D'après  cette  définition  ,  j'en  distingue 
deux  sortes  :  l'une  est  imparfaite  ou  superficielle,  et  consiste 
simplement  dans  le  renouvellement  des  appendices  cutanés , 
telle  est  celle  des  quadrupèdes ,  et  plus  spécialement  encore 
celle  des  oiseaux  5  l'autre  est  parfaite  et  complète.  La  peau  ne 
recevant  plus  de  nourriture  par  suite  de  l'interposition  d'une 
autre  peau  qui  s'est  formée  au-dessous  d'elle,  se  détache  entiè- 
rement et  fait  place  à  l'autre.  Plusieurs  reptiles,  notamment  les 
sauriens,  les  ophidiens,  nous  montrent  ce  fait.  Tous  ces  chan- 
gemens  n'influent  que  sur  la  robe  de  l'animal  ;  il  a  toujours 
une  forme  identique,  les  mêmes  organes  extérieurs,  et  dans  la 
même  quantité  :  voilà  les  caractères  particuliers  et  exclusifs  de 
la  mue.  Mais  dans  les  transformations  qu'éprouvent  les  reptiles 
batraciens,  comme  les  grenouilles,  les  salamandres,  dans  celles 
surtout  des  insectes,  chaque  produit  a  un  ordre  de  choses  si 
différent  que  l'animal  semble  n'être  pas  lui-même.  Ici ,  le  nom- 
bre des  organes  locomoteurs  suit  même  celui  des  organes  du 
corps,  qui  se  multiplie,  et  quelquefois  d'une  manière  pro- 
digieuse. Là  ,  vous  trouverez  constamment ,  et  dans  tous  les 
âges  ,  le  même  nombre  d'organes  ambulatoires;  mais  ceux  de 
la  partie  supérieure  du  tronc  ,  ou  ceux  qui  ne  servent  qu'au 
vol ,  sont  cachés  et  ne  se  montrent  que  par  des  transitions  gra- 
duelles. D'autres  insectes  plus  imparfaits  ont ,  dans  leur  état 
primitif,  absence  tolale  de  pieds  et  d'ailes.  Aucun  de  ces  di- 
vers changemens ,  celui  même  qui  est  le  moins  éloigné  du  type 
constitutif  ou  de  la  dernière  forme  de  l'animal ,  ne  peut  être 


Q.'j'i.  QUATRIÈME    CLASSE.   INSECTES. 

assimilé  à  une  mue ,  puisqu'il  augmente  le  nombre  des  organes 
extérieurs  dont  il  était  muni  en  naissant,  et  souvent  même, 
comme  dans  les  millepieds ,  les  sections  articulaires  du  corps. 
La  mue  n'offrait  jamais  des  modifications  aussi  grandes  -,  à 
moins  donc  qu'on  ne  désigne  sous  une  nouvelle  dénomination 
des  changemens  par  lesquels  plusieurs  crustacés  et  des  insectes 
aptères  de  Linnaeus  acquièrent  de  nouvelles  pâtes ,  il  faut  les 
comprendre  sous  le  nom  général  de  métaînorphoses ,  et  telle  a 
été  l'opinion  d'un  de  nos  plus  grands  maîtres,  de  Géer.  L'on  ne 
peut  établir  de  comparaisons  exactes  entre  les  métamorphoses  ^ 
des  crustacés,  des  arachnides,  et  celles  des  insectes,  parce  que 
ces  derniers  ont  des  organes  spéciaux  ,  tels  que  les  ailes,  que 
la  nature  a  refusés  aux  autres.  C'est  uniquement  sous  la  con- 
sidération des  parties  similaires ,  communes  aux  uns  et  aux 
autres  ,  et  qui  se  manifestent  par  le  moyen  de  transformations 
successives ,  que  l'on  peut  fonder  un  tel  parallèle.  Je  pense 
donc  que  ce  serait  trop  restreindre  le  sens  du  mot  inétamor^ 
phose  que  de  la  considérer  seulement  comme  une  mutation 
qui  dévoile  de  nouvelles  sortes  de  parties.  Distinguer  les  crus- 
tacés et  les  arachnides  des  insectes ,  parce  qu'ils  n'acquièrent 
pas  de  parties  nouvelles,  c'est  dire,  en  d'autres  termes, 
qu'ils  ne  prennent  point  d'ailes ,  ou  qu'ils  sont  essentiellement! 
aptères.  Ces  principes  établis,  je  définis  la  métamorphose: 
changement  d'un  animal  qui  augmente,  par  une  mue  com- 
plète ,  le  nombre  de  ses  organes  extérieurs ,  ou  qui  en  déve- 
loppe de  nouveaux.  Etudions  maintenant  les  différentes  sortes 
ou  nuances  de  métamorphoses.  Essayons  de  les  soumettre  à  une 
méthode  plus  analytique  et  plus  rigoureuse  qu'on  ne  l'a  fait 
jusqu'à  ce  jour-,  désignons-les  enfin  par  un  choix  d'expres- 
sions simples,  significatives  et  sans  équivoque.  Linnaeus,  con- 
sidérant en  général  tous  les  animaux  qu'il  appelle  insectes 
comme  sujets  à  des  métamorphoses,  distingue  cinq  espèces  de 
nymphes.  La  première ,  celle  qui  est  complète  ,  ou  qui  est 
agile ,  et  qui  a  toutes  les  parties  de  l'insecte  parfait  ;  ici  vien- 
nent les  araignées,  les  mites,  les  cloportes.  La  seconde, 
celle  qui  est  demi-complète  :  elle  diffère  de  la  précédente  par 


GÉNÉRALITÉS.  278 

la  présence  de  rudimens  d'ailes-,  il  y  rapporte  les  grillons,  les 
ci^^ales,  les  punaises.  La  troisième ,  la  nymphe  incomplète  :  elle 
est  pourvue  d'ailes  et  de  pieds,  mais  elle  est  immobile  ;  voyez 
les  abeilles,  les  fourmis  ,  les  lipules.  La  quatrième  ,  la  nymphe 
enveloppée  ou  emmaillotée  :  le  corps  est  recouvert  d'une  pel- 
licule commune ,  en  forme  d'écorce  ,  mais  avec  le  thorax  et 
l'abdomen  distincts  \  l'ordre  des  lépidoptères  nous  offre  exclu- 
sivement cette  espèce  de  nymphe.  La  cinquième,  enfin,  est  celle 
qu'il  nomme  resserrée  :  elle  est  renfermée  dans  un  corps  ou 
une  coque  globulaire-,  telles  sont  les  nymphes  des  mouches. 
Ces  dénominations  désignent  seulement  les  divers  états  des 
nymphes,  et,  sans  avoir  des  significations  bien  frappantes, 
elles  sont  néanmoins  exactes  ou  d'accord  avec  les  faits  5  mais  si 
on  les  applique  sans  discernement  aux  métamorphoses  mêmes, 
elles  deviennent ,  pour  la  première  et  la  troisième,  un  sujet 
d'erreur,  et  sont,  à  l'égard  des  deux  dernières  ,  d'une  étendue 
trop  générale.  C'est  le  vice  de  la  nomenclature  de  Fabricius. 
Les  crabes ,  les  écrevisses  ,  les  araignées ,  appartiennent  à  cette 
sorte  de  métamorphose  qu'il  appelle  complète,  et  ces  animaux 
sont  précisément  ceux  qui  n'en  éprouvent  aucune  ,  et  qui  ne 
sont  sujets  qu'à  de  simples  mues.  Les  scarabées,les  abeilles,  les 
fourmis  ont ,  suivant  lui ,  une  métamorphose  incomplète  5  et 
ce  sont ,  parmi  les  insectes,  les  derniers  principalement ,  ceux 
dont  les  transformations  sont  des  plus  complètes  et  des  plus 
bizarres.  Peut-on  dire  encore  métamorphose  enveloppée,  mé- 
tamorphose resserrée  ,  lorsque  les  nymphes  présentent  seules 
ces  caractères  ?  L'autorité  imposante  de  Fabricius  a  cependant 
entraîné  ,  presque  sans  examen  ,  la  plupart  des  naturalistes 
qui  ont  écrit  après  lui  sur  le  même  sujet.  Ceux  qui  ont  résisté , 
comme  MIVL  Cuvier ,  de  Lamarck  ,  Brongniart ,  donnent  à  la 
troisième  espèce  de  métamorphose  la  dénomination  de  com- 
plète 5  mais  son  emploi ,  dans  un  autre  sens ,  quoique  réelle- 
ment bien  fondé  ,  augmente  la  confusion  de  la  nomenclature, 
et  ce  correctif  est  en  outre  insuffisant.  Les  animaux  articulés 
et  pourvus  de  pieds  ,  ou  conservent  toute  leur  vie  leur  forme 

18 


y" 


I 


274  QUATRIÈME    CLASSE.   INSECTES. 

primitive  ,  et  sont  uniquement  sujets  à  des  mues  (vernantiaY 
ou  ils  éprouvent  une  métamorphose  ,  soit  partielle,  soit  totale. 
Le  mot  grec  homotêne ,  sejnblable  jusqu'à  la  Jin ,  convient 
très  bien  aux  premiers,  et  celui  de  polymorphe ,  qui  prend 
plusieurs  formes ,  désigne  parfaitement  les  seconds.  Je  dis- 
tingue trois  sortes  de  métamorphoses  :  l'ébauchée  (i)  ,  la  demi- 
métamorphose  (2)  et  la  métamorphose  parfaite  (3)  ^  on  pour- 
rait comprendre  les  deux  premières  sous  le  titre  général  de 
partielle,  à  raison  de  plusieurs  rapports  qu'elles  ont  entre 
elles.  L'influence  que  la  métamorphose  exerce  sur  le  corps 
n'est  pas  assez  puissante  pour  détruire  le  type  de  forme  qui  lui 
est  propre ,  et  c'est  par  de  légères  altérations  qu'elle  le  modifie. 
Un  œil  un  peu  exercé ,  et  qui  voit  l'animal  dans  son  dernier 
période,  le  reconnaît  sans  peine  lorsqu'il  est  au  premier  âge  \û 
de  sa  vie  :  l'action  principale  se  porte  sur  les  appendices  exté- 
rieurs ,  et  particulièrement  sur  les  organes  de  la  locomotion  ^ 
elle  accroît  le  nombre  des  pâtes,  et  même  quelquefois,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit ,  celui  de  leurs  supports  ou  des  anneaux, 
dans  ceux  qui  sont  aptères;  elle  développe  presque  exclusive- 
ment les  ailes  dans  ceux  qui  sont  destinés  à  en  avoir,  parce 
que  ces  animaux  naissent  avec  le  nombre  invariable  de  pieds, 
c'est-à-dire  six,  qui  leur  a  été  accordé.  Les  uns  et  les  autres 
jouissent  toujours  de  la  même  activité ,  tant  à  l'égard  des  mou- 
vemens  que  des  facultés  nutritives  ,  et  ont ,  depuis  leur  nais- 
sance jusqu'à  leur  mort ,  des  habitudes  uniformes  et  constantes. 
Dans  la  métamorphose  parfaite  ou  totale ,  opposée  à  la  par- 
tielle, la  larve  est  si  différente  du  même  animal,  parvenu  à 
son  dernier  état,  qu'on  ne  peut  se  convaincre  de  l'identité 
qu'en  suivant  tous  les  degrés  de  croissance.  Quelle  distance 
,  énorme  n'y  a-t-il  pas  entre  la  forme  de  ce  qu'on  appelle  vul- 
gairement en  France  ^wr  blanc,  et  celle  du  hanneton  ordi- 
naire ,  qui  en  est  le  produit  ?  entre  le  ver  de  la  viande  et  la 


(1)  Mêtamoiplwsis  inchoata. 
(•i)   Dimidia. 
(3)   Perfecta. 


1 


GÉNÉKALITÉS.  Qi'J^ 

mouche,  qui  résulte  de  sa  dernière  transformation  (i)?  Les 
nymphes  de  cette  métamorphose ,  quoique  leurs  formes  soient 
en  raccourci  presque  semblables  à  celles  qu'elles  vont  acquérir 
par  un  dernier  changement ,  ne  prennent  plus  de  nourriture, 
restent  ordinairement  immobiles,  et  ne  donnent,  à  moins 
qu'on  ne  les  touche ,  aucun  signe  de  vie  ^  ce  sont ,  pour  me 
servir  des  expressions  de  M.  de  Lamarck ,  des  nymphes  inac- 
tives. Mais  la  privation  volontaire  d'alimens  est  le  caractère  le 
plus  rigoureux  ;  car  les  nymphes  des  cousins  et  de  plusieurs 
tipules  continuent  de  se  mouvoir  et  de  nager  ,  et  nous  offrent 
à  cet  égard  une  anomalie  singulière.  Telles  sont  les  propriétés 
générales  de  ces  deux  principales  métamorphoses ,  que  j 'ai  nom- 
mées partielle  et  totale  ou  parfaite.  Je  rapporte  à  la  première 
celles  que  j'ai  indiquées  sous  les  dénominations  d'ébauchée  {in- 
choata)  et  de  demi-métamorphose  (semi-metamorphosis).  Cette 
dernière  expression  a  déjà  été  employée,  et  je  la  conserve, 
quoiqu'elle  soit  un  peu  longue ,  parce  qu'elle  est  caractéris- 
tique. La  métamorphose  ébauchée  est  propre  à  plusieurs  in- 
sectes aptères  de  Linnaeus ,  tels  que  ses  genres  monoculus , 
juins,  scolopendra ,  et,  du  moins  en  partie  ,  à  celui  à^acarusj 
car  la  mite  de  la  gale,  par  exemple,  ne  naît  qu'avec  six  pieds, 
et  il  lui  en  pousse  deux  autres  peu  de  temps  après.  Son  objet 
spécial  est  le  développement  numérique  de  ces  organes.  Ici , 
Dous  ne  ferons  point  usage  des  mots  de  larve  et  de  nymphe , 
parce  qu'il  est  impossible  de  poser  d'une  manière  exacte  et 
précise  les  bornes  qui  séparent  ces  deux  états ,  particulière- 
ment dans  ceux  qui  ont  un  grand  nombre  de  pieds.  La  per- 
fection des  organes  fécondateurs  est,  tant  pour  ces  animaux 
i  que  pour  ceux  qui  ne  sont  sujets  qu'à  des  mues  ,  le  signe  cer- 
tain de  leur  puberté  ou  du  troisième  état.  Ainsi ,  dans  les 
aranéides ,  les  parties  sexuelles  masculines  ne  paraissent  qu'à 


(i)  Les  yeux  ne  formeut  qu'un  petit  point,  ou  ne  sont  composés  que  d'une  réu- 
nio^  de  petits  yeux  lisses,  quelquefois  même  manquent  tout-à-fait.  Dans  la  méta- 
morpliose  partielle,  ils  sont  ordinairement  presque  aussi  parfaits  dans  le  jeune  à^^e 
que  dans  l'état  adulte.  Ce  caractère  est  l'un  des  plus  distinctifs. 


2^6  QUATRIEME    CLASSE.    INSECTES. 

cette  époque ,  et  le  bouton  de  leurs  palpes  qui  les  renferme , 
examiné  dans  le  jeune  âge  ,  a  une  composition  très  simple. 

De  toutes  les  métamorphoses,  celle  que  je  nomme  ébauchée 
est  la  moins  sensible,  et  qui  dès-lors  se  rapproche  davantage  du 
changement  d'état  appelé  jnue.  La  demi-métamorphose  a  des 
caractères  plus  tranchés-,  la  demi-larve  est  aptère,  et  la  demi- 
nymphe  a  des  rudimens  d'ailes  ou  d'élytres.  Celte  sorte  de 
métamorphose  est  intermédiaire  entre  la  précédente  et  la  sui- 
vante^ elle  répond  à  la  métamorphose  demi-complète  de  Fa- 
bricius.  Les  hémiptères  ,  les  orthoptères  et  plusieurs  névrop- 
tères  offrent  ce  mode  de  transformation  (i).   Plusieurs  in- 
sectes de  ce  dernier  ordre  et  de  celui  des  névroptères,  ne  su- 
bissant qu'une  demi-métamorphose,  méritent  de  faire  une 
division  particulière.  Je  veux  parler  des  espèces  qui  passent 
leur  premier  et  leur  second  âge  dans  l'eau.  Les  organes  res- 
piratoires des  uns  forment  des  appendices  extérieurs  qui  imi- 
tent des  feuillets,  soit  simples,  soit  composés  ou  pinnés,   et 
que  nous  nommerons  fausses-branchies  :   c'est  ce  que  Ton 
voit  dans  les  éphémères.  Un  faisceau  pyramidal  de  petites 
lames  termine  l'anus  des  demi-larves  et  des  demi-nymphes 
des  libellules^  elles  s'épanouissent  pour  donner  passage  à  l'eau, 
et  se  ferment  lorsque  ces  animaux ,  après  en  avoir  extrait 
l'air  qui  en  faisait  partie,  ont  rejeté  l'eau  superflue.  Dans  les 
divers  insectes,  en  état  parfait,  le  fluide  respirable  pénètre  , 
comme  à  l'ordinaire,  par  ces  trous  placés  à  fleur  de  peau,  que 
l'on  connaît  sous  le  nom  de  stigmates  :  et  c'est  aussi  de  cette 
manière  qu'il  s'insinue  dans  les  autres  hémiptères  ,  sans  diffé- 
rence d'âge.  Ici  encore,  les  antennes,  les  pieds,  et  généra- 
lement tout  le  corps,  considéré  dans  ces  divers  changemens, 
a  une   plus  grande  ressemblance  que  dans  les  névroptères 
aquatiques ,  examinés  à  des  époques  correspondantes.  Ainsi  les 


(f)  Les  termes  suivans,  tirés  du  grec,  désignent  d'une  manière  plus  laconique  ef 
l'ius  expressive  ces  trois  sortes  de  métamorphoses  : 

i^.  Métamorphose  (thdiuchée ,  podophantre ,  pâtes  manifestées. 

20.  Demi-métamorpliose,  plérophanère ,  ailes  manifestées. 

3°.  Métamorphose  parfaite  ou  totale,  holophan<)re ,  tout  manifesté. 


GÉNÉRALITÉS.  277 

insectes  à  demi-métamorphose  se  partagent  en  deux  sections  : 
point  de  stigmates,  des  fausses-branchies  ou  des  feuillets  à 
l'anus  pour  la  respiration  ,  voilà  le  signalement  de  la  pre- 
mière 5  des  stigmates ,  voilà  le  caractère  de  la  seconde.  Mais 
comme  les  métamorphoses  de  celle-ci  sont  encore  plus  im- 
parfaites que  celles  de  la  première  ,  l'ordre  naturel  exige 
qu'elle  soit  placée  avant  l'autre.  Une  étude  également  soute- 
nue de  larves  et  de  nymphes  proprement  dites  ,  nous  donnera 
aussi  le  moyen  d'établir,  dans  la  métamorphose  parfaite  ,  des 
subdivisions  commodes.  Parmi  ces  nymphes  ,  celles-ci  res- 
semblent à  l'insecte  parfait ,  mais  contracté  et  comme  mort  : 
elles  ont  des  membres,  en  tout  ou  en  partie  ,  libres,  c'est- 
à-dire  saillans  et  distincts  les  uns  des  autres.  Celles-là  ,  sous 
la  figure  d'une  sorte  de  fœtus ,  ont  ces  membres  entièrement 
recouverts ,  avec  le  corps ,  d'une  enveloppe  générale  ou  com- 
mune ,  formée  de  sa  peau,  et  qui  ,  par  sa  consistance  assez 
solide,  sa  couleur  presque  toujours  brune  ou  noirâtre,  imite 
une  sorte  d'écorce  ,  coHicata,  pour  me  servir  de  l'expression 
de  Linnaeus.  Elle  est  immédiatement  appliquée  sur  le  corps , 
dans  les  unes  ;  elle  en  est  détachée  et  lui  forme,  sous  la  figure 
d'une  coque  ,  un  étui  ou  capsule ,  dans  les  autres  :  ce  sont 
des  nymphes  coléodermes.  Il  ne  faut  pas  confondre  cette  enve- 
loppe avec  une  autre  plus  extérieure  ,  et  qui ,  semblable  aussi 
à  une  coque,  est  commune  à  un  grand  nombre  de  plusieurs 
sortes  de  nymphes  :  celle-ci  est  composée  de  fils  soyeux ,  pro- 
pres à  l'animal ,  ou  de  parcelles  de  différentes  matières  liées 
ensemble.  Les  nymphes  dégagées  ,  à  membres  libres  ou  nus 
(artus  solutœ)  ^  sont  comprises  par  Fabricius  dans  sa  méta- 
morphose incomplète.  Celles  que  recouvre  une  enveloppe 
générale  ,  mes  nymphes  emmaillotées  (ob\^olutœ)  appartien- 
nent à  ces  deux  espèces  de  métamorphoses  qu'il  appelle  ob- 
tecta  et  coarctata,  ou  enveloppée  et  resserrée.  L'expression 
à'obtecta  convient  aux  deux ,  ainsi  que  je  viens  de  l'obser- 
ver, et  celle  de  coarctata  est  trop  vague.  L'existence  et  le 
nombre  des  pieds  des  larves  ,  la  forme  permanente  et  variable 
de  leur  tête ,  la  comparaison  des  parties  de  la  bouche  avea 


2^8  QUATRIÈME    CLASSE.   INSECTES. 

celle  de  l'insecte  parfait,  le  nombre  des  stigmates  et  la  dis- 
position des  trachées,  leurs  mues  ou  la  non-mutabilité  de 
leur  peau  ,  l'immobilité  ou  l'activité  des  nymphes ,  telles  sont 
les  considérations  d'après  lesquelles  on  peut  diviser ,  en  cou- 
pes secondaires ,  les  larves  des  nymphes  à  membres  libres  : 
i".  Existence  et  nombre  des  pieds.  Les  unes  n'en  ont  point, 
ou  ils  y  sont  remplacés  par  des  mamelons  ou  d'autres  appen- 
dices. Les  coléoptères  nous  en  fournissent  quelques  exemples  5 
mais  ce  caractère  est  dominant  dans  tout  l'ordre  des  diptères, 
et  dans  une  grande  partie  de  celui  des  hyménoptères.  D'autres 
larves  ,  et  c'est  le  plus  grand  nombre ,  en  ont  dix  ^  enfin  il  y 
en  a  où  ce  nombre  est  de  huit  ou  de  dix-huit  à  vingt-deux, 
et  on  les  connaît  sous  le  nom  àQJaus  s  es-chenille  s  (suberucœ). 
2°.  Constance  et  variabilité  de  la  forme  de  la  tête.  Dans  la 
très  grande  majorité  de  ces  larves,  cette  partie  du  corps  est 
plus  ou  moins  écailleuse ,  et  sa  figure  ne  change  point.  Mais, 
dans  les  larves  de  beaucoup  de  diptères ,  elle  est  membraneuse 
et  contractile  comme  le  reste  du  corps.  On  ne  la  distingue  que 
parce  qu'elle  en  forme  le  premier  segment ,  et  qu'on  y  ob- 
serve un  ou  deux  crochets ,  avec  des  barbillons  ou  mamelons 
tenant  lieu  de  bouche.  Les  antennes ,  les  yeux  même  n'exis- 
tent point,  ou  sont  à  peine  visibles  :  ces  larves  sont  les  plus 
imparfaites  de  toutes ,  et  si  rapprochées  des  vers  intestinaux  , 
qu'on  les  confondrait  avec  eux ,  si  on  n'apercevait  pas  leurs 
trachées  et  leurs  stigmates.  Cependant,  parmi  les  nymphes 
dégagées,  je  ne  connais  encore  que  le  leptis  vermileo  de  Fa- 
bricius  et  le  dolichope  bronzé  dont  les  larves  aient  une  tête 
variable.  Lorsque  sa  forme  est  constante,  l'étude  peut  encore 
faire  découvrir  des  caractères  utiles  pour  la  classification. 
Ainsi ,  dans  plusieurs  larves  ,  la  calotte  de  la  tête  est  comme 
divisée  en  deux  hémisphères ,  tandis  que   celle  des   autres 
n'offre  pas  cette  distinction.  L'étude  des  yeux  n'est  pas  à  né- 
gliger, y.  Comparaison  des  parties  de  la  bouche  avec  celle  de 
l'insecte  parfait.  Ces  organes,  dans  toutes  les  larves  de  co- 
léoptères, de  névroptères,  d'hyménoptères  ,  ont ,  avec  les  or- 
ganes correspondans  de  l'insecte  arrivé  à  son  dernier  état, 


GÉNÉRALITÉS.  279 

des  rapports  essentiels,  et  portent  les  mêmes  noms  ^  mais, 
dans  les  larves  des  ordres  suivans ,  les  lépidoptères  et  les  dip- 
tères ,  ces  mêmes  organes,  comparés  de  la  sorte,  n'ont  entre 
eux  aucune  analogie  évidente.  L'emploi  de  ce  caractère  sé- 
pare les  larves  des  lipulaires ,  des  taons ,  des  asiles  ,  etc. ,  des 
autres  larves  sans  pieds,  et  de  la  même  division  des  nymphes 
à  membres  libres.  On  pourra  m'objecter  les  observations  de 
M.  Savigny,  relatives  aux  lépidoptères-,  mais,  quoique  cet  ha« 
bile  naturaliste  ait  vu  à  la  bouche  de  ces  insectes  deux  pièces 
qui  paraissent  correspondre  à  des  mandibules,  il  n'en  est  pas 
moins  certain  qu'à  raison  de  leur  extrême  petitesse ,  de  leur 
éloignement  réciproque,  elles  n'ont,  avec  les  mandibules  des 
chenilles,  qu'une  affinité  très  éloignée  pour  ne  pas  dire  hypo- 
thétique. On  ne  connaît  que  trop  les  ravages  que  font  les  che- 
nilles avec  ces  inslrumens,  et  personne  ne  comparera  leurs 
fonctions  et  celles  des  parties  qui  les  accompagnent,  avec  les 
propriétés  des  mandibules ,  et  de  la  trompe  ou  de  la  langue 
du  papillon  ,  dont  tous  les  efforts  se  réduisent  à  entr'ouvrir  la 
corolle  ou  le  calice  d'une  fleur.  La  bouche  des  larves,  aussi- 
bien  que  celle  de  l'insecte  parfait ,  mérite  de  fixer  l'atten- 
tion des  naturalistes.  C'est  par  leur  comparaison  que  l'on 
pourra  connaître  les  changemens  qui  s'opèrent  dans  le  pas- 
sage du  premier  état  au  second.  On  obtiendra  également  des 
moyens  pour  classer  les  larves  aussi-bien  que  les  insectes 
adultes.  Celles  des  myrméléons ,  des  hémérobes ,  et  probable- 
ment des  ascalaphes ,  sont  distinguées  de  toutes  les  autres  lar- 
ves hexapodes  par  leurs  mandibules,  qui  font  l'office  d'un 
suçoir,  et  peut-être  par  les  mâchoires  et  la  lèvre  inférieure, 
qui  sont  très  petites ,  si  même  elles  existent.  Ce  sont  aussi  les 
seules  larves  dont  les  filières  soient  à  l'anus.  4°-  Nombre  des 
stigmates  et  disposition  des  trachées.  Les  larves  de  la  plupart 
des  diptères  n'ont  que  quatre  à  deux  stigmates ,  ou  même 
qu'une  ouverture  unique  pour  la  respiration.  Une  seule  larve 
de  tipule ,  d'après  tous  les  faits  que  j'ai  pu  recueillir  à  cet 
égard ,  en  a  seize.  Or,  nous  savons  que  le  nombre  est  de  dix- 
huit  dans  les  autres  ordres  d'insectes  ,  les  mvriapodes  seuls 


2  8o  QUATRIEME    CLASSE.   INSECTES. 

exceptés  :  ici  il  va  à  vingt  et  au-delà.  Nous  distinguerons,  par 
ce  moyen ,  les  larves  des  diptères  que  la  forme  de  leurs  nym- 
phes range  dans  notre  subdivision.  Les  larves  de  la  tribu  des 
hydrocanthares ,  de  celle  des  hydrophiliens ,  des  friganites , 
plusieurs  chenilles  du  genre  botis ,  dans  les  lépidoptères  noc- 
turnes ,  ont  des  organes  respiratoires  particuliers.  Ces  che" 
nilles ,  ainsi  que  les  larves  des  gyrins  et  des  friganites ,  ont 
de  fausses-branchies  ;  celles  des  dytiques  ,  des  hydrophiles  , 
et  de  quelques  autres  genres  analogues,  ont  l'extrémité  pos- 
térieure de  leur  corps  terminée  d'une  manière  tubulaire,  et 
souvent  avec  des  appendices ,  qu'elles  élèvent  à  la  surface 
de  l'eau  pour  respirer.  5°.  Mues  ou  non-mutabilité  de  la 
peau.  Il  me  paraît  que  les  larves  apodes  des  hyménoptères  ne 
sont  point  sujettes  à  des  mues,  et  en  cela  elles  présenteraient 
une  exception  remarquable  dans  l'espèce  de  métamorphose 
qui  leur  est  propre.  Geoffroy  {Hist.  des  Insectes ,  tome  II, 
p.  890)  dit  que  les  larves  d'abeilles  changent  plusieurs  fois 
de  peau,  précisément  de  la  même  façon  que  les  chenilles.  Mais 
j'ai  lieu  de  conjecturer  qu'il  n'avance  ce  fait  que  par  analogie  ; 
car  Réaumur,  qui  a  si  bien  observé  leurs  larves,  n'en  fait  pas 
la  moindre  mention  ^  et  j'ai ,  en  effet ,  de  la  peine  à  croire 
que,  vu  le  peu  de  temps  qu'elles  restent  dans  cet  étal  et  la 
gène  où  elles  se   trouvent ,  ces   mues  puissent  avoir  lieu. 
Au  reste,  ce  n'est  pas  le  seul  exemple  où  Geoffroy  se  soit 
trompé ,  en  se  guidant  d'après  l'analogie.  N'a-t-il  pas  distingué 
trois  sortes  d'individus  dans  l'abeille  à  cinq  crochets  {apis 
manicatd)  de  Linnseus  ,  quoique  cette  espèce  ne  vive  pas  en 
société  ,  et  que  dès-lors  elle  ne  puisse  offrir  que  des  mâles  et 
des  femelles.  6".  Immobilité  ou  locoraotilité  des  nymphes.  La 
plupart  des  nymphes  sont  immobiles-,  cependant  celles  des 
cousins  et  de  quelques  tipulaires  conservent  leur  agilité  pri- 
mitive. Celles  des  friganites  la  reprennent  vers  l'époque  de 
leur  dernière  métamorphose.  Je  viens  aux  nymphes  emmail- 
lotées ,  ou  celles  dont  le  corps  est  renfermé  totalement  sous 
une  peau  de  la  larve.  Ici  la  bouche  de  celte  larve  est  constam- 
ment différente  de  celle  de  l'insecte  parfait ,  ou  du  moins  n'a 


GEiVERALITES. 


i8i 


pas  avec  elle  de  ces  rapports  de  nombre  et  de  corrélation  d'or- 
ganes   que  nous  observons  à  la  boucbe   des  autres  larves , 
comparée  à  celle  des  insectes  qu'elles  produisent.  Ici  la  nym- 
phe, immédiatement  après  qu'elle  s'est  revêtue  de  cette  peau, 
n'offre,  si  on  la  déchire  ou  si  on  la  fend,  qu'une  matière  très 
molle  ,  gélatineuse  ,  semblable  à  de  la  bouillie ,  et  à  la  surface 
de  laquelle  on  ne  peut  encore  distinguer  les  organes  exté- 
rieurs de  l'animal  adulte.  Il  faut  que  la  nature  passe  quelque 
temps  à  les  élaborer,  ou  du  moins  à  prononcer  plus  fortement 
leurs  traits  et  à  les  consolider.  Dans  les  autres  métamorphoses, 
la  nymphe  ,  quoique  encore  fort  tendre ,  a  néanmoins ,  dès 
le  principe  de  son  apparition  ,  les  caractères  propres  au  der- 
nier état  de  l'insecte  ;  ses  parties  seulement  occupent  moins 
d'espace  ,  et  ont  besoin  de  l'influence  de  l'air  pour  acquérir 
leur  extension  naturelle  et  les  couleurs  dont  elles  sont  ornées. 
Les  nymphes  emmaillotées  se  partagent  en  deux  sections  très 
naturelles  ,  et  que  Linnaeus ,  d'après  Swammerdam  et  Réau- 
mur,  avait  formées  :  les  unes  montrent ,  à  l'extérieur  ou  sur 
la  peau  ,  la  plupart  des  organes  du  corps  et  ses  divisions,  ou 
sont  à  membres  distincts.  Cette  peau  leur  forme  une  sorte  de 
gaine  ou  de  moule  extérieur  ;  les  fourreaux  particuliers  des 
membres  ,  qui  sont  membraneux  ,  adhèrent  à  sa  surface  inté- 
rieure -,  l'insecte  parfait  en  sort  par  le  moyen  de  la  désunion 
de  quelques  unes  de  ses  parties. 

Les  larves  appelées  chenilles  ont  communément  de  dix  à 
seize  pieds  ,  dont  les  six  premiers  sont  terminés  par  un  onglet  5 
je  dis  communément,  parce  que  quelques  unes,  en  petit 
nombre  à  la  vérité,  n'ont  absolument  que  des  mamelons  dont 
la  quantité  peut  s'élever  à  dix-huit,  d'après  une  observation 
de  de  Géer.  Ces  chenilles,  dont  la  tête  est  toujours  écailleuse, 
qui  ont  toujours  dix-huit  stigmates ,  changent  plusieurs  fois  de 
peau  avant  de  se  mettre  en  chrysalides.  Ces  sortes  de  nymphes 
ne  donnent  absolument  que  des  lépidoptères  j  Linnaeusles  dé- 
signe sous  le  non  à'obtectœ ,  que  Fabricius  a,  comme  nous 
l'avons  dit  plus  haut ,  étendu  à  la  métamorphose  entière.  Les 
nymphes  emmaillotées  de  la  seconde  section  sont  renfermées 


282  QUA.TRiÈME    CLASSE.   INSECTES. 

dans  une  espèce  de  coque  formée  par  la  peau  de  leur  larve , 
celle  même  qu'elle  avait  à  sa  sortie  de  l'œuf.  Leur  chair  se  dé- 
tache peu  à  peu  de  la  peau,  prend  la  figure  d'une  houle  al- 
longée, suivant  les  expressions  de  Réaumur,  et  ensuite  celle 
de  l'insecte  qui  en  doit  naître.  La  nymphe  est  lihre  dans  sa 
demeure  passagère,   et  peut  même  y  changer  de  place.  Sa 
coque,  qui  a  le  plus  souvent  une  forme  ovoïde,  ou  ovoido- 
conique ,  ne  présente  aucun  des  organes  extérieurs  de  l'ani- 
mal ;  on  n'y  voit  que  des  anneaux ,  encore  même  celle  des 
hippobosques  n'en  a  pas ,  et  ressemble  à  une  graine  légumi- 
neuse  ^  ce  sont  des  nymphes  à  membres  indistincts.  Les  larves 
n'ont  jamais  de  pales  véritables^  leur  tête  est  toujours  de 
figure  variable ,  sans  antennes  et  sans  yeux  perceptibles  -,  elles 
n'ont  en  général  que  quatre  stigmates,  dont  deux  à  l'extré- 
mité antérieure  du  corps ,  et  les  deux  autres  à  sa  partie  posté- 
rieure.  Ces   nymphes  ne  produisent  que   des  diptères  ,   et 
presque  tous  des  genres  œstnxs  et  musca  de  Linnaeus^  ce  sont 
celles  qu'il  nomme  coarctatœ.  Les  chrysalides  ou  nymphes  des 
lépidoptères,  ou  plutôt  leurs  enveloppes,  me  paraissent  avoir 
une  grande  ressemblance  extérieure,  tant  pour  la  forme  que 
pour  le  dessin  en  relief,  soit  avec  le  cercueil  des  momies  égyp- 
tiennes, soit  avec  les  momies  elles-mêmes.   J'en  appelle,   à 
l'égard  de  cette  comparaison  ,  au  jugement  des  personnes  qui 
ont  vu  la  chrysalide  ou  la  fève  du  ver  à  soie.  Je  substituerai 
donc  à  l'épithète  trop  générale  d'enveloppée  (obtecta)  que  Lin- 
naeus  donne  à  la  nymphe  des  lépidoptères,  l'expression  plus 
caractéristique,  en  forme  de  momie  (^mumiformis)  (i)  ^  mais 
je  ne  l'emploierai  que  d'une  manière  descriptive,  ou  comme  ca- 
ractère spécifique,  et  je  distinguerai  toujours  ces  nymphes  sous 
la  dénomination  reçue  de  chysalides  (p) ,  dont  les  unes  sont 
angulaires,  et  les  autres  sans  angles  ou  coniques.  Plusieurs 
chenilles  ont  été  appelées  géomètres  ou  arpenteuses  (geo- 


(i)  M.  de  Lamarck,  auquel  j'avais  communiqué  verbalement  plusieurs  de  mes 
observations  sur  les  métamorphoses  des  insectes ,  a  fait ,  dans  son  histoire  naturelle 
des  Animaux  sans  ^vertèbres ,  une  application  très  différente  du  nom  de  momie. 

(2)  Leur  abdomen  ,  lorsqu'on  les  touche,  donne  des  signes  d'existence  ou  se  meut. 


GÉNÉRALITÉS.  2  83 

tnctrœ),  demi-arpenteiises ,  à  raison  de  celle  allernative  de 
courbes  perpendiculaires  et  de  lignes  horizontales  qu'elles  dé- 
crivent en  marchant,  et  que  nécessitent  la  diminution  du 
nombre  ordinaire  des  pales ,  et  la  longueur  des  intervalles  qui 
les  séparent  entre  elles.  Ces  organes  sont  au  nombre  de  dix  à 
douze  dans  les  arpenleuses,  et  de  quatorze  dans  les  autres. 
Les  chenilles  qui  en  ont  seize  devraient,  par  opposition,  être 
nommées  rectigrades  {rectigradœ)  ^  il  y  en  a  qui  n'ont  que 
de  simples  mamelons;  ce  sont  les  apodes  (apodœ).  Je  dési- 
gnerai exclusivement  sous  le  nom  de  nymphes  (nymphœ) 
celles  dont  les  membres  sont  libres  ;  et  sous  celui  de  lances 
(laivœ)  l'état  qui  précède.  Les  mots  de  chenille  {eruca)  et 
de  chrysalide  (chrysalis)  indiqueront  les  deux  premiers  états 
des  lépidoptères,  ou  les  nymphes,  sous  la  forme  de  momie. 
Ces  dénominations  particulières  font  connaître  ,  sans  autre 
explication  ,  la  nature  de  la  métamorphose  propre  à  l'animal. 
D'après  cette  marche,  qui  est  avantageuse  à  la  méthode,  je 
consacrerai  le  terme  de  pupe  [pupa)  (i)  aux  nymphes  ovi- 
formes ,  et  je  désignerai  leurs  larves  par  l'épithète  de  vermicu- 

(i)  Je  traduis  littéralement,  comme  on  l'a  déjà  fait,  cette  expression,  pour  ne 
pas  employer  le  mot  trop  trivial  de  poupée,  qu'il  signifie  dans  notre  langue.  L'enve- 
loppe ou  la  coque  de  ces  nymphes  n'a  point  de  conformité  extérieure  avec  celle  des 
chrysalides  des  lépidoptères^  rien  ne  décèle  au-dehors  l'animal  qui  y  est  renfermé; 
elle  est  en  apparence  presque  inorganique,  et  on  la  prendrait  pour  une  espèce  d'œuf 
ou  pour  une  capsule  séminale;  elle  ne  donne  même  aucun  signe  de  vie.  La  peau  ne 
se  feud  point  sur  le  dos  pour  la  sortie  de  l'insecte  ,  comme  dans  les  autres  nymphes; 
mais  une  de  ses  extrémités  s'ouvre  ,  par  le  moyen  d'une  pièce  qui  s'en  détache,  ea 
forme  de  calotte ,  nouveau  trait  de  ressemblance  qu'elle  a  avec  les  œufs  des  insectes. 
Ces  nymphes ,  ou ,  pour  mieux  m'exprimer ,  leurs  coques  ,  sont  donc  oviformes 
(  oviformes  .^ 

Ces  coques  nous  présentent  les  divisions  suivantes  : 

1°.  Coque  annelée,  conservant  la  forme  de  la  larve,  qui  est  terminée  en  une 

queue  tubulaire  pour  la  respiration.  Straliomydes. 
1°.   Coque  annelée,  différant  par  sa  contraction  de  la  larve,  qui  est  terminée  eu 

une  queue  tubulaire  pour  la  respiration.  Plusieurs  larves  de  syrphies. 
3°.  Coque  annelée,  différant  par  sa  contraction  de  la  larve  qui  respire  par  des 

stigmates  ordinaires ,  ou  n'ayant  point  de  queue  tubulaire  pour  cette  fip*''!^  A  7"*^ 
muscides,  plusieurs  syrphies,  etc.  /^'-.-yS  '"^t-^-Z^^ 

4°.  Coque  sans  anneaux,  n'ayant  qu'une  division  eu  forme  d'opercule,  ou  sèttihlahlé   "O^ 
à  une  graine  de  fève.  Les  pupipares.  /<^     O  ^^•'^^ 

/  rr  ^       ^  fi,  V^  ^ 

\       l  r\*^        


284  QUATRIÈME    CLASSE.    INSECTES. 

laire  (vermi-lan^a) ,  ou  plus  simplement  par  le  mot  de  vermi- 
larve.  Les  métamorphoses  dont  j'ai  parlé  jusqu'ici  ne  nous 
ont  offert  que  trois  passages  ou  transformations.  Les  éphé- 
mères font  une  exception  à  cette  règle  générale.  Peu  de  temps 
après  être  sorties  de  l'état  de  nymphe ,  et  avoir  reçu  la  forme 
qui  leur  est  propre ,  elles  se  défont  de  leur  nouvelle  robe , 
pour  en  prendre  une  semblable,  et  avec  laquelle  elles  ont 
bientôt  terminé  une  vie  de  quelques  heures.  Sous  ce  rapport, 
leur  métamorphose  est  quaternaire  et  non  ternée  ^  mais  leur 
dernier  changement  n'est  rigoureusement  qu'une  mue ,  cet 
animal  a  toujours  la  même  organisation.  Les  métamorphoses 
sont  communes  aux  deux  sexes.  Cependant  le  genre  des  co- 
chenilles présente  encore  une  anomalie  ^  le  mâle  seul  prenant 
des  ailes  et  changeant  de  forme,  est  aussi  le  seul  qui  se  méta- 
morphose ^  il  sort  même  de  sa  coque  d'une  manière  particu- 
lière et  que  nous  exposerons  (article  cochenille).  Ces  consi- 
dérations, que  l'on  pourra  étendre  et  augmenter,  serviront  à 
établir  dans  les  ordres  des  divisions  naturelles ,  et  nous  aide- 
ront à  découvrir  les  rapports  d'affinité  qu'ils  ont  entre  eux. 
Les  métamorphoses  des  névroptères  et  des  diptères  sont  de 
deux  sortes.  Dans  l'ordre  des  hémiptères,  le  genre  des  coche- 
nilles trouble  seul  l'uniformité  qui  y  règne  à  cet  égard  ,  et  qui 
est  constante  dans  les  autres  ordres  que  je  n'ai  pas  mention- 
nés. En  analysant  ces  faits,  nous  pouvons  déduire  les  consé- 
quences générales  suivantes  :  1°.  Les  métamorphoses  des  in-  1 
sectes  ont  des  caractères  qui  les  distinguent  essentiellement 
des  mues.  2°.  On  peut  les  diviser  ainsi  :  métamorphose  ébau- 
chée ,  demi-métamorphose  et  métamorphose  parfaite.  ^°,  Dans 
les  deux  premières ,  la  mutabilité  affecte  principalement  les 
organes  de  la  locomotion  ,  soit  en  développant  les  ailes,  soit 
en  augmentant  le  nombre  des  pâtes  -,  l'insecte ,  dans  tous  ses 
âges,  est  toujours  reconnaissable ,  toujours  actif  et  toujours 
constant  dans  ses  habitudes. 4° «Dans  la  métamorphose  parfaite, 
le  premier  et  le  troisième  (le  dernier)  état  de  l'insecte  sont  très 
différens  l'un  de  l'autre  ;  les  yeux  surtout  ne  sont  pas  ou  presque 
point  développés.  La  nymphe  ne  mange  pas,  et  passe  presque 


GÉNÉRALITÉS.  '^85 

loujours  cet  état  dans  une  inertie  absolue  ^  tantôt  elle  a  les 
membres  libres,  tantôt  elle  est  emmaillotée.  Celle-ci  se  subdi- 
vise en  nymphe  à  forme  de  momie  ,  et  en  nymphe  à  forme 
d'œuf.  5°.  Les  figures  particulières  et  comparées  de  ces  nymphes 
et  de  leurs  larves,  offrent  des  caractères  propres  à  établir  des 
coupes ,  et  qui  donnent  même  le  moyen  de  distinguer  les  ordres 
classiques  auxquels  elles  appartiennent.  6°.  Les  dénominations 
suivantes  :  demi-larve,  demi-nymphe,  larve,  nymphe,  che- 
nille ,  chrysalide  ,  vermi-larve ,  pupe ,  indiquent  primitive- 
ment les  deux  premiers  états  de  ces  métamorphoses.  7°.  Deux 
genres  d'insectes  dérogent  aux  lois  générales  de  la  métamor- 
phose, l'un  en  éprouvant  quatre  transmutations,  et  l'autre  en 
nous  faisant  voir  que  l'un  des  sexes  n'est  sujet  qu'à  de  simples 
mues.  8**.  La  considération  des  métamorphoses  peut  nous  être 
utile  pour  former  des  divisions  naturelles  dans  les  ordres.  Ici 
ou  dans  quelques  uns,  ces  changemens  sont  de  même  nature 
ou  de  même  espèce  -,  là  ou  dans  d'autres ,  ils  diffèrent  à  cet 
égard ,  comme  nous  le  ferons  voir  lorsque  nous  traiterons 
particulièrement  des  lépidoptères.  M.  le  chevalier  de  Lamarck 
{Hist.  des  Anim.  sans  vertèbres ,  t.  ÎII,  p.  2^0)  a  recher- 
ché la  cause  de  ces  singuliers  phénomènes  ,  et  en  a  donné 
une  explication  ingénieuse,  qui  sera  alors  exposée.  Swam- 
merdam  a  distribué  les  animaux   qu'il  appelle  insectes  en 
quatre  ordres ,  dont  les  caractères  sont  tirés  de  différentes 
transformations  ou  développemens  de  ces  animaux.  Le  pre- 
mier ordre  comprend  tous  les  insectes  qui  sortent  de  leur  œuf 
parfaitement  formés  et  pourvus  de  leurs  membres ,  qui  crois- 
sent ensuite  par  degrés,  et  qui  deviennent  nymphes  (nymphe- 
animal)  en  arrivant  à  leur  dernier  degré  d'accroissement; 
dans  cet  état ,  ils  n'ont  plus  aucune  transformation  à  subir, 
mais  seulement  un  simple  changement  de  peau.  Swammerdam 
rapporte  à  cet  ordre  les  crustacés,  les  arachnides,  nos  insectes 
aptères ,  qui  ne  subissent  pas  de  métamorphose ,  et  même  des 
mollusques  et  des  annélides.  Le  second  ordre  est  celui  où 
l'insecte  sort  de  son  œuf  muni  de  six  pieds  et  arrive  à  l'état 
de  nymphe  (nymphe-ver) ,  lorsque  ces  membres  ont  pris  tout 


286  QUATRIÈME    CLASSE.  INSECTES. 

leur  accroissement  dans  les  gaines  où  ils  sont  renfermés  :  les 
hémiptères  ,  les  orthoptères  et  plusieurs  névroptères.  Le  troi- 
sième ordre  est  celui  où  la  larve  ou  la  chenille  sort  de  son 
œuf,  soit  avec  six  pieds  ou  plus ,  soit  sans  pieds  -,  et  lorsque  les 
membres  de  l'insecte  ont  pris  tout  leur  accroissement  sous  la 
peau  qui  les  cache,   la  nymphe  ou  la  chrysalide  se  montre  en 
se  dépouillant  de  sa  peau.  Cet  ordre  est  divisé  en  deux  genres , 
le  second  est  propre  aux  lépidoptères,  et  la  nymphe  prend  le 
nom  de  cJufsalide;  l'autre  est  composé  des  insectes  qui ,  dans 
leur  second  état ,  que  Swammerdam  désigne  sous  le  nom  de 
nymphe  proprement  dite ,  sont  inactifs  et  présentent  à  l'exté- 
rieur la  forme  de  l'insecte  parfait.  Tels  sont  les  coléoptères , 
les  hyménoptères ,  et  une  partie  des  névroptères  et  des  dip- 
tères :  c'est  la  métamorphose  à  nymphe  incomplète  de  Lin- 
naeus.  Enfin  le  quatrième  et  dernier  ordre  nous  offre  les  in- 
sectes qui  sortent  aussi  de  leurs  œufs  sous  la  forme  de  vers  sans 
pieds ,  ou  pourvus  de  six  pieds  ou  plus  ,  et  dont  les  membres 
croissent  de  même  cachés  sous  la  peau  du  ver,  enfin  qui  pas- 
sent à  l'état  de  nymphe  (nymphe  vermiforme)   sous  celte 
même  peau  :  la  mouche  et  un  grand  nombre  d'autres  diptères. 
Cet  ordre  est  divisé  en  deux  genres^  les  larves  dont  la  peau 
est  ferme  ,  dure  et  tenace,  composent  le  premier.  Dans  le  se- 
cond elle  est  mince,  molle  et  flexible.  Lyonet,  Réaumur  et 
de  Géer  ont  ajouté,  par  leurs  observations,  de  nouveaux  déve- 
loppemens  à  leur  méthode.  Willughby,  célèbre  naturaliste 
anglais ,  mettant  à  profit  les  découvertes  de  Swammerdam , 
divisa  les  animaux  auxquels  il  donnait,  avec  les  anciens,  le 
nom  àHnsectes ,  en  ceux  qui  n'éprouvent  pas  de  transforma- 
tions, et  en  ceux  qui  y  sont  sujets.  Les  premiers  sont  apodes 
ou  sans  pieds  :  et  tels  sont  les  sangsues  ,  les  lombrics ,  les  asca- 
rides ,  en  un  mot  les  vers  à  sang  rouge ,  ou  annélides,  et  les 
vers  proprement  dits  ou  intestinaux  ^  les  autres  insectes  in- 
Iransmutables  ont  des  pieds  qui ,  à  raison  de  la  variété  de  leur 
nombre,  6,8,  14,  ^4  5  3x) ,  ou  indéfini  (polypodes)  ,  forment, 
avec  les  différences  des  milieux  d'habitations ,  les  caractères 
des  divisions  qui  suivent. Rai ,  autre  célèbre  naturaliste  anglais, 


GÉNÉRALITÉS.  287 

distribua  ensuite  les  insectes  qui  subissent  des  mélamorplioses , 
en  trois  ordres  correspondans  aux  trois  derniers  de  Swammer- 
dam.  Sa  méthode,  et  celle  des  deux  autres  naturalistes  précé- 
dens,  publiée  peu  de  temps  après,  forment,  dans  l'Histoire 
de  l'Entomologie,  une  grande  époque  ,  puisqu'elles  ont  changé 
la  face  de  cette  science  ,  qui ,  depuis  Aristote  ,  était  restée  sta- 
tionnaire  (i).  Swammerdam,  par  ses  observations  sur  l'ana- 
lomie  d'un  grand  nombre  d'animaux  sans  vertèbres,  et  sur  les 
métamorphoses  des  grenouilles,  nous  a  frayé  le  premier  la  route 
qui  conduit  à  la  méthode  naturelle,  et  dans  laquelle  les  moder- 
nes ont  fait  tant  de  progrès.  Cet  élan  une  fois  donné  à  l'ento- 
mologie, un  siècle  a  suffi  pour  l'élever  au  degré  de  perfection 
qu'elle  peut  atteindre,  quant  aux  bases  sur  lesquelles  elle  doit 
reposer,  ou  quant  à  ses  divisions  principales  et  leur  disposition. 

Linnaeus,  Fabricius,  MM.  Cuvier  et  de  Lamarck,  par  des 
méthodes  établies  sur  des  considérations  différentes,  ont  em- 
brassé tous  les  genres  de  rapports  sous  lesquels  il  est  possible 
d'envisager  cette  branche  de  la  zoologie ,  et  ce  n'est  plus  que 
dans  les  détails  qu'elle  est  susceptible  de  perfectionnement.  Les 
noms  de  ces  grands  naturalistes  forment,  comme  nous  l'avons 
vu ,  autant  d'ères  célèbres  dans  les  fastes  historiques  de  la 
science.  Il  me  serait  facile  de  ramener  aux  méthodes  précé- 
dentes toutes  celles  qui  ont  paru  depuis ,  et  qu'on  a  souvent 
données  comme  nouvelles. 

Parvenus  à  leur  dernière  transformation,  ou  jouissant 
de  toutes  leurs  facultés,  les  insectes  se  hâtent  de  propager  leur 
race ,  et ,  ce  but  étant  rempli ,  ils  cessent  bientôt  d'exister. 
Aussi ,  dans  nos  climats  ,  chacune  des  trois  belles  saisons  de 
l'année  nous  otfre-t-elle  plusieurs  espèces  qui  lui  sont  propres. 
Quelquefois  la  même  reparaît  une  ou  plusieurs  fois  dans  la 
même  année  ,  ce  qui  dépend  de  la  rapidité  du  temps  qui  s'é- 
coule entre  leur  premier  et  leur  dernier  âge  ,  et  de  quelques 
circonstances  favorables.  Plus  la  durée  des  métamorphoses  est 
courte  ,  plus  le  nombre  des  œufs  est  grand ,  plus  aussi  la  pul- 

(i)  Voyez  uotre  Tableau  de  l'Histoire  de  l'EutoraoIogie. 


288,  QUATRIÈME    CLASSE.  INSECTES. 

lulation  de  ces  animaux  est  considérable.  Mais,  en  général, 
cette  excessive  multiplication  n'a  lieu  que  dans  les  espèces  les 
plus  petites  et  les  plus  faibles  ,  comme  dans  quelques  hémip- 
tères et  plusieurs  diptères.  Les  femelles  et  les  individus  neu- 
tres paraissent  avoir ,  sous  leur  dernière  forme  ,  une  carrière 
plus  longue.  Plusieurs  individus  nés  en  automne  se  dérobent 
aux  rigueurs  de  l'hiver  en  cherchant  un  asile  dans  les  re- 
traites les  plus  cachées  :  c'est  ce  qu'on  appelle  leur  hivernage 
(  hihevnatio  )  \  plusieurs  ,  comme  des  lygées  ,  des  brachines  , 
se  réunissent  alors  en  famille  assez  nombreuses.  Les  hivers 
humides  leur  sont  plus  nuisibles  que  ceux  qui  sont  rigoureux. 
Ils  ont  un  grand  nombre  d'ennemis.  Sans  parler  de  ceux  de 
leur  propre  classe  ,  qui  leur  font  la  guerre  ,  et  de  l'homme , 
beaucoup  d'oiseaux ,  les  chauves-souris  ,  les  lézards ,  en  dé- 
truisent une  grande  quantité.  Les  reptiles  batraciens  et  les 
poissons  nous  délivrent  de  ceux  qui  font  aussi  leur  séjour  dans 
l'eau  ou  sur  les  rivages.  Les  insectes ,  ainsi  que  les  autres 
animaux  ,  essaient  de  se  soustraire  aux  dangers  qui  les  me- 
nacent^ les  uns  par  la  retraite  ou  l'inaction,  quelquefois  même 
par  la  ruse,  en  se  laissant  tomber,  en  feignant  d'être  morts , 
en  se  mettant  en  boule  ;  d'autres  s'échappent  par  la  rapidité 
de  leur  course  ou  de  leur  vol ,  ou  en  sautant  \  d'autres  ,  en- 
core ,  trompent  les  regards  de  leurs  adversaires  ,  soit  par  des 
formes  singulières  ,  soit  par  des  couleurs  tantôt  semblables  à 
celles  des  objets  sur  lesquels  ils  sont  placés,  tantôt  éclatantes 
ou  très  variées.  Il  en  est  qui  emploient  dans  cette  lutte,  ou  des 
armes  ordinaires ,  comme  leurs  mandibules ,  ou  des  moyens 
spéciaux  que  la  nature  leur  a  donnés,  tels  que  des  pinces,  des 
aiguillons ,  des  tentacules  rétractiles  ,  des  excrétions  d'hu- 
meurs ,  dont  les  unes  oléagineuses ,  les  autres  soit  acides  ou 
alcalines,  soit  caustiques^  quelques  uns  se  garantissent  au 
moyen  de  l'odeur  qu'ils  répandent  j  enfin  plusieurs  trouvent 
leur  salut  dans  l'espèce  de  cuirasse  dure  et  écailleuse ,  sou- 
vent même  hérissée  de  piquans  ou  d'aspérités ,  qui  protège 
leur  corps.  L'étude  de  leurs  mœurs  et  de  leurs  habitudes, 
une  extrême  vigilance  soutenue  par  quelques  sacrifices ,  di- 


GÉNÉRALITÉS.  289 

vers  essais  pour  arriver  à  un  moyen  de  destruction  ,  à  la  fois 
]e  plus  sûr,  le  plus  général  et  le  plus  économique  ,  des  réu- 
nions formées  pour  le  même  but ,  des  peines  ou  des  récom- 
penses accordées  au  zèle  ou  à  l'assiduité  du  travail ,  voilà  les 
seules  armes  que  nous  pouvons  opposer  à  tant  d'insectes  des- 
tructeurs.  Mais   ne   nous   faisons  pas  illusion  ^   il  n'est  pas 
en  notre  pouvoir  d'anéantir  leurs  races  :  les  affaiblir  ou  en 
diminuer  le  nombre ,  voilà  tout  ce  que  celui  qui  veille  à  leurs 
destinées  nous  permet  d'espérer  et  d'atteindre.  Exécuteurs 
de  ses  ordres  ,  ils  contribuent  à  maintenir  l'équilibre  général 
qu'il  a  établi  parmi  les  corps  organisés.  L'existence  de  plu- 
sieurs de  ces  petits  animaux  est  même  pour  nous  un  bienfait 
de  l'Etre  suprême  qui  doit  exciter  notre  gratitude ,  et  tels 
sont  les  insectes  carnassiers  et  ceux  qui  se  nourrissent  de  ma- 
tières cadavéreuses,  excrémentitielles  ou  putrides.  Quelques 
uns  ,  mais  en  petit  nombre  .  sont  employés  dans  la  médecine 
(^'OJ  ezÉcrevisse,  Cloporte,  Cantharide  ,  Mylabre  ,  Kermès)  ^ 
d'autres  dans  les  arts  et  l'économie  domestique  [voyez  Crus- 
tacés ,   Cochenille,  Bombyx,  Abeille,   Cynips)^    il   en  est 
qui ,  dans   certaines  circonstances ,    deviennent  des  inslru- 
mens  de  météorologie  [voyez  Araignée  ,  Abeille  ,  Stomoxe , 
Tipulaires  ).  Des  peuplades  sauvages  de  l'Amérique   se  font 
des  colliers  avec  les  élytres  de  quelques  espèces  de  hanne- 
tons et  de  chrysomélines.  Il  en  est  d'autres  parmi  celles  de 
l'Afrique  pour  qui  d'autres  insectes ,  comme  des  phasmes , 
sont,  à  la  honte  de  l'espèce  humaine  ,  un  objet  de  superstition 
ou  de  fétichisme. 

Un  sujet  des  plus  curieux ,  et  qui  n'a  pas  encore  été  traité, 
la  détermination  du  moins  approximative  des  climats  propres 
aux  races  des  insectes,  se  rattache  à  celui  qui  a  pour  objet 
leur  nutrition.  En  effet,  puisque  l'Auteur  de  la  nature  a 
répandu  sur  tous  les  points  de  la  surface  de  notre  globe , 
susceptibles  de  les  nourrir,  les  corps  vivans-,  puisque  ces 
êtres  ont  dû  varier  avec  les  climats ,  il  faut  que  les  sub- 
stances alimentaires  des  animaux  diffèrent  pareillement  à 
raison  des  lieux  où  ils  passent  leur  vie  ,  et  que  dès-lors  ces 

J9 


2O0  QUATRIÈME    CLASSE.   INSECTES. 

subslaiices ,  ainsi  que  ces  animaux  ,  aient  une  même  circon- 
scription géograpliique.  Indépendamment  de  cette  considéra- 
tion ,  la  température  qui  convient  au  développement  d'une 
espèce  n'est  pas  toujours  propre  à  celui  d'une  autre  -,  ainsi 
l'étendue  du  pays  qu'occupent  certaines  espèces  a  nécessaire- 
ment des  bornes  qu'elles  ne  peuvent  franchir,  du  moins  subi- 
tement 5  sans  cesser  d'exister.  Ces  principes  amènent  une 
autre  conséquence  :  là  où  finit  l'empire  de  Flore  ,  là  se  ter- 
mine aussi  le  domaine  de  la  zoologie.  Les  animaux  qui  se 
nourrissent  de  végétaux  ne  pourraient  vivre  dans  des  lieux 
tout-à-fait  stériles  ,  et  ceux  qui  sont  carnassiers  y  seraient 
également  privés  de  matières  alimentaires ,  ou  des  animaux 
dont  ils  font  leur  proie  ^  ils  ne  peuvent  donc  s'y  établir.  L'ob- 
servation nous  apprend  que  les  pays  les  plus  féconds  en  ani- 
maux à  pieds  articulés ,  en  insectes  surtout ,  sont  ceux  dont 
la  végétation  est  la  plus  riche  et  se  renouvelle  le  plus  prompte- 
ment.  Tels  sont  les  effets  d'une  chaleur  forte  et  soutenue  , 
d'une  humidité  modérée  et  de  la  variété  du  sol.  Plus ,  au 
contraire  ,  on  s'approche  de  ce  terme  où  les  neiges  et  les 
glaces  sont  éternelles ,  soit  en  allant  vers  les  pôles ,  soit  en 
s'élevant  sur  des  montagnes  à  un  point  de  leur  hauteur  qui  y 
par  l'affaiblissement  du  calorique ,  présente  les  mêmes  phé- 
nomènes ,  plus  le  nombre  des  plantes  et  des  insectes  diminue. 
Aussi  Othon  Fabricius ,  qui  a  publié  une  bonne  faune  du 
Groenland ,  n'y  mentionne  que  468  espèces  d'animaux  ,  et  le 
nombre  de  celle  des  insectes,  en  y  comprenant,  à  la  ma- 
nière de  Linnseus ,  les  crustacés  et  les  arachnides,  n'y  est 
porté  qu'à  iio.  Enfin,  dès  qu'on  aborde  ces  régions  que 
l'hiver  obsède  sans  cesse ,  les  êtres  vivans  ont  disparu  ,  et  la 
nature  n'a  plus  la  force  de  reproduire.  Les  plaines  qui  avoi- 
sinent  les  pôles  se  trouvent ,  à  cet  égard ,  dans  le  même  état 
d'inertie  que  les  parties  où  commence  la  région  des  glaces  per- 
pétuelles dans  les  montagnes  de  la  zone  torride,  ou  dans  celles 
des  contrées  les  plus  fécondes  ;  ces  montagnes,  envisagées  sous 
le  rapport  des  végétaux  et  des  animaux  qui  leur  sont  propres, 
forment  graduellement,  et  par  superposition  ,  des  climats  par- 


GENERALITES.  29I 

tiruliers,  dont  la  température  elles  productions  sont  sembla- 
bles à  celles  des  plaines  des  contrées  plus  septentrionales. 
C'est  ainsi  que  les  Alpes  sont  l'habitation  de  plusieurs  espèces 
d'insectes  que  l'on  ne  trouve  ensuite  qu'au  nord  de  l'Europe. 
Le  prionus  depsarius ,  qui  semblait  jusqu'ici  n'avoir  d'autre 
patrie  que  la  Suède  ,  a  été  découvert  dans  les  montagnes  de  la 
Suisse.  J'ai  pris  moi-même  au  Cantal  le  lycus  minutus,  qu'on 
ne  reçoit  que  des  provinces  les  plus  boréales  de  l'Europe. 
Ainsi  encore,  le  papillon  nommé  apollon  par  Linnœus,  très 
commun  dans  les  campagnes  et  les  jardins  d'Upsal,  ainsi  que 
dans  d'autres  parties  de  la  Suède  ,  n'habite  en  France  que 
les  montagnes  dont  l'élévation  est  au  moins  de  600  à  700  toises 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Le  carabus  auratus,  Yacrj- 
diiun  grossum,  plusieurs  de  nos  papillons,  la  vipère  commune 
(coluber  berus)  ,  vivant  ici  dans  nos  plaines  ,  ou  s' élevant  peu 
au-dessus  de  l'horizontalité  du  sol ,  ont  dans  le  midi  de  la 
France,  en  Italie,  leur  domicile  sur  les  montagnes  alpines 
ou  sub-alpines.  Là,  ces  animaux  retrouvent  la  même  tempéra- 
ture et  les  mêmes  matières  nutritives.  L'entomologiste  éclairé 
tiendra  compte  de  la  hauteur,  au-dessus  de  la  mer,  des  lieux 
où  il  prend  des  insectes ,  et  il  observera  avec  soin  leur  tempé- 
rature moyenne.  Ainsi  que  les  géographes ,  les  naturalistes 
ont  partagé  la  surface  de  la  terre  en  divers  climats  :  ceux-là 
ont  pris  pour  bases  les  différences  progressives  de  la  plus 
longue  durée  du  jour  naturel ,  ceux-ci  ont  fondé  leurs  divi- 
sions sur  la  température  moyenne  des  régions  propres  aux 
animaux  et  aux  végétaux.  Dans  la  Philosophie  entomologique 
de  Fabricius,  l'acception  du  mot  de  climat  est  générale  et 
embrasse  l'universalité  des  habitations  des  insectes,  ou  de  tous 
les  animaux  à  pieds  articulés.  Il  divise  le  climat  en  huit  sta- 
tions ou  en  autant  de  sous-climats  particuliers  ,  savoir  :  l'in- 
dien, l'égyptien,  l'austral,  le  méditerranéen,  le  boréal,  l'orien- 
tal, l'occidental  et  l'alpin.  Mais  il  est  aisé  de  voir,  par  l'énumé- 
ration  des  contrées  qu'il  rapporte  à  chacun  d'eux  ,  que  ces  di- 
visions ne  sont  pas  toujours  établies  sur  des  documens  positifs , 
et  qu'il  faudrait ,  si  l'on  suit  rigoureusement  le  principe  sur 


2Q2  QUATRIÈME    CLASSE.   INSECTES. 

lequel  elles  reposent ,  la  chaleur  moyenne ,   en  supprimer 
quelques  unes.  Le  sous -climat  qu'il  appelle  méditerranéen 
comprend  les  pays  adjacens  à  la  mer  Méditerranée ,  et  en 
outre  la  Médie  et  l'Arménie  ^  le  boréal  s'étend  depuis  Paris 
jusqu'à  la  Laponie  ;  l'oriental  est  composé  du  nord  de  l'Asie , 
de  la  Sibérie  et  de  la  portion  froide  ou  montagneuse  de  la 
Syrie-,  l'occidental  renferme  le  Canada,  les  Etats-Unis,  le 
Japon  et  la  Chine.  Ce  simple  exposé  suffit  pour  nous  con- 
vaincre qu'il  y  a  dans  ces  divisions  beaucoup  d'arbitraire. 
Plusieurs  de  ces  contrées  peuvent  avoir,   et  ont  réellement 
une  température  moyenne  identique-,  elles  ne  sont  pas  cepen- 
dant rangées  sous  le  même  climat.  Mais,  outre  que  ces  dis- 
tinctions ne  sont  presque  d'aucune  utilité  pour  la  science , 
puisque  des  lieux  où  celte  température  est  la  même  ont  des 
animaux  difFérens ,  il  est  impossible ,  dans  l'état  actuel  de  nos 
connaissances  ,  d'assurer  sur  une  base  solide  ces  divisions  de 
climats.   Les  diverses  élévations  du  sol  au-dessus  du  niveau 
de  la  mer,  sa  composition  minéralogique ,  la  quantité  variable 
des  eaux  qui  l'arrosent ,  les  modifications  que  les  montagnes, 
par  leur  étendue  ,  leur  hauteur  et  leur  direction  ,  produisent 
sur  sa  température,  les  forets  plus  ou  moins  grandes  dont  il 
peut  être  couvert,  l'influence  qu'exerce  encore  sur  sa  tempéra- 
ture celle  des  climats  voisins,  sont  des  élémens  qui  compliquent 
ces  calculs,  et  qui  y  jettent  de  l'incertitude,  vu  la  difficulté 
où  l'on  est  d'en  apprécier  la  valeur  soit  isolément,  soit  réunis. 
Je  considérerai  les  climats  sous  un  autre  point  de  vue  ,  celui 
qui  nous  offre  les  genres  d'arachnides  et  d'insectes  exclusi- 
vement propres  à  des  espaces  déterminés  de  la  surface  de  la 
terre.  Nos  catalogues,  relativement  aux  espèces  exotiques, 
sont  trop  imparfaits  pour  qu'il  soit  en  notre  pouvoir  de  suivre 
un  autre  plan  -,  on  n'a  même  encore  qu'ébauché  l'entomo- 
logie européenne  ^  mais_,  supposé  que  nous  n'eussions  pas  à  nous 
plaindre  de  cette  pénurie  de  matériaux  ,  irais-je  vous  fatiguer 
par  d'ennuyeuses  nomenclatures  d'espèces ,  par  tous  les  petits 
détails  où  ce  sujet  m'entraînerait?  ne  faudrait-il  pas  toujours 
se  fixer  à  quelques  idées  sommaires  et  générales ,  et  aux  ré- 


GÉNÉRALITÉS.  293 

sultats  les  plus  imporlans  ?  Tel  est  le  but  que  je  dois  me  pro- 
poser; et  quoique,  avec  plus  de  secours,  je  pusse  mieux  l'at- 
teindre ,  j'espère  cependant  qu'un  bon  emploi   des  faibles 
moyens  que  mes  études  m'ont  fournis,  me  conduira  à  des  vues 
nouvelles  ,  et  que  je  crois  dignes  d'intérêt.  Je  vais  ,  au  reste  , 
fraver  la  roule  ,  ou  plutôt  je  planterai  le  premier  les  jalons 
qui  pourront  servir  à  la  percer,  et  mes  efforts,   fussent -ils 
infructueux  ,  mériteraient  au  moins  quelque  indulgence.  On 
doit  reprocher  à  plusieurs  naturalistes  voyageurs  de  l'incurie 
ou  de  la  négligence  ,  au  sujet  de  l'indication  précise  des  lieux 
où  ils  ont  pris  les  objets  qui  enrichissent  nos  musées.  Cette 
première  faute  commise,  on  ne  doit  pas  être  surpris  qu'ils 
n'aient  pas  remarqué  les  qualités  particulières  du  sol  considéré 
physiquement  et  sous  des  aperçus  minéralogiques.  Ces  détails 
sont  cependant  une  partie  essentielle  de  l'histoire  des  ani- 
maux. Les  licines,   le  papillon  cléopàtre ,  plusieurs  dasyles, 
quelques  lamies ,  etc.,  ne  se  trouvent  que  dans  des  terrains 
calcaires.  J'ai  observé  que  la  pimélie  biponctuée ,  très  com- 
mune aux  environs  de  Marseille,  ne  s'éloignait  guère  des 
bords  de  la  mer.  Si  l'intérieur  des  terres ,  en  Barbarie  ,  en 
Syrie,  en  Egypte,  offre  d'autres  espèces  du  même  genre ,  c'est 
que  le  sol  y  est  imprégné  de  particules  salines,  ou  abonde  en 
plantes  du  genre  soude  salsola^  ainsi  ces  pimélies  habitent 
toujours  un  terrain  analogue  à  celui  où  vit  la  première.  Les 
insectes  des  pays  qui  bordent  la  Méditerranée ,  la  mer  Noire 
et  la  mer  Caspienne ,  ont  de  grands  rapports  entre  eux  ,  et  se 
tiennent,  pour  la  plupart,  à  terre  ou  sur  des  plantes  peu 
élevées.  Ces  contrées  semblent  être  le  siège  principal  des  co- 
léoptères hétéromères,  des  lixes,  des  brachycères,  des  buprestes 
à  forme  conique  -,  et  quoique  le  cap  de  Bonne-Espérance  en 
soit  très  distant,  beaucoup  de  ses  insectes  ont  cependant  en- 
core ,  avec  les  précédens,  des  traits  de  famille.  INous  pouvons 
déduire  de  ces  faits  que  le  terrain  et  les  productions  végétales 
de  ces  diverses  régions  ont  plusieurs  caractères  d'affinité  natu- 
relle. Il  est  facile  de  sentir  qu'on  doit  porter  les  mêmes  soins 
dans  l'observation  locale  ,  tant  des  espèces  qui  vivent  dans  les 


2o4  QUATRIÈME    CLASSE.  —     INSECTES. 

eaux ,  et  dont  il  faut  distinguer  la  nature  ,  que  de  celles  qui 
sont  littorales.  Toutes  ces  connaissances  accessoires  peuvent 
nous  éclairer  sur  les  habitudes  particulières  de  ces  animaux,  ou 
faire  naître  à  leur  sujet  des  présomptions  raisonnables.  Ayant 
ainsi  réveillé  l'attention  des  naturalistes  voyageurs,  et  pré- 
senté quelques  observations  préliminaires,  je  viens  directe- 
ment à  mon  sujet.  Les  propositions  suivantes  sont  établies  sur 
l'étude  que  j'ai  faite  d'un  des  plus  beaux  musées  de  l'Europe, 
des  collections  privées  de  Paris ,  et  sur  les  renseignemens  que 
j'ai  pu  acquérir,  tant  par  les  ouvrages  que  par  mes  recher- 
ches, et  une  correspondance  très  étendue  :  i".  La  totalité  ,  ou 
un  très  grand  nombre  des  arachnides  et  des  insectes  qui  ont 
pour  patrie  des  contrées  dont  la  température  et  le  sol  sont  les 
mêmes,  mais  séparées  par  de  très  grands  espaces,  est  composé 
en  général  d'espèces  différentes,  ces  contrées  fussent-elles  sous 
le  même  parallèle.  Tous  les  insectes  et  arachnides  qu'on  a  rap- 
portés des  parties  les  plus  orientales  de  l'Asie ,  comme  de  la 
Chine,  sont  distincts  de  ceux  de  l'Europe  et  de  l'Afrique,  quelles 
que  soient  les  latitudes  et  les  températures  de  ces  contrées 
asiatiques.  La  plupart  des  mêmes  animaux  diffèrent  encore 
spécifiquement,  lorsque  les  pays  où  ils  font  leur  séjour  ayant 
identité  de  sol  et  de  température  ,  sont  séparés  entre  eux , 
n'importent  les  différences  en  latitude ,  par  des  barrières  na- 
turelles ,  interrompant  les  communications  de  ces  animaux , 
ou  les  rendant  très  difficiles ,  telles  que  des  mers ,  des  chaînes 
de  montagnes  très  élevées,  de  vastes  déserts.  Dès -lors  ,  les 
arachnides,  les  insectes,  les  reptiles  même  de  l'Amérique,  de 
la  Nouvelle -Hollande,  ne  peuvent  être  confondus  avec  les 
animaux  des  mêmes  classes  qui  habitent  l'ancien  continent. 
Les  insectes  des  Etats-Unis ,  quoique  souvent  très  rapprochés 
des  nôtres,  s'en  éloignent  cependant  par  quelques  caractères^ 
ainsi  ceux  du  royaume  de  la  Nouvelle  -  Grenade  ,  du  Pérou  , 
contrées  voisines  de  la  Guyane  ,  et  pareillement  équinoxiales, 
diffèrent  néanmoins  en  grande  partie  de  ceux  de  la  dernière  . 
les  Cordillères  divisant  ces  climats.  Quand  on  passe  du  Pié- 
mont en  France  par  le  col  de  Tende  ,  on  aperçoit  aussi  un 


G^NliRALlTÉS.  SqS 

changement  assez  brusque.  Ces  règles  peuvent  souffrir  quel- 
ques exceptions,  relativement  aux  espèces  aquatiques.  Nous 
connaissons  encore  des  insectes  dont  l'habitation  s'étend  très 
loin  :  le  papillon  du  chardon  (cardui)  ,  ou  la  belle-dame  ,  si 
commun  dans  nos  climats  et  même  en  Suède ,  se  trouve  au 
cap  de  Bonne-Espérance  ;  la  JNouvelle-Hollande  offre  aussi 
une  espèce  qui  en  est  très  voisine  ;   le  sphinx  du  nérion  ,  le 
sphinx  celerio,  ont  pour  limites  septentrionales  notre  climat , 
et  pour  bornes  méridionales  l'Ile-de-France.  Parmi  les  insectes 
aquatiques,  le  dytiscus  gris  eus ,  qui  vit  dans  les  eaux  de  la 
ci-devant  Provence  ,  du  Piémont,  n'est  pas  étranger  au  Ben- 
gale. Je  ne  parle  pas  d'après  les  auteurs  qui  confondent  sou- 
vent des  espèces  de  pays  très  éloignés,  lorsqu'elles  ont  des 
rapports  communs,  mais  d'après  mes  propres  observations. 
Beaucoup  de  genres  d'insectes,  et  particulièrement  ceux  qui 
se  nourrissent  de  végétaux,  sont  répandus  sur  un  grand  nom- 
bre de  points  des  divisions  principales  du  globe.   Quelques 
autres  sont  exclusivement  propres  à  une  certaine  étendue  du 
pays ,  soit  de  l'ancien  ,  soit  du  nouveau  continent.   On  ne 
trouve  point  dans  le  dernier  les  suivans  :  anthie  ,  graphiptère , 
érodie  ,  pimélie  ,  scaure  ,  cossyphe  ,   mylabre  ,  brachycère  , 
némoptère ,  abeille,  anthophore,  ni  plusieurs  autres  de  la 
tribu  des  carabiques  ^  mais  cet  hémisphère  occidental  en  pré- 
sente aussi  qu'on  ne  rencontre  pas  ailleurs  ,  et  dont  voici  les 
principaux  :  agre  ,  nilion  ,    tétraonyx  ,    rutèle  ,   doryphore  , 
alurne  ,  érotyle  ,  cupès  ,  corydale ,  labide  ,  pélécine  ,  centris  , 
euglosse  ,  héliconien ,  érycine  ,  castnie  :  nos  abeilles  y  sont 
remplacées  par  les  mélipones  et  les  trigones.  On  n'a  encore 
observé  les  genres  manticore,  graphiptère,  pneumore,  ma- 
saris ,  qu'en  Afrique-,  le  premier  et  le  troisième  sont  même 
restreints  à  la  colonie  du  cap  de  Bonne-Espérance.  Les  col- 
liures  sont  propres  aux  Indes  orientales-,  les  genres  lamprime  , 
hélée,  céraptère  ,  paropside,  panops ,  viennent  uniquement  de 
la  Nouvelle-Hollande  ou  de  quelques  îles  voisines.  Plusieurs 
espèces,  dans  leur  pays  natal,  affectent  exclusivement  cer- 
taines localités ,  soit  dans  les  parties  basses ,  soit  dans  celles 


296  QUA.TRIÈME    CLA.SSE.  INSECTES. 

qui  sont  élevées  ,  et  à  une  hauteur  constante.   Quelques  pa- 
pillons alpins  sont  toujours  confinés  près  de  la  région  des 
neiges  perpétuelles.  Lorsqu'on  s'élève  sur  des  montagnes,  à 
une  hauteur  où  la  température,  la  végétation,  le  sol,  sont  les 
mêmes  que  ceux  d'une  contrée  bien  plus  septentrionale  ,  on  y 
découvre  plusieurs  espèces  qui  sont  particulières  à  celle-ci ,  et 
qu'on  chercherait  en  vain  dans  les  plaines  et  les  vallons  qui 
sont  au  pied  de  ces  montagnes.  J'ai  cité  plus  haut  des  exem- 
ples qui  appuient  cette  règle.  Si ,  dans  le  même  pays  ,  la  tem- 
pérature de  quelques  unes  de  ses  parties  basses  ,  ou  au  niveau 
de  l'horizon  ,  est  modifiée  par  des  circonstances  locales  ,  ces 
cantons  ont  aussi  plusieurs  espèces  que  l'on  trouve  plus  fré- 
quemment y  soit  un  peu  plus  au  nord  ,  si   la  température 
moyenne  s'est  abaissée  ,  soit  un  peu  plus  au  midi ,  dans  le  cas 
de  son  ascension.  C'est  ainsi  que  nous  commençons  à  voir  au 
nord  du  département  de  la  Seine  des  insectes  spécialement 
propres  aux  départemens  plus  froids ,  à  l'Allemagne  ,  et  que 
les  terrains  chauds  et  sablonneux  situés  au  midi  et  à  l'est  de 
Paris  ,  nous  offrent  quelques  espèces  méridionales. 

On  divisera  l'ancien  et  le  nouveau  continent  en  zones,  s'éten- 
dant  successivement  dans  le  sens  des  méridiens,  et  dont  la  lar- 
geur est  mesurée  par  une  portion  de  cercle  parallèle  à  l'équa- 
teur.  Les  espèces  propres  à  une  de  ces  zones  disparaissent 
graduellement  et  font  place  à  celles  de  la  zone  suivante,  de  sorte 
que ,  d'intervalle  en  intervalle ,  les  espèces  dominantes ,  ou 
même  leur  totalité ,  ne  sont  pas  les  mêmes.  Je  compare  ce 
changement  à  cette  suite  d'horizons  que  le  voyageur  découvre 
à  proportion  qu'il  s'éloigne  de  son  premier  point  de  départ. 

La  Suède  a  beaucoup  d'espèces  d'insectes  qui  lui  sont  par- 
ticulières ,  et  dont  quelques  unes  sont  reléguées  dans  ses  pro- 
vinces les  plus  boréales ,  comme  la  Laponie.  Mais  son  midi , 
la  Scanie  par  exemple ,  offre  ,  quoiqu'on  petite  quantité , 
plusieurs  insectes  de  l'Allemagne.  La  France  ,  jusque  vers  le 
45*  à  44*  degré  de  latitude ,  en  a  plusieurs  que  l'on  retrouve 
dans  ces  mêmes  contrées  -,  mais  il  semble  que  le  Rhin  et  ses 
montagnes  orientales  forment ,  à  l'égard  de  quelques  autres 


GFNER  ALITES.  ^97 

espèces,  une  sorte  de  frontière  qu'elles  n'ont  point  franchie. 
Les  premières  de  celles  qui  sont  propres  aux  pays  chauds  de 
l'Europe  occidentale ,  se  montrent  vers  le  cours  inférieur  de 
la  Seine  ,  précisément  au  point  où  la  vigne  commence  à  pros- 
pérer dans  les  terrains  en  plaine ,  et  sans  le  secours  de  quelques 
circonstances  locales.  L'ateuchus  flagellé  ,  le  mylabre  de  la 
chicorée,  la  mante  religieuse,  la  cigale  hématode,  l'ascalaphe 
italique  ,  annoncent  ce  changement.  Il  est  plus  manifeste  à 
Fontainebleau  ,  aux  environs  d'Orléans ,  qui  offrent ,  outre 
ces  espèces  ,  le  phasma  rossii ,  la  mantis  pagana,  le  sphinx 
celerioj  mais  ces  insectes,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  ne  sont 
que  les  avant-coureurs  de  ceux  qui  sont  propres  aux  contrées 
vraiment  méridionales.  On  reconnaît  le  domaine  des  derniers 
à  l'apparition  de  quelques  autres  espèces  de  cigales ,  de  mantes  ^ 
à  celle  des  zonitis ,  des  akis ,  des  scaures  ,  des  termes ,  mais 
surtout  à  la  présence  du  scorpion  européen  et  de  l'ateuchus 
sacré.  La  culture  de  l'olivier,  la  croissance  spontanée  de  l'ar- 
bousier, du  grenadier,  de  la  lavande  ,  parlent  encore  plus  sen- 
siblement aux  yeux.  Ce  changement  est  extrêmement  remar- 
quable, lorsqu'en  allant  de  Paris  à  Marseille  on  atteint  le 
territoire  de  Montélimart.  Les  bords  de  la  Méditerranée  sont 
un  peu  plus  chauds  ^  les  mj gales ,  les  onitis ,  les  cébrions ,  les 
h  rente  s  y  les  scarites ,  y  paraissent  pour  la  première  fois.  Si 
nous  pénétrons  dans  l'intérieur  de  l'Espagne ,  et  si  nous  y 
visitons  les  belles  contrées  de  l'est ,  où  les  orangers  et  les  pal- 
miers viennent  en  pleine  terre ,  un  nouvel  ordre  d'espèces 
d'arachnides  et  d'insectes  ,  entremêlées  de  quelques  unes  déjà 
observées  dans  le  midi  de  la  France  ,  frappera  nos  regards  -, 
nous  y  voyons  des  érodies,  des  sépidies,  des  zygies,  des  némop- 
tères  ,  des  galéodes  et  beaucoup  d'autres  insectes  analogues  à 
ceux  de  Barbarie  et  du  Levant.  La  connaissance  de  ces  espèces 
nous  étant  devenue  familière ,  l'entomologie  des  contrées  at- 
lantiques de  l'Afrique  ,  ou  de  celles  qui  sont  situées  sur  la 
Méditerranée  jusqu'à  l'Atlas,  ne  nous  causera  point  une  sur- 
prise  extraordinaire.    Nous   y   découvrirons    cependant  des 
genres  d'insectes  qui  ont  leur  centre  de  domination  dans  les 


9AjS  QUATRIÈME    CLASSE.  INSECTES. 

régions  comprises  entre  les  tropiques,  comme  des  anthies, 
des  graphiplères ,  des  siagones.  Nous  n'avons  sur  les  insectes 
du  sud-est  de  l'Europe  que  des  notions  très  imparfaites.  Je 
remarque  seulement  que  le  papillon  chrysippus  de  Linnaeus , 
commun  en  Egypte  et  aux  Indes  orientales ,  parait  dans  le 
royaume  de  Naples.  La  plupart  des  espèces  d'Egypte  sont 
étrangères  à  l'Europe ,  sans  qu'elles  sortent  néanmoins  des 
familles  naturelles  où  se  placent  les  nôtres.  Son  extrémité 
méridionale ,  en  tirant  vers  la  Nubie,  offre  une  de  ces  grandes 
sortes  de  bousier,  le  midas,  qui ,  tels  que  le  bucephalus ,  Van- 
ténor,  le  gigas ,  n'habitent  que  les  climats  les  plus  chauds 
et  rapprochés  de  la  ligne  équinoxiale  de  l'ancien  continent. 
Transportés  sur  les  rives  du  Sénégal,  et  gagnant  de  là  les  con- 
trées plus  au  midi ,  nous  ne  voyons  presque  plus  aucun  insecte 
d'Europe.  C'est  de  ces  régions  brûlantes  que  viennent  les  plus 
grandes  espèces  du  genre  golialh  de  M.  de  Lamark  ^  les  autres 
nous  sont  fournies  par  l'Amérique  méridionale  et  Java.  La 
colonie  du  cap  de  Bonne-Espérance  abonde  surtout  en  espèces 
■des  genres  anthie  et  brachycère  :  on  y  trouve  encore  les  genres 
manticore  ,  pneumore  ,  doryle  et  eurychore.  M.  Savigny  a 
découvert  en  Egypte  une  nouvelle  espèce  du  dernier ,  et 
dans  les  insectes  recueillis  au  Bengale  par  Macé,  j'ai  trouvé 
une  espèce  de  celui  de  doryle.  L'Afrique  et  les  Indes  orien- 
tales nous  offrent  des  sagres,  des  paussus  et  des  diopsis.  L'Ile- 
de-France  a  aussi  une  espèce  inédite  du  second  de  ces  genres. 
Palissot  de  Beauvais  avait  rapporté  du  royaume  de  Benm 
<îelui  qu'il  a  nommé  pelatocheirus ,  et  qui  est  voisin  des  ré- 
duves ,  mais  très  singulier  par  la  forme  en  bouclier  ou  en  ron- 
dache  de  ses  deux  jambes  antérieures.  Celui  d'encelade  paraît 
propre  à  la  côte  d'Angola.  Quelques  excursions  que  M.  Des- 
fonlaines  a  faites  sur  le  domaine  de  l'entomologie  ,  durant 
son  voyage  dans  les  États  barbaresques ,  et  qui  nous  font 
regretter  qu'il  ne  se  soit  pas  livré  plus  long-temps  à  la  re- 
cherche de  cette  partie  de  l'Afrique  ,  nous  ont  procuré  le 
genre  masaris  ,  dont  le  midi  de  l'Europe  cl  le  Levant  nous  pré- 
sentent l'analogue  ,  dans  celui  de  célonilc.  Enfin  cette  grande 


GÉNÉRALITÉS.  299 

diTision  de  l'ancien  continent  a  plusieurs  lépidoptères  qui 
forment  des  coupes  particulières,  et  beaucoup  d'aulres  insectes 
qui  resteront  long-temps  inconnus.  Toutes  ces  successions 
d'espèces  s'opèrent  graduellement  de  l'ouest  à  l'est ,  et  réci- 
proquement. Plusieurs  de  celles  que  l'on  trouve  dans  les  ci- 
devant  provinces  de  Normandie  et  de  Bretagne  habitent  encore 
la  partie  méridionale  de  l'Angleterre.  Les  départemens  situés 
sur  la  rive  gauche  du  Rhin  au  nord ,  sont ,  à  cet  égard ,  en 
communauté  de  biens  avec  les  provinces  voisines  de  l'Alle- 
magne ,  mais  pour  une  simple  portion.  Quelques  insectes  du 
Levant ,  tels  que  la  cantharide  orientale ,  le  mylabre  crassi- 
corne,  une  belle  variété  du  hanneton  occidental  rapportée 
par  Olivier,  des  lépidoptères  diurnes,  semblent  avoir  voyagé  au 
couchant,  et  s'être  fixés  dans  le  territoire  de  Vienne  en  Au- 
triche. Il  me  paraît,  d'après  la  collection  que  ce  célèbre  natu- 
raliste avait  formée  dans  l'Asie  mineure ,  en  Syrie ,  en  Perse  , 
que  les  insectes  de  ces  régions ,  quoique  très  affiliés  à  ceux 
du  midi  de  l'Europe  ,  en  sont  cependant  distincts ,  pour  la 
plupart ,  d'une  manière  spécifique.  Je  porte  le  même  juge- 
ment sur  la  plupart  de  ceux  de  la  Russie  méridionale.  Les 
arachnides  et  les  insectes  de  la  côte  de  Coromandel ,  du  Bengale, 
de  la  Chine  méridionale  ,  du  Thibet  même  ,  dont  quelques 
uns  m'ont  été  communiqués  par  mon  généreux  ami  M.  Mac- 
Leay,  secrétaire  de  la  société  Linnéenne  ,  ont  de  grands  rap- 
ports entre  eux^  mais  ils  sont  absolument  distincts  de  ceux 
de  l'Europe ,  quoiqu'ils  puissent  être  classés  pour  la  plupart 
dans  les  mêmes  genres  et  dans  quelques  uns  de  ceux  de  l'A- 
frique. On  n'y  trouve  point  de  graphiptères ,  d'akis ,  de  scaures  ^ 
de  piméUes ,  de  sépidies ,  d'érodies ,  genres  dont  la  nature  pa- 
raît avoir  accordé  la  propriété  exclusive  aux  parties  méridio- 
nales et  occidentales  de  l'ancien  continent.  Fabricius  donne 
pour  patrie ,  à  quelques  espèces  de  brachycères  ,  les  Indes 
orientales  ;  mais  je  n'en  ai  pas  vu  un  seul  dans  les  collections 
nombreuses  qui  y  ont  été  formées.  Le  genre  anthie  se  trouve 
au  Bengale  ;  il  est  remplacé  ,  dans  la  iNouvelle-Hollande ,  par 
celui  à'helluo.  L'île  de  Madagascar  se  rapproche  sous  quelques 


3oO  QUATRIEME    CLA.SSE.   —    INSECTES. 

points,  quant  aux  familles  naturelles,  des  insectes  de  l'Afrique, 
mais  ces  espèces  sont  très  distinctes ,  et  plusieurs  même  n'ont 
pas  d'analogues.  L'Ile-de-France  et  celle  de  Bourbon  offrent 
aussi  des  vestiges  de  ces  affinités  -,  les  insectes  de  ces  colonies 
paraissent,  en  général,  tenir  davantage  de  ceux  des  Indes  orien- 
tales :  leur  nombre  est  très  borné.  Quoique  l'entomologie  de 
la  Nouvelle-Hollande  forme  un  type  spécial ,  elle  se  compose 
néanmoins ,  en  grande  partie ,  d'espèces  analogues  à  celles 
des  Moluques  et  du  sud-est  des  Indes.  Le  genre  des  mylabres, 
dont  les  espèces  sont  si  abondantes  au  midi  de  l'Europe ,  en 
Afrique  et  en  Asie  ,  semblerait  ne  pas  dépasser  l'île  de  Timor. 
La  Nouvelle-Hollande  aurait ,  à  cet  égard  ,  des  traits  de  simi- 
litude avec  l'Amérique.  On  y  trouve  pareillement  des  passales , 
genre  dont  les  espèces  habitent  plus  particulièrement  le  Nou- 
veau-Monde. Je  soupçonne  que  les  productions  naturelles  de 
cet  hémisphère  occidental ,  considérées  sous  le  rapport  des 
groupes  génériques  ,  se  rapprochent  plus  de  celles  de  l'est  de 
l'Asie  que  des  nôtres.  On  sait  que  les  animaux  à  bourse  sont 
confinés  dans  les  extrémités  orientales  de  l'ancien  continent , 
et  qu'on  en  retrouve  ensuite  dans  le  nouveau.  Je  pourrais 
alléguer  d'autres  exemples  ,  dont  quelques  uns  seraient  pris 
dans  la  classe  des  crustacés.  Les  insectes  de  la  Nouvelle-Zé- 
lande ,  de  la  Nouvelle-Calédonie  ,  et  ceux  probablement  des 
îles  circonvoisines  ,  me  paraissent  avoir  beaucoup  d'affinité 
avec  les  insectes  de  la  Nouvelle-Hollande.  Je  présume  qu'il 
en  est  de  même  de  ceux  de  quelques  autres  archipels  du  grand 
Océan  austral.  Ces  îles,  composées,  en  grande  partie,  d'agré- 
gations de  polypes  ,  forment  une  chaîne  qui  les  unit  à  l  est 
aux  précédentes  ,  et  ont  pu  recevoir  d'elles  leurs  productions. 
Cette  communication,  faute  de  tels  moyens  ,  n'a  pu  avoir  lieu 
du  côté  de  l'Amérique.  Ainsi  plusieurs  de  ces  îles ,  quoique 
américaines  par  leur  position  géographique,  peuvent  être  asia- 
tiques quant  aux  productions  animales  et  végétales  de  leur  sol. 
Le  nouveau  continent  présente  une  marche  progressive 
semblable  dans  les  changemens  des  espèces,  relatifs  aux  diffé- 
rences notables  des  latitudes  et  des  longitudes.  Feu  notre  col- 


1 


GÉNÉRALITÉS.  3o  I 

Ir^^ueBosc  a  recueilli  clans  la  Caroline  beaucoup  d'espèces  qu'on 
lie  trouve  pas  en  Pensylvanie  ,  et  encore  moins  dans  la  pro- 
vince de  New-York.  Les  recherches  d'Abbot,  sur  les  lépidop- 
tères de  la  Géorgie  ,  nous  prouvent  qu'on  y  voit  déjà  quelques 
espèces  de  cet  ordre  ,  dont  le  siège  principal  est  aux  Antilles. 
Les  bords  de  la  rivière  de  Missouri ,  à  une  vingtaine  de  degrés 
environ  à  l'ouest  de  Philadelphie  ,  servent  d'habitation  à  plu- 
sieurs insectes  particuliers  ,  et  dont  je  dois  encore  la  commu- 
nication à  M.  Mac-Leay.  J'ai  vu  aussi  une  collection  formée  à  la 
Louisiane  ,  et  j'y  ai  remarqué  d'autres  mutations.  L'entomo- 
logie des  Antilles  ,  à  quelques  espèces  près ,  contraste  absolu- 
ment avec  celle  des  États-Unis.  L'île  de  la  Trinité  ,  à  dix  de- 
grés de  latitude  au  nord  ,  a  des  espèces  équatoriales ,  comme 
des  papillons  de  la  division  de  ceux  qu'on  nomme  melenaus , 
teucer,  qu'on  n'observe  pas  à  Saint-Domingue.  Ici  on  trouve 
encore  des  tatous ,  quadrupèdes  inconnus  dans  cette  dernière 
île.  Le  Brésil  a  des  espèces  que  Cayenne  offre  également  \  mais 
il  en  possède  une  foule  d'autres  qui  lui  sont  particulières. 
Cependant,  si  l'on  compare  les  parallèles  de  l'ancien  et  du 

(nouveau  monde ,  sous  le  rapport  de  la  température  convenable 
aux  diverses  espèces  d'insectes ,  l'on  verra  que  ces  parallèles 
ne  se  correspondent  point  à  cet  égard.  Les  insectes  méridio- 
naux de  l'hémisphère  occidental  ne  remontent  pas  si  haut  que 

'  dans  le  nôtre.  Ici ,  comme  nous  l'avons  observé  ,  ils  commen- 
cent à  paraître  entre  le  quarante-huitième  et  le  quarante-neu- 
vième degré  de  latitude  nord  ^  là ,  ce  n'est  guère  que  vers  le 
quarante-troisième.  Les  scorpions,  les  cigales,  les  mantes, 
sont  toujours  nos  signes  indicateurs.  Quand  on  réfléchit  sur 
la  constitution  phvsique  de  l'Amérique  ,  quand  on  considère 
que  son  sol  est  très  arrosé  ,  considérablement  montagneux , 
couvert  de  grandes  forets  ,  que  son  atmosphère  est  très 
humide  ,  l'on  conçoit  sans  peine  que  certains  genres  d'in- 
sectes de  l'ancien  continent,  qui  aiment  les  lieux  secs,  sa- 
blonneux et  très  chauds,  tels  que  les  anthies,  les  pimélies , 
les  érodies  ,  les  brachycères  ,  n'auraient  pu  vivre  sur  le  ter- 

,  rain  gras,  aqueux   et  ombragé  du  nouveau  monde.  Aussi, 


3oCi  QUATRIEME    CLASSE.    INSECTES. 

proportions  gardées ,  le  nombre  des  coléoptères  carnassiers 
y  est-il  moins  considérable  que  dans  l'ancien  continent  ;  la 
grandeur  des  insectes,  ayant  souvent  les  mêmes  habitudes, 
est  souvent  inférieure  à  celle  des  nôtres.  Les  scorpions  de 
Cayenne  et  des  autres  contrées  équinoxiales  de  l'Amérique  ne 
sont  guère  plus  gros  que  celui  du  sud  de  l'Europe  ,  qu'on  a 
nommé  occitaniis.  Ils  sont  donc  bien  loin  d'égaler  en  volume 
le  scorpion  africain,  afer,  qui  est  presque  aussi  grand  que 
notre  écre visse  fluviatile.  Mais  aussi  l'Amérique  ne  cède  pas 
aux  contrées  les  plus  fécondes  de  l'ancien  monde  ,  à  l'égard  des 
espèces  qui  se  nourrissent  des  végétaux  ,  et  surtout  en  lépidop- 
tères ,  en  scarabéides  ,  en  cbrysomélines,  en  cérambycins  ,  et 
particulièrement  en  guêpes,  fourmis,  orthoptères  et  aranéides. 
Cependant  la  Chine  méridionale  et  les  Moluques  semblent  con- 
server une  sorte  de  supériorité  en  donnant  naissance  à  des  lé- 
pidoptères tels  que  le  papilio  priamus  ,  le  bombjx  atlas , 
dont  les  dimensions  surpassent  celles  des  lépidoptères  de  l'Amé- 
rique. Un  fait  que  je  ne  dois  pas  omettre  est  que  l'Europe, 
l'Afrique  et  l'Asie  occidentale  n'ont  presque  pas  d'insectes  du 
genre  phasme  ou  spectre ,  et  que  les  espèces  qu'on  y  trouve 
sont  petites,  tandis  que  les  Moluques  et  l'Amérique  méridio- 
nale nous  en  présentent  d'une  taille  très  remarquable.  L'humi- 
dité atmosphérique  et  habituelle  du  nouveau  continent,  sa 
forme  étroite  et  allongée  ,  la  vaste  étendue  des  mers  qui  l'en- 
vironnent de  toutes  parts  et  la  nature  de  son  sol ,  nous  four- 
nissent l'explicaiion  de  la  discordance  que  l'on  observe  entre 
ses  climats  et  ceux  de  notre  hémisphère ,  considérés  sous  les 
mêmes  parallèles.  Le  nouveau  monde  est  à  l'ancien  continent 
ce  qu'est  l'Angleterre  à  une  grande  partie  de  l'Europe.  La  Nor- 
mandie et  la  Bretagne ,  comparées  aux  provinces  de  la  France 
situées  à  leur  levant,  pourraient  encore  nous  offrir  des  rappro- 
chemens  analogues.  La  seconde  partie  de  mon  Introduction  à 
la  géographie  des  arachnides  et  des  insectes  a  pour  objet  une 
nouvelle  division  de  la  terre  en  climats  ou  zones ,  dont  les 
limites  circonscrivent  d'une  manière  approximative  les  lieux 
d'habitation  exclusivement  propres  aux  différentes  races  de 


GÉNÉRALITÉS.  3o3 

ces  animaux.  Ces  coupes  géographiques  sont  fondées  sur  les 
observations  suivantes  :  i°.  Les  extrémités  septentrionales  du 
Groenland  et  du  Spilzberg  paraissent  être ,  dans  notre  hémi- 
sphère boréal ,  le  dernier  terme  de  la  végétation  j  elle  s'arrête , 
vers  le  pôle  sud  ,  à  la  terre  de  Sandwich  ,  le  nec  plus  ultra 
des  découvertes  géographi(|ues  dans  l'iiémisphère  austral  :  le 
quatre-vingt-quatrième  degré  de  latitude  nord,  et  le  soixantième 
de  latitude  sud  ,  formeront  ainsi  les  deux  extrémités  de  cette 
partie  de  notre  globe  qui  sert  d'habitation  aux  plantes  et 
aux  insectes.  2°.  L'entomologie  du  nouveau  continent,  ta 
commencer  du  moins  au  nord  des  Etats-Unis  et  en  tirant  vers 
le  sud  ,  diffère  ,  même  quant  aux  espèces ,  de  l'entomologie  de 
l'ancien  contient.  3°.  La  portion  du  Groenland  dont  Othon 
Fabricius  a  fait  connaître  la  zoologie  ,  nous  offre  beaucoup 
d'insectes  et  même  d'autres  animaux  que  Ton  retrouve  dans 
les  contrées  les  plus  septentrionales  et  occidentales  de  l'Europe. 
On  peut  donc  considérer  le  Groenland  comme  formant  au  nord , 
et  sous  ce  point  de  vue,  la  limite  des  deux  mondes.  4°-  Les 
insectes  de  l'Asie  orientale ,  à  partir  des  contrées  dont  la  lon- 
gitude est  d'environ  soixante-deux  degrés  plus  orientale  que 
le  méridien  de  Paris ,  les  insectes  de  la  Nouvelle-Hollande , 
ceux  de  la  partie  de  l'Afrique  qui  s'étend  depuis  l'Atlas  et  le 
tropique  du  cancer  jusqu'à  l'extrémité  méridionale  de  cette 
péninsule,  diffèrent  des  animaux  de  la  même  classe  qui  habi- 
tent les  autres  contrées  de  l'ancien  continent.  S''.  Un  espace 
en  latitude ,  mesuré  par  un  arc  de  cercle  de  douze  degrés , 
produit,  abstraction  faite  de  quelques  variations  locales,  un 
changement  très  sensible  dans  la  masse  des  espèces  -,  il  est  même 
presque  total  si  cet  arc  est  double  ou  de  vingt-quatre  degrés , 
comme  du  nord  de  la  Suède  au  nord  de  l'Espagne.  Etayé  de 
ces  observations  et  de  quelques  autres  moins  générales  ,  je  sé- 
pare à  l'ouest  les  deux  hémisphères  par  un  méridien  qui,  par- 
tant du  Groenland,  et  suivant  une  direction  moyenne  entre  les 
îles  Canaries ,  celles  du  cap  Vert ,  Madère  ,  et  la  pointe  la 
plus  avancée  à  l'est  de  l'Amérique  méridionale  ,  le  cap  Saint- 
Koch,  finit  près  de  la  terre  de  Sandwich  5  sa  longitude  est  de 


I 


3o4  QUATRIÈME    CLASSE.  INSECTES. 

trente-quatre  degrés  à  l'ouest  du  méridien  de  Paris.  Un  autre 
méridien  ,  plus  oriental  de  soixante-deux  degrés  que  celui  de 
cette  ville ,  détache  la  partie  orientale  de  l'Asie  de  ces  contrées 
occidentales,  de  l'Europe  et  de  l'Afrique  ^  la  différence  en  longi- 
tude de  ces  deux  méridiens  est  ainsi  de  quatre-vingt-seize  degrés. 
Un  troisième  méridien,  plus  oriental,  de  cette  même  quantité, 
déterminera  à  l'est,  en  traversant  le  grand  Océan  ,  les  limites 
de  l'ancien  monde  et  du  nouveau.  Les  autres  cent  quarante- 
quatre  degrés  compléteront  le  cercle  de  l'équateur  ,  et  seront, 
en  longitude ,  l'étendue  de  la  grande  zone  propre  aux  insectes 
de  l'Amérique.  Nous  le  partageons ,  au  moyen  d'un  quatrième 
méridien ,  en  deux  portions  égales  ,  ayant  chacune  soixante-     | 
douze  degrés  en  longitude.  Ces  quatre  grandes  zones  seront     ' 
arctiques  ou  antarctiques,  selon  leur  situation  en  deçà  ou  au-  |B 
delà  de  la  ligne  équinoxiale.  Je  divise  chacune  d'elles  en  cli- 
mats ,  auxquels  je  donne  douze  degrés  de  latitude  -,  celui  qui 
est  compris  entre  le  quatre-vingt-quatrième  de  latitude  et  le 
soixante-douzième  porte  le  nom  de  tropical.  Nous  aurons  en- 
suite, en  continuant  toujours  la  division  duodécimale  ,  les  cli- 
mats suivans  :  sous-polaire,  supérieur,  intermédiaire,  sous- 
tropical  ,  tropical ,  équatorial.  Les  zones  antarctiques  ,  divisées 
de  la  même  manière  ,  ont  deux  climats  de  moins  ,  le  polaire 
et  le  sous-polaire ,  puisqu'elles  se  terminent  au  soixantième  de- 
gré de  latitude.   Ces  zones,  considérées  dans  chaque  hémi- 
sphère ,  sont  distinguées  en  occidentales  et  orientales.  La  géo- 
graphie tirera  avantage  de  ces  connaissances-,  elle  peut  s'en 
servir  pour  déterminer  auquel  des  deux  hémisphères  appar- 
tiennent naturellement  plusieurs  îles  situées  sur  leurs  limites. 
De  telles  considérations  ne  seront  pas  inutiles  aux  minéralo- 
gistes et  aux  géologues.  On  voit ,  par  exemple  ,  que  les  insectes 
et  même  les  plantes  du  pays  qui  circonscrivent  le  bassin  de  la 
Méditerranée ,  ceux  de  la  mer  Noire  et  de  la  mer  Caspienne , 
se  ressemblent  singulièrement  quant  aux  genres  et  aux  familles 
où  ces  productions  se  groupent.  Ces  rapports  paraissent  favo- 
riser l'opinion  des  naturalistes  qui  supposent  que  les  contrées 
baignées  jadis  par  les  eaux  de  la  mer  ont  été  découvertes  les 


I 


GÉlsilRALlTES.  ?toC) 

dernières.  Un  passage  de  Diodore  de  Sicile  (liv.  lî),   con- 
cernant l'Égide,  ce   monstre  horrible,  enfant  de  la  Terre, 
semble  nous  conserver,  sous  le  voile  de  l'allégorie,  la  tradi- 
tion de  l'étal  de  ces  contrées  à  l'époque  où  elles  étaient  rava- 
gées par  des  volcans  ,  aujourd'hui  éteints ,  et  plus  voisins  alors 
des  eaux  maritimes.  La  progression  croissante  de  l'intensité  et 
de  la  durée  du  calorique  influe  beaucoup  sur  le  volume  et  le 
développement  du  tissu  muqueux  des  arachnides  et  des  in- 
sectes. Plus  en  général  on  s'avance  vers  les  régions  équi- 
noxiales  ,  plus  on  trouve  des  espèces  remarquables  par  leur 
taille  ,  les  inégalités  et  les  éminences  de  leur  corps  et  la  variété 
du  coloris.  L'augmentation  de  la  lumière  tend  à  convertir  le 
jaune  en  rouge  ou  en  orangé.  Les  papillons  diurnes  de  nos 
montagnes  ont  ordinairement  le  fond  des  ailes  blanc,  ou  d'un 
brun  plus  ou  moins  foncé.  Ces  observations  mériteraient  d'être 
suivies ,  parce  qu'elles  aideraient  à  éclaircir  nos  doutes  sur  la 
distinction  des  espèces  et  des  variétés. 

Ce  serait  ici  le  lieu  de  vous  entretenir  de  la  manière  de  for- 
mer des  collections  d'insectes  ,  et  de  celle  de  les  conserver. 
Mais  ces  opérations,  étant  plutôt  mécaniques  ou  manuelles 
que  scientifiques ,  ne  sauraient  trouver  place  dans  un  cours. 
Il  n'est  guère  d'ailleurs  de  personne,  du  moins  parmi  celles 
qui  ont  fait  leurs  premières  études  dans  des  collèges  ou  des 
pensions  de  cités  populeuses,  qui  ne  se  soit  livrée  à  la  chasse 
des  insectes,  celle  des  lépidoptères  surtout ,  et  qui  n'ait  acquis 
plus  ou  moins  ce  genre  d'instruction.  Tous  les  endroits  où  ces 
animaux  se  cachent  ou  font  leur  ponte  doivent  être  soigneu- 
sement visités  ^  il  est  nécessaire  de  connaître  le  temps  de 
leur  apparition,  les  localités  où  ils  trouvent  les  alimens  qui 
leur  sont  propres,  et,  quoique  l'hiver  ne  soit  pas  une  saison 
favorable  à  cette  récolte,  il  est  cependant  des  espèces  qui  ne 
se  montrent  qu'alors.  Souvent,  d'ailleurs,  en  fouillant  sous 
la  mousse,  les  écorces  d'arbres,  en  soulevant  les  pierres  ou 
d'autres  corps  posés  à  terre ,  on  en  découvre  qui  nous  échap- 
pent parfois  aux  époques  où  elles  jouissent  de  toute  leur 
activité.  Le  tact  et  une  longue  habitude  donnent  à  cet  égard 

20 


3o6  QUATRIÈME    CLASSE.    INSECTES. 

de  grands  avantages.  Les  voyageurs  devront  avoir  soin  de 
tenir  note  des  noms  donnés  aux  insectes  par  les  habilans  des 
contrées  qu'ils  parcourent,  de  l'emploi  qu'ils  peuvent  faire  de 
quelques  uns  d'entre  eux ,  des  qualités  qu'ils  leur  supposent , 
et,  s'ils  n'ont  pas  de  connaissances  botaniques,  ils  formeront 
un  herbier  des  végétaux  dont  se  nourrissent  certaines  espèces, 
afin  de  pouvoir  un  jour  les  faire  déterminer.  Pour  tous  ces  dé- 
tails, et  d'autres  relatifs  aux  musées  ou  aux  collections,  je  vous 
renverrai  à  l'article  Taxidermie  de  la  seconde  édition  du  Nou- 
veau Dictionnaire  d'Histoire  naturelle,  et  quant  aux  insectes, 
en  particulier,  à  un  petit  ouvrage  de  M.  Roger  de  Bordeaux, 
ainsi  qu'à  un  excellent  Manuel  d'Entomologie  de  M.  Samouelle, 
publié  en  anglais.  Il  est  cependant  un  point,  à  l'égard  de  la 
conservation  des  objets,  auquel  on  n'a  point  donné  assez  d'at- 
tention ;  c'est  celui  de  les  préserver  de  l'humidité  en  les  tenant 
dans  un  lieu  sec.  Un  acaruSj  Veruditus  de  Schrank  ,  se  mul- 
tiplie à  l'infini  dans  les  boîtes  que  l'on  tient  habituellement 
dans  les  appartemens  froids  et  humides. 

En  général,  il  faut  beaucoup  se  méfier  des  insectes  que 
l'on  reçoit  ou  qu'on  achète,  de  ceux  surtout  de  l'ordre  des  or- 
thoptères ,  et  la  prudence  nous  commande  de  les  soumettre, 
au  préalable  ,  à  un  bain  de  vapeur  d'eau  bouillante  ,  dans  une 
machine  en  fer-blanc  ,  à  double  boîte  ,  qu'on  a  imaginée  dans 
ces  derniers  temps.  Lorsqu'on  est  sûr  que  les  boîtes  ne  sont 
pas  infectées,  il  est  convenable  de  calfeutrer  celles  dont  on 
n'a  pas  besoin,  avec  des  bandes  de  papier^  du  moins  faut-il 
visiter  souvent  sa  collection,  particulièrement  au  printemps 
et  vers  la  fin  de  l'été. 

Fabricius  a  donné ,  dans  sa  Philosophie  entomologique , 
une  espèce  de  code  qu'il  compose  de  quatre  sections  ou  cha- 
pitres, ayant  successivement  pour  titres  :  Dispositio,  nomina, 
dijjerejitiœ ,  adunihratio.  Quelques  unes  de  ces  règles  ,  pure- 
ment grammaticales  ,  peuvent  s'adapter  à  toute  la  zoologie  en 
général-,  les  autres  sont  plus  spécialement  appropriées  à  sofi 
système  ,  exclusivement  établi  sur  la  considération  des  parties 
de  la  bouche.   Outre  qu'il  n'avait  pas  suffisamment  appro- 


GÉNÉRALITÉS.  So-I 


fontli  leur  élude,  qu'il  n'est  pas  toujours  d'accord  avec  lui- 
même  dans  l'application  de  sa  nomenclature  ,  ces  préceptes 
ne  s'étendant  point  à  la  méthode  naturelle,  dans  l'état  actuel 
de  la  science,  un  lel  code  est  incomplet,  ou  plutôt  il  faut  en 
créer  un  nouveau.  Quoique  nous  attachions ,  avec  tous  les 
zoologistes,  une  grande  importance  à  ces  organes,  nous  pen- 
sons cependant  qu'ils  ne  peuvent  être  exclusivement  la  base 
d'une  bonne  méthode  ,  et  qu'il  faut  employer  les  autres  par- 
ties toutes  les  fois  qu'elles  nous  présentent  des  caractères  vrai- 
ment distinctifs ,  et  parmi  elles  nous  mettrons  en  première 
ligne  celles  qui  sont  propres  à  la  locomotion.  Mais  cette  grande 
latitude  peut  entraîner  de  graves  abus,  et  il  est  bien  difficile 
de  les  prévenir,  par  l'embarras  où  l'on  est  d'établir  des  limites 
j)ositives.  Tel  verra  un  caractère  générique  où  tel  autre  ne 
reconnaîtra  qu'un  caractère  divisionnaire,  ou  même  simple- 
ment spécifique.  On  en  est  venu  au  point  de  considérer  des 
différences  relatives  dans  les  proportions  de  quelques  organes 
et  de  leurs  parties ,  quelques  légères  modifications  de  formes , 
des  éminences  même,  savoir  des  cornes  ou  des  tubercules, 
quelques  changemens  dans  la  disposition  des  nervures  des 
ailes,  le  nombre  et  la  figure  de  leurs  cellules ,  comme  pou- 
vant signaler  des  coupes  génériques.  Où  s'arrêtera-t-on  ,  si 
l'on  continue  de  suivre  cette  marche  ?  Yoilà ,  Messieurs,  ce 
qui  nous  fait  apprécier  de  plus  en  plus  les  secours  que  peuvent 
nous  fournir  l'anatomie  et  l'observation  des  mélamorphoses 
et  des  habitudes.  Si  des  insectes  ,  qui  diffèrent  sous  quelques 
rapports  d'organes  extérieurs,  se  ressemblent  cependant  quant 
aux  considérations  précédentes,  ils  appartiennent,  selon  moi , 
du  moins  dans  une  méthode  naturelle,  au  même  genre. 

\ous  comprendrez,  Messieurs,  que,  vu  l'imperfection  de 
nos  connaissances  anatomiques  et  des  mœurs  des  insectes,  il 
est  presque  impossible  d'établir,  à  cet  égard ,  une  théorie  vé- 
ritablement philosophique.  Laissons  ce  soin  à  nos  neveux,  et 
bornons-nous  maintenant  à  recueillir  des  faits.  Si,  comme 
dans  une  langue,  des  relations  habituelles  avec  des  hommes 
qui  la  parlent  bien,  ou  avec  de  bons  écrivains,  peuvent  nous 


3o8  QUATRIÈME    CLASSE.    INSECTES. 

former  et  suppléer  aux  préceptes,  je  vous  dirai  :  Apprenez 
à  observer  par  la  lecture  assidue  des  Mémoires  de  Réaumur 
et  de  de  Géer  ^  apprenez  à  décrire  ,  en  prenant  pour  modèle 
Gyllenhal^  les  ouvrages  d'Illiger  et  de  Schœnherr  vous  en 
serviront ,  quant  à  la  critique  -,  cette  concision  rigoureuse  qui, 
jointe  à  la  clarté  et  à  la  simplicité  d'expressions,  doit  carac- 
tériser les  signalemens  spécifiques,  vous  la  trouverez  souvent 
dans  les  écrits  de  Fabricius.  Enfin,  étes-vous  dans  la  nécessité 
de  représenter  les  objets  que  vous  avez  décrits,  ayez  toujours 
sous  vos  yeux  les  incomparables  plancbes  d'histoire  naturelle 
que  M.  Savigny  a  fait  exécuter  pour  la  description  de  l'Egypte, 
et  les  beaux  dessins  de  M.  Straus.  Profitez  des  leçons  données 
par  ces  grands  maîtres,  et  comme  eux  vous  mériterez  la 
reconnaissance  de  la  postérité  ! 

TABLEAU  DES  ORDRES  DE  LA  CLASSE  DES  INSECTES. 

I.  Point  d'ailes;  de  simples  yeux  lisses  ,  pour  organes  de  la  vision  ,  dans 
la  plupart. 

1.  Point  de  métamorphoses;  de  simples  mues  et  vie  toujours  active.  Des 
mandibules  et  des  mâchoires  dans  les  vins;  un  museau  renfermant  un  su- 
çoir exsertile  dans  les  autres. 

PREMIER  ORDRE. -^  Thysanoures  {Thysanoura). 

Des  mandibules  et  des  mâchoires  dans  tous.  Yeux  composés  le  plus  souvent 
de  plusieurs  yeux  lisses.  Corps  garni  d'écaillés  ou  de  poils.  Abdomen 
terminé  par  des  filets  ou  par  une  queue  fourchue  servant  à  sauter.  Li- 
sectes  errans. 

DEUXIÈME  ORDRE.  —  Parasites  {Parasita), 

Un  museau,  renfermant  un  suçoir  exsertile,  dans  plusieurs.  Un  ou  deux 
yeux  lisses  de  chaque  côté  de  la  tête.  Corps  nu,  sans  filets  ,  ni  queue  four- 
chue à  son  extrémité  postérieure ,  déprimé;  des  pâtes  terminées  par  de 
forts  crochets,  ou  en  manière  de  pince,  pour  pouvoir  se  fixer  sur  d'au- 
tres animaux  et  y  vivre,  (i) 

2.  Des  métamorphoses  complètes.  Larves  apodes.  Nymphes  inactives. 
Bouche  en  forme  de  siphon  inférieur  dirigé  en  arrière,  composé  d'une 

(i)  Cet  ordre  est  appelé  anophira  par  le  docteur  Leach.    On  pourrait  eu  séparer 
le  genre  pedicul us  proprement  dit,  sa  boucJie  consistant  en  un  siplion. 


ORDRES.  3o9 

gaine  bivalve,  articulée,  renfermant  un  suçoir  de  trois  soies,  avec  deux 
écailles  à  fa  base.  Corps  très  comprime,  sautant.  Insectes  parasites. 

TROISIÈME  ORDRE  —  Sii'HONAPTÈREs  {Siphonaptera). 

Nota.  De  Géer  l'avait  désigne  sous  le  nom  de  snceurs ,  que  j'ai  d'al)ord  adopté  , 
et  auquel  j'ai  substitué  eusuite  celui  de  siphonaptères ,  le  précédent  étant  trop  vague, 
en  ce  qu'il  convient  à  tous  les  autres  insectes  pourvus  aussi  d'une  trompe. 

II.  Des  ailes,  mais  susceptibles  quelquefois  d'avorter.  Des  yeux  à  facettes, 
et  des  yeux  lisses  dans  plusieurs. 

I.  Elytroptères  (Eljfroptera). 

Deux  ailes  recouvertes  par  deux  étuis  ou  élytres,  soit  crustacés  en  tout  ou 
en  majeure  partie  ,  soit  coriaces. 

A.  Des  mandibules  et  des  mâchoires.  (  Élytres  de  même  consistance.  ) 
QUATRIÈME  ORDRE.  —  Coléoptères  {Coleoptera). 

Elytres  entièrement  crustacées,  toujours  horizontales  ,  à  suture  droite.  Ailes 
pliées  simplement  en  travers.  Extrémité  supérieure  des  mâchoires  point 
en  forme  de  galète.  Métamorphoses  complètes. 

CINQUIÈME  ORDRE.  —  Der^i.vptèrks  (Dermaptera). 

Elytres  entièrement  crustacées ,  toujours  horizontales  ,  à  suture  droite.  Ailes 
pliées  transversalement,  et  en  partie  longitudinalement,  d'une  manière 
rayonnée  ou  en  éventail.  Mâchoires  terminées  supérieurement  par  une 
galète.  Deux  fortes  pinces  à  l'extrémité  postérieure  de  l'abdomen,  dans 
les  deux  sexes.  Des  demi-métamorphoses.  Insectes  toujours  actifs,  (i) 

SIXIÈME  ORDRE.—  Orthoptères  (Orthoptera). 

Elytres  coriaces,  en  toit,  ou  inclinées  dans  les  uns,  horizontales  et  se  croi- 
sant au  bord  interne  dans  les  autres.  Ailes  simplement  plissées  en  éven- 
tail, ou  doublées,  dans  leur  longueur.  Mâchoires  terminées  supérieure- 
ment par  une  galète.  Des  api>endices  articulés  et  latéraux  à  l'extrémité 
de  l'abdomen,  et  communs  aux  deux  sexes,  dans  les  uns  5  celui  des  fe- 
melles des  autres  terminé  par  un  oviscapte,  généralement  saillant  ou  exté- 
rieur. Des  demi-métamorphoses.  Insectes  toujours  actifs. 

B.  Point  de  mandibules  ni  de  mâchoires.  Un  rostre  ou  sorte  de  Iroïnpe, 
formé  d'une  gaine  articulée,  renfermant  un  suçoir  de  quatre  soies.  (Ely- 
tres membraneuses  à  l'extrémité  dans  plusieurs.  Des  demi- métamor- 
phoses, un  petit  nombre  excepté.  ) 


(0   Le  Q.forjicula  de  Linuéj  ordre  des  labùloures  de  M.  Dufonr. 


01 0  QUATRIEME    CLASSE.    INSECTES. 

SEPTIÈME  ORDRE.  —  Hémiptères  [Hemiptera). 
2.   Gymnoptères  [  Gjmnoptera  y 

•Point  d'élytres  ;  quatre  ou  deux  ailes  découvertes. 

A.  Quatre  ailes. 
a.  Des  mandibules  et  des  mâchoires.    Ailes   généralement  transparentes , 

point  farineuses ,  ou  saupoudrées  de  très  petites  écailles  s'eulevant  au  lou- 
cher. Tégules  (  écailles  situées  à  l'origine  des  deux  supérieures  )  petites  e6 
tuberculiformes. 

HUITIÈME  ORDRE.—  Névroptères  {Nei>roptera). 

Ailes  finement  réticulées,  les  inférieures  de  la  grandeur  des  supérieures, 
ou  soit  plus  longues,  soit  plus  larges.  Point  d'oviscapte  saillant  dans  le 
plus  grand  nombre.  Jamais  d'aiguillon  anal.  (  Diverses  sortes  de  méta- 
morphoses. ) 

NEUVIÈME  ORDRE  (i).  —  Hyménoptères  {Hymenoptera). 

Ailes  (toujours  horizontales  )  à  grandes  mailles  ou  simplement  veinées;  les 
inférieures  plus  petites.  Mâchoires,  le  plus  souvent,  valvulaires,  engainant 
latéralement  une  lèvre  inférieure  tubulaire ,  et  composant  une  espèce  de 
trompe  (^promuscide)  plus  ou  moins  prolongée.  Un  oviscapte  extérieur, 
ou  un  aiguillon  anal  dans  la  plupart  des  femelles. 

l>.  Mandibules  rudimentaires.  Mâchoires  remplacées  par  une  spiri-trompe , 
formée  de  deux  filets  tubulaires  réunis  et  roulés  en  spirale  sur  elle-même , 
entre  deux  palpes  labiaux.  Ailes  farineuses.  Tégules  (ptérygodes)  grandes, 
en  forme  d'épaulettes,  rejetées  en  arrière. 

DIXIÈME  ORDRE.—  Lépidoptères  {Lepidoptera), 

B.  Deux  ailes. 

ONZIÈME  ORDRE.  —  Rhipiptères  {Rhipîptera). 

Deux  prébalanciers  ou  petits  corps  crustacés  et  mobiles,  en  forme  de  petites 
élytres,  au-devant  des  ailes 5  ces  ailes  plissées  en  éventail.  Bouche  offrant 
deux  pièces  en  forme  de  soies,  et  croisées  à  la  manière  de  deux  mandi- 
bules. 

DOUZIÈME  ORDRE.  —  Diptères  {Dlptera). 

Ailes  étendues,  accompagnées,  dans  presque  tous,  de  deux  corps  mobiles, 
en  forme  de  balanciers ,  situés  au-dessous  d'elles.  Une  trompe  coudée  à  sa       II 
base  ,  et  ordinairement  terminée  par  deux  lèvres  ,  inarticulée,  renfermant 
un  suçoir  composé  d'un  nombre  variable  de  soies. 

(i)  -^  partir  de  cet  ordre  inclusivement,  les  tarses  sont  toujours  composés  de  cinq 
articles ,  et  les  métamorphoses  sont  toujours  complètes. 


V^''^  ^'^  ^  ^-"^  "^  V-^^  ^  ^''«''^  ^•''Vt''^- ^ 


EXPOSITION   MÉÏHOIDQUE 


DES  ORDRES,  DES  FAMILLES  ET  DES  GENRES 


DE  LA  CLASSE  DES  CRUSTACES. 


PREMIER  ORDRE. 

DÉCAPODES   {DECAPODA). 

Ces  crustacés ,  ceux  de  l'ordre  suivanl ,  ou  des  stomapodes  y 
et  les  branchipes  sont  les  seuls  condylopes  connus  dont  les 
yeux  soient  portés  sur  des  pédicules  mobiles.  Dans  les  diopsis 
elles  acbias,  insectes  de  l'ordre  des  diptères ,  et  dans  quelques 
autres  insectes ,  les  côtés  de  la  tête  se  prolongent  bien  en  ma- 
nière de  cornes,  portant  les  yeux  à  leur  extrémité;  mais  ces 
supports  sont  immobiles.  Les  pédicules  oculaires  des  déca- 
podes et  des  stomapodes  sont  divisés  en  deux  articles,  ce  qui 
les  distingue  de  ceux  des  brancbipes,  où  ces  articulations 
n'existent  point ,  et  qui  ont  d'ailleurs  un  plus  grand  nombre- 
de  pieds  et  d'une  forme  particulière.  Si  les  décapodes  se  rap- 
procbent,  sous  la  considération  de  l'organe  de  la  vue,  des  sto- 
mapodes, ils  s'en  éloignent  par  beaucoup  d'autres.  Leurs, 
brancbies,  situées  à  la  naissance  des  quatre  derniers  pieds-mà- 
cboires  et  des  pieds  tboraciques,  sont  recouvertes  par  le  repli 
inférieur  de  cliaque  bord  latéral  du  test ,  qui  s'ouvre  en  de- 
vant, pour  livrer  passage  à  l'eau;  une  soupape  formée  par 
une  dilatation  de  la  base  des  secondes  mâchoires  ferme  à  vo- 
lonté celte  ouverture-,  les  quatre  branchies  antérieures,  et 
surtout  les  deux  premières,  ont  moins  d'étendue  que  les  sui- 
vantes. Le  test  recouvrant  entièrement  la  télé  et  le  thorax,  est 


3l2        CRUSTACÉS.  —  PllEMIEil    ORDRE.     DÉCAPODES. 

entièrement  fixe,  et  ne  présente  aucune  articulation.  Les  pièces 
que  j'ai  nommées  pieds-mâchoires ,  et  dont  je  parlerai  ci-après, 
recouvrent  et  ferment  inférieurement  la  bouche,  ou  en  font 
réellement  partie,  au  lieu  que,  dans  les  stomapodes ,  elles  sont 
transformées  en  véritables  pieds.  Telles  sont  les  différences 
les  plus  frappantes  de  ces  deux  ordres. 

