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Full text of "De la contingence des lois de la nature"

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BIBLIOTHEQUE 
DE    FlIILOSOPHIEsCONTEMPORAINE 


DE  LA  CONTINGENCE 

DES 

LOIS  DE  LA  NATURE 


EMILE    BOUTROUX 

^^  iiibre  lie  i  A<:a<lémi»  fraoçaiM 
!<■  r  V'  1  : 'inie  des  Science*  morftlea  et  politiques. 


VEIVIEME    EDITION 


VMUS 

I.IIIHAIIUE   FKLI\    \[A.\S 

108,  BOULEVARD  S  VINT-OEnilAlN,  VI» 


DE   LA   CONTINGENCE 


DEâ 


LOIS    DE    LA    NATURE 


AUTRES  OUVRAGES  DE  M.  E.  BOUTROUX 


Étodei  d'histoire  de  la  philosophie,  1  vol.  in-8  de  U  Biblio- 
Ihiijue  de  philosophie  contemporaine,  3<^  édition,  7  fr.  50 
(Librairie  Félix  AIran). 

De  l'idée  de  loi  naturelle  dans  la  science  et  la  philosophie 
contemporaines,  cours  professé  à  la  Sorbonnc  en  1892-1893. 
i  vol.  in-8,  3  fr.  50  (Librairie  Félix  Aican). 

La  philosophie  des  Grecs,  par  B.  Zki.lp.r.  Irailuit    ilc  I  ullo- 

mand  |>ur  K.  but  ruot'x  et   ses  collaburatcurs,   t.  1  rt  II  ; 

La  philosophie  des  Grecs  avant  Socrate,  par  M.  Buctroix 
(Hachette  et  £■•). 

Qaettions  de  morale  et  d'éducation,  conférences  lailea  à 
réoole  de  Fouleuay-aux-Roses  (Delagravo). 


DE  LA  CONTINGENCE 


DIS 


LOIS  DE  LA  NATURE 


PAR 


EMILE  BOUTROUX 

Membre  de  l'Académie  française 
«t  de  l'Académie  des  Sciences  morales  et  politiques 


ETvat  %a\  îvxaûOa  Otoû(. 
(Aristotb,  De  part,  anim.,  1,  5.) 


s  F.  I   VI  i:  M  1".      r.  I»  I  

SEEN  BY 

PREÇERVATfON 

SERVICES 

^^  i 
DATE 

PARIS' 
LIBRAIRIE    FÉLIX    ALCAN 

108,    BOULBVARD   SAINT-GBRMAIM,   108 

l'J-'l 

Tcua  drolla  d«   traduction,  de  reprodaetioa  «l  d'adaplaUoa  ^•'t^S 

réftarvM  pour  lou»  pajra.  A-^V^     '^ 

. —  ..    Ar^ 


DE  LA  CONTINGENCE 


DES 


LOIS  DE  LA  NATURE 


INTRODUCTION 


L'homme,  ï  l'origine,  tout  entier  à  tes  sensations  de  plai- 
sirs ou  de  soufTranre,  ne  songe  pas  au  monde  extérieur;  il 
en  ignore  nx^nie  l'existence.  Mais,  avec  le  temps,  il  dis- 
lingue, dans  ses  sensaiiont  mêmes,  deux  éléments,  duol 
I  un,  relativement  sim|ile  et  uniTorme,  est  le  sentiment  de 
soi-même,  et  dont  l'autre,  plus  complexe  et  plus  chan- 
geant, est  la  représentation  d'ohjets  étrangers.  Dès  lort 
s'éveille  en  lui  le  iicsoin  de  sortir  de  sol  et  de  considérer 
en  elles-mêmes  les  choses  qui  l'environnent,  le  besoin  de 
connatirt.  Il  ne  se  demande  pas  ï  quel  point  de  vue  il  doit 
se  placer  pour  voir  les  choses,  non  telles  qu'elles  lui  appa- 
rtissent,  mais  telles  qu'elles  sont  en  réalité.  Du  point  même 
où  il  se  trouve,  ses  yeux,  en  s'ouvrant,  oui  découvert  une 
perspective  admirable  et  de»  horizons  inflnis.  Il  s'y  établit 
donc   comme  eo  un  lieu  d'observation  ;  il  eotrepreod   de 


1         DE   LA  COMTI?IGKNCI   DES   LOIS   DE    La    MaTUBI 

cunualtr«  le  monde  lel  qu'il  l'aper^nii  de  ce  point  de  ?ue 
Cet!  la  première  pha»«  de  la  trience,  celle  où  l'etpril  m 
rtpOM  sur  le»  ien»  du  soin  de  coosliiuer  la  conoaittanre 
«nivertelle.  El  les  Mot  lui  rourDi<(seDt  tn  elTcl  une  pre- 
Bière  coocepiioD  do  monde.  Selon  leurs  donoéet,  le  monde 
est  un  eoMOlbto  de  faits  d'une  infinie  variëtë.  L'homme 
peut  les  obMrrw,  les  analyser,  les  décrire  arec  une  etac- 
titttde  croissante.  I.^  scieace  est  cette  description  même. 
Ouant  i  un  ordre  fiie  entre  les  fait»,  il  n'en  est  pas  ques- 
tion :  les  sens  ne  font  rien  voir  de  tel.  C'est  le  hasard,  ou  le 
destin,  ou  un  ensemble  de  volontés  capricieuses,  qui  prëti» 
dent  à  l'univers. 

Pendant  un  certain  temps,  l'homme  se  contente  de  celte 
conception.  N'est-elle  pas  déjà  très  féconde  î  Cependant, 
tout  en  observant  les  faits,  l'esprit  remarque  entre  eux  des 
liaisons  constantes.  Il  voit  que  la  nature  se  compose,  non 
de  choses  isolées,  mais  de  phénomènes  qui  s'appellent  les 
ans  les  autres.  Il  constate  que  la  contiguïté  des  phénomènes, 
au  point  de  vue  des  sens,  n'est  pa«  un  sûr  Indice  de  leur 
corrélation  elTeciive.  Il  voudrait  pouvoir  ranger  les  phéno* 
menés,  non  dans  l'ordre  où  ils  lui  apparaissent,  mais  dans 
l'ordre  où  ils  drpeodeut  effectivement  les  ans  des  autres. 
La  science  puninent  desrriptive  lui  parait  désonnais  insuf- 
fisante, inexacte  même,  en  ce  qu'elle  fausse  les  relations 
des  choses.  Il  y  voudrait  Joindre  la  connaissance  explicAtive. 
Cette  connaissance,  les  sens  ne  peuvent  la  procurer.  Car, 
pour  l'acquérir,  il  faut  prendre  note  des  liaisons  observées, 
et  les  comparer  entre  elles,  de  manière  i  discerner  les  liai* 
MBS  constantes  et  générales.  Puis,  ces  cadres  une  fois  fo^ 
nés,  il  faut  j  faire  rentrer  les  liaisons  particulières  que  l'on  se 
propose  d'eipliquer.  Or  les  sens  n'atteignent  que  les  liaisons 
iamédltlMMat  ûonnéê»  par  les  rhoses  elles-mêmes.  Mais 
l'MlMidMMBt  lalarvlMI  ei  offre  à  l'esprit  un  point  de  vue 


INTRODUCTION  3 

plat  élerë,  d'où  les  choses  sont  aperçues  précisément  dans 
ce  qu'elles  ont  de  général.  L'esprit  charge  donc  l'entende- 
meat  d'interpréter,  de  classer,  d'expliquer  les  données  des 
sens. 

L'entendement,  placé  ainsi  au-dessus  des  sens,  prétend 
d'abord  se  passer  d'eux  et  construire,  à  lui  seul,  la  science 
du  monde.  Il  lui  suffira,  semble-t-il,  de  prendre  pour  point 
de  départ  celles  de  ses  idées  qui  lui  apparaissent  comme 
évidentes  par  elles-mêmes,  et  de  les  développer  d'après  ses 
propres  lois.  Jusqu'à  quel  point  réussit-il  à  opérer  cette 
construction  sans  rien  emprunter  au  sens?  Il  estdilTicile  de 
le  dire.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  aboutit  à  une  science  dont 
toutes  les  parties  sont,  il  est  vrai,  rigoureusement  liées 
entre  elles,  et  qui,  de  la  sorte,  est  parfaitement  une;  mais 
qui,  d'autre  part,  présente  avec  les  choses  réelles  une  di- 
vergence que  les  progrès  mêmes  de  la  déduction  rendent 
de  |>lus  en  plus  manifeste.  Or  l'ordre  des  idées  n'a  de  va- 
leur que  lorsqu'il  explique  l'ordre  des  phénomènes. 

Devant  l'impossibilité  de  constituer  la  science  à  lui  seul, 
l'entendement  consent  à  faire  une  part  aux  sens.  Ils  travail- 
leront de  concert  à  connaiire  le  monde.  Les  uns  observe- 
ront les  faits,  l'autre  les  érigera  eo  lois.  En  suivant  cette 
méthode,  l'esprit  tend  vers  une  concepiion  du  monde  plus 
large  que  les  précédentes.  Le  monde  est  une  variété  infi- 
oie  de  faits,  et  entre  ces  faits  existent  des  liens  nécessaires 
et  immuables.  La  variété  et  l'unité,  la  contingence  et  la 
Dëcessilé,  le  changement  et  l'immutabililé,  sont  les  deux 
pèles  des  choses.  La  lui  rend  raison  des  phénomènes  ;  les 
phénomènes  réalisent  la  loi.  Cette  conception  du  monde 
est  à  la  fois  synthétique  et  harmonieuse,  puisqu'elle  admet 
les  contraires  sans  restriction,  et  néanmoins  les  concilie 
entre  eux.  Elle  permet  d'ailleurs,  ainsi  que  l'expérience  le 
pionire,  d'expliquer  et  de  prévoir  de  mieux  eo  mieux  les 

t. 


4        DE   LA  C0NTI<1Gr.!VCI   DU  LOIS  DE   LA   NATCIK 

pbëDomènet.  Frappé  de  e««  avanlaget,  l'etpril  t'y  •omplalt 
de  plu»  en  plu»  et  jiigr  de  tout  par  là. 

Et  maiotenaol,  c«ti«  cooceptioo  elle-m«^ni«  att-eile  dtfft- 
oitivef  La  science  que  peut  créer  reni<>ndemfat  opénot 
snr  le*  donnée*  des  teni  e»t>elle  tuacepiible  de  coiocidcr 
complètoroeni  avec  l'objel  à  connaître? 

D'abord  celte  réduction  absolue  du  multiple  i  l'an,  4n 
changeant  à  l'immualtle,  que  m  propose  l'entendement, 
D'est-elte  pat,  en  dcnnilive,  la  fusion  des  contradicloirvsT 
Et,  ai  l'absolu  est  l'intelligible,  celle  fusion  est^lle  l«giiimef 
EoBuite,  suflii-il  que  l'entendenienl  fasse  une  part  aut  aeaa 
pour  que  l'esprit  soii  placé  au  puiiil  de  vue  vraiment  ceiw 
Irai?  En  réalité,  cette  conre^siou  n'iniéreste  que  la  rocher» 
che  des  lois  de  la  nature.  Elle  n'implique  pas  qb  chaope« 
xieni  dans  la  couceptiou  même  du  mon  e.  Do  munieutque 
l'entendement  impose  à  la  science  sa  catégorie  de  liaisua 
nécessaire,  il  n'importe,  théoriquement  du  moins,  qoe  lea 
sens  soient  on  non  as>ociés  à  l'œuvre  «le  la  connaissante. 
Il  reste  vrai  qu'une  iiiielligeoce  parfuiie  tirerait  toute  U 
science  d'elle  même,  ou  du  moins  de  la  coooaisaanre  d'un 
«>eul  fait,  coiisidcrc  dan»  la  totalité  de  set  élémenis.  Le 
monde  reste  an  tout  parfaitement  un,  od  système  doul  lea 
parties  s'appellent  néces>iiirement  les  ones  les  autres. 

Or  celle  catégorie  de  liaison  nécessaire,  iuhcrenie  à  l'en* 
tcndemeut,  se  retrouTe-l->elle  en  effet  da«s  les  choses  elles* 
mêmes?  Les  causes  se  confundent-elles  avec  les  lui»,  comoie 
le  suppose,  en  définitive,  la  doctrine  qui  dcfioii  la  loi  un 
rapport  immuable? 

Celle  question  iiilëres«e  i  la  fols  la  mciapbjrsiqoe  et  lea 
sciences  positives.  Car  la  doctrine  qui  place  dans  l'euicuUe- 
ment  le  puint  de  vae  suprême  de  la  connaissance  t  pour  effet 
de  reléguer  toute  sponlanéité  particulière  daus  le  monde 
désillusion*:  de  oe  voir  dans  la  finalité  qu'une  reproduc- 


îîfTBODUCTION  5 

IJoo  interne  de  l'ordre  nécessaire  des  causes  efficientes  ;  de 
ramener  le  sentiment  du  libre  arbitre  i  l'ignorance  des 
causes  de  nos  actions,  et  de  ne  laisser  subsister  qu'une 
cause  véritable,  produisant  et  gouvernant  tout  par  un  acte 
unique  et  immuable.  De  plus,  cette  doctrine  ne  rend  pas 
un  compte  suffisant  de  la  nécessité  absolue  de  l'observa- 
tion et  de  l'expérimentation  dans  les  sciences  positives  ;  ei 
elle  introduit  le  fatalisme,  plus  ou  moins  déguisé,  non  seu- 
lement dans  l'élude  de  tous  les  phénomènes  physiques  sauf 
distinction,  mais  encore  dans  la  psychologie,  l'histoire  et 
les  sciences  sociales. 

Pour  savoir  s'il  existe  des  causes  réelk  <Ant  distinctes  des 
lois,  il  faut  chercher  Jusqu'à  quel  point  les  lois  qui  régis- 
sent les  phénomènes  participent  de  la  nécessité.  Si  la  con- 
tingence n'est,  en  définitive,  qu'une  illusion  due  à  l'igno- 
rance plus  ou  moins  complote  des  conditions  déterminantes, 
la  cause  n'est  que  l'ar^técédent  énoncé  dans  la  loi  ou  bien 
encore  la  loi  elle-même,  dans  ce  qu'elle  a  de  général  ;  et 
l'autonomie  de  l'enlendement  est  légitime.  Mais,  s'il  arrivait 
que  le  monde  donné  manifestât  un  certain  degré  de  contin- 
gence Téritablemeut  irréductible,  il  y  aurait  lieu  de  penser 
que  les  luis  de  la  nature  ne  se  sufTisent  pas  à  elles-mêmes 
et  ont  leur  raison  dans  des  causes  qui  les  dominent:  en 
sorte  que  le  point  de  vue  de  l'entendement  ne  serait  pas  le 
point  de  vue  définitif  de  la  connaissance  des  choses. 


CIIAPITRR  PRRMIER 

DE    LA    NÉCESSITÉ 


A  quel  signe  reconnaît-on  qu'une  chose  est  nécessaire, 
quel  est  le  critérium  de  la  nécessité? 

Si  l'on  essnyc  (Je  définir  le  concept  d'une  nécessité  absolue, 
«0  est  conduit  à  en  éliminer  tout  rapport  subordonnam 
l'existence  d'une  chose  à  celle  d'une  autre,  comme  à  une 
eondiiion.  Dès  lors,  la  nécessité  absolue  exclut  toute  mulii 
plîi'ité  synlht-ii<|ue,  toute  possibilité  de  choses  ou  de  lois. 
Il  u'y  a  donc  pas  lieu  de  rechercher  si  elle  règne  dans  le 
monde  donné,  lequel  est  essentiellement  une  multiplicité  de 
choses  dépendant  plus  on  moins  les  unes  des  antres. 

Le  problème  dont  il  s'agit  est,  en  réalité,  celui-ci  :  à  quel 
signe  reconnatt-on  la  nécessité  relative,  c'est-i-dire  l'exis- 
tence d'un  rapport  nécessaire  entre  deux  choses? 

Le  type  le  plus  parfait  de  l'enchaînement  nécessaire  est  le 
syllogisme,  daos  lequel  une  proposition  particulière  est 
montrée  comme  résultant  d'une  proposition  générale,  parce 
qu'elle  y  est  contenue,  et  qu'ainsi  elle  était  implicitement 
affirmée  au  moment  où  l'on  affirmait  la  proposition  géné- 
rale elle-même.  Le  syllo^^isme  n'est,  en  somme,  que  la  dé« 
monstratiun  d  un  rapport  analytique  existant  entre  le  genre 
el  l'espèce,  le  tout  et  la  partie.  Ainsi  là  où  il  y  a  rapport 
analytique,  il  y  a  enchaînement  nécessaire.  Mais  cet  enchal* 
oenient,  ea  soi,  est  purement  formel.  Si  la  proposition  gêné- 


^         DR   LA   CO:<TI?iGE!<CE    UES   LOIS   DP.   LA   JfATClIC 

raie  est  coDliofeote,  U  propotiiion  pariictilière  qui  t'en  dé- 
duit eti.  comme  telle  do  moins,  également  et  Décetsairemeni 
rontingeote.  On  ne  peut  parvenir,  par  le  aytiogttroe,  à  la 
(Jcninustraiion  d'aoe  nëceksitë  réelle,  que  ai  l'on  ratiarlie 
toutes  les  conclusions  à  une  majeure  nécessaire  en  «oi.  Cetto 
opération  est-elle  compatible  avec  les  conditions  de  l'aïu- 
lyse? 

An  point  de  vue  analytique,  la  senle  proposition  entière- 
ment néressaire  en  soi  est  celle  qui  a  pour  formule  A  =  A. 
Toute  proposition  dans  laquelle  l'alirihnt  dilTere  do  sujet, 
comme  il  arrive  alors  même  que  l'un  des  deux  termes  résulte 
de  la  décomposition  de  l'autre,  hisse  subsister  un  rapport 
synthétique  comme  contre-partie  du  rapport  analytique.  I.e 
syllogisme  peut-il  ramener  les  propositions  symbolique- 
ment analytiques  à  des  propositions  purement  analytiques  f 

Une  difTérence  se  maniTciite  au  premier  abord  entre  1rs 
poposllions  sur  lesr|uellcs  opère  le  syllogisme  et  celle  à 
laquelle  il  s'agit  d'arriver.  Daus  celle  ci,  les  termes  sont  ro 
liés  par  le  signe  r=  ;  dans  les  autres,  par  la  copule  est. 
Celle  diiïérence  esU«lle  radicale? 

La  copule  est,  que  l'on  emploie  dans  les  propositions  ordi- 
naires. D'est  peut  être  pas  sans  rapport  avec  le  tif[ne.=:.  Ella 
>i^Miifie,  en  se  plavant  au  point  de  voe  <!'  <  '  Mon  des 
I  rmes  (lequel  est  le  point  de  vue  du  raisoi  ,  que  le 

sujet  n'exprime  qu'une  partie  de  l'attribut,  pnrtie  dont  on 
n'indlqoe  pa»  la  grandeur  relative.  I.a  proposition  t  Tous 
les  hommes  sont  mortels  >  signifie  que  l'espère  «  homme  » 
est  une  partie  du  genre  <  mortel  »,  et  laisse  indéterminé 
le  rapport  du  nombre  des  hommes  an  '  ,-|t. 

Si  l'on  connaissait  re  rapport,  on  poiM  .1         |<»9 

hommes  =  |  mortels.  »  Le  progrès  de  la  science,  peut-on 
ajooler,  eMtbla  i  déterminer  plus  exactement  et  plus  corn- 
pleinaeni  tmetpècM  contenues  dans  les  genres,  en  sorte 


DE   LA   NÉCESSITÉ  9 

quf ,  daos  une  «cieoce  acherée,  le  signe  =:  aurait  partout 
renijilacë  la  copule  ett.  La  formule  de  cette  scienre  serait 
A  =  B-+-C  +  D-f...  ;B=:  a-f-6+c  ....  etc.  En  rein- 
piaçaot  B.  C,  D.  etc.,  par  leur  valeur,  on  aurait,  en  défini» 
tive  :  A  =  a  -+-  6  4*  *  -*"  •••  0^»  est-ce  là  une  formule  pure- 
ment analytique? 

Sans  doute,  le  rappori  entre  A  et  set  parties  est  analy- 
tique, mais  le  rapport  réciproque  entre  les  parties  et  le  tout 
est  ï>v  '\  Car  la   multiplicité  ne  contient  pas  la  rai* 

son  ij'  Et  il  ne  sert  de  rien  d'alléguer  qu'en  rem- 

plaçant a  -i-  b  4.e-f.....  par  leur  Taleur  on  obtient  A  =  A. 
parce  que  la  science  consiste  précisément  à  considérer  A 
comme  un  tout  décomposable,  et  à  le  diviser  en  ses  par- 
ties. 

Mais,  dira-t-on,  on  peut  concevoir  autrement  la  forme 
analytique  idéale  vers  laquelle  tend  la  science.  L'inierposi- 
tioo  d'un  moyen  term»  M  entre  deux  termes  donnés  S  et  P 
a  pour  effet  de  partager  en  deux  l'intervalle  qui  résulte  de 
leur  différenre  d'extension.  On  interposera  de  même  des 
noyens  termes  entre  S  et  M,  entre  M  et  P,  et  ainsi  de  suite 
Jusqu'à  ce  que  les  vides  soient  entièrement  comblés.  L« 
passage  de  S  à  P  sera  alors  insensible.  En  poursuivant  ce 
travail,  on  ira  rejoindre  l'essence  suprême  A,  et  tout  y  sera 
rjtlarbé  par  un  lien  de  continuité. 

Ce  point  de  vue  comporte  en  effet  la  réduction  de  toutes 
les  propositions  à  la  formule  A  eu  A.  Mais,  cette  fois,  la 
copule  est  ne  peut  être  remplacée  par  le  signe  =.  Car 
l'interposition  d'un  nombre  quelconque  de  moyens  termes 
ne  peut  combler  entièrement  l'intervalle  qui  existe  entre  le 
particulier  et  le  général.  Les  transitions,  pour  devenir  moins 
brusques,  n'en  restent  pas  moins  disrontinoes;  et  ainsi  il  y 
■  toujours  une  différeoca  d'extension  entre  le  sujet  et  le 
nrrdit-jt. 


10      DB   LA   COirrmCENCK   DI8  LOIS  DB  LA   NATURE 

Il  est  dooc  impotsible  de  inmeoer  les  rapports  paritca 
lien  i  la  rorronle  A  =  A,  c'est- 1-dire  de  panrenir.  ptr 
l'aMlyte,  à  la  dënontlratioD  d'une  oérettitë  radicale. 
L'analyse,  le  syllogisme,  ne  démon irvot  que  la  nëcessiiè  dé- 
rivée,  c'est-à-dire  l'impossibilité  que  telle  cho<%p  soit  fausse, 
$i  telle  autre  chose  est  admise  cummc  Traie 

Le  Tice  de  l'analyse,  en  tant  qu'elle  prcieiid  se  suffire  i 
elle-ro^me,  c'est  de  ne  comporter,  comme  «xplicaiion  der- 
nière, qu'une  proposition  identique,  et  de  ne  pouToir  rame- 
ner à  une  telle  formule  les  propositions  qu'il  s'ajcit  d'eipli- 
qoer.  Elle  n'est  féconde  que  si  une  proposition  identique, 
assemblage  d'élément»  hétérogènes,  lui  <-si  fournie  comme 
point  de  départ;  elle  ne  démontre  la  nëC'^sité  que  si  elle 
développe  une  synthèse  nécessaire.  E%iste-t-il  de  telles  syn- 
thèses 7 

L'expérience,  qui  ne  fournit  aucune  connaissance  univer- 
selle dans  l'espace  et  dans  le  temps,  et  qui  fa'  "nt 
connaître  les  rapports  exlérieura  des  choses,  pi  <  ;  nous 
révéler  des  liaisons  constantes,  mais  non  des  liaisons  néces- 
saires. Il  faut  dooc,  avant  tout,  qu'une  synthèse  soit  connue 
il  priori  pour  qu'elle  soit  susceptible  d'élre  nécessaire. 
Peut-être,  il  est  vrai,  resterait-il  à  savoir  si  one  telle  syn« 
thèse  est  nécessaire  au  poiui  de  vue  des  choses,  comme  elle 
l'est  pour  noire  esprit.  Mais  d  abord  il  suffit  qu'elle  le  suit 
pour  noire  esprit,  pour  qu'il  n'y  ail  pas  lieu  d'eu  discuter 
la  réalité  objet  tive,  celle  dis<-usoioo  ne  se  pouvant  faire  que 
suivant  les  lois  de  l'esprii.  Si  par  hasard  le  cours  des  cho- 
ses ne  se  conformait  pas  exactement  aux  principes  posés 
à  priori  par  l'esprit,  il  en  faudrait  conclure,  non  que  l'esprii 
se  trompe,  mais  que  la  matière  trahit  sa  participation  au  non- 
être  par  un  reste  de  rébellion  contre  Tordre. 

A  quel  signe  peut-nn  reconnaître  qu'un  jugement  esl  i 
priori  7 


DE    LA    NÉCESSITÉ  11 

Pour  qu'uD  jugement  puisse  être  dit  à  priori,  il  faut  que 
■es  éléments,  termes  et  rapport,  ne  puissent  être  dérivés 
de  l'expérience.  Cour  que  tes  termes  puissent  être  consi- 
dérés comme  ne  déri/ant  pas  de  Texpérience,  il  ne  suffit 
p:is  qu'ils  soient  abstraits.  L'expérience,  en  somme,  ne  nous 
fournil  aucune  donnée  qui  n'ait  une  face  abstraite  en  même 
temps  qu'une  face  concrète.  Je  n'embrasse  pas  dans  une  seule 
intuition  la  couleur  et  l'odeur  d'un  même  objet.  Les  abstrac- 
tions les  plus  hardies  peuvent  n'être  que  l'extension,  opérée 
par  l'entendement,  de  la  subdivision  ébauchée  par  les  sens 
D'ailleurs,  l'expérience  elle-même  nous  met  sur  la  voie  de 
cette  extension,  en  nous  fournissant,  sur  les  choses,  selon  l'é- 
loignement,  la  durée  ou  riuieusité,  des  données  plus  ou  moins 
abstraites.  Il  faut  donc,  pour  qu'un  terme  puisse  être  consi- 
(l«Té  «  oiiime  posé  à  priori,  qu'il  ne  provienne  de  l'expérience 
fil  dire*  teniciil,  par  iiiiuition,  ui  indirectement,  |iar  abstrac- 
tion. 

De  même,  pour  (|u'un  rapport  puisse  être  considéré  comme 
posé  à  priori,  il  ne  sulTii  pas  qu'il  établisse,  entre  les  intui- 
liuQs,  une  systématisation  quelconque,  comme,  si  l'expé- 
rt'-iice  ne  fournissait  rien  qui  ressemblât  à  un  système. 
'.<>(  sortir  des  conditions  de  la  réalité  que  de  supiioser 
une  intuition  absolument  dépourvue  d'unité.  Les  perceptions 
les  plus  immédiates  impliquent  le  groupement  de  parties 
similaires  et  la  distinction  d'objets  dissemblables.  Une  mul- 
tiplicité pure  et  simple  est  une  chose  absolument  incouce* 
vaille,  qui,  si  elle  n'offre  aucune  prise  à  la  pensée,  ne  peut 
pas  davantage  être  donnée  dans  l'expérience.  Il  y  a  donc, 
d>-jj,  dans  les  objets  perçus  eux-mêmes,  un  certain  degré 
de  systématisation  ;  et  ainsi,  avant  d'affirmer  qu'un  rapport 
de  dépendance  établi  entre  deux  termes  ne  dérive  pas  de 
ricnce,  il  faut  s'assurer  si  ce  rapport  esi  radicalement 
ut  de  ceux  «iti'il  tiiiiis  i^nt  donné  de  constater.  11  faut 


M      DK    La    COMIMUKMCK    DE»   LUIft    Uh    LA    NAltUE 

que  ce  rapport  diffcre  rtdicalrmeot  de  ceui  que  nous  préMnie 
l'espérteoce  ou  que  nuu»  pouvon«  lire  dans  te»  donnée». 

l.t  «'ham|)  dr  \'é  p<'*rience  peu    d'à  -ni 

dor4ai  :  ce  to:!!  les   aiU  et  eura  rapi*  i<e» 

r;iiU  aa  diaiingueni  en  fait»  exlernea  et  en  fait»  interne»  o« 
propre»  à  l'être  méro«  qui  en  est  le  »ujet.  Par  i'  ou» 

pouvon»  connaître   les   premier»;  par  la  conN-  npi* 

rique  ou  sens  intime,  nous  pouvon»  atteindre  lea  aecood» 
en  nous-mémeK.  Le»  rapports  observ.i''  '  nt  dan» 

des  ra|)|>urts  de  re»»einblauce  et  de  •  uulianée 

ou  successive . 