Nonobstant  les  recherches  analomiques  de  Willis,  deRœsel, 
de  MM.  Cuvier  et  Geoffroy  Saint-Hilaire ,  etc.  ,  la  manière 
dont  la  circulation  s'opère  dans  ces  animaux  n'était  pas  encore 
parfaitement  connue.  En  méditant,  tant  sur  tout  ce  qu'on 
avait  dit  à  cet  égard ,  que  sur  les  derniers  vertébrés ,  sur  les 
céphalopodes  et  les  mollusques,  j'avais  émis,  dans  mon  Es- 
quisse du  Règne  animal,  page  i5i,  imprimée  en  1824,  une 
opinion  dont  la  justesse  a  été  confirmée  par  les  observations 
récentes  de  MM.  Victor  Audouin  et  Milne  Edwards.  L'éclair- 
cissement de  cette  importante  difficulté  a  été  l'objet  d'un 
Mémoire  qui  a  été  couronné  par  l'Académie  royale  des 
Sciences.  Je  m'applaudis  d'autant  mieux  de  ce  triomphe 
que  j'avais  provoqué  ces  recherches.  Dans  un  cours  aussi 
général  et  aussi  restreint  que  celui-ci,  je  ne  puis  vous  pré- 
senter les  détails  où  ils  sont  entrés.  Je  me  bornerai  donc 
aux  faits  principaux.  Le  cœur  des  décapodes ,  de  figure  ova- 
laire  et  à  parois  musculaires,  produit  six  troncs  vasculaires, 
ou  artères ,  dont  trois  antérieurs ,  deux  inférieurs  ,  et  le  troi- 
sième ,  plus  volumineux ,  naissant  de  l'extrémité  postérieure 
du  corps ,  soit  à  droite ,  soit  à  gauche  ^  des  trois  artères  anté- 
rieures, la  médiane  reçoit  le  nom  à' ophthalmique ,  et  les 
deux  latérales,  celui  à' anteiinaires ;  les  deux  inférieures  sont 
appelées /^e/7afï^we5,  et  la  postérieure  sternale.  Celle-ci  dis- 
tribue plus  spécialement  le  fluide  nutritif  à  l'abdomen  et  aux 
organes  de  la  locomotion  ;  parmi  le  grand  nombre  des  vais- 
seaux qu'elle  fournit,  on  distinguera  l'artère  abdominale  su- 
périeure, naissant  de  cette  artère  sternale,  un  peu  avant  l'ar- 
ticulation du  thorax  et  de  l'abdomen ,  qu'on  nomme  queue  ^ 
pénétrant  bientôt  dans  celte  dernière  partie,  où  elle  se  bi- 
furque, et  se  terminant  à  l'anus,  en  s'amincissant  de  plus  en 


GÉNÉRALITÉS.  3l3 

5  plus.  Le  sang  qui  a  servi  à  la  nutrition  de  ces  divers  organes , 
et  devenu  ainsi  veineux,  afflue  dans  deux  vastes  sinus,  un 
de  chaque  côté  ,  au-dessus  des  pâtes ,  formés  de  golfes  vei- 
neux réunis  longitudinalement  en  manière  de  chaîne ,  et  qui 
paraissent  représenter  les  deux  cœurs  latéraux  des  céphalo- 
podes; le  sang  se  rend  dans  un  vaisseau  externe  des  hran- 
chies  ;  l'afférent,  s'y  renouvelle,  redevient  artériel,  passe 
ensuite  vers  le  cœur,  en  traversant  des  canaux  ,  les  branchio- 
cardiaques,  logés  sous  la  voûte  des  flancs;  tous  les  canaux 
d'un  même  côté  se  réunissent  en  un  large  tronc ,  s'abouchent 
avec  la  partie  latérale  et  correspondante  du  cœur,  par  une 
ouverture  unique  ,  dont  les  replis  forment  une  double  val- 
vule ou  soupape,  et  s'ouvrent  pour  que  le  sang  puisse  aller 
des  branchies  à  ce  viscère,  mais  se  ferment  pour  l'empêcher 
d'aller  du  cœur  aux  branchies.  Ce  fait  est  précisément  celui  où 
on  était  dans  l'incertitude.  L'intérieur  du  cœur  est  coupé  par 
beaucoup  de  faisceaux  de  fibres  musculaires  entre-croisées  en 
divers  sens,  et  formant,  par  leurs  vides,  au-devant  des  ori- 
fices des  artères ,  de  petites  loges  ou  oreillettes  communiquant 
entre  elles,  lorsqu'il  se  dilate,  mais  qui  paraissent  former 
pour  chaque  vaisseau,  dans  la  contraction  ,  autant  de  petites 
cellules  d'une  capacité  proportionnelle  à  la  quantité  du  sang 
veineux  qui  y  afflue.  Ces  vaisseaux  débouchent  dans  l'inté- 
rieur de  ce  viscère  par  huit  ouvertures ,  les  deux  latérales  et 
à  soupape  comprises.  Quelques  unes  de  ces  observations  ont 
été  cependant  combattues  par  M.  Straus  {Considérations  sur 
VAnat.  comp.  des  anim.  artic,  p.  345  et  suiv.) ,  et  il  avance 
même  que  les  auteurs  précédens  n'ont  pas  bien  reconnu  toute 
l'organisation  du  cœur.  Suivant  lui,  ils  ne  parlent  point  de 
l'oreillette^  qui,  comme  une  gaine  membraneuse,  enveloppe 
le  cœur  de  toute  part,  comme  un  péricarde,  et  où  le  sang 
venant  des  branchies  s'épanche  d'abord,  pour  passer  ensuite 
dans  le  ventricule,  au  moyen  d'ouvertures  propres  à  ce  vis-- 
cère,  déjà  aperçues  par  M.  Lund,  et  dont  ils  nient  l'exis- 
tence. Ce  ne  seraient  point  de  simples  enfoncemens  fermés 
par  une  membrane  ,  ainsi  qu'ils  le  prétendent ,  mais  des  trous 


3l4   CRUSTACÉS.  PREMIEH  ORDRE.  DÉCAPODES. 

réels.  Tous  les  crustacés  et  les  arachnides  pulmonaires  offri- 
raient une  disposition  organique  semblable  ,  et  la  différence 
ne  consisterait  que  dans  les  proportions  du  cœur-  à  l'excep- 
tion des  crustacés  décapodes  et  de  quelques  branchiopodes,  |fl 
il  est  généralement  fort  long.  Il  nous  semble  que  ce  que 
M.  Slraus  prend  pour  une  oreillette  est  un  véritable  péricarde. 
Quant  à  l'existence  des  ouvertures  auriculo-ventriculaires,  u 
nous  laissons  à  MM.  Victor  Audouin  etMilne  Edwards  le  soin 
de  défendre  leur  cause.  Il  est  d'autant  plus  important  d'é- 
claircir  ces  faits,  que  l'opinion  que  s'est  formée  à  cet  égard 
M.  Straus  paraît  avoir  influé  sur  celle  qu'il  a  conçue  relati- 
vement au  vaisseau  dorsal  des  insectes.  Quoi  qu'il  en  soit,  ainsi 
que  je  l'avais  soupçonné,  le  cœur  de  ces  crustacés  représente, 
par  ses  fonctions  ,  le  tronc  artériel  et  dorsal  des  poissons  et  des 
larves  des  batraciens.  Kojez  ce  que  j'ai  dit  à  ce  sujet  dans  la 
nouvelle  édition  du  Règne  animal ^  par  M.  Cuvier  (tom.  IIl , 
pag.  20  ).  J'y  ai  exposé  de  la  manière  suivante ,  et  d'après  cet 
illustre  savant ,  ce  qui  concerne  le  système  nerveux. 

tt  La  face  supérieure  du  cerveau  est  partagée  en  quatre 
lobes,  dont  les  mitoyens  fournissent  chacun  de  leur  bord  anté- 
rieur ,  le  nerf  optique  qui  se  porte  directement  dans  le  nerf  de 
l'œil  et  s'y  divise  en  une  multitude  de  filets  ,  se  rendant  cha- 
cun à  autant  de  facettes  de  la  cornée  de  ces  organes.  La  face 
inférieure  du  cerveau  produit  quatre  autres  nerfs  qui  vont 
aux  antennes  et  donnent  aux  parties  voisines  quelques  filets. 
De  son  bord  postérieur  naissent  deux  cordons  nerveux  fort 
allongés ,  embrassant  l'œsophage  et  se  réunissant  en  dessous. 
Là,  comme  dans  les  brachyures,  cette  réunion  n'a  lieu  qu'au 
milieu  du  thorax ,  et  la  moelle  médullaire  prend  ensuite  la 
forme  d'un  anneau ,  et  sous  des  proportions  huit  fois  plus  | 
grandes  que  le  cerveau 5  cet  anneau  donne  naissance,  de 
chaque  côté  ,  à  six  nerfs,  dont  l'antérieur  se  rend  aux  parties 
de  la  bouche ,  et  les  cinq  autres  aux  cinq  pâtes  du  même 
côté.  Du  bord  postérieur  part  un  autre  nerf,  se  rendant  dans 
la  queue  sans  produire  de  ganglions  sensibles,  et  paraissant 
représenter  le  cordon  nerveux  ordinaire.  Ici,  comme  dans 


\  GÉNÉRALITÉS.  3l5 

les  macroures  (i)  ,  les  deux  cordons  nerveux,  avant  que  de 
se  réunir  sous  l'œsophage,  donnent  chacun  naissance,  au  mi- 
lieu de  leur  longueur,  à  un  gros  nerf,  se  rendant  aux  man- 


(i)  MM.  Audûuia  et  Milne  Edwards  viennent  de  publier,  dans  les  annales  des 
Sciences  naturelles ,  juin  i83o,  nue  note  sur  le  système  nerveux  des  crustacés.  Après 
avoir  annoncé  que  le  résultat  de  leurs  observations  s'accorde  parfaitement  avec  les  prin- 
cipes que  M.  Serres  avait  déduits  de  ses  recliercbes  sur  le  système  nerveux  de  divers 
autres  animaux  et  sur  l'embryogénie  en  général,  et  après  avoir  dit  que  ce  système,  dans 
la  même  esjièce  de  crustacés,  se  modifie,  en  passant  par  plusieurs  états  à  différons  âges  , 
ils  s'expriment  ainsi  :  «  D'après  les  belles  recliercbes  que  M.  Ratbke  vient  de  publier 
eu  Allemagne,  sur  la  génération  des  écrevisses,  on  voit  que  c'est  effectivement  ce  qui 
a  lieu.  Chez  ces  animaux,  le  système  nerveux  thoracique,  étudié  dans  l'œuf,  présente 
d'abord  deux  séries  de  ganglions  parfaitement  distinctes  entre  elles  ,  et  le  nombre  de 
ces  paires  de  noyaux  médullaires  est  alors  égal  à  celui  des  appendices ,  tandis  que 
dans  l'écrevisse  adulte  les  mêmes  ganglions  sont  beaucoup  moins  nombreux,  plusieurs 
s'étant  réunis  pour  former  une  seule  masse  nerveuse.  Or,  ce  premier  état  du  sys- 
tème nerveux  de  l'écrevisse ,  qui  n'est  que  transitoire ,  a  beaucoup  d'analogie  avec 
ce  que  nous  avons  trouvé,  mais  d'une  manière  permanente,  chez  les  talitres  adultes, 
crustacés  qui ,  dans  la  série  naturelle ,  occupent  une  place  très  inférieure.  A  une 
époque  plus  avancée  de  l'incubation ,  on  trouve  dans  l'œuf  de  l'écrevisse  les  mêmes 
ganglions  déjà  rapprochés  de  la  ligue  médiane ,  réunis  entre  eux,  et  ne  formant  plus 
qu'une  série  unique.  Cette  disposition,  encore  transitoire,  est  alors  comparable  à 
celle  que  présente  le  système  nerveux  des  cymothoés  adultes.  Le  système  médul- 
laire de  l'écrevisse  subit  ensuite  des  modifications  analogues  à  celles  que  nous  avons 
rencontrées,  en  comparant  entre  eux  les  cymothoés,  les  homards,  les  palémons, 
les  langoustes  ,  les  carcins  ,  les  majas  ,  c'est-à-dire  qu'il  éprouve  une  sorte  de  cen- 
tralisation longitudinale  ;  les  ganglions  qui  correspondent  aux  appendices  de  la 
bouche  se  rapprochant  entre  eux  et  finissant  par  ne  plus  former  qu'ime  seule  masse 
nerveuse. 

«  On  voit  donc  que  chez  l'écrevisse  le  système  nerveux  central  se  développe  de  la 
circonférence  vers  le  centre,  et  qu'il  présente,  pendant  la  vie  fœtale,  une  suite  de 
modifications  analogues  à  celles  que  nous  avons  trouvées  en  étudiant  la  série  des  crus- 
tacés à  l'état  adulte.  En  combinant  ensuite  les  observations  de  M.  Rathke  avec  celles 
qui  nous  sont  propres  ,  on  arrive  à  cette  conclusion  générale  ,  que  le  système  ner- 
veux des  crustacés  se  compose  originairement  de  deux  chaînes  de  noyaux  médullaires  , 
eu  nombre  égal  à  celui  des  appendices  locomoteurs  ou  autres ,  et  que  toutes  les  mo- 
difications qu'on  y  rencontre ,  soit  à  diverses  époques  de  l'incubation ,  soit  dans  les 
différentes  espèces  de  la  série,  dépendent  en  majeure  partie  du  rapprochement  plus 
ou  moins  complet  de  ces  ganglions  ;  rapprochement  qui  s'opère  sur  deux  sens,  savoir  : 
longitudinalement  et  transversalement.  »  Nous  ajouterons  que  les  modifications 
qu'éprouve  la  forme  du  cœur  et  les  autres  viscères  ,  doivent  exercer  une  grande  in- 
iluence  sur  les  changemens  du  système  nerveux. 

M.  Straus,  dans  son  ouvxage  ayant  pour  titre  Considérations  générales  sur  l'anatomîp 


3l6   CRUSTACÉS.  PREMIER  ORDRE.  DÉCAPODES. 

dibiiles  et  à  leurs  muscles.  Réunis ,  ils  forment  un  premier 
ganglion  médian  fournissant  des  nerfs  aux  mâchoires  et  aux 
pieds -mâchoires.  Rapprochés  ensuite  dans   toute  leur  lon- 


comparée  des  animaux  articulés ,  p.  36o  et  sulv.,  a  essayé  de  réduire  les  modifications 
de  leur  système  nerveux  à  quelques  lois  générales.  Les  crustacés  décapodes  bvacbyures 
seraient  soumis  à  la  troisième ,  savoir  que  lorsque  le  tronc  se  trouve  formé  de  segmens 
soit  mobiles  ,  soit  immobiles  ou  soudés,  mais  distincts  dans  leur  partie  sternale, 
tandis  que  ceux  de  l'abdomen  sont  immobiles,  soudés  ou  non,  et  dépourvus  inférieu- 
rement  de  muscles  moteurs,  le  tronc  seul  offre  des  ganglions,  et  dont  la  dernière 
paire  ,  plus  grosse  alors  que  les  autres  ,  fournit  les  nerfs  de  l'abdomen.  Les  cordons 
médullaires  se  prolongent  toutefois  jusqu'à  son  extrémité.  Si  celui  des  macroures, 
si  semblables  d'ailleurs  aux  précédens ,  offre  des  ganglions,  c'est  que  ,  parce  que  ses 
segmens  sont  mobiles,  ils  sont  du  domaine  de  sa  seconde  loi.  Les  crustacés  ampbi- 
podes  et  isopodes,  ainsi  que  la  plupart  des  insectes,  dépendraient  de  la  même  loi  et 
qu'il  aurait  pu  réunir  à  sa  secoude,  celle  qui  s'applique  aux  scolopendres  ou  aux 
articulés,  dont  le  corps  est  composé  de  segmeus  semblables,  et  où  il  y  a  autant  de 
ganglions  qu'il  y  a  de  sternum  au  corps  ,  ou  ,  pour  mieux  dire  ,  de  segmens  distincts. 
Sa  cinquième  loi ,  et  dont  les  insectes  coléoptères  du  genre  staphylin  lui  fournissent 
un  exemple ,  nous  paraît  encore  peu  distincte  des  deux  précédentes  II  remarque  seu- 
lement que  les  ganglions  abdominaux  sont  beaucoup  plus  petits  que  ceux  du  tronc, 
souvent  moins  nombreux  que  leurs  segmens,  et  dans  une  situation  moins  constante. 

Si  les  segmens  du  tronc  sont  confondus  ,  et  que  les  pâtes  rayonnent  autour  d'un 
centre  commun  ,  il  n'offre  alors  qu'une  seule  paire  de  ganglions ,  donnant  tous  les 
nerfs  de  cette  partie  du  corps,  et  en  occupant  le  centre  ;  tel  est  le  cas  des  limules  et 
des  aranéides.  Dans  ces  animaux,  l'abdomen  est  pareillement  indivis,  ou  ne  forme 
qu'une  seule  pièce  ;  aussi  dans  les  aranéides  ne  renferme-t-il  de  même  qu'une  paire 
de  ganglions.  Celui  des  limules  en  présente  d'excessivement  petits  ;  mais  ici  cette 
partie  renferme  des  muscles  mixtes  ,  à  raison  des  appendices  destinés  à  la  respiration. 

Dans  tous  les  animaux  articulés  où  il  existe  un  cerveau,  il  est  constamment  placé 
au-dessus  du  canal  alimentaire,  et  sa  grandeur  varie  suivant  le  nombre  et  la  nature     j 
des  organes  auxquels  il  fournit  des  nerfs  ;  tel  est  le  caractère  propre  de  sa  huitième 
et  dernière  loi. 

Peut-être  que,  dans  une  acception  rigoureuse  du  sens  attaché  à  cette  expression, 
on  jugerait  que  M.  Straus  présente  moins  des  lois  que  des  faits;  peut-être  aussi 
pensera-t-on  qu'il  n'en  avait  pas  recueilli  un  assez  grand  nombre  pour  aspirer  au  titre 
de  législateur.  Des  exceptions  qu'il  n'aura  point  prévues  pourront  l'arrêter;  et  dans 
son  Mémoire  sur  le  genre  hiella  ,  il  reconnaît  qu'il  aurait  dû  créer  une  nouvelle  loi 
pour  le  cas  où  le  tronc  étant  composé  de  segmens  mobiles  ,  ou  immobiles ,  ou  soudes , 
mais  non  distincts  dans  leur  partie  sterualc ,  et  sans  que  les  pâtes  rayonnent  sur  ua 
même  point,  les  ganglions  de  la  moelle  épinière  s'y  répètent,  mais  ne  se  trouvent  point 
rigoureusement  dans  leurs  segmeus  respectifs  ,  et  sont  d'ordinaire  plus  eu  avaut.  En 
disant  que  les  segmens  du  tronc  peuvent  être  mobiles,  sans  être  distincts  dans  leur 
partie  sternale  ,  il  u"a  sans  doute  voulu  parler  que  de  leurs  arceaux  supérieurs  ;  car 
comment  pouiiaicat  ib  se  mouvoir,  si  leurs  arficulatious  u'élalcut  point  distmctcs  ? 


i 


GÉNÉRALITÉS.  Siy 

gueur,  ils  ofFrcnl  successivement  onze  aulres  ganglions,  dont 
les  cinq  premiers   donnent   chacun    des  nerfs  h.   autant  de 
paires  de  pâtes  ,  et  les  six  aulres  fournissent  ceux  de  la  queue  ; 
celle  des  pagures  a  quelques  ganglions  de  moins,  et  ces  crus- 
tacés paraissent   ainsi  faire   le  passage   des   bracliyures  aux 
macroures.  »  Swammerdam  a  décrit  et  représenté  le  système 
nerveux  d'une  espèce  du  même  genre  ainsi  que  son  cœur. 
Dans  la  figure  de  cet  organe,  on  distingue  les  artères  anté- 
rieures ,  l'artère  postérieure  avec  celle  qu'elle  donne  et  que 
M.  Audouin  nomme  abdominale.  M.  Serres  a  reconnu,  dans 
des  crustacés  du  même  ordre ,   les  vestiges  du   grand  nerf 
sympathique,  et  MM.  Victor  Audouin  et  Milne  Edwards  ont 
découvert  dans  \machus  inaja  et  dans  la  langouste  un  nerf 
analogue   à   celui   que  Lyonet  nomme    récurrent   dans  son 
Traité  de  l'anatomie  de  la  chenille   du  saule  ,  et  qui  ,  dans 
l'opinion  de  MM.  Tréviranus  et  Meckel,  correspondrait  aussi 
au  même  grand  nerf  sympathique.   Nous  ajouterons,  pour 
terminer  ce  qui  est  relatif  au  système  nerveux ,  que  M.  de 
Blainville  a  publié   quelques  observations  sur  les  yeux  des 
décapodes.  Derrière  la  cornée  est,  suivant  lui,  une  choroïde 
percée  d'une  infinité  de  petits  trous,  puis  un  véritable  cris- 
tallin appuyé  sur  un  ganglion  nerveux,  qui  se  divise  en  une 
multitude  de   petits  faisceaux.  Swammerdam   a  donné  une 
figure  de  ces  fibres  ,  considérées  dans  la  pagure  ou  l'ermite 
Bernard  (  Cancer  BernharduSy  Linn.  )  ,  cité  plus  haut. 

Ceux  qui  désireront  des  connaissances  plus  détaillées  et 
plus  générales  à  cet  égard  les  trouveront  dans  un  Mémoire 
de  M.  MùUer  écrit  en  allemand,  et  dont  les  rédacteurs  des 
Annales  des  Sciences  naturelles  ont  donné  une  traduction 
française  dans  le  tome  dix-septième  de  cet  excellent  recueil. 
Il  ne  s'est  point  borné  aux  organes  de  la  vision  des  crustacés, 
et  il  a  étendu  ses  recherches  à  ceux  des  arachnides  et  des  in- 
sectes. On  y  joindra  celles  de  M.  Straus  relativement  aux 
hannetons  ,  d'autres  plus  générales  de  M.  Marcel  de  Serres  , 
et  quant  à  d'autres  organes  analogues ,  les  stemmates  ou  yeux 


3l8       CRUSTACÉS.  PIlEMIER    ORDRE.    DÉCAPODES. 

lisses ,  l'ouvrage  de  Lyoïiet  sur  l'analomie  de  la  chenille  à\x 
saule. 

Si  l'on  en  excepte  le  rectum ,  qui  parcourt  ce  qu'on  nomme 
la  queue,  tous  les  viscères  sont  renfermés  dans  celte  portion 
du  corps  comprise  entre  elle  et  la  tête,  ou  le  thorax.  Dans 
les  arachnides  et  les  insectes  ,  au  contraire  ,  la  majeure  partie 
de  ces  viscères  est  plus  en  arrière  et  occupe  l'ahdomen.  Ainsi 
si  l'on  compare  un  crustacé  décapode  avec  un  insecte ,  sous 
le  rappoit  de  la  correspondance  des  articles  ou  segmens  du 
corps  ,  à  commencer  de  celui  qui  vient  immédiatement  après 
la  tête ,  celui  qui  dans  ce  crustacé  porte  les  premiers  pieds- 
mâchoires,  et  qui,  dans  l'autre  animal,  un  coléoptère  par  exem- 
ple, est  appelé  thorax  et  sert  d'attache  aux  deux  pâtes  anté- 
rieures, on  verra  que  les  cinq  articles  du  premier  portant  les 
pieds  amhulatoires  ou  thoraciques ,  correspondent  aux  citiq 
premiers  segmens  de  l'ahdomen  du  second,  et  que  dès-lors 
les  derniers  de  celui-ci  représentent  la  queue  du  premier; 
en  un  mot ,  que  l'ahdomen  de  l'insecte  a  pour  analogue  toute 
cette  partie  du  corps  du  crustacé  qui  est  en  arrière  des  pieds- 
mâchoires.  L'ahdomen  du  premier  peut  être  ,  d'après  ces 
considérations  ,  divisé  en  deux  parties  5  l'une  antérieure , 
composée  de  cinq  segmens ,  et  que  nous  désignerons  sous  le 
nom  de  pré -abdomen,  et  l'autre  postérieure  ,  qui  sera  le 
post-abdomen.  La  queue  du  crustacé  correspondant  à  celle 
dernière  partie  recevra  aussi  la  dénomination  de  posl-ahdo- 
men.  On  pourrait  encore  l'appeler  urogastre ,  queue-ventre. 

Une  sorte  de  squelette  cartilagineux,  et  armé  intérieure- 
ment de  cinq  pièces  osseuses  et  dentelées  ,  achevant  de  hroyer 
les  matières  alimentaires ,  soutient  l'estomac  des  crustacés  dé- 
capodes. Au  temps  de  la  mue,  son  intérieur  offre  deux  corps 
calcaires,  ronds,  ayant  l'une  des  faces  plane,  et  l'autre  con- 
vexe ,  et  qu'on  appelle  vulgairement  yeux  d'écj'ei^isse.  On 
présume  qu'étant  dissous,  ils  sont  employés  dans  la  formation 
du  nouveau  test.  Le  foie  consiste  en  deux  grandes  grappes  de 
vaisseaux  aveugles,  remplis  d'une  humeur  hilieusc  ,  (ju'ils 
versent ,  près  du  pylore,  dans  l'intestl!).  Le  canal  alimentaire 


GÉNÉRALITÉS,  3l9 

est  court  et  droit.  Les  flancs  offrent  une  rangée  de  trous, 
placés  immédialement  à  l'insertion  des  branchies,  et  ne  pa- 
raissant que  lorsqu'on  les  a  enlevées.  Dans  plusieurs  grandes 
espèces  ,  la  surface  interne  du  plastron  ou  de  l'espace  pectoral 
compris  entre  les  pâtes  ,  est  divisé  ,  par  des  lames  transverses^ 
en  plusieurs  petites  loges ,  et  dont  les  médianes  peuvent  rece- 
voir le  cordon  médullaire.  La  bouche  étant  située  du  même 
coté,  on  ne  peut  considérer  cette  face  du  corps  comme  la  dor- 
sale ou  la  supérieure;  ces  crustacés  ne  sont  donc  pas  des  ani- 
maux retournés  ou  ayant  les  pieds  sur  le  dos  ,  ainsi  qu'on  l'a 
avancé  dans  ces  derniers  temps.  Les  organes  sexuels  des  mâles 
m'ont  paru  consister  chacun  en  un  petit  corps  mem>braneux  , 
tantôt  en  forme  de  soie,  tantôt  filiforme  ou  cylindrique,  sor- 
tant d'un  trou  situé  k  l'articulation   de  la  hanche  des  deux 
pieds  postérieurs  avec  le  plastron.  On  a  pris  pour  tels  ,   ou 
comme  leurs  fourreaux  ,  deux  pièces  articulées  solides ,  ayant  la 
forme  de  cornes ,  de  stylets ,  etc. ,  placées  à  la  jonction  du  thorax 
et  de  la  queue ,  et  remplaçant  la  première  paire  d'appendices 
sous-caudaux.  Les  deux  vulves  sont  placées,  tantôt,  comme 
dans  les  brachyures  ou  les  décapodes  à  courte-queue ,  sur  le 
i  plastron ,  entre  les  pieds  de  la  troisième  paire  ;  tantôt,  ainsi  que 
dans  les  macroures  ou  les  décapodes  à  longue  queue ,  sur  le 
,  premier  article  de  ces  pieds  ,  différence  de  position  dépen- 
dante du  plus  ou  moins  de  largeur  du  plastron  et  du  plus  ou 
j  moins  d'allongement  du  thorax.  L'accouplement  se  fait  ventre 
à  ventre.  Je  passe  sous  silence  ce  qui  est  relatif  à  la  myologie , 
•  et  je  vous  renverrai  pour  cet  objet  aux  leçons   d'anatomie 
comparée  de  M,  Cuvier. 

Exposons  maintenant  l'organisation  extérieure  de  ces  ani- 
imaux. 

Le  test  ou  l'écaillé  formant  le  dos  d'un  homard  vivant  m'a 
paru  composé  ,  en  allant  du  dedans  au  dehors  ,  i".  d'une  pel- 
licule mince,  un  peu  velue,  appelée  dcime,  et  surperposée 
d'une  couche  de  matière  colorante  ,  parsemée  de  points  ombi- 
'liqués,  d'où  j'ai   vu  suinter  luie  liqueur   d'un  rouge  tirant 
j  sur  l'orangé,  et  retenue  supérieurement  par  une  lame  meni- 


;^20        CRUSTACÉS.   PREMIER    ORDRE.     DÉCAPODES. 

braiieuse  très  mince,  diaphane,  présentant  des  fibres  longi- 
tudinales, jaunâtre  en  quelques  endroits,  et  produisant  une 
liqueur  oléagineuse  ,  qui  tache  le  papier;  i"".  d'une  matière 
grasse,  blanche,  très  fine  ,  et  qui  m'a  paru  former  trois  cou- 
ches ;  3°.  d'une  autre  matière,  de  consistance  calcaire,  la- 
melleuse  ,  recouverte  de  l'épiderme  ,  et  formant  la  partie  cas- 
sante et  extérieure  du  lest.  Ce  principe  colorant ,  qui  se 
développe  par  l'action  du  calorique  et  se  transmet  jusqu'à 
l'épiderme ,  se  retrouve  aussi  dans  l'intérieur  des  articles  des 
pâtes  lorsqu'on  les  casse.  M.  de  Blainville  a  reconnu  que  la 
peau  des  langoustes  était  formée  de  quatre  couches  superpo- 
sées ,  et  ses  observations  concordent  avec  les  miennes  ,  à  cette 
différence  près  qu'il  place  la  matière  colorante  ou  le  pigmen-^ 
tum  dans  la  couche  supérieure  ,  et  que  je  l'ai  vue  plus  près  d( 
sa  formation  ou  des  organes  qui  la  sécrètent. 

(c  Chez  les  oniscus  (cloportes)  de  la  classe  des  crustacés ,  dil 
M.  Straus  (^Considérations  géjiérales  sur  V Anatomie  compa- 
rée des  animaux  articulés,  P^'^ge  29  )  ,  le  test  est  fortement 
chargé  de  substances  calcaires  ,  ce  qui  le  rend  fort  dur  et  cas- 
sant ;  l'épiderme  et  le  derme  ne  sont  plus  distincts ,  et  on  n'y 
aperçoit  aucune  trace  de  fibres.  Ce  test  est  entièrement  sans 
couleurs  ,  et  celles  qu'il  présente  ,  ou  à  l'extérieur ,  sont  dues , 
comme  chez  plusieurs  insectes  ,  à  une  couche  de  matière  mu- 
queuse placée  à  sa  face  interne.  Le  test  de  la  plupart  des  crusta- 
cés DÉCAPODES,  comme  les  astacus  (écrevisses)  ne  diffère  de  ce- 
lui des  oniscus  que  par  la  matière  colorante  qui  est  placée  dans 
la  couche  la  plus  extérieure  des  tégumens,  où  elle  se  fait  re- 
marquer par  la  couleur  qu'elle  donne  à  cette  partie  du  test.  » 
M.  Chevreul ,  mon  célèbre  confrère  à  l'Académie  royale  des 
Sciences  et  au  Jardin  du  Roi,  a  analysé  chimiquement  le  test 
du  homard  (^astacus  marinus)  et  du  crabe  tourteau  [cancer 
pagurus ,  LiNN.).  Le  carbonate  de  chaux  et  ensuite  une  ma- 
tière animale ,  unie  à  de  l'eau,  et  que  M.  Slraus  soupçonne 
être  identique  avec  cette  substance  que  M.  Lassaigne  a  trouvée 
dans  les  coléoptères ,  et  qu'il  nomme  cntomeiline ,  composent 
un  peu  plus  des  neuf  dixièmes  de  la  substance  du  test.  Dans 


GÉNKR  ALITÉS.  3^1 

îo  premier  de  ces  crustacés,  le  carbonate  de  chaux  ne  domine 
que  de  très  peu  sur  cette  dernière  matière  5  dans  le  second  ,  il 
l'excède  d'un  peu  plus  de  moitié  (vojez  les  analyses  dans 
l'ouvrage  précité  de  M.  Straus). 

M.  Desmarest ,  dans  son  Histoire  naturelle  des  Crustacés 
fossiles  y  et  dans  un  autre  ouvrage  extrait  du  Dictionnaire  des 
Sciences  naturelles  ,  intitulé  Considérations  générales  sur  la 
classe  des  Crustacés ,  a  profité  des  diverses  impressions  de 
la  surface  du  test  pour  la  partager  en  différentes  aires  ,  corres- 
pondantes aux  organes  intérieurs  ,  et  a  établi  à  cet  égard  une 
nomenclature  ingénieuse,  mais  qui  surcharge  peut-être  inuti- 
lement la  mémoire.  Quoique  cette  écaille  ne  présente  aucune 
division  ,  elle  n'est  réellement  qu'une  série  des  tégumens  su- 
périeurs de  la  tête  et  de  ceux  des  demi-segmens,  pareillement 
supérieurs ,  des  huit  premiers  articles  du  corps  ,  intimement 
soudés  les  uns  aux  autres ,  et  confondus  en  une  seule  pièce. 
Afin  de  distinguer  le  thorax  des  insectes  d'avec  la  partie  du 
corps  désignée  ainsi  dans  les  crustacés  et  les  arachnides  ,  nous 
avons  créé  deux  nouvelles  dénominations ,  tJioracide  et  alvi- 
thorax,  et  adopté  celle  de  céphalothorax  de  M.  de  Blain ville. 
La  première  s'applique  aux  crustacés  dont  le  test  recouvre  la 
tête  et  un  tronc  supportant  les  six  pieds-mâchoires  et  les  cinq 
paires  de  pieds  thoraciques.  Si  ce  nombre  d'organes  est  moindre, 
comme  dans  plusieurs  entomostracés  et  les  arachnides ,  et  où 
la  tête  est  toujours  confondue  avec  le  tronc  .  nous  employons 
la  dernière  dénomination.  Supposons  que  le  tronc  soit  aussi 
complet  que  dans  le  premier  cas ,  mais  séparé  de  la  tête^  c'est 
l'alvithorax.  La  tête  sert  de  support  à  quatre  antennes,  aux 
pédicules  oculaires  ,  qui  se  logent  dans  des  cavités  proportion- 
nelles à  la  grandeur  et  à  la  forme  de  ces  pédicules,  et  aux  parties 
de  la  bouche,  renfermées  aussi  dans  une  cavité  propre.  Elles 
sont  composées  d'un  labre  ,  de  deux  mandibules,  portant  cha- 
cune un  palpe,  d'une  languette  et  de  deux  paires  de  mâchoires, 
membraneuses  ou  foliacées,  ainsi  que  la  pièce  précédente. Nous 
en  distinguerons  encore  une  autre ,  savoir  :  la  conque  auricu- 
laire, qui  est  en  forme  d'un  tubercule  aplati,  et  située  au-des- 

21 


32  2        CRUSTACÉS.   • —    PREMIER    ORDRE.    DÉCAPODES. 

SOUS  de  l'origin  e  des  antennes  lalérales  ou  les  extérieures.  En  sui- 
vant la  marche  de  la  dégradation  de  l'ouïe  ,  depuis  les  premiers 
vertébrés ,  on  arrive ,  en  dernière  analyse  ,  suivant  M.  Straus , 
par  une  espèce  de  transition  qu'offrent  les  astacus  ou  écre- 
visses ,  à  la  composition  la  plus  simple  de  cet  organe.  Le  ves- 
tibule ,  avec  la  pulpe  auditive ,  est  la  seule  partie  que  possè- 
dent encore  certains  poissons  ,  ainsi  que  les  sepia.  Enfin  ,  chez 
les  crustacés  précédens  ,  on  ne  trouve  pour  l'appareil  auditif 
qu'un  follicule  placé  dans  le  premier  article  des  antennes  exté- 
rieures, et  renfermant  une  pulpe  dans  laquelle  se  répand  le 
nerf  acoustique  ,  qui  n'est  qu'une  branche  du  nerf  antennal. 
Cette  poche,  l'analogue  du  vestibule,  reçoit  le  nerf,  par 
l'une  de  ses  extrémités  ,  et  se  termine  par  l'autre,  à  la  peau  , 
vers  la  face  inférieure  de  l'antenne  ,  où  elle  n'est  fermée  que 
par  une  membrane  tympanique  ,  qui  est  plutôt  une  membrane 
fermant  la  fenêtre  ovale.  Dans  le  reste  des  animaux  articulés , 
le  vestibule  disparaît  lui-même  en  entier.  «  L'appareil  acous- 
tique étant  accompagné  ,  chez  les  animaux  vertébrés  ,  ajoute- 
t-il,  de  plusieurs  organes  de  perfectionnement,  qui  disparais- 
sent dans  les  classes  inférieures ,  ne  serait-il  pas  possible  que 
la  partie  terminale  des  antennes  fût,  chez  les  astacus,  un 
nouvel  organe  de  perfectionnement  que  la  nature  aurait  intro- 
duit ,  et  qui  remplacerait  dans  ces  insectes  le  premier  appareil 
qui  a  disparu  ?  »  Il  faut  aussi  ajouter  aux  parties  de  la  bouche 
les  pieds-mâchoires  ;  mais  comme  ils  sont  annexés  aux  demi-seg- 
mens  inférieurs  suivans  ou  ceux  qui  forment  le  plastron,  nous 
n'en  parlerons  que  ci-après.  Les  quatre  antennes  sont  composées 
d'un  pédoncule  épais,  de  trois  articles  ,  portant  à  son  extré- 
mité une  ou  deux  tiges ,  et  quelquefois  trois ,  toujours  multi- 
articulées ,  en  forme  de  filets  plus  ou  moins  allongés  et  allant 
en  pointe.  Les  latérales  ou  les  extérieures  n'en  ont  jamais 
qu'une  ,  mais  il  y  en  a  au  moins  deux  aux  intermédiaires^  et 
lorsque  celles-ci  sont  plus  courtes ,  repliées  et  logées  dans  deux 
cavités  sous-frontales  ,  ces  deux  tiges  sont  courtes  ,  coniques  , 
de  grosseur  inégale ,  et  semblent  imiter  deux  doigts.  Nous 
verrons  même  qu'elles  ont  réellement  cette  forme,  et  servent 


I 


GÉNÉRALITÉS.  Zl3 

aussi  de  pince  dans  quelques  crustacés ,  et  que  dès-lors  les 
pièces  que  ,  dans  les  arachnides  pulmonaires,  on  a  prises  pour 
des  mandibules  ,  ont  une  position  et  une  structure  analogues , 
et  qu'elles  représentent  ainsi  ces  mêmes  antennes.  3e  les  ai  dis- 
tinguées par  la  dénomination  de  chelicères  ,  antennes  en  pince. 
Les  quatre  antennes  des  décapodes  s'allongent  en  général , 
lorsqu'on  est  arrivé  aux  macroures  j  les  intermédiaires  ne  sont 
souvent  plus  coudées,  et  se  terminent  dans  plusieurs  par  trois 
filets-,  souvent  aussi  le  pédoncule  des  latérales  est  accompagné 
d'une  écaille  ,  et  inséré  plus  bas  que  celui  des  intermédiaires. 
Suivant  M.   Robineau-Desvoidy ,    ces    antennes   extérieures 
seraient  les  organes  de  l'ouïe,  et  les  intermédiaires,  qu'il 
nomme  antennules  ou  petites  antennes ,  celui  de  l'olfaction  -, 
les  premières  seraient  des  antennes  auditwes ,  et  les  secondes 
des  antennes  olfactwes  j  par  leur  position   et  leur  organisa- 
tion ,  elles  deviendraient  les  antennes  des  insectes  hexapodes. 
Mais  dans  les  cloportes  et  quelques  autres  genres  analogues  , 
crustacés  qui  se  rapprochent  le  plus  des  insectes  ,  ces  antennes 
sont  presque  rudimentaires  -,  ce  qui  semble  indiquer  qu'elles  ne 
tarderont  pas  à  disparaître.  Dans  les  ocypodes  et  les  tourlou- 
rous ,   crustacés   très   carnassiers ,   et   qui   doivent   avoir   un 
odorat  très  fin  ,   ces   mêmes   organes  sont  beaucoup   moins 
développés  que  dans  les  autres  décapodes.  Qu'il  existe  dans 
l'article  basilaire  des  antennes  intermédiaires  des  écre visses  , 
un  canal   communiquant  à  l'extérieur ,  que  deux   nerfs  se 
rendent  du  cerveau  à  ces  parties  ,  cela  ne  démontre  point , 
d'une  manière  positive,  qu'elles  soient  le  siège  de  l'olfaction. 
Des  expériences  directes  peuvent  seules  nous  éclairer  sur  la 
destination  de  ces  organes.  J'ai  nommé  épistome  ou  surbouche 
l'espace  qui  s'étend  de  l'origine  des  antennes  au  bord  supé- 
rieur de  la  cavité  buccale.  Le  labre  ressemble ,  ainsi  qu'on 
l'avait  dit  anciennement ,  à  une  petite  langue  membraneuse 
ou  vésiculeuse  ,  renflée  et  carénée,  les  mandibules  sont  os- 
seuses,  et  ont  la  figure  d'une  forte  dent  tranchante  à  son 
son  sommet ,  allongéeet  rétrécie  insensiblement  en  manière 
^le  cône  ou  de  manche  à  l'extrémité   opposée,  et  doîH   les 


324   CRUSTACÉS.  PREMIER  ORDRE.  DÉCAPODES. 

muscles  d'attache  sont  à  la  face  interne;  elles  ont  chacune  sur 
le  dos  un  palpe  triarticulé.  Nous  avons  remarqué  plus  haut 
cjue  les  mandihules  des  arachnides  pulmonaires  étaient  les 
analogues  des  antennes  médianes  des  crustacés  décapodes  -,  et 
comme  l'on  voit  au-dessous  un  petit  épistome  et  un  labre , 
rien  n'empêche ,  en  se  guidant  d'après  la  corrélation  des  situa- 
tions des  organes  inférieurs ,  de  considérer  les  palpes  et  leurs 
mâchoires  coxales  comme  les  analogues  des  mandibules  de  ces 
crustacés.  Dans  les  faucheurs  ou  phalajigium,  l'origine  interne 
des  quatre  pieds  antérieurs  ou  des  organes  suivans  offrant  des 
mâchoires  semblables ,  nous  y  reconnaîtrons  des  pièces  corres- 
pondantes aux  quatre  mâchoires  des  animaux  précédens,  mais 
transformées  en  pieds,  mais  qui  en  remplissent  néanmoins,  en 
partie  ,  les  fonctions.  Les  limules  nous  présenteront  des  analo- 
gies semblables.  La  languette  située  immédiatement  au-des- 
sous des  mandibules  est  lamelleuse,  profondément  échancrée, 
et  comme  formée  de  deux  lobes  arrondis  au  sommet  et  réunis 
inférieurement.  Les  mâchoires  sont  pareillement  lamelleuses 
et  plus  ou  moins  multifides  ou  partagées  en  petites  feuillets , 
et  dont  l'extérieur  semble  représenter  le  palpe  flagelliforme 
des  pieds-mâchoires.  Les  divisions  des  secondes  sont  plus 
nombreuses.  Tous  ces  organes  peuvent  donc  être  considérés 
comme  des  sortes  de  pieds  modifiés  et  devenus  buccaux.  Nous 
avons  dit  qu'il  y  avait  trois  paires  de  pieds-mâchoires,  déno- 
mination que  nous  avons  substituée  à  celle  de  mâchoires  auxi- 
liaires ,  employée  par  M.  Savigny,  attendu  qu'elle  est  plus 
appropriée  à  la  forme  de  ces  pièces.  Les  deux  paires  infé- 
rieures ,  en  effet ,  ressemblent  à  de  petits  pieds ,  ordinairement 
composés  de  six  articles,  courbés  en  dedans  vers  leur  sommet, 
et  portés  sur  un  article  basilaire  ,  donnant  naissance  extérieu- 
rement à  une  pièce  ressemblant  à  une  petite  antenne,  formée 
d'un  pédoncule  grand ,  inarticulé  ,  et  terminé  par  une  tige 
sétacée  et  divisée  en  un  grand  nombre  de  petits  articles ,  à 
l'exception  du  premier, dont  la  grandeur  surpasse  notablement 
celle  des  suivans.  Cette  pièce  antenniforme  a  reçu  de  Fnbri- 
cius  \\  dénomination  de  palpe  fïa^ellij'orme ,  parce  quelle 


GENERAI,  I  TÉS.  3*2  5 

ressemble  à  une  sorte  de  fouel  avec  son  manche.  Il  existe  aussi 
aux  deux  pieds-mâchoires  supérieurs  ;  mais  les  articles  de  la 
division  interne  et  pédiforme  se  sont  élargis  et  dilatés  inté- 
rieurement pour  former  de  petits  feuillets  distincts.  Les  pieds- 
mâchoires  des  décapodes  macroures  sont  plus  étroits  et  plus 
allongés.  Les  pieds  sont  composés  de  six  articles  5  les  deux 
antérieurs ,  quelquefois  même  les  deux  ou  quatre  suivans , 
sont  ordinairement  en  forme  de  serres ,  ou  terminés  par  un 
grand  article ,  ayant  au  bout  deux  doigts  ,  dont  l'un  mobile  et 
Tautre  fixé  ,  c'est  ce  qu'on  a  nommé  main  ou  pince  j  l'article 
radical  de  ces  pieds  est  la  hanche,  le  suivant  le  trochanter,  le 
troisième  le  bras,  et  le  quatrième  le  carpe  ,  ou  le  poignet  5  le 
suivant,  jusqu'à  l'origine  des  doigts ,  ou  la  main  ,  abstraction 
faite  d'eux ,  deviendra  pour  nous  le  métacarpe ,  expression 
dont  on  ne  s'est  pas  encore  servi ,  mais  dont  l'introduction 
nous  paraît  nécessaire.  On  est  convenu  d'appeler  le  doigt 
mobile  ,  ou  le  sixième  et  dernier  article  ,  le  pouce  ,  pollex , 
et  la  saillie  en  forme  de  dent  avancée  de  l'article  précédent  > 
formant  le  doigt  fixe  ,  l'index ,  index.  Ces  doigts  sont  encore 
désignés  par  le  nom  de  mordans.  A  l'égard  des  pieds  ordi- 
naires ou  simples ,  l'article  qui  portait  le  nom  de  bras  est 
maintenant  la  cuisse;  le  suivant  estla  jambe;  le  cinquième,  ou 
celui  qui  succède  immédiatement ,  devient  le  métatarse  ,  et  le 
dernier  le  tarse.  Lorsque  les  serres  n'offrent  qu'un  seul  doigt, 
nous  le  désignons  par  le  mot  de  gyijfe.  Les  proportions  res- 
pectives et  la  direction  de  ces  organes  de  la  locomotion  sont 
telles  ,  que  l'animal  peut  non  seulement  se  porter  en  avant , 
comme  d'ordinaire  ,  mais  aller  de  côté  ou  à  reculons.  Le  post- 
abdomen ou  la  queue  est  divisé  en  sept  tablettes  ou  segmens  , 
mais  dont  le  nombre ,  dans  plusieurs  brachyures ,  paraît  moin- 
dre, parce  que  quelques  uns  des  intermédiaires  se  soudent , 
et  que  les  soudures  s'oblitèrent.  Le  docteur  Leach  a  le  pre- 
mier fait  usage  de  ce  caractère  pour  la  distinction  des  groupes 
génériques.  Le  dessous  de  celte  queue  est  garni  de  quatre  à 
cinq  paires  d'appendices ,  formés  de  deux  tiges ,  portées  sur 
un  article  commun  et  radical,  et  plus  développés  dans  les  ma- 


326       CRUSTA.CÉS.   PRE3IIEII    ORDRE.     OÉCAPODES. 

croures  que  dans  les  brachvures  :  à  ceux  des  femelles  sont 
attachés  les  œufs.  Ils  contribuent  même  à  la  natation  :  on 
peut  les  considérer  comme  des  pieds  raccourcis ,  et  de  là  la 
dénomination  défausses  pâtes  qu'on  leur  a  donnée. 

Les  crustacés  décapodes  se  tiennent  pour  la  plupart  dans 
l'eau ,  mais  ne  meurent  pas  sur-le-champ  lorsqu'ils  en  sont 
dehors.  On  les  conserve  même  plus  long-temps  en  vie  dans 
cette  situation  que  si  on  les  mettait  dans  ce  fluide  sans  avoir 
soin  de  le  renouveler.  Quelques  espèces  au  moyen  d'une 
organisation  particulière  découverte  par  MM.  Victor  Au- 
douin  et  Milne  Edwards ,  ont  la  faculté  de  vivre  habituelle- 
ment hors  de  cet  élément ,  et  ne  vont  à  l'eau  qu'à  l'époque 
de  leurs  amours,  et  pour  y  déposer  leurs  œufs.  Selon  M.  Thom- 
son ,  les  cancers  et  genres  voisins  sont  toujours  aquatiques 
dans  leur  premier  âge  ,  ou  ce  qu'il  appelle  état  de  larve.  Il 
paraît,  au  reste,  que  les  espèces  même  vivant  à  terre  s'éta- 
blissent dans  des  lieux  frais  et  humides  ;  sans  cela ,  leurs 
branchies  pourraient  se  dessécher  et  se  désorganiser,  ce  qui 
entraînerait  la  destruction  de  ces  animaux.  Quelques  uns  fré- 
quentent les  eaux  douces.  Tous  sont,  en  général ,  voraces  et 
carnassiers.  Il  en  est  qui  vont  jusque  dans  les  cimetières,  pour 
y  dévorer  les  cadavres.  Leur  croissance  est  lente ,  et  quelques 
uns  atteignent  une  grandeur  extraordinaire.  Le  corps  de  cer- 
taines langoustes  et  de  quelques  homards  a  quelquefois  près 
de  trois  pieds  de  long.  Leurs  membres  se  régénèrent  très  promp- 
tement  -,  mais  il  est  nécessaire  que  la  fracture  ait  lieu  à  la  jonc- 
tion des  articles  de  leurs  pâtes ,  et  ils  y  suppléent  par  une  telle 
cassure  lorsqu'il  en  est  autrement.  Les  pinces  sont  sujettes  à  des 
déformations  assez  nombreuses  et  assez  bizarres,  dont  on  trouve 
des  figures  dans  quelques  auteurs.  Lorsqu'ils  veulent  changer 
de  peau,  ils  cherchent  un  abri  pour  y  être  plus  en  sûreté  et 
n'être  pas  dérangés  dans  cette  opération.  La  ponte  se  fait  au 
printemps,  et  même  en  automne ,  pour  plusieurs  espèces. 

C'est  au  même  ordre  des  décapodes  que  se  rapporte  le  plus 
grand  nombre  des  crustacés  fossiles  découverts  jusqu'à  ce  jour. 
Ceux  des  terrains  les  plus  anciens  de  nos  contrées  se  rappro- 


GÉNÉRALITÉS.  32^ 

client  des  espèces  vivant  habituellement  dans  les  ïones  inler- 
tropicales  ;  les  autres ,  ou  ceux  des  dépôts  les  plus  récens , 
ont,  au  contraire,  de  l'affinité  avec  celles  que  nous  offrent 
nos  mers.  Les  crustacés  fossiles  que  nous  rec:evons  des  Indes 
ou  des  pays  équatoriaux  nous  paraissent  offrir  les  mêmes 
rapports ,  c'est-à-dire  avoisiner  les  espèces  que  Ton  y  trouve 
aujourd'hui  vivantes. 

L'ordre  des  décapodes,  depuis  les  travaux  de  Daldorff,  de 
Fabricius,  de  Leach  et  les  miens,  se  compose  maintenant  d'un 
assez  grand  nombre  de  genres ,  rentrant  dans  ceux  de  cancer 
et  à'astacus  qu'on  avait  anciennement  distingués,  et  qui  ré- 
pondent, en  majeure  partie,  aux  deux  divisions,  les  bra- 
chjures  ou  courte-queue,  et  les  macroures ,  longue-queue, 
du  genre  cancer  de  Linné.  C'est  sur  ces  principes  que,  dans 
l'ouvrage  sur  le  Règne  animal  par  M,  le  baron  Cuvier,  a  été 
établie  la  division  des  décapodes  en  deux  grandes  familles,  et 
formées  de  deux  coupes  génériques  analogues.  Elles  sont  si 
naturelles,  qu'elles  doivent  rester,  du  moins  comme  sections 
principales.  Mais  quant  aux  détails  ou  aux  divisions  secon- 
daires, je  ne  doute  pas  qu'une  étude  plus  particulière  du  sys- 
tème nerveux  et  des  organes  respiratoires  n'y  apporte  des 
changemens  qui  améliorent  leur  disposition  méthodique.  Les 
recherches  que  fait  à  cet  égard  M.  Milne  Edwards  sont  pour 
nous  d'un  augure  favorable. 

Nous  partagerons  aussi  les  décapodes ,  ainsi  que  dans  l'ou- 
vrage précité  de  M.  Cuvier,  en  deux  familles,  mais  avec  cette 
différence  que  la  série  des  tribus  subira  quelques  inversions, 
et  que  nous  présenterons  comme  genres  ce  qui  n'y  forme  que 
des  sous-genres. 

Les  ocypodes  sont  évidemment  des  crustacés  plus  terrestres 
qu'aquatiques ,  et  d'après  une  observation  communiquée  par 
M.  Milne  Edwards,  leurs  branchies  sont  moins  nombreuses. 
C'est  dès-lors  par  ce  genre  que  nous  débuterons  \,  et ,  puis- 
qu'il appartient  à  la  tribu  des  quadrilatères  ,  nous  la  mettrons 
en  tête  de  l'ordre.  Telle  a  été  leur  disposition  méthodique 
dans  notre  ouvrage  sur  les  familles  naturelles  du  règne  animal. 


32  8       CRUSTACÉS.  —    PREMIER    ORDRE.    DECAPODES. 

PREMIÈRE  FAMILLE. 

BRACHYURES   {BRACHYURI).  —  {Canceres  bra- 
chjuriy  LiNN.;  Kleistagnatha,  Fab.  ) 

Des  branchies  disposées  sur  un  seul  rang,  dans  ceux  au 
moins  dont  les  pieds  postérieurs  ne  sont  point  dorsaux,  ou  qui 
sont  de  niveau  avec  les  autres,  en  forme  de  languettes  pyra- 
midales, composées  d'une  multitude  de  petits  feuillets  empi- 
lés les  uns  sur  les  autres ,  parallèlement  à  Taxe  -,  les  deux 
vulves  situées  sur  le  plastron ,  entre  les  pieds  de  la  troisième 
paire  ^  une  queue  plus  courte  que  le  thoracide ,  repliée  en 
dessous  et  reçue  dans  une  fossette  de  ce  plastron ,  sans  appen- 
dices ou  nageoires  à  son  extrémité  \  les  pieds-mâchoires  exté- 
rieurs à  articles  inférieurs  lamelleux  ;  voilà ,  avec  les  diffé- 
rences du  système  nerveux  déjà  exposées,  ce  qui  distingue 
particulièrement  cette  famille  de  la  suivante.  Nous  ajouterons 
que  le  tube  auriculaire  est  presque  toujours  pierreux  ;  que 
les  pédicules  des  yeux  sont  généralement  plus  longs;  que  les 
antennes  sont  plus  courtes  -,  que  les  intermédiaires  sont  logées 
dans  une  cavité  sous  le  bord  antérieur  du  test ,  et  que  la  queue 
est  triangulaire  dans  les  mâles ,  et  garnie  à  sa  base ,  vue  en 
dessous,  de  quatre  à  deux  appendices,  dont  les  deux  antérieurs 
en  forme  de  cornes ,  tandis  que  celle  des  femelles  est  plus 
large,  plus  arrondie,  et  porte  inférieurement  quatre  paires  de 
filets  velus  et  ovifères.  On  n'en  voit  que  des  rudimens  dans 
l'autre  sexe.  Si  l'on  en  excepte  les  pactoles,  les  deux  pieds 
antérieurs  sont ,  et  exclusivement,  en  forme  de  serres.  Le  test 
est  aussi  presque  constamment  plus  solide  que  celui  des  ma- 
croures. 

J'avais  dit ,  dans  la  nouvelle  édition  du  Règne  animal  de 
M.  Cuvier  (tome  IV,  page  3o),  que  la  distribution  des  bra- 
cbyures  que  j'y  présentais  n'était  pas  toujours  naturelle.  J'ai 
revu  depuis  cette  ordonnance  ,  et  j'y  ai  fait  quelques  change- 
mens ,  au  moyen  desquels  les  genres  de  cette  famille  s'affi- 
lient, ce  me  semble,  beaucoup  mieux  entre  eux.  C  est  ainsi 


PREMIÈRE    FAMILLE.    BRACHYURES.  Sig 

que  je  crois  devoir  placer  les  ranines  avec  les  macroures  près 
des  albunées ,  auxquelles  Fabricius  les  avait  en  effet  asso- 
ciées. Ces  crustacés  me  paraissent  s'unir  par  une  extrémité 
avec  les  brachyures  nageurs ,  et  par  l'autre ,  avec  les  scyl- 
lares,  les  langoustes,  etc.-,  les  porcellanes  et  les  galathées 
semblent  tenir  aux  dromies  ,  aux  dynomènes,  et  les  hermites , 
surtout  les  birgus ,  aux  lithodes.  Les  thalassines ,  les  callia- 
nasses ,  et  autres  genres  de  macroures  analogues  forment  le 
point  de  réunion  de  ces  trois  séries,  dont  deux  latérales  et  l'au- 
tre directe.  Ma  tribu  des  notopodes  m'avait  paru  rassembler 
des  objets  assez  disparates  ou  être  mal  assortie.  J'en  détache  les 
lithodes  et  les  homoles,  qui,  par  plusieurs  caractères,  font 
le  passage  des  brachyures  aux  macroures  -,  ils  composent 
une  nouvelle  tribu,  celle  des  hypophthalmes ,  parce  que  les 
yeux,  très  rapprochés  à  leur  base,  sont  insérés  au-dessous 
de  la  saillie  frontale.  Les  notopodes  propres  remontent  plus 
haut ,  et  précèdent  la  tribu  des  orbiculaires  et  celle  des  trian- 
gulaires. Dans  les  caractères  de  cette  famille ,  j'ai  fait  une 
exception  à  l'égard  de  la  situation  des  branchies  sur  une 
même  ligne.  On  conçoit  en  effet  que ,  si  quelques  uns  des 
pieds  postérieurs  sont  insérés  sur  le  dos  ,  il  doit  en  résulter 
un  changement  dans  la  disposition  des  organes  respiratoires. 
Les  dromies  sont  dans  ce  cas  ,  et  cependant  elles  se  placent 
naturellemest  entre  les  cryptopodes  et  les  triangulaires.  Dans 
cette  dernière  tribu,  ainsi  que  dans  celle  des  hypophthalmes,  la 
grandeur  des  serres  diffère  notablement  selon  les  sexes.  D'après 
ce  caractère  et  quelques  autres,  les  corystes  et  les  leucosies 
de  Fabricius,  composant  ma  tribu  des  orbiculaires,  doivent 
être  rapprochés  des  crustacés  précédens  ;  et  par  là  les  do- 
rippes ,  dernier  genre  des  notopodes,  se  lient  très  bien  avec 
celui  de  coryste ,  le  premier  des  orbiculaires.  J'ai  rétabli  la 
tribu  des  nageurs,  que  je  termine  par  ceux  qui  ont  un 
autre  faciès ,  et  dont  les  pinces  sont  en  crête  ;  tels  sont  les 
genres  orithyie  et  matute.  Les  mursies  et  les  hépates  offrant 
de  grands  rapports  avec  les  précédens.  et  avec  les  calappes , 
composeront    une   nouvelle   petite   tribu  ,   celle  des    cristi- 


33o         CRUSTACÉS.   PREMIER    ORDRE.    DÉCAPODES. 

mânes  ,  et  qui  conduira  ainsi  des  nageurs  aux  cryplopodes. 
Ceux  qui  ont  une  colleetion  de  genres  de  crustacés  suffisam- 
ment complète  pourront  voir  ,  en  les  disposant  d'après  ce 
nouvel  arrangement ,  qu'ils  s'enchaînent  graduellement  les 
uns  aux  autres.  Voici  le  tableau  de  ces  tribus  : 

PREMIÈRE  SECTION. 
HOMOGHÈLES   (HOMOCHELES). 

Serres  de  grandeur  identique  ou  peu  différente  dans  les  deux  sexes. 
Test  ou  carapace  tantôt  trapézoïde,  carré  ou  cordiforme,  tantôt 
en  segment  de  cercle,  tronqué  à  sa  pointe  (vers  la  réunion  du  test 
avec  le  post-abdomen),  généralement  plus  large  ou  évasé  en  de- 
vant, à  l'exception  de  quelques,  où  il  est  dilaté  vers  les  angles 
postérieurs  pour  former  une  voûte  recevant  et  cachant  les  pieds. 

Nota.  Épistome  ou  surbouche  le  plus  souvent  transversal.  Des  pieds  nageurs  dans 
un  grand  nombre. 

PREMIÈRE  DIVISION. 

Tous  les  pieds  insérés  sur  la  môme  ligne,  ou  de  niveau,  à  leur  nais- 
sance. 

A.  Tous  les  pieds  (i)  toujours  à  découvert.  Test  rétréci  postérieure- 
ment ,  ou  point  dilaté,  vers  les  angles  postérieurs,  pour  former  une 
voûte  au-dessus  de  ces  organes. 

Cette  subdivision  comprendra  les  tribus  suivantes  : 

Les  QUADRILATÈRES,  IcS  ARQUES,  IcS  NAGEURS  Ct  IcS  CHRISTIMANES. 

B.  Test  dilaté  vers  les  angles  postérieurs,  et  formant  une  voûte  sous 
laquelle  les  pieds  ,  dans  la  contraction,  se  retirent,  et  sont  cachés, 
l'animal  étant  vu  snr  le  dos. 

Tribu  des  cryptopodes. 

DEUXIÈME  DIVISION. 

Les  quatre  ou  deux  pieds  postérieurs  insérés  sur  le  dos  (Plus  petits 
que  les  autres). 

Tribu  des  notopodes. 


(i)  J'en  excepte  les  serres. 


PREMIÈRE    FAMILIK.    BRACHYURES.  33 1 

DEUXIÈME  SECTION. 

HÉTÉROCHÈLES   {HETEROCHELES). 

Serres  des  mâles  notablement  jilus  longues  que  celles  des  femelles. 
Test  se  réirécissant  généralement  d'arrière  en  avant,  pour  se  ter- 
miner en  pointe,  soit  triangulaire,  soit  ovoide  ou  presque  globu- 
leux, quelquefois  en  rhomboïde  transversal. 

Nota.   Epi stome  généralement  presque  carré,  jamais  transversal.  Point  de  pieds 
nageurs.  Test  ordinairement  très  inégal,  denté  ou  épineux,  et  unicolore. 

PREMIÈRE  DIVISION. 

Tous  les  pieds  insérés  sur  la  même  ligne;  les  deux  postérieurs  sem- 
blables aux  précédens,  tant  pour  la  forme  que  pour  l'usage.  Pieds- 
mâchoires  extérieurs  point  saillans  au-delà  de  la  cavité  buccale. 
Tribu  des  orbiculaires  et  celle  des  triangulaires. 

DEUXIÈME  DIVISION. 

Les  deux  pieds  postérieurs  notablement  plus  petits  que  les  précédens, 
soit  insérés  sur  le  dos,  purement  préhensiles,  soit  de  forme  diffé- 
rente, et  comme  faux  ou  inutiles.  Pieds -mâchoires  extérieurs 
saillans. 

Tribu  des  hypophthalmes. 


PREMIERE  SECTION. 
HOMOCHÈLES    {HOMOCHELES). 

PREMIÈRE  DIVISION. 

Tous  les  pieds  insérés  sur  la  même  ligne. 

PREMIÈRE  TRIBU. 
QUADRILATÈRES    {qUADRILATERA). 

Tous  les  pieds  sont  toujours  découverts,  et  aucun  d'eux  n'est  terminé 
par  un  tarse  comprimé,  lamelliforme,  ou  en  nageoire;  la  queue 
est  presque  toujours  (i)  de  sept  tablettes,  à  sutures  distinctes  dans 
toute  leur  étendue.  Le  test  est  soit  carré  ou  trapézoïde,  soit  cordi-. 

(i)  Les  j^agusies  seules  paraissent  faire  exception. 


332       CRUSTACES.  PREMIER    ORDRE.    I)ÉC4POnES. 

forme,  avec  le  front  souvent  prolongé  ou  incliné,  en  manière  de 
chaperon. 

Nota.  Yeux  souvent  portés  sur  de  longs  pédicules.  Quatrième  article  des  pieds- 
mâchoires  extérieurs  (ou  ceux  de  la  paire  inférieure  recouvrant  les  autres)  inséré  en 
dehors  de  l'extrémité  interne  du  précédent ,  ou  uni  avec  lui  par  toute  la  largeur  de 
sa  base. 

J'ouvrirai  cette  tribu  par  les  espèces  qui  passent  une 
grande  partie  de  leur  vie  hors  de  l'eau ,  et  se  creusent  près 
du  bord  des  eaux ,  ou  sur  les  rivages ,  des  terriers  leur  ser- 
vant d'habitation  pendant  le  jour.  Ce  sont,  en  quelque  sorte, 
des  crabes  de  terre ,  et  divers  voyageurs  les  ont  en  effet 
appelés  ainsi.  De  ce  nombre  sont  plus  particulièrement  les 
crabes  cavaliers  des  anciens,  et  ceux  qu'on  nomme  tourlourous 
aux  Antilles  et  dans  l'Amérique  méridionale. 

Nous  expliquerons  plus  bas  comment  des  animaux  natu- 
rellement destinés ,  par  leurs  organes  respiratoires ,  à  vivre 
au  sein  des  eaux ,  ainsi  que  les  poissons ,  ne  sont  point , 
comme  eux,  sujets  à  périr.  Tous  ces  quadrilatères  terrestres 
peuvent  être  compris  dans  une  première  section  ou  sous- 
tribu  que  nous  signalerons  ainsi  : 

Pieds-màchoires  extérieurs  toujours  composés  de  six  articles  ,  dont 
le  quatrième  inséré  en  dehors  de  l'extrémité  supérieure  et  interne  A\\ 
précédent.  Pédicules  oculaires  (le  plus  souvent  allongés)  insérés  près 
du  milieu  du  bord  antérieur  du  test  ou  du  front;  ce  test  soit  carré  ou 
trapézoïdal,  soit  en  forme  de  cœur. 

Nous  partagerons  cette  section  en  deux  : 

1°.  Ceux  dont  le  test  est  toujours  trapézoïde  ou  presque  carré, 
.épais,  ayant  les  angles  antérieurs  aigus  on  prolongés  en  pointe,  et 
flont  les  pédicules  oculaires,  naissant  près  du  milieu  du  front  ou  sur 
les  côtés  d'un  chaperon  peu  spacieux,  se  prolongent  ordinairement 
jusqu'aux  angles  latéraux  antérieurs. 

Les  uns  ont  les  antennes  intermédiaires  très  petites,  très  briève- 
ment bifides  au  bout  ;  les  deux  divisions  ou  liges  sont  presque  coni- 
ques ;  l'interne  offre  seule  des  articulations,  et  qui  ne  sont  qu'au 
nombre  de  deux. 


PREMIÈRE    FAMILLE.    BR^CIIYURES.  333 

Celle  subdivision  se  compose  de  trois  genres ,  ceux  d'ocy- 
pode,  de  gélasime  et  de  mictyre. 

Là  le  test  est  ferme  et  solide,  plan  en  dessus  -,  les  pédicules 
oculaires  sont  grands  ou  fort  allongés  ;  le  second  article  des 
pieds-mâchoires  extérieurs  est  d'une  étendue  ordinaire.  Ces 
caractères  sont  communs  aux  deux  premiers  genres. 

Les  ocYPODEs  (oc/pode  j,  Fab.  )  s'éloignent  des  gélasimes 
par  les  yeux ,  qui  tantôt  occupent  une  grande  partie  de  la  lon- 
jgueur  de  leurs  pédicules  ,  tantôt  forment  à  son  extrémité  une 
sorte  de  massue  j  par  le  troisième  article  des  deux  pieds- 
mâchoires  extérieurs  qui  est  en  carré  long,  et  par  leurs  serres, 
presque  de  grandeur  égale ,  ou  ne  contrastant  pas  du  moins 
considérablement  sous  le  rapport  de  leurs  proportions.  La 
queue  est  plus  allongée  que  dans  les  gélasimes  -,  son  dernier 
segment  est  en  triangle  allongé  dans  les  mâles.  L'étymologie 
du  nom  générique,  la  dénomination  à'eques,  donnée  à  ces 
crustacés  par  les  anciens,  annoncent  la  vélocité  de  leur 
marche  :  elle  est  telle  ,  qu'un  cavalier  a  de  la  peine  à  les 
suivre  ou  à  les  atteindre.  Des  voyageurs  les  ont  appelés 
crabes  de  terre ,  et  d'autres  en  ont  fait  des  tourlourous.  Les 
ocypodes  fréquentent  les  rivages  maritimes ,  et  s'y  creusent 
des  terriers  où  ils  se  tiennent  cachés  pendant  le  jour.  La 
nuit  est  le  temps  de  leurs  excursions. 

Les  deux  espèces  les  plus  remarquables  sont  FO.  céra- 
TOPHTHALME  Çceratophtkalmus y  Fab.  ;  cancer  eu? sor,  Liwn.  ; 
PalL  Spicil.  zool. ,  fasc.  ix ,  tab.  5  ,  fîg.  2-8)  ,  dont  l'extré- 
mité supérieure  des  pédicules  oculaires  finit  en  une  pointe 
conique  et  simple,  au-delà  des  yeux-,  et  l'O.  chevalier 
(O.  ippeuSy  Oliv.,  voyez  dans  V Empire  ottom. ,  tome  II, 
Ipage  234,  pi.  XXX,  fig.  I  ;  Savig.  ,  ouvrage  sur  l'Egypte, 
iCrustac. ,  pi.  I,  fig.  i),  où  ces  pédicules  se  terminent  par 
un  faisceau  de  poils.  La  première  est  des  Grandes-Indes  ,  et 
la  seconde  se  trouve  sur  les  côtes  de  la  Syrie  ,  celles  d'Afrique 
bordant  la  Méditerranée  et  jusqu'au  cap  Verd.  Voyez,  pour 
d'autres  espèces,  le  Règne  animal  de  M.  Cuvier,  seconde 
édition,  tome  IV,  page  4^,  et  Oliv.  ,  EncycL  méthodique. 


334        ClUISTACÉS.    PREMIER    ORDRE.     DÉCAPODES. 

Les  GÉLAsiMEs  (gelasùnus ,  Lat.  ^  uca,  Leach)  ont  des 
pédicules  oculaires  grêles  ,  et  terminés  en  une  petite  tête 
formée  par  leurs  yeux.  L'une  de  leurs  serres  est  ordinaire- 
ment beaucoup  plus  grande  que  l'autre  ,  soit  dans  les  deux 
sexes ,  soit  dans  les  mâles  seulement  (  au  témoignage  de 
M.  Marion).  Le  troisième  article  des  pieds-mâchoires  exté- 
rieurs est  en  carré  transversal.  Le  dernier  segment  de  la 
queue  des  mâles  est  presque  demi-circulaire  ;  elle  est  presque 
orbiculaire  dans  l'autre  sexe. 

Ce  sont  toujours  des  crustacés  terriers  ,  fréquentant  les 
mêmes  localités  que  les  ocypodes  ,  et  d'aussi  bons  coureurs. 
Certains  auteurs  ont  donné  à  quelques  espèces  la  dénomina- 
tion de  crabes  appelans  {cancer  vocans)  ,  parce  qu'ils  élèvent 
en  l'air  la  serre  la  plus  grande  ,  et  que  par  ce  geste  ils  sem- 
blent appeler  quelqu'un.  Feu  Leschenault  de  la  Tour  m'a  dit 
qu'elle  leur  servait  à  boucher  l'entrée  de  leur  terrier,  et  \ 
comme  les  pagures  emploient  le  même  moyen  pour  fermer 
l'entrée  de  la  coquille  qu'ils  habitent,  je  suis  porté  à  croire 
que  cette  différence  dans  les  pinces  est  propre  aux  deux  sexes , 
et  que  l'opinion  de  M.  Marion ,  n'attribuant  qu'aux  mâles  ce 
caractère,  a  besoin  d'être  confirmée.  Feu  Bosc  ,  qui  avait 
observé  ces  animaux  dans  la  province  de  la  Caroline,  nous 
apprend  qu'ils  demeurent  l'hiver  dans  leurs  retraites ,  et  soup- 
çonne qu'ils  passent  leur  premier  âge  dans  l'eau.  On  en  trouve 
des  espèces  fossiles ,  et  qui  ont  été  représentées  par  M.  Desma- 
rest.  f^oyez  mon  article  Gélasiine y  dans  la  seconde  édition  du 
Nouveau  Dictionnaire  d'Histoire  naturelle ,  et  le  Règne  ani- 
nal,  par  M.  Cuvier. 

Ici  le  test  est  membraneux ,  mou ,  convexe  en  dessus  ;  les 
pédicules  oculaires  sont  proportionnellement  plus  courts; 
les  pieds-mâchoires  extérieurs  sont  fort  larges  depuis  leur 
base  jusqu'à  l'origine  du  quatrième  article.  Tels  sont  les  ca-  1 
raclères  des  mictyres  (rjiictjiis)  ,  genre  que  j'ai  établi  dans 
mon  Gênera  sur  une  espèce  de  la  notasie.  M.  Savigny  en  a 
décrit  et  représenté  une  autre,  avec  tous  les  détails,  dans 
l'ouvrage  sur  l'Egypte  {Crust.,  pi.  I,  fig.  3). 


PREMIÈRE    FAMILLE.    BRACHYURES.  335 

'  Dans  les  autres  quadrilatères  de  la  même  division  de  la 
première  section  ,  les  deux  tiges  terminant  les  antennes  inter- 
jmédiaires  sont  allongées,  presque  sétacées ,  multiarticulées , 
l'externe  surtout  5  celle-ci  est  barbue  au  côté  interne.  Ces 
crustacés  ressemblent  d'ailleurs  aux  gélasimes^  leur  test  est 
seulement  plus  transversal  -,  les  serres  sont  étroites  ,  cylln- 
driques,  presque  égales.  Les  pédicules  oculaires  sont  longs, 
grêles ,  et  couronnés  par  de  petits  yeux.  Nous  avons  formé 
avec  ces  animaux  le  genre  des  macrophthalmes  (  niacropli- 
,thalmus). 

Toutes  les  espèces  sont  exotiques.  M.  Savigny  en  a  figuré 
deux  [Cnist,,  pi.  II,  fig.  i ,  2).  Leur  port  étant  presque  le 
même  que  celui  des  rhombilles  ou  gonoplax ,  il  est  facile  de 
les  confondre  avec  ces  derniers  crustacés.  C'est  ce  que  j'avais 
fait  dans  V Encyclopédie  à  l'égard  du  gonoplax  transv^ersus. 
i^Vojez  le  Règne  animal  de  M.  Cuvier,  seconde  édition  , 
tome  IV,  page  440 

La  seconde  division  de  cette  première  section  nous  offrira 
d'autres  quadrilatères  terrestres,  ayant  les  antennes  intermé- 
diaires terminées  de  même  que  dans  les  macrophthalmes  , 
mais  dont  le  test  diffère  du  leur  et  de  celui  des  précédens, 
en  ce  qu'il  a  la  figure  d'un  cœur,  et  que  les  pédicules  ocu- 
laires,  sensiblement  plus  courts,  n'atteignent  pas  ses  angles 
latéraux  antérieurs.  Les  côtés  du  thoracide  sont  ordinaire- 
ment dilatés  ,  bombés  et  arrondis,  par-derrière  les  angles. 

Ces  crustacés  ,  qu'on  a  nommés  tourlourous ,  crabes  peints , 
crabes  violets ,  cancres  de  rivière ,  et  plusieurs  de  ceux  qu'on 
a  aussi  appelés  crabes  de  terre ,  composent  cette  division.  Ils 
sont  propres  aux  contrées  inter-tropicales,  et  la  plupart  des 
voyageurs  en  ont  parlé  ,  mais  plutôt  en  hommes  crédules  ou 
■  amis  du  merveilleux  qu'en  vrais  observateurs.  Il  paraît  néan- 
' moins  constant  que,  de  même  que  les  ocypodesetlesgélasimes, 
ils  vivent  dans  des  trous  ,  et  n'en  sortent  que  la  nuit ,  et  qu'ils 
vont  fiire  leur  ponte  dans  la  mer.  On  raconte  qu'ils  se  ras- 
semblent alors  en  grand  nombre ,  (ju'ils  suivent  la  route  la  plus 
directe,  sans  s'embarrasser  des  obstacles ,  et  qu'après  efvï^^  A L  / 


iOO 


336       CRUSTACÉS.  PREMIER    ORDRE.    DÉCAPODES. 

rempli  leur  destination  ,  ils  reviennent  très  affaiblis.  Ils  bou- 
chent, dit-on,  leurs  terriers,  lorsqu'ils  veulent  changer  de 
peau.  Lorsque  la  mue  est  faite  et  qu'ils  sont  encore  mous,  on 
estime  beaucoup  leur  chair,  et  on  les  nomme  alors  crabes 
boursiers.  Elle  empoisonne  cependant  quelquefois ,  et  on  at- 
tribue cette  qualité  délétère  à  la  nourriture  de  l'animal ,  et 
particulièrement  au  fruit  du  mancenilier,  qu'ils  sont  censés 
avoir  mangé.  Deux  habiles  observateurs,  et  bien  autrement 
dignes  de  confiance,  MM.  Quoy  et  Gaymard,  nous  ont  dit  un 
mot  des  habitudes  de  ces  crustacés.  C'est  dans  les  vastes  ma- 
rais ,  et  ne  présentant  souvent  qu'une  vase  très  molle  de  la 
baie  de  Rio-Janeiro  au  Brésil,  qu'ils  ont  vu  les  telphuses  et  des 
myriades  de  gélasimes  faire  leur  domicile.  Ces  animaux  ne 
fuient  vers  leurs  retraites  que  lorsqu'ils  sont  sur  le  point  d'être 
pris.  Mais  les  tourlourous  se  tiennent  à  l'entrée  de  leur  ter- 
rier, et  y  rentrent  au  moindre  danger.  Il  est  curieux  de  leur 
voir  creuser  leur  profonde  et  dégoûtante  demeure  -,  ils  en 
sortent  tout  couverts  d'une  boue  noire  qu'ils  portent  à  l'aide 
de  leurs  pinces  ,  et  qu'ils  vont  entasser  à  quelque  distance.  Si 
la  terre  qu'habitent  ces  animaux  ne  contient  pas  de  substance 
nutritive,  nous  ne  savons,  disent-ils,  ce  qui  peut  fournir  un 
aliment  à  un  aussi  grand  nombre  d'individus  qui  ne  paraissent 
jamais  abandonner  leur  stérile  contrée.  Mais,  comme  nous 
l'avons  remarqué ,  le  temps  de  leurs  excursions  et  de  la  re- 
cherche de  leurs  alimens,  est  la  nuit.  On  n'avait  pu  expliquer 
jusqu'ici  comment  des  animaux  respirant,  tels  qu'eux,  par 
des  branchies  ,  pouvaient  vivre  long-temps  hors  de  l'eau  ,  sans 
que  ces  organes  ne  perdissent  leurs  propriétés.  MM.  Victor 
Audouin  et  Milne  Edwards  ont  découvert  dans  les  tourlou- 
rous ougécarcins  une  sorte  d'auge  ou  de  rigole,  formée  par  des 
replis,  qui  tapisse  et  constitue  les  pourtours  de  la  cavité  bran- 
chiale, et  destinée  à  conserver  une  certaine  quantité  d'eau, 
propre  à  humecter  les  branchies.  Le  cancer  uca  a  de  plus  une 
poche  ou  vessie  pareillement  remplie  de  ce  fluide.  Dans  les 
ocypodes ,  la  rigole  existe ,  mais  elle  est  plus  petite ,  et  une 
masse  spongieuse  cellulo-glanduleuse  fournit  l'humidité  con- 


PREMIÈRE    FAMILLE.    RRACHYURES.  337 

voiiable-,  elle  est  surtout  très  apparente  dans  la  telphuse  den- 
telée. Les  organes  respiratoires  de  ces  animaux  ou  les  bran- 
chies ressemblent  d'ailleurs  à  ceux  des  autres  crustacés  séjour- 
nant habituellement  dans  l'eau.  Il  est  néanmoins  à  désirer  que 
des  observations  multipliées  faites  sur  le  vivant ,  et  une  con- 
naissance plus  positive  des  habitudes  de  ces  crustacés  dissipent 
les  doutes  que  peuvent  faire  naître  des  recherches  faites  uni- 
quement sur  des  animaux  conservés  dans  de  la  liqueur.  Des 
expériences  moins  sujettes  à  controverse  faites  par  ces  natura- 
listes leur  ont  montré  que  des  homards  vivans,  forcés  de  sé- 
journer dans  une  petite  quantité  d'eau  salée,  périssaient  bien 
plus  vite  que  lorsqu'on  les  conservait  dans  un  espace  rempli 
d'air  atmosphérique ,  libre ,  mais  humide  ^  que  l'on  pouvait 
dès-lors  prolonger  pendant  quelques  jours  leur  vie,  si  l'on 
trouvait  le  moyen  d'entretenir  cette  humidité,  mais  que  par 
.  I  un  procédé  opposé ,  c'est-à-dire  en  séchant  l'air  où  ces  ani- 
maux sont  renfermés,  à  l'aide  de  la  chaux  vive  et  autres 
substances  absorbant  ce  fluide  ,  on  les  privait  promplement 
(  de  six  à  dix-huit  heures  au  plus  )  de  la  vie . 

J'ai  restreint  le  genre  gécarcin  {gecarcmus)  de  M.  Leacli 
aux  espèces  qui ,  telles  que  le  cancer  ruricola  de  Linné , 
ont  les  quatre  antennes  recouvertes  par  le  chaperon  ; 
le  second  et  le  troisième  article  des  pieds-mâchoires  exté- 
rieurs grands,  aplatis,  foliacés,  arqués,  laissant  entre  eux  un 
vide ,  et  le  dernier  de  ceux-ci  en  forme  de  triangle  curviligne  , 
obtus  au  sommet  et  recouvrant  les  trois  suivans.  Les  couleurs 
de  cette  espèce  paraissent  varier  beaucoup  avec  l'âge.  Elle  est 
d'un  rouge  de  sang  plus  ou  moins  vif  et  plus  ou  moins  étendu, 
et  quelquefois  tacheté  de  jaune.  Le  dos  offre  une  impression 
très  marquée,  en  forme  de  H.  C'est  le  crahe  peint ,  le  crabe 
violet,  de  divers  voyageurs,  et  le  vrai  tourlourou ,  selon  moi. 
Dans  ce  genre ,  ainsi  que  dans  le  suivant ,  la  troisième  et  la 
quatrième  paire  de  pieds  sont  plus  longues  que  la  seconde  et  la 
dernière  j  tous  les  tarses  ont  des  arêtes  dentelées  ou  épineuses. 
Il  y  en  a  six  dans  les  gécarcins,  et  quatre  dans  le  genre  suivant . 
Les  cARDisoMEs  (curdisoma ,  Lat.)  ont  leurs  antennes  dé- 


22 


338        CRUSTACÉS.  PRIIMIER    ORDRE.    DECAPODES. 

couvertes,  les  pieds-mâchoires  extérieurs  rapprochés  parallè- 
lement au  bord  interne  ,  avec  tous  leurs  articles  découverts, 
et  dont  le  troisième,  plus  court  que  les  précédens,  est  échancré 
à  son  sommet.  Le  cancer  cordatus  de  Linné  est  de  ce  genre  , 
ainsi  que  ,  à  ce  que  je  présume  ,  les  crabes  blancs  de  quelques 
voyages.  Cette  espèce  est  cependant  quelquefois  jaune  et 
rayée  de  rouge. 

Mes  ucAs  (  iica  )  diffèrent  des  deux  genres  précédens  par 
la  diminution  progressive  de  la  longueur  des  pâtes,  et  leurs 
tarses  simplement  sillonnés,  sans  dentelures  ni  épines,  très 
saillantes.  Le  cancer  iica  de  Linné  en  est  le  type.  Il  vit  dans 
les  marais  de  la  Guyane  et  du  Brésil. 

IJans  mon  article  Thelphuse  (i)  de  V Encyclopédie  métho- 
dique,  j'avais  formé  une  division  particulière  avec  l'espèce  de 
l'Amérique  méridionale  nommée  dentata  ,  et  j'avais  dit 
qu'elle  paraissait  se  rapprocher  desgécarcins  et  descardisomes, 
et  qu'elle  devait  peut-être  constituer  un  genre  propre.  Les 
observations  de  M.  V.  Audouin  et  Milne  Edwards  ont  con- 
firmé la  justesse  de  mes  présomptions.  Cette  espèce  sera  donc 
séparée  des  thelphuses,  et  deviendra  le  type  d'une  nouvelle 
coupe  générique,  votamib  (  potaniia  ^ ,  distincle  des  précé- 
dentes par  l'aplatissement  du  corps  ,  et  par  le  troisième  article 
des  pieds-mâchoires  extérieurs,  qui  est  en  forme  de  triangle 
tronqué  transversalement  au  sommet,  avec  le  côté  extérieur 
plus  grand  et  arqué. 

Notre  seconde  section  ne  comprendra  que  des  quadrilatères 
vivant  habituellement  dans  l'eau,  et  dépourvus,  par  consé- 
quent ,  de  ces  moyens  auxiliaires  que  la  nature  a  donnés  aux 
premiers,  pour  rafraîchir  leurs  branchies,  et  les  conserver 
dans  un  état  propre  à  remplir  leurs  fonctions.  Nous  les  carac- 
térisons ainsi  : 

Pieds-mâchoires  extérieurs  n'offrant,  dans  qnekjues,  que  trois  ar- 
ticles ;  !e  rjuatriènje,  dans  ceux  qni  en  ont  six  ,  soit  inséré  en  dehors 


(i)   Télphuse ,  par  iiiadvertance. 


PREMIÈRE    FAMILLE.    BRACHYURES.  '63g 

de  l'extrcmiré  interne  et  supérieure  du  précédent,  mais  pédicules  ocu- 
laires occupant  alors  les  angles  latéraux  et  antérieurs  du  test,  soit  in- 
séré à  l'extrémité  interne  du  même  article,  qui  est  tronqué  oblique- 
ment. 

Je  diviserai  d'abord  celte  section  en  deux  coupes  :  la  pre- 
mière se  composera  de  petits  crustacés  parasites ,  où  le  tho- 
racide  est  presque  globuleux  ou  rond  et  solide  ,  dans  les  mâles, 
et  mou  ou  membraneux  et  presque  carré  dans  les  femelles. 
Les  pieds-màchoires  extérieurs  n'ont  distinctement  que  trois 
articles,  dont  l'intérieur  très  grand  et  arqué. 

Cette  division  ne  comprend  qu'un  seul  genre ,  celui  que 
l'ai  nommé  pinnothère  (^pinnotheres) ,  et  dont  le  docteur 
Leach  a  représenté  dans  son   ouvrage  sur  les  malacostracés 
podophthalmes  de  la  Grande-Bretagne,    diverses  espèces. 
Ces  crustacés,   généralement  très   petits,  et  qui  vivent  une 
partie  de  l'année ,  surtout  dans  l'arrière-saison  ,  dans  l'in- 
térieur   des    moules ,    des    modioles ,    des  jambonneaux   et 
autres  coquilles  bivalves  ,  offrent  deux  caractères  très  remar- 
quables. Le  test  des  mâles  ,  qui  est  presque  ovoïde  et  un  peu 
rétréci  en  avant ,  est  solide  ,  tandis  que  celui  des  femelles  est 
presque  orbiculaire,  très  obtus  en  devant,  et  mou.  Leur  post- 
abdomen est  très  ample.  L'autre  caractère  est  fourni  par  les 
pieds-mâchoires  extérieurs  ;  ils   paraissent  n'avoir  que  trois 
articles,  dont  le  premier  grand  ,  transversal ,   arqué  ,  et  dont 
le  dernier  est  appendice  à  sa  base. 

J'ai  rapporté  dans  mon  Exposé  historique  de  la  science  l'opi- 
nion fabuleuse  des  anciens  sur  ces  animaux.  On  leur  attribue 
aujourd'hui  des  qualités  malfaisantes,  et  si  cela  est  fondé  , 
cela  tient  à  des  circonstances  particulières,  dignes  de  re- 
cherches. 

On  n'a  point  mis  dans  la  distinction  des  espèces  cette  préci- 
sion et  cette  opposition  comparative  de  caractères  qui  peuvent 
seules  faire  atteindre  le  but  que  l'on  s'est  proposé.  La  plus 
commune,  la  P.  pois  (P.  pisum.  Latr.  ^  Leach,  malac. 
pod.  Brit.  tab.  i4,  fig.  i  5  î?^  ,  la  fem.  ;  P.  varians ,  ejusd. 
ibid.  fig.   9  ,  10  ,    1 1  5  le   mâle)  a  le    lest   presque   carré, 


34o   CRUSTA.CÉS.  PREMIER  ORDRE.  nÉCAPODES. 

lisse ,  sans  échancrure  en  devant  -,  son  post-abdomen  ou  lâ 
queue  est  très  large ,  festonné  sur  ses  bords ,  avec  l'extrémité 
largement  échancrée.  Les  pinces  ont  une  rangée  de  petits  poils 
en  dessous  -,  les  cuisses  en  ont  une  semblable  sur  les  deux 
faces.  Voyez ,  pour  les  autres  espèces  ,  l'ouvrage  de  M.  Des- 
marest ,  mais  surtout  le  grand  ouvrage  sur  l'Egypte  (  Crust, 
pi.  YII,  fig.  i). 

Les  quadrilatères  de  l'autre  division  ont  tous  un  test  solide, 
tantôt  carré  ou  trapézoïde ,  tantôt  en  forme  de  cœur.  Les 
pieds-mâchoires  extérieurs  sont  composés  de  six  articles. 

Dans  les  uns  ,  et  dont  le  thoracide  est  carré,  aplati,  ainsi 
que  les  pâtes  ,  avec  les  yeux  portés  sur  des  pédicules  courts 
et  situés  aux  angles  latéraux  de  son  bord  antérieur  (i),  le 
quatrième  article  de  ces  pieds-mâchoires  est  inséré  en  de- 
hors de  l'extrémité  supérieure  interne  du  précédent. 

Le  premier  genre,  celui  de  plagusie  (plagusia,  Latr.  ), 
offre  un  caractère  unique  dans  cette  classe.  Les  antennes  mi- 
toyennes sont  logées  dans  deux  fissures  longitudinales  et  obli- 
ques traversant  toute  l'épaisseur  du  milieu  du  chaperon.  Le 
post-abdomen  ne  m'a  paru  offrir,  dans  l'un  des  sexes,  au  moins, 
que  quatre  segmens  bien  distincts  •,  c'est  la  seule  exception 
dans  cette  tribu.  On  n'en  connaît  qu'un  petit  nombre  d'es- 
pèces, et  dont  on  ignore  les  habitudes.  La  plus  connue  est  le 
crabe  déprimé ,  cancer  depressus  de  Fabricius.  Dans  le  se- 
cond genre,  celui  des  grapses  {grapsus ,  Lam.)  ,  les  quatre 
antennes  sont  recouvertes  par  le  chaperon.  Le  test  est  d'ail- 
leurs un  peu  plus  large  en  avant  qu'en  arrière.  Le  post- 
abdomen a  sept  segmens  très  distincts  dans  les  deux  sexes  , 
avec  le  troisième  dilaté  sur  les  côtés  angulairement. 

On  en  a  décrit  plusieurs  espèces  ,  et  qui,  à  l'exception  du 
grapse  madré ,  sont  toutes  des  deux  Indes.  Marcgrave  en  a 
figuré  quelques  unes  du  Brésil.  Ces  crustacés  sont  nommés  à 
Cayenne  Ragabeuniba ,  c'est-à-dire  soldats.  Il  me  paraît  que 


(i)  Le  genre  trapézie  a  les  yeux  placés  de  même;  mais  il  s'éloigne  de  ceux  de  cette 
division  par  d'autres  caractères. 


PREMIÈRE    FAMILLE.    BRACHYURES.  34 1 

ce  sont  les  cériques  des  habitans  de  la  Martinique  j  on  les 
appelle  aussi  crabes  des  palétuviers .  On  trouve  dans  le  Mu- 
séum de  Rumphe,  et  dans  le  Règne  animal  de  M.  Cuvier, 
la  figure  d'une  espèce  très  singulière  par  les  bouquets  de 
poils  de  ses  pinces.  Ces  animaux  se  tiennent  cachés  ,  durant 
le  jour,  sous  des  pierres  et  autres  corps  qui  sont  dans  la  mer. 
Quelques  espèces  vivent  dans  les  rivières  sujettes  au  flux  et 
au  reflux  ,  mais  le  plus  souvent  sur  les  bords  ou  hors  de  l'eau. 
On  prétend  même  qu'elles  grimpent  sur  les  arbres  et  se  ré- 
fugient sous  leurs  écorces.  Elles  se  rassemblent  en  grand  nom- 
bre, et  dans  le  danger  elles  se  retirent  dans  l'eau,  en  frappant 
leurs  serres  l'une  contre  l'autre. 

Le  GRAPSE  MADRÉ  (varîus ,  Latr.  ),  décrit  par  Rondelet 
sous  le  nom  de  cancre  madré ,  et  par  Fabricius  sous  celui 
de  marbré ,  marmoratus ,  n'est  pas  rare  sur  nos  cotes , 
celles  d'Espagne ,  et  se  trouve  aussi  quelquefois  sur  celles 
d'Angleterre.  Son  test,  long  d'environ  seize  lignes,  sur  un 
peu  plus  de  largeur,  est  jaunâtre  et  coupé  par  une  grande 
quantité  de  petites  lignes  et  de  points  d'un  roussâtre  foncé , 
qui  le  font  paraître  marbré  -,  ses  côtés  ont  antérieurement 
chacun  trois  dents,  et  à  la  base  du  chaperon  sont  quatre  tu- 
bercules déprimés.  Le  grand  ouvrage  sur  l'Egypte  offre  une 
excellente  figure  de  celle  espèce.  [Crust.  pi.  IL  fig.  4-) 
Voyez  aussi  l'ouvrage  de  M.  Roux  sur  les  Crust.  de  la 
M  éd.  fasc.  ?..  pi.  VL 

Dans  les  autres  ,  les  yeux  prennent  ordinairemeiit  nais- 
sance près  du  milieu  du  front.  Le  quatrième  article  des  pieds- 
mâchoires  extérieurs  est  inséré  au  sommet  interne  du  précé- 
dent et  tronqué  obliquement. 

Ici  le  test  forme  un  trapèze  transversal  et  les  pédicules 
oculaires  insérés  près  du  milieu  de  son  bord  antérieur  se 
prolongent  jusqu'à  ses  angles  latéraux.  Tel  est  le  caractère 
du  genre  rhombille  ou  goneplax  (goneplax)  du  docteur 
Leach ,  qui,  à  l'exception  des  pieds  postérieurs ,  ressemble 
beaucoup  à  celui  de  podophtalme  de  la  tribu  des  nageurs. 
Les  deux  seules   espèces  de  rhombilles   indigènes  sont  : 


3/\'l         CRUSTACÉS.   PREMIER     ORDRE.    DECAPvJDES. 

i*».  le  R.  RHOMBOÏDE  {cancer  rhomboïdes,  Linn.  )  ,  qui  se 
trouve  dans  les  lieux  rocailleux  de  la  Méditerranée.  Les 
bords  latéraux  de  son  test  n'ont  qu'une  seule  dent ,  celle  qui 
est  formée  par  les  angles  antérieurs-,  5**.  le  R.  a  deux  épines 
(jbispinosa,  Leach),  qui  en  a  une  autre  en  arrière  de  l'antérieure. 
Elle  habite  les  côtes  de  l'Angleterre  et  celles  de  nos  dépar- 
temens  de  l'ouest.  Consultez  les  ouvrages  de  MM.  Leach  , 
Roux  et  Desmarest. 

Là ,  le  test  a  la  forme  d'un  cœur ,  ou  bien  celle  d'un  tra- 
pèze ,  mais  non  transversal.  Les  pédicules  oculaires  sont  tou- 
jours courts.  Dans  un  premier  cas  ils  sont  situés  entre  le  mi- 
lieu du  front  et  les  angles  latéraux  du  bord  antérieur-,  dans 
l'autre ,  ils  occupent  ces  mêmes  angles. 

Le  genre  trapézie  (trapezia,  Latr.)  nous  en  offre  un  exem- 
ple pour  le  dernier.  Il  a  des  rapports  avec  les  deux  genres  pré- 
cédens.  Le  thoracide  est  aplati  et  uni.  Les  serres  sont  grandes. 
Toutes  les  espèces  sont  exotiques,  et  celles  qui  me  sont  cou-  i 
nues  ont  été  décrites  dans  V Encyclopédie  méthodique.  L'une  i 
d'elles,  appelée  c}  mcxioce  (  Herbst_,  hrahh,  tab.  LI.  fig.  5), 
paraît  avoir  été  figurée  par  M.  Savigny  [Crust.  tab.  V,  fig.  i  ).   |P 

Dans  les  trois  genres  suivans  et  les  derniers  de  la  tribu  , 
le  test  a  la  forme  d'un  cœur  ,  et  les  yeux  sont  insérés  près 
du  milieu  de  son  bord  antérieur. 

Les  THELPHUSES  [thelphusu ,  Latr.-,  potamon ,  Savig.  ; 
potamohia,  Leach)  forment  un  genre  composé  de  crustacés 
décapodes  vivant  dans  les  eaux  douces  ,  et  le  plus  souvent 
dans  les  ruisseaux ,  les  torrens  ou  les  lacs  des  montagnes. 
Leurs  antennes  extérieures  ou  latérales  sont  plus  courtes  que 
les  pédicules  oculaires,  de  peu  d'articles,  et  terminées  par  une 
tige  cylindrico-conique ,  guère  plus  longue  que  le  pédoncule. 
Les  tarses  offrent  des  arêtes  épineuses  et  dentées. 

L'espèce  la  plus  connue,  la  T.  fluviatile  {fluviatihs)  , 
ou  le  crabe  fluviatile  de  Belon  ,  de  Rondelet ,  figurée  par 
Olivier  dans  son  voyage  en  Egypte  ,  et  avec  tous  les  détails 
par  M.  Savigny  dans  le  grand  ouvrage  sur  cette  contrée  ( Cru jï. 
pL  IL  fig.  5,  6.),  a  joui,  chez  les  anciens,  d'une  assez  grande 


I  PREMIÈRE    FAMILLE.    BRACIlYURES.  3^3 

célébrité  ,  puisque  sou  effigie  se  trouve  sur  plusieurs  mé- 
dailles greeques  ,  celles  de  Sicile  particulièrement.  Les  cotés 
de  son  test  offrent  antérieurement  des  aspérités  et  des  rides 
incisées  ^  d'ailleurs  le  dos  est  lisse.  Le  front  est  incliné  ,  rc- 
bordé  et  sans  dents.  Les  serres  sont  un  peu  raboteuses,  avec 
les  doigts  coniques  ,  allongées  ,  inégalement  dentées  et  mar- 
i  quées  au  bout  d'une  tache  roussatre.  La  couleur  générale  du 
corps  tire  sur  le  blanc  ou  sur  le  jaunâtre.  Celte  espèce  est 
commune  dans  toute  l'Italie  méridionale  ,  s'y  rencontre 
jusque  dans  les  lacs  des  cratères  de  volcans  éteints ,  et  n'est 
pas  moins  commune  dans  tout  le  Levant.  Elle  est  pour  les 
Italiens  un  aliment  de  carême  ,  et  les  moines  grecs  du  mont 
Athos  la  mangent  crue.  Leschenault  en  a  trouvé  une  autre  es- 
pèce dans  les  montagnes  de  Ceylan.  De  Lalande  fils  en  a  rap- 
porté une  troisième  du  cap  de  Bonne-Espérance.  Une  qua- 
trième,  représentée  par  Herbst  (Crusi.  tab.  X.  ,  fig.  1 1.),  sur 
un  dessin  du  père  Plumier  ,  et  que  M.  Goudot  aîné  m'avait 
donnée,  comme  ayant  été  prise  par  lui  à  la  Martinique,  est 
plus  déprimée  ,  avec  les  bords  du  test  finement  dentelés,  et 
quelques  autres  caractères  plus  essentiels ,  tirés  de  la  forme 
des  pieds-mâchoires  et  des  appendices  sous-caudaux.  C'est  la 

THELPHLSE     DENTELÉE     (  SeîTClta  )  ,     Ct     dout     UOUS     a  VOUS     dit 

(pag.  338)  qu'elle  pouvait  former  un  genre  propre.  Dans 
celui  que  j'ai  nommé  trichodactyle  (^trichodactjlus)  ^  et  que 
j'ai  établi  sur  une  espèce  fluviatile  du  Brésil,  les  tarses  sont 
couverts  d'un  duvet  serré. 

Les  piLUMNEs  (^pilumnus)  du  docteur  Leach  ,  à  antennes 
latérales  insérées  comme  dans  les  thelphuses,  s'en  distinguent 
par  la  longueur  de  ces  organes  ,  excédant  celle  des  pédicules 
oculaires  ,  et  dont  la  tige  sétacée  est  en  outre  composée  de 
beaucoup  de  petits  articles.  C'est  sur  le  cancer  hirtellus  de 
P|     Linné  que  ce  genre  a  été  établi,  (i) 

(i)  Voyez  l'article  Pilumne  de  V Encyclopédie  méthodique ,  et  de  l'ouvrage  «îe 
M.  Desmarest  sur  les  Crustacés;  'voyez  aussi  le  grand  ouvrage  sur  l'Egypte  ,  Expli- 
cation des  Planches  relatives  aux  animaux  sans  vertèbres ,  donnée  par  M.  Victor 
Audonin. 


344         CRDSTACÉS.  PREMIER    ORDRE.    DÉCAPODES. 

Dans  le  dernier  genre  de  cette  tribu  ,  celui  d'ÉRiPHiE 
(^eriphia,  Latr.),  les  antennes  latérales  sont  insérées  entre 
celles  du  milieu  et  les  cavités  oculaires. 

Le  cancer spinifrons  de  Fabricius,  ouïe  pagurus  d'Aldro- 
vande,  est  le  type  de  ce  genre  ^  il  est  aussi  représenté  dans  le 
grand  ouvrage  sur  l'Egypte  (pi.  IV,  fig.  7).  Il  est  commun  dans  la 
Méditerranée  ^  mais  on  le  trouve  rarement  sur  nos  côtes  océa- 
niques. M.  de  Brébisson  le  mentionne  dans  son  catalogue  des 
crustacés  du  département  du  Calvados.  Le  devant  du  test  est 
refendu  dans  son  milieu,  et  garni  d'un  grand  nombre  de  pe- 
tites épines  -,  ses  côtés  ont  cinq  dents ,  dont  la  seconde  et  la 
troisième  bifides^  les  serres  sont  grosses,  très  épineuses ,  avec 
les  doigts  noirs. 

Les  espèces  de  ces  derniers  genres  nous  amènent  insensible- 
ment à  celles  de  la  tribu  suivante,  qui  semble  elle-même  se 
lier  avec  la  troisième  par  le  cancer  mœnas. 

DEUXIÈME  TRIBU. 
ARQUÉS    {ARCUATA). 

Si  l'on  en  excepte  les  plagusies,  genre  d'ailleurs  très  distinct 
de  tous  les  autres  par  ses  antennes  intermédiaires  logées  dans 
deux  fentes  supérieures  du  test ,  tous  les  quadrilatères ,  tant 
mâles  que  femelles,  nous  ont  présenté  un  post-abdomen  com- 
posé de  sept  tablettes,  dont  les  jointures  sont  bien  distinctes 
dans  toute  leur  étendue.  Ici,  ou  dans  les  arqués,  deux  de  ces 
sutures  s'eÊfacent ,  du  moins  au  milieu  ,  dans  les  mâles ,  de  P 
sorte  que  leur  queue  n'a  distinctement  que  cinq  segmens; 
celle  des  femelles  en  a  sept  comme  d'ordinaire;  tous  les  pieds 
sont  encore  toujours  à  nu,  et  aucun  d'eux  n'est  terminé  en 
nageoire ,  ce  qui  distingue  celte  tribu  de  la  suivante.  La  ca- 
vité buccale  est  carrée  supérieurement;  le  test  est  plus  arqué 
en  devant  que  celui  des  derniers  genres  de  la  tribu  précédente, 
où  le  bord  antérieur  est  presque  en  ligne  droite;  ses  contours 
dessinent  un  segment  de  cercle  tronqué  à  sa  pointe,  c'est-a- 
dire  à  la  jonction  du  test  avec  la  queue.  Les  pilumnes,  les 


iPREMlÈRE     FAMILLE.    BRACHYURES.  ^^5 

ëriphies,  etc.,  sont  si  voisins  des  crabes  ordinaires,  que,  sans 
la  considération  du  post-abdomen ,  on  ne  pourrait  guère  les 
en  séparer;  c'est  ce  qui  m'a  déterminé  à  passer  immédiate- 
ment des  quadrilatères  aux  arqués.  Si  on  voulait  intercaler 
entre  eux  les  nageurs ,  on  terminerait  les  premiers  par  les 
rhombilles,  et  on  commencerait  cette  dernière  tribu  parles 
podophthalmes ,  dont  les  yeux  sont  portés  sur  des  pédicules 
analogues  :  mais  en  plaçant  les  nageurs  à  la  suite  des  arqués, 
j'arrive  graduellement  aux  matutes  ,  aux  orithyies ,  qui  se 
lient  avec  les  mursies ,  genre  nous  offrant  déjà  de  grands 
rapports  avec  les  cryptopodes.  Au  surplus,  nous  n'avons 
pas  encore  assez  de  données  pour  pouvoir  nous  fixer  d'une 
manière  irrévocable. 

Deux  genres  établis  par  le  docteur  Leacb,  ceux  de  thia  et 
de  carcinus ,  nous  paraissent,  par  la  forme  elliptique  et  très 
comprimée  des  tarses  ou  des  deux  postérieurs  au  moins ,  faire 
le  passage  des  arqués  aux  nageurs ,  et  constituer  ainsi  une 
division  particulière,  qui  doit  être  sur  leurs  limites.  L'autre 
division,  ou  la  première,  se  composera  des  genres  où  les  tarses 
ont ,  ainsi  que  de  coutume ,  une  forme  conique. 

La  direction  des  fossettes  recevant  les  antennes  intermé- 
diaires tantôt  est  transverse ,  ou  dans  le  sens  de  la  largeur,  ce 
qui  est  commun  à  la  tribu  précédente ,  tantôt  oblique ,  ou 
presque  longitudinale.  Les  genres  qui  nous  offrent  le  premier 
de  ces  caractères  sont  les  suivans  : 

Les  xANTHEs  {^xantho y  Leàch),  où  les  antennes  latérales 
sont  insérées  dans  le  canthus  interne  des  cavités  oculaires.  On 
en  trouve  deux  espèces  sur  nos  cotes,  l'une  nommée  poressa, 
d'après  Olivi,  et  l'autre  fleurie  [florida).  (i) 

Dans  les  autres  coupes  de  cette  division  ,  les  antennes  laté- 
rales sont  insérées  en  dehors  des  cavités  oculaires. 

Les  CLORODIES  [clorodius  y  Leach)  ont  les  doigts  de  leurs 
pinces  creusés  à  leur  extrémité ,  en  manière  de  cuiller.  C'est 
ce  qui  est  propre  au  crabe  à  onze  dents  {^cancer  i  i-dentatus) 


(i)  yojez  Leach  et  Desmarest. 


34^    CRUSTACÉS.  PEEMlER  ORDRE.  DECAPODES. 

de  Fabricius ,  et ,  à  ce  que  je  crois ,  à  quelques  autres  espèces 
figurées  par  M.  Savigny. 

Dans  les  carpilies  {caj^pUius) ,  ces  doigts  se  terminent  en 
une  pointe  simple.  Les  C.  coraUinus,  maculatus,  de  Fabricius, 
et  beaucoup  d'autres  espèces ,  et  dont  quelques  unes  pourraient 
former  des  genres  propres,  mais  que  nous  n'avons  pas  encore 
assez  étudiées,  rentreront  dans  celui-ci.  Nous  ne  réserverons 
le  nom  générique  de  crabe ,  cancer,  qu'au  genre  suivant ,  qui 
appartient  à  la  seconde  subdivision^  ceux  dont  les  fossettes 
des  antennes  intermédiaires  sont  plutôt  longitudinales  que 
transverses,  ou  du  moins  dans  une  direction  mitoyenne. 

Les  CRABES  proprement  dits  (cancer)  ont  pour  type  l'espèce 
appelée  sur  nos  côtes  poupart  ou  tourteau  {cancer  pagurus ,  " 
LiNN.).  Elle  offre  un  caractère  unique  dans  cette  tribu  ^  l'ar- 
ticle basilaire  des  antennes  extérieures  a  la  forme  d'une  lame, 
terminée  par  une  dent  saillante  et  avancée,  fermant  inférieu- 
rement  le  coin  interne  des  cavités  oculaires.  Cette  espèce, 
roussâtre  et  plane  en  dessus,  a  les  bords  latéraux  de  son  test 
divisés  par  de  courtes  fissures^  les  espaces  compris  forment  de 
cbaque  côté  neuf  festons;  le  front  est  tridenlé;  les  doigts  sont 
noirs ,  avec  de  gros  tubercules  mousses  au  côté  interne.  Ou 
trouve  des  individus  d'une  telle  taille,  qu'ils  pèsent  jusqu'à 
cinq  livres. 

Les  ATÉLÉcYCLEs  (atelecjclus ,  Leach),  dont  le  test,  pareil- 
lement assez  élargi ,  même  orbiculaire  dans  une  espèce ,  a 
aussi  un  grand  nombre  de  dents  sur  ses  bords  ,  sont  remar- 
quables par  leurs  antennes  extérieures,  assez  saillantes  et  ve- 
lues, et  par  leurs  grosses  pinces,  garnies  encore  de  poils.  Le 
troisième  article  de  leurs  pieds-mâchoires  extérieurs  se  rétrécit 
vers  le  bout,  et  se  prolonge  en  manière  de  dent  obtuse,  (i) 

Les  piRiMÈLEs  (pirimela,  Leach)  ont  encore  les  antennes 
extérieures  assez  prolongées  au-delà  du  front,  mais  glabres, 
ainsi  que  leurs  serres ,  dont  les  pinces  sont  d'ailleui^ 
moyennes.  (2) 

(i)  Foyez  Desmarest,  Leach  et  Guérin  ÇJconog.,  fasc.  i  ). 
(2)  rojez  ausbi  Dt^^mareit  et  Leach. 


PREMIÈRE    FAMILLE.    BRACHYURES.  347 

Viendront  maintenant  les  deux  genres  ambigus  composant 
notre  seconde  division  des  arqués. 

Les  THiEs  {tliia,  Leach)  ressemblent  aux  atélécycles  quant 
aux  antennes  latérales,  aux  dimensions  des  fossettes  des  antennes 
intermédiaires ,  et  à  la  forme  du  troisième  article  des  pieds- 
mâchoires  extérieurs^  mais  tous  leurs  tarses  sont  très  compri- 
més, et  presque  elliptiques;  les  pédicules  oculaires  sont  très 
petits ,  à  peine  saillans  -,  leur  test  est  plus  oblong ,  sans  dente- 
lures au  front ,  et  les  serres  sont  de  grandeur  moyenne.  Ces 
crustacés  paraissent  avoisiner  soit  les  corystes  et  les  leucosies , 
soit  les  platyoniques.  L'espèce  servant  de  type,  la  thye  polie 
{polita,  Leach),  vient  sur  nos  côtes  océaniques,  et  a  été  aussi 
observée  près  de  Naples  par  M.  Milne  Edwards.  M.  Guérin  en 
a  donné  une  nouvelle  figure  dans  son  Iconographie  du  règne 
animal,  (i) 

Les  cARCiivs  {carcinus y  Leach)  ont  les  antennes  extérieures 
courtes,  les  fossettes  des  antennes  intermédiaires  transverses, 
le  troisième  article  des  pieds-mâchoires  extérieurs  presque 
carré,  les  seuls  deux  tarses  postérieurs  subelliptiques,  et  le 
test  plus  large  que  long.  Ils  lient  en  un  mot  certains  crabes 
avec  les  portunes. 

C'est  sur  le  cancer  mœnas  de  Linné  que  ce  genre  a  été  éta- 
bli. Cette  espèce  est  très  commune  sur  les  bords  de  nos  mers, 
et  paraît  s'étendre  jusqu'aux  rivages  de  l'Egypte  (Savigjny, 
Crust.,  pi.  IV,  fig.  6).  Son  test  est  verdâtre,  avec  l'impres- 
sion dorsale  ordinaire  bien  prononcée,  cinq  dents  à  chaque 
bord  latéral ,  trois  au  front  et  une  à  chaque  carpe  \  les  pinces 
sont  anguleuses.  Suivant  M.  de  Brébisson  ,  le  peuple,  dans 
le  département  du  Calvados ,  lui  a  donné  le  nom  de  crabe 


enrage. 


(i)  Voyez  Leach  et  Desmarest. 


348        CRUSTACÉS.  PREMIER    ORDRE.    DÉCAPODES. 

TROISIÈME  TRIBU. 
NAGEURS    {PINNITARSI). 

Les  deux  tarses  postérieurs  au  moins  sont  très  comprimés, 
ovales  ou  arrondis,  en  forme  de  nageoire,  servant  aussi  à  la 
natation  j  ce  caractère  distingue  ces  crustacés  de  tous  les 
autres  de  la  famille  des  brachyures. 

Le  genre  des  orithyies  est  le  seul  des  nageurs  où  la  queue 
des  mâles  soit  nettement  partagée  en  sept  segmens,  de  même 
que  dans  les  femelles.  Dans  tous  les  autres  mâles ,  elle  n'en 
offre  que  cinq.  Les  espèces  dont  tous  les  tarses  sont  en  nageoire 
étant,  sous  le  rapport  de  la  natation,  plus  favorisées,  peuvent 
dès- lors  gagner  la  haute -mer,  et  s'éloigner  davantage  des 
terres. 

Une  première  division  comprendra  les  genres  dont  la  cavité 
buccale  n'est  point  rétrécie  supérieurement  pour  se  terminer 
en  pointe,  et  où  le  troisième  article  des  pieds-mâchoires  ex- 
térieurs est  plus  ou  moins  carré  ou  hexagone ,  ou  n'a  pas  du 
moins  la  forme  d'un  triangle  étroit,  allongé  et  pointu. 

Viendront  ensuite  les  genres  ayant  un  test  en  segment  de 
cercle,  plutôt  longitudinal  que  transversal,  ou  du  moins 
presque  isométrique,  ayant  le  plus  souvent,  à  chaque  bord  la- 
téral;, cinq  dents,  dont  la  postérieure  de  la  grandeur  des 
autres  ou  peu  différente. 

Il  en  est  parmi  eux  dont  les  tarses  des  seconds  pieds  et  des 
trois  paires  suivantes  sont  aussi  très  comprimés,  presque  en 
forme  de  lames  ellipliques  et  paraissant  dès-lors  favoriser  la 
natation.  Leur  test  est  proportionnellement  un  peu  plus  long, 
et  se  rapproche  de  la  forme  d'un  cœur.  Tels  sont  les  deux 
genres  suivans  : 

Les  PLATYONiQUES  (  plaljofiichus  ,  Latr.  ^  portumnus , 
Leach).  Les  yeux  ne  sont  guère  plus  gros  que  leurs  pédicules. 
Le  troisième  article  de  leurs  pieds-mâchoires  extérieurs  est 
rétréci  à  son  sommet  et  va  en  pointe  ^  la  nageoire  ou  le  tarse 
des  deux  pieds  postérieurs  est  étroite  et  allongée.   La  seule 


1.-    I 


PREMIÈRE    FA^IILLE.    BRACHYURES.  34g 

espèce  connue  est  le  cancer  latipes  de  Plancus  \  on  la  trouve 
dans  nos  mers,  (i) 

Les  POLYBIES  {polybius  y  Leach  )  ont  le  lest  moins  allongé 
et  plus  large,  les  yeux  gros,  presque  globuleux,  les  tarses 
plus  propres  encore  que  ceux  du  genre  précédent  à  nager,  et 
dont  les  deux  derniers  formant  une  lame  ovale  ,  notablement 
plus  large  que  la  même  des  platyouiques.  Le  troisième  article 
des  pieds-mâchoires  extérieurs  est  obtus  et  échancré.  Le  bord 
supérieur  des  cavités  oculaires  offre  en  outre  deux  fissures , 
tandis  qu'il  n'en  existe  pas  dans  les  précédens.  Nous  n'en  con- 
naissons aussi  qu'une  seule  espèce  propre  à  nos  côtes  océa- 
niques et  à  celles  de  l'Angleterre,  (p.) 

Dans  le  genre  suivant,  les  deux  tarses  postérieurs  sont  seuls 
en  nageoire  ,  dont  la  forme  est  plus  ou  moins  ovale  ou  arron- 
die; le  test  est  généralement  plus  large.  Ce  genre  est  celui  de 
FORTUNE  ou  d'ÉTRiLLE  {povtunus  )  ,  de  Fabricius ,  mais  qu'on 
a  maintenant  réduit.  Nos  côtes  offrent  communément  :  i°.  le 
P.  ÉTRILLE  (puber,  Fab.  )  ,  dont  le  test  est  garni  d'un  duvet 
jaunâtre  ,  avec  cinq  dents  à  chaque  bord  latéral ,  et  huit  pe- 
tites au  front  5  les  pinces  sont  sillonnées ,  avec  les  doigts  noirs, 
2°.  Le  P.  RIDÉ  [covrugatus ,  Leach  ) ,  ayant  aussi  le  test  garni 
de  poils  et  armé  à  chaque  bord  latéral  de  cinq  dents,  mais 
très  ridé,  avec  le  front  trilobé.  Il  est  entier  dans  les  P.  de 
RONDELET  de  M.  Risso.  (Roux,  Crust,  i,  pi.  IV ,  fig.  3.)  Le 
P.  DE  TRANQUEBAR  (  tranquebavicus  )  a  neuf  dents  à  chaque 
bord  latéral.  (3) 

De  ces  nageurs  à  lest  presque  isométrique ,  ou  plus  long 
que  large,  nous  passons  à  ceux  où  il  est  très  évidemment 
transversal,  et  où  souvent  la  dent  postérieure  de  chacun  de 
ses  bords  latéraux  est  plus  grande,  en  forme  d'épine.  Dans 
les  THALAMiTEs  (thalumita  y  Latr.)  ,  il  a  la  forme  d'un  qua- 


(i)   Voyez  Leach  et  Desmarest. 

(2)  Les  mêmes. 

(3)  Les  mêmes,  et  l'article  Fortune  de  V Encyclopédie  méthodique ,  et  du  Nouveau 
Dicticjinaire  d'Histoire  naturelle ,  a*'  édition. 


350        CRUSTACÉS.    -—    PREMIER    ORDRE.    DECAPODES. 

drilalère ,  rétréci  postérieurement ,  portant  les  yeux  aux 
angles  antérieurs  ,  ayant  cinq  à  six  dents  de  chaque  côté ,  mais 
dont  aucune  ne  surpasse  jamais  de  beaucoup  en  longueur  les 
autres.  L'insertion  des  antennes  latérales  est  bien  plus  éloi- 
gnée des  cavités  oculaires  que  dans  les  autres  genres. 

Les  figures  i ,  3  ,  4  ^  5  ,  ou  celles  qui  forment  les  deux  ran- 
gées latérales  de  la  planche  IV  des  Crustacés  de  l'ouvrage  sur 
l'Egypte  ,  se  rapportent  à  ce  genre.  Je  n'ai  pu  encore  m'assu- 
rer  si  l'une  d'elles  ne  serait  pas  le  cancer  admete  d'Herbst 
(pi.  LYII ,  I  ) ,  que  j'ai  cité  comme  exemple  de  cette  nouvelle 
coupe.  M.  Gaérln  [Iconog.  ^  fasc. ,  i  )  en  a  représenté  ,  mais 
faussement  sous  le  même  nom  ,  une  autre  espèce. 

Les  podophthalmes  (^podophthabnus ,  Lam.)  ont  aussi  un 
test  en  forme  de  trapèze  transversal ,  mais  avec  une  dent  très 
forte,  derrière  les  cavités  oculaires.  Les  pédicules  oculaires 
rapj)rochés  au  milieu  du  front,  à  leur  naissance,  se  prolon- 
gent jusqu'aux  angles  latéraux  du  bord  antérieur,  en  se  lo- 
geant dans  une  rainure  pratiquée  au-dessous  de  lui.  Dans  ce 
genre,  ainsi  que  le  suivant,  les  serres  sont  fort  allongées  et 
très  dentées,  (i) 

Les  LUPEs  (lapa ,  Leach  )  ont  aussi  les  yeux  rapprochés  près 
du  milieu  du  front,  mais  portés,  ainsi  que  dans  les  autres 
nageurs,  sur  de  courts  pédicules.  Le  test  a  la  figure  d'un 
rhombe  transversal ,  avant  de  chaque  côté  neuf  dents ,  dont 
la  postérieure  beaucoup  plus  forte,  en  forme  d'épine.  La 
queue  des  mâles  diffère  souvent  beaucoup  de  celle  de  la  fe- 
melle. La  planche  III,  division  des  crustacés,  de  l'ouvrage 
sur  rÉgvpte,  représente  une  grande  espèce  de  ce  genre  [pela- 
gica)  avec  tous  ses  délails  d'organes  extérieurs-,  nous  n'en 
possédons  qu'une  pedle,  que  j'ai  rangée  avec  les  portunes 
(  Diifourii) ^  et  qui  n'est,  je  présume  ,  qu'une  variété  du  can- 
cer hastatus ,  de  Linné.  (2) 


(r)  Voyez  mon  Gênera  Criist.  et  Insect.,  les  Mélange:;  de  Zoologie  de  Lpacli , 
De.-.marest,  et  Guér'iu  '^Iconog.,   fasc.  i  ). 

(2)  Voyez  l'art  Joie  PoRTrriE  du  TÇoiweau  Dïcdonnaire  rV  Histoire  naturelle,  de 
V Encyclopédie  méthod. ,  et  de  l'ouvrage  de  M.  Dcsniarcst  sur  la  classe  des  Crustacés. 


PREMIÈRE    FAMILLE.    BRACHYURES.  35  ï 

Notre  seconde  et  dernière  division  des  nageurs  se  compo- 
sera de  deux  genres  se  rapprochant  de  ceux  de  la  tribu  sui- 
vante,  où  nous  les  avions  même  placés  (^Faniill.  natiir.  du 
Règne  ajiiwal)  ^  par  la  forme  de  leur  cavité  buccale,  qui  se 
rétrécit  en  pointe  à  son  sommet,  et  par  celle  du  troisième  ar- 
ticle des  pieds-mâchoires  extérieurs,  qui  est  triangulaire ,  al- 
longé et  pointu.  Le  test  est  presque  orbiculaire  ou  ovoïde,  et 
tronqué  en  devant  ^  les  pinces  sont  comprimées  et  presque  en 
crête  à  la  tranche  supérieure. 

Les  MATUTES  (^inatuta,  Fab.)  ont  les  tarses  de  tous  les 
|)ieds  venant  après  les  serres,  en  forme  de  nageoires,  et  se 
rapprochent  des  lupes ,  à  l'égard  de  la  dent  postérieure  des 
bords  latéraux  du  test ,  qui  est  pareillement  très  forte  et  spini- 
forme.  Les  mains  sont  très  dentelées  supérieurement*,  les  an- 
tennes latérales  sont  extrêmement  petites,  (i) 

Les  ORiTHYiEs  (orithyiciy  Fab.)  n'ont  que  les  deux  pieds 
postérieurs  en  nageoire,  et  le  post-abdomen  des  mâles,  par 
une  exception  particulière  dans  cette  tribu  ,  offre  sept  seg- 
mens  distincts  au  lieu  de  cinq.  (:i) 

QUATRÎÈ?.ÎE  TRIBU. 
CHRISTIMANES    {CURISTIMANI). 

Par  la  forme  générale  de  leur  test,  ils  ont  de  grands  rap- 
ports avec  les  crabes  et  les  atélécycles ,  de  la  tribu  des  arqués. 
La  queue  est  aussi  composée  de  même ,  mais  la  cavité  buccale 
va  en  se  rétrécissant  veis  son  extrémité  supérieure  ,  ainsi  que 
le  troisième  article  des  pieds-mâchoires  extérieurs ,  dont  la 
figure  est  ainsi  plus  ou  moins  triangulaire.  Les  pinces  sont 
fortes  ,  élevées,  comprimées  et  dentées  ,  en  manière  de  crête  , 
à  la  tranche  supérieure  ;  ainsi  que  les  autres  pieds,  elles  sont 
toujours  à  découvert ,  ce  qui  distingue  cette  tribu  de  la  sui- 
vante. Elle  n'offrira  que  deux  genres.  Dans  celui  d'nÉPATE 


(i)  Voyez  le  Règne  animal  de  M.  Ciivi(^r,  i^  édition,  tome  IV,  page  3i  ;  Desmc- 
ipst ,  sur  les  Crustacés;  Guérin  ,  Tconog.,  fasc.  t. 
(2)  Les  mêmes  ouvrages. 


352        CRUSTACÉS.  PREMfER    ORDRE.    DÉCAPODES. 

(hepatus,  Latr.  )  ,  cet  article  des  pieds-mâchoires  extérieurs 
est  en  forme  de  triangle  étroit ,  allongé  ,  pointu  ,  sans  échan- 
crure  apparente.  Les  bords  de  la  carapace  présentent  un 
grand  nombre  de  petits  plis  ou  de  dentelures,  mais  sans  au- 
cune saillie  remarquable,  (i) 

Dans  celui  de  mursie  (  mursia ,  Leach  ) ,  les  bords  latéraux 
du  test  ont,  à  la  suite  de  plusieurs  dents  antérieures,  une  forte 
pointe  ou  épine  ,  et  le  même  article  a  ,  au  côté  interne  ,  une 
échancrure.  (2) 

CINQUIÈME  TRIBU. 

CRYPTOPODES    {CRYPTOPODÀ). 

Tous  les  pieds,  à  l'exception  des  serres,  peuvent  se  retirer 
sous  deux  voûtes  formées ,  une  de  chaque  côté ,  par  des  dila- 
tations latérales  et  postérieures  du  test ,  de  sorte  que  lorsqu'on 
considère  l'animal  par  le  dos  dans  ce  moment  de  contraction , 
on  ne  voit  aucun  de  ces  organes  -,  car  il  applique  aussi  ses 
serres  sur  la  face  antérieure  du  corps,  et  peut  d'autant  mieux 
la  voiler,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi ,  que  la  tranche  supé- 
rieure des  pinces  forme ,  par  son  élévation ,  sa  compression 
et  les  dentelures  de  son  bord ,  une  crête.  Aussi  a-t-on  nommé 
ces  crustacés  coq-de-mer ,  crabe  honteux.  Tout  le  contour  du 
test  est  le  plus  souvent  incisé  et  denté  \  la  disposition  et  la 
forme  de  ces  dents  ,  ainsi  que  la  configuration  des  serres,  in- 
diquent l'affinité  de  ce  genre  avec  les  précédens^  mais  l'incli- 
naison assez  brusque  des  doigts  lui  donne  aussi  des  rapports 
avec  les  parthénopcs  et  quelques  autres  crustacés  de  la  tribu 
des  triangulaires. 

Deux  genres  composent  uniquement  celle-ci.  Le  premier, 
celui  de  calappe  ou  migrane  {^calappa ,  Fab.  )  ,  que  la  forme 
bombée  du  test ,  le  rétrécissement  et  la  division  biloculaire 
de  l'extrémité  supérieure  de  la  cavité  buccale ,  l'espèce  de 


(i)  Foyezlc  Règne  animal  de  M.  Cuvier,  i^  édition,  tome  IV,  pages  Sg  et  40  ; 
Desmarest,  sur  les  Crustacés;  Guérin ,  Iconog.,  fasc.  i. 

(2)  Voyez  la  figure  de  la  seule  espèce  connue  dans  le  même  ouvrage  de  M.  Des- 
marest,  pi,  IX,   fig.   3,   Mursie  en  crête. 


PREMIÈRE    FAMILLE.    BRACHYURES.  353 

crochet  que  forme,  en  se  terminant,  le  troisième  article  des 
pieds-mâchoires  extérieurs,  séparent  nettement  de  l'autre 
genre. 

Les  mers  inter-tropicales  en  fournissent  plusieurs  espèces  ^ 
la  Méditerranée  seule  nous  en  offre  une,  le  C.  migraive  ,  ou 
GRANULÉ  [granulatus^  Fab.),  bien  signalée  par  son  test  verru- 
queux  divisé  par  deux  sillons,  couleur  de  chair  et  parsemé 
de  taches  d'un  rouge  carmin  ,  ayant  au  bord  postérieur  quatre 
dents  très  courtes  ,  et  six  fortes  ,  à  chaque  dilatation  latérale. 
M.  Roux  vient  d'en  publier  une  nouvelle  figure  dans  le  pre- 
mier fascicule  de  son  ouvrage  sur  les  crustacés  de  la  Médi- 
terranée, pi.  II  (i).  Cette  espèce  se  tient  ordinairement  dans 
les  fentes  des  rochers  des  côtes,  et  en  sort  vers  le  crépuscule, 
pour  chercher  sa  nourriture.  Une  monographie  de  ces  crus- 
tacés, quoique  très  bornée  quant  au  nombre  des  espèces, 
plairait  cependant  beaucoup  à  l'œil ,  à  raison  de  leurs  formes 
particulières.  ( /^o^ez  Fabricius ,  Desmarest,  etc.) 

Le  cancer  scruposus  de  Linné  ,  ou  celui  qu'Herbst  a  nommé 
poljnome  (LIII,  4  5  ^i),  fait  partie  du  genre  ^thra  (œthra) 
de  M.  Leach.  Son  corps  est  très  aplati ,  et  le  troisième  article 
des  pieds-mâchoires  extérieurs  est  presque  carré,  ce  qui  ne  per- 
met pas  de  confondre  cette  coupe  avec  la  précédente.  Dans  ce 
crustacé  ,  le  test  forme  un  ovale  transversal ,  et  les  serres  sont 
peu  allongées  ;  mais  dans  une  autre  espèce ,  rapportée  au  même 
genre,  la  parthenope  fornicata  de  Fabricius,  ce  test  est  trian- 
gulaire et  les  serres  sont  plus  longues  et  anguleuses.  Je  pré- 
sume qu'elle  doit  former  un  genre  propre  près  de  celui-ci. 
L'une  et  l'autre  habitent  les  mers  des  Grandes-Indes. 

DEUXIÈME  DIVISION. 

La  situation  des  deux  ou  quatre  pieds  postérieurs,  qui, 
insérés  sur  le  dos  ou  au-dessus  des  autres  ,  sont  tournés  vers  le 
ciel ,  distingue  très  bien  cette  division  de  la  précédente ,  et 


(i)  Il  en  a  aussi  représenté  une  variété  remarquable  dans  le  quaîrième'J^^Yiï—        ^ /i 

■i\     .. .  A*' 


354   CRUSTACÉS.  PREMIER  ORDRE.  DÉCAPODES. 

même  de  tous  les  autres  crustacés ,  à  l'exception  des  homoles. 
Au  moyen  de  cette  disposition  des  pieds  et  du  crochet  aigu  de 
leur  extrémité,  ces  animaux  peuvent  retenir  et  fixer  sur  leur 
dos  divers  corps  marins ,  comme  des  alcyons ,  des  éponges ,  et 
jusqu'à  des  valves  de  coquilles,  et  tromper  ainsi  leurs  ennemis. 

SIXIÈME  TRIBU. 
NOTOPODES    {NOTOPODA). 

Elle  est  formée  de  cinq  genres. 

Le  premier,  celui  de  dromie  (di^omia)  ,  nous  présente  un 
test  presque  orbiculaire  ou  presque  globuleux ,  bombé ,  lai- 
neux ou  velu ,  avec  les  yeux  rapprochés  près  du  milieu 
du  front,  et  les  quatre  pieds  postérieurs  dorsaux  et  terminés 
par  un  double  crochet. 

La  D.  DE  RuMPHius  (cancer  dormia^  Linn.;  C.  heracleoticus 
aller,  Aldrov.)  est  l'espèce  la  plus  connue,  et  qui  habite 
presque  toutes  les  mers,  à  l'exception  de  celles  du  Nord.  Elle 
est  assez  grande,  toute  couverte  d'un  duvet  brun,  munie  de 
cinq  dents  à  chaque  bord  latéral,  avec  les  doigts  des  serres 
forts,  en  partie  rosés,  et  très  dentés  dans  leur  contour. 

La  D.  TÊTE-DE-MORT  (  C.  caput-mortuuïTi ,  LiNN.)  est  plus  I 
petite,  presque  globuleuse,  et  n'a,  à  chaque  bord  latéral  du 
test,  que  trois  dents  bien  distinctes.  On  la  trouve  sur  les  côtes ^ 
de  Barbarie. 

Dans  les  quatre  genres  suivans ,  le  corps  est  aplati ,  soit  en 
forme  d'ovoïde,  largement  tronqué  en  devant,  ou  presque 
carré  et  un  peu  plus  étroit  à  sa  partie  antérieure;  soit  en 
segment  de  cercle,  comme  nos  crabes  ordinaires.  Le  second 
et  le  troisième  sont  les  seuls  de  cette  tribu  qui  n'aient  que  les 
deux  pieds  postérieurs  insérés  sur  le  dos. 

L'un,  celui  de  dynomène  {dynoniene,  Latr.),  se  distingue 
des  autres  notopodes  par  son  test  taillé  en  segment  de  cercle 
tronqué.  M.  Desmarest  a  figuré  (pi.  XVIII,  fig.  2)  la  seule 
espèce  connue  ,  et  qui  se  trouve  sur  les  côtes  de  l'Ile-de- 
France. 


PREMIÈRE    FAMILLE.    BRACHYURES.  355 

L'autre,  celui  de  cymopolie  (cjmopolia)  (i),  établi  par 
M.  Roux  (Cjust,  de  la  Médit. ,  pi.  XXI),  a  le  test  presque 
carré  ,  un  peu  plus  large  que  long ,  avec  les  yeux  latéraux  , 
écartés ,  la  troisième  et  la  quatrième  paire  de  pâtes  longues , 
presque  égales ,  et  l'abdomen  de  six  tablettes  dans  les  deux 
sexes.  Ce  genre  se  rapproche,  par  \q  faciès,  de  celui  de  pla- 
gusie. 

Un  test  déprimé ,  en  forme  d'ovoïde  tronqué  par-devant , 
des  yeux  insérés  près  de  ses  angles  antérieurs,  portés  sur  des 
pédicules  assez  longs  ;  les  pieds-mâchoires  extérieurs  allongés 
et  droits  5  la  seconde  et  la  troisième  paire  de  pâtes  longues,  et 
les  deux  paires  postérieures  insérées  sur  le  dos  ,  signalent  les 
deux  derniers  genres. 

Dans  celui  d'ÉTHUsE  (^ethusa  mascarone ,  Roux,  Cnist.  de 
la  Médit.,  pi.  XYIII),  les  antennes  latérales  ou  extérieures 
sont  insérées  au-dessous  des  intermédiaires-,  le  troisième  ar- 
ticle des  pieds-mâchoires  extérieurs  est  presque  cordiforme  ; 
l'abdomen  est  de  sept  segmens  dans  les  femelles  et  de  cinq 
dans  les  mâles. 

Dans  le  cinquième  et  dernier  genre,  celui  de  dorippe  {do- 
rippe,  Fab.),  cet  abdomen  est  de  sept  segmens  dans  les  deux 
sexes  5  les  antennes  extérieures  sont  insérées  au-dessus  des  in- 
termédiaires, et  le  troisième  article  des  pieds-mâchoires  exté- 
rieurs est  étroit  et  allongé.  Au-dessus  delà  naissance  est,  du 
moins  dans  certaines  espèces,  une  fente  oblique,  en  forme  de 
boutonnière,  coupée  par  un  diaphragme,  cilié  ainsi  que  les 
bords  de  cette  fente,  et  communiquant  avec  les  branchies. 
On  pourra  consulter,  à  l'égard  des  espèces,  l'ouvrage  de 
M.  Desmarest,  qui  le  premier,  à  ce  que  je  crois,  avait  observé 
ce  dernier  fait.  On  en  trouve  quelques  unes  dans  la  Méditer- 
ranée ,  et  de  ce  nombre  est  la  laineuse  (Roux,  Crust.  de  la 
Médit.,  pi.  XYII).  Celle  que  Fabricius  nomme  quadiidens  a 
été  observée  en  état  fossile. 

(i)  Dans  ce  genre  et  les  deux  suirans  les  serres  sont  petites. 


356   CRUSTACÉS.  PREMIER  ORDRE.  DÉCAPODES. 

DEUXIÈME  SECTION. 
HÉTÉROCHÈLES   {HETEROCHELES). 

C'est  principalement  avec  les  genres  leucosia,  parthenope  et 
înachus  de  Fabricius ,  ou  avec  la  tribu  des  triangulaires  et  une 
portion  de  celle  des  orbiculaires ,  de  ma  distribution  métho- 
dique antérieure,  que  je  forme  cette  division  des  brachyures. 
La  dénomination  d'hétéjvchèles  que  je  lui  donne  ne  provient 
pas  seulement  de  la  considération  isolée  des  serres  de  l'indi- 
vidu, mais  de  leur  comparaison  dans  les  deux  sexes.  Celles  des 
mâles  sont ,  en  effet ,  sensiblement  plus  longues  que  celles  des 
femelles  (i).  Le  thoracide  va  en  se  rétrécissant  d'arrière  en 
avant,  de  sorte  qu'il  est  ovoïde  ou  triangulaire,  et  quelque- 
fois aussi  presque  globuleux.  Il  est  surtout  remarquable  par 
ses  inégalités,  comme  les  tubercules,  les  épines  dont  il  est 
chargé,  et  ses  saillies  ou  cornes  frontales.  A  raison  de  sa  forme, 
les  pédicules  oculaires  sont  insérés  sur  les  côtés  et  dans  des 
cavités  petites  et  circulaires.  Dans  plusieurs ,  ils  peuvent  être 
rejetés  en  arrière.  Aucun  des  pieds  n'a  de  nageoire.  L'épi- 
stome  est  ordinairement  presque  isométrique ,  ou  plus  long 
que  large  et  carré.  La  teinte  est  uniforme,  grise  ou  cendrée, 
et  l'on  peut  juger,  d'après  cela,  que  ces  crustacés  ne  quittent 
guère  leur  séjour  habituel  ou  la  mer.  La  queue  du  plus  grand 
nombre  est  de  sept  ou  six  segmens,  dans  les  deux  sexes. 

Nous  terminerons  cette  section  de  la  même  manière  que  la 
première ,  ou  par  ceux  dont  les  pieds  sont  placés  sur  deux 
rangs,  ou  dorsaux. 


(i)  Cela  doit  s'entendre  de  la  généralité  des  espèces,  et  ce  caractère  ne  sauffre 
point  d'exception  relativement  à  la  tribn  des  orbiculaires,  qui,  sous  le  rapport  de  la 
forme  du  test  et  des  organes  de  la  manducation  ,  pourraient  présenter  quelque  ambi- 
guïté. 


PREMIÈRE    FAMILLE.     BRACHYURES.  3^J 

PREMIÈRE  DIVISION. 

Tous  les  pieds  sont  insérés  sur  la  même  ligne ,  et  les  deux 
postérieurs  ne  diffèrent  point  de  ceux  qui  les  précèdent  immé- 
diatement par  leur  forme  et  leurs  usages.  Les  pieds-mâchoires 
extérieurs  ne  font  point  de  saillie  en  avant.  Les  yeux  sont 
généralement  écartés  et  latéraux. 

SEPTIÈME  Tl\IBU. 
ORBICULAIRES  {ORBICULATA). 

De  la  tribu  désignée  ainsi  par  nous,  dans  notre  ouvrage  sur 
les  familles  naturelles  du  règne  animal,  nous  avons  détaché 
les  genres  hépate  et  mursie  pour  en  former  une  nouvelle  tribu , 
celle  des  chrislimanes.  Elle  est  ainsi  réduite  au  genre  coryste 
et  à  celui  de  leucosie  de  Fabricius,  composant,  dans  la  mé- 
thode de  M.  Leach ,  une  petite  famille ,  celle  des  leucosidées 
(leucosided) ,  Le  rétrécissement  supérieur  de  la  cavité  buccale, 
la  forme  étroite ,  allongée  et  plus  rétrécie  vers  l'extrémité 
supérieure  du  troisième  article  des  pieds-mâchoires  exté- 
rieurs ,  souvent  encore  la  petitesse  des  yeux  et  des  antennes 
latérales,  et  le  nombre  des  segmens  de  la  queue,  qui  n'est  que 
de  quatre,  dans  les  deux  sexes,  voilà  ce  qui  distingue  la  tribu 
des  orbiculaires  de  la  suivante. 

Un  test  ovoïde-oblong,  simplement  crustacé  et  non  pier- 
reux-, des  antennes  latérales  longues,  avancées  et  ciliées 5  des 
yeux  de  grandeur  moyenne  ^  une  échancrure  au  côté  interne 
du  troisième  article  des  pieds-mâchoires  extérieurs;  enfin  Une 
queue  de  sept  segmens ,  mais  dont  deux  des  intermédiaires  , 
oblitérés  dans  les  mâles,  éloignent  des  leucosies  le  genre 
CORYSTE  {corjstes)^  que  j'avais  établi  sur  Yalbunea  dentata  de 
Fabricius,  espèce  de  nos  côtes,  et  figurée  par  Herbst,  ainsi 
que  par  MM.  Leach  et  Desmarest.  Feu  de  Lalande  en  a  rap- 
porté une  autre  de  son  voyage  au  Cap  de  Bonne-Espérance. 

Les  LEUCOSIES  (^leucosia)  de  Fabricius  nous  offrent  un  test 
très  dur,  pierreux,  semblable,  sous  ce  rapport  et  par  sa  cou- 
leur, à  de  la  porcelaine  ou  à  de  la  faïence,  en  forme  d'ovoïde 


'doS        CRUSTACÉS.  —  PREMIER  ORDRE.  DÉCAPODES. 

court ,  OU  presque  globuleux ,  rhomboïde  dans  quelques , 
très  peu  avancé  et  souvent  tronqué  en  devant  ^  des  pédicules 
oculaires  et  des  antennes  latérales  très  petits  •  des  pieds- 
mâchoires  extérieurs  contigus  par  leur  bord  interne  et  dont 
le  troisième  article,  plus  court  que  le  précédent ,  sans  échan- 
crure  ou  sinus  apparent  au  côté  interne^  une  cavité  buccale 
en  forme  de  triangle  allongé,  et  partagée  longitudinalement  en 
deux-,  enfin  une  queue  très  ample,  presque  orbiculaire  dans 
les  femelles,  et  n'étant  composée,  tant  dans  ces  individus  que 
dans  l'autre  sexe,  que  de  quatre  à  cinq  segmens  au  plus. 

Ce  genre  en  forme  maintenant  dix  dans  la  distribution  mé- 
thodique du  docteur  Leach ,  mais  dont  l'exposition  est  hors 
de  mon  plan,  et  serait  d'autant  plus  inutile ç,  que,  faute  de 
figures  grossies  des  parties ,  je  ne  pourrais  vous  en  montrer 
les  caractères.  Les  plus  saillans,  et  les  seuls  que  vous  puissiez 
saisir,  sont  tirés  de  la  forme  du  test  et  des  proportions  des 
serres  comparées  avec  celles  des  autres  pieds.  Il  en  est  où  elles 
sont  évidemment  plus  grosses  qu'eux,  et  parmi  les  genres  qui 
sont  dans  ce  cas ,  le  test  est  tantôt  rhomboidal ,  comme  dans 
les  ébalies  et  les  nursies,  coupes  formées  de  petites  espèces , 
et  dont  quelques  unes  se  trouvent  sur  nos  côtes-,  tantôt  plus 
ou  moins  globuleux ,  ou  du  moins  suborbiculaire,  comme  dans 
les  leucosies  propres ,  les  pivy lires  et  les  persephones .  Dans 
les  genres  où  ces  pieds  antérieurs  diffèrent  peu  en  grosseur 
des  suivans ,  ici  le  test  est  conformé  de  même  que  dans  la 
division  précédente ,  et  vous  avez  pour  exemples  les  genres 
mjra,  ilia,  arcania  et  iphis  -,  là  les  côtés  de  ce  test  se  prolon- 
gent transversalement,  et  ces  dilatations  sont  cylindriques.  Le 
genre  ixa  est  le  seul  de  cette  division.  Elle  a  reçu  ,  avec  trois 
autres,  la  qualification  nominale  de  jace.  De  bonne  foi,  le 
docteur  Leach  aurait  bien  pu  se  restreindre  à  en  faire  unique- 
ment autant  de  coupes  génériques.  Si  vous  désirez  plus  de  dé- 
tails ,  l'ouvrage  de  M.  Desmarest  vous  les  fournira. 


PREMIÈRE    FAMILLE.    BRA.CHYURES.  SSq 

! 

C'est  au  genre  ilie  (ilia)  que  se  rapporte  l'espèce  la  plus 
^  AI  commune  des  côtes  de  la  Méditerranée  ,  la  leucosie  noyau  , 
leucosia  nucleus ,  de  Fabricius ,  dont  vous  pourrez  voir  une 
bonne  figure  dans  l'ouvrage  de  M.  Roux  ,  sur  les  crustacés 
de  la  Méditerranée ,  ya5czcM/e  ii,  pi.  VIII,  fig.  i.  Front  point 
débordé  par  la  cavité  buccale  *,  pédoncule  du  flagre  allongé , 
presque  linéaire  \  test  presque  globuleux  \  serres  guère  plus 
grosses  que  les  autres  pieds,  longues  ,  avec  les  mains  cylin- 
driques et  à  doigts  allongés ,  voilà  le  signalement  propre  de  ce 
genre.  Quant  à  l'espèce  ci-dessus  ,  elle  est  granuleuse  sur  les 
côtés  et  postérieurement ,  avec  le  front  échancré ,  deux  dents 
au  bord  postérieur,  et  deux  autres  plus  fortes,  latérales^  les 
serres  sont  en  partie  graveleuses^  le  corps  est  roussâtre.  On 
trouvera  sur  la  même  planche  la  figure  d'une  autre  espèce, 
très  voisine  de  la  précédente,  \ilia  ruguleuse.  On  en  con- 
naît de  fossiles.  (  Voyez  l'ouvrage  sur  les  crustacés  fossiles  de 
M.  Desmarest.  ) 

HUITIÈME  TRIBU. 

TRIANGULAIRES    {TRIGONJ). 

Dans  quelques  genres  de  cette  tribu  ,  tels  que  les  doclées  , 
les  libinies  y  etc. ,  le  test ,  ou  plutôt  le  thoracide ,  c'est-à-dire 
le  corps ,  abstraction  faite  de  la  queue ,  se  rapproche  assez , 
par  sa  forme  arrondie,  de  celui  des  leucosies*,  mais,  en  géné- 
ral, il  est  triangulaire  ou  subovoide  ,  rétréci  antérieure- 
ment ,  et  terminé  par  une  sorte  de  bec  ,  ou  par  des  saillies 
en  forme  de  cornes  et  de  pointes  ^  son  dos  et  les  bords  en 
offrent  aussi  dans  un  grand  nombre.  La  cavité  buccale  est 
coupée  carrément  à  son  sommet.  Le  troisième  article  des  pieds- 
mâchoires  extérieurs  est  généralement  semblable  au  même 
des  quadrilatères ,  ou  ne  se  termine  pas  en  pointe  comme  dans 
les  leucosies  ♦,  la  queue  est  ordinairement  composée  de  sept 
à  six  segmens  dans  les  deux  sexes,  ou  bien  de  cinq  dans  les 
mâles,  et  de  six  dans  les  femelles.  Ces  crustacés  sont  appelés 
communément  araignées  de  mer.  Suivant  MM.  Quoy  et  Gay- 
mard  ,  les  maias ,  ainsi  que  les  portunes  ,  ne  quittent  pas  le 


36o   CRUSTACÉS.  PREMIER  ORDRE.  DÉCAPODES. 

fond  des  eaux  ;  ayant ,  à  leur  départ  du  Brésil ,  retiré  leurs 
ancres  ,  ils  trouvèrent  sur  le  sable  un  grand  nombre  de  ces 
animaux.  On  n'en  a  découvert ,  en  état  fossile ,  que  deux  es- 
pèces, ou  M.  Desmarest ,  du  moins,  n'en  a  pas  observé  un  plus 
grand  nombre  dans  les  collections  de  Paris. 

Le  docteur  Leach  a  introduit ,  dans  celte  considérable  tribu, 
plusieurs  nouveaux  genres.  Une  première  section  compren- 
dra tous  ceux  dont  les  secondes  pâtes  et  les  suivantes  ont  une 
forme  identique.  Ceux  dont  la  queue  ,  ou  celle  des  femelles 
au  moins,  est  composée  de  sept  tablettes,  qui  ont  le  troisième 
article  des  pieds-mâcboires  extérieurs  presque  carré  ,  tronqué 
obliquement ,  ou  échancré  à  l'angle  supérieur  interne  ,  et  y 
donnant  naissance  à  l'article  suivant ,  formeront  dans  cette 
section  une  première  division ,  à  la  tête  de  laquelle  nous  place- 
rons  des  genres  se  distinguant  des  suivans  par  la  grandeur 
extraordinaire  et  la  direction  de  leurs  serres.  Dans  le  repos , 
elles  s'étendent  latéralement,  se  recourbent   et   se  replient 
sur  elles-mêmes ,  en  formant  avec  l'axe  du  corps  une  espèce 
de  croix.  Les  uns  ont  les  antennes  latérales  très  courtes,  de  la 
longueur  au  plus  des  yeux  -,   leur  premier  article  est  totale- 
ment situé  au-dessous  des  cavités  oculaires.  Tel  est  le  genre 
PAE.THÉN0PE  {partheiiope)  de  Fabricius.  Les  espèces  dont  les 
mâles  n'ont  que  cinq  segmens  à  la  queue  composent  celui  de 
LAMBRE  {larnbrus)  du  docteur  Leach.  M.  Roux  a  donné  de 
bonnes  figures  de  trois  espèces  de  la  Méditerranée,  et  dont 
deux  au  moins  avaient  déjà  été  connues  d'Aldrovande.  Dans 
le  genre  eurynome  {eurynomé)  de  M.  Leach  encore ,  établi  sur 
un  crustacé  de  nos  côtes  et  de  celles  de  l'Angleterre  ,  les  an- 
tennes latérales  sont  sensiblement  plus  longues  que  les  yeux , 
et  leur  premier  article  atteint  l'extrémité  supérieure  interne 
des  cavités  propres  à  ces  derniers  organes  \  la  queue  est  tou- 
jours de  sept  segmens  \  les  serres  des  femelles  sont  beaucoup 
plus  courtes  que  celles  de  l'autre  sexe.  Celles  du  genre  mi- 
THRAx  {mithrax ,  Leach)  sont  aussi  très  robustes  ,  mais  avan- 
cées ,  et  leurs  doigts  se  terminent  en  manière  de  cuiller.  Dans 
les  coupes  suivantes  ,  les  pâtes ,   ou  celles  des  femelles  au 


PREMIERE    FAMILLE.    BRACÏIYURES.  36  I 

moins,  sont  de  grandeur  ordinaire.  Les  stenocionops  {steno- 
cionops  y  Leach)  contrastent  avec  tons  les  autres  triangulaires 
de  cette  section  par  leurs  pédicules  oculaires  fort  allongés  et 
toujours  saillans.  On  distinguera  les  acanthonyx  (acantho- 
nfXj  Latr.)  à  la  saillie,  en  forme  de  dent  ou  d'épine, 
que  leurs  jambes  offrent  en  dessous  ;  les  maïas  (maia)  de 
M.  Leach  ,  à  leurs  antennes  latérales  ,  qui  paraissent  naître 
des  cavités  oculaires,  et  à  la  longueur  de  l'article  précédant 
les  pinces ,  qui  égale  presque  la  leur.  Ce  dernier  caractère  se 
retrouve  dans  les  camposcies  {camposcia ,  Leach  )  -,  mais  ici 
la  longueur  des  pieds  ,  à  partir  des  seconds ,  semble  augmen- 
ter progressivement ,  et  les  pédicules  oculaires ,  plus  allon- 
gés ,  sont  très  courbes  ,  et  vont  se  loger  en  arrière  dans  des 
fossettes  situées  sous  les  bords  latéraux  du  test.  Un  crustacé 
très  commun  sur  nos  côtes  ,  oii  il  est  connu  sous  le  nom 
à'araignée  de  mer,  et  dont  on  trouve  des  individus  d'une 
grande  taille ,  est  le  type  du  genre  maïa  ,  dénomination  qui  lui 
avait  été  donnée  par  les  Grecs,  chez  lesquels  il  a  joui  d'une 
grande  réputation.  On  lui  attribuait  une  grande  sagesse  et  de 
la  sensibilité  pour  les  charmes  de  la  musique.  Son  effigie  est 
empreinte  sur  plusieurs  anciennes  médailles  :  c'est  Vinachus 
cornutus  de  Fabricius. 

Nos  HYPÉRicÈREs  (hypericero) ^  très  voisins  des  amathia  de 
M.  Roux ,  ont  leurs  antennes  latérales  insérées  sous  le  museau , 
et  plus  rapprochées  des  fossettes  recevant  les  antennes  inter- 
médiaires ,  que  des  cavités  oculaires.  On  reconnaîtra  le 
genre  naxie  [naxia,  Leach)  aux  deux  rangées  inférieures 
de  dentelures  de  leurs  tarses.  Ceux  de  pise  (pisd)  et  de  cho- 
RiTfE  [chorinus)  du  docteur  Leach  n'en  offrent  qu'une  à 
la  même  partie.  Le  dernier  se  distingue  de  l'autre  en  ce  que 
les  troisièmes  pieds  sont  brusquement  plus  courts  dans  les 
mâles  que  les  précédens.  On  peut  réunir  celui  de  lissa  à  celui 
de  pise.  Les  micippes  (^micippe ,  Leach)  ont  leur  test  large- 
ment tronqué  en  devant ,  et  terminé  par  une  sorte  de  chaperon 
incliné  ou  de  bec  denté.  Le  premier  article  de  leurs  antennes 
alérales  est  courbe,  dilaté  à  son  extrémité  supérieure  en  ma- 


302        CRUSTACÉS.  PREMIER    ORDRE.    DÉCAPODES. 

nière  de  lame  oblique  ,  et  fermant  la  cavité  oculaire.  Les 
HYAs  (Jijas ,  Leach)  offrent  derrière  les  fossettes  un  avance- 
ment en  forme  d'oreillette  -,  le  test  est  presque  ovoïde  -,  le  côté 
extérieur  du  second  article  de  leurs  antennes  latérales ,  beau- 
coup plus  grand  que  le  suivant ,  est  comprimé  et  caréné  \  les 
antennes  se  terminent  par  une  tige  très  courte ,  en  forme 
de  stylet  allongé.  Dans  les  halimes  [halimus ,  Latr.)  ,  les 
pédicules  oculaires,  quoique  courts,  sont  toujours  à  décou- 
vert ^  la  tige  des  antennes  latérales  est  longue ,  sétacée,  avec 
le  troisième  article  de  leur  pédoncule  aussi  long  au  moins 
que  le  précédent.  Les  libinies  {libinîà)  du  même  naturaliste, 
et  auxquelles  on  peut  associer  ses  doclées  {doclœa) ,  ont  un 
test  presque  globuleux  et  les  pédicules  oculaires  très  courts  , 
à  peine  exsertiles.  Ses  égéries  (œgeiia)  sont  signalées  par 
leurs  serres  presque  linéaires,  et  leurs  autres  pieds  filiformes 
et  très  longs. 

Dans  les  genres  de  notre  seconde  division  ,  jamais  la  queue 
n'a  plus  de  six  segmens^  le  troisième  article  des  pieds-mâ- 
cboires  extérieurs  est  plus  étroit  que  dans  les  genres  pré- 
cédens ,  rétréci  à  sa  base ,  et  c'est  en  dehors  de  son  extrémité 
interne  que  le  suivant  est  inséré. 

Tantôt  l'épistome  est  presque  isométrique  ou  un  peu  trans- 
versal ,  et  la  base  des  antennes  intermédiaires  est  peu  éloignée 
du  bord  supérieur  de  la  cavité  buccale.  C'est  ce  qui  a  lieu 
dans  les  hyménosomes  {hjmenosoma ,  Latr.),  dont  le  corps 
est  très  aplati ,  et  dans  les  inachus  (inachus)  ,  tel  que  le  doc- 
teur Leach  borne  cette  coupe  ,  et  où  le  corps  a  une  épaisseur 
ordinaire. 

Le  sternum  de  quelques  espèces  (Roux,  Crustacés  de  la 
Méditerranée,  pi.  XXVI  et  XXVII)  offre,  dans  les  mâles, 
deux  dilatations  en  forme  d'écaillés  ou  de  plaques  arrondies , 
avec  une  élévation  intermédiaire. 

Près  de  ce  genre  vient  celui  d'EURYPODE  (eurypoda)  de 
M.  Guérin  ,  distinct  du  précédent  par  l'élargissement  de 
l'avant-dernier  article  des  pâtes,  venant  après  les  serres.  Il  ne 
comprend  encore  qu'une  espèce ,  et  recueillie  par  MM.  Quoy 


PREMIÈRE    FAMILLE.    BRA.CHYURES.  363 

et  Gaymard  dans  leur  premier  voyage  aux  Terres  australes. 
Dans  le  même  voisinage  se  rangeront  les  achées  (achœus , 
Leach),  qui  ont  six  segmens  à  la  queue  ^  dont  les  quatre  tarses 
postérieurs  sont  en  faucille ,  et  dont  les  pédicules  oculaires 
,  toujours  saillans  ont  en  devant  un  tubercule. 
'  Tantôt  Tépistome  est  plus  long  que  large ,  en  forme  de 
triangle  allongé  et  tronqué  au  sommet ,  et  l'origine  des  an- 
tennes mitoyennes  se  trouve  ainsi  notablement  éloignée  du 
bord  supérieur  de  la  cavité  orale. 

Ici  viennent  les  sténorhynques  (s tenorhjnchus)  àehcimsirck 
ou  les  macropodia  de  M.  Leach ,  qui  ont  Textrémité  antérieure 
du  test  bifide;  les  leptopodies  (leptopodia)  du  dernier,  où 
cette  extrémité  forme  une  pointe  entière ,  longue  et  dentelée-, 
et  un  genre  très  remarquable,  celui  de  latreillie  (la- 
treillia)  ,  établi  par  M.  Roux  (Cnistacés  de  la  Méditerranée, 
jpl.  XXII)  sur  une  espèce  découverte,  par  M.  Caron,  sur  les 
'  cotes  de  la  Sicile.  Quant  à  la  forme  générale  du  corps  et  la 
j longueur  des  pieds,  il  avoisine  le  précédent-,  mais  les  yeux 
'sont  portés  sur  de  longs  pédicules,  et  le  front  présente  deux 
forte  épines  divergentes. 

Un  caractère  très  insolite  signale  les  triangulaires  de  notre 
seconde  section.  Les  quatre  ou  six  pieds  antérieurs  sont 
simples ,  et  l'extrémité  interne  de  l'avant-dernier  article  des 
quatre  postérieurs  se  prolonge  en  une  dent ,  qui  forme  avec 
le  suivant  une  pince  didactyle. 

Le  genre  pactole  (pactolus),  de  M.  Leach  ,  est  le  seul  de 
cette  section. 

Je  ne  puis  vous  présenter  les  autres  sans  en  excepter  même 

ceux  qui  me  sont  propres.  Je  suis  également  forcé  de  ne  citer 

^aucune  espèce ^  les  sources  auxquelles  vous  pouvez  recourir, 

vous  sont  connues  par  mes  renvois  ordinaires  :  j'y  ajouterai 

M.  Savigny  quant  aux  genres  maïa  et  sténorhynque. 

DEUXIÈME  DIVISION. 

Les  deux  pieds  postérieurs  sont  subitement  plus  petits  que 
les  autres  ,  tantôt  cependant  très  à  découvert ,  insérés  sur  le 


364   CRUSTACÉS.  PREMIER  ORDRE.  DÉCAPODES. 

dos,  terminés  par  un  crochet  et  préhenseurs;  tantôt  beau- 
coup plus  petits  et  moins  apparens ,  mutiques ,  comme  inu- 
tiles ou  avortés.  Les  pieds-mâchoires  extérieurs  sont  allongés, 
saillans  et  courbés  en  dehors.  Les  yeux  sont  très  rapprochés  à 
leur  inserlion ,  qui  est  située  sous  le  museau. 
Le  test  est  épineux. 

NEUVIÈME  TRIBU. 
HYPOPHTHALMES    {HYPOPHTHALMA). 

Elle  se  compose  de  deux  genres.  Le  premier,  celui  d'uG- 
MOLE  (^liomola)  de  M.  Leach,  avait  été  désigné  par  Aldro- 
vande  sous  le  nom  d! hippocarciiius ,  que  je  lui  avais  conservé 
dans  un  Mémoire  sur  ces  Crustacés  ,  lu  à  l'Académie  des 
Sciences,  mais  que  j'ai  ensuite  abandonné  pour  éviter  une 
confusion  de  noms,  ce  savant  ayant  publié  le  même  genre ,  sans 
avoir  connaissance  de  mon  travail ,  resté  manuscrit.  M.  Rafi- 
nesque  a  aussi  établi  la  même  coupe ,  et  l'a  appelée  thelxiope. 

Les  homoles  ont  les  deux  pieds  postérieurs  insérés  sur  le 
dos ,  courbés  en  manière  de  crochet  à  leur  extrémité  ,  et 
onguiculés.  Les  yeux  sont  portés  sur  des  pédicules  assez  longs 
et  saillans.  La  queue  est  formée  de  sept  segmens  dans  les 
deux  sexes.  On  en  connaît  deux  espèces ,  et  habitant  l'une  et 
l'autre  la  Méditerranée.  La  première  est  l'H.  front-épineux 
(^cancer  spinifrons ,  Fab.  ) ,  figurée  par  le  docteur  Leach 
(Miscell.  zool.y  ii ,  tab.  88)  ;  la  seconde  est  l'H.  de  Guvier 
(cuuieri)  ,  représentée  par  M.  Roux,  dans  son  second  fasci- 
cule des  crustacés  de  cette  mer,  pi.  VIL  Celle-ci  est  très  grande. 

Le  second  genre  ,  celui  de  lithode  (lithodes,  Latr.)  ,  a  été 
établi  sur  le  cancer  maja  de  Linné  (^parthenopes  maja^Fka.  ^ 
inachus  maja ,  ejusd.).  Ici  les  deux  pieds  postérieurs  sont  très 
petits,  mutiques,  peu  apparens,  et  paraissent  n'avoir  aucune 
fonction.  Les  pédicules  oculaires  sont  courts.  La  queue  est 
membraneuse  ,  avec  sept  plaques  ou  lames  crustacées ,  trois  de 
chaque  côté  ,  transverses ,  et  l'autre  au  bout.  Cette  espèce  est 
assez  grande ,  et  habite  les  mers  du  Nord.  Seba  et  MM.  Leach 
ctDesmarcst  l'ont  figurée.  C'est  la  lithode  arctique  (arciica). 


DEUXIÈME    FAMILLE.    MACROURES.  365 

DEUXIÈME   FAMILLE. 

MACROURES  {MACROURI).  —  {Canceres  macrouri, 

LiNN.;  Exognathay  Fab.) 

Tous ,  à  l'exception  des  ranines  ,  distingués  cependant  des 
brachyures  par  leur  queue  étendue  et  par  des  pieds  dorsaux 
natatoires  ,  ont  des  appendices  latéraux  au  bout  de  la  queue , 
et  formant  le  plus  souvent ,  avec  son  dernier  segment ,  une 
nageoire.  Cette  queue,  aussi  longue  au  moins  que  le  test, 
est ,  les  porcellanes  exceptées  ,  étendue ,  découverte  ,  et  sim- 
plement courbée  en  dessous  vers  son  extrémité  postérieure. 
Elle  offre  ordinairement  à  sa  face  inférieure  cinq  paires  de 
fausses  pâtes ,  formées  de  deux  feuillets  ou  de  deux  filets , 
insérés  à  l'extrémité  d'une  petite  tige  ou  de  support  commun. 
Telle  est  aussi  la  composition  des  deux  appendices  latéraux 
mentionnés  plus  haut ,  et  qui  prennent  naissance  ,  un  de 
chaque  côté,  de  l'avant  -  dernier  segment,  ou  le  sixième^ 
car  il  y  en  a  toujours  sept.  Les  ouvertures  génitales  de  la 
femelle  sont  situées  sur  le  premier  article  des  pieds  de  la 
troisième  paire.  Les  branchies  consistent  en  des  pyramides 
vésiculeuses,  barbues  et  velues  ,  disposées ,  dans  plusieurs  ,  sur 
deux  rangées  ou  par  faisceaux.  En  général,  les  antennes  sont 
plus  longues ,  les  pédicules  oculaires  sont  plus  courts ,  et  les 
pieds-mâchoires  extérieurs  plus  allongés  que  dans  les  brachyu- 
res. Les  pieds  paraissent  être  plus  propres  à  la  natation  ,  sans 
être  cependant  terminés,  du  moins  pour  la  plupart,  en  manière 
de  nageoire.  Le  corps  a  aussi  moins  de  largeur ,  et  le  test  se 
termine  en  pointe  par -devant.  Vers  la  fin  de  cette  famille 
l'épaisseur  des  tégumens  s'affaiblit ,  et  ils  deviennent  flexibles 
et  presque  membraneux.  La  queue  étant  plus  à  découvert 
que  dans  les  brachyures  est  mieux  protégée.  MM.  Audouin 
et  Milne  Edwards  ont  observé  ,  dans  le  homard  ,  un  troisième 
sinus  veineux  ,  logé  dans  le  canal  sternal  et  s'étendant  entre 
les  deux  sinus  latéraux,-  s'il  existait  aussi  dans  les  autres  ma- 


366   CRUSTACÉS.  PREMIER  ORDRE.  DÉCAPODES. 

croures,  cette  famille  offrirait  un  autre  caractère  anatomique 
qui  la  distinguerait  de  la  précédente.  Elle  embrasse  le  genre 
écrevisse,  astacus,  de  de  Géer,  de  Gronovius,  d'Olivier,  etc.-, 
nous  la  partagerons  en  trois  sections  : 

r^.  Ceux  dont  les  antennes  et  les  pieds  sont  toujours  à  nu ,  et  où  le 
pédoncule  des  antennes  latérales,  de  niveau  avec  les  intermédiaires, 
n'est  point  recouvert  par  une  grande  écaille  ,  ou  en  offre  une,  mais 
latérale  ,  et  le  laissant  à  découvert. 

II®.  Ceux  qui ,  ayant  aussi  les  antennes  et  les  pieds  toujours  à  nu, 
ont  une  grande  écaille  au-dessus  du  pédoncule  des  antennes  latérales, 
le  recouvrant ,  et  où  les  intermédiaires  sont  supérieures  aux  précé- 
dentes. 

IIP.  Ceux  dont  les  antennes  et  les  pieds  peuvent  se  retirer  sous  un 
test ,  qui  forme,  par  l'abaissement  et  le  repli  de  ses  côtés ,  une  sorte  de 
boîte,  avec  une  ouverture  longitudinale  en  dessous,  en  manière  de 
fente.  Tous  les  pieds  sont  mutiques ,  simples ,  en  forme  de  lanières, 
avec  un  a[)pendice  latéral. 

La  première  section  se  partagera  en  deux  :  ceux  dont  les 
deux  ou  quatre  pieds  antérieurs  au  plus  sont  didactyles  ou 
terminés  par  deux  doigts ,  et  ceux  où  les  six  premiers  pieds 
présentent  ce  caractère. 

Nous  distribuerons  ensuite  les  premiers  ou  ceux  de  la  pre- 
mière division  de  la  manière  suivante  : 

1°.  Appendices  du  bout  de  la  queue,  soit  nuls,  soit  rejelés  sur  les 
côtés,  et  point  réunis  en  une  pièce  commune  avec  le  dernier  segment; 
les  deux  derniers  pieds  tantôt  filiformes  et  très  différens  des  précé- 
dens,  tantôt  conformés  de  même,  natatoires  et  dorsaux,  soit  seuls, 
soit  avec  les  deux  pénultièmes. 

Nota.  Jamais  plus  de  quatre  paires  de  fausses  pâtes  sous-caudales  (î)  •  pédicules 
oculaires  souvent  plus  longs  que  dans  les  macroures  suivans. 

Les  tribus  suivantes  :  NOTOPTÉRYGiENS  ,  hippides  et  paguriens. 

2°.  Appendices  du  bout  de  la  queue  réunis  avec  son  dernier  seg- 
ment, pour  composer  une  nageoire  en  éventail,  membraneuse  ou 
moins  épaisse  à  son  extrémité.  Tous  les  pieds  onguiculés  et  sembla- 
bles; les  deux  antérieurs  simplement  un  peu  plus  forts,  avec  l'avant- 


(i)  Il  y  en  a,  le  plus  souvent,  cinq  dans  les  divisions  suivantes. 


DEUXIÈME    FAMILLE.    MACROURES.  36^ 

dernier  article  unidenté  au  plus  dans  l'un  des  sexes  ,  mais  ne  formant 
point ,  avec  le  dernier,  une  pince. 

La  tribu  des  scyllarides  et  celle  des  langoustines. 

3°.  Appendices  du  bout  de  la  queue  réunis  aussi  avec  le  dernier 
segment,  en  une  nageoire,  mais  entièrement  crustacée.  Les  deux  pieds 
antérieurs  en  pince  parfaitement  didactyle;  les  deux  derniers  ordi- 
nairement très  petits  et  repliés:  yeux  très  gros  et  appendices  du  bout 
de  la  queue  composés  d'une  seule  lame,  clans  ceux  dont  les  deux  pieds 
postérieurs  ne  diffèrent  pas  des  autres.  Antennes  mitoyennes  cou- 
'•'  dées ,  et  dont  le  pédoncule  est  plus  long  que  les  deux  filets  du  bout. 

La  tribu  des  galathines. 

4°,  Appendices  du  bout  de  la  queue  comme  dans  la  division  pré- 
cédente. Les  deux  pieds  postérieurs  presque  de  la  grandeur  des  pré- 
cédens,  et  point  repliés;  les  quatre  premiers  en  pince  didactyle, 
dans  la  plupart  ;  index  plus  court  que  le  pouce  dans  ceux  où  les 
deux  antérieurs  sont  seuls  didactyles.  Antennes  mitoyennes  avancées, 
droites,  et  à  pédoncule  de  la  longueur  au  plus  des  deux  filets  du 
bout. 

La  tribu  des  thalassinides. 

La  seconde  division,  distinguée  par  les  six  pieds  antérieurs 
en  forme  de  serres  et  didactyles,  composera  la  tribu  des  as- 

TACIKES. 

Notre  seconde  section  comprendra,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit ,  les  macroures  dont  les  antennes  latérales ,  plus  basses  que 
les  mitoyennes ,  ont  leur  pédoncule  recouvert  par  une  grande 
écaille.  Elle  nous  offrira  la  tribu  des  Salicoques. 

La  troisième  section  sera  formée  de  la  tribu  des  Coléo- 

PODES. 

l|  Les  uns,  toujours  errans  et  nageurs,  ont  des  tégumens 
solides^  un  test  en  forme  de  triangle  renversé  (dont  la  base 
est  antérieure)  ,  ou  bien  en  ovoïde  tronqué  en  devant,  sans 
impression  transverse ,  le  divisant  en  deux  ;  les  pieds  anté- 
rieurs terminés ,  soit  par  une  pince  triangulaire  comprimée , 
soit  par  un  article  tantôt  comprimé,  ovale,  tantôt  conique; 
tous  les  autres  pieds,  à  l'exception  au  plus  des  deux  derniers, 
natatoires ,  et  une  queue  crustacée  en  dessus ,  à  tablettes  très 
•distinctes  :  ils  composent  nos  deux  premières  tribus. 


368   CRUSTACÉS.  PREMIER  ORDRE.  DÉCAPODES. 

Dans  l'exposition  que  nous  allons  faire  de  ces  tribus  et  des 
suivantes,  nous  ne  répéterons  point,  pour  abréger,  les  carac- 
tères des  sections  et  des  divisions,  et  nous  nous  bornerons,  lors- 
que ces  divisions  renfermeront  plus  d'une  tribu  à  donner  les 
signalemens  respectifs  et  comparatifs  de  ces  dernières  coupes. 

PREMIÈRE  SECTION. 

PREMIÈRE  DIVISION. 

PREMIÈRE  SUBDIVISION. 

PREMIÈRE  TRIBU. 
NOTOPTÉRYGIENS  {NOTOPTERYGIA). 

Ce  sont  les  seuls  macroures  qui  n'aient  point  d'appendices 
à  Textrémité  latérale  de  la  queue ,  dont  tous  les  pieds ,  à  l'ex- 
ception des  deux  antérieurs ,  et  pourvus  d'une  pince  didac- 
tyle,  triangulaire  et  comprimée,  soient  à  la  fois  terminés  en 
nageoire  et  disposés  sur  deux  rangs ,  les  deux  ou  quatre  posté- 
rieurs étant  dorsaux.  Les  antennes  médianes  sont  coudées,  et 
ressemblent  à  celles  des  brachyures.  Le  test  est  allongé,  et 
a  la  forme  d'un  triangle  renversé ,  dont  la  base  ou  le  bord 
antérieur  est  dentelé.  Les  pédicules  oculaires  sont  allongés. 
Les  antennes  latérales  sont  longues  et  avancées.  Les  pieds- 
mâcboires  extérieurs  sont  étroits,  allongés,  et,  comme  dans 
la  famille  précédente,  appliqués  sur  la  bouche,  et  repliés 
sur  eux-mêmes  au  côté  interne.  Les  pieds  sont  fort  rappro- 
chés-, les  doigts  des  pinces  sont  brusquement  fléchis.  La  queue 
est  étendue ,  allongée ,  et  ressemble  à  celle  de  la  plupart  des 
brachyures  mâles. 

Cette  tribu  se  compose   du   genre    ranine  (  ranina  )  de» 
Lamarck,  et  a  pour  type  Valbiuiea  scabra  de  Fabricius,  oui 
le  cancer  raninus  de  Linné,  figuré  par  Rhumphius  (Mus., 
tab.  VII ,  fig.  T.  V),  qui  dit  que  cet  animal  vient  à  terre,  et 
grimpe  même  jusque  sur  le  toit  des  maisons,  ce  qui  me  paraît 
impossible  d'après  la  forme  de  ses  pieds.  Ainsi ,  d'après  les  ' 


DEUXIÈME    FAMILLE.    MACROURES.  869 

mêmes  motifs,  l'ont  jugé  MM.  Quoy  et  Gaymard,  en  parlant 
d'une  grosse  espèce  de  ce  genre  qu'on  prit  à  la  ligne,  par 
quatorze  brasses  de  profondeur.  On  en  trouve  en  Italie  une 
autre  espèce  en  état  fossile ,  dont  Aldrovande  avait  parlé , 
antérieurement  à  M.  l'abbé  Ranzani  et  M.  Desmarest. 

JJalbunea  dorsipes  de  Fabricius,  rapportée  au  même  genre, 
doit  certainement  en  former  un  autre,  si  la  figure  de  Rhumpbe 
est  exacte ,  puisque  les  deux  pieds  postérieurs  sont  beaucoup 
plus  petits  que  les  autres ,  et  semblent  être  les  seuls  qui  soient 
insérés  sur  le  dos. 

DEUXIÈME  TRIBU. 
HIPPIDES    {HIPPIDES). 

w 

Ils  ont,  de  même  que  tous  les  macroures  suivans,  des  appen- 
dices latéraux  au  bout  de  la  queue,  mais,  ainsi  que  dans  la 
tribu  des  paguriens ,  repliés  sur  les  cotés ,  et  point  conni- 
vens  avec  le  dernier  segment ,  en  forme  de  petites  nageoires 
courbes.  Les  deux  pieds  postérieurs  sont  très  grêles,  filiformes 
et  repliés.  Les  quatre  antennes,  velues  ou  fort  ciliées,  sont 
avancées  et  saillantes  \  aucune  d'elles  n'est  coudée. 

Ainsi  que  dans  la  tribu  précédente,  le  test  est  tronqué,  et 
plus  ou  moins  denté  à  son  extrémité  antérieure.  Leurs  pieds- 
mâchoires  extérieurs  ont  également  plus  de  rapports  avec 
.ceux  des  brachyures  qu'avec  ceux  des  macroures.  Les  deux 
pieds  antérieurs  se  terminent,  soit  par  une  pince  comprimée, 
dont  le  doigt  mobile  ou  le  pouce  s'applique  sur  la  main ,  soit 
par  un  article  en  forme  de  palette  ovale  ou  bien  conique.  Les 
tarses  des  suivans,  à  l'exception  des  deux  derniers  ,  forment 
une  nageoire  plus  ou  moins  lunulée  et  en  faucille  dans  la 
;plupart.  Les  appendices  sous -caudaux  sont  au  nombre  de 
quatre  paires  et  dont  la  tige  est  très  grêle  et  filiforme.  Le 
premier  segment  de  la  queue  est  court  et  large  ;  les  suivans 
sont  étroits  j  le  dernier  est  grand  et  a  la  figure  d'un  triangle 
allongé. 

MM.  Quoy  et  Gaymard  nous  apprennent  que  les  hippes 
fuient  constamment  la  lumière  et  vivent  sous  les  sables  bu- 

2  A 


3^0        CRITSTACKS.   PREMIER    ORDRE,    DÉCAPODES. 

mides;  mais  je  pense,  d'après  la  conformation  de  leurs  organes, 
que  ce  n'est  que  pendant  le  jour  ou  dans  leur  repos. 

Le  genre  albunée  (  albunea)  de  Fabricius  ,  que  nous  ré- 
duisons à  l'espèce  qu'il  nomme  sjmnista ,  se  distingue  de» 
suivans  par  ses  pieds  antérieurs  terminés  en  une  pince  trian- 
gulaire ,  monodactyle  ;  par  les  antennes ,  dont  les  latérales 
sont  courtes  et  les  mitoyennes  longues ,  sétacées  et  simples; 
par  les  pédicules  oculaires  formant  réunis  un  petit  museau 
plan ,  triangulaire  -,  enfin  par  son  test  presque  carré  et  plan. 

Dans  les  hippes  [hippa,  Fab.  ) ,  les  deux  serres  se  terminent 
en  une  palette  ovoïde  ,  sans  doigt  mobile  \  les  antennes  la- 
térales sont  plus  courtes  que  les  mitoyennes ,  et  contournées  5 
celles-ci  portent  deux  filets  courts,  placés  l'un  sur  l'autre  5  les 
pédicules  oculaires  sont  longs  et  filiformes;  le  test  est  convexe, 
et  en  ovoïde  tronqué. 

Les  RÉMiPÈDEs  {^remipes ,  Latr.)  ont  un  test  semblable; 
mais  les  deux  pieds  antérieurs,  plus  allongés,  s'amincissent 
graduellement  pour  se  terminer  en  pointe;  les  quatre  antennes 
sont  très  rapprochées ,  fort  courtes ,  et  presque  de  la  même 
longueur  ;  les  intermédiaires  sont  d'ailleurs  terminées  par  deux 
filets;  les  pédicules  oculaires  sont  fort  courts  et  cylindriques; 
les  pieds-mâchoires  extérieurs  ont  la  forme  de  petites  serres 
amincies ,  arquées  et  crochues  au  bout  ;  la  nageoire  de  la  qua- 
trième paire  de  pieds,  ou  le  tarse,  est  étroite  et  allongée. 

On  en  connaît  deux  espèces ,  l'une  des  mers  de  la  Nouvelle- 
Hollande  ,  et  l'autre  des  Antilles  et  des  côtes  du  Brésil.  ly 

Les  autres  macroures  de  cette  division  sont  faiblemenÉI 
crustacés,  et  leur  queue,  ordinairement  molle,  en  forme  de 
sac  et  contournée,  ne  présente,  et  dans  les  femelles  seule- 
ment ,  que  trois  appendices,  divisés  chacun  en  deux  branches, 
et  situés  sur  l'un  des  côtés;  le  thoracide,  rétréci  en  devant,  et 
plus  ou  moins  triangulaire,  tantôt  terminé  en  pointe,  tantôt 
tronqué  ,  est  comme  divisé  en  deux  par  une  impression  trans- 
verse et  arquée  ;  les  deux  pieds  antérieurs  se  terminent  tou- 
jours en  une  pince  didactyle  ,  et  dans  le  plus  grand  nombre  , 
l'une  est  plus  forte  que  l'aulre;  les  quatre  suivans  vont  en 


\ 


DEUXIÈME    FAMILLE.     MACROURES.  3']  ï 

pointe,  ou  ont  un  tarse  conique^  l'extrémité  des  quatre  der- 
niers forme  une  petite  pince  plus  ou  moins  didactyle-,  les  pé- 
dicules oculaires  sont  cylindriques  et  de  longueurs  variées. 

Ces  crustacés  vivent ,  pour  la  plupart ,  dans  des  coquilles 
univalves  et  vides. 

TROISIÈME  TRIBU. 
PAGURIENS   {PAGURII). 

«  Les  hermites  ou  pagures,  disent  MM.  Quoy  et  Gaym;u  d 
dans  l'exposé  de  leurs  observations  sur  quelques  crustacés  de 
leur  premier  voyage ,  sont  ceux  que  nous  avons  trouvés  le  plus 
fréquemment  :  il  n'existe  peut-être  aucun  lieu  où  on  ne  les 
rencontre  j  mais  les  Mariannes,  les  îles  des  Papous  et  Timor, 
nous  en  ont  offert  un  plus  grand  nombre.  Les  grèves  de  la 
petite  îleKera,  dans  la  baie  de  Coupang  ,  en  sont  couvertes. 
A  l'instant  de  la  plus  forte  chaleur,  ils  cherchent  l'ombre  sous 
des  touffes  d'arbrisseaux  ^  et  lorsque  la  fraîcheur  du  soir  se 
fait  sentir ,  on  les  voit  sortir  par  milliers ,  roulant  leur  co- 
quille ,  se  heurtant ,  trébuchant ,  et  faisant  entendre  par  leur 
choc  un  petit  bruit  qui  les  annonce ,  avant  qu'on  les  aper- 
çoive. Toutes  les  coquilles  univalves  leur  sont  bonnes ,  comme 
on  sait  -,  cependant  la  plupart  étaient  logés  dans  des  nérites 
marines ,  qui ,  très  communes  dans  les  lieux  où  nous  avons 
fait  cette  remarque ,  ne  sont  pas  les  coquilles  les  plus  favora- 
bles au  développement  de  ces  animaux  parasites.  Quand  ils 
aperçoivent  quelque  danger,  ils  se  sauvent  en  toute  hâte ,  soit 
dans  des  trous  qu'ils  rencontrent  et  qu'ils  ne  creusent  pas  ,  soit 
préférablement  sous  les  racines,  ou  dans  les  troncs  pourris 
des  vieux  arbres ,  rarement  dans  la  mer ,  quelque  près  qu'ils 
en  soient.  Cette  observation ,  que  nous  avons  faite  bien  sou- 
vent ,  prouve  qu'il  existe  deux  familles  distinctes  de  ces  ani- 
maux -,  celle  qui  habite  dans  les  eaux,  et  celle  qui  n'y  va  ja- 
mais, ou  du  moins  que  très  rarement.  Ce  n'est  pas  que  les 
individus  de  toutes  deux  ne  puissent  vivre  plus  ou  moins  de 
Ij  temps  hors  de  l'élément  qui  leur  est  naturel,  c'est-à-dire  les 
uns  dans  l'air,  et  les  autres  dans  l'eau  :  ils  en  ont  la  faculté, 


3j1        CRUSTACéS.  PREMIER  ORDRE.  DÉCAPODES. 

comme  nous  nous  en  sommes  assurés  ^  mais  le  temps  nous  a 
manqué  pour  dire  jusqu'à  quel  point  ils  pourraient  supporter 
les  expériences.  Nous  avons  remarqué  que  les  espèces  ma- 
rines se  distinguaient  des  autres  par  des  yeux  arrondis,  portés 
à  Textrémité  de  longs  pédoncules  cylindriques.  A  Guam ,  à 
Vaigiou ,  on  rencontre  dans  les  forets,  à  plus  de  mille  pas  du 
rivage ,  de  très  gros  pagures  ,  à  pinces  violacées  ,  logés  dans 
des  buccins,  revêtus  d'une  croûte  terreuse,  qui,  très  évi- 
demment, paraissent  être  dans  leur  séjour  habituel.  Quel- 
ques uns  ont  la  faculté  de  rendre  de  l'écume  lorsqu'on  les 
tourmente.  La  lumière  les  attire  ;  car  une  nuit  que  nous  étions 
campés  autour  d'un  feu  que  nos  matelots  avaient  allumé  , 
nous  entendîmes  venir  d'assez  loin  un  gros  pagure,  qui  s'étant 
approché  trop  près ,  devint  victime  de  sa  curiosité  ^  il  fut  cuit 
dans  sa  maison  et  mangé.  »  M.  de  La  Bêche  a  trouvé  à  la 
Jamaïque ,  en  grande  quantité ,  à  terre ,  et  dans  un  terrain 
sec ,  élevé  de  trente  pieds  au-dessus  du  Rio  Minho  ,  à  plus  de 
quatre  lieues  de  la  mer,  le  pagure  diogène ,  connu,  dans 
cette  île  ,  sous  le  nom  de  soldat.  On  le  rencontre  même  dans 
toute  l'île,  et  il  y  passe  une  grande  partie  de  sa  vie,  n'allant 
à  la  mer  que  pour  y  déposer  son  frai ,  et ,  à  ce  qu'il  paraît, 
pour  s'emparer  d'une  coquille  univalve  marine  ,  dans  laquelle 
il  demeure  habituellement.  Cette  distinction  de  pagures  ter- 
restres et  de  pagures  aquatiques  avait  déjà  été  faite  ,  et  nous 
avions  formé  avec  les  premiers  ,  ou  du  moins  avec  une  es- 
pèce (^cljpeatus)  qui  nous  paraissait  être  de  cette  série,  le 
genre  cénobite.  Celui  de  birgue  (birgus)  du  docteur  Leach 
s'éloigne  du  précédent  et  des  autres  par  plusieurs  caractères , 
et  par  des  habitudes  propres ,  à  ce  qu'il  semble  résulter 
de  ce  qu'on  raconte  de  l'espèce  dont  il  est  le  type ,  le  cancer 
latro  de  Linné,  et  la  plus  grande  connue.  Les  tégumens 
sont  plus  solides-,  le  test  est  en  forme  de  cœur  renversé ,  et 
pointu  en  devant  -,  les  deux  pieds  postérieurs  sont  repliés 
et  cachés  -,  la  queue  est  presque  orbiculaire  ,  avec  deux 
rangs  d'appendices  lamelliformes  en  dessous.  Cet  animal  se 
loge  probablement  dans  des  fentes  de  rochers  ou  dans  des 


DEUXIÈME    FAMILLE.    MACROURES.  S^S 

trous  en  terre.  On  croit,  mais  faussement,  qu'il  mange  les 
amandes  des  fruits  de  cocotier  tombés  à  terre  ,  et  pour  la 
recherche  desquels  il  sortirait  la  nuit.  Un  autre  genre  à  queue 
allongée,  droite  et  régulière,  est  celui  que  j'ai  nommé  pro- 
PHYLACE  (jjrophjlax).  Elle  offre  aussi  en  dessous  deux  ran- 
gées d'appendices  -,  ceux  de  son  extrémité  sont  presque  égaux  y 
et  la  pièce  la  plus  grande  est  foliacée  et  ciliée  \  le  corps  est  li- 
néaire 5  les  quatre  pieds  postérieurs  ne  m'ont  point  paru  aussi 
distinctement  bifides  que  ceux  des  autres  paguriens.  M.  Milne 
Edwards  a  établi ,  sous  le  nom  de  glaucothoé,  un  nouveau 
genre  qui  nous  semble  très  voisin  du  précédent ,  s'il  n'est  pas 
identique.  Nous  n'avions  vu  que  trois  paires  d'appendices  ,  et 
nous  n'en  avions  pas  indiqué  la  forme.  Le  sien  en  offre  une  de 
plus,  et  ces  appendices  sont  foliacés  ou  lamelleux.  \oilà  les 
seules  différences  essentielles  \  il  unit,  ainsi  qu'il  l'a  bien  re- 
marqué ,  les  paguriens  avec  nos  thalassinides.    . 

Les  paguriens  à  queue  molle  ,  contournée ,  et  n'offrant 
qu'un  seul  rang  d'appendices  et  tous  filiformes ,  composent 
deux  autres  genres,  celui  de  pagure  ou  d'nERMiTE  (pagurus)  ^ 
et  celui  de  cénobite  (cœnobita) -^  dans  le  premier,  les  an- 
tennes médianes  sont  plus  courtes  que  les  latérales,  courbées, 
avec  les  deux  filets  courts ,  et  dont  le  supérieur  en  forme  de 
cône  allongé  ou  subulé  ;  elles  sont  presque  aussi  longues  que 
les  deux  autres ,  et  terminées  par  deux  filets  allongés ,  dans 
le  second  -,  le  thorax  est  aussi  plus  étroit  et  comprimé  latéra- 
lement. On  consultera  ,  à  l'égard  des  espèces,  l'article  pagure 
de  XEncjclop,  méthodique^  et  les  ouvrages  de  M.  Leach  , 
Desmarest ,  Risso ,  et  celui  de  M.  Roux  sur  les  crustacés  de 
la  Méditerranée.  M.  Savigny  en  a  aussi  représenté  deux  es- 
pèces (pi.  IX). 

M.  Geoffroy  Saint-Hilaire  a  fait  sur  ces  crustacés  quelques 
recherches  anatomiques  ,  qu'il  a  exposées  sous  un  point  de 
vue  conforme  à  ses  opinions  particulières. 


374   CRUSTACÉS.  PREMIER  ORDRE.  DÉCAPODES. 

DEUXIÈME   SUBDIVISION. 

QUATRIÈME  TRIBU. 

SCYLLARIDES    {SCYLLARIDES). 

C'est  du  genre  scjllarus  de  Fabricius  que  se  compose  cette 
tribu.  M.  Roux  nous  apprend  que  les  espèces  de  la  Méditer- 
ranée sont  appelées  ,  selon  la  diversité  des  lieux  situés  sur  cette 
mer,  cliiambré ,  macoto  ,  cigalo  et  masquo.  L'une  d'elles  est 
la  cigale  de  mer  de  Rondelet.  I^a  forme  bizarre  des  antennes 
latérales  caractérise  parfaitement  ces  animaux.  La  tige  manque, 
et  les  articles  de  leur  pédoncule  se  dilatant  latéralement  et 
horizontalement ,  forment  une  sorte  de  crête  aplatie  et  plus 
ou  moins  dentée  sur  ses  bords  -,  le  test  est  presque  carré. 

Au  rapport  de  M.  Roux ,  leur  natation  est  vive  et  très 
bruyante ,  et  c'est  par  bonds ,  comme  les  langoustes ,  qu'ils 
l'exécutent.  Les  uns  se  tiennent  sur  les  terrains  argileux ,  à 
de  moyennes  profondeurs  ^  d'autres  n'habitent  que  les  profon- 
deurs rocailleuses.  Dans  la  saison  des  amours ,  ils  approchent 
des  endroits  où  croissent  les  ulves  et  les  fucus.  La  femelle 
n'abandonne  ses  œufs  que  lorsqu'ils  sont  développés.  La  chair 
de  ces  macroures  est  excellente.  Les  deux  seules  espèces  que 
l'on  trouve  dans  cette  mer  appartiennent  au  genre  scyllàre 
{scjllarus ,  Leàch)  proprement  dit,  distingué  des  deux  sui- 
vans  par  son  test ,  aussi  long  ou  plus  long  que  large ,  sans  inci- 
sions ,  et  près  des  angles  antérieurs  duquel  sont  logés  les 
yeux  -,  le  pénultième  article  des  deux  derniers  pieds  est  uni- 
denté  dans  les  femelles. 

Ces  deux  espèces  sont  le  S.  ours  (^arctus)  de  Fabricius, 
représenté  par  M.  Roux  [fasc.  m ,  pi.  IL  ) ,  et  le  S.  large 
{latuSy  Latr.)  ,  dont  on  trouvera  une  très  belle  figure  ,  accom- 
pagnée de  détails ,  dans  le  grand  ouvrage  sur  l'Egypte  (Crust., 
pi.  YIII).  Celle-ci  est  l'une  des  plus  grandes,  et  n'a  point, 
comme  la  précédente ,  d'arêtes  sur  le  test ,  ni  de  dents  aux 
crêtes  antennaires.  C'est  Xorchetta  de  Rondelet  5  sa  chair  est 
très  estimée. 


DEUXIÈME    FAMILLE.     MACROURLS.  '^'jS 

Dans  le  genre  thène  (thenus)  de  M.  Leach  ,  les  yeux  sont 
insérés  de  même-,  mais  le  test  est  plus  large  en  devant,  avec 
une  incision  profonde  de  chaque  côté. 

Ses  iBAcus  (ibacus)  diffèrent  des  précédens  par  leurs  yeux 
rapprochés  de  l'origine  des  antennes  intermédiaires. 

JNfous  avons  traité  amplement  de  ces  crustacés  dans  VEncj  - 
c/opédie  métliodique . 

CINQUIÈME  TRIBU. 
LANGOUSTINES    {PALINURINI). 

Elles  se  distinguent  des  scyllarides  par  leur  corps  proportion- 
nellement plus  étroit ,  plus  allongé  et  demi-cylindrique,  ainsi 
que  par  leurs  antennes  latérales  ,  qui  sont  fort  longues ,  séta- 
cées  et  hérissées  de  petites  épines.  Les  yeux  sont  moins  écartés 
et  situés  sous  des  saillies  anguleuses.  Les  femelles ,  de  même 
que  celles  de  la  tribu  précédente  ,  ont  une  dent  ou  ergot  à 
!     l'avant-dernier  article  des  deux  pieds  postérieurs. 

Cette  tribu  ne  comprend  encore  qu'un  seul  genre  ,  celui  de 
LANGOUSTE  ou  PALiNTjRE  (^palînurus  ^  Fâ.^.)  ,  qui  peut  le  dis- 
puter à  tous  les  autres  par  la  grandeur  des  espèces  ,  la  variété 
de  leurs  couleurs  et  d'autres  caractères  particuliers.  Personne 
i  n'ignore  qu'elles  sont  un  excellent  comestible  ,  mais  dont  les 
habitans  du  Nord  ne  peuvent  jouir,  ces  crustacés  ne  faisant 
plus  leur  séjour  au-delà  de  la  zone  tempérée,  et  préférant  les 
mers  des  contrées  inter-tropicales.  MM.  Victor  Audouin  et 
Milne  Edwards  ont  observé  que  tous  les  ganglions  thoraciques 
de  leur  système  nerveux  sont ,  pour  ainsi  dire  ,  soudés  bout  à 
.  bout,  caractère  qui  rapprocherait  ces  macroures  des  bra- 
cbyures  -,  et  nous  avons  vu ,  dans  nos  généralités  sur  la  liaison 
de  ces  deux  familles  ,  que  les  langoustines  étaient  presque  en 
télé  de  l'un  des  deux  embranchemens  par  lesquels  nous  com- 
mençons les  macroures.  Nous  renverrons  ,  quant  aux  espèces , 
à  l'article  Palinure  de  VEncjclopédie  méthodique. 


376        CRUSTACÉS.    —    PREMIER    ORDRE.    DÉCAPODES. 

TROISIÈME   SUBDIVISION. 

SIXIÈME  TRIBU. 
GALATHINES   {QALATHINM). 

Ecartant  de  notre  méthode  toute  coupe  générique  dont  les 
caractères  nous  paraissent  douteux  ou  de  peu  d'importance  , 
nous  nous  bornerons  à  l'exposition  succincte  de  trois  genres. 

Le  premier,  celui  de  porcellane  {porcellana)  de  Lamarck, 
se  présente  sous  l'aspect  d'un  véritable  brachyure.  Le  test  est 
en  effet  presque  carré  ou  suborbiculaire.  La  queue  est  tout- 
à-fait  repliée  en  dessous ,  mais  elle  est  pourvue  à  son  extré- 
mité de  ces  appendices  qui  sont  propres  aux  macroures.  Les 
antennes  mitoyennes  sont  logées  dans  des  fossettes  ^  le  corps 
est  très  aplati  ^  les  serres  se  terminent  par  une  grande  pince 
triangulaire  5  les  deux  pieds  postérieurs  sont  beaucoup  plus 
menus  que  les  précédens  ,  et  repliés  sur  eux-mêmes.  Il  semble 
dès-lors  que  ce  genre  se  lie  avec  les  brachyures.  Ces  espèces 
sont  fort  petites,  répandues  dans  toutes  les  mers,  et  se  tien- 
nent cachées  sous  les  pierres  littorales  ou  entre  les  plantes 
marines. 

Les  GALATHÉEs  [galuthea ,  Fab.)  ont  encore  des  pieds  pos- 
térieurs analogues  ;  mais  le  corps  est  allongé ,  avec  la  queue 
étendue  ,  du  moins  en  grande  partie ,  et  les  quatre  antennes 
saillantes.  Le  docteur  Leach  ,  qui  fait  de  ces  crustacés  une 
petite  famille  ,  celle  des  galatédées ,  a  institué  trois  nouveaux 
genres ,  qu'il  faudrait  ajouter  au  précédent  si  l'on  jugeait  con- 
venable de  les  admettre. 

Le  troisième  de  cette  tribu  ,  et  dont  il  est  encore  le  fonda- 
teur ,  celui  de  mégalope  (megalopus) ,  repose  sur  des  carac- 
tères moins  précaires.  Ici ,  la  cinquième  paire  de  pâtes  est 
semblable  en  tout  aux  précédentes.  Le  corps  est  plus  élevé  ; 
les  yeux  sont  fort  gros  \  la  queue  est  étroite  ,  et  ses  appendices 
postérieurs  ne  sont  composés  que  d'une  seule  lame. 

Le  genre  jawira  de  M.  Risso   ne  différerait  des  galalhées 


DEUXIÈME   lAMîLLE.    MACROURES.  877 

que  par  ses  pieds  postérieurs ,  dont  les  proportions  et  la 
forme  seraient  les  mêmes  que  celles  des  précédens. 

L'ouvrage  de  M.  Desmarest  vous  offrira  de  plus  nombreux 
détails ,  ainsi  que  la  description  des  espèces.  Nous  vous  indi- 
querons aussi  la  planche  VII ,  fig.  2  ,  classe  des  crustacés  de 
M.  Savigny  ,  et  le  quatrième  fascicule  des  crustacés  de  la  Mé- 
diterranée de  M.  Roux. 

Nous  arrivons  à  des  macroures  qui  ont  encore  plus  d'analo- 
gie que  les  précédens  avec  les  écrevisses  ,  soit  par  leurs  formes  , 
soit  par  leurs  habitudes ,  et  qui ,  d'autre  part ,  tiennent  de 
près  aux  paguriens  par  des  considérations  semblables,  n'im- 
porte que  ceux-ci  se  tiennent  dans  des  coquilles  :  ce  sont  tou- 
jours des  animaux  tubicoles.  Dans  la  seconde  édition  du  Règne 
animal  de  M.  Cuvier ,  nous  avions  compris  la  tribu  suivante 
dans  celle  des  astacins  ou  homards. 

QUATRIÈME  SUBDIVISION. 

SEPTIÈME  TRIBU. 
THALASSINIDES   {THALASSINIDES). 

Elle  est  formée  de  quatre  genres  (i)  ,  dont  les  deux  pre- 

1  miers  sont  distingués  des  deux  autres ,  en  ce  que  le  doigt  im- 

'  mobile  ou  l'index  de  leurs  serres  est  sensiblement  plus  court 

que  le  doigt  mobile  ,  ou  n'a  presque  que  la  forme  d'une 

dent. 

'I      Le  premier  genre  ,  celui  de  Gébie  {gebia,  Leach)  ,  n'offre 

;  que  deux  serres ,  celles  formées  par  les  deux  premiers  pieds  -, 

les  feuillets  des  nageoires  latérales  du  bout  de  la  queue  s'élar- 

;  gissent  de  la  base  au  bord  postérieur,  et  ont  des  arêtes. 

Dans  le  second  genre  ,  les  thalassines  (thalassina,  Latr.),^ 
ces  feuillets  sont  linéaires ,  unis  ,  et  les  quatre  pieds  antérieurs 
se  terminent  en  pince. 

Il  y  en  a  aussi  quatre  dans  les  deux  autres  genres^  mais  ici 
j  les  deux  doigts  sont  de  la  même  longueur  ou  forment  parfai- 

(i)  Fojez,  pour  d' autres  détails,  et  quant  aux  espèces,  MM.  Lcacli  et  Desmarest. 


37B        CRUSTACÉS.  PREMIBR    ORDRE.    DÉCAPODES. 

tement  la  pince  ,  de  sorte  qu'ils  peuvent  s'appliquer  longitu- 
dinalement  l'un  contre  l'autre. 

Dans  le  genre  callianasse  (^callianassa)  ,  l'une  des  deux 
serres  antérieures  est  beaucoup  plus  grande  que  l'autre  ,  et 
l'article  précédant  la  main  ou  la  pince  forme  avec  elle  un 
corps  commun  ^  les  pédicules  oculaires  ressemblent  à  de  pe- 
tites écailles  -,  les  deux  pieds  postérieurs  sont  presque  di- 
dactyles. 

Les  AxiES  {axius y  Leach)  ont  des  serres  presque  égales  ,  et 
où  l'article  précédant  la  pince  n'est  pas  réuni  avec  elle  \  les 
filets  des  antennes  mitoyennes  sont  plus  longs  que  leurs  pédon- 
cules ,  et  les  pieds  postérieurs  ressemblent  aux  précédens. 

Le  genre  des  thalassines  est  seul  exotique. 

DEUXIÈME  DIVISION. 

HUITIÈME  TRIBU. 
ASTACINES  ou  HOMARDIENS   {ASTACINI). 

Outre  que  les  six  premiers  pieds  ,  dont  les  deux  antérieurs 
beaucoup  plus  grands  ,  se  terminent  en  une  pince  didactyle, 
les  antennes  latérales  offrent  un  autre  caractère  en  ce  que 
leurs  pédoncules  ont  deux  saillies  en  forme  de  dents  ou  d'é- 
pines ,  ou  bien  qu'ils  sont  accompagnés  extérieurement  d'une 
grande  écaille  ,  mais  ne  les  recouvrant  pas ,  ce  qui ,  avec  la 
situation  sur  une  même  ligne  de  ces  antennes  et  des  inter- 
médiaires, distingue  cette  tribu  de  la  suivante.  Le  genre 
ÈRYON  [eryon)  ,  formé  par  M.  Desmarest  sur  un  crustacé  fos- 
sile ,  se  distingue  des  suivans  par  les  entailles  profondes  des 
côtés  du  test ,  les  deux  filets  de  ses  antennes  mitoyennes ,  qui 
sont  fort  courts ,  et  par  le  rétrécissement  postérieur  des  feud- 
lets  de  la  nageoire  caudale.  Il  se  rapproche  un  peu  des  scyl- 
lares.  Nous  séparerons  ensuite  des  autres  homardiens  ceux 
où  les  pédoncules  des  antennes  latérales  n'ont  que  de  petites 
saillies  en  forme  de  dents  ou  de  petites  écailles ,  dont  les  yeux 
ne  sont  ni  très  gros ,  ni  réniformes ,  et  dont  les  pinces  sont 
ovales,  sans  arêtes  ni  sillons  longitudinaux. Ceux-ci  conserve- 


DEUXIÈME    FAMILLE.    MACROURES.  S^Q 

ront  le  nom  générique  d'ÉcrxEvissE  (astacus).  Ceux  où  les  an- 
tennes latérales  ont,  sur  le  côté  extérieur  de  leur  pédoncule, 
une  grande  écaille  ,  dont  les  yeux  sont  très  gros  et  en  forme  de 
rein,  et  dont  les  pinces  sont  allongées,  prismatiques,  compo- 
sent le  genre  wephrops  (  nephrops  )  de  M.  Leach  ,  qui  a  pour 
type  le  cancer  nor^vegicus  de  Linné ,  mais  dont  le  nom  spé- 
cifique pourrait  être  changé  ,  cette  espèce  se  trouvant  non 
seulement  dans  les  mers  de  la  Norwége,  mais  encore  dans  la 
Méditerranée  ,  et  surtout  dans  la  mer  Adriatique  ,  où  Ton  en 
fait  une  assez  grande  consommation.  Aux  écrevisses  d'eau 
douce,  il  faut  y  joindre  celles  de  mer,  marz/zw^^  vulgaire- 
ment le  homard.  Les  précédentes  ont  le  dernier  segment  cau- 
dal coupé  transversalement  en  deux  par  une  suture.  En  sus 
de  l'espèce  commune  (  cancer  astacus ,  Linn.  ),  on  connaît 
TE.  de  Bartok  {Bartonii)^  propre  à  l'Amérique  septentrionale , 
I  et  une  autre  du  même  pays  ,  habitant  les  rizières ,  et  leur  nui- 
sant beaucoup  ,  à  ce  que  m'a  dit  un  très  bon  observateur  an- 
glo-américain ,  M.  Lecomte.  Notre  écrevisse  a  été  ,  pour  plu- 
sieurs naturalistes ,  le  sujet  de  leurs  études;  Rœsel  est  celui 
qui  s'est  le  plus  appesanti  sur  cet  objet.  Il  s'était  néanmoins 
trompé  à  l'égard  de  quelques  points  d'anatomie ,  erreur  déjà 
relevée  par  nous ,  et  qui  l'a  mieux  été  encore  par  MM.  Au- 
douin  et  Milne  Edwards.  On  sait  que  ce  crustacé  se  plaît 
plus  particulièrement  dans  les  eaux  vives,  qu'il  se  tient  dans 
des  trous  ou  sous  des  pierres ,   qu'il  est  très  carnassier,  se 
nourrissant  même  de  chairs  corrompues,  et  au  moyen  des- 
quelles on  le  surprend ,  soit  dans  des  filets ,  soit  dans  des 
fagots  d'épines  où  il  s'embarrasse  *,  qu'on  le  pêche  aussi  au 
j  flambeau-,  on  sait  encore  que  sa  mue  a  lieu  vers  la  fin  du 
printemps,  que  l'accouplement  se  fait  ventre  contre  ventre  5 
que  ses  œufs  ,  rassemblés  d'abord  en  tas  ,  adhèrent  aux  appen- 
dices sous-caudaux ,   au  moyen  d'une    liqueur   visqueuse  ; 
qu'ils  grossissent  avant  que  d'éclore  ,  et  que  les  petits  restent 
plusieurs  jours  sous  la  queue  de  la  mère  ,  afin  que  leurs  tégu- 
mens  prennent  une  certaine  consistance.  Nous  avons  parlé  de 
ces  deux  concrétions  pierreuses,  appelées  yeux  d'écne\^^^[^  T^\.' 


38o   CHUSTACES.  PREMIER  ORDRE.  l)ECA.PODES. 

qu'on  trouve  dans  leur  estomac  avant  la  mue ,  et  que  la  mé- 
decine employait  jadis.  La  vie  de  ces  animaux  se  prolonge 
au-delà  de  vingt  années  et  leur  taille  s'accroît  aussi  avec 
l'âge  ,  mais  très  faiblement  dans  les  derniers  temps.  Celle  du 
homard  est,  relativement  à  cette  classe,  presque  gigantesque, 
dans  les  individus  les  plus  vieux  ^  car  on  en  a  vu  qui  avaient 
près  de  trois  pieds  de  long.  Les  pinces  éprouvent  accidentel- 
lement des  déformations  monstrueuses.  M.  Odier  nous  a  fait 
connaître  une  annélide  parasite  de  l'écrevisse  d'eau  douce , 
formant  un  nouveau  genre ,  celui  de  branchiodelle, 

DEUXIÈME  SECTION. 

NEUVIÈME  TRIBU. 
SALIGOQUES    {CARIDES). 

Ce  sont  aussi  des  crustacés  comestibles ,  et  dont  quelques 
espèces  étant  salées,  sont  un  objet  d'exportation.  Leur  corps 
est  arqué  ,  comme  bossu  ,  et  ses  tégumens  sont  si  faibles  dans 
quelques  espèces ,  que  l'on  n'est  pas  obligé  d'enlever  l'écaillé 
de  leur  test ,  et  que  Ton  se  contente  de  les  presser  sous  la 
dent  ou  de  les  sucer.  Le  front  se  prolonge  en  avant  en  manière 
de  bec  ou  de  rostre.  Les  antennes  sont  toujours  avancées ,  et 
les  latérales  sont  ordinairement  fort  longues  et  toujours  com- 
posées ,  ainsi  que  les  intermédiaires  ou  les  supérieures ,  d'un 
grand  nombre  d'articles.  Les  yeux  sont  très  rapprochés.  Les 
pieds-mâchoires  antérieurs  ,  et  quelquefois  même  les  intermé- 
diaires, sont  étroits  et  allongés  dans  certains  genres  ,  de  sorte 
qu'ils  ressemblent  à  des  pâtes  et  en  font  même  l'office.  Sou- 
vent les  mandibules  sont  arquées  et  rétrécies  à  leur  extrémité. 
L'une  des  deux  premières  paires  de  pieds  est  doublée  ou  pliée 
sur  elle-même  dans  plusieurs.  Les  segmens  de  la  queue  sont 
dilatés  ou  élargis  sur  les  côtés  -,  le  dernier  est  allongé ,  va  en 
se  rétrécissant ,  et  a  en  dessus  des  rangées  de  petites  épines. 
Les  appendices  sous-caudaux ,  ou  les  fausses  pâtes ,  sont  la- 
melliformes. Le  feuillet  extérieur  des  deux  nageoires  latérales 
du  bout  est  toujours  divisé  en  deux  par  une  suture,  comme 


DEUXIÈME    FAMILLE.    MACROURES.  38 1 

dans  quelques  crustacés  des  dernières  divisions.  Quelques 
espèces  offrent  sur  l'un  des  côtés  de  leur  test  une  grosseur 
ou  loupe ,  formée  par  une  boursouflure  de  cette  pièce  ,  et 
sous  laquelle  est  un  autre  crustacé  parasite  du  genre  bopjre. 

Une  première  division  se  composera  des  salicoques ,  dont  les 
deux  ou  quatre  pieds  postérieurs  ne  manquent  point ,  ou  ne 
sont  point  très  raccourcis  et  rudimentaires  5  dont  deux  au 
moins  des  quatre  antérieurs  se  terminent  en  pince  ,  et  dans  les- 
quels les  deux  pieds-mâchoires  extérieurs  au  plus  peuvent  être 
assimilés,  par  leur  forme  et  leur  usage,  aux  pieds  thoraciques. 

Je  placerai  en  tête  de  cette  division  les  salicoques  ,  qui ,  par 
le  nombre  de  leurs  serres  ,  tiennent  de  plus  près  aux  derniers 
macroures,,  ou  les  genres  dont  les  six  pieds  antérieurs  sont 
didactyles  :  ce  sont  ceux  de  péinée  (pejiœus ,  Fab.)  ,  de  si- 
CYONiE  (sicjonia,  Edvvt.  )  et  de  stéjvope  (stejiopus  ,  Latr.). 
Leurs  antennes  mitoyennes  n'ont ,  dans  tous ,  que  deux  tiges 
ou  filets ,  et  la  longueur  des  serres  s'accroît  progressivement 
en  allant  de  devant  en  arrière.  Dans  les  deux  premiers,  aucun 
article  des  pieds  n'offre  de  divisions  annulaires.  Ces  organes 
sont  de  longueur  ordinaire  ,  et  les  tégumens  sont  assez  solides. 
Les  pénées  ont  une  lame  elliptique  à  la  base  des  pieds  ,  et  les 
appendices  sous-caudaux  en  ont  deux  à  leur  extrémité.  Il  n'y 
en  a  qu'une  aux  mêmes  appendices ,  dans  les  sicyonies  ,  et  la 
base  des  pieds  n'en  offre  point.  Les  deux  avant-derniers  ar- 
ticles des  quatre  derniers  sont  annelés  dans  les  sténopes.  Tous 
leurs  pieds  ,  ainsi  que  les  quatre  antennes  ,  sont  fort  longs , 
et  leur  corps  est  mou. 

Les  autres  salicoques  ont  au  plus  quatre  pinces  didactyles. 

Nous  citerons  d'abord  les  genres  dont  les  antennes  inter- 
médiaires sont  terminées  par  trois  filets. 

1°.  Les  PALÉMONs  (palœmon,  Fab.),  qui  comprennent 
plus  particulièrement  ces  crustacés  qu'on  nomme  sur  nos 
côtes  crevettes  et  salicoques.  Le  carpe  est  inarticulé  ;  les 
quatre  pieds  antérieurs  sont  terminés  en  pince  didactyle^  ceux 
de  la  seconde  paire  sont  les  plus  grands  de  tous ,  et  ceux  de 
la  première  sont  repliés. 


382         CRDSTACÉS.  PREMIER    ORDRE.    DÉCAPODES. 

2°.  Les  LYSMATEs  {Jysmata,  Riss.) ,  où  le  carpe  est  articulé 
ôu  annelé  ,  ayant  d'ailleurs ,  ainsi  que  les  palémons ,  quatre 
paires  de  serres ,  dont  la  seconde  plus  grande. 

3°.  Les  ATHANAs  {athanas ,  Leach  ).  Semblables  pour  le 
carpe  et  le  nombre  des  serres ,  mais  dont  la  première  paire 
est  la  plus  forte. 

Viendront  maintenant  les  genres  dont  les  antennes  mi- 
toyennes ou  supérieures  n'ont  que  deux  filets. 

Les  uns  n'offrent  aucun  appendice  sétiforme  à  la  base  ex- 
térieure de  leurs  pieds.  Ces  organes  ne  sont  point  très  grêles, 
et  le  corps  n'est  point  fort  allongé  ni  très  mou. 

Quelques  genres  se  détacbent ,  au  premier  coup  d'œil  des 
autres,  par  la  forme  bizarre  ou  anomale  de  leurs  quatre  pieds 
antérieurs.  C'est  ainsi  que  dans  les  atyes  (atja  ,  Leach)  ils  se 
terminent  par  une  pince  fendue  jusqu'à  sa  base  ,  comme  si 
elle  était  formée  de  deux  doigts  réunis  à  leur  naissance  et 
précédée  d'un  article  lunule.  C'est  ainsi  encore  que  dans  les 
PROCESSES  [processa)  de  M.  Leach,  ou  les  nika  de  M.  Risso, 
l'un  des  deux  pieds  antérieurs  est  simple  et  l'autre  didactyle, 
et  que  l'un  des  deux  suivans ,  mais  terminés  aussi  par  deux 
doigts  ,  est  beaucoup  plus  long  que  l'autre  ,  avec  le  carpe  et 
l'article  précédent  annelés.  Un  troisième  genre ,  pareillement 
anomal ,  sous  le  rapport  des  mêmes  pieds  ,  est  celui  d'nYMÉ- 
NOCÈRE  ( /y^me/zocera  ^  Latr.)-,   les  deux  premiers  sont  ter- 
minés par  un  long  crochet,  bifide  au  bout^  les  deux  suivans 
sont  fort  grands  :  leurs  mains,  le  doigt  fixe  ,  et  la  tige  su- 
périeure des  antennes  mitoyennes  sont  membraneux  et  comme 
foliacés.  Les  pieds-mâchoires  extérieurs  offrent  le  même  ca- 
ractère  et  recouvrent  la  bouche.  Tels  sont  aussi  ceux  des 
GNATHOPHYLES  [gnathophjllum ,  Latr.).  Mais  ici  les  quatre 
pieds  antérieurs  ne  sont  plus  disparates.  Ils  ont  la  forme  de 
serres  didactyles  sans  aucune  articulation  au  carpe;  les  se- 
conds sont  plus  grands  que  les  premiers.  Nous  rentrons  main- 
tenant dans  la  série  des  genres  normaux. 

Commençons    par  l'exposition   de    ceux   dont  les   quatre 
pieds  antérieurs  finissent  en  une  pince  très  distinctement  et 


DEUXIÈME    FAMILLE.    MACROURES.  383 

parfaitement  didactyle.  Les  alphées  (  alpheus ,  Fab.  }  ,  où  les 
seconds  sont  plus  courts  que  les  premiers ,  et  où  le  carpe  est 
annelé.  Les  b.ivvoi.^t:es  (hippoljte ^  Leach)  ,  qui  n'en  dif- 
fèrent qu'en  ce  que  ceux-ci  sont  au  contraire  plus  courts. 
Les  poNTONiEs  (pontonia ,  Leach  )  ,  à  carpe  inarticulé. 

Voyons  maintenant  les  genres  qui  ont,  soit  les  quatre  pieds 
antérieurs  terminés  en  pince  ,  mais  où  elle  est  imparfaite 
aux  deux  premiers  ,  c'est-à-dire  où  l'index  est  fort  court,  en 
forme  d'une  simple  dent,  soit  deux  de  ces  pieds  seulement 
très  distinctement  didactyles ,  et  les  deux  autres  simples  ou  à 
peine  bifides. 

Le  genre  crangow  [crangon)  de  Fabricius  nous  présente 
tm  exemple  du  premier  de  ces  cas  -,  les  deux  pieds  antérieurs 
sont  notablement  plus  robustes  que  les  suivans  ,  et  terminés 
par  une  pince  assez  forte ,  mais  dont  le  doigt  fixe  est  fort 
court  comparativement  au  pouce  ou  doigt  mobile,  et  en  forme 
de  dent;  les  seconds  sont  repliés ,  et  plus  ou  moins  distinctement 
bifides  ou  didactyles  :  aucun  des  articles  n'est  annelé.  La 
saillie  frontale  est  très  courte.  Les  égéons  de  M.  Risso  ,  ou 
les  pontopJiiles  de  M.  Leach  ,  ont  les  seconds  pieds  plus 
courts  que  les  troisièmes  ,  et  les  plus  petits  de  tous.  Dans  le 
genre  auquel  ils  conservent  le  nom  de  crangon ,  ces  quatre 
pieds  sont  d'égale  longueur  ,  de  même  que  les  deux  derniers 
articles  des  pieds-mâchoires  extérieurs. 

Les  deux  genres  suivans  ne  nous  montrent  bien  distincte- 
ment que  deux  pieds  didactyles.  Les  premiers ,  ou  les  se- 
conds, sont  simples  comme  les  autres ,  ou  à  peine  bifides. 

Dans  les  autonomées  [aulonomea ,  Riss.  )  ce  sont  les  deux 
antérieurs  qui  finissent  en  pince  didactyle  ;  et  ce  sont  les 
seconds  dans  les  pawdales  (  pandalus  ^IjEAcq  ).  Ils  sont  plus 
longs ,  d'inégale  longueur,  avec  le  carpe  et  l'article  précédent 
annelés.  Les  pieds-mâchoires  extérieurs  sont  grêles  et  très 
longs,  du  moins  dans  quelques. 

Enfin  le  dernier  genre  des  salicoques ,  n'ayant  au  plus  que 
quatre  serres,  celui  de  vksivu At  (pasiphae ,  Skyig.),  est  re- 
marquable par  son  corps  très  mou  ,  fort  long  et  très  com- 


384   CRUSTACÉS.  —  PREMIER  ORDRE.  DECAPODES. 

primé;  par  ses  pieds  munis  à  leur  base  extérieure  d'un 
appendice  sétiforme  ,  et  qui  tous ,  à  l'exception  des  quatre 
antérieurs  et  en  pince  didactyle,  sont  très  grêles  et  filiformes. 
Le  museau  et  fort  court.  M.  Risso  a  décrit  la  seule  espèce 
connue  sous  les  noms  à'alphée  swado. 

Tous  ces  genres  sont  exposés  dans  l'ouvrage  de  M.  Desma- 
rest  et  dans  le  Règne  animal  de  M.  Cuvier,  seconde  édition. 

Notre  seconde  et  dernière  division  des  salicoques  ,  et  dont 
on  pourrait  former  une  nouvelle  tribu  ,  comprendra  deux 
genres  établis  dernièrement  par  M.  Milne  Edwards.  Ici  les 
deux  dernières  paires  de  pieds-mâchoires  sont  transformées 
en  véritables  pieds  ambulatoires ,  et  sont  toutes,  comme  eux, 
grêles,  filiformes,  et  terminées  en  pointe.  Tantôt  les  quatre 
derniers  pieds  thoraciques  sont  très  courts  et  les  deux  posté- 
rieurs même  presque  rudimentaires  ,  comme  dans  le  genre 
SERGESTE  (^sergcstes)  ;  tantôt  ces  quatre  pieds  manquent  tout- 
à-fait  ,  comme  dans  celui  d'AcÈTE  (^acetes  ).  Aucun  des  pieds 
n'offre  d'appendice  à  sa  base.  Ces  genres  ont  été  publiés  , 
avec  figures  ,  dans  le  tome  dix-neuvième  ,  pag.  333  et  suiv., 
des  Annales  des  Sciences  naturelles. 

TROISIÈME  SECTION. 

DIXIÈME  TRIBU. 
COLÉOPODES    (COLEOPODA), 

Dans  la  seconde  édition  du  Règne  animal  de  M.  Cuvier 
nous  avons  conservé  la  tribu  des  schizopodes ,  que  nous 
avions  établie  dans  la  première.  Mais,  outre  que  plusieurs 
genres  de  salicoques  se  rapprochent  des  derniers ,  par  l'ap- 
pendice que  Ton  observe  à  la  base  de  leurs  pâtes ,  et  que  le  \ 
caractère  de  cette  dernière  tribu  devient  ainsi  équivoque  ,  les 
observations  récentes  de  M.  Milne  Edwards  nous  obligent  à 
reporter  ailleurs  les  mysis  et  les  nébalies  (i)  ,  genres  qui  en 

(0  ^^*  genres  ,  et  plusieurs  autres  crustacés  des  ordres  suivaus,  ont  été  figures  et 
décrits  par  par  Tilésius  ,  dans  la  relation  du  voyage  de  l'amiral  russe  Krusensteru 


1 


CRUSTACÉS.  —    DEUXIÈME    ORDRE.    STOMAPODES.    385 

faisaient  partie  5  sur  les  trois  autres ,  dont  cette  tribu  se 
composait  avec  les  précédens ,  deux ,  ceux  de  mulcion  et 
de  zoe ,  méritent  un  nouvel  examen  ,  que  nous  n'avons  pas 
été  à  portée  de  faire.  Celui-ci  devrait  même  être  totalement 
supprimé  ,  suivant  M.  Thompson ,  puisqu'il  aurait  été  uni- 
quement formé  sur  des  larves  du  cancej-  pagurus  -,  mais  cette 
opinion  a  grand  besoin  d'être  étayée  par  des  expériences  po- 
sitives ,  si  toutefois  elle  n'est  pas  erronée ,  ainsi  que  le  pense 
M.  Edwards.  Ce  naturaliste  ,  accoutumé  à  bien  observer  et  à 
ne  négliger  aucun  détail,  se  propose  d'éclaircir  ce  sujet, 
d'après  des  individus  que  l'on  possède  au  Muséum  ,  et  qui  ont 
été  recueillis  par  le  docteur  Reynaud.  La  tribu  des  schizopodes 
se  trouve  ainsi  réduite  au  seul. genre  cryptope  {cjyptopus), 
et  cette  coupe  offrant  néanmoins  des  caractères  qui  la  distin- 
guent nettement  des  salicoques  ,  je  l'ai  conservée,  dans  son 
!  isolement ,  mais  en  changeant  la  dénomination  de  la  tribu  ,  et 
en  lui  en  donnant  une  plus  appropriée  aux  formes  particulières 
de  ce  genre  ,  celle  de  coléopodes ,  parce  que  le  test  sert  comme 
d'étui  ou  de  gaine  aux  pâtes  \  il  est  presque  ovoïde ,  renflé , 
replié  inférieurement  sur  les  côtés,  de  manière  à  recouvrir 
aussi  une  bonne  partie  du  dessous  du  corps,  et  ne  laisser 
entre  ses  bords  rapprochés,  qu'un  vide  étroit,  ou  une  fente 
longitudinale  5  les  antennes  latérales  sont  accompagnées  , 
ainsi  que  dans  les  salicoques ,  d'une  écaille  \  les  yeux  sont 
gros  et  écartés^  les  pâtes  sont  en  forme  de  lanières,  allant  en 
pointe  ,  et  ont  à  leur  base  un  appendice  latéral. 


DEUXIÈME  ORDRE. 

STOMAPODES  {STOMAPODA), 

Nous  le  diviserons  en  trois  familles ,  les  caridioïdes  ,  les 
xjwicuiiiAssÉs  et  les  bicuirassés.  » 


autour  du  monde.  Nous  regrettons  que  l'extrême  concision  et  le  plan  de  notre  ou- 
j  vrage,  ainsi  que  la  pénurie  d'objets,  ue  nous  aient  point  permis  de  le  citer. 

25 


ï 


386       CRUSTACÉS.   DEUXIÈME    ORDRE.    STOMAPODES. 

PREMIÈRE  FAMILLE. 

GARIDIOIDES    {CARIDIOI DES). 

Par  leur  test  sans  divisions ,  leurs  antennes  latérales  accom- 
pagnées d'une  écaille,  les  mitoyennes  terminées  par  deux 
filets,  leurs  yeux  et  généralement  par  la  forme  du  corps  ,  ces 
crustacés  se  rapprochent  beaucoup  des  salicoques ,  et  c'est 
même  dans  cette  dernière  tribu  que  nous  avions  d'abord  placé 
le  genre  mysis  \  toutes  les  pâtes  sont  grêles ,  filiformes ,  comme 
divisées  en  deux  branches ,  dès  leur  base  ,  et  paraissent  ainsi 
former  quatre  rangs  d'appendices  locomotiles. 

Les  uns  ont  leurs  branchies  situées  à  la  base  de  ces  organes 
et  en  forme  de  panache.  Ce  sont  les  thysanopodes  (^thysano- 
poda)  de  M.  Milne  Edwards.  Les  autres  n'en  présentent  au- 
cun vestige  ,  et  tels  sont  les  mysis  (mysis).  Les  œufs  sont  ras- 
semblés dans  une  poche,  à  l'extrémité  postérieure  du  thorax, 
entre  les  dernières  pâtes.  Le  genre  lucifer  de  M.  Thomp- 
son est  de  cette  famille  -,  mais  n'ayant  vu  aucun  individu ,  je 
n'en  donnerai  point  le  caractère. 

DEUXIÈME  FAMILLE. 

UNIGUIRASSÉS    {UNIP ELTATA). 

Cette  famille,  que  j'avais  d'abord  nommée  squil/aj^es ,  et 
que  des  naturalistes  anglais  appellent  squillades ,  comprend 
le  genre  squilla  de  Fabricius ,  qu'il  est  facile  de  reconnaître 
aux  caractères  suivans  :  Le  test ,  en  forme  de  quadrilatère  al- 
longé, ordinairement  plus  large  et  libre  postérieurement,  est 
divisé  antérieurement  en  deux  parties  très  inégales  *,  l'anté- 
rieure, terminée  en  pointe,  ou  précédée  d'une  petite  plaque 
finissant  de  même ,  porte  les  antennes  mitoyennes,  terminées 
par  trois  filets  et  deux  yeux  très  rapprochés  portés  sur  de 
courts  pédicules.*  Les  antennes  latérales  ont  une  écaille  à  leur 
base.  Sur  chaque  mandibule  est  un  palpe  relevé.  Les  appen- 
dices répondans  aux  pieds-mâchoires,  et  dont  les  seconds  très 


dilUxïème  famille,  unicuirassés.  387 

grands,  et  les  quatre  pieds  antérieurs,  sont  très  rapprochés  de 
la  bouche,  sur  deux  hgnes  convergentes  postérieurement ,  en 
forme  de  serres,  avec  un  seul  doigt  mobile  et  replié.  Tous 
ces  organes,  les  seconds  pieds  exceptés,  ont  extérieurement, 
à  leur  origine  ,  une  petite  vessie  pédiculée.  Les  autres  pieds , 
au  nombre  de  six ,  sont  terminés  par  une  brosse  et  ne  servent 
qu'à  nager;  leur  troisième  article  offre  à  sa  base  un  appendice 
linéaire.  Le  corps  est  étroit  et  allongé ,  avec  des  tégumens 
minces  ou  peu  solides.  Les  branchies  sont  à  découvert  et 
adhérentes  aux  cinq  paires  d'appendices  inférieurs  de  l'ab- 
domen ,  dont  la  nageoire  terminale  est  souvent  épineuse  ou 
dentée. 

Le  système  de  la  circulation ,  comparé  à  celui  des  déca- 
podes ,  présente  déjà  un  changement  notable.  Le  cœur  est  al- 
longé ,  semblable  à  un  gros  vaisseau ,  et  se  termine  postérieure- 
ment près  de  l'anus  ;  ses  parois  sont  minces  et  presque  mem- 
braneuses; sa  face  supérieure  ne  produit  aucune  artère,  mais 
ses  côtés  en  donnent  un  grand  nombre  ,  et  dont  chaque  paire 
paraît  répondre  à  chaque  segment  du  corps,  à  commencer  aux 
pieds-mâchoires  extérieurs.  Cinq  paires  de  vaisseaux,  et  que 
M.  Milne  Edwards  prend  pour  les  analogues  des  canaux 
branchio-cardiaques  des  décapodes ,  se  rendent  au  cœur.  Un 
canal  central  situé  au-dessous  du  foie  et  de  l'intestin,  reçoit 
le  sang  veineux  qui  y  afflue  de  toutes  les  parties  du  corps  ;  au 
niveau  de  chaque  segment  portant  les  pieds-nageoires  et  les 
branchies  ,  il  jette  de  chaque  côté  un  rameau  latéral,  se  ren- 
dant à  la  branchie  située  à  la  base  du  pied-nageoire  corres- 
pondant. Les  vaisseaux  afFérens  ou  internes  des  branchies , 
qui  ici  forment  des  houppes  en  panache,  se  continuent  avec 
les  canaux  branchio-cardiaques ,  ne  sont  plus  logés  dans  des 
cellules,  gagnent  le  bord  antérieur  de  l'anneau  précédent ,  et 
vont  se  terminer  à  la  face  supérieure  du  cœur,  près  de  la  ligne 
médiane.  D'ailleurs ,  plus  de  sinus  veineux  latéraux ,  ainsi  que 
dans  les  ordres  suivans.  Le  cordon  médullaire  ne  présente  , 
outre  le  cerveau,  que  dix  ganglions  ,  dont  l'antérieur  fournit 
ks  nerfs  des  parties  de  la  bouche  ,  les  trois  suivans  ceux  des 


388       CRUSTACES.  DEUXIEME    ORDRE.     STOMAPODES. 

six  pieds  natatoires,  et  les  six  derniers  ceux  de  l'abdomen. 
L'estomac  est  petit  et  n'a  que  de  très  petites  dents,  rangées  sur 
des  lignes  transverses  et  parallèles.  Il  est  suivi  d'un  intestin 
grêle,  droit,  régnant  dans  toute  la  longueur  de  l'abdomen , 
avec  des  lobes  glanduleux ,  sur  les  côtés ,  paraissant  tenir  lieu 
du  foie  j  un  appendice  en  forme  de  rameau ,  inséré  à  la  base 
interne  des  deux  pieds  postérieurs ,  est  présumé  l'indicateur 
du  sexe  masculin. 

Celte  partie  postérieure  du  corps  qu'on  nomme  queue, 
renfermant  une  grande  portion  du  cœur  et  de  l'intestin  ,  ainsi 
que  les  organes  respiratoires,  diffère  ainsi  beaucoup  de  la 
queue  des  décapodes,  et  représente  réellement  l'abdomen  des 
aranéides  et  des  insectes. 

Les  Grecs  désignaient  ces  crustacés  sous  le  nom  de  cragon 
et  crangines.  Sur  les  côtes  de  la  Méditerranée,  ils  sont  ap- 
pelés mantes  de  mer  ou  préga-diou  ,  parce  que  deux  de  leurs 
pieds,  les  plus  grands  de  tous  et  terminés  par  un  grand  doigt, 
en  forme  de  griffe  ou  de  crocbet  plus  ou  moins  denté  ,  res- 
semblent aux  deux  pieds  antérieurs  et   pareillement   ravis- 
seurs, des  insectes  nommés  mantes.  Les  pécheurs  de  la  Pro- 
vence les  appellent  aussi  ^«/ero,  qui  veut  dire,  selon  M.  Roux, 
mille -pâtes  ,  scolopendre»  Ces  animaux  se  tiennent  dans  des 
profondeurs  de  trente  à  quarante  mètres ,  et  fréquentent  les 
lieux  fangeux  ou  sablonneux,  où  ils  se  nourrissent,  à  ce  que 
l'on  dit ,  d'annélides  et  d'actinies.  La  réunion  des  sexes  a  lieu  au 
printemps.  M.  Risso  dit  que  les  femelles  portent  leurs  œufs  sous 
les  appendices  abdominaux-,  mais  quoique  j'aie  vu  un  grand 
nombre  d'individus,  je  n'en  ai  jamais  observé  un  seul  portant 
des  œufs.  On  les  dit  d'un  caractère  craintif.  Leur  mode  de 
natation  est  semblable  à  celui  des  homards  ^  mais  ils   font 
moins  d'usage  de  leurs  pieds  pour  se  traîner.  Ils  sont  inconnus 
dans  les  mers  du  nord ,  et  plus  abondans  dans  celles  des  con- 
trées équatoriales. 

Les  uns ,  dont  le  test  est  plus  épais ,  ont  au-dessus  de  l'ar- 
ticulation portant  les  antennes  mitoyennes ,  une  petite  plaque 
triangulaire.  Ce  test  ne  recouvre    point  antérieurement  le 


DEUXIÈME    FAMILLE.    UNICUIRASSÉS.  889 

ihorax,  et  ne  se  replie  point  latéralement  pour  envelopper 
une  partie  du  dessous  du  corps.  Ils  forment ,  dans  notre  mé- 
thode, trois  genres,  mais  que  l'on  peut  réduire  à  deux.  Celui 
de  sQuiLLE  (squilla),  dont  le  corps  est  presque  demi-cylin- 
drique ,  avec  les  appendices  latéraux  des  pieds  natatoires  sty- 
liformes  ou  linéaires-,  et  celui  de  coronis  {coronis  y  Latr.),oii 
le  corps  est  très  étroit ,  déprimé  ,  avec  les  mêmes  appendices 
en  forme  de  palette. 

On  trouve  dans  la  Méditerranée  diverses  espèces  de  squilles. 
La  plus  grande  et  la  plus  répandue  est  celle  qui  a  reçu  le 
nom  de  mante  {cancer  mantis,  Likn.);  elle  est  longue  d'en- 
viron sept  pouces.  Ses  grandes  serres  ont  à  leur  base  trois 
épines  mobiles ,  et  leurs  griffes,  ou  le  doigt  mobile  et  termi- 
nal ,  offrent  six  dents  longues  et  acérées  ,  dont  celle  du  bout 
plus  forte.  Les  segmens  du  corps  ,  le  dernier  excepté,  ont  six 
lignes  élevées  terminées  pour  la  plupart  en  une  pointe  aiguë. 

M.  Risso  en  a  dédié  une  espèce  à  M.  Desmarest  ,  et 
M.  Roux  a  donné  le  nom  de  l'un  de  nos  plus  habiles  ingé- 
nieurs de  la  marine  et  très  versé  dans  l'entomologie ,  M.  de 
Cerisy,  à  une  autre  (  Crust.  de  la  Méditerr.^  fasc.  i.  pi.  V), 
Vojez  encore,  dans  le  même  ouvrage  (pi.  XX\III),  celle 
qui  porte  le  nom  de  M.  le  baron  de  Férussac ,  bien  digne  de 
cet  hommage  ,  par  son  zèle  pour  le  progrès  des  sciences. 

Les  autres  crustacés  de  cette  famille  ont  un  test  très  mince, 
diaphane,  se  repliant  latéralement  en  dessous,  et  formant  une 
sorte  d'étui ,  prolongé  en  pointe  antérieurement  et  recou- 
vrant tout  le  thorax.  C'est  mon  genre  ericthe  [erlcthus)^ 
celui  de  smerdis  de  M.  Leach ,  et  dont  un  autre  qu'il  a  nommé 
alima  diffère  peu. 

TROISIÈME  FAMILLE. 

BICUIRASSÉS    {BIPELTATA), 

Un  corps  très  aplati ,  presque  aussi  mince  qu'une  feuille  de 
papier  ,  transparent ,  divisé  en  trois  parties  dont  les  deux 
premières  ,  l'antérieure  surtout ,  beaucoup  plus  grandes  ,  en 


390        CRUSTACÉS.   DEUXIÈME    ORJDKE.    STOMAPODES. 

forme  de  boucliers,  dont  le  premier,  ovale,  ou  arrondi,  com- 
pose la  tête  j  dont  le  second,  plus  ou  moins  semi-circulaire  ou 
lunule,  transversal,  porte  sur  ses  bords  anguleux  des  mâchoires 
(les  seconds),  deux  pieds-mâchoires  (les  premiers)  rudimen- 
taires ,  quatorze  pieds ,  y  compris  les  quatre  derniers  pieds- 
mâchoires  ,  généralement  fort  longs  ,  filiformes,  avec  un  ap- 
pendice à  leur  base  ;  et  dont  la  troisième  partie  du  corps ,  fort 
petite,  presque  triangulaire  ,  en  forme  de  queue,  a  en  dessous 
deux  rangées  d'appendices  natatoires-,  absence  de  branchies  et 
de  palpes  mandibulaires  :  tels  sont  les  traits  les  plus  caractéris- 
tiques de  cette  famille  ,  qui  n'est  encore  composée  que  d'un 
seul  genre  ,  celui  de  phyllosome  [phjllosoma ,  Leach  )  ,  ou 
corps  en  feuille.  Si  les  crustacés  de  la  précédente  représentent 
les  mantes ,  ceux-ci  sont  à  leur  tour  les  analogues  d'un  genre 
voisin  du  précédent,  celui  des  phyllies.  Les  antennes  sont  pe- 
tites-, les  latérales  plus  ou  moins  longues,  d'une  seule  pièce 
dans  les  uns  ,  de  six  articles  dans  les  autres,  n'ont  point  d'é- 
caille  à  leur  base  ,  et  les  mitoyennes  sont  divisées  au  bout  en 
deux  filets.  Les  pédicules  oculaires  sont  souvent  grêles  et 
allongés.  Les  quatre  premiers  pieds,  ceux  qui  représentent 
les  deux  dernières  paires  de  pieds-mâchoires ,  sont  compo- 
sés de  plusieurs  articles  ,  et  l'appendice  de  leur  base  n'est 
quelquefois  que  rudimentaire.  Les  autres  pieds  sont  généra- 
lement fort  longs  ,  divisés  en  quatre  articles  et  ordinairement 
terminés  par  un  ongle  crochu  ;  les  postérieurs  sont  très  courts 
dans  quelques  espèces.  La  bouche  est  tantôt  située  au  milieu 
du  premier  bouclier,  tantôt  un  peu  plus  bas. 

«  Les  crustacés  les  plus  extraordinaires ,  disent  MM.  Quoy 
et  Gaymard  ,  sont ,  sans  contredit ,  les  phyllosomes.  Nous  en 
vîmes  ,  pour  la  première  fois,  en  novembre  18 ly,  par  5°  de 
latitude  et  56°  de  longitude  à  l'ouest  de  Paris  ,  en  allant  des 
Canaries  au  Brésil.  Nous  crûmes  être  les  premiers  à  les  faire 
connaître,  et  leur  configuration  nous  détermina  à  les  nommer 
Ijroïdes ,  ne  sachant  pas  alors  que  M.  Leach  venait  de  former 
le  genre  qui  nous  occupe.  Nous  ignorions  aussi,  avec  M.  Leach 
lui-même  ,  que  dès  1781  ,  dans  un  journal  allemand  intitulé 


TROISIÈME    FAMILLE.    BICUIRASSÉS.  39 1 

Naturforscher  (  le  Naturaliste  )  ,  une  espèce  qui  appartient 
bien  certainement  à  ce  genre  ,  avait  été  décrite  et  figurée 
par  Jean  Reinhold  forster,  sous  le  nom  de  cancet  cassicleus.  » 
[p^ojez  tom.  YI.  i6*  ch.  p.  206.  pi.  Y.  ) 

«  Depuis  nous  avons  retrouvé  ces  animaux  dans  plusieurs 
mers  :  aux  environs  de  la  Nouvelle-Guinée,  par  2°  de  lati- 
tude nord,  en  janvier  1819;  dans  le  grand  Océan  austral  , 
par  18°  de  latitude  sud,  et  près  des  îles  des  Amis,  dans  le 
mois  d'octobre  de  la  même  année.  Yivans ,  ils  sont  transpa- 
rens  dans  toutes  leurs  parties  comme  du  cristal ,  les  yeux  ex- 
ceptés ,  qui  sont  bleu  de  ciel;  ce  qui  fait  qu'il  est  impossible 
d'en  donner,  sous  le  rapport  de  la  couleur,  une  figure  rigou- 
reusement exacte.  La  teinte  jaunâtre  de  ceux  qu'on  a  dans 
les  collections  est  occasionnée  par  l'alcool  ou  par  la  dessicca- 
tion. Il  est  vrai  aussi  que  par  ce  moyen ,  on  aperçoit  quel- 
ques parties  de  leur  organisation  ,  qui,  dans  l'état  naturel, 
sont  invisibles  et  confondues  dans  la  transparence  générale , 
comme  les  muscles  des  pâtes  et  quelques  canaux  latéraux  qui 
aboutissent  au  canal  longitudinal  (ce  qu'on  peut  bien  voir 
sur  l'individu  qui  est  dessiné  dans  la  pi.  LXXXII,  fig.  i,  de 
l'Atlas  de  notre  voyage).  On  voit  quelquefois  circuler  dans 
ces  détours  une  espèce  de  sanie  blanchâtre ,  et  nous  y  avons 
remarqué  de  petits  points  rouges.  Nous  ne  connaissons  rien 
des  mœurs  de  ces  animaux ,  qui  sont  condamnés  ,  par  leur 
fragilité  ,  à  fuir  les  côtes  pour  vivre  au  milieu  des  flots.  Ceux 
que  notre  filet  nous  amenait  encore  en  vie  avaient  des  mou- 
vemens  excessivement  lents ,  bien  différens  en  cela  des  agiles 
alimens ,  qui ,  transparens  comme  eux ,  s'agitaient  et  nageaient 
avec  vitesse  dans  le  vase  qui  les  recevait.  » 

M.  Guérin  a  fait  une  étude  spéciale  de  ces  singuliers  crus- 
tacés, et  en  a  présenté  à  l'Académie  des  Sciences  une  mono- 
graphie ,  dont  il  a  publié  un  extrait  dans  le  Bulletin  des 
Sciences  naturelles  de  M.  le  baron  de  Férussac  (nov.  1829). 
M.  Milne  Edwards  s'en  est  pareillement  occupé  ,  et  nous 
avions  nous-méme  traité  ,  avant  eux  ,  le  même  sujet.  M.  Risso 
eu  avait  découvert  une  espèce  dans  la  Méditerranée,  dont 


3i)2.      CRUSTACÉS.  TROiSiÈME    ORDRE.    LvEMODIPODES. 

M.  Roux  vient  de   donner  une  bonne  figure  (  Crust.  de  la 
Méd.  pi.  XXV). 

TROISIÈME  ORDRE. 

L^MODIPODES   {L^MODIPODA). 

Ici  commence  la  série  des  crustacés  à  yeux  sessiles ,  ceux 
que  M.  de  Lamarck  nomme  sessiliocles ,  et  M.  Leach  édrio- 
phthalmes.  Quoique  l'organisation  intérieure  des  lœmodi- 
podes  n*ait  pas  encore  été  observée ,  il  est  probable  qu'elle 
doit  avoir  une  grande  analogie  avec  celle  des  amphipodes , 
dont  nous  parlerons  ci-après.  Nous  remarquerons  cependant 
qu'ils  paraissent  en  différer  à  l'égard  des  organes  respiratoires  -, 
car  ils  n'ont  point  de  branchies  extérieures  ,  à  moins  qu'on  ne 
veuille  attribuer  leurs  fonctions  à  des  corps  vésiculaires  situés 
à  la  base  de  quatre  paires  de  leurs  pieds  au  moins ,  à  commen- 
cer à  la  seconde  ou  à  la  troisième  ,  y  compris  ceux  de  la  tête , 
et  qui  représentent  les  quatre  premiers  pieds-mâchoires  anté- 
rieurs. Ces  crustacés  sont  petits,  et  ont,  pour  la  plupart,  le 
corps  étroit,  allongé  ou  linéaire ,  composé  de  huit  à  neuf  arti- 
cles, avec  quelques  petits  appendices  sous  l'anus.  Ils  ont  tous 
quatre  antennes  sétacées ,  simples ,  avec  un  pédoncule  de  trois 
articles  ^  des  mandibules  sans  palpes  ^  les  pieds ,  ceux  des  troi- 
sième et  quatrième  paires  de  quelques  espèces ,  moins  articu- 
lés et  comme  rudimentaires ,  exceptés ,  terminés  par  un  fort 
crochet  ^  les  quatre  antérieurs  sont  en  pince  monodactyle.  Les 
femelles ,  du  moins  celles  des  cyames ,  portent  leurs  œufs  sous 
les  second  et  troisième  segmens  du  corps ,  dans  une  poche 
formée  d'écaillés  rapprochées.  Ces  crustacés  sont  tous  marins. 
Suivant  M.  Savigny,  ils  avoisinent  les  pycnogonides ,  et  les 
uns  et  les  autres  conduiraient  aux  arachnides. 

l'ai  divisé  cet  ordre  en  deux  familles  :  les  ovales  {o^alia) , 
qui  ont  le  corps  ovale,  avec  les  segmens  transversaux  ,  la  tige 
des  antennes  sans  articulations  distinctes ,  et  les  pieds  courts 
ou  peu  allongés  ^  ceux  du  second  et  du  troisième  segment  se 


CKUSTACÉS.   TROISIEME    ORDRE.    L^MODIPQDES.    SqS 

terminent  par  un  long  article  cylindrique  et  sans  crochet  au 
bout  ;  à  leur  base  est  un  corps  vésiculaire  ,  allongé.  Cette  fa- 
mille n'est  formée  que  d'un  seul  genre  ,  celui  de  cyame  {cya- 
mus ,  Latr.)  ,  qui  a  pour  type  Vojiiscus  ceti  de  Linné.  La  se- 
conde famille,  celle  des  filiformes  (Jilifonnia)  ,  se  compose 
de  loemodipodes  à  corps  long  et  linéaire ,  à  segmens  allongés, 
ayant  la  tige  des  antennes  formée  de  petits  articles  très  dis- 
tincts ,  et  les  pieds  déliés  et  allongés.  On  les  trouve  parmi  les 
plantes  marines  ,  où  ils  marchent ,  au  rapport  d'Othon  Fabri- 
cius  (Faun.  Groënl.)  ,  à  la  manière  des  chenilles  arpenteuses, 
tournant  quelquefois  avec  rapidité  sur  eux-mêmes ,  ou  redres- 
sant leur  corps  ,  en  faisant  vibrer  leurs  antennes  ^  ils  courbent 
en  nageant  les  extrémités  du  corps.  Ils  forment  trois  genres  : 
celui  de  leptomère  (^leptomera,  Latr.  ^  proto ^  Leach),  où 
les  pieds,  dans  une  série  continue,  sont  au  nombre  de  qua- 
torze -,  celui  de  nauprédie  (naupredia,  Latr.)  ,  où  ces  organes 
sont  pareillement  dans  une  série  continue,  mais  au  nombre 
de  dix  seulement ,  et  où  les  seconds  et  les  quatre  suivans  ont 
à  leur  base  un  corps  vésiculaire  ;  et  celui  de  chévrolle  {ca- 
prella,  Lam.)  ,  ayant  la  même  quantité  de  pieds,  mais  dans 
une  série  interrompue ,  à  commencer  inclusivement  au  second 
segment ,  la  tête  non  comptée  :  ce  segment  et  le  suivant  ont 
chacun  deux  corps  vésiculaires ,  et  sont  apodes.  J'ai  indiqué  , 
dans  la  nouvelle  édition  du  Règne  animal,  les  espèces  qui  se 
rapportent  à  ces  genres. 


QUATRIÈME  ORDRE. 

AMPHIPODES  {AMPHIPODA). 

Ainsi  que  l'a  remarqué  M.  Milne  Edwards ,  dans  un  inté- 
ressant Mémoire  sur  les  amphipodes ,  cet  ordre  pourrait  être 
réuni ,  à  raison  d'un  grand  nombre  de  caractères  communs  et 
de  la  difficulté ,  d'en  bien  déterminer  les  limites, avec  l'ordre 
des  isopodes.  Néanmoins  ses  propres  observations  nous  ayant 
permis  d'établir  d'une  manière  nette  cette  ligne  de  démar- 


^94       CRUSTACIÎS.  QUATRIÈME    ORDRE.    AMPHIPODES. 

cation  ,  et  ces  coupes  étant  assez  considérables ,  nous  avons 
jugé  à  propos  de  conserver  ces  ordres^  la  tête  des  amphipodes 
est  presque  toujours  distincte  du  thorax,    et  porte  quatre 
antennes.  Les  deux  premiers  pieds-mâchoires  forment  une 
sorte  de  lèvre  inférieure.  Le  thorax  est  divisé  en  sept  segmens , 
munis  chacun  d'une  paire  de  pieds  ^  il  est  suivi  d'une  espèce 
de  queue  composée  d'un  nombre  variable  de  segmens-,  le  cœur 
forme  un  vaisseau  étroit  et  allongé ,  s'étendant  le  long  du  mi- 
lieu du  dos.  D'après  les  recherches  de  MM.  Audouin  et  Milne 
Edwards  ,  les  deux  cordons  médullaires  et  ganglionnaires  des 
amphipodes  sont  parfaitement  symétriques  et  séparés  dans 
toute  leur  longueur.  Suivant  M.  Cuvier ,  ceux  des  cloportes 
auraient  quelques  ganglions  de  moins,  et  n'offriraient  point 
dans  tous  les  segmens  la  même  uniformité.  Les  organes  sexuels 
sont  placés  à  la  naissance  inférieure  de  la  queue  -,  les  deux 
appendices  du  dessous  de  son  premier  anneau  présentent  à  cet 
égard  des  différences.  La  mâle  se  place  sur  le  dos  de  la  femelle 
dans  l'accouplement  *,  celle-ci  porte  ses  œufs  sous  la  poitrine, 
entre  des  écailles ,  formant  une  sorte  de  poche.  Les  petits  res- 
tent attachés  au  corps  de  leur  mère  j  usqu'à  ce  qu'ils  aient  acquis 
assez  de  force  pour  pourvoir  par  eux-mêmes  à  leur  subsistance. 
Tous  ces  crustacés  sont  petits,  aquatiques  ou  terrestres; 
parmi  les  premiers ,  il  y  en  a  de  parasites. 

Aux  caractères  qui  distinguent  les  amphipodes,  nous  ajou- 
terons que  ces  crustacés  ont  généralement  à  la  base  extérieure 
des  pieds  ,  à  commencer  à  la  seconde  paire  ,  des  bourses  vési- 
culaires  dont  on  ignore  l'usage.  Celles  des  deux  pieds  posté- 
rieurs sont  plus  petites ,  ou  même  quelquefois  oblitérées.  On 
les  trouvera  figurées  sur  la  planche  IX^  des  crustacés  de  l'Atlas 
d'histoire  naturelle  du  grand  ouvrage  sur  l'Egypte. 

Envisagés  sous  la  considération  des  habitudes,  les  amphi- 
podes peuvent  être  partagés  en  trois  sections,  les  sauteurs, 
les  marcheurs  et  les  parasites.  Les  premiers  composeront  la 
famille  des  crevettines ,  les  seconds  celle  des  podocérides  ,  et 
la  dernière  celle  des  hypérines  de  M.  Milne  Edwards.  Les  deux 
premières,  composées  d'amphipodes  errans  ou  vagabonds,  se 


PREMIÈRE    FAMILLE.    CREVETTINES.  390 

distinguent  de  celle-ci  par  les  caractères  suivans  :  pieds-mâ- 
choires (ceux  de  la  première  paire  ,  et  présentant  l'apparence 
d'une  lèvre  inférieure  recouvrant  les  autres  parties  de  la 
bouche)  pluriarticulés ,  el  réunis  seulement  à  leur  naissance  ^ 
deux  paires  de  lobes  triangulaires ,  et  dont  les  deux  supérieurs 
plus  grands,  mais  n'atteignant  pas  l'extrémité  de  ces  organes 
dans  leur  entre-deux ,  et  annexés  à  leur  côté  interne. 

PREMIÈRE  FAMILLE. 

CREVETTINES   {GAMMJRINM). 

Elle  compose,  dans  le  travail  sur  cet  ordre  de  crustacés  de 
M.  Milne  Edwards ,  sa  première  tribu  des  crevettines.  Le  corps 
est  très  comprimé  sur  les  côtés ,  courbé  en  dessous  à  son  extré- 
mité postérieure  ,  avec  les  divisions  latérales  des  premiers  an- 
neaux du  thorax  grandes,  clypéiformes,  et  recouvrant  la  nais- 
sance des  pâtes  correspondantes  -,  le  premier  article  des  der- 
nières pâtes  est  large  et  lamelliforme.  Ces  crustacés  nagent  sur 
les  flancs  et  sautent. 

M.  Milne  Edwards  a  supprimé  plusieurs  des  genres  établis 
par  M.  Leach ,  et  les  a  dispersés  dans  d'autres.  Il  en  a  aussi 
formé  de  nouveaux ,  mais  dont  la  publication  doit  lui  être 
réservée  (i),  et  dont  il  est  d'ailleurs  d'autant  plus  inutile  de 
parler  qu'ils  sont  composés  de  peu  d'espèces ,  et  rares.  Voici 
ceux  qu'il  a  conservés ,  et  nous  en  formerons  deux  sections. 

Dans  la  première,  composée  du  genre  leucothoé  (leuco- 
thoe)  de  M.  Leach  ,  le  doigt  mobile  des  deux  pinces  antérieures 
est  divisé  en  deux  articles. 

Dans  la  seconde,  lorsque  les  pieds  antérieurs  se  terminent 
aussi  en  pince, le  même  doigt  n'est  formé  que  d'un  seul  article. 

Ici  la  longueur  des  antennes  supérieures  dépasse  sensible- 
ment le  pédoncule  des  inférieures  5  les  mandibules  portent  un 
palpe  très  distinct,  saillant ,  de  grandeur  ordinaire. 


(i)  Un  extrait  de  son  travail  vient  de  paraître,  et  nous  le  ferons  connaître  dans 
un  supplément. 


396       CRUSTACÉS.   QUATRIÈME    ORDRE.    AMPHIPODES. 

Un  premier  genre ,  celui  de  crevette  (gammarus) ,  est  dis- 
tingué des  suivans  par  ses  antennes  supérieures,  qui  ont  sur 
leur  pédoncule  un  petit  appendice  sétacé  et  articulé. 

La  crevette  des  ruisseaux  ,  ou  le  cancer  pulex  de  Linné , 
si  commune  dans  les  ruisseaux  et  dans  quelques  fontaines, 
sera  citée  pour  exemple. 

Au  genre  phéruse  (pherusa)  de  M.  Leach ,  nous  en  réu- 
nirons plusieurs  autres  de  ce  naturaliste  ,  tels  que  ceux 
d'ampithoe,  de  mœja^  melita  et  dexamine ,  dont  les  carac- 
tères ne  sont  ni  bien  tranchés  ni  bien  importans ,  et  qui  va- 
rient d'ailleurs  selon  les  sexes. 

Là ,  les  antennes  supérieures  sont ,  au  plus ,  de  la  longueur 
des  inférieures.  C'est  ce  qui  est  propre  au  genre  que  j'avais 
nommé  talitre  (^talitrus).  On  en  a  séparé  les  espèces  dont 
les  mâles  ont  les  seconds  pieds  terminés  par  une  grande  pince, 
avec  un  seul  doigt  (  le  pouce  )  long  et  un  peu  courbe ,  tandis 
qu'on  en  voit  deux  au  bout  des  mêmes  dans  les  femelles.  Elles 
sont  marines  ,  ainsi  que  les  phéruses ,  et  composent  le  genre 
d'oRCHESTiE  (oixhestia). 

Outre  les  ouvrages  de  Montagu,  de  MM.  Leacb  et  Des- 
marest,  et  la  seconde  édition  du  Règne  animal ,  on  pourra 
consulter,  pour  ces  divers  genres ,  celui  de  M.  Savigny,  fai- 
sant partie  de  la  description  de  l'Egypte,  Crust. ,  pi.  XI, 
avec  l'explication  des  figures  donnée  par  M.  Audouin. 


^ 


DEUXIEME  FAMILLE. 

PODOCÉRIDES   {PODOCERIDES). 

Leur  corps  n'est  point  ou  peu  comprimé  sur  les  cotés ,  et 
les  divisions  latérales  de  leurs  segmens  tboraciques  étant 
étroites,  ne  peuvent  couvrir  l'insertion  des  pâtes  correspon- 
dantes ^  le  premier  article  des  dernières  est  peu  étendu  et 
point  lamelliforme.  Ces  crustacés  ,  tous  marins ,  ne  sautent 
point ,  nagent  sur  le  ventre  ,  et  plusieurs  ,  comme  les  cérapes 
et  les  corophies ,  vivent  dans  des  petits  tubes  cylindriques. 
Les  habitudes  de  l'espèce  sur  laquelle  a  été  établi  par  moi  ce 


DEUXIÈME    FAMILLE.    PODOCERIDES.  307 

dernier  genre,  ont  été  bien  observées  par  M.  d'Orbigny  père, 
conservateur  du  Musée  de  la  Rochelle.  Elle  se  tient  dans  des 
trous  qu'elle  creuse  dans  la  vase ,  couverte  en  grande  partie 
par  des  parcs  en  bois ,  nommés  bouchons  par  les  babitans. 
Elle  ne  commence  à  paraître  que  dans  les  premiers  jours  de 
mai.  Rien  de  plus  curieux  que  de  voir,  à  la  marée  montante  , 
des  myriades  de  ces  animaux  s'agiter  en  tout  sens ,  battre  la 
vase  de  leurs  grands  bras  ,  et  la  délayer  pour  y  découvrir  leur 
proie  ,  consistant  en  néréides  ,  en  amphinomes  et  autres  anné- 
lides  marines.  En  ont-ils  trouvé  une,  souvent  dix  et  vingt  fois 
plus  grosse  qu'eux  9  ils  se  réunissent  pour  l'attaquer  et  la  dé- 
vorer. Ils  se  jettent  même  sur  les  mollusques,  les  poissons, 
les  cadavres  restés  à  sec.  Ils  grimpent  sur  les  clayons  renfer- 
mant les  moules  et  sur  elles.  Les  boucholeurs  prétendent  même 
qu'ils  coupent  les  soies  retenant  ces  coquillages ,  afin  de  les 
faire  tomber  dans  la  vase ,  et  de  pouvoir  ensuite  les  dévorer. 
Ils  paraissent  se  multiplier  pendant  toute  la  belle  saison  ,  puis- 
qu'on trouve  ,  à  diverses  époques  ,  des  femelles  portant  des 
œufs.  Ils  sont  dévorés  à  leur  tour  par  divers  oiseaux  du  rivage 
et  plusieurs  poissons. 