Un  jugement  synthétique  est  subjectivement  nécessaire, 
s'il  est  posé  à  priori  ;  mais,  pour  qu'il  soit,  au  point  de  vue 
dea  choses,  an  signe  de  nécessité,  il  faut,  en  outre,  qu'il 
afBnne  un  rapport  nécessaire  entre  les  termes  qu'il  rapproche. 
Une  majeure  qui  énoncerait  un  rapport  contingent  tra:is- 
mettrait  ce  carac  tcre  à  toutes  ses  runséquence».  Or  les 
rapports  objectifs  qui  peuvent  exister  entre  deux  termes  se 
ramènent  à  quatre  :  les  rapports  de  cause  à  effet,  de  moyen 
à  fin,  de  substance  i  attribut,  et  de  tout  à  partie.  Les  rap- 
porta de  substance  à  attribut  et  de  tout  à  partie  peuveut  se 
ramener  i  la  causalité  et  i  la  finalité  réciproques  II  ne 
reste  donc,  en  définitive,  que  les  rapports  de  cauulité  et  de 
finalité. 

Or  on  ne  peut  dire  d'aucune  fin  qu'elle  doive  nécessaire- 
iMnl  se  réaliser.  Car  uul  évcncmcni  n'e«t,  à  lui  seul,  tout 
le  possible.  Il  y  a,  au  contrains  une  infinité  de  possible» 
autres  que  l'événement  que  l'on  considère.  Les  chances  de 
réalisation  de  cet  événement  sont  donc  i  l'égard  des  chan< 
ces  de  réalisation  d'autre  cho«e  comme  un  esta  linfini  ;  et 
aiuM  la  réalisation  d'une  fin  donnée  quelconque,  fût>ce  l'uni* 
fomité  de  surcession  des  phénomène^,  est,  en  koi,  infini* 
ment  pe«  probable,  loin  d'être  bien    ni'cessaire.  De  plus. 


0£    LA   KÉCESSlTc  13 

Urs  même  ({u'uiie  tiu  est  posée  comme  devant  être  réalisée, 
le>  moyens  à  employer  da(k«  cette  vue  ne  sont  pas  déler 
minés  du  même  coup  Toule  fin  peut  élre  également  réa- 
lisée par  difTéreiits  moyens,  de  même  que  tout  but  peut 
élre  également  atteint  par  dilTérenies  routes.  11  est  vrai  que 
les  moyens  ne  seront  pas  tous  cjtalement  simples  ou  bous 
en  eux-mêmes.  Mais  à  ces  di.Térences  la  fin.  comme  telle, 
n'est  pas  intéressée  ;  et,  si  l'on  en  tient  compte,  c'est  que 
l'un  érige  le  moyen  lui-même  en  fin  secondaire.  La  réali- 
sation de  la  fin  par  les  moyens  suppose  un  agent  capable 
de  connaître,  de  préférer  et  d'accomplir.  Elle  n'est  donc 
pas  nécessaire  en  soi. 

H  n'en  est  pas  de  même  de  la  production  d'an  effet  par 
sa  cause,  si  le  mot  cause  est  pris  dans  le  sens  strict  de 
force  productrice.  La  cause  proprement  dite  n'est  telle  que 
si  elle  engendre  un  cfTci.  De  plus,  elle  agit  uniquement  en 
vertu  de  %à  nature,  el\)'a  aucun  égard  à  la  valeur  esthétique 
ou  morale  du  résultai.  11  n'y  a  donc  aucune  raison  pour 
admettre  un  degré  quelconque  de  contingence  dans  le  rap* 
port  pur  et  simple  de  la  cause  à  l'cfTct.  Ce  rapport  est  le  type 
parfait,  mais  unique,  de  la  nécessité  primordiale. 

Ainsi  c'est  seulement  aux  synthèses  causales  à  priori 
'  lient  la  né<eNsiié  tant  »»bjective que  subjective  :  elles 

X  ,    itvent  engendrer  des  conséquences  analytiques  en 

lièreaent  nécessaires. 

En  résumé,  le  critérium  de  la  li  d'un  rapport  est 

la  possihiliié  de  le  ramener  analyu  ;  i  a  une  synthèse 

subjectivement  et  objectivement  nécessaire.  Le  principe  de 
la  liaison  nécessaire  des  choses,  la  pierre  magnétique  dont 
la  vertu  se  transimct  â  tous  les  anneaux,  ne  peut  élre  que 
la  synthèse  causale  à  priori. 

bi  maintenant  il  arrivait  qu'il  fui  mipussible  d'établir  U 
légitimité  de  pan-illc»  synthèses  comme  principes  consiilu- 


14      DE   LA  CONTHIGHICI  du  lois  de   la  IfATl'KE 

iifs  ou  r«gulai«urt  de  U  coonaittance  des  choMt  donnéet. 
toute  aéce»»ilé  en  deviendrailH-Ue  illutoircT 

A  coup  ftûr,  il  ne  pourrait  plu»  être  questioo  d  iin*  n.  .  ru- 
tile radicale,  comme  régnant  dana  te  monde  doinK-,  ]>ul^• 
que,  lor*  même  que  certaine»  syntbeaes  impliquées  dans 
retpérieore  seraient  nécessaires  en  soi,  l'esprii,  dans  le  cas 
duoi  il  s'agit,  serait  hors  d'état  de  s'en  assurer.  Toutefois 
la  combinaison  de  l'eipérience  et  de  l'analyse  pourrait  en- 
core manife&trr  une  certaine  sorte  de  nécessité,  la  seule,  à 
vrui  dire,  que  poursuivent  d'ordinaire  les  sciences  positives. 
On  conçoit,  en  eflet,  que  les  synthèses  particulières  empiri- 
*  données  puissent  être  ramenocs  à  des  synthèses 
-  raies,  celles-ci  à  des  synthèses  plus  générales  en> 
core,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  re  qu'on  arrive  i  un  nombre 
plus  ou  moins  restreint  de  synthèses  pratiquement  irréduc» 
libles.  L'idéal  serait  de  tout  ramener  à  une  seule  synthèse, 
loi  suprême  où  seraient  contenues,  comme  cas  pariiculiert, 
toutes  les  lois  de  l'univers.  Sans  doute,  ces  formules  gêné- 
raies,  fondées  en  définiiive  sur  I  eiperience,  en  conserve- 
raient le  caractère,  qui  est  de  faire  connaître  ce  qui  est,  non 
ce  qui  ne  peut  pas  ne  pas  être.  Hien  ne  pourrait  prouver 
qu'elles  fussent  nécessaires  en  soi.  Mais  elles  établiraient 
entre  tous  les  faits  particuliers,  comme  tels,  une  relation 
nécessaire.  Le  moindre  changement  de  détail  impliquerait 
le  bouleversement  de  l'univers.  On  peut  donc  admettre  la 
d'une  nécessité  de  fait  à  cAté  de  la   i:  'le 

u    Ic-ci  existe  lorsque  la  synthèse  que  de        , ,     i  a* 

•alyse  est  posée  à  priori  par  l'esprit  et  unit  uo  effet  i  ao« 
cause.  Lorsque  cette  synthèse,  uns  être  connue  à  priori, 
est  impliquée  dan»  on  eoscnhle  de  faits  connos,  et  qu'elle 
r»t  constamment  cooArméo  par  l'expérience,  elle  manifeste, 
s  non  la  nécMailé  dn  toat,  da  moins  la  nécessité  de  chaqno 
partie,  à  soppoMT  4a«  Im  aolrot  soient  réalisées. 


CHAPITRE  II 

DE  l'ÊTRK 


Le  monde  donoé  dans  rexpérience  porie-t-il,  dans  le« 
diverses  phases  de  son  développement,  les  marques  distinc- 
tives  de  la  nécessité 2 

Au  plus  bas  de^ré  de  l'échelle  des  choses  données  se  trouve 
Yiire  ou  le  fait  pur  et  simple,  encore  indéterminé.  Peut-on 
dire  qu'il  existe  nécessairement? 

Puisqu'une  nécessité  absolue  est  inintelligible  en  ce  qui 
concerne  les  choses  données,  la  nécessité  de  l'être  ne  peut 
consister  que  dans  le  lien  qui  le  rattache  à  ce  qui  est  posé 
avant  lui, c'est-à-dire  au  possible. 

Quelle  est  la  nature  de  ce  lieu?  L'existence  du  («ossiltle 
t-t-ellc  pour  conséquence  fatale  la  réalisation  de  l'être? 

Et  d'abord  peut-oo  déduire  l'être  du  possible,  comme  la 
conclusion  d'un  syllogisme  sedédaildet  prémisses?  Le  pos- 
sible contient-il  tout  ce  quiett  requit  pour  la  réalisation  de 
l'être?  L'analyse  pure  et  simple  surfit-elle  pour  expliquer  le 
passage  de  l'un  i  l'autre  ? 

Sans  doute,  en  un  sens,  il  n'y  a  rien  de  plus  dans  l'être 
que  dans  le  possible,  puisque  tout  ce  qui  est  était  possible 
avant  d'être.  Le  possible  est  la  matière  dont  l'être  est  fait. 
liais  l'être  ainsi  ramené  au  possible  reste  purement  idéal  * 
et,  pour  obtenir  l'être  réel,  il  faut  ailmetire  un  éléni<*nl 
nouveau.  En  eux-mêmes,  en  effet,  tous  les  possibles  pré- 


16      DE    U  COMTtlICBflCI   DKS  LOIS   DB   LA   NATlUt 

If  nd«ot  ëgilemeni  à  l'être,  et  II  n'y  a  pat  de  raitoo.  en  m 
tens.  pour  qu'un  possible  te  réalise  de  prcfëreoce  ani  autre*. 
Nul  fait  D'est  possible  sans  que  son  contraire  le  soii  égale- 
ment. Si  donc  le  possible  reste  livré  à  lui  même,  tout  flultrra 
éternellement  entre  l'être  et  le  non-être,  rien  ne  passera  de 
la  puissance  à  l'acte.  Ainsi,  <  tie 

l'être,  c'est  l'être  qui  conlieiii        ,  ,.     ,  'st 

de  plus  :  la  réalisation  d'un  contraire  de  préférence  i  l'autre, 
l'acte  proprem«>nl  dit.  L'être  est  la  synthèse  (!e  ces  deut 
termes,  et  relie  synllièseesl  irréductible. 

Mais  peut-être  est-ce  une  synthèse  nécessaire  eo  toi  :  peut- 
être  l'esprit  affirme-t-il  a  priori  que  le  poteible  doit  pasaer 
a  l'acte,  que  quelque  chose  doit  se  réaliser. 

Il  eat  important  de  remarquer  qu'il  s'agit  ici,  ood  de  l'être 
en  aoi,  mais   de  l'être  tel  que  le  considèrent  l  et 

puftiiives,  c'est-à-dire  des  faits  dunnés  dans  re\|'  i^ 

synthèse  du  possible  et  de  l'acte  doit  dune  être  prise  dans 
l'eeceplkMi  selon  laquelle  elle  fieui  s  appliquer  aui  objets 
denses.  Ce  serait  prouver  autre  cho>e  que  ce  qui  est  en 
question  que  d'établir  l'origine  a  priori  de  ce  principe,  eo 
lai  attribuant  une  signiflralion  qui  le  ferait  sortir  du  domaine 
de  la  science. 

Ainsi  le  possible,  dans  la  synthèse  dont  il  s'agit,  n'est  pas 
la  puissance  qui  e»t  et  demeure  avant,  pendant  et  apies 
l'acte;  car  la  puisi^ance  ainsi  conçue  n'et>t  pas  du  domaiue 
i  (  es  potiiives.  C'est  simplement  une  manière  J  être 

...:  es ,;;..  Il- d  être  donnée  dans  l'eipérience,  et  non  emore 
donnée.  De  même,  l'acte  n'est  pas  le  changement  qui  s'upère 
dans  U  puisMuce  alors  qu'elle  crée  «a  alyct,  la  t^  ..a- 

tiuD  4e  la  puiftsaore  en  cauae  fëaéralrioe.  C'est  v  ,  -ol 
l'apparitioa  da  fait,  du  multiple  et  du  divers  dans  le  tbaaip 
de  ropdiieoM. 

TealiMs,  Béoia  eo  ce  seot.  les  coorepu  da  iMissible  al 


DE  l'Être  17 

de  l'acte  semblent  ne  pouvoir  éire  conçus  qu'à  priori,  parce 
que  le  possible  ncst  pas  donné  dans  rexp«irience,  el  que 
l'acte  en  général  est  tout  le  donné.  Il  n'est  pas  d'expérience 
réelle  qui  altfigne  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux  objets. 

Mais  suffit-il  que  le  possible  ne  soit  pas  donné  comme  tel, 
pour  qu'on  ne  puisse  en  considérer  la  notion  comme  expéri- 
mentale? En  voyant  l'infinie  variété  et  l'infini  changement 
des  choses,  en  remarquant  la  contradiction  des  données  des 
sens  chez  les  difTérents  individus  et  même  chez  an  seul, 
l'esprit  est  amené  à  considérer  ce  qni  lui  apparaît  comme 
relatif  au  point  de  vue  où  il  est  placé,  comme  dilTérent  de 
ce  qui  lui  apparaîtrait  s'il  se  plaçait  à  un  autre  point  de  vue. 
A  mesure  que  se  multiplient  les  observations,  l'idée  du  pos- 
sible devient  de  plus  en  plus  abstraite,  et  finit  par  se  dépouil- 
ler de  tout  contenu  dislinctemenl  imaginé. 

Quant  au  concept  de  l'acte,  s'il  signifiait  effectivement  tout 

le  donné,  on  ne  pourrait  admettre  qa'il   dériv&t  de  Texpé- 

ricnce.  Mais  l'expression  «  tout  le  donné  »,  prise  à  la  lettre, 

est  inintelligible,  soit  que  l'on  considère  les  choses  données, 

passées,  présentes  et  i  venir   comme  formant  une  quantité 

finie,  soit  qu'on  les  rons'ulére  comme  formant  une  quantité 

indéfinie.  L'acte  on  le  fait  en  général  est  donc  simplement 

an  terme  d'une  extension  indéterminée,  l'exislence  abstraite 

r.Mre  perçu.  4insi  défini,  le  concept 

r   par  l'existence   même  de  l'expe- 

rience  et  par  le  changement  perpétuel  que  noas  remarquons 

^.  k   mesure  que  nous  voyons  une  manière 

I  .1  une  autre  manière  d'être,  à  mesure  se  fixe 

en  nous  l'idée  iie  l'acte,  dont  chaque  donnée  expérimentale 

fit  '  "t    r,r,„5  offre  on  exemple;  tandis  que  l'idée  des  parti- 

'  ropres  à  chaque  fait  s'efface  d'elle-même,  à  cause 

'<•  la  muliipUcitë  et  de  la  diversité  infinies  des  données  ex^ 

nmentales. 


18      DE   LA  CONTINGENCI   DES   LOIS   DE    LA    MATl  HB 

Ce  oe  toot  dooc  pu  le«   ternies  dont  m  coiM|»ote  iéire. 
c'esi-à-dire  le  possible  et  l'actr,  qui  doivent  être  cootidéréf 
comme  poses  i   priori.  Reste  le  rapport  établi  entre  cti 
termes.  Mais  ce  rapport,  qui  serait  esseDiielle.neni  "    *  -^  v 
siqiie  s'il  s'agissait  du  passage  de   la    puissance  <  i 

l'acte  par  lequel  elle  crée,  perd  ce  caractère  des  que  les 
deux  termes  sont  ramenés  k  leur  sens  scientifique.  Ce  n'est 
plus  alors  que  le  rapport  abstrait  de  l'expérience  actuelle 
aux  eiprrieuces  passées,  i  l'égard  desquelles  l'expérience 
actuelle  était  simplement  possible.  Ik's  lors,  il  n'excède  pas 
la  portée  de  l'expérience,  élevée  par  des  abstractions  succes- 
sives i  son  plus  haut  point  de  généralité. 

Ce  n'est  pas  tout.  Les  éléments  de  l'être  comportent  une 
indétermination  qui  empêche  de  voir  dans  l'on  (le  possible) 
la  cause  de  l'autre  (l'actuel).  Il  ne  répugne  pas  à  la  raison 
d'admettre  que  jamais  le  possible  ne  doive  passer  à  l'acte, 
ou  que  l'actuel  existe  de  toute  ëtercllc.  Ainsi,  non  seule- 
ment I;i  s;ince  de  l'être  en  tant  que  réalité  i  '  i 
ver  de  1  '  ne  ;  mais  encore  elle  ne  peut  av<> 
origine  et  ne  peut  être  rapportée  à  un  jugement  synthétique 
a  priori. 

l.)ii.int  à  l'expérience,  elle  ne  peut  nous  induire  k  attribuer 
du  moins  à  ce  passage  une  nécessité  de  fait,  puisque  nous 
voyons  une  multitude  de  choses  qui  ont  existé,  <•: 
conséquent  hoiii  eu  elles-mêmes  possibles  et  su 
de  passer  à  l'acte,  rester  désormais  à  l'état  de  possibles  purs 
et  simples,  sans  que,  peut-être,  rien  nous  autorise  à  suppo- 
ser qu'elles  se  réaliseront  de  nouveau. 

Faut  il  admettre  que  tous  les  possibles  sont,  au  fond,  éter- 
nellement actuel»,  que  le  présent  est  composé  du  passe  et 
gros  de  l'avenir  ;  que  le  futur,  loin  d'être  contingent,  existe 
déjà  aux  yeux  de  l'enlendt-meut  Mipn'mc;  et  que  la  dislin*  ■ 
Uon  du  possible  et  de  l'être  n'est  (|u'uii^  illuviuii  rjuM  r  tur 


DE    L'ÊTRB  i^J 

l'iDierpotitioD  du  temps  entre  notre   point  de  vue  et  les 
choses  en  soi? 

Cette  doctrine  n'est  pas  seulement  gratuite  et  indémon- 
trable, elle  est  en  outre  inintelligible.  Dire  que  chaque  chose 
est  actuellement  tout  ce  qu'elle  peut  être,  c'est  dire  qu'elle 
réunit  et  concilie  en  elle  des  contraires  qui,  selon  la  connais- 
sance que  nous  en  avons,  ne  peuvent  exister  qu'en  se  rem- 
plaçant les  uns  les  autres.  Mais  comment  concevoir  cet 
essences  formées  d'éléments  qui  s'excluent?  En  outre,  com- 
ment admettre  que  toutes  les  formes  parii<  ipeni  égalemeiit 
de  l'éternité,  comme  si  elles  avaient  toutes  la  même  valeur, 
le  même  droit  à  l'existence?  Enfin,  considérées  dans  le 
temps,  les  choses  ne  se  réalisent  pas  toutes  au  même  degré. 
Telle  devient  peu  à  peu  tout  ce  qu'elle  peut  être  ;  telle 
autre  est  anéantie  au  moment  où  elle  commençait  i  se  déve- 
lopper. Cette  différence  doit  préexister  dans  l'éternelle 
actualité  que  l'on  prêle  aux  possibles.  Ils  ne  sont  donc  pas 
tous  actuels  au  même  degré.  En  d'autres  termes,  les  uns  sont 
relativement  actuels,  les  autres,  en  comparaison,  ne  sont 
que  pos<iiMes. 

L  eirr  ai  tuellemenl  lionne  n  est  donc  pas  une  suite  néces- 
saire du  possible  :  il  en  est  une  forme  contingente.  Mais,  si 
ton  existence  n'est  pas  nécessaire,  en  peut-on  dire  autant 
de  sa  nature?  N'est  il  pas  soumis,  dans  le  développement 
qui  lui  est  propre,  à  une  loi  inviolable?  Ne  porte-t-il  pas  eo 
lui-même  cette  nécessité  dont  il  est  affranchi  dans  son  rap- 
port avec  le  possible  ? 

La  loi  de  l'être  donné  dans  l'expérience  peut  être  expri- 
mée par  piisieurs  formules  qui  ont,  au  fond,  le  même  sens  : 
«  Rien  n'arrive  sans  cause  *,  ou  «  Tout  ce  qui  arrive  est  un 
elTei,  et  un  effet  proportionné  k  sa  cause  »,  c*esl-i-dire  ne 
contenant  rien  de  plus  qu'elle,  ou  «  Rien  ne  se   perd,  rien 


20      DE   LA   COMTINGEMCK   DES   LOIS   DE    LA   NATUMt 

M  M  cré«  »,  oa  bien  eoflo  c  La  qoanlit^  d'être  deme«r« 
inirouable  >. 

Ob  m  peut  eookidérer  eeti«  loi  comme  doonéetTec  l'être 
lat-méaie  ;  car  Viâit  d'oDifurmit^  et  d'immuiabiliié  ett 
ëtnogère  à  Tétre  doooë  comme  tel,  lequel  consUte  e»»ea> 
tiellenent  dan»  aoe  maltiplidtd  de  pbéooaièDee  varie»  et 
chaDgeanis.  La  loi  de  caouUté  est  la  lynibèee  de  deux  vlé- 
mtttU  irréduciibies  entre  eux,  le  changement  et  Pidentité  : 
il  lie  suffit  pas  qae  l'ao  des  deui  terac^ 
soit  admis  comme  réalisé,  poar  qne  Tad, 
s'ensuive  analviiqueroent. 

Mais  peil-étre  cette  loi  e^t  elle  Dëcessaire  corooK 
tionsponlaBéft  de  la  raison.  l'eut-êireest  ell>'  rnnrn 
et,  à  ce  titre,  imposée  à  l'élre. 

Où  trooTer,  peut-on  dire,  dans  leadoim*.  s  d.  i .  \, 
•D  objet  correspondant  au  terme  *  <.iii>r  •,   qui   >  ^ mi'- 
c  pouvoir  créateur  i,  et  oo    rapport  correspondant  an  liro 
de  «  génération  i   que  l'esprit  établit  entre   la  caue  et 
l'effet  ? 

Si  la  question  est  ainsi  posée,  le  principe  de  caasalité  est 
certainement  k  priori.  Mais  ce  n'est  pas  ea  ce  sens  qu'il  «*st 
impliqué  daus  la  connaisuoce  dn  monde  doBOé.  L'idc« 
d'une  cause  génératrice  ne  saurait  rendre  ancuo  sanrict  à 
celui  qui,  comme  le  savant  proproMoat  dit,  rerh^rrhe  anique* 
ment  la  nature  et  l'ordre  dea  phéaoaènes.  Ko  rraliié,  k  mot 
«  ranse  >,  lorsqu'on  l'emploie  en  matière  sri  rcut 

dire  «  condition  immédiate  >.  Lacaased'uo  pl<c.iw.u.uc-,  ea 
ce  sens,  c'e»!  encore  iiB  phénomène,  «e  m  peut  éire  qu'un 
phénomène  :  autrement  la  recherche  des  raoses  ne  s  >  t 
plus  du  domaine  des  sciences  positives  ;  sealeoMat,  c'c.-^t  uu 
phénomène  qui  doit  préalablemeat  exister  pe«r  qu'un  cer- 
tain antre  ïe  réalise. 
Mais,  dira-t-oo,  c'est  effectiveoMal  pereireur  «o^  I-*  •  *u^ 


Dl   L*ÉTRB  21 

avait  é\é  ri'  itne   ane  entité   inëtaphy«i(|ue 

contenue  •>  ^  :  tWt  n'en  est  que  la  cundition 

détermiaaole.  Elle  ne  se  rapporte  pas  à  l'être  en  soi,  mais  à 
la  connaissance  des  phénomènes  ;  et  elle  implique  unique- 
ment ce  qui  est  nécessaire  pour  rendre  cette  connaissance 
possible.  Il  est  juste  de  dire  que  la  causalité  n'est  qu'un 
rapport  et  un  lien  posé  entre  les  phénomènes,  mais  il  faat 
ajouter  que  c'est  un  lien  de  nécessité  posé  à  priori. 

Ainsi  entendu,  le  principe  de  causalité  est  sans  doute  plut 
▼oisin  des  conditions  de  la  science  que  lorsqu'il  implique 
rbypothèse  d'ane  chose  en  soi.  Toutefois  il  contient  encore 
on  élément  que  la  science  ne  réclame  pas  :  l'idée  de  néces- 
sité. Il  suffit  qu'il  existe  entre  les  phénomènes  des  liaisons 
relativement  invariables,  pour  que  la  recherche  des  causes 
rne  et  fructueuse.  Bien  plus:  il  est  contraire  à 
1  '  lies  phénomènes  d'ét(^e    nécessairement  enchainés 

entre  eux.  Lenr  mode  de  succession,  qui  dépend  du  mode 
d'action  des  choses  en  soi,  ne  peut  avoir  qu'un  caractère 
relatif.  C'est  retomber  dans  l'erreur  qu'on  voulait  éviter, 
Bais  eo  érigeant  cette  fois  les  phénomènes  eux-mêmes  en 
ehose^  i;ue  de  voir  d.ins  la  causalité  un  lien  d'absolue 

■ëces-  les  phi-nomenes. 

Le  sens  précis  du  principe  de  causalité,  dans  son  appli- 
cation i  l'élude  du  monde  donné,  est  celui-ci  :  Tout  change- 
ment survenant  dans  les  choses  est  lié  invariablement  i  un 
antre  changement,  comme  à  une  condition,  et  non  pas  i  aa 
changement  quelconque,  mais  i  un  changement  déterminé, 
lel  qu'il  n'y  ail  jamais  plus  dans  le  conditionné  que  dans  la 
r  Or  les  éléments  de  ce  principe  paraissent  tons 

(  u., .:>  i  l'expérience.  A  priori    l'homme  était  disposé  à 

admettre  des  commencements  absolus,  des  passages  do 
néant  à  l'être  et  de  l'être  au  néant,  des  successions  de  phé- 
nonicues  indétrrminées.  C'est  l'eiix-ritMice  qui  a  dissipé  ces 


îî      DE   LA  COKTI?fGEMCB   DES   LOIS   DE   LA   IfATl'RE 

préjugés.  Cest  le  progrès  de  robtervaiioD,  de  la  comparai- 
son, de  la  rëfleiioo  et  de  rabslractioo,  c>st-i-dire  de  l'ei- 
përience  ioterprétëe,  mais  non  suppléée,  par  reotendemeol, 
qui  a  fait  voir  qu'un  chtOfeaeot  o>>t  jamais  qufl(|ue  chose 
d'entièrement  nouveau  ;  que  tout  changement  est  le  corré- 
lalird'un  autre  changement  survenu  dans  les  conditions  an 
milieu  desquelles  il  se  produit,  et  que  le  rapport  qui  unit 
tel  changement  à  tel  autre  est  invariable. 

On  ne  peut  donc  dire  que  le  principe  de  causalité  qui  régit 
la  science  soit  une  loi  dictée  par  l'esprit  aui  choses.  Dans 
les  termes  où  l'esprit  l'imposerait  aui  choses,  l'être  donoé, 
e'est-à  dire  les  phénomènes,  ne  saurait  le  réaliser  ;  et,  d'autre 
part,  la  formule  qui  s'applique  aux  phénomènes  ne  contient 
que  des  éléments  dérivés  de  l'fv 

Il  n'en  reste  pas  moins  que   >  i  mule  énonce  l'esls- 

teoce  d'un  rapport  invariable  entre  tel  changement  et  tel 
antre.  Or.  si  l'invariabilité  n'équivaut  pas, en  soi,  à  la  néces* 
site  interne,  d'une  part  elle  ne  l'eiclut  nullement,  elle  en 
est  même  le  symbole  extérieur  ;  d'autre  part  elle  établit 
entre  les  modes  de  l'être  ce  qu'on  peut  appeler  ooe  nécessild 
de  fait.  Ne  s'ensuit-il  pas  que  le  principe  de  la  liaison  oéces- 
saire  des  phénomènes  mérite  tonte  confiance  au  point  de 
vue  pratique,  et  est.  même  au  point  de  Tue  théorique,  plus 
vraisemblable  que  son  contraire? 