Ce  crustacé,  que  Fabricius  nomme  gammarus  longicornis , 
forme  ,  comme  nous  l'avons  dit ,  notre  genre  corophie  (coro- 
phiuni)  ^  distinct  par  les  antennes  inférieures,  grandes,  pédi- 
formes ,  beaucoup  plus  longues  que  les  supérieures.  Aucun  des 
pieds  n'est  terminé  en  pince.  Celles  des  podocères  (podocej'us  ) 
sont  aussi  en  forme  de  pieds,  mais  guère  plus  longues  quelesdeux 
autres  ,  et  d'ailleurs  les  seconds  pieds  sont  en  forme  de  serres. 
Dans  les  jasses  [jassa ,  Leach  )  ,  rapprochés  des  podocères 
quant  aux  antennes  et  aux  pieds  ,  les  yeux  ne  sont  point  sail- 
j  lans.  Les  quatre  antennes  sont  presque  identiques  dans  les 
\  deux  genres  suivans.  L'un  d'eux ,  celui  de  cerape  {cerapus)  de 
M.  Say,  composé  de  crustacés  tubicoles,  a  les  seconds  pieds  ter- 
minés en  pince ,  dont  le  doigt  mobile  est  biarticulé ,  comme 
dans  les  leucothoés.  Les  quatre  antennes  sont  d'égale  longueur, 
portées  sur  de  longs  pédoncules ,  et  terminées  par  une  tige  très 
courte.  Les  inférieures  sont  un  peu  plus  longues  que  les  supé- 


398    CîlUSTACÉS.   —    QUATRIÈME    ORDRE.    L^ÎIMODIPODES. 

rieures.  Dans  les  atyles  {atylus ^  Leach)  ,  la  tige  ou  le  filet 
multiarticulé  qui  termine  les  unes  et  les  autres  est  assez  long, 
et  aucun  de  leurs  pieds  ne  se  termine  bien  distinctement  en 
pince  à  doigt  mobile  et  biarticulé  ;  leur  tête  est  rétrécie  et 
pointue  en  devant. 

TROISIÈME  FAMILLE. 
HYPÉRINES   [HYPERINM). 

Les  premiers  pieds-mâchoires  forment ,  réunis ,  une  sorte 
de  lèvre  inférieure  ,  terminée  supérieurement  par  trois  lobes 
triangulaires,  dont  l'intermédiaire  notabjement  plus  petit, 
sans  appendices  palpiformes  et  saillans ,  en  dehors  de  ses  côiés. 
Le  corps  est  ordinairement  renflé  ,  avec  la  tête  grosse  ou 
allongée  ,  et  terminée  en  pointe.  Plusieurs  des  appendices 
sous-abdominaux  sont  composés  soit  d'un  pédoncule  long  ou 
gros  et  de  deux  feuillets  courts  et  lancéolés ,  soit  d'un  petit 
tubercule  portant  une  seule  lame.  Plusieurs  de  ces  crustacés, 
tous  marins  ,  sont  parasites.  Le  thorax  de  quelques  uns  (genres 
lestiigon  et  daira  de  M.  Edwards)  n'offre  que  six  segmens  bien 
distincts  -,  mais ,  dans  tous  les  autres  ,  il  y  en  a  sept ,  comme 
d'ordinaire. 

Le  genre  dactylocère  (^dactjlocera ,  Latr.  ;  vibilia,  Edw.) 
se  distingue  de  tous  les  suivans  par  plusieurs  caractères.  La  tête 
est  de  grosseur  ordinaire  ou  moyenne.  Au-devant  de  la  fausse 
lèvre  inférieure ,  à  l'origine  de  ses  lobes  latéraux ,  est  de 
chaque  coté  un  petit  corps  palpiforme  \  les  antennes  supé- 
rieures sont  très  courtes  et  terminées  par  un  grand  article 
lamelliforme.  M.  Edwards  exposera  les  autres  caractères  de  ce 
genre  dans  sa  Monographie  des  amphipodes  :  j'y  rapporterai 
la  phrosine  en  croissant  de  MM.  Risso  et  Desmarest. 

Les  TYPHis  (tjphis ,  Riss.)  forment  aussi  un  genre  très  dis- 
tinct. Leur  tête  est  grosse,  munie  de  quatre  antennes,  dont 
les  supérieures  grosses ,  beaucoup  plus  courtes  qu'elle ,  insé- 
rées à  sa  partie  antérieure  et  inférieure  ,  et  dont  les  infé- 
rieures ,  fixées  au-dessous  des  yeux ,  sont  grêles ,  cylindriques, 
beaucoup  plus  longues  que  la  tête,  repliées  sur  elles-mêmes, 


TROISIÈME    FAMILLE.     ÎIYPEHINES.  899 

len  formant  trois  coudes  et  cachées  ;  les  mandibules  portent 
un  palpe  -,   les  yeux  sont  grands ,    mais  n'occupent  que  les 
icôtés  de  la  télé  ^  la  forme  des  deux  pieds  antérieurs  varie, 
mais  les  deux  suivans  sont  toujours  terminés  par  une  main 
didactyle ,  dont  le  doigt  mobile  est  de  deux  articles  ;  le  pre- 
mier article  des  cinquième  et  sixième  paires  est  très  grand , 
en   forme  de  lame,  et  suivi  de  quatre  autres  très   petits, 
composant  une  petite  tige  cylindrique  ;  les  pâtes  de  la  sep- 
tième paire  sont  presque  rudimentaires.  Ces  animaux  ,   en 
rapprochant   leur    queue   de  la  poitrine   et    en  contractant 
leurs  pieds,  prennent  la  figure  d'un  sphéroïde;  les  quatre 
lames ,   formées   par  le   premier    article   des  cinquième   et 
sixième  paires  de  pieds  ,  se  réunissent  pour  fermer,  à  l'instar 
des  battans  d'une  porte,  le  vide  inférieur.  Nous  devons  tous 
ces  détails  à  M.  Milne  Edwards ,  qui  vient  d'en  publier  d'ex- 
cellentes figures  (pi.  II,  tome  XX  des  Annales  des  Sciences 
naturelles). 

Les  PHE.ONIMES  [phronima,  Latr.)  ne  sont  pas  moins  fa- 
ciles à  reconnaître.  Leur  tête  est  pareillement  grosse  ,  et 
n'offre  que  deux  antennes,  qui  sont  très  courtes,  de  deux  ar- 
ticles ,  dont  le  dernier  beaucoup  plus  long  5  leurs  mandibules 
n'ont  point  de  palpe  ;  leurs  quatorze  pieds  sont  allongés  et 
grêles  \  ceux  de  la  cinquième  paire  sont  terminés  par  une 
main  ovalaire,  renflée  et  didactyle;  ceux  de  la  dernière  sont 
faibles,  subulés  et  repliés.  Ces  crustacés  vivent,  ainsi  que  les 
suivans,  dans  l'intérieur  du  corps  de  divers  acalèphes. 

Un  genre  établi  par  M.  Guérin,  sous  le  nom  de  thémisto 
(themisto) ,  sur  une  espèce  dédiée  à  M.  Gaudichand  ,  corres- 
pondant de  l'Académie  des  Sciences,  compagnon  de  voyage 
de  MM.  Quoy  et  Gaymard  dans  l'expédition  de  la  corvette 
la  Coquille j,  se  rapproche  du  genre  précédent,  en  ce  que 
deux  des  pieds,  les  seconds,  finissent  par  une  pince  didac- 
tyle ,  et  s'en  éloigne  par  la  forme  des  pieds  suivans  et 
les  antennes.  Les  troisièmes  pieds  sont  fort  allongés  avec 
l'avant-dernier  article  presque  aussi  long  que  les  précédei 
réunis  ,  et  comme  pectine  au  coté  interne.  Les  antennes jT  ^£Ai.   / 

C^  lo-'  >iO. 


/|00    CRUSTACÉS.    —   QUATRIEME    ORDRE.    L^IVtODfPODES. 

nombre  de  quatre ,  sont  rapprochées  au-dessous  du  milieu  du 
front ,  et  placées  par  paires  les  unes  au-dessus  des  autres  -,  les 
supérieures  sont  presque  une  fois  plus  courtes  que  les  infé- 
rieures et  subulées  j  celles-ci  sont  sétacées.  La  tête  est  presque 
entièrement  occupée  par  les  yeux  -,  les  mandibules  portent  un 
palpe.  Les  quatre  pieds  antérieurs ,  ou  ceux  qui  représentent 
les  deux  dernières  paires  de  pieds-mâchoires ,  étant ,  dans  ce 
genre  et  les  deux  suivans  ,  plus  petits  que  les  autres  et  appli- 
qués sur  la  bouche,  je  les  avais  considérés  comme  faisant  par- 
tie des  organes  de  la  manducation,  et  je  ne  les  avais  pas  com- 
pris d'abord  parmi  les  pieds  thoraciques  5  de  là  l'origine  de  la 
dénomination  de  décempèdes ,  que  j'avais  donnée  à  une  fa- 
mille de  cet  ordre.  Mon  genre  hypérie  {Ivyperid)^  ayant  aussi 
quatre  antennes ,  et  dont  deux  plus  longues ,  se  distingue  du 
précédent  par  ses  pieds  tous  simples  :  ce  dernier  caractère  est 
commun  à  celui  que,  dans  la  nouvelle  édition  du. Règne  ani- 
mal de  M.  Cuvier,  j'ai  appelé  phrosine  (phrosme)  ^  et  qui  a 
pour  type  une  espèce  que  je  crois  être  la  phrosine  gros-œil 
de  M.  Risso.  Mais  toujours  est-il  certain  qu'il  ne  diffère  pas 
de  celui  que  M.  Straus  a  décrit  et  figuré  dans  le  tome  XVIII 
des  Mémoires  du  Muséum  d'Histoire  naturelle ,  page  4-^  et 
suiv.  ,   sous  le  nom  àliiella,  et  que  M.  Edwards,  dans  sa 
Monographie  des  Ainphipodes ,  communiquée  antérieure- 
ment à  l'Académie  des  Sciences ,  a  regardé  comme  identique 
avec  celui  à'hjpérie.  Les  quatre  antennes  des  phrosines ,  in- 
sérées de  même  que  dans  le  genre  précédent ,  sont  fort  courtes 
et  subulées  -,  la  tête  est  d'ailleurs  grosse  et  occupée ,  en  grande 
partie,  par  les  yeux,  de  même  que  dans  toute  cette  famille, 
les  dactylocères   exceptés.  Les  mandibules  sont  munies  d'un 
palpe.  Le  Mémoire  de  M.  Straus  fait  parfaitement  connaître 
l'organisation ,  tant  extérieure  qu'interne ,  de  l'espèce  (  hiella 
Orbignii)  servant  de  type.  Il  nous  paraît  seulement  qu'il  s'y 
est  glissé  une  erreur  relativement  au  nombre  des  segmens  de 
la  queue  :  il  est  de  six  et  non  de  sept.  C'est  ce  que  M.  Milne 
Edwards  a  vérifié  sur  des  individus  étiquetés  de  la  main  même 
de  M.  Straus. 


CRUSTACES.   CINQUIÈME    ORDRE.     ISOPODES.        /|0I 

CINQUIÈME  ORDRE. 

ISOPODES  {ISOPODA), 

On  peut  se  former  une  idée  générale  des  crustacés  de  cet 
ordre  ,  en  jetant  un  coup  d'œil  sur  ces  animaux  si  communs, 
qu'on  appelle  vulgairement  cloportes ,  et  qui  en  font  partie. 
Le  corps  est  ordinairement  ovale  ou  oblong,  déprimé,  ou  con- 
vexe en  dessus,  mais  jamais  plus  haut  que  large,  ni  comprimé 
latéralement  :  dans  quelques  genres ,  il  est  plus  étroit  et  plus 
allongé,  ou  de  figure  linéaire.  Ces  appendices  vésiculaires , 
que  nous  avons  observés  à  la  base  extérieure  des  pâtes ,  dans 
les  deux  ordres  précédens ,  ne  sont  ici  propres  qu'à  un  petit 
nombre  d'espèces.  Les  deux  premières  lames  sous^caudales  de 
plusieurs  mâles  se  prolongent  au  côté  interne  en  manière 
d'appendice  filiforme  ,  allant  en  pointe  \  des  crochets  distin- 
guent le  même  sexe  dans  quelques  autres.  Les  femelles  por- 
tent leurs  œufs  sous  la  poitrine,  tantôt  entre  des  écailles, 
tantôt  dans  une  poche  ou  un  sac  membraneux,  s'ouvrant  lors- 
que les  petits  sont  éclos.  Ces  nouveau-nés  ressemblent  à  leurs 
parens  ;  quelques  uns  cependant  {cloportes)  ont  un  anneau 
de  moins  au  thorax  ,  et  n'offrent  dès-lors  que  six  paires  de 
pâtes,  au  lieu  de  quatorze.  Les  organes  respiratoires,  les  an- 
tennes et  quelques  parties  de  la  bouche  présentent  des  mo- 
difications sensibles  vers  les  dernières  limites  de  l'ordre.  Dans 
les  trois  dernières  familles  ,  les  mandibules  sont  dépourvues 
de  palpes  ,  tandis  que ,  dans  la  plupart  des  isopodes  précé- 
dens, elles  en  offrent  un.  M.  Cuvier  a  remarqué,  à  l'égard 
des  cloportes ,  que  les  deux  cordons  médullaires  du  système 
nerveux  ne  sont  pas  entièrement  rapprochés,  qu'on  les  dis- 
tingue dans  toute  leur  étendue  ,  et  que,  non  compris  le  cer- 
veau,  ils  forment  neuf  ganglions,  dont  les  deux  premiers  et 
les  deux  derniers  très  rapprochés.  Les  branchies  étant  situées 
sous  le  post-abdomen  ,  c'est  là  aussi  que  doivent  être  les  ca- 
naux branchio-cardiaques  ,  apportant  le  sang  qui  a  respiré  des 
branchies  au  cœur. 

26 


4o2        CRUSTACÉS.  CINQUIÈME    ORDRE.     ISOPODËS. 

MM.  Victor  Audouin  et  Milne  Edwards  ont  en  effet  observé 
que  cet  organe  ,  au  niveau  des  deux  premiers  segmens  de  la 
queue,  recevait,  à  droite  et  à  gauche,  de  petits  vaisseaux  pa- 
raissant venir  des  branchies.  D'après  des  recherches  faites  sur 
les  lygies ,  le  système  veineux  est  moins  complet  que  dans 
les  décapodes  macroures.  Le  sang  chassé  du  cœur,  qui  a  la 
forme  d'un  long  vaisseau,  étendu  sur  l'intestin,  et  qui  jette 
trois  artères  en  avant ,  et  d'autres  sur  les  côtés ,  reviendrait , 
après  avoir  circulé ,  dans  des  lacunes  de  la  face  inférieure  du 
corps,  qui  communiqueraient  librement  avec  les  vaisseaux 
afférens  des  branchies.  Ce  système  circulatoire  ferait  le  pas- 
sage de  celui  des  crustacés  décapodes  à  celui  de  certains  crus- 
tacés branchiopodes. 

L'ordre  des  isopodes  se  compose  du  genre  oniscus  de  Linné , 
et  embrasse  la  classe  des  polygonathes  de  Fabricius ,  en  en 
retranchant  le  genre  monoculus.  Nous  le  partagerons  en  deux 
sections  ,  les  anomaux  et  les  normaux, 

PREMIÈRE  SECTION. 

ANOMAUX   [ANOMALJ). 

Ici,  moins  de  sept  segmens  au  thorax;  pieds  propres  à  la  lo- 
comotion, soit  au  nombre  de  dix  seulement,  soit  au  nonîbre  de 
quatorze ,  mais  dont  les  deux  antérieurs  terminés  en  pince 
didactyle  ;  là,  sept  segmens  thoraciques,  comme  d'ordinaire,  et 
pieds  au  nombre  aussi  de  quatorze,  mais  très  petits,  nulle- 
ment propres  à  la  locomotion ,  l'animal  étant  constamment 
fixé  sur  les  branchies  de  quelques  espèces  de  salicoques,  et 
recouvert  par  une  portion  latérale  et  renflée  en  manière  de 
loupe  du  test  :  tels  sont  les  caractères  qui  signalent  cette  sec- 
lion  :  elle  est  véritablement  anomale  sous  le  rapport  du  nombre 
des  segmens  et  de  celui  des  pieds ,  ou  des  usages  de  ces  der- 
niers orçanes. 


PREMIÈRE    FAMILLE.    HléxiÉROPODES.  4^3 

PREMIÈRE  FAMILLE. 

HÉTÉROPODES  {HETEROPODA). 

Ainsi  que  dans  ks  lœmodipodes ,  le  premier  anneau  du 
îhorax  est  confondu  avec  la  tête  ,  mais  les  six  autres  sont  dis- 
tincts. Il  y  a  sept  paires  de  pâtes ,  dont  les  deux  antérieures , 
annexées  à  la  tête,  présentent  au  bout  une  serre  didactyle.  Le 
corps  est  terminé  postérieurement  soit  par  des  stylets  courts 
et  articulés  ,  soit  par  deux  longs  filets  velus  ou  soyeux. 

Un  genre  établi  par  M.  Milne  Edwards ,  sous  le  nom  de 
TANAïs  {tanais  )  ,  el  figuré  avec  détails  par  M.  Savigny  [Des^ 
cription  de  V Egypte  ^  Crust.  ,  pi.  XI,  fig.  i  ),  s'éloigne  des 
deux  autres  de  cette  famille  par  la  forme  presque  cylindrique 
du  corps,  la  brièveté  des  appendices  styliformes  de  son  extré- 
mité postérieure ,  et  en  ce  que  les  seconds  pieds  ne  diffèrent 
que  par  des  proportions  un  peu  plus  allongées  des  suivans  -, 
C€S  seconds  pieds ,  dans  les  deux  genres  suivans  ,  sont  dilatés 
ou  élargis  et  dentés  vers  leur  extrémité ,  et  le  corps  se  termine 
en  arrièi^  par  une  sorte  de  longue  <jueue  ,  form/'^^y^  -"  "" 
filets  sétacés,  artimlé*  *^^  xroi«o. 

Dans  l'un  ,  celui  de  rhoé  {rhoea)  de  M.  Edwards  {Aimai 
des  Scienc.  natur,,  iom.  XIII,  pi.  XEI,  fig.  i,  A)  encore, 
la  tige  des  antennes  intermédiaires  est  accompagnée  d'une  di- 
vision latérale,  ou  paraît  double.  Dans  l'autre  genre  ,  les  ap- 
«EUDES  (  apseudes  ,  Leach  -,  eupheus ,  Risso)  ,  cette  tige  est  in^ 
divise.  (  Vojez  l'ouvrage  précité  de  M.  Desmarest.  ) 

DEUXIÈME  FAMILLE. 

DÉGEMPÈDES  {DECEMPEDES\ 

Ici  on  ne  découvre  que  dix  pieds  proprement  dits ,  et  qui 
sont  tous  simples  et  allant  en  pointe.  Le  thorax  n'offre  que 
cinq  ou  trois  segmens  ,  et  le  post-abdomen  ,  au  lieu  d'être  ter- 
miné par  des  stylets  ou  par  deux  soies,  a  de  chaque  coté,  k 
son  extrémité  ,  une  nageoire  lamellaire  = 


4o4        CRUSTACÉS.  CINQUIÈME    ORDRE.    ISOPODES. 

Les  quatre  antennes  sont  courtes,  sétacées  et  simples-,  les 
yeux  sont  saillans.  Cette  famille  ne  comprend  qu'un  seul 
genre,  celui  (I'ancée  (anceus ,  Risso  ^  gnathia,  Leach  )  ,  au- 
quel il  faut  réunir  celui  de  pranize  {praniza)  établi  sur  des 
individus  femelles.  Les  mâles  sont  remarquables  par  leur  tête 
carrée,  présentant  deux  mandibules  avancées  et  triangulaires. 
Le  thorax  est  divisé  en  cinq  segmens  -,  on  n'en  dislingue  que 
trois  dans  celui  de  la  femelle,  et  dont  le  troisième,  fort  grand , 
porte  les  trois  dernières  paires  de  pâtes  \  mais  il  est  probable 
que  le  nombre  des  segmens  est  le  même ,  et  que  deux  de  ses 
divisions  sont  oblitérées  par  refTet  de  la  tension.  La  tête  est 
pointue  en  devant,  et  les  mandibules  ne  font  point  de  saillie. 

TROISIÈME  FAMILLE. 

ÉPICARÎDES  {EPICARIDES). 

Ces  animaux  sont  constamment  appliqués  sur  les  branchies 
de  l'un  des  côtés  du  thorax  de  quelques  autres  crustacés  de  la 
tribu  des  salicoques ,  et  telle  est  l'origine  de  la  dénomination 
'^''^nicarides,  propre  à  cette  famille.  La  portion  du  test  qui  les 
recouvre  est  rennee  ex.  .._:a.o  Hn  hnipe.  Le  mâle,  ou  l'indi- 
vidu présumé  tel ,  beaucoup  plus  petit  que  la  femelle  et  plus 
étroit,  est  placé  sous  sa  queue,  et  ce  couple  vit  solitaire.  Les 
pâtes  sont  excessivement  petites  et  recoquillées  ;  la  bouche  ne 
paraît  composée  que  de  deux  feuillets  membraneux,  en  re- 
couvrant un  ou  deux  autres  semblables.  Mais,  suivantM.  Milne 
Edwards,  il  y  a  inférieurement  d'autres  parties,  et  la  com- 
position de  la  bouche  est  analogue  à  celle  des  cymothoés.  Le 
corps  est  mou  ou  peu  solide. 

Cette  famille  ne  se  compose  encore  que  de  deux  genres.  Le 
premier,  celui  de  bopyre  (bopjms,  Latr.),  est  distingué  du 
suivant  par  plusieurs  caraclères.  Les  antennes  n'existent  point, 
ou  ne  sont  au  plus  que  rudimentaires  (i).  Le  corps  de  la  fe- 
melle est  déprimé,  en  ovale  rétréci  et  courbé  d'un  coté,  pos- 


(i)   M.  Milue  Edwartls  a  distiuguc  ces  rudimeus. 


TROISIÈME    FAMILLF.     ÉPICARIDES.  l\o5 

lërieurement ,  creux  en  dessous ,  j  usqu'à  l'origine  de  la  queue  ; 
les  cotés  du  thorax  forment  en  dessous  un  rebord  ou  cintre 
sur  lequel  sont  insérées  les  pâtes,  et  divisé  en  cinq  lobes  mem- 
braneux; la  concavité  intermédiaire  est  occupée  par  les  œufs-, 
sous  le  dessous  de  la  queue  sont  deux  rangées  de  fausses  pales 
composées  d'un  seul  feuillet,  ciliées  et  imbriquées.  On  n^aper- 
çoit  point  d'yeux^  suivant  M.  Desmarest ,  ils  sont  visibles  dans 
le  mâle.  Le  corps  de  ces  derniers  individus  est  oblong.  L'es- 
pèce la  plus  commune  et  la  plus  connue,  le  B.  des  chevrettes 
(  crajîgoj'um) ,  a  été  rangée  avec  les  monocles ,  par  Fabricius. 
Les  pécheurs  de  la  Manche  la  regardent  comme  un  très  jeune 
individu  d'une  sole  ou  d'une  plie.  Fougeroux  de  Bondaroix 
l'avait  fait  connaître  le  premier  (Mém.  de  UAcacl.  des  Scienc. 
1772).  M.  Desmarest  en  a  publié  de  bonnes  figures,  et  M.  Risso 
en  a  décrit  une  autre  espèce. 

Le  second  genre  de  cette  famille ,  celui  d'ioNE  {ione^  Latr.), 
a  été  observé  par  Montagu,  et  depuis,  par  MM.  Milne  Edwards 
et  Audouin  {Annal,  des  Scienc.  nat.  déc.  1826).  Le  corps  est 
en  forme  d'ovoïde  allongé,  un  peu  rétréci  postérieurement, 
divisé  en  quinze  segmens,  dont  les  thoraciques  ne  sont  guère 
bien  distincts  que  sur  les  cotés  et  dans  les  mâles  seulement  ^ 
car  d'après  la  figure  de  la  femelle,  donnée  par  le  naturaliste 
anglais ,  le  thorax  ne  présenterait  que  deux  divisions  ,  dont  la 
seconde  beaucoup  plus  grande.  Il  y  a  quatre  antennes  ,  mais 
très  courtes  ,  et  dont  les  deux  externes  plus  longues  et  seules 
apparentes,  l'animal  étant  vu  sur  le  dos.  Les  deux  premiers  seg- 
mens sont  munis  chacun ,  dans  la  femelle  ,  de  deux  cirres  al- 
longés ,  aplatis ,  vésiculeux  ,  un  peu  plus  larges  et  arrondis  au 
bout ,  en  forme  de  rames.  De  la  base  extérieure  de  chaque 
pale  naît,  dans  le  même  sexe,  un  appendice  semblable  (i). 
Les  œufs ,  de  couleur  orangée ,  et  dont  le  nombre  est  de  plu- 
sieurs mille,  sont  recouverts  par  des  écailles  annexées,  une 
par  une,  à  l'origine  interne  de  ces  pales.  Dans  l'un  et  l'autre 
sexe,  le  dernier  segment  caudal,  ou  le  sixième,  porte  deux 


(i)  Suivant  M.  Edwards,  ces  vésicules  thoraciques  n'existent  point  dans  le  mâle. 


4o6        CRUSTACÉS.  CINQUIÈME    ORDRE.    ISOPODES. 

cirres  analogues  aux  précédens.  Ils  sont  précédés,  dans  le  mâle^ 
de  cinq  autres  paires  semblables  ,  savoir,  une  par  chaque  an- 
neau. Dans  la  femelle,  ces  appendices,  et  en  pareil  nombre ^ 
sont  formés  d'un  cirre  simple  et  d'un  autre ,  mais  rameux  ou 
dendroïde ,  un  tubercule  radical  leur  sert  de  pédoncule.  La 
bouche  paraît  ressembler  à  celle  des  bopyres.  L'espèce  proto- 
type se  trouve  sous  le  test  de  la  callianasse  souterraine,  et  pro- 
duit sur  l'un  des  côtés  de  son  thorax  une  tumeur.  Nous  atten- 
dons de  M.  Milne  Edwards  une  description  plus  complète  de 
ce  singulier  crustacé.  La  figure  qu'en  a  publiée  Montagu  est 
insuffisante  et  n'est  accompagnée  d'aucun  détail. 

DEUXIÈME  SECTION. 

NORMAUX  {NORMALIA). 

Ainsi  que  dans  les  amphipodes ,  le  thorax  est  partagé  dis- 
tinctement en  sept  anneaux  portant  quatorze  pieds ,  propres  à 
îa  locomotion  ^  aucun  d'eux  ne  se  termine  en  manière  de 
serre  didactyle.  Quoique  plusieurs  de  ces  isopodes  soient 
parasites ,  ils  ne  sont  pas  néanmoins  fixés  à  demeure.  La 
bouche  est  composée,  comme  dans  l'ordre  précédent^  d'un 
labre ,  de  deux  mandibules  cornées,  d'une  languette  ,  de  deux 
paires  de  mâchoires  et  de  deux  pieds-mâchoires  figurant  plus 
ou  moins  une  sorte  de  lèvre  inférieure  ,  ou  deux  palpes  con- 
tigus  à  leur  origine. 

Des  espèces  toutes  marines,  dont  la  queue  est  toujours 
terminée  par  deux  nageoires  latérales ,  à  antennes  générale- 
ment disposées  sur  deux  lignes,  ordinairement  sélacées  et 
pluriarticulées -,  à  mandibules  palpigères  ,  sans  pièce  surnumé- 
raire ou  rudiment  de  flagre  ,  au  côté  extérieur  des  pieds-mâ- 
choires ,  formeront  une  première  division  qui  se  partagera  eu 
deux  familles. 


QUATRIÈME   JfAMïLLE.    CYMOTIIOADÉS.  ^O'J 

QUATRIÈME  FAMILLE. 

CYMOTHOADÉS  {CYMOTHOJ DA). 

Elle  se  compose  du  genre  cymothoa  de  Fabricius ,  dont  les 
espèces  sont  connues  des  pécheurs  sous  le  nom  de  poux  de 
poissons  y  parce  qu'elles  se  fixent  sur  ces  animaux  et  en  su- 
cent le  sang.  Les  anciens  leur  appliquaient  aussi  la  dénomi- 
nation à^ œstres  ^\à^ asiles^  par  allusion  aux  diptères  du  genre 
des  taons,  qu'ils  désignaient  de  même.  La  queue  est  formée 
de  quatre  à  six  segmens ,  et  munie  en  dessous  de  plusieurs 
paires  d'appendices  formés  de  deux  sacs  ovalaires ,  vésicu- 
leux  (i),  portés  sur  un  tubercule  commun,  paraissant  remplir 
les  fonctions  de  branchies ,  et  disposés  sur  deux  rangs.  Les 
mandibules  sont  petites,  peu  dentées,  et  sans  saillie  ou  ra- 
meau au  côté  interne,  ce  qui  les  distingue  de  celles  des  fa- 
milles suivantes ,  où  ces  organes  sont  beaucoup  plus  robustes 
et  fortement  dentés  au  même  côté.  De  plus,  elles  paraissent 
terminer  une  sorte  de  long  pédoncule,  portant  les  palpes,  et 
dont  la  base  est  de  niveau  avec  celle  des  deux  pieds-mâchoires. 
Ces  palpes  sont  triarticulés  suivant  M.  Mllne  Edwards.  La 
bouche  des  femelles  diffère  un  peu  de  celle  des  mâles.  Les 
pieds,  ou  ceux  au  moins  des  paires  antérieures,  sont  courts  et 
terminés  par  un  fort  onglet  ou  crochet.  Des  écailles  membra- 
neuses, imbriquées  et  pectorales  ,  recouvrent  les  œufs. 

Le  docteur  Leach  a  partagé  le  genre  cymothoa  de  Fabricius 
en  beaucoup  d'autres  ,  mais  que  l'on  peut ,  d'après  des  consi- 
dérations générales  ,  ou  moins  minutieuses,  réduire  à  quatre, 
et  auxquels  nous  en  ajouterons  un  qu'il  n'a  pas  connu. 

Le  genre  sérolis  (^serolis ,  Leach)  se  distingue  par  les 
yeux  portés  sur  des  tubercules  au  sommet  de  la  tête,  et  par 
la  queue  composée  seulement  de  quatre  segmens. 

Dans  tous  les  autres  genres  les  yeux  sont  sessiles  j  mais  leur 
composition  n'est  pas  identique. 


(i)  Aplatis  et  lamelliformes,  lors(jue  l'auimal  est  hors  de  l'eau. 


4o8        CRUSTACÉS.  CINQUIÈME    ORDRE.    ISOPODES. 

Ici  la  cornée  est  divisée  en  petites  facettes.  Les  antennes 
sont  évidemment  placées  sur  deux  lignes.  Les  premières  paires 
de  pieds  ,  au  moins  ,  sont  terminées  par  un  fort  crochet. 

Les  CYMOTHOÉs  (cymothoa)^  dont  la  queue  est  composée 
de  six  segmens,  et  dont  les  mandibules  ne  sont  point  sail- 
lantes, (i) 

Les  sïNODus  {^sjnodus ,  Latr.  )  ,  semblables  quant  à  la  com- 
position de  la  queue,  mais  où  les  mandibules  sont  avancées. 

Les  NÉLOCYREs  (^uelocjva ,  Leach),  où  la  queue  n'offre  que 
cinq  segmens.  Ses  antennes  inférieures  sont  sensiblement  plus 
longues  que  les  mêmes  des  genres  précédens,  leur  extrémité 
atteignant  le  cinquième  segment  du  corps ,  et  les  pieds  sont 
moins  fortement  onguiculés. 

Là ,  les  yeux  sont  formés  de  petits  grains  ou  d'yeux  lisses 
rapprochés.  Les  quatre  antennes  sont  insérées  sur  une  même 
ligne.  Tous  les  pieds  sont  ambulatoires.  La  queue  est  composée 
de  six  segmens,  dont  le  dernier  grand,  orbiculaire.  Tels  sont  les 
caractères  du  genre  limnorie  {limnoria,  Leach).  Quoique  l'es- 
pèce servant  de  type  soit  très  petite,  elle  n'en  est  pas  moins  très 
nuisible  par  ses  habitudes  et  sa  multiplication.  Elle  perce  le 


(î)  Le  genre  cymoihoa  proprement  dit,  du  docteur  Leach,  ne  comprend  que  le 
cymothoa  œstrum  de  Fabrîcius,  et  autres  espèces  analogues.  Les  pâtes  sont  tontes 
fortement  onguiculées  ,  et  les  denx  dernières  ,  insérées  à  peu  de  distance  de  l'extré- 
mité postérieure  du  corps,  la  dépassent.  Les  antennes  sont  très  courtes  et  rappro- 
chées à  leur  naissance ,  sous  l'extrémité  frontale  d'une  petite  tête  triangulaire.  Le 
dernier  segment  de  la  queue  est  transversal.  Les  divisions  latérales  de  ceux  du  tho- 
rax ,  à  partir  du  second ,  sont  petites  et  presque  en  forme  de  rein. 

Le  genre  anilocra  du  même  savant  revendique  l'espèce  la  plus  commune  de  la  Mé- 
diterranée ,  le  cjmothoa  asilus  de  Fabricius.  Les  yeux  sont  prolongés  postérieure- 
ment ,  de  manière  que  la  tête  paraît  être  trilobée  à  sa  base  ;  elle  se  termine  en  un 
museau  arrondi ,  sur  les  côtés  duquel  sont  insérées  les  antennes ,  qui  sont  aussi  très 
courtes,  mais  moins  épaisses  que  dans  le  genre  précédent.  Le  dernier  segment  de  la 
queue  est  triangulaire  et  obtus.  L'espèce  précitée  est  peut-être  Vanilocre  de  la  Médi- 
terranée de  M.  Leach.  La  C.  bivittata  de  Fabricius  pourrait  former  un  nouveau 
genre  très  voisin  du  précédent ,  mais  distinct  par  les  divisions  latérales  des  seg- 
mens thoraciques  qui  se  prolongent  en  arrière  en  manière  d'épine.  Dans  le  genre  aega, 
les  antennes  sont  contigiies  à  leur  naissance  et  insérées,  à  découvert,  au  bout  du 
museau. 


CINQUIÈME    FAMILLïï.    SPHÉROMIDES.  l\OC) 

bois  des  vaisseaux  en  divers  sens  et  avec  une  grande  promp- 
titude ,  de  là  le  nom  de  terebrans  qu'on  lui  a  donné. 

CINQUIÈME  FAMILLE. 

SPHÉROMIDES  {SPHEROMIDE S,  Latr.). 

La  queue  n'est  composée  que  de  deux  segmens  complets  et 
mobiles  ,   mais  dont  l'antérieur   offre   des  lignes  imprimées 
et  transverses ,  indiquant  les  traces  des  autres.  Le  feuillet 
inférieur  des  nageoires  latérales  et  terminales  est  seul  mo- 
bile^ l'autre,  ou  le  supérieur,  est  formé  par  un  prolonge- 
ment  interne    du    support    commun.   Lfs    mandibules  sont 
fortes ,  et  leur  côté  interne  présente  ,  au-dessous  de  la  pointe 
dentelée  du  sommet,  un  avancement  ou  rameau  pareillement 
denté  ;  sous  cette  saillie  est  une  protubérance  tronquée  ,  en 
forme  de  dent  molaire  (i).  Les  palpes  de  ces  mandibules  ont 
quatre  ou  cinq  articles.  Les  deux  pieds-mâchoires  sont  beau- 
coup plus  grands  que  dans  la  famille  précédente,  et  ressem- 
blent à  deux  palpes,  divergens,  et  fortement  ciliés.  L'espace 
situé  immédiatement  au-dessous  des  antennes  est  triangulaire, 
ou  en  forme  de  cœur  renversé.  Les  appendices  sous-caudaux 
sont  formés  de   deux  feuillets  triangulaires  ,   dont  l'interne 
à    plus  large,  allant  en  pointe,  et  portés  l'un  et  l'autre  sur  un 
pédoncule  dirigé  transversalement.  Ces  animaux  sont  vaga- 
bonds, et,  à  l'exception  des  antbures,  rapprochent  en  dessous 
Il    les  deux  extrémités  de  leur  corps ,  afin  de  se  contracter  en 
forme  de  sphéroïde. 

Dans  la  méthode  de  M.  Leach ,  notre  genre  primitif  des 
SPHÉROMES  (5/?/i<:e7'0772a),  en  compose  maintenant  sept.  Maisi 
nous  croyons  devoir  le  conserver  tel  que  nous  l'avions  établi  ^ 
sauf  à  y  établir  des  divisions  correspondantes  à  ces  coupes 
(zuzaïuSy  campecopœa  f  nœsa,  cilicœaj  cjmodocea,  dyna^ 


(l)  De  même  dans  tous  les  isopodes  suivans  ;  mais  dans  ceux  qui  sont  terrestres, 
comme  les  cloportes  et  autres  genres  qui  en  dérivent ,  sur  la  partie  correspondant© 
à  la  protubérance  inférieure,  est  uu  petit  appendice  avancé,  en  forme  de  palpo 
inarticulé  ou  de  petite  corne. 


4lO        CRUSTACÉS.  CnVQUlÈME    ORDRE.    ISOPODES. 

mené),  dont  on  trouvera  d'ailleurs  des  figures  dans  l'ouvrage 
de  M.  Desmarest.  Il  comprendra  tous  les  sphéromides  dont 
le  corps  est  ovale  ou  oblong  et  susceptible  de  se  contracter 
en  boule  ,  dont  les  antennes  sont  terminées  par  une  tige 
pluriarticulée ,  et  dont  les  inférieures  au  moins  sont  plus 
longues  que  la  tête. 

Nous  placerons  dans  cette  famille  un  autre  genre  du  même 
auteur,  celui  d'ANTHURE  (ajithura) ,  dont  le  corps  est  cylin- 
drique ,  avec  les  antennes  à  peine  aussi  longues  que  la  tête , 
de  quatre  articles,  et  dont  les  nageoires  postérieures  semblent, 
par  la  situation  relative  de  leurs  pièces,  former  une  sorte  de 
capsule.  Il  a  pour  type  Vojiiscus  gracilis  de  Montagu,  et  le 
gammajus  heteroclitus  de  Viviani. 

Passons  maintenant  à  notre  seconde  division  des  isopodes  nor- 
maux. Ici  les  quatre  antennes  sont  insérées  sur  une  même  ligne 
transverse ,  et  les  intermédiaires  sont  très  petites  et  de  peu 
d'articles  dans  plusieurs^  les  mandibules,  toujours  fortes,  den- 
telées, et  offrant,  sous  la  pointe  ,  un  avancement,  n'ont  plus 
de  palpe  ^  les  deux  pieds-mâcboires,  qui  ressemblent  le  plus 
souvent  à  une  lèvre  inférieure  lamellaire,  couronnée  par  deux 
petits  palpes  triangulaires  ou  coniques,  ont,  extérieurement, 
de  cbaque  coté  et  à  leur  base ,  une  petite  pièce  plus  ou  moins 
triangulaire ,  qui  semble  représenter  le  pédoncule  raccourci 
du  flagre.  La  plupart  de  ces  isopodes  sont  marins  5  les  autres 
vivent  dans  les  eaux  douces,  ou  hors  de  cet  élément;  mais 
ceux-ci  se  tiennent  généralement  dans  les  lieux  sombres,  à 
l'abri  de  l'ardeur  du  soleil ,  et  ils  quittent  souvent  leurs  re- 
traites lorsqu'après  un  temps  sec,  l'air  a  été  rafraîchi  par  des 
pluies.  Tous  portent  leurs  œufs  dans  une  poche  pectorale. 

Cette  division  comprendra  trois  familles. 

SIXIÈME  FAMILLE. 
IDOTEÏDES  {IDOTEÎDES). 

Les  antennes  latérales  se  terminent  par  une  tige  sélacée  et 
pluriarticulée;  les  intermédiaires  sont  beaucoup  plus  courles, 


SIXIÈME    FAMILLE.    IDOTEÏDES  4'! 

filiformes ,  ou  un  peu  plus  grosses  vers  le  bout ,  et  divisées  en 
quatre  articles.  La  queue  est  formée  de  trois  segmens,  dont 
le  dernier  beaucoup  plus  grand,  sans  appendices  ni  nageoires 
au  bout  j  deux  lames  parallèles ,  adhérentes  aux  bords  latéraux 
de  ce  segment,  longitudinales,  biarticulées,  appliquées  l'une 
contre  l'autre,  par  une  ligne  droite,  au  bord  interne,  forment 
deux  espèces  de  volets  ou  de  battans  de  porte,  recouvrant  les 
appendices  sous-caudaux  et  branchiaux ,  disposées ,  ainsi  que 
de  coutume ,  par  paires  et  sur  deux  rangs  :  ils  consistent  cha- 
cun en  deux  sacs  ovalaires,  vésiculeux,  mais  aplatis  et  lamel- 
leux ,  lorsque  l'animal  n'est  point  dans  l'eau,  ou  que  ces  organes 
sont  desséchés ,  et  portés  sur  un  tubercule  commun.  Ces  crus- 
tacés sont  tous  marins-,  ils  constituent  le  genre  idotée  (idotea) 
de  Fabricius.  Tous  les  pieds  sont  onguiculés ,  ce  qui  le  dis- 
tingue d'un  autre  de  la  même  famille ,  celui  d'AucTunE  {^arc- 
turus ,  Latr.),  où  les  seconds  et  troisièmes  se  terminent  par 
un  long  article  barbu  ,  mutique ,  ou  très  faiblement  onguiculé. 
Le  corps  est  étroit  et  allongé ,  ainsi  que  dans  les  sténosomes 
de  M.   Leach  ,   genre  établi  aux  dépens  de  celui  àUdotce , 
mais  qui  n'en  diffère  que  par  des  proportions  du  corps  plus 
étroites,  ou  une  forme  linéaire,  et  par  les  antennes  latérales 
plus  longues.  On  pourrait  cependant  le  distinguer  nettement , 
en  le  restreignant  aux  espèces  dont  les  segmens  thoraciques 
n'offrent  en  dessus  aucune  trace  de  division.  A  l'égard  de  ces 
espèces ,  on  ne  peut  se  dispenser  de  consulter  les  figures  qu'en 
a  données  M.  Roux ,  dans  le  sixième  fascicule  de  son  ouvrage, 
si  souvent  cité. 

SEPTIÈME  FAMILLE. 

ASELLOTES   {ASELLOTA). 

Les  appendices  sous-caudaux  et  branchiaux  sont  pareille- 
ment recouverts  par  deux  feuillets,  mais  libres;  la  queue 
n'est  formée  que  d'un  seul  segment ,  avec  deux  stylets  bifides, 
ou  deux  appendices  très  courts ,  en  forme  de  tubercules ,  au 
milieu  de  son  bord  postérieur-,  il  n'y  a  point  d'ailleurs,  sur 


4l2        CRUSTACÉS.  CIIVQUiÈlME    ORDRE.    ISOPODES. 

les  cotés,  de  nageoires.  Les  quatre  antennes  se  terminent  par 
une  tige  sétacée ,  pluriarticulée.  Quelques  espèces  vivent  dans 
les  eaux  douces  et  stagnantes ,  telle  est  celle  d'après  laquelle 
Geoffroy  a  établi  le  genre  aselle  {asellus)-^  c'est  Vidotea  aqua- 
tica  de  Fabricius,  et  la  squille  aselle  de  de  Géer.  La  queue  est 
terminée  par  deux  stylets  bifides,  ce  qui  distingue  ce  genre 
de  celui  de  jaera  (jœra)  du  docteur  Leach,  où  ces  pièces  sont 
remplacées  par  deux  tubercules.  Les  janires  (janirà)  du  même 
ne  diffèrent  des  aselles  que  par  leurs  yeux  rapprochés  l'un  de 
l'autre,  les  antennes  intermédiaires  plus  courles  que  le  pédon- 
cule des  latérales  ,  et  les  crochets  bifides  de  leurs  tarses.  .1 
L'aselle  d'eau  douce  passe  l'hiver  dans  la  vase,  et  en  sort  auj 
printemps.  Sa  démarche  est  lente.  Le  mâle,  beaucoup  plus 
gros  que  la  femelle,  porte  celle-ci,  après  l'accouplement, 
une  huitaine  de  jours,  la  retenant  avec  les  pâtes  de  la  qua- 
trième paire.  Lorsqu'il  la  quitte  ,  ce  dernier  individu  est 
chargé  d'une  grande  quantité  d'œufs,  renfermés  dans  un  sac 
membraneux  de  la  poitrine,  et  qui  s'ouvre  par  une  fente  lon- 
gitudinale, pour  la  sortie  des  petits.  Les  autres  asellotes  sont 
marines. 

HUITIÈME  FAMILLE. 

GLOPORTIDES  (ONISCIDES), 

Antennes  latérales  sétacées  ^  les  intermédiaires  coniques  , 
très  petites,  peu  apparentes,  ou  même  indistinctes,  de  trois 
à  quatre  articles  au  plus  -,  queue  de  six  segmens ,  avec  deux 
ou  quatre  appendices ,  plus  ou  moins  en  forme  de  stylet ,  au 
bord  postérieur  ,  sans  nageoires  latérales  ;  les  appendices 
sous-caudaux  en  forme  de  lames  triangulaires,  et  imbriquées 
sur  deux  rangs ,  dans  la  plupart  ^  tel  sera  le  signalement  de 
cette  petite  famille. 

Les  uns,  faisant  leur  séjour  dans  la  mer  ou  les  eaux 
salées,  ont  leurs  antennes  extérieures  ou  latérales  termmées 
par  une  tige  pluriarticulée ,  de  sorte  que  le  nombre  total  de 
tous  les  articles,  à  partir  de  la  base,  est  de  neuf  au  moms. 


HUITIEME    FAMILLE.    CLOPORTIDES.  /^l3 

Leurs  segmens  thoraciques  offrent  latéralement  une  ligne  en- 
foncée et  longitudinale,  ou  l'apparence  d'une  division. 

Le  genre  tylos  (ij/o^^,  Latr.)  a,  ainsi  que  le  dernier  de 
cette  famille ,  celui  d'armadllle  ,  la  propriété  de  se  contrac- 
ter globulairement.  Le  dernier  segment  de  la  queue  est  demi- 
circulaire  ,  occupe  entièrement  le  vide  formé  par  l'échan- 
crure  du  précédent,  et  les  appendices  postérieurs  sont  très 
petits  et  inférieurs;  les  branchies,  dont  les  antérieures  au 
moins  découvertes,  sont  disposées  sur  la  largeur  de  quatre 
paires  de  lames  transverses,  vésiculeuses,  et  coupées  par  des 
stries  longitudinales-,  les  antennes  latérales  sont  composées 
de  neuf  articles,  dont  les  quatre,  derniers  formant  la  tige; 
deux  tubercules  enfoncés  représentent  les  intermédiaires. 
i\L  Savigny  en  a  figuré  avec  détails  une  espèce  [Descript.  de 
l'Egypte  y  Crust.,  pi.  XIII,  i  ). 

Les  LiGiEs  {lîgia,  Fabr.)  ont  la  tige  des  antennes  latérales 
composée  d'un  grand  nombre  de  petits  articles,  et  deux  appen- 
'  dices  styliformes,  partagés,  au  bout,  en  deux  branches,  à 
Textrémilé  postérieure  du  corps;  tout  le  dessous  de  la  queue 
'  est  recouvert  par  deux  rangées  d'écaillés  triangulaires  et  im- 
briquées, paraissant  tenir  lieu  ,  en  tout  ou  en  partie  ,  de  bran- 
chies. On  en  a  distingué  plusieurs  espèces.  {J^ojez  Desmarest, 
le  Règne  animal  àe  M.  Cuvier,  et  les  Crustacés  du  littoral  de 
la  Méditerranée  de  M.  Pioux.) 

I  Les  autres  cloportides,  et  tous  terrestres,  ont  leurs  antennes 
latérales  composées  de  sept  à  huit  articles  seulement,  dont 
les  proportions  diminuent  graduellement,  et  ne  se  terminant 
point  ainsi  par  une  tige  pluriarticulée.  Aucun  de  leurs  segmens 
thoraciques  n'offre  d'apparence  de  division. 

Ici  les  appendices  ou  stylets  postérieurs  s'avancent  au-delà 
■du  dernier  segment;  le  corps  ne  se  contracte  point,  du  moins 
parfaitement,  en  boule. 

'  Les  PHILOSCIES  îphiloscia ,  Latr.),  à  antennes  latérales  de 
huit  articles,  et  découvertes  à  leur  base. 

Les  CLOPORTES  (pniscus,  Latr.)  ,  ayant  les  antennes  latérales 
composées  de  même  ,  mais  recouvertes  à  leur  base ,  et  où 


4l4        CRUSTACÉS.    SIXIÈME    ORDRE.    DICLADOPES. 

d'ailleurs  les  appendices  externes  du  bout  de  la  queue  sont 
notablement  plus  grands  que  les  internes.  /^ 

Les  PORCELLTONS  ( /?orce//ib ,  Latr.),  où  ces  mêmes  antennes 
n'ont  que  sept  articles. 

Là  ces  appendices  ne  sont  point  saillans;  une  petite  lame 
en  triangle  renversé ,  formée  par  le  dernier  article  des  laté- 
raux ,  remplit  le  vide  formé  avec  le  dernier  segment  et  le  pré- 
cédent. Le  corps  se  contracte  parfaitement  en  boule.  Les 
écailles  supérieures  du  dessous  de  la  queue  ont  une  rangée  de 
petits  trous  ;  les  antennes  latérales  n'ont  aussi  que  sept  ar-  . 
licles.  Ces  isopodes  composent  notre  genre  armadille  {arma- 
dillo).  Nous  renverrons,  quant  aux  espèces,  à  nos  autres  ou- 
vrages, à  celui  de  M.  Desmarest,  ainsi  qu'aux  planches  de  la 
Descript.  de  l'Egypte» 


SIXIÈME  ORDRE.  " 

DICLADOPES  {DICLADOPA). 

Ils  paraissent  faire  le  passage  des  derniers  crustacés  edrioph- 
thalmes,  ou  dont  les  yeux  sont  pédicules,  et  particulièrement 
des  mysis  aux  cyclopes,  et  dès-lors  à  cette  division  de  la  classe 
de  Mùller  désignée  sous  la  dénomination  d' entomostracés  on 
insectes  à  coquille  ,  que  nous  avons  appelée  depuis  branchio- 
podes  (  pâtes  branchiales  )  ,  et  se  composant  du  genre  moiio- 
culus  de  Linné  et  de  Fabricius,  auquel  il  faut  adjoindre  celui 
de  limidus  du  dernier.  Dans  la  nouvelle  édition  du  Règne 
animal  àQ  M.  Cuvier,  nous  avions  même  placé  avec  les  lophy- 
ropes ,  première  section  des  branchiopodes ,  les  genres  con- 
dvlure  et  nébalie ,  que  nous  rapportons  maintenant  à  l'ordre 
des  dicladopes.  Les  tégumens  de  ces  crustacés ,  ou  des  con- 
dylures  au  moins  ,  sont  évidemment  d'une  nature  calcaire. 
Les  appendices  locomotiles  sont  plus  nombreux  que  ceux  des 
cyclopes  et  autres  genres  branchiopodes  voisins  des  précédens. 
Les  pieds-mâchoires  sont  appliqués ,  en  tout  ou  en  partie , 
sur  la  bouche.  Il  y  a  deux  yeux  distincts ,  et  qui ,  même  dans 


SECTIONS    ET    GENRES.  /^l5 

I  les  nébalies ,  semblent  être  un  peu  pédicules.  A  ces  deux 
genres,  nous  joignons  ceux  de  cume  et  de  poulie  de  M.  Milne 
Edwards.  Le  premier  est ,  sans  aucun  doute  ,  très  rapproché 
de  celui  de  condylure ,  et  appartient  dès-lors  à  la  même  coupe 
ordinale.  Le  second  a  de  grands  rapports  avec  les  cyclopes , 
mais  le  nombre  de  ses  yeux  et  de  ses  appendices  thoraciques 
l'en  éloigne.  Les  dicladopes  paraissent  être  organisés ,  à  cet 
égard  ,  sur  le  plan  des  crustacés  des  ordres  précédens.  Ils  res- 
semblent d'ailleurs  à  ces  derniers  entomostracés ,  à  raison  des 
fonctions  des  appendices  locomotiles  ;  ils  ne  peuvent  servir 
qu'à  la  natation  et  à  la  respiration  ,  et  quelques  uns  d'entre 
eux  au  moins  sont  pareillement  divisés  en  deux  branches ,  et 
telle  est  l'origine  de  la  dénomination  de  dicladopes.  La  queue 
est  encore  nue  en  dessous ,  ou  n'offre  de  fausses  pâtes  que 
sous  les  premiers  segmens.  Le  thorax  ,  lorsqu'il  est  divisé  ,  ne 
présente  jamais  plus  de  six  segmens ,  de  sorte  que ,  compa- 

j  rativement  aux  amphipodes  et  à  la  plupart  des  isopodes ,  le 
premier  des  sept  composant  le  thorax  est  ici  confondu  avec 
la  tête ,  d'où  il  résulte  qu'on  n'en  compte  plus  que  six. 

Tous  les  dicladopes  connus  habitent  nos  mers.  M.  Milne 
Edwards  a  étudié  l'organisation  de  plusieurs  avec  cette 
attention  délicate  qui  caractérise  toutes  ses  recherches.  Un 
nouvel  examen  complettera  quelques  lacunes  qu'il  a  été  obligé 
de  laisser.  Les  nébalies  portent  leurs  œufs  sur  la  poitrine , 
ainsi  que  les  mysis ,  caractère  qui  les  éloigne  des  entomostracés. 
Nous  partagerons  cet  ordre  en  deux  sections ,  qui  pourraient 
former  autant  de  familles. 

'  La  première  comprendra  ceux  qui  ont  un  test  recouvrant , 
sans  aucune  division  ,  la  tête  et  le  thorax ,  et  qui  se  rapprochent 

,  le  plus,  sous  ce  rapport,  des  mysis  et  autres  crustacés  défendus 
par  une  carapace^  tel  est  le  genre  nébalie  (nebalià),  mal  connu 
avant  les  observations  que  M.  Edwards  a  publiées  sur  ce  sujet 
dans  le  tome  XIII  des  Annales  des  Sciences  naturelles ,  p.  299, 
pi.  XV.  Les  yeux  sont  assez  élevés,  triangulaires  et  recouverts 
par  une  écaille  subelliptique,  avancée  en  manière  de  bec.  Les 
antennes  sont  longues  ,  sétacées ,  garnies  de  poils  \  on  re- 


4l6       CRUSTACÉS.   SIXIÈME    ORDRE.    DICLADOPES. 

marque  à  l'extrémité  des  supérieures  un  appendice  ovale, 
en  forme  d'écaillé  -,  les  inférieures  sont  courbées  en  dessous.  La 
bouche  présente  trois  paires  d'appendices ,  auxquels  en  suc- 
cèdent cinq  autres  paires  ,  lamelleux  et  branchiaux.  Viennent 
ensuite  quatre  paires  de  pâtes  bifides  et  natatoires.  L'abdomen 
est  composé  de  sept  anneaux  ,  dont  les  premiers  portent  chacun 
deux  petits  fila  mens  ^  le  dernier  est  terminé  par  deux  stvles 
allongés  et  garnis  de  poils. 

La  seconde  section  se  composera  des  dicladopes  dont  la 
tête  est  distincte  du  thorax.  Les  tégumens  qui  enveloppent  ces 
deux  parties  du  corps  se  partagent  au  plus  en  sept  segmens, 
dont  l'antérieur  forme  la  tête.  «  | 

Ici  cette  tête  est  suivie  de  quatre  segmens  thoraciques, 
après  lesquels  en  viennent  six  ou  sept  autres  composant  une 
queue  longue ,  étroite ,  se  terminant  par  deux  appendices 
styliformes.  Quelques  unes  des  pâtes  sont  simples  ou  sans 
division. 

Cette  subdivision  se  compose  de  deux  genres  :  celui  de 
cowDYLURE  (  cojidjliwa  ,  Latr.  )  offre  distinctement  quatre 
antennes  -,  les  deux  premiers  segmens  thoraciques ,  et  le  der- 
nier ou  le  quatrième  portent  chacun  une  paire  de  pâtes  5  mais 
il  y  en  a  deux  au  troisième  anneau. 

Dans  le  genre  cume  [cuma)  de  M.  Edwards ,  les  antennesi 
supérieures  sont  rudimentaires  ,  et  le  premier  segment  thora- 
cique  porte  deux  paires  de  pâtes  ,  tandis  que  les  autres  n'en  ont 
qu'une  {^vojez  le  tome  XIII  des  annales  des  Sciences  natur., 
p.  294  ,  pi.  XIII.  B.  ) 

Là  ,  le  thorax  est  divisé  en  six  segmens ,  et  suivi  d'uneu 
queue  fort  courte  ,  de  deux  autres  segmens  ,  dont  le  dernieri 
terminé  par  deux  feuillets  en  forme  de  spatules  et  ciliés. 
Tous  les  pieds  sont  bifides.  C'est  ce  qui  est  propre  au  genre» 
PONTIE  [pontia ,  Edw.).  Les  antennes  inférieures  sont  pédi- 
formes  {^vojez  le  même  Journal ,  ihid.).  (i) 

(i)  Je  soupçonne  que  le  cjclops  exiliens  de  Viviau'i  est  congénère. 


CONSIDÉRATIONS  GÉNÉR.  SUR   LES  ENTOMOSTRACÉS.  f\\'J 


CONSIDERATIONS  GÉNÉRALES 

SUR  LES  ENTOMOSTRACÉS. 

Tous  les  ordres  suivans ,  moins  celui  des  trilobites ,  em- 
brassent cette  série  de  crustacés  que  MùUer  nomme  collecti- 
vement entomostracea  (voyez  plus  haut),  mais  qu'il  est  bien 
difficile  de  caractériser  par  un  signalement  simple  et  rigou- 
reux. Tous  ces  animaux  sont  aquatiques ,  munis  de  pâtes  ,  en 
nombre  variable,  uniquement  propres,  sauf  quelques  excep- 
tions ,  à  la  natation ,  et  dans  le  plus  grand  nombre ,  en  tout 
ou  en  partie  ,  branchiales.  Ils  sont  recouverts  d'un  test  mince  , 
corné ,  composant  un  bouclier  supérieur  d'une  ou  de  deux 
pièces,  ou  bien  une  sorte  de  coquille  bivalve.  On  ne  voit 
point  sous  le  dessous  de  la  queue ,  ou  du  moins  sous  ses  der- 
niers anneaux  ,  d'appendices  analogues  à  ceux  que  l'on  v  ob- 
serve dans  la  plupart  des  crustacés  précédens.  Les  pâtes  pos- 
térieures de  diverses  espèces,  telles  que  celles  des  limules, 
des  caliges  ,  quoique  d'une  forme  très  singulière  ,  ont  plus  de 
rapports  avec  les  pieds  thoraciques  des  crustacés  des  premiers 
Drdres  qu'avec  les  fausses  pâtes  du  dessous  de  leur  queue  ou 
post-abdomen.  Les  uns  se  distinguent  aisément  de  tous  les 
autres  crustacés  par  leur  bouche  en  suçoir ,  ou  bien  en  ce 
qu'elle  est  composée  de  deux  rangées  de  mâchoires  formées 
par  le  premier  article  des  pieds  ambulatoires ,  ou  ceux  du 
premier  bouclier-,  les  autres,  dont  la  bouche  est  analogue  à 
celle  des  crustacés  des  ordres  précédens  ,  s'en  éloignent  ce- 
pendant par  la  forme  de  leurs  pâtes ,  leur  nombre  ,  ainsi  que 
celui  des  organes  de  la  vision.  Ainsi ,  dans  ceux  qui  ont  deux 
yeux ,  et  quelquefois  portés  sur  des  pédicules ,  mais  inarti- 
culés (i)  ,  le  nombre  des  pâtes  thoraciques  est  au  moins  de 
vingt ,  et  elles  sont  toutes  composées  d'articles  lamelleux  ou 
foliacés  j  les  autres  n'ont  qu'un  seul  œil.  Le  nombre  des  pâtes, 

(i)  Sessiles  daus  tous  les  autres. 

27 


4l8  CONSIDÉRATIONS  GENER.  SUR  LES  ENTOMOSTRACis. 

en  y  comprenant  celles  qui  correspondent  aux  pieds -mâ- 
choires ,  est  de  huit  au  plus.  Deux  des  antennes  au  moins 
contribuent  aussi  à  la  locomotion.  Or,  cet  ensemble  de  carac- 
tères ne  convient  à  aucun  des  crustacés  des  ordres  prëcédens. 
On  avait  d'abord  cru  que  les  organes  sexuels  masculins  de 
quelques  espèces  étaient  placés  sur  deux  de  leurs  antennes  ; 
mais  les  observations  de  Jurine  père  ont  détruit  cette  erreur, 
et  il  est  reconnu  que  ces  organes ,  ainsi  que  ceux  de  l'autre 
sexe  ,  sont  situés  soit  près  de  l'origine  de  la  queue  ou  de  l'ab- 
domen (  le  second  anneau  ordinairement)  *,  soit ,  comme  dans 
les  limules ,  aux  deux  dernières  pâtes  du  bouclier  antérieur. 
Nous  remarquerons  cependant  qu'on  n'a  encore  à  cet  égard 
qu'un  petit  nombre  d'observations.  Cette  disette  de  faits  est 
encore  plus  grande  relativement  au  mode  de  circulation  et  au 
système  nerveux  ;  toute  généralisation  serait  par  conséquent 
hasardée  (i).  Sous  le  rapport  de  la  gestation  ,  les  entomos- 
tracés  diffèrent  aussi  des  autres  crustacés.  Les  femelles  des  uns 
portent  leurs  œufs  dans  deux  capsules  ou  dans  deux  sacs  situés 
près  de  la  naissance  de  l'abdomen  5  les  œufs  des  autres  sont 
rassemblés  quelque  temps  sur  le  dos ,  au-dessous  des  tégumens, 
s'échappent  ensuite  par  les  issues  extérieures  des  ovaires ,  et 
sont  déposés  dans  les  lieux  convenables  à  leur  conservation  et 
éclosion  :  il  paraîtrait  qu'une  dessiccation  prolongée  ne  leur 
ferait  point  perdre  leurs  propriétés.  On  a  constaté  à  l'égard  de 
quelques  espèces,  qu'un  seul  accouplement  suffit  pour  plusieurs 
générations  successives.  Ces  crustacés  subissent  dans  leur  jeune 
âge  des  changemens  très  remarquables,  qui  influent  sur  la 
forme  générale  de  leur  corps ,  ainsi  que  sur  celle  de  leurs 
appendices  locomoteurs  et  leur  nombre.  Ce  sont  de  véritables 
métamorphoses.  Les  recherches  de  Ramdohr ,  de  Jurine  père 
et  de  Jurine  fils,  et  surtout  celles  de  M.  Straus,  ont  ajouté 


(l)  Il  paraîtrait,  d'après  les  observations  de  Jurine  père,  sur  le  cœur  d'une  es- 
pèce de  cyclôps,   et  celles  de  M.  Straus  sur   le  même  organe   considéré  dans  une 
espèce  de  daphnie  ,  qu'il  aurait  des  rapports  avec  celui  des  décapodes  ,  tandis  que 
le  cœur  des  limules  ,  selon  M.  Cuvier,  aurait  plus  d'analogie  avec  celui  des  stoma- 
pudcs . 


CRUSTACÉS.   SEPTIÈME    ORDRE.    LOPHYROPES.       /pQ 

,  beaucoup  au  précieux  travail  de  Mùller  sur  ces  animaux  -, 
mais  il  reste  encore  bien  des  difficultés  à  éclaircir  et  des  dé- 
tails d'organisation  à  connaître. 

D'après  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut ,  les  entomostracés 
se  divisent  naturellement  en  deux  grandes  sections,  les  dentés 
et  les  édentés.  Les  premiers  ont  une  bouche  composée  d'un 
labre  ,  de  deux  mandibules  ,  d'une  languette  et  de  deux  paires 
de  mâchoires  ,  faisant  quelquefois  l'office  de  mains  ou  d'or- 
ganes de  préhension.  Ils  se  rapprochent   des  crustacés  que 
nous  avons  vus.  La  bouche  des  autres  ,  ou  des  édentés ,  nous 
présente  deux  types  de  conformation.  Dans  l'un,  et  dont  les 
limules  seules  nous  offrent  un  exemple,  le  premier  article  des 
pieds  du  bouclier  antérieur  sert  de  mâchoire  -,  c'est  aussi  ce 
que  l'on  observe  dans  le   genre  phalangîum ,  de  la  classe 
des  arachnides.  Dans  l'autre  type,  et  composé  d'espèces  pa- 
rasites ,  un  suçoir  formé  à  ce  qu'il  paraît  de  quatre  pièces 
correspondantes  au  labre  ,  aux  mandibules  et  à  la  languette 
des  crustacés  dentés,  tient  lieu  débouche-,  ce  sont  ainsi  des 
animaux  suceurs.  Telles  sont  les  premières  bases  de  notre 
distribution.  Nous  signalons  ensuite  les  ordres,  d'après  d'au- 
tres caractères  secondaires  ,  tirés  du  nombre  et  de  la  forme 
des  pâtes  ,  des  yeux  ,  etc.  y^\' 


SEPTIÈME  ORDRE. 

;  LOPHYROPES  (L0PHYR0PJ4;>\   „ 

D'après  les  observations  de  Ramdohr,  de  Jurine  père ,  e1 
M.  Straus,  relatives  aux  organes  de  la  manducation  et  de  la 
locomotion,  comparées  avec  celles  que  nous  offrent  ces  mêmes 
parties,  considérées  dans  les  crustacés  des  ordres  précédens  , 
il  paraîtrait  que  la  dernière  paire  de  pâtes  thoraciques  de  ces 
entomostracés  serait  l'analogue  de  la  troisième  paire  des  am- 
phipodes  et  des  isopodes,  ou  de  la  première  des  décapodes. 
Suivant  Jurine  ,  le  nombre  des  pâtes  thoraciques  est  de  huit  5 


420       CRUST/VCÉS.   SEPTIEME    ORDRE.    LOPHYROPES. 

mais  l'on  voit  d'après  l'ordre  successif  des  appendices  qui  les 
précèdent ,  que  ceux  qu'il  désigne  sous  le  nom  de  mains ,  ré- 
pondent aux  secondes  mâchoires,  et  que  dès-lors  les  trois 
paires  antérieures  de  pieds  proprement  dits  représentent  au- 
tant de  pieds-màchoires.  Les  daphnies  ont ,  selon  M.  Straus , 
dix  pieds  -,  mais  ici  les  deux  premiers  correspondent  aussi  aux 
secondes  mâchoires. 

Je  partagerai  les  lophyropes  en  deux  petites  familles. 

PREMIÈRE  FAMILLE. 

SÉTIGÈRES    {SETICERA), 

Le  thorax  ,  plus  ou  moins  ovoïde  ou  ovalaire ,  est  divisé  en 
quatre  segmens  ,  dont  l'antérieur  beaucoup  plus  grand,  et 
avec  lequel  la  tête  se  confond ,  offre ,  en  devant  et  dans  son 
milieu,  l'organe  de  la  vision.  Les  antennes  supérieures  sont 
longues  ,  sétacées  ,  simples  et  formées  d'une  multitude  de  pe- 
tits articles  \  on  n'en  distingue  guère  que  quatre  aux  infé- 
rieures (^  antennules ,  Jurine  )  :  celles-ci  sont  fort  courtes, 
filiformes ,  simples  ou  fourchues  -,  les  mandibules  portent  un 
palpe,  tantôt  indivis,  tantôt  partagé  en  deux  branches.  Im- 
médiatement à  la  suite  des  pièces  répondant  aux  deux  mâ- 
choires supérieures,  viennent  cinq  paires  de  pieds,  divisés 
en  deux  branches  cylindriques ,  plus  ou  moins  garnies  de 
poils.  La  queue  est  formée  de  six  anneaux ,  avec  deux  sty- 
lets et  des  soies  au  bout.  L'on  voit,  sous  le  premier,  dans 
la  femelle,  deux  appendices  en  forme  de  petites  pâtes  (i), 


(i)  Ce  sont  peut-être  les  analogues  des  seconds  pieds  thoraciques  des  décapodes. 
Dès-lors  les  organes  sexuels,  étant  situés  sur  l'anneau  suivant ,  occuperaient  une  place 
correspondante  à  celle  des  parties  sexuelles  féminines  de  ces  décapodes.  Dans  les 
apus,  les  deux  capsules  renfermant  les  œufs  se  trouvent  à  la  base  de  la  onzième 
paire  de  pâtes.  Les  premières  représentent  les  pieds-mâchoires.  Si  on  compare  ces 
organes  ,  ainsi  que  les  suivans,  aux  pieds  des  myriapodes  ,  ils  seront  censés  doubles  ; 
et  les  dix  paires,  précédant  celle  qui  porte  les  œufs ,  équivaudront  à  cinq  paires  or- 
dinaires. Par  conséquent  les  œufs  seront  situés  sur  la  troisième  paire  des  pieds  tho- 
raciques. 


N 


1 


PREMIÈRE    FAMILLE.    SÉTICÈRES.  4^1 

et  SOUS  le  second^  dans  les  deux  sexes ,  les  organes  de  la  gé- 
1  iiération ,  et  les  deux  sacs  ovifères  et  pédicules.  Cette  fa- 
mille  ne   comprend    qu'un    seul  genre  ,    celui   de  cyclope 
(  cjclops  ) . 

Jurine  a  observé  que  les  antennes  supérieures  font  presque 
l'office  de  pieds,  et  que  les  inférieures,  par  la  rapidité  de 
leurs  mouvemens,  font  tourbillonner  l'eau.  Dans  les  mâles, 
ks  deux  premières ,  ou  l'une  d'elles  seulement  {castor)  ,  pré- 
sentent des  étranglemens  et  un  renflement  suivi  d'un  article 
à  charnière.  Au  moyen  de  ces  organes,  ou  de  l'un  d'eux,  le 
mâle  saisit ,  dans  ses  préludes  amoureux  ,  soit  les  dernières 
pâtes  de  la  femelle,  soit  le  bout  de  sa  queue,  et  la  retient 
dans  une  situation  appropriée  à  la  manière  dont  ils  se  fixent  -, 
si  celle-ci  ne  veut  pas  d'abord  se  prêter  à  ses  désirs  ,  elle  em- 
porte l'autre  individu.  La  copulation  s'opère  ainsi  que  dans 
I  les  crustacés  précédens  et  par  des  actes  prompts  et  réitérés. 
Jurine  en  a  compté  trois  dans  un  quart  d'heure.  Les  œufs  sont 
contenus  dans  deux  sacs  ovalaires,  sortes  d'ovaires  externes , 
situés ,  un  de  chaque  côté  de  la  queue  de  la  femelle  ,  et  fixés , 
au  moyen  d'un  pédicule ,  au  second  anneau  ,  près  de  sa  jonc- 
tion avec  le  troisième  ,  où  est  aussi  l'orifice  du  canal  déférent 
des  œufs.  Leur  nombre  augmente  et  leur  couleur  change 
avec  l'âge.  Sur  le  point  d'éclore,  ils  deviennent  transparens 
et  ne  grossissent  plus-,  isolés  ou  détachés,  du  moins  jusqu'à 
une  certaine  époque  ,  le  germe  périt.  Une  seule  fécondation  , 
mais  nécessaire  ,  suffit  pour  plusieurs  générations  successives. 
La  même  femelle  peut  faire  jusqu'à  dix  pontes,  dans  l'espace 
de  trois  mois  ^  on  a  calculé  qu'en  n'en  supposant  que  huit, 
et  quarante  petits  pour  chaque  ,  la  somme  totale  des  nais- 
sances serait  de  quatre  milliards  et  demi.  La  durée  de  l'état 
^  oviforme  varie  de  deux  à  dix  jours,  selon  les  différences 
de  température,  les  saisons  et  quelques  autres  circonstances. 
Quelques  animalcules  infusoires  s'attachent  quelquefois,  et 
en  société  plus  ou  moins  nombreuse,  aux  sacs  ovigères,  et  y 
forment  des  corps  allongés,  ayant  la  figure  de  glandes. 

Les  petits  n'ojît .   en  naissant,  que  quatre  pales,  et  \qux 


422       CRUSTACÉS.    — "    SEPTIEME    ORDRE.    LOPHYROPES. 

corps  est  arrondi  et  sans  queue  ^  Mûller  en  avait  fait  son  genrç 
amymone.  Peu  de  temps  après ,  il  leur  pousse  une  nouvelle 
paire  de  pâtes ,  et  ces  individus  composent,  dans  l'ouvrage 
du  même  auteur,  une  autre  coupe  générique^  celle  de  nau- 
plius.  On  a  dit  qu'après  la  première  mue,  ils  avaient  tous  les 
caractères  de  l'animal  parfait,  mais  sous  de  moindres  pro- 
portions, surtout  quant  aux  antennes  et  aux  pâtes ,  et  qu'après 
la  troisième,  ces  animaux  étaient  adultes.  Mais  est-il  bien 
constant  qu'ils  acquièrent  deux  paires  de  pâtes  de  plus,  sans 
changer  de  peau  ? 

Au  défaut  de  matières  animales,  les  cyclopes  se  nourrissent 
de  substances  végétales.  Jurine  nous  a  appris  que  dans  l'espèce  i 
nommée   castor,  le  cœur,  de  forme  ovalaire,  donnait  nais- 
sance à  chacune  de  ses  extrémités  à  un  vaisseau,  ayant  au- 
dessous  de  lui  un  autre  organe  analogue,  en  forme  de  poire 
et  situé  sous  le  second  et  le  troisième  segmen  du  corps.  De 
ses  expériences  sur  des  individus  alternativement  asphyxiés  et 
rappelés  à  la  vie  ,  il  résulterait  que  l'irritabilité  du  cœur  a 
moins   d'énergie  que  l'extrémité  du   canal  intestinal  et  des 
supports.  Lorsqu'on  coupe  une  portion  d'antenne,  il  ne  s'y 
fait  aucun  changement  ;  la  réintégration  s'opère  sous  la  peau 
et  tout  est  réparé  à  la  mue  suivante.  Quelques  espèces  offrent 
des  différences  assez  notables  pour  que  l'on  puisse  les  sépa- 
rer dans  autant  de  divisions  ou  même  de  genres.  C'est  ainsi , 
par  exemple,  que  la  femelle  du  cyclope  staphjli/i,  distingué 
d'ailleurs,  dans  les  deux  sexes,   des  autres  espèces,  par  les 
antennes  et  quelques  autres  rapports ,  a ,  sous  le  dessous  de  la 
queue ,  une  sorte  de  corne  arquée  en  arrière.  Dans  le  C.  cas- 
tor  et  quelques  autres,  les  palpes  des  mandibules  sont  divi- 
sés en  deux  branches.  On  cite  une  espèce  où  les  antennes  in- 
férieures manquent  ;  elle  compose  le  genre  calakus  du  docteur 
Leach.  La  plus  commune  est  le  C.  quadricorjne  Çmonociilus 
quadricornis y  Liinn)  :  elle  est  longue  de  deux  lignes,  tantôt 
rougeâtre ,  tantôt  verdâtre  ou  blanchâtre,  avec  les  antennes 
simples;  les  inférieures,  dont  la  longueur  ne  fait  guère  que 
le  tiers  de  celle  des  supérieures,  ont  quatre  articles.  Le  corp? 


DEUXIÈME    FAMILLE.    CLADOCÈRES.  ^^3 

jusqu'à  la  queue,  est  presque  ovoïde  et  renflé  ^  la  queue  est 
étroite  et  de  six  segmens. 

DEUXIÈME  FAMILLE. 

CLADOGÉRES  {CLADOCERA). 

Une  grosse  tête ,  saillante ,  souvent  terminée  en  pointe  ou 
en  manière  de  bec  inférieurement ,  portant  supérieurement  un 
œil  de  grandeur  variable,  précédé,  dans  quelques  [Ijncées), 
d'une  tache  noire  oculiforme ,  ayant  de  chaque  côté,  près  de 
sa  jonction  avec  le  thorax,  une  antenne  toujours  saillante, 
ordinairement  fort  grande  ,  en  forme  de  bras ,  servant  de 
rame,  divisée  à  la  suite  d'un  pédoncule,  en  deux  ou  trois 
'branches,  articulées,  garnies  de  soies  ou  de  filets;  un  test 
plié  en  deux,  mais  sans  charnière,  enveloppant  le  thorax  et 
les  pâtes,  le  plus  souvent  finissant  en  pointe  à  son  extrémité 
postérieure  \  dix  pâtes  plus  ou  moins  divisées ,  et  garnies  de 
filets  ou  de  soies  au  bout  ;  une  queue  courte,  se  repliant  en 
dessous,  et  terminée  par  deux  appendices  coniques  ou  séta- 
cés  ;  œufs  toujours  intérieurs  jusqu'au  moment  où  la  femelle 
les  dépose  dans  l'eau ,  passant  des  ovaires  situés  sur  les  côtés 
dans  une  cavité  dorsale  ,  entre  le  corps  et  le  test,  tels  sont  les 
caractères  généraux  de  cette  famille,  (i) 

Des  trois  genres  dont  elle  se  compose ,  celui  de  daphnie ,  le 
plus  nombreux  de  tous,  est  celui  qui  a  été  le  mieux  observé. 
Ici  les  mandibules  n'offrent  point  de  palpes ,  et  le  second 
article  des  pâtes  est  vésiculeux.  (  Voyez  le  genre  apus.  ) 
L'analogie  nous  porte  à  soupçonner  que  les  autres  genres 
sont  dans  le  même  cas.  Les  deux  autres  antennes ,  ou  les  in- 
férieures ,  sont  très  courtes ,  cylindracées ,  d'un  à  deux  arîi^ 
clés,  avec  une  ou  plusieurs  soies  au  bout. 

Ces  crustacés  ont  des  mouvemens  très  prompts  et  sautent 
pour  la  plupart. 


(i)  Ces  animaux,  d'après  M.  Straus,  seraient  aussi  les  seuls  brancliiopodes  dont 
le  cœur  serait  fort  court  et  ne  s'étendrait  point  dans  la  cavité  abdominale. 


424       CRUSTACÉS.  SEPTIÈME    ORDRE.    LOPHYROPES. 

Les  uns  ont  une  télé  arrondie,  presque  entièrement  oc- 
cupée  par  l'œil,   et  les  branches  des  grandes  antennes  di- 
visées en  cinq  articles.  L'on  reconnaît  à  ces  traits  le  genre 
poLYPHÈME  {poljphemus ,  Muller).  On  n'en  a  découvert 
qu'une  seule  espèce,  nommée  par  Linné  monoculus  pedi- 
culus  ,  et  par  Mùller  poljpliemus  oculus  :  c'est  le  cepJialocu- 
lus  stagnomm  de  Lamarck.  De  Géer  et  Jurine,  celui-ci  sur- 
tout ,  en  ont  fait  une  étude  spéciale.  La  coquille  est  tellement 
diaphane  qu'elle  laisse  apercevoir  tous  les  viscères  ^  les  œufs  ^ 
dont  la  quantité  dans  les  plus  fortes  pontes  ne  va  pas  au-delà 
de  dix,  en  occupent  la  majeure  partie  5  de  son  extrémité  an- 
térieure partent  et  s'avancent  deux  petites  antennes  d'un  seul 
article ,  et  terminé  par  deux  filets.  Les  pieds  se  composent 
d'une  cuisse ,  d'une  jambe  et  d'un  tarse  de  deux  articles,  dont 
le  dernier ,  la  paire  postérieure  exceptée ,  offre  aussi  à  son 
extrémité  de  petits  filets.  L'abdomen  ,  d'abord  contourné  d'ar- 
rière en  avant,  "se  recourbe  ensuite  brusquement  en  arrière, 
et  forme  une  queue  longue ,  grêle ,  pointue ,  donnant  nais- 
sance à  deux  longs  filets  articulés.  L'animal  nage  toujours  sur 
le  dos,  et,  à  l'aide  des  mouvemens  rapides  de  ses  bras  et  de 
ses  pieds  ,  il  exécute  ,  avec  une  grande  justesse  et  beaucoup 
d'agilité ,  toutes  sortes  d'évolutions.  L'œil  d'abord  verdâtre  , 
d'un  noir  plus  ou  moins  foncé  ensuite ,  apparaît  très  promp- 
tement  dans  le  fœtus.  Réduit  en  captivité,  ce  crustacé  vit 
peu  de  temps ,  et  Jurine  n'a  pu  le  conserver  après  les  pre- 
mières mues.   Il  est  sujet,   après  celles-ci,    à   la   maladie 
de  la  selle,  dont  nous  parlerons  à  l'article   des  daphnies, 
mais  sans  offrir ,  dans  ce  cas ,  ces  deux  boules  ovales  que  l'on 
observe  en  pareille  circonstance  dans  ces  derniers  animaux.      a 
Le  poljphème  des  étangs  est  très  abondant  dans  les  étangs 
et  marais  du  nord,  où  il  forme,  à  ce  qu'il  paraît,  des  réu- 
nions considérables. 

Dans  les  autres  ,  l'œil  n'occupe  qu'une  petite  portion  de  la 
surface  de  la  tête  ^  elle  est  presque  toujours  terminée  en 
pointe  à  son  extrémité  antérieure  et  inférieure.  Les  branches 
des  grandes  antennes  n'ont  pas  au-delà  de  quatre  articles. 


DEUXIÈME    FAMILLE.    CLADOCERES.  4^5 

Les  DAPHNIES  {daphnia ,  Mull.)  ont  leurs  deux  antennes 
en  forme  de  bras,  entièrement  découvertes,  aussi  longues, 
ou  presque  aussi  longues  que  la  tête  et  le  test.   On  ne  voit 
aucune  tache  oculaire  au-devant  de  leur  œil.  Les  troisième 
et  quatrième  articles  ,   ou  les  deux  derniers  des  huit   pre- 
mières pâtes ,  forment  une  sorte  de  nageoire  bordée  de  soies 
ou  de  filets  ^  le  côté  interne  du  troisième  article  de  la  se- 
conde paire   et  des  deux  suivantes  offre  ,   en   outre  ,  une 
lame  branchiale  ,  mais  plus  fortement  prononcée  ,  à  raison 
des  soies  plus  nombreuses  et  plus  serrées ,  aux  troisième  et 
quatrième  paires  de  pâtes  \  les  filets  du  dernier  article  de 
ces  trois  paires  de  pâtes  branchiales  sont  articulés ,  barbus  , 
et  forment  une  sorte  de  digitation  ou  de  peigne  ;  l'extrémité 
du  troisième  article  des  secondes  pâtes  présente  aussi  au  côté 
interne  des  soies  barbues.  Les  deux  derniers  articles  de  la 
dernière  paire  se  prolongent  en  manière  de  pointes  sétacées, 
dirigées  en  sens  opposés,  et  dont  l'une  velue.  La  partie  cor- 
respondante à  la  lame  branchiale  est  dépourvue  de  soies  ou 
de  filets.  Le  quatrième  et  dernier  article  des  deux  premières 
pâtes  est  terminé  par  un  ergot  ou  crochet ,  mais  plus  fort  dans 
le  mâle  :  ici  l'article  précédent  offre  aussi  une  longue  soie. 
Ces  derniers  individus  ont ,   en  général ,  les  antennes  infé- 
rieures plus  longues,  la  tête  proportionnellement  plus  courte, 
avec  le  bec  moins  saillant ,  le  test  plus  étroit  ,  moins  gib- 
beux  postérieurement,  et  plus  ouvert  en  devant-,  il  se  termine 
d'ailleurs  de  même ,  dans  les  deux  sexes ,  en  une  pointe  ou 
stylet  dentelé ,  qui  se  raccourcit  et  devient  obtus  avec  l'âge. 
Le  corps  proprement  dit  est  parfaitement  libre  ou  dégagé  du 
test,  divisé  en  huit  segmens,  avec  une  pointe  ou  corne  au 
quatrième ,   et  une  rangée  de  mamelons  sur  le  dessus  du 
sixième.  Le  long  de  ses  côtés  antérieurs  sont  situés  les  ovaires; 
ils  s'ouvrent  séparément  dans  une  cavité  dorsale  ,  entre  le 
corps  proprement  dit  et  le  test,  et  que  Jurine  nomme  ma- 
trice. Il  attribue  à  une  maladie  une  grande  tache  obscure 
et  rectangulaire  ,  appelée  ephippium  ou  selle  par  Mùller , 
qui,  à  quelques  époques  de  l'année,  et  principalement  en  été 


4^6       CRUSTACES.   SEPTIÈME    ORDRE.    LOPHYKOPKS. 

et  après  la  mue ,  se  montre  dans  les  femelles  à  la  partie  su- 
périeure de  la  coquille.  Suivant  M.  Straus  ,  qui  a  observé 
ces  animaux  avec  une  rare  patience,  et  en  a  donné  une  très 
bonne  monographie ,  cet  ephippium  ,  qui  se  divise,  ainsi  que 
les  valves  dont  il  fait  partie  ,  en  deux  moitiés  latérales  ,  pré- 
sente deux  ampoules  ovalaires ,  transparentes,  placées  l'une 
au-devant  de  l'autre  ,  et  formant  avec  celles  du  coté  opposé 
deux  petites  capsules  ovales,  s'ouvrant  comme  une  coquille 
bivalve  ou  le  test.  L'intérieur  de  cet  ephippium  en  offrirait 
un  autre ,  mais  plus  petit ,  à  bords ,  le  supérieur  et  tenant 
aux  valves  excepté  ,  libres ,  et  dont  les  deux  moitiés,  jouant  en 
charnière  l'une  sur  l'autre,  présenteraient  les  mêmes  ampoules 
que  les  battans  extérieurs.  Chaque  capsule  renferme  un  œuf 
semblable  aux  œufs  des  autres  entomostracés ,  mais  se  déve- 
loppant plus  lentement  et  devant  passer  l'hiver  sous  cette 
forme.  A  l'époque  de  la  mue,  cet  ephippium,  abandonné  avec 
les  œufs,  leur  servirait  d'abri.  Ils  sont  absolument  libres  dans 
les  réceptacles  qui  leur  sont  propres. 

Cet  observateur  n'a  jamais  vu  éclore  ceux  qui  avaient  été 
desséchés ,  quoique  Schaeffer  assure  qu'une  longue  dessicca- 
tion ne  leur  est  point  nuisible.  Suivant  Jurine,  le  petit  naît, 
en  été  ,  au  bout  de  deux  ou  trois  jours  après  la  ponte.  Au 
rapport  de  M.  Straus  ,  qui  a  suivi  ces  œufs  dans  toutes  les  sai- 
sons de  l'année  et  sous  le  climat  de  Paris ,  il  faut  au  moins  cent 
heures.  Le  fœtus  commence  à  se  mouvoir  à  la  quatre-vingt- 
dixième,  lorsque  l'œil  a  paru  et  que  les  bras  et  les  valves  se 
sont  allongés.  Il  est  très  actif  à  la  centième.  Vers  la  fin  du  cin- 
quième jour,  la  queue ,  qui  termine  les  valves  dans  le  jeune 
âge  ,  et  les  soies  des  bras  se  débandent  comme  un  ressort ,  et 
les  pâtes  commencent  seulement  alors  à  s'agiter.  Les  petits 
devant  paraître  au  jour  ,  la  femelle  abaisse  son  abdomen,  et 
ils  s'élancent  au-dehors.  Le  naturaliste  genevois  précité  a  suivi 
les  développemens  progressifs  du  fœtus  en  hiver ,  et  comme 
les  petits  n'ont  apparu  que  le  dixième  jour,  il  a  pu  observer 
leur  formation  d'une  manière  plus  précise  et  plus  détaillée.  Il 
faut  recourir  à  son  ouvrage  pour  bien  connaître  ces  change- 


DEUXIÈME    FAMILLE.    CLADOCÈRES.  4^7 

mens.  Je  dirai  simplement  qu'en  thèse  générale  l'œuf,  dès  son 
principe  ,  se  compose  d'une  bulle  centrale  ,  paraissant  corres- 
pondre au  canal  alimentaire,  entourée  de  plusieurs  autres 
bulles  plus  petites ,  avec  des  molécules  colorées  dans  les  inter- 
valles ^  que  le  nombre  de  ces  petites  bulles  décroît  au  fur  et  à 
mesure  que  les  organes  se  développent  ^  que  le  huitième  jour 
elles  ont  presque  entièrement  disparu ,  mais  la  centrale,  occu- 
pant le  canal  alimentaire  sous  le  cœur,  subsiste  encore-,  le 
dixième ,  le  petit ,  entièrement  formé  ,  sort  de  la  matrice  ,  et 
reste  un  instant  immobile. 

Les  mâles  sont  très  ardens  à  poursuivre  leurs  femelles  ,  et 
souvent  le  même  individu.  Jurine ,  plus  heureux  à  cet  égard 
que  M.  Straus,  a  vu  leur  accouplement.  Le  mâle,   placé 
d'abord  sur  le  dos  de  sa  compagne  ,  la  saisit  avec  les  longs  filets 
de  ses  pâtes  antérieures ,  rapproche  ensuite  le  bord  inférieur 
de  sa  coquille  ,  du  même  bord  de  celle   de  la  femelle  ,  y 
introduit  les  filets  et  les  crochets  ou  harpons  de  ses  pâtes,  et 
ramène  sa  queue  près  de  la  sienne.  La  femelle  ne  cède  pas 
toujours ,  et  emporte  alors  avec  elle  l'autre  individu.  Les  œufs  , 
d'abord  sous  la  forme  de  petits  grains  verts ,  rosés  ou  bruns  , 
suivant  les  saisons  ,  remontent  graduellement  dans  la  matrice 
pour  y  prendre  la  grosseur  et  la  figure  qui  leur  sont  propres. 
Au   témoignage  du   même   observateur,  les  mâles  seraient 
moins  nombreux  que  les  femelles.  On  n'en  trouve  que  diffici- 
lement au  printemps  et  en  été  ;  ils  sont  moins  rares  en  au- 
tomne. Environ  huit  jours  après  leur  naissance  ,  les  petits 
subissent  une  première  mue.  Non  seulement  le  corps,  mais 
les  branchies  et  les  soies  des  rames  se  dépouillent  alors  de  leur 
épidémie.  Les  mues  suivantes  ont  lieu  par  intervalles  de  cinq 
à  six  jours  ,  selon  le  plus  ou  moins  d'élévation  de  la  tempéra- 
ture. Ce  n'est  qu'à  la  troisième  que  ces  crustacés  ont  acquis  la 
faculté  reproductrice.  La  ponte  n'est  d'abord  que  d'un  œuf: 
mais  les  suivantes  augmentent  progressivement ,  et  une  espèce 
[D.  magna)  produit  jusqu'à  cinquante-huit  œufs.  Un  jour 
après  la  ponLe,  la  femelle  mue,  et  les  tégumens  abandonnés 
renferment  les  coques  des  œufs  de  la  dernière  ponte.  Un  mo' 


428       CRUSTACÉS.  SEPTIEME    ORDRE.    LOPllYROPES. 

ment  après,  elle  change  encore  de  peau.  Les  jeunes  d'une 
même  portée  sont  presque  toujours  du  même  sexe ,  et  sur 
cinq  à  six  pontes  estivales ,  il  s'en  trouve  au  plus  une  de 
mâles. 

Les  mues  et  les  pontes  cessent  aux  approches  de  l'hiver. 
Les  œufs  contenus  dans  les  éphippiums ,  et  qui  avaient  été 
déposés  en  été,  éclosent  le  printemps  suivant.  M.  Straus  n'a 
jamais  remarqué  que  ces  animaux ,  rassemblés  en  grand  nom- 
bre ,  donnassent  aux  eaux  qu'ils  habitent  une  couleur  rouge  , 
ainsi  qu'on  l'avait  avancé.  Ils  nagent  par  petits  bonds ,  et  ne  se 
nourrissent ,  suivant  lui ,  que  de  parcelles  de  substances  vé- 
gétales. Il  leur  a  vu  avaler  jusqu'à  leurs  propres  excrémens , 
que  le  courant  de  l'eau  ,  produit  par  les  mouvemens  de  leurs 
pâtes  ,  avait  portés  à  leur  bouche.  L'extrémité  de  leur  queue 
leur  sert  souvent  à  nettoyer  leurs  branchies. 

L'espèce  la  plus  abondante  dans  nos  eaux  est  la  daphnie  puce 
{pionoculus  pulex ,  Linn.)  ,  le  perroquet  d'eau  de  Geoffroy , 
ou  la  puce  aquatique  arborescente  de  Swammerdam.  Les 
soies  des  branches  de  ses  antennes  sont  plumeuses.  Son  bec  est 
grand  et  convexe.  Le  premier  mamelon  du  sixième  segment 
du  corps  est  en  languette.  Les  valves  de  la  coquille  ,  dentelées 
au  bord  inférieur ,  se  terminent  par  une  queue  courte ,  obtuse 
dans  les  femelles ,  et  c'est  par  là  que ,  suivant  M.  Straus ,  cette 
espèce  se  distingue  d'une  autre ,  avec  laquelle  on  l'avait  con- 
fondue ,  et  qu'il  nomme  longispina. 

Les  LYNcÉEs  (IjnceuSy  Mïill.)  ne  diffèrent  des  daphnies 
que  par  leurs  antennes  rémiformes ,  sensiblement  plus  courtes 
que  la  tête  et  le  test,  et  dont  le  pédoncule  est  presque  entiè- 
rement caché.  Au-devant  de  leur  œil  est  une  petite  tache,  qui 
a  l'apparence  d'un  autre  œil.  Le  bec  est  proportionnellement 
plus  court  que  celui  des  daphnies,  courbé  et  pointu.  M.  Straus 
place  ce  genre  dans  la  division  de  sa  famille  des  daphnies, 
dont  la  queue  ou  le  post-abdomen  est  courbée  en  dessous  ;  les 
figures  de  Mùller  et  de  Jurine  indiquent  en  effet  ce  caractère. 
Mais  quoique  dans  les  polyphèmes  celle  queue  se  courbe  en 
sens  opposé  ou  du  côté  du  dos ,  il  m'a  paru  difficile  de  faire 


CRUSTACÉS.  HUITIÈME    ORDRE.    OSTRAPODES.        4^9 

l'application  du  même  caractère  aux  diverses  espèces  de 
daphnies,  et  je  n'ai  pas  cru  dès-lors  devoir  en  séparer  celles 
qui  forment  les  genres  latona  et  sida  de  ce  naturaliste ,  surtout 
dans  un  cours  où  je  ne  dois  présenter  que  ceux  qui  sont  le  plus 
tranchés. 

Outre  MùUer,  consultez  Y  Histoire  des  Monocles  de  Jurine. 
Sa  treizième  espèce  et  les  trois  suivantes ,  ou  les  quatre  der- 
nières de  sa  division  des  monocles  à  coquille  univalve,  sont 
des  lyncées. 


HUITIÈME  ORDRE. 

OSTRAPODES   {OSTRAPODA), 

Quoique  nous  eussions  établi  cette  coupe  avant  M.  Straus, 
et  sous  la  dénomination  à' ostrachodes ,  nous  adopterons  ce- 
pendant celle  à' ostrapodes ,  qu'il  a  donnée  à  cet  ordre ,  soit 
parce  qu'elle  est  plus  en  harmonie  avec  les  noms  des  autres 
ordres  ,  soit  pour  ne  pas  augmenter  les  difficultés  de  la  nomen- 
clature. Il  n'en  existe  aucune  relativement  à  la  distinction  de 
cet  ordre  -,  ses  caractères  sont  parfaitement  tranchés.  Trois 
célèbres  observateurs  ,  Ramdohr ,  Jurine  père  et  M.  Straus  , 
et  le  dernier  surtout ,  nous  ont  dévoilé  l'organisation  des  cy- 
pris,  qui ,  avec  le  genre  cythérée  ,  compose  cette  coupe  ordi- 
nale. Mùller,  qui  a  formé  l'un  et  l'autre,  n'est  entré  dans 
aucun  détail  approfondi ,  et  nous  ne  pouvons  séparer  le  second 
de  ces  genres  du  premier  qu'en  admettant,  avec  lui,  qu'il  y  a 
une  paire  de  pâtes  de  plus  ,  ou  huit ,  au  lieu  de  six  ,  et  que  les 
poils  des  antennes  sont  épars ,  tandis  qu'ils  se  réunissent  en 
une  sorte  de  pinceau  terminal  dans  les  cypris.  Mais  ces  deux 
genres  ont ,  pour  tout  le  reste ,  tant  d'analogie  qu'il  serait 
possible  que  ce  naturaliste  eût  considéré  comme  des  pieds  des 
organes  qui  ne  le  sont  pas.  On  n'accorde  que  deux  antennes  à 
tous  ces  crustacés  ;  mais  peut-être  que  les  organes  que  l'on  a 
pris  pour  les  deux  pieds  antérieurs  sont ,  à  raison  de  leur  inser- 
tion ,  deux  autres  antennes,  faisant,  comme  dans  beaucoup 


430       CRUSTACÉS.  HUITIÈME    OBDRE.    OSTR APODES. 

d'autres  entomostracés,  l'office  de  rames  ou  de  pieds-,  peut- 
être  aussi  sont-ce  de  véritables  pieds  ,  suppléant  les  antennes 
en  rames.  Les  cypris  seraient  donc  des  crustacés  tétrapodes, 
mais  dont  la  natation  serait  facilitée  par  les  appendices  bran- 
chiaux des  mandibules  et  des  mâchoires  supérieures.  Leur  test 
forme   une   coquille  bivalve  ovalaire  ,   comprimée  latérale- 
ment, arquée  et  bombée  dorsalement ,  et  presque  droite  ou 
un  peu  échancrée  au  côté  opposé  ,  celui  de  l'ouverture.  En 
avant  de  la  charnière ,  dans  la  ligne  médiane ,  l'œil  se  présente 
sous  la  figure  d'un  gros  point  noirâtre.  Les  antennes^  immé- 
diatement insérées  au-dessous  ,  sont  sétacées,  plus  courtes  que 
le  corps,  de  sept  à  huit  articles,  dont  les  derniers  plus  courts , 
et  terminées  par  un  faisceau  de  filets  servant  de  nageoires ,  et 
que  ,  suivant  Jurine ,  l'animal  développe  de  différentes  ma- 
nières pour  se  mouvoir  plus  ou  moins  rapidement.  La  bouche 
se  compose  d'un  labre  caréné  ,  de  deux  mandibules  dentées , 
portant  chacune  un  palpe  de  trois  articles ,  avec  une  petite 
lame  branchiale  et  digitée   sur  le  premier.  On  en  voit  une 
autre  beaucoup  plus  grande  ,  pectinée  à  son  bord  antérieur , 
sur  le  côté  extérieur  de  deux  mâchoires  supérieures  ,  qui  ont 
au  côté  interne  quatre  appendices  mobiles  et  soyeux.  Au-des- 
sous sont  deux  autres  mâchoires ,  composées  de  deux  articles , 
avec  un  palpe  court ,  inarticulé ,  et  soyeux  au  bout.  On  observe 
plus  bas  une  sorte  de  sternum.  Les  pieds  sont  au  nombre  de 
six,  dont  les  deux  antérieurs  ,  beaucoup  plus  forts  ,  dirigés  en 
avant ,  terminés  par  deux  articles ,  munis  de  soies  roides  ou 
de  longs  crochets  ,  rassemblés  en  un  faisceau  ,  sont  insérés  au- 
dessous  des  antennes  :  peut-être  que  ces  soies  concourent  au- 
tant à  la  natation  qu'à  la  respiration  -,  les  quatre  autres  pieds 
en  sont  dépourvus  ;  les  seconds  sont  d'abord  rejetés  en  arrière, 
arqués ,  et  terminés  par  un  long  et  fort  crochet  5  les  deux  der- 
niers ne  se  montrent  point  au-dehors  :  relevés  et  appliqués  sur 
les  côtés  du  corps  ,  ils  soutiennent  les  ovaires ,  et  se  terminent 
par  deux  petits  crochets.  C'est  du  Mémoire  de  M.  Straus  sur 
les  cypris,  que  nous  avons  emprunté  la  description  de  ces  di- 
vers organes.  En  la  comparant  avec  celle  que  M.  Ramdohr  a 


GÉNÉRALITÉS.  4^1 

(Ion née  du  cjpris  stiigata,  nous  y  trouvons  des  différences  qui 
nous  jettent  dans  l'incertitude.  Il  paraîtrait  que  celui-ci  aurait 
vu  quelques  appendices  de  plus,  comme  deux  mâchoires,  et 
qu'elles  précéderaient  ainsi  les  deux  autres ,  celles  de  la  se- 
conde paire  du  premier^  les  parties  que  celui-ci  prend  pour 
r  les  deux  premières.  Près  de  celles-ci ,  que  M.  Ramdohr  nomme 
lès^re  intérieure,  serait  placée  une  autre  lèvre,  V externe.  Les 
mâchoires  supérieures,  d'après  la  figure  et  la  description  de 
M.  Straus ,  ou  la  lèvre  intérieure,  selon  la  nomenclature  de 
M.  Ramdohr,  se  terminent  par  cinq  appendices.  Ne  seraitil 
pas  possible  qu'il  eût  confondu  avec  elles  les  pièces  que  le  der- 
nier appelle  lèvre  extérieure?  Quoi  qu'il  en  soit,  ces  doutes 
ne  peuvent  être  dissipés  que  par  un  nouvel  examen  ,  et  réitéré 
sur  plusieurs  espèces.  Peut-être  qu'alors  l'on  découvrira  que 
les  cypris  ont  autant  de  pâtes  que  les  daphnies,  mais  que  les 
quatre  dernières  seront  toujours  très  différentes  des  mêmes 
des  cruslacés  précédens. 

Le  corps  n'offre  aucune  articulation  distincte  ,  et  finit  pos- 
térieurement par  une  queue  molle,  repliée  en  dessous,  avec 
deux  filets  coniques  ou  sétacésau  bout  -,  ils  sont  armés  chacun  , 
près  de  leur  extrémité  ,  de  deux  épines  ou  onglets ,  et  dirigés 
en  arrière.  Les  ovaires  forment  deux  gros  vaisseaux ,  situés 
sur  les  côtés  postérieurs  du  corps ,  au-dessous  du  test ,  et  s'ou- 
vrant  à  la  partie  antérieure  de  l'abdomen  :  les  œufs  sont  sphé- 
riques. 

Le  docteur  MùUer  paraît  être  le  seul  qui  ait  vu  l'accouple- 
ment de  ces  animaux,  et  aucun  naturaliste  n'a  encore  décou- 
vert positivement  leurs  organes  sexuels,  quoique  d'ailleurs  les 
pontes  et  les  mues  de  ces  crustacés  ne  soient  pas  moins  nom- 
breuses que  celles  des  cyclopes,  des  daphnies,  etc.  Les  femelles 
déposent  leurs  œufs  en  masse,  et  les  fixent  sur  des  plantes  ou 
sur  le  limon  avec  une  substance  visqueuse.  Cramponnées 
alors  par  le  moyen  de  leurs  seconds  pieds ,  elles  ne  craignent 
pas  les  secousses  de  l'eau,  et  emploient  environ  douze  heures 
à  faire  leur  ponte ,  qui ,  dans  les  plus  grandes  espèces ,  peut 
\    se  composer  de  vingt-quatre  œufs.  Jurine,  ayant  isolé  ceux 


43'2       CRUSTACÉS.  NEUVIÈME    ORDRE.    PHYLLOPODES. 

d'une  ponte  ou  d'un  paquet ,  a  vu  éclore  les  petits  et  a  obtenu  i 
une  autre  génération  sans  le  concours  des  mâles.  Une  femelle  > 
qui  avait  fait  sa  ponte  le  12  avril,  a,  jusqu'au  18  mai  suivant 
et  inclusivement,  mué  six  fois.  Le  27  du  même  mois,  elle  a 
fait  une  seconde  ponte,  et  deux  jours  après  une  troisième. 
Il  lire  de  là  cette  conséquence  que  le  nombre  des  premières 
mues  est  en  rapport  avec  le  développement  graduel  de  l'in- 
dividu. 

Depuis  Mùller,  aucun  naturaliste  n'a  décrit  d'une  manière 
moins  imparfaite  son  genre  cythérée  (^cjthere - cjtherina , 
Lam.).  Ici  les  deux  antennes  sétacées,  composées  de  ciriq  ar- 
ticles ,  seraient  garnies  de  poils  épars ,  et  non  rassemblées  au 
bout  en  guise  de  pinceau.  Le  nombre  des  pieds  serait  de  huit. 
Toutes  les  espèces  habitent  les  eaux  salées  et  saumâtres  des 
bords  de  la  mer,  parmi  les  varecs  et  les  conferves. 


NEUVIÈME  ORDRE. 

PHYLLOPODES  {PHYLLOPODA). 

Il  semble  se  rattacher,  par  les  limnadies ,  aux  daphnies  et 
aux  lyncées.  Le  premier  de  ces  genres  ressemble  en  effet  aux 
suivans,  par  la  forme  du  test ,  les  antennes  et  quelques  autres 
caractères  j  mais  le  nombre  des  pâtes  est  plus  considérable,  et 
il  offre  deux  yeux.  Ces  rapports  sont  si  évidens ,  qu'Herman  fils 
avait  placé  avec  les  daphnies  l'espèce  sur  laquelle  cette  coupe 
a  été  établie  par  M.  Adolphe  Brongniart.  Le  mode  de  gestation 
est  encore  identique,  et  diffère  de  celui  des  autres  phyllopes. 
Ces  motifs  nous  déterminent  à  isoler  les  limnadies ,  et  à  for- 
mer avec  elles  une  petite  famille. 

Le  corps  des  phyllopes ,  tantôt  nu ,  tantôt  défendu  par  un 
test  qui  l'enveloppe  en  manière  de  coquille  bivalve  ou  le  re- 
couvre supérieurement ,  sous  la  forme  d'un  bouclier  en  dinii- 
ovale  et  échancré  postérieurement ,  est  divisé  en  un  grand 
nombre  de  petits  segmens  qui,  les  derniers  au  plus  exceptés. 


PREMIERE    FAMILLE.    MYTILOÏDES.  4^3 

portent  chacun  une  paire  de  pâtes  foliacées  ou  à  articles  la- 
melliformes^ il  est  souvent  terminé  par  une  queue,  ayant  à 
son  extrémité  deux  filets  ou  deux  appendices  en  forme  de  na- 
geoires ,    étroites  et  allongées.  La  tête   offre  deux  yeux ,  et 
même  quelquefois  trois,  quatre  à  deux  antennes,  un  labre, 
deux  mandibules,  quatre  ou  deux  mâchoires  et  une  languette. 
Certaines  mares,  des  fossés  remplis  d'eau  stagnante  ou  peu 
coulante  nous  offrent,  à  une  ou  deux  époques  de  l'année  ,  ou 
dans  quelques  circonstances  particulières,  des  masses  considé- 
rables de  ces  animaux  qui  disparaissent  bientôt  après.  Un  fait 
très  remarquable  à  l'égard  de  quelques  espèces,  c'est  que  tous 
les  individus  que  l'on  a  observés  étaient  des  femelles ,  et  que 
leurs  mâles  sont  encore  inconnus.  Ces  crustacés  nagent  sur  le 
dos ,  et  le  mouvement  de  leurs  pâtes  produit  des  ondulations 
agréables   à  voir.  Abstraction    faite   des    limnadies ,  les   fe- 
melles portent  leurs  œufs  dans  deux  capsules  ou  dans  une 
espèce  de  sac  ,  situées  à  l'extrémité  du  thorax  proprement  dit, 
ou  un  peu  plus  en  arrière  vers  l'origine  de  la  queue.  Les 
petits  éprouvent,  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  adultes ,  des  change- 
mens  de  forme  très  remarquables.  Schœffer  est  de  tous  les 
auteurs  celui  qui  a  le  mieux  observé  ces  animaux. 

Je  partagerai  les  phyllopes  en  deux  sections  :  i°.  ceux  qui 
sont  pourvus  d'un  test  en  forme  de  coquille  bivalve ,  ou  de 
bouclier,  dont  le  nombre  des  pâtes  est  au  moins  de  quarante- 
quatre,  et  dont  les  yeux  sont  sessiles-,  i°.  ceux  qui  n'ont  point 
de  test  bivalve  ou  clypéiforme  ,  dont  le  nombre  des  pâtes  est 
.  de  vingt  à  vingt-deux,  et  dont  les  yeux  sont  pédicules. 
Les  premiers  composeront  deux  familles. 

PREMIÈRE  FAMILLE. 

MYTILOÏDES   (MYTILOÏDES). 

Elle  ne  comprend  qu'un  seul  genre  ,  celui  de  limnadie 
(limnadia) ,  institué  par  M.  Adolphe  Brongniart. 

Ces  phyllopes  n'ont  que  deux  yeux ,  qui  sont  très  rappro- 
chés, et  portés  sur  une  téîe  distincte  du  test.  Ce  test  a  la 

58 


434       CRUSTACÉS.   DfEUVlÈME    ORDRE.    PHYLLOPODES. 

forme  d'une  coquille  bivalve,  comme  d'une  moule  ou  d'une 
modiole,  susceptible  de  renfermer  le  corps.  Il  y  a  quatre  an- 
tennes, dont  les  deux   extérieures   fort  grandes,  composées 
chacune  d'un  pédoncule  de  huit  articles  et  de  deux  tiges  ou 
branches  sétacées  ,  de  douze  articles,  et  soyeuses,  et  dont  les 
intermédiaires  petites,  simples,  élargies  à  leur  extrémité.  Au- 
dessous  de  deux  mandibules  renflées,  arquées  et  tronquées 
au  bout ,  est  une  paire  de  mâchoires  foliacées.  Le  corps  est 
divisé  en  vingt-trois  segmens ,  portant   chacun  ,  le  dernier 
excepté  ,  une  paire  de  pâtes  égales  ,  bifides  au  bout ,  avec  la 
division  extérieure  simple  ,  ciliée  au  bord  interne ,  et  l'autre 
quadriarticulée   et  fortement  ciliée  au  bord  extérieur.  Les 
douze  premières  paires  sont  de  même  longueur  et  un  peu  plus 
grandes  que  les  autres-,  celles-ci  décroissent  graduellement. 
La  onzième  paire  et  les  deux  suivantes  ont  à  leur  base  un  filet 
mince,  remontant  dans  la  cavité  qui  est  entre  le  dos  et  le 
test,  et  servant  de  support  aux  œufs.  Il  esta  présumer,  d'après 
ce  qui  a  lieu  dans  les  autres  phyllopodes  ,  que  l'issue  des 
ovaires  est  placée  près  de  la  naissance  de   quelques  unes  de 
ces  pâtes.  Ces  ovaires  s'étendent  sur  les  côtés  du  corps,  depuis 
la  première   paire  de  pâtes  jusqu'à  la  dix-huitième,  et  les 
œufs,  quelque  temps  avant  la  ponte,  passent  dans  la  cavité 
dorsale ,  sorte  de  matrice  où  ils  achèvent  de  se  développer. 
Ils  sont  d'abord  ronds  et  transparens  -,  leur  couleur  s'obscurcit 
ensuite,  et  ils  deviennent  irréguliers  ou  anguleux.  M.  Adolphe 
Brongniart ,  auquel  nous  devons  tous  ces  détails ,  n'a  point 
trouvé  un  seul  mâle  dans  tous  les  individus  de  l'espèce  qu'il 
a  observée,  et  qu'il  nomme  limnadie  d'Hermann  {L.  Her- 
manni).  Voyez  les  Mémoires  du  Muséum  d'Histoire  naturelle, 
tome  VI,  tab.  xiii ,  et  le  Mémoire  aptérologique  de  l'auteur 
auquel  ce  crustacé  est  dédié ,  et  qui  l'a  décrit  sous  les  noms 
de  daphnia  gigas.  Il  est  commun  dans  les  petites  mares  de  la 
foret  de  Fontainebleau. 


DEUXIÈME    FAMILLF.    ASPIDTPHORES.  4^^^ 

DEUXIÈME  FAMILLE. 

ASPIDIPHORES    (ASPIDIPHORJ). 

Elle  n'est  pareillement  formée  que  d'un  seul  genre ,  celui 
d'APus  (apus)  de  Scopoli ,  dont  une  espèce  fait  partie  de 
celui  de  binocle  de  Geoffroy,  et  de  celui  de  limule  de  Mûller. 
Trois  yeux,  dont  un  plus  petit,  groupés  sur  un  test  clypéi- 
forme^  deux  antennes  courtes  et  simples,  une  soixantaine  de 
paires  de  pâtes,  portant  près  de  leur  base  un  corps  vésiculaire, 
diminuant  progressivement  de  grandeur,  foliacées,  dont  les 
antérieures  terminées  par  trois  longs  filets,  multiarticulés,  an- 
tenniformes,  et  dont  les  autres  finissant  en  manière  de  pince 
à  deux  doigts  comprimés  ^  deux  feuillets  circulaires,  appliqués 
l'un  sur  l'autre,  renfermant  les  œufs,  et  situés  près  de  la  nais- 
sance de  la  onzième  paire  j  une  queue  composée  de  plusieurs 
articles,  et  dont  les  derniers  sans  pâtes,  avec  deux  filets  à  son 
extrémité  postérieure ,  tels  sont  les  caractères  principaux  de 
cette  famille  et  de  ce  genre.  Un  examen  plus  particulier  nous 
fera  découvrir  les  suivans. 

Le  corps ,  dépouillé  du  test  ,  est  d'abord  presque  cylin- 
drique, convexe  en  dessus ,  concave  en  dessous,  avec  un 
sillon  longitudinal  au  milieu,  et  terminé  ensuite  en  un  cône 
allongé.  Il  se  compose  de  la  tête,  et  de  trente  et  quelques  an- 
neaux, diminuant  beaucoup  de  grandeur  vers  l'extrémité 
postérieure  ,  et  dont  les  cinq  à  sept  derniers  dépourvus  seuls 
de  pâtes.  Le  test ,  parfaitement  libre ,  depuis  son  attache  an- 
térieure ,  recouvre  une  grande  portion  du  corps  et  consiste  en 
une  grande  écaille  cornée,  très  mince,  presque  diaphane, 
formant  un  grand  bouclier  ovale  ,  échancré  en  manière 
d'angle  et  dentelé  postérieurement.  Sa  face  dorsale  est  divisée 
transversalement  en  deux  aires,  dont  l'antérieure  répondant  à 
la  tête  et  l'autre  au  thorax.  La  première  offre  ,  au  milieu , 
trois  yeux  très  rapprochés ,  sans  facettes  sensibles ,  dont  les 
deux  antérieurs  plus  grands ,  presque  réniformes ,  et  dont  le 
postérieur  beaucoup  plus  petit  et  ovale.  Une  duplicature  du 


436       CRUSTACÉS.  NEUVIÈME    ORDRE.    PHYLLOPODES. 

bord  antérieur  de  ce  test  forme  en  dessous  une  sorte  de  bou- 
clier frontal,  semi-lunaire,  et  servant  de  base  au  labre.  L'aire 
ihoracique  est  carénée  longitudinalement  dans  son  milieu. 
Les  deux  antennes  sont  insérées  de  chaque  coté  des  man- 
dibules ,  très  courtes  ,  filiformes  ,  et  de  deux  articles.  La 
bouche  se  compose  d'un  labre  ,  de  deux  mandibules  fortes 
cornées  ,  dentelées,  sans  palpes*,  d'une  grande  languette  pro- 
fondément échancrée,  et  de  quatre  mâchoires  ,  dont  les  deux 
supérieures  en  forme  de  feuillets  dentelés  et  ciliés  au  bord 
interne,  et  dont  les  deux  inférieures  presque  semblables  à 
de  petites  pâtes,  prolongées  extérieurement  à  leur  base  en 
une  oreillette,  portant  un  appendice  cilié,  d'un  seul  article, 
et  que  l'on  peut  considérer  comme  un  palpe.  C'est  par  les  fi- 
gures d'un  excellent  Mémoire  de  Schaeffer  sur  ces  crustacés , 
que  l'on  pourra  se  former  une  idée  claire  et  précise  de  la 
forme  des  pâtes.  Il  désigne  les  deux  antérieures  ou  les  plus 
grandes  ,  sous  le  nom  de  pieds  en  rames  ;  les  neuf  suivantes 
sont  des  pieds  proprement  dits^  celles  de  la  onzième  paire  sont 
les  pieds  à  matrice  j  il  distingue  les  suivans  et  derniers  ,  mais 
trop  exclusivement ,  par  l'épitbète  de  branchiaux.  Les  deux 
premières,  beaucoup  plus  grandes,  se  terminent  par  deux  longs 
filets,  sétacés,  pluriarliculés ,  et  dont  l'un  un  peu  plus  long-, 
ils  sont  les  analogues  des  deux  doigts  en  pince  ,  terminant  les 
pâtes  suivantes-  ces  mêmes  pâtes  en  rame  ,  ont  aussi ,  au  côté 
antérieur,  deux  autres  filets  de  même  forme  ,  dont  le  posté- 
rieur beaucoup  plus  petit.  Ils  représentent  deux  des  feuillets 
latéraux  que  l'on  voit  aux  autres  pâtes.  Le  coté  postérieur  du 
premier  article  de  ces  organes  présente  une  grande  lame  bran- 
chiale, triangulaire,  et  celui  de  l'article  suivant,  un  corps 
ovalaire,  vésiculeux  et  de  couleur  rouge.  Sur  le  bord  opposé 
sont  quatre  feuillets  triangulaires  et  ciliés  ,  dont  le  plus  rap- 
proché du  bout  semble  former  sur  les  pâtes  précédant  celles 
qui  portent  les  œufs,  une  sorte  de  troisième  doigt.  Celles-ci 
sont  dépourvues  du  corps  vésiculeux  dont  nous  venons  de 
parler.  Les  changemens  de  grandeur  qu'éprouvent  ces  organes 
en  apportent  aussi  quelques  uns  dans  la  forme  et  la  disposition 


j  DEUXIÈME    FAMILLE.    ASPIDIPHOIIES.  4^7 

respective  des  articles  dont  ils  se  composent.  Mais  c'est  sur- 
tout dans  le  jeune  âge  de  l'animal  que  ces  modifications  sont 
plus  remarquables  j  elles  sont  si  frappantes,  que  celui  qui  n'au- 
rait aucune  connaissance  des   transformations   qu'il  subit , 
pourrait,  s'il  ne  les  suivait  pas,  considérer  cbacune  d'elles 
comme  propre  à  autant  d'êtres  difFérens ,  et  former  ainsi  pareil 
nombre  de  genres.  A  leur  sortie  de  l'œuf,  les  petits  n'ont  point 
de  queue ,  ne  présentent  qu'un  œil  et  quatre  pâtes  en  forme 
de  rames ,  dont  les  secondes  plus  grandes.  Le  test  a  la  figure 
d'une  petite  plaque ,  ne  recouvrant  que  la  moitié  antérieure 
du  corps.  Les  mues  qui  s'opèrent  ensuite  développent  peu  les 
autres  organes  et  modifient  les  précédens.  Nous  avons  donné, 
dans  le  quatrième  volume  de  notre  Histoire  générale  des  In- 
sectes, faisant  suite  au  Buffon  de  Sonnini  ,  la  traduction  du 
Mémoire  de  Shsefifer,  ainsi  que  les  figures   qui  l'accompa- 
gnent. 

Les  apus  paraissent  plus  ordinairement  au  printemps  et  au 
commencement  de  l'été.  Ils  fourmillent  dans  certaines  mares 
ou  dans  des  fossés  dont  les  eaux  sont  dormantes  ,  et  s'y  nour- 
rissent de  têtards.  Ils  nagent  le  plus  souvent  sur  le  dos  ,  et 
lorsqu'ils  s'enfoncent  ils  élèvent  leur  queue.  Ils  sont  quelque- 
fois enlevés  par  des  vents  très  violens  et  tombent  sous  la 
forme  de  pluie.  L'oiseau  appelé  vulgairement  lavandière  en 
dévore  un  grand  nombre. 

On  n'en  connaît  qu'un  petit  nombre  d'espèces  et  toutes 
indigènes.  Le  monoculus  apus  de  Linné  se  distingue  des  au- 
tres par  un  appendice  en  forme  de  lame  ,  situé  entre  les  deux 
filets  de  la  queue.  M.  Leach  en  a  formé  le  genre  lépidure 
(lepidurus).  Le  binocle  à  queue  en  jîlet  de  Geoffroy,  ou  le 
i  limulus  palustris  de  Mùller ,  dépourvu  de  cet  appendice , 
forme  alors  avec  une  autre  espèce  le  genre  AvvsÇapus^  pro- 
prement dit. 

La  seconde  section  des  phyllopes,  ceux  qui  n'ont  point  de 
test,  dont  le  nombre  des  pâtes  est  de  vingt  à  vingt-deux,  et 
dont  les  deux  yeux  sont  pédicules,  se  compose  d'une  seule 
famille. 


438       CRUSTACÉS.    NEUVIÈME    ORDRE.    PHYLLOPODES. 

TROISIÈME  FAMILLE. 

GÉRATOPHÏHALMES   {CERATOPHTHJLMA). 

Deux  des  trois  genres  qu'elle  comprend ,  les  eulimènes 
{eulimene,  Latr.),  et  les  artémies  {artemia,  Leach  ),  sont  peu 
connus.  Le  premier  se  distingue  de  tous  les  autres  du  même 
ordre  ,  en  ce  que  le  corps ,  muni  de  quatre  antennes  courtes 
et  filiformes  ,  se  termine  immédiatement  à  la  suite  de  la  on- 
zième et  dernière  paire   de  pâtes  ,  par  un  article  presque 
semi-globuleux,  remplaçant  la  queue  ,  et  duquel  sort  un  filet 
allongé.  La  seule  espèce  décrite  estl'E.  blanchâtre  {alhicans\ 
trouvée  dans  la  rivière  de  Nice  et  qui  m'a  été  communiquée 
par  M.  Cuvier.  L'autre  genre ,  celui  d'artémie ,  n'a  que  dix 
paires  de  pâtes  ^  son  corps  se  termine  par  une  queue  longue 
et  pointue  -,  sa  tête  se  confond  presque  avec  le  thorax ,  et  les 
pédicules  oculaires  sont  fort  courts.  Il  n'est  aussi  formé  que 
d'une    seule    espèce  ,  le  cancer  salinus  de  Linné ,   et  dont 
Fabricius  fait  un  gammarus.   On  la  trouve  en  Angleterre 
dans  des  marais  salans  ,  et  lorsque  l'évaporation  des  eaux  est 
très  avancée.  Le  troisième  genre  ,  celui  de  branchipe  (  bran- 
chipus^LkT^.),  a  fixé  particulièrement  l'attention  de  Schaeffer, 
de  Mûller,  de  M.  Bénédict  Prévost  et  de  quelques  autres  ob- 
servateurs. Ici ,  les  yeux  sont  portés  sur  d'assez  longs  pédi- 
cules. La  tête  est  bien  distincte  du  thorax-,  sur  son  sommet, 
près  du  côté  interne  des  yeux,  sont  deux  antennes  courtes, 
^rêles  et  sétacées.  L'on  voit  immédiatement  au-dessous  deux 
appendices  sous  la  forme  de  cornes  dans  les  uns ,  sous  celle 
d'un  tentacule  biarticulé  dans  d'autres,  plus  grands  et  accom- 
^^nés  à  leur  base  d'un  filet  antenniforme  dans  les  mâles  ,  et  | 
quelquefois  dans  les  mêmes  individus  d'un  autre  appendice 
interne.  Ces  appendices  ne  sont  peut-être  qu'une  division  de 
deux  antennes  inférieures,  dont  l'existence  est  indiquée  dans 
ces  individus  par  le  filet  ci-dessus  mentionné.  La  composition 
de  la  bouche  paraît  être  essentiellement  la  même  que  celle  des, 
apus  {voyez  le  Mémoire  sur  le  chirocéphalc  de  M.  Bénédict 


TROISIÈME    FAMILLE.    CÉUATOPHTHALMES.  4^9 

PreTOst)  j  mais  nous  manquons,  à  cet  égard,  d'observations 
complètes  et  précises.  Le  thorax  est  divisé  en  onze  segmens  , 
portant  chacun  une  paire  de  pâtes,  composés  d'articles  lamel- 
laires ,  avec  les  bords  garnis  d'une  frange  de  poils  ou  de  soies 
barbues  ,  qui ,  suivant  les  observations  de  Schaeffer  ,  sont  des 
vaisseaux  aériens.  La  surface  même  de  ces  pâtes  paraît  ab- 
sorber une  portion  de  l'air  qui  s'y  attache  sous  la  forme  de 
petites  bulles.  Les  deux  antérieures  sont  un  peu  plus  courtes 
que  les  suivantes,  et  ne  sont  composées,  du  moins  dans  le 
branchipe  stagnai,  que  de  deux  articles.  Les  autres  en  ont  un 
de  plus,  et  M.  Prévost  en  a  compté  quatre,  dans  l'espèce  qu'il 
a  décrite,  le  chirocéphale  diaphane.  La  queue  est  allongée,  de 
huit  à  neuf  segmens,  dont  le  premier,  soit  seul,  soit  conjoin- 
tement avec  le  suivant  ,  porte  les  organes  sexuels,  et  dans  la 
femelle  des  ovaires  extérieurs  sous  la  forme  de  sacs  ^  elle  se 
termine  par  deux  feuillets  elliptiques  et  bordés  de  soies  ou 
de  poils. 

Le  chirocéphale  diaphane  àç,  M.  Bénédict  Prévost,  et  auquel 
nous  rapportons  le  cancer  paludo sus  de  Mùller,  et  le  crustacé 
décrit  dans  le  Manuel  du  Naturaliste  de  Duchesne ,  sous  le 
nom  de  marteau  d'eau,  éprouve,  ainsi  que  les  autres  branchio- 
podes,  des  métamorphoses  remarquables,  à  sa  sortie  de  l'œuf:  le 
corps  est  partagé  en  deux  masses  presque  globuleuses-,  l'anté- 
rieure oJBFre  un  œil  lisse ,  deux  antennes  courtes ,  deux  grandes 
rames  ciliées  au  bout ,  et  deux  pâtes  assez  courtes ,  grêles ,  de 
cinq  articles.  Après  la  première  mue,  les  deux  yeux  compo- 
sés se  montrent  -,  le  corps  est  allongé  et  terminé  par  une  queue 
conique,  articulée,  avec  deux  filets  au  bout.  Les  mues  sui- 
vantes développent  graduellement  les  pâtes,  et  celles  en  rame 
s'évanouissent.  Un  organe  que  cet  auteur  nomme  soupape,  et 
que  nous  présumons  être  le  labre,  s'étend  dans  le  jeune  âge 
jusque  sous  le  ventre,  et  diminue  ensuite  à  proportion. 