On  ne  peut  nier  que  l'idée  de  ce  principe  n'ait  été  le  nerf 
de  la  connaissance  scientifiqu».  I.a  science  est  née  le  jour 
où  l'homme  a  conçu  l'existence  de  causes  et  d'effets  natu- 
rels, c'est-à-dire  de  rapports  invariable»  entre  les  choses 
données  ;  le  jour  où,  an  lieu  de  se  demander  quelle  est  la 
puissance  supra-sensible  qui  produit  les  phénomènes  consi- 
déré» isolément  et  pourquoi  elle  les  produit,  il  s'est  demandé 
qael  est  le  phénomène  de  la  nature  d'où  dé|>end  celui  quil 
■'•fit  d'expliquer.  Chaque   progrès  de  la  science  est  venu 


DE   L*ÊTRB  23 

confirmer  celle  concepiioD  ;  et  il  est  contraire  i  toute  rrai- 
semblaoce  d'imaginer  des  mondes  réels  où  les  phénomènes 
se  produiraient  tao*  caase,  c'est-i-dire  tans  antécédeats 
ioTariables. 

Toutefois,  il  ne  faut  pas  oublier  que  c'est  rexpérience 
elle-même  qui  a  introduit  dans  Tesprit  humain  et  progressi- 
remeot  épuré  l'idée  scientifique  de  cause  naturelle.  Cette 
idée  o'e&t  pas  celle  d'un  principe  à  priori  qui  régit  les  modes 
de  Tétre,  c'est  la  forme  abstraite  du  rapport  qui  existe  entre 
ces  modes.  Nous  ne  pouvous  pas  dire  que  la  nature  des 
choses  dérive  de  la  loi  de  causalité.  Cette  loi  n'est  pour 
nous  que  l'expression  la  plus  générale  des  rapports  qui  dé- 
rivent de  la  nature  observable  des  choses  données.  Suppo- 
sons que  les  choses,  pouvant  changer,  ne  changent  cepen- 
dant pas  :  les  rapports  seront  invariables,  sans  que  la  néces- 
sité règne  en  réalité.  Ainsi  la  science  a  pour  objet  une  forme 
purement  abstraite  et  extérieure,  qui  ne  préjuge  pas  la  na- 
ture intime  de  l'être. 

.Mais  n'est-il  pas  vraisemblable  que  l'extérieur  est  la  traduc- 
tion fidcle  de  l'intérieur?  Est-il  admissible  que  les  actes 
d'uD  être  soient  contingents,  s'il  est  établi  que  les  manifes- 
talioos  de  ces  actes  sont  liées  entre  elles  par  des  rapports 
immuables?  Si  les  ombres  qui  passent  dans  la  caverne  de 
Platon  se  succèdent  de  telle  sorte  qu'après  les  avoir  bien 
ebsenrëes,  on  puisse  exactement  prévoir  l'apparition  des 
ombres  k  venir,  c'est  apparemment  que  les  objets  qui  les 
projettent  se  suivent  eux-mêmes  dans  un  ordre  invariable. 
Il  serait  sans  doute  possible  que  l'enseuible  des  manifesta- 
lions  et  des  actes  ne  fât  pas  donné  ;  mais  si,  l'une  de  ces 
manifestations  éuut  donnée,  les  autres  sont  données  du 
même  coup,  l'hypothèse  la  plus  simple,  c'est  d'admettre  que 
les  ai-tes  eux-m«'>mes  sont  liés  entre  eux  d'une  manière  ana- 
log'ir    Ainsi,  pour  avuir  k  droit  de  révoquer  en  doute  Is 

t. 


24      Dt   LA   COMTINGRNCB   DBS   LOIS   DR    LA    flATlR». 

flëcettité  iutorne  des  choses,  Il  faitHniU,  Mmbl*>l«il,  ^vvtlr 
eonlMler  rabsotiie  rëgulariié  du  coure  det  pbéBMDtoei  •! 
établir  l'etistencc  d'an  dësacrord,  fti  petit  qu'il  fâi,  fnlrt  le 
poiulat  de  la  srirnce  et  la  loi  de  la  réalité,  l'eut  étrel'eipé- 
rienre  ne  doo»  eo  foarnit-elle  pa»  le  moyen  ;  nai»  peal-on 
afnrmer  qu'elle  prononce  en  faveur  de  la  the»e  contraire  ? 

Toute  constatation  expérimentale  &e  réduit,  en  dérmilive, 
i  resserrer  la  valeur  de  l'élément  mesurable  des  phénomènet 
entre  des  limiles  aus^i  rapprochées  que  possible.  Jamais  on 
u'atleini  le  point  précis  où  le  phénomène  commence  et  liuii 
réellement.  On  ne  peut  d'ailleurs  affirmer  qu'il  eiUte  de  |Mi* 
reiis  points,                   i      r..  dans  des  instants  in<i< 
hypothèse  vr.i                     l'iit    contraire  à  la  oalur- 
du  temps.  Ainsi  noas  ne  voyons  en  quelque  sorte  que  lea 
t-oulenants  des   choses,  non    les  ch<> 
ne  savons  pas  si  les  «hoses  occupent. 
ooe  place  assignable.   A   supposer  que   les   phénomènes 
fussent  indéterminés,  mais  dans  une  cert.i"  irc  seule- 

ment,   laquelle   pourrait   dépasser  invin-  ■  la  portée 

de  nos  grossiers  moyens  d'évaluation,  les  apparences  o'ea 
seraient  pas  moins  exactement  telles  que  nous  les  voyons. 
On  prête  donc  aux  choses  une  détermination  purem''ni  hypo» 
ihétiqiie,  sinon  inintelligible,  quand  on  prend  au  pied  de  la 
lettre  le  principe  suivant  lequel  tel  phénomène  est  lié  à  tel 
autre  phénomène.  Le  terme  i  tel  phénomène  i.  dans  son 
sens  strin,  n'exprime   pas    un  concept  e^  ^:i|,  et  ré> 

pugne  peut-être  aux  conditions  mêmes  de  1    ., uce. 

Ensuite,   est  il   bien   conforme  à  l'expérience  d'admettre 
une  pro|»ortionnaliié,  une  égalité,  une   éq  absolue 

entre  la  cause  et  l'effet  T  Nul  ne  pense  que  ,    'poriion- 

Daiité  soit  constante,  si  l'on  considère  les  choses  au  point 
de  vae  de  l'utilité,  de  la   «;<'  <>  un 

DiOt  de  la  qualité.  Ace|>oiiii  imei 


DE  l'Être  25 

rommunément  qne  de  grands  eflTcis  peuvent  rësalter  de  pe- 
tites cause»,  et  réciproquement.  La  loi  de  i'ëquiralence  oe 
considérée  comme  absolue  que  s'il  s'agit  de 
^  ou  de  relations  entre  des  quantités  d'une 
seule  et  même  qualité. 

Mais  où  trouver  un  conse({MPiii  qm,  au  point  de  vue  de  la 
qualité,  soit  exactement  identique  à  son  antécédent?  Serait* 
ce  encore  un  conséquent,  un  effet,  un  changement,  s'il  ne 
dilTrrait  de  l'antécédent,  ni  par  la  quantité,  ni  par  la  qua- 
lité 1 

Le  progrès  de  l'observation  révèle  de  plus  en  plus  la 
richesse  de  propriétés,  la  variété,  l'individualité,  la  vie,  là  où 
les  apparences  ne  monlraieut  que  des  masses  uniformes  et 
indistinctes.  Dès  lors  n'esi-il  pas  vraisemblable  que  la  ré|)é- 
litloo  pure  et  simple  d'une  même  qualité,  cette  chose  dé- 
pourvue de  beauté  et  d'intérêt,  n'existe  nulle  part  dans  la 
nature,  et  que  la  quantité  hbmogène  n'est  que  la  surface 
idéale  des  êtres  7  C'est  ainsi  que  les  astres,  vus  de  loin, 
n'apparaissent  que  comme  des  figures  géométriques,  tandis 
qu'en  réalité  ils  sont  des  mondes  composés  de  mille  subs- 
tances diverses.  Quant  au  changement  de  quantité  intensive, 
c'est-à-dire  i  l'augmeotadoo  et  à  la  diminution  d'une  même 
qualité,  il  «lement,  en  définitive,  i  un  change- 

ment quai:  .        ^     ,  poussé  jusqu'à  un  certain  point,  il 

aboutit  i  la  transformation  d'une  qualité  en  son  contraire, 
et  que  la   m  '   qui  se  manifeste  pour  an  changement 

iolensifcn  le  doit   nécessairement  préexister  dans 

Jes  changements  de  détail  dont  II  est  la  somme. 

Reste,  il  est  vrai,  l'hypothèse  d'une  quantité  pure  de  tonte 
qualité  ;  maisquclle  idée  peut-on  se  faire  d'un  pareil  objet? 
Une  quantité  ne  peut  être  qu'une  grandeur  on  an  degré  de 
qurlq  '  ,  et  ce  quelque  chose  est  précisément  la  qualité, 
lit  nj..  ire  physique  oa  Monl*.  Taodb  que  la  qualité 


f6      DP.   Là   COMTINCEMCE   ORS   L0I5   DK   LA   NATCflt 

M  conçoit  très  bipo  comme  subtUoce  de  la  quantité,  cello* 
ci.  considërëf  comme  tubtance  de  la  qualiir.  est  inintelli- 
gible, car  elle  ne  prend  an  aent  que  comme  limite,  comme 
point  d'ioierteciioo  ;  et  toute  limite  auppose  une  cboM 
Uroitée. 

Si  donc,  jusque  dans  les  formes  les  plus  ëléroeolaires  de 
rélre,  il  y  a  ainsi  quelque  ëlëroent  qualitatif,  condition  indis» 
pensable  de  l'existence  elle-même,  reconnaître  que  l'effet 
peut  être  disproportionné  à  iVi^ard  de  la  cause  au  point  de 
vue  de  la  qualité,  c'est  admettre  que  nulle  part,  dans  le 
monde  concret  et  réel,  le  principe  de  causalité  ne  a'appliqae 
rigoureusement. 

Et  en  effet  comment  concevoir  que  la  cause  o«  condition 
immriliate  contienne  vraiment  tout  ce  qu'il  fam  viili- 

qucr  l'fffel  ?  EUe  ne    contiendra  jamais  ce  en  <i  (se 

distingue  d'elle,  cette  apparition  d'an  élément  nouveau  qui 
est  la  condition  indispensable  d'un  rapitort  d**  '  Si 

l'effet  est  de  tout  point  ideutiqne  à  la  cause,  il  i  i  un 

avec  elle  et  n'est  pas  uo  effet  véritable.  S'il  s'en  distingue, 
c'est  qu1l  est  jusqu'i  un  certain  point  d'une  autre  nature; 
et  alors  comment  établir,  non  pas  une  égalité  proprement 
dite,  chose  inintelligible,  mais  même  une  proportionnalité 
entre  l'effet  et  la  cause,  comment  mesurer  l'h  *  -  nëitë 
qualitative,  et  constater  que.  dans  des  conditioi,  l'ies, 

elle  se  produit  toujours  au  nuMne  degré? 

Enfin,  s'il  nous  est  donné  de  ramener  les  changements  de 
détail  i  des  rapports  généraux  permanents,  de  telle  sorte 
que  l'hétérogénéité  réciproque  des  têH»  particuliers  n'en 
eicine  pas  la  nécessité  relative,  le  progrés  des  sciences  ne 
nons  montre-t-ll  pet  qne  ces  rapports  générani  eui-méaee, 
résomé  des  rap(>orts  particuliers,  ne  sont  pas  exempts  de 
changement?  1/indurtion  la  plus  vraisemblable  nctt-elle 
pas  qu'il  est  impossible  d  atteindre  une  loi  absolument  lie. 


DE  l'Être  S7 

si  simples  que  soient  les  rapports  considérés,  et  si  larges 
que  soient  les  bases  de  l'observation  ?  Et,  si  l'ensemble  varie, 
ne  faut-il  pas  qu'il  y  ail  dans  les  détails  quelque  rudiment 
de  contingence?  Est-il  étrange  d'ailleurs  qu'on  ne  puisse 
discerner  dans  l'infiniment  petit  les  causes  du  changement 
de  l'infinimeiit  grand,  lorsque,  dans  cet  infiniment  grand  lui- 
même,  le  changement  est  presque  imperceptible? 

La  réalité  du  changement  n'est  pas  moins  évidente  que  la 
"  la  permanence  ;  et,  si  l'on  peut  concevoir  que  deux 
'-  -^  f,  l'Dis  opérés  en  sens  inverse  engendrent  la  perma- 
oeoce,  il  est  inintelligible  que  la  permanence  absolue  suscite 
le  cil  t.  C'est  donc  le  changement  qui  est  le  principe; 

la  |i>  e  n'est   qu'un    résultat:  et  ainsi  les  choses 

doivent  admettre  le  changement  jusque  dans  leurs  relations 
les  plus  immédiates. 

Mais,  s'il  n'existe  pas  de  point  fixe  sur  lequel  on  puisse  faire 
reposer  les  variations  des  choses,  la  loi  de  causalité,  qui 
affirme  la  conservation  absolue  de  l'être,  de  la  nature  des 
choses,  ne  s'applique  pas  exactement  aux  données  de  l'expé- 
rience. Elle  exprime,  sans  doute,  une  manière  d'être  extré~ 
mement  générale  ;  mais,  en  présentant  cette  manière  d'être 
comme  absolument  indépendante  de  son  contraire,  lequel 
pourtant  n'est  pas  moins  réel  et  primordial,  en  posant 
la  détermination  et  la  permanence  avant  le  changement  et  la 
vie,  elle  trahit  l'intervention  originale  de  l'entendement, 
qui,  au  lieu  de  se  borner  à  observer  la  réalité,  lui  prête  une 
forme  adaptée  à  ses  propres  tendances.  La  loi  de  causalité, 
Mat  M  forme  abstraite  et  absolue,  peut  donc  être  à  bon 
droit  la  maxime  pratique  de  la  science,  dont  l'ubjet  est  de 
suivre  un  à  un  les  liU  de  la  trame  infinie;  mais  elle  n'appa- 
raît plus  que  comme  une  vérilë  incomplète  et  relative,  lorv 
(1  >.'•  de  se  représenter  l'enin-lurement  universel, 

I  II   réciproque  du  changement  ei  de  la  perma- 


Î8      DB  LA  COMTINGBNCI   DES   LOIS  DE   LA  NATURE 

MaM,  qui  con»iiiae  U  vie  et  l'eiisleore  réelle.  Le  nioode, 
coaaidëré  daa»  Tuoité  de  m>q  eiitteoce  réelle,  préseote  une 
iodëlermi nation  radirale  trop  faible  uns  doute  pour  être 
api^rente,  »i  l'on  u'ubsenro  lea  cboae»  que  pendant  une  très 
petite  partie  de  leur»  •  uurs.  mais  parfois  visible,  lorsque 
l'on  coMpare  dea  faits  séparés  les  ons  des  autres  par  une 
lODgae  série  dlolemédiaires.  Il  n'y  a  pas  équivalence,  rap- 
port de  causalité  pure  et  simple,  entre  un  homme  rt  les  élé- 
ments qui  lui  «tut  donn«^  nai&»ance,  entre  l'eue  développé  et 
l'être  en  voie  de  foruiaiioo* 


CHAPITRE  III 


DBS  GENRES 


Tuâtes  les  choses  données  dans  l'expérience  reposent  sur 
Véire,  lequel  est  contingent  dans  son  eiistence  et  dans  sa 
loi.  Tout  est  dune  radicalement  contingent.  Ncaumoiiis,  ta 
part  de  la  nécessité  serait  encore  ir  >s  grande,  si  la  coutin- 
gem  e  inhérente  à  l'être  en  tant  qu  être  était  la  seule  qui 
existât  dans  le  monde;  si,  l'être  une  fuis  posé,  tout  en  dé- 
coulait analyliqueinent,  sans  id<liiiuu  d'aucun  élément  nou- 
veau. 

Selon  les  apparences,  l'être  ne  nous  est  pas  seulement 
donné  eu  tant  qu'être,  c'est-à-dire  comme  une  série  de 
causes  et  d'ofTeis.  Les  modes  de  l'être  présentent,  en  outre, 
des  ressemblances  et  des  différences  qui  permettent  de  les 
ordonner  en  groupes  appelés  genres  ou  lois;  de  former  avec 
les  petits  groupes  des  groupes  plus  considérables,  et  ainsi 
de  suite.  Tout  mode  contenu  dans  un  groupe  inférieur  est, 
i  fortiori,  contenu  dans  le  groupe  supérieur  dont  fait  partie 
ce  groupe  inférieur  lui-même.  Le  particulier  ou  le  moins 
général  a,  de  la  sorte,  son  explication,  sa  raison,  dans  le  gé- 
ttéral  oa  le  moins  particulier.  Par  U  les  modas  de  l'être  pe«> 
vent  être  s. 

Cette  |>:   .  •  l'être  en  tant  qu'être, 

•a  bien  est-elle,  àson  égard,  quelque  chose  de  nouveau  f 

Sens  doute,  l'orgaaiMlioa  logiqae  n'aecrotl  pae  la  quan* 


30      DE   LA   C0NTI2«CENCt    DU   LOIS    Dl    LA    .^AtLnr. 

litë  de  l'être.  De  même  unr  itaiiie  de  bronze  oe  coatieotpai 
plus  de  matit're  que  Ir  inéul  duiit  elle  est  faite  Ncautnoin», 
il  y  a,  dau»  I  être  ordonoé  logiqurmeut,  une  qualité  qui 
n'existait  pas  dans  l'être  pur  et  simple,  et  dont  l'être  n'a 
fourni  que  la  coudition  matérielle  :  I  eiplirabilité.Otte  qua- 
lité lient  à  l'etiNtetice  de  types,  ou  unités  rormeilcs,  sous  les- 
quels se  range  la  multiplicité  discrète  des  individus.  Elle  a 
ta  source  dans  l'existence  de  notions.  Or  la  notion  est  l'unité 
au  sein  de  la  mulliplirité,  la  ressemblance  au  sein  des  dif- 
Ivrences.  (trace  aux  degrés  qu'elle  comporte,  elle  établit 
une  hiérarchie  parmi  les  liaisons  causales  ;  donne  aox  onea, 
avec  une  généralité  relative,  la  prépondérance  sur  les  antres  ; 
et  lait,  par  \à,  du  monde  des  causes  et  des  effets,  on  sym- 
bole anticipé  de  l'organisation  et  de  la  vie.  La  notion  est  à 
la  Tuis  uuc  comme  genre,  et  multiple  comme  collection 
d  espèces.  Elle  n'est  donc  pas  contenue  dans  l'être  propre- 
ment dit,  dont  l'essence,  en  tant  qu'il  s'agit  de  l'être  donné, 
est  la  diversité,  la  mullipllcilë  pure  et  simple.  Sup<*rienre  à 
l'ctrc,  elle  en  l'ail  jaillir,  parmi  tous  les  modes  doni  il  est 
susceptible,  ceux  qui  lui  fouroirofit  des  éléments  appro- 
priés, c'est-à  dire  des  formes  semblables  dans  une  certaine 
mesure,  à  travers  la  diversité  qui  fonde  leur  di>iintiiun;  el 
elle  se  réalise  elle-même,  en  devenant  le  centre  du  système 
qu  elle  a  ainsi  organisé.  Une  par  essence,  elle  ne  se  confond 
pas  avec  les  furme«  multiples  dont  elle  dëlerafoe  l'appari- 
tion, mais  elle  s'inoorporc  en  elle«.  devient  en  elles  visible 
et  concrète.  C'est  parce  qu'elle  est  ainsi  intimement  unieaux 
choses,  qu'elle  semble  en  faire  partie  intégrante.  Mais  elle 
poarrait  disparaltrtr  sans  que  les  choses  cessassent  d'être. 
Les  choses  perdraient  sans  doute  cette  physionomie  harmo- 
nieuse qui  résulte  de  la  réunion  des  semblables  el  de  b  se- 
paratiun  des  contraires,  et  qui  est  rexpre^sion  de  l'idée; 
elles  ne  siTaii-nl  plus  qu'un  cliao»  abxolument  klérile     elles 


DBS   GENRES  V>\ 

luti««i>leraierit  punrtaiii,  comme  subsiste,  à  i  ëial  de  dispcr- 
stoii,  l*  inaticre  dont  la  vie  s'est  retirée. 

M^is  il  D'est  pas  iudis|K>nsable  que  la  notion  dérive  analy- 
liqiiemcnt  de  l'être,  pour  que  l'exisleace  des  genres  soit 
considérée  comme  nécessaire.  Il  suffit  que  l'esprit  déclare, 
en  dehors  de  toute  expérience,  que  l'être  doit  prendre  une 
forme  oxp'italjle,  c'est  à-dire  rationnelle,  et  se  confornior 
aux  lois  de  la  peosée,  qui  exige,  entre  les  termes  qu'elle 
considère,  des  rapports  de  conlonance.  Il  suffit,  en  un  mot. 
que  la  synthèse  :  «  être  +  notion  »  soit  posée  à  priori 
comme  synthèse  causale.  Or  en  est-il  ainsi  ? 

Lu  solution  de  telle  question  dépond  du  sens  que  l'on  at 
trittue  au  mot  «  notion  >.  Si  l'on  voit  dans  la  notion  un  lype 
immuable  qui  existe  réellement  et  distinctement  en  di*burs 
dos  «.'liosc's  données,  un  modèle  dont  les  choses  données  ne 
sont  que  les  copios  imparfaites,  il  est  inipossible  d'admettre 
que  la  notion  soit  un  terme  fourni  par  l'expérience.  Oc 
même,  le  lien  de  participation  qui  rattache  à  la  notion  ainsi 
ronvue  les  chosrs  particulières  ne  peut  cire  alTirmé  q'i  a  ^ 
priori.  Mais  est-ce  bien  en  ce  sens  que  l'explicabilitc  des 
choses  est  impliquée  dans  l'étude  de  la  nature  ? 

Sans  doute,  il  serait  utile  de  savoir  qu'il  existe  des  formes 

ou    idées  soprasensibles,   typ*-s  des  genres  donnés,  si   l'on 

pouTaii  connaître  ces  idées  en  elles  mcRies.  Il  y  a  plus  :  une 

fois  en   possession  de  ces  modèles  parfaits,   l'esprit  dédai- 

giMTatt,  non  sans  raison,  la  connaissance  des  copies  défec- 

luouses,  et  laisserait  de  côté  l'expérience,   qui  n'a  d'autre 

objet  que  cet  copies  elles-mêmes.  Mais  on  ne  peut  prouver 

'it  soit  capable,  sans  le  secours  de  l'expérience,  de 

Il  contenu  à  la  uotion  ou  idée,  considérée  comme 

i\pe  métaphysique  des   choses  sensibles.   L'original,   ici, 

I  nu  que  parla  ropie.  Le  rôle  de  l'esprit  consiste  à 

1  "-r  le  type  abstrait  des  choses  douuées  eu  lui  ^ppli- 

■ocmoox.  f 


32      DB  LA  C0(m!1GP.:<CB   DES   LOIS   DE   LA   NATURI 

qaant  la  forme  de  la  perfection  et  de  rëleroUé.  Otnt 
cet  coodilioDi,  la  conception  de  types  mctaphjrsiqaes  e«t 
Mos  ntage  dans  l'étude  de>  phénomènes.  La  «yuihcte  de 
*étre  et  de  la  notion,  ainsi  enlendae,  peut  être  une  connai»* 
unce  i  priori,  mais  ce  n'est  pas  de  cette  synthèse  qu'il  est 
^nesUon. 

Dirai- on  quclëlf^ment  connu  à  priori  n'est  sans  doute,  à 
aucun  degré,  le  contenu  de  la  notion,  la  somme  des  carac- 
tères qu'elle   comprend ,  mais  qu'il  consiste  dans  le  lien  de 
nécessité  établi  entre  ces  caractères,  et  qu'ainsi  le  ci* 
delà  notion,  s'il  n'est  pas  présupposé  par  les  choses  c^... 
némes.  Test  du  moins  par  la  connaissance  des  choses? 

Celte  manière  de  concevoir  la  notion  n> 
leaent  celle  qui  préside  aux  sciences  po 
ceptible  d'inspirer  au  savant  la  présomption  on  le  déconra- 
geneot.  Persuadé  que  les  choses  s> 
des  définitions,  le  savant  érige  en  ^' 
cipes  absolus,  les  formules  auxquelles  ont  abouti  ces  re> 
cherches.  C'est  l'origine  des  systèmes,  ironr 
rifidea,  d'où  la  sève  se  retire  peu  à  peu,  et  qi> 
la  mort.  Et  il,  plot  circonspect,  le  savant  attend,  pour  éri- 
ger ses  formules  en   principes,  qu'elles  soient  ad  i 
la  réalité,  il  voit  fuir  devant  lui  l'objet  de  ses  rci  t 
mesure  qu'il  s'en  approche  :  la  perfection  néme  dr^ 
thodea  et  des  instruments  d'investigation  ne  fait  que  \r  • 
▼aiocre  de  plus  en  plus  du  caractère  purement  approfiin.aïf 
des  résuliaiA  qu'il  obtient.  C'est  l'origine  de  ce  scepticisme 
tcientifique,  qui  ne  veut  plus  voir  dans  la  nature  que  det 
individus  et  des  faits,  parce  qu'il  est  impossible  d'y  trouver 
des  classes  et  des  lois  absolues.  La  science  a  p«»ur  ol<jet 
l'éUde  des  phénomènes;  elle  se  trahit  ellemème.  si  elle 
eewamce  par  se  faire  des  phénonèoM  «oe  idée  qai  les 
transforme  en  choses  en  mL 


DES  GENRES  33 

Dans  son  application  à  l'étude  de  la  nature,  la  ootion, 
loin  d'éire  une  entité  distincte,  n'est  que  l'ensemble  des  ca- 
ractères communs  à  un  certain  nombre  d'êtres.  Elle  n'est  pas 
immuable,  mais  relativement  identique  dans  on  ensemble  de 
choses  doniif'c's.  Elle  n'est  pas  parfaite,  ce  qui  serait  un  ca- 
ractère positif,  mais  relativement  dépouillée  d'éléments  ac- 
cidentels, ce  qui  est  on  caractère  négatif.  De  même,  le  lico 
de  la  notion  et  de  l'être  n'est  pas  une  participation  mysté- 
rieuse, une  traduction  de  pensées  pures  en  images  acces- 
sibles aux  sens,  une  analogie  symbolique  entre  le  phénomène 
et  le  noumène.  Ce  n'est  pas  même  une  corrélation  immuable 
entre  des  éléments  d'ailleurs  sensibles,  une  systématisation 
nécessaire  de  phénomènes.  C'est  simplement  le  rapport  de  la 
partie  au  tout,  du  contenu  au  contenant.  De  la  sorte,  la  syn- 
thèse de  l'être  et  de  la  notion,  dans  son  acception  scienti- 
fique, peut  être  connue  par  l'expérience  et  l'abstraction. 
Car  l'expérience  nous  révèle  les  res.'^emblaort'  des  choses 
et  leurs  différences.  L'abstraction  élimine  peu  à  peu  les  ca- 
r^icleres  variables  et  accidentels,  pour  ne  retenir  que  les  ca- 
raciçres  constants  et  essentiels.  L'idée  d'une  classe,  c'cst-a- 
dire  duo  tout,  étant  ainsi  formée,  l'expérience  nous  appreud 
que  tel  on  tel  être  présente  les  caractères  qui  sont  les  signes 
disiiactif»  de  cette  classe.  Nous  rapprochons  donc  cet  être 
de  ses  semblables  ;  nous  le  faisons  rentrer  dans  te  tout  rcla- 
lif  que  ceux-<'i  constituent. 