Les  branchipes  se  trouvent  en  grande  abondance  dans  les 
petites  mares  d'eau  douce  trouble ,  et  souvent  dans  celles  qui 
se  forment  à  la  suite  des  grandes  pluies,  mais  plus  particuliè- 
rement au  printemps  et  en  automne.  Les  premiers  froids  lei 


44^      CRUSTACÉS.   NEUVIÈME    ORDRE.    PHYLLOPODES. 

font  périr.  Ainsi  que  les  apus ,  ils  nagent  sur  le  dos  et  par 
ondulations;  mais  lorsqu'ils  veulent  avancer,  ils  frappent  vi- 
vement l'eau,  de  droite  et  de  gauche,  avec  leur  queue,  et 
ils  vont  alors  comme  par  sauts  et  par  bonds.   Retirés  de  ce 
liquide,  ils  remuent  quelque  temps  leur  queue,  et  se  recour- 
bent circulairement.  Privés  d'une  humidité  convenable,  ils 
ne  font  plus  de  mouvemens.  Ils  paraissent  se  nourrir  de  petits 
corpuscules  que  les  courans  de  l'eau  portent  à  leur  bouche. 
Le  mâle  de  l'espèce  qui  fait  le  sujet  du  Mémoire  de  M.  Pré- 
vost ,  saisit  avec  ses  cornes  le  cou  de  sa  femelle ,  après  s'être 
placé  au-dessous  d'elle,  et  s'y  tient  fixé  jusqu'à  ce  que  celle- 
ci  recourbe  l'extrémité  postérieure  de  sa  queue,  pour  rappro- 
cher ses  organes  sexuels  de  ceux  du  mâle.  Mais  il  suppose  que 
les  deux  vulves  de  la  femelle  sont  au  bout  de  cette  queue ,  ce 
qui,  d'après  l'analogie,  et  d'après  les  observations  de  SchaefFer 
sur  une  autre   espèce  congénère ,   est  invraisemblable.  Les 
œufs  sont  jaunâtres,  d'abord  sphériques,  ensuite  anguleux, 
avec  la  coque  épaisse.  Il  paraîtrait  que  la  dessiccation,  à  moins 
qu'elle  ne  soit  trop  forte ,  n'altère  pas  le  germe ,  et  que  les 
petits  naissent  lorsqu'il  y  a  une  quantité  d'eau  suffisante.  Les 
femelles  font  plusieurs  pontes  distinctes  à  la  suite  d'un  seul 
accouplement,  et  qui  durent  ensemble  plusieurs  heures,  et 
jusqu'à  un  jour  entier.  Chaque  ponte  est  de  cent  à  quatre  cents 
œufs.  Ils  sont  lancés  au-dehors  avec  une  grande  vitesse,  et  par 
jets  de  dix  ou  douze.  Ces  observations  sont  dues  à  M.  Desma- 
rest.  Suivant  M.  Bénédict  Prévost,  le  chirocéphale  diaphane 
est  sujet  à  quelques  maladies.  Dans  cette  espèce,  les  deux 
cornes  situées  au-dessous  des  antennes  supérieures  sont  com- 
posées, dans  les  deux  sexes,  de  deux  articles,  mais  dont  le 
dernier  grand  et  arqué  dans  le  mâle ,  très  court  et  conique 
dans  la  femelle.  Dans  le  branchipe  stagnai,  ces  cornes  n'offrent 
aucune  articulation ,  et  celles  du  mâle  ressemblent  aux  man- 
dibules des  lucanes  ou  cerfs-volans.  Nous  ajouterons  que, 
dans  l'autre  espèce  ,  ces  deux  appendices  singuliers ,  situés 
au-dessous  des  antennes,  se  composant  de  deux  articles,  dont 
le  dernier  grand,  arqué ^  en  forme  de  corne,  dans  le  mâle, 


TROISIÈME    FAMILLIl.    CÉR ATOPHTHALMES.  [\l\  1  i 

court  et  conique  dans  l'autre  sexe ,  présentent  d'autres  diffé- 
rences. Dans  les  premiers  individus  ou  les  mâles ,  à  leur  côté  1 
irierne  est  un  autre  appendice  allongé,  offrant,  à  la  suite  j 
d'un  premier  article,  une  sorte  de  languette  membraneuse,  | 
longue,  se  roulant  en  spirale,  à  la  manière  de  la  trompe  d'un  i 
éléphant,  dentelée  latéralement,  et  jetant  en  dessous  quatre 
rameaux  en  forme  de  doigts.   M.  Bénédict  Prévost  désigne  * 
l'un  et  l'autre  appendice  sous  la  dénomination  de  mains,  et 
les  rameaux   sous   celle  de  doigts.   L'extérieur  offre    aussi ,  \ 
près  de  sa  base,  un  autre  petit  appendice.  Je  présume  que 
ces  parties  représentent  deux  antennes  divisées  en  deux  bran-  j 
cbes,  analogues  aux  antennes  en  rames  des  daplmides,  mais  j 
qui  ont  ici  reçu  une  autre  destination,  et  dès-lors  une  forme  \ 
appropriée  à  leur  usage.  ; 
Le  Mémoire  de  M.  Bénédict  Prévost,  qui  avait  d'abord  paru  j 
dans  le  Journal  de  Physique ,  a  été  ajouté  à  la  suite  de  l'ou-  \ 
vrage  po:ithume  de  Jurine  père  sur  les  monocles.  • 

\ 
1 

SECONDE  DIVISION  GÉNÉRALE.  \ 

CRUSTACÉS  ÉDENTÉS  {EDENTATJ).  \ 

\ 
Tous  les  crustacés  dont  l'organisation  buccale  est  établie         ! 

sur  un  autre  type  que  le  précédent  composeront  cette  divi-         : 
sion.  Là,  comme  dans  les  xyphosures ,  plus  de  parties  compa- 
rables par  leurs  formes  aux  mandibules  et  aux  mâchoires  ;         \ 
l'article  radical  des  six  premières  paires  de  pâtes  fait  l'office         ■ 
de  mâchoires,  que  j'avais  distinguées  par  Tépithète  de  scia-- 
tiques.  Ici,  comme  dans  les  siphonostomes,  une  sorte  de  si-         ] 
phon  ou  de  suçoir  tient  lieu  de  bouche.  Dans  les  uns  et  les 
autres,  quelques  unes  au  moins  de  ces  pales  antérieures  dif- 
fèrent singulièrement  des  dernières  ;  elles  servent  à  l'ambula-         \ 
tien  ou  à  la  préhension  :  celles-ci ,  tantôt  très  larges ,  mem- 
braneuses ,  tantôt  digitées  ou  multifides ,  sont  natatoires  et        ; 


44^       CRUSTACÉS.   DIXIEME    ORDRE.    XYPHOSURES. 

branchiales.  C'est  ce  que  j'avais  voulu  exprimer  en  désignant 
collectivement  ces  crustacés  sous  le  nom  de  pœcilopodes , 
pâtes  variées.  Comparé  avec  celui  des  crustacés  de  la  première 
division  ,  le  corps  offre  moins  de  segmens ,  et  paraît  manquer 
au  moins  du  post- abdomen ,  ou  cette  arrière-partie  du  corps 
est  remplacée  par  des  appendices.  A  cet  égard ,  ils  semblent 
se  rapprocher  des  arachnides.  Le  nombre  des  antennes  est 
encore  souvent  réduit  à  deux.  Si  on  en  excepte  les  xypho- 
sures  ,  ils  sont  tous  parasites,  et  se  nourrissent  du  sang  de  di- 
vers poissons  et  de  batraciens. 


DIXIEME   ORDRE. 

XYPHOSURES.    {XYPHOSURA). 

Absence  de  siphon  -,  des  mâchoires  formées  par  un  prolon- 
gement maxilliforme  et  épineux  de  l'extrémité  interne  et  su- 
périeure des  hanches  des  six  premières  paires  de  pieds ,  et 
entourant  le  pharynx  -,  un  test  de  deux  pièces  -,  l'antérieure 
solide  ,  grande  ,  bombée ,  semi-lunaire ,  ayant  en  dessus  deux 
yeux  à  facettes  et  deux  yeux  lisses,  offrant  en  dessous  deux 
antennes  en  forme  de  serres  didactyles,  rapprochées  et  insé- 
rées sur  une  saillie  représentant  une  sorte  de  labre ,  et  six 
paires  de  pieds,  tous,  à  l'exception  des  deux  ou  quatre  anté- 
rieurs au  plus  ,  et  seulement  dans  les  mâles ,  terminés  par  deux 
doigts  et  dont  les  deux  postérieurs  foliacés  et  portant  les  or- 
ganes sexuels^  seconde  pièce  du  test  presque  plane,  en  forme 
de  triangle  tronqué  et  échancré  postérieurement,  épineuse  sur 
les  côtés,  renfermant,  dans  une  cavité  inférieure,  cinq  paires 
de  pieds-nageoires  en  forme  de  grands  feuillets,  réunis  à  leur 
base  interne ,  garnis ,  à  leur  face  postérieure ,  dune  couche 
de  fibres  composant  l'organe  respiratoire  \  enfin  un  stylet 
très  dur,  corné  ,  mobile,  inséré  dans  l'échancrure  de  la  pièce 
précédente ,  tel  sera  le  signalement  général  des  cruslacés  de 
cet  ordre,  auquel  j'ai  conservé  le  nom  de  xyphosures,  donné 


GÉNÉRALITÉS.  44^ 

par  Groiiovius  au  genre  dont  il  se  compose ,  mais  que  nous 
appellerons  limule  avec  la  plupart  des  autres  entomologistes. 

Ils  sont  connus  dans  le  commerce  sous  la  dénomination  de 
crabe  des  Moluques.  La  première  pièce  du  test  (i) ,  celle  qui 
a  la  forme  d'un  bouclier  semi-lunaire  et  voûté ,  est  rebordée  , 
repliée  antérieurement  en  dessous  en  une  facette  frontale , 
plane ,  triangulaire ,  et  sous  laquelle  sont  les  deux  antennes 
palpiformes.  Le  dos  présente  trois  arêtes  longitudinales ,  dont 
celle  du  milieu ,  séparée  des  deux  autres  par  deux  sillons  lon- 
gitudinaux ,  a ,  à  son  extrémité  antérieure ,  deux  yeux  lisses 
rapprochés.  Les  yeux  à  facettes,  de  forme  ovale,  sont  adossés 
au  côté  extérieur  des  carènes  latérales,  près  de  leur  bout  an- 
térieur, et  plus  ou  moins  élevé,  en  manière  de  dent. 

La  concavité  inférieure  du  bouclier  nous  offre ,  de  devant 
en  arrière,  les  appendices  suivans  :  un  petit  labre  renflé  ,  ca- 
réné au  milieu ,  portant  deux  petites  antennes  en  forme  de 
palpes,  ou  deuxchélicères,  coudées,  de  deux  articles,  dont  le 
second  composant  une  petite  main  ou  serre  didactyle  •,  ensuite 
douze  pâtes  rapprochées  par  paires ,  et  sur  deux  lignes ,  dont 
la  première ,  à  l'exception  des  deux  ou  quatre  antérieures ,  et 
dans  les  mâles  seulement ,  terminées  aussi  en  pince  didactyle , 
dont  la  longueur  augmente  graduellement ,  avec  l'extrémité 
interne  de  leur  premier  article  ou  des  hanches,  avancée,  com- 
primée ,  et  hérissée  de  petites  épines.  Les  huit  premières  sont 
composées  de  six  articles ,  dont  le  dernier  renflé ,  allant  en 
pointe ,  aux  deux  ou  quatre  antérieures  des  mâles  \  celles  de 
la  cinquième  paire  ont  un  article  de  plus  ;  sur  le  côté  infé- 
rieur de  l'article  coxal  ou  du  premier ,  et  près  de  son  articula- 
tion latérale,  est  un  appendice  dirigé  en  arrière,  de  deux 
articles,  dont  le  dernier  beaucoup  plus  long,  en  forme  de  lame 


(i)  J'ai  dit  ailleurs  que  je  désignais  sous  le  nom  de  thoracide  la  pièce  écaiileuse 
ou  le  test  des  crustacés  décapodes ,  recouvrant  la  tête ,  et  les  segmens  portant  les  dix 
pieds  ambulatoires;  et  que  si  la  même  pièce  recouvrait  un  moindre  nombre  de  pieds  , 
je  la  distinguais  alors  par  la  dénomination  de  céphalothorax.  Tel  est  le  cas  des  arach- 
nides pulmonaires  ,  et  tel  serait  dès-lors  celui  des  crustacés  édeutés  pourvus  de  test. 


444       CHUSTy^CÉS.    DIXIEME    ORDRE.    XYPHOSURES. 

allongée,  comprimée,  subelliptique  et  obtuse;  le  cinquième 
article  est  terminé  par  cinq  petits  feuillets  mobiles,  et  les  deux 
doigts  de  la  pince ,  plus  petite  que  celle  des  pieds  précédens , 
sont  articulés  à  leur  base  ,  ou  pareillement  mobiles.  Dans 
l'entre-deux  de  ces  deux  pâtes  sont  deux  lobes  maxilliformes, 
et  qui  me  paraissent  être  des  appendices  isolés  de  ceux  des 
mêmes  pieds,  et  représenter  la  lèvre  des  aranéides  et  la  por- 
tion intermédiaire  de  celle  des  scorpions.  Enfin  les  deux  der- 
nières pâtes,  ou  celles  de  la  sixième  paire  ,  sont  réunies  sous 
la  forme  d'un  grand  feuillet  coriace ,  presque  demi-circulaire, 
dont  la  surface  offre  des  lignes  imprimées  ou  des  espèces 
de  sutures,  avec  le  milieu  du  bord  postérieur  échancré,  et 
rempli  par  deux  petites  pièces  lamelleuses,  représentant  les 
doigts  internes  des  pinces  -,  les  sutures  indiquent  les  autres 
articles  de  ces  pales*,  à  la  face  postérieure  sont  situés  les  or- 
ganes sexuels.  L'intérieur  de  ce  bouclier  est  occupé  en 
grande  partie  par  les  ovaires ,  dans  les  femelles ,  et  par  les 
testicules  dans  l'autre  sexe.  La  seconde  pièce  du  test,  s'arlicu- 
lant  avec  la  précédente  au  milieu  de  son  échancrure  posté- 
rieure, offre  cinq  paires  de  pâtes  natatoires,  presque  sembla- 
bles à  la  dernière ,  mais  unies  simplement  à  leur  base  interne , 
et  portant  à  leur  face  postérieure  une  couche  de  fibres  nom- 
breuses et  serrées,  disposées  sur  un  seul  plan,  et  constituant 
l'organe  branchial.  Ces  pâtes  remplissent  la  concavité  infé- 
rieure ,  et  sont  appliquées  les  unes  sur  les  autres.  Les  bords 
latéraux  de  cette  seconde  pièce  sont  alternativement  échancrés 
et  dentés  ,  et ,  à  partir  de  la  seconde,  les  écbancrures  ont  cha- 
cune, dans  leur  milieu,  une  épine  comprimée,  allongée  et 
mobile.  Cette  seconde  division  du  test  est  fortement  évasée , 
en  manière  d'angle,  à  son  extrémité  postérieure,  et  au  milieu 
de  cette  échancrure  s'articule  avec  elle ,  et  par  gynglime,  une 
pièce  très  dure ,  en  forme  de  stylet  ou  d'épée ,  droite ,  souvent 
prismatique  et  très  pointue. 

Ces  organes  maxillaires  ,  formés  par  la  saillie  de  l'article 
radical  des  pieds,  semblent,  au  premier  coup  d'œil,  présenter 
un  caractère  tout-à-fait  anomal,  et  dont  quelques  arachnides 


GÉNÉRALITÉS.  44^ 

nous  ofFiiraient  seuls  un  autre  exemple.  C'est  ainsi  qu'a  paru 
l'envisager  M.  Savigny,  et  ensuite  M.  Straus  :  mais  l'examen 
comparatif  des  premiers  pieds-mâchoires  des  crustacés  amphi- 
podes  et  des  isopodes ,  des  mâchoires  et  de  la  lèvre  des  in- 
sectes ,  nous  montre  que  la  nature  a  suivi  à  cet  égard  le 
même  plan  -,  que  ,  pour  composer  ces  mâchoires,  elle  a  donné 
plus  de  développement  au  premier  article  des  palpes ,  et  l'a 
muni  d'appendices  maxillaires  5  et  quant  à  la  lèvre  inférieure  , 
elle  s'est  hornée  à  réunir  inférieurement  les  palpes,  de  ma- 
nière que  ce  qu'on  appelle  improprement  languette,  car  on 
confond  avec  elle  la  pièce  qui  mérite  seule  cette  dénomination  , 
est  formé  des  appendices  de  ces  palpes.  Observez  les  palpes 
maxillaires  des  larves  des  dytiques,  et  vous  verrez  que  les  mâ- 
choires y  sont  représentées  par  un  grand  article  radical ,  avec 
une  épine  au  bout  (i).  Quelquefois  cependant,  ainsi  que  dans 
les  crustacés  isopodes  et  quelques  autres,  les  palpes  disparais- 
sent, et  les  appendices  maxillaires  seuls  subsistent.  Ainsi  les 
xyphosures  ne  diffèrent  à  cet  égard  qu'en  ce  qu'ils  ont  un  plus 
grand  nombre  de  mâchoires  coxales,  et  annexées  plutôt  à  des 
pieds  qu'à  des  palpes,  qui  sont,  au  reste,  eux-mêmes  de  pe- 
tits pieds,  mais  uniquement  propres  au  service  de  la  bouche. 
Les  pieds  du  bouclier  antérieur  nous  paraissent  représenter, 
dans  leur  série  graduelle,  les  mandibules,  les  quatre  mâ- 
choires et  les  six  pieds-mâchoires  des  crustacés  décapodes,  et 
ceux  de  la  seconde  pièce  du  test  les  dix  pieds  ambulatoires  ou 
propres  de  ces  derniers.  Dès-lors  le  post- abdomen  ou  la 
queue  n'existerait  plus,  ou  serait  remplacé  par  l'appendice 
styliforme.  Quoique  les  limules  présentent  quelques  rapports 
avec  les  arachnides,  il  est  évident  néanmoins  que,  par  tout 
l'ensemble  de  leur  organisation  ,  ils  n'appartiennent  point  à 
cette  classe  ,  ainsi  que  l'a  avancé  M.  Straus,  mais  à  celle  des 
crustacés.  Suivant  lui,  le  système  nerveux  se  compose  du  cer- 


(1)  Je  développerai  ces   considérations  dans   mes   généralités  sur  la  classe  des 
insectes. 


446        CRUSTACÉS.  : DIXIÈME    ORDRE.    XYPHOSURES. 

veau,  d'un  ganglion  sous-œsophagien,  situés  l'un  et  l'autre  dans 
le  bouclier  antérieur,  et  de  deux  cordons  nerveux  s'étendant 
dans  la  longueur  de  la  seconde  pièce  du  test,  et  formant  à 
l'origine,  à  des  pâtes  branchiales,  de  faibles  ganglions.  D'après 
M.  Cuvier,  le  cœur  ressemblerait  à  celui  des  stomapodes.  Un 
œsophage  ridé ,  remontant  en  avant ,  conduit  dans  un  gésier 
très  charnu,  garni  intérieurement  d'un  velouté  cartilagineux 
tout  hérissé  de  tubercules,  et  suivi  d'un  intestin  droit  et  large. 
Le  foie  y  verse  la  bile  de  chaque  côté ,  par  deux  canaux. 

Quoique  ces  crustacés  nous  paraissent  d'abord  s'éloigner  du 
type  normal ,  nous  venons  de  voir  que  l'on  pouvait  expliquer 
facilement  ces  aberrations,  en  supposant  que  le  post-abdomen 
ou  les  derniers  anneaux  du  corps  ont  disparu  ou  ont  été  rem- 
placés par  un  stylet ,  et  que  tous  les  organes  de  la  manduca- 
tion  sont  devenus,  ainsi  que  dans  les  myriapodes,  des  organes 
de  locomotion ,  en  conservant  néanmoins  une  partie  de  leurs  ' 
facultés  primitives.  M.  Straus,  au  contraire,  voit  dans  les 
limules  des  animaux  sans  tête,  et  dont  le  corps  est  dès-lors 
formé  d'un  tronc  et  d'un  abdomen.  Je  ne  me  permettrai  au- 
cune réflexion  sur  cette  manière  de  voir,  qui ,  au  surplus ,  est 
moins  la  sienne  que  celle  de  M.  Savigny.  Je  me  contenterai 
d'observer  que  s'il  faut  admettre  des  suppressions  de  parties, 
c'est  plutôt  par  celles  qui  composent  l'extrémité  postérieure 
du  corps ,  qui  sont  moins  importantes ,  et  dont  il  est  prouvé 
que  le  nombre  est  variable.  M.  Straus  se  propose,  dit-il,  de  for- 
mer avec  les  limules  un  nouvel  ordre ,  celui  des  gnathopodes. 
S'il  avait  bien  voulu  consulter  mon  ouvrage  sur  les  familles 
naturelles ,  il  aurait  vu  que  je  l'avais  prévenu ,  et  peut-être  y 
aurait-il  trouvé  quelques  autres  observations  qu'on  pourrait 
croire ,  à  la  simple  lecture  de  son  ouvrage ,  lui  être  propres , 
parce  qu'il  est  très  sobre  de  citations. 

Les  limules  habitent  généralement  les  rivages  des  mers  des 
pays  chauds,  et  plus  particulièrement  celles  des  Indes  orientales 
et  de  l'Amérique.  Quelques  individus  ont  jusqu'à  deux  pieds 
de  long.  Ils  sont  connus  aux  États-Unis  sous  la  déi?omination 
de  poissoji-casserole ,  parce  qu'ils  en  ont  la  ressemblance  ,  et 


GENRES.  447 

qu'en  enlevant  leurs  pâtes,  on  s'en  sert  pour  puiser  l'eau.  On 
les  donne  à  manger  aux  porcs.  Les  sauvages  emploient  leur 
stylet  en  guise  de  flèche ,  et  oji  en  redoute  la  pointe.  On  en 
mange  les  œufs  à  la  Chine ,  et  il  paraîtrait  que  sur  d'anciens 
zodiaques  japonais  la  figure  de  ces  crustacés  est  l'emblème  de 
la  constellation  du  cancer.  Leurs  pieds  ne  paraissent  point 
lorsqu'ils  marchent.  On  en  a  trouvé  de  fossiles ,  et  ils  parais- 
sent être  les  premiers  crustacés  dont  nous  ayons  des  analogues, 
ou  ceux  qui  ont  immédiatement  succédé  aux  crustacés  perdus, 
tels  que  les  trilobites. 

Les  espèces  dont  les  quatre  pieds  antérieurs  sont  simples 
PI  dans  les  mâles,  et  dont  j'en  avais  décrit  une  sous  la  dénomi- 
nation à'hétérodactjle,  composent  le  genre  tachyplée  (^ta- 
chrpleus)  du  docteur  Leach  ;  et  les  autres,  ou  celles  dont  les 
deux  pieds  antérieurs  offrent  seuls  ce  caractère  sexuel ,  con- 
servent le  nom  générique  de  limule  (limulus).  Des  différences 
d'âge  en  produisent  dans  les  dents  du  test-,  et  faute  d'y  avoir 
égard,  on  a  trop  multiplié  les  espèces.  Le  monocle  polj- 
phème,  dont  le  limule  cjclops  deFabricius  n'est  qu'un  jeune 
individu,  se  distingue  par  sa  queue  un  peu  plus  courte  que  le 
corps,  triangulaire,  finement  dentelée  à  son  arête  supérieure, 
sans  sillon  en  dessous.  Les  jeunes  individus  sont  d'un  jaunâtre 
pâle,  et  les  plus  âgés  d'un  brun  très  foncé  ou  noirâtre,  et  beau- 
coup plus  grands. 


ONZIÈME  ORDRE. 

SIPHONOSTOMES  {SIPHONOSTOMA). 

Un  siphon  ou  suçoir  plus  ou  moins  apparent ,  quelquefois 
caché  ou  peu  distinct ,  formé ,  autant  qu'il  est  possible  d'en 
juger  d'après  quelques  observations  particulières ,  de  quatre 
pièces  correspondantes  au  labre ,  à  la  languette  et  aux  mandi- 
bules des  crustacés  dentés,  compose  exclusivement  la  bouche  de 
ceux-ci.  De  tels  organes  indiquent  qu'ils  doivent  être  des  ani- 


44^      CRUSTA.CÉS.  ONZIÈME    ORDRE.    SIPHONOSTOMES. 

maux  suceurs ,  et  c'est ,  en  effet ,  sur  des  poissons  et  quelques 
reptiles  aquatiques  de  Tordre  des  batraciens  qu'ils  se  tiennent 
habituellement  fixés ,  du  moins-à  une  époque  de  leur  vie  ;  car 
ils  peuvent  nager  et  errer  dans  l'eau  avant  que  de  s'établir  à 
demeure.  Lorsqu'ils  se  multiplient  beaucoup  sur  l'un  de  ces 
animaux  dont  ils  sucent  le  sang,  ils  l'épuisent  tellement  qu'il 
finit  par  périr.  Un  propriétaire  de  l'un  de  nos  départemens  de 
l'ouest  me  consulta  au  sujet  d'une  perte  considérable  qu'il 
éprouvait  à  raison  d'une  mortalité  extraordinaire  des  brochets 
de  ses  étangs ,  et  m'envoya  l'animal  parasite  auquel  il  l'attri- 
buait, et  que  je  reconnus  pour  être  l'argule  foliacé  ,  crustacé 
de  l'ordre  des  siphonostomes.  Ajoutons  que  dans  cet  ordre  le 
nombre  des  pâtes  ne  va  jamais  au-delà  de  quatorze,  et  que  le 
test  n'est  jamais  composé  que  d'une  seule  pièce,  formant  en 
devant  une  sorte  de  bouclier.  Tous  les  siphonostomes  connus 
sont  de  petite  taille. 

On  peut  les  distribuer  en  deux  familles. 

PREMIÈRE  FAMILLE. 

GALIGIDES    {CALIGIDES), 

Plusieurs  de  leurs  pieds ,  ou  les  postérieurs  au  moins ,  sont 
propres  à  la  natation ,  soit  sous  la  forme  de  nageoires  plus 
ou  moins  muUifides ,  soit  sous  celle  de  larges  membranes  re- 
couvrant le  dessous  de  l'abdomen ,  ou  l'enveloppant  même  en 
manière  de  fourreau.  Cette  partie  postérieure  du  corps  est 
précédée  d'un  test  clypéiforme  ou  semi-lunaire. 

Je  partagerai  cette  famille  en  deux  tribus. 

PREMIÈRE  TRIBU. 
P.INNODACTYLES    {PINNODACTY LA). 

Leurs  pieds  postérieurs  au  moins  sont  terminés  par  des  pin- 
nules  ou  des  digitations  plus  ou  moins  nombreuses,  servant  de 
rames  ou  de  nageoires. 

Les  uns,  dont  le  test,  en  forme  de  grand  bouclier,  recouvre 


PREMIÈRE    FAMILLE.    MITYLOÏDES.  449 

presque  tout  le  corps,  ont  un  siphon  dirigé  en  avant,  les  deux 
pieds  antérieurs  terminés  en  manière  de  ventouse ,  les  deux 
suivans  propres  à  la  préhension ,  avec  un  tarse  articulé  et 
muni  de  deux  crochets ,  et  quatre  autres  paires  de  pâtes  finis- 
sant par  deux  doigts  ou  pinnules,  allongés,  ciliés^  les  deux 
dernières  sont  insérées  à  la  base  d'une  petite  queue  bilobée , 
portant  aussi  les  organes  sexuels.  Ces  crustacés  ont  deux  yeux 
distincts  et  quatre  petites  antennes  ,  dont  les  supérieures  ar- 
mées à  leur  base  d'un  fort  crochet.  Ils  forment  le  genre 
ARGULE  [argulus)  de  Mùller,  et  que  j'avais  nommé  d'abord 
ozole,  parce  que ,  d'après  la  description  très  imparfaite  qu'il 
en  a  donnée,  je  n'avais  pu  le  reconnaître. 

C'est  au  second  fils  du  célèbre  Jurine  que  nous  sommes 
redevables  de  la  connaissance  complète  de  la  seule  espèce 
encore  décrite  de  ce  genre ,  le  rnonoculus  foliaceus  de  Linné, 
Xargulus  delphinus  de  Mùller  ,  celui  qu'il  nomme  charon  ^ 
et  le  rnonoculus  gjrbii  du  tableau  élémentaire  de  l'Histoire 
naturelle  des  animaux  de  M.  Cuvier.  Mais  elle  avait  été  ob- 
servée bien  antérieurement  par  Baker  et  par  un  pécheur  de 
Strasbourg,  nommé  Léonard  Baldaneur,  dans  un  manuscrit 
portant  la  date  de  1666. 

L'argule  foliacé  [argulus  foliaceus ^  Jurine  fils.  Annal, 
du  Mus.  d'Hist.  natur.  ,  tom.  VIL  pi.  XXVI)  aie  corps 
recouvert,  son  extrémité  postérieure  exceptée,  d'un  bou- 
clier ovale,  échancré  postérieurement,  et  portant  sur  un  es- 
pace antérieur  et  mitoyen,  à  contour  triangulaire  ,  deux  yeux 
et  quatre  antennes,  très  petites ,  presque  cylindriques  et  diri- 
gées en  avant. Les  supérieures,  plus  courtes  et  de  trois  articles, 
ont  à  leur  base  un  crochet  fort ,  édenté  et  recourbé  -,  les  in- 
férieures ont  un  article  de  plus ,  et  une  dent  sur  le  premier. 
Le  siphon  prend  naissance  entre  la  seconde  et  la  troisième 
paire  de  pâtes ,  se  porte  en  avant ,  et  renferme  un  suçoir  ré- 
tractile  et  très  aigu  :  il  ne  présente  aucune  articulation.  Un 
empâtement  annelé,  circulaire ,  strié  et  dentelé  sur  ses  bords, 
offrant  à  l'intérieur  une  sorte  de  rosette  formée  par  les 
muscles  et  paraissant  servir  de  ventouse  ,  termine  les  deux 


45o       CRUSTACÉS.  ONZIEME    ORDRE,    SIPITONOSTOMES. 

pieds  antérieurs.  Ceux  de  la  paire  suivante  ont  la  cuisse  grosse, 
épineuse ,  et  un  tarse  de  trois  articles  avec  deux  crochets  au 
bout  du  dernier.  Les  huit  autres  pieds  se  terminent  par  deux 
pinnules  allongées,  barbues  sur  les  bords,  et  formant  une 
nageoire  -,  mais  celles  de  la  troisième  paire  ,  ou  les  deux  pre- 
mières de  ces  pâtes  en  nageoire,  ont  une  pinnule  de  plus,  re- 
courbée et  en  forme  de  doigt.  Les  deux  dernières  sont  an- 
nexées à  cette  extrémité  postérieure  du  corps  qui  est  à  dé- 
couver!, el  forme  une  sorte  de  queue  en  nageoire  et  bilobée , 
sans  poils  au  bout.  Le  pénis  du  mâle  est  situé  à  l'extrémité 
interne  du  premier  article  de  ces  pâtes  ,  près  de  l'origine  des 
deux  doigts  ou  pinnules.  Sur  le  même  article  des  deux  pâtes 
précédentes ,  et  en  regard  avec  ces  organes  copulateurs ,  est 
une  vésicule  présumée  séminale.  Les  femelles  n'ont  qu'un 
seul  oviducte ,  et  l'on  voit  à  la  base  de  leurs  deux  pâtes  pos- 
térieures une  palette  -,  on  les  distingue  encore  à  deux  taches 
noires  situées  au-dessous.  Ainsi  les  organes  sexuels  sont  si- 
tués comme  ceux  des  limules  sur  la  sixième  paire  de  pâtes. 
La  transparence  du  corps  permet  d'apercevoir  le  cœur.  Il  est 
situé  derrière  la  base  du  siphon,  logé  dans  un  tubercule  so- 
lide ,  demi-transparent  et  composé  d'un  seul  ventricule.  Le 
cerveau  ,  placé  derrière  les  yeux  ,  paraît  être  divisé  en  trois 
lobes  égaux,  l'un  antérieur  el  les  autres  latéraux.  Delà  partie 
antérieure  du  test  part,  de  chaque  côté,  un  grand  appendice 
dont  les  rameaux  nombreux  et  très  divisés  se  répandent  dans 
les  ailes  du  test.  Les  excellens  dessins  du  Mémoire  de  Jurine 
représentent,  avec  détails  ,  toutes  ces  parties. 

Les  mâles,  très  ardens  en  amour,  et  qui  se  méprennent 
souvent  dans  leurs  poursuites,  se  cramponnent  sur  le  dos  de 
leurs  femelles,  dans  l'accouplement  ,  au  moyen  de  leurs 
pieds  à  ventouse,  et  y  restent  plusieurs  heures.  La  durée  de  la 
gestation  est  de  treize  à  dix-neuf  jours.  Les  œufs,  dont  le 
nombre  ,  dans  les  pontes  les  plus  fortes,  peut  s'élever  jusqu'à 
quatre  cents,  sont  unis,  fixés  par  un  gluten,  et  disposés, 
soit  en  tas ,  soit  sur  une  ou  deux  lignes ,  sur  les  pierres  el 
autres  corps  durs.  Pressés  les  uns  contre  les  autres ,  ils  pieu- 


PREMIÈRE    FAMILLE.    MITYLOIDES.  4^' 

ncnt  une  forme  hexagonale.  Vingt-cinq  jours  après  la  ponte, 
leur  couleur  étant  devenue  jaunâtre  et  opaque  ,  on  y  dis- 
lingue les  yeux  et  quelques  autres  parties  de  l'embrYon.  Dix 
jours  après  ,  leur  coquille  se  fend  longitudinalement  et  le 
têtard  en  sort.  Mais  les  organes  locomotiles  diffèrent  alors 
beaucoup  de  ceux  de  l'animal  parfait ,  et  c'est  ce  qui  a  trompé 
MùUer ,  qui  a  fait  de  ces  jeunes  individus  une  espèce  sous  le 
nom  de  chai  on.  Quatre  sortes  de  rames,  terminées  chacune 
par  un  pinceau  de  soies  flexibles,  leur  servent  à  nager,  ce  qu'ils 
font  par  saccades.  Deux  fortes  pâtes  ,  coudées  vers  leur  ex- 
trémité et  terminées  par  un  fort  crochet,  occupent  la  place 
des  pieds  en  ventouse.  De  toutes  les  autres  propres  à  l'état 
adulte ,  les  deux  paires  suivantes  et  les  deux  dernières  sont 
les  seules  qui  se  montrent  et  qui  soient  libres.  Les  intermé- 
diaires, d'abord  emmaillotées  et  appliquées  sur  le  corps,  ne  se 
développent  qu'avec  les  mues  suivantes.  A  la  quatrième,  l'on 
commence  à  distinguer  les  traces  des  ventouses  :  à  la  sui- 
vante ,  les  pâtes  à  ventouse  sont  entièrement  formées  ,  mais 
en  conservant  le  crochet  terminal.  Au  bout  de  six  jours, 
autre  mue,  apparition  des  organes  sexuels  et  de  tous  les  au- 
tres ,  de  manière  que  l'animal  ne  diffère  point  quant  à  la 
forme,  de  ses  parens;  mais  il  faut  qu'il  change  encore  de  peau, 
ce  qui  a  lieu  au  bout  de  six  autres  jours,  pour  qu'il  puisse  se 
multiplier.  Ainsi  la  durée  de  ses  métamorphoses  est  de  vingt- 
cinq  jours.  Ils  n'ont  cependant  pas  encore  acquis  toute  leur 
grandeur.  D'autres  mues,  distantes  les  unes  des  autres  de 
six  à  sept  jours  ,  sont,  pour  cela  ,  nécessaires.  Les  femelles  ne 
peuvent  devenir  mères  sans  la  coopération  des  mâles.  Celles 
que  Jurine  avait  isolées  ont  péri  d'une  maladie  dont  les  symp- 
tômes sont  annoncés  par  l'apparition  de  plusieurs  globules 
bruns,  disposés  en  demi -cercle  vers  l'extrémité  postérieure 
du  chaperon  ,  ou  de  l'espace  triangulaire  et  antérieur  du  test 
dont  nous  avons  parlé. 

L'argule  foliacé  se  fixe  sur  le  dessous  du  corps  des  têtards 
des  grenouilles ,  sur  les  épinoches  ,  les  perches  ,  les  bro- 
chets, etc.,  mais  jamais  sur  leurs  ouïes.  Ainsi  que  les  in- 


4^2       CRUSTACÉS.  ONZIEME    ORDRE.    SIPHONOSTOMES. 

sectes  coléoptères  du  genre  gjrinus ,  il  tourne  sur  lui-même        j 
en  manière  de  girouette. 

Dans  tous  les  pinnodactyles  suivans  le  siphon  se  dirige  vers 
l'extrémité  postérieure  du  corps  ,  ou  n'est  point  visible.  Le 
test  occupe  ,  au  plus  ,  la  moitié  de  la  longueur  antérieure  du 
corps.  Aucun  des  pieds  ne  se  termine  en  ventouse  ,  et  les 
derniers  au  moins  sont  multifides.  Le  corps  est  terminé  pos- 
térieurement par  deux  longs  filets  ou  deux  appendices  arti- 
culés, en  forme  de  nageoires. 

Ici  l'abdomen,  terminé  par  deux  longs  filets ,  considérés  par 
plusieurs  naturalistes  comme  des  tubes  ovifères  ou  des  ovaires 
extérieurs,  est  nu  en  dessus.  Le  siphon  n'est  point  apparent. 
Le  genre  calige  (  caligus  )  ,  dont  nous  connaissons  deux  es- 
pèces ,  l'une  appelée  curliis  par  Mùller  [Entom. ,  tab.  XXI. 
fig.  I,  2),  et  qui  est  le  monoculus piscinus  de  Linné  ^  l'autre, 
vivant  sur  la  morue ,  et  qui  est  le  caligus  mulleri  de  Leach.  (i) 
Là,  comme  dans  les  deux  genres  suivans,  le  dessus  de  l'abdo- 
men est  recouvert  de  petites  pièces  ou  d'écaillés  imbriquées. 
Le  genre  pandare  [pandarus ,  Leach),  où  le  siphon  n'est 
pas  non  plus  apparent,  et  où  le  corps  se  termine  aussi  par 
deux  filets. 

Nous  citerons  l'espèce  que  le  docteur  Leach  nomme  bico- 
lor ,  et  celle  qu'il  a  dédiée  [Boscii)  à  feu  M.  Bosc  ,  et  qu'il  a 
figurée  dans  les  supplémens  de  V Encyclopédie  britanîiique. 
Voyez  l'ouvrage  de  M.  Desmarest  quant  à  ces  espèces  ,  et 
quelques  autres. 

Le  genre  ptérygopode  {pteiy gopodd)  ^  ayant  un  siphon  bien 
distinct  et  deux  appendices  articulés  ,  en  forme  de  nageoires , 
à  l'extrémité  postérieure  du  corps. 

Nous  avons  établi  ce  genre  sur  une  espèce  trouvée  sur  un 
requin  ,  et  dont  M.  Gaudlchand  nous  avait  donné  plusieurs 
individus  -,  peut-être  faut-il  y  rapporter  le  genre  nogaiis  du 
docteur  Leach. 


(  0   Voyez  aussi  les  Mémoires  de  la  Société  léopoldine  d'Hist.  nat. 


PfiEMlÈRE    FAMILLE.    MITYLOIDES.  4^^ 

DEUXIÈME  TRIBU. 
HYMÉNOPODES    {HYMEN OPODJ). 

Les  pâtes  abdominales  ou  les  quatre  à  six  postérieures  au 
moins ,  sont  en  forme  de  lames  membraneuses ,  recouvrant  le 
dessous  de  Tabdomen  ,  et  quelquefois  même  l'enveloppant 
aussi  en  dessus  5  tous  ont  un  siphon  distinct. 

Ici  le  corps  est  allongé.,  rétréci  à  la  suite  du  test,  et  ter- 
miné postérieurement  par  deux  filets. 

Le  genre  dijnemoure  (dinemoura ,  Latr.)  ,  dont  les  pâtes 
membraneuses  simplement  appliquées  sur  le  dessous  de  l'ab- 
domen ,  sont  libres,  et  dont  le  test  ne  présente  point ,  en  de- 
vant ,  deux  petites  serres  avancées  et  monodactyles. 

Ce  genre  a  pour  type  le  caligus  productus  de  Mùller ,  ou 
le  monoculus  sabnoneus  de  Fabricius. 

Le  genre  anthosome  (^anthosoma ,  Leach),  remarquable 
par  ses  six  pâtes  membraneuses  réunies,  enveloppant ,  en  ma- 
nière d'étui ,  l'abdomen ,  et  par  la  présence  de  deux  petites 
serres  avancées  et  monodactyles,  situées  à  l'extrémité  anté- 
rieure du  test. 

La  seule  espèce  connue  est  l'^.  de  Smith  (Sniithii),  figurée 
dans  V Encj  clopédie  hritannique ,  ainsi  que  dans  l'ouvrage  de 
M.  Desmarest.  Elle  avait  été  trouvée  sur  un  squale  (cornu- 
hiensis)  ^  c'est  le  caligus  imbricatus  de  M.  Risso. 

Là ,  le  corps  est  presque  ovale ,  un  peu  plus  large  posté- 
rieurement, sans  appendices  filiformes  et  saillans  au  bout  de 
l'abdomen.  Cette  dernière  partie  du  corps  est  recouverte  par 
deux  lames  ou  écailles  échancrées ,  et  dont  la  postérieure  plus 
grande  et  voûtée  ;  une  autre  lame ,  mais  petite ,  en  forme  de 
cœur  renversé  ,  située  vers  le  milieu  du  dos ,  semble  unir 
l'abdomen  avec  l'écaillé  ou  le  tégument  supérieur  du  céphalo- 
thorax ,  dans  une  échancrure  postérieure  de  laquelle  elle  est 
insérée.  Les  antennes  sont  petites,  de  deux  articles,  dont  le 
dernier  conique  et  pointu.  Le  nombre  des  pâtes,  selon  la 
supputation  du  docteur  Leach ,   est  de  quatorze  j  les  deux 


454       CRUSTACi^S.  ONZIÈME    ORDRE.    SIPHONOSTOMES. 

premières,  que  j'avais  considérées  comme  des  antennes  in- 
termédiaires ,  sont  fortement  onguiculées  ,  ainsi  que  celles 
de  la  troisième  paire  ;  celles  de  la  seconde ,  de  la  quatrième 
et  de  la  cinquième  sont  bifides  •,  les  quatre  pieds  postérieurs 
sont  réilnis  par  paires ,  en  forme  de  grandes  lames ,  un  peu 
sinuées  et  dentées  au  bord  postérieur.  De  chaque  côté  du 
siphon,  qui  est  situé  derrière  les  deux  antérieures,  est  un 
appendice  ovale.  Deux  feuillets  ou  écailles  ovales,  placés  sous 
l'extrémité  postérieure  du  corps,  recouvrent  dans  la  femelle 
les  œufs.  Tels  sont  les  caractères  du  genre  cécrops  (^cecrops , 
Leach).  Le  C.  de  Latreille  (^Lati^eillii)  ,  qui  en  est  le  type 
et  la  seule  espèce  décrite ,  est  représenté  encore  dans  V Ency- 
clopédie britannique  et  dans  Touvrage  de  M.  Desmarest.  On 
le  trouve  sur  les  branchies  du  thon  et  du  turbot. 

DEUXIÈME  FAMILLE. 

LERNiEIFORMES   (  LERN.mFORMES). 

Leur  corps  est  allongé,  cylindrique,  rétréci  postérieurement,, 
de  sept  à  dix  segmens,  la  tête,  quelquefois  beaucoup  plus 
grande,  comprise.  Les  pieds,  à  l'exception  au  plus  de  deux 
serres  frontales,  sont  très  petits  5  ceux  des  dernières  paires,  ou 
les  analogues  des  pieds  natatoires  des  précédens  ,  ne  sont  com- 
posés que  d'un  article  et  de  deux  doigts ,  ou  de  deux  petites 
tiges  articulées  \  quelquefois  les  côtés  du  corselet  se  dilatent 
en  manière  de  grands  lobes  ou  d'ailes  arrondies  au  bout , 
arqués ,  formant  un  fer  à  cheval  et  embrassant  dans  leur 
entre -deux  les  autres  parties  postérieures  du  corps.  Ils  ont 
tous  deux  antennes  au  moins,  filiformes  ou  sétacées,  et  des 
pieds  à  crochets.  Les  uns  vivent  sur  des  poissons,  et  les  autres 
sur  les  branchies  du  homard  :  ce  sont ,  à  ce  qu'il  paraît ,  les 
crustacés  les  plus  rapprochés  des  lernées ,  et  peut-être  même 
devrait-on  réunir  quelques  uns  de  ces  derniers  animaux  avec 
les  précédens. 

Cette  famille  comprendra  trois  genres  : 


DEUXIÈME    FAMILLE.    LERWyEIFOHMES.  4^5 

Le  premier   celui  de  kicothoË  (nicothoe)  ^  a  été  découverl 
par  MM.   Victor  Audouiu  et  Miliie  Edwards.  Au  premier 
aspect  et  à  la  vue  simple,   l'animal  qui  en  est  le  sujet    se 
présente  sous  la  forme  d'un  fer  à  cheval,  renfermant  deux 
petits  corps  ovalaires.  Mais,  observé  avec  une  forte  loupe, 
on  découvre  que  cet  animal  est  composé,  i".  d'une  tête  por- 
tant deux  yeux,  deux  antennes  sétacées  de  onze  articles,  et 
divers  appendices  autour  d'une  bouche  circulaire;  2°.  d'un 
thorax ,  fortement  dilaté  de  chaque  coté  en  une  grande  ex- 
pansion lobiforme,  rejelée  en  arrière ,  offrant  dans  son  inté- 
rieur des  espèces  des  cœcums,  et  composé  de  quatre  segmens, 
avec  cinq  paires  de  pieds ,  dont  les  deux  antérieurs  terminés 
par  un  fort  crochet,  et  dont  les  autres  formés  d'un  grand  ar- 
ticle et  de  deux  tiges,  presque  cylindriques,   soyeuses,   de 
trois  articles  -,   3°.  d'un  abdomen  allant  en  pointe ,  de  cinq 
segmens,  dont  le  premier  donne  naissance  à  deux  sacs  ovi- 
fères ,  et  dont  le  dernier  terminé  par  deux  longs  poils.  Les 
deux  expansions  thoraciques  réunies  forment  cette  portion  du 
corps  qui  se  présente  d'abord  sous  la  figure  d'un  fer  à  cheval , 
et  les  deux  sacs  ovifères  sont  les  deux  petits  corps  qu'il  ren- 
ferme. Le  N.  DU  HOMARD  (astacî)  est  long  d'une  demi-ligne, 
sur  trois  de  large ,  mesuré  dans  sa  plus  grande  expansion ,  et 
de  couleur  rosée.  Il  adhère  intimement  aux  branchies  du 
homard  ,  et  les  naturalistes  qui  l'ont  décrit  (annales  des 
Sciences  naturelles,  déc.  1826,  pi.  XLIX,  fig.  i,  2)  pensent 
qu'il  peut  nager  dans  son  jeune  âge,  ou  avant  que  ses  lobes 
thoraciques  soient  développés. 

Le  second  genre,  celui  de  dichelestion  {dichelestium,  Her- 
MANN  fils),  a  le  corps  composé  de  sept  segmens  ;  le  premier  beau- 
coup plus  grand,  presque  rhomboïdal ,  porte  deux  antennes 
filiformes,  de  sept  articles,  deux  serres  frontales,  didactyles, 
un  siphon  distinct ,  des  appendices  multifides  sur  les  côtés  et 
quatre  pieds  à  crochets,  propres  à  la  préhension  ;  les  second  et 
troisième  segmens  sont  presque  lunules,  et  ont  chacun  une 
paire  de  pieds  formés  d'un  article ,  avec  deux  doigts  dentelés 
au  bout.  Une  cinquième  et  dernière  paire  ,  mais  ne  consistant 


456      CRUSTACÉS.  ONZIÈME    ORDRE.    SIPHOPfOSTOMES. 

qu'en  une  vésicule  ovalaire  ,  esl  annexée  au  segment  suivant, 
qui  est  presque  carré ,  ainsi  que  le  cinquième  ^  le  sixième  est 
allongé ,  presque  cylindrique ,  et  le  dernier,  le  plus  petit  de 
tous  ,  est  presque  orbiculaire  et  terminé  par  deux  vésicules. 

Le  D.  DE  l'esturgeon  (sturionis)  se  tient  fixé  sur  les  arcs 
ossaux  des  branchies.  Hermann  fils  ,  qui  a  décrit  avec  détail 
ce  crustacé  (^Mémoire  aptérol. ,  page  126  ,  pi.  V,  figv  7,  B) , 
en  a  trouvé  jusqu'à  douze  sur  ce  poisson  -,  quelques  uns  étaient 
d'un  tiers  plus  courts  que  les  autres  ,  et  leur  corps  était 
courbé  ;  il  présume  que  c'étaient  des  mâles  -,  ce  crustacé  tourne 
avec  beaucoup  de  vivacité  et  s'accroche  fortement. 

Nous  devons  la  connaissance  du  troisième  et  dernier  genre 
wÉMÉsis  (  nemesis  )  ,  à  M.  Risso  ,  et  une  description  plus  dé- 
taillée ,  ainsi  qu'une  bonne  figure,  à  M.  Polydore  Roux  (Crust. 
de  la  Méditerr. ,  pi.  XX).  Le  corps,  qui  a  la  figure  d'un 
parallélipipède  étroit  et  allongé ,  se  compose  de  cinq  grands 
segmens  ,  presque  égaux  ,  presque  carrés ,  tous  pédigères  ,  à 
l'exception  du  cinquième,  et  de  quatre  autres  petits  composant 
avec  le  précédent  un  abdomen  terminé  en  cône ,  porte  deux 
sacs  ovifères ,  globuleux ,  et  deux  longs  filets  cylindriques , 
faiblement  annelés ,  insérés ,  ainsi  que  ces  ovaires ,  sur  le 
cinquième  segment ,  ou  le  premier  de  l'abdomen  ,  et  se  ter- 
mine par  deux  appendices  très  courts.  Le  segment  anté- 
rieur, un  peu  plus  oblong ,  presque  ovale  et  relevé  en  bosse  , 
offre  deux  antennes  sétacées ,  presque  aussi  longues  que  lui , 
de  sept  à  huit  articles  ,  dont  le  premier  plus  grand  \  un  siphon 
conique ,  court ,  triarticulé ,  dirigé  en  arrière  ,  et  trois  paires 
de  pâtes  ,  dont  la  première  et  la  troisième  onguiculées ,  et  les 
secondes  membraneuses,  sans  ongles,  et  simplement  dentelées 
au  bout.  On  ne  voit  point  d'yeux.  Au  second  segment  est  sus- 
pendue une  autre  paire  de  pâtes  semblable  à  la  précédente , 
et  deux  expansions  charnues ,  terminées  postérieurement  par 
deux  appendices  très  courts  et  trifides ,  ou  sorte  de  doigts  ;  les 
deux  segmens  suivans  portent  chacun  une  paire  d'organes  con- 
formés de  la  même  manière  que  les  deux  précédens  ,  ce  sont 
des  pieds  en  raccourci  -,  ainsi  leur  nombre  total  est  de  qua- 


DEUXIÈME    FAMILLE.    MITYLOÏDES.  4^7 

torze.  La  première  paire  toutefois  pourrait  être  considérée 
comme  deux  antennes. 

Des  individus  sont  dépourvus  de  sacs  ovifères,  et  M.  Roux 
les  prend  pour  des  mâles.  Il  en  décrit  deux  espèces.  Ces  ani- 
maux vivent  sur  les  branchies  de  quelques  espèces  de  squales, 
et  ne  les  abandonnent  jamais.  Ils  conduisent  au  genre  con- 
dracanthe  de  la  famille  des  lernées. 


DOUZIÈME   ORDRE. 

TRILOBITES  {TRILOBITES). 

Ces  singuliers  animaux  ,  désignés  ainsi  par  M.  Brongniart , 
notre  confrère  à  l'Académie  rovale  des  Sciences  et  au  Jardin 
du  Roi ,  que  Dalman  a  nommés  depuis  palœades ,  innovation 
d'autant  plus  répréhensible  qu'elle  substitue  ,  sans  aucune 

I  utilité  et  avec  danger  pour  la  science  ,  une  expression  très 
vague  et  propre  à  tous  les  corps  organisés  fossiles ,  à  une 
autre  ,  énonçant  un  caractère  spécial  (i)  ,  ont  été  et  sont  en- 
core ,  quant  à  la  place  qu'ils  occupent  dans  l'échelle  natu- 
relle ,  un  sujet  de  controverse.  J'avais  d'abord  pensé  [Règne 
:  animal  àQ  M.  Cuvier,  i""^  édit.)  qu'ils  remplissaient  une  partie 
de  ce  vide  qui  existe  entre  les  crustacés  et  le  genre  gloméris , 
le  premier  de  l'ordre  des  myriapodes,  classe  des  insectes.  Je 
suis  revenu  ensuite  sur  ma  première  opinion  ,  et  je  les  ai  rap- 
prochés des  oscabrions ,  près  desquels  les  rangent  aussi  quel- 
ques savans.  Mais  quoique  variant  dans  la  manière  de  les 
rattacher  aux  crustacés ,  tous  les  autres  naturalistes ,  et  parmi 
j  lesquels  on  citera  plus  spécialement  M.  Brongniart ,  qui  a 
traité  de  ces  animaux  ex  professa ,  s'accordent  à  les  associer 
aux  précédens.  J'ai  derechef  adopté  ce  sentiment  dans  la 
nouvelle  édition  du  Règne  animal  de  M.  le  baron  Cuvier.  La 


(i)  La  dénomination  de  trilohicrabes  serait,  ce  me  semble,  préférable  aux  pré- 
cédenlci. 


/lj8      CUUSTACÉS.    —    DOUZIÈME    ORDRE.    TRILOBlTES. 

versatilité  que  j'ai  montrée  à  cet  égard  provient  de  mon  atta- 
chement aux  principes  rigoureux  de  la  méthode ,  et  c'est  ce 
que  n'a  pas  compris  M.  Victor  Audouin  en  défendant ,  dans 
un  Mémoire  particulier,  l'opinion  de  M.  Brongriiart.  Celui-ci, 
en  effet ,  convient  qu'il  n'a  pu  découvrir  dans  les  trilohiles 
aucun  vestige  de  pâtes  ou  d'organes  locomoteurs  ;  il  présume 
même  qu'ils  n'existent  point.  Gomment  alors  peut-on  classer 
avec  les  crustacés ,  animaux  essentiellement  pourvus  de  ces 
organes  ,  les  précédens ,  qui  sont  censés  en  être  privés  ?  Ceux- 
ci  n'ont  certainement  pas  de  rapports  avec  les  annélides.  Il 
fallait  donc  chercher  dans  d'autres  classes  quels  seraient  les 
animaux  qui  auraient  avec  eux  le  plus  d'analogie  :  or  les  os- 
cabrions  m'avaient  paru  être  les  seuls  qui  pouvaient  offrir, 
avec  eux,  sauf  quelques  modifications,  une  certaine  res- 
semblance de  conformation. 

M.  Victor   Audouin  ,  dans   le  Mémoire  précité  et   qui  a 
aussi  pour  objet  d'établir  les  rapports  naturels  des  trilobites 
avec  les  animaux  articulés ,  faisant  une  application  de  sa  théo- 
rie sur  la  composition  du  thorax  des  insectes  à  ces  animaux 
fossiles,  en  a  conclu  qu'ils  devaient  manquer  de  véritables 
pâtes  ,  et  que  si  l'on  venait  un  jour  à  leur  trouver  des  ap- 
pendices locomoteurs ,  ils  se  montreraient  sous  les  formes 
de  pâtes  branchiales.   Mais   qu'ils   ne  servent ,   comme   les 
pâtes  des  apus   et  de  plusieurs  autres  entomostracés ,    qu'à 
la  respiration  et  à  la  natation  ,  ce  ne  seraient  pas  moins  de 
véritables  pieds,  et  on  n'a  fait  à  cet  égard  aucune  distinc- 
tion lorsqu'on  a  donné  pour  caractère  essentiel  aux  crus- 
tacés et  autres  animaux  de  la  classe  des  insectes  de  Linné , 
d'être  pourvus  de  tels  organes.  M.  Brongniart  lui-même  n'en 
admet  d'aucune  espèce  -,  et  certes ,  s'il  avait  supposé  comme 
probable  l'existence  de  pâtes  branchiales  ,  il  était  évident  que 
je  n'avais  plus  de  motifs  pour  exclure  les  trilobites  de  la  classe 
des  crustacés.  L'organisation  du  thorax  de  ces  derniers  ani- 
maux ,  ainsi  que  des  arachnides ,  comparée  avec   celle  du 
thorax  des  insectes  hexapodes ,  m'a  conduit  à  des  rapproche- 
mcns  très  dilférens  dans  leur  application  de  ceux  de  M.  Au- 


GÉNÉRALITÉS.  ^->[) 

douin  5  car,  selon  moi ,  les  trois  segmens  dont  se  compose  cette 
partie  (lu  corps,  considérée  dans  les  insectes,  ont  pour  ana- 
logue la  portion  du  corps  des  crustacés  décapodes  à  laquelle 
adhèrent  les  pieds-mâchoires.  Si  l'on  compare  graduellement 
et  en  commençant  par  le  labre  ,  les  pièces  composant  la  bouche 
de  ces  derniers  animaux  avec  celles  de  la  bouche  des  insectes 
hexapodes ,  on  verra  que  les  mâchoires  palpigères  de  ceux-ci 
venant  aussi  immédiatement  après  les  mandibules ,  corres- 
pondent à  la  paire  supérieure  des  mâchoires  de  ces  crustacés , 
et  que  la  lèvre  inférieure  de  ces  insectes  représente  l'autre 
paire  de  mâchoires  des  animaux  précédens ,  mais  réunies  et 
adossées  à  la  languette.  Dès-lors  ,  en  continuant  la  même  cor- 
respondance de  parties ,  les  six  pâtes  des  insectes  succédant 
immédiatement  aux  organes  précédens  ,  simuleront ,  par  leur 
situation  corrélative,  les  six  pieds-mâchoires  de  ces  crustacés; 
la  même  analogie  s'étendra  à  leurs  supports ,  c'est-à-dire  aux 
trois  segmens  du  thorax.  On  pourra  établir  un  parallèle  sem- 
blable entre  les  arachnides,  mais  plus  particulièrement  celles 
qui  composent  les  genres  scorpion  etphalangium  ou  faucheur, 
et  les  condylopes  précédens.  On  observe  en  effet  que  dans  ces 
deux  genres ,  les  palpes  et  les  quatre  pâtes  antérie^jres  ont  à 
leur  base  interne  un  appendice  maxilliforme  ,  et  que  nonob^ 
stant  des  contrastes  de  formes ,  ces  organes  ne  correspondent 
pas  moins ,  en  suivant  les  mêmes  principes ,  aux  mandibules 
et  aux  quatre  mâchoires  de  ces  crustacés.  Dès-lors  encore  les. 
quatre  pieds  postérieurs  seront  aussi  les  analogues  ,  quant  a 
leur  situation  ,  des  premiers  et  seconds  pieds-mâchoires ,  e| 
le  tégument  supérieur  ou  l'écaillé  du  céphalothorax  de  ces. 
animaux  ne  différera  point  de  cette  portion  antérieure  du  test 
des  crustacés  décapodes  recouvrant  ces  divers  organes.  A  ea 
juger  par  la  comparaison  du  thorax  de  plusieurs  crustacés 
isopodes ,  les  deux  séries  latérales  et  segmentaires  de  la  por^ 
tion  mitoyenne  du  corps  des  trilobiles ,  ou  les  flancs  de  l'ab- 
domen, ne  sont  que  des  divisions  des  côtés  des  segmens  thora- 
ciques  5  car  on  voit  que  dans  les  cymothoés  ,  les  idotées ,  les 
lygies  et  les  tylos,  le  segment  antérieur  est  parfaitement  en-» 


46o       CRUSTACÉS.   —    DOUZIÈME    ORDRE.    TRILOBITES. 

lier,  quoique  semblable  ,  pour  le  reste ,  aux  suivans.  Parmi 
les  sténosomes  ,  il  en  est ,  comme  V hectique ,  dont  les  segmens 
sont  indivis  5  tous  ceux  des  sphéromes ,  des  armadilles  et  des 
gloméris ,  quoique  ces  crustacés  se  contractent  sphéroidale- 
ment ,  ainsi  que  plusieurs  trilobites ,  sont  encore  entiers.  Les 
tylos  ayant  les  mêmes  habitudes,  mais  à  segmens  tlioraciques 
divisés ,  et  dont  le  post-abdomen  est  dépourvu  postérieure- 
ment d'appendices  ,  sont  de  ces  divers  crustacés  ceux  qui  par 
ces  considérations  se  rapprochent  le  plus  des  trilobites  -,  mais 
ils  s'en  éloignent  à  raison  du  nombre  de  leurs  segmens  thoraci- 
ques,  qui,  de  même  que  dans  presque  tous  les  autres  isopodes, 
n'est  jamais  que  de  sept.  Dans  les  crustacés  de  cet  ordre  ,  où 
ces  segmens  ont ,  de  chaque  côté  ,  une  section  analogue  à  celle 
des  jQancs  des  trilobites  ,  tantôt  elle  n'est  que  superficielle , 
comme  dans  les  lygies ,  les  idotées  -,  tantôt  elle  est  plus  pro- 
fonde ,  et  l'on  aperçoit  dans  la  séparation  une  membrane  ,  ce 
qui  dénote  alors  une  véritable  articulation  :  les  cymothoés 
nous  en  offrent  un  exemple.  Les  pâtes  prennent  naissance  de 
la  face  inférieure  de  ces  divisions  latérales.  Dans  les  insectes 
hexapodes  ,  elles  sont  insérées  le  long  du  milieu  du  sternum  , 
et  les  demt-segmens  supérieurs  ou  plaques  dorsales  du  thorax , 
qui  ne  correspond  d'ailleurs,  ainsi  que  je  l'ai  observé  plus 
haut ,  qu'à  la  portion  du  corps  des  crustacés  portant  les  pieds- 
mâchoires  ,  ne  présentent  aucune  division  latérale.  Pour  ex- 
pliquer ce  partage  ternaire  des  segmens,  M.  Audouin  suppose 
que  les  flancs  remontent  sur  le  dos ,  lorsque  ce  dos  ou  ce 
tergum  est  plus  étroit  que  de  coutume.  Mais  nous  avons  vu 
que  le  segment  antérieur  de  divers  crustacés  isopodes,  quoique 
de  la  même  étendue  que  les  suivans ,  n'offre  point  cependant , 
comme  ceux-ci ,  de  divisions  latérales  ^  et  que  dans  quelques 
autres  isopodes  où  ces  segmens  ont  des  proportions  analogues  à 
celles  qu'on  observe  aux  segmens  des  crustacés  précédens ,  les 
côtés  n'ont  néanmoins  aucune  scission  ;  si  donc  elle  a  lieu ,  c'est 
uniquement  pour  faciliter  les  mouvemens  des  portions  laté- 
rales des  segmens  avec  lesquelles  les  pâtes  s'articulent.  Mais 
à  l'égard  des  trilobites  ,  la  grande  expansion  des  flancs  était 


GÉNÉRALITÉS.  /^6 1 

nécessaire  pour  que  ces  animaux  pussent  mieux  s'appliquer 
sur  les  corps  où  ils  vivaient  fixés ,  et  pour  qu'ils  pussent ,  en 
élevant  le  dos  ,  former  un  vide  en  dessous  ,  propre  à  recevoir 
les  œufs  ;  par  là  encore  ,  diverses  espèces  pouvaient  plus  aisé- 
ment ,  en  repliant  les  côtés  du  corps ,  prendre  la  figure  d'un 
sphéroïde.  Nous  avons  vu  qu'il  fallait  comparer  les  tégumens 
supérieurs  du  céphalothorax  des  araignées  au  test  des  crus- 
tacés décapodes.  Avant  que  de  diviser  ce  test  en  demi-segmens 
ou  arceaux  ,  la  nature  les  réunit  en  une  seule  pièce  ;  elle  n'est 
donc  point  formée  ,  comme  le  dit  M.  Audouin  ,  par  une  com- 
binaison des  flancs. 

Les  gloméris ,  premier  genre  de  l'ordre  des  chilognathes , 
classe  des  myriapodes,  ont  sur  chaque  côté  du  dessous  du  corps 
une  rangée  de  petites  écailles  ,  fixées  par  leur  bord  antérieur, 
et  libres  ensuite,  que  j'avais  d'abord  été  tenté  de  prendre 
pour  les  analogues  de  ces  divisions  latérales  segmentaires-, 
mais  ici  les  pâtes  naissent  de  la  ligne  médiane  du  dessous  du 
corps ,  et  n'ont  aucune  connexion  avec  ces  écailles.  Je  soup- 
çonne que  ces  écailles  ,  ayant  une  grande  ressemblance  avec 
celles  du  dessous  du  post-abdomen  de  plusieurs  isopodes,  des 
cloportes  et  des  armadilles  notamment ,  font  partie  des  organes 
respiratoires.  Le  dessous  des  flancs  de  l'asaphe  pustule  ,  espèce 
de  trilobite ,  a  offert  à  M.  Golfuss  (  Annales  des  Sciences 
naturelles ,  tome  XV,  pag.  83  et  suiv.)  des  vestiges  de  petits 
pieds  à  nageoires  ou  branchiaux,  et  dont  quelques  uns  à  arti- 
culations apparentes.  Si  nos  présomptions ,  à  l'égard  des  écailles 
des  gloméris ,  étaient  fondées ,  ils  se  rapprocheraient  ,  sous 
ce  rapport ,  des  trilobites.  Il  paraîtrait  que  ces  derniers  ani- 
maux étaient  habituellement  fixés  à  plat  sur  des  schistes  ,  des 
grès,  diverses  roches,  etc.  Les  uns  ont  été  saisis  dans  cette 
position  -,  les  autres  ont  eu  le  temps  de  se  contracter  en  boule. 
On  conçoit  dès-lors  qu'étant  destinés  à  une  sorte  d'inaction  , 
des  appendices  locomotiles  de  grandeur  ordinaire  leur  étaient 
inutiles  ^  peut-être  même  ceux  dont  ils  étaient  munis  ne  ser- 
vaient-ils qu'à  la  respiration.  Très  plats  et  membraneux  ,  ils 
n'ont  pu  laisser  aucune  empreinte  durable  sur  les  corps  où  ils 


462       CRUSTACÉS.  —    DOUZIÈME    ORDRE.    TRILOBITES. 

étaient  posés.  Par  leurs  habitudes  ,  ils  ont  des  traits  de  confor- 
mité avec  les  cyclobranches  ,  dont  les  oscabrions  font  parties 
ceux-ci  prennent  aussi  par  la  contraction  une  forme  sphéroî- 
dale ,  ce  que  l'on  n'observe  point  dans  l'ordre  des  crustacés 
branchiopodes.  Ces  motifs,  cette  apparence  d'articulations  for- 
mée dans  les  mêmes  mollusques  par  les  écailles  dorsales ,  la 
disposition  Irisériale  qu'elles  offrent  dans  quelques  espèces ,  et 
quelques  autres  considérations  jointes  à  la  supposition  de  toute 
absence  de  pales ,  m'avaient  fait  présumer  que  les  trilobites  se 
rapprochaient  des  oscabrions  ,  et  avaient  pu  ,  dans  une  créa- 
tion primitive ,  établir  une  liaison  entre  eux  et  les  animaux 
articulés,  ou  former  même  le  noyau  de  ceux-ci.  Mais  ayant  re- 
connu depuis  que  plusieurs  trilobites  avaient  réellement  des 
yeux ,  que  ces  animaux  pouvaient  avoir  des  pâtes ,  et  que 
leur  physionomie  générale  avait  la  plus  grande  ressemblance 
avec  celle  de  divers  crustacés,  j'ai  abandonné  mon  opinion 
pour  revenir  à  celle  que  j'avais  d'abord  émise  ,  savoir  :  qu'ils 
jporment  à  la  suite  des  crustacés  isopodes  une  famille  rem- 
plissant le  vide  qui  existe  maintenant  entre  ces  animaux  et  les 
myriapodes. 

Les  trilobites  sont  des  crustacés  fossiles ,  n'ayant  point  d'ana- 
logues vivans  connus,  dont  le  corps  obovoido-oblong  ou  ellip- 
tique ,  muni  de  petits  pieds  branchiaux ,  insérés  sur  les  cotés 
inférieurs,  et  probablement  nombreux,  se  compose  i^  d'une 
grande  tête ,  en  forme  de  bouclier  semi-lunaire  ;  i°.  d'une  suite 
de  segmens  transversaux,  divisés  par  deux  sillons,  en  trois  aires 
longitudinales,  dont  les  huit  à  douze  antérieurs  correspondent 
au  thorax  des  crustacés  isopodes  ,  et  dont  les  autres  ,  rarement 
séparés  dans  toute  leur  largeur,  et  le  plus  souvent  réunis  entre 
eux  ,  composent  une  sorte  de  queue ,  analogue  à  celle  des  j 
mêmes  crustacés  ,  triangulaire  ou  semi-circulaire ,  à  côtes  ou 
stries  transverses  ,  et  sans  appendices  articulés  au  bout. 

Si  ces  fossiles  se  rapprochent  des  limules  par  la  forme  de 
la  portion  antérieure  du  corps  ou  le  bouclier,  ils  en  diffèrent 
néanmoins  par  les  nombreux  segmens  du  corps ,  et  en  ce 
que  la  région  médiane  du  dessous  est  nue,  ce  qui  résulte  des 


GÉNÉRALITÉS.  /fi'd 

observations  de  M.  Golfuss  et  de  quelques  figures  publiées 
par  M.  Brongniart.  S'ils  avoisinent  les  entomostracés  phyllo- 
podes  ,  sous  le  rapport  du  nombre  considérable  de  segmens  , 
on  voit  néanmoins  que  ces  articulations ,  à  raison  de  leurs 
formes ,  de  la  solidité  de  leurs  tégumens ,  ont  plus  d'affinité 
avec  celles  des  isopodes  qu'avec  les  segmens  du  corps  des  ph  vl- 
lopodes ,  qui  sont  mous  et  étroits  -,  d'ailleurs  aucun  de  ces  der- 
niers crustacés  ,  ainsi  que  nous  l'avons  observé  ,  ne  se  met  en 
boule  ,  et  ce  caractère  est  propre  à  divers  isopodes  et  divers 
trilobiles. 

Le  bouclier  des  trilobiles  pourrait  représenter  la  tête  et  les 
trois  premiers  segmens  du  corps  des  gloméris.  L'asaphe  corni- 
gère  de  M.  Brongniart,  et  qui  me  paraît  devoir  constituer 
un  genre  propre  ,  semble  autoriser  ces  conjectures.  En  effet , 
la  portion  de  son  corps  qu'il  nomme  abdomen  n'est  compo- 
sée que  de  huit  segmens,  et  le  post- abdomen  n'en  offre 
qu'un  ,  uni  ou  sans  arcs  costaux  bien  distincts ,  ni  sillons. 
Telle  est  aussi  la  composition  et  la  forme  du  post- abdo- 
men des  gloméris  ,  ou  de  son  dernier  segment,  celui  qui  est 
apode.  La  portion  du  corps  comprise  entre  lui  et  la  tête  ,  celle 
qui  correspondrait  à  l'abdomen  des  trilobites  ,  est  partagée  en 
onze  anneaux.  Si  les  trois  antérieurs  ,  réunis  avec  la  tête  ,  for- 
maient un  bouclier  semblable  à  celui  de  ce  trilobite ,  le  nombre 
des  segmens  abdominaux  ne  serait  plus  que  de  huit  ;  trois  paires 
de  pâtes  ,  dont  les  quatre  premières  paraissent ,  dans  ma  ma- 
nière de  voir ,  représenter  les  quatre  mâchoires  des  crustacés, 
et  les  deux  suivantes  les  deux  pieds-mâchoires  supérieurs,  sont, 
dans  les  gloméris  ,  des  annexes  de  trois  segmens  antérieurs. 
Supposé  maintenant  qu'ils  fissent  partie  de  la  tête  ou  du  bou- 
clier ,  le  nombre  de  ces  appendices  buccaux  serait  le  même 
que  celui  de  la  tête  des  isopodes. 

D'après  notre  définition  de  ces  fossiles ,  nous  en  excluons , 
du  moins  provisoirement,  le  genre  agnoste  de  M.  Brongniart, 
qu'il  y  comprend  ,  ainsi  que  Dalman  ,  et  dont  la  structure ,  de 
son  propre  aveu ,  s'éloigne  de  tous  ceux  que  nous  connaissons , 
tant  vivans  que  fossiles.  Il  témoigne  aussi  des  doutes  sur  la 


464       CRUSTACÉS.  DOUZIEME    ORDRE.    TRILOBITES. 

détermination  de  la  nomenclature  des  parties  de  ces  singuliers 
êtres.  Nous  en  dirons  un  mot  plus  bas. 

Jusqu'ici  on  n'a  point  découvert  d'antennes  aux  trilobites, 
soit  qu'elles  soient  mutilées ,  soit  qu'elles  soient  inférieures 
et  cachées,  ou  qu'il  n'en  existe  pas.  Le  bouclier,  de  figure 
plus  ou  moins  semi-lunaire  ,  souvent  rebordé ,  a  ses  angles  pos- 
térieurs et  latéraux  saillans ,  aigus ,  très  prolongés  en  arriére  , 
en  manière  d'épines  ,  dans  quelques  espèces  ,  et  quelquefois 
recourbés  en  sens  opposé ,  comme  dans  Vasaphe  de  Brojigniart, 
décrit  et  figuré  par  M.  Eudes  Deslonchamps ,  dans  un  Mémoire 
sur  le  grès  quartzeux  des  environs  de  Caen  ,  et  sur  les  trilobites 
fossiles  de  ce  grès.  Si  l'on  en  excepte  les  paradoxides,  ce  bouclier 
a  son  bord  antérieur  divisé  par  des  lignes  et  des  articulations,  et 
il  offre  deux  yeux.  J'avais  d'abord  nié  l'existence  de  ces  organes, 
mais  je  n'ai  pu  les  méconnaître  dans  une  espèce  de  calymène, 
parfaitement  conservée  ,  que  m'a  montrée  M.  Audouin.  Dans 
plusieurs  trilobites ,  et  notamment  dans  des  paradoxides  re- 
présentées par  M.  Brongniart ,  la  région  médiane  du  bouclier 
est  divisée  par  quelques  sillons  transversaux ,  en  lobes  ou  por- 
tions de  segmens  analogues  à  ceux  qui  forment  la  série  dorsale 
du  corps ,  à  la  suite  du  bouclier. 

Le  post-abdomen  des  tylos ,  genre  de  l'ordre  des  crustacés 
isopodes  ,  semble  avoir  des  rapports  avec  celui  des  trilobites, 
mais  avec  moins  de  divisions.  Il  est  voûté,  de  contour  presque 
semi- circulaire  ,   sans  appendices   articulés,  ce  qui  le  dis- 
tingue de  celui  des  cloportes  ,  des  lygies  et  de  quelques  autres 
genres  voisins ,  et  composé  ,  tantôt  de  six  segmens ,  et  tantôt 
de  deux ,  dont  le  premier  plus  grand ,   avec  deux  incisions 
latérales  et  courtes.  Les  sept  segmens  qui  précèdent  immé- 
diatement le  post-abdomen  ou  la  queue,  correspondent,  aux 
deux  pieds-màchoires  supérieurs  près ,  qui  ici  dépendent  de 
la  tête  ,  à  cette  portion  du  corps  des  crustacés  décapodes  qui 
porte  les  quati*e  autres  pieds-mâchoires  et  les  dix  pieds  ordi- 
naires;, vue  en  dessous,  elle  se  divise  en  autant  de  portions 
de  segmens  qu'il  y  a  de  paires  de  ces  divers  organes ,  ou  en 
sept.  En  comparant  le  corps  de  ces  crustacés  à  celui  des  in- 


GENRES,  465 

secles ,  il  m'a  paru  que  les  cinq  premiers  segmens  de  l'abdo- 
men de  ceux-ci  représentaient  ceux  de  ces  crustacés   aux- 
quels sont  attachées  les  cinq  paires  de  pieds  ambulatoires. 
Leur  réunion  a  formé  ce  que  j'ai  nommé  pré-abdomen ,  et 
celle  des  suivans  la  division  postérieure  de  l'abdomen ,  ou  le 
post-abdomen ,  appelé  aussi  queue,  dans  la  plupart  des  crus- 
tacés. Si  on  appliquait  ces  considérations  à  la  nomenclature 
des  parties  des  trilobites,  telle  qu'elle  est  aujourd'hui  em- 
ployée, peut-être  jugerait-on  qu'elle  n'est  pas  d'une  exacti- 
tude rigoureuse.  Ainsi  l'abdomen ,  comparé  à  celui  des  crus- 
tacés, paraît  se  composer  d'une  portion  de  leur  thorax,  la 
postérieure,  et  de  ce  que  j'ai  nommé  pré-abdomen.  Cet  en- 
semble est  pour  moi  V alvithorax .  La  queue  des  décapodes  ma- 
croures, comme  celle  des  écrevisses,  des  salicoques,  etc.,  fait 
essentiellement  partie  de  leur  abdomen  ,  puisque  l'ouverture 
des  déjections  excrémentielles  se  trouve  sous  le  dernier  seg- 
ment 5  et  comme  sa  dénomination  est  synonyme  de  celle  de 
post-abdomen  ,   comment  peut-on ,  à  l'égard  des  trilobites , 
distinguer  celte  dernière  partie  de   l'abdomen ,    expression 
qui ,  prise  dans  sa  généralité ,  s'étend  aussi  à  la  précédente  ? 

M.  Brongniart  a  exposé,  avec  tout  le  savoir  d'un  grand  mi- 
néralogiste et  d'un  profond  géologue ,  tout  ce  qui  est  relatif 
au  gisement  des  trilobites.  Etranger  à  ce  genre  de  connais- 
sances, et  qui  le  sont  elles-mêmes  au  but  de  ce  cours  ,  je  vous 
renverrai  à  ce  beau  travail,  et  je  me  bornerai,  après  avoir 
donné  le  tableau  des  caractères  des  genres  qu'il  a  créés  dans 
cet  ordre  de  crustacés ,  à  vous  offrir  quelques  considérations 
générales,  extraites  en  majeure  partie  de  son  ouvrage ,  et  qui 
sont  un  résumé  de  ses  conclusions. 

Je  diviserai  l'ordre  des  trilobites  en  deux  sections. 

I.  Côtes  latérales  du  post-abdomen,  tantôt  réunies  par  une  membrane  com- 
mune, tantôt  nulles  ou  presque  pas  sensibles  ,  ainsi  que  les  dorsales. 
Deux  3'eux  ou  des  protubérances  oculiformes. 

A.  Deux  tubercules  élevés,  oculiformes  et  réticulés.  Corps,  soit  susceptible 
de  se  contracter  en  boule ,  soit  non  contractile  et  en  ovale ,  assez  large 
et  peu  allongé. 

3o 


!.fi6     CPxUSTACLS.    —    DOU2IÈMK    ORDRE.    TRILOBITFS. 
PREMIER  GENRE.—  CALYaièwE  {Calymene). 

Corps  susceptible  de  se  contracter  en  houle.  Toutes  les  côtes  latérales  pro- 
longées jusqu'au  bord  extérieur;  celles  du  post-abdomen  jîoint  dépassées 
par  la  membrane  qui  les  réunit,  et  bifurquées  au  bout.  (Bouclier  tuber- 
culeux ou  plissé.) 

DEUXIÈME  GENRE.  •—  Asaphe  {Asapkus). 

Corps  en  ovale  court,  point  contractile.  Post-abdomen  soit,  mais  rarement, 

presque  uni,  sans  côtes,  soit  avec  des  côtes,  dont  les  latérales  dépassées 

par  la  membrane  ,  et  point  bifurquées  au  bout. 
B.  Deux  protubérances  oculiformes  peu  élevées  et  sans  réticulation.  Corps 

non  contractile,  en  ellipse  allongé;   un  sillon  longitudinal  et  médiane 

l'extrémité  antérieure  du  bouclier. 

TROISIÈME  GENRE.  —  Ogygye  (  Oxygya). 

II.  Tous  les  segmens  du  corps  parfaitement  distincts  dans  toute  leur  lar- 
geur et  ayant,  le  dernier  excepté,  leurs  extrémités  latérales  saillantes  et 
aigiies.  Point  de  protubérances  oculiformes    (  Corps   très  aplati ,  point 
contractile.) 

QUATRIÈME  GENRE.—  Paradoxiue  [Paradoxides). 

Celui  d'AGNOSTE  (  agnostus  )  peut  être  caractérisé  ainsi  : 
Corps  en  demi-cercle  un  peu  allongé,  composé  d'un  limbe 
uni,  large  ,  rebordé  ,  formant  son  contour,  jusqu'au  diamètre 
transversal-,  espace  compris,  ou  lobe  moyen,  sans  côtes,  di- 
visé transversalement  en  deux ,  avec  deux  tubercules  glan- 
duleux,  soit  séparés,  soit  se  réunissant  à  un  autre  et  formant 
une  sorte  de  trèfle  à  l'extrémité  de  la  division  extérieure ,  au 
niveau  du  diamètre  ou  de  la  troncature. 

Ces  deux  tubercules  forment ,  suivant  M.  Brongniart ,  le 
bord  antérieur.  La  division  antérieure  du  lobe  moyen  ,  ou 
celle  qui  est  au-dessous  des  tubercules,  représenterait  le  bou- 
clier ou  le  corselet,  et  la  suivante  l'abdomen.  Ces  deux  par- 
ties auraient  pour  rebord  le  limbe  ,  c'est-à-dire  les  flancs,  qui, 
commençant  au  bord  antérieur,  se  prolongeraient  ensuite, 
sans  interruption  ,  tout  autour.  Le  corps  ressemble  à  celui  des 
insectes  du  genre  casside ,  avec  une  troncature  antérieure. 
On  pourrait  renverser  l'ordre  des  dénominations ,  et  con- 
sidérer le  limbe  comme  un  grand  bouclier  semi- lunaire, 
renfermant  les  autres  parties  du  corps ,  de  manière  que  les 


GENRES.  4^7 

tXibercules  glanduleux  seraient  censés  terminer  le  post-abdo- 
men; mais  la  forme  de  ces  fossiles  est  si  étrangère  à  tout  ce 
que  nous  connaissons,  que  toute  conjecture  serait  hasardée. 
Ils  sont  propres  à  la  Suède.  On  les  trouve  en  quantité  innom- 
brable et  formant  presque  la  masse  de  la  pierre ,  dans  un  cal- 
caire noirâtre  ou  brunâtre,  solide,  sub-lamellaire  et  fétide. 
Ils  varient  en  dimension ,  depuis  la  grosseur  d'un  grain  de 
moutarde  jusqu'à  celle  d'un  pois;  mais  tous  les  individus  d'un 
même  banc  de  pierre  sont  tous  de  la  même  taille ,  et  sont  si 
nombreux  qu'ils  donnent  à  cette  pierre  calcaire  l'apparence 
d'un  oolite.  Quelques  oscabrions  (  chiton  amiculatus  de 
Pallas)  ont  aussi  une  forme  analogue,  celle  d'un  rein,  (i) 

M.  le  comte  de  Rasoumousky,  qui  a  publié,  après  M.  Bron- 
gniart ,  des  observations  intéressantes  sur  les  trilobites  et  leurs 
gisemens  {^Annal.  des  Scienc.  nat.ur.^  tom.  VIII,  pag.  i86)  , 
remarque   qu'on   trouve  presque   toujours  ces  fossiles  avec 
des  pétrifications  de  testacés  marins ,  comme  orthocératites , 
lytbuites,  bélemnites,  cornes-d'Ammon,  au  lieu  que  les  crus- 
tacés, comme  on  le  voit  à  Pappenheim,  à  Solenhofen  et  ail- 
leurs ,  se  trouvent  toujours  avec  des  restes  de  crustacés  et  de 
poissons  qui  ont  vécu  jadis  ensemble,  à  la  même  époque  et 
dans  les  mêmes  eaux.  Mais,  ainsi  que  l'a  remarqué  M.  Bron- 
gniart ,  ces  trilobites  et  ces  coquillages  semblent  avoir  été  les 
premiers  habitans  solides  des  premières  eaux  marines  qui  aient 
laissé  dans  nos  couches  des  traces  de  vie ,  et  ceux  de  tous  les 
animaux  fossiles  qui  s'éloignent  le  plus  des  êtres  vivans  actuels. 
Ils  vivaient  aune  époque  où  les  roches  de  cristallisation  se  for- 
maient encore,  et  où  les  terrains  des  sédimens  les  plus  anciens, 
mêlés  de  minéraux  pierreux  et  métalliques  en  dissolution  ,  se 
déposaient  abondamment  sur  toutes  les  parties  du  globe. 

Parmi  ces  trilobites ,  les  ogygyes ,  les  paradoxides ,  deux 
calymènes  et  une  espèce  rapportée  avec  doute  au  genre 
asaphe,  sont  particulières  aux  terrains  de  transitions  schis- 


(i)  M.  Milne  Edwards  m'a  appris  qu'on  avait,  depuis  peu,  établi  un  nouveau 
genre  dans  cet  ordre;  mais  n'ayant  pu  me  procurer  l'ouvrage  où  il  est  décrit,  je 
n'en  parlerai  point. 


468       CRUSTACÉS.   DOUZIÈME    ORDRE.    TRILOBITES. 

toïdes,  réputés  les  plus  anciens.  Toutes  les  autres  appartien- 
nent aux  terrains  de  transitions  calcaires,  et  dont  M.  Bron- 
gniart  distingue  trois  variétés  principales  :  le  premier,  noi- 
râtre, sub-laraellaire  ,  observé  en  Suède,  en  Bohême  et  dans  le 
pays  de  Galles  ^  le  second ,  gris  de  fumée  ou  gris  verdâtre , 
compacte,  fin,  avec  des  térébratules,  découvert  en  Angleterre 
et  dans  l'Amérique  septentrionale  ^  enfin  le  troisième ,  com- 
posant les  terrains  de  sédiment  inférieur,  d'un  gris  de  cendre 
ou  jaunâtre,  compacte,  ayant  quelquefois  des  grains  verts 
cliloriteux.  C'est,  dans  celui-ci,  le  moins  ancien  de  tous, 
et  des  environs  de  Saint-Pétersbourg,  qu'on  a  trouvé  l'a- 
sapbe  cornigère,  espèce  la  plus  rapprochée  de  nos  crustacés 
isopodes,  et  particulièrement  des  tylos,  ainsi  que  des  gloméris, 
mais  sous  moins  de  rapports,  puisque  dans  ceux-ci  les  segmens 
du  corps  n'offrent  latéralement  aucune  division.  Les  agnostes 
appartiennent  à  la  première  variété  calcaire,  et  paraissent  être 
jusqu'ici  exclusivement  propres  à  la  Suède.  Les  crustacés  fos- 
siles observés  dans  les  couches  calcaires  de  formation  posté- 
rieure aux  terrains  de  transition ,  et  quoique  de  beaucoup 
inférieures  à  la  craie ,  commencent  à  se  rapprocher  de  nos 
espèces  vivantes.  Nous  citerons  le  lunule  de  Tf^alch,  le  spJié- 
rome  antique  et  le  sphérome  des  marnes.  Mais  encore  ces 
espèces  tiennent-elles  de  près,  quant  à  la  place  qu'elles  oc- 
cupent dans  la  méthode ,  aux  trilobites.  Parmi  les  autres 
crustacés  fossiles,  plusieurs,  tels  que  ceux  de  quelques  par- 
ties de  l'Italie,  quoique  moins  anciens  que  les  précédens, 
n'ont  pour  analogues  ou  pour  voisins  que  des  espèces  vivant 
actuellement  dans  les  mers  inlertropicales,  et  qui  sont  presque 
toutes  littorales,  tandis  que  ceux  que  l'on  trouve  actuellement 
en  état  fossile  dans  les  contrées  baignées  par  ces  mers  dif- 
fèrent peu ,  s'ils  ne  sont  pas  identiques ,  de  ces  dernières  es- 
pèces vivantes.  On  conçoit,  en  effet,  que  la  température  de 
ces  contrées  ayant  toujours  été  très  élevée,  les  animaux  qui 
leur  sont  propres  se  sont  peu  éloignés  de  leur  type  primitif  ^ 
et  comme  il  a  existé  une  époque  à  laquelle  celle  de  notre 
climat  était  à  la  même  élévation  que  celle  de  certaines  parties 


CRUSTACÉS.   PREMIEH    ORDRE.    PULMONAIRES.       4^9 

de  la  Nouvelle-Hollande,  on  peut  y  trouver,  et  ce  n'est  même 
plus  une  simple  supposition ,  des  coquilles  fossiles  ayant  de 
grands  rapports  avec  d'autres  coquilles  vivant  maintenant 
dans  ces  derniers  parages.  Enfin  quelques  uns  de  nos  crustacés 
fossiles  sont  d'une  origine  très  postérieure,  puisqu'ils  s'éloi- 
gnent très  peu  de  certaines  espèces  que  l'on  rencontre  aujour- 
d'hui sur  nos  côtes  maritimes.  M.  Cailliaud  {Voyage  à  Mé- 
roé  et  au  Fleuve-Blanc ,  tome  P",  p.  1B9)  nous  apprend  que 
la  surface  du  désert  situé  entre  le  Fayoum ,  Syouah  et  la 
petite  Oasis,  est  couverte  en  nombre  d'endroits  de  coquilles 
fossiles ,  et  surtout  d'oursins  et  de  nummulites,  ce  qui  indique 
pour  ces  localités  la  dernière  retraite  des  eaux  de  la  Méditer- 
ranée. Une  étude  approfondie  de  ces  fossiles  contribuera  sans 
doute  beaucoup  à  éclaircir  ces  questions  géologiques.  Je  ter- 
minerai ces  considérations  générales  par  une  remarque  digne, 
je  crois,  d'attention.  A  partir  de  l'Islande,  les  contrées  occi- 
dentales de  l'Europe  et  celles  de  l'Afrique,  jusqu'au  voisi- 
nage des  tropiques  ,  et  plusieurs  contrées  plus  orientales ,  bai- 
gnées par  la  Méditerranée,  ou  en  étant  peu  éloignées,  offrent 
une  suite  de  volcans  dont  les  fréquentes  éruptions  ont  entraîné 
de  grands  bouleversemens  et  la  mort  de  beaucoup  d'animaux 
que  l'on  trouve  aujourd'hui  en  état  fossile. 


%>^/W  W'-V'V  «/-tt.-^  «^m^^V  %/''«/^  «.^«r'^  ^.'«^'W  «.'^''%.  ^r-X.  "^  «.''*.'%«. 'm,'^  ^/"«.^^  «-««/^  «^''«/'l^ 


fc.^'x,-^*,"»''*.^'*^ 


EXPOSITION  MÉTHODIQUE 

DES   ORDPiES,    DES    FAMILLES  ET   DES    GENRES 

DE  LA  CLASSE  DES  ARACHNIDES. 


PREMIER  ORDRE. 
PULMONAIRES   (PULMONARI^y-Xi..     < 

Nul  doute  que  ces  arachnides  n'aient  des  vaisseaïlx  pour  fa 


circulation,  et  des  branchies  aériennes,  ou  tenant  heu  de  pou 


470       ARACHNIDES.  PREMIER   ORDïlE.    PULMONAIRES. 

mons,  composées  de  vingt  et  plus  de  petites  lames  semi-lunaires, 
unies,  rapprochées  comme  les  feuillets  d'un  livre,  situées  dan» 
des  poches  latérales  du  ventre,  qui  s'ouvrent  en  dehors,  au 
moyen  d'une  fente  transverse,  et  dont  la  place  est  souvent  in- 
diquée par  une  tache  jaunâtre  ou  blanchâtre-,  mais  la  manière 
dont  le  sang  circule  n'a  pas  encore  été  bien  constatée.  A  en 
juger  par  ce  qui  se  passe  à  cet  égard  dans  les  crustacés,  le  cœur, 
qui  est  toujours  situé  le  long  du  milieu  du  dos  de  l'abdomen, 
étroit ,  allongé  et  rétréci  aux  deux  extrémités  ,  répand ,  au 
moyen  d'artères ,  le  sang  dans  les  diverses  parties  du  corps , 
d'où  il  revient  aux  branchies ,  et  où ,  après  avoir  respiré ,  il  re- 
tourne au  cœur  par  des  veines  pulmonaires.  M.  Tréviranus 
a  observé  dans  le  scorpion  d'Europe  et  diverses  espèces  d'ara- 
néides  des  vaisseaux  partant  du  cœur ,  et  se  rendant  directe- 
ment au  corps  graisseux  et  au  foie  ,  où  ils  s'épanouissent  et  se 
ramifient  à  l'infini.   Dans  la  clubione  atroce,  le  cœur,  vers 
son  extrémité  postérieure,  donne  naissance  à  quatre  grands 
vaisseaux  ,  qui  se  dirigent  en  arrière  ,  et  non  vers  les  bran- 
chies, situées  en  avant,  et  se  terminent  aussi  en  manière  de 
réseau  :  ces  vaisseaux  sont  donc  artériels.  Chaque  poche  bran- 
chiale du  même  scorpion  offre  sur  son  plan  inférieur,  au- 
dessous  de  l'organe  respiratoire ,  les  ramifications  d'un  vais- 
seau ,  qui ,  par  sa  forme  et  sa  nature  ,  a  paru  au  même  savant 
différer  de  ceux  qui  vont  du  cœur  au  corps  graisseux.  Dans 
cette  arachnide,  les  branchies  étant  plus  nombreuses  que  dans 
les  autres  pulmonaires  ,  et  s'étendant  dans  toute  la  longueur 
des  côtés  de  l'abdomen  ,  ainsi  que  dans  les  crustacés  stoma- 
podes ,  amphipodes ,  etc.  ^  il  est  probable  que  le  sang  qui  a 
respiré  retourne  au  cœur  par  des  moyens  analogues  (i)  5  mais 
comme  dans  les  aranéides  ces  branchies  ne  sont  le  plus  sou- 
vent qu'au  nombre  de  deux ,  et  placées ,  de  chaque  côté ,  à 
l'origine  du  ventre ,  il  semble  que  le  retour  de  ce  fluide  doit 
s'effectuer  d'une  manière  un  peu  différente.  M.  Tréviranus 


(i)  M.  Straus  assimile  l'organisation  du  cœur  des  arachnides  pulmonaires  a  cellc 
qu'a  ce  viscère  dans  les  crustacés. 


XSrÉNÉRALITÉS.  [[Jl 

a  effectivement  observé  de  chaque  côté  du  cœur  un  vaisseau 
longitudinal,  paraissant  aboutir,  par  son  bout  antérieur,  aux 
sacs  pulmonaires  correspondans,  et  s'abouchant  par  l'autre  avec 
le  cœur  vers  le  milieu  de  sa  longueur  ou  un  peu  au-delà;  les 
deux  réunis  forment  une  courbe  elliptique.  Dans  une  espèce 
au  moins  (Vépéire  diadème)  ,  ils  jettent  latéralement  de  petits 
vaisseaux  ,  qui  s'anastomosent  à  leurs  extrémités.  Sont-ils  des- 
tinés à  recevoir  le  sang  qui  a  circulé  ,  pour  le  transmettre  en- 
suite aux  branchies  et  de  là  au  cœur  ?  c'est  ce  que  je  ne  puis 
dire;  mais  toujours  est-il  certain  que  M.  Tréviranus  n'a  rien 
observé  de  semblable  dans  le  scorpion  d'Europe.  Lorsqu'on 
pense  que  les  aranéides  touchent  de  si  près  aux  phalaiigium 
ou  faucheurs ,  où  il  n'existe  plus  de  système  de  circulation  , 
l'on  pourrait  conjecturer  qu'elle  est  dans  les  premières  arach- 
nides plus  imparfaite  que  dans  les  crustacés  ,  et  que  peut-être 
tout  le  sang  qui  a  circulé  ne  revient  point  aux  branchies. 
L'enveloppe  du  cœur  paraît  être  formée  d'une  double  peau, 
dont  l'extérieure  musculeuse, du  moinsvers  sa  partie  mitoyenne^ 
et  où  son  diamètre  transversal  a  plus  d'étendue.  Dans  les  scor- 
pions ,  où  cette  peau  est  entièrement  de  cette  consistance ,  il  est 
fixé  latéralement  par  des  muscles, dont  les  expansions  forment 
des  espèces  d'ailes ,  semblables  à  celles  du  vaisseau  dorsal  des 
insectes.  On  en  voit  aussi  sur  les  côtés  du  cœur  des  aranéides , 
mais  M.  Tréviranus  soupçonne  que  ce  sont  des  vaisseaux. 

Tant  dans  les  scorpions  que  dans  les  aranéides,  seuls  ani- 
maux de  cette  classe  dont  on  ait  encore  étudié  l'organisation 
intérieure  ,  le  tube  alimentaire  est  droit ,  presque  linéaire  ou 
cylindrique  ,  dilaté  au  plus  vers  l'estomac  et  vers  l'anus  ,  avec 
l'œsophage  allongé.  Il  reçoit  de  droite  et  de  gauche  un  certain 
nombre  de  paires  de  vaisseaux  hépatiques ,  venant  d'un  amas 
pulpeux  de  petites  glandes,  remplissant  la  majeure  partie 
de  la  capacité  abdominale  ,  et  considéré  comme  le  foie.  M.  Tré*^ 
viranus  cependant  lui  donne  le  nom  de  corps  graisseux ,  et 
réserve  la  dénomination  précédente  à  de  petits  vaisseaux  frisés. 
Il  se  divise  ,  dans  les  scorpions  au  moins ,  en  quelques  paires 
de  grappes.  Deux  vaisseaux  biliaires  et  longitudinaux  parais- 


l\'J1        ARACHNIDES.    PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

sent  fournir ,  ainsi  que  dans  les  aranéides ,  mais  allant  en 
sens  contraire  ,  la  liqueur  des  glandes  du  venin.  Toutes  les 
arachnides  pulmonaires  ont  deux  chélicères  terminées  par  un 
doigt  mobile ,  en  forme  de  crochet  ou  d'onglet  corné  ,  dans 
plusieurs  (aranéides),  et  accompagné,  dans  les  autres,  d'un 
autre  doigt  opposé  ,  mais  fixe ,  et  formant  ainsi ,  avec  le  pré- 
cédent, une  pince  didactyle.  Ces  organes  constituent,  avec 
la  pièce  que  nous  avons  nommée  camérostome ,  la  lèvre  ,  les 
palpes  et  leurs  mâchoires  ,  représentant,  selon  nous,  les  man- 
dibules palpigères  des  crustacés  ,  la  bouche  proprement  dite. 
La  lèvre  est  simple  ou  composée.  Les  deux  palpes,  tantôt  en 
forme  de  bras  ou  de  serres ,  et  terminés  en  pince  didactyle  , 
tantôt  en  forme   de   petits  pieds  ou  de  palpes  ordinaires , 
sont  généralement  composés  de  six  articles ,  le  maxilliforme 
compris,  avec  un  petit  crochet ,  dans  les  mâles  au  moins  ,  au 
bout  du  dernier.  La  tête  est  toujours  confondue  avec  le  thorax, 
et  forme  avec  lui  cette  division  antérieure  et  pédigère  du 
corps,  appelée  céphalothorax-,  sa   peau  est  toujours  ferme. 
Les  yeux ,  au  nombre  de  six  à  huit,  sont  distribués  par  groupes, 
ou  rapprochés  les  uns  des  autres  \  deux ,  au  moins ,  d'entre 
eux  sont  situés  au  milieu  du  front.  L'abdomen,  ou  l'autre  divi- 
sion générale  du  corps  ,  est  le  plus  souvent  pédicule. 

Toutes  les  arachnides  pulmonaires  se  nourrissent  de  petits 
animaux  ,  et  notamment  d'insectes,  qu'elles  saisissent  vivans, 
et  souvent ,  comme  dans  les  aranéides ,  au  moyen  de  pièges 
singuliers  préparés  par  elles.  Plusieurs  espèces  s'accouplent 
plusieurs  fois  dans  leur  vie,  qui  s  étend  à  plusieurs  années. 
Ainsi  que  l'ajustement  remarqué  M.  Savigny,  ces  habitudes 
ne  sont  pas  générales  ;  car ,  par  exemple  ,  les  épéires  et  d'au- 
tres aranéides  meurent ,  de  même  que  les  insectes  ,  après  leur 
ponte ,  qui  a  lieu  vers  la  fin  de  l'été  ;  de  sorte  qu'étant  nées 
au  printemps  ,  elles  vivent  moins  d'une  année. 

Les  arachnides  pulmonaires  composent  les  six  premières 
séries  de  la  distribution  des  animaux  de  cette  classe  proposée 
par  M.  Savigny.  Les  cinq  premières  correspondent  à  notre 
famille  des  aranéides  ,  et  la  sixième  à   notre  tribu  des  scor- 


PREMIÈRE    FAMILLE,     PEDIPALPES.  f\'j'^ 

pionides  ,   famille  des  pédipalpes ,  par  où  nous  allons  com- 


mencer. 


PREMIERE  FAMILLE. 

PÉDIPALPES    {PEDIPJLPI). 

Les  scorpions  ,  qui  font  partie  de  celte  famille  ,  s'éloignent 
évidemment  de  toutes  les  autres  arachnides  ,  par  le  nombre  de 
leurs  branchies,  qui  est  de  huit ,  au  lieu  de  quatre  ou  de  deux  ; 
par  la  manière  dont  se  termine  leur  abdomen  ,  la  présence  de 
ces  appendices ,  situés  à  sa  naissance  ,  auxquels  on  a  donné  le 
nom  de  peignes ,  et  par  quelques  autres  caractères  anatomi- 
ques,  indiquant,  à  ce  qu'il  paraît,  une  organisation  plus 
avancée  que  celle  des  autres  animaux  de  la  même  classe.  Ils 
conduisent  naturellement  au  genre  des  thélyphones  ,  qui  n'of- 
fre plus,  ainsi  que  celui  de  phryne,  venant  immédiatement 
après,  que  deux  paires  de  branchies.  Les  mygales,  et  autres 
genres  d'aranéides  de  la  division  des  théraphoses  de  M.  Walc- 
kenaer,  sont  dans  le  même  cas  ;  cette  série  générique  est  donc 
parfaitement  naturelle. 

Deux  grands  palpes  en  forme  de  serres,  terminés  en  pince 
didactyle  ou  par  une  griffe  -,  deux  chélicères  ou  antennes- 
pinces  finissant  de  même  5  un  abdomen  toujours  revêtu  ,  ainsi 
que  le  thorax,  d'une  peau  coriace,  à  segmens  nombreux  et 
bien  distincts,  sans  filières  au  bout  -,  les  organes  de  la  généra- 
tion situés,  dans  les  deux  sexes,  à  la  base  du  ventre^  enfin, 
des  yeux  lisses,  distribués  en  trois  groupes  écartés  ,  dont  deux 
latéraux  et  l'autre  médian  ,  et  uniquement  composé  de  deux 
de  ces  organes  ,  signalent  sans  équivoque  cette  famille  ,  qui 
paraît  exclusivement  propre  aux  contrées  intertropicales.  Le 
nombre  des  branchies  et  des  stigmates  est  de  huit  à  quatre. 
De  même  que  dans  notre  ouvrage  sur  les  familles  naturelles 
du  Règne  animal,  nous  diviserons  cette  famille  en  deux 
tribus. 


474       ARACHNIDES.  PREMIER    ORDRE.    PU LBIOIN  AIRES. 

PREMIÈRE  TRTBU. 
SCORPIONIDES    {SCORPIONIDES^. 

Il  sera  facile  de  reconnaître  ces  animaux  aux  caractères  sui- 
vans  (i)  :  deux  grands  palpes,  en  forme  de  serres,  terminés 
par  une  main  didactyle  -,  chélicères  formant  une  pince  sem- 
blable^ lèvre  de  deux  pièces,  et  qui  sont  autant  d'appendices 
de  la  base  de  la  seconde  paire  de  pâtes  ^  celles  des  deux  der- 
nières ,  à  hanches  soudées  ^  abdomen  sessile ,  portant  en  des- 
sous, à  son  origine ,  les  organes  sexuels  \  ensuite  deux  peignes 
ou  lames  étroites  et  allongées  ,  garnis  ,  le  long  du  côté  posté- 
rieur, d'une  rangée  de  dents  articulées  à  leur  base  \  puis,  sur 
chacun  des  quatre  segmens,  venant  immédiatement  après, 
deux  sacs  branchiaux ,  un  de   chaque  côté  ,  avec  une  ou- 
verture extérieure  ou  stigmate  \    segment  suivant    terminé 
brusquement ,    par    une  queue   mobile ,    composée    de  six 
nœuds  ,  dont  le  dernier  ampulliforme  ,  finissant  en  une  pointe 
très  aiguë  ,  servant  d'aiguillon  ,  et  percé  pour  le  passage  d'une 
liqueur  venimeuse  -,   tous  les   pieds   ambulatoires ,  avec  un 
tarse  de  trois  articles,  muni  au  bout  de  deux  crochets;  les 
quatre  derniers  soudés  entre  eux  à  leur  naissance. 

Cette  tribu  comprend  uniquement  le  genre  scorpion  de 
Linné,  de  Fabricius  et  de  la  plupart  des  auteurs.  Ces  arach- 
nides ont  le  corps  allongé  et  rétréci  brusquement  à  la  nais- 
sance de  la  queue.  La  plaque  écailleuse  et  dorsale  du  céphalo- 
thorax est  en  forme  de  quadrilatère  allongé,  ordinairement 
échancrée  au  milieu  du  bord  antérieur,  marquée  au  milieu  d'un 
sillon  longitudinal,  et  portant  six  à  douze  yeux  lisses,  savoir: 


(i)  Les  pinces  {chelifer)  et  les  obisies  paraissent  se  rapprocher  singulièrement, 
par  la  forme  générale  du  corps,  des  scorplouides;  mais  ces  arachnides  sont  dépour- 
vues de  peignes,  et  ne  m'ont  offert  que  deux  stigmates.  Peut-être  cependant  viennent- 
elles,  daus  un  ordre  naturel,  après  cette  tribu,  et  en  forment-elles  une  propre. 
Mon  ami  M.  Dufour  m'apprend  que  d'après  ses  reclierches  analomiques,  elles 
s'éloignent  du  rang  que  je  leur  ai  assigné. 


PREMIÈRE    FAMILLE.    PÉDIPALPES.  4?^ 

deux  plus  grands  près  du  milieu  du  dos ,  un  de  chaque  côté  du 
sillon,  el  les  autres  rapprochés  en  une  ligne  courte,  oblique 
ou  courbe  près  des  extrémités  antérieures  des  côtés.  Les  deux 
chélicères ,  insérées  et  rapprochées  parallèlement  sous  le  bord 
antérieur  de  cette  écaille,  sont  courtes,  en  partie  saillantes  ou 
extérieures,  et  formées  de  deux  articles,  dont  le  second  plus 
grand,  terminé  par  deux  doigts  dentelés  au  côté  interne,  se 
croisant ,  et  dont  l'extérieur  mobile.  A  la  ligne  médiane  du 
dessous  du  céphalothorax  sont  fixés  les  deux  palpes  ou  serres , 
et  quatre  paires  de  pieds  dont  la  longueur  augmente  progres- 
sivement ,  et  tous  composés  d'une  hanche  à  deux  articles  dont 
le  premier  fixe,  d'une  cuisse  et  d'une  jambe  ,  l'une  et  l'autre 
d'un  seul  article,  et  d'un  tarse  en  offrant  trois,  avec  deux  cro- 
chets mobiles  à  l'extrémité  supérieure  du  dernier,  qui  est  le 
plus  court  de  tous.  Les  deux  serres,  dont  la  longueur  fait  à 
peu  près  la  moitié  de  celle  du  corps,  sont  divisées  en  six  ar- 
ticles^ le  radical  forme  une  mâchoire  concave  et  arrondie-,  la 
pince ,  plus  ou  moins  ovoïde  ou  cordiforme ,  se  termine  par 
deux  doigts  allant  en  pointe ,  de  longueur  égale  ,  dentelés  au 
côté  interne,  et  dont  l'intérieur  mobile,  et  composant  le 
sixième  article.  Entre  les  mâchoires ,  est  le  camérostome. 
La  longueur  du  premier  article  des  hanches  augmente 
graduellement-,  celui  des  deux  pieds  antérieurs  se  prolonge, 
à  la  suite  d'une  impression  longitudinale,  en  avant,  et 
sous  une  forme  triangulaire  ^  le  même  des  seconds  pieds  pro- 
duit dans  la  même  direction  un  appendice  distinct,  pareille- 
ment triangulaire ,  mais  plus  étroit  et  plus  allongé  :  les  deux 
composent  la  lèvre,  et  comme  les  prolongemens  de  l'article 
radical  des  deux  pieds  précédens  sont  adossés  à  leur  côté  ex- 
térieur, cette  lèvre  paraît  au  premier  coup  d'œil  quadrifide. 
L'espace  sternal,  compris  entre  les  quatre  pâtes  postérieures 
s'étendant  ensuite  jusqu'à  la  naissance  des  peignes  inclusi- 
vement, est  divisé  en  trois  portions  segmentaires,  dont  l'anté- 
rieure séparant  les  quatre  derniers  pieds,  la  seconde  en  forme 
de  plaque  arrondie,  divisée  en  deux  dans  son  milieu,  recou- 
vrant la  parlie  la  plus  extérieure  des  organes  de  la  génération , 


476       ARACHNIDES.  PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

et  qu'à  l'égard  des  femelles.  M.  Savigny  nomme  épigjne,  et 
dont  la  troisième  et  dernière  servant  d'insertion  aux  lames 
pectinées.  La  plaque  operculaire  dont  je  viens  déparier  est  for- 
mée par  la  porùon  correspondante  de  la  peau,  et  non  par  une 
pièce  propre.  Il  en  est  de  même  des  aranéides^  c'est  toujours 
une  portion  dermique  du  premier  segment  abdominal,  celle 
qui  occupe  l'intervalle  compris  entre  les  deux  sacs  pulmo- 
naires de  ce  segment.  Si  l'on  consulte  l'analogie ,  il  semblera 
dès-lors  que  le  premier  segment  de  l'abdomen  des  scorpions 
est  indiqué  par  la  place  des  organes  sexuels,  et  que  les  peignes 
sont  des  annexes  du  suivant.  Cet  abdomen ,  olFrant  ensuite 
cinq  anneaux  bien  distincts  dont  les  quatre  premiers  renfer- 
mant chacun  deux  sacs  branchiaux,  il  s'ensuivrait  que  le 
nombre  des  segmens  abdominaux  qui  précèdent  la  queue  serait 
de  sept ,  et  tel  est  effectivement  le  nombre  des  demi-segmens 
dorsaux  ^  mais  les  trois  premiers  ne  paraissent  recouvrir  que 
le  premier  des  segmens  branchiaux  et  la  portion  du  corps  où 
sont  situés  les  peignes,  ce  qui  réduirait  à  douze  le  nombre  de 
ces  segmens.  On  n'a  pu  découvrir  jusqu'ici  quelles  sont  les 
fonctions  de  ces  singuliers  appendices  appelés  peignes;  on  s'est 
borné  à  de  simples  conjectures ,  au  lieu  de  se  livrer  à  des  re- 
cherches expérimentales  physiologiques.  Ces  appendices  sont 
formés  d'une  lame  étroite,  allongée,  articulée  et  mobile  à  sa 
naissance,  divisée  longitudinalement  en  deux  par  un  léger 
sillon ,  et  dont  l'aire  supérieure  est  comme  partagée  en  trois 
faibles  articulations  par  deux  impressions  transverses,  et  dont 
l'autre  aire  est  garnie  le  long  de  son  bord  inférieur  d'une 
rangée  de  petites  lames  étroites,  allongées,  parallèles,  un  peu 
arquées,  imitant  les  denîs  d'un  peigne,  creuses  intérieure- 
ment ,  comme  tronquées  obliquement  à  leur  extrémité ,  du 
moins  dans  plusieurs  espèces,  avec  la  peau  de  cette  troncature 
membraneuse.  Ces  dents  sont  portées  chacune  sur  une  petite 
apophyse  plus  ou  moins  prononcée.  Les  deux  pieds  posté- 
rieurs du  premier  bouclier  des  limules  nous  ont  offert  à  leur 
base  un  appendice  pareillement  insolite ,  et  qui  semble  re- 
présenter une  sorte  de  hanche  à  deux  articles.  Les  peignes 


PREMIÈRE    FAMILLE.    PÉDIPALPES.  4? 7 

des  scorpions,  en  y  ajoutant  les  organes  sexuels,  corres- 
pondent à  ces  deux  pieds  postérieurs  des  limules.  Les  han- 
ches des  deux  derniers  des  galéodes  ont  au  côté  postérieur 
une  rangée  de  petites  écailles  pédicellées  terminées  par  un 
feuillet  en  forme  de  demi -entonnoir,  et  qui  semblent  avoir 
quelque  analogie  avec  les  dents  des  peignes  des  arachnides 
précédentes.  Ces  derniers  appendices  pourraient  donc  être  des 
espèces  de  lames  coxales  ou  des  rudimens  de  pieds,  et  munis 
de  petites  languettes  en  forme  de  dents  et  jouant  peut-être 
quelque  rôle  dans  la  respiration  5  je  serais,  en  un  mot,  tenté 
de  croire  que  ce  sont  des  espèces  de  branchies  extérieures , 
qui,  avec  les  huit  suivantes,  mais  intérieures,  seraient  les 
analogues  des  dix  branchies  accompagnant  les  pieds  du  second 
bouclier  des  limules.  Le  nombre  des  dents  des  peignes  est  plus 
ou  moins  considérable  selon  les  espèces,  et  peut  varier  sui- 
vant l'âge ,  mais  d'une  légère  quantité ,  dans  les  individus  de 
la  même.  Il  en  est  de  ce  caractère  comme  de  celui  tiré  du  nom- 
bre des  plaques  abdominales  des  ophidiens  -^  il  ne  faut  pas  le 
négliger,  quoiqu'il  ne  soit  point  d'une  valeur  rigoureuse. 
Les  cinq  premiers  nœuds  de  la  queue  des  scorpions  sont 
souvent  creusés  ou  déprimés  en  dessus,  avec  des  arêtes  sur  les 
côtés  et  en  dessous  -,  le  dernier  ou  sixième  est  plus  ou  moins 
ovoïde  ou  ampullaire ,  et  terminé  en  une  pointe  très  fine  et 
arquée ,  l'aiguillon  proprement  dit.  M.  Tréviranus  semble 
révoquer  en  doute,  du  moins  quant  au  scorpion  d'Europe, 
l'existence  d'une  ouverture  destinée  au  passage  de  la  liqueur 
venimeuse  -,  mais  il  y  en  a  certainement  deux  bien  visibles 
dans  les  grandes  espèces,  et  situées  sous  l'extrémité  de  l'ai- 
guillon. Le  réservoir  de  cette  liqueur  est  renfermé  dans  l'in- 
térieur de  ce  dernier  article,  et  formé  d'une  vésicule  revêtue 
d'une  membrane  assez  épaisse,  contenant  deux  glandes  jau- 
nâtres, conduisant  au  canal  que  doit  suivre  le  venin.  Ces  ani- 
maux peuvent  recourber  leur  queue  sur  le  dos,  la  porter  ainsi 
en  avant,  la  diriger  même  en  tout  sens,  et  s'en  servir  dès-lors 
comme  d'une  arme  offensive  et  défensive.  Le  segment  lui 
donnant  naissance ,  ou  le  dernier  de  l'abdomen  proprement 


47^       ARACHNIDES.  PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

dit ,  est  rempli  par  une  masse  musculaire  très  forte  servant  a 
produire  ces  divers  mouvemens  ^  les  nœuds  ont  aussi  un  pani- 
cule  charnu,  à  fibres  disposées  obliquement  de  chaque  côté 
et  se  rendant  à  la  ligne  médiane ,  servant  d'axe  commun  5 
le  dernier  offre  encore  de  chaque  côté  de  sa  base  un  muscle 
robuste.  L'anus  est  situé  à  sa  jonction  avec  l'article  précé- 
dent. Les  stigmates  se  présentent  sous  la  figure  de  fentes 
transverses  ou  obliques  ,  ayant  un  rebord  linéaire ,  et  dont  le 
contour  intérieur  est  bordé  d'une  petite  membrane  en  forme 
de  lèvre.  Ils  ont  un   faible  mouvement  de  contraction  et  de 
dilatation.  Telle  est  l'organisation  extérieure  des  scorpions^ 
l'intérieure    nous   a   été,  en   majeure   partie,  dévoilée   par 
MM.  Cuvier,  Tréviranus,  Léon  Dufour,  Meckel,  Marcel  de 
Serres ,  etc.  Nous  avons  remarqué ,  dans  les  généralités  de 
l'ordre  ,  que  leur  mode  de  circulation  avait  besoin  d'éclaircis- 
semens.  Le  canal  intestinal  est  très  étroit  et  linéaire,  sans 
aucune  dilatation  ou  appendices  à  l'estomac,  et  il  diffère  parla 
beaucoup  de  celui  des  aranéides.  Le  système  nerveux  est  encore 
bien  distinct  de  celui  de  ces  dernières  arachnides.  Il  se  com- 
pose d'un  cerveau  bilobé  ou  de  deux  ganglions  réunis,  placé 
immédiatement  au-dessus  de  l'œsophage,  fournissant  des  nerfs 
aux  yeux  et  à  d'autres  parties  du  corps,  et  de  deux  cordons 
médullaires  contigus,  se  confondant  par  intervalles  pour  former 
des  ganglions,  qui  sont  au  nombre  de  sept ,  trois  dans  la  cavité 
abdominale  et  les  autres  dans  la  queue.  Le  dernier  se  termine 
par  quatre  filets  nerveux,  se  distribuant  les  uns  sur  les  muscles 
moteurs  de  la  vésicule  du  venin  ,  et  les  autres  sur  elle-même. 
Le  foie,  d'une  consistance  pulpeuse,  remplit  presque  la  capacité 
du  céphalothorax  et  de  l'abdomen ,  et  sert  de  réceptacle  au 
tube  intestinal  ^  les  vaisseaux  hépatiques  ,  dont  les  troncs  prin- 
cipaux forment  quatre  paires  de  grappes  glanduleuses,  se  ren- 
dent ,  par  huit  branches,  dans  l'estomac.  Deux  autres  vaisseaux 
biliaires ,  mais  longitudinaux ,  paraissent  sécréter  l'humeur 
vénéneuse  et  la  porter  à  la  vésicule.  Le  cœur  est  long,  presque 
cylindrique,  très  aminci  aux  deux  bouts,  entièrement  muscu- 
leux  à  l'extérieur,  fixé  par  le  dos  et  sur  les  côtés  3  les  attaches 


PREJVIIÉRK    FAMILLE.    PEDIPALPES.  479 

latérales  forment  des  expansions  en  manière  d'ailes.  Des  espaces 
plus  foncés  le  font  paraître,  suivantTréviranus,  comme  articulé, 
et  il  croit  avoir  aperçu  sur  ses  côtés  des  apparences  de  languettes. 
Ce  serait  une  peine  perdue  que  d'essayer  de  décrire  les 
organes  de  la  génération  sans  les  accompagner  de  figures^  en- 
core faudrait-il  que  ces  recherches  eussent  pour  objet  des  in- 
dividus de  la  même  espèce,  pris  dans  les  mêmes  circonstances, 
et  que  Ton  s'accordât  sur  la  désignation  des  parties.  ]N 'ayant 
point  ce  secours  à  vous  offrir,  je  vous  renverrai  au  Mémoire 
de  M.  Dufour  et  à  celui  de  M.  Tréviranus,  en  vous  faisant 
remarquer  toutefois  que  le  scorpion  d'Europe  a  fourni  à  ce- 
lui-ci le  sujet  de  ses  observations,  tandis  que  M.  Dufour  a 
fait  l'anatomie  d'une  autre  espèce  et  plus  grande  ,  le  scorpion 
Toussdtre.  Je  me  bornerai  à  vous  dire  que  le  mâle  a  deux 
verges ,  et  des  testicules  formés  de  quelques  vaisseaux  anas- 
tomosés ;  et  que  la  femelle  présente  deux  vulves  donnant  dans 
une  matrice  composée  de  plusieurs  canaux,  communiquant 
les  uns  avec  les  autres,  et  où  l'on  trouve,  au  temps  du  part, 
des  petits  vivans.  D'après  Tréviranus ,  cette  matrice  con- 
siste en  trois  longs  vaisseaux  tubulaires,  dont  deux  latéraux 
placés  sous  les  branchies,  et  le  troisième  médian,  situé  sous  le 
canal  intestinal ,  mais  plus  court ,  et  ne  commençant  qu'à  quel- 
que distance  du  point  de  départ  des  deux  autres  5  ils  se  réu- 
nissent tous  les  trois  postérieurement  ^  celui  du  milieu  ou 
l'impair  communique ,  en  outre  ,  avec  les  latéraux  par  des 
canaux  transverses  ,  trois  de  chaque  côté.  Le  tout  dessine 
une  figure  ovale,  divisée  en  sept  compartimens  ou  chambres, 
dont  l'un  supérieur  et  occupant  toute  la  largeur,  et  les  six 
autres  disposés  sur  deux  rangs,  trois  de  chaque  côté.  Chaque 
orifice  extérieur  de  la  matrice  est  situé  à  la  même  place  que  le 
pénis  dans  le  mâle.  Ici  de  petites  lames  transverses,  dont  la  su- 
périeure présente  dans  son  milieu  deux  petites  languettes  lon- 
gitudinales, formant  une  sorte  de  lèvre  bifide,  et  dont  l'in- 
férieure produit  également  une  autre  languette  opposée  aux 
précédentes,  dans  la  même  direction  ,  mais  plus  grande,  re- 
couvrant l'ouverture  des  organes  générateurs.  Dans  l'autre 


48o       ARACrTINriDES.  PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

sexe  ou  la  femelle ,  l'on  voit  à  la  même  place  deux  appen- 
dices en  forme  de  cornets ,  d'où  partent  les  deux  tuyaux 
latéraux  de  la  matrice,  et  un  autre  appendice  de  figure  co- 
nique entre  les  deux  précédens. 

Les  scorpions  habitent  les  pays  chauds  des  deuji  mondes , 
vivent  à  terre,  se  tiennent  cachés  sous  des  pierres  ou  d'au- 
tres corps  ,  dans  les  masures,  ou  dans  les  lieux  sombres  et 
frais,  souvent  même  dans  l'intérieur  des  maisons-,  ils  sont 
très  multipliés  dans  quelques  cantons.  Leur  nourriture  con- 
siste en  divers  insectes  ,  en  cloportes  et  arachnides ,  qu'ils 
piquent  avec  leur  aiguillon,  en  portant  leur  queue  en  avant, 
et  qu'ils  font  ensuite  passer  entre  leurs  chélicères  et  les 
mâchoires  5  on  les  dit  même  très  friands  des  œufs  de  plu- 
sieurs de  ces  animaux.  Leur  course  est  assez  rapide.  Il  ne 
paraît  pas  que  la  piqûre  de  l'espèce  commune  du  midi  de 
l'Europe  (  europœus  )  soit  ordinairement  dangereuse.  Mais 
il  n'en  est  pas  ainsi  des  grandes  espèces  -,  leur  venin  paraît 
être  plus  actif,  mortel  même  dans  quelques  circonstances,  ce 
qui  tient  surtout  beaucoup  à  la  nature  du  climat,  à  la  sai- 
son ,  et  au  tempérament  de  la  personne  qui  a  été  piquée  ; 
on  en  combat  les  effets  par  l'emploi ,  tant  extérieur  qu'inté- 
rieur, de  l'alcali  volatil. 

M.  Ziégler  cadet,  botaniste  agriculteur  du  gouvernement, 
qui  a  habité  plusieurs  années  notre  colonie  du  Sénégal,  et  qui 
y  a  recueilli  une  belle  collection  d'insectes ,  en  a  rapporté  un 
scorpion ,  presque  entièrement  semblable  à  Vafer  de  Linné , 
mais  ayant  quatre  à  cinq  dents  de  plus  à  chaque  peigne ,  ou 
environ  dix-sept  en  tout ,  et  le  dernier  nœud  de  la  queue  d'un 
brun  roussâtre.  Les  nègres,  qui  le  redoutent  beaucoup,  ap- 
pliquent des  feuilles  pilées  d'une  espèce  de  casse  sur  la  bles- 
sure. Ce  scorpion  ne  m'a  offert  que  huit  yeux. 

Suivant  quelques  observateurs ,  nos  espèces  indigènes  font 
deux  pontes  par  année.  Celle  qui  a  lieu  au  mois  d'août  parait 
être  la  mieux  constatée.  La  femelle,  dans  l'accouplement,  est 
renversée  sur  le  dos.  Elle  met  au  monde  ses  petits  vivans,  et 
à  plusieurs  reprises-,  les  premiers  jours,  elle  les  porte  sur  son 


PREMIÈRE    FAMILLE.    PEDIPALPES.  4^1 

dos,  ne  quitte  pas  sa  retraite,  veille  à  leur  conservation  l'es- 
pace d'un  mois,  et  les  abandonne  ensuite  à  eux-mêmes.  Ces 
arachnides  changent  de  peau  ,  et  l'on  prétend  que  ce  n'est 
qu'au  bout  de  deux  ans  qu'elles  peuvent  engendrer.  On  a 
dit  encore  que  la  naissance  des  petits  était  précédée  d'une 
mue ,  et  qu'elle  avait  pareillement  lieu  dans  le  mâle  ,  à  la 
même  époque. 

Le  docteur  Leach  avait  séparé  des  scorpions  les  espèces  qui 
ont  huit  yeux,  et  avait  formé  avec  elles  le  genre  buthus  (^m- 
thus).  Dans  un  Mémoire  sur  les  scorpions  de  l'Afrique  sep- 
tentrionale et  de  la  partie  occidentale  de  l'Asie ,  MM.  Hem- 
prich  et  Ehrenberg  ont  adopté   cette  coupe ,  à  laquelle  on 
rapporte  le  scorpion  africain  {cifer)  de  Linné,  la  plus  grande 
de  toutes  celles  qui  nous  sont  connues ,  dont  le  corps ,  long 
de  cinq  à  six  pouces ,  est  d'un  brun  noirâtre ,  avec  les  pinces 
en  cœur ,  très  chagrinées ,  et  treize  dents  à  chaque  peigne. 
Elle  se  trouve  aux  Indes  orientales  ,  et  sa  piqûre  peut  devenir 
mortelle.  On  avait  placé  dans  le  même  genre  le  S.  roussatre 
{occitanus ,  Amor.  ) ,   figuré  par  le  docteur  Leach  dans  ses 
Mélanges  de  Zoologie  (pi.  CXLIII).  Mais  cette  espèce  pa- 
raît avoir,  de  chaque  côté ,  quatre  yeux ,  dont  le  postérieur 
plus  petit;  elle  rentrerait  dès-lors  dans  le  genre  centrure 
(  centT'ujiis  )  des   naturalistes  précédens.   Je  vois  cependant 
qu'ils  placent,  dans  celui  d' and?  octane ,  le  scorpioji  de  l'unis 
(tunetanus)   d'Herbst,  qui  a  certainement  de  grands   rap- 
ports avec  l'espèce  précédente ,  par  le  nombre  des  yeux   et 
d'autres  caractères.  Les  espaces  du  céphalothorax,  avoisiiiant 
ces  organes  ,  sont  chargés  de  petits  grains  luisans  que  Ton 
peut  confondre   avec  eux.  Le  S.  joussdtre  est  jaunâtre  ou 
roussatre ,  avec  la  queue  un  peu  plus  longue  que  le  corps  , 
ayant  des  lignes  élevées  et  crénelées.  J'ai  compté  vingt  huit 
dents  à  chaque  peigne.  Le  docteur  Maccary,  qui  a  fait  di- 
verses expériences  sur  cette  espèce,  et  même  à  ses  risques  et 
périls,  leur  en  donne  une  quantité  double  { 52 ,  64).  Notre 
€spèce   ordinaire  ,    le  scorpion   d'Europe   (  europœus  )  ,  ne 
changerait  point  de   nom  générique ,  ou  appartiendrait  au 

3i 


482       AIIACHNIDES.   PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES, 

genre  scorpion  {scorpio)  proprement  dit,  celui  de  scorpius 
de  MM.  Hemprich  et  Ehrenberg.  Il  est  d'un  brun  foncé  ,  avec 
les  pinces  en  forme  de  cœur  et  anguleuses,  la  queue  courte, 
et  dont  le  dernier  article  est  d'un  brun  jaunâtre  ainsi  que 
les  pieds.  Les  peignes  ont  communément  neuf  dents.  Les  es- 
pèces où  le  nombre  des  yeux  est  de  douze  composent  le 
genre  androctone  iandroctonus)  de  ces  savans.  Je  n'ai  encore 
vu  aucun  scorpion  qui  offrît  ce  caractère.  Voyez  la  remarque 
que  j'ai  faite,  à  cet  égard  ,  à  l'occasion  du  buthus  roussâtre. 
J'ajouterai  que  M.  Savigny,  observateur  dont  personne  ne 
contestera  la  scrupuleuse  exactitude  ,  n'a  représenté  que  huit 
yeux,  pour  les  deux  espèces  qu'il  a  trouvées  en  Egypte.  Il 
paraît  n'avoir  pas  considéré  comme  organe  de  la  vision  le 
petit  œil  lisse  qui  termine  postérieurement  chaque  rangée 
latérale.  Herbst  a  donné  une  monographie  de  ce  genre  ,  en- 
richie de  belles  figures ,  mais  très  incomplète  encore  ,  tant 
pour  le  nombre  des  espèces  que  pour  les  détails  d'organi- 
sation. 

DEUXIÈME  TRIBU. 

TARENTULES    {TARENTULE,  Fab). 