Ainsi  l'union  de  I  être  et  de  la  notion,  l'existence  des 
itenres,  n'est  pas  seulement  une  synthèse,  c'est  encore  une 
Mi(!i>M  j[i(i-  '   ''!<^  n'est  donc  pas  nécessaire  en  droit. 

M.I  ^  Il  ^    iiii  II-  de  contester  qu'elle  le  soit  en  fait. 

Car  les  progrès  de  la  science  ont  de  plus  en  plus  montré 
que  tout  a  sa  raison  comme  ta  cause;  que  toute  forme  par- 
ticulière rentre  dans  une  forme  fénërale  ;  que  tout  ce  qui 
est  lait  partie  d'un  système.  L'impossilùlilé  de  rattacher 


34     M  LA  COMTINGBMCE  DES   LOIS   Dl   LA  RATURI 

logiquement  uo  dëUil  à  rensemble  n'atlette  pat  le  dëtordrt 
des  choses,  mais  notre  ignorance. 

On  peut  toutefois  remarquer  que  le  groupement  de»  chotei 
MUS  les  notions  reste  toujours  plus  ou  moins  approiîmatil 
et  artifiriel.  D'une  pari,  la  compréhension  réelle  des  notioot 
ne  peut  jamais  être  eKactemeai  dt finie,  hautre  part,  il  se 
rencontre  toujours  des  êtres  qui  ne  rentrent  pas  eiactement 
dans  les  cadres  établis.  Il  n'y  a  pas  Jusqu'aux  notions  on 
catégories  les  plus  générales,  les  plus  fonilamentales,  dont 
Il  lablc  n'.iii  pu  être  défitiitivemeiii  dressée,  comme  si  l'être 
était  impatient  d'une  immobilité  absolue,  même  dans  ses 
couches  les  plus  profondes.  Certes  les  progrès  de  la  science 
définiront  d  unr  manière  de  plus  en  plus  précise  la  compré- 
hension et  l'entension  des  genres.  Mais  qui  oserait  affirmer 
que  cette  définition  puisse  jamais  être  complète  et  définitive? 
qu'il  existe  dans  la  nature  an  nombre  d<  i  tires 

radicalement  séparés  les  ans  des  autres  c  ,  *^  oa 

l'absence  de  caractères  précis?  et  que  tous  les  êtres  sans 
exi  •  !-inent  sous  ces  I  >\?  Il 

est  I  I    jii'à  côté  de  !<  par 

la  notion,  il  ne  reste  pas  une  certaine  quantité  d'être  plus 
00  moins  rebelle  à  son  action  ordonn  n  bien  encore 

qae  l'être  soit  toujours  intelligible  .<  tegré,   quels 

distribution  des  êtres  en  genres  ne  soit  pas  tantùt  moins, 
tantôt  plus  profonde,  précise  et  harmonieuse. 

C'est  donc  d'une  manière  contingente  que  se  superposent 
i  l'être  la  notion  et  toutes  les  déterniinaiions  qu'elle  com- 
pirtc.  Considères,  du  dehors,  au  point  de  vue  de  l'être,  les 
modes  de  la  notion  ne  se  produisent  pas  d'une  manière 
fatale.  Mais  le  développement  de  la  notion  elle-même, 
c'est'à-dire  la  décomposition  du  général  eo  particulier, 
n*obéil-il  pas  à  one  M  nécessaire,  et  ainsi  la  coniingence 


DES  GENRES  35 

eiteroe  ne  se  ramèDe-t-elle  pas  k  une  nécessité  interne  ? 
La  loi  de  la  notion  est  le  principe  d'identité,  suivant  le- 
quel la  nolion  reste  identique  avec  elle-même,  se  conserve 
telle  qu'elle  e>t,  ne  recuit  ni  augmentation  ni  diminution  à 
travers  toutes  les  fonctions  logiques  qu'elle  est  appelée  à 
remplir.  C'est,  peut-on  dire,  la  permanence  de  la  nutiou  elle- 
même.  En  vertu  de  cette  loi,  ce  qui  est  contenu  dans  une 
notion  partielle  est,  a  fortiori,  nécessairement  contenu  dans 
la  notion  totale. 

Cette  formule  ne  résulte  pas  analytiquemeot  du  concept 
même  de  la  notiun.  Car  on  conçoit  qu'un  toutpuiss'  acqui'- 
rir  ou  perdre  des  parties,  sans  pour  cela  cesser  d'èirc  un 
tout,  tu  type  peut  changer,  saus  pour  cela  cesser  d'être  un 
type. 

La  loi  de  la  notion  est  donc  une  proposition  synthétique. 
Est>elle  afrirmée  a  priori  ? 

On  peut  interpréter  de  plusi<iurs  manières  les  termes  de 
cette  lui. 

Suivant  l'une  de  ces  interprétations,  il  existe  dans  la  na- 
I  liué  de    types   généraux    réels,  qui 

!      .  .'S  individus,  le  rôle  de  la  substance 

j  l'égard  des  accidents.  L'identité  de  la  notion  à  travers  ses 
footiions  diverses  lient  donc,  en  réalité,  à  ce  que  c'est  un 
seul  et  même  être  qui  supporte  les  individus  d'une  même 
espèce,  lesquelles  n'ont  de  l'existence  distincte  que  la  vaine 
a|)p.ireiice. 

Suivant  une  autre  interprétation,  le  principe  d'identité  ne 
'  oDcerne  pas  les  choses  en  soi,  mais  seulement  la  connais- 
^  des  choses.  Il  n'est  qu'une  condition  a  priori  de  l'ex- 
iire.  Sa  si^iiilicaiion  vériUihle  est  déterminée  par  les 
hcsoins  de  la  pensée.  En  ce  sens,  quoi  qu'il  en  soit  des  types 
lransoeiid.ints,  ce  sont  toujours  cxari(«mcnt  tes  même*»  no- 
tions immanentes  qui  (igureut  dans  les  diverses  plia^  s  de 


76      DE   LA  CO>CTINGE:<Ce   DBS   LOIS   DE   LA   NATUKE 

l'etpHcation  «ie«  choseï;  et,  par  toite.  la  notion  toule  cott* 
lient  eiarteinenl  tout  le  conieou  de»  noiioiit  partiellft.  En 
outre,  la  |t<>iiii  uicslesno  >  a  u 

raison  dans  I'   .  <'  d'une  lin  sont 

contenues  toutes  les  autres;  les  genres  duo  ordre infcrieor 
rentrent  tous  exactement  dans  un  nombre  plus  pelii  à9 
genres  supérieurs,  et  ainsi  de  suite,  jusqu'à  ce  que  tout  M 
ramène  i  l'unité.  Enfin,  et  par  là  même,  le  lien  qui  unit  le 
lartirulier  au  ^'t-néral,  le  conditionnel  à  la  roodition.  la  rbose 
expli'iut'cà  la  raison  explicative,  est  absolument  nécessaire. 
Il  est  clair  que.  dans  l'une  ou  l'autre  de  ces  acceptions,  le 
principe  d'identité  est  posé  a  priori,  puisque  la  nature  ne 
nous  présente  pas  deux  choses  exactement  ideniiqurs,  cl 
qu'à  chaque  pas  nous  nous  trouvons  en  présence  de  carac> 
lères  irréductibles.  Mais  ce  ne  sont  pas  ces  maximes  abso- 
lues qui  sont  requises  par  la  science.  Employées  comme 
cadres  do  raisonnement,  elles  n'engendreraient  que  des  so- 
pbismes,  parce  que  les  termes  concrets  fournis  par  l'expc- 
rieoce  ne  satisferaient  Jamais  aux  conditions  d'identité  et  de 
contenance  exactes  qu'»*llc«  requièrent.  Elles   i  i  nt 

aux  recherrhes  scientifiques,  en  ce  qui  concerii  .   ire 

des  genres  et  leurs  rapports  entre  eus.  un  point  de  «ue  qui 
pourrait  n'être  pas  légitime,  et  qui  ob- 

servation. Comment,  en  effet,  de  des 

éléments  contingents,  i  supposer  qu'il  en  existe,  si  d'avance  oo 
affirme  que  tous  les  rapports  des  choses  do'       '  uer 

strictement  au    rapport  de  la  substance  à  <  «iu 

toal  i  la  partie,  si  l'on  pose  le  problème  MientiUque  dans  des 
lermes  qui,  a  priori,  excluent  la  contingence  et  en  font  une 
oéCMtité  déguisée  7  Toute  question  potée  an  inonde  donne 
e»l  uns  doute  légitime,  mais  à  condition  que  l'on  o'érign 
pas  d'abord  en  Yérité  indiscut;ible  le  postulat  qu'elle  ren* 
ferme.  On  doit,  au  contraire,  être  prêt  à  mettre  eu  qucktioo 


DES  GENRES  37 

ce  postulat  lui-roéme,  et  à  reprendre  les  choses  de  plus  haut, 
daus  le  cas  où  l'espérieuce  cooirediraitles  prévisions  qu'on 
a  formées. 

Ddus  son  application  aux  sciences  positires,  le  principe 
d'identité  ne  suppose  pas  rexisteuce  d'archétypes  substan» 
tiels.  Cotntneiit  pourraitou  relier  logiquement  le*  phéno- 
mènes à  ces  essences  hétérogènes  ? 

II  ne  suppose  pas  non  plus,  d'une  manière  absolue,  l'iden- 
tité de  l'élément  générique  dans  les  espèces,  la  réduction  de 
toutes  les  uuiiuns  à  une  seule,  la  liaison  nécessaire  du  par- 
ticulier au  général. 

Sans  doute,  dans  un  syllogisme,  c'est  le  même  ternie  gé- 
nérique qui  est  appliqué  à  l'espèce  et  à  l'individu  contenu 
dans  celte  espèce.  Mais  l'identité  n'est  que  dans  les  mots. 
Car  il  est  impossible  de  trouver  un  caractère  qui  soit  exac- 
tement le  môme  dans  deux  individus;  et  il  est  vraisemblable, 
d'après  la  loi  môme  de  lanalogie  d'où  résulte  l'existence 
des  espèces,  que,  si  deux  individus  étaient  identiques  sur 
un  point,  ils  le  seraient  entièrement.  La  nature  ne  nous 
olfre  jamais  que  des  ressemblances,  non  des  identités;  et 
le  syllogisme  ne  peut  que  conclure,  de  ressemblances  obser- 
vées à  des  ressemblances  non  observées.  Il  ne  saurait  pré- 
tfMidre  à  une  rigueur  incompatible  avec  les  données  expé~ 
riiiieuiales  qui,  seules,  p«uveut  lui  fournir  une  matière. 

De  même,  la  science  positive  n'exige  nullement  la  possi 
biliié  de  réduire  toutes  les  notions  i  l'unité.  Elle  exige  sim- 
plement une  hiérarchie  relative  de  notions  de  plus  en  plus 
générales.  Qu'il  y  tit,  au  fond,  un  oa  plusieurs  systèmes  d« 
notions  ;  que  ces  systèmes  aient  ou  non,  eu  dernière  ana- 
lyse, aoe  base  unique;  que  toutes  les  espèces  se  distribuent 
exactement  dans  les  genres  ou  qu'il  y  ait  des  espèces  inter- 
médiaires :  le  raisonnement  concret  n'en  sera  pas  moini 
possible. 


38      DE   LA  CONTINGENCE   DES   LOIS   DE   LA   NATURE 

Enfla,  dant  la  forme  du  tyliog{»me  comme  dans  «a  matière, 
le  caractère  absolu  n'est  qu'apparent.  On  ne  peut  prëiendr» 
établir  des  rapports  exacts  deronienance  entre  «les  touts  el 
des  parties  qui,  en  oiis-mi^meH,  ne  sont  pas  ei4<  unient  rir* 
conscrits.  Lorsqu'on  dit  que  Paul,  faisant  partie  de  rfS|>èce 
«  bomnie  »,  fait  a  fortiori  partie  du  genre  «mortel  »,  lequel 
contient  l'espèce  «  homme  •,  cela  veut  dire  simplement  que, 
si  Paul  ressemble,  par  un  grand  nombre  de  côtés,  à  d'autres 
êtres  déjà  comparés  entre  eux  et  réunis  sous  la  notion 
<  homme  >»,  il  est  extrêmement  probable,  praiiqo'-nient  cer- 
tain, qu'il  leur  ressemblera  aussi  en  ce  qui  concerne  la 
mortalité.  Or,  pour  qu'une  telle  déduction  soit  possible,  il 
suffit  d'admettre  qu'il  y  a  dans  la  nature  des  faisceaux  de 
ressemblanres  tels  que,  certains  grou|»es  de  ressemblauce 
étant  dounés,  il  est  très  probable  que  certains  autres  le 
seront  également  :  c'est  proprement  la  loi  ,de  l'analogie. 

S'il  en  est  ainsi,  le  prinripe  d'identité,  dans  son  utage 
scientifique,  ne  présente  aucun  caractère  incompatible  avec 
one  oriKine  •  posteriori.  L'expérience  est  en  mesure  de 
nous  fournir  des  notions  de  genres  de  mi<  <mix  défi- 

nies, des  ressemblances  de  plus  eu  plus  j:  :  .  des  liai- 
sons de  ressemblances  de  plus  en  plus  constantes. 

Issu  de  l'expérienre,  le  principe  d'identité  ue  peut  être 
considéré  couimc  nécessaire  en  droit,  couiine  imposé  à  la 
.création  ou  à  la  connaissance  des  choses. 

Mais  n'est  il  pas  imposé  à  l'esprit  par  la  forme  même  de 
la  science,  par  l'idtal  qu'ell'>  poursuit  et  dont,  eu  fait,  elle 
se  rapproche  constamment?  N'esl-il  pas  le  principe  de  la 
logique,  doni  toutes  les  sciences  acceptent  la  juridiction  ?  Et 
ainsi  n'cst-it   pas  pratiquement  reconnu  comme  nécessaire  f 

Il  importe   de    remarquer  que  la    logique,   malgré  son 

rôle  indispensable  dans  la  connaissance,  n'est  q**' •'•nce 

abstraite.  Elle  ne  détermine  pas  le  degré  d'iou  kjut 


DES   GENRES  39 

présentent  les  choses  rëelles.  Elle  considère  la  notion  en 
f.'      '    '  '  1  ''     lie  la  plus  précise  que  puisse  lui  dounci 

1  '^  par  l'abstraction,  et  elle  en  déduit  les 

propriétés  suivant  une  méthode  appropriée  i  l'entendement, 
c'est  à-dire  sous  l'idée  de  la  permanence  de  cette  notion  elle 
même.  Elle  développe  le  système  des  lois  qui  s'appliquent  ï 
des  notions  quelconques  mises  en  rapport  les  ânes  avec  les 
autres,  ii  supposer  que  ces  notions  demeurent  identiques. 
Elle  forme  des  cadres  dans  lesquels  l'expérience  est  appelée 
k  mettre  an  contenu,  au  risque  même  de  les  élargir  et  de  les 
briser.  Si  elle  présente  une  haute  certitude  pratique,  c'esi 
qu'elle  développe  un  concept  extrêmement  simple,  qui  est 

i)mnie  le  type  moyen  d'une  infinité  d'expériences,  el 
ij  d'ainsi  ses  déiiniliuns  de  mots  sont  presque  des  définitions 

l'*  choses.  C'est  ainsi  qu'en  statistique  la  probabilité  est  de 
plus  en  plus  voisine  de  la  certitude,  à  mesure  que  la  base  de 
l'observation  est  plus  étendue;  car  alors  les  particularités 
s'annulent  de  plus  en  plus  les  unes  les  autres,  pour  laisser 
le  fait  général  se  dégager  dans  toute  sa  pureté.  Mais  la  lo- 
gique trahirait  la  science  au  lieu  de  la  servir,  si,  après 
tvoir,  pour  la  commodité  de  l'esprit  humain,  achevé  artifi- 
ri  ■  par  l'expérience  et 

(i  .<  de  contours  que  ne 

lui  imposait  pas  la  nature,  elle  prétendait  ensuite  ériger  cette 
a'  '   Il  eu  vérité  absolue  et  en  principe  créateur  de  la 

T'  >i   lui  a  donné  naissance.  Les  lois  sont  le  lit  où 

passe  le  torrent  des  faits  :  ils  l'ont  creusé,  bien  qu'ils  le  sui- 
vent. Ainsi  le  cararit^rt-  impt'ratif  des  formules  de  la  logique, 
bien  qu'il  soit  prati<|iirrii>Mii  justifié,  n'est  qu'une  apparence. 
Eu  réalité,  les  rapports  logiques  objectifs  ne  précèdent  pas 
les  choses  :  ils  en  dérivent,  et  ils  pourraient  varier,  si  les 
choses  elles  mêmes  venaient  ï  varier,  eu  ce  qui  concerne 

l«urs  ressemblances  el  leurs  diATérences  fondamentales 

8. 


40      DE   LA   CO^fTINGEMCB   DBS  LOIS  OB   LA   NATURB 

Mai»  pcin  <"  ^  'La 

feotaiive  d>v^  l>at 

lAt  ou  urd  en  présence  de  c«  qu'on  appelle  ta  nature  des 
chose»,  c'eut- à  '       '  iôiët  et  de  rapports  immuabletT 

Si  le  lorreot  ■<'  tn-ine  »oq  lit,  est  ce  de  lui-méa« 

que,  d'abord,  il  coule  dans  tel  ou  tel  sens?  Sons  les  lois  qsi 
résultent  du  changement,  n'y  a>til  pas  celles  qui  le  dëter- 
miueut?  Celles-ci  sont  elles  encore  variables?  Et  le  deruier 
mot  n'esl-il  pas  :  <  Tout  change,  excepté  la  loi  du  change» 
ment?  » 

Il  vsi,  i  coup  sûr,  lëgirinie  que  l'esprit  humain  s'attache 
fortement  à  cette  idée  de  U  nature  des  choses,  à  laquelle  il 
doit  sa  victoire  sur  le  destin  et  les  puissances  capricieuses, 
son  entrée  et  ses  progrès  dans  la  carrière  de  la  science. 
Mais  cette  idée  ne  doit  pas  régner  i  son  tour  d'une  manière 
exclusive,  et  ramener,  sous  une  autre  forme,  le  croyance  i 
la  fatalité.  Si  un  premier  regard  jeté  de  ce  point  de  vue  sur 
l'univers  a  pu  faire  croire  que  les  ilioses  avaient  en  effet  des 
propriétés  immuables,  une  naiure  éteruclle,  où  se  trouvait 
•la  raison  dernière  de  toutes  leurs  vicissitudes  :  ao  examen 
plus  jpprofoudi  montre  que  ce  qu'on  avait  pris  pour  le  f  ud 
immuable  des  choses  n'était  encore  qu'une  coudir  mobile 
et  superficielle;  et,  i  mesure  que  l'homme  pénètre  plut 
avant  dans  la  réalité,  i  me>ure  recule  devant  lui  ce  fonde- 
ment inébranlable  qui  devait  tout  supporter.  Fort  de  lidée 
des  genres  et  des  lois,  l'esprit  humain  espérait  remplacer 
les  claosifiraiions  artificielles  par  des  «  I  '  ms  naliH 
relies.  Mais  avec  les  progrès  de  l'observa i>  classiA- 

catlon,  que  l'on  croyait  naturelle,  apparaît  à  ton  toar 
oomne  artificielle  ;  et  l'on  se  demande  s'il  ne  conviendrai! 
pat  de  sobstiiiicr  à  toute  systématisation  rationnelle  le  dea* 
aio  pur  et  simple  don  arbre  généalogique.  Or,  s'il  est  inn 
possible  de  trouver  dan»  la  nature  un  rapport  Barfaitemcol 


DES   GENRES  41 

eon»taot  ;  si  les  propriétés  et  les  lois  les  plus  essenliellet 
apparaUsent  comme  indéterminées  dans  ane  certaine  me» 
sure  :  n'eii'-il  pas  irrai»>mhlabif>  que  le  priocipe  même  de  la 
distribution?  <<•«  nhénomeoes  >tu  «eores  ei  «spèces  (lequel, 
dans  son  usage  scientifique,  n  est,  en  défiaui.c,  que  la  forme 
la  plus  générale  et  la  plus  abstraite  des  lois  de  la  nature, 
■près  le  principe  de  la  liaison  causale)  participe,  lui  aussi, 
de  l'indétermination  et  de  la  cootini^ence  ? 

Ainsi  le  raisonnement  a  posteriori  aussi  bien  que  la  spë> 
culation  i  priori  laisse  place  à  l'idée  d'une  coniin$cence  radi- 
cale dans  la  production  des  ressemblances  et  des  différences 
d'où  résultent  les  genres  et  les  espèces  de  la  nature,  c'est-i- 
dir      '  '-  et  la  loi  de  la  notion.  Rien  ne  proure 

qi  '-s  dont  la  compréhension  et  l'extension 

soient  eiactement  déterminées  et  immuables.  Il  peut  arriver 
que  la  notion,  dans  les  choses  qui  l'expriment,  se  définisse 
lie  mieux  en  mieux  ;  que  les  sujets  !>e  rangent   de  plus  en 

us  exactement  sous  des  prédicats  déterminés,  en  abandon- 
nant les  caractères  qui  participaient  des  notions  collatérales. 
Issue  de  l'être,  comme  d'une  matière  par  voie  de  création, 
ta  forme  logique  peut,  à  son  tour,  régir  sur  l'être  et  le  péné- 
trer plus  profondément.  Par  contre,  on  peut  concevoir  que 
l'être,  rangé  par  la  notion  sous  des  lois  étrangères,  fasse 
effort  pour  retourner  à  son  état  primordial  de  dispersion  et 
de  chaos;  et  que,  par  suite,  la  part  de  l'ordre  logique,  de  la 
distribution  des  choses  en  espèces  et  en  genres,  diminue 
dans  la  nature. 

Ces  changements,  il  est  vrai,  resteraient  à  l'état  de  possi- 
bilités idéales  ou  d  apparences  illusoires,  si  le  principe  de 
causalité  «■(  -   dans  toute  sa  rigueur.  Car  alors  la  na- 

ture de   laii  il  déciderait  entièrement  et  nécessaire- 

ment de  la  nature  du  conséquent,  et  il  n'y  aurait  aucaoe 
place  pour  une  harmonie  dont  le  germe  ne  préexisterait  pat 


42      DE   LA   CO^ITINCRNCB   DES    LOIS   DE   LA    TIATIRB 

dans  l«»  conditions  ilonnt'e».  Or  la  cautc.  cou  "  ,  eti 

indifférente  i  l'harmonie  ou  au  (lé»oriire  :  lea  r.*  ^^ée* 

à  ellesHBéroes,  o«  «'emploient  qu'à  t'enlre-eombatire,  et  doS' 
nent  dêt  résullau  identiques  à  ceux  du  ha«ard.  Aioti  le 
détordre  serait  ëicrnel.  irrém*-diable,  si  les  forces  dont  se 
compose  le  monde,  produisant  inévitablement  leurs  effeia, 
D'admellaient,  dam  toute  la  «érie  de  leurs  actions,  aucnue 
interrention  supérieure.  Mais,  si  la  rau»e  est  sasrepiible, 
dans  une  certaine  mesure,  de  recevoir  une  direction,  la 
vertu  de  la  notion  ne  demeure  pas  inutile.  Elle  détermine, 
dann  le  monde  des  forces,  une  convergence  féconde.  Klle 
les  amené  à  produire  des  choses,  au  lieu  de  s'agiter  cteruel- 
lemenl  dans  le  vide  sans  réussir  à  le  peupler. 


CH APURE  IV 


OE    I  A    M4TIRRK 


Cesi  d'une  manière  contingeDte  que  Fétre  reçoit  la  forme 
loi^ique;  et  la  forme  elle-même,  daos  son  développement 
jM  le  place  à  la  cuniingence.  Sont  ce  là  les 

S'        ,  ,  Il  ait  le  droit  d'arracher  à  la  Décessilé  ? 

L*étre  et  la  aoiion  une  fois  posés,  ne  reste-t-il,  pour  expli- 
quer toutes  choses,  qu'il  en  déduire  les  conséquences  iné- 
viu<bles  ? 

L'ordre  logique  ne  nous  est  pas  seulement  donné  sous  sa 
forme  élémentaire  ;  il  nous  apparaît  dans  des  choses  qui 
peuvent  se  compter  et  se  mesurer,  dans  des  essences  éten- 
dues et  mobiles,  dans  ce  qu'on  appelle  la  matière.  Cette 
Il         "    '  >rme  de  l'être  dérive-t-elle  analytiquemeot  de  la 

Il  peut  sembler,  au  premier  abord,  que  la  forme  matérielle 
ne  soit  qu'un  accident,  à  l'égard  duquel  les  déterminations 
logiques  jouent  le  rôle  de  substance  :  l'étendue,  la  durée,  le 
mouv<'nient,  ne  sont-il»  pas  des  notions,  des  idées  générales 
sous  lesquelles  on  range  certaines  choses  données  7  Mais  il 
y  a  li  une  confusion  :  si  les  propriétés  mathématiques  sont 
des  notions,  il  ne  s'ensuit  pas  que  ce  ne  soient  que  des  no- 
tions. Autre  chose  est  de  dire  qu'une  essence  est  pensée, 
autre  chose  de  dire  qu'elle  est  une  pensée. 

L^él^menU  de  la  matière  peuvent  se  ramener  i  l'étendue 


44     Dl  LA   C0!m?(GR5CC  DBS  LOIS  DB   LA  IfATVRB 

el  ta  m«»OT«*n>fnt.  fjr  le  m  '••  •! 

engendre  la  diversllë  d'4)ù  r  ,         jou- 

Yoir  ramener  l'ëlendoe  et  le  mouvement  à  de*  ettenret  p«> 
reiD'  '     'it  ne  voir  dans  la  '  'une 

cor\  >^,  dant  le  second  ij  >ioo 

d'ëtala  consistant  eux-mêmes,  au  fond,  dans  le*  nolionidif» 
rérentes.  Celle  roiH  lent  logique  de  l'étendae  et 

du  mouvemenl  e>i  .' 

Le  propre  d'une  notion,  ce  qui  constitue  son  essence  et  M 
perferlion.  c'est  d'être  eiactemont  circonsrriipet.  par  suite, 
d'être  séparée,  par  un  intervalle,  des  notions  spèoi6ques 
du  même  ordre  qu'elle, et  de  rentrer  entièrement  dans  les  Do- 
tions relatiTeiiient  génériques.  L'élément  générique  est 
identique  dans  dent  notions  du  même  genre,  et  ladifTcrence 
spécifique  rousisie  dans  la  présence  ou  l'absence  d'un  même 
caractère.  Par  suite,  les  notions  ne  peuvent  être  qu'exté- 
rieures ou  intérieures  les  unes  par  rapport  aux  autres.  Deoi 
contenus  du  même  ordre  sont  extérieurs  entre  eax  ;  et  ils 
sont  intérieurs  par  rapport  A  leur  contenant  comniuB.  Ainsi 
le  monde  des  notions  est  essentiellement  di<contloa. 

Or,  appliquée  à  l'étendue  et  an  mouvement,  la  catégorie 
de  discontinuité  fait  de  la  première  une  intinilë  de  putots 
infiniment  petits,  et  du  second  une  série  de  position!  corres- 
pondant i  une  infinité  d'instants  infiniment  courts.  Mais  des 
points  infiniment  (uMits  ou  liien  se  touchent,  et  alors  ne  font 
qu'un,  ou  se  distinguent  les  uns  des  autres,  et  alors  sont  sëpa» 
rëi  entre  eux  par  des  inlerv  ,      -    ,i  .  sup. 

pose,  ne  pourront  jamais  êlri  ;i    i,  ares 

points  de  même  nature.  De  même,  des  iosieots  infiniment 
courts,  00  bleo  M  eoofondenl,  •<     '  ■  irp  eux  des  lt< 

runes  impOMlblee  A  eombler.  Il  .        ians  l'hypo- 

thèse en  qur»tioo,  an  espace  d'une  graudrur  aiêroe  Inie 
A B  ne  peut  être  parcoam  par  un  mobile  M.  Car  eotrt 


DE   LA    MATIÈRE  45 

A  et  B  il  y  a  aa  nombre  de  poiuts  indéfiai.  De  même,  ua 
mubile  qui  est  supposé  se  mouvoir  de  A  en  B  est  en  réalité 
immobile.  Car  en  chaque  instant  indivisible  il  est  en  un  point 
indivisible  ;  et  la  loi  des  notions  veut  qu'il  n'y  ait  pas  dans 
le  tout,  c'est-à-dire  dans  la  durée  totale,  autre  chose  que 
dans  les  parties. 

En  somme,  dans  ce  système,  l'éiendue  et  le  mouvement 
■e  sont  que  des  rapports.  Les  choses  se  défiuissent  entière* 
ment  et  se  distinguent  uniquement  par  des  propriélès  in- 
ternes qui  préexistent  à  ces  apparences  sensibles.  Celte 
doctrine  n'est  pas  saiisfaisanle,  car  elle  a  pour  conséquence 
1  identification  et  la  confusion  de  certaines  choses  qui  sont 
ei)  ilistincies.  Telles  sont  les  figures  symétriques  non 

8i  Mlles.  La  distinction  de  ces  ligures  n'est  pas  pure- 

ment abstraite  :  elle  a  son  application  dans  les  sciences 
e^  •  '       et  explique,  notamment,  les  diflTérences  de 

pi  ^ques  que  présentent  certains  cristaux. 

L  étendue  n'est  pas  une  multiplicité  coordonnée  par  une 
unité  :  c'est  une  multiplicité  et  une  unité  fondues  ensemble 
et  en  quelque  sorte  identifiées.  Ce  ne  sont  pas  des  parties 
extérieures  les  unes  aux  autres  en  tant  que  parties  de 
m^me  ordre,  et  intérieures  en  tant  que  contenues  dans  des 
parties  d'un  ordre  supérieur  :  ce  sont  des  parties  similaires, 
dépourvues  d'ordre  hiérarchique,  à  la  fois  intérieures  et  exté- 
rieures enire  elles.  En  un  mot.  c'est  une  chose  continue. 
Ile  même,  le  temps  est  une  durée  continue,  le  mouvement 
un  passage  continu  d'un  lieu  i  un  autre.  Cette  idée  de 
continuité,  restituée  au  concept  de  l'étendue,  du  temps  et 
du  mouvement,  écarte  les  sophismes  auxquels  oo  est  iaduil 
quand  on  attribue  à  cet  concepts  uo  sens  purement  lo- 
gique. 

Ainsi  les  propriétés  mathématiques  ne  sont  pat  uoe  tya 
thèse  analytique  des  propriétés  logiques,  une  combiuUoo 


46      DE   LA   C0NTI?CGF.!1Ce   DES   LOIS   DE   LA   ftATURI 

dont  les  propriété»  li>  ^;i  foi»  !«•  ëlé- 

meols,  la  loi  et  la  rai  rment  uo  él^ 

ment  oouveaa,  hétérogène,  irréductible  :  la  cooliouilé. 

TouleTuix,  il  nr  ^'  i 

des  propriétés  ni.ii  i  .  '      . 

eo  effet,  les  c«o»idérer  comme  conçues  1  priori  et  imposées, 
de  ce  cbef,  i  la  nature  des  choses  ?  La  coDoaissaoce  de  la 
coutiuuité  dans  la  coexistence  et  la  succession,  c'esl-i-dire 
la  connaissance  de  l'espace  et  du  temps,  ne  présente-elle 
pas  les  caractères  d'une  intuition  rationnelle?  Ouant  au  mou- 
vement, l'idée  que  nous  en  a^ons  ne  peut-elle  être  due  i  une 
élaboration  de  l'espace  et  du  temps  opérée  par  l'esprit  lui* 
même  f 

Cette  doctrine  eti  sans  doute  légitime  s'il  s'agit  de  Tet- 
pace  et  du  temps  considérés  comme  des  choses  eo  soi,  unes 
et  infinies,  capables  de  subsister  lors  même  que  les  phéno- 
mènes seraient  anéantis,  et  s'il  s'agit  do  mouvement  consi- 
déré dans  son  coriinieuremeni  jbsolu,  conif  !  une 
spontanéité  primordiale.  Car  I  expérience  et  1  .j  u  ne 
peuvent  rien  nous  fournir  de  tel.  Mais  ce  n*e«t  pas  en  ce 
sens  que  les  sciences  qui  ont  p«>ur  objet  le  > 
considèrent  l'espace,  le  temps  et  le  mou*'eni' 
n'est  pour  elle  qu'une  étendue  qui  se  prolonge  indéfiniment, 
sans  autre  limite  que  des  étendues  nouvelles;  le  temps  n'est 
qu'une  durée  indéfinie  ;  le  mouvement  n'est  que  le  change» 
nent  de  position  d'une  chose  par  rapport  à  une  antre. 

S'il  en  est  ainsi,  l'expérience  sufllt  à  rendre  compte  des 
concepts  scientifiques  de  l'espace,  du  temps  et  du  mouve- 
nent.  Elle  nous  présente,  en  effet,  une  série  d'objet»  éten- 
dus et  mobiles,  dont  nous  ne  voyons  jamais  la  ûu,  quelque 
portée  que  nous  sa<  hions  donner  à  nos  regards. 

Oira-t-on  que  dans  l'éteodue,  la  durée  cl  le  niou%emenl  II 
y  a  déji  de  l'unité,  et  qu'un  concept  qui  implique  de  l'unité. 


DB    LA    MATIÈRE  47 

i  quelque  degré  que  ce  soit,  ne  peul  dériver  de  re^p'-rituce? 
Mais  alors  il  faul  nier  l'eiistem  e  même  de  la  connaissaoceà 
posleriuri.  Car  des  choses  données  forment  nécessalremenl 
un  tout  disiiiut,  par  rafiport  à  ce  qui  n'est  pas  donné.  l)'ail- 
leurs,  si,  ponr  circonscrire  exacicment  la  part  de  l'espc- 
rience,  on  retranche  des  concepts  empiriques  de  l'étendue, 
de  la  durée  et  du  mouvement  le  lien  des  parties  entre  elles, 
comme  ajouté  par  l'esprit,  que  rcsie-t-il  ?  lin  je  ne  sais  quoi 
qui  n'ulTre  aucune  prise,  non  sculcineni  à  l'esprit,  mais 
même  aux  sens  et  à  l'imagination.  Eu  retranchant  du  domaine 
propre  de  I  expérience  tout  ce^qui,  à  un  degré  quelconque, 
implique  de  l'unité,  on  aboutit  à  faire  des  éléments  donnés 
une  inconnue  éternellement  inimaginable,  indéfinissable,  in- 
concevable :  ce  qui  revient  à  en  nier  Texistence.  Tout  alors 
vient  de  I  esprit;  l'expérience  n'est  plus  un  mode  de  con- 
naissance distinct,  c'est  une  systématisation  moins  rigou- 
reuse que  celle  de  la  pensée  ;  l'esprit  n'a  d'autres  loisi  cod- 
naître  que  les  sieiit)e<  propre-^.  Mais  le  dualisme,  dont  on 
croyait  avoir  triomphé,  reparait  bientôt,  au  sein  de  l'esprit  lui- 
même,  dans  la  distinction  nécessaire  des  intuitions  à  priori 

de  >'\  des  notions  i  priori  de  l'entendement  :et 

il  ^  i.uit  de  savoir  si  les  premières,  qui  envelop- 

pent les  propriétés  mathématiques,  doivent  se  ramener  aux 
secondes,  ou  si  elles  ont  leur  origine  dans  la  sensibilité  elle- 
rotme,  comme  dans  une  faculté  hétérogène.  Les  termes  du 
problème  ont  changé  :  le  problème,  au  fond,  est  resté  le 
même. 

Ce  sérail  encore  restreindre  outre  mesure  la  portée  de 
l'expérience  que  de  lui  enlever  les  formes  d'espace  et  de 
temps,  parce  qu'elle»  nous  apparaissent  comme  indéfinies. 
Certes  l'expérience  immédiate  ne  nous  fournit  rien  de  sem- 
blable. Mais  une  série  d'expériences  peut  très  bien  nous 
donner  l'idée  d'une  succession   sans  fin.  ik    moins  que  l'on 


4B      DB   LA  CO?ITI!(GE!<CB  0B8  LOIS   DE   LA   RATt'Kt 

o'élimip«)  de  reipérienee  toute  «ctiTiië  ioielkctoflle,  toale 
parlicip«liuo  de  i'eo(eod«mf ot  :  ce  qai  eo  ferail  uue  opëra* 
tioa  inconreval'le,  ooo  piui  »f  ulcmenl  dans  »oq  objet,  mais 
uictne  daoi»  »a  oaiurc.  Il  turiit,  pour  qu'âne  <  ounais^ance 
aoil  eipêrimeatale.  qu'elle  ail  ud  objet  dont  la  mjiiere  ei 
la  forme  tuienl  conteoues  daoa  les  donnée»  de*  (cns  ou  de 
la  cooscicDce  empirique.  Le  travail  par  lequel  reoieudruieut 
eiirail  de»  données  des  tens  les  ëlémeota  plut  ou  nioios 
caché»  qu'elles  reufernunii  n«  iransfurmr  pa»  ce»  donnée» 
eu  élément  a  priori. 

.\ius>i  Ici  coorcpls  d  .t    |,-  -iioutement, 

tel»  qu'ils  sont  prcsuj'^  >  ^  i^r  i.i  >  ,1  -  .m  •■  Uu  monde 
donné,  ne  requièrent  pas  une  origine  métaphysique. 

Aiais,  peut-on  objrcter,   il  u>-  is  »riiletueni  do  ces 

concept»  dan»  leur  acception   1:  niee,  il  s'agit   aui>»i 

de  leur»  dclerminalions  ;  et  celle»-ci  du  moios  oe  pcuvroi 
être  connue»  qu'à  priori,  et  par  coi)><  ;  ont  nécr»^ 

iN'vsi-ce  pas  à   priori    que  l'esprit  ii  le  iriati^ 

cercle,  la  sphère,  le  mouvement  uniforme,  le*  forces  parai» 
leles  el,  eo  général,  les  définition»  mathénatiques  et  nu  1  .i- 
nique»?  Ces  deliuiiions  exacte»,  complètes,  adéqiuu^ 
peuvent-elles  dériver  de  l'existence  7  Si  l'esprit  n'en  ■  pas 
créé  la  matière,  il  en  a  créé  la  forme,  car  elles  sont  des 
modèles  que  la  nature  ne  peut  égaler.  Il  o'y  a  pas  de  droite 
réelle,  de  cerile  réel,  d'équilibre  réel. 

Certes,  il  est  impossible  d'expliquer  par  l'expérience 
l'exactitude  de»  déterminations  malhomatiques,  si  l'on  coo« 
»idère  cette  exactitude  comme  uo  caractère  positif  et  absolu, 
attestant  une  perfection  supérieure.  Mais  il  semble  que  ce 
•oit  plutôt  un  caractère  négatif,  résultant  de  l'élimination 
ide  propriétés  relativement  arciilrtiiclles.  Vae  droite  n'est 
autre  chose  que  le  trajectoire  d'un  mobile  qui  va  d'un 
point  vers  un  autre,  et  vers  cet  autre   seulemeol  ;  l'équi- 


DE   LA   MATIÈRE  49 

libre  n'est  que  l'étal  où  m  trouve  ua  corps,  lorsque  la 
résultante  des  fort  es  qui  le  sollicitent  est  nulle.  Or  l'expé- 
rieoce  nous  iuviie  elle-même  à  éliminer  les  accideotsqui  irou» 
bleot  la  pureté  desdéterminatious  mathématiques.  LJn  tronc 
d'arbre  qui,  vu  de  près,  est  tortueux,  parait  de  plus  en  plus 
droit  à  mesure  qu'on  le  voit  de  plus  loin.  Quel  besoin  avons- 
nous  de  notions  à  priori,  pour  achever  ce  travail  de  simplifia 
cation,  et  éliminer  par  la  pensée  tous  les  accidents,  toutes 
les  irrégularités,  c'est-à-dire,  d'une  manière  abstraite  et 
vaftue,  relies  que  nous  voyons  et  celles  que  nous  ne  voyons 
pas  ?  Par  là,  sans  doute,  nous  n'acquérons  pas  l'idée  de 
choses  supérieures  à  la  réalité  C'est,  au  contraire,  la  réalité 
appauvrie,  décharnée,  réduite  à  l'étal  de  squelette.  Mais  est- 
il  donc  si  évident  que  les  figures  géométriques  soient  supé- 
rieures à  la  réalité  ;  et  le  monde  en  serait-il  plus  beau,  s'il 
ne  se  com|tubait  que  de  cercles  et  de  polygones  parfaitement 
réguliers  7 

Ainsi  la  forme  et  la  matière  des' éléments  mathématiques 
sont  contenus  dans  les  données  de  l'expérience.  La  conti- 
nuité mesurable  dans  la  coexistence,  la  succession  et  le  dé- 
'>i.icrment,  est  l'objet  d'une  connaissance  à  posteriori. 

Iteste,  il  est  vrai,  le  lien  qui  unit  ce  terme  aux  formes  infé- 
rieure» de  l'éire,  le  rapport  de  la  forme  mathématique  pro- 
prement dite  à  la  forme  logique.  Mais  l'esprit  affirme-t-il  à 
priori  que  tout  fait  explicable  se  produise  dans  l'espace  et 
dans  le  temps,  et  im|>lique  l'existence  d'un  mouvement  ?  Il 
est  permis  d'en  douter  ;  car  nous  avons  l'idée  des  faits  psy- 
chologiques, comme  n'étant  pas  dans  l'espace  et  comae 
n'eovel  ni  de  lieu.  Cette  doctrine  pré» 

Juge  du  <inc  question  qui  doit  rester 

ouverte  à  la  recherche  scientifique.  Il  n'est,  en  effet,  nulle- 
in<  X  evable  que  l'étendue  mobile  ne  soit  pas  la  forme 

Di<  le  tout  ce  qui  est  donné. 


50      DE   LA  CONTIMGENCB   DES   LOIS   DP.   LA  KATURI 

Il  tcinLIe  donc  impo9«ible  d'établir  à  priori,  aoalytiqoa 
meot  o'j  tyothéiiqueiiieiii.  que  la  fliture  et  le  nouvement 
toQi  despro 

ue  peot-oD  i-^.  ■- ,   -       .  ,        —  i 

en  reiidnni  Icniuigiiage  par  les  dcniuastralioot  et  iesdccoa* 
vertes  quelles  doivent  â   cette  doctrine  ?  N  -i 

cherchautdaos  toutes  choses  un  élément  mail  ,  i 

mesurable,  en  supposant  qu'il  y  a  partout  de  la  figure  rt  du 
niouvrm  'lit,  que  l'on  a  renouvelé  la  physique  et  créé  no* 
tamroeui  la  théorie  mécanique  de  la  chaleur  et  de  la  lu> 
mîére  7  Le  progrès  des  sciences  ne  se  roesure-t-il  pas  k  la 
part  qu'y  ohtitMinenl  tes  nniiiHis  roat^  ** 

On  doit  sans  doute  attribuer  une    i  A'ili  it  une 

idée  aussi  féconde;  maison  ne  peut, d'autre  part,  en  oublier 
l'origine.  C'est  l'expérience  qui  nous  a  fait  connaître  ta  fi* 
gure  et  le  mouvement.  C'est  elle  aussi  qui  nous  a  fait  dé» 
couvrir  ces  manières  d'être  dans  un  grand  nombre  de  cas 
où  nous  n'en  soupçonnions  pas  l'etisicnce.  Or  l'r-  n 
ne  peut  nous  prouver  que  ces  propriétés  soiiMit  i. 
i  tout  ce  qui  est.  Plus  frappés,  comme  il  arrÏNe,  des  faits  im* 
prévus  que  des  faits  ordinaires,  nous  sommes  disposés  à  ad- 
m<'ttre  partout  le  suhstratum  mécanique  que  nous  avons  'lé* 
couvert  sous  des  choses  qui  n'en  paraissaient  pas  suscepi 

comme  ta  chaleur  ou  la  lumière.  Cependant  il  eiisie<  i 

un  nombre  considérable  de  formes  que  nous  ne  pouvons  ra* 
mener  au  mouvement,  et  qui  même  ne  semblent  y 
résider  dans  un  sujet  mobile.  Telles  sont  le»  faculi<    ..:- ... 
tuelles.  L'inhérence  de  l'étendue  mobile  à  l'être,  i  titre  de  pro- 
priété essentielle  et  n-  e,  en 
dépit  du  rôle  que  crtii  ,.  .: ,..:  ■— ^e. 

Fât-il  établi,  d'ailleurs,  que  la  figure  et  le  mouvement  s« 
rencontrent  r1.in«  tout  ce  qui  est.  on  ne  pourrait  • 
ger  ers  minirrrs  d  rlrr  vu    esseucei   néi  rssjire»  ■* 


DE    LA    MATIÈRE  51 

et  absolues  ;  car  l'entendement  est  jeté  dans  les  difficnliés 
iii<>(iltililes,  quand  il  essaie  de  développer  une  telle  doctrine. 
Taiii&t.  sup|i(>saot  que  l'étendue  et  le  monvoment  ont  des 
liuiilos,  forment  an  tout  circonscrit,  renleuderoent  ne  cou* 
çoit  pas  commentées  limiios  peuvent  exister  sans^ne  ét»'n- 
due  liniiirophe  ou  un  mouvement  anta^soniste.  Car  il  ne 
voit  pas  de  raison  pour  admettre,  relativcni'^Qt  à  l'étendue 
ou  au  mouvement  éloignés,  d'autres  lois  que  celles  qui  ré- 
^ssent  l'étendue  prochaine  ou  le  mouvement  actuel.  Sa  fonc- 
tion étant  d'affirmer  de  l'espèce  ce  qu'il  connaît  du  genre,  il 
juge  qu'un  mouvement  ne  peut  se  produire  qu'après  un 
mouvement,  et  qu'une  étendue  ne  peut  être  limitée  que  par 
une  él*'iidue.  f>'ailleiirs,  lors  même  que.  pour  éviter  le  pro- 
grès à  1  infini,  il  admellrail  un  terme  dans  la  régression  ou  la 
progression,  il  ne  saurait  où  le  placer,  parce  que  tous  les  points 
d'un  temps  et  d'un  espace  vide  sont  identiques  à  ses  yeux. 
Tantôt,  au  contraire,  supposant' que  l'étendue  et  le  mou- 
ment  sont  sans  limites,  l'entendement  en  conclut  qu'ils 
ne  soitt  jamais  complets,  achevés,  qu'ils  se  font  et  se  dé- 
font sans  cesse,  qu'ils  sont  et  ne  sont  pas.  Mais  alors  il  ne 
peut  considérer  comme  absolue  cette  chose  iosaisissable, 
qi:  '  ''  .oie  de  réalisation,  jamais  réalisée,  qui 

n  ,  ni  dans  l'avenir,  mais  seulement  dans 

l'instant  actuel,  point  infiniment  petit  entre  deux  abimes  de 
néant. 

Ainsi  l'étendue  et  le  mouvement  sont  pour  l'être  des 
formes  contingentes.  Par  suite,  tous  les  modes  de  l'étendue 
et  du  mouvement  sont  eux-mAmes  des  éléments  nouveaux  et 
contingents  par  rapport  aux  formes  inférieures.  Mais  la  pro- 
duction de  ces  modes  u*est-elle  pas  régie  par  une  lot  inhé- 
rente à  l'essence  matérielle  elle-raéme,  et  cette  loi  n'est  elle 
pas  inflexible  f 


52      DB   LA  COJtriNGBNCB   DKS  LOIS   DE   LA   NATOBI 

La  loi  foadamenute  de»  dëlertninaiioDS  milhifinatlqvM 
eit  la  permanence  de  la  ii  mrsarahle  h  iraver*  toutes 

Ici  dccompo&ilioDS  et  r*  liooa  de  l'ëteadue  et  du 

mouveroeoi.  tlile  a  son  exprestioo  coocrèle  dan»  la  formule 
de  la  cotiiervaiion  de  la  force.  Celle  loi  est-elle  nécesftaire  ? 

On  ne  peut  dire  qu'elle  se  dëduisf  a  priori  de  la  dt-noitioa 
même  de  l'étendue  ei  du  mouvement.  Car  I  étendue  et  le  moa* 
vement  ne  cbangeraient  pas  de  nature,  pour  augmenter,  l'uoe 
de  grandeur,  lauire  de  vitesse  ou  de  durée. 

E&t-elle  posée  a  priori  par  l'esprit  comme  «oe  synthèse 
nécessaire  ? 

Sans  doute,  si  l'on  ne  Toil  dans  la  quantité  mesurable  que 
le  symbole  d'une  essence  métaphysique  telle  que  la  force  ac- 
tive, il  est  clair  que  la  loi  dunt  il  s'agit  ne  peut  être  connue 
a  posteriori.  Mais  il  n'est  pas  question  d'une  chose  de  ce 
genre.  Les  mathématiques  oe  considèrent  que  des  réalités 
observables.  La  figure  et  le  mouvement  tombent  soos  les 
sens.  Le  concept  de  la  mesure  se  ramène  au  concept  de  la 
coïncidence,  considérée  comin  '  ndante   i\>'  lu 

sens  des  figures  et  de  la   man  i   on  les  ^   ,  '>, 

c'est-i-dire  à  des  données  eiplicables  par  l'expérience.  La 
force,  la  masse,  le  poids,  sont,  en  mécanique,  des  grandeurs 
sensibles,  mesurables  numériquemeni.  La  formule  scien> 
Ufique  de  la  quantité  d'énergie  qui  se  consenre  consiste 
daos  des  termes  qui  n'ont  nul  caractère  métaphysique. 

En  fait,  ce  n'est  pas  du  premier  coup  que  l'homme  a  dé- 
couvert les  pramien  principes  des  mathématiques.  Il  a  ti- 
tonné,  il  a  enpioyé  l'obserratlon,  l'etpériroentation,  l'ab- 
straction, I  induction.  Certains  principes  foudamentaus,  ad- 
mis aujourd'hui  sans  contestation,  tels  que  la  loi  de  l'indé- 
pendance des  mouvements  trouvée  par  Galilée,  ont  soulevé 
tout  d'abord  de  Bombreases  objections,  de  la  part  de  per 
••aaM  qoi  toejaieaient  irrationnels. 


DE   LA   MATlilRE  53 

F«r»-t-OD  résider  le  caractère  supra-sensible  des  lots  ma- 
thématiques daDS  le  signe  =,  qui  relie  euire  elles  toutes  Içs 
formules  ? 

Mais  l'égalité,  qui  d'ailleurs  suppose  des  diiïéreDces,  el, 
cw  se  d'iNtin^iie   de  l'identité  absulue,  peut  être 

COI.  rorame  une   limite  pure  et  simple,   que  lespril 

conçoit  peu  à  peu,  en  observant  des  objets  qui  présentent 
des      "  I'  grandeur  de  plus  en  plus  petites,  et  en 

fai^  lU  de  celles  que  la  nature  laisse  inévitable- 

ment subsister.  Or  cette  opération  n'implique  aucune  con- 
Qais>aoce  a  priori.  Si  l'on  aflfirmait  que  l'esprii  a  l'intuition 
des  essences  qu'il  crée  ainsi,  si  Ion  considérait  les  ligures 
géométriques,  les  groupes  de  forces,  dans  leur  forme  ma- 
Ihémulique  elle-même,  comme  des  objets  d  imagination,  il 
faudrait  admettre  qu'ils  sont  connus  a  priori  par  une  sorte 
de  sens  métaphysique,  puisque  l'eipérience  ne  nous  en  four- 
nit pas  le  modèle.  Mais,  si  ces  objets  ne  sont  imaginés  que 
sous  une  forme  grossière;  si,  sous  leur  forme  précise,  ils 
sont  simplement  conçus  :  rien  u'empéche  d  admettre  qu'ils 
H'-riveot  de  l'expérience  élaborée  par  rabsiraction. 

Dira  ton  enfin  que  le  principe  de  la  conservation  de  la 
force  se  rapport**  à  la  on  du   mouvement  dans  tout 

l'univers,  implique  lui  ,  uté   absolue  d'une  impulsion 

initiale,  el,  i  ce  titre,  dépasse  infiniment  l'expérience,  qui 
ne  peut  nous  fair«  connaître  qu'une  partie,  un  tronçon  des 
choses  ? 

Ainsi  compris,  ce  principe  réclamerait  encore  une  origine 
m'  1^;  mais  ce  n'est  pas  en  ce  sens  qu'il  est  employé 

d.ti  '«oces  positives.  La  formule  à   laquelle  on   s'ef- 

force de  ramener  toutes  les  lois  particulières  da  mouvement 
implique  simplement  la  conservation  de  la  force  dans  un 
système  fini  d'élémeois  mérauiques.  Or  de  telles  notions 
ne  dépassent  pas  la  portée  de  l'expérience,  bien  plus,  ne 


t}\      DE  LA  CONTINCENCB  DBS  LOIS  DE   U  NATUIK 

pcuveul  avoir  d'autre  origine  que  l'eipi  rime    elle-même. 

Le  principe  de  la  cunserralioD  de  la  quauiilé  mesurable  k 
travers  les  transronnaiiotit  de  l'clendue  el  du  mouvemeol 
o'est  duDC  pas  iinpoM  aux  choses  uu  à  la  cooiiai»saiice  des 
cho>es  par  la  raison  :  il  u'esl  qu'un  réstirno  de  i'eipc- 
rience. 

Mais  n'esl-il  |ias,  a  ce  tjii  rite 

iocoittesU'e  î  N  «'sl-il  pas  pr..    _  i    I  rin- 

c  ipe  à  priori  ?  Ne  forme-i-il  pas  le  poini  de  départ  d'un  dé- 
veloppcineut  purement  analytique  dans  1m  Mathcmatiquet 
pures  el  la  mécanique  rationnelle  i 

H  oe  faut  pas  que  la  forme  déductÏTe  decei  seieoces  nous 
fasse  illusion  :  les  conclusions  en  sont  pur^  *  V>>trailcs, 
comme  les  données.  Elles  déterminent  ce  q.  j,  sicer- 

tainc!»  ligures  mobiles  sont  réalisées,  et  si  la  quantité  mesu- 
rable y  demeure  constante.  On  ne  peut,  sans  tourner  dans  un 
cercle  vicieui,  considérer  les  faits  coninie  nétessains.  au 
nom  d  un  principe  dont  la  légitimité  ne  repose  que  sur  I  ob- 
servation des  faits.  L'expérience,  à  laquelle  le  principe  ma- 
thématique doit  sa  valeur,  eu  limite  elle-même  la  |iorlëe. 
Nous  u  ivon!i  pas  le  droit  d'ériger  ce  principe  en  vérité  ab- 
solue et  de  le  promener  en  quelque  sorte  à  travers  toutes  les 
sciences,  i  travers  la  morale  elle-même,  en  renverant  aveu- 
glément tout  ce  qui  s'oppose  i  son  passage.  Celle  for- 
mule algébrique  ne  crée  pas,  ne  gouverne  mène  pts  les 
choses  :  elle  n'est  que  l'expression  de  leurs  rapports  exté- 
rieurs. 

Cependant,  même  en  ce  sens,  ne  renuelle  pas  iovraisem- 
blable  1  existence  d'un  degré  quelconque  de  contingence 
dans  la  production  du  mouvement  ? 

On  voudrait  pouvoir  concilier  les  deux  principes,  el  il 
semble,  au  premier  aborti,  que  la  chose  soit  possible:  la  con- 
servation de  la  force,  en  edet,  esclotelle  un  emploi  contin- 


DE  Là  Matière  55 

geni  de  celle  même  force  ?  Si  la  coniiugence  n'esi  pas  dans 
la  quantité,  ne  pourrait-elle  être  dans  la  direction  ? 