Elle  se  compose  du  genre  tarajitula  de  Fabricius ,  et  d'es- 
pèces  de  celui  de  phalangiuni  de  Linné  et  de  Pallas.  Ces 
arachnides  se  rapprochent  des  mygales  ,  premier  genre  de  la 
famille  suivante ,  quant  au  nombre  de  sacs  branchiaux  et  de 
leurs  ouvertures  ,  qui  n'est  plus  de  quatre-,  sous  le  rapport 
des  chélicères ,  ou  mandibules  des  auteurs  ,  terminées  en 
griffe,  ou  par  un  crochet  se  repliant  verticalement  en  des- 
sous, et  quant  à  l'abdomen  ,  rétréci  et  pédicule  à  sa  base  ^ 
mais  il  est  composé  d'une  dizaine  de  segmens  très  distincts  , 
protégés,  du  moins  en  dessus,  par  un  derme  coriace,  et  il 
est  dépourvu  de  filières  ;  il  se  termine  ,  au  plus ,  par  un 
appendice  filiforme ,  composé  d'un  grand  nombre  de  petits 
articles  -,  on  ne  voit  point  de  lames  pectinées  à  l'origine  du 
ventre.  Les  palpes  sont  épineux,  tantôt  grêles  et  longs  et  ter- 
minés en  griffe  ,  tantôt  plus  courts ,  plus  épais  ,  avec  une 
pince   didaclyle  au  bout ,  comme  ceux  des  scorpions.  Les 


PREMIÈRE    FAMILLE.    PEDÏPALPES.  4^3 

yeux,  au  nombre  de  huit,  sont  distribués  en  trois  groupes; 
l'un ,  composé  de  deux  et  porté  sur  un  tubercule  commun , 
est  situé  près  du  milieu  du  bord  antérieur  du  céphalothorax; 
et  les  deux  autres  placés ,  un  de  chaque  côté  ,  près  de  ses  ex- 
trémités latérales  antérieures  ,  et  formés  chacun  de  trois  yeux 
disposés  en  triangle.  La  lèvre  est  cachée  entre  les  deux  mâ- 
choires, constituées  de  même  que  celles  des  scorpions  par 
l'article  radical  des  palpes  ,  et  en  forme  de  petit  dard ,  corné , 
linéaire  et  droit,  (i) 

Ces  arachnides  diffèrent  en  outre  de  toutes  celles  du  même 
ordre   par  la  forme    des   deux  pieds   antérieurs ,   qui   sem- 
blent faire  les  fonctions  de  palpes  ou  d'antennes  ;  leurs  tarses, 
souvent  très  longs,    sont  composés  d'un   grand  nombre   de 
petits  articles,   et  mutiques  ou  sans  crochet  au  bout.  L'ani- 
mal porte  ces  pieds  en  avant.  Toutes  les    espèces  connues 
sont   exclusivement   propres  aux   pays   des   deux    continens 
situés  entre  les  tropiques,  et  forment  deux  genres.  i°.  Celui 
de  THÉLYPHOWE   (  thelyplioTius  ,  Latr.  )  ,  dont  le  corps   est 
oblong  ,  avec  les  palpes  en   forme    de   serres,   courts,  as- 
sez gros ,  et  didactyles  à  leur  extrémité  ;  le   céphalothorax 
ovale ,  et   l'abdomen    terminé   par   un   appendice   filiforme 
et    pluriarticulé.    Les   palpes   sont   dilatés    à   leur    origine  , 
de  manière  que  les  mâchoires  se  touchent  par  une  suture 
droite  et  ferment  ainsi  la  bouche.  Les  tarses  des  deux  pieds 
tentaculaires  sont  peu  allongés  et  filiformes.    On  en  a  ob- 
servé trois  espèces  ;  l'une  de  Java ,  et  qui  est  le  phalangiwn 
caudatum  de  Linné  ;  la  seconde  du  Bengale  et  la  troisième 
de  la  Martinique ,  où  on  l'appelle  le  'vinaigrier.  2°.  Le  genre 
PHRYNE  (pJirjnuSy  Oliv.),  où  le  corps  est  aplati,  plus  large, 
avec  le  céphalothorax  presque  en  forme  de  rein  ;  les  palpes 
longs  5  étroits  et  terminés  en  griffe  ,   et  les  tarses  des  pieds 
tentaculaires  très  longs,  fort  menus,  semblables  à   des  an- 
tennes sétiformes. 


(i)  Terminé  par  deux  poils  roides  et  spiniformes  dans  les  phrynes.  Ici  le  camé- 
rostome  eut  très  petit. 


484       ARACHNIDES.    —    PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

L'extrémité  postérieure  de  l'abdomen  n'offre  point  d'ap- 
pendice imitant  une  queue.  L'espèce  qui  dans  Fabricius 
porte  le  nom  de  réniforme,  est  propre  à  l'Amérique  intertro- 
picale. On  trouve  aux  Antilles  quelques  espèces  analogues, 
mais  plus  petites  et  figurées  dans  la  monographie  de  ce  genre, 
publiée  par  Herbst.  Celle  dont  Linné  et  Pallas  ont  fait  un 
phalangium  ,  avec  la  dénomination  spécifique  de  j'éniforme , 
vient  des  îles  Séchelles^  j'ai  vu  le  dessin  d'une  espèce  obser- 
vée dans  la  Nubie  par  M.  Rifaud,  et  qui  peut-être  ne  diffère 
pas  de  la  précédente,  (i) 

DEUXIÈME  FAMILLE. 

ARANÉIDES    {ARANEIDES). 

Quatre  ou  six  appendices  cylindriques  ou  coniques,  articu- 
lés, situés  sous  l'anus  ,  désignés  sous  le  nom  àe  filières ,  parce 
que  ces  parties  ,  à  l'exception  de  deux ,  ont  leur  extrémité , 
soit  percée  d'un  très  grand  nombre  de  trous ,  livrant  passage 
à  des  fils  soyeux ,  soit  hérissée  de  petits  mamelons  d'où  sor- 
tent aussi  ces  fils ,  distinguent  ces  animaux  de  tous  les  autres 
de  la  même  classe  :  aussi  pourrait-on  substituer,  ainsi  que  je 
l'ai  fait  dans  l'ouvrage  sur  le  Règne  animal  de  M.  Cuvier,  la 
dénomination  àefileuses  à  celle  d'aranéides.  Un  autre  carac- 
tère ,  et  non  moins  important,  nous  est  fourni  par  les  palpes. 
Le  dernier  article  de  ceux  des  mâles  présente  des  organes 
particuliers ,  qui ,  suivant  le  sentiment  le  plus  général ,  sont 
ceux  de  la  génération,  et  qui,  dans  tous  les  cas,  y  concourent 
par  des  excitations  préliminaires.  Les  chélicères  se  terminent 
par  un  crochet  courbé  inférieurement,  et  percé  près  de  son 
extrémité,  pour  la  sortie  d'une  liqueur  venimeuse,  autre  trait 
particulier  dont  nous  ne  trouvons  plus  d'exemple  dans  cette 
classe.  L'abdomen  est  toujours  pédicule,  sans  anneaux  dis- 


(i)  M.  Guérin  a  donné,  dans  le  troisième  fascicule  de  son  Iconographie  du  Règne 
animal ,  la  figure  d'une  espèce  de  ces  deux  genres.  Voyez  aussi  la  Monographk- 
d'IIerhht. 


DEUXIÈME    FAMILLE.     ARANÉIDES.  4^5 

tincls,  et  ordinairement  mou.  Le  céphalothorax  semble  être 
divisé  en  deux  par  une  impression  en  forme  d'angle  ou 
deV,  et  paraissant  indiquer  la  démarcation  de  la  tête  et 
du  thorax.  Le  céphalothorax  est  en  outre  élevé  ,  et  quoique 
les  yeux  .  situés  en  tout  ou  en  partie  sur  la  face  anté- 
rieure ,  soient  plus  ou  moins  espacés  et  divisés  en  petits 
groupes,  les  écarts  qui  les  séparent  ne  sont  jamais  aussi 
étendus  que  dans  la  famille  précédente.  Un  caractère  souf- 
frant très  peu  d'exceptions,  et  dont  on  peut  dès-lors  se  servir 
à  raison  de  sa  grande  généralité,  est  que  tous  les  tarses  sont 
terminés  supérieurement  par  deux  crochets  dentelés  ou  pec- 
tines en  dessous  ,  accompagnés  même  dans  plusieurs  d'un 
troisième,  mais  inférieur,  plus  petit,  et  ordinairement  sim- 
ple. Quant  au  nombre  des  branchies,  quoique  plusieurs  en 
aient  quatre ,  ainsi  que  les  arachnides  de  la  tribu  précédente  , 
on  n'en  voit  que  deux  dans  le  plus  grand  nombre.  Les  œufs 
sont  renfermés  dans  une  coque  soyeuse,  ce  qui  ne  peut  avoir 
lieu  dans  la  famille  précédente  ,  puisque  ces  animaux  sont 
privés  d'organes  propres  à  sécréter  la  soie  et  de  filières. 

De  l'exposition  de  ce  signalement  général ,  passons  à  un 
examen  plus  détaillé  de  l'organisation  des  aranéides,  et  à  l'his- 
toire de  leurs  habitudes.  Il  en  est  peu  d'aussi  propres  à  exci- 
ter notre  attention  parmi  les  animaux  vivant  de  proie  \  il  n'en 
est  même  pas  qui ,  sous  le  rapport  des  moyens  de  se  la  pro- 
curer, leur  soient  comparables.  Ils  consistent  uniquement 
dans  la  ruse ,  la  surprise  et  la  force  :  mais  les  aranéides  sont 
de  véritables  oiseleurs,  dressant  des  pièges  très  variés,  con- 
struits avec  un  art  admirable,  et  pourvues,  en  outre,  d'une 
arme  meurtrière. 

Le  céphalothorax  est  généralement  ovoïde  ou  en  cœur  ren- 
versé, déprimé  ,  ou  légèrement  élevé  en  carène  vers  le  milieu 
du  dos ,  avec  l'extrémité  antérieure ,  ou  la  pointe ,  tronquée 
ou  très  obtuse.  C'est  à  celte  extrémité  que  sont  placés  les 
yeux  lisses  :  ils  sont  ronds  ou  ovales,  brillans,  et  quelques 
uns  des  latéraux  sont  dirigés  obliquement,  et  souvent  portés 
sur  de  petites  élévations.  Les  chélicères  (mandibules  ou  griffes 


4S6       ARACHNIDES. PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

de  la  plupart  des  auteurs)  prennent  immédiatement  nais- 
sance au-dessous  de  l'écaillé  tégumentaire  (scutum)  du  cé- 
phalothorax ,  sont  contiguës ,  parallèles ,  avancées  ou  incli- 
nées ;  elles  se  composent  de  deux  articles ,  ou  d'un  seul ,  si 
l'on  considère  le  second  ou  le  crochet  comme  une  pièce  par- 
ticulière. Le  premier  est  grand,  presque  cylindrique  ou  en 
cône  tronqué  ,  aplati  ou  plan  à  sa  face  interne ,  et  offre  le 
plus  souvent,  au-dessous  de  son  articulation  avec  le  crochet, 
une  gouttière ,  bordée  de  chaque  côté  de  dents  plus  ou  moins 
nombreuses.  Ce  crochet ,  ou  le  second  et  dernier  article,  est 
de  consistance  écailleuse  ,  comprimé  latéralement  _,  mobile , 
replié  inférieurement ,  arqué  ,  allant  en  pointe ,  avec  une 
petite  ouverture  oblongue  en  dessus,  près  de  la  pointe.  Elle 
donne  passage  à  la  liqueur  venimeuse  que  la  nature  a  accordée 
à  ces  animaux,  comme  à  plusieurs  ophidiens,  pour  vaincre 
plus  promptement  la  résistance  des  animaux  destinés  à  leur 
servir  de  nourriture.  Si  l'on  compare  ces  chélicères  avec  celles 
des  scorpions,  on  trouvera  qu'elles  n'en  diffèrent  essentielle- 
ment que  par  l'absence  du  doigt  fixe ,  accompagnant  le  doigt 
mobile  de  celles  des  derniers ,  et  qu'elles  ressemblent ,  de  part 
et  d'autre,  aux  pinces  des  pâtes  antérieures  d'un  grand  nombre 
de  crustacés.  Elles  constituent ,  avec  le  camérostome ,  et  par- 
ticulièrement la  carène  velue  de  son  dessous  et  offrant  un 
canal  proœsophagien,  ainsi  qu'avec  les  deux  mâchonnes  portant 
chacune  un  palpe  de  cinq  articles,  et  la  lèvre  inférieure,  tout 
l'appareil  buccal  (i).  Les  palpes,  presque  filiformes  dans  les 
femelles,  grossissant  vers  le  bout,  ou  presque  terminés  en 
massue  dans  les  mâles ,  s'avancent  de  chaque  côté  des  chéli- 


(i)  Ce  que  je  Tiomme  camérostome  forme  avec  la  lèvre  inférieure  cette  partie  de  Li 
bouche  que  M.  Straus  appelle  museau,  et  à  l'extrémité  duquel  il  place  l'orifice  de 
cette  bouche.  Il  considère  la  partie  antérieure  du  museau  contigiie  aux  mandibules, 
comme  une  lèvre  supérieure.  Il  dit  que  la  bouche  des  phalangiarn  ne  diffère  de  cell»; 
des  araiiea  que  par  les  palpes.  Les  figures  qu'a  données  M.  Savigny  des  parties 
composant  la  première ,  établissent  cependant  des  disparités  remarquables. 

Je  n'ai  point  vu  ce  long  dard ,  fort  dur  et  dentelé ,  qu'il  annonce  exister  entre  Ie& 
Kkachoires  de  plusieurs  acarus. 


DEUXIÈME    FAMILLE.     ARANEIDES.  4^7 

cères,  et  de  même  que  les  pales  font  un  coude  immédiatement 
à  la  jonction  d'un  grand  article,  le  troisième  et  représentant  la 
cuisse,  avec  le  suivant,  ouïe  premier  de  la  jambe,  de  manière 
€|ue  ces  palpes  sont  réellement  des  sortes  de  pieds,  mais  plus 
petits  que  les  autres ,  et  dont  le  tarse  n'est  composé  que  d'un 
seul  article,  au  lieu  de  deux.  Cet  article  ,  ou  le  cinquième  de 
tous,  est  terminé,  dans  les  femelles,  par  un  petit  crochet,  et 
porte ,  dans  l'autre  sexe ,  les  organes  que  l'on  prend  générale- 
ment pour  ceux  de  la  génération,  et  dont  nous  parlerons  plus 
bas.  Dans  les  mygales  femelles  au  moins,  où  ces  palpes  sont 
relativement  plus  grands,  le  même  article  est  garni  en  dessous 
d'un  duvet  serré,  ou  d'une  brosse,  de  même  que  les  tarses 
des  pieds  ^  et  nul  doute  que  ces  aranéides  ne  l'appuient  sur 
les  corps  où  elles  sont  posées.  Les  rapports  des  palpes  avec  les 
pieds  sont  ici  d'autant  plus  frappans,  que  les  mâchoires  sont 
dans  la  même  direction  que  les  palpes,  et  en  forment  le  pre- 
mier article.  Dans  les  autres  aranéides  ,  ce  même  article  se 
dilate  au  côté  interne,  pour  former  la  mâchoire. 

Si  l'on  compare  la  nomenclature  établie  par  M.  Savigny 
à  l'égard  des  articles  des  palpes ,  qu'il  appelle  aussi  hras  pal- 
paires ,  et  de  ceux  des  pieds,  on  trouvera  la  correspondance 
suivante  : 

Palpes.  Pieds. 

Mâchoires ....  o .....  « la  hanche. 

Article  soiis-axillaire  ou  le  premier l'exinguinal.  (i) 

—  humerai fémoral. 

—  cubital génual. 

—  radial , tibial. 

—  digital  (le  cinquième  et  dernier) le  tarse. 

Cet  article  est  inerme  ou  sans  onglet  dans  les  mâles.  Les 
organes  présumés  copulateurs  naissent  de  sa  face  interne ,  et 
sont  tantôt  entièrement  saillans,  comme  dans  les  théraphoses 


(i)  L'analogue  du  trochanter  des  insectes.  Il  est  toujours  très  court  de  part  et 
d'autre.  Je  l'avais  considéré  jusqu'ici,  mais  à  tort,  comme  le  second  de  la  JiancJie; 
il  est  aisé  de  voir,  surtout  par  les  crabes,  qu'il  fait  partie  de  la  cuisse. 


488       ARACHNIDES.  PREMIKR    ORDRE.    PULMONAIRES. 

et  les  ségestries,  tantôt  plus  ou  moins  reçus  dans  une  con- 
cavité ou  échancrure  [cueiller^  Trévir.),  et  alors  ordinaire- 
ment très  compliqués.  Mais  ils  ne  se  développent  entièrement 
que  lorsque  l'animal  est  adulte  ou  susceptible  de  procréer. 
Divers  auteurs,   comme  de  Géer,  Lyonet,  Tréviranus,  ont 
figuré  ceux  de  quelques  espèces.  Mais  M.  Savigny,  dans  la 
partie  zoologique   de  l'ouvrage  sur  l'Egypte ,  dont  il  a  été 
chargé ,  les  a  surpassés  sous  le  rapport  des  détails  et  du  soin 
à  les  représenter.  Adoptant  le  sentiment  de  Tréviranus ,  re- 
lativement à  la  situation  des  organes  de  la  génération ,  il  les 
distingue  dans  leur  ensemble  par  la  dénomination  de  bouton 
excitateur.  Une  à  trois  saillies  de  ces  boutons  plus  ou  moins 
prolongées,  quelquefois  en  forme  de  filets  et  roulés  en  spirale, 
allant  eu  pointe  ,  sont  ce  qu'il  appelle  les  conjonctions  ;  et 
une  à  deux  valves  de  la  concavité  interne ,  embrassant  plus 
ou  moins  la  face  interne  du  bouton ,  reçoivent  le  nom  de 
valves  digitales.  Le  conjoncteur  propre  à  l'araignée  domes- 
tique et  à  une  autre  espèce  voisine  est  appelé  dard  par  Lyo- 
net, et  la  partie  d'où  il  sort  en  est  le  conducteur. 

L'organe  excitateur  ou  copulateur  est  généralement  com- 
posé de  pièces  écailleuses  ,  très  irrégulières,  et  dont  plusieurs 
offrent  des  crochets  ou  des  dents.  Dans  diverses  espèces, 
néanmoins,  l'on  observe  un  corps  mou  ou  charnu,  blanc,  ou 
sorte  de  gland,  sur  lequel  serpentent  des  vaisseaux  en  appa- 
rence sanguins  ,  et  que  l'on  prend  pour  le  pénis.  Le  côté  in- 
terne de  l'avant-dernier  article  des  mêmes  palpes  présente 
aussi  quelquefois  des  appendices,  ou  quelques  caractères  par-  |! 
ticuliers  et  corrélatifs.  .  I 

Les  mâchoires  et  la  lèvre  se  portent  en  avant  et  dans  un 
sens  horizontal ,  ou  celui  de  la  longueur  du  corps.  Les  pre- 
miers de  ces  organes  sont  velus  à  leur  extrémité  ,  qui  est  plus 
ou  moins  arrondie  et  souvent  tronquée  obliquement  au  côté 
interne  ou  rétrécie  en  pointe  -,  ici ,  ils  sont  droits  \  là ,  ils  se 
courbent  ou  s'inclinent  sur  la  lèvre.  Cette  pièce  est  carrée 
dans  les  uns ,  triangulaire ,  en  demi-ovale  ou  presque  ovoïde 
dans  les  autres.  Les  pieds  ,  au  nombre  de  huit ,  sont  disposés 


DEUXIÈME    FAMILLE.    AT.  ANl^JDFS.  4^9 

presque  circulairement  sur  le  contour  de  la  poitrine.  Ils  se 
composent  d'une  hanche  d'un  seul  article ,  d'une  cuisse  et 
d'une  jambe  formée  chacune  de  deux  autres  articles  et  d'un 
tarse  divisé  de  même,  à  l'exception  d'un  seul  genre,  celui 
d'hersilie  ,  qui  en  a  trois.  Le  dernier  est  terminé  par  deux 
crochets  supérieurs  pectines  ou  dentelés  en  dessous  ,  et  dans 
beaucoup  par  un  autre  inférieur,  plus  petit  et  simple.  Plu- 
sieurs ont  aussi  sous  les  crochets  des  poils  ou  soies  formant 
des  espèces  de  pinceaux  ou  de  brosses.  La  longueur  respec- 
tive de  ces  organes  varie ,  et  souvent  dans  le  même  genre  et 
quelquefois  dans  les  deux  sexes. 

L'abdomen ,  suspendu  au  céphalothorax  au  moyen  d'un 
court  pédicule  cartilagineux,  est,  celui  des  épéires  épineuses 
excepté  ,  mou  ,  et  revêtu  d'une  peau  continue ,  sans  articu- 
lations et  formant  un  sac  tantôt  ovalaire  ou  globuleux,  tan- 
tôt oblong  ou  cylindracé.  A  l'extrémité  postérieure  est  si- 
tué l'anus,  qui  s'avance  sous  la  forme  d'un  petit  chaperon 
arrondi ,  ou  presque  semi-circulaire  et  ayant  une  fente  au 
milieu.  L'on  voit  immédiatement  au-dessous  de  petits  appen- 
dices articulés^  cylindriques  et  rétrécis  en  pointe  au  bout, 
ou  presque  coniques,  au  nombre  de  six  dans  le  plus  grand 
nombre  et  de  quatre  (  théraphoses  )  dans  les  autres  :  on  les  a 
désignés  sous  le  nom  de  filières.  Mais  ,  comme  l'ont  remarqué 
Lyonet  et  MM.  Savigny  et  Tréviranus ,  deux  de  ces  appen- 
dices, les  plus  extérieurs,  ordinairement  les  plus  longs,  et 
divisés  en  trois  articles,  ne  présentant  à  leur  extrémité  ni 
petits  trous,  ni  petites  papilles  percées,  ne  méritent  point  une 
telle  qualification.  Les  filières,  proprement  dites,  sont  courtes, 
disposées  en  carré,  tantôt  droites ,  tantôt  inclinées  ou  cou- 
chées et  convergentes  ,  de  deux  articles,  dont  le  dernier  très 
court ,  en  forme  de  mamelon  arrondi ,  tout  criblé  de  petits 
trous  sur  un  espace  presque  circulaire  ,  avec  une  échancrure 
donnant  passage  aux  fils  de  soie,  ou  hérissé  de  petites  pa- 
pilles, composant  de  petites  filières  propres.  Lyonet  en  a 
observé  de  ces  deux  sortes  dans  le  même  individu.  Si  on  en 
avait  étudié  la  composition  d'une  manière  spéciale  dans  les 


49^       ARACHNIDES.  PREMIER    ORDRE.     PULMONAIRES. 

divers  genres  ,  on  aurait  probablement  trouvé ,  dans  ces  par- 
lies,  de  nouveaux  secours  pour  raffermissement  de  ces  coupes. 

M.  Tréviranus  a  distingué,  sur  le  dessus  de  l'abdomen , 
quatre  paires  de  petites  impressions  punctiformes ,  mais  qui 
ne  sont  pas  toujours  bien  apparentes,  et  qu'il  nomme ,  très 
improprement ,  des  stigmates  j  les  deux  antérieures  sont  plus 
grandes  et  environnées  ,  ainsi  que  la  paire  suivante ,  d'un 
cercle  brun ,  qui  lui  a  semblé  contenir  de  la  liqueur.  Il  les  a 
représentées  dans  son  beau  travail  sur  l'anatomie  de  ces  ani- 
maux. Il  dit  aussi  avoir  vu  quatre  autres  paires  de  stigmates 
de  chaque  côté  de  la  poitrine  ,  et  situés  dans  la  peau  qui  joint 
son  plastron  au  dos  du  corselet,  ou  à  la  racine  des  pâtes.  Mais , 
à  l'égard  des  premiers  ou  des  stigmates  abdominaux  supé- 
rieurs, M.  Dufour  a  reconnu  que  ces  petites  dépressions  orbi- 
culaires  étaient  déterminées  par  l'attache  des  muscles  fili- 
formes qui  traversent  le  foie ,  et  qu'il  a  aussi  trouvés  dans 
les  scorpions.  Ces  impressions  sont  bien  plus  nombreuses  dans 
les  épéires  épineuses,  et  y  forment  des  points  ombiliqués,  dont 
les  extérieurs  disposés  circulairement  près  des  bords  de 
l'abdomen  -,  ici  encore  la  peau  présente  en  dessous  des  rides 
annulaires.  J'avais  d'abord  soupçonné ,  d'après  les  figures  de 
M.  Tréviranus ,  que  ces  stigmates  pourraient  servir  à  l'ex- 
piration ou  à  la  sortie  de  l'azote-,  toujours  nous  paraît -il 
convenable  de  faire  à  cet  égard  de  nouvelles  recberches. 

Deux  ou  quatre  taches  blanchâtres  ou  jaunâtres  ,  situées, 
par  paires ,  de  chaque  côté  de  la  base  du  ventre ,  décèlent  ex- 
térieurement les  organes  respiratoires.  Sur  un  repli  trans- 
versal, qui  semble  représenter  le  bord  postérieur  de  la  por- 
tion inférieure  du  premier  anneau ,  est  de  chaque  côté  une 
fente  transverse  ,  conduisant  dans  une  cavité  renfermant 
une  véritable  branchie  ,  mais  aérienne  ou  respirant  l'air  en 
nature ,  de  couleur  blanche ,  triangulaire ,  recouverte  d'une 
peau  tendre ,  composée  de  petits  feuillets  plus  nombreux  et 
plus  mous  que  ceux  des  branchies  des  scorpions ,  et  sous  un 
aspect  glaireux.  Le  bord  supérieur  des  ouvertures  est  fixé 
par  un  arc  cartilagineux ,  et  une  plaque  de  même  consistance 


DEEXiÈMli    FAMILLE.    ARANÉIDES.  49^ 

bouche  l'entrée  des  cavités  branchiales.  Dans  les  aranéides 
létrapneumones ,  immédiatement  au-dessous  de  ces  cavités, 
on  en  voit  deux  autres  et  renfermant  des  organes  respira- 
toires semblables.  Dans  l'entre-deux  des  premières  ,  et  sur 
une  espèce  de  plateau  ,  sont  situées  les  parties  génitales. 

Deux  paires  de  muscles,  les  uns  droits,  les  autres  courbés 
et  servant ,  avec  les  deux  arcs  cartilagineux ,  à  fermer  et  à 
ouvrir  le  couvercle  des  branchies ,  soutiennent  les  parties 
cartilagineuses,  et  contribuent,  avec  deux  ligamens  partant 
de  ces  branchies  et  se  rendant  aux  filières  ,  à  l'affermissement 
de  la  peau  ,  qui  se  compose  de  deux  membranes ,  dont  l'ex- 
térieure plus  tenace  ,  et  l'autre  presque  mucilaglneuse.  Dans 
les  espèces  dont  l'abdomen  est  plus  mou ,  la  plupart  des  ten- 
deuses ,  par  exemple ,  sa  transparence  permet  de  distinguer 
sur  le  dos  le  cœur  ainsi  que  le  foie ,  au  milieu  duquel  il  dessine 
une  bande  longitudinale.  Dans  plusieurs  ,  les  taches  colorées 
que  l'on  y  observe  forment  une  suite  de  petites  bandes  trian- 
gulaires disposées  sérialement  et  de  grandeurs  décroissantes. 
M.  Léon  Dufour  a  remarqué  que  ,  dans  certaines  espèces 
d'épéires  et  de  lycoses  ,  la  surface  du  cœur  est  recouverte 
d'un  enduit  d'un  blanc  de  chaux,  fendillé  en  aréoles ,  et  que 
Ton  aperçoit  aisément  lorsque  la  peau  est  glabre  et  molle. 
Il  a  aussi  observé  que  les  individus  des  deux  sexes  lancent 
souvent  par  l'anus  une  liqueur  excrémentielle  ,  en  partie 
d'un  blanc  laiteux  ,  et  d'un  noir  d'encre  de  l'autre. 

Nous  avons  dit  que  les  parties  génitales  de  la  femelle  étaient 
placées  au  milieu  de  l'espace  compris  entre  les  deux  cavités 
branchiales,  et  toujours  au  même  lieu,  puisque  c'est  tou- 
jours entre  les  premières  lorsque  ces  cavités  sont  au  nombre 
de  quatre.  N'ayant  été  étudiées  jusqu'ici  que  dans  un  très 
petit  nombre  d'espèces  ,  et  où  elles  ont  présenté  des  struc- 
tures diverses,  il  nous  serait  impossible  d'en  donner  une  des- 
cription générale  commune.  Elles  consistent  en  une  quan- 
tité plus  ou  moins  considérable  de  petites  lames,  recouvrant 
une  ouverture  ronde  destinée  à  la  sortie  des  œufs.  Dans  l'épéire 
diadème ,  du  milieu  de  ces  pièces  operculaires  naît  un  ap- 


l\()9.       ARACHIVIDES.   PREMIER    ORDRE.     PULMONAIRES. 

pendice  mobile  en  forme  de  long  crochet ,  couché  longitu- 
dinalemeiit  sur  le  ventre,  cartilagineux,  aplati,  très  mince, 
avec  une  large  gouttière  en  dessus,  dans  sa  moitié  anté- 
rieure, ensuite  cylindrique,  mou,  flexible  et  strié.  Ce  cro- 
chet est  placé  sur  une  érainence  écailleuse  formée  de  deux 
cloisons  garnies  de  poils  et  réunies  au  moyen  d'une  pièce  in- 
termédiaire. A  la  base  de  ces  cloisons  sont  deux  autres  pièces 
ovales ,  écailleuses.  L'ouverture  propre  à  la  sortie  des  œufs 
est  cachée  par  le  crochet. 

M.  Tréviranus  a  observé  dans  la  clubione  atroce  femelle , 
au-dessus  de  l'ouverture  précédente  ,  et  qui  est  entourée 
d'un  cercle  cartilagineux,  deux  petits  tubes  tendineux  ,  ayant 
une  ouverture  à  leur  extrémité.  La  surface  interne  de  l'es- 
pèce de  plateau  où  ils  sont  situés,  lui  a  offert  deux  cartilages 
tortus.  Il  suppose  que  les  appendices  crochus  des  organes 
excitateurs  des  palpes  se  cramponnent  aux  cartilages  situés 
des  deux  côtés  des  parties  génitales  de  la  femelle  -,  que  le 
gland  y  pénètre  ensuite  ,  et  que  celle-ci,  se  prêtant  aux  désirs 
du  mâle  ,  introduit  dans  deux  petites  fentes ,  qu'il  a  obser- 
Tées  dans  cet  individu  ainsi  que  dans  les  mâles  de  quelques 
autres  espèces  ,  entre  les  branchies ,  les  deux  mamelons  ten- 
dineux mentionnés  ci-dessus.  Deux  vaisseaux  spermatiques 
provenant  de  deux  testicules  allongés  se  rendent  à  ces  fentes. 
Dans  l'explication  des  planches  des  arachnides  de  l'ouvrage 
sur  l'Egypte,  M.  Savigny  s'est  borné  à  nous  dire  que  l'épi- 
gyne  est  un  organe  prévalvulaire  ,  dont  la  fonction  la  plus 
essentielle  est  de  recevoir  l'un  après  l'autre  ,  dans  les  pré- 
ludes de  l'accouplement  ,  les  organes  excitateurs  mâles  *, 
qu'elle  est  tubuleuse  et  percée  de  deux  principaux  orifices  , 
un  de  chaque  côté,  et  que  les  conjoncteurs  de  ses  deux  ca- 
vités intérieures  sont  cernés  comme  ceux  du  sexe  mâle  ,  mais 
moins  développés.  J'ai  vainement  cherché  à  découvrir  dans 
les  mâles  de  diverses  grandes  mygales  ces  ouvertures  ,  et 
M.  Straus  n'a  pas  été  plus  heureux  que  moi.  Cependant,  il 
est  certain  que  dans  les  mêmes  individus  de  quelques  autres 
espèces  du  même  genre  ,  l'entre-deux  des  branchies  offre  un 


DEUXIÈME    FAMILLE.    ARANÉIDES.  ^9^ 

t^enflement  notable.   J*ai  vu  très  distinctement  dans  le  mâle 
de  l'atype  de  Sulzer ,  à  l'extrémité  inférieure  de  cette  por- 
tion tégumentaire  et  plus  solide  qu'occupe  cet  espace  et  qui 
semble,   comme  nous  l'avons  dit,  indiquer  les  traces  d'un 
segment  propre,  une  ouverture  circulaire  dont  le  contour  est 
blanchâtre  et  qui  est  l'entrée  d'un  petit  tube ,  au  fond  du- 
quel je  crois  avoir  aperçu  un  corps  particulier.  Les  deux  ou 
quatre  pieds  antérieurs  diffèrent  dans  les  deux  sexes,  et  ce- 
pendant la  position  des  organes  générateurs  est  la  même. 
M.  Savigny  affirme  que  dans  toutes  les  arachnides  leur  issue 
est  pratiquée  sous  le  premier  segment  de  l'abdomen.  Quoi 
qu'il  en  soit ,  il  n'est  pas  moins  positif  qu'aucun  naturaliste 
n'a  été  témoin  à  l'égard  des  aranéides  du  mode  d'accou- 
plement   semblable    à    celui    qu'imagine    M.    Tréviranus. 
M.  Walckenaer,  qui  a  observé,  avec  l'attention  la  plus  sou- 
tenue ,  celui  d'une  espèce  de  théridion ,  n'a  fait  que  confir- 
mer ce  que  Lister,  Lyonet  et  de  Géer  avaient  rapporté  sur  le 
même  sujet,  savoir  que  le  mâle,  à  la  suite  de  tentatives  in- 
fructueuses et  multipliées,   étant  enfin  parvenu  à  vaincre 
l'obstination  de  sa  femelle  ,  appliquait  alternativement ,  avec 
une  grande  promptitude,  l'extrémité  de  ses  palpes   sur  le 
dessous  du  ventre  de   celle-ci,  qu'il  faisait  sortir  à   chaque 
attouchement ,  et  comme  par  ressort ,  l'organe  fécondateur 
renfermé  dans  le  bouton  du  dernier  article  de  ces  palpes, 
qu'il  introduisait  dans  la  fente  située  entre  les  branchies  ,  et 
qu'après  quelques  instans  de  repos ,  il  renouvelait  les  mêmes 
actes,  et  souvent  à  plusieurs  reprises  (i).  Ces  animaux  étant 
très  voraces ,  les  mâles  ne  s'approchent  des  femelles  qu'avec 
une  grande  circonspection,  de  peur  d'être  dévorés  par  elles. 

Le  canal  intestinal ,  qui  occupe  une  grande  partie  de  la 
cavité  abdominale ,  et  se  trouve  immédiatement  enveloppé 
par  la  peau  ,  est  droit  et  d'une  consistance  pulpeuse  ,  formée 
de  petits  grains ,  dont  les  conduits  excréteurs  particuliers  se 
réunissent  en  plusieurs  canaux  hépatiques ,  versant  dans  le 

(i)  M.  Théis  fils  a  fait  depuis  les  mêmes  observations. 


494       ARACHNIDES.   —   PREMIER    ORDRE.    PULMOTfAIRES. 

tube  alimentaire  le  produit  de  la  sécrétion.  Il  offre  d'abord 
un  premier  estomac  composé  de  plusieurs  sacs  (quatre  ,  sui- 
vant M.  Tréviranus  ,  dont  deux  plus  petits)-    puis  vers  le 
milieu  de  l'abdomen  une  seconde  dilatation  stomacale  ,  en- 
tourée de  soie.  Il  est  recouvert  immédiatement  par  une  pièce 
cart^agineuse ,  ressemblant  à  un  demi-tube  ,  écbancrée  en 
devant ,  et  ayant  sur  ses  bords  latéraux  des  ligamens  triangu- 
laires qui  la  fixent  avec  le  couvercle  ou  scutum  du  céphalo- 
tborax.  Les  muscles  qui  partent  en  rayonnant  et  pour  se  rendre 
aux  pâtes  de  la  cavité  centrale  de  celui-ci ,  forment  sur  cette 
pièce  des  rigoles.  Le  rectum  est  fixé  à  l'anus  par  un  long 
cœcum  ,  dans  lequel  se  rendent  immédiatement  quatre  vais- 
seaux biliaires  5  s'unissant  par  paires  près  de  leur  extrémité, 
en  deux  tiges  ,  ayant  leur  orifice  près  de  l'anus. 

Le  système  nerveux  se  compose  d'un  cerveau  formé  de  deux 
lobes  pyriformes,  jetant  des  nerfs  aux  diverses  parties  de  la 
bouche  et  aux  yeux^  d'un  grand  ganglion  inférieur  et  central , 
d'où  partent  d'autres  nerfs  gagnant  les  pâtes;  enfin,  d'un  autre 
ganglion  ,  joint  au  précédent  par  un  fort  cordon   nerveux 
longitudinal,  placé  près  de  l'origine  de  l'abdomen  ,  et  jetant 
aussi  des  nerfs  ,  quatre  de  chaque  côté  ,  dont  la  longueur 
augmente  graduellement ,  et  dont  les  deux  derniers,  les  plus 
longs  de  tous  ,  se  bifurquent  au  bout  et  se  terminent  dans  le 
prolongement  du  rectum  ;  les  autres  se  dirigent  vers  les  bran- 
chies ,  les  organes  sexuels  et  les  intestins.  D'après  la  figure 
de  ce  système  donnée  par  Lyonet ,  le  premier  ganglion  serait 
évidé  dans  son  milieu  ou  formé  de  deux  filets.  Dans  les  géné- 
ralités sur  les  arachnides  pulmonaires  ,  nous  avons  parlé  du 
cœur  et  de  ses  vaisseaux.  Sa  forme  varie  ;  mais  il  est  toujours 
fort  allongé  et  beaucoup  plus  étroit  postérieurement.  M.  Tré- 
viranus en  a  donné  deux  figures  ,  qui  font  connaître  deux 
de  ces  modifications. 

Les  réservoirs  du  venin  consistent  en  deux  glandes  sali- 
vaires  ,  une  par  chaque  chélicère  ,  se  présentant  sous  la  forme 
de  vessies  allongées ,  tortues  ,  composées  de  fibres  cartilagi- 
neuses ,  Iransverses ,  mais  obliques  ou  en  spirale ,  parallèles 


DEITXIÈME    FAMILLE.    AR A.Ï\ÉII)ES.  49«^ 

Cl  annexées  à  une  peau  molle-,  elles  se  prolongent  supérieure- 
ment en  un  cordon  étroit  qui  se  rend  à  l'extrémité  du  cro- 
chet. Ces  observations ,  extraites  du  Mémoire  de  M.  Trévi- 
ranus,  s'accordent  avec  celles  de  Lyonet  (Mémoires  posthu- 
mes), qui  avait  trouvé  une  disposition  semblable  dans  les 
filières  de  la  chenille  du  saule.  Ces  lignes  obliques  de  la  tu- 
nique des  glandes  sont  formées  d'une  fibre  musculaire ,  au- 
tour de  laquelle  s'entortille  en  spirale  un  filet  contourné  de 
même. 

Les  ovaires,  au  nombre  de  deux,  sont  logés  dans  une  espèce 
de  capsule  formée  par  le  foie  ,  et  se  présentent  sous  l'aspect 
de  deux  sacs  ovalaires,  rétrécis  vers  le  haut  en  manière  de 
pédicules ,  qui  aboutissent  par  deux  ouvertures  à  celle  des 
parties  génitales ,  qui  doit  livrer  passage  aux  œufs.  N'étant 
point  fécondés ,  ces  ovaires  paraissent  composés  d'un  tissu 
spongieux  ,  comme  floconneux ,  et  qui  est  une  agglomération 
des  germes  des  œufs.  A  mesure  que  l'influence  de  la  fécon- 
dation s'accroît ,  la  grappe  formée  par  ces  œufs  est  moins 
serrée  ,  et  les  canaux  ou  tubes  oii  ils  sont  contenus  devien- 
nent plus  distincts.  Chaque  sac  est  divisé  en  deux  par  une 
cloison  longitudinale  ;  une  autre  cloison  ,  mais  dans  un  sens 
contraire  ou  transverse,  les  partage  de  nouveau,  ce  qui  forme 
quatre  chambres  principales.  On  voit  par  là  que  ces  ovaires 
ont  de  grands  rapports  avec  ceux  des  scorpions.  Les  cloisons 
transverses  sont  perforées,  d'où  résulte  qu'il  y  a  communi- 
cation de  chaque  côté  entre  les  deux  chambres  5  mais  la  cloi- 
son longitudinale  n'offrant  point  ce  caractère  ,  cette  com- 
munication n'a  point  lieu  de  chaque  moitié  du  sac  à  l'autre. 

Rœsel  a  observé  ,  relativement  à  l'épéire  diadème  ,  que 
l'expulsion  des  œufs  s'opérait  par  un  moyen  particulier,  et 
dont  le  mécanisme  est  très  curieux.  Une  palette  ovale  ,  aussi 
longue  que  l'abdomen  ,  formée  de  petits  tendons ,  singuliè- 
rement entrelacés  ,  s'engrenant  respectivement  les  uns  dans 
les  autres ,  et  recouverts  d'une  peau  forte  qui  les  fixe  entre 
eux ,  est  mis  à  cet  effet  en  mouvement.  M.  Hérold  a  suivi  le 
développement  progressif  du  fœtus  dans  l'œuf,  et  a  publié 


4q6        ARA.CHNIDES.  PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

sur  ce  sujet  un  beau  travail ,  dont  on  trouvera  un  extrait  dans 
le  Bidletùi  des  Sciences  naturelles ,  de  M.  le  baron  de  Fé- 
russac ,  et  dans  le  XIIP  volume  des  Annales  des  Sciences 
naturelles . 

Suivant  Réaumur,  le  réservoir  de  la  soie  des  aranéides  con- 
siste en  six  vaisseaux  recoudés  six  à  sept  fois,  communique 
supérieurement  par  des  brandies  très  repliées  elles-mêmes  , 
et  formant  divers  lacis  ,  à  d'autres  vaisseaux  ,  qu'il  compare  à 
à  des  larmes  de  verre  ,  où  cette  matière  subit  une  première 
élaboration ,  et  d'où  elle  passe  ensuite  dans  les  précédens  ^ 
ceux-ci  se  rendent  aux  filières  par  des  extrémités  très  déliées  , 
et  allant  en  pointe.  Rœsel  a  décrit  aussi  et  figuré  les  mêmes 
vaisseaux ,  et  ,  à  ce  qu'il  paraît  ,  d'après  la  même  espèce , 
Vépéire  diadème.  Mais  M.  Tréviranus  n'a  observé  dans  la 
clubione  atroce  que  quatre  vaisseaux ,  deux  plus  grands  et 
deux  plus  petits  ,  se  terminant  chacun  par  deux  branches  ^ 
celles  des  derniers  sont  simples  ,  mais  celles  des  plus  grands 
se  subdivisent  ou  sont  dichotomes.  On  voit  en  outre  ,  à  leur 
extrémité  inférieure,  un  grand  nombre  de  petits  vaisseaux 
lubulaires ,  dont  il  n'a  pu  découvrir  la  connexion  avec  les 
filières.  \J araignée  domestique  ne  lui  a  aussi  offert  que  quatre 
vaisseaux  et  sans  ramifications-,  les  petits  n'existent  point. 
Réaumur  estime  à  mille  au  moins  le  nombre  des  fils  qui  sortent 
de  chaque  mamelon  ;  mais  l'animal  en  réunit  plusieurs  à  leur 
sortie.  Collés  à  quelque  objet,  ils  se  dévident  et  sont  tirés  des 
mamelons,  à  mesure  qu'ils  s'éloignent  du  point  d'attache  ^  il  les 
tire  aussi  avec  ses  pâtes  postérieures  ,  c'est  ce  qu'il  est  aisé  de 
voir,  lorsqu'il  cherche  à  garotter  l'insecte  qu'il  a  saisi.  Il  se  sert 
encore  de  ces  fils,  après  les  avoir  fixés,  pour  descendre.  Ils  se 
dévident  naturellement  par  le  poids  de  son  corps  5  voulant 
ensuite  remonter  ,  il  les  réunit  en  une  pelotte  au  moyen  de  ses 
pâtes.  Il  leur  faut,  ainsi  qu'à  la  soie  ,  un  certain  degré  d'éva- 
poration  pour  qu'ils  se  dessèchent  et  acquièrent  une  consi- 
stance convenable.  Lister  pensait  que  les  aranéides  pouvaient 
darder  les  fils  à  une  grande  distance  ,  et  comme  par  éjacu- 
lation,  et  qu'elles  pouvaient  même  les  retirer  de  nouveau 


DEUXIÈME    FAMILLt.     ARANWDES.  497 

dans  leur  corps.  De  Géer  a  combattu  avec  raison  cette  opi- 
nion ^  mais  ils  peuvent,  en  sortant  de  leurs  mamelons  ,  con- 
server jusqu'à  une  petite  dislance  la  force  que  l'animal  leur 
a  imprimée ,  leur  rigidité  et  la  même  direction  ;  nous  avons 
vu  ceux  de  quelques  thomises  tourner  circulairement  et  sous 
l'aspect  de  rayons,  par  suite  d'un  mouvement  de  girouette 
de  leur  corps.  Les  flocons  blancs  connus  sous  le  nom  de  fils 
de  la  vierge ,  que  l'on  voit  souvent  voltiger  en  l'air  ,  en   au- 
tomne et  à  la  suite  des  brouillards,  sont  produits  par  de  longs 
fils  que  jettent  alors  au  hasard  de  jeunes  aranéides  et  qui , 
dans  cette  circonstance,  devenus  plus  pesans  par  l'effet  de 
l'humidilé,   s'affaissent,  se   rapprochent  les  uns  des  autres 
et  se  réunissent  :  c'est  ce  que  divers  observateurs  ont  vérifié. 
Ces  flocons  peuvent  ,  dans  quelques  circonslances,   être  si 
abondans  ,  que  leur  chute  semble  produire  une  sorte  de  pluie 
de  colon.  M.  Mendo  Trigozo  a  publié  dans  les  Mémoires  de 
V  jÉ  cadémie  des  Sciences  de  Lisbonne  (III,  i^  Part.,  p.  85),  un 
fait  semblable  arrivé  dans  le  voisinage  de  Libonne ,  le  6  no- 
vembre i8ii.Le  Tage  fut  couvert  pendant  plus  d'une  demi- 
heure  de  ces  flocons  et  d'une  quantité  innombrable  d'araignées 
qui  les  accompagnaient  et  qui  nageaient  à  la  surface  de  l'eau 
(Bullet.  des  Sciences   Tzaii^/.  ;,  juillet  1820).   Analysés  chi- 
miquement ces  fils  ont  présenté  les  mêmes  éléniens  de  com- 
position  que  la  soie  de  ces  animaux.    Le  docteur  \irey  a 
pensé  que  de  petites  araignées  pouvaient,  par  l'action  seule 
de  leurs  pâtes,  s'élever  en  l'air  ^  mais  les  petits  fils  au  moyen 
desquels  elles  exécutent  cette  ascension  ,  ont  probablement 
échappé  à  ses  regards. 

Cette  soie  peut  être  employée  de  trois  manières  :  à  la  con- 
struction de  la  toile  servant  de  piège  ,  à  celle  de  la  demeure 
propre  de  l'animal,  et  à  celle  de  la  coque  destinée  à  renfermer 
ses  œufs.  Les  toiles  de  diverses  épéires  sont  souvent  fixées  soit 
à  des  troncs  ou  à  des  branches  d'arbres,  soit  à  d'autres  objets 
assez  éloignés  entre  eux  ,  sans  aucun  corps  intermédiaire  ,  et 
quelquefois  même  séparés  par  des  courans  d'eau.  On  ne  peut 
d'abord   concevoir  comment  ces  aranéides  sont  parvenues  à 

32 


4q8        arachnides.  PREMIER    OHDilE.    PULMONA.1RES. 

franchir  de  tels  obstacles,  et  cela  leur  serait,  en  effet,  impossible 
si  de  heureux  hasards  ne  favorisaient  leur  entreprise.  Un  point 
d'appui  trouvé,  elles  laissent  échapper  de  longs  fils^qui ,  libres 
et  poussés  par  le  vent,  peuvent  s'attacher,  du  moins  en  par- 
tie ,  par  l'autre  bout,  à  d'autres  corps,  et  former  ainsi  une 
sorte  de  pont   ou   de   corde   de  danseur ,  assez  solide  pour 
qu'elles  puissent  aller   d'un  lieu   à  l'autre  ajouter  de  nou- 
veaux fils  à  ceux-ci  et  fortifier  le  second  point  d'appui.  Elles 
peuvent  aussi  se  laisser  aller  elles-mêmes,  suspendues  par  un 
fil,  au  gré  du  vent. 

«  Ayant  ainsi  tendu ,  dit  de  Géer  en  parlant  de  l'araignée 
qui  file  une  toile  circulaire ,  ou  d'une  épéire ,  un  premier  fil, 
qu'elle  double ,  triple  et  quadruple  pour  lui  donner  toute  la 
force  nécessaire  pour  soutenir  tout  le  reste  de  l'ouvrage, 
l'araignée   ne   trouve  plus  d'obstacle  pour  passer  sur  cette 
espèce  de  pont ,  et  pour  se  rendre  d'une  branche  à  une  autre 
et  y  filer  de  nouveaux  fils  dans  toutes  les  directions  possibles, 
soit  en   montant,  soit  en  descendant.   Voici  comment  elle 
achève  sa  toile  :  elle  en  trace  d'abord  pour  ainsi  dire  le  plan 
en  tendant  entre  les  branches  des  fils  horizontaux,  verticaux 
et  obliques ,  selon  que  le  demande  la  position  de  ces  mêmes 
branches  et  l'espace  qui  se  trouve  entre  elles.  Ensuite  elle  file 
entre  les  fils  extérieurs  ou  de  traverse  des  rayons,  qui  tous 
aboutissent  à  un  centre  commun  ,  au  milieu  de  la  toile  ;  après 
quoi  elle  commence  à  tendre,  en  partant  du  haut  du  filet 
ébauché,  et  jamais  du  centre  ,  un  fil  en  ligne  spirale  très  ré- 
gulière ,  formant  des  mailles  allongées  à  mesure  que  l'araignée 
avance  dans  son  travail  et  s'approche  de  plus  en  plus  du  centre  -, 
mais  ,  à  quelque  distance  de  ce  même  centre  ,  elle  met  un  plus 
grand  espace  entre  les  tours  du  fil  spiral ,  qui  s'y  trouvent  ainsi 
moins  près  les  uns  des  autres ,  que  dans  le  reste  de  l'étendue 
du  rets.  En  passant  successivement  sur  les  rayons,  elle  ne 
manque  pas  d'y  attacher  toujours  le   fil  qu'elle  dévide,  en 
l'ajustant  dans  l'endroit  convenable,  à  l'aide  de  ses  pâtes;  et 
c'est  ainsi  que  les  mailles  sont  formées  pour  diriger  vers  le 
point  convenable  du  rayon  le  fil  qui  se  dévide  continuelle- 


DEUXIÈME    FAMILLE.    ARANÉIDES.  499 

ment  des  mamelons  du  derrière  :  elle  se  sert  donc  de  l'une  de 
ses  pâtes  postérieures  avec  une  adresse  merveilleuse  en  le  sai- 
sissant avec  les  ongles  du  pied,  et  l'attachant  parallèlement  au 
fil  du  tour  précédent.  Pour  construire  les  rayons  du  filet , 
elle  commence  d'abord  à  tendre  un  fil  en  ligne  diagonale  au 
travers  de  l'étendue  de  la  toile  ébauchée ,  et  se  plaçant  ensuite 
au  centre  de  cette  ligne  ,  elle  y  attache  un  nouveau  fil ,  qu'elle 
dévide  en  montant  vers  l'un  des  fils  de  traverse  ,  auquel  elle 
le  fixe  à  une  certaine  distance  du  fil  diagonal,  et  c'est  le  pre- 
mier rayon  près  duquel  elle  ne  tarde  pas  à  en  ajouter  un  autre , 
et  puis  encore  un  autre ,  en  passant  toujours  alternativement 
du  centre  à  la  circonférence  sur  le  rayon  achevé  en  dernier 
lieu.  Après  avoir  tendu  plusieurs  rayons  dans  tout  le  contour 
du  cercle ,  et  ne  les  trouvant  pas  d'abord  assez  près  les  uns 
des  autres  ,  elle  y  en  ajoute  encore  d'autres  entre  les  précé- 
dens  avant  que  de  commencer  à  travailler  au  fil  spiral ,  qui 
doit  traverser  tous  les  rayons ,  et  que  l'araignée  parcourt  suc- 
cessivement ^  et  comme  les  rayons  sont  trop  éloignés  l'un  de 
l'autre  à  la  circonférence  de  la  toile  pour  qu'elle  puisse  attein- 
dre avec  ses  pâtes  d'un  rayon  à  un  autre  ,  elle  descend  sur 
celui  où  elle  se  trouve  jusque  dans  l'endroit  où  elle  peut  passer 
sur  le  rayon  suivant ,  qu'elle  remonte  dans  l'instant  pour  y 
attacher  son  fil  parallèlement  avec  le  tour  précédent.  Tous 
les  fils  de  la  toile  se  trouvent  très  bien  tendus  et  bandés,  à 
l'exception  de  celui  qui  traverse  les  rayons  en  spirale ,  et  qui 
est  un  peu  plus  lâche  ,  pour  que  les  mouches  y  soient  arrêtées 
et  engagées  plus  facilement.  » 

L'espèce  dont  de  Géer  a  décrit  les  procédés  industrieux  est 
du  nombre  des  épéires  qui  ne  se  tiennent  pas  au  centre  de 
leur  toile ,  mais  qui ,  comme  les  espèces  de  la  deuxième  et  de 
la  troisième  race  de  la  sixième  famille  de  M.  Walckenaer ,  se 
construisent  à  l'une  des  extrémités  de  cette  toile,  sous  quelque 
feuille  ou  quelque  autre  corps ,  une  loge  de  soie ,  qu'elles 
placent  ordinairement  sous  la  toile,  vers  le  haut  de  l'un  de  ses 
côtés  ,  et  dans  laquelle  elles  se  tiennent  tranquilles  et  à  l'abri 
des  oiseaux  qui  cherchent  à  en  faire  leur  pâture  ;  mais  elles 


5oO        ARACHNTPES.   PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

ont  toujours  soin  de  tendre  un  fil  redoublé  plusieurs  fois, 
allant  de  la  loge  au  centre  de  la  toile ,  et  qui  leur  sert  de  pont 
ou  de  corde  pour  se  rendre  dans  cette  toile,  lorsqu'elles  sentent 
que  quelque  mouche  y  est  prise.  Les  aranéides  qui ,  telles 
que  celles  de  la  division  des  vagabondes ,  ne  construisent  point 
de  piège  ,  se  font  néanmoins  une  habitation  ,  où  elles  se  reti- 
rent après  leurs  courses,  dans  les  mauvais  temps  ,  et  près  de 
laquelle  elles  déposent  leurs  œufs ,  ou  veillent  à  la  conserva- 
tion de  leurs  petits.  C'est  aussi  avec  de  la  soie  que  toutes  les 
aranéides  fabriquent  les  coques  renfermant  les  germes  de  leur 
postérité.  Leur  contexture  et  leurs  formes  varient  selon  les 
habitudes  des  races;  mais  elles  sont  généralement  sphériques 
ou  orbiculaires -,  quelques  unes  sont  portées  sur  un  pédicule. 
Un  tissu  plus  fin ,  une  sorte  de  bourre  ,  souvent  d'une  autre 
couleur  que  l'enveloppe  extérieure,  recouvre  fréquemment  et 
immédiatement  les  œufs,  qui  y  sont  libres  ou  agglutinés  les  uns 
aux  autres  ,  et  en  quantité  variable.  Des  matières  étrangères , 
comme  de  la  terre,  du  sable  ,  des  feuilles,  dérobent  à  la  vue 
ces  cocons.  La  femelle  les  garde  assidûment,  non  seulement 
par  affection  ,  mais  parce  qu'elle  est  obligée  ,  à  ce  qu'il  paraît, 
de  les  ouvrir  pour  que  les  petits  puissent  en  sortir.  On  a  fait 
divers  essais  pour  utiliser  cette  soie^  on  est  même  parvenu  à 
en  faire  des  gants  :  mais,  outre  que  l'éducation  de  ces  animaux 
éprouverait  des  difficuhés  insurmontables,  qu'on  ne  pourrait 
jamais  employer  en  grand  cette  matière,  ces  tentatives  de- 
viennent inutiles  par  la  possession  du  ver  à  soie. 

Il  est  constant,  d'après  diverses  expériences  ,  que  les  espèces 
vivant  plusieurs  années  ont  la  faculté  de  régénérer  les  mem- 
bres qu'elles  ont  perdus.  L'activité  de  leur  venin  sur  de  petits 
insectes  n'est  pas  moins  démontrée.  De  grosses  mouches  qui 
ont  été  piquées  par  ces  animaux  périssent  presque  instantané- 
ment^ et  il  n'est  pas  douteux  que  la  morsure  de  certaines 
grosses  mygales  ne  puisse  produire,  chez  l'homme  même,  du 
moins  dans  quelques  circonstances,  quelques  symptômes  alar- 
mans ,  tels  que  des  accès  de  fièvre,  etc.;  mais  cette  piqûre 
peut-elle  occasionner  la  mort?  C'est  ce  qu'on  ne  peut,  faute 


DEUXIÈME    TAMILLE.    ARANl-IDES.  5o  f 

d'expériences  sagement  faites,  affirmer.  De  Géer  a  observé 
que  ces  animaux  pouvaient  percer  le  papier.  Les  petits  qui 
viennent  de  naître  sont  toujours  faibles,  comme  engourdis, 
et  restent  souvent  dans  cet  état  pendant  une  durée  de  temps 
assez  grande,  d'une  semaine  à  quatre-,  ce  n'est  même  guère 
qu'après  une  première  mue  qu'ils  jouissent  de  l'activité  qui 
leur  est  propre,  et  qu'ils  abandonnent  leur  berceau.  Le  cocon 
de  la  mygale  aviculaire  m'a  offert  un  grand  nombre  de  ces 
dépouilles.  Si  la  saison  est  favorable ,  les  œufs ,  ou  ceux  du 
moins  de  diverses  espèces,  éclosent  vers  la  fin  de  l'été  ou  en 
aulomne^  mais  c'est  généralement  au  printemps  ou  au  com- 
mencement de  l'été  que  les  petits  viennent  au  jour.  La  coque 
de  l'œuf  est  membraneuse,  molle,  flexible,  et  se  décbire  à 
leur  naissance.  L'accroissement  progressif  du  fœtus  exigeait 
une  telle  consistance. 

La  distribution  mélbodique  des  araignées  donnée  par  Lisîei', 
qui  avait  décrit  et  observé  avec  tant  de  soin  celles  d'Angle- 
terre, a  servi  de  fondement  aux  travaux  publiés  sur  le  même 
sujet  par  Clerck,  de  Géer,  Geoffroy,  Olivier,  etc.  De  Géer 
partage  ces  animaux  en  sept  familles  :  les  tendeuses  [retiariœ)y 
\es  Jîlandières  Çtejctojiœ)  ,  les  tapissières  (^vestiarice) ,  les 
^.  loups  (lupi^,  les  phalaiîges  ou  sauteuses  (^phalarigia^,  les 
^.  crabes  (^cancroides)  ^  et  les  ^.  aquatiques  Çaquaticœ^. 
Olivier  y  a  ajouté  celle  des  mineuses  (voyez  mygale)-^  mais, 
jusqu'à  M.  Walckenaer,  le  genre  des  araignées  avait  conservé 
son  étendue  primitive.  Il  commença  par  en  détacher  celui  de 
mygale.  Je  publiai,  peu  de  temps  après,  l'ébauche  d'un  tra- 
vail plus  général;  et  profitant,  plus  tard  ,  d'un  autre  du  même 
savant,  inséré  dans  sa  Faune  parisienne ,'^e,  perfeciionnai  ma 
distribution  ,  et  j'y  établis  la  plupart  des  genres  admis  aujour- 
d'hui {Nouv.  Dict.  d'Hist.  nat.).  Quoique  chargé  d'une  par- 
tie de  l'administration  du  plus  grand  et  du  plus  important 
département  de  la  France  ,  nonobstant  des  entreprises  litté- 
raires d'une  nature  très  différente,  M.  Walckenaer  n'a  cessé 
de  poursuivre  son  sujet  favori,  et  les  naturalistes  attendent 
avec  impatience  la  publication  du  grand  ouvrage  où  il  réunira 


503t        ARACHNIDES.   PREMIKR    ORDRE.    PUIMONAIRES. 

toutes  les  connaissances  que  lui  ont  procurées  sur  ce  sujet  ses 
nombreuses  et  laborieuses  investigations.  Son  tableau  des  ara- 
néides,  publié  en  i8o5,  peut  momentanément  suffire  quant 
à  ces  coupes  génériques ,  leurs  divisions  et  la  synonymie  des 
espèces.  S'éclairant  du  flambeau  de  l'anatomie ,  M.  Léon  Du- 
four  a  poàé  les  premières  bases  d'une  distribution  naturelle^ 
on  lui  est  redevable  de  la  distinction  des  aranéides  en  deux 
sections  principales,  celles  qui  ont  quatre  poumons  et  celles 
qui  n'en  ont  que  deux.  Observant,  en  outre,  les  caractères 
extérieurs  et  les  habitudes  de  ces  animaux,  il  a  augmenté  le 
catalogue  des  espèces  par  la  description  de  celles  qu'il  avait 
recueillies  en  Espagne,  et  qui  étaient  inédites, 

PREMIÈRE  TRIBU. 
TÉTRAPNEUMONES    {TETRAPNEUMONES). 

C'est  à  ce  savant  que  nous  sommes  redevables  de  l'éta- 
blissement de  cette  division  naturelle.  On  avait  bien,  il  est 
vrai,  remarqué  que  les  mygales  différaient  des  autres  ara- 
néides ,  en  ce  qu'elles  avaient  quatre  spiracules  ou  ouvertures 
stigmatiformes  donnant  dans  pareille  quantité  de  sacs  pneu- 
mo-branchiaux  ,  mais  on  n'avait  point  déterminé  quelles  sont 
les  autres  aranéides  offrant  les  mêmes  caractères,  et  c'est  ce 
qu'il  a  fait. 

La  tribu  des  létrapneumoues  comprend  les  aranéides 
théraphoses  de  M.  Walckenaer  et  sa  division  des  araignées 
claustralicoles  (genre  dysdère).  Sans  m'ètre  livré  à  des  re- 
cherches anatomiques,  je  n'en  avais  pas  moins  saisi  ces  rap- 
ports naturels-,  car  la  série  générique  que  j'avais  proposée 
dans  mon  ouvrage  intitulé  Considérations  générales  sur  la 
classe  des  Crustacés,  n'a  éprouvé  d'autre  changement  que  le 
transport  du  genre  ségestrie  après  celui  de  filistate ,  tandis  que 
dans  la  disposition  méthodique  du  naturaliste  précédent ,  ces 
deux  genres  sont  placés  à  une  assez  grande  distance  des  thé- 
raphoses. Le  dernier  et  celui  de  dysdère  se  rapprochant  de 
plusieurs  arachnides  de  la  seconde  tribu  par  l'organisation 


DEUXIÈME    FAMILLE.    ARAJN'ÉIDLS.  5o3 

buccale,  les  yeux  et  le  nombre  des  filières,  la  distinction  des 
deux  tribus  repose  uniquement  sur  le  nombre  des  branchies 
et  de  leurs  ouvertures.  Si  l'on  voulait  conserver  la  division 
des  théraphoses  dans  son  intégrité  primitive ,  il  faudrait  ne 
point  faire  usage  de   ces  considérations,  et  mettre  simple- 
ment en  tête  de   la   division   suivante  ces  deux  genres.  Un 
autre  trait  dislinctif  des  aranéides  de  cette  tribu,  qu'on  n'avait 
pas  observé,  et  qui  ne  se  retrouve  que  dans  les  ségestries,  genre 
de  l'autre  tribu  ,  nous  est  fourni  par  les  palpes  des  mâles.  Les 
organes  censés  copulateurs  sont  de  la  plus  grande  simplicité ,  ne 
consistant  qu'en  un  corps  écailleux  plus  ou  moins  ovoïde  ou 
globuleux,  toujours  extérieur,  rétréci  et  terminé  en  pointe, 
se  rejetant  en  arrière,  de  manière  à  s'appuyer  sur  l'article 
précédent.  Sous  ce  rapport ,  les  ségestries  ressemblent  beau- 
coup aux  grandes  mygales ,  et  lient  ainsi  les  théraphoses  avec 
les  clubiones ,  les  drasses,  etc. 

Les  aranéides  tétrapneumones  ont,  comme  beaucoup  d'au- 
tres de  la  tribu  suivante,  trois  crochets  au  bout  des  tarses, 
dont  les  deux  supérieurs  et  constans  sont  cependant  peu  ou 
point  dentelés.  La  quatrième  paire  de  pieds,  et  ensuite  la 
première,  sont  les  plus  longues. 

Les  théraphoses  formaient ,  dans  la  première  édition  du 
Règne  animal  de  M.  Cuvier,  la  première  section  des  arach- 
nides fileuses ,  celle  des  territbles.  Elles  composeront  aussi  la 
première  division  de  la  tribu  des  tétrapneumones,  et  que  nous 
signalerons  de  la  même  manière.  Crochets  des  organes  appelés 
mandibules,  ou  des  chélicères ,  fléchis  en  dessous  ou  sur  leur 
coté  inférieur-,  quatre  filières,  deux  grandes  et  deux  petites. 
Ce  dernier  caractère,  que  personne  n'avait  employé  avant  moi , 
suffirait  seul.  Je  remarquerai ,  à  cet  égard ,  que  les  deux  petites 
filières  sont  presque  placées  entre  les  deux  autres  ,  mais  cepen- 
dant un  peu  plus  en  avant  ou  plus  rapprochées  de  la  base  du 
ventre,  et  que  les  deux  extérieures  ou  les  plus  grandes,  et 
composées  de  trois  articles ,  sont  celles  que  Lyonet  nomme 
palpes  y  et  que,  ainsi  que  M.  Tréviranus,  il  ne  considère  point 
comme  des   filières    proprement  dites.  Il  paraît   cependant 


5o4       ARACHNIDES.   PREMIER    OUDRE.    PULMONAIRES. 

qu'elles  en  font  le  service  dans  la  mygale  maçonne  :  car  les 
deux  autres  étant  extrêmement  petites  et  presque  rudimen- 
taires,  ne  peuvent  être  d'aucun  usage.  La  face  supérieure  des 
chélicères  est  arquée,  et  l'interne  plane. 

Une  première  subdivision  se  composera  des  espèces  où  les 
palpes  naissent  de  l'extrémité  supérieure  des  mâchoires ,  de 
sorte  qu'ils  sont  de  six  articles,  ces  mâchoires  en  augmentant 
ainsi  le  nombre  apparent ,  ou  formant  l'article  radical  5  la 
lèvre  (i)  est  toujours  très  petite,  carrée^  le  dernier  article 
des  palpes  des  mâles  est  court  et  en  forme  de  bouton  ;  les  yeux, 
au  nombre  de  huit ,  sont  groupés  sur  une  éminence  frontale , 
trois  de  chaque  côté  ,  formant  un  triangle  renversé ,  et  dont 
les  deux  supérieurs  rapprochés  et  les  deux  autres  disposés 
transversalement  dans  l'intervalle  ;  l'extrémité  du  second  ar- 
ticle des  deux  jambes  antérieures  est ,  une  seule  espèce  con- 
nue exceptée,  armée  en  dessous  d'une  forte  épine  courbée  en 
avant  et  très  acérée  ;  le  dessous  du  dernier  article  des  palpes 
des  femelles,  et  le  plus  souvent  aussi  celui  des  tarses,  est 
garni  de  poils  courts  et  serrés  formant  une  brosse  bifide^ 
divisée  en  deux  petits  paquets  au  bout. 

Cette  subdivision  comprend  le  genre  mygale  (mjgale)  de 
M.  Walckenaer,  mais  dont  nous  avons  détaché  les  espèces 
formant  la  division  des  araignées  mineuses  d'Olivier,  ou  les 
araignées  maçonnes ,  et  qui  composent  notre  genre  cténize 
{cteniza)^  le  même  que  celui  de  némésie  [nemesia)  de  M.  Sa- 
vigny,  dont  la  publication  est  postérieure  à  la  nôtre.  Il  forme 
la  troisième  famille,  celle  des  digitigrades  mineuses,  du 
genre  mygale  de  M.  Walckenaer.  Sa  seconde  famille,  les  digi- 
tigrades inermes,  pourra ,  lorsqu'on  en  aura  observé  un  plus 
grand  nombre  d'espèces,  constituer  un  troisième  genre;  car 
ces  aranéides  s'éloignent  des  autres  mygales  en  ce  que  tous  les 


(ï)  Suivant  M.  Savigny,  cette  pièce,  qu'il  nomme  languette  sternale ,  est  pourvue 
en  dessous  d'une  concavité  correspondant  exactement  au  palais  du  labre,  et  circon- 
scrite antérieurement  par  un  rebord.  Le  milieu  de  ce  sous-palais  offre  une  arête, 
divisée  postérieurement  par  un  canal  triangulaire ,  qui  communique  avec  le  pharynx. 


deuxifml;  famille,  arakjidls. 


5o5 


tarses,  ou  quatre  au  moins,  sont  i?;aniis  d'épines  mobiles,  que 
leur  brosse  inférieure  est  moins  apparente  ou  presque  nulle,  et 
laisse  à  découvert  les  crochets  ou  griffes  du  bout.  D'autres  épi- 
nes, mais  plus  fortes,  semblables  à  celles  d'un  râteau  et  en  for- 
mant un  à  l'extrémité  supérieure  de  la  première  pièce  des  cbé- 
licères,  indiquant  des  habitudes  particulières  et  qu'on  n'avait 
pas  observées  avant  moi ,  sont  exclusivement  propres  à  ce 
genre  ;  dès-lors  celui  des  mygales  sera  signalé  par  l'absence 
de  ce  râteau. 

Nous  le  diviserons  en  deux  petites  sections,  suivant  que  les 
tarses  sont  ou  dépourvus  d'épines  et  garnis  en  dessous  d'une 
brosse  de  duvet  renfermant  à  son  extrémité  les  deux  crochets 
supérieurs,  ou  qu'ils  sont  munis  dans  toute  leur  longueur 
d'épines  mobiles  ,  simplement  velus,  sans  brosse  serrée  ,  avec 
les  deux  crochets  supérieurs  à  nu.  Quelques  espèces  de  la 
première  section  ,  telle  que  la  M.  aviculaire  [aranea  avncu- 
lana y  Lmisi .) ,  diffèrent  des  autres  par  leurs  pâtes,  propor- 
tionnellement plus  courtes  et  plus  velues.  La  brosse  des  tarses 
est  plus  fournie ,  plus  large ,  et  forme  de  chaque  côté  une 
frange  ;  leur  dernier  article ,  guère  plus  long  que  large ,  a 
presque  la  figure  d'une  palette  carrée,  arrondie  au  bout.  Dans 
les  autres  mygales  de  cette  section  ,  ces  tarses  sont  plus  grêles, 
plus  allongés  et  filiformes.  La  M.  aviculaire  est  longue  d'en- 
viron un  pouce  et  demi,  d'un  noir  plus  ou  moins  foncé,  avec 
l'extrémité  des  palpes  ,  des  pieds  et  les  poils  intérieurs  de  la 
bouche  rougeâtres.  L'organe  sexuel  des  palpes  du  mâle  est 
presque  globuleux  ,  et  se  termine  en  une  pointe  arquée  et 
très  aiguë.  L'habitation  de  cette  mygale  est  formée  d'une 
toile  blanche,  serrée,  demi- transparente ,  semblable  à  de  la 
mousseline,  dont  la  longueur  est,  du  moins  quelquefois,  étant 
développée,  de  deux  décimètres  sur  six  de  large.  Elle  la  con- 
tourne en  forme  de  tube  ,  rétréci  à  son  extrémité  posté- 
rieure,  la  fixe  entre  des  feuilles  ou  dans  des  cavités,  et  s'y 
tient  à  l'affût  de  sa  proie.  On  prétend  qu'elle  saisit  jusqu'à  des 
colibris  ou  des  oiseaux-mouches.  Son  cocon  ,  composé  d'une 
soie  analogue  et  formé  de  trois  couches,  a  la  figure  et  la  grandeur 


5o6       AHACHNIDES.  PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

d'une  grosse  noix.  On  trouve  à  Cayenne  une  mygale  beaucoup 
plus  grande  [M.  de  Leblond)  ,  et  dont  l'organe  génital  mâle 
est  creusé  à  sa  pointe  en  manière  de  cure-oreille.  Le  Brésil , 
les  Antilles,  le  Cap  de  Bonne-Espérance  et  les  Grandes-Indes 
en  fournissent  d'autres,  et  qui,  parmi  celles  que  j'ai  vues, 
m'ont  paru  appartenir  à  la  division  des  mygales  dont  les  tarses, 
garnis  de  brosse  en  dessous,  sont  étroits,  allongés,  avec  le 
premier  article  au  moins  fort  long.  Suivant  M.  Walckenaer, 
les  griffes  n'offrent  point  de  dentelures  en  dessous ,  tandis 
que  celles  de  la  M.  calpéienne  sont  sensiblement  pectinées. 
Ici ,  d'ailleurs,  les  tarses  sont  épineux ,  caractère  dont  ne  parle 
point  ce  savant,  mais  que  j'ai  observé  dans  un  individu  fe- 
melle que  m'a  donné  mon  ami  M.  Léon  Dufour.  Les  colons 
français  des  Antilles  désignent  les  mygales  sous  le  nom  à' arai- 
gnées ~  crabes -^  leurs  piqûres  passent  pour  être  très  dange- 
reuses. Nous  n'avons  point  en  France  d'espèce  de  ce  genre 
ou  de  ces  divisions ,  en  supposant  qu'on  en  sépare  celui  de 
CTÉNïZE  (cteniza)^  qui  se  distingue  du  précédent,  comme  nous 
l'avons  dit  plus  haut,  par  une  suite  de  dents  cornées,  mobiles, 
aiguës ,  avancées ,  formant  une  sorte  de  râteau  ,  et  situées  à 
l'extrémité  supérieure  du  premier  article  de  leurs  chélicères; 
mais  nous  possédons  deux  espèces  de  cette  dernière  coupe.  La 
plus  anciennement  connue  est  Varaigjiée  maçonne  de  l'abbé 
Sauvages,  etquiaétédepuisl'objetdesrechercbes  particulières 
de  quelques  autres  naturalistes  ,  et  parmi  lesquels  nous  cite- 
rons plus  spécialement  M.  Léon  Dufour.  On  avait  dit  que  les 
crochets  des  tarses  n'avaient  point  de  dentelures  sensibles ,  et 
il  a  reconnu  qu'il  y  en  avait  deux  rangées,  et  en  plus  grand 
nombre  dans  le  mâle  que  dans  la  femelle ,  et  que  dans  ce  der- 
nier individu  il  existait  en  outre  une  sorte  d'ergot  à  la  base 
de  ces  crochets.  Le  mâle   diffère  aussi  par  ses  pâtes   plus 
longues,  et  par  ses  filières  plus  courtes;  j'en  avais  fait  une 
espèce  sous  le  nom  de  cardeuse.  M.  Savigny  dit,  au  sujet  de 
la  némésie  cellicole,  que  les  ongles  supérieurs  des  tarses  du 
mâle  sont  pectines  sur  deux  rangs ,  et  que  ceux  de  la  femelle 
sont  bidentés  à  leur  base.  Il  est  certain  que  dans  la  cténize 


DEUXIÈME    FAMILLE.    ARANÉlDES.  Bo'J 

maçonne  i'emelle  ces  dentelures  sont  peu  nombreuses  et  si- 
tuées vers  la  base,  tandis  que  l'autre  sexe  en  offre  sensiblement 
une  plus  grande  quantité  et  disposées  tout  le  long  du  dessous 
de  ces  crochets.  Ce  savant  remarque  que  les  quatre  filières  de 
la  même  némésie  sont  peu  saillantes,  et  que  les  deux  anté- 
rieures sont  infiniment  plus  petites  que  les  postérieures.  C'est 
aussi  ce  que  l'on  observe  dans  la  C.  maçonne,  et  qui  contribue 
à  la  distinguer  de  la  seconde  espèce  indigène.  La  femelle  , 
longue  d'environ  huit  lignes,  est  d'un  roussâtre  tirant  sur  le 
brun,  avec  l'abdomen  d'un  gris  de  souris,  et  marqué  de  pe- 
tites taches  plus  foncées.  Les  chélicères  sont  noirâtres,  et  leur 
râteau  se  compose  de  cinq  dents  ,  dont  l'interne  plus  courte. 
L'organe  copulateur  des  mâles  est  presque  globuleux  ,  porté  , 
à  ce  qu'il  m'a  paru ,  sur  un  pédicule  très  court  (i)  et  terminé 
en  une  pointe,  dont  l'extrémité  est  bifide.  L'autre  espèce  de 
cténize,  la  pionnière  (M.fodiens,  Walck.),  a  été  décrite  par 
Rossi,  sous  les  noms  à' araignée  de  Sauwages.  Elle  est  beau- 
coup plus  grande  que  la  précédente ,  d'un  brun  roussâtre 
clair,  avec  les  chélicères  plus  fortes ,  un  plus  grand  nombre 
d'épines  à  leur  râteau ,  et  deux  rangées  de  dents  sous  le  des- 
sous du  premier  article.  Les  quatre  tarses  antérieurs  de  la 
femelle,  les  seuls  individus  que  j'aie  vus,  sont  épineux.  Les 
filières  postérieures  ou  les  plus  longues  sont  très  saillantes. 
Cette  espèce  habite  la  Corse  et  la  Toscane. 

Les  cténizes  se  creusent,  dans  les  lieux  secs  et  montueux, 
exposés  au  midi ,  des  galeries  souterraines ,  en  forme  de 
boyaux,  ayant  souvent  deux  pieds  de  profondeur,  et  tellement 
courbes,  qu'on  a  souvent  de  la  peine  à  les  suivre  jusqu'au 
bout.  Un  tube  soyeux  en  revêt  l'intérieur-,  son  entrée  est  fer- 
mée au  moyen  d'un  opercule  circulaire,  composé  de  terre  et 
de  soie ,  mobile ,  fixé  supérieurement  par  une  charnière ,  par- 


(\)  Il  est  triarticulé  dans  la  némésie  cellicnle  de  M.  Savi^ny.  II  m'a  paru  qti£-4att9    -^ 
quelques  espèces  ,  l'un  de  ses  côtés  offrait  un  espace  circulaire  euvlronu«<j^&  ^î\j:tiet,/^ 
plus  molles,  et  susceptible  probablement  de  s'élever  et  de  s'abai&ser  j/TedtNiDi'n^npr^ 
d  opercule.  /Q>/0        ^-^*r  ^<N 


^^l/J 


5o8        ARACHNIDES.   PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

faitement  adapté  à  l'ouverture  de  la  galerie  et  à  son  inclinai- 
son ,  de  manière  que ,  d'après  cette  disposition  et  l'effet  de 
son  poids ,  il  ferme  de  lui-même  l'entrée  de  l'habitation ,  et 
qu'alors  on  a  de  la  peine  à  distinguer  cette  trappe  du  terrain 
environnant.  Sa  face  intérieure  est  recouverte  d'une  couche 
soyeuse ,  à  laquelle  l'animal  s'accroche  pour  tirer  la  porte  à 
lui,  lorsqu'on  veut  ouvrir  sa  retraite.  Pour  que  les  insectes 
dont  il  fait  sa  proie  puissent  s'y  introduire,  elle  entre-bàille  la 
porte.  Si  on  le  surprend  en  pratiquant  une  ouverture  par- 
dessus ,  il  est  tout  stupéfait ,  et  se  laisse  prendre  sans  rési- 
stance. On  voit  dans  la  galerie  du  Muséum  d'Histoire  naturelle 
un  petit  bloc  de  terre  ayant,  sur  l'une  de  ses  faces,  quatre 
nids  de  cténize,  disposés  en  un  quadrilatère  régulier,  ce  qui 
nous  autorise  à  présumer  que  ces  animaux  vivent  en  bons  voi- 
sins, ou  sans  se  dévorer  les  uns  les  autres.  M.  Léon  Dufour, 
ayant  constamment  trouvé  les  mâles  sous  des  pierres,  pense 
qu'ils  ne  creusent  point  de  galeries  :  mais  à  quoi  serviraient 
alors  et  le  râteau  des  chélicères ,  et  les  dentelures  des  crochets 
des  tarses,  qui  sont  même  plus  nombreuses  que  celles  des 
femelles  ?  Ce  qui  semblerait  néanmoins  confirmer  l'opinion 
de  ce  savant,  c'est  qu'il  ne  s'est  pas  trouvé  un  seul  mâle  dans 
un  grand  nombre  d'individus  qui  m'ont  été  envoyés  de  Mont- 
pellier, par  M.  Isidore  Dumas ,  qui  se  livre  avec  beaucoup  de 
zèle  à  l'étude  de  l'entomologie,  et  qui  avait  probablement 
retiré  ces  animaux  de  leurs  retraites  habituelles.  Brown ,  dans 
son  Histoire  naturelle  de  la  Jamaïque ,  avait  figuré  depuis 
long-temps  le  nid  d'une  cténize  propre  à  cette  île ,  ainsi  que 
l'espèce  (^A,  nidulans)  qui  le  construit.  Elle  y  porte  le  nom 
de  tarentule ,  comme  cela  est  indiqué  dans  un  envoi  de  ce 
nid  fait  par  M.  With,  anglais,  à  M.  Royer,  secrétaire  de  l'ad-- 
ministration  du  Jardin  des  Plantes,  et  qui  a  eu  la  bonté  de  me 
le  donner.  D'après  la  couleur  de  ce  nid,  il  paraîtrait  que 
l'animal  l'avait  établi  dans  un  terrain  ferrugineux.  Il  a  une 
forme  cylindrique ,  ou  celle  d'un  boyau  ,  et  sa  longueur  est 
d'environ  huit  pouces. 

M»  Victor  Audouin  a  communiqué  dernièrement  à  l'Aca- 


DEUXIÈME    FAMILLE.    ARANÉIDES.  SoQ 

demie  des  Sciences  quelques  nouvelles  recherches  sur  la  con- 
struction du  nid  des  cténizcs  indigènes. 

Dans  la  seconde  édition  du  Règne  animal  de  M.  le  baron 
Cuvier,  j'ai  parlé  d'une  mygale  apportée  de  Sicile  par  M.  Le- 
fèvre,  dont  le  mâ'e  diffère  des  autres  du  même  genre,  ou  de 
celui  de  clénize  ,  par  l'absence  de  ce  fort  éperon  que  l'on  voit 
ici  au-dessous  de  l'extrémité  des  deux  jambes  antérieures. 
Dans  l'espèce  dont  il  s'agit,  toutes  les  jambes  et  le  premier 
article  des  quatre  tarses  postérieurs  sont  armés  d'épines  ou  de 
piquans  allongés  et  mobiles.  Le  dernier  article  de  ces  tarses 
et  les  deux  des  quatre  antérieurs  m'ont  paru  en  être  dépour- 
vus,  ou  s'ils  en  ont,  ils  sont  peu  sensibles,  et  leur  dessous 
paraît  avoir  plus  de  duvet  que  les  autres  cténizes,  genre  au- 
quel cette  espèce  paraît  appartenir,  l'extrémité  supérieure  de 
la  première  pièce  de  leurs  chéllcères  étant  munie  de  petites 
dents.  La  pointe  de  l'organe  copulateur  de  ces  individus  est 
indivise ,  et  l'intervalle  compris  entre  les  deux  premières 
branchies  s'élève  d'une  manière  notable,  en  forme  de  pyra- 
mide. L'éminence  portant  les  yeux  est  moins  haute  ,  et  les 
quatre  yeux  antérieurs,  tous  ronds,  sont  presque  sur  une  ligne 
droite;  le  corps  est  entièrement  d'un  brun  foncé.  Je  nomme- 
rai cette  espèce  C.  sicilienjve  (sicula) ,  et  elle  formera  ainsi 
une  division  particulière,  qui  unit  ce  genre  avec  celui  de 
mygale. 

Nous  passons  maintenant  aux  aranéides  pulmonaires,  dont 
les  palpes,  étant  insérés  sur  le  côté  extérieur  des  mâchoires, 
n'offrent  que  cinq  articles,  et  où  ces  coxo-maxilles  ressemblent 
à  de  véritables  mâchoires.  Ce  caractère  sera  désormais  com- 
mun à  tous  les  animaux  de  cette  famille.  Nous  ferons  seule- 
ment remarquer  que  dans  ces  arachnides  pulmonaires,  elles  ne 
présentent  extérieurement  au  moins  aucune  trace  d'articula- 
tion ,  ou  que  la  portion  apicale  ne  forme  point  de  lobe  maxil- 
liforme  distinct  de  la  portion  basilaire.  Si  l'on  en  excepte  les 
filistates,  les  mâchoires  sont  droites,  élevées,  et  vont  en  se 
rétrécissant  pour  se  terminer  en  pointe,  de  sorte  qu'elles  sont 
presque  triangulaires,  avec  une  dilatation  latérale  en  forme 


orO       ARACHNIDES.  PîlEMIEU    ORDRE.    PULMONAIRES. 

d'oreillette,  servant  d'insertion  aux  palpes.  Le  dernier  article 
de  ces  palpes  est  plus  ou  moins  ovalaire  ou  ovoïde  dans  les 
deux  sexes ,  et  se  prolonge  dans  les  mâles  au-delà  de  l'origine 
des  organes  copulateurs,  en  se  rétrécissant  et  se  terminant  en 
pointe.  i. 

Deux  genres,  ceux  d'alype  {oletère,  Walck.)  et  d'ériodon 
(missulène,  Walck.),  composent  cette  dernière  division  des 
ihéraphoses  ou  des  arachnides  pulmonaires,  à  quatre  filières, 
et  à  crochet  des  chélicères  replié  sur  la  tranche  inférieure  de 
leur  première  pièce  ,  et  non  sur  leur  côté  intérieur  ou  dans 
leur  entre-deux.  Les  yeux  sont  toujours  au  nombre  de  huit, 
mais  beaucoup  plus  écartés  entre  eux  dans  le  dernier  genre. 
Le  céphalothorax  est  proportionnellement  plus  court,  presque 
en  forme  de  quadrilatère,   plus  large  et  s'élevanl  brusque- 
ment à  son  extrémité  antérieure,  tandis  que,  dans  les  genres 
précédens ,  il  est  presque  ovale  ,   ou  en   carré  arrondi  aux 
angles,  et  peu  élevé.  Les  pâtes  n'ont  point  d'épines  notables, 
et  leurs  tarses  sont  dépourvus  de  brosses.  Les  mâles  des  atypes, 
les  seuls  que  nous  connaissions ,  n'ont  point  d'ergot  à  leurs 
jambes  antérieures. 

Dans  le  premier  genre,  celui  d'ATVPE  {atjpus)  ^  les  yeux 
sont  rapprochés  et  groupés,  comme  dans  les  précédens,  mais 
sur  un  espace  un  peu  étendu  dans  le  sens  de  la  largeur;  les 
quatre  postérieurs  sont,  relativement  aux  mêmes  des  mygales, 
plus  petits  \  la  lèvre  est  pareillement  très  petite ,  mais  trian- 
gulaire, et  point  sensiblement  distinguée  du  sternum  par  une 
séparation  transverse ,  de  sorte  qu'elle  en  est  un  simple  pro- 
longement, se  rétrécissant  vers  son  extrémité.  L'organe  géni- 
tal du  mâle  produit  latéralement  un  appendice  demi-transpa- 
rent, en  forme  d'écaillé,  dont  l'extrémité  se  dilate  et  se  ter- 
mine par  deux  dents  inégales ,  dont  l'antérieure  portant  un 
petit  cirrhe  ou  soie  roide. 

L'atype  de  Sulzfr  (^yi.  Sulzeri,  Lat.;  aranea  picea,  Sulz.; 
oletère  atjpe ,  Walck.)  est  noirâtre,  avec  le  dernier  article 
des  tarses  d'un  brun  rougeâlre.  On  observe,  sur  le  contour 
du  plastron  pectoral ,   des  impressions  stigmatiformes.  Elle 


DEUXIEME    FAMILLE.    AllAN^IDES.  5ll 

creuse,  dans  les  terrains  en  pente  et  couverts  de  gazon ,  une 
galerie  cylindrique,  longue  de  sept  à  huit  pouces,  inclinée 
vers  le  bout  opposé  à  l'ouverture ,  et  en  revêt  les  parois  d'une 
soie  blanche,  composant  aussi  un  tuyau  de  forme  et  de  pro- 
portions analogues.  Elle  fixe  son  cocon  au  fond  de  cette  re- 
traite ,  avec  de  la  soie  et  par  les  deux  bouts. 

L'Amérique  septentrionale  fournit  quelques  autres  espèces. 
Les  yeux  du  genre  ériodon  {eriodon)  s'étendent ,  mais  for- 
mant toujours  réunis,  comme  dans  les  autres  théraphoses , 
une  sorte  de  croix  de  saint  André ,  sur  toute  la  largeur  anté- 
rieure du  céphalothorax.  La  lèvre,  bien  distincte  du  sternum 
par  une  section  segmentaire  composant  une  espèce  de  support, 
a  la  figure  d'un  parallélipipède  très  étroit. 

J'avais  établi,  antérieurement  à  M.  Walckenaer,  ce  genre 
sur  une  espèce  {occatorius)  faisant  partie  de  la  collection  du 
Muséum  d'Histoire  naturelle ,  et  apportée  de  la  Nouvelle- 
Hollande  par  Pérou  et  M.  Lesueur.  M.  Guérin  en  a  donné 
une  bonne  figure,  la  seule  que  l'on  puisse  citer,  dans  le  pre- 
mier cahier  de  son  Iconographie  du  Règne  animal.  La  même 
planche  offre  aussi  d'autres  espèces  d'aranéides. 

I  Ici  se  termine  la  division  des  aranéides  théraphoses  de 
M.  Walckenaer,  et  viennent  naturellement  après  elles,  sous 
le  rapport  du  nombre  des  organes  respiratoires,  des  aranéides 
qui ,  par  tous  les  autres  caractères ,  ressemblent  aux  espèces 

i  n'offrant  que  deux  stigmates  et  deux  cavités  pulmonaires.  Le 
premier  article,  pièce  principale  de  leurs  chélicères ,  est 
plus  ou  moins  cylindrique  ,  rétréci  insensiblement  vers  le 

■'  bout,  ou  en  forme  de  cône  tronqué,  sans  arqûre  dorsale^ 
et  le  second  ou  dernier,  c'est-à-dire  le  crochet  ou  la  griffe, 
se  replie  sur  la  face  interne  du  précédent,  en  se  dirigeant 
obliquement.  Les  appendices  de  l'anus  sont  au  nombre  de 
six(i),  fort  courts ,  rassemblés  en  faisceau,  et  dont  quatre, 
et  les  plus  courts ,  composent  exclusivement  les  filières.  Leâ 


(i)  N'ayant  que  deux  individus  desséchés  de  filistates ,  je  n'ai  pu  vérifier,  à  leuv- 
égard  ,  le  nombre  de  ces  appendices. 


5l2        ARACHNIDES.  PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

palpfis  sont  toujours  insérés  au  côté  extérieur  des  mâchoires. 
Plusieurs  n'ont  que  six  yeux.  Ces  aranéides  mixtes,  ou  faisant  » 
le  passage  d'une  tribu  à  l'autre,  ont  les  habitudes  des  séges- 
tries,  des  drasses,  des  clubiones  ,  ou  se  fabriquent  sous  les 
pierres,  dans  des  cavités  qu'elles  trouvent  à  leur  disposition  , 
des  tubes  soyeux,  leur  servant  de  domicile  et  où  elles  placent 
aussi  leurs  cocons.  Elles  paraissent,  en  général,  fuir  la  lu- 
mière ,  ou  se  plaire  dans  des  retraites  cachées.  Nous  rappor- 
terons à  cette  seconde  division  des  tétrapneumones  les  genres 
filistate  et  dysdère  ,  qui  nous  sont  propres,  (i) 

Huit  yeux  groupés  sur  une  élévation  antérieure  du  cépha- 
lothorax -,  crochets  des  chélicères  très  petits  ^  mâchoires  ar- 
quées au  côté  extérieur,  convergentes  et  contiguës  à  leur  ex- 
trémité supérieure,  cinîrant  une  lèvre  en  demi-ovale,  ou 
presque  triangulaire,  dont  la  base  présente  l'apparence  d'un 
article  ou  d'un  pédicule ,  à  raison  de  deux  impressions  trans- 
verses, peu  marquées  dans  l'espèce  exotique,  caractérisent  le 
genre  filistate  (filistata)  (2),  dont  nous  connaissons  trois 
espèces,  deux  de  l'Europe  méridionale  et  la  troisième  de  la 
Guad(4oupe.  Les  pâtes  du  mâle  de  celle-ci  sont  évidemment 
plus  longues  et  plus  grêles  que  celles  de  la  femelle.  MM.  Walc- 
kenaer  et  Léon  Dufour  ont  décrit  les  deux  autres. 

Le  dernier  genre,  celui  de  dysdère  {dysdera)  ^  ne  nous 
offre  que  six  yeux ,  disposés  en  une  courbe,  en  forme  de  fer  à 
cheval,  avec  l'ouverture  en  avant.  Les  mâchoires,  très  dila- 
tées vers  le  bas  de  leur  côté  externe ,  sont  droites ,  vont  en 
se  rétrécissant ,  et  sont  tronquées  obliquement  à  leur  extré- 
mité interne.  La  lèvre  est  en  carré  long,  et  un  peu  échancrée 


(1)  L'extrémité  des  tarses  n'offre  que  deux  crochets,  qui,  dans  les  filistates , 
sont  cachés  par  des  poils  nombreux.  Ces  poils  forment  dans  les  dysdères  deux  fais- 
ceaux avancés  au-dessous  des  deux  crochets. 

(2)  M.  Savigny  s'était  proposé  d'établir  la  même  coupe,  et  sous  le  nom  de  syn- 
chelis ,  d'après  une  espèce  qu'il  avait  trouvée  à  Malte;  il  remarque  que,  de  même 
que  dans  les  clotho ,  les  pholcus ,  les  forclpules  se  prolongent  en  racine  à  leur  base, 
et  qu  elles  sout  réunies  vers  leur  milieu,  par  un  couuectif ,  qui  les  rend  peu  propres 
à  s'élever. 


DEUXIEME    FAMILLE.    ARANÉIDES.  5l3 

au  sommet.  L'espèce  sur  laquelle  j'ai  établi  ce  genre  est 
^'aranea  rujîpes  de  Fabricius,  et  qu'il  dit  habiter  l'île  de  Ma- 
dère :  mais  on  la  trouve  aussi  aux  environs  de  Paris,  et  j'ai 
vérifié  l'identité  spécifique  d'après  des  individus  pris  dans 
cette  île.  M.Dufour  en  a  décrit  une  seconde  espèce  (^pan^ulà), 
trouvée  par  lui  en  Espagne. 

DEUXIÈME  TRIBU. 
DIPNEUMONES    {DIPNEUMODES). 

Ces  aranéides  n'ont  que  deux  sacs  pulmonaires,  avec  une 
ouverture  extérieure  pour  chaque,  et  situés,  un  de  chaque 
coté ,  à  la  base  du  ventre.  Le  crochet  des  chélicères  est  tou- 
jours replié  sur  la  face  interne  de  la  pièce  avec  laquelle  il 
s'articule.  Les  appendices  articulés  de  l'anus  ,  dont  quatre 
composent  les  filières  propres ,  sont  au  nombre  de  six.  La  lan- 
guette est  toujours  saillante  entre  les  coxo-maxilles,  qui  por- 
tent sur  leur  côté  extérieur  les  palpes-,  ces  derniers  organes 
sont  divisés  en  cinq  articles.  Si  l'on  en  excepte  les  ségestries, 
l'organe  copulateur  des  mâles  est  très  compliqué  ,  et  logé  ,  du 
moins  en  partie,  dans  une  cavité  interne  du  dernier  article. 
La  disposition  des  yeux  et  les  habitudes  sont  très  diversifiées, 
ce  qui  donne  le  moyen  de  partager  cette  tribu  en  plusieurs 
coupes  très  naturelles. 

Nous  en  formerons  d'abord  une  avec  les  espèces  qui  our- 
dissent des  toiles ,  tantôt  tubulaires  ou  étendues,  à  tissu  serré, 
tantôt  à  mailles  ou  à  jour,  réticulées,  et  offrant  des  cercles  con- 
centriques coupés  par  des  rayons-,  ces  toiles  servent  de  pièges, 
au  centre  ou  près  des  bords  desquelles  elles  se  tiennent  immo- 
biles pour  courir  sur  leur  proie  ,  lorsqu'elle  y  est  prise  ,  et  la 
garrotter  ensuite  avec  des  fils  de  soie,  si  elle  n'a  pas  assez  de 
force  pour  se  dégager.  C'est  là  aussi  qu'elles  construisent  et 
déposent  leur  cocon.  Dans  les  unes,  la  première  et  la  dernière 
paire  de  pieds ,  ou  vice  versa,  sont  les  plus  longues  de  toutes  ^ 
dans  les  autres,  c'est  la  première,  et  la  seconde  ensuite.  La 

3-^ 


5l/|        A?.ArTINTDES.   PREMIER    ORDRE.     PULMONAIRES. 

marche  est  toujours  rectlgrade  et  en  avant.  Quelques  unes 
n'ont  que  six  yeux  ;  dans  celles  qui  en  ont  huit ,  ils  n'occu- 
pent que  le  devant  du  céphalothorax,  ou  la  largeur  du  front, 
où  ils  sont  disposés,  soit  quatre  par  quatre,  sur  deux  lignes 
presque  parallèles,  ou  un  peu  courbes  et  concentriques;  soit 
en  trois  groupes ,  trois  à  chacun  des  latéraux ,  et  deux  au 
milieu.  La  plupart  ont  trois  crochets  au  bout  des  tarses. 

Nous  commencerons  par  celles  qui  font  des  toiles  serrées, 
soit  tubulaires,  soit  en  forme  d'entonnoirs  ou  de  tapis.  Elles 
s'y  tiennent  cachées  à  l'afFut  de  leur  proie ,  en  portant  eu 
avant  leurs  pâtes  antérieures,  qui,  de  même  que  les  autres, 
sont  généralement  robustes.  Les  filières  sont  rapprochées  en 
un  petit  faisceau  saillant,  presque  cylindrique,  et  non  très 
courtes  et  disposées  en  manière  de  rosette ,  comme  le  sont 
celles  des  aranéides  de  cette  tribu  faisant  des  toiles  à  réseau. 
Nous  distinguerons  ces  aranéides  par  l'épithète  de  tubitèles. 

Quelques  unes  diffèrent  des  suivantes  par  le  nombre  des 
yeux  ,  qui  n'est  que  de  six. 

Les  mâchoires  sont  droites  ou  ne  se  courbent  point  sur  la 
lèvre,  qui  est  plus  longue  que  large.  La  seconde  paire  de  pieds 
et  ensuite  la  première  sont  les  plus  longues  dans  les  mâles; 
c'est  l'inverse  dans  les  femelles.  Le  crochet  impair  est  den- 
telé à  sa  base ,  et  placé  entre  deux  petits  faisceaux  de  soies. 

Ces  aranéides  se  logent  dans  les  fentes  des  vieux  murs  , 
et  y  font  des  tubes  soyeux,  cylindriques  et  allongés  ,  où  elles 
se  tiennent.  Des  fils  divergens  en  bordent  entièrement  l'en- 
trée en  manière  de  peti-te  toile  appliquée  sur  le  mur ,  et  qui 
arrête  souvent  les  petits  insectes. 

Ces  espèces  sénoculées  forment  deux  genres.  Celui  d'ARiADNE 
[ariadne)  de  M.  Savigny,  où  les  crochets  des  chélicères  sont 
1res  petits  et  où  les  yeux ,  ainsi  que  ceux  des  dysdères  ,  sont 
disposés  ainsi  :  quatre  en  arrière  sur  une  ligne  transverse,  et 
les  deux  autres  sur  une  ligne  antérieure  ,  écartés  et  situés  en 
devant  des  deux  externes  précédens.  L'ariadne  artificieuse 
{insidiatrix)^  la  seule  espèce  connue,  se  trouve  à  Alexandrie 
en  Egypte,  où  elle  habite  l'intérieur  des  maisons.   [Descrip- 


DEUXIÈME    FAMILLE.    ARANÉIDES.  5x5 

tîon  de  r Egypte,  Atlas  de  Zool. ,  Arachn. ,  pi.  I,'  fig.  3.) 
Le  genre  ségestrie  (segeslria ^  Latr.  )  nous  présente  une 
disposition  des  yeux  tout  opposée  ^  quatre  d'entre  eux  sont 
en  avant  sur  une  ligne  transverse  ,  et  les  deux  autres  en  ar- 
rière des  deux  du  bout  de  cette  ligne.  Les  crochets  des  man- 
dibules sont  d'ailleurs  de  grandeur  ordinaire. 

On  trouve  très  communément  en  France  la  S.  perfide 
(perjida).  Elle  est  assez  grande,  noire,  avec  les  chélicères 
vertes.  Rossi  l'avait  figurée  sous  le  nom  à'  aranea  florentin  a  ; 
elle  l'a  été  aussi ,  avec  plus  de  détails ,  par  M.  Savigny.  L'or- 
gane du  mâle ,  présumé  copulateur  ,  est  en  forme  de  larme 
ou  ovoido-conique ,  très  aigu  au  bout ,  saillant  et  rouge. 
M.  Lefèvre  m'a  donné  une  aranéide  prise  à  Buénos-Ayres, 
qui  ne  me  paraît  pas  en  différer  spécifiquement. 

Uaranea  senoculata  de  divers  autres  est  congénère. 

Nous  passons  maintenant  aux  tubitèles  octoculés,  ou  offrant 
huit  yeux  distincts.  Les  unes  ont  les  mâchoires  droites  ,  écar- 
tées et  plutôt  élargies  et  arrondies  vers  leur  extrémité  su- 
périeure que  rétrécies  et  inclinées  sur  la  lèvre. 

Les  crochets  des  chélicères  sont  toujours  forts  ou  moyens. 
Dans  diverses  espèces ,  les  lignes  transverses  formées  par  les 
yeux,  ou  la  postérieure  au  moins  ,  sont  courbes-,  celle-ci  est 
toujours  un  peu  plus  longue.  La  longueur  des  pâtes  varie 
selon  les  sexes  ,  et  de  même  que  dans  les  genres  précédens, 
la  seconde  paire  est  la  plus  longue  dans  les  mâles. 

Cette  subdivision  se  composera  de  deux  genres. 

Le  premier,  celui  de  clubïone  {^clubiona,  Latr.),  dont 
les  filières  sont  presque  d'égale  longueur  ou  sans  différences 
notables  ,  et  où  les  quatre  yeux  antérieurs  sont  disposés  sur 
une  ligne  droite  ou  sans  courbure  sensible. 
'  Ces  aranéides  se  tiennent  dans  des  trous  de  soie  ,  qu'elles 
placent  sous  des  pierres ,  dans  des  fentes  de  mur ,  entre  des 
feuilles  ,  derrière  l'écorce  des  arbres,  etc.  Ceux  qui  voudront 
faire  une  étude  particulière  de  nos  espèces  en  trouveront  la 
description  la  plus  complète  dans  la  Faune  française.  La  C. 
soyeuse  et  la  C.  atroce  peuvent  être  citées  comme  des  plus 


5l6       ABACFTNfDES.  PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES* 

communes.  Suivant  M.  Savigny(i),  celle  qu'on  nomme «om;- 
rice ,  et  les  autres  de  la  même  division,  n'ont,  ainsi  que  la 
plupart  des  drasses  ,  que  les  deux  crochets  ordinaires  au 
bout  des  tarses ,  et  doivent  former  un  genre  se  plaçant  na- 
turellement près  des  sparasses  et  des  thomises.  Si  l'on  com- 
pare ces  aranëides  sous  d'autres  rapports ,  l'on  se  convaincra 
qu'on  doit  l'en  écarter,  et  que  le  caractère  tiré  du  nombre  de 
ces  crochets  est  très  artificiel ,  puisqu'il  faudrait  placer  dans 
deux  séries  des  clubiones  et  des  drasses ,  semblables  quant  à 
l'ensemble  de  l'organisation  ,  et  quant  à  la  manière  de  vivre. 
Dans  la  méthode  de  M.  Walckenaer,  il  n'existe  plus  de 
genre  d'AnAiGNÉE  [aranea  )  proprement  dit.  Il  a  pensé  plus 
tard  qu'il  fallait  le  rétablir  et  y  rapporter  l'espèce  nommée 
domestica  par  Linné.  C'est  ce  que  j'ai  fait,  mais  en  réunis- 
sant à  ce  genre  celui  d'AGELÈWE  (^agelena)  de  ce  savant,  et 
celui  d'ARACHNE(fl/<2cA/«e)  de  M.  Savigny,  ne  trouvant  pas  de 
différences  assez  grandes  entre  ces  coupes ,  qui  ne  compren- 
nent encore  d'ailleurs  que  peu  d'espèces.  Si  ces  différences 
deviennent  génériques,  il  faudra  ,  d'après  le  même  principe  , 
transformer  les  divisions  ou  petites  familles  des  clubiones  , 
des  thomises  ,  des  épéires  ,  etc.  ,  en  autant  de  genres.  Les 
araignées  se  distinguent  des  clubiones  par  leurs  filières  ,  dont 
deux  sont  très  sensiblement  plus  longues  que  les  autres ,  et 
par  la  disposition  de  leurs  yeux  formant  deux  lignes  courbes 
concentriques.  Les  tarses  sont  toujours  terminés  par  trois 
crochets,  et  l'inférieur,  d'après  M.  Savigny,  est  dentelé  à  sa 
base.  M.  Walckenaer  doit  nous  faire  connaître  dans  la  Faune 
fi^ançaise  les  habitudes  d'une  espèce  qui  ,  quoique  très  com- 


(i)  II  a  représenté  dans  la  description  de  l'Egypte,  Zool.,  pi,  V,  fig.  4-lo,  des 
espèces  de  clubiones  et  de  drasses  à  tarses  biongulés  ,  et  ayant  au  bout  des  soies  plan- 
taires. Quelques  unes  de  ces  clubiones  n'ont  point  le  côté  extérieur  des  mâchoires 
dilaté,  à  l'insertion  des  palpes,  et  paraissant  devoir  former  un  nouveau  genre,  in- 
termédiaire entre  le  précédent  et  les  drasses.  La  dernière  figure  à  gauche  me  paraît 
représenter  une  espèce  de  ce  dernier  genre ,  et  de  la  famille  des  habiles  de 
M.  Walckenaer. 


DEUXIEME    FAMILLE.     ARANEIDES.  317 

mune,  puisque  c'est  elle  qui  a  reçu  le  nom  de  domestique , 
a  été  ,  en  quelque  sorte ,  dédaignée  par  les  naturalistes  -,  mais 
cet  oubli  est  commun  à  bien  d'autres  espèces  d'animaux  que 
nous  rencontrons  à  chaque  pas. 

Ces  aranéides  construisent  dans  l'intérieur  de  nos  habita- 
tions ,  aux  angles  des  murs  ,  sur  les  plantes ,  dans  les  haies  , 
et  souvent  aux  bords  des  chemins ,  dans  la  terre  ,  le  gazon  , 
sous  les  pierres,  etc.  ,  une  grande  toile  ,  presque  horizontale  , 
ayant  un  tube  à  sa  partie  supérieure  et  où  elles  se  tiennent. 

Dans  les  autres  aranéides  lubilèles  octoculées,  les  mâchoires, 
à  commencer  au-dessus  de  l'insertion  des  palpes,  vont  en 
convergeant,  se  rétrécissent  à  leur  sommet,  entourent  la  lèvre 
ou  se  penchent  sensiblement  sur  elle. 

Nous  offrirons  d'abord  un  genre  très  singulier ,  établi  par 
M.  Savigny,  sous  le  nom  d'nERSiLiE  (îiersilia) ,  et  qui ,  par  ses 
tarses  composés  de  trois  articles  et  par  deux  de  ses  filières 
aussi  longues  que  l'abdomen  et  formant  une  sorte  de  queue  , 
se  distingue  facilement  de  toutes  les  autres  aranéides. 

Le  céphalothorax  est  grand  ,  très  aplati ,  avec  une  forte 
élévation  antérieure  portant  les  yeux  et  disposés  ainsi  :  quatre 
au  milieu  ,  dont  les  deux  premiers  plus  grands  formant  un 
carré  parfait ,  et  deux  de  chaque  côté ,  l'un  au-dessus  de  l'au- 
tre et  dont  l'inférieur  plus  petit ,  et  situés  aux  extrémités  laté- 
rales et  postérieures  de  l'éminencej  les  deux  supérieurs  du 
carré  du  milieu  et  le  supérieur  encore  des  latéraux  forment 
une  ligne  un  peu  arquée  en  avant.  Les  chélicères  sont  petites, 
coniques,  inclinées  perpendiculairement,  avec  le  crochet  très 
relevé  dans  le  repos.  Les  coxo-maxilles  convergent  et  sont 
très  inclinées  sur  la  lèvre.  Cette  lèvre  est  courte  ,  transverse  , 
arrondie  latéralement  et  légèrement  rétrécie  au  sommet. 
Les  pieds  sont  grêles,  et,  à  l'exception  des  troisièmes,  fort 
longs  ^  les  premiers,  dans  la  femelle,  les  seconds  ensuite  et  les 
quatrièmes  après  sont  successivement  plus  longs-,  les  deux  cro- 
chets supérieurs  du  bout  des  tarses  sont  bidentés  à  leur  base, 
et  l'inférieur  est  simple  5  ils  sont  accompagnés  de  soies  den- 
telées en  scie.  Les  deux  filières  caudiformes  ne  présentent. 


5l8        ARACHNfDES.   PREMIER    ORDRK.    PULMONAIRES. 

dans  leur  portion  saillante,  aucune  articulation  (i),  et  se  rap- 
prochant vers  leur  extrémité,  ressemblent  un  peu  aux  pinces 
de  divers  forficules.  La  longueur  de  ces  appendices  semble 
indiquer  que  ce  genre  avoisine  le  précédent.  Par  d'autres  ca- 
ractères ,  néanmoins  ,  il  se  rapprocherait  de  certaines  espèces 
de  philodromes. 

M.  Savigny  se  borne  à  dire  que  I'heusilie  porte-queue 
(caudata),  seule  espèce  citée  par  lui,  habite  les  environs  du 
Caire.  Le  Muséum  d'Histoire  naturelle  en  a  reçu  une  des 
Indes  orientales  qui  lui  ressemble  beaucoup  ^  mais  comme 
on  n'a  envoyé  qu'un  seul  individu  et  mal  conservé,  je  n'ai  pu 
m'assurer  s'il  formait  une  autre  espèce. 

Les  genres  que  nous  allons  maintenant  exposer  ont ,  ainsi 
que  les  autres  aranéides ,  les  tarses  composés  de  deux  articles 
et  les  filières  courtes  ou  de  longueurs  peu  disproportionnées. 
Deux  de  ces  coupes  génériques  et  composées  d'espèces  vivant 
toutes  en  plein  air  ,  ont  cela  de  particulier  que  leurs  mâ- 
choires ,  cintrant  presque  entièrement  en  dessus  la  lèvre  ,  ou 
très  rapprochées  à  leur  sommet ,  ne  sont  point  dilatées  exté- 
rieurement au  point  d'insertion  des  palpes,  ou  ne  forment 
point  cet  avancement  en  forme  d'oreillette  que  l'on  y  observe 
communément  -,  le  plus  souvent  même  elles  sont  rétrécies  à 
leur  naissance  (2) ,  et  leur  côté  extérieur  est  ensuite  arqué. 
Tel  est  le  caractère  distinctif  des  genres  clotho  et  drasse. 

1°.  Celui  de  clotho  (clotho ,  Walck.  ^  uroctea^  Dufour)  , 
qui  a  de  même  que  le  précédent  des  traits  de  ressemblance 
générale  avec  les  araignées-crabes  ou  les  thomises.  Le  cé- 
phalothorax est  presque  orbiculaire  et  porte  sur  une  petite 
éminence  antérieure  huit  yeux  disposés  quatre  par  quatre 
sur  deux  lignes  arquées  en  arrière  ,  concentriques ,  dont  l'an- 
térieure plus  courte,  moins  arquée,  avec  les  deux  yeux  du 


(i)    Elles  ont  trois  articles,  suivant  M.  Savigny. 

(2)  Dans  le  genre  clotiio  le  côté  extérieur  présente  presque  immédiatement  au- 
dessus  de  l'angle  de  sa  base  un  sinus,  d'où  naît  le  palpe;  mais  il  n'offre  point 
d'ailleurs  de  dilatation ,  et  il  faut  corriger  ce  que  j'ai  dit  à  cet  égard  dans  la  nouvelle 
édition  du  Règne  animal. 


DEUXlÈMli     lAMILLE.    ARANFIDES.  ^19 

milieu  beaucoup  plus  gros  que  les  autres  -,  les  deux  mêmes  de 
la  ligne  postérieure  sont  séparés  par  un  intervalle  remarquable 
et  rejetés,  ainsi  que  les  deux  extérieurs,  à  ebaque  extrémité 
latérale.  Les  chélicères  sont  très  petites  et  peu  susceptibles  de 
s'écarter.  La  lèvre  est  triangulaire.  Le  crocbet  terminant  les 
palpes  de  la  femelle  est  pectine.  Les  pâtes  sont  presque 
égales*,  la  quatrième  paire  et  la  seconde  après  sont  les  plus 
longues,  la  première  et  la  troisième  sont  progressivement 
plus  courtes.  L'abdomen  est  obovoide  et  s'avance  à  sa  base 
sur  le  cépbalothorax.  Des  quatre  filières  extérieures  ou  décou- 
vertes, les  deux  inférieures  sont  sensiblement  plus  grandes, 
et  ne  paraissent  avoir  que  deux  articles  (le  premier  des  trois 
étant  très  court  et  cacbé  ) ,  dont  le  dernier  beaucoup  plus 
long,  en  forme  de  lame  allongée,  comprimée  et  allant  en 
pointe;  les  deux  autres  filières  sont  très  petites  et  cachées 
entre  les  précédentes.  L'anus  offre  des  pinceaux  de  poils. 

L'espèce  servant  de  type,  la  clotho  de  Durand  (Durandi)y 
est  longue  de  cinq  lignes,  d'un  brun  marron ,  avec  l'abdomen 
noir,  et  marqué  en  dessus  de  cinq  petites  tacbes  rondes  et 
jaunâtres.  Trouvée  d'abord  par  feu  Durand  ,  conservateur 
du  jardin  de  botanique  de  Montpellier,  et  communiquée  à 
M.  Walckenaer ,  celui-ci  jugea  avec  raison  qu'elle  devail 
former  un  genre  propre ,  lui  donna  le  nom  de  clotho,  sous 
lequel  je  le  fis  connaître,  et  que  M.  Savigny  a  pareillement 
adopté.  Mais  aucune  description  spécifique  n'ayant  point  en- 
core été  donnée,  M.  Léon  Dufour,  qui  observa  la  même  ara- 
néide,  lui  imposa  une  nouvelle  dénomination  générique,  celle 
d'uroctea,  en  développa  les  caractères,  et  nous  fit  connaître 
les  habitudes  de  cette  espèce  Ç^-maculata)  dans  les  Ann.  des 
Se.  ph/ysiques  de  Bruxelles.  Il  nous  a  appris  qu'elle  s'établis- 
sait sous  de  grosses  pierres  ou  dans  les  fentes  de  rochers, 
qu'elle  donnait  à  son  habitation  la  forme  d'une  calotte,  d'un 
bon  pouce  de  diamètre,  que  son  contour  présentait  sept  à  huit 
échancrures,  et  que  ses  bords  n'étaient  fixés  que  par  des  angles 
intermédiaires  et  au  moyen  de  fils.  La  soie  dont  elle  se  com- 
pose ressemble  à  un  taffetas  très  fin ,  plus  ou  moins  renforcé. 


520       ARACHNIDES.   PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES- 

suivant  l'âge.  Jeune  et  dans  ses  premiers  travaux,  elle  ne  fa- 
brique que  deux  toiles;  à  mesure  qu'elle  croît  et  qu'elle  mue, 
elle  y  ajoute  une  certaine  quantité  de  doublures  5  mais  à  l'épo- 
que de  la  reproduction  ,  elle  tisse ,  tout  exprès,  une  habitation 
formée  d'un  duvet  plus  moelleux  devant  renfermer  les  sacs 
des  œufs  et  les  petits  qui  doivent  en  sortir.  Ces  petits  cocons , 
au  nombre  de  quatre  à  six  par  chaque  habitation ,  ont  une  figure 
lenticulaire  ,  et  cinq  lignes  au  plus  de  diamètre  -,  leur  tissu 
est  aussi  fin  que  le  plus  bel  édredon,  et  d'un  blanc  de  neige. 
Ce  n'est  que  vers  la  fin  de  décembre  ou  au  mois  de  janvier 
que  se  fait  la  ponte.  Un  duvet  fixant  sur  la  pierre  le  récep- 
tacle des  cocons  ,  garantit  les  œufs  contre  la  rigueur  du  froid  ; 
les  petits  ne  s'éloignent  de  leur  berceau  que  lorsqu'ils  sont 
assez  forts  pour  se  suffire  à  eux -mêmes  5  quelques  unes  des 
échrancrures  de  la  coque ,  servant  de  domicile  propre  à  la 
mère,  étant  parfaitement  libres,  deviennent  pour  elle,  lors- 
qu'elle veut  sortir  et  aller  à  la  chasse ,  autant  de  portes;  c'est 
là  aussi  qu'elle  finit  ses  jours.  Cette  espèce  est  répandue  dans 
plusieurs  contrées  de  l'Europe  méridionale.  J'en  connais  une 
seconde  qui  est  entièrement  noire  et  sans  taches,  et  qui  a  été 
apportée  de  Tanger  par  M.  Goudot  jeune. 

Les  BRASSES  (drassuSj  y^Ai^cK.) ,  autre  genre  de  la  même 
division ,  diffère  du  précédent  par  plusieurs  caractères.  Les 
chélicères  sont  fortes  et  dentelées  en  dessous.  Les  mâchoires 
sont  tronquées  obliquement  à  leur  extrémité,  et  la  lèvre  forme 
un  ovale  allongé.  Les  yeux  sont  presque  de  la  même  grosseur, 
et  les  deux  du  milieu  des  deux  lignes  forment  généralement 
un  carré,  et  les  deux  extrêmes  de  la  ligne  postérieure  sont  éloi- 
gnés des  deux  autres,  et  inférieurs.  Les  filières  extérieures  ne 
présentent  point  de  différences  remarquables,  et  l'anus  n'offre 
point  les  pinceaux  de  poils  qui  garnissent,  dans  les  clotho,  les 
deux  valves  de  l'anus.  Le  corps  est  plus  oblong ,  avec  le  cé- 
phalothorax plus  élevé.  La  dernière  paire  de  pâtes  et  la  pre- 
mière sont  ordinairement  plus  longues  que  les  autres.  Les 
jambes  et  les  tarses  sont  garnis  de  piquans.  La  plupart  de  ces 
aranéides  se  tiennent  aussi  sous  les  pierres ,  dans  les  cavités 


DEUXIEME    FAMILLE.     AflANÉiDESr  52  f 

des  murs  5  quelques  autres  font  sur  les  feuilles  des  plantes  une 
toile  fine,  blanche  et  transparente,  qui  les  met  à  couvert.  Le 
cocon  est  généralement  orbiculaire  et  aplati.  Quelques  es- 
pèces dont  le  corps  et  les  pâtes  sont  proportionnellement  plus 
longs ,  celles  qui  composent  dans  la  méthode  de  M.  Walcke- 
naer  sa  famille  des  habiles,  donnent  à  leur  cocon  la  forme 
d'une  coupe  ou  d'un  vase  fermé  par  un  opercule.  Mais  ces 
drasses  paraissent  devoir  former  un  genre  propre,  à  raison  de 
l'absence  du  crochet  inférieur  des  tarses,  caractère  remar- 
qué par  M.  Savigny.  Il  a  figuré  une  espèce  de  cette  division 
pi.  V,  dernière  fig.  à  gauche. 

Le  dessus  des  feuilles  de  divers  végétaux ,  du  lilas  particu- 
lièrement, présente  souvent  une  toile  blanche,  fine  et  transpa- 
rente-,  c'est  la  tente  du  drasse  vert.  Mais  presque  toutes  les 
autres  espèces  établissent  leur  domicile  dans  les  lieux  obscurs, 
sous  des  pierres  et  d'autres  corps.  Celle  que  M.  Dufour  a  dé- 
crite sous  le  nom  de  ségestrijorme ,  habite  les  hautes  mon- 
tagnes des  Pyrénées  et  jamais  au-dessous  de  la  zone  alpine. 
Le  mâle  est  excessivement  rare.  Mais  comme  un  seul  accou- 
plement peut  suffire  pour  plusieurs  générations  successives  , 
cela  ne  nuit  point  à  la  multiplication  de  l'espèce. 

Les  derniers  genres  des  aranéides  tubitèles  à  huit  yeux,  et 
dont  les  mâchoires  sont  très  inclinées  sur  la  lèvre  ,  se  distin- 
guent des  précédens,  offrant  le  même  caractère,  par  la  dilatation 
du  côté  extérieur  de  ces  mâchoires ,  au  point  d'insertion 
de  leurs  palpes.  Trois  de  ces  genres  sont  propres  à  M.  Sa- 
vigny ;  et  tel  est  d'abord  celui  de  lachésis  (lachesis),  distin- 
gué de  tous  les  suivans ,  à  raison  du  crochet  des  mandibules 
qui  est  court ,  très  aigu  ,  avec  la  pointe  retournée  et  saillante 
en  bas  dans  le  repos  ^  le  premier  article  ,  ou  le  précédent , 
n'est  point  denté  en  dessous.  Les  quatre  yeux  du  milieu  for- 
ment un  quadrilatère  un  peu  rétréci  en  arrière  -,  les  quatre 
autres  sont  disposés  obliquement  par  paires,  une  de  chaque 
côté.  Les  pieds,  dans  les  mâles  ,  décroissent  graduellement  de 
la  quatrième  paire  à  la  première.  (Oiwrage  sur-  l'Égjpte, 
Atl.  de  zooL,  pi.  I,  fig.  4') 


5'22     ARACHNIDES.   PREMIER    ORDRE.     PULMONAIRES. 

Dans  le  genre  suivant,  celui  d'ÉNYOs  (enjos,  ibid.,  pi.  III, 
%•  7'  ^)î  ^^^  chélicères  sont  pareillement  sans  dentelures, 
avec  le  crochet  court,  mais  courbé,  comme  d'ordinaire. 
L'ensemble  des  yeux  dessine  un  demi -cercle,  dont  le  dia- 
mètre est  extérieur  et  formé  par  quatre  yeux  plus  gros  que 
les  autres,  les  deux  intermédiaires  surtout,  et  dont  les  quatre 
postérieurs  sont  séparés  par  paires,  au  moyen  d'un  vide  inter- 
médiaire. liCs  deux  filières  antérieures,  ainsi  que  dans  les  la- 
chésis,  sont  beaucoup  plus  saillantes  que  les  deux  postérieures , 
caractère  que  ne  nous  présentent  point  les  deux  genres  sui- 
vans.  M.  Savigny  en  mentionne  deux  espèces.  {Ouvrage  sur 
^'^gJPte^  ^tl.  de  zooL,  Araclin.,  ibid,,  pi. III ,  fig.  7,  8.) 

Son  genre  érigone  (erigone,  ibid.,  pi.  I,  fig.  9),  composé 
d'une  seule  espèce ,  nous  offre  dans  les  mâles  des  caractères 
qu  on  n'observe  dans  aucune  autre  aranéide.  La  première 
pièce  des  chélicères  a,  au  côté  extérieur,  une  rangée  d'épines  ^ 
on  en  voit  aussi  sur  le  second  article  des  palpes,  qui  est  fort 
long  et  courbe,  et  l'extrémité  des  deux  suivans  est  dilatée  en 
manière  d'appendice  tronqué.  Le  céphalothorax  est  dentelé 
dans  son  contour  et  armé  sur  sa  convexité  antérieure  de  trois 
rangées  d'épines.  Le  crochet  de  l'extrémité  des  palpes  est  pec- 
tine. Les  chélicères  des  deux  sexes  sont  fortement  dentées  en 
dessous.  Les  yeux ,  presque  égaux ,  situés  sur  le  sommet  de  la 
convexité  du  céphalothorax,  forment  deux  lignes,  dont  la 
postérieure  arquée  en  arrière  ^  les  deux  intermédiaires  de 
l'une  et  de  l'autre  composent  un  carré  parfait  ;  les  autres 
sont  disposés  obliquement,  par  paires,  une  de  chaque  côté. 

Le  dernier  genre  des  tubitèles  ,  celui  d'ARcvRONÈTE  (  argj- 
roneta,  Latr.)  ,  s'éloigne  de  tous  les  autres  de  cette  famille 
par  la  nature  du  milieu  d'habitation  de  l'espèce  prototype  et 
la  seule  connue.  Elle  vit  dans  l'eau,  et  M.  Walckenaer,  d'après 
cette  considération  ,  a  cru  devoir  former  avec  ce  genre  une 
famille  particulière  ,  qu'il  a  nommée  nayades.  Mais  son  or- 
ganisation la  place  naturellement  près  des  tubitèles  et  sur- 
tout des  théridions,  auxquels  nous  allons  immédiatement 
passer.  Les  chélicères  sont  assez  robustes,  et  leur  premier  arti- 


DEUXIÈME    FAMILLE.    ARAiNÉlDES.  5^3 

de  est  dentelé  en  dessous  comme  dans  le  genre  précédent.  Les 
quatre  yeux  du  milieu  forment  aussi  un  quadrilatère  parfait  y 
mais  les  latéraux,  disposés  encore  deux  par  deux,  sont  plus 
rapprochés  ,  et  chaque  paire  est  située  ohliquement  sur  une 
éminence  propre.  La  languette  est  dilatée  à  sa  base  et  en 
ovale  allongé.  Les  tarses  sont  terminés  par  trois  crochets,  et 
celui  de  l'extrémité  des  palpes  des  femelles  est  dentelé.  L'a- 
vant-dernier article  de  ceux  du  mâle  offre ,  au  côté  interne  , 
une  troncature  couverte  d'une  peau  membrane.  La  pièce  mo- 
bile,  représentant  le  pénis,  est  simple  et  crochue  inférieure- 
ment. 

L'argyroivète  AQLATiQUE  (cLianea  acjuatica,  Likn.)  est  d  un 
brun  noirâtre  ,  avec  l'abdomen  plus  foncé  ,  soyeux  et  mar- 
qué sur  le  dos  de  quatre  points  enfoncés.  On  la  trouve ,  dès 
le  printemps,  dans  les  eaux  dormantes  ou  peu  coulantes,  où 
elle  nage  ayant  l'abdomen  renfermé  dans  une  bulle  d'air, 
qui   préserve  ses  organes  respiratoires  de  l'action  de   l'eau. 
C'est  dans  ce  fluide  aussi  qu'elle  construit  son  habitation.  Elle 
consiste  dans  une  coque  ovale ,  remplie  d'air,  tapissée  de  soie, 
de  laquelle  partent  des   fils  allant  en  tous  sens  et  fixés  aux 
plantes  environnantes.  Elle  y  guette  sa   proie  ,  y   place  son 
cocon,  veille  assidûment  à  sa  conservation,  et  y  passe  aussi 
l'hiver  après  s'y  être  renfermée.  Ces  habitudes  sont  donc  ana- 
logues à  celles  de  la  plupart  des  autres  aranéides  tubitèles , 
et  particulièrement  des  drasses  et  des  clubiones. 

Une  seconde  section  des  aranéides  formant  des  toiles  et 
toujours  sédentaires  et  rectigrades,  est  celle  que  nous  avons 
nommée  aranéides  inéquitèles ,  et  qui  sont  les  araignées^ï- 
lajidières  àe,  quelques  auteurs.  Ici  ,  de  même  que  dans  la  sec- 
tion suivante  ,  les  filières  font  très  peu  de  saillie  ,  sont  très, 
courtes,  presque  coniques  et  disposées  en  rayons,  de  manière 
à  former  une  espèce  de  rosette.  Les  pieds  sont  généralement 
grêles-,  ceux  de  la  première  paire  sont  les  plus  longs,  les  deux 
derniers  ouïes  seconds  surpassent  ensuite  les  autres.  L'abdo- 
men est  plus  mou,  plus  volumineux  et  plus  coloré  que  dans  la 
section  précédente.  Les  mâchoires  sont  inclinées  sur  la  lèvre. 


524       ARACHNIDES.  —     PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

vont  en  se  rétrécissant  ou  du  moins  ne  s'élargissent  point  sen- 
siblement vers  l'extrémité ,  ce  qui  sert  à  distinguer  ces  ara- 
néides  de  celles  de  la  section  suivante  ,  dont ,  d'ailleurs  ,  elles 
se  rapprochent  beaucoup,  et  avec  lesquelles  elles  se  lient  par 
nuances  graduelles.  Elles  font  des  toiles  à  réseau  irrégulier, 
et  composées  de  fils  se  croisant  en  divers  sens,  sur  plusieurs 
plans.  Ainsi  que  les  orbitèles ,  elles  vivent  peu  de  temps. 

Comme  parmi  les  tubitèles,  il  y  en  a  d'octoculées  et  de  séno- 
culées.  Les  premières  ont  trois  crochets  au  bout  des  tarses  -, 
l'inférieur  ou  l'impair  manque  dans  les  secondes. 

Ici  les  quatre  yeux  intermédiaires  forment  un  carré  ,  et  les 
quatre  autres  sont  disposés  obliquement  par  paires ,  une  de 
chaque  côté. 

Dans  le  genre  théridion  (theridion,  Walck.),  le  céphalo- 
thorax est  en  forme  de  cœur  renversé  ou  presque  triangulaire. 
Les  deux  yeux  antérieurs  du  carré  et  les  paires  latérales  sont 
placés  sur  de  petites  éminences  ;  l'œil  supérieur  de  ces  paires 
latérales  est  très  rapproché  de  l'inférieur  ,  ou  le  touche 
presque. 

Parmi  ces  aranéides,  les  unes  fréquentent  les  lieux  sombres 
et  retirés,  se  cachent  sous  des  pierres,  dans  les  fentes  des 
murs,  dans  l'intérieur  des  maisons^  les  autres  font  leur  sé- 
jour sur  les  plantes;  quelques  unes  rapprochent  des  feuilles 
pour  en  former  une  sorte  de  grotte  et  s'y  établir.  La  plupart 
recouvrent  leurs  œufs  d'une  bourre  de  soie  lâche  ou  d'un 
tissu  peu  serré. 

Une  petite  espèce  ,  le  T.  bienfaisant  (^Je/zî^/zurn^  Walck.), 
fait  sa  toile  entre  les  grappes  de  raisin  ,  et  les  met  ainsi  à 
l'abri  des  attaques  des  insectes.  M.  Walckenaer  en  a  observé 
et  décrit  les  habitudes  avec  beaucoup  de  soin. 