Mais  cette  distinction  est  inutile  dans  le  cas  présent.  Car, 
pour  changer  la  direction  d'un  mouvement  conform  emeni 
aux  lois  de  la  mécanique,  il  faut  faire  intervenir  un  mouve- 
meut  nouveau  ou  supprimer  l'un  des  mouvemcnis  compo 
saols,  c'est-à-dire  augmenter  ou  diminuer  la  quantité  de  la 
force 

bi^tinguera-t-on  le  mouvement  proprement  dit,  ou  mouve- 
ment de  translation,  et  le  mouvement  caché  ou  moléculaire  ; 
et  diral-on  que  la  loi  de  la  conservation  de  la  force  déter- 
mine i  la  vé'ité  la  quantité  de  mouvement  moléculaire  qui 
peut  résulter  d'un  mouvement  de  translation  donné,  et  réci- 
proquement, mais  non  pas  la  transformation  de  l'un  dans 
l'autre,  et  que  cette  transformation  du  moins  peut  être  coa* 
tingeuie  ? 

Mais  le  mouvement  moléculaire  n'est  au  fond  qu'une 
somme  de  m  ins,  qui  ne  dilTèrenl  du  mou- 

vement de  II  -  que  par  l'absence  de  résul- 

tante. Comme  tel,  il  ne  peut  te  changer  en  mouvement  de 
translation  que  par  un  changement  survenu  dans  la  'Jirec- 
tion  des  mouvements  élémeniaircs,  c'est-à-dire  encore  par 
l'intervention  d'une  force  nouvelle,  par  une  augmentation 
ou  une  diminution  de  la  quantité  de  mouvement. 

Restreindra-ton  la  possibilité  du  mouvement  contingent 
au  cas  où  les  forces  concourantes  déterminent  un  état 
d'équilibre,  et  dira  t-on  que  lintroduction  d'une  quantité 
infiniment  petite  peut  quelquefois  suffire  à  rompre  l'équilibre, 
comme  il  arrive  dans  le  cas  de  la  balance  folle  ? 

Mais  cet  équilibre  idéal  est  il  jamais  réalisé  ?  Ensuite,  si 
petite  qu«  l'on  suppose  la  force  a.iditionuelle,  ne  faut-il  pas 
]u'elle  ait  uue  intensité  mesurable  pour  engendrer  un 
efTet  ? 

■OVTROUI.  4 


56      DE   LA  CONTINGENCE   DBS  LOIS  DE  LA   RATDIE 

Din-t-OD  qu'il  peut  m  prodaire  dam  la  oalare  des  eai 
analogue»  aux  hypothèses  des  prublémes  qui  compurtontio- 
diHerenimcDi  |»lusieun  solatinos,  parce  que  louics  les  coq- 
dilions  qui  seraient  oécesaairet  pour  déterminer  entière- 
meut  le  rékuliat  oe  se  reocootrent  pas  dans  les  données  ; 
et  que.  dans  ces  cas  du  moios,  la  réalisaiioo  d'une  résul- 
faste,  de  préférence  aux  autres,  est  rontingeoie  T 

Mais  ce  serait  méconnaitre  la  loi   suivant 
qu'il  n'y  a  pas  de  raison   pour    qu'un  cou  ; 
plutùt  que  l'autre,  il  ne  se  produit  rien. 

Ailvguera-t-ou  que  le  caltul  de^ 
vable  une  permanence  relative  de   i 
riabilité  contingente  des  détailf  ;  et  que  la  décoaterte  de  la 
d<  'on  inhérente  au  tout  n«'  •' 

llr,  "    primordiale    de   cas    |  it 

fortuits  ? 

Mais  il  est  inr\  ^  la  r<  jlii' 

soient  jamais  ail  nis.  I.cii<" 

contient  un  sac,  par  exemple,  est  un  élément  de  détermina- 
tion ;  et  c'est  pr<  ;'  i<e  de  cet  élément  «]iii 
traîne  Pexisteni .  uostante.  Qnant  à  1< 
termination  apparente  des  cas  particuliers,  ne  s*évanoui^ 
elle  pas  si  l'on  adoet  l'exisleace,  dans  la  naiare,  de  deux 
sortes  de  causes  :  les  obm  conrergentes,  pemuuienles  et 
universelles,  celles-là  mêmes  qui  engendrent  ta  loi;  les 
autres  insignifiantes,  passafèrM  et  dépourvues  de  conver- 
gence, qui  s'annulent  MBSiblement  entre  elles  et  équivalent 
ainsi  pratiquement  au  hasard  supposé  par  le  matbéroaiicien  ? 
Le  calcul  des  probabilités  rentre  dan«  le  cas  des  prubleoMS 
dont  les  données  sont  inconiplcies.  Or  n'est-ce  pas  là  ■•• 
abstraction  artificielle  ? 

Peut-on  enfin  »cinder  le  monde  donné,  et  admettre  que 
la  loi  de  la  conservation  de  la  force,  nécessaire  et  absolue. 


DE   LA   MATIÈRE  57 

là  OÙ  elle  s'applique.  D'est  du  moins  pas  aDirersetle,  et 
qi!  lie  des  élres  en  est  aATraiicbie  ?  Peuion  dislin- 

gii.  iites  sources  de  mouvement,  les  unes  purement 

maiérielles,  les  autres  vivanles  où  même  pensantes,  et  res* 
treiodre  aux  premières  l'applicatiou  du  principe  des  forces 
Tïves  ? 

Mais  cette  distinction  parait  illcgillme,  si  Ton  songe 
qu'entre  la  pensée  considérée  comme  dirigeante  et  le  mou- 
vement perçu,  il  y  a  une  infinité  d'intermédiaires,  et  que 
l'expérience  distincte  n'atteint  jamais  un  commencement  de 
série  mécanique.  En  réalité,  la  doctrine  dont  il  s'agit  se 
conforme,  dans  un  cas,  aux  conditions  d'une  explication 
scientifique  ;  et,  dans  l'autre,  elle  s'y  soustrait.  Quelle  sera 
la  mesure  de  la  force  dont  disposeront  ces  agents  supérieurs, 
bétërogenes  i  l'égard  des  agents  mécaniques?  D'ailleurs,  où 
voit-on  qu'une  quantité  de  force  emmagasinée  dans  le$  nerfs 
produise  plus  de  travail,  y  compri»  des  deux  eûtes  le  travail 
passif,  que  la  même  quantité  de  force  emmagasinée  dans 
un  ap[>areil  piireiiK'iii  lU'Tiniiijue  ? 

En  somme,  il  tii  impoNsible  de  concilier  un  degré  quel- 
conque de  contingence  dans  la  production  du  mouveuieni 
avec  la  loi  de  la  cou  i  de  la  force,  admise  comme 

absolue.  Une  telle  cm  ^  •■  ne  se  peut  concevoir  que  si 
I  lie  loi,  en  ce  qui  concerne  le  monde  mécanique  lui  même, 
Il  est  pas  r<  '    la  nature  des  choses.  Of 

une  icllf  <l<  ment  contraire  à  l'eipé- 

rieuce  ? 

Il  ne  faut  pas  s'abuser  sur  la  portée  do  signe  =.  employé 
pour  exprimer  la  relation  qui,  en  vertu  de  cette  loi,  lie  entre 
•Iles  des  iorce»  concourantes  et  leur  résultante.  D'abord 
l'homme  ne  peut  jamais  constater  une  égalité  absolue. 
Ensuite,  en  dépit  de  celte  égalité,  la  résultante  est  quelque 
chose  de  nouveau  par  rapport  aos  antécédents.  Il  v  avait 


.).^      OB   LA  CONTiNCeNCB  DBS  LOIS   DE   LA   NATI'IIB 

pluftieart  forces:  Il  o'j  eo  •  plas  qu'une.  Ces  force»  av;>iciii 
cerlaiaes  dircriions  :  la  direction  est  changée.  Q(icli)ue  cliox' 
ëuil,  qui  n'est  plus;  quelque  chose  D'élail  pas,  qui  est.  Il 
est  vrai  que  les  transformations  particulières  et  cnrr  '•-  > 
te  ramonent  :'i  des  transformations  gënt'rales  et  ël>  s 

et  ainsi  apparaissent  comme  nécessaires,  siooo  en  eiles- 
mcmes,  du  moins  par  rapport  i  ces  principes  supërieurs. 
Mais,  si  simples  et  si  immédiates  que  soient  les  transforma- 
tions du  mouvement  énoncées  dans  les  principes  gém-raui, 
elles  impliquent  toujours  un  anéantissement  et  une  création 
Or  esl-il  intelligible  qu'un  mouvement  soit  la  raison  suffi- 
sante de  son  pru|ire   anéantissement  et  de  1'  - 
nouvement  nouveau?  Peut-on  admettre  un  li* 
entre  ce  qui  n'est  plus  et  ce  qui  est,  entre  ce  qui  est  et  ce 
qui  n'est  pas  encore,  entre  l'être  et  le  non-étre  ? 

La  loi  de  la  conservation  de  la  force  suppose  an  change- 
ment qu'elle  n'explique  pas,  qu'elle  rendrait  niéme  inintelli- 
gible, si  elle  était  considérée  comme  gouvernant  sans  i  < 
tage  les  modes  primordiaux  de  la  roelière.  Elle  n'est  < 
pas  absolue.  Elle  n'a  pas  d'empire  sur  ce  changement  initial 
qui  doit  avoir  lieu  pour  qu'elle  puisse  s'appliquer. 

Mais,  dira-ton,  les  éléments  variables  ne  sont  que  les 
qualités  des  choses,  ils  n'en  sont  pas  la  substance.  Celle-ci 
consiste  dans  la  figure  et  le  mouvement,  c'est-i-dire  préci- 
sément dans  cet  élvnicnt  quantitatif  dont  la  loi  mathématique 
ariirnic  la  conservation. 

Cette  doctrine  a  pour  conséquence  de  réduire  i  de  pures 
apparences  le  changement  qualitatif,  et  avec  lui  tout  ce  que 
la  nature  nous  offre  de  plus  relové,  sans  qu'on  puisse  conce- 
voir un  rapport  possible  entre  l'élément  immuable  dont  on 
fait  la  sabstance  des  choses  et  le  changement  qualitatif  qui 
en  devient  le  plténoméne. 

Ensuite  •Il  .1111.1  <  i.it.isie  aajusterëlémenidontonafirme 


DE    LA    MATIÈRE  S9 

la  permanence  i  travers  tous  les  changements  qualitatifs  f 

Est-ce  ia  quantité  pare  et  simple  ?  —  Mais  la  quantité  n'est 
qu'une  mesure,  une  abstraction,  une  limite  idéale,  et  noL 
une  réatilé. 

Est-ce  la  quantité  de  plusieurs  qualités?  —  Mais  on  ne 
peut  comparer  entre  elles  que  des  mesures  relatives  à  uiir 
seule  et  même  qualité. 

[:st-ce  ia  quantité  d'une  seule  et  même  qualité,  laquelle 
srrail  précisément  l'étendue  figurée  et  mobile?  —  Mais,  i  ce 
compte,  lequel  est  la  substance,  de  la  quantité  qui  ne  parvient 
jamais  k  se  réaliser,  à  obtenir  la  détermination  et  la  fixité 
qu'elle  réclame,  ou  de  la  qualité,  qui  impose  à  la  quantité 
cette  fluctuation  perpétuelle,  contraire  à  son  essence?  La 
quantité  o'est-elle  pas  de  nouveau  subordonnée  à  un  élément 
d'une  autre  nature  ;  et,  dans  ces  conditions,  se  comporte- 
telle  exactement  de  même  que  si  elle  eiistait  en  soi  ?  Trou  ve- 
l-on,  mt^mc  dans  une  qualité  aussi  élémentaire  que  l'étendue 
figurée  et  mobile,  la  détermination  et  l'identité  que  supposent 
les  mathématiques  abstraites  ?  D'abord,  cette  qualité  o'esl- 
elie  pas  intimement  unie  aux  autres,  et  ne  doit-elle  pas  s'j 
rattacher  par  des  gradations  insensibles,  de  même  <|ue,dans 
des  régions  supérieures,  les  propriétés  physiques  et  chimiques 
»e  I  '  '  tit  peu  à  peu  de  la  vie  ?  Le  mouvement  vibratoire, 

pai  ne  rcpréseute-t-il  pas  un  de  ces  degrés  intermé- 

diaires? Ensuite,  et  par  là  môme,  y  a-t-il  parfaite  identité  de 
nature  entre  tous  les  mouvements  réels?  Les  uns  ne  sont-ils 
pas  plus  susceptibles  que  les  autres  d'engendrer  des  mouve- 
ments vibratoires  ;  et,  s'il  eo  est  ainsi,  un  ensemble  de  lorcet 
composantes  forme-t-ii  un  tout  parfaitement  homogène? 

trestse  mettre  en  dehors  des  runditions  mêmes  de  b  rëa* 
lité.  que  de  considérer  la  quantité  relaiivement  à  une  qualité 
homogène,  ou  abstraction  fait*)  de  toute  qualité. Tout  ce  qui 
est  possède  des  qualités  et  participe,  i  ce  litre  même,  de  l'in 

A. 


60      DE   kk  C0?(Tt7(Ge?ICI  DES  LOIS  DR   LA  RATtflR 

dët«nninaiioa  et  de  la  variabilité  radicales  qat  «ont  de  l'et- 
Moce  de   la  qualité.  Ainsi,  l  >•'  de  la  permaoence 

tbtolae  de  la  quatiiiiù  ne  »>  a, ,  ,  pas  exartemrnt  aui 
choses  réelles  :  celles-ci  ont  ud  fonds  de  vie  et  de  change- 
ment  qui   ne  s'r|>iii<«(;  jnmai«^.  La  reni:  "  re  que 

{tréscnient  les  niatliémaliques  comme  ^  uitc  ne 

Doas  autorise  pas  à  regarder  les  absiractioos  mathématiques 
elles-mêmes,  sous  leur  forme  rigide  et  monotooe,  comme 
l'image  eiacle  de  la  réalité. 

L'eipérieoce,  d'ailleurs,  si  larges  qu'en  soient  les  baset, 
ne  nous  montre  nulle  part  des  ensembles  me  parfai- 

tement stables.  Les  révolutions  mêmes  des  n  i>arais- 

sent  si  uniformes,  n'ont  pas  des  périodes  absolument  iden- 
tiques. La  loi  fixe  recule  devant  l'obitcrvateur.  Il  l'atleindrail, 
suppose-t-il,  s'il  pouvait  observer  le  tout.  .Mais,  dans  i'cspare 
et  le  temps,  qu'est-ce  que  le  tout?  L'indétermination  qui 
subsiste  invinciblement  dans  les  moyennes  relatives  aux  en- 
sembles mécaniques  les  plus  considérables,  a  vraisemblable- 
ment sa  raifon  dans  la  contingence  de<«  détails. 

Mais,  si  les  révolutions  générales  sont  estrémement  lentes 
et  presque  insensibles,  que  doit-il  en  être  des  variations 
de  détail  qui  les  déterminent?  Ainsi  la  nature,  contem(»lce 
pendant  un  instant,  semble  immobile,  alors  qu  en  réalité 
tout  se  meut,  vit  et  se  développe.  El,  si  le  progrès  contingent 
du  monde  mécanique  se  fait,  comme  il  est  vraiseriiblablo.  par 
transitions  continues  ;  si  les  variations  élémentaires,  quand 
elles  ne  s'annulent  pas  les  ooes  les  autres,  agissent  par  leur 
nombre,  leur  durée  et  leiii  '     r 

lOleaailé,  un  ne  voit  pas  • 

iior  les  choses  arec  précision  qu'en  les  analysant,  pourrait 
M  vérifier  directement  l'eiistenre.  Il  est  d'à  "  is 

Mt  OÙ  il  siinil  de  variations  insignifiantes  ei  . 
Ml  elles*m^me«  ponr  déterminer,  en  définitive,  par  une  suite 


DE    LA    MATIÈRE  61 

de  contre-coups  parement  mécaniques,  des  résnitats  consi- 
dérables. Telles  sont  parfois  les  ruptures  d'équilibre.  La 
graine  tombée  du  bec  d'un  oiseau  sur  une  montagne  couverte 
de  neige  peut  produire  une  avalanche  qui  comblera  les 
fallées. 

Ainsi  l'apparitioa  de  la  matière  et  de  ses  modes  est  une 
nouvelle  victoire  des  choses  sur  la  nécessité  :  victoire  due  i 
la  Talear  supérieure  de  la  matière,  et  aussi  k  l'élasticité  du 
tissu  des  raiixcs  et  des  espfrcs,  qui  a  permis  k  celle  forme 
nouvelle  d'y  naiire  et  de  s'y  dcvelu|iper. 


CIIAPITKE  V 


DBS  COtM 


Est  i!  possible  de   cr<<er  le    monde  uns  employer  auin 
chose  que  de  la  matière   et  du  mouvement?  Ces   ronr'pi- 
une  fois  admis  comme  données  indispensables  et  irrciia. 
tibles,  tout  le  reste  esl-il  désormais  explicable  T 

Au-dessus  de  la  matière  proprement  dite  m  trouvent  le» 
essences  physiques  et  chimiques,  c'est-à-dire  les  corps,  ai 
sein  desquels  la  figure  et  le  mouvement  nous  apparaissent 
Ont-ils  leur  raison  sulTisante  dans  l'existence  du  mouvemeo! 
et  de  ses  lois,  ou  renferment-ils  encore  quelque  chose  d'irré 
duclihie  ?  S'il  arrive  que  la  matière  n'explique  pas  les  corps 
k  plus  forte  raison  n<*  saiir.*ii-cll»»  oxidiiM-r  l.i  \ir  ri  h 
pensée. 

iiài>  :  ;  la  maticro  ii  i'\jiih[iht.mi  mr  \t.i>  ic>  r«ifji> 

Il  ne  Si  ,  ii«- ce  qii  il  fteui  y  avoir  de  relatif  a  l'homme 

dans  lidée  qu'il  se  fait  des  objets  physiques  et  chimiques. 
Il  ne  s'agit  pas  de  l'élément  subjectif  des  sensations,  malt 
simplement  de  leur  cause  extérieure.  Or  pourquoi  la  part 
des  choses  dans  It  senution  ne  s«  réduirait-elle  pas  at 
mouvement  ? 

Certes,  il  est  impossible  de  coatlddrer  oos  ëuu  de  coa 
cieoce  (  omme  des  propriélét  de  la  matière  eilërienre,  et  ce 
ne  peut  être  le  fait  d'être  senti  qui  distiogue  objectivement 
les  corps  de  la  matière.  Mais  s'ensuit  il  qu'il  o*t  ait  rien  de 


DES  CORPS  63 

plos  dans  la  substance  sonore  on  lumineuse  que  dans  la 
matière  pore  et  simple  ?  La  partie  descriptive  de  la  science 
physique  est>elie  sans  objet? 

S'il  sufiit  qu'une  manière  d  être  soit  donnée  dans  un  état 
de  conscience  pour  que,  de  celle  manière  d'être,  rien  n'ap- 
partienne aux  choses,  le  mouvement  lui-même  ne  leur  appar- 
tient pas.  Car  il  ne  nous  est  donné  que  dans  des  sensations 
tactiles  ou  visuelles  dont  nous  avons  conscience.  Si  l'on  fait 
abstraction  du  tact,  le  mouvement  devient  absolument  incon- 
cevable ;  et  ainsi  rien  n'est  plus  obscur  que  la  doctrine  qui 
fait  du  mouvement,  selon  l'idée  immédiate  que  nous  en 
•YODS,  l'élément  extérieur  par  excellence.  Le  mouvement 
que  nous  connaissons,  c'est-à-dire  le  mouvement  perçu,  ne 
peut  être,  comme  toute  perception,  que  le  signe  de  la  chose 
donnée  :  il  n'en  est  pas  l'image.  Que  si,  néanmoins,  on  Tat- 
tribue  aoi  choses,  on  ne  peut  arguer  de  l'iulervention  de  la 
conscience  dans  la  cunnaissanre  des'corps  pour  leur  refuser 
t«s  propriétés  physiques  proprement  dites. 

Mais,  objeclera-t-on,  il  ne  faut  pas  multiplier  les  êtres  sans 
nécessité.  Il  est  prouvé  que  les  diverses  propriétés  physiques 
ont  toutes  ane  seule  et  même  cause  extérieure  et  que  cette 
cause  est  le  mouvement.  Un  même  agent,  appliqué  aux  or- 
ganes des  différents  sens,  produit  les  différentes  sensations  ; 
et  des  agents  en  apparence  différents,  appliqués  à  l'organe 
d'un  seul  sens,  produisent  tous  la  même  sensation.  Les  divers 
agents  physiques  ne  sont  donc  que  des  variétés  d'un  seul. 
On  sait  d'ailleurs  que  le  son,  la  chaleur  et  sans  doute  la  lu- 
mière se  ramènent  au  mouvement.  Donc  tous  les  agents  phy- 
siques se  ramonent  au  mouvement. 

Cette  démonstration  n'est  pas  rigoureuse 

D'abord  la  loi  de  l'équivalent  mécanique  de  la  chaleur 
n'implique  nullement  la  réduction  de  la  chaleur  propre- 
ment dite  au  mouvement,  mais  simplement  l'existence  d'ua 


64      DB   LA  CONTINGENCE  DES  LOI»  DR   LA   NATURE 

moaTeroeotroolërulaire  dans  le  corps  qui  d^lennina  en  aoa» 
U  tentation  de  chaleur. 

Entuile,  si  (oui  n'est  que  monvrment,  d'où  vient  que  la 
conscience  éprouve,  en  présence  des  corps,  des  sensations 
dVspèces  diverses?  T  a-t-ii  donc  plusieurs  con<>ciences  de 
nature  dilTérente,  correspondant  à  plusieurs  cat(*gories  de 
mouvements,  et  créant,  i  l'occasion  de  ces  différences  rela- 
tivement quantitatives,  des  différences  qualitatives?  Mais  la 
con!>cieDce  est  esseniiellement  uue  et  identique,  et  ne  p<'ul 
reudre  compte  de  ce  passage  de  l'un  au  multiple,  do  sera- 
biable  au  divers.  Il  est  d'ailleurs  manifeste  qu'il  ne  s  agit  pas 
ici  d'une  diversité  purement  ciiericure  et  de  variétés  d'un 
type  unique.  La  sensation  de  chaleur  est  radicalement  hété- 
rogène par  rapport  à  la  sensation  de  son.  Puisque  cette 
hétérii  lie  peut  trouver  son  eiplicalion  d;i>'  ire 

de  la  •  ut;,  il  reste  qu'elle  ait  sa  rariae  daii  ire 

des  choses  elles-mêmes,  et  que  la  matière  ail  la  propriété 
de  revêtir  des  formes  irr/  '        '  "       .  '*        n.    •  ■        ..^ 

géuéité  Cht  étrangère  à  i<  .>». 

bile,  c'est-i-dire  de  la  matière  proprement  dlle.  Le  mouve- 
ment vibratoire  lui  nu^me  ne  peut  être  dit  hétérogène  i 
l'égard  du  niuuvcmcut  de  translation.  Ce  sont  simplenenl 
grandeurs,  directions,  intensités,  modes  divers  d'un  même 
phénomène.  Il  faut  donc  admettre  que  les  objet*:  -  "  '^s, 
même  abstraction  faite  de  ce  que  la  conscience  ;  re 

d'elle-même  dans  la  sensation,  ne  se  réduit  pas  a  de  la 
matière  en  mouvement.  La  matière  ébranlée  semble  n'être 
eu  eux  que  le  véhicule  de  propriétés  su|)érieures,  lesqu«llea 
sont  les  propriétés  physiques  proprement  dites.  <•  re 

nouvelle  consiste  pour  nous  dans  la  capacité  de  : .1  la 

couscience  des  sensations  hélérogèaM. 

S'il  arrive  qu'un  méine  agenl  impressionne  d  m 

les  différent»  sens,  c'est  penl-êtr#>  p»rr#>fimv  «>•(!  j 


DES  CORPS  65 

reace  simple,  il  est  compipxe  et  comprend  en  réalité  autant 
d'agents  distincts  qu'il  cause  de  sensations  diverses.  La  cha- 
leur, la  lumière  et  l'électricité,  par  exemple,  peuvent  s'ac» 
compagner  les  unes  les  autres,  d'une  manière  plus  ou  moins 
constante,  sans  pour  cela  se  conTundre  en  un  seul  et  même 
agent.  Peut-être  aussi  le  fait  en  quesliuo.  et  avec  lui  le  fait 
inverse,  ft'expliqueraient-ils  en  admettant  que  les  organes  d«*s 
sens,  dont  la  nature  est  appropriée  aui  impressions  qu'ils 
doivent  recevoir,  conservent  en  eux-mêmes,  à  l'elai  latent, 
une  certaine  somme  d'impressions  physiques  proprcnxnt 
dites,  fournies  par  les  objets  extérieurs  ;  et  que,  sous  l'in- 
fluence de  (-crtaincs  excitations,  ces  impressions  passent  de 
l'étal  latent  à  ictai  mauileste.  C'est  ce  qui  se  produirait,  par 
exemple,  dans  le  cas  d£s  sensations  imaginaires  et  dans  les 
longes. 

Ainsi  les  éléments  physiques  et  chimiques,  les  corps,  eo 
tant^u'iis  sont  susceptibles  d'hétérogénéité,  ne  se  confon- 
dent pas  avec  la  matière  pure  et  simple.  Us  n'en  (leuvent 
dériver  par  voie  de  déveloopenicnt  atialytique,  mais  impli- 
quent l'addition  d'un  élément  nouveau. 

Celte  addition  est  elle  l'efTet  d'une  synthèse  causale  posée 
a  priori  par  la  raison  ? 

Il  ne  peut  ëlre  ici  question  des  concepts  particuliers  rela- 
tifs à  la  matière  des  phénomènes  physiques,  c'est-à-dire  à  la 
chaleur,  à  l'électricité,  à  la  combinaisuu  chimique,  etc.  Ces 
propriétés  ne  sont  évidemment  connues  que  par  l'expérience. 
Mais  on  pourrait  peut-être  considérer  comme  donnée  à  priori 
la  fonnc  ginéralc  de  ces  propriétés,  c'est-à-dire  la  iransfor^ 
mation  de  la  maiicre  en  substances  héiêrogéncs.  Du  moment 
que  l'être  est  soumi>  aux  conditions  de  l'espace  et  du  temps, 
comme  l'est  par  définition  b  matière,  il  ne  peut,  seœble-til, 
réaliser  toutes  ses  puissances  qu'en  se  diverMfiaDt  à  rinlini. 
Vu   r.'ivdn  de  soleil  (|ui  a  |la^^é  à  trj\ers  Uh  |iiisiiie  UO  COQ- 


66      OB   LA  CONTI?IGEMCK   DES   tOIS   DE   LA   NATIIII 

Mnre  loul  ce  qu'il  ren^ermail  de  lumière  qu'ea  te  colorant 
de  mille  nuance»  diverses. 

Ainsi  entendu,  le  concept  îles  (jualii»  i  iit'liTopfn*"*  pré- 
sente sans  doute  les  caractères  d'un  ronrept  à  priori.  Mais 
il  ne  fait  oullement  comprendre  pourquoi  les  forme*  de  la 
matière  se  ramènent  i  un  petil  nombre  de  classes  telles  que 
le  son,  la  chaleur,  ou  les  CNpcces  {liimiques,  au  lieu  d'éire 
en  nombre  infini.  De  plus,  il  fait  supposer  que  tout  ce  qui 
est  dans  le  temps  revéi,  par  là  même,  ooe  forme  physique,  tJt 
qui  n'est  nullement  certain. 

La  définition  scientifique  des  corps  n'implique  pas  ces  idées 
métaphysiques:  elle  contient  simplement  l'idée  de  choses 
matérielles  hétérogènes  qui  tomiienl  sous  les  sens,  el  ainsi 
cite  ne  dépasse  nullement  la  portée  de  l'cipérience. 

Dira-t-on  que,  dans  la  définition  des  corps,  les  qualités 
sensibles  ne  sont  pas  considérées  comme  de  pura  phéno* 
menés,  mais  comme  des  propriéiés.  c'est-à-dire  comme  de» 
causes  génératrices,  el  que  de  telles  essences  ont  un  carat- 
tère  suprasensible? 

Mais  ce   serait  s'écarter  de   l'acception   scie: 
termes*  propriétés,  affinités,  cohésion  •,  etc.   <  ' 
sion»  ne  signifient  rien  autre  chose,  sinon  l'uniformité  avec 
laquelle,  certaines  sensations  nous  étant  don  riaines 

autres  nous  sont  données  également.  Une   ^  ;  >    n'est 

jamais  qu'une  relation  observable  entre  deux  groupes  d« 
pbénoaiènw. 

L»  patMi*  des  propriéiés  maihémaiiques  ani  propriétés 
physiques,  de  la  matière  aux  corp»,  ne  peut  donc  être  conai- 
déré  à  priori  comme  imposé  aux  choses.  Mai»  les  choses 
elles-mêmes  ne  nous  préscnten telles  pas  celte  synthèse 
comme  nécessaire  en  fait?  Ne  peut  on  dire,  par  exemple, 
que,  vraisi  nilibblement,  tout  ce  qui  est  possède  des  pro- 
pri'-i'^*  ohysique»? 


DES    CORPS  67 

Il  est  certain  qu'un  grand  nombre  de  choses  auxquelles 
on  n'attribuait  d'abord  que  des  propriétés  inférieures  ou 
supérieures  aux  propriétés  physiques  proprement  dites,  par 
exemple  les  astres  et  la  matière  vivante,  nous  apparaissent 
maintenant  comme  possédant  des  propriétés  ohysiques  su- 
perposées aux  premières,  impliquées  dans  les  secondes.  Mais 
s'ensuit-il  que  tout  ce  qui  est  possède  des  propriétés  physi- 
ques ?  Par  exemple,  est-il  certain  que  toat,  en  l'homme,  soit 
corporel?  D'autre  part,  ne  voyons-nous  pas  la  science  elle- 
même  supposer,  pour  l'explication  de  certains  phénomènes, 
une  substance  extrêmement  simple,  appelée  éther,  laquelle  ne 
posséderait  guère  que  des  propriétés  mécaniques,  et  serait 
comme  dépourvue  de  propriétés  physiques  proprement  dites  ? 

<'.ependant,s'îl  est  impossible  d'aflirmer  que  tout  ce  qui  est 
(iu-»sède  des  propriétés  physiques,  le  caractère  fatal  de  l'ap- 
parition de  CCS  propriétés,  là  où  elles  existent,  ne  ressort-il 
pas  suffisamment  de  la  loi  même  qui  gouverne  cette  appari- 
tion ?  Les  propriétés  physiques  sont-elles  autre  chose  que  des 
mouvements  transformés  ;  et  cette  transformation  ne  se 
produit-elle  pas  suivant  des  lois  nécessaires  7 

Ce  raisonnement  implique  uuc  confusion.  La  physique  ne 
montre  pas  que  la  chaleur,  dans  toute  la  compréhension  du 
terme,  ne  soit  qu'un  mouvement  transformé,  c'est-à-dire  que 
le  mouvement  disparaisse  pour  faire  place  à  un  phénomène 
physique  non  mécanique.  Elle  montre  simplement  que  sous 
la  chaleur,  sous  la  lumière,  etc.,  phénomènes  en  apparence 
purement  physiques,  il  y  a  des  mouvements  d'une  nature 
spéciale,  et  que  ces  mouvements  sont  la  condition  des  phé- 
nomènes physiques  proprement  dits.  Dès  lors  le  mouvement 
ne  se  transforme  pas  en  chaleur,  mais  en  mouvement  d'un 
autre  genre, en  mouvement  moléculaire;  et c*est  uniquement 
p;ii  '  ition  d'idées  que  ce  mouvement  lui  nu-me  est  ap- 

pci'  -■  'r  par  les  physiciens.  La  chaleur  proprement  dite 
Wimioci.  S 


08      DE    LA   COMTI>tGK.>C£   OKÂ   LOIS   (*K    Li   NaTLME 

•e  distingue  dn  mouvemeal  moléculaire  lui-inèiDe  ;  et  ain<ki 
l'apparition  n'eu  est  pas  eipliquée  imméJiatt-moiil  par  la  loi 
qui  etpli(|ur  le  passage  du  mouvemeal  de   tnn«Utioo  a 
mouvement  moléculaire. 

Mais  ne  voit  oo  pat  le  phéooroèoe  physique  se  produire 
constamment,  lorsque  certaine»  condiiion«>  ■  tes  sont 

réalisées?  N"e$t-il  pas  vraisemblable  que  ce  .>os  mé- 

caniques se  réalisent  en  Tertu  des  lois  mathématiques  ;  et 
ne  s'ensuii-il  pas  que  la  nécessité  maihénatique  elle-m«^me 
garantit  l'existence  nécessaire  du  monde  physique  ? 

Cette  déduction  est  purement  abstraite  ;  car,  eo  ce  qui 
concerne  les  choses  réelles,  la  nr<  fias 

certaine  ;  et  rien  ne  prouve  que  b  •os 

mécaniques  des  phénomèues  physiques  ne  soit  pas  précisa 
ment  l'un  des  cas  où  se  manifeste  la  >  iioe  du  noa- 

vt  ment    II   est  remarquable  que  ces   '  .^  dépasaem 

comme  intinimeot,  eu  complication,  toulM  les  combinaison» 
que  l'honime  peut  imaginer  eu  assemblant  un  :  ' '~  flni 
d'éléments   mathématiques  déterminés.    Aussi   1  .ou 

des  mathématiques  à  la  physique  concrète  ne  donne-t-elle 
jamais  que  des  résuItalA  approtimatifs.  On  pense,  il  est  vrai. 
que,  si  Ton  connaissait  toutes  les  conditions  mécaniques  des 
phénomènes  physiques,  on  pourrait  prévoir  ceus-ci  avec  une 
certitude  absolue.  Mais  il  s'agit  de  savoir  si  le  concept  «  toutes 
les  conditions  i  répond  à  quelque  chose  de  réel  ;  s'il  eiisfe, 
pour  les  phénomèoM  physiques,  un  nombre  fini  de  rondi* 
tions  mécaniques  enlièrement  déterminées.  Ensuite,  lors 
même  que  l'on  pourrait  ainsi  déduire  le  phénomène  phv»ique 
de  ses  con' 
Ton  en  po  1 1  r    < 

et  ainsi  indéfiniment?  Pourrait-on  établir  que  nulle  part, 
dans  I  ^^ive  dMcaiUM  MéeaoiqvM.  aese  g1i»r 

la  m<.,  ,1.  ♦ 


»ES   CORPS  69 

(>tte  hypothèse  ponrrait  sembler  gratuite  si  le  moQTcmeni 
prtisoiiiaii  partout  les  mt'mos  apparences,  et  n'existait  jamais 
que  pour  Ini-mt^me.  Mais,  tandis  que,  dans  le  cas  des  phéno- 
mènes mécaniques  onlinaires,  le  mouvement,  manifestation 
d'une  résultante,  est  purement  el  simplement  un  rhanj^e 
meut  survenu  dans  les  rapports  de  position  de  plusieurs 
m»sses  étendues  ;  dans  le  cas  dont  il  s'agit,  le  mouvement, 
caché  dans  les  replis  de  la  matière,  demeure  sans  résultante, 
mais  supporte  des  propriétés  nouvelles  et  supérieures.  Kela- 
tivement  simple  dans  le  premier  cas,  il  est,  dans  le  second, 
d'une  complication  comme  infinie.  On  ne  peut  d'ailleurs 
concevoir  comment  un  mouvement  quelconque  aurait  dans 
un  autre  mouvement  sa  raison  suffisante  et  il  peut  suffire 
d'une  variation  extrêmement  faible  dans  les  mouvements 
ëlémeutMires  pour  entraîner,  dans  les  conséquences  éloignée:», 
des  changements  considérables.  S'il  en  est  ainsi,  n'est-il  pas 
vraisemblable  qu'il  y  a  une  part  de  'contingence  dans  la 
production  des  conditions  mécaniques  des  phénomènes  phy- 
siques ;  et  que  l'apparition  de  ces  «lerniers,  encore  qu'ils 
puissent  être  liés  uniformément  à  leurs  conditions  mécani- 
ques, est  contingente  elle-même? 

Cependant  le  monde  physique,  comme  tel,  a  lui  aussi  sa 
loi.  Les  phénomènes  ne  s'en  produisent  pas  au  hasard.  Si 
celle  loi  est  absolue,  l'intervention  du  monde  physique  dans 
le  monde  méctuiqu*»,  coniiiigenie  par  rapport  à  oelui-ri,  sera 
en  définitive  régie  par  une  nécessité  interne  propre  au  monde 
physique  lui-même;  et  par  conséquent,  ce  qui  était  en  partie 
indéterminé  quand  on  se  plaçait  à  un  point  de  vue  pure- 
ment mathématique,  .ipparaltra  comme  entièrement  déter- 
miné, lorsque  l'on  tiendra  compte  des  actions  physiques 
proprement  dites  qui  influent  sur  le  cours  des  pbouo- 
mè nés  méeaniques.  Ainsi  L  iHan<>ie  Ijrann»  semblait  errer 


/U      DE    LA    COnTi:^CiK:<CB    DM    1.018   DE    La    IiATt  nt 

au  haMrd,  alom  que  r«n  ignorait  l'exitleoce  de  Noptane. 

Mais  comment  déterminer  b  lui  propre  au  monde  plty«ique, 
distingué  du  monde  mécanique?  La  acicnce  positive  aban- 
donne de  plus  en  plus  le  point  de  vue  descriptif,  qui  oc  peut 
fournir  de  données  précises,  et  ramène,  autant  que  pos- 
sible, tes  phénomènes  physiques,  relativement  qualitatifs,  à 
des  phénomènes  mécaniques  relativement  quantitatifs.  Par 
exemple,  elle  n'étudie  pas  la  chaleur  elle-m^me,  mais  bien 
dans  son  équivalent  mécanique.  Klle  cherche  de  mémel  equi* 
valent  mécanique  de  l'électricité  et  des  autres  ageots  physi* 
ques.  De  la  sorte,  c'est  aux  mathématiques  elles*mémes  que 
revient  la  Uche  de  déterminer  scieoliiiquemeDt  la  loi  des 
phénomènes  physiques. 

Si  le  parallélisme  que  suppose  cette  roéibode  ett  absolu, 
il  ne  peut  être  question  d'une  coniinppuce  propre  -rit 

non  mécanique  des  phénomènes  pli)>iques:  la  1<  ,  ,  ^ue 
mécanique  donne  exactement  la  mesure  de  la  loi  physique 
proprement  dite.  Or  est-il  certain  que  l'ordre  mécanique 
impliqué  dans  l'ordre  physique  rn  suit,  à  la  lettre,  l'équiva- 
lent ? 

En  un  sens,  lexpresMon  «i    «  cqiiivaieiice  »  \>'  ir- 

faiiement   légitime  :  il  peut  être    exact  que  tel  i  ne 

physique,  considéré  isolément,  est  toujours  accompagne  de 
tel  phénomène  mécanique.  Mais  en  ce  sens,  l'equi^vlence 
mécanique  des  phénomènes  physiques  ne  peut  fouinir  la  loi 
propre  à  ces  derniers,  parce  qu'il  reste  à  savoir  s  il  n'y  a  pas 
action  et  réa(  tinn  entre  les  deux  ordres  de  phénomènes,  el 
si  l'élément  physique  proprement  dit  n'influe  pas  sur  l'éléroeot 
mécanique. 

Pour  que  la  loi  mécanique  puisse  être  considérée  conine 
la  traduction  de  la  loi  physique  proprement  dite,  il  but  que 
l'équivalentt*  eiiite,  non  seulement  entre  leN  '  Iretde 

fait»,    mai»    entre     les    deux   ortires    de    i  cuire 


DES  CORPS  71 

l'enchaînement  des  faits  physiques  el  l'enchatnement  de  leurs 
conditions  mécaniques.  Or  celte  seconde  équivalence  semble 
inintelligible,  parce  que,  tandis  que  la  variable  est  homogène, 
rélément  qui  doit  en  être  fonction  est  hétérogène.  Le  mou- 
vemeot  est  susceptible  de  changer  d'une  manière  continue: 
il  n'en  est  pas  de  même  de  la  transformation  d'un  état  phy- 
sique ou  chimique  en  un  autre.  Quels  sont  les  étals  physiques 
intermédiaires  entre  l'état  électrique  des  pôles  de  la  pil«  et 
l'état  lumineux  du  charbon  ?  Les  états  physiques  proprement 
dits  peuvent-ils  varier  aussi  peu  que  l'on  veut,  de  même  que 
leurs  conditions  mécaniques?  Enfin,  n'y  a-t-il  pas  des  cas 
où  te  parallélisme  semble  eiTectivement  violé,  comme  lorsque 
Tadditioii  d'une  faible  quantité  de  mouvement  transforme 
un  phénomène  chimique  en  phénomène  lumineux  et  un  phé- 
nomène lumineux  en  phénomène  calorifique,  ou  fait  passer 
un  corps  d'un  état  à  un  autre,  c'est-à-dire  produit  brusque- 
ment un  phénomène  tout  nouveau  ? 

Ainsi  il  n'y  a  pas  équivalence  complète  entre  l'ordre  des 
phénomènes  physiques  proprement  dits  et  celui  de  leurs  con- 
ditions mécaniques  ;  et  la  loi  des  uns  o'est  pas  préjugée  par 
celle  des  autres. 

On  est  donc  amené,  pour  juger  de  la  nécessité  interne  du 
monde  physique  proprement  dit,  à  l'examiner  en  lui-même, 
c'esl-i-dire  à  laisser  de  c6té  la  partie  mathématique  des 
sciences  physiques  pour  eo  considérer  la  partie  descriptive. 
Il  est  <  I  'le  vue,  on   ne  peut  arriver  ii  des 

résnli.r  .     ^  à  ceux  que  l'on  obtient  en  consi- 

dérant  aoiqueroent   les   phénomènes    mécaniques  engagés 
dans  les  phénomènes  physiques.  Mais  la  science  roaili  :n^ 
tique  n'est  apparemment  pas  le  type  unique  de  la  cui^ 
tance.  Quelle  sera  donc,  en  ce  sens,  la  loi  du  monde  phy* 
tique? 

£o  dépit  de«  appareoces.il  n'est  pas  vraiA«mhl«hfe  qie  la 


72    ne  la  comtincencb  des  lois  dr  la  ratuiii 

cbalfurqai  survient  ou  dUparalt.  lorsqu'un  aoaremoat  tf« 
Innslaiion  se  change  en  mouvement  molerulaire  et  récipro- 
quement, oai«6e  de  rien  ou  snit  anéantie.  On  peut  admeiire 
qu'il  etisie  un  élal  latent,  sinon  de  la  chaleur  mécanique 
(laquelle  n'est  que  le  mouvement  moléculaire),  du  moiot 
de  la  chaleur  physique  au|)erposée  i  ce  moment;  et  que  la 
chaleur  physique  demeure  dan»  cet  état,  quand  elle  n'est  pat 
sensible.  Eo  somnie,  le  monde  physique  se  conserve  comme 
le  monde  mécanique.  Les  mêmes  a((enls  subsistent  avec  les 
mêmes  propriétés  ;  et  la  quantité  de  matière  chimique  de- 
meure sensiblement  la  oiéme.  On  peut  donc  se  demander  s'il 
n'y  a  pas,  au  sein  do  monde  physique,  un  principe  de  nécea* 
silé  qui  consisterait  dans  la  conservation  de  l'action  physi 
que  elle-même 

Il  peut  sembler,  au  premier  abord,  qu'en  admettant  celle 
loi,  on  ne  ferme  pas  tout  acres  à  la  contingence  dans  le 
monde  physique.  Celle  loi  implique  sans  doute  l'éicalité  de 
l'état  conséquent  par  rapp«>rt  à  Iriji aniii< ëdeni,  au  poini de 
Tue  physique  lui-même;  mais  elle  o'eiige  pas  immédiate- 
ment que  le  passage  de  celui-ci  i  celui-li  soit  odeeaaaàrt; 
elle  détermine  riniensitê,  non  le  mode  des  phëaomèBie; 
elle  mesure  la  force,  elle  n'en  assigne  pas  l'emploi.  Dès  lors 
ne  peut-on  penser  que  celle  loi  énonce  simplement  la  con- 
dition sous  laquelle  se  produisent  des  transformations  d'ail- 
leurs coutin^senttfs? 

Mais,  pour  que  le  changement  d'étal  s'eipliqoe  physi^«e> 
ment,  il  faut  qu'une  ou  plusieurs  circonstances  physiquee 
soteol  veanes  s'ajouter  aui  conditions  donnéea  o«  ^nt  eer> 
lainee  de  ces  conditions  aient  dispam,  ee  qei  tappoee  lia- 
tcrventioo  ou  la  disparition  d'une  certaine  quantité  d'action 
physique.  Les  modes  ne  sont  que  des  absiraciions,  b1Is  n'ont 
pa»  quelque  intensité.  Ce  serait  donc  vainement  que  l'on 
(lifrrhaleoi  dansie  monde  pbysiqne  des  marques  de  contla- 


DES  CORPS  73 

gcnce  si  la  coDsenaiioD  de  l'aciion  physique  devait  être 
admise  d'une  façoa  absolue  Mais  celle  loi  est  elle  évidente? 

D'abord  elle  ne  résalte  pas  de  la  définiiion  même  des  pbé> 
fl(,  it's,  puisque  l'idée  d'une  puissance  de  chan* 

gei  lans  le  corps  ne  détermine  évidemment  pas 

l'intensité  de  cette  puissauc  c 

Ensuite  elle  ne  peut  être  rapportée  à  un  principe  synthé- 
tii]ue  a  priori,  puisqu'elle  est  relative  à  une  forme  de  l'être 
duot  nous  n'aurions  certainement  jamais  l'idée,  si  nous  étions 
réduits  à  la  raison  pure. 

Si  elle  est  nécessaire,  ce  oe  peut  être  que  d'une  nécessité 
de  ^ait,  établie  par  l'expérience  et  l'induction.  .Mais,  à  ce 
point  de  vue  encore,  la  probabilité  est  du  coté  de  la  contin- 
f-nce. 

la  iliéorie  des  états  latents  est,  sans  duule,  plausible,  du 
M.ttment  où  l'on  n'admet  pas  que  les  états  physiques  propre- 
ment dits  soieois  des  mouvements  métamorphosés.  Mais  elle 
ne  garantit  qu'imparfaiiement  l'égalité  des  actions  physiques 
aiitecedentesctconsequeiites.il  est  en  efTel  invraisembbble 
qu'un  état  latent  implique  la  même  quantité  d'action  que 
l'étal  manifeste  correspondant.  On  peut,  il  est  vrai,  supposer 
qu'en  même  temps  que  telle  propriété  physique  passe  i 
l'état  latent,  telle  autre  se  manifeste,  et  réciproquement;  et 
qit'  iiiaintient  dans  l'univers  par  suite  d'uno 

riMi  'lelle.   Mai>  cette  hypothèse   sur  l'en- 

semble des  choses  dépasse  le  champ  de  l'expérience.  Noua 
ne  pouvons  même  savoir,  par  elle,  ai  l'ensemble  des  chosea 
est  une  qnaniii«'  finie. 

Kn  elle-même,  la  loi  de  la  conservation  de  l'action  phy» 
siqiie  se  prête  mal  à  la  vérification  expérimentale.  Kilo 
implique  une  unité  de  mesure  de  l'ordre  physique  propre* 
ment  dit.  Or,  l'hétcrogéuéité  réciproque  des  étals  physi* 
ques    met    obstacle    à    la    comparaison     quantitative.    La 


7  »      DR   LA  CONTINGENCE   DES   LOIS   DE   LA   NATI'RB 

|iart  lin  changement  tVmportc  âé\k  sur  la  part  de  ta  portna- 
oencc,  parce  qne  l'olémenl  qualitalif  Joue  dcji  oo  rb\e  coa> 
sidérable.  Les  lois  physiques  et  chimiques  le»  plut  elëmeo- 
laircs  et  les  plus  générales  énoncent  des  rapports  entres  des 
choses  tellement  hétérogrnet,  qu'il  est  impossible  de  dire 
que  le  conséquent  soit  proportionnel  à  ranlëcédent,  et  ea 
résulte,  i  ce  litre,  comme  l'efTei  résulte  de  la  cause.  L'élé- 
ment fondamental  commun  entre  raolécédeot  et  le  COO' 
séqurni,  condition  de  la  liaison  nécessaire,  nous  échappe 
presque  complètement.  Il  n'y  a  là,  pour  nous,  que  les  liaivonc 
données  dans  l'expérience  et  contingentes  comme  ell<- 

Ainsi  on  peut  admettre  qu'il  va  quelque  chose  de  coniin- 
gent  dans  les  rapports  fondamentaux  des  phrnomrnes  phy- 
siques  proprement  dits;  et,  s'U  csl  vrai  qne  les  lois  propres 
au  monde  mécanique  ne  sool  pas  absolument  n  <^, 

on  peut  concevoir  que  let  agents  physiques  ini  ut 

dans  le  cours  des  phénomènes  mécaniques,  de  manière  i  y 
susciter  les  conditions  de  leur  réalisation  oir  de  leur*  varia* 
lions  contingentes. 

S'il  en  est  ainsi,  le  monde  physique  n'est  pas  immuable.  I.a 
quantité  d'action  physique  peut  augmenter  ou  diminuer  dans 
l'univers  ou  dans  des  portions  de  l'univers.  N'e^t-ce  pas,  en 
effet,  ce  qui  semble  s'être  produit  i  travers  les  siècles, 
s'il  est  vrai  qu'une  matière  coimique  élémeouire,  presque 
aussi  uniforme  que  l'espace  ini-m<^me,  s'est  peu  i  peu  agré- 
gée pour  former  des  astres  doués  de  lumière  et  de  chaleur; 
et  que  du  sein  de  ces  astres  est  sortie  une  variété  infinie  de 
corps,  de  plus  en  plus  riches  en  propriétés  physiques  et 
chimiques  ?  N'est-ce  pas,  en  sens  inverse,  ce  qai  semble  se 
produire  sous  DOS  yeux,  s'il  est  vrai  que  certains  systèmes 
sieltaires  perdent  peu  à  peu  leur  éclat  et  leur  chaleur,  et 
marchent  vers  une  dissolution  qui  les  fera  retourner  à  l'étal 
de  pon««ière  indiniinrief 


DES  CORPS  75 

Et,  si  de  pareilles  révolutions  s*accomplissen\  daos  cer- 
taines parties  de  l'univers,  qui  peut  aftirroer  qu'il  se  produit 
ailleurs  des  révolutions  exactement  inverses  qui  rétablissent 
l'équilibre? 

Les  lois  particulières  paraissent  nécessaires  parce  qu'elles 
rentrent  nécessairement  dans  les  lois  générales;  mais,  si  les 
lois  les  plus  générales,  trame  des  lois  particulières,  peuvent 
▼arier,  si  peu  que  ce  soit,  tout  Tédifice  du  destin  s'écroule. 

L'ensemble  n'est  que  la  somme  des  détails.  La  forme  de 
l'ensemble  oe  peut  être  contingente  que  s'il  y  a  dans  les 
parties  un  élément  indéterminé.  Mais,  si  la  contingences  des 
lois  générales  n'amène  que  de  faibles  variations  pour  des 
masses  immenses  et  des  périodes  de  temps  considérables, 
comment  les  éléments  de  ces  variations  apparaltraient-ils  à 
l'expérimentateur  qui  opère  pendant  quelques  instants  sur 
quelques  parcelles  de  matière? 


CHAPITRE  VI 

DES  ftTRBS  TITAUTS 


Si  de  l'examen  des  corps  iDorgsniqiies  on  passe,  sans 
transition,  i  l'examen  des  types  élerës  des  règnes  animal  et 
végétal,  on  ne  comprend  pas  comment  les  premier»  poor^ 
raient  engendrer  les  seconds;  et  l'on  rëpagoe  à  croire  que 
les  lois  physiques  et  ctiimiques  sunisent  i  expliquer  les  phé* 
noroènes  physiologiques.  Mais,  lorsque,  ft'-^'nt  l'ëchella 
des  êtres  vivants,  on  voit  peu  à   peu  les  >  se   con- 

fondre, les  organismes  se  simplilicr,  la  conforroation  devenir 
plus  flottante  ou  se  rapprocher  des  figures  géométriques; 
lorsque,  finalement,  on  arrive  k  ces  êtres  rndiroentaires  qui 
tiennent  le  milieu  entre  l'animal  et  le  végétal,  ou  plutôt  oa 
sont  encore  ni  des  animaux  ni  des  végétaux,  et  qui  ne  coo- 
sistent  guère  qu'en  une  masse  homogène  et  informe  de 
matière  alhuminoide  où  la  vie  ne  se  révèle  plus  que  par  la 
nutrition;  ou  bien  encore  lorsque,  remontant  la  série  des 
phases  qui  précèdent  l'état  parfait  des  êtres  supérieurs,  on 
dëcoorre  une  analogie  entre  ces   pli  '     ^  i 

des  espèces  inférieures;  lorsque  l'on  ' 
différents  provenir  de  parties  à  peu  près  semblables,  ces 
parties  ellea-ménx-  nent  se  ramener  à 

WiéléiBentmicru>         .  _  M-mcnt  d'une «ouche 

solide,  d'une  couche  molle  et  d'une  couche  liquide:  on  peut 
»e  demander  si  le  BODde  fÏTant,  pareon  eitréniité  inférieure 


DES   ÊTRES    VIVANTS  77 

du  moinB,  ne  lient  pas  au  monde  inorganique;  et  si  le  simple 
jeu  des  forces  physiques  et  chimiques  ne  suffil  pas  i  engen- 
drer,  non,  sans  doute,  immédiatement  les  organismes  com- 
pliqués, mais  tout  d'abord  la  matière  virante  élémentaire, 
et  ensuite,  par  cette  matière  même,  toute  la  hiérarchie 
J«^s  formes  organiques. 

^i  d'ailleurs  on  analyse  les  principes  de  la  rie,  on  n'y  trouve, 
scm!>le-t-il,  aucun  élément  qui  n'existe  déjà  dans  le  monde 
idorganique. 

i.a  matière  albumiooîde  des  cellules  est  composée  princi- 
paiement   de  carbone,  d'oiy^rone,   'I  •  ne  et  d'azote. 

Quant  au  mode  de  corobinaisou  de  rt^  ils  et  à  l'insta- 

bilité extrême  du  corps  organisé,  ces  caractères  peuvent 
t*ex  '  ar  des  rapports  de  nombre,  de  poids,  de  forme, 

ée  i  parle  mode  de  mouremeot  moléculaire,  ou  bien 

encore  par  quelque  propriété  physique  de  l'un  des  compo- 
sants,  du  carhune  par  exemple,  propriété  qui,  d'ordinaire 
latente,  se  nianifesterait  ici  en  vertu  de$ conditions  spéciales 
où  il  est  placé.  Ne  voyons-nous  pas,  dans  la  chimie  inorga» 
nique,  les  composés  les  plus  divers  résulter  de  la  combinai» 
son  des  mêmes  éléments,  pris  dans  des  proportions  diffé» 
rentes? 

Les  fonctions  des  cellules  ont  aussi  leurs  analogues  dans  le 
monde  inorganique.  Elles  produisent  denouvellescellules  eu 
convertissantdes  substances  él«>mentaires  en  protoplasma.  A 
l'origine,  dans  les  cellules  non  encore  munies  de  membranes, 
celte  conversion  a  lieu  sans  intussusception:  or  an  cristal, 
plongé  dans  une  dissolution  de  nature  chimique  identique 
avec  la  sienne,  à  l'eiai  de  sursaturation,  fait  cristalliser  le  sel 
contenu  dans  ce  liquide.  Les  cellules  prennent  des  formes 
dét'  ■•'elles:  il  en  est  4t 

m»ii  rer  de  forme  saot 

différer  de  composition  chimique  ;  et  l'on  en  voit  qui,  lorsqu'ils 


78   DE  LA  CONTINGENCB  DES  LOIS  DE  LA  RATUBI 

tont  lëgèrrroent  ëbrëchés,  reprennent  leur  forme  dant  une 
dissolution  saline  con? enable,  aux  dépens  de  celle  dissolution 
anéme. 