Le  genre  qu'il  a  nommé  latrodecte  (latrodectus)  ne  diffère 
point  du  précédent  par  la  longueur  des  pâtes  ,  ainsi  qu'il 
l'avait  avancé  ( 'yoy^e^  Savigny  ,  Descript.  des  Plaîiches  des 
Arachnides,  de  l'ouvrage  sur  l'Egypte) ,  mais  par  l'intervalle 
qui  sépare  l'œil  supérieur  de  l'inférieur ,  aux  deux  paires  la- 
térales ,  et  (jui  est  même  plus  grand  que  celui  des  inlermé- 


DEUXIÈME    FAMILLE.    ARANÉIDES.  5^5 

t^itiîres;  la  languette  offre ,  en  outre,  un  peu  au-dessous  de  sa 
base  ,  une  ligne  imprimée  transverse. 

En  Toscane  et  dans  l'île  de  Corse  ,  on  redoute  beaucoup 
une  espèce  de  ce  genre  {^dranea  l'à-guttatay  Fabr.),  qu'on 
y  appelle  malmignatte .  Elle  est  noire ,  avec  treize  petites 
taches  rondes  et  sanguines  surTabdomen.  (Savig.,  Desciipt., 
de  r Egypte ,  Zool.  Arachn. ,  pi.  UI,  fig.  9 ,  11.) 

Le  genre  episine  {episinus)  de  M.  Walckenaer  se  distingue 
des  deux  précédens  par  la  forme  presque  cylindrique  du  cé- 
phalothorax ,  et  en  ce  que  les  yeux  sont  rapprochés  sur  une 
élévation  commune. 

Là ,  comme  dans  le  genre  pholcus  (pholcus)^  les  yeux  situés 
sur  un  tubercule  sont  disposés  ainsi  :  deux  au  milieu  sur  une 
ligne  transverse ,  et  trois ,  de  chaque  côté ,  rapprochés  trian- 
gulairement.  Le  crochet  des  chélicères  est  court  et  replié 
horizontalement  dans  le  repos  ;  et  comme  dans  quelques  autres 
genres  que  nous  avons  vus  ,  ces  chélicères,  d'ailleurs  petites, 
sont  réunies  dans  leur  milieu  et  peu  susceptibles  de  s'écarter. 
On  consultera ,  à  cet  égard ,  les  figures  de  ce  genre  publiées 
par  M.  Savigny  (Arachn.,  pi.  III,  fig.  12  et  1 3).  Le  corps  est 
plus  allongé  que  celui  des  théridions  et  des  latrodectes. 

Les  pholcus  habitent  l'intérieur  de  nos  maisons,  et  filent 
aux  angles  des  murs  une  toile  composée  de  fils  lâches  et  peu 
adhérens  entre  eux.  La  femelle  porte  son  cocon  ,  qui  est  de 
forme  ronde,  entre  ses  chélicères.  M.  Dufour  en  a  décrit  une 
nouvelle  espèce  (P.  à  queue),  qu'il  a  trouvée  dans  le  royaume 
de  Valence  en  Espagne  ,  et  remarquable  par  la  saillie  conique 
de  l'extrémité  de  son  abdomen. 

Tels  sont  les  genres  des  aranéides  inéquilèles  ayant  huit 
yeux  et  trois  crochets  au  bout  des  tarses.  Celles  qui  n'ont  que 
six  yeux  et  deux  crochets  aux  tarses  ne  composent  encore 
qu'un  seul  genre,  celui  de  scytode  (scytodeSy  Latr.).  Ces 
veux  sont  rapprochés  deux  par  deux  ou  disposés  en  trois  paires, 
l'une  antérieure  et  les  deux  autres  sur  les  côtés  et  obliques. 
Une  ligne  qui  passerait  par  ces  trois  groupes  formerait  une 
courbe,  dont  la  convexité  serait  en  devant.  On  en  connaît 


5^6       ARACHNIDES.  PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

deux  espèces,  Tune  (thoracica)  ,  à  céphalothorax  grand  et 
gibbeux  (Guér.,  Icon.  du  Règne  aniin.,  Arachîi.,  pi.  I,  fig.  3  ; 
Savig.,  DescTÎpt,  de  VÈgypte.,  Zool.  Arachn.,  pi.  V,  fig.  2), 
et  qui  est  indigène 5  et  l'autre  {blonde),  observée  par  M.  Du- 
four  dans  le  royaume  de  Valence,  et  dont  le  céphalothorax 
est  bien  moins  grand,  bien  moins  élevé  et  autrement  coloré. 
Elle  s'établit  sous  des  débris  calcaires,  et  s'y  fabrique  un  tube 
assez  informe  ,  avec  une  toile  mince  et  d'un  blanc  laiteux. 
M.  Savigny  a  représenté  (  ib.,  pi.  V,  fig.  i)  une  espèce  très  ana- 
logue et  qui,  par  la  forme  de  la  languette,  diffère  assez  nota- 
blement de  la  première  espèce.  Les  crochets  des  tarses  parais-  i 
sent  se  réunir  ou  se  rapprocher  à  leur  base  en  manière  de  pé- 
dicule ou  support  ;  c'est  probablement  ce  qu'il  appelle  article 
supplémentaire  portant  les  appendices. 

Les  orbiteles  composent  notre  dernière  section  des  aranéides 
tisserands ,  sédentaires  et  rectigrades  :  ce  sont  les  araignées 
tendeuses  de  divers  auteurs.  Par  la  disposition  des  filières  , 
elles  avoisinent  les  inéquitèles^  par  celle  de  leurs  yeux,  ainsi 
qu'à  raison  de  leur  nombre ,  elles  se  rapprochent  des  théri- 
dions  et  des  latrodectes,  c'est-à-dire  que  les  quatre  yeux  in- 
termédiaires forment  un  quadrilatère ,  et  que  les  autres  sont 
disposés  par  paires,  une  à  chaque  bout.  Les  pieds  antérieurs 
et  les  seconds  ensuite  sont  toujours  les  plus  longs.  Mais  les 
mâchoires  sont  droites  et  vont,  au-dessus  de  l'insertion  des 
palpes,  en  s'élargissant  et  s'arrondissant ;  elles  figurent  une 
sorte  de  spatule  à  manche  court.  Leurs  toiles  consistent  en 
un  réseau  régulier,  composé  de  cercles  concentriques  ,  croisés 
par  des  rayons  droits,  se  rendant  de  la  circonférence  au 
centre ,  où  l'animal  se  tient  le  plus  souvent  dans  une  situa- 
tion renversée  et  les  pâtes  étendues.  Cette  toile  est  horizontale 
ou  perpendiculaire.  Quelques  espèces  se  construisent  près  des 
bords  une  loge  où  elles  se  tiennent  cachées.  Les  œufs  sont 
agglutinés,  très  nombreux  ,  et  renfermés  dans  un  cocon  volu- 
mineux ,  formés  d'une  écorce  à  tissu  serré,  et  d'une  bourre 
ou  duvet,  intérieure,  enveloppant  les  œufs.  Ces  aranéides 
ont  des  couleurs   très  variées  et  vivent  peu  de  temps.  C'est 


DEUXIÈME    FAMILLE.    ARANÉiDES.  5^7 

tircllnairement  vers  la  fin  de  l'été  qu'elles  ont  acquis  toute 
leur  grandeur,  et  qu'elles  font  leur  ponte.  L'abdomen  de  plu- 
sieurs femelles  est  alors  très  volumineux.  Les  premiers  froids 
les  font  périr.  Les  fils  qui  soutiennent  la  toile,  et  qui  peuvent 
s'allonger  d'environ  un  cinquième  de  leur  longueur,  sont 
employés  pour  les  divisions  du  micromètre. 

Dans  notre  méthode  et  celle  de  M.  Walckenaer,  les  orbi- 
tèles  comprennent  quatre  genres,  savoir:  tetjagnathe ,  ou 
celui  d'eiigfiàthe  de  M.  Savigny,  ulohore ,  linjphie  et  épéire. 
Ce  naturaliste  a  formé  avec  des  espèces  du  dernier,  le  genre 
argjope ,  et  le  docteur  Leach  en  a  établi  aussi  un  nouveau, 
celui  de  néphise ,  avec  d'autres  épéires. 

Les  deux  premiers  composeront  une  première  division  , 
caractérisée  par  l'écartement  des  deux  yeux  de  chaque  extré- 
mité latérale.  Ils  sont  plus  éloignés  l'un  de  l'autre  que  ne  le 
sont  les  deux  supérieurs  du  quadrilatère  de  ses  deux  infé- 
rieurs ;  les  huit  forment  deux  lignes  transverses,  presque  pa- 
rallèles ,  et  s'écartant  un  peu  à  chaque  bout. 

Des  mâchoires  longues,  étroites,  dilatées  seulement  à  leur 
extrémité  ^  des  chélicères  très  grandes,  surtout  dans  les  mâles, 
et  très  dentées  inférieurement ,  un  corps  encore  fort  allongé  , 
signalent  le  genre  tétragnathe  [tetragnaiha ,  Latb..).  Ces 
espèces  fréquentent  les  lieux  aquatiques,  et  y  font  une  toile 
verticale.  Elles  se  tiennent  immobiles  au  centre,  les  pâtes 
«tendues  longitudinalement.  La  seule  indigène  encore  dé- 
crite est  Varanea  extensa  de  Linné.  M.  Savigny  en  men- 
tionne et  en  figure  quelques  autres  (^Arachn.,  pi.  II,  fig.  2-4). 
Dans  le  genre  ulobore  (^uloborus ,  Latr.),  la  longueur  des 
coxo-maxilles  et  des  mandibules  n'offre  rien  d'extraordinaire , 
et  la  forme  de  ces  organes  est  presque  la  même  que  celle 
qu'ils  présentent  dans  les  épéires.  Les  deux  yeux  latéraux  de 
la  ligne  antérieure  sont  plus  rapprochés  du  bord  antérieur  du 
céphalothorax  que  les  deux  intermédiaires  ,  de  sorte  que 
cette  ligne  est  arquée  en  arrière  et  que  l'autre  est  droite.  Les 
tarses  des  trois  dernières  pâtes  se  terminent  par  un  seul  cro- 
chet. Le  premier  article  des  deux  postérieurs  a  une  rangée  de 


528   ARACHNIDES.  PREMIER  ORDRE.  PULMONAIRES. 

crins.  Telles  sont  les  observations  de  M.  Dufour.  Mais  M.  Sa« 
vigny  dans  sa  description  de  I'ulobore  jaune  ,  attribue  à  tous 
les  tarses  deux  crochets  pectines.  Cette  espèce  appartiendrait- 
elle  à  un  nouveau  genre  ?  son  abdomen  est  bien  plus  allongé 
que  celui  de  I'ulobore  de  Walchenaer ,  type  du  genre ,  que 
j'avais  trouvé,  il  y  a  plus  de  trente  ans,  dans  les  landes  des 
environs  de  Bordeaux  ,  et  que  M.  Dufour  a  étudié  avec  un  soin 
particulier.  Cette  espèce  fait  une  toile  horizontale  semblable 
à  celle  des  autres  orbitèles  ,  mais  plus  lâche.  Elle  emmaillote, 
en  moins  de  trois  minutes  ,  le  corps  d'un  petit  coléoptère , 
pris  dans  ses  filets.  Le  cocon  est  étroit ,  allongé ,  anguleux 
sur  ses  bords,  et  suspendu  verticalement  à  un  réseau,  par 
l'un  de  ses  bouts  ;  l'autre  bout  se  prolonge  en  deux  angles , 
dont  l'un  plus  court  et  obtus  j  les  côtés  en  ont  chacun  deux  et 
pointus. 

Dans  les  orbitèles  de  la  seconde  division  ,  l'on  voit  de 
chaque  côté  du  quadrilatère  formé  par  les  quatre  yeux  inter- 
médiaires ,  deux  autres  yeux  très  rapprochés  l'un  de  l'autre , 
ou  presque  géminés. 

Les  LiNYPHiES  (linjphiaj  hkTv..)  diffèrent  des  épéires  et 
autres  genres  dérivant  de  celui-ci  par  la  forme  du  quadrila- 
tère oculaire  -,  le  côté  postérieur  est  plus  large  que  l'antérieur, 
ses  deux  yeux  étant  plus  relevés  et  beaucoup  plus  gros  que 
tous  les  autres  j  les  quatre  latéraux  sont  dans  une  direction 
oblique. 

Elles  construisent ,  vers  la  fin  de  l'été ,  sur  les  buissons  , 
dans  les  genêts,  une  toile  horizontale,  mince,  peu  fournie, 
au-dessus  de  laquelle  elles  tendent  en  divers  sens  et  d'une 
manière  irrégulière  d'autres  fils.  Sous  ce  rapport ,  ces  ara- 
néides  tiennent  des  orbitèles  et  des  inéquitèles.  Elles  se  pla- 
cent à  la  partie  inférieure  de  leur  toile ,  dans  une  situation 
renversée.  On  en  connaît  deux  espèces,  décrites  l'une  et 
l'autre  par  de  Géer,  et  dont  l'une  est  Yaranea  montana  de 
Linné. 

Les  quatre  yeux  intermédiaires  des  épéires  (  epeira  , 
Walck.)  sont  semblables  ou  de  grandeurs  peu  différentes  j 


DEUXIÈME    FAMILLE.     ARANÉIDES.  5 20 

et  composent  un  carré,  dont  les  côtés  sont  à  peu  près  égaux. 
Les  coxo-maxilles  se  dilatent,  càpeu  de  distance  de  leur  base, 
en  manière  de  palette  ou  de  spatule. 

Qui  n'a  pas  remarqué,  dans  les  jardins,  les  buissons,  le 
long  des  murs,  une  grosse  araignée  de  couleur  roussâtre  ou 
d'un  brun  foncé  ,  ayant  sur  le  dessus  de  l'abdomen  une  suite 
de  petites  tacbes  et  de  points  blancs  ,  formant  une  triple  croix, 
et  occupant  le  centre  d'une  grande  toile  verticale?  qui  même 
n'a  point  pris  plaisir  à  l'observer  dans  le  moment  oii  elle 
s'empresse  de  quitter  son  poste  pour  aller  saisir  l'insecte  im- 
prévoyant ou  malbeureux  qui  s'est  embarrassé  dans  les  fils  de 
cette  toile?  Cette  araignée,  nommée  diadème  (diadema, 
LiiNiN.  ),  est  une  espèce  d'épéire,  genre  des  plus  nombreux, 
et  que  M.  Walckenaer  a  partagé  en  dix  familles,  dont  plu- 
sieurs subdivisées  en  races.  Celles  de  la  première  ,  ou  les 
allongées ,  sont  cylindriques,  avec  le  cépbalotborax  bombé  à 
sa  partie  antérieure,  bituberculé  dans  son  milieu^  l'abdo- 
men ordinairement  allongé,  cylindrique^  les  pâtes  longues, 
et  dont  la  plupart  des  jambes  ont ,  dans  plusieurs  ,  de  petits 
faisceaux  de  poils-,  ces  espèces,  toutes  exotiques,  forment  le 
genre  néphise  (^nephisa  de  M.  Leach).  De  ce  nombre  en  est 
une  dont  M.  Labillardière ,  dans  son  Fojage  à  la  recherche 
de  La  Peyrouse,  a  donné  la  description  ,  et  qu'il  a  nommée 
edulis y  parce  que  les  habitans  de  la  Nouvelle-Calédonie  la 
mangent  après  qu'ils  l'ont  fait  griller  sur  des  charbons  ardens. 
Les  toiles  de  certaines  néphises  sont  si  fortes  et  si  visqueuses, 
qu'elles  arrêtent  de  petits  oiseaux,  et  embarrassent  même 
l'homme  dans  sa  course.  D'autres  espèces  à  mâchoires  courtes, 
aussi  larges  que  hautes  ,  à  céphalothorax  très  plat ,  garni 
d'un  duvet  argenté ,  et  dont  l'abdomen  est  tantôt  épais ,  sans 
festons  ,  et  traversé  en  dessus  par  des  bandes  versicolores ,  et 
tantôt  aplati ,  lobé  ou  festonné  sur  ses  bords ,  espèces  qui , 
dans  la  méthode  de  M.  Walckenaer,  composent  sa  dernière  fa- 
mille et  les  deux  suivantes ,  rentrent  dans  le  genre  argyope 
(  argyope  )  de  M.  Savigny  (  Descript.  de  l'Lgypt.  ,  ZooL 
Arachn. ,  pi.  II,  fig.    5-7),  Deux  espèces  bien  connues,  les 

34. 


53o       ARACHNIDES.   —    PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

E.fasciée  et  soyeuse^  ont  été  décrites  comme  inédites  par 
M.  Risso  {Hist.  Jiat.  de  VEurop.  mérid.)]  et,  ce  qui  est  plus 
étonnant,  il  en  a  fait  des  ségestries. 

Le  cocon  des  argyopes  a  la  forme  d'un  ovoïde  tronqué,  ou 
même  celle  d'un  cône  court.  Ces  aranéides  sont  généralement 
très  ornées. 

Les  épéires  dont  l'abdomen  est  revêtu  d'une  peau  solide , 
offrant  un  grand  nombre  d'impressions  stigmatiformes ,  et  des 
épines  latérales ,  celles  de  la  neuvième  famille  de  M.  Walc- 
kenaer,  ou  ses  épineuses ,  mériteraient  encore  plus  de  former 
un  genre  propre  (gâsteuacanthe).  La  famille  qui  succède,  celle 
des  couronnées^  est  dans  le  même  cas.  Parmi  les  suivantes,  les 
espèces  qui  construisent  à  la  partie  supérieure  de  leur  toile 
une  demeure ,  devraient  former  une  division  spéciale. 

L'épéire  cucurbitine  est  la  seule  connue  dont  la  toile  soit 
horizontale  *,  celle  de  toutes  les  autres  est  verticale  et  quel- 
quefois inclinée.  \JÈ.  brune ,  dont  le  cocon  assez  gros,  glo- 
buleux, formé  d'une  soie  très  douce  au  toucher  et  presque 
analogue  à  de  la  laine ,  est  rangée  par  le  même  naturaliste 
avec  celles  dont  la  toile  est  inclinée.  Les  cloportes  et  d'autres 
insectes  lucifuges  lui  servent  de  nourriture  -,  c'est  dans  les 
caves  qu'elle  fixe  son  domicile.  La  considération  de  l'épigyne 
ou  de  l'opercule  vulvaire  des  femelles  pourrait  fournir  de  bons 
caractères.  Rœsel,  de  Géer,  Tréviranus,  avaient  déjà  aperçu 
quelques  unes  de  ces  différences.  Celui  des  E.  diadème ,  qua- 
drille,  etc.,  est  remarquable  par  l'existence  d'une  pièce  sail- 
lante, en  forme  de  cône  étroit  et  allongé  ,  dirigée  en  arrière  , 
située  entre  deux  autres  petites  pièces  ou  mamelons  arron- 
dies. M.  Savigny  a  donné  une  attention  particulière  à  cet  or- 
gane ,  mais  elle  ne  porte  que  sur  le  petit  nombre  d'espèces 
trouvées  par  lui  en  Egypte  (  Desciipt.  de  l'Egypt.  _,  Zool. 
Jrachn. ,  pi.  II,  fig.  8-10,  et  pi.  El,  fig.  i-5).  Nous  renvoyons 
à  son  ouvrage  ,  à  ceux  de  M.  Walckenaer  et  à  des  Mémoires 
de  M.  Léon  Dufour  sur  des  aranéides  qu'il  a  observées  en 
Espagne.  V^ojez  aussi  notre  article  jÉpeiVe,  du  Dict.  d'Hist. 
natur.y  ^*  édition. 


DEUXIPIME    FAMILLE.    ARANÉIDES.  5'^>I 

C'est  uniquement  en  courant  après  leur  proie  ou  eu  sautant 
sur  elle,  ou  bien  encore  en  se  tenant  à  lafFût  et  se  bornant  à 
jeter  çà  et  là  quelques  fils,  ne  pouvant  arrêter  que  de  très 
petits  insectes,  que  les  aranéides  suivantes  pourvoient  à  leur 
subsistance.  Ce  n'est  pas  que  plusieurs  ne  fassent  aussi  des 
toiles  -,  mais  elles  forment  leur  habitation ,  et  souvent  aussi 
celle  des  germes  de  leur  postérité. 

Des  espèces  auxquelles  on  avait  donné  le  nom  à' araignées- 
crabes,  parce  que ,  outre  quelques  rapports  de  formes  avec  des 
crustacés,  elles  peuvent,  comme  beaucoup  d'entre  eux,  mar- 
cher de  côté  et  à  reculons ,  composent  notre  section  des  ara- 
néides latéiigrades.  Les  yeux,  toujours  au  nombre  de  huit, 
souvent  très  inégaux  ,  forment,  réunis,  un  segment  de  cercle 
ou  un  croissant^  les  deux  latéraux  postérieurs  sont  plus  rejetés 
en  arrière  ,  ou  plus  rapprochés  des  bords  latéraux  du  céphalo- 
thorax que  les  autres.  Les  chélicères  sont  ordinairement  pe- 
tites. Les  quatre  pieds  antérieurs  surpassent  les  autres  en  lon- 
gueur -,  ici  ils  sont  presque  égaux  -,  là  les  seconds  sont  les  plus 
grands.  Les  tarses  n'ont  que  deux  crochets  à  leur  extrémité , 
mais  ils  sont  accompagnés  de  deux  brosses  de  poils.  Les  pâtes , 
dans  le  repos,  sont  étendues  sur  le  plan  de  position.  Quel- 
ques unes  de  ces  aranéides  vivent  à  terre  ^  les  autres  se  tien- 
nent sur  les  troncs  d'arbres  ,  sur  les  feuilles,  les  fleurs ,  etc.  ; 
il  y  en  a  qui  se  forment  une  retraite  dans  des  feuilles  dont 
elles  rapprochent  les  bords,  et  qu'elles  maintiennent  dans  cet 
état,  avec  des  fils  de  soie.  Le  cocon  est  orbiculaire  et  déprimé. 
La  femelle  se  tient  auprès  et  veille ,  avec  grand  soin  ,  à  sa 
conservation.  Abstraction  faite  des  micrommates,  ces  ara- 
néides sont  généralement  petites,  et  les  mâles  diffèrent  sou- 
vent beaucoup  des  femelles. 

Cette  section  se  compose  de  quatre  genres ,  mais  dont  les 
caractères  se  nuancent  tellement,  qu'il  est  presque  impos- 
sible de  déterminer  rigoureusement  les  limites  de  ces  coupes. 

Les  latérigrades  dont  les  quatre  derniers  pieds  ne  contras- 
tent pas  brusquement  avec  les  précédens  par  des  proportions 
beaucoup  moindres,  où  les  brosses  du  bout  des  tarses  sont  très 


532         ARA.CHNIDES.  PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

fournies  de  poils ,  et  dont  le  céphalothorax  est  entièrement 
déprimé  ou  légèrement  et  insensiblement  plus  élevé  dans  son 
milieu,  formeront  une  première  section ^  les  chèlicères  sont 
plus  robustes ,  et  leur  premier  article  est  souvent  dentelé  en 
dessous.  Ces  aranéides,  dont  plusieurs  sont  d'assez  grande 
taille,  courent  avec  une  grande  rapidité.  Il  paraît  que  quel- 
ques unes  des  exotiques  se  tiennent  dans  les  maisons,  font  la 
guerre  aux  kakerlacs  et  à  d'autres  insectes ,  et  ont  ainsi  fixé  , 
par  leur  utilité,  l'attention  générale  :  car  l'une  d'elles,  voisine 
de  Yaianea  venatoria  de  Linné  ,  est  représentée  sur  un  grand 
nombre  de  dessins  et  de  tapisseries  apportés  de  la  Chine. 

Cette  première  division  des  latérigrades  comprendra  trois 
genres.  Dans  les  deux  premiers,  les  mâchoires  sont  droites 
ou  peu  inclinées-,  la  lèvre  est  courte  et  presque  semi-circu- 
laire. 

Mes  MicROMMATEs  (  micronimata  ) ,  ou  les  sparasses  de 
M.  Walckenaer,  ont  les  yeux  sessiles,  disposés,  quatre  par 
quatre,  sur  deux  lignes  transverses,  parallèles,  très  rappro- 
chées ,  dont  la  postérieure  plus  longue ,  et  dont  l'antérieure 
placée  très  près  du  bord  antérieur  du  céphalothorax ,  avec  les 
deux  yeux  latéraux  plus  grands  que  les  intermédiaires.  Les 
seconds  pieds  et  les  premiers  ensuite  sont  les  plus  longs. 

La  M.  SMARAGDIJNE  [avaneu  smaragdula ,  Fab.  )  ,  qui  est 
d'un  vert  tendre  ,  bordé  d'un  jaune  clair,  avec  l'abdomen 
d'un  jaune  verdâtre ,  coupé  sur  le  milieu  du  dos  par  une  ligne 
verte ,  lie  quelques  feuilles  ,  en  forme  un  paquet  triangulaire , 
revêt  son  intérieur  d'une  couche  de  soie  épaisse  et  place  dans 
son  milieu  son  cocon.  Il  est  rond,  blanc  ,  demi-transparent, 
et  les  œufs  y  sont  libres. 

La  M.  ARGELAS  [ylrgelasu,  Latr.  )  se  fabrique,  sur  les 
fragmens  des  rochers,  selon  M.  Dufour,  une  tente  ovale,  de 
près  de  deux  pouces  de  diamètre ,  qu'elle  applique  sur  ces 
corps,  et  qui  lui  sert  d'habitation.  Elle  se  compose  d'une  enve- 
loppe extérieure,  semblable  à  du  taffetas,  susceptible  de  ré- 
sistance ,  jaunâtre  ,  et  d'un  fourreau  intérieur,  plus  souple , 
plus  moelleux  et  ouvert  aux  deux  bouts.  Son  cocon,  de  figure 


DEUXIÈME    FAMILLE.    ARANÉIDES.  53'^ 


globuleuse,  est  placé  au-dessous,  de  manière  que  l'animal 
semble  le  couver.  Les  bords  de  la  tente  offrent  des  ouvertures 
servant  de  portes. 

\Jaranea  venatoria  de  Linné  ,  la  première  famille  des  tho- 
mises  de  M.  Walckenaer ,  et  quelques  autres  espèces  exoti- 
ques analogues  ,  me  paraissent  faire  partie  de  ce  genre.  J^oj. 
aussi  la  Descript.  de  U Egypte,  Arachn.  ,  pi.  VI,  fig.  2. 

Celui  de  selenops  (selenops)  a  les  plus  grands  rapports 
avec  le  précédent  •  mais  la  ligne  oculaire  antérieure  est  com- 
posée de  six  yeux  ;  les  deux  autres ,  et  les  plus  gros  de  tous  , 
sont  situés ,  un  de  chaque  côté ,  derrière  les  deux  terminant 
la  première  ligne;  les  seconds  et  troisièmes  pieds  sont  plus 
longs  que  les  premiers.  J'en  connais  plusieurs  espèces  -,  l'une 
se  trouvant  en  Espagne  (omalosome)  a  été  décrite  et  figurée 
avec  détail  par  M.  Léon  Dufour.  Quelquefois  deux  des  yeux 
de  la  ligne  antérieure  sont  un  peu  plus  avancés ,  et  c'est  peut- 
être  une  espèce  offrant  le  même  caractère,  que  M.  Savigny 
a  figurée  ,  arachn.,  pi.  VI ,  fîg.  1. 

Les  PHiLODROMEs  (^phUodromus ,  Walck.)  ont  leurs  mâ- 
choires inclinées  sur  la  lèvre  ,  qui  est  plus  haute  que  large. 
Les  yeux ,  presque  égaux ,  forment  un  demi  -  cercle  ou  un 
croissant. 

On  trouve  très  communément  sur  les  arbres  le  philodrome 
TIGRÉ  (^A.  margaritarius y  Clerck)  ;  il  s'y  tient  les  pâtes  éten- 
dues, et  dès  qu'on  le  touche  il  s'enfuit  avec  une  extrême  ra- 
pidité ,  ou  se  laisse  tomber  à  terre  en  dévidant  un  fil.  La 
femelle  place  son  cocon  dans  les  fentes  des  arbres  ou  des 
poteaux  exposés  au  nord.  M.  Walckenaer  a  décrit  dans  la 
Faune  française  plusieurs  espèces  de  ce  genre  ,  qu'il  partage 
en  divers  petits  groupes  ,  d'après  les  formes  et  les  proportions 
du  céphalothorax ,  de  l'abdomen  ,  les  différences  respectives 
des  longueurs  des  pâtes,  etc.  Nous  rapporterons  à  ce  genre  la 
fig.  3  de  la  pi.  VI  à^s  Arachnides  d'Egypte  de  M.  Savigny, 
espèce  qui  nous  semble  très  voisine  du  P.  rhomhijere . 

Notre  seconde  division  des  latérigrades  comprendra  le 
genre  thomise  (thoniisus).  Les  (piatre  pâtes  postérieures  sont 


534       ARACHNIDES.  PREMIER   ORDRE.    PULMONAIRES. 

notablement  ou  brusquement  plus  petites.  Les  brosses  du 
bout  de  leurs  tarses  sont  beaucoup  moins  fournies  de  poils.  Le 
céphalothorax,  proportionnellement  plus  court  et  plus  large 
que  dans  les  latérigrades  précédentes  ,  et  sensiblement  plus 
élevé  dans  son  milieu,  tombe  brusquement  par-devant ,  et  va 
en  talus  sur  les  côtés  et  à  son  extrémité  postérieure  surtout , 
où  il  semble  être  coupé  de  biais.  Les  chélicères  sont  petites  , 
cunéiformes  et  peu  ou  point  dentées.  Les  mâchoires  sont  in- 
clinées, et  la  lèvre  est  plus  haute  que  large.  Les  yeux  sont 
ordinairement  disposés  en  demi-cercle  ou  en  croissant,  et  les 
latéraux  sont  souvent  placés  sur  des  éminences. 

M.  Walckenaer  en  a  décrit  vingt-deux  espèces  de  France. 
Celle  qu'il  nomme  ,  d'après  moi ,  hérissé,  se  rapproche  beau- 
coup d'une  figurée  par  M.  Savigny,  dans  l'ouvrage  sur  l'Egypte 
(^Arachn. ,  pi.  YI,  fîg.  lo).  M.  Guérin  a  représenté  une  es- 
pèce très  singulière  par  son  abdomen  multifide  (^Iconogr.  du 
Règne  animal,  Avachi.,  pi.  I,  fig.  4?  ^'  hetei^ogaster). 
L'une ,  de  nos  environs ,  des  plus  faciles  à  reconnaître ,  est  le 
T.  CITRON  {aranea  citrea,  De  G.).  Elle  est  d'un  jaunâtre 
citron  ,  avec  l'abdomen  plus  large  postérieurement ,  et  ayant 
souvent  sur  le  dos  deux  raies  ou  deux  taches  rouges  ,  ou  cou- 
leur de  souci.  On  la  trouve  sur  les  fleurs  ou  sur  les  plantes. 
Mais  le  T.  a  ceete  {^cristatus^ ^  autre  espèce  très  commune, 
se  tient  presque  toujours  à  terre.  M.  Walckenaer  a  donné 
une  description  très  complète  des  deux  sexes. 

J'ai  désigné  les  autres  et  dernières  aranéides ,  ne  faisant 
point  de  toile  pour  surprendre  leur  proie ,  et  dont  les  yeux , 
au  nombre  de  huit  ,  s'étendant  plus  dans  le  sens  de  la  lon- 
gueur du  céphalothorax  que  dans  celui  de  sa  largeur,  forment 
réunis ,  tantôt  un  triangle  curviligne  ou  un  ovale  tronqué , 
tantôt  un  grand  quadrilatère  ,  sous  la  dénomination  de  vaga- 
bondes, par  opposition  aux  précédentes,  qui  sont  sédentaires. 

Elles  se  partagent  en  deux  sections,  les  citigrades ,  et  les 
mêmes  que  les  araignées-loups  de  divers  anciens  auteurs  ,  et 
les  saltigrades  ;,  ou  celles  qu'ils  ont  appelées  phalanges  et 
sauteuses. 


DEUXIÈME    FAMILLE.    ARANÉlDES.  535 

Pieds  uniquement  propres  à  la  course  5  mâchoires  tou- 
jours droites  et  arrondies^  céphalothorax  généralement  ovoïde 
et  élevé  dans  le  milieu  de  sa  longueur^  yeux  formant  dans 
les  uns  un  triangle  curviligne  ou  un  hexagone  irrégulier, 
dans  les  autres ,  un  quadrilatère ,  mais  dont  le  coté  antérieur 
est  plus  étroit  que  le  céphalothorax  mesuré  dans  sa  plus  grande 
largeur^  tels  sont  les  caractères  généraux  des  citigrades.  Nous 
ajouterons  que  si  l'on  en  excepte  les  ctènes,  les  tarses  sont 
terminés  dans  toutes  par  trois  crochets. 

Les  femelles  se  tiennent  sur  leur  cocon,  et  beaucoup  même 
l'emportent  avec  elles  dans  leurs  courses,  appliqué  contre  la 
poitrine ,  à  la  hase  du  ventre  ou  à  l'anus  ^  forcées  quelquefois , 
pour  échapper  à  des  dangers  imminens,  de  l'ahandonner , 
elles  reviennent  ensuite  le  chercher.  Elles  veillent  aussi  à  la 
conservation  des  petits  qui  viennent  de  naître  ,  et  quelques 
unes  les  portent  sur  leur  dos. 

Nous  commencerons  par  deux  genres  qui  se  rapprochent 
plus  que  les  autres  des  latérigrades. 

Le  premier,  celui  d'oxYOPE  (^oxyopes,  Latr.  5  sphasus , 
Walcr.)  ,  est  même  très  voisin  des  thomises  par  son  céphalo- 
thorax très  élevé,  tombant  brusquement  en  devant,  et  pré- 
sentant une  face  élevée ,  sous  le  sommet  de  laquelle ,  et  en 
dessus  ensuite ,  sont  placés  les  yeux ,  et  de  la  manière  sui- 
vante :  quatre  rapprochés  au-dessous  du  milieu  du  front ,  dis- 
posés deux  par  deux  sur  autant  de  lignes  ,  et  composant  un 
petit  quadrilatère  plus  étroit  en  devant ,  ceux  de  la  ligne  an- 
térieure étant  plus  rapprochés  et  plus  petits;  les  quatre  autres 
formant  par-derrière,  au  haut  du  front,  une  ligne  plus  longue 
que  les  précédentes  ,  transverse ,  arquée  en  arrière  ,  avec  les 
espaces  interoculaires  égaux.  Les  chélicères  sont  perpendicu- 
laires ;  la  languette  est  en  ovale  allongé  ,  rétrécie  inférieure- 
ment ,  avec  une  ligne  imprimée  transverse  au-desssus  de  sa 
base  :  les  deux  premiers  pieds  sont  les  plus  longs  ,  et  ensuite 
les  deux  suivans  et  les  deux  derniers  j  ceux-ci  sont  presque 
égaux  \  les  tarses  sont  triongulés. 

On  en  a  observé  deux  espèces  en  France  (^vojez  la  Faune 


536   ARACHNIDES.  PREMIER  ORDRE.  PULMONAIRES. 

française).  M.  Savigny  en  a  figuré  une,  qu'il  a  trouvée  en 
Egypte  {Araclin.^  pi.  IV,  fig.  i  ).  On  en  connaît  d'autres,  les 
unes  de  l'Inde  et  les  autres  d'Amérique. 

Le  genre  ctène  Retenus)  se  compose  de  grandes  aranéides 
propres  à  l'Amérique  méridionale ,  qui ,  par  leurs  tarses  bion- 
gulés  et  garnis  de  brosse  sous  les  deux  crochets,  tiennent  des 
latérigrades,  et  par  les  autres  caractères,  des  dolomèdes  et  des 
iycoses.  La  quatrième  paire  de  pieds,  et  la  première  ensuite, 
sont  les  plus  longues.  Les  yeux  sont  disposés  sur  trois  lignes 
transverses,  savoir  :  2  ,  4?  2  -,  les  deux  inférieurs  ou  les  deux 
premiers  forment ,   avec  les  deux  intermédiaires  de  la  se- 
conde ligne  5  un  carré ,  et  chaque  œil  latéral  de  celle-ci  est 
placé ,  avec  l'un  des  deux  de  la  dernière ,  sur  une  élévation 
commune  ;  celui-ci  est  un  peu  plus  en  dehors  -,  la  languette 
est  carrée  et  presque  isométrique. 

Les  autres  genres  de  la  section  des  latérigrades  ont  un 
caractère  commun  qui  les  distingue  des  précédens.  Leurs 
quatre  yeux  antérieurs ,  ou  les  plus  rapprochés  des  chéli- 
cères ,  sont  disposés  sur  une  ligne  transverse  ,  la  première  j 
les  quatre  autres  forment ,  deux  par  deux ,  autant  de  lignes 
transverses  :  le  tout  compose  un  grand  quadrilatère  \  la 
quatrième  paire  de  pieds  est  la  plus  longue  de  toutes  ;  la 
languette  est  carrée. 

Les  DOLOMÈDES  (dolomedeSy  Latr.),  auxquels  nous  réu- 
nissons les  ocj  aies  de  M.  Savigny,  ont  les  yeux  disposés  en 
un  quadrilatère  ,  dont  le  côté  postérieur,  ou  l'espace  linéaire 
compris  entre  les  deux  derniers  yeux ,  est  notablement  plus 
large  que  l'antérieur  ,  ces  deux  yeux  étant  beaucoup  plus  en 
dehors  que  les  autres  :  ils  sont  situés  sur  une  éminence  ^  ce 
quadrilatère  forme  ainsi  un  trapèze  plus  large  que  long.  Les 
premiers  et  seconds  pieds  sont  presque  égaux. 

Des  espèces  ayant  les  quatre  yeux  antérieurs  égaux  et  l'ab- 
domen arrondi  au  bout,  habitent  les  bords  des  eaux,  courent, 
avec  une  grande  vitesse  ,  à  leur  surface  ,  y  entrent  même 
sans  se  mouiller,  et  font  entre  les  branches  des  végétaux  une 
grosse  toile   irrégulière  ,  où  elles   placent  leur  cocon.  Elles 


DEUXIÈME    FAMILLE.     ARANÉIDES.  537 

forment  la  famille  des  dolomèdes  riverains  de   M.  Walc- 
kenaer. 

Celles  où  les  yeux  latéraux  de  la  ligne  antérieure  sont  plus 
gros  que  les  intermédiaires,  et  dont  l'abdomen  finît  en  pointe, 
vivent  dans  les  bois ,  font  leur  nid  aux  sommités  des  arbres 
ou  dans  les  buissons ,  lui  donnent  la  forme  d'un  entonnoir  ou 
d'une  cloche,  y  pondent,  mais  avec  la  précaution  d'emporter 
avec  elles ,  lorsqu'elles  quittent  cette  demeure ,  leur  cocon  , 
qu'elles  appliquent  alors  sur  la  poitrine.  Clerck  en  a  vu  des 
individus  sautant  très  promptement  sur  des  mouches  qui  vo- 
laient autour  d'elles.  M.  Walckenaer  range  ces  espèces  dans 
sa  famille  des  sylvains.  (i) 

M.  Savigny  dit  que  le  crochet  inférieur  et  simple  du  bout 
des  tarses  est  inséré  entre  des  soies  plantaires  ^  caractère  qui , 
à  en  juger  par  son  silence  à  cet  égard  ,  n'existerait  point  dans 
les  ocyales.  Les  crochets  supérieurs  diffèrent  aussi  dans  ces 
deux  genres,  mais  les  yeux  et  la  bouche  ne  paraissent  pas  offrir 
de  dissemblances  remarquables. 

Les  LYcosEs  (lycosuy  Latr.)  ont  leurs  yeux  disposés  en  un 
carré  presque  de  la  même  largeur  partout ,  les  deux  derniers 
n'étant  point  ou  très  peu  en  dehors  des  latéraux  des  autres 
lignes  ^  ils  ne  sont  point  placés  sur  une  élévation.  La  première 
paire  de  pieds  est  sensiblement  plus  longue  que  la  suivante  ^ 
la  languette  est  plus  longue  que  large. 

Ces  aranéides  font  leur  séjour  dans  des  trous  en  terre,  ou 
dans  les  fentes  des  murs ,  les  crevasses  des  arbres  ^  quelques 
unes  s'établissent  sous  des  pierres.  Elles  tapissent  l'intérieur 
de  leurs  retraites  avec  de  la  soie  entremêlée  quelquefois  exté- 
rieurement ,  ou  vers  l'ouverture ,  de  quelques  corps  étran- 
gers ,  comme  des  particules  de  terre ,  ou  des  grains  de  sable. 
Une  espèce  (la  L.  habile)  élève  verticalement  au-dessus  de 
son  trou  formé  dans  la  terre ,  un  petit  tuyau  conique  et  soyeux 
qu'elle  recouvre  de  ces  mêmes  matières.  Le  cocon  est  soyeux, 
sphérique  ou  circulaire  ,   et  lorsque  -la  femelle  sort  elle  le 


(i)  Foyez  la  Faune  française. 


538       ARACHNIDES.  PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

porte  toujours  fixé  à  l'anus,  tandis  que  dans  les  dolomèdes  il 
est  placé  sous  la  poitrine  et  la  portion  adjacente  du  ventre  ; 
elle  le  défend  contre  les  agresseurs  avec  une  grande  opiniâ- 
treté ,  et  nous  avons  été  témoin  ,  à  l'égard  d'une  espèce  ,  que, 
forcée  de  l'abandonner,  elle  revenait  le  chercher,  lorsqu'elle 
se  croyait  en  sûreté;  elle  l'emporte  alors  avec  ses  chélicères. 
Il  paraît  qu'elle  déchire  l'enveloppe ,  lorsque  les  œufs  sont 
éclos;  elle  garde  les  petits  dans  son  habitation,  et  les  porte 
souvent  sur  son  dos. 

M.  Walckenaer  a  partagé  ce  genre  en  trois  petites  familles  : 
les  terricoles  ,  les  corsaires  et  les  porte-queue.  Les  espèces  de 
la  seconde  ,  courant  comme  plusieurs  dolomèdes  sur  les  bords 
et  sur  la  surface  de  l'eau,  leur  cocon  étant  toujours  sphé- 
rique  ,  semblent  lier  ces  dolomèdes  avec  les  lycoses  terricoles. 
C'est  avec  celles-ci  que  se  range  une  espèce  des  plus  grandes , 
et  qui  jouit  d'une  grande  célébrité,  \di  tarentule.  On  croit 
qu'elle  a  été  nommée  ainsi  de  la  ville  de  Tarente  en  Italie  , 
où  elle  est  très  commune;  mais  comme  dans  la  Provence  un 
saurien  réputé  venimeux,  le  gecko  des  murailles,  est  appelé 
tarente,  tarentola ,  et  que  les  Italiens  le  nomment  terren- 
tola ,  il  nous  paraît  bien  plus  probable  que  l'aranéide  dont  il 
s'agit  ici ,  et  dont  la  morsure  passe  pour  être  très  dangereuse , 
a  reçu  une  dénomination  analogue  des  Phocéens,  colonie 
grecque. 

Dans  les  individus  propres  à  l'Italie  méridionale  et  à  l'Es- 
pagne (^voyez  VIcon.  du  Règne  anim. ,  fasc.  i,  Arachn. , 
pi.  I,  fig.  6)  ,  le  ventre  est  d'un  beau  rouge,  traversé  dans 
son  milieu  par  une  bande  noire.  Dans  la  Z.  narbonnaise  diO. 
M.  Walckenaer  (voyez  la  Faune  française) ,  toute  semblable 
d'ailleurs  à  la  précédente  ,  le  ventre  est  tout  noir,  avec  un 
peu  de  rouge  sur  ses  bords.  Suivant  l'opinion  populaire,  la 
piqûre  de  la  tarentule  produit  des  effets  très  graves  (le  taren- 
tisme) ,  et  pouvant  être  suivis  de  la  mort.  On  les  combat  par 
la  danse  aidée  de  la  musique.  Mais  ici  les  terreurs  de  l'imagi- 
nalion  doivent  principalement  occuper  l'attention  du  méde- 
cin ;  un  accès  passager  de  fièvre,  voilà  tout  ce  qui  peut  ré- 


DEUXIÈME   JbAMlLLE.    ARANÉIDES.  SSq 

sulter  de  la  piqûre  de  cet  animal ,  dans  une  personne  saine  et 
exemple  de  ces  préjugés.  L'art  médical  fournit  à  cet  égard 
des  moyens  de  prévenir  ces  accidens. 

L'Amérique  septentrionale ,  le  Brésil  et  la  Russie  méridio- 
nale ont  des  lycoses  qui  ont  de  grands  rapports  avec  la  taren- 
tule. On  trouve  aussi,  aux  environs  de  Paris,  une  espèce 
ayant  encore  avec  elle  assez  d'affinité  :  c'est  la  L.  ouvrière. 
(  Voyez  la  Faune  française.  ) 

La  L.  allô  dr orne  y  pareillement  indigène,  s'établit  dans  les 
fentes  des  murs ,  et ,  au  temps  de  la  ponte ,  ferme  sa  demeure  , 
au  moyen  d'une  toile  fine  recouverte  extérieurement  de  par- 
celles de  sable ,  de  sorte  que  cette  porte  ressemble  à  la  coque 
de  certains  bombyx.  L'espèce  la  plus  commune  et  que  l'on 
rencontre  abondamment  à  terre  ,  sur  les  cbemins  et  dans  les 
champs ,  surtout  au  printemps  et  en  automme  ,  est  la  L.  A  sac 
{saccata).  Les  sillons  des  terres  à  blé  sont  alors  traversés  par 
une  infinité  de  petits  fils  de  soie ,  produits  par  les  jeunes  indi- 
vidus ,  mais  qu'on  ne  dislingue  bien  que  lorsque  ces  sillons  sont 
éclairés  et  sous  un  certain  aspect ,  par  le  soleil.  La  L.  albi- 
mane ,  type  unique  de  la  famille  des  porte-queue,  a  la  ligne 
antérieure  oculaire  un  peu  courbée  en  avant,  et  coupée  en 
deux  ,  dans  son  milieu ,  de  sorte  que  les  yeux  y  sont  distribués 
par  paires.  Elle  se  cacbe  sous  des  pierres.  {Vojez ,  outre  la 
Faune  frajiçaise,  les  figures  des  espèces  observées  en  Egypte 
par  M.  Savigny,  Araclin. ,  pi.  IV,  et  qui  sont  au  nombre 
de  sept.) 

Cette  iycose  nous  paraît  conduire  aux  saltigrades,  ou  les 
araignées  sauteuses,  nommées  aussi  phalanges,  dernière  sec- 
tion de  la  famille  des  aranéides.  C'est  moins  cependant  par 
la  faculté  qu'elles  ont  de  s'élancer  sur  leur  proie ,  en  sautant , 
que  par  des  caractères  de  conformation ,  que  nous  les  dis- 
tinguerons des  aranéides  précédentes.  Leur  céphalothorax  est 
très  sensiblement  plus  élevé  que  celui  des  ciligrades,  plus 
large  en  devant,  de  manière  qu'il  semble  être  coupé  carrément, 
avec  le  dos  déprimé  ou  un  peu  bombé,  et  incliné  brusquement 
ou  en  talus  vers  son  extrémité  poslérieure  ^  dans  quelques 


54o       AIlACH]>ffDlïS.  PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

unes  même ,  cette  partie  postérieure  se  rétrécit  brusquement 
etform_e  une  sorte  de  pétiole  -,  le  front  est  avancé-,  la  disposi- 
tion des  yeux  varie  de  quatre  manières  :  i°.  Elle  est  presque 
la  même  que  celle  des  lycoses  ,  et  c'est  ce  qui  a  lieu  dans  les 
mjrmédes ,  genre  que  j'avais  d'abord  placé  dans  la  section 
précédente  ,  mais  qui,  par  la  forme  de  son  céphalothorax  me 
paraît  aujourd'hui  avoir  plus  de  rapports  avec  les  saltigrades. 
^°.  Ces  yeux  forment ,  quatre  par  quatre ,  deux  lignes  trans- 
verses ,  l'antérieure  droite ,  beaucoup  plus  courte ,  à  yeux 
très  rapprochés,  et  dont  les  deux  intermédiaires  plus  gros;  et 
la  postérieure  presque  une  fois  plus  longue ,  un  peu  arquée 
en  avant ,  et  formée  d'yeux  égaux ,  très  petits ,  écartés ,  et 
dont  les  deux  extrêmes  situés  près  des  bords  du  céphalo- 
thorax. C'est  ce  qui  est  exclusivement  propre  au  genre  j)al- 
pimane.  3".  Maintenant,  quatre  de  ces  yeux,  tous  petits, 
égaux  et  très  écartés,  composent  un  grand  carré  \  et  au  milieu 
de  son  côté  antérieur,  les  quatre  autres ,  très  rapprochés , 
forment  un  petit  trapèze  ,  dont  le  côté  postérieur  un  peu  plus 
long  ;  les  deux  premiers  yeux  sont  de  niveau  avec  ceux  des 
angles  antérieurs  du  grand  quadrilatère,  où  le  trapèze  est 
inscrit.  Le  G.  érese  nous  fournit  un  exemple  de  cette  dis- 
position. 4°-  Enfin  ces  organes  dessinent  un  quadrilatère  al- 
longé ,  ouvert  par-derrière ,  un  peu  arqué  en  avant  au  côté 
opposé,  ou  en  devant;  ce  côté  antérieur  se  compose  de  quatre 
yeux,  dont  les  deux  intermédiaires  plus  avancés  et  toujours 
notablement  plus  gros  que  les  autres  et  très  brillans.  Les  côtés 
latéraux  sont  formés  chacun  de  deux  yeux ,  dont  l'antérieur 
toujours  petit;  ils  sont  situés  près  des  bords  du  céphalothorax; 
on  a  aussi  comparé  cette  disposition  à  une  figure  parabolique. 
Nous  ne  connaissons  aussi  qu'un  seul  genre,  celui  de  saltique 
[atte,  Walck.),  auquel  elle  soit  particulière.  Nous  ne  re- 
viendrons point,  dans  l'exposition  de  ces  diverses  coupes  gé- 
nériques ,  sur  ces  caractères.  Les  saltigrades  ont  généralement 
la  lèvre  plus  allongée  que  les  citigrades,  ou  plus  haute  que 
large ,  et  rétrécie  en  pointe  ,  de  sorte  qu'elle  forme  un  triangle 
allongé.  Les  pâtes  sont  généralement  plus  courtes,  mais  plus 


DEUXIÈME    FAMILLE.    ARANÉlDES.  54 1 

épaisses  ou  plus  robustes  que  celles  des  citigrades,  et  les 
cuisses  antérieures  sont  plus  grosses  que  les  autres  ,  dans  plu- 
sieurs. La  longueur  de  ces  organes  varie ,  mais  généralement 
les  deux  derniers  surpassent  à  cet  égard  les  autres  ;  ce  sont 
ensuite  les  deux  antérieurs,  mais  il  en  est  où  les  quatre  pos- 
térieurs sont  les  plus  longs  et  égaux ,  et  d'autres  oii  les  deux 
premiers  ressemblent  sous  ce  rapport  à  ceux-ci.  (  Voyez  la 
pi.  YII  des  Arachnides  de  M.  Savigny.  ) 

Ces  aranéides  se  tiennent  le  plus  souvent  sur  les  feuilles , 
les  troncs  d'arbres  ou  sur  les  murs  ,  afin  d'y  guetter  les  petits 
insectes  dont  elles  se  nourrissent.  Elles  se  construisent  entre 
des  feuilles,  sous  des  pierres,  dans  des  coquilles,  ou  dans  des 
corps  otFranl  des  cavités  ,  des  nids  de  soie ,  en  forme  de  sacs 
ouverts  aux  deux  bouts  ,  où  elles  se  retirent  pour  se  reposer, 
se  garantir  des  intempéries  de  la  saison ,  y  subir  leurs  mues  et 
faire  leurs  pontes.  Les  petits  de  quelques  unes  vivent  avec  leur 
mère  sous  une  tente  formée  aussi  avec  de  la  soie.  Plusieurs  , 
comme  une  espèce  de  saltique  très  commune  {^aranea  scenica  , 
LiJNN.),  Y  araignée  sauteuse,  à  trois  chevrons  blancs,  de 
Geoffroy,  dévident,  en  sautant,  un  fil  qui  leur  sert,  en  cas  de 
cbute,  à  se  suspendre  et  à  remonter.  Quelques  autres  du 
même  genre ,  les  attes  voltigeuses  de  M.  Walckenaer,  sem- 
blables ,  au  premier  coup  d'œil ,  à  des  fourmis ,  remarquables 
en  outre  par  leur  cépbalotborax  divisé  en  deux  par  une  im- 
pression transverse  ,  et  dont  la  section  postérieure  forme  une 
sorte  de  pédicule  obconique  ,  redressent  leurs  pieds  antérieurs 
et  les  font  vibrer  très  rapidement.  Les  mâles  ont  des  cbéli- 
cères  fort  grandes,  avancées,  et  ne  paraissent  pas  s'intimider 
lorsqu'on  leur  présente  le  doigt.  Les  individus  de  ce  sexe  se 
livrent  quelquefois ,  dans  leurs  amours ,  des  combats  très  ex- 
traordinaires. 

Le  genre  myrmécie  {rnyrmecia)  ^  que  j'ai  établi  dans  les 
Annales  des  Sciences  naturelles  (tom.  III ,  pag.  27  ) ,  sur  une 
espèce  du  Brésil ,  a  le  cépbalotborax  comme  divisé  en  trois 
parties,  dont  les  deux  postérieures  forment  une  sorte  de  pé- 


542        ARACHNIDES.   PREMIER    ORDRE.    PULMONAIRES. 

dicule  à  deux  nœuds,  et  dont  l'antérieure  beaucoup  plus 
grande,  presque  carrée ,  porte  les  yeux. 

Celui  de  palpimane  {palpimanus)  a  été  publié  par  M.  Du- 
four,  dans  les  Annales  des  Sciences  physiques  de  Bruxelles 
(tom.  V,  pi.  LXIX,  fig.  5).  Il  a  pour  type  une  espèce  qu'il 
a  observée  en  Espagne ,  mais  qui  se  trouve  aussi  en  Sicile  et 
même  en  Egypte.  Outre  le  caractère  unique  tiré  de  la  dispo- 
sition des  yeux ,  les  deux  tarses  antérieurs  en  offrent  un  très 
singulier 5  le  dernier  article  est  rétréci  à  sa  base,  inséré  obli- 
quement sur  le  précédent ,  et  n'offre  aucun  crochet  au  bout. 
Le  céphalothorax  est  brusquement  déprimé  vers  sa  partie 
postérieure.  Les  deux  cuisses  antérieures  sont  fort  grandes  et 
grosses.  M.  Savigny  avait  aussi  formé ,  avec  cet  animal ,  un 
genre  propre ,  celui  de  chersis  (voyez  la  pi.  Vil ,  fig.  6  et  7  des 
Arachn.  )  j  mais  rien  n'indique  qu'il  ait  observé  la  forme  par- 
ticulière des  tarses  antérieurs.  Le  mâle ,  que  M.  Dufour  ne 
paraît  pas  avoir  connu,  a  l'avant-dernier  article  des  palpes 
très  gros  et  globuleux. 

Ces  deux  naturalistes  et  M.  Walckenaer  ont  figuré  diverses 
espèces  du  genre  érèse  [ère sus ,  Wâ.lck.  ),  bien  distinct  par  la 
figure  de  leur  groupe  oculaire,  dont  nous  avons  déjà  parlé. 
Ces  aranéides  sont  généralement  propres  aux  pays  chauds. 
M.  Savigny  en  a  représenté  deux  espèces,  pi.  IV,  fig.  1 1  et  125 
la  dernière  se  trouve  aussi  au  Sénégal. 

Le  dernier  genre,  celui  de  saltique  [salticus,  Latr.  ^ 
attus y  Walck.),  est  encore  bien  signalé  par  la  disposition 
des  yeux.  M.  Walckenaer  en  a  décrit,  dans  la  Faune  fran- 
çaise ^  trente-trois  espèces,  qu'il  disperse  dans  trois  sections^ 
les  sauteuses ,  les  voltigeuses  et  les  paresseuses.  M.  Savigny 
a  représenté ,  pi.  VII,  fig.  8-22  ,  celles  qu'il  a  recueillies  en 
Egypte.  Nous  avons  nous-même  traité,  avec  assez  d'étendue, 
ce  genre  dans  la  seconde  édition  du  Nouveau  Dictionnaire 
d  Histoire  naturelle. 

Celui  de  Tessarops ,  de  M.  Rafinesque ,  exige  de  nouveaux 
éclaircissemens. 


ARACHNIDES.  — DEUXIÈME  ORDRE.   APOROBRÂNCIIES.    5/|3 


DEUXIÈME  ORDRE. 

APOROBR ANCHES  {APOROBRANCHIJ).  (i) 

Il  compose ,  dans  la  seconde  édition  du  Règne  animal  de 
M.  Cuvier,  la  seconde  famille  des  arachnides  trachéennes, 
celle  des  pycnogonides  [pycnogonides).  Mais  l'absence,  pour 
la  respiration  ,  de  toute  ouverture  extérieure ,  ainsi  que  d'au- 
tres caractères  extérieurs  ^  et  surtout  ces  deux  pâtes  surnu- 
méraires ,  qui  dans  les  femelles  portent  et  uniquement  les 
œufs  ,  ne  permettent  pas  de  ranger  ces  animaux,  qui  sont  tous 
d'ailleurs  marins ,  dans  l'ordre  des  pulmonaires,  ni  dans  celui 
des  trachéennes.  Par  le  nombre  des  organes  de  la  locomotion 
et  des  appendices  accompagnant  le  siphon ,  ils  se  rapproche- 
raient, suivant  M.  Savigny,  des  laemodipodes  \  mais  cette  com- 
paraison est  uniquement  fondée  sur  la  supposition  que  les 
arachnides  sont  des  crustacés  sans  tête. 

D'après  quelques  observations  récentes  (2),  ces  arachnides 
auraient  des  vaisseaux  pour  la  circulation  ;  mais  il  est  d'au- 
tant plus  aisé  de  se  méprendre  à  cet  égard ,  que  les  mouve* 
mens  qu'on  a  remarqués  dans  les  pâtes  peuvent  être  produits 
par  les  dilatations  des  expansions  latérales  du  canal  intestinal , 
et  s'y  présentant  sous  la  forme  de  vaisseaux  noirâtres  ,  que 
M.  Milne  Edwards  a  observées  dans  ces  organes.  Ceux  de  la 
respiration  s'afFaiblissant  à  mesure  que  l'on  arrive  aux  der- 
nières limites  d'une  coupe  ,  où  ils  doivent  offrir  un  autre 
mode  de  composition ,  il  serait  possible  que  les  aporobranches 
fussent  dans  ce  cas ,  et  qu'ils  respirassent ,  ainsi  que  diverses 
annélides  et  divers  crustacés ,  par  quelques  parties  de  leur 
peau.  Ils  ont  d'ailleurs  une  grande  affinité  avec  les  faucheurs 


(i)  Branchies  sans  ouverture  sligmatiforme. 

(2)  Foj.  le  Bulletin  des  Sciences  naturelles  de  M.  le  baron  de  Férussac.  Mai  1829. 


544    ARA.CHIVIDES.  PREMIER    ORDRE.    APOROBRA.NCHES. 

OU  phalangiuni,  genre  dont  ils  faisaient  anciennement  partie. 
Le  siphon  paraît  être  formé  par  les  mâchoires  et  la  lèvre  sou- 
dées ensemble.  On  les  trouve  parmi  les  plantes  marines,  sous 
les  pierres ,  près  des  rivages ,  et  quelquefois  aussi  sur  des 
cétacés. 

Nous  partagerons  cet  ordre  en  deux  familles,  dont  les  noms 
nous  rappelleront  ceux  des  deux  genres  principaux. 

PREMIÈRE  FAMILLE. 

NYMPHONIDES    {N  Y  M  P  H  O  NIDES). 

Le  siphon  est  accompagné  d'appendices,  consistant  en  deux 
chélicères ,  et  souvent  aussi  en  deux  palpes  :  le  corps  et  les 
pâtes  sont  longs. 

Le  genre  nymphon  (^nymphon ,  Fab.)  nous  présente  ces 
deux  sortes  d'appendices.  M.  le  docteur  Leach  en  a  séparé , 
sous  le  nom  générique  d'AMMOTHÉE  (^ammothea) ,  une  espèce 
de  la  Caroline  remarquable  par  ses  chélicères  beaucoup  plus 
courtes  que  le  siphon ,  et  par  ses  palpes  de  neuf  articles ,  au 
lieu  de  cinq  qu'ont  les  nymphons  ordinaires,  (i) 

Les  PHoxicHiLEs  (phoxichilus y  Latr.  )  diffèrent  des  précé- 
dens  par  l'absence  des  palpes. 

DEUXIÈME  FAMILLE. 

PYCNOGONIDES    (PY CNOGONIDES). 

Elle  n'est  formée  que  d'un  seul  genre,  celui  de  pycnogonon 
(^pycnogojium,  Brùnn.,  Fab.)_,  distinct  de  tous  les  autres 
par  l'absence  de  chélicères  et  de  palpes ,  ainsi  que  par  le 
corps  proportionnellement  plus  court.  Les  pâtes  ont  acquis  en 
épaisseur  ce  qu'elles  ont  perdu  eu  longueur.  Il  est  à  remar- 
quer que  dans  cette  famille  les  proportions  respectives  des 


(i)   l^oyez,  pour  la  synonymie  de  ce  genre  et  des  suivans,  la  seconde  édition  du 
fiègne  animal. 


ARACHNIDES.  TROISIÈME    ORDRE,    TRACHÉENNES.     545 

arlicles  composant  la  cuisse  et  la  jambe  ,  diffèrent  de  celles 
qu'offrent  les  mêmes  articles  dans  les  aranéides  ,  et  que  ces 
animaux  se  rapprochent  à  cet  égard  des  galéodes ,  premier 
cenre  de  l'ordre  suivant. 


TROISIÈME  ORDRE. 

TRACHÉENNES    {TRACHEARIM). 

Plusieurs  caractères  extérieurs  suppléent  à  l'impuissance 
où  l'on  est ,  vu  l'extrême  petitesse  de  la  plupart  de  ces  ani- 
maux ,  de  s'assurer  par  le  secours  du  scalpel  qu'ils  sont  privés 
de  tout  système  de  circulation,  et  qu'ils  respirent  par  des  tra- 
chées (i).  Leur  céphalothorax,  souvent  très  petit  comparati- 
vement à  l'ahdomen  ,  est  confondu  avec  lui ,  et  forme  une 
masse  plus  ou  moins  arrondie  ou  ovoïde ,  et  n'offrant  dans  la 
plupart  aucune  trace  d'anneaux  ou  d'articulations.  Les  stig- 
mates, au  nombre  de  deux,  et  ordinairement  peu  percep- 
tibles ,  sont  placés ,   dans  les  uns  ,  près   de  l'origine  externe 
de   quelques   unes  des  pâtes ,    et ,   dans  les  autres ,   sur  le 
ventre  ,    où    ils   se    présentent  ,    lorsqu'ils    sont    plus    dis- 
tincts ,    comme  dans  les  ixodes ,   sous   la    forme  de   points 
écailleux  et  ombiliqués.  Le  nombre  des  yeux,  invisibles  dans 
quelques  uns,  est  de  quatre  au  plus.  Celui  des  pâtes  est  de 
huit  à  six  dans  les  deux  sexes.  Ces  animaux  diffèrent  des  pyc- 
nogonides  par  l'absence  de  pâtes  ovigères  ,  la  forme  du  corps 
et  le  volume  de  l'abdomen.  Quelques  uns  exceptés  ,  ils  sont 
généralement  très  petits,  et  plusieurs  même  microscopiques; 
mais  ils  n'en  jouent  pas  moins  un  rôle  très  important  sur  le 
théâtre  de  la  nature  ,  puisqu'ils  rongent  et  corrompent  plu- 
sieurs de  nos  substances  alimentaires ,  nos  collections  d'his- 
toire naturelle  -,  qu'ils  se  fixent  sur  divers  animaux  ,  où  ils  se 


(i)  Suivant  M.  Straus,  ces  tracliées  ne  commimiquent  point  entre  elles,  et  ne  for- 
meut  que  des  houppes  isolées,  jetant  ensuite  des  raiceaux,  dans  l'intérieur  du  corps. 

35 


546      ARACHNIDES.  TROISIEME    ORDRE.    TRACHÉENNES. 

multiplient  d'une  manière  si  effrayante  qu'ils  peuvent  les 
faire  périr.  L'homme  lui-même  n'est  pas  à  l'abri  de  leurs 
attaques  ,  et  quelques  savans  leur  attribuent  l'origine  de  cer- 
taines maladies,  comme  la  gale,  la  dysenterie,  etc.,  du  moins 
peuvent-ils  propager  la  première.  Quelques  espèces  sont  sim- 
plement phyllophages. 

Linné  comprend  ces  arachnides  dans  ses  genres  phalanglum 
et  acarus.  Elles  composent ,  dans  le  Mémoire  aptérologique 
d'Hermann  fils,  sa  seconde  famille  des  aptères,  celle  des  ho- 
lètres ,  mais  à  laquelle  il  faut  joindre  les  genres  galéode  et 
pince,  qu'il  met  dans  la  suivante ,  où  il  confond  les  arach- 
nides pulmonaires  avec  les  crustacés.  Malgré  ce  désordre,  son 
travail  sur  les  acarus  est  des  plus  remarquables  pour  le  temps 
où  il  a  été  rédigé  ,  et  presque  notre  unique  ressource  ,  avec 
celui  de  de  Géer  (t).  Voulant ,  dans  la  partie  entomologique  du 
Règne  animal  àe  M.  Cuvier,  mettre  autant  que  possible  notre 
méthode  en  harmonie  avec  les  genres  de  Linné ,  nous  avons 
adopté  la  coupe  des  holètres^  mais  dans  notre  ouvrage  sur  les 
familles  naturelles  du  règne  animal ,  nous  avons  suivi  une 
autre  marche ,  et  qui  nous  paraît  plus  simple. 

Nous  partagerons  les  arachnides  trachéennes  en  octopodes 
et  en  hexapodes . 

De  la  première  division  nous  détacherons  d'abord  les  espèces 
purement  aériennes  ou  terrestres,  celles  dont  les  pieds  sont 
simplement  propres  à  la  course  et  non  à  la  natation.  Le  genre 
hydrachna  (  araignée  d'eau)  de  MûUer,  composé  d'espèces 
aquatiques ,  à  pieds  ciliés  et  natatoires ,  sera  ainsi  séparé  et 
formera  la  division  opposée. 

Parmi  les  arachnides  trachéennes  octopodes  et  terrestres , 
il  en  est  dont  la  bouche  offre  des  chélicères  analogues  à  celles 
des  arachnides  pulmonaires ,  c'est-à-dire  terminées  en  pince 
didactyle ,  ou  du  moins  en  griffe ,  ou  par  un  crochet  mobile  , 


(i)  M.  Tliéls  fils  prépare  sur  ces  aaimaux  uu  nouveau  travail,  et  qui  ,  d'après 
les  nombreux  et  très  beaux  dessins  qu'il  m'a  fait  voir,  lui  méritera  l'adrairation  et 
la  reconaaissauce  de  tons  les  naturalistes. 


PREMIÈRE    FAMILLE.    FAUX-SCORPIONS.  bl^'J 

et  d'autres  où  cette  bouche  est  formée  de  petites  lames  plus 
ou  moins  allongées,  et  réunies  pour  composer  un  siphon  ou 
un  suçoir.  Cette  dissemblance  doit  naturellement  servir  de 
base  à  deux  subdivisions.  Occupons-nous  de  la  première  ou 
des  arachnides  trachéennes  octopodes ,  terrestres  et  pourvues 
de  chélicères  propres,  didactyles  ou  raonodactyles. 

PREMIÈRE  FAMILLE. 

FAUX-SGORPIONS  ( PSEUDOSCORPIOISES). 

Les  chélicères  sont  toujours  didactyles  et  saillantes.  Les 
palpes  sont  toujours  grands,  soit  en  forme  de  serres  didac- 
tyles, soit  pédiformes  et  terminés  par  un  bouton  vésiculeux 
et  sans  crochet  :  l'abdomen  est  généralement  annelé  ou  plissé , 
du  moins  en  dessous. 

Le  premier  genre,  celui  de  galéode  (galeodes,  Oliv.; 
solpugay  Fab.)  ,  avait  été  anciennement  désigné  par  la  déno- 
mination de  tetragnatha  (quatre  mâchoires),  à  raison  des 
chélicères,  qui  sont  très  grandes  et  terminées  par  deux  doigts 
verticaux,  croisés,  fortement  dentés,  l'un  supérieur,  fixe, 
muni  dans  certains  individus,  présumés  mâles,  d'un  appen- 
dice ou  cirrhe,  grêle,  allongé-,  l'autre  inférieur  et  mobile. 
Elles  composent,  avec  le  céphalothorax ,  une  grande  tête.  Celui- 
ci,  recouvert  d'une  plaque  trapézoïde,  dont  le  côté  antérieur 
plus  large  et  offrant  au  milieu,  sur  une  éminence,  deux  yeux 
très  rapprochés,  porte  deux  grands  palpes  avancés,  de  six  ar- 
ticles, dont  le  coxal  maxilliforme ,  et  dont  le  dernier  court 
obconique ,  avec  un  ombilic  au  bout ,  présente  quelques  or- 
ganes particuliers  et  rétractiles,  servant,  lorsque  l'animal  est 
irrité.  Au  céphalothorax  sont  encore  annexés  :  i°.  les  deux 
premiers  pieds,  qui  ont  la  forme  de  palpes,  sont  intimement 
unis^  à  leur  naissance,  avec  eux,  grêles,  filiformes,  de  six 
articles,  dont  le  dernier,  soit  mutique,  soit  muni  d'un  onglet 
très  petit  ou  peu  distinct;  2°.  le  camérostome,  dont  le  labre 
est  comprimé  ,  relevé  et  en  faucille;  et  3°,  une  lèvre  terminée 


548     ARACHNIDES.  TROISIÈME    ORDRE.    TRACHÉEiNNES. 

par  deux  lobes  ligules  ,  avec  une  soie  velue  au  bout.  Viennent 
ensuite  trois  autres  paires  de  pieds ,  portés  sur  autant  de  seg- 
mens ,  et  terminés  par  un  tarse ,  dont  le  dernier  article  muni 
de  deux  petites  pelotes ,  avec  deux  longs  crochets  insérés 
supérieurement ,  en  forme  de  doigts ,  arqués ,  et  finissant  par 
un  petit  onglet  distinct.  Ces  pieds  sont  armés  de  petites  épines-, 
les  deux  derniers,  manifestement  plus  grands  que  les  autres, 
ont  chacun  cinq  petites  écailles  ,  pédicellées  ,  en  forme  de 
demi-entonnoir,  et  disposées  sur  une  rangée  longitudinale, 
le  long  du  côté  interne  des  deux  premiers  articles.  L'abdo- 
men est  ovalaire  et  composé  de  neuf  anneaux.  Le  corps  est 
oblong ,  mou  ,  velu ,  avec  la  portion  thoracique  propre ,  celle 
qui  porte  les  trois  dernières  pâtes,  plus  étroite.  J'ai  aperçu  un 
grand  stigmate  entre  les  premières  et  les  secondes ,  et  une 
fente  à  la  base  du  ventre. 

Ces  animaux ,  propres  aux  pays  chauds ,  et  particulière- 
ment à  l'Afrique  et  aux  contrées  de  l'Asie  adjacentes,  cou- 
rent avec  une  grande  vitesse  ,  sont  hardis  ,  redressent  leur 
tête  lorsqu'on  cherche  à  les  saisir ,  et  font  mine  de  vouloir 
se  défendre.  Ils  sortt  très  redoutés  des  Arabes  ,  et  leur  mor- 
sure passe  pour  être  venimeuse.  Je  n'ai  cependant  distingué 
aucun  organe  extérieur  indiquant  cette  propriété.  Herbst  a 
publié  une  Monographie  de  ce  genre.  Olivier  a  décrit  les  es- 
pèces qu'il  a  recueillies  durant  son  voyage  dans  l'empire  otto- 
man ,  et  auxquelles  l'on  peut  rapporter  comme  identiques 
celles  que  M.  Savigny  a  figurées  avec  des  détails  admirables 
dans  l'ouvrage  sur  l'Egypte  ,  Araclin.,  pi.  VIII,  fig.  ^-g.  Ce 
genre  se  trouve  aussi  dans  l'Amérique  méridionale  -,  mais  ces 
espèces  sont  inédites  (i)  :  on  n'en  a  apporté  encore  aucune 
de  TAustralasie  et  de  la  Polynésie. 

Le  second  genre ,  celui  de  pikce  (  clielifer ,  Geoff.  )  ,  est 
facile  à  reconnaître.  Il  se  compose  d'animaux  semblables  à  de 
petits  scorpions  ,  mais  sans  appendices  pectines  ni  queue  ; 


(i)  M.  Guérin  a  donné,  dans  le  troisième  fascicule  de  son  Iconographie ,  la  figure 
d'une  espèce  nouvelle,  spiiiipalpe,   de  ces  contrées. 


PREMIÈRE    FAMILLE.    FAUX-SCORPIONS.  549 

leurs  palpes  sont  pareillement  en  forme  de  serres  didaclyles  ^ 
les  yeux  sont  situés  sur  les  côtés  du  céphalothorax  j  les  pieds 
sont  égaux  et  terminés  par  deux  crochets. 

Ces  arachnides  courent  vite  ,  et  souvent  à  reculons  ou  de 
côté,  comme  certains  crabes.  Elles  se  tiennent  dans  les  vieux 
livres,  les  herbiers  ,  les  collections  d'insectes,  sous  les  écorces 
des  arbres ,  où  elles  se  nourrissent  d'acarus ,  des  larves  du 
psoque  pulsateur^etc.  Rœsel  a  vu  une  femelle  rassembler  ses 
œufs  en  un  tas.  Suivant  Hermann  fils  ,  elles  les  portent  sous  le 
ventre  ,  et  il  pense  que  ces  animaux  peuvent  filer. 

Depuis  Illiger,  on  ne  conserve  plus  dans  ce  genre  que  les 
espèces  bioculées ,  dont  le  céphalothorax  est  partagé  en  deux 
par  une  ligne  imprimée  ,  transverse ,  et  dont  les  chélicères  ont 
au  bout  du  doigt  mobile  un  stylet  :  caractère  offrant  quelque 
analogie  avec  celui  que  nous  avons  observé  dans  les  individus 
présumés  mâles  des  galéodes. 

Le  phalangiurn  cancroides  de  Linné ,  dont  Fabricius  a  fait 
un  scorpion  ,  et  que  l'on  connaît  aussi  sous  le  nom  de  scor- 
pion des  Iwres y  est  le  type  de  ce  genre. 

Les  espèces  qui  ont  le  céphalothorax  indivis  et  des  chéli- 
cères sans  stylet,  composent  maintenant  le  genre  obisie  (^ohi- 
sium  )  ,  dont  les  espèces  indigènes  se  trouvent  communément 
sous  les  pierres.  Dalman ,  dans  son  Mémoire  sur  les  insectes 
du  copal ,  en  a  établi  un  autre  sous  la  dénomination  à'eucaj- 
pus.  Le  docteur  Leach  s'est  spécialement  occupé  des  deux 
précédens  dans  le  dernier  volume  de  son  Zoologic'al  inisccl- 
lanj.  Leurs  caractères  sont  parfaitement  rendus  par  les  ma- 
gnifiques planches  (^Arachn.,  pi.  Mil,  fîg.  4-6)  du  grand 
ouvrage  sur  l'Egypte.  D'après  la  figure  4  d'une  espèce  du 
genre  pince  proprement  dit ,  il  paraîtrait  que  les  crochets  des 
tarses  se  terminent ,  ainsi  que  dans  les  galéodes ,  par  deux 
petits  onglets.  On  y  a  représenté  (fig.  5  et  6)  deux  espèces 
d'obisies.  Voyez,  sur  le  même  sujet,  le  Mémoire  aptérolo- 
gique  d'Hermann. 


55o    ARACHNIDES.  — TROISIÈME    ORDRE.    TRACHÉENNES. 

DEUXIÈME  FAMILLE. 

PHALANGIENS  {PHALANGITA), 

Ici  encore  les  chélicères  sont  toujours  didactyles ,  exté- 
rieures dans  le  plus  grand  nombre ,  et  recouvertes  dans  les 
autres  par  un  avancement  antérieur  de  la  tête ,  en  forme  de 
capuchon  ,  et  visibles  en  dessous  -,  l'abdomen  présente  aussi , 
du  moins  en  dessous ,  des  anneaux  ou  des  plis  :  mais  les  palpes 
sont  filiformes ,  grêles  et  terminés  par  un  petit  crochet  :  il 
n'y  a  jamais  que  deux  yeux  \  les  stigmates,  dans  ceux  où  on 
les  a  découverts  [faucheurs')  ,  sont  situés  à  la  naissance  des 
pieds  postérieurs,  et  cachés  par  leurs  hanches. 

Cette  famille  ,  ainsi  que  l'indique  sa  dénomination  ,  a  pour 
sujet  principal  le  genre  phalangîum  des  auteurs. 

Une  première  division  comprendra  les  phalangiens  dont 
les  chélicères  sont  à  découvert ,  et  dont  les  deux  yeux  sont 
portés  soit  sur  une  éminence  commune ,  soit  sur  autant  de 
pédicules  ou  de  supports.  Elle  se  composera  des  trois  genres 
suivans  : 

Le  premier,  celui  de  gonolepte  { gonoleptes)  ,  établi  par 
M.  Kirby  sur  des  espèces  exotiques,  ayant,  comme  le  second, 
les  yeux  portés  sur  un  tubercule  commun  ,  s'en  éloigne  par 
ses  palpes  épineux,  terminés  par  un  onglet  plus  robuste,  avec 
les  deux  derniers  articles  presque  ovalaires  et  presque  de 
grandeur  égale,  ainsi  que  par  ses  deux  pieds  postérieurs,  dont 
les  hanches  sont  fort  grandes  ,  soudées  et  formant  une  plaque 
sous  le  corps  :  ces  pieds  sont  en  outre  éloignés  des  autres  et 
re jetés  en  arrière.  L'Amérique  méridionale  en  fournit  plu- 
sieurs espèces,  et  dont  quelques  unes  très  singulières,  mais 
pour  la  plupart  inédites  ;  de  là  le  nom  d'horridus  donné  par 
M.  Kirby  à  celle  qu'il  a  figurée  (  Trans.  Linn.  Soc, ,  t.  XII , 
pi.  XXII ,  fig.  i6)  comme  type  du  genre. 

Dans  celui  de  favcuevu.  (phalaiigium,  Linn.)  les  palpes 
n'ont  point  d'épines -,  leur  dernier  article  est  beaucoup  plus 


DEUXIÈME    FAMILLE.    PHALANGIENS.  55 1 

long  que  le  précédent,  et  n'offre  qu'un  petit  crochet.  Tous  les 
pieds  sont  rapprochés ,  à  hanches  identiques  et  conliguës  à 
leur  naissance-,  les  quatre  antérieurs  ont,  à  leur  origine, 
un  appendice  maxilliforme ,  de  même  que  les  palpes ,  de  sorte 
que  ces  animaux  ont  six  mâchoires  5  l'intervalle  pectoral  com- 
pris entre  les  pieds,  ou  le  sternum,  est  rétréci  au  milieu ,  tron- 
qué ou  très  obtus  à  son  extrémité  supérieure  ,  et  remplace  la 
lèvre.  Si  on  le  presse  fortement ,  on  en  fait  sortir  les  organes 
de  la  génération  qui ,  dans  les  mâles ,  ont  la  forme  d'un  dard , 
terminé  en  demi-flèche ,  et,  dans  les  femelles,  celle  d'un  long 
tuyau  membraneux ,  filiforme ,  flexible  et  annelé.  Le  labre  , 
bien  distinct  de  l'épistome ,  est  corné ,  conique  ,  pointu  et 
avancé.  Les  deux  sexes  sont  en  regard  l'un  de  l'autre  dans 
l'accouplement ,  qui  a  lieu  vers  la  fin  de  l'été.  Ces  animaux 
perdent  facilement  les  pâtes,  qui ,  quoique  séparées,  donnent 
par  leurs  mouvemens  des  signes  d'irritabilité. 

Dans  l'espèce  la  plus  commune,  le  faucheur  des  murailles^ 
les  pinces  des  chélicères  du  mâle  (P.  cornutum,  Likn.)  s'élè- 
vent supérieurement  à  leur  naissance  en  manière  de  corne 
pointue.  Linné  avait  fait  une  espèce  de  l'autre  sexe  (P.  opilio). 
Dans  une  Monographie  des  espèces  indigènes  ,  publiée  à  la 
suite  de  mon  Histoire  des  Fourmis ,  j'avais  décrit  le  premier 
l'organisation  singulière  de  ces  animaux.  MM.  Savigny  et 
Hermann  fils  ont  confirmé  depuis  ces  observations.  Herbst  a 
aussi  donné  une  Monographie  de  ce  genre,  y  compris  celui  de 
gonolepte.  (i) 

Le  genre  que  j'ai  nommé  siron  (siro)  est  distinct  des  pré- 
cédens  par  les  chélicères  presque  aussi  longues  que  le  corps , 
et  par  les  yeux  portés  chacun  sur  un  tubercule  isolé.  Je  ne 
connais  qu'une  seule  espèce  -,  elle  est  figurée  dans  mon  Gè- 
ne? a  Crust.  et  Insect.  J'ai  cité  à  tort,  dans  la  nouvelle  édition 
du  Règne  animal ,  Hermann.  Il  ne  me  paraît  pas  l'avoir  con- 
nue *,  mais  il  a  figuré  des  espèces  très  analogues ,  celles  qui 
forment  le  genre  suivant ,  celui  de  macrochèle  (macrocheles). 

(i)  Voyez  aussi  l'ouvrage  sur  l'Egjrpte,  Arachn.,  pi.  IX,  fig.  i-3. 


5Sl    ARACHJVÏDES.  —  TROISIÈME    ORDRE,    TRACHÉENNES. 

Ici ,  de  même  que  dans  les  trogules ,  genres  composant  notre 
seconde  division  des  phalangiens  ,  les  yeux  sont  sessiles  ou  in- 
distincts ^  le  dessus  du  corps  est  recouvert  d'une  plaque  écail- 
leuse  ou  solide  :  les  anneaux  ne  se  montrent  qu'en  dessous. 
Dans  le  premier,  les  chëlicères  sont  très  longues  et  avancées  ^ 
les  deux  pieds  antérieurs  sont  longs  et  antenniformes  (i).  Dans 
le  second  genre,  celui  de  trogule  (trogulus)  ^  l'extrémité 
antérieure  du  corps  se  dilate  et  s'avance  en  manière  de  cha- 
peron ,  et  loge,  dans  une  cavité  inférieure,  les  chélicères. 
Linné  a  décrit  l'espèce  servant  de  type ,  sous  les  noms  de 
phalangium  tricarinatum.  Je  l'ai  représentée  dans  mon  Gê- 
nera. On  la  trouve  sous  les  pierres^  dans  le  midi  de  la  France , 
en  Espagne ,  etc. 

TROISIÈME  FAMILLE. 

TROMBIDITES.    {TROMBI DITES),  {'j^) 

Des  palpes  terminés  en  pointe ,  avec  un  appendice  mobile 
ou  une  espèce  de  doigt  en  dessous  ;  des  chélicères  finissant 
simplement  en  une  pointe  très  aiguë,  ou  monodactyles ^  un 
corps  mou  (ordinairement  rouge)  sans  anneaux  distincts  ,  et 
des  habitudes  vagabondes  caractérisent  cette  petite  famille, 
formée  de  deux  genres. 

Celui  de  trombidion  (trombidium  ^  Fab.)  a  le  corps  divisé 
en  deux  parties,  dont  l'antérieure,  très  petite,  porte  deux  yeux 
situés  chacun  sur  un  petit  pédicule ,  la  bouche  et  les  deux 
premières  paires  de  pieds  ;  l'autre  partie  du  corps  est  grande , 
presque  carrée ,  un  peu  plus  étroite  postérieurement ,  avec  les 
angles  arrondis. 

Rien  de  si  commun  au  printemps,  dans  les  jardins,  les 
champs,  etc.,  que  le  trombidion  satiné  (Jiolosericeum ,  Fabr.). 

(i)  Les  acarus  crassipes ,  marginatus  et  testudinanas  d'Hermann. 

(2)  Cette  famille,  d'après  la  conformation  des  chélicères,  devrait  peut-être  venir 
après  la  suivante,  et  conduire  ainsi  aux  arachnides  à  siphon.  Dans  le  T.  tinclormm 
ces  organes  sont  allongés ,  étroits,  et  en  forme  de  laucettes  ou  de  lames  de  suçoir. 


QUATRIÈME    FAMILLE.    ACARIDES.  553 

îl  ressemble  à  une  très  petite  araignée,  couleur  de  sang; son  dos 
est  chargé  de  papilles  velues  à  leur  base ,  globuleuses  à  leur 
extrémité.  Cet  animal  répand ,  écrasé  ,  une  liqueur  rouge. 
Celle  qui  sort  d'une  autre  espèce  exotique  [tinctoriiun) ,  trois 
à  quatre  fois  plus  grande,  est  employée  dans  la  teinture.  Her- 
mann  a  figuré  l'une  et  l'autre  espèce  ,  ainsi  que  plusieurs 
autres  5  mais  il  donne  à  ce  genre  beaucoup  plus  d'étendue 
que  moi.  {Voyez  le  Règne  animal,  deuxième  édition.) 

Dans  celui  d'ÉRYTHRÉE  [erjthrœus,  Latr.),  le  second  et 
dernier  de  la  famille ,  les  yeux  sont  sessiles  et  le  corps  ne 
forme  qu'une  masse  indivise.  {Voyez  le  même  ouvrage.  ) 

QUATRIÈME  FAMILLE. 

ACARIDES   {JCARIDES). 

Nous  restreindrons  cette  famille  aux  acarus  des  auteurs , 
dont  le  corps  ne  présente  ordinairement  aucune  trace  d'an- 
neaux ,  et  dont  les  cbélicères  sont  didactyles  et  entièrement 
cachées.  Ce  sont  des  animaux  très  petits ,  souvent  presque  mi- 
croscopiques, parasites  et  pullulant  beaucoup.  Quelques  uns 
vivent  sur  des  insectes ,  notamment  les  coléoptères  orduriers 
ou  fouisseurs  5  d'autres  rongent  les  provisions  de  bouche , 
comme  la  farine,  le  vieux  fromage,  les  viandes  desséchées. 
Les  collections  d'insectes  placées  dans  des  lieux  froids  et  hu- 
mides sont  exposées  à  leurs  ravages.  On  a  attribué  à  quel- 
ques espèces  la  maladie  de  la  gale  ,  tant  celle  de  l'homme 
que  de  divers  animaux  domestiques,  mais  sans  preuve  dé- 
monstrative :  elles  peuvent  cependant  en  inoculer  le  virus. 
Quelques  acarides  propres  à  quelques  mammifères  peuvent 
aussi  se  multiplier  sur  l'homme  et  l'incommoder  violemment. 
D'autres  espèces  sont  errantes  et  se  trouvent  sur  les  plantes , 
les  écorces  d'arbres  ,  dans  la  terre,  sous  les  pierres,  etc.  Plu- 
sieurs ne  naissent  qu'avec  six  pâtes  ,  les  deux  autres  se  déve- 
loppent peu  de  temps  après  5  leurs  tarses  se  terminent 
vent  de  diverses  manières  ,  et  dignes  de  fixer  TatteRdra^G^A  {.    j 

^1  .oR^nv  : 


554     ARACHNIDES.  TROISIEME    ORDRE.    TRACHÉENNES. 

Parmi  les  cinq  genres  que  nous  rapporterons  à  cette  fa- 
mille, les  deux  premiers  s'éloignent  des  autres  par  leurs  palpes 
très  perceptibles  et  saillans.Ceux  des  CÂMkSEsÇgamasuSy  Latr.) 
sont  filiformes  (i).  Dans  le  second  genre,  celui  de  cheylète 
[chejletus,  Latr.)  ,  ils  sont  épais,  en  forme  de  bras,  et  termi- 
nés en  faux.  On  ne  les  distingue  point,  ou  presque  pas,  dans 
les  suivans. 

Sans  connaître  le  travail  d'Hermann  ,  j'avais  formé  un 
genre,  celui  d'oRiBATE  (oribata,  Latr.  ;  notaspis,  Herm.)  ,  avec 
des  acarides  que  l'on  trouve  souvent  sur  les  pierres ,  sur  les 
arbres,  dans  la  mousse  ,  où  ils  courent  lentement ,  et  dont  le 
corps  est  recouvert  d'une  peau  ferme  ,  coriace  ou  écailleuse , 
en  forme  de  bouclier  ou  d'écusson.  Son  extrémité  antérieure 
s'avance  en  manière  de  museau.  Quelques  espèces  offrent 
l'apparence  d'une  sorte  de  corselet.  Les  pieds  sont  longs  ou 
de  grandeur  moyenne,  et  l'on  voit  jusqu'à  trois  crochets  au 
bout  des  tarses  de  quelques  unes. 

Le  genre  uropode  [uropoda ,  Latr.)  ,  établi  sur  Yacams 
végétons  de  de  Géer ,  nous  présente ,  quant  à  la  consistance 
de  la  peau,  le  même  caractère.  Mais  ici  les  pieds  sont  très 
courts ,  et  l'animal ,  fixé  sur  le  corps  de  divers  insectes  co- 
léoptères ,  s'y  tient  suspendu  en  l'air  au  moyen  d'un  fil  par- 
tant de  l'anus. 

Les  ACARus  proprement  dits  [acaims)^  et  que  j'avais  nom- 

(i)  Quelques  gamases  ont,  comme  dans  le  genre  suivant,  la  peau  supérieure  du 
corps  solide  ou  écailleuse.  J'avais  cité  à  cet  égard  Vacarus  marginatus  d'Hermann  ; 
mais  les  chélicères  étant  saillantes,  cette  espèce  appartient  plutôt  au  genre  macro - 
chèle.  A  cette  division  des  gamases,  je  rapporterai  la  fig.  4  <le  1^  pl-  IX  >  Arachn. 
de  l'ouvrage  sur  l'Egypte.  Les  chélicères  sont  accompagnées  d'une  espèce  de  cirrhe, 
et  la  lèvre  présente  deux  soies  ou  poils,  que  M.  Savigny  prend  pour  des  palpes. 

Dans  les  Mémoires  posthumes  deLyonet,  faisaut  partie  du  recueil  de  ceux  du  Muséum 
d'Histoire  naturelle  ,  tome  XVIII ,  sout  représentées  quelques  espèces  de  gamases  , 
et  qu'il  nomme  you  de  pivoine,  pou  d'une  sorte  d'émêrillon ,  pou  du  limaçon  des  Jar- 
dins et  pou  de  la  chenille  du  bois  du  saule.  Il  y  donne  la  figure  des  chélicères  de  la 
première ,  et  l'on  voit  qu'elles  se  terminent  en  une  pince  didactyle.  Il  y  représente 
encore  trois  espèces  d'acarus  ou  de  mites ,  savoir  :  celle  du  fromage ,  celle  qui  atta- 
que les  collections  d'insectes,  et  une  troisième  sur  l'habitation  de  laquelle  il  ne 
donne  aucune  indication. 


CINQUIEBIE    FAMILLK.    TIQUES.  555 

mes  précédemment  sarcoptes^  diffèrent  des  précédens  par 
leur  corps  très  mou ,  sans  croûte  écailleuse  5  leurs  tarses  ont  à 
leur  extrémité  une  pelote  visqueuse.  Ce  genre  se  compose 
particulièrement  des  acarides  qui  viennent  dans  les  ulcères  de 
la  gale  de  l'homme ,  du  cheval ,  du  chien  ,  du  chat ,  etc.  Le 
docteur  Gales  s'est  spécialement  occupé  de  l'espèce  que  l'on 
trouve  dans  la  gale  de  l'homme ,  mais  qui  paraît  différer  de 
celle  que  divers  autres  auteurs  ont  figurée.  [Vojez  le  Nou^. 
Dict.  d'Hist.  iiatur.f  deuxième  édition.  ) 

J'ai  indiqué,  dans  la  seconde  édition  du  Règne  animal, 
quelques  uns  des  acarus  des  auteurs,  rentrant  dans  ces  coupes 
génériques. 

Je  passe  maintenant  aux  arachnides  octopodes  et  terrestres, 
où  les  chélicères  ayant  la  forme  de  petites  lames  lancéolées  ou 
de  lancettes ,  composent  avec  la  lèvre  un  suçoir  ou  un  siphon. 
Tels  sont  les  caractères  de  la  famille  suivante. 

CINQUIÈME  FAMILLE. 

TIQUES    (RICJNl/E). 

Elle  a  pour  type  principal  le  genre  ixode  ,  formé  d'espèces 
que  les  Latins  désignaient  sous  le  nom  de  ricinus ,  et  que  nos 
piqueurs  appellent  louvettes ,  tiques ,  etc. 

Les  unes,  dont  le  corps  est  entièrement  mou,  muni  de  deux 
yeux  distincts,  dont  les  palpes  sont  toujours  libres,  ont  les 
lames  du  suçoir,  qui  est  toujours  avancé,  membraneuses  et 
sans  dentelures.  Ces  arachnides  sont  toujours  vagabondes. 
Elles  se  distribuent  dans  deux  genres. 

Celui  de  bdëlle  (  bdella,  Latr.  ;  scirus ,  Herm.  )  nous 
offre  des  palpes  allongés ,  coudés ,  avec  des  soies  ou  poils  au 
bout,  un  siphon  conique  ou  en  alêne  et  quatre  yeux;  les 
pieds  postérieurs  sont  les  plus  longs. 

Dans  celui  de  smaride  (  smaridia,  Latr.  )  ,  ce  sont  au 
contraire  les  deux  antérieurs.  Ici ,  en  outre ,  les  palpes  sont 
courts  ,  droits ,  et  sans  soies  au  bout  ;  les  yeux  ne  sont  qu'au 
nombre  do  deux. 


556     ARACIÎNfDES.  TROISIEME    ORDRE.    TR  A^CIIÉENNES. 

Les  autres  tiques  semblent  être  aveugles,  ou  n'ont  point 
d'yeux  bien  apparens.  Tantôt  les  palpes  sont  extérieurs  et  en- 
gainent  le  suçoir,  ou  s'appliquent  sur  ses  côtés  -,  tantôt  ils  sont 
libres ,  mais  inférieurs ,  et  ne  paraissent  pas ,  l'animal  étant  vu 
en  dessus.  Les  lames  du  suçoir  sont  écailleuses  et  dentées:  le 
corps  ,  toujours  ovoïde  ou  presque  orbiculaire  ,  est  très  plat , 
lorsque  l'animal  ne  s'est  point  repu ,  et  présente  en  devant,  dans 
la  plupart,  une  petite  plaque  écailleuse  ,  arrondie  postérieu- 
rement, portant  à  son  bord  antérieur  le  siphon.  Ces  tiques  se 
tiennent  soit  sur  divers  végétaux  ,  particulièrement  dans  les 
bois ,  les  landes ,  avec  les  six  dernières  pâtes  étendues ,  soit 
dans  l'intérieur  des  maisons.  Les  premières  s'accrochent,  lors- 
qu'elles en  trouvent  le  moyen  ,  à  divers  animaux,  tels  que  les 
bœufs ,  les  chevaux ,  les  chiens ,  les  tortues  et  même  à  des 
oiseaux ,  engagent  profondément  leur  suçoir  dans  leur  chair, 
s'y  gorgent  tellement  de  leur  sang,  que  leur  corps  devient 
très  volumineux  et  prend  la  forme  d'une  petite  vessie  5  on  ne 
peut  les  en  détacher  qu'en  enlevant  la  portion  adhérente  de  la 
chair.  Elles  s'y  multiplient  d'une  manière  prodigieuse,  de  sorte 
que  ces  animaux  peuvent  périr  d'épuisement.  Les  tarses  des 
uns  se  terminent  par  une  petite  pelote  portée  sur  un  court 
pédicule,  et  dans  les  autres  par  deux  crochets. 

Ces  arachnides  composent  deux  genres  :  celui  d'ixoDE 
(ixodeSy  Latr.  ,  Fab.  -,  cjjiorhœsthes ,  Herm.)  où  les  palpes 
engaînent  les  côtés  du  suçoir  et  forment  avec  lui  un  bec 
avancé  ,  tronqué  ou  obtus  ,  et  souvent  dilaté  au  bout.  D'après 
une  observation  de  M.  Cliabrier,  les  œufs  sortiraient  par  ce 
siphon.  Mais  puisqu'il  existe  une  ouverture  ovale ,  pourquoi 
ne  leur  servirait-elle  pas ,  comme  d'ordinaire ,  de  passage  ? 
Ces  aranéides  vivent  plus  particulièrement  sur  les  bœufs ,  les 
chiens  ,  d'autres  animaux  domestiques ,  le  rhinocéros  et  di- 
vers reptiles.  Elles  se  tiennent  dans  les  bois  (i). 


(i)  Voyez  Hermaua  et  le  deuxième  volume  des  Transactions  de  la  Société  Lin- 
neenne  de  Londres.  Lyonnet  (Mém.  posth.  insérés  dans  le  recueil  de  ceux  du  Mu- 
séum d'Histoire  naturelle)  i  donné  une  description  détaillée  d'une  espèce.  Les  tarses 


SlXlhME    FAMILLE.    HYDRACNELLES.  557 

Dans  l'autre  genre  ,  celui  (I'argas  (  argas ,  Latr.  ;  rhjncho- 
prion,  Herm.  ) ,  le  suçoir  est  inférieur  et  libre  -,  les  palpes  sont 
coniques  et  composés  de  quatre  articles  au  lieu  de  trois.  L'ar- 
GAs  BORDÉ  [ixodes  reflexus ,  Fab.  )  habite  l'intérieur  des  mai- 
sons ,  et  suce  le  sang  des  pigeons.  M.  Gotthelf  Fischer  de 
A^'aidheim  a  publié  sur  une  espèce  [Vargas  de  Perse)  ,  dé- 
crite par  des  voyageurs  sous  le  nom  de  punaise  venimeuse  de 
Miana,  une  notice  curieuse.  M.  Savigny  en  a  figuré  trois 
(  Araclin. ,  pi.  IX  ,  fig.  5-6-7  )  ?  ^^"^^  4^^  ^^"^  ^^  genre  pré- 
cédent [ibid.  fig.  8-12),  le  tout  accompagné  de  détails  de 
parties. 

Ici  se  termine  la  nomenclature  des  genres  de  la  division 
des  arachnides  trachéennes  ,  pourvues  de  huit  pâtes  et  vivant 
hors  de  l'eau.  Celles  qui  font  leur  séjour  habituel  dans  cet 
élément^  composent  le  genre  hydrachna  de  Mùller,  ou  celui 
d'ATAx  de  Fabricius  .  aux  dépens  duquel  nous  en  avons  établi 
deux  autres. 

SIXIÈME  FAMILLE. 

HYDRACNELLES  {HYDRJCNELL^ ,   Latr.). 

Leur  corps  est  généralement  ovoïde,  ou  presque  globuleux 
et  très  mou  -,  il  se  rétrécit  postérieurement  en  manière  de 
queue ,  dans  quelques  espèces.  Suivant  Mùller,  les  organes 
sexuels  masculins  sont  situés  à  son  extrémité  postérieure  ,  et 
la  femelle  a  les  siens  plus  haut ,  ou  sous  le  ventre.  Le  nombre 
des  yeux  varie  de  deux  à  quatre.  Ces  arachnides  fréquentent 
les  mares,  les  étangs  et  se  trouvent  plus  particulièrement  au 
printemps. 


se  terminent  par  un  corps  vésiculaire  armé  de  deux  crochets ,  et  portés  sur  uu  pé- 
dicule grêle  et  mobile.  La  figure  qu'il  donne  du  suçoir  est  conforme  à  celles  publiées 
par  d'autres  auteurs.  Mais  une  observation  qui  lui  est  propre  est  celle  qui  a  pour 
objet  les  stigmates.  Ils  sont  comme  chagrinés  de  petits  grains  ronds  ;  si  ou  enlève 
ces  stigmates  ou  leur  plaque,  et  si  on  les  lave  bien  eu  dedans,  fous  ces  grains 
paraissent  percés  à  jour.  Cependant  aucune  trachée  n'y  aboutit  ;  elles  se  rendent  à 
un  tubercule  excentrique  du  stigmate ,  et  où  est  l'ouverture.  L'anus  présente  deux 
valvules  arrondies  et  concaves  au  côté  interne. 


558     ARACHNIDES.  —  TROISIÈME    ORDRE.    TRACHEENNES. 

Je  réunis  dans  le  genre  eylaîs  {eylaïs ,  Latr.  )  les  espèces 
dont  les  chélicèressont  terminées  par  un  crochet  mobile;  dans 
celui  d'HYDRACHNE  (  hjdrachno)  ,  celles  où  les  palpes  ont  sous 
leur  extrémité  un  appendice  mobile ,  et  dont  le  suçoir  est 
avancé-,  enfin  dans  celui  de  limnochares  {^lininocliares)  ^ 
celles  qui  ont  un  suçoir  semblable  ,  mais  dont  les  palpes 
n'offrent  point  cet  appendice  mobile;  il  m'a  été,  jusqu'à  ce 
jour,  impossible  de  déterminer  quelles  sont  les  espèces  de 
MùUer  qui  rentrent  dans  chacune  de  ces  coupes.  {Voyez  mon 
Gênera  Crus  t.  et  Insect.  ) 

La  seconde  et  dernière  section  des  arachnides  trachéennes 
se  compose  de  celles  qui  n'ont  constamment  ou  en  tout  temps 
que  six  pieds. 

SEPTIÈME  FAMILLE. 

MIGROPHTHIRES   {MICROPHTHIRA ,  Latr.). 

Nous  l'avons  partagée  en  trois  genres ,  auxquels  on  en  a 
ajouté  depuis  deux  autres. 

Le  premier,  celui  de  caris  (caiis ,  Latr.),  est  formé  sur 
une  espèce  qui  vit  sur  les  chauve -souris.  Le  corps  est  orbi- 
culaire ,  revêtu  d'une  peau  écailleuse,  plat ,  et  offre  un  suçoir 
et  des  palpes  distincts. 

Le  second ,  celui  de  lepte  Çleptus^  Latr.)  ,  se  rapproche  à 
cet  égard  du  précédent,  mais  le  corps  est  très  mou  et  ovoïde. 
Une  espèce  de  ce  genre ,  que  les  habitans  de  la  campagne 
nomment  le  rouget,  est  commune  en  automne  sur  les  gra- 
minées et  d'autres  plantes.  Elle  grimpe  aux  jambes,  s'insi- 
nue dans  la  peau ,  à  la  racine  des  poils  et  y  occasionne  des 
démangeaisons  aussi  insupportables  que  celles  produites  par 
la  gale.  On  la  distingue  par  l'épithète  d'AuTOMNALE  (autuin- 
nalis^. 

M.  Audouin  a  formé  un  nouveau  genre  ;  celui  d'ACLvsiB 
(jaclysia)  avec  une  acaride  de  cette  section,  vivant  sur  des  dy- 
tiques (Mém.  de  la  Soc.  d'Hist.  natur. ,  tom.  I,  p.  98  ,  pi.  5, 


MYRIAPODES.  PREMIER    ORDRE.    CHILOGIYATHES.     55g 

fîg.  2).  Le  corps  a  la  forme  d'une  cornemuse;  le  siphon  est 
situé  sous  son  extrémité  antérieure ,  mais  sans  palpes  distincts. 

D'autres  arachnides  hexapodes  ,  vivant  sur  des  diptères , 
des  hyménoptères  ,  etc. ,  dont  le  corps  est  ovale  ,  mou  ,  avec 
les  pieds  très  courts,  et  dont  la  houche  ne  consiste  qu'en  une 
petite  ouverture  située  sur  la  poitrine,  composent  le  genre 
ATOME  (  atoma  ).  De  ce  nombre  est  Yacarus  paj^asiticus  de 
de  Géer. 

Le  genre  ocypete  [ocjpete)  du  docteur  Leach  ,  appartient 
aussi  à  cette  section  -,  il  lui  attribue  des  mandibules,  mais  sans 
nous  apprendre  en  quoi  elles  diffèrent  de  celles  des  autres 
arachnides.  Elles  manquent  dans  tous  les  genres  précédens  ou 
y  sont  remplacées  par  deux  lames  du  suçoir. 

EXPOSITION  MÉTHODIQUE 

DES  ORDRES,  DES  FAMILLES  ET  DES  GENRES 

/ 

DE  LA  CLASSE  DES  MYRIAPODES. 


PREMIER  ORDRE. 

CHILOGNATHES  (CHILOGNATHA,   Latr.). 

Il  comprend  le  genre  iulus  de  Linné  ,  formé  de  myria- 
podes dont  le  corps  est  généralement  crustacé ,  cylindrique, 
muni  de  pieds  très  courts ,  distribués  par  paires  uniques  sur 
les  anneaux  antérieurs ,  par  paires  doubles  sur  les  autres , 
toujours  terminés  par  un  seul  crochet ,  et  de  deux  antennes 
fort  courtes ,  un  peu  plus  grosses  vers  le  bout  ou  presque 
filiformes  ,  et  composées  de  sept  articles.  Les  mandibules 
sont  crustacées,  sans  palpes,  de  trois  articles ,  avec  des  dents 
mobiles  et  imbriquées  au  bout.  La  langue  terminant  infé- 
rieurement  la  tête,  se  présente  sous  l'apparence  d'une  lame 


>-» 


56o    MYRIAPODES.  PREMIER    ORDRE.    CHILOGNATHES. 

OU  d'un  feuillet,  divisée  à  sa  surface  extérieure  par  des 
sulures  longitudinales  et  des  échancrures,  en  quatre  aires 
principales,  couronnées  supérieurement  par  des  tubercules, 
et  dont  les  deux  intermédiaires  plus  étroites  et  plus  courtes 
situées  au-dessus  d'une  autre  aire,  leur  servant  de  base  com- 
mune. Mais  ce  qui  caractérise  encore  mieux  cet  ordre  ,  c'est 
que  les  organes  sexuels  ne  sont  point  situés  à  l'extrémité  pos- 
térieure du  corps ,  mais  vers  sa  partie  antérieure.  Ceux  du 
mâle  sont  placés  sur  le  sixième  segment,  après  la  septième 
paire  de  pâtes  ,  et  ceux  de  la  femelle  derrière  ceux  de  la  se- 
conde paire.  Les  stigmates  (i)  ,  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre , 
d'après  les  observations  de  M.  Savi  fils  ,  avec  des  pores  la- 
téraux ,  destinés  à  la  sortie  de  la  liqueur  acide  et  d'une  odeur 
pénétrante  que  répandent  ces  animaux  ,  sont  situés,  alterna- 
tivement ,  en  dehors  de  l'origine  de  chaque  paire  de  pieds , 
très  petits  ou  peu  apparens.  Nous  remarquerons  encore  que 
ces  derniers  organes  sont  contigus  à  leur  naissance  ou  insérés 
sur  la  ligne  médiane  et  inférieure  du  corps  ,  tandis  que  dans 
l'ordre  suivant,  ils  sont  latéraux  ou  séparés  par  la  largeur  des 
segmens.  Le  premier  article,  ou  la  hanche  des  quatre  anté- 
rieurs est  allongé  ,  comprimé  ,  lamelliforme  ,  ce  qui  nous  rap- 
pelle Varticle  maxillaire  des  palpes  des  mygales.  Le  premier 
segment  du  corps  dans  les  uns,  le  second  dans  les  autres,  et 
précédé  alors  d'un  demi-segment  clypéiforme,  est  ordinaire- 
ment plus  grand  que  les  suivans  ,  le  pénultième  ,  dans  les  es- 
pèces anguiformes ,  se  termine  souvent  en  pointe  ,  et  le  der- 
nier ou  l'anal,  est  partagé  longitudinalement  en  deux  val- 
vules. Enfin  les  yeux  lisses  sont  beaucoup  plus  nombreux  que 
dans  l'ordre  suivant. 

M.  Savi  a  observé  que  les  ouvertures  de  la  respiration 
communiquent    intérieurement   avec   une    double    série    de 


(i)  D'après  M.  Straus,  les  trachées  dans  lesquelles  ils  débouchent  ne  communiquent 
point  entre  elles,  ou  ne  se  rendent  point  dans  deux  troncs  longitudinaux,  comme  le 
font  celles  de  l'ordre  suivant.  Ainsi  les  chiiognathes  se  rapproclieut  à  cet  égard  des 
arachnides  trachéennes  ,  taudis  que  les  chilopodes  sont  plus  voisin  s  des  insectes. 


I 


MYRIAPODES.   PRKMÎEK    ORDRE.   CHILOGNATHES.      56 1 

poches  pneumatiques,  disposées  longiludinalement  en  cha- 
pelet, le  long  du  corps,  et  d'où  partent  des  branches  tra- 
chéennes, se  répandant  sur  les  autres  organes.  Selon  lui  en- 
core, les  amours  de  l'iule  commun  commencent  vers  la  fin 
de  décembre  et  finissent  vers  la  mi-mai.  Les  organes  sexuels 
masculins  n'apparaissent  que  lorsqu'il  a  acquis  le  tiers  envi- 
ron de  sa  tailla  ordinaire,  et  leur  place  est  jusqu'alors  occu- 
pée par  une  paire  de  pâtes.  Ils  m'ont  paru  formés  de  deux 
mamelons  terminés  chacun  par  un  crochet  écailleux  et  con- 
tourné. Deux  autres  mamelons ,  mais  sans  crochet ,  placés  der- 
rière la  naissance  des  secondes  pâtes,  caractérisent  ceux  des 
femelles.  Dans  l'accouplement,  Ces  animaux  redressent  et  ap- 
pliquent l'une  contre  l'autre,  face  à  face,  l'extrémité  antérieure 
de  leur  corps ,  et  s'entrelacent  inférieurement.  Celui  des  in- 
dividus qui  viennent  de  naître,  est  en  forme  de  rein  ,  uni  et 
sans  appendices.  Dix-huit  jours  après ,  parlant  toujours  d'après 
M.  Savi ,  ces  animaux  subissent  une  première  mue  ^  mais  ils 
n'ont  encore  que  vingt-deux  segmens  et  vingt-six  paires  de 
pâtes,  dont  les  dix-huit  premières  servent  seules  à  la  loco- 
motion. A  la  seconde  mue  ,  l'animal  en  offre  trente-six  ,  et  à 
la  troisième  quarante- trois;  le  corps  est  alors  composé  de 
trente  segmens.  Enfin ,  dans  l'état  adulte,  le  mâle  en  a  trente- 
neuf,  et  la  femelle  soixante-quatre.  Deux  ans  après,  ils  muent 
encore ,  et  c'est  alors  seulement  que  se  montrent  au-dehors 
les  organes  de  la  génération.  Depuis  la  naissance,  qui  a  lieu 
en  mars,  jusqu'en  novembre  ,  où  M.  Savi  a  cessé  ses  observa- 
tions, ces  changemens  se  renouvellent  de  mois  en  mois.  On 
trouvera  dans  le  Bulletin  des  Sciences  naturelles  de  M.  le 
baron  de  Férussac  (décembre  i823),  un  extrait  de  ces  re- 
cherches, que  M.  Savi  a  consignées  dans  deux  Mémoires 
écrits  en  italien  ,  l'un  publié  en  1817  et  l'autre  en  1819,  mais 
ayant  pour  objet  une  autre  espèce  d'iule  (fœtidissimus)  •,  nous 
ferons  remarquer  toutefois  que  ces  observations  ne  s'accor- 
dent pas  avec  celles  de  De  Géer,  qui  dit  avoir  vu  de  jeunes 
individus  n'ayant  que  trois  paires  de  pales  et  huit  anneaux. 
^'y  aurait-il  pas,  dans  les  observations  de  M.  Savi,  quelques 

3a 


502      MYRIAPODES.    —  PREMIER    ORDRE.  CHILOGNATHES. 

lacunes?  celles,  par  exemple,  qui  seraient  intermédiaires 
entre  le  moment  de  la  naissance ,  et  celle  qu'il  considère 
comme  une  première  mue. 

Les  chilognathes  marchent  très  lentement,  et  se  nourris- 
sent de  substances  végétales  ou  animales.  Une  très  petite  es- 
pèce attaque  les  fraises,  une  autre  ronge  la  chicorée ,  d'autres 
se  tiennent  sous  les  écorces  humides  des  arbres. 

Nous  diviserons  cet  ordre  en  trois  familles. 

PREMIÈRE  FAMILLE. 

ONISCIFORMES    {ON ISCIFORMES). 

Leur  corps  est  crustacé ,  sans  appendices  pénicilliformes, 
ovale-oblong, susceptible  de  se  contracter  en  boule,  et  composé, 
outre  la  tête  ,  de  douze  segmens ,  dont  l'antérieur  plus  étroit , 
formant  une  sorte  de  collier  en  demi-cercle  transversal  ;  et  dont 
le  second  plus  grand,  ainsi  que  le  dernier,  que  les  autres^ 
celui-ci  est  voûté  et  arrondi  au  bout.  L'on  voit  de  chaque  côté,  en 
dessous  ,  à  partir  du  second ,  jusqu'au  dernier  exclusivement, 
une  rangée  de  dix  petites  écailles  lamelleuses  ,  relatives  peut- 
être  aux  organes  de  la  respiration.  Le  nombre  des  pâtes  est 
de  trente-deux  dans  les  mâles  et  de  trente-quatre  dans  l'autre 
sexe. 

Ces  myriapodes  se  trouvent  sous  les  pierres ,  particulière- 
ment dans  les  parties  montagneuses  ou  élevées  et  couvertes 
de  bois.  Ils  ne  composent  qu'un  seul  genre,  celui  de  glomé- 
Ris  (glomeris  y  Latr.  )•  (i) 

DEUXIÈME  FAMILLE. 

ANCxUIFORMES    {ANGUIFORM ES). 

De  même  que  dans  la  précédente  ,  le  corps  est  crustacé  et 
dépourvu  d'appendices  pénicilliformes  ,  mais  il  a  une  forme 


(i)    Iulu.<  ovalis ,  Lin.; —  oniscus  zonatus ,  Pan7,.j  — oniscus  pustulatus ,   Fab. 
yoyez  le  Règne  animal  de  M.  Cuvier,  deuxième  éditiou,  tora.  IV,  p-  334. 


TROISIÈME     FAMILLE.    PÉNI  CILLÉS.  563 

linéaire  ^  il  se  roule  en  spirale  ,  et  n'offre  point  sur  les  côtés 
inférieurs  d'écaillés  ^  le  nombre  des  anneaux  et  des  pâtes  est 
d'ailleurs  très  considérable  et  augmente  avec  l'âge. 

Les  uns,  toujours  munis  d'yeux  distincts,  ont  le  corps 
cylindrique ,  sans  saillie  en  forme  d'aréle  ou  de  bord  tranchant 
sur  ses  côtés,  et  fort  long.  Ils  composent  le  genre  d'iuLE 
proprement  dit  (  m/ii5  ) ,  et  dont  quelques  espèces  exoti- 
ques (  maximus  )  ont  jusqu'à  sept  pouces  de  long.  Les  plus 
grandes  de  notre  pays  (sabu/osus  ^  terrestris)  fréquentent  les 
terrains  légers  ou  sablonneux  et  répandent  une  odeur  désa-^ 
gréable. 

Dans  d'autres  ,  les  anneaux  du  corps  sont  comprimés  infé- 
rieurement  sur  les  côtés ,  et  présentent  en  dessus  une  saillie 
en  forme  d'arête  ou  de  rebord.  Ceux  qui  ont  des  yeux  dis- 
tincts forment  le  genre  craspedosome  (  craspedosoma  )  du 
docteur  Leach,  et  ceux  où  ces  organes  sont  oblitérés,  celui  de 
POLYDÊME  (poljdesmus ,  Latr.).  (i) 

TROISIÈME  FAMILLE. 

PÉNIGILLÉS    {PENICILLJTJ). 

Le  corps  est  mou,  oblong,  muni  postérieurement  et  sur  les 
côtés  de  petites  écailles ,  formant  de  petits  pinceaux.  Le 
nombre  des  pâtes  est  de  vingt-quatre. 

Nous  ne  connaissons  encore  qu'une  seule  espèce  ,  Viule  à 
queue  en  pinceau  de  De  Géer,  figurée  par  lui ,  ainsi  que  par 
Geoffroy  et  le  docteur  Leach.  Elle  compose  le  genre  pol- 
LYXÈNE  [polljxenus  j  Latr.  ). 


(i)  Les  iules  complanatus,  depressus,  stigma,  tridentatus  de  Fab.  ,  etc.  f^oyez,  pour 
le  geure  craspedosome,  le  Zoological  rniscellany  du  docteur  Leacli. 


564      MYRIAPODES.   —  DEUXIEME    ORDllE.   CHïLOPODES. 


DEUXIÈME  ORDRE. 

CHILOPODES    {CHILOPODAl 

Il  embrasse  le  genre  scolopendre  de  la  plupart  des  auteurs. 
Le  corps  de  ces  animaux  est  toujours  linéaire,  déprimé, 
membraneux  ,  composé  d'une  série  indéterminée  d'anneaux 
recouverts  d'une  plaque  coriace  ou  cartilagineuse,  ne  portant, 
dans  le  plus  grand  nombre,  qu'une  paire  de  pieds,  insérée  sur 
leurs  côtés ,  et  dont  la  dernière  est  ordinairement  prolongée 
en  arrière  sous  la  forme  de  queue.  Les  antennes,  toujours  plus 
grêles  vers  leur  extrémité,  ousétacées,  sont  composées  de  qua- 
torze articles  au  moins.  La  boucbe  présente  :  i°.  un  labre  fort 
court,  transversal  ^  2°.  deux  mandibules  écailleuses ,  munies 
d'un  petit  appendice  en  forme  de  palpe  ,  comme  divisées  en 
deux  par  l'apparence  d'une  suture  transverse  ,  et  terminées  en 
manière  de  cuilleron  dentelé  sur  ses  bords-,  3°.  une  langue 
quadrifide,  dont  les  deux  divisions  latérales  plus  grandes, 
arquées  ,  annelées  transversalement  ,  semblables  aux  pâtes 
membraneuses  des  chenilles ,  et  dont  les  deux  internes  en 
forme  d'appendices  maxilliformes,  triangulaires  5  et,  4**» 5  deux 
palpes  ou  petits  pieds,  réunis  à  leur  base  et  terminés  par 
un  petit  crochet.  Quelques  uns  ont  des  yeux  à  facettes  -,  mais 
ceux  du  plus  grand  nombre  ne  se  composent  que  de  quatre 
yeux  lisses ,  situés  sur  les  bords  latéraux  de  la  tête.  Le  premier 
segment  du  corps  porte  en  dessous  deux  paires  de  pieds  ^  les 
deux  antérieurs  sont  horizontaux ,  avancés  ,  réunis  inférieu- 
rement  au  moyen  d'un  article  commun ,  formant  une  plaque 
presque  triangulaire ,  avec  l'extrémité  supérieure  comprimée  , 
tronquée  et  dentelée  ;  ils  sont  terminéspar  un  fort  crochet  écail- 
leux  ,  percé  sous  son  extrémité  d'un  trou  ,  pour  la  sortie  d'une 
liqueur  venimeuse.  Les  deux  autres  pieds  ressemblent  aux  sui- 
vans  et  sont  séparés  par  un  demi-segment  ventral.  Les  stig- 
mates sont  ordinairement  situés  sur  les  cotés  du  corps  et  al- 


GÉNÉRALITÉS.  565 

ternent  parsegmens  ^  ceux  des  autres  sont  dorsaux.  Les  trachées 
sont  en  totalité  ou  en  partie  tubulaires  -,  les  organes  de  la  géné- 
ration sont  placés  à  l'extrémité  postérieure  du  corps  et  cachés. 

Ces  myriapodes  courent  très  vite,  sont  carnassiers,  noc- 
turnes, et  se  logent  sous  les  pierres,  les  vieilles  poutres,  les 
écorces  des  arbres,  dans  la  terre,  le  fumier,  etc.  Diverses 
espèces  exotiques  et  de  grande  taille  sont  généralement  re- 
doutées, à  raison  des  efifets  de  leur  piqûre. 

Celle  qu'on  a  nommée  morsitans  est  désignée  aux  Antilles 
par  l'épithète  de  malfaisante.  Le  midi  de  l'Europe  offre  une 
espèce  qu'on  a  confondue  avec  elle  ,  mais  dont  le  corps  est 
plus  déprimé  ,  et  dont  la  morsure  occasionne  quelquefois  la 
fièvre  :  d'autres  espèces  sont  phosphoriques.  Divers  natura- 
listes,  tels  que  MM.  Léon  Dufour,  Marcel  de  Serres,  Gaëde, 
Tréviranus  ,  J.  Mùller  {Bullet.  des  Se.  jiatur.  de  M.  le  baron 
de  Férussac,  janvier  i83o),  nous  ont  dévoilé  l'organisation 
intérieure  de  quelques  unes.  Les  recherches  des  deux  pre- 
miers ont  eu  pour  objet  les  espèces  du  genre  scutigère ,  et 
celles  des  autres  les  scolopendres  propres.  Ici  les  stigmates 
sont  latéraux  et  conduisent  à  un  faisceau  de  fortes  trachées , 
s'écarlant  en  tous  sens  ,  et  fournissant  des  anastomoses  par  ar- 
cades ,  avec  les  trachées  des  stigmates  voisins.  Les  vaisseaux 
de  Malpighi  ,  au  nombre  de  deux  ,  sont  situés  sur  les  côtés  du 
tube  digestif  5  et  occupent  plus  des  deux  tiers  de  la  longueur 
du  corps.  On  ne  peut  leur  attribuer  d'autre  usage  que  celui 
d'organes  excréteurs.  L'ovaire  et  l'oviducte  de  la  femelle  sont 
impairs;  l'organe  sexuel  masculin  (i)  paraît  se  composer 
d'un  canal  impair  terminé  par  un  paquet  d'autres  petits  con- 
duits longs  et  droits,  et  de  deux  glandes  accessoires.  Mùller 
observe  que  les  yeux  lisses  diffèrent  de  ceux  des  araignées  et 
des  scorpions  ,  en  ce  qu'il  n'y  a  pas  ,  comme  dans  ceux-ci ,  de 
corps  vitré  entre  le  crystallin  et  la  choroïde.  Sur  les  quatre 
yeux,  composant  chaque  groupe  oculaire,  trois  de  ces  crys- 


(i)  Sclou  IVI.  Straus,  les  testicules  et  les  ovaires  des  scolopeudres  sout  placés  sur 
le  caual  alimentaire. 


566     M Ylir APODES.   DEUXIÈME    ORDRE.    CHILOPODES. 

tallins  sont  circulaires,  el  l'autre  est  elliptique^  les  uns  et  les 
autres  sont  très  durs  ,  transparens  ,  très  convexes  et  de  cou- 
leur d'ambre^  leurs  convexités  internes  correspondent  à  des 
enfoncemeus  ,  ayant  la  forme  de  calices  ,  et  contenant  les  par- 
ties internes  de  l'œil;  toute  la  cavité  est  tapissée  par  la  cho- 
roïde. Le  nerf  optique  perfore  la  partie  postérieure  de  chaque 
calice,  s'épanouit  derrière  la  choroïde,  sous  la  forme  d'une  ré- 
tine entièrement  blanche.  Le  professeur  Gaëde  a  décrit  le  canal 
digestif,  le  vaisseau  dorsal  (i)  et  le  système  nerveux.  La  scu- 
tigère  rayée ,  ou  l'espèce  de  notre  pays ,  a  offert  à  M.  Léon 
Dufour  (ifoyez  les  Annales  des  Sciences  naturelles)  deux 
glandes  salivaires ,  ayant  la  forme  d'une  grappe  ovale ,  gra- 
nuleuse ,  composée  d'utricules  ,  et  quatre  vaisseaux  hépati- 
tiques ,  d'inégale  grosseur ,  plus  courts  que  ceux  des  autres 
myriapodes.  Les  organes  mâles  de  la  génération  consistent  en 
deux  testicules  oblongs,  qui  confluent  en  une  anse  courte  rece- 
vant le  conduit  de  deux  vésicules  séminales  et  formant  la  partie 
ia  plus  apparente  de  ces  organes.  Ceux  de  la  femelle  se  com- 
posent d'un  ovaire  et  de  deux  glandes  sébacées  ;  la  vulve  est 
armée  des  deux  cotés  d'une  pièce  mobile,  qui  doit  jouer  un  rôle 
dans  l'acte  de  la  copulation.  Sous  les  plaques  dorsales  sont  des 
glandes  ou  des  sachets  adipeux ,  d'où  s'écoule  une  humeur 
d'un  violet  rougeâtre  ;  au-dessus  des  viscères  sont  des  lo- 
bules adipeux ,  blancs,  et  disposés  quelquefois  en  mosaïque. 
M.  Marcel  de  Serres  a  observé  sous  chacune  de  ces  plaques 
deux  poches  pneumatiques  ou  trachées  tubulaires  recevant 
l'air,  etcommun  iquant  avec  des  trachées  latérales  et  inférieures. 
D'autres  détails  n'étant  pas  accompagnés  de  figures  ,  seraient 

(l)  Selon  M.  Straus,  il  s'étend  depuis  le  dernier  segment  du  corps  jusqu'au  se- 
cond ,  où  il  se  termine  par  une  grosse  artère,  suivant  la  ligne  médiane  de  la  tête 
jusqu'auprès  de  la  bouche ,  où  elle  devient  si  grêle  ,  qu'on  ne  peut  plus  la  suivre. 
Cette  artère  produirait  à  sa  naissance  trois  paires  de  branches  se  rendant  à  diverses 
l»arties  de  la  télé ,  ce  qui  indiquerait  que  ces  animaux  occupent  un  rang  plus  élevé 
que  les  autres  myriapodes  et  les  insectes  Mais  la  disposition  des  trachées,  la  situa- 
tion des  orgaues  sexuels ,  et  quelques  autres  caractères ,  nous  portent  à  croire  que  m 
les  scolopendres  sont  au  contraire  plus  voisines  des  insectes  que  les  iules  et  autres 
ciiilognatiies. 


FAMILLES.  567 

inutiles.  M.  Savigny  a  représenté  sur  l'une  des  planches  de  la 
partie  zoologique  du  grand  ouvrage  sur  l'Egypte,  les  organes 
extérieurs  des  scolopendres  et  des  scutigères. 

PREMIÈRE  FAMILLE. 

IN^QUIPÈDES    {INJEQUIPEDES). 

Le  corps,  proportionnellement  plus  court  que  celui  des 
autres  chilopodes ,  est  recouvert  de  huit  plaques  en  forme 
d'écusson  ,  sous  lesquelles  sont  les  ouvertures  de  la  respiration 
conduisant  à  des  poches  pneumatiques  (i)  qui  communiquent 
avec  d'autres  trachées,  mais  latérales  et  inférieures;  le  des- 
sous est  divisé  en  quinze  demi-anneaux,  portant  chacun  une 
paire  de  pâtes  terminées  par  un  tarse  fort  long ,  grêle  et  très 
articulé  :  les  dernières  sont  plus  longues  ;  les  yeux  sont  grands, 
et  leur  cornée  est  réticulée  ou  à  facettes  ;  les  antennes  sont  grêles 
et  longues-,  les  palpes  sont  saillans  et  garnis  de  petites  épines. 

Ces  animaux  se  tiennent  dans  les  maisons,  s'y  cachent  entre 
les  poutres  ou  les  solives  des  charpentes ,  courent  avec  une 
grande  vélocité  ,  et  perdent  souvent  plusieurs  de  leurs  pâtes 
lorsqu'on  les  saisit.  Ils  forment  le  genre  scutigère  {scutigera , 
Lam.  5  cennatia ,  Illig.)  (2) 

DEUXIÈME  FAMILLE. 

iEQUIPÈDES    i^MQUIPEDES). 

Le  corps  est  partagé ,  sur  les  deux  faces ,  en  un  pareil  nom- 
bre de  segmens ,  portant  chacun  une  paire  de  pieds  ;  les 
stigmates  sont  latéraux;  les  yeux,  lorsqu'ils  sont  visibles ,  se 
composent  de  quatre  yeux  lisses  ;  les  pâtes  ,  à  l'exception  au 
plus  des  deux  dernières ,  sont  presque  égales ,  et  de  six  arti- 
cles-,  les  antennes  sont  toujours  fort  courtes,   comparative- 

(1)  Contre  l'ordinaire,  les  trachées  que  M.  Marcel  de  Serres,  auquel  nous  derons 
ces  observations,  uomme  artérielles ,  sont  sur  le  dos  ,  et  forment,  par  chaque  anneau, 
deux  poches  accolées  l'une  à  l'autre. 

(a)   Voyez  la  seconde  édition  du  Règne  animal. 


568      MYRIAPODES.   DEtTXiÈME    OROrxE.    CHILOPODES. 

ment  au  corps  ^  les  trachées  artérielles,  ou  celles  qui  reçoivent 
direclement  l'air,  sont  latérales  ,  ainsi  que  les  ouvertures  par 
lesquelles  il  pénètre  ,  ou  les  stigmates. 

Les  uns  n'ayant,  comme  les  inaequipèdes,  que  quinze  paires 
de  pâtes,  et  toujours  pourvus  d'yeux  lisses,  se  distinguent 
des  suivans  en  ce  que  les  plaques  dorsales  de  leurs  segmens 
sont  alternativement  plus  longues  et  plus  courtes,  et  en  recou- 
vrement, jusque  près  de  l'extrémité  postérieure  du  corps.  Ils 
composent  le  genre  lithobie  [lithobius)  du  docteur  Leacli , 
ayant  pour  type  la  scolopendre  fourchue  (^forjîcata  )  des 
auteurs ,  espèce  très  commune.  Les  autres  ont  au  moins 
vingt-une  paires  de  pâtes ,  et  les  segmens  sont  de  la  même 
étendue  ,  tant  en  dessus  qu'en  dessous. 

Les  genres  scolopendre  {scolopeiidra)  et  crytops  (czy- 
tops)  nous  olFrent  vingt-une  paires  de  pieds  (en  n'y  com- 
prenant pas  les  pieds  à  crochets).  Dans  le  premier,  les  yeux 
sont  très  distincts,  et  les  antennes  ont  dix-sept  articles.  Il  ren- 
ferme les  plus  grandes  espèces  ,  notamment  celle  qu'on  a  nom- 
mée morsitans,  et  une  autre  [cbigulata,  Latr.)  que  Villers  a 
confondue  avec  elle ,  et  qui  se  trouve  dans  le  midi  de  l'Eu- 
rope ,  en  Barharie  ,  etc.  ,  où  elle  acquiert  quelquefois  une 
taille  très  rapprochée  de  celle  de  la  précédente.  Dans  le  se- 
cond genre ,  celui  de  cjytops,  les  yeux  sont  peu  distincts  -,  les 
antennes  sont  plus  grenues,  et  les  deux  pieds  postérieurs  sont 
plus  grêles.  Le  docteur  Leach ,  qui  l'a  formé  ,  en  mentionne 
(  ZooL  niiscell.  )  deux  espèces  trouvées  dans  les  environs  de 
Londres. 

Enfin  le  dernier  genre  de  cette  famille ,  celui  de  géophile 
{geophilus),  institué  encore  par  lui,  nous  présente  une  quan- 
tité de  pâtes  beaucoup  plus  considérable  ;  le  corps  est  propor- 
tionnellement plus  étroit  et  presque  filiforme-,  les  yeux  lisses 
sont  encore  peu  visibles.  Quelques  espèces  sont  électriques, 
et  telles  sont  celles  qu'on  a  nommées  electrica  et  posphorea. 
Nous  renvoyons  pour  les  autres  au  Zoological  miscellaiij  du 


naturaliste  anglais. 


FIN     DU    COURS    DE     l83l. 


COURS 


DTNTOMOLOGIE. 


ATLAS 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  DE   CRAPELET, 

RUE     DE    VAUGIRARD,    N°   9. 


COURS 


D'ENTOMOLOGIE, 


OU 


DE  L'HISTOIRE  NATURELLE 

DES  CRUSTACÉS,  DES  ARACHNIDES,  DES  MYRIAPODES 

ET  DES  INSECTES  ; 

A  l'usage  des  élèves  de  l'école  du  muséum  d'histoire  naturelle  ; 

PAR  M.  LATREILLE, 

PROFESSEUR-ADMINISTRATEUR   DE   CET   ÉTABLISSEMENT  ; 
DE   l'académie   des   SCIENCES,    DE   LA   LÉGION    D' HONNEUR  ,   etc. 


PREMIERE  ANNEE. 


ATLAS. 


A  PARIS, 

A  LA  LIBRAIRIE  ENCYCLOPÉDIQUE  DE  RORET, 

RLE    HAtTEFEUlLlE,    AU    COIN    DE    LA    RU£    DU    BATTOIR. 

i83i. 


1 


EXPLICATION  DES  PLANCHES. 


Les  cinq  premières  Planches  sont  relatives  à  la  circulation  des  Crustacés,  et 
extraites  des  Recherches  anatomiqnes  et  physiologiques  de  MM,  ^Victor  Audouin  (i) 
et  Milne  Edwards,  couronnées  par  l'Académie  des  Sciences,  et  insérées  dans  les 
^innales  des  Sciences  naturelles^  tome  XI. 


PLANCHE    I^^ 


Circulation  dans  le  Ma]  a  squinado. 

Fig.  I .  Système  artériel  du  maja  squinado  vu  en  dessus.  —  a,  carapace  et 
b,  l'abdomen  ouverts.  —  c,  les  branchies,  —^d^  le  foie.  —  e,  ovaire.  — f^ 
muscles  d'attache.  —  g  ,  membrane  tomenteuse,  couvrant  les  branchies 
et  les  autres  viscères ,  et  située  immédiatement  sous  la  carapace.  —  h , 
extrémité  du  canal  intestinal  coupé.  —  «",  le  cœur  ouvert,  et  quelques 
uns  des  orifices  des  artères  qui  en  partent.  ■ —  7,7,  artères  des  antennes 
ou  antennaires.  —  A  ,  artère  des  yeux  ow.  ophthalmique.  —  /,  artère  de 
l'abdomen  ou  abdominale ,  et  origine  de  l'artère  du  sternum  qui  s'en- 
fonce sous  la  carapace  et  qui  est  mise  à  nu  dans  la  figure  suivante. 

Fig.  2.  Artère  du  sternum  ou  sternale  du  même  maja,  fournissant 
les  artères  des  pâtes ,  des  pieds-mâchoires  et  des  autres  pièces  de  la 
bouche. 

PLANCHE    1. 
Circulation  dans  le  Maja  squinado. 

Fig.  ï.  Système  artériel  du  foie  dans  le  maja  squinado.  —  a,  a,  a, 
artères  du  foie  ou  hépatiques  sortant  du  cœur.  —  b,  artère  sternale 
tronquée  à  sa  sortie  du  cœur.  — •  c  ,  artère  abdominale  tronquée. 

Fig,  1.  Système  veineux  extérieur  des  branchies  vu  de  profil.  — a,  a, 
les  pâtes  tronquées.  —  Z> ,  les  flancs  du  test  mis  à  découvert  par  l'enlève- 
ment de  la  carapace.  —  c,  les  branchies.  —  d,  d ,  sinus  veineux,  rece- 
vant le  sang  de  toutes  les  parties  du  corps.  —  e,  vaisseaux  externes  des 
branchies. 

Fig.  5.  Système  veineux  intérieur  vu  en  dessus ,  et  montrant  les  vais- 
seaux internes  des  branchies  et  les  vaisseaux  qui  vont  des  branchies  au 
cœur.  — a,\e.  cœur  ouvert.  —  b ,  les  branchies  avec  le  vaisseau  de  leur 
face  interne  ou  les  vaisseaux  effe'rens.  —  c ,  vaisseaux  branchio-car- 
diaques ,  portant  le  long  des  vaisseaux  des  branchies  au  cœur. 

Fig.  4.  Coupe  verticale  d'un  des  segmens  du  thorax  du  ma]a  squinado 
pour  montrer  le  rapport  des  vaisseaux  et  la  marche  du  sang  indiquée  par 
des  petites  flèches.  —  a,  a,  pâtes  tronquées.  —  ^,  ^,  vaisseaux  par  les- 
quels le  sang  veineux  arrive  de  toutes  les  parties  du  corps.  —  c,  sinus 
veineux  où  il  se  réunit.  —  ^,  vaisseaux  externes  des  branchies.  — e, 
vaisseau  interne.  — y,  vaisseau branchio-cardiaque.  — g-,  le  cœur.  — h, 

(  1  )  Parmi  les  services  que  je  crois  avoir  rendus  à  l'Entomcdogie ,  je  puis  compter 
celui  d'avoir  formé  plusieurs  élèves,  et  dont  quelques  uns  ont  déjà  acquis  une 
juste  renommée.  De  ce  nombre  est  M.  "Victor  Audouin.  Après  avoir  professé  plu- 
sieurs années  ,  et  avec  succès,  pour  feu  M.  le  chevalier  De  Lamarck  ,  il  ne  m'a  pas 
moins  secondé  dans  cette  partie  de  l'enseignement ,  en  terminant  le  cours  que  j'ai 
fait  cette  année,  en  qualité  de  professeur  d'Entomologie. 

Cours  d'Entomologie,  i^^  année.  Atlas.        a. 


.a  EXPLICATION    DES    PLANCHES. 

l'une  des  artères  par  lesquelles  il  est  chassé  du  cœur  dans  toutes  les  par- 
ties du  corps  d'où  il  revient  aux  sinus  veineux  c. 

PLANCHE    3. 

Circulation  dans  le  Homard. 

Fi§.  I.  Homard  femelle  ouvert,  vu  en  dessus,  et  représentant  le 
système  artériel  superficiel.  —  a,  antennes  intérieures.  —  Z>,  antennes 
extérieures.  —  c ,  les  yeux.  —  d ,  le  cœur.  —  e  ,  artère  des  yeux  ou  oph- 
thnlmique. — f,  artères  antennaires. — g-,  artère  abdominale ?,\\^èv'\e.\XYQ. 

Fig.  2.  HoîuardwL  en  dessous,  et  montrant  le  système  artériel  pro- 
fond. —  a ,  artère  du  sternum  ou  artère  sternale  fournissant  les  artères 
des  pâtes.  —  ^ ,  c ,  artère  abdominale  inférieure. 

PLANCHE    4» 

Système  veineux  du  Homard. 

Fig.   I.  Thorax  du  homard  v\x  en  dessous.  —  «  ,  les  pâtes  tronquées. 

—  Z>,  le  canal  veineux  médian  formé  par  la  réunion  des  sinus  latéraux 
fig.  1,  et  recevant  le  sang  veineux  de  toutes  les  parties  du  corps. 

Fie:.  1.  Section  transversale  d'un  sesfment  du  thorax.  —  a,  pâtes 
tronquées.  — ■  b ,  canal  vemeux  médian  tronque.  — •  c ,  sinus  veineux 
latéraux  recevant  le  sang  veineux  et  le  transmettant  aux  vaisseaux  exter- 
nes des  branchies  d.  —  e ,  vaisseaux  internes  ou  efférens  des  branchies 
tronquées  et  vides  qui  reportent  le  sang  au  cœur,  et  qu'on  verra  pleins 
dans  la  figure  suivante. 

Fig.  3.  Même  section  que  la  figure  précédente  ,  et  montrant  les  vais- 
seaux qui  portent  le  sang  des  branchies  au  cœur.  —  a,  pâtes  tronquées. 
—'b,  portion  du  test  (  le  sternum).  — >c  ,  place  qu'occuperait  le  cœur,  qui 
a  été  enlevé.  —  d,  vaisseaux  externes  des  branchies  qui  étaient  pleins  de 
sang  veineux  dans  la  figure  précédente,  et  qui  sont  ici  tronqués  et  vides. 

—  e,  vaisseaux  internes  des  branchies  pleins  du  sang,  qui  est  devenu 
artériel  par  la  respiration ,  et  qui  arrive  dans  les  vaisseaux  branchio-car- 
diaques  f,  puis  au  cœur  c. 

PLANCHE    5. 

Fig.  I .  Thorax  d'un  homard  vu  de  profil ,  et  dont  on  a  enlevé  la  cara- 
pace et  une  portion  des  flancs  pour  mettre  à  découvert  les  vaisseaux 
braiichio-cardiaques .  — ■  a,  fouets  qui  accompagnent  les  branchies.  — ■  b, 
plusieurs  de  ces  branchies  tronquées  à  leur  base.  —  c,  branchies  renver- 
sées pour  montrer  leur  vaisseau  interne  ou  efferent.  —  d,  vaisseaux  bran- 
chio-cardiaques  se  réunissant  entre  eux  pour  gagner  le  cœur,  qui  serait 
situé  en  e. 

Fig.  1.  Circulation  dans  une  squille  ouverte  par  le  dos.  —  a,  vaisseaux 
branchio- cardiaques,  portant  le  sang  des  branchies  au  cœur  c  (ces  vais- 
seaux ont  été  tronqués  et  même  complètement  enlevés  en  b).  —  c,  le 
cœur,  qui  a  la  forme  d'un  long  vaisseau.  —  d ,  artères  des  antennes.  —  e , 
artères  des  yeux.  — f,  artères  des  mâchoires.  —  g ,  artères  des  pâtes.  — 
h,  artères  des  appendices  de  l'abdomen. 

PLANCHE    6. 

Arachnides  pulmonaires.  Organes  de  la  circulation ,  de  la  respiration 

et  de  la  génération. 

Nota.  Les  Figures  de  cette  Planche  et  de  la  suivante  sont  copiées  da  Mémoire 
de  M.  Tréviranus  snr  l'anatomie  de  ces  animaux. 

Fig.  I.  a,  h ,  cœur  du  scorpion  d'Europe.  -  c,  c,  c ,  c ,  muscles  allanl 
du  cœur  ù  ceux  entre  lesquels  sont  situées  les  branchies.  —  d,  d,  d,  d,  d,  d, 


EXPLICATION    DES    PLANCHES.  3 

autres  muscles  partant  du  cœur  et  se  rendant  à  la  membrane  qui  unit 
les  écailles  dorsales  de  l'abdomen.  —  c,  côté  droit,  représentant  les 
quatre  poumons,  ou  pneumo-brancbies  (i),  dans  leur  situation  naturelle. 
— f,  le  côté  opposé ,  représentant  les  quatre  cavités  pulmonaires ,  ces 
organes  respiratoires  ayant  été  enlevés.  —  g,  g-,  g-,  g,  leurs  vaisseaux. 

—  h,  h,  vaisseaux  dorsaux  venant  de  l'épiploon  et  allant  au  cœur. 

Fig.  2.  L'un  de  ces  poumons.  —  a,  a,  cercle  corné  de  son  ouverture 
ou  du  stigmate.  —  b ,  faisceau  des  lames  composant  cet  organe,  et  dont 
on  ne  voit  que  les  tranches. 

-F/g.  5.  Le  même  organe  pulmonaire  séparé  du  stigmate.  —  a,  a,  les 
lames,  ou  feuillets  couchés  les  uns  sur  les  autres.  —  b ,  pellicule  atta- 
chant latéralement  cet  organe. 

i^?'g•.  4-  «,  portion  de  l'une  des  plaques  ou  écailles  ventrales  sur  la- 
quelle est  situé  un  poumon.  —  b,  c,  le  stigmate,  ou  le  branchiostome 
{voyez  la  note  i  de  la  page  i53).  —  d,  pellicule  servant  d'attache  au 
poumon. 

Fig.  5.  Araignée  domestique  mâle  dont  on  a  enlevé  les  pâtes,  à  l'ex- 
ception des  hanches,  vue  en  dessous.  Voyez,  pour  l'explication  des  par- 
ties, la  fig.  suivante;  ici  seulement  les  palpes,  a,  a,  se  terminent  par 
un  article  renflé  et  ovoïde ,  dans  l'intérieur  duquel  l'on  voit  des  appen- 
dices caractérisant  ce  sexe;  la  place  des  ouvertures  aériennes  est  indiquée 
par  la  lettre  c,  c. 

Fig.  6.  Femelle  de  la  même  espèce,  privée  aussi  de  la  majeure  partie 
de  ses  pâtes,  et  vue  de  même.  —  a,  a.,  les  che'licères,  ou  les  organes  ap- 
pelés communément  mandibules;  ce  sont  pour  M.  Savigny  àesforcipules. 

—  b,  b,  les  palpes. —  c,  c,  les  mâchoires  ou  coxo-maxilles,  représentant, 
selon  moi,  les  mandibules  palpigères  des  crustacés  d-i^capodes  et  de  plu- 
sieurs autres  des  ordres  suivans. —  d,  la  lè^re  inférieure  ^  ou  plutôt  l'ana- 
logue de  la  langue  des  animaux  précédens.  —  e,  carène  inférieure  du 
camérostome ,  offrant  un  canal  préœsophagien ,  désignée  par  divers 
auteurs  sous  le  nom  de  langue.  — f,  plastron,  ou  écaille  pectorale  poly- 
gone. —  g-^  g,  les  deux  ouvertures  conduisant  aux  poumons.  —  h,  les  deux 
filières  extérieures,  ou  celles  qui  sont  le  plus  apparentes. 

Fig.  -j.  Epéire  diadème  femelle  ,  dont  les  pieds  sont  enlevés,  vue  sur 
le  dos. —  a,  a,  premier  article  des  chélicères.  —  b,b,  palpes.  —  c,  c,  c,  c, 
stigmates  dorsaux,  suivant  M.  Tréviranus. 

Fig.  8.  Abdomen  de  la  femelle  de  la  même  espèce,  wl  en  dessous.  — 
a,  pédicule  s'attachant  au  céphalothorax.  —  b ,  b,  plaques  cartilagineuses 
où  sont  placés  les  organes  respiratoires.  —  c ,  appendice  sexuel  extérieur 
en  forme  de  S,  propre  à  cette  espèce  et  à  quelques  autres  épéires.  —  d, 
filières.  —  e,  e,  e,  trois  paires  de  points  noirs,  que  M.  Tréviranus  soup- 
çonne être  des  stigmates,  analogues  sans  doute  à  ceux  du  dos. 

PLANCHE    y. 

Fig.  I.  Abdomen  de  V araignée  domestique ,  dépouillé  de  sa  peau  et 
grossi.  — a,  b,\e  cœur.  —  c,  c,  quatre  vaisseaux  postérieurs ,  en  forme 
d'arcs.  —  e,  e,  deux  enfoncemens  sous  la  seconde  paire  des  stigmates 
dorsaux.  — fif,  épiploon. 

Fig,  2.  Le  cœur  de  la  même  espèce,  vu  séparément.  —  a,  son  extré- 
mité antérieure.  —  b ,  l'autre  bout.  —  c ,  c ,  deux  grands  vaisseaux  jetant 

(i)  M.  Tréviranus  les  désigne  sons  le  nom  de  branchies,  parce  qu'ils  en  ont  la 
forme;  mais,  comme  ces  organes  fout  l'office  de  poumons,  la  dénomination  de 
jpjieumo-branchies  me  semble  préférable. 


^  EXPLICATION    DES    PLANCHES. 

quatre  paires  de  rameaux  principaux ,  dont  deux,  d,d,e^  e,  antérieures, 
et  deux,//  g,  g,  postérieures. 

Fig'  5.  Céphalothorax  et  abdomen  de  la  clubione  atroce ,  dépouillés  de 
.leur  peau,  vus  sur  le  dos,  et  très  grossis.  —  a,  a,  céphalothorax.  —  b,  b, 
chélicères  (nm?idibules ,  de  la  ])lupart  des  auteurs).  —  c,  c,  palpes.  — 
d,  d,  extrémités  inférieures  des  vaisseaux  salivaires,  au-dessous  desquels 
sont  les  muscles  des  pâtes,  disposés  en  rayons.  —  e,  cartilage  intérieur 
du  pédicule  de  l'abdomen.  — //  deux  ligamens  de  la  plaque  g,  g,  sur 
laquelle  sont  situés  les  organes  pulmonaires. —  h,  h,  deux  vaisseaux 
contournés  partant  du  cœur ,  se  rendant ,  sans  jeter  aucun  rameau , 
aux  écailles  ventrales  recouvrant  les  poumons,  et  s'ouvrant  au  sommet 
de  l'angle  interne  et  tourné  vers  le  cœur  de  ces  organes  (  vojez  la  Jîg. 
suivante  ).  —  i,  le  cœur.  —  j ,  j ,  contour  de  l'épiploon. 

Fig.  4-  ^;  le  cœur  de  la  même  espèce  rejetée  en  avant  ou  sur  le  dos, 
de  manière  que  son  extrémité  postérieure  est  maintenant  antérieure.  — 
b ,  b,  ses  deux  ligamens. —  c,  c ,  les  deux  vaisseaux  représentés  par  h,  h, 
dans  la  figure  précédente.  —  d,  portion  tronquée  du  canal  intestinal.  — 
e,  e,  espace  correspondant  à  la  situation  des  poumons,  qui  ont  été  en- 
levés.— f^fifif)  membrane  demi-circulaire,  située  au-dessous  de  ces 
organes  et  de  ceux  de  la  génération,  propre,  par  les  deux  muscles  g,  g, 
auxquels  elle  sert  d'attache,  et  par  les  deux  ligamens  h,  h,  partant  de 
son  milieu  et  descendant  jusqu'à  l'anus  et  aux  filières,  au  mouvement  de 
l'abdomen. 

Fig.  5.  L'un  des  deux  stigmates  antérieurs  du  dos  de  l'abdomen  de 
Vepeire  diadème,  fortement  grossi,  et  entouré,  en  partie,  de  petits  om- 
bilics, de  chacun  desquels  sort  un  poil. 

Fig.  6.  a,  a,  pouihons.  —  b,  mamelons  situés,  dans  les  aranéides  fe- 
melles, à  la  surface  interne  des  écailles  de  la  base  du  ventre,  immédiate- 
ment au-dessous  d'une  petite  proéminence  membraneuse  et  extérieure , 
placée  au  milieu  de  ces  écailles  entre  les  organes  précédens. 

PLANCHE    8. 

Fig.  I .  Copiée  du  Traité  anatomique  de  la  chenille  qui  ronge  le  bois 
du  saule  (celle  du  cossus  ligniperda  de  Fab.),  de  Lyonet.  L'animal  est 
ouvert  en  dessus,  pour  faire  voir  le  vaisseau  dorsal  avec  les  parties  laté- 
rales. Ce  savant  lui  donne,  ainsi  que  ses  devanciers,  le  nom  de  cœur, 
mais  en  remarquant  qu'on  ne  s'est  guère  assuré  qu'il  en  fasse  les  fonc- 
tions, et  en  affirmant  qu'il  n'a  vu  aucun  vaisseau  en  sortir.  —  i,  2,  5,  4, 
5,  6,  7,  8,  9,  lo,  II,  12,  divisions  segmentaires.  —  a,  a,  petits  gan- 
glions nerveux.  —  b,  b ,  vaisseau  dorsal,  placé  immédiatement  sous  la 
peau  du  dos ,  en  parcourant  toute  la  longueur,  en  commençant  un  peu 
avant  la  première  division,  assez  près  de  la  bouche,  et  sous  la  forme  d'un 
vaisseau  délié.  Depuis  la  quatrième  division  inclusivement  jusqu'à  la 
douzième,  il  offre  de  chaque  côté  un  appendice  qui  couvre  en  partie  les 
muscles  droits  du  dos  ;  ces  muscles  se  rétrécissant  tous  à  mesure  qu'ils 
approchent  de  la  ligne  latérale,  forment,  deux  à  deux,  des  espèces  de 
losanges  irréguliers.  Lyonet  appelle  ces  appendices,  c ,  c,  c ,  c,  etc.,  ailes 
du  cœur.  La  première  est  la  plus  petite,  et  les  deux  avant-dernières 
paires  en  sont  les  plus  larges;  au  milieu  est  un  canal  longitudinal.  La 
transparence  de  la  peau  permet  souvent  d'y  observer  des  dilatations 
alternatives,  continuelles  et  régulières,  qui  commencent  parle  quatrième 
anneau,  et  se  prolongent  ensuite  successivement  jusqu'au  quatrième,  où 
ils  finissent.  A  chaque  division  ,  depuis  la  troisième  jusqu'à  la  onzième , 
le  vaisseau  dorsal  reçoit  une  paire  de  nerfs,  d,  d,  r/,  d,  etc.  —  e,  e,  corps 


EXPLIC.VTION    DES    PLANCHES.  5 

réniformes,  terminés  par  une  sorte  de  queue ,  couchés  sur  la  cinquième 

paire  d'ailes  et  les  deux  suivantes.  —f,f,f,f,  stigmates.  —  g,  g,  faisceaux 
de  cordons  musculaires. 

Fi^.  2,  3,  4,  5,  copiées  de  l'ouvrage  de  M.  Straus-Durckheim ,  ayant 
pour  titre  :  Considérations  générales  sur  ï Anaiomie  comparée  des  Ani- 
maux articulés,  auxquelles  on  a  joint  l'anatomic  descriptive  du  juelo- 
lontha  vulgaris  (hanneton).  Ces  figures  représentent  le  vaisseau  dorsal 
du  hanneton  commun. 

Fig.  2.  L'appareil  sanguin,  suivant  cet  auteur,  va  par  la  face  inférieure. 
—  a,  b,  le  cœur.  —  c,  d,  l'artère  unique  qu'il  produit.  — a,  a,  a,  a,  les 
chambres  postérieures  du  cœur  (les  antérieures  sont  couvertes  par  une 
partie  des  ligamens  qui  fixent  le  cœur).  —  e,  e,  e,  e,  les  ouvertures  au- 
riculo-ventriculaires.  — J",  g,  g ,  les  ligamens  ou  les  ailes  du  cœur,  fixés 
par  les  prolongemens  h,  h,  h,  aux  arceaux  supérieurs  de  l'abdomen.  — 
Jf,  une  partie  du  plan  inférieur  de  ces  ligamens,  qui  passe  sous  le  cœur, 
et  se  continue  avec  les  ligamens  du  côté  opposé.  — 'g,  g,  plan  supérieur 
de  ces  ligamens,  qui  se  fixe  sur  le  côté  du  cœur  (on  a  enlevé  ici  le  plan 
inférieur).  —  /,  /,  i,  i,  petites  arcades  tendineuses  qui  passent  sous  les 
ouvertures  latérales  du  cœur,  et  auxquelles  se  fixe  une  partie  des  ligamens 
du  cœur. 

Fig.  3.  Le  cœur  et  une  portion  de  son  artère  isolée,  vus  en  dessus.  Les 
lettres  sont  les  mêmes  que  dans  la.Jig.  précédente. 

Fig.  4-  La  portion  antérieure  du  cœur,  avec  l'artère  qu'il  produit,  vue 
de  côté.  3Iêmes  lettres. 

Fig.  5.  Une  partie  de  la  moitié  droite  du  cœur,  vue  par  sa  face  inté- 
rieure, pour  montrer  sa  division  en  chambres.  —  a,  a,  a,  les  parois 
intérieures  du  cœur,  avec  ses  fibres  charnues  circulaires.  —  b ,  b' ,  les 
ouvertures  auriculo-ventriculaires  ;  celle-ci ,  b' ,  est  garnie  de  sa  valvule 
semi-lunaire  c.  —  d,  d,  les  valvules  interventriculaires. 

PLANCHE    9. 

Système  nen^eux  des  Crustacés. 

Nota.  Ces  planches  sont  extraites  des  Recherches  anatomiques  sur  le  Système 
nervenx,  de  MM.  Audouin  et  Edwards,  et  insérées  dans  ie  tome XIV  des  Annales 
des  Sciences  naturelles. 

Fig.  I .  Système  nerveux  d'un  talitre.  (  Les  ganglions  sont  écartés  entre 
eux  sur  la  ligne  médiane.  ) 

Fig.  1.  Système  nerveux  d'un  cymothoé.  (Les  ganglions  sont  ici  con- 
fondus sur  la  ligne  médiane.  ) 


de  l'estomac.  —  g ,  premier  ganglion  du  thorax ,  fournissant  un  très  grand 
nombre  de  nerfs  aux  parties  de  la  bouche  et  à  la  première  paire  de  pâtes. 
— -  h,  second  ganglion  thoracique  et  nerfs  de  la  seconde  paire  de  pâtes 
qu'il  fournit.  (Les  cordons  qui  réunissent  les  ganglions  entre  eux  sont 
confondus  en  avant,  et  bien  distincts  l'un  de  l'autre  en  arrière.  ) 

Fig.  4-  Extrémité  postérieure  de  l'abdomen  du  même  homard,  pour 
montrer  la  terminaison  du  cordon  nerveux,  la  fusion  des  ganglions  qui 
sont  à  peine  sensibles,  et  la  réunion  intime  des  cordons  qui  les  font 
communiquer  entre  eux. 

Fig.  5.  Système  nerveux  dans  le  maja  squinado.  Ici  le  système  nerveux 
est  réduit  à  deux  ganglions,  le  céphaUque  a,  et  l'abdominal  b.  Celui-ci  est 


6  EXPLICATION    DES    PLANCHES. 

formé  par  tous  les  ganglions  réunis  en  un  seul  noyau  d'où  partent  tous 
les  nerfs  des  parties  delà  bouche,  des  pâtes,  et  le  cordon  principal  de 
l'abdomen. 

PLANCHE     I O. 

Système   neri>eux  des  Insectes,  n°  i. 

Figu7'e  copiée  de  l'ouvrage  de  Lyonet,  précédemment  mentionné.  — 
a,  la  tête.  —  b,\e  cerveau,  d'après  les  anciennes  dénominations,  con- 
sistant en  un  ganglion  plus  large  que  long ,  divisé  supérieurement  en 
deux  élévations  presque  hémisphériques ,  réunies ,  et  qui ,  suivant  cet 
auteur,  seraient  plutôt  les  analogues  des  natcs  que  des  lobes  du  cerveau. 
Les  deux  cordons  nerveux  qui  en  partent  forment ,  avec  douze  autres 
ganglions,  ce  qu'on  avait  appelé  moelle  e'pinière.  Ces  ganglions  sont  in- 
férieurs, et  les  deux  premiers  c,  d,  sont  réunis  longitudinalement  ;  l'an- 
térieur, que  Lyonet  rapporte,  avec  le  second,  au  premier  anneau,  qui  est 
aussi  le  premier  du  thorax,  appartient  plutôt,  à  raison  de  la  direction  de 
la  plus  grande  partie  de  ses  nerfs ,  à  la  tête  :  il  est  placé  sous  le  cou ,  et 
je  le  distingue  par  l'épithète  de  sous-œsophagie?i.  Deux  cordons  partant 
du  ganglion  céphalique ,  embrassant  l'œsophage  en  manière  de  collier 
(voyez  la  /?g.  i  de  la  planche  suivante),  se  réunissent  avec  lui.  Les  deux 
ganglions  suivans,  e,  f,  sont,  ainsi  que  le  postérieur  des  deux  précédens, 
propres  au  thorax,  divisé  en  trois  anneaux  ou  segmens.  Les  suivans,  et 
que  nous  n'avons  point  distingués  par  des  lettres,  font  partie  de  l'abdo- 
men; ainsi  chaque  anneau  du  corps,  à  partir  de  la  tête  jusqu'au  dixième 
postérieur,  a  son  ganglion.  Les  deux  postérieurs  sont  souvent  très  rap- 
prochés, et  cette  figure  en  fournit  un  exemple  :  le  dixième  anneau  semble 
alors  avoir  deux  ganglions;  mais  le  dernier,  qui  renvoie  un  grand  nom- 
bre de  nerfs  aux  organes  de  la  génération ,  peut  être  considéré  comme 
appartenant  au  onzième  anneau.  —  g,  g,  g,  g,  e,  c,  nerfs  partant  des  gan- 
glions. —  h,  h,  stigmates  du  premier  segment  du  corps. 

PLANCHE     II. 
Système  neiveux  des  Insectes,  n°  2. 

Fig.  î ,  Nerfs  de  la  tête  de  la  chenille  qui  ronge  le  bois  de  saule  ou  du 
cossus  lignipevda,  d'après  Lyonet.  — '  i,  i,  antennes.  —  2,  2,  mandibules. 
—  5,  3,  mâchoires,  dont  la  division  extérieure,  en  forme  de  cône  et  arti- 
culée, représente  le  palpe.  —  4»  lèvre  inférieure,  divisée  en  trois  à  son 
extrémité;  les  deux  divisions  latérales  sont  ses  palpes,  et  celle  du  milieu, 
prolongée  en  pointe,  est  la  filière.  — ^  ^^S^  place  des  yeux.  —  A,  gan- 
glion céphalique ,  partagé  en  deux  par  un  étranglement.  Il  donne  huit 
paires  de  nerfs  et  deux  nerfs  solitaires  ou  impairs,  non  compris  les  deux 
cordons  médullaires  e,  e,  qui  joignent  ce  ganglion  avec  le  sous-œsopha- 
gien B.  —  g,  l'un  de  ces  nerfs  solitaires,  partant  du  milieu  du  côté  con- 
vexe du  ganglion ,  et  se  dirigeant  ensuite  vers  les  ganglions  du  cou. 
L'autre  nerf  solitaire  est  l'anneau  nerveux  ou  collier/,  f,f,  sortant  des 
deux  côtés  du  môme  ganglion,  immédiatement  au-devant  des  deux  cor- 
dons médullaires  e,  e,  embrassant  l'œsophage.  —  a,  b,  c,  ganglions 
frontaux.  Le  dernier  produit  le  nerf  récurrent ,  qui  est  ici  coupé  à  la 
suite  de  deux  renflemens;  il  traverse  l'œsophage  et  le  vaisseau  dorsal.  Des 
huit  paires  de  nerfs  sortant  du  ganglion  céphalique,  deux  se  répandent 
sur  la  partie  antérieure  de  la  tête.  Nous  avons  indiqué,  au  côté  gauche, 
l'un  de  ces  nerfs  7,  celui  qui  s'étend  plus  particulièrement  sur  les  man- 
dibules et  la  base  des  mâchoires.  La  paire  la  plus  intérieure  ou  la  plus 
rapprocbée  de  la  ligne  médiane  communique,  au  moyen  d'une  branche, 


EXPLICATION    DES    PLANCHES.  '7 

avec  le  ganglion  frontal  c ,  donnant  naissance  au  nerf  récurrent.  —  A  et  / 
indiquent  du  même  côté  les  nerfs  anteunaires  et  les  nerfs  optiques,  com- 
posant deux  autres  paires.  Le  nerf  optique  l  est  accompagné  d'une  tra- 
chée; la  tète  offre  aussi  d'autres  portions  de  trachée,  indiquées  par  la 
lettre  n.  Les  quatre  autres  paires  de  nerfs  se  dirigent  en  arrière.  — h,  h, 
désignent  la  dernière  et  la  plus  interne.  —  i,  petit  ganglion  produisant 
six  nerfs.  Le  ganglion  sous-œsophagien,  ou  celui  du  cou  B,  donne  nais- 
sance à  quatre  paires  de  nerfs.  La  dernière  paire  m  est  insérée  postérieu- 
rement aux  autres,  et  a  une  direction  opposée;  elle  jette  des  rameaux 
aux  corps  grenus  p.  —  C,  ganglion  du  premier  anneau  réuni  avec  le 
sous-œsophagien,  et  jetant  en  arrière  deux  paires  de  nerfs  o,  o,  o,  o. 

Fig.  2.  Organes  de  la  vision  de  la  même  chenille,  et  d'après  le  même 
auteur.  Ils  consistent  en  six  petits  grains  ou  yeux  lisses  (ocelles),  dont 
le  contour  est  indiqué  par  la  lettre  a.  Les  cornées  ont  été  enlevées;  elles 
aboutissent  chacune  à  une  partie  circulaire  ayant  la  forme  extérieure 
d'un  vase  rouge  et  opaque.  Sa  face  supérieure ,  celle  qui  est  immédiate- 
ment appliquée  sur  la  cornée ,  est  polie  et  transparente  dans  son  milieu, 
et  rouge  ensuite,  ou  dans  son  pourtour  (i).  Le  fond  du  milieu  laisse 
entrevoir  une  sorte  de  pistil  opaque  et  arrondi  par  le  bout.  —  b,  mor- 
ceau de  l'écaillé  pariétale  recevant  ces  organes.  —  c ,  nerf  optique.  — 
d,  trachée  se  terminant  par  six  rameaux,  aboutissant  chacun  à  un  œil  lisse. 

PLANCHE     12. 

Système  nen^eux  des  Insectes,  n^  3. 

Fig.  I.  Système  nerveux  du  hanneton  commun,  d'après  M.  Straus. — 
A,  A,  les  deux  ganglions  (2)  principaux  du  cerveau.  —  (i ,  b ,  autres 
ganglions  qu'il  distingue  par  le  nom  de  vitaux  ;  l'antérieur  répond  à  l'un 
des  ganglions  frontaux  représentés  sur  la  planche  précédente,  celui  de 
la  lettre  c  probablement.  —  B ,  ganglions  sous-œsophagiens ,  ayant  de 
chaque  côté  deux  petits  ganglions  c,  c ,  d ,  d ,  ceux  qu'il  nomme  acces- 
soires du  cerveau,  et  qui  sont  peut-être  les  analogues  de  ceux  figurés 
par  la  lettre  i  sur  la  planche  précédente.  —  e ,  e,  nerfs  mandibulaires. 

—  f,f,  nerfs  anteunaires.  Les  deux  fdets,  en  forme  de  soie,  placés 
près  d'eux,  et  sans  indication  de  lettres,  représentent  les  nerfs  maxillaires. 
■ — g,  g",  nerfs  optiques.  —  h,  h,  les  yeux;  celui  du  côté  droit  est  ouvert. 

—  /,  /,  collier  nerveux.  — j,  j,  cordon  médullaire  divisé  en  deux  branches, 
partant  des  ganglions  sous-œsophagiens.  —  Les  ganglions  sous-œsopha- 
siens,  B,  ainsi  que  les  suivans,  C,  D,  E,  F,  sont  distingués  des  précé- 
dens,  ou  de  ceux  de  la  tête ,  par  l'épithète  de  j-achidiens  ;  C  indique  ceux 
du  corselet  ou  du  prothorax  ;  il  jette  deux  paires  de  nerfs,  et  dont  la  plus 
remarquable  est  désignée,  au  côté  droit,  par  la  lettre  K.  —  D,  ganglion 
du  second  segment  du  thorax ,  le  mésotliorax  des  entomologistes  mo- 
dernes, et  que  M.  Straus  nomme  dès-lors  mal  à  propos  prothorax.  Ils 
jettent  deux  paires  de  nerfs,  l'une,  l,  pour  les  élytres,  et  l'autre,  m, 
pour  les  secondes  pâtes  ou  les  intermédiaires.  — ■  E,  ganglions  du  méta- 
thorax  qui  paraissent  réunis  avec  les  précédens.  Ils  donnent  naissance  à 
quatre  paires  de  nerfs ,  dont  les  derniers  se  répandent  sur  les  premiers 
anneaux  de  l'abdomen;  n  indique  l'antérieure.  —  F,  ganglions  rachidiens 

(1)  Cette  couleur  est,  à  ce  que  je  présume,  produite  par  l'enduit  appelé  pig- 
inentum.  Ce  que  dit  Lyonet  de  la  transparence  du  milieu  paraît  confirmer  Topi- 
nion  de  MM.  Millier  et  Dugès  sur  la  composition  des  yeux  des  insectes. 

(2)  M.  Straus  considère  tous  les  principaux  ganglions  comme  formés  de  la 
réunion  de  deux. 


8  EXPLICATION    DES    PL  ANC  FIES. 

abdominaux,  produisant  cinq  paires  de  nerfs ,  p,  p,  v,  p,  p,  se  distribuant 
aux  quatrième,  cinquième,  sixième,  septième  et  huitième  segmens  de 
l'abdomen.  —  q,  a  y  extrémités  des  cordons  médullaires. 

Les  figures  suivantes  sont  des  copies  de  celles  publiées  par  M.  Dugès, 
dans  son  excellent  Mémoire  sur  la  Structure  de  l  OEil  des  Insectes,  inséré 
dans  le  tome  XX  des  Annales  des  Sciences  naturelles ,  page  34 1.  Ha 
pris  pour  exemple  l'œil  composé  de  la  libellule  grise  ou  commune. 

Fig.  2.  Coupe  horizontale  de  cet  œil.  —  a,  a,  la  cornée.  —  b,  le  pigment 
sous-cornéen.  — ■  c,  zone  des  filets  nerveux.  —  d,  ganglion  du  nerf  op- 
tique. 

Fig.  5.  Portion  de  cet  œil  très  grossi.  —  a,  a,  la  cornée.  —  b,  b,  cor- 
néules  (i).  —  c,  c,  pigment.  —  a,  d^  cylindres.  —  e,  e,  filets  nerveux 
qu'ils  surmontent,  et  séparés  par  le  pigment. 

Fig.  i.  a,  a,  cornée.  —  b,  b,  cornéuïes.  —  c,  c,  c,  c,  cloisons  formées 
par  le  pigment.  —  d,  d,  d,  d,  extrémités  supérieures  des  cylindres.  — 
e,  e,  les  iris. 

Fig.  5.  Mêmes  parties,  mais  avec  l'apparence  d'une  cavité  ou  d'une 
chambre  a,  a,  entre  les  iris  et  les  cornéuïes. 

PLANCHE    l3. 

Nota.  Tontes  les  figures  de  cette  planche  et  la  première  de  la  suivante  sont  co- 
piées de  divers  mémoires  de  M.  Léon  Dufour,  correspondant  de  l'Académie  des 
Sciences,  surl'anatomie  des  insectes. 

Fig.  I .  Région  dorsale  des  deux  segmens  postérieurs  du  thorax  et  de 
l'abdomen  du  carabus  auraius,  grossis,  pour  mettre  en  évidence  les  stig- 
mates. —  a,  l'un  des  deux  du  mésothorax.  —  b,  ceux  de  l'abdomen. 

Fig.  2.  Le  premier,  a,  très  grossi,  où  l'on  voit  un  duvet  qui  borde 
son  ouverture. 

Fig.  5.  L'un  de  ceux  de  l'abdomen  pareillement  très  grossii 

Fig.  4-  L'un  de  ces  derniers  stigmates,  avec  une  trachée  correspon- 
dante. —  a,  tissu  adipeux  splanchnique.  —  b,  bourses  adipeuses  sphé- 
roïdes, munies  ou  dépourvues  de  cou. 

Fig.  5.  Région  dorsale  des  deux  derniers  segmens  du  thorax  et  de 
l'abdomen  du  dytiscus  marginalis ,  grossis,  pour  faire  voir  les  mêmes 
organes  respiratoires. —  a,  portion  d'élytre.  —  b,  cueilleron  situé  au- 
dessous.  —  c,  place  où  est  situé  l'un  des  deux  stigmates  mésothoraciques. 
On  ne  l'a  point  représenté.  —  d,  d,  bord  latéral  du  segment  abdominal, 
portant  la  seconde  paire  de  stigmates.  Au-dessous  de  ces  ouvertures  sont 
des  stries  très  fines,  perpendiculaires  à  l'axe  du  corps,  parallèles,  serrées, 
et  formant  un  léger  relief.  M.  Dufour  pense  qu'elles  sont  destinées  à 
produire  cette  stridulation  que  l'on  entend  lorsqu'on  saisit  l'insecte.  Plu- 
sieurs orthoptères  en  offrent  d'analogues.  —  e,  e,  autres  stigmates  ab- 
dominaux. 

Fig.  6.  L'un  de  ces  derniers  stigmates  considérablement  grossi. 

Fig.  7.  Portion  très  grossie  de  la  peau  dorsale  de  l'abdomen  du  ceram- 
byx  héros  de  Fabricius,  portant  les  deux  premiers  stigmates.  — ■  a,  stig- 
mate pectoro- abdominal.  Il  est  plus  grand,  plus  ouvert,  et  placé  plus 
obliquement  que  les  autres;  son  péritrème  est  garni  intérieurement  d'un 
duvet  velouté  brun,  qui,  vu  au  microscope,  paraît  formé  de  pinceaux, 
de  barbules,  dont  les  soies  sont  simples  ou  rameuses.  —  b ,  premier  stig- 

(i)  Particule  de  la  cornée  répondant  à  une  de  ses  facettes  extérieures ,  ou  à 
chaqne  lentille. 


EXPLICATION    DES    PLANCHES.  g 

mate  abdominal.  Il  est  en  bouton  saillant,  situé  transversalement  à  l'axe 
du  corps ,  et  le  bord  de  ses  valves  est  garni  d'un  duvet  de  poils  simples, 

Fig.  8.  Portion  très  grossie  de  la  peau  dorsale  de  l'abdomen  de  la 
casside  verte,  portant  les  deux  premières  paires  de  stigmates. 

Fig.  g.  Premier  stigmate  abdominal  du  lucanus  cervus,  très  grossi. 

Fig.  10.  Trachées  vésiculeuses,  très  grossies,  de  la  scolia  hortorum  de 
Fabricius  (mâle  de  la  scolia Jlavifrons). 

Fig.  II.  L'une  des  trachées  abdominales  d'un  homhus  on  bourdon.  — 
«,  vésicule.  —  è,  portion  de  trachée  élastique. 

PLANCHE    14. 

Fig.  1.  Organe  respiratoire  et  très  grossi,  distingué  par  M.  Dufour  sous 
la  dénomination  de  pulmojiaire,  du  -prionusfaher.  —  a,  stigmate  du  mé- 
sothorax. Il  est  allongé  en  forme  de  navette ,  et  son  péritrème  est  garni  de 
duvet. —  h,  autre  stigmate  (i)  logé  profondément  au-devant  delà  branche 
de  la  troisième  paire  de  pâtes.  —  c ,  c ,  sorte  de  parenchyme  adipo-tra- 
chéen  qui  accompagne  les  troncs  pulmonaires  qui  vont  de  l'un  de  ces 
stigmates  à  l'autre. 

Fig.  1.  Copiée  de  l'ouvrage  précité  de  IM.  Straus.  Elle  représente  la 
section  horizontale  de  la  caisse ,  de  l'épiglotte  et  de  la  trachée  d'origine 
du  troisième  stigmate  gauche  du  hanneton  commun.  —  a,  cette  trachée 
ouverte. —  h,  plaque  inférieure  de  l'épiglotte.  —  c,  muscle  occluseur  du 
stigmate  coupé  par  le  milieu.  • —  d,  membrane  qui  double  l'épiglotte.  — 
e,  e,  cadre  extérieur.  — f,  l'intérieur.  —  g,  le  fond  de  la  caisse.  —  h,  sa 
fente. 

Fig.  3.  Portion  de  trachée  du  hanneton  commun,  très  grossie.  —  a, 
son  tronc.  —  è,  sa  branche.  —  c ,  tunique  extérieure  du  vaisseau.  —  e,  fil 
spiral  de  la  partie  c,  tirée  au  dehors.  —  d,  partie  où  le  fil  spiral,  formant 
la  seconde  tunique,  se  laisse  apercevoir  à  l'extérieur.  Voyez,  pour  plus  de 
détails,  le  bel  ouvrage  de  M.  Straus,  et  celui  de  Lyonet,  et  les  Mémoires 
de  MM .  Léon  Dufour  et  Marcel  de  Serres. 

PLANCHE     1 5. 

Nota.  Elle  représente  l'appareil  digestif  de  divers  insectes  coléoptères,  d'après 
les  dessins  qu'en  a  publiés  M.  Léon  Dufour,  dans  plusieurs  mémoires  faisant 
partie  des  Annales  des  Sciences  naturelles. 

Fig.  I .  Appareil  digestif  de  la  cicindele  champêtre  [cicindela  campes- 
tris,  LiNN.).  —  a,  jabot  granuleux.  —  h,  gésier. —  c,  ventricule  chylifique. 

—  d,  d,  vaisseaux  hépatiques.  —  e,  intestin  grêle.  — f,  cœcum. 

Fig.  1.  Appareil  digestif  du  dytique  de  Rœsel  [dytiscus  Rœselii).  — . 
a,  jabot  précédé  d'un  œsophage  allongé.  —  b ,  gésier.  —  c,  ventricule 
chylifique. —  d^  d,  d,  d,  vaisseaux  hépatiques,  tronqués  au  côté  droit. — 
e,  intestin  grêle,  replié  sur  lui-même.  ■ — y,  cœcum,  formant  une  vessie 
natatoire.  —  g,  g,  h,  appareil  de  sécrétions  excrémentitielles.  —  i,  der- 
nier segment  de  l'abdomen,  considéré  dans  un  individu  femelle. 

Fig.  3.  Appareil  digestif  du  staphylin  erythroptère  [staphylinus  ery^ 
ihropterus).  —  a,  œsophage.  —  b ,  gésier.  ■ —  c ,  ventricule  chylifique. 

—  a,  d,  vaisseaux  hépatiques.— e,  intestin  grêle,  —f,  appareil  de  sécré- 
tions excrémentitielles.  —  g,  g,  h,  h,  appendices  de  l'abdomen,  deux  de 
chaque  côté,  dont  l'interne  plus  petit,  et  dont  l'extérieur  velu  sur  ses 
bords,  débordant  dans  l'animal  vivant.  —  /,  dernier  segment  abdominal, 
considéré  dans  un  individu  mâle. 

(i)  L'an  des  deux  premiers  de  l'abdomeu,  à  ce  qu'il  me  parait. 


lO  EXPLICATION    DES    PLANCHAS. 

Fig.  4  et  5.  Trois  des  lames  canaliculées  qui  garnissent  l'intérieur  du 
gésier;  l'une  d'elles,  /?g-.  5,  est  vue  dans  un  sens  opposé  à  celui  des  deux 
autres ,  afin  de  montrer  la  brosse  de  poils  dont  elle  est  bordée. 

Fig.  6.  Appareil  digestif  du  hanneton  commun  {melolontha  vulga- 
ris)  mâle.  —  a,  jabot,  précédé  de  l'œsopliage.  —  h,  ventricule  cliyli- 
fique  fort  long,  et  présentant  des  rides  annulaires.  —  c,  c,  vaisseaux 
hépatiques.  —  ^,  sorte  de  colon,  précédé  d'un  intestin  grêle  fort  court. 
—  e,  cœcum. 

Fig.  y.  Portion  d'un  vaisseau  hépatique  très  grossie. 

Fig.  8.  Appareil  digestif  de  Vœdemère  jmficolle  [œdemera  rujicollis) 
femelle.^ — a,  a,  vaisseaux  salivaires.  —  b,  jabot  latéral  ou  panse  con- 
tractée, précédée  de  l'œsophage.  —  c,  ventricule  chylifique.  —  d,  d,  vais- 
seaux hépatiques  supérieurs.  —  c,  intestin  grêle.  — f,f,  vaisseaux  hépa- 
tiques inférieurs  ou  du  second  rang.  —  g-,  cœcum.  —  h,  rectum  fort 
long.  —  /,  ovaire,  à  la  base  duquel  est  la  glande  sébacée  de  l'oviducte. 
— j ,  oviducte.  —  k,  k,  muscles  d'un  étui  commun  au  rectum  et  à  l'ovi- 
ducte. —  /,  dernier  segment  de  l'abdomen. 

PLANCHE     1 6. 

Organes  de  la  génération   de    divers  Insectes  coléoptères ,   d'après 

M.  Léon  Dufour. 

Fig,  I.  Appareil  générateur  mâle,  grossi,  du  carabe  dore'  [carabus 
auratus).  —  a,  a,  testicules;  le  vaisseau  spermatique  du  côté  droit  est 
déroulé.  —  b ,  b,  vésicules  séminales.  —  c ,  conduit  éjaculateur.  —  d,  d, 
muscles  de  la  base  de  l'armure  de  la  verge  e.  — f,  appendice  de  cette 
j:)artie;  pénis? 

Fig.  2.  Appareil  générateur  mâle,  et  grossi,  de  V hydrophile  brwi 
[hydrophilus  piceus).  —  a^  a,  testicules.  —  b,  b,  canaux  déférens.  — 
c,  c,  vésicules  séminales  principales.  —  d,  d,  autres  vésicules,  et  singu- 
lières. —  e,  e,  autres  vésicules. — f,  conduit  éjaculateur.  —  g",  armure  co- 
pulatrice  de  la  verge. 

Fig.  5.  Structure  de  l'un  des  deux  testicules  du  bouclier  obscur  (silpha 
ohscura)^  très  grossis. 

Fig.  4-  Appareil  générateur  mâle ,  grossi,  de  la  cétoine  dorée  [cetonia 
aurata).  —  a,  a,  a,  a,  a,  testicules  formés  chacun  de  douze  capsules 
spermatiques  développées  au  côté  gauche. —  b,  b,  canaux  déférens. — 
c,  c,  vésicules  séminales. —  d,  d,  autres  vésicules. —  e,  e,  autres. — f,  con- 
duit éjaculateur.  —  g ,  armure  copulatrice. 

Fig.  5.  Appareil  générateur  femelle,  grossi,  du  carabe  doré  {carabus 
auratus). — a,  b,  gaines  ovigères,  dépouillées  de  leur  enveloppe  commune. 
—  c ,  c,  calices  des  ovaires.  —  d,  ligament  supérieur  des  ovaires.  —  e,  ré- 
servoir de  la  glande  sébacée  de  l'oviducte.  — f,  vaisseau  sécréteur  de  cette 
glande.  —  g,  g,  appareil  des  sécrétions  excrémentitielles.  —  h ,  cœcum  et 
rectum.  —  /,  crochets  vulvaires  et  dernier  segment  de  l'abdomen. 

Fig.  6.  Appareil  générateur  femelle ,  grossi ,  de  V hydrophile  brun 
(  hydrophilus  piceus).  —  a,  a,  ovaires  ou  faisceaux  des  gaines  ovigères  — 
b,  vaisseau  sécréteur  de  la  glande  sébacée  de  l'oviducte.  —  c,  réservoir  de 
cette  glande.  —  d,  d,  faisceaux  des  vaisseaux  sécréteurs  de  la  matière 
propre  à  la  fabrication  du  cocon  recouvrant  les  œufs.  —  e,  e,  e,  e,  e,  réser- 
voirs tubuleux  de  cette  substance.  — y,  dernier  segment  de  l'abdomen.  — 
g,  g,  fihères. 

Fig.  2'  Une  gaine  ovigère,  séparée,  très  grossie. 

Fig.  8.  Filières  et  appendices,  destinés ,  soit  à  l'acte  de  copulation,  soit 
à  la  fabrication  du  cocon ,  très  grossis. 


EXPLICATION    DES    PLANCHES.  I  I 

PLANCHE     l'y. 

Organes  extérieurs  des  crustacés  décapodes  brachyures. 

Nota.  Figures  copiées  dn  grand  ouvrage  sur  l'Egypte,  et  publiées  par  M.  Sa- 
vîgny.  Elles  sont  très  réduites. 

Fi^.  I.  Portion  antérieure  et  vue  en  dessous,  du  corps  de  la  thelphuse 
Jluviatile  [potamon Jluviatile ,  Savig.)  —  a,  milieu  du  bord  antérieur  du 
test,  ou  chaperon  frontal. —  h,  b,  antennes  médianes  ou  internes. —  c,  c, 
antennes  latérales  ou  extérieures.  —  d,  d,  yeux.  —  e,  épistome  ou  sur- 
bouche. — f,f,  pieds-mâchoires  extérieurs,  ou  ceux  de  la  troisième  et 
dernière  paire. 

Fig.  2.  L'une  des  antennes  médianes  ou  internes.  —  a,  troisième  ar- 
ticle du  pédoncule  ;  Z>,  c,  ses  deux  tiges. 

Fig.  3.  L'une  des  antennes  latérales  ou  extérieures. 

Fig.  4.  Le  labre. 

Fig.  5.  La  langue. 

Fig.  6.  L'une  des  deux  mandibules ,  avec  son  palpe,  a. 

Fig.  7.  L'une  des  mâchoires  de  la  paire  supérieure  ou  des  premières, 

Fig.  8.  L'une  des  mâchoires  de  la  seconde  paire. —  «,  division  analogue 
au  flagre  des  pieds-mâchoires  suivans.  —  b,  b,  b,  autres  divisions.  — c,  di- 
latation extérieure  destinée  à  senir,  avec  l'autre  portion  de  la  mâchoire, 
de  soupape  pour  l'introduction  de  l'eau  dans  les  branchies. 

Fig.  g.  L'un  des  pieds-mâchoires  de  la  paire  supérieure  ou  de  la  pre- 
mière. —  a,  b ,le  flagre;  a,  son  manche  ;  Z>,  sa  tige.  —  c,  c,  c,  divisions 
foliacées  paraissant  correspondre  aux  articles  des  autres  pieds-mâchoires 
suivans  proprement  dits,  ou  de  leur  branche  interne.  Cette  première 
paire ,  que  l'on  pourrait  distinguer  par  l'épithète  de  chiloïde ,  en  forme 
de  lèvre,  ferme  la  bouche  dans  les  crustacés  amphipodes  et  isopodes. 

Fig.  10.  L'un  des  pieds-mâchoires  de  la  seconde  paire.  —  a,  b,  \e 
flagre.  —  c,  le  pied-mâchoire  propre. 

Fig.  II.  L'un  des  pieds-mâchoires  de  la  troisième  et  dernière  paire, 
celle  qui  ferme  extérieurement  la  bouche  dans  les  crustacés  décapodes. 
■ — a,  b,  le  flagre. —  c,  le  pied-mâchoire  proprement  dit. —  d,  le  troisième 
article  est  tronqué  obliquement  à  l'extrémité  supérieure  de  son  bord  in- 
terne, et  servant  d'insertion  à  l'article  suivant.  Cet  article  et  les  deux 
suivans  sont  ordinairement  courbés,  et  constituent,  par  leur  réunion, 
dans  le  système  de  Fabricius,  un  palpe. 

Fig.  12.  Extrémité  supérieure  de  l'une  des  deux  serres.  —  a,  b,  c,  la 
main  ou  la  pince  propre  ;  a,  le  doigt  mobile  ou  le  pouce,  correspondant 
au  dernier  article  des  pieds  suivans  ;  b,  l'index  ou  le  doigt  fixe,  et  qui  n'est 
qu'un  prolongement  de  l'article  c  ou  du  métacarpe.  —  d,  le  carpe. 

Fig.  i3.  Plastron  pectoral  du  mâle,  avec  le  post-abdomen  ou  la  queue, 
replié. 

Fig.  i4-  Le  post-abdomen  vu  de  tranche,  avec  les  deux  paires  d'appen- 
dices de  sa  base .,  a,  b ,  propres  à  ce  sexe. 

Fig.  i5.  Plastron  pectoral  de  la  femelle,  recouvert  entièrement  par  le 
post-abdomen. 

Fig.  16.  Appendices  sous-caudaux,  partagés  en  deux  tiges,  dont  l'une 
filiforme  et  articulée.  Ces  appendices  sont  au  nombre  de  quatre  paires  j 
on  a  représenté  l'une  de  chaque,  a,  b ,  c ,  d. 

Fig.  17.  Portion  antérieure,  et  vue  en  dessous,  d'un  grapse. —  a,  bord 
frontal  du  test.  —  b ,  b ,  antennes  médianes  ou  internes.  —  c ,  c,  les  laté- 
rales. —  d,  d,  les  yeux.  —  e,  e,  pieds-mâchoires  extérieurs,  ou  ceux  de 
la  troisième  paire. 


12  EXPLICATION    DES    PLANCHES. 

Fig,  i8.  Portion  antérieure,  et  vue  en  dessous,  de  Vocrpode  chevallej- 
{ipeus).  —  «,  (i,  les  yeux  proprement  dits;  leur  pédicule  dépasse  et  se 
termine  par  un  pinceau  de  poils.  —  b ,  b ,  c,  bord  antérieur  du  test,  dont 
le  milieu  c  est  avancé  en  manière  de  chaperon.  —  d,  d,  antennes  laté- 
rales.—  e,  e,  pieds-mâchoires  extérieurs.  — f,  le  post-abdomen  ou  la 
queue. 

Fig.  19.  L'une  des  antennes  latérales.  —  «,  le  pédoncule.  —  b,  la  tige. 

Fig.  20.  L'une  des  deux  antennes  médianes  ou  internes.  —  a,  le  pé- 
doncule. —  b ,  c,  les  deux  tiges. 

Fig.  1 1 .  L'un  des  deux  pieds-mâchoires  extérieurs  ou  de  la  troisième 
paire.  —  a,  manche  du  flagre. —  b ,  le  pied-mâchoire  propre.  —  c,  arti- 
culation du  quatrième  article  avec  le  précédent. 

Fig.  22.  Appendices  sous-caudaux  de  la  femelle. 

PLANCHE     18. 

Dwers  organes  extérieurs  de  crustacés  décapodes ,  soit  brachyures  , 
soit  macroures ,  et  de  quelques  autres  de  l'ordre  des  amphipodes  et 
de  celui  des  isopodes. 

I^ota.  Figures  copiées  du  grand  ouvrage  sur  l'Egypte,  et  réduites. 

Fig.  I.  Partie  antérieure  du  corps  d'un  siâiorynque  ,no\ûq.  de  l'espèce 
appelée  -phalangium  om  faucheur,  vue  en  dessous.  —  a,  a,  pointes  fron- 
tales ,  et  avancées  en  manière  de  bec.  —  b,  b,  antennes  latérales.  — 
c,  c,  antennes  intérieures.  —  r/,  d,  yeux.  —  e,  épistome.  — f,,f,  conduits 
auditifs.  —  g,  g,  pieds-mâchoires  extérieurs  ou  leur  troisième  paire. 

Fig.  2.  L'un  de  ces  derniers  pieds-mâchoires. 

Fig.  3.  Plastron  pectoral  sur  lequel  la  queue  est  appliquée. 

Fig.  4  et  5.  L'une  des  deux  dernières  paires  de  pieds  d'un  pagure. 

Fig.  6.  Portion  antérieure  du  corps  du  scyllare  large  Çlatus),  vue  en 
dessous.  —  a,  a,  antennes  médianes  ou  internes.  —  b,  b,  antennes  laté- 
rales ,  composées  simplement  d'un  pédoncule  très  aplati ,  et  formant  une 
sorte  de  crête.  —  c,  c ,  pieds-mâchoires  extérieurs. 

Fig.  7-  Epistome,  avec  les  deux  entrées  auriculaires  a,  a. 

Fig.  S.  Antenne  latérale  d'un  pale'mon.  — a,  écaille  de  son  pédoncule. 

Fig.  9   L'une  des  antennes  médianes  ou  internes. 

Fig.  10.  L'une  des  mandibules.  —  a,  son  palpe. 

Fig.  II.  L'un  des  pieds-mâchoires  extérieurs.  —  a,  le  flagre. 

Fig.  12.  Tronc  du  corps  d'une  espèce  dCamphithoë.  —  a,  a,  vésicules 
de  la  base  des  pieds. 

Fig.  i3.  L'une  de  ces  vésicules  plus  grossie. 

Fig.  14.  Le  labre. 

Fig,  i5.  La  langue. 

Fig.  16.  Mandibule,  avec  son  palpe  a. 

Fig.  ly  et  18.  L'une  des  deux  paires  de  mâchoires. 

Fig.  19.  Pieds-mâchoires,  répondant  à  la  paire  supérieure  de  ceux  des 
décapodes,  en  forme  de  lèvre  palpigère,  et  fermant  la  bouche. 

Fig.  20.  Tête  grossie,  et  vue  en  dessous  d'une  idotte  {pelagica?).  — 
a,  «,  antennes  latérales.  —  b ,  b ,  les  internes. 

Fig.  21.  Post-abdomen  d'un  individu  mâle  de  cette  espèce,  avec  le 
dernier  segment  thoracique,  vu  en  dessous,  et  grossi.  —  a,  a,  les  deux 
écailles  ou  lames  biarticulées ,  recouvrant,  en  manière  de  volets,  les 
branchies  et  autres  organes  intérieurs. 

Fig.  22.  Le  même,  avec  ces  écailles  a,  a,  écartées,  pour  faire  voir  celles 
qui  sont  immédiatement  eu  dessous ,  et  qui  caractérisent  ce  sexe. 


EXPLICATION    DES    PLANCHES.  l3 

Fig.  23.  Pieds-mâchoires,  en  forme  de  lèvre  palpigère,  et  fermant  la 
bouche.  —  a,  a,  lames  représentant  le  flagre. 

Fig.  24  et  25.  L'une  des  deux  paires  de  mâchoires,  dont  la  dernière 
supérieure. 

Fig.  26.  La  langue. 

Fig.  27  et  28.  L'une  des  mandibules,  vue  sous  deux  aspects. 

Fig.  2g.  Chaperon  et  labre. 

Fig.  3o.  Appendices  lamellaires  sous-caudaux,  a,  b ,  c,  d,  e,  ou  ap- 
pendice de  chacune  des  cinq  paires. 

Fig.  3i.  Tête  d'une  espèce  de  lygie,  grossie,  vue  en  devant.  —  a,  a , 
portion  radicale  des  antennes  latérales.  —  b ,  b  ,\iis  internes. 

Fig.  32.  Tête  d'une  armadille  grossie,  vue  par-devant.  —  a,  l'une  des 
antennes  latérales  tronquée.  —  b ,  b,\es  internes. 

Fig.  33.  Post-abdomen  du  mâle,  avec  les  derniers  segmens  thoraciques, 
vu  en  dessous,  grossi.  —  a,  a,  écailles  sexuelles. 

PLANCHE    19. 

Dn>ers  organes  extérieurs  de  crustacés  des  ordres  suivans  :  stomapo- 
des,  laemodipodes  ,  phyllopodes  et  xjphosures. 

Nota.  Les  figures  sont  copiées  des  planches  des  Mémoires  de  M.  .Savigny  snr 
les  animaux  sans  vertèbres,  première  partie,  premier  fascicule.  Les  numéros  i — 3 
se  rapportent  à  la  squille  mante  [squilla  mantis ,  Fab.),  ordre  des  stomapodes. 
Tous  les  organes  analogues  par  leur  situation  corrélative  et  leur  composition  géné- 
rale aux  pieds-mâchoires  des  crustacés  décapodes,  et  les  deux  premières  paires  de 
pieds  sont  terminés  en  griffe,  ou  par  un  crochet  recourbé  :  les  autres  pieds,  ou 
ceux  qui  représentent  les  trois  dernières  paires  de  pieds  ambulatoires  de  ceux-ci 
sont  mutiques  au  bout  et  natatoires  ;  le  dernier  article  est  muni  sur  l'un  des  côtés 
d'une  petite  brosse  de  poils. 

Fig.  I.  L'un  des  pieds  onguiculés  de  la  paire  supérieure,  celle  qui 
correspond  à  la  première  des  pieds-mâchoires.  —  «,  appendice  vésicu- 
leux  peltiforme.  —  c ,  onglet  ou  crochet  du  bout.  La  paire  suivante  ou 
celle  qui  est  l'analogue  des  seconds  pieds-mâchoii^es ,  est  la  plus  grande 
de  toutes,  et  terminée  par  une  griffe  plus  ou  moins  dentée.  Elle  offre  le 
même  appendice,  ainsi  que  les  autres  pieds  onguiculés. 

Fig.  2.  L'un  des  pieds  delà  troisième  paire,  celle  qui  vient  immédia- 
tement à  la  suite  de  la  précédente  ;  elle  répond  à  la  troisième  des  pieds- 
mâchoires.  —  a,  appendice  vésiculeux.  —  Z>,  la  griffe. 

Fig.  3.  L'un  des  pieds-natatoires  de  leur  première  paire ,  l'analogue 
de  la  troisième  paire  des  pieds  ambulatoires  des  décapodes.  —  a ,  appen- 
dice styliforme.  —  b,  l'article  en  brosse. 

Fig.  4  t  Cjaine  de  la  baleine  { cyanius  ccii ,  Latr.  ),  mâle  ,  vu  en  des- 
sus et  grossi.  —  a,  antennes  supérieures;  les  deux  autres  sont  très  courtes 
et  n'ont  point  été  figurées ,  étant  cachées  parles  précédentes.  —  b,  b, 
deux  points  que  M.  Savignyprend  pour  des  yeux  lisses.  —  c ,  c ,  d ,  pieds 
correspondans  à  la  seconde  et  à  la  troisième  paire  de  pieds-mâchoires. 
Ceux  qui  représentent  la  première  sont  le  sujet  de  la  figure  10 ,  et  dépen- 
dent de  la  tête ,  ainsi  que  ceux  de  la  seconde .,  c ,  c  ;  mais  ceux  de  la  troi- 
sième, ^,  sont  annexés  au  premier  segment  du  corps.  —  e  ,J',  appendices 
allongés,  très  mous,  des  deux  paires  de  pieds  suivans,  qui  sont  très  courts 
ou  rudimentaires  et  mutiques.  —  g ,  h ,  i ,  paires  de  pieds  suivans  et  tous 
onguiculés,  les  analogues  des  six  postérieurs  des  décapodes.  — j ,  vestiges 
du  post-abdomen. 

Fig.  5.  Labre. 


I^  EXPLICATION    DES    PLANCHES. 

Fl^.  6.  Une  mandibule  ;  point  de  palpe. 

Fi^.  n.  Langue. 

F/^.  8.  L'une  des  mâchoires  de  la  première  paire,  la  supérieure. 

Fi^.  9.  La  seconde  paire,  mais  dont  on  a  supprimé  la  pièce  a  au  côté 
gauche.  —  h,  h,  divisions  intérieures. 

i^/g.   10.  Pieds  représentant  la  première  paire  de  pieds-mâchoires. 

Ce  crustacé  appartient  à  l'ordre  des  lœmodipodes . 

Fig.   1 1 .  ^pus  caiicriforme  (  caiiciiformis)ïen\e\\e,  vu  en  dessous.  Ce 

crustacé]est  de  l'ordre  desphyllopodes.  —  a,  a,  a,  bouclier  supérieur.  — 

b ,  repli  frontal.  —  c,  labre.  —  d,  d ,  antennes.  —  e,  e,  mandibules.  — 

f ,  f,  les  deux  pieds  antérieurs ,  et  ayant  la  forme  d'antennes  rameuses, 

—  g ,  g,  pieds  lamelleux  ,  foliacés  et  natatoires.  —  h,  h,  deux  fdets  ter- 
minant postérieurement  le  corps. 

Fig.   12.  Le  labre. 

Fig.   i3.  La  langue. 

Fig.   i4-  Une  mandibule  ;  point  de  palpe. 

Fig.   i5.  L'une  des  mâchoires  supérieures  ou  de  la  première  paire. 

Fig.  16.  L'une  delà  paire  suivante.  — a,  b,  ses  deux  branches  ou 
divisions. 

Fig.  17.  Limule  poîjphème  (  limulus  polyphemus ,  Fab.  ),  ordre  des 
xyphosures,  vu  en  dessous.  — a,  a,  bouclier  antérieur.  —  b ,  son  repli 
frontal.  —  c ,  c,  bouclier  postérieur,  denté  et  épineux  sur  ses  bords.  — 
d,  d,  chélicèrcs,  didactyles,  insérées  au-dessus  d'une  sorte  de  labre,  o, 
et  représentant,  selon  moi,  les  antennes  médianes.  —  e,  e,f,f,  g ,  g,  h, 
h,  i,  /,  pieds  ambulatoires ,  tous  terminés  en  pince  didactyle,  dont  les 
deux  derniers  accompagnés  de  feuillets  {voyez  la  figure  19).  —7,7,  ap- 
pendice des  mêmes  pieds  (  voyez  la  même  figure  ) .  —  L'apparence  de 
lèvre  inférieure  formée  par  deux  appendices  maxilliformes ,  et  détachées 
des  mêmes  pieds.  —  m ,  première  paire  de  pieds  natatoires ,  recouvrant 
les  autres.  —  n ,  pharynx.  —  o ,  labre. 

Fig.  18.  L'un  des  pieds  antérieurs.  —  a,  coxo-maxille.  — ^,  c,  doigts 
composant  la  pince.  — c,  celui  qui  est  mobile. 

Fig,   19.  L'un  des  pieds  de  la  cinquième  paire  ,  i,  i.  —  a,  coxo-maxille. 

—  b,  c,  doigts  delà  pince.  —  d,  feuillets  du  bout  de  l'antépénultième  article. 

—  e,  appendicelamelliforme  terminant  une  dilatation  coxale  de  ces  pieds. 
Fig.  20.  L'une  des  pièces  delà  lèvre  inférieure,  /. 

Fig.  21.  Labre,  avec  l'une  des  chélicères. 

PLANCHE    20. 

Dii>ers  organes  extérieurs  d'Arachnides. 

Nota,  Figures  copiées  des  planches  du  grand  ouvrage  sur  l'Egypte  ,  publiées 
par  M.  Savigny,  et  de  quelques  unes  de  celles  de  ses  Mémoires  sur  les  animaux 
sans  vertèbres. 

Fig.  i.  Chélicères  d'un  scorpion  figuré  par  ce  savant,  qui  nous  paraît 
très  rapproché  de  l'espèce  appelée  occitanus.  MM,  Hemprich  et  Ehrem- 
berg ,  dans  leur  monographie  des  scorpions  du  nord  de  l'Afrique  et  de 
l'Asie  occidentale,  citent  cette  figure  à  l'occasion  de  V andi^octoiius 
5-siriatiis.  Les  espèces  de  ce  genre  ont ,  suivant  eux ,  douze  ocelles  ;  on 
n'en  voit  cependant  que  huit  dans  la  figure  qu'en  a  donnée  M.  Savigny. 

—  a,  a,  premier  article.  '—  b,  b,  le  suivant,  représentant  le  métacarpe 
des  pinces  des  crabes.  — c,  c,  d,  d,  les  deux  doigts ,  dont  l'extérieur  c 
mobile,  ou  formant  le  dernier  article. 

Fig.  '1.  Sorte  de  lèvre  inférieure  de  ce  scorpion,  quadrifide,  formée  par 
les  coxû-maxilles  ou  les  hanches  a,  «,  6,  b ,  des  quatre  premières  pâtes. 


EXPLICATION    DES    PLANCHES.  i5 

Fig.  3.  Co"xo-maxilles  a,  a,  des  palpes c,  c,  avec  une  sorte  de  langue 
b,  ou  le  camérostome ,  dans  l'entre-dcux.  —  Les  coxo-maxilles  et  leurs 
palpes  représentent,  dans  mon  opinion,  les  mandibules  palpigères  des 
crustacés  décapodes  ,  etc. 

Fig.  4-  L'un  des  peignes  du  même  animal  très  grossi.  —  a,  a,  sup- 
port des  dents  b,  b. 

Fig.  5.  Yeux  grossis  de  la  ne'mesie  (  cienise ,  Latr.  )  cellicole  (  celli- 
cola).,  de  M.  Savigny. 

Fig.  6.  Bouche  de  cette  aranéide,  vue  en  dessous  et  grossie. — a, 
pièce  considérée  comme  une  languette  ou  une  lèvre  inférieure  (  lèvre 
stetnale ,  Savig.).  —  b,  b,  premier  article  des  palpes  composant  la  coxo- 
maxille.  —  c,  onglet  ou  crochet  terminant  les  palpes.  — d,  d,  pièces 
qu'on  avait  prises  pour  des  mandibules,  et  qui  sont ,  pour  moi,  des  chéli- 
cères.  M.  Savigny  les  désigne  sous  le  nom  dejorcipules. 

Fig.  y.  L'une  de  ces  chélicères  très  grossie.  — ■  a,  son  premier  article. 
—  b ,  son  crochet ,  et  composant  le  second  article.  —  c ,  espace  du  pré- 
cédent où  sont  situées  les  dents  du  râteau.  (  Voyez  pag.  5o3  et  suiv.  de 
cet  ouvrage.  ) 

Fig.  8.  Extrémité  a  du  tarse,  avec  ses  trois  crochets  b ,  b,  c. 
Fig.  g.  Yeux  grossis  de  la  segestrie  perfide. 

Fig.   10.  Sa  bouche  grossie,  vue  en  dessous.  — a,  la  languette.  — b, 
b,  c,  c,  les  coxo-maxilles ( mâchoires ,  Walck.  ).  —  d,  d,  les  palpes, 
tronqués  en  grande  partie  —  e ,  e,  chélicères. 
Fig.   1 1 .  L'une  des  chélicères  très  grossie. 

Fig.   12.  La  languette ,  vue  par  sa  face  interne  ou  antérieure  et  cachée. 
Fig.  i5.  Le  camérostome,  vu  par  sa  face  supérieure  ou  dorsale. 
Fig.  i4-  Idem,  très  grossi.  —  a,  aire  correspondante,  selon  moi,  à 
l'épistome  ou  chaperon  des  insectes.  —  Z»,  le  labre. 

Fig.  i5.  L'un  des  palpes  avec  sa  mâchoire  ou  la  coxo-maxille.  —  a,  b, 
cette  partie.  —  c,  c,  le  palpe.  —  d,  son  onglet  terminal. 

Fig.  i6.  L'un  des  palpes  a,  du  mâle,  très  grossi,  avec  l'organe  sexuel  b^ 
copulateur,  selon  les  uns ,  excitateur,  suivant  d'autres. 

Fig.  in.  Bout  du  tarse  a,  avec  ses  trois  crochets  b,  b,  c,  dentelés. 
Fig.  ïS.  Bouche  de  V arach ne' familière  [familiaris)  mâle,  de  M.  Sa- 
vigny, vue  en  dessous,  et  très  grossie.  —  a,  languette.  —  b,  b,  coxo- 
maxilles.  —  c,  palpe.  —  d,  organe  copulateur  présumé  {conjoncteur , 
Savig.). 

Fig.  19.  Portion  antérieure  du  céphalothorax  d'une  galeode,  portant 
les  ocelles  a,  a  et  deux  petits  tubercules  pilifères,  pris  aussi  pour  des 
organes  analogues  par  quelques  auteurs. 

Fig.  20.  Sa  bouche  très  grossie,  vue  en  dessous.  —  a,  sorte  de  lèvre 
inférieure  formée  par  un  prolongement  membraneux  de  la  base  interne 
des  palpes,  —  b,  b,  coxo-maxilles.  —  c ,  c ,  appendices  {palpes  de  la  lèvre, 
Savig.)  situés  à  l'extrémité  des  deux  languettes  étroites,  représentant 
réunies  la  langue.  —  d,  le  labre.  —  e,  e,  e,f,  l'un  des  palpes,  dont  le 
dernier  article^ en  forme  de  bouton,  avec  un  ombilic  au  bout. —  g,  g,  g,  h, 
l'un  des  deux  pieds  antérieurs  soudé ,  à  sa  base ,  avec  le  palpe  ;  le  dernier 
article  h  est  mutique. 

Fig.  11.  Portion  de  la  bouche  de  cette  galéode,  très  grossie,  vue  de 
profil.  —  a ,  l'un  des  côtés  de  l'épistome.  —  b,  le  labre.  —  c,  c,  appendices 
sétacés  et  soyeux  des  deux  languettes. 

Fig.  23.  Extrémité  du  tarse  d'une  espèce  du  genre  chelifer,  très  gros- 
sie. ^ —  a,  le  bout. — b,  b,  les  deux  crochets  supérieurs.  —  c,  appendice 
inférieur. 

Fig.  24.  Corps  du  faucheur  d'Egypte  [phalangium  œgyptiacum,  Sa- 


j5  explication  des  planches. 

VIGNY  )  mâle ,  vu  en  dessous ,  avec  les  pâtes ,  à  l'exception  des  hanches , 
retranchées.  —  a,  sternum,  en  forme  de  lèvre,  renfermant  l'organe 
sexuel.  — '  ^,  b,  les  chélicères.  —  c,  c,  les  palpes. 

Fig.  25.  Chélicères  a,  a,  et  palpes  h,  b  Aw.phalangium  copticum  (Savig.), 
grossis. 

Fig.  26.  L'une  des  chélicères  du  phalangium  œgyptiacum,  très  grossie. 
—  a,  b,  c,  pince  didactyle  ;  a,  le  métacarpe  ;  b,  le  doigt  fixe  ou  l'index; 
c  le  doigt  mobile  ou  le  pouce,  composant  le  dernier  article.  — •  d,  le  pre- 
mier, dilaté  à  sa  base  e. 

Fig.  28.  Le  céphalothorax  de  la  même  espèce,  vu  en  dessous,  et  grossi; 
on  en  a  retranché  les  chélicères  et  les  palpes.  —  a,  sternum.  —  b,  b,  place 
des  mâchoires  situées  à  l'origine  des  palpes.  —  c,  extrémité  du  labre.  — 
J,  d,  base  des  palpes.  —  e,  e,f,f,  autres  mâchoires  situées  à  la  naissance 
interne  des  quatre  pâtes  antérieures. 

Fig.  29.  L'un  de  ces  palpes  avec  sa  mâchoire,  très  grossi.  —  a,  la  mâ- 
choire. —  b,  b,  b,  le  palpe.  —  c,  onglet  du  bout. 

Fig.  3o.  L'une  des  mâchoires  de  l'origine  des  deux  premières  pâtes , 
très  grossie. 

Fig.  5i.  Mâchoire  de  l'une  des  pâtes  suivantes  ou  delà  seconde  paire. 

Fig.  52.  Suçoir  ou  siphon  d'un  ixode,  très  grossi.  — a,  a,  pièces  repré- 
sentant les  palpes.  —  b,  b,  c,  lames  cornées  et  dentelées  du  suçoir. 

Fig.  33.  L'une  des  deux  lames  supérieures  b,  b,  très  grossie. 

Fig.  34  et  35.  La  lame  inférieure  ou  l'impaire,  très  grossie,  et  vue  sur 
les  deux  faces,  la  supérieure  54  et  l'inférieure  35. 

PLANCHE    21. 

Composition  tégumentaire  du  thorax  de  dii^ers  insectes. 

Nota.  Les  figures  i-ii  sont  copiées  de  l'excellent  Mémoire  de  M.  Audouin 
ayant  pour  titre  :  Recherches  anatomiques  sur  le  thorax  des  animaux  articulés  ,  et 
celui  des  insectes  en  particulier. 

Fig.  I.  Tergum  ou  dos  du  mésothorax  du  grand  paon  [bombix  pavo- 
nia  major).  Il  est  dépouillé  des  écailles  qui  le  recouvrent,  et  on  a  supprimé 
les  ailes  et  les  ptérygodes  [voyez  la.  Jig.  16  ).  —  a,  l'écu,  scutuni.  —  b , 
l'écusson,  scutelluni.  —  c,  l'écusson  postérieur,  postscutelluni.  A  l'égard 
de  celui-ci ,  il  faudrait  restreindre  cette  dénomination  à  la  portion  dorsale 
du  métathorax,  que  dans  divers  hyménoptères  on  a  nommée  arrière- 
e'cusson ,  faux-e'cussoji  [voyez  surtout  le  genre  chlorion).  Quant  à  l'écus- 
son proprement  dit ,  il  existe  cette  différence  entre  les  lépidoptères ,  les 
hyménoptères ,  les  diptères ,  d'une  part ,  et ,  de  l'autre ,  entre  les  coléop- 
tères ,  les  orthoptères ,  et  un  grand  nombre  d'hémiptères ,  que  dans  les 
premiers,  le  mésothorax  est  le  plus  petit  de  tous  les  segmens  du  tronc,  celui 
qui  occupe  le  moins  d'étendue ,  surtout  dans  le  sens  de  la  longueur,  tan- 
dis que  dans  les  seconds,  il  est  celui  qui  a  reçu  le  plus  d'extension.  Ces 
différences  influent  sur  la  situation  apparente  de  l'écusson.  Dans  les 
coléoptères,  il  forme  en  outre  une  écaille  détachée.  La  lettre  d  indique 
la  situation  de  la  pièce  suivante,  qui  est  désarticulée,  ainsi  que  celles  des 
/s- 3,  4,  5. 

Fig.  1.  L'écusson  antérieur,  prœscutimi.  Cette  pièce  réunit  en  dessus 
le  prothorax  ou  le  collier  avec  le  mésothorax. 

Fig.  3.  L'écu,  scutuin. 

Fig.  4.  L'écusson,  scuiellum. 

Fig.  5.  L'écusson  jiostérieur,  postscutelluni. 


EXPLICATION    DES    PLANCHES.  I  y 

Fig.  6,  Poitrine  du  mésothorax  du  dytiscus  Jlavo  -  scutellatus.  Les 
figures  suivantes  représentent  isolément  les  parties  qui  la  composent. 

Fig.  n.  Le  sternum. 

Fig.  8.  L'épisternum.  —  a,  l'hypoptère. 

Fig.  9.  L'épimère. 

Fig.  10.  Epimère,  vu  par  sa  face  interne,  afin  de  montrer  l'apodème 
d'insertion  a.  De  nouvelles  recherches  m'ont  confirmé  dans  l'opinion  que 
j'ai  émise  relativement  à  cette  pièce ,  savoir,  qu'elle  est  l'analogue  de  celles 
de  l'ahdomen  qui  portent  les  stigmates,  ou  qui  sont  appuyées  extérieu- 
rement contre  eux ,  les  péritrèmes  ;  c'est  donc  moins  par  leur  situation 
près  des  hanches  que  par  leur  contiguité  avec  les  ouvertures  des  organes 
respiratoires  qu'elles  doivent  être  distinguées.  Aussi  voyons-nous  que 
dans  les  calandres  et  d'autres  coléoptères  l'épimère  du  mésothorax  est 
séparée  de  l'origine  des  pieds  intermédiaires  par  l'épisternum  ;  mais  elle 
est  placée  tout  auprès  des  deux  stigmates  de  ce  segment  thoracique.  Le 
métathorax  étant  privé  de  stigmates,  l'épimère  devient  l'hypoptère. 

F^ig.  Il,  L'entothorax ,  pièce  intérieure. 

Fig.  12.  Moitié  antérieure  du  corps  du  bupreste  géant  (gigantea),  vu 
sur  le  dos.  —  a,  a,  la.  tête.  ' —  b,  b,  le  prothorax  ou  le  corselet.  —  c,  l'écus- 
son.  —  d,  d,  le  mésothorax.  — e,  e,  le  métathorax.  — f,f,f,f,  les  péri- 
trèmes. —  g,  g,  arceaux  supérieurs  des  deux  premiers  segmens  de  l'abdo- 
men. —  h,  A,  les  élytres.  — •  /,  /,  les  ailes. 

^ig.  i3.  La  même  moitié  du  corps,  vue  en  dessous.  —  a,  a,  la  tête. — 
^,^,  le  pro  thorax  ou  corselet. — c,  le  présternum  prolongé  postérieurement. 

—  d,  cavité  du  mésosternum  qui  en  reçoit  la  pointe. —  e,  post-sternum  ou 
sternum  du  métathorax.  — f,f,  hanches  lamelliformes  des  deux  pâtes 
postérieures. — g,  g,  espace  occupé  par  l'épisternum  et  l'épimère.  Une 
suture  transverse ,  qui  n'est  pas  exprimée  dans  la  figure ,  indique  la  sépa- 
ration de  ces  deux  pièces.  —  h,  h,  l'épisternum  métal horacique. — i,  i, 
naissance  des  ailes  inférieures.  — j,  j,  hypoptères.  —  A-,  arceau  inférieur 
du  premier  segment  abdominal.  ■ —  /,  /,  élytres.  —  j?i ,  m,  petite  pièce 
articulée  avec  l'épisternum  du  métathorax. 

Fig.  14.  Portion  du  thorax  et  de  l'abdomen  d'une  espèce  de  me'topie, 
famille  des  ichneumonides ,  vue  en  dessus. — -a,  tergum  du  mésothorax. 

—  b,  l'écusson.  —  c,  c,  tergum  du  métathorax.' — d,  premier  segment 
abdominal  intimement  uni  au  précédent. —  e,  e,  les  deux  segmens  suivans 
de  l'abdomen ,  qui  semblent  être  les  premiers ,  et  dont  le  plus  antérieur 
est  ainsi  le  second.  — f,f,  région  scapulaire  et  paraissant  comme  for- 
mée par  les  prolongemens  latéraux  du  prothorax. — g,  g,  les  écaillettes  , 
tegida.  —  h,  h,  origine  des  ailes  supérieures.  —  i,  i,  celle  des  ailes  in- 
férieures. 

Fig.  i5.  Portion  du  thorax  et  de  l'abdomen  d'un  cimbex ,  vue  en  des- 
sus, et  grossie. —  a,  tergum  du  mésothorax. —  b,  écusson. —  c,  c,  tergum 
du  métathorax.  —  d,d,  premier  segment  de  l'abdomen ,  intimement  uni 
au  segment  précédent.  —  e,  e,  écaillettes. — f,f,  origine  des  ailes  supé- 
rieures.—  g,  g,  celle  des  inférieures. 

Fig.  16.  Portion  du  thorax  et  de  l'abdomen  d'un  sphinx,  vue  en  des- 
sus. —  a,  tergum  du  mésothorax.  —  b,b,  ptérygodes.  —  c ,  écusson.  — 
d,  d,  tergum  du  métathorax.  —  e,  premier  segment  de  l'abdomen. — 
f,f,  origine  des  ailes  supérieures.  —  g,  g ,  celle  des  inférieures. 

Fig.  ly.  Portion  du  thorax  et  de  l'abdomen  d'une  cténophore  JaLmille 
des  tipulaires,  vue  sur  le  dos,  et  grossie.  —  a,  tergum  du  mésothorax.  ~ 
b,  écusson.  —  c  ,c,  tergum  du  métathorax.  — d,  premier  segment  abdo- 
minal. —  e,  e,  les  balanciers ,  ayant  chacun  près  de  leur  base  interne  un 
stigmate,  preuve  que  ces  organes  ne  sont  point  des  ailes  rudiinentaires  , 

Cours  d'Entomologie,  r^  année.  Atlas.         ^ 


l8  EXPLICATION    DES    PLANCHES. 

puisque  Je  métathorax  dont  ils  devraient,  par  analogie,  faire  partie, 
n'offre  point  de  spiracules.  — /,/,  origine  des  ailes.  — X,  h,  h,  h,  région 
scapulaire  membraneuse,  et  offrant  aussi,  de  chaque  côté,  un  stigmate. 
Fig.  i8.  Copiée  de  l'ouvrage  précité  de  M.  Straus,  et  très  réduite.  Elle 
représente  le  profd  intérieur  du  tronc  et  de  l'abdomen  du  hanneton 
commun  mâle ,  et  plus  particulièrement  la  première  couche  des  muscles 
ou  la  plus  interne,  le  cloaque ,  l'étui  de  la  verge ,  sa  pince,  etc.  On  y  dis- 
tingue encore  les  six  premiers 
de  réduire  singulièrement  cette 
il  nous  est  impossible ,  faute 

qui  y  sont  rendues.  Nous  ne  donnons  cette  figure  que  pour  montrer  d'une 
manière  générale  l'extrême  complication  de  ces  organes ,  et  pour  faire 
admirer  la  sagacité  et  la  patience  de  l'auteur  du  beau  Traité  anatomique, 
que  nous  citons. 

Fig.  19.  Elle  est  copiée  de  Lyonet,  et  représente  les  muscles  de  l'une 
des  pâtes  à  crochet  de  la  chenille,  qui  a  été  pour  ce  savant  le  sujet  d'un 
travail  qui  semble  surpasser  tous  ceux  qu'on  a  publiés  sur  l'anatomie  du 
corps  humain. 

PLANCHE    22. 

Organes  buccaux  des  nymphons ,  des  myriapodes  ou  mille-pieds  ,  de 
dwers  insectes  broyeurs  et  quelques  autres  appendices  extérieurs 
de  ceux-ci. 

Nota.  Les  fîgares  1-24  sout  copiées  des  Mémoires  de  M.  Savigny  sar  les  anitnaax 
sans  vertèbres,  et  celles  des  numéros  38  à  5o  des  planches  da  grand  ouvrage  sur 
l'Egypte.  Celles  des  numéros  36  et  3 7  sont  prises  du  Traité  sur  l'Anatomie  da 
Hanneton  commun  de  M.  Straus. 

Fig,  I.  Nymphon  grossipède  (  grossipes,  Fab.  )  femelle.  -—  a,  \a 
trompe  ou  siphon.— Z>,  b,  chélicères  terminées  en  pince  didactyle.  — 
b,b ,  palpes.  —  d,  pâtes  ovifères.  —  e,  tubercule ocellifère.  —  g;  g";  g'> 
pieds  ambulatoires,  "—f,  segment  anal. 

Fig.  1.  Portion  antérieure  de  la  plaque  supérieure  de  la  tête  de 
ViuJe  terrestre,  vue  en  dessus  et  très  grossie.  —  a,  a,  cavités  donnant 
naissance  aux  antennes.  — '  b,  b ,  bord  antérieur. 

Fig.  3.  L'une  des  mandibules. — a,  dents  écailleuses ,  voûtées ,  im- 
plantées dans  la  cavité  sous-apicale. 

Fig.  4.  Lèvre  inférieure  composée  de  deux  paires  de  mâchoires ,  sui- 
vant M.  Savigny,  mais  qui,  d'après  l'analogie,  représente  plutôt  la  langue 
(  Voyez  celle  des  cyames  et  des  apus ,  figurées  sur  les  planches  précé- 
dentes) ;  elle  est  divisée  longitudinalement  en  trois  aires,  a,  a,  Z»;  celle 
du  milieu  est  partagée,  dans  le  même  sens,  en  deux.  —  c,  c,  petites 
saillies  tuberculiformes.  —  d,  mandibule. 

Les  fig.  5 ,  6  et  7  représentent  les  trois  premières  paires  de  pieds , 
venant  immédiatement  après  la  pièce  précédente  ;  les  deux  premières  et 
la  seconde  surtout  sont  très  rapprochées  à  leur  base  a  ;  elles  seraient  les 
analogues  des  deux  paires  de  mâchoires  des  crustacés  dentés  ;  la  troi- 
sième, ou  celle  de  la  figure  7,  représenterait  la  première  paire  de  pieds- 
mâchoires. 

Fig.  8-12.  Mêmes  parties,  à  la  suppression  près  de  la  troisième  paire 
de  pâtes ,  prises  du  glomeris  plombe'. 

Fig.  8.  c ,  c ,  les  yeux.  Voyez ,  quant  aux  autres  lettres  de  cette  fi- 
gure et  quant  à  celles  des  suivantes  g-12 ,  l'explication  des  figures  2  à  6. 
Fig.  15-17.  Organes  de  la  manducation  de  la  scutigère  nraneoïde{nra- 
neoïdes). 


EXPLICATION    DES    PLANCHES.  JQ 

Fig.  i5.  Bord  antérieur  du  chaperon  a,  a,  avec  le  labre  b. 

Fig.  14.  Deux  paires  de  mâchoires  a,  a,  b,  b,  réunies,  et  formant 
encore  une  sorte  de  lèvre  inférieure,  suivant  M.  Savigny  ;  mais  ces  par- 
ties représentent  toujours ,  selon  moi ,  la  langue  des  crustacés  dentés  : 
ici  seulement  elle  est  quadrifide. 

Fig.  i5.  L'une  des  mandibules,  avec  une  espèce  de  palpe  a. 

Fig.  16.  Première  lèvre  auxiliaire,  dans  la  nomenclature  de  M.  Savi- 
gny ;  deux  mâchoires  palpiformes  et  réunies  à  leur  naissance ,  dans  la 
mienne. 

Fig.  17.  Seconde  lèvre  auxiliaire  ,  suivant  M.  Savigny  ;  seconde  paire 
de  mâchoires,  formées  de  deux  petites  pâtes  ou  palpes  onguiculées, 
a,  a,  et  rapprochées  à  leur  naissance,  en  manière  de  lèvre  bifide,  b,  by 
selon  moi. 

Fig.  18  à  23.  Mêmes  parties,  à  l'addition  d'une  près  {fig.  19) ,  prises 
de  la  scolopendre  mordante  (morsitans). 

Fig.  iS.  a  ,  a.  Premiers  articles  des  antennes.  —  b ,  labre  ;  chaperon  , 
suivant  M.  Savigny.  —  c,  ce  chaperon  ou  l'épistome  ,  dans  ma  nomen- 
clature. 

Fig.  ig.  Langue  ou  rebord  du  pharynx ,  Savig.  —  Conduit  préœso- 
phagien ,  analogue  à  la  carène  inférieure  de  camérostome  des  ara- 
néides ,  suivant  moi. 

Fig.  20.  L'une  des  mandibules  avec  une  espèce  de  palpe  a. 

J^ig.  21.  Lèvre  inférieure,  composée  des  premières  et  secondes  mâ- 
choires réunies,  a,  a,  b,  b,  selon  M.  Savigny;  langue,  selon  moi. 

Fig.  22.  Pièce  précédente,  b,  b,  c,  c,  mais  ayant  en  devant  deux  palpes 
ou  petits  pieds  onguiculés,  a,  a,  composant,  selon  le  môme  savant,  la 
première  lèvre  auxiliaire,  et,  dans  mon  opinion,  analogues,  par  leur 
situation  corrélative,  aux  deux  premières  mâchoires.  (Fig.  16.) 

Fig.  25.  Seconde  lèvre  auxiliaire,  Savigny;  secondes  mâchoires,  sui- 
vant moi.  {Fig.  17.)  —  a,  a,  dilatation  interne  du  second  article  des 
pieds  en  forme  de  crochets ,  b ,  b. 

Fig.  24.  Première  paire  de  pâtes;  les  analogues,  selon  moi,  de  celle 
de  la  troisième  paire  des  iules.  {Fig.  7.) 

Fig.  i5.  Tête  d'une  larve  de  dytique  vue  en  dessous,  très  grossie.  — > 
a,  la  tète  proprement  dite.  —  b,  b,  ocelles,  au  nombre  de  quatre  de 
chaque  côté.  —  c ,  c ,  mandibules.  —  d,  d,  palpes  maxillaires,  de  sept  ar- 
ticles. —  e,  labre  avancé,  conique,  tronqué,  et  cilié  au  bout.  — f,/",  palpes 
labiaux,  de  cinq  articles;  les  mâchoires  et  la  lèvre  sont  très  petites.  On 
voit  donc  que  la  composition  de  ces  organes,  considérés  dans  leur  état 
primitif,  se  réduit  presque  à  deux  palpes,  ayant  un  plus  grand  nombre 
d'articles  que  dans  l'état  adulte,  et  qu'elle  se  rapproche  dès-lors  de  la 
structure  des  parties  des  myriapodes  analogues  aux  mâchoires^ 

Fig.  26.  Laljre  an  calosome  sycophante  {sycophanta),  grossi. 

Fig.  27.  L'une  de  ses  mandibules.  MM.  Clairville  et  Curtis  se  sont 
bornés  à  n'en  représenter  qu'une  ;  mais  l'opposée  offre  souvent  des  diffé- 
rences ,  à  raison  de  l'engrenage  des  dentelures  de  l'autre  :  il  serait  donc 
nécessaire  de  figurer  les  deux. 

Fig.  28.  L'une  des  mâchoires.  —  a,  palfie  maxillaire  externe.  — ■  b,  l'in- 
terne. —  £•,  le  crochet  apical  de  la  mâchoire. 

Fig.  2g.  Lèvre.  —  a,  le  menton.  —  b ,  b,\di  languette.  —  c ,  c ,  para- 
glosses  peu  sensibles ,  mais  bien  développés  dans  la  plupart  des  autres 
carabiques.  —  d,  d,  palpes  labiaux. 

Fig.  3o.  Une  antenne. 

Fig.  3i.  L'une  des  deux  pâtes  antérieures  de  l'individu  femelle.  — 
a,  trochanter.  —  b,  la  cuisse.  —  c,  la  jambe.  —  d,  e,  les  deux  épines  011 


20  EXPLICATION    DES    PLANCHES. 

éperons  de  l'extrémité  interne.  — /,  premier  article  du  tarse,  suivi  de 
quatre  autres.  —  g,  g,  les  deux  ongles  ou  crochets  terminant  le  dernier. 

Fi'g.  32  à  55.  Pièces  composant  la  bouche  d'un  ii^cropliore  Çgermani- 
cus),  très  grossies. 

Fig.  32.  Le  labre. 

Fi  g.  55.  Une  mandibule. 

Fig.  54.  Lèvre.  —  a,  le  menton.  —  ^,  la  languette.  ^c,€,  les  para- 
glosses.  —  d,  d,  les  palpes. 

Fig.  35.  Une  mâchoire.  —  a,  palpe.  —  b,  c,  lobes,  dont  b  l'apical, 
ou  l'externe. 

Fig.  56.  Tête  du  hanneton  commun,  vue  en  dessous  et  renversée, 
grossie.  —  a,  trou  occipital.  —  b  et  c,  région  gulaire  ;  b,  pièce  basilaire , 
Straus  ;  c,  pièce  prébasilaire  du  même.  —  d,  le  menton.  —  e,  la  lan- 
guette. —  f,  fy  mâchoires.  —  g-,  g-,  premier  article  des  antennes.  — 
A,  /i,  les  yeux.  —  i,  i,  palpes  maxillaires.  — 7,  7,  palpes  labiaux.  — 
k,  k,  les  mandibules.  —  /,  le  chaperon. 

Fig.  37.  Une  mâchoire.  —  b,  b,  lobe  apical  denté. 

Fig.  58  à  45.  Organes  cibaires  (ou  de  la  manducation)  d'une  blatte 
d'Egypte,  grossis.  Celle  du  n°  58  représente  le  labre  vu  en  dessous. 

Fig.  59.  Lèvre.  —  a,  menton.  —  b ,  b ,  c ,  c,  divisions  ou  lobes  de  la 
languette.  —  d,  d,  palpes. 

Fig.  40  et  4i .  L'une  des  mandibules  vue  sous  deux  sens ,  ou  en  dessous 
et  en  dessus. 

Fig.  42.  Une  mâchoire.  —  a,  sa  tige.  —  b ,  lobe  interne  et  dentiforme. 
—  c,  lol3e  apical  ou  galète.  —  d,  palpe  maxillaire. 

Fig.  45.  La  languette  vue  par  sa  face  interne  ou  supérieure.  — 
a,  a,  lobes  externes.  —  b,  pharynx.  —  c ,  c ,  caroncule  formant  la  langue 
proprement  dite. 

Les  autres  et  dernières  figures  (44-5o)  représentent  les  organes  de  la 
manducation  d'une  œshne,  avec  sa  tête. 

Fig,  44-  Le  labre  vu  en  dessous. 

Fig.  45.  La  lèvre.  — a,  le  menton.  —  ^,  la  languette.  — -c,  c,  d,  d, 
les  deux  derniers  articles  des  palpes.  —  e,  dent  interne  du  pénultième. 

Fig.  46  et  47-  L'une  des  mandibules  vue  sous  deux  faces. 

Fig.  48.  L'une  des  mâchoires.  —  «,  la  tige.  —  ^,  le  palpe.  —  c,  pièce 
écailleuse  et  dentée  terminant  la  mâchoire. 

Fig.  49  Antenne  très  grossie. 

Fig.  5o.  La  tête.  —'  a,a,  les  yeux.  — •  b,  b ,  les  antennes.  —  c,  d,  la 
face,  ou  l'espace  intéroculaire,  divisée  en  deux.  —  e,  l'épistome,  ou  cha- 
peron. — /,  le  labre. 

PLANCHE    23. 

Organes  buccaux ,  et  quelques  autres  appendices  extérieurs  de  dii^ers 

insectes  suceurs. 

Nota.  Toutes  les  figures  ,  les  cinq  dernières  seules  exceptées ,  sont  copiées  des 
planches  sur  les  insectes  du  grand  ouvrage  sur  l'Egypte ,  exécutées  sons  la  direc- 
tion de  M.  Savigny,  ainsi  que  de  ses  Mémoires  sur  les  animaux  sans  vertèbres. 

Fig.  1-6.  Tête  d'une  eucère femelle ,  de  la  division  de  celles  qui  n'ont 
que  deux  cellules  cubitales  aux  ailes,  supérieures,  avec  tous  les  détails 
de  son  organisation  buccale. 

Fig.  1.  Tête  grossie,  vue  de  face.  —  a,  le  labre.  —  b ,  l'épistome,  ou 
chaperon.  —  c,  c,  les  yeux.  — d,  les  ocelles,  ou  yeux  lisses. 

Fig.  1.  Appareil  buccal  grossi.  —  a,  muscles  de  la  base.  —  b,  labre. — 
c,  épipharynx  ou  épiglosse,  Sav.  —  d,  langue,  ou  hypophaiynx ,  du 
même.  —  €,  e,  lobe  terminal  des  mâchoires,  commençant  à  rinsertioa 


EXPLICATION    DES    PLANCHES.  Il 

des  palpes  y]  replié  en  dessons,  dans  le  repos.  —  g ,  tube  labial,  répon- 
dant au  menton  des  coléoptères  et  autres  insectes  broyeurs.  —  /,  i ,  divi- 
sions latérales  de  la  languette.  — j,  l'intermédiaire,  ou  la  languette 
propre,  désignée  par  divers  auteurs  sous  le  nom  de  langue. —  h,  h, 
palpes  labiaux. 

^ig.  3.  Le  labre,  très  grossi.  — b,  b,  deux  filets,  que  M.  Savigny 
reproduit  sur  d'autres  figures  de  la  même  partie,  etdont  j'ignore  l'usage. 
Sa  base  offre  souvent,  de  chaque  côté ,  deux  taches  ou  deux  points  plus 
luisans. 

I^ig.  4.  L'une  des  mandibules. 

Fig.  5.  L'une  des  mâchoires.  —  a,  la  tige.  —  ^,  le  palpe.  Il  est  divisé 
en  deux  branches,  caractère  insolite  que  nous  n'avons  jamais  observée. 
Est-ce  une  erreur  du  dessinateur  que  M.  Savigny  n'a  point  corrigée  ? 
c'est  ce  que  j'ignore.  —  c,  lobe  apical. 

/'/g.  6.  Lèvre.  —  «,  l'analogue  de  la  pièce  nommée  par  M.  Straus  pre- 
basilaire,  qui,  ainsi  que  la  basilaire ,  est  devenue  mobile,  pour  faciliter 
le  jeu  de  la  trompe  ou  de  la  promuscide.  —  b,  tube  labial.  — c,  c,  la  lan- 
guette propre. —  d,  d,  ses  divisions  latérales. — e,  e,  portion  en  forme  de 
lame  écailleuse  des  palpes  labiaux ,  composée  des  deux  premiers  articles. — 
f,f,  les  deux  autres  articles  formant  une  petite  tige,  rejetée  sur  les  côtés. 
—  g,  g,  espace  occupé  par  deux  petites  écailles,  qu'on  n'a  pas  repré- 
sentées. 

Fig.  ^.  Tête  de  la  guêpe  orientale  {orientalis) ,  vue  de  face.  —  a,  a, 
mandibules.  —  b,  l'épistome  ou  chaperon. ^ —  c,  c,  yeux,  échancrés  au  côté 
interne.  —  d,  ocelles. 

Fig.  8.  Labre,  grossi,  vu  par  sa  face  antérieure. 

Fig.  g.  Le  même ,  vu  en  sens  opposé. 

Fig.  10.  L'une  des  mandibules  ,  grossie. 

Fig.  1 1 .  L'une  des  mâchoires.  —  a,  la  tige.  —  b,  lobe  terminal.  —  c,  le 
palpe. 

Fig,  12.  Lèvre,  vue  en  dessous  ou  par  sa  face  extérieure,  lorsqu'elle  est 
repliée.  —  a,  tube  labial.  —  b,  b,  divisions  latérales  de  la  languette.  — 
c,  c,  les  deux  lobes  de  la  division  intermédiaire;  ils  sont,  ainsi  que  les 
divisions  précédentes,  terminés  par  des  points  glanduleux  et  noirâtres. 

Fig.  i5.  Lèvre,  vue  en  dessus.  Même  explication. 

Fig.  14.  Portion  de  l'une  des  pâtes  postérieures,  très  grossie,  —  a, 
bout  de  la  jambe.  — b,  b,  épines  internes  et  dentelées.  — c,  premier  ar- 
ticle du  taree. 

Fig.  i5.  L'un  des  deux  tarses  intérieurs,  avec  l'extrémité  de  la  jambe, 
vu  en  dessous,  et  grossi.  — <  a,  épine  interne  et  particulière  de  cette 
jambe.  M.  Kirby  en  désigne  la  partie  membraneuse,  ou  plus  mince, 
sous  le  nom  de  vélum ,  voile. 

Fig.  16.  Extrémité  de  cette  jambe  et  premier  article  du  tarse,  vus  de 
profil.  —  a,  cette  épine.  —  b,  échancrure  de  l'article  du  tarse. 

Fig.  ly.  Les  trois  derniers  articles  du  tarse.  —  a,  appendice  membra- 
neux, en  forme  de  petite  palette,  situé  entre  les  crochets  du  dernier. 

Fig.  18-24.  Tête  du  sphinx  celerio ,  avec  les  détails  des  parties  de  la 
bouche. 

Fig.  18.  Cette  tête,  vue  de  profil,  avec  sa  trompe  [spiritrompe)  a,  a, 
déroulée  en  majeure  partie. 

Fig.  ig.  L'une  des  deux  mâchoires,  tronquée  et  très  grossie.  —  a, 
lame  ordinairement  cornée ,  semi-valvulaire  ,  offrant  un  canal  au  côté 
interne ,  striée  finement  et  transversalement  en  dehors ,  avec  les  bords  du 
canal  lisses  ,  imperceptiblement  dentelés  sur  leur  tranchant;  bord  supé- 
rieur mince  et  plus  saillant.  —  b,  palpe. 


22  EXPLICATION    DES    PLANCHES. 

Fis.  20.  Palpe  labial,  vu  de  profil,  très  grossi.  —  «,  b,  c,  ses  trois 
articles;  le  dernier  très  court,  en  forme  de  bouton. 

Fig.  21  et  22.  Tronçons  de  ces  lames  maxillaires,  réunis. 

Fig.  11.  Tronçon,  vu  en  dessus. —  a,  a,  canaux  propres.  —  b,  canal 
commun  supérieur.  —  c,  c,  bord  interne ,  lisse. 

Fig.  11.  Le  même  tronçon,  vu  en  dessous. 

Fig.  25.  Chaperon,  avec  les  mandibules  a,  a  et  le  labre  b,  vus  en 
dessus. 

Fig.  24.  Mêmes  parties,  retournées,  ou  vues  en  dessous. Même  expli- 
cation. 

Fig.  nS.  Tête  de  la  zygène  de  la  scabieuse  {zjgœna  scabiosœ,  Fab.), 
vue  de  profil,  grossie.  —  a,  a,  spiritrompe.  —  b,  palpe  labial.  —  c, 
ocelle.  —  d,  antenne  mutilée.  —  e,  œil. 

Fig.  26,  a,  a,  mandibules.  —  b,  labre. 

Fig.  27.  L'une  des  mâchoires,  très  grossie;  la  lame  apicale  est  aplatie 
et  légèrement  canaliculée.  —  a ,  son  palpe ,  composé  de  deux  articles  y 
dont  le  dernier  ayant  un  étranglement ,  de  sorte  que  le  palpe  semble  être 
formé  de  trois  articles. 

Fig.  28.  La  lèvre,  très  grossie.  —  a,  portion  terminale  et  fixe,  parais- 
sant répondre  à  la  languette.  —  b,  b,  palpes  labiaux  de  trois  articles, 
b,  c,  d;  le  gauche  est  dépouillé  de  ses  écailles. 

Fig.  29.  Tête  de  la  lithosie  gentille  {pulchella)^  vue  de  face.  —  « ,  «, 
palpes  labiaux. 

Fig.  3o.  a,  a,  mandibules.  —  b ,  labre. 

Fig.  3i.  Bouche,  vue  de  face;  les  lames  maxillaires  b,  b  rejetées  en 
avant,  et  les  palpes  labiaux  d,  d  écartés.  — a,  a,  portions  inférieures  et 
fixes  des  mâchoires. — b,  b,  leurs  lames  terminales,  formant  la  spiritrompe, 
tronquées.  —  c,  languette.  —  d,  d,  palpes  labiaux,  de  trois  articles  ;  les 
deux  premiers  allongés,  tandis  que  dans  la  figure  28  le  radical  est  très 
court;  M  Savigny  même  ne  le  compte  pas. 

Fig.  32.  Tête  du  cimex  uigriconùs  de  Fabricius,  vue  en  dessous, 
grossie.  —  a,  a,  premiers  articles  des  antennes.  —  b  y  b  ,\es  yeux.  —  c,  le 
labre.  —  d,  le  suçoir,  dont  les  soies  sont  réunies  et  renfermées  dans  un 
canal  de  la  gaîne  extérieure  et  quadriarticulée  du  rostre ,  e,  e. 

Fig.  33.  a,  le  labre.  —  Z>,  le  suçoir,  composés  de  deux  paires  de 
soies  ou  filets  déliés,  c,  c,  d,  d,  séparées  au  bout. 

Fig.  34.  Ce  suçoir ,  plus  grossi ,  avec  ses  pièces  écartées  dans  leur  Ion 
gueur.  —  «,  a  y  b,  Z>,  les  soies.  —  c,  la  langue.  — d,  le  pharynx. 

Fig.  35.  Trompe  grossie  du  taon  italique  (  tabanus  italiens.,  Fab  ).  — 
a,  support.  —  Z> ,  la  tige.  —  c,  c,  les  deux  lèvres  terminales. 

Fig.  36.  Soies  impaires  du  suçoir  grossies.  : —  «,  la  supérieure ,  repré- 
sentant le  labre.  — b,  l'inférieure  et  l'analogue  de  la  langue.  — c,  le 
pharynx. 

Fig.  37.  L'une  de  la  première  paire  de  soies,  représentant  les  mandibules. 

Fig.  3o.  L'une  de  celles  de  la  seconde  paire  ou  des  maxillaires.  —  a , 
son  palpe,  dont  le  dernier  article  très  grand. —  Z>,  cette  soie. 

Fig.  09.  Tête  vue  de  face  et  grossie  d'un  taon.,  dont  les  antennes  a ,  a, 
sont  mutilées  ,  et  montrant  le  dernier  article  b  ^  b  y  des  palpes  maxil- 
laires ,  couché  sur  le  dessus  la  trompe  ,  c. 

Fig.  40.  Trompe  développée  et  grossie  d'une  espèce  de  ce  genre. 
—  a,  b ,  soies  impaires,  la  supérieure  et  l'inférieure.  —  c ,  faisceau  des 
soies  paires  ou  latérales.  —  d ,  l'un  des  palpes  —  e ,  gaîne  membraneuse 
du  suçoir. 

Fig.  4i.  Trompe  développée  et  grossie  d'un  bombjle  ;  suçoir  com- 
posé de  quatre  soies.  —  a  ,  l'impaire  supérieure  ,  représentant  le  labre. 


EXPLICATION    DES    PLANCHES.  23 

—  b  ,  l'impaire  inférieure ,  représentant  la  langue.  —  c,  c ,  la  paire  des 
soies  maxillaires.  —  cl,  gaine  de  ce  suçoir. 

t'i^.  42.  Tète  d'une  oxjpière^iippobosca ,  Linn.)  ,  vue  de  face  et  très 
grossie.  —  a ,  l'épistome.  — b ,  b,  les  antennes.  — c ,  gaine  du  suçoir  for- 
mée par  les  palpes.  —  cl ,  r/,  les  yeux. 

Fis^.  45.  Tête  d'une  puce  vue  de  profd  et  grossie.  — a,  a,  antennes. 

—  b ,  l'œil.  —  c ,  cavité  où  l'on  aperçoit  dans  le  vivant  une  pièce ,  s'éle- 
vant  et  s'abaissant  alternativement  avec  promptitude.  —  d,  d,  deux 
écailles  recouvrant  la  base  du  rostre.  —  e,  e,  lames  linéaires  et  articulées 
composant  la  gaine  du  suçoir.  — f,  f,  f,  soies  de  ce  suçoir  ;  les  lames  ar- 
ticulées forment,  dans  la  nomenclature  de  M.  Savigny,la  lèvre  inférieure  ; 
les  deux  écailles  de  la  base  sont  des  mâchoires  extérieures  au  suçoir,  et 
palpigères;  deux  des  soies  représentent  les  mandibules,  et  l'impaire  ou 
la  troisième ,  qui  est  la  plus  grêle ,  répond  à  la  langue. 

PLANCHE    24. 

Nota.  Toutes  les  fignres  de  cette  planche  sont  des  copies  réduites  de  celles 
qu'ont  données  MM.  Kirby  et  Spence ,  dans  leur  Introduction  à  l'Entomologie 
(seconde  édit.  tom.  III,  PI,  X  et  XI),  ouvrage  auquel  nous  renverrons  toutes 
les  personnes  qui  désireront  faire  une  étude  approfondie  des  principes  de  cette 
science.  Ils  y  ont  consacré  quatre  forts  volumes  in-8°. ,  enrichis  d'un  grand  nombre 
de  planches  ,  représentant  les  plus  petits  détails  d'organisation.  Les  bornes  de 
notre  Cours ,  dans  lequel  nous  devons  d'ailleurs  faire  l'exposition  des  principales 
coupes,  ce  qui  n'entrait  point  dans  leur  plan,  nous  interdisaient  de  semblables 
développeraens  ;  peut-être  même  eussent-ils  fatigué  l'attention  des  élèves  ,  et  les 
eussent-ils  éloignés  du  but  que  nous  nous  sommes  proposé  d'atteindre. 

Les  figures  relatives  aux  antennes  des  insectes,  publiées  par  ces  savans,  nous 
ont  paru  devoir  suffire  quant  à  la  connaissance  des  modifications  de  formes  les 
plus  essentielles  de  ces  parties;  mais  il  n'est  pas  ainsi  des  dessins  des  ailes  ;  ils  ne 
sont  pas  assez  nombreux  ,  et  l'échelle  sur  laquelle  ils  ont  été  tracés,  étant  ici  trop 
réduite ,  il  a  été  impossible  de  désigner  par  des  lettres  plusieurs  cellules ,  ayant  des 
noms  propres.  Nous  citerons ,  par  exemple ,  les  ailes  des  tipulaires  et  de  plusieurs 
autres  diptères.  Cette  nomenclatare,  au  surplus,  ne  pourra  devenir  rationnelle 
que  lorsqu'on  l'aura  établie  sur  une  comparaison  exacte  de  ces  organes,  considérés 
dans  tous  les  ordres  de  cette  classe  d'animaux.  Tel  est  aussi  notre  sentiment  au 
sujet  des  diverses  parties  tégumentaires  de  leur  corps  et  du  thorax  spécialement. 
Nous  souhaitons  ardemment  que  M.  Audouin ,  par  des  applications  générales, 
fixe,  régularise  et  simplifie  cette  nomenclature,  si  embrouillée  par  la  discordance 
qui  règne  à  cet  égard  dans  les  écrits  de  MM.  Jurine  ,  Chabiier,  Straus  ,  Kirby  et 
Spence,  etc.  Toutefois,  en  déclarant  que  les  fignres  des  ailes  que  nous  donnons, 
d'après  ces  deux  derniers  naturalistes,  ne  font  point  assez  connaître  ces  organes, 
nous  croyons  que  dans  leur  application  à  notre  méthode  ,  ou  dans  l'emploi  des 
caractères  ,  elles  pourront  suffire. 

Fi^.  I .  Portion  du  corps  d'un  insecte  coléoptère ,  située  en  arrière  du 
corselet  ou  prothorax,  vue  en  dessus,  les  ailes  étant  pliées.  —  a,  a, 
élytres.  —  b ,  ô,  la  suture.  —  c ,  l'écusson. 

Fig.  1.  Même  portion  du  corps,  prise  d'une  blatte.  —  a,  «,  côte  des 
élytres,  se  croisant  au  bord  interne  b.  —  c ,  espace  distingué  par  une 
ligne  enfoncée,  formant  une  courbe  ou  demi-ovale.  —  d,  l'écusson. 

Fiu,.  5.  Même  portion  du  corps  considérée  dans  un  pcntatome.  ■ —  a,  a^ 
côte  des  hémél}tres  ou  demi-étuis.  —  b ,  leur  portion  membraneuse.  — 
c,  l'écusson. 

Fig.  4.  Ailes  étendues  (ïun  Jbrjîcule. 

Fig.  5.  Ailes  supérieures  d'un  he'me'robe.  —  «,  la  côte. 

Fig.  6.  Ailes  étendues  d'une  cicindèle. 

Fig.  7.  Aile  supérieure  d'un  lépidoptère.  —  a,  cellule  centrale  ou  dis- 
coïdale. 


^4  EXPLICAÏION    DES    PLANCHlîS. 

Fi^.  8.  Aile  supérieure  d'un  hyménoptère  du  genre  bombas,  ou 
bourdon.  —  «,  cellule  radiale.  —  b ,  première  cellule  cubitale.  —  c,  la 
seconde.  — ■  ^,  la  troisième ,  complète  ainsi  que  les  autres,  ou  fermée  par 
une  nervure  propre.  —  e  ,f,  deux  cellules  discoidales,  l'une ,  e,  externe, 
et  l'autre, y,  interne.  — •§  ,  seconde  nervure  récurrente,  fennant  posté- 
rieurement une  troisième  cellule  discoïdale,  inférieure  aux  précédentes; 
la  nervure  transverse  qui  la  ferme  par  l'autre  bout ,  et  qui  s'insère  supé- 
rieurement sous  la  seconde  cubitale ,  forme  la  première  nervure  récur- 
rente ,  que  nous  n'avons  point  distinguée  par  une  lettre ,  pour  éviter  la 
confusion. 

Fig.  9.  Aile  supérieure  d'un  cimbex.  —  a,  b ,  deux  cellules  radiales. 
— <  c,  d,  e,  trois  cellules  cubitales,  dont  la  première  recevant  les  deux 
nervures  récurrentes ,  et  dont  la  troisième  fermée  en  arrière  par  le  bord 
postérieur  de  l'aile. 

Fig.  10.  Aile  supérieure  d'un  proctotrope  (codrus ,  Jurine  ).  —  a,  cel- 
lule radiale,  point  de  cubitales.  —  b,  le  point,  pwictum,  et  que,  pour 
éloigner  toute  ambiguïté,  je  nommerai  le  calus. 

Fig.  1 1 .  Aile  supérieure  d'un  hyménoptère ,  divisée  en  aires  ou  régions 
principales.  —  «  et  ^ ,  nervures  primitives  ;  a  la  radiale  ou  le  radius,  b ,  la 
cubitale  ou  le  cubitus  ;  l'espace  compris  entre  elles,  jusqu'à  leur  réunion 
postérieure  k,  où  est  situé  le  calus ,  forme  l'aire  costale.  —  d,  autre  ner- 
vure primitive,  la  plus  extérieure  des  brachiales.  L'espace  compris  entre 
elle  et  la  précédente,  ou  le  cubitus,  jusqu'à  une  petite  nervure  trans- 
verse ,  sera  l'aire  brachiale  ;  elle  peut  être  divisée  en  plusieurs  cellules 
longitudinales ,  selon  le  nombre  des  nervures  brachiales ,  qui  varie  dans 
les  hyménoptères  d'un  à  trois  ;  l'intervalle  s'étendant  de  la  dernière  au 
bord  interne  de  l'aile ,  deviendra  l'aire  marginale  interne  ,  g.  —  La  région 
e ,  commençant  au  calus ,  et  se  terminant  un  peu  avant  l'angle  du  som- 
met de  l'aile,  recevra  la  dénomination  de  radiale.  — y,  h,  désigneront 
deux  autres  aires,  la  sous-apicaleyet  la  postérieure  h  ;  la  première  peut 
être  remplie  soit  simplement  par  les  dernières  cellules  cubitales ,  soit  en 
outre ,  lorsqu'elles  sont  éloignées  du  bord  postérieur  de  l'aile ,  par  un 
espace  nu  ou  sans  nervures  ;  le  champ  de  la  seconde  est  occupé  dans  plu- 
sieurs par  des  cellules  marginales ,  dont  la  plus  reculée  en  arrière  est 
située  à  l'angle  interne  du  bord  postérieur,  et  encore  ,  même  en  partie  , 
au  moins,  par  la  cellule  discoïdale  impaire  ou  l'inférieure.  —  d  indique 
l'aire  centrale  ou  discoïdale  ;  des  cellules  cubitales  et  discoïdales  en  rem- 
plissent le  vide.  L'aile  supérieure  des  cynips ,  à  la  suppression  près  des 
deux  premières  cubitales ,  dont  cette  figure  1 1  n'offre  qu'une  légère  trace , 
se  rapproche  beaucoup  du  type  esquissé  par  elle. 

Fig.  \i.  Aile  supérieure  d'une  psychode ,  de  la  famille  des  tipulaires. 
—  a,  bifurcation  de  l'une  de  ses  nervures ,  toutes  longitudinales  et  presque 
parallèles, 

Fig.  i3.  Aile  d'une  tipule ,  et  dont  le  type  se  retrouve  aussi  dans  cer- 
taines espèces  du  genre  limnobic.  — ■  a,  cellule  discoïdale.  —  c ,  bifurca- 
tion d'une  nervure ,  produisant  une  sorte  de  cellule  pétiolée. 

Fig.  14.  Aile  supérieure  d'un  stratyome.  —  a,  cellule  brachiale  ex- 
terne. —  b ,  cellule  brachiale  médiane.  —  c ,  cellule  discoïdale.  —  r/,  cel- 
lule brachiale  interne  ,  se  prolongeant  jusque  près  de  l'extrémité  interne 
du  bord  postérieur  de  l'aile  ,  et  se  terminant  par  un  angle  ;  une  nervure 
partant  de  la  seconde  des  brachiales  réunit  celle-ci  avec  la  troisième 
ou  la  plus  interne  des  nervures  du  même  ordre ,  et  forme  avec  l'extré- 
mité de  celle-ci  ce  que  Fallcn  appelle  nerf  angulaire  ;  l'aii'e  du  bord 
interne  offre  aussi ,  dans  cette  figure ,  deux  petites  nervures  longitudi- 
nales réunies  par  une  autre  et  transverse. 


EXPLICATION    DES    PLANCHES.  l5 

Fig.  i5.  Aile  d'une  mouche.  —  c  et  d  désignent  les  cellules  que  j'ai 
distinguées ,  dans  la  seconde  édition  du  Bègne  animal ,  par  les  noms  de 
cellules  terminales  extérieures;  e,e,  sera  l'interne  des  mêmes.  —  a  in- 
dique l'aire  radiale ,  et  ^  ,  l'aire  cubitale  ;  elles  forment ,  l'une  et  l'autre, 
deux  cellules  allongées  et  fermées  par  le  bord  extérieur  de  l'aile. 

Fig,   i6.  Antenne  prismatique  (i)  d'un  j-p^m.r. 
— i  Filiforme. 

—  Sétacée,  ou  en  forme  de  soie. 

—  Ensiforme. 

—  Capillaire. 

—  Fusiforme ,  ou  en  fuseau. 
— ■  Falci forme ,  ou  en  faux. 

—  Moniliforme  ou  grenue. 

—  Dentée. 

—  Dentée  en  scie. 

—  26.  —  Imbriquée. 

—  27.  —  Distichoïde. 

—  Grossissant  vers  le  bout. 

—  Pectinée. 

—  Bipectinée. 

—  Flabellée ,  ou  en  éventail. 

—  Ciliée. 

—  Rameuse. 

—  Fourchue. 

—  Auriculée.  —  a,  l'oreillette. 

—  Palmée. 

—  Irrégulière. 

—  Perfoliée. 

—  Mucronée,  ou  cuspidée. 

—  Capillacée  ;    son    extrémité  brusquement    plus 
capillaire. 

—  4i-  —  Crochue. 

, —  1^1.  —  En  massue. 

—  45.  —  TVoueuse,  à  deux  massues  (  bicla^atœ), 

—  44-  —  Contournée ,  ou  en  volute. 

—  45.  —  Coudée. 

—  46.  —  Yjn  cornet  {Jïinicatœ). 

—  47-  —  En  honlon  {cap itatœ). 

—  48.  —  En  bouton  perfolié. 

__  ^g,  _  Filiforme,  d'après  MM.  Kirby  et  Spence.  —Mais  plutôt 
en  massue  allongée. 

—  5o.  —  Globifère. 

—  5i.  —  Connées. 

—  52  et  55.  —  Sétigère. 

—  54.  ■ —  Subulée  ou  en  alêne. 

—  Sd  et  5Q.  —  Ces  savans ,  d'après  Linnée ,  désignent  cette  forme 
d'antennes  par  l'expression  àe  filatœ ,  effilées,  et  en  y  ajoutant  celle  de 
simple,  pour  distinguer  ces  antennes  des  suivantes  ;  mais  cela  me  paraît 
trop  vague;  il  vaut  mieux,  en  pareil  cas,  préciser  la  forme  du  dernier 
article  ;  c'est  ce  qu'a  fait  De  Géer. 


18. 

19- 
20. 

21. 

22. 

23. 

24. 

25. 


28. 

29- 

ÛO. 

3i. 

52. 

35. 

54. 
55. 
56. 

07. 

5B. 
59. 
40. 


grêle 


et 


(1)  Cette  Planche  étant  très  chargée,  nous  avons  adopté,  quant  aux  numéros 
des  figures,  la  marche  la  plus  propre  à  faciliter  leurs  recherches,  sans  avoir  égard 
à  la  distribution  méthodique  des  objets. 


20  EXPLICATION    DES    PLANCHES.  ,^ 

Fig.5j- Antenne .  LamêmedénoiTiinationy?/rt/œ,  avec  l'adjectif,  composée. 
Nous  ferons  la  même  remarque.  Le  dernier  article  est  conique ,  articulé 
et  en  croissant.  Tel  est  le  caractère  des  espèces  du  genre  taon ,  iabanus. 
■".  .!_.  58.  —  Toujours  le  même  nom,  filatœ.  Le  dernier  article  est  évi- 
demment en  forme  de  bouton  ovoïde ,  tronqué  au  bout. 

—  59—-  ^m/«to,  en  palette  à  aigrette. 

—  60.  —  En  palette,  à  aigrette  (soie)  plumeuse. 

—  61.  —  Etoupée  (  j'/m^oj'^). 

—  62.  —  Plumeuse  (  ou  plutôt  à  poils  verticillés }. 

—  63.  —  Scopifère. 

—  64-  —  Barbue. 

—  65.  —  Verticillée.  Cette  désignation  est  trop  générale. 

—  66.  —  Enflée.  Expression  encore  trop  vague. 

—  67.  —  Auriculée.  —  a,  l'oreillette.  Le  même  nom  est  appliqué  à 
la  figure  55.  Ces  antennes,  cependant,  n'ont  de  commun  que  l'avance- 
ment latéral ,  et  en  guise  d'oreillette,  a,  de  la  base.  11  faudra  toujours 
définir  la  forme  générale  de  ces  organes.  Les  gyrins  nous  fournissent  le 
modèle  de  cette  dernière  figure. 


FIN    DE    l'explication    DES    PLANCHES. 


Corrections  des  fautes  principales   du   Cours   d* Entomologie 


1  ^^  année. 


Page  loo,  ligne  î8;  \isei ,  smartim  ,  &xi\\cxi  àe  sinîarwn. 

io3,  lignes  3o  et  3i ,  paphia  de  Linné  ;  lisez,  de  Cramer.  L'espèce  désignée 

ainsi  par  le  premier  n'est  pas  encore  bien  déterminée ,  et  sa  synonymie 
est  confuse.  "^ 

>  i44  5  ligne  4  ;  lisez ,  d'Esembeck. 

iSq,  ligne  33;  lisez,  dix  ,  au  lieu  de  vingt. 

Ibid.  ligne  36  ;  lisez ,  segmens  du  corps,  à  la  suite  de  l'antérienr,  etc. 

— —  167.  ligne  îg;  lisez,  camérostome. 

— ^ —  283  ,  ligne  29  ;  lisez ,  peritrèmes ,  au  lieu  de  paraptères. 


â  a  ^  j  Toi