KhRi)  let  cellule*  se  combinent  et  forment  des  systèmes. 
ainsi  dos  gouttelettes  de  mercure  se  confondent  dans  une 
goutte  totale. 

Il  semble  donc  qu'il  n'y  ail,  entre  le  monde  vivant  et  le 
monde  physique,  qu'une  différence  de  degré  :  une  plos 
grande  diversité  dans  les  éléments,  une  plus  grande  puis- 
sance de  différenciation,  des  combinaisons  plus  complètes. 

L'observation  des  êtres  vivants,  considérés  au  point  de  vue 
de  leur  nature  actuelle,  confirme  t-elle  de  tout  point  ces  in* 
diirtions  fondées  sur  leur  gcncse? 

Une  cho.<ie  est  d'abord  remarquable,  c'est  que  si,  dans  le 
monde  mathématique,  la  matière  mobilesemblait.  au  premier 
abord,  posée  avantle  mouvement,  et,  danslt- '  if*, 

en  nK-ine  temps  que  lui  ;  ici  les  apparences  i:.^  .us 

montrent  le  mouvement  comme  posé  avant  la  matière  corre<- 
pondante,  le  cliati/eincut  «-unuiir  (  l'être,  le  travail 

organisateur  ronune  précédant  I  '    .  >'-.  Le  «  mot  vie  • 

signifie  avant  tout  «  mouvement  automatique  ».  L'être  vivant 
ii-iiisriirme  ronlinuetlement:  il  se  nourrit,  se  dfveloppe, 
iidn*  d'autres  êtri's;  il  «;st  d'une  instabilité,  d'une  Oetibi- 
lité  singulières.  Une  vapeur,  une  goutte  d'eau  menace  son 
or  il  se  modifie  lui-même  en  tous  Sens,  il  fait 
l'uvres  pour  passer  «ans  encombre,  s'il  est  possible, 
entre  les  innombrables  écueils  dont  sa  route  esl  semée.  Il 
y  a  une  disproportion  frappante,  chn  l'être  vivant,  entre  le 
r«'de  de  la  fonction  et  celui  de  la  matière,  quelle  que  soit 
d  ailleurs  l'origine  de  la  fonction.  La  vie,  même  avec  un 
nombre  d'éléments  plus  resirrint  que  celui  qu'etpluite  la 
force  physique,  produit  des  oeavrci  bien  autrement  puis- 
santes  puisqu'un  brin  d'herbe  peut  percer  un  rocher. 


DES   ÊTRES   VIVANTS  79 

En  (]uoi  consiste  Pacte  vital,  Torganisalioa?  Il  est  clair 
qu'il  n'est  pas  sufrisamment  défini  par  le  terme  de  combinai- 
ton.  Il  ne  consiste  pas  dans  la  formation  d'un  agrégat  ana- 
logue à  un  morceau  de  soufre  ou  à  une  goutte  de  mercure, 
mais  dans  la  création  d'uB  système  où  -certaines  parties  sont 
subordonnées  ik  certaines  autres,  il  y  a,  dans  un  être  vivant, 
un  agent  et  des  organes,  une  hiérarchie. 

Cet  ordre  hiérarchique  a  til  sa  raison  suffisante  dans  la 
propriété  qu'ont  les  éléments  anatomiques  d'acquérir  des 
formes  dirr«'renics  les  unes  des  autres?  —  Non,  sans  doute, 
parce  qu'il  faut  que  la  différenciation  ne  se  produise  pas  au 
hasard,  pour  que  certaines  parties  se  subordonnent  aux 
autres;  il  faut  que  la  rellule  se  comporte  autrement  que  la 
matière  chimique  proprement  dite,  laquelle,  à  travers  les 
différentes  formes  qu'elle  revél,  ne  parvient  pas  à  créer  de 
systèmes  hiérarchiques. 

Mais  peui-circ  celte  difTërenciatioo  appropriée  s'explique- 
t-elle  par  les  conditions  différentes  de  la  production  et  de 
l'existence  des  différentes  cellules?  — Encore  faut-il  que  les 
cfllules  puissent  naître  et  subsister  précisément  dans  les  con- 
ditions requises  pour  déterminer  des  différences  de  valeur. 
On  ne  voit  pas  une  telle  flexibilité  dans  la  matière  inorga- 
nique. 

l'eut-on  dire  enfin  que  les  principes  qui  expli(|uent  toute 
(»rganisaiion  sont  les  conditions  internes,  la  composition  chi- 
mique des  métériaui  élémentaires,  c'est-à-dire  des  cellules? 
—  Mais  la  cellule,  en  supposant  que  tout  élément  vivant  s'y 
ramené,  est  un  être  qui  possède  déjà,  dans  une  certaine 
mesure,  les  caractères  mêmes  qu'il  s'agit  de  résoudre  en 
'S  :  la  hiérarchie  des  parties  et  la  fa- 
i-ellules  nouvelles,  entre  les  parties  des- 
quelles s'établira  la  même  hiérarchie.  Le  protoplasma  est, 
dans  la  cellule,  une  partie  maîtresse.  Il  crée  le  noyau  liquide 


80      DE  LA  CONTINGETICB  DIS  LOIS  DE   LA   NATmi 

et  la  mfnibranê  rigidf ,  et  il  ><ianre  i  un  étrt 

disiinci,  en  iitrndaiit  que,  ]  >ppemenl  roénie,  U 

produi&e  d'autres  êtres  qui,  eux  aussi,  s«  feront  une  cils* 
tenre  disiinrie.  I.:i  Hi  des  orgaaismeii  i  la  cellule  o« 

fait  que  reculer  b 

Eu  somme,  la  fonction  Tiiale  semble  être  une  crt'ation, 
sans  commencement  ni  fin,  de  systèmes  dont  !•  f,r^ 

sentent,  non  seulement  de  i'hélërogénéitë,  m:<i  <•  nn 

ordre  hiërarcbique.  L'être  vivant  est  un  Individu,  on  plut6t, 
par  une  action  continiiplle,  il  se  crëe  une  iti'  '  '  i.'-  et 
eufendre  des  êtres  capables  eux-roéroesd'indiM  i   or. 

ganisaiion  est  l'individualisation. 

Or  celle  fonction  ne  parait  pas  exister  dans  la  maii<  re 
inorganique.  Les  substances  chimiques,  si  composées  quelles 
soient,  n'offrent  à  la  division  mécanique  qiie  des  parties  si» 
niibires,  et,  par  conséquent,  ne  comportent  pas  laditr«'ren- 
ciation,  la  division  du  travail  et  Tordre  hiérarchique.  Il  n'y 
a  pas  d'individus  dans  le  monde  inorfranique,  et  il  n'y  a  pas 
d'individualisation.  L'atome,  s'il  existe,  n'est  pas  an  indi- 
vidu, car  il  est  bomog(>ne.  Un  cristal  n'est  pas  un  individu; 
car  il  est,  indiTiniment  peut-être,  divisible  en  crislant  sem- 
blables actuellement  existants.  Dira-t-on  que  les  svslèmes 
ct'lesles,  composés  d'un  astre  central  et  de  planètes  qui  en 
dépendent,  nous  offrent  l'analof^ue  de  l'indiridualitéf  Ces 
s^^tènles  comportent,  il  est  vrai,  une  sorte  de  hiérarchie 
apparente:  mais  ils  ne  sont  pas,  comme  les  êtres  vivants, 
déiomposabics,  jusqu'à  leurs  derniers  «-léments,  en  syslmies 
capables  d'individualité.  La  force  pb)>ique  semble  essajer, 
d.ins  l'inAniment  grand,  ce  que  la  vie  réalise,  dès  l'inAni* 
meut  petit.  .Mais  elle  ne  peut  atteindre  qo'i  la  ressemblance 
e  lerieure. 

Ainsi  l'être  vivant  renferme  an  élément  nouveau,  irrêduc» 
tible  aux  propriétés  physiques:  la  marche  vers   an  ordre 


DES  ÊTRES    TrVAMS  81 

hiërarchiqoe,  l'individualisaiion.  Le  rapport  qui  existe  entre 
les  propriétés  physiques  et  les  fonctions  vitales  n'est  donc 
pas  immédiatement  nécessaire,  comme  il  arriverait  si  les 
secondes  étaient,  d'avance,  contenues  dans  les  premières. 
Cependant,  même  à  titre  de  lien  entre  des  choses  radii  ale> 
ment  distinctes,  ce  rapport  est  nécessaire  s'il  est  affirmé 
dans  ane  synthèse  causale  a  priori.  Or  en  est-il  ainsi? 
Le  concept  de  la  vie  est>il  construit  par  l'entendement  pur? 

Si  l'on  entend  par  la  vie  un  principe  un,  sim|ile,  immaté- 
riel, qui  coordonne  des  moyens  en  vue  d'une  fin,  l'idée  de 
la  vie  ne  peut  dériver  de  l'observation  des  êtres  vivants.  Car 
nous  ne  voyons  pas  qu'ils  aient  jamais  une  unité  absolue.  Ce 
sont,  il  est  vrai,  des  organismes;  mais  les  parties  en  sont 
elles-mêmes  des  organismes,  doués,  dans  une  certaine 
mesure,  d'une  vie  propre,  jusqu'à  ce  que  l'on  arrive  à  la 
cellule  qui,  en  se  segmentant,  donne  naissance  à  plusieurs 
cellules,  et,  par  conséquent,  n'est  pas*radicaleinent  une.  De 
même,  l'idée  de  la  finalité  organique  oe  résulté  certaine- 
ment pas  de  l'expérience.  Celle-ci  nous  montre  sans  doute 
des  organes  en  harmonie  avec  leurs  fonctions;  mais  elle 
ne  Doas  apprend  pas  si  l'organe  a  été  créé  en  vue  de  la 
fonction,  ou  si  la  fonction  est  simplement  le  résultat  de 
l'organe. 

Ainsi  l'idée  d'un  principe  vital  on  et  Inlelligenl  est  i  la 
V-  rite  une  idée  a  priori,  mais  cette  idée  n'est  nulle» 
nii-nt  présupposée  par  la  connaissance  des  êtres  vivants.  Si 
elle  peut  être  admise,  c'est  comme  interprétation  métaphy 
sique  des  faits,  non  comme  point  de  départ  de  la  recherche 
expérimentale.  On  ne  voit  pas  quel  secours  peut  prêter  à 
robsenralioD  et  à  l'explication  scientifiques  des  phénomènes 
le  concept  d'une  essence  qui  n'est  pas  du  même  genre  qu'eus, 
et  qui,  par  suite,  ne  saurait  fournir  une  règle  applicable  aux 
cas  fournis  par  l'expërieDce.  Ces  principes  transcendants, 


82      DB  LA  COirriffGBNCB  DIS  LOIS   DB   LA  RATUBl 

appliqués  à  la  science,  risquent  de  gêner  et  de  fautter  I'od- 
tervaiion. 

Mais,  dira-t-on,  la  biologie  est,  à  tout  le  moins,  dominée 
f  I  par  les  deux  idées  suivantes.  D'abord  la  TÎe  est  la 

r<  I  d'un  type  et,  comme  telle,  est  un  lien  de  con- 

nexion entre  les  parties:  quand  un  organe  est  donne,  Tor 
g  iiexe  doit  être  donne  également,  fâl-ceii  l'état  ro- 

il  •  .  L'être  vivant  est  un  tout  Ensuite,  la  vie  est  une 

action  commune,  et  les  organes  sont  construits  de  manière 
i  pouvoir  y  concourir:  il  y  a  corrélation  entre  leurs  rôles, 
et,  par  suite,  entre  leur  formes.  En  ce  sens,  l'être  vivant 
est  un  système  harmonieux. 

Il  est  vrai  que  ces  deux  principes  sont  impliqués  dans  la 
biologie;  mais  ils  ne  dépassent  nullement  la  portée  de 
l'expérience,  et  c'est  elle-même  qui  les  a  révélés.  L'unité  n'y 
est  conçue  que  comme  rapport  constant  de  juxtaposition,  et 
l'harmonie  n'y  est  conçue  que  comme  influence  réciproque. 

La  liaison,  d'ailleurs,  n'est  considérée  comme  absolue,  ni 
dans  la  loi  des  connexions,  ni  dans  la  loi  des  corrélations: 
d'autant  que  chacune  de  ces  deux  lois,  prise  absolument, 
pourrait  faire  tort  à  l'autre.  La  conservation  du  type  pour- 
rait nécessiter  l'existence  d'organes  d'ailleurs  inutiles  ;  la 
conservation  de  l'individu  pourrait  nécessiter  des  dcro» 
gâtions  i  la  forme  typique. 

Ainsi  la  vie,  considérée  comme  totalité  et  harmonie, 
comme  unité  statique  et  dynamique,  n'est  pas  l'objet  d'une 
notion  à  priori  Le  rapport  qui  l'unit  aux  propriétés  physi* 
que»  nous  est  donné  par  rexprriince  et  en  partage  los 
caractères. 

Mais,  si  ce  rapport  n'est  pa»  nrrosuire  en  droit,  ne  peut- 
on  soutenir,  au  point  de  vue  même  de  l'expérience,  qu'il  est 
nécessaire  en  fait?  La  vie  n'est-elle  pas  partout  répandue 
dans  la  nature;  etl'ioimobiliiédela  matière  inorganique  est- 


DES   ÊTRES   VIYANYS  83 

elle  autre  chose  qu'uD  engourdissement  et  un  sommeil  ? 
f'uisque  cette  matière  se  transforme  en  subsiunce  vivante, 
ne  faut  il  pas  qu'elle  participe  déjà  des  propriétés  vitales? 

Cette  thèse  se  soutient  sans  doute  si  l'on  mutile  la  défini- 
tion de  la  vie,  si  on  la  réduit,  par  exemple,  à  l'idée  de  la 
roissance  et  de  la  confonnation  pures  et  simples,  proprié- 
tés déjà  inhérentes  aux  corps  appelés  bruts.  Mais,  considé- 
rée dans  son  tout,  dans  sa  forme  comme  dans  sa  matière,  la 
^ic,  ou  création  d'un  ordre  hiérarchique  entre  les  parties, 
n'iipparait  pas  dans  le  monde  pliysiqiie  proprement  dit.  Ce 
muiide  ne  nous  offre  rien  d'analogue  à  une  cellule.  Dira-l-on 
que  la  vie  s'y  trouve  i l'état  de  puissance,  etqu'elle  n'attend, 
pour  se  manifester,   que  les  conditions   favorables?   Mais 
c'est  précisément  de  la  vie  manifestée  qu'il  s'agit  ici.  Car,  si 
la  manifestation  peut  être  une  circonstance  indiftéreute  aux 
yeui  du  logicien  qui  ne  considère  que  les  concepts,  elle  est 
la  circonstance  capitale  aux  yeux  du  paturaliste  qui  considère 
les  choses  elles-mêmes. 
Cependant,  pour  que  l'apparition  de  la  vie  puisse  être 
'«nsidérëe  comme  nécessaire  en  fait,  ne  suffit-il   pas   que 
'  it>-  :i|  M  irition  ait  toujours  lieu,  lorsque  certaines  conditions 

«.'-Ul  I  i.al(M.*eS  ? 

Il  ne  peul  être  ici  question  que  de  conditions  purement 
physiques.  Car  il  y  aurait  cercle  vicieux  à  déduire  la  vie, 
mt^me  par  voie  d'héiérugénie,  d'une  matière  déjà  organisée. 
Ainsi,  pour  soutenir  celte  doctrine,  il  faut  pouvoir  affirmer 
(jii    '  "     >iis  au  milieu  desquelles  la  vie  ap|>.i:  >- 

i.i  i  vrai  que  la   vie  ait  ainsi  des  an  s 

invariables)  sont  purement  physiques,  et  quanti  leurs  •  l<- 
nKMits,  et  quant  à  leur  mode  de  combinaison.  Ce  u'esi  pas 
lotit.  Comme  un  état  de  choses  purement  physique  en  lui-même 
peut  être  le  résultat  plus  ou  moins  éloigné  d'une  interven- 
tion étrangère,  laquelle,  après  avoir  opéré  dans  l'ordre  des 


84      DE  LA  C0NTIN6E!(CK  M8  LOIS  Dk   LA   ri  ATI  HE 

pliéiiom''nc«   un**    d<>viaUoD    pla«  oo  moin»  con     ' 

•arail  lais&v  le^  c'  Otrs  rf(imnlp>  Irur  tour»  nom 

prouver  que  les  condidoDS  au  teln  desquelles  t'eti  roaoife^• 

lëe  la  vie  cul  été  amenées,  hi  haut  que  l'on  rrin '-■- 

l'échelle  des  causes,  par  des  (irconsiauces  pureu  i 

ques.  Il  De  suriiraii  pa»  d'une  expérience  de  laboratoire  pour 
dcuiouircr  l'ori^iue  physique  de  la  vie,  parce  qu  il  resterait 
à  savoir  si  le  monde  physique  peut,  iiar  lui-rof  me,  crôer  des 
conditions  analogues  i  celles  que  pose  leiLpënmealaleur  in- 
telligent. 

Et  la  matière  vivante,  dont  l'apparition  doit  élre  ainsi  expli- 
q*ioe,  n'est  pas  simplement  tel  ou  tel  pniduit  orga'  u 

organisé,  roipme  l'urée,  les  étliers,  les  sucres,  le-  -. 

lacide  acétique,  l'acide  forniique,  etc. :  c'eai  la  corfM  actif 
simple,  l'élément  rapahled'assimil;iii 
le  prolopbhma,  li-quel  se  crée  une  < 

devient  un  cellule,  se  nourrit,  se  développe,  produit  d'autre» 
cellule!»,  r^ril  vsl  munifole  que  l't^tre  vivant  a  la  i 
créer  des  produits  qui  ne  sont  pas  vivant» comme  In 
cumpiir  des  actes  en  partie  et  même  de  tout  point  physiques 
ou  mécaniques;  de  même  que  le  mon'      '  '     ' 

mique  donne  naissance  à  une  muliiiudt*  il' 
ment  mécaniques.  Une  cause  ne  sa  retrouve  pas  nécessaire- 
ment tout  entière  dans  ses  effets.  S'il  arrivait  que  le  pror)-:it 
or}:;iuique  dont  on  aurait  expliqué  pliysiqurmeutla  ttaiss.<i>  > 
fût  au  nombre  de  ceux  à  la  romiatiuu  dcoqueU  la  vie,  connue 
telle,  ne  contribue  (las,  et  qui  ne  sont  qu'un  contre-coup 
éloigné  et  purement  mécanique  de  l'inipuUion  vitale,  il  ser;iit 
iltt'giiime  d'étond.e  celle  cxiili.  ;iiion  physique  i  tous  les 
actes  physiologiques  sans  cxco|iiion, 

Kufln,  ces  difBcultës  vaincues,  U  reste  à  montrer  qoe,  la 
cellule  riant  donnée,  tous  les  êtr^s  "  ite- 

mrul  doDués  du  même  coup,  c'e^t-à  t  tous 


DES   ÊTRES   VIVANTS  8" 

de  la  cellule  suivant  uoe  loi  de  Décessité;  que  les  structures 
et  les  fooclioDs  les  plus  complexes  irouveni.  dans  cet  orga- 
nisme élémentaire,  leur  raison  suffisante. 

O   ■■  :  rations  parait  dépasser  inrin» 

:il.  iice.  Comment  rattacher,  par 

un  lieo  nécessaire,  les  conditions  physiques  des  êtres  vivants, 
notamment  des  êtres  supérieurs,  aux  phénomèues  du  monde 
physique  prupremeut  dit?  Comment  prouvt-r  que  nulle  part 
les  phénomènes  physiques  ne  sont  détournés  du  cours  qui 
leur  est  propre  par  une  intervention  supérieure?  Il  est  visible 
qu'il  y  a,  au  point  de  vue  de  la  complexité,  une  grande  dis- 
proportion entre  les  corps  inorganiques  les  plus  élevés  et 
les  corps  organisés,  même  les  plus  élémentaires.  De  plus, 
cette  complication  physique  singulière  coïncide  avec  la 
pr<  qualitt's  nouvelles,  d'un  ordre  tout  difTérent  et 

d  II!  tiou  cerlainemenl  plus  grande.  N'cst-il  pas  vrai- 

X  inblable  que  la  révolution  qui  s'est  produite  au  sein  de  la 
matière  inor-  '  r  ces  combinaisons  iuatten- 

dues  a  été  d  i  :iient  par  les  essences  supé- 

rieures ;  que  la  vie  a  posé  elle-même  set  conditions  physiques? 
Selon  celte  doctrine,  il  y  aurait  efreciivemcot  relation  de 
cause  à  efTet  entre  les  conditions  physiques  et  la  vie,  mais 
c'est  la  vie  qui  serait  la  cause. 

Il  o'est  d'ailleurs  pas  nécessaire  d  admettre  que  l'influence 
delà  vie  se  fait  sentir  brusquement,  et  que  le  progrès  se 
réalise  par  sauts.  L'action  du  principe  supérieur  peut  être 
plus  ou  moins  insensible  aux  yeux  de  celui  qui  considère  des 
moments  de  l'évolution  très  voisins  l'un  de  l'autre.  Il  peut 
sembler  alors  que  les  forces  physiques  agissent  seules.  On 
conçoit  aussi  que,  dans  certains  cas,  le  principe  supérieur 
laisse,  eo  quelque  sorte,  aux  forces  physiques  le  soin  d'à- 
chever  par  elles-mêmes  ce  qu'il  a  une  fois  préparé,  lorsque 
les  furcrs  f)liN  >.iiiiies  sont  sofC.'<aritr!>  pour  cet  olijft.  Dans  ces 


86      DE   LA   CONTINGCNCB   DES   LOIS   DE   LA   IfATCRI 

ca»,  le  pasMge  de*  cooditioDs  au  conditiooDé,  ao  f^in  même 
de  l'être  TiTant,  leraii  purement  physique,  bien  que  la  vie, 
comme  telle,  fût  un  principe  spécial. 
'  S'il  eo  est  ain&i,  le»  éicmcnt»,  la  matière  de  la  vie  tout,  il 
est  vrai,  exclusivement  des  forces  physiques  et  chimiques  ; 
mais  ces  matériaux  ne  rcsient  pa»  bruts  :  ils  sont   orc!" 
harmonisés,  disciplines  en  quelque  sorte  par  une  ini- 
tioD  supérieure.  La  vie  est,  en  ce  sens,  une  véritable  créa» 
tion. 

Mais,  si  la  vie  D'est  pas  enchaînée  aux   agents  physiques, 
ne  porte-t'clle  pas  en  quelque  sorte  l< 
même?  N'obéit -elle  pas  à  des  lois   spé«  i  <>- 

giques,  qui  ne  laissent  que  peu  ou  point  de  place  à  la  eon- 
lin(^ence  7 

Ht  d'abord,  n'y  a-t-il  pas  correspondance  exacte  entre  les 
phénomènes  physiologiques  et  les  phénomènes  physiques  ? 
N'y  a-t-il  pas,  par  conséquent,  au  sein  du  monde  vivant,  un 
principe  de  liaison  analogue  à  celui  qui  existe  dans  le  monde 
physique?  Et,  bien  que  la  vie  ne  soit  pas  un  phénomène 
physique,  la  part  de  contingence  qu'elle  admet  n'e«t-elle 
pas  exartoment  mesurée  par  celle  que  comporte  le  monde 
physique  proprement  dit  T 

il  est  sans  doute  vraisemblable  que  toute  modifiraiion 
physiologique  est  liée  à  une  modification  physique  détermi- 
née. Mais,  s'il  est  déjà  difficile  de  comparer  entre  eux,  au 
point  de  vue  de  la  quantité,  les  phénomènes  physiques  ;  et 
si  l'on  est  réduit,  quand  on  y  rherriie  un  élément  scientil- 
quement  déierminable.  à  en  mesurer  les  conditions  méca- 
oiques  :  n'est*il  pas  plus  difficile  encore  de  trouver  une  unité 
de  mesure  physiologique,  qui  permette  d'établir  la  corres» 
pondanrc  du  monde  vivant  et  du  monde  phjaiqne,  en  ce  qui 
concerne  les  rapports  respectifs  des  pbéoem^n**  H.»*  ^•»\ 


DRS     ÊTRES    riVANTS  87 

ordres  7  Comment  ramener  à  une  même  unité  spécifique  la 
diversité  des  formes  et  des  fonctions  vitales?  Il  faut  pour- 
tant avoir  mesuré  les  variations  respectives  de  deux  quan- 
tités, pour  pouvoir  considérer  l'une  comme  fonction  de 
l'autre. 

D'ailleurs,  la  vie  u  e>i-eile  pas  souvent  une  hiuc  nuitre 
les  forces  physiques  ;  et  ce  phénomène  se  concevrait-il,  si 
les  fonctions  vitales  n'étaient  que  la  traduction  pure  et  simple 
des  phénomènes  physiques  dans  un  autre  langage? 

Entin  n'y  a-t-il  pas  une  disproportion  infinie,  surtout  chez 
les  êtres  supérieurs,  entre  les  changements  physiologiques  et 
les  changements  physiques  correspondants  ;  par  exemple, 
entre  la  transition  physiologique  de  la  vie  i  la  mort  et  les 
conditions  physiques  de  cette  transition?  S'il  est  vrai  que 
toute  maladie  soit  une  modification,  non  seulement  pliysiu- 
logique,  mais  encore  physique,  cette  modification,  qui  est  un 
désordre  au  point  de  vue  de  la  vie,  en  est-elle  uo  au  point  de 
vue  de  la  matière? 

Od  06  peut  doDc  arguer  de  la  correspondance  qui  existe 
entre  les  phénomènes  vitaux  et  les  pli'  > 
pour  étendre  aux  premiers  le  degré  de  ih  h> 

dans  la  loi  des  seconds.  Si  l'ordre  des  phénomènes  vitaux 
e^i  lire,  c'est  en  eux-mêmes  que  résident  la  raison  et 

b  >tti  cette  nécessité. 

Les  lois  essentielles  de  la  vie  sembleol  être,  comme  les 
lois  physiques  et  mathématiques,  une  expression  appropriée 
do  la  formule  :  «  Rien  ne  se  perd,  rien  ne  se  crée.  » 

I^  loi  des  corrélations  organiques  suppose,  entre  les  fonc- 
ions partielles  et  la  fonction  totale,  une  relation  analogue  à 
celle  qui  existe  entre  des  forces  concourantes  et  une  résul- 
tante déterminée.  Si  l'une  des  forces  concourantes  estmodi 
fiée,  la  résultante  ne  pourra  demeurer  la  même  qu'-iu  moyon 
de  modifications  corrélatives  subies  par  les  autres  force» 


88      DR   LA  COKTIMGtNCt  DBS  LOIS   DB   LA   NATCllB 

coarourantei.  Ueméme,  6d  pbytiologie,  si  une  fooctioo  par* 
tielle  est  roodiflee,  les  autre*  le  seront  de  manière  que  la 
fooctioD  totale  reitle  possible.  La  loi  des  correUtioni  p«ut 
donc  «e  ramener  à  une  loi  plut  simple,  qui  serait  la  pe rroa- 
neii«-c  de  la  fonrtiou  totale,  à  travers  tous  les  changements 
que  peuvent  subir  les  fuuciions  partielles. 

Mais  la  fonction  totale  n'est  pas  seulement  une  fin  en  soi, 
elle  est  encore  le  moyen  par  où  •«  réalise,  toit  une  certaine 
forme,  suit  une  certaine  matière  orfaoisëe. 

Or  la  forme  et  la  matière  organiques  semblent  atoir  aussi 
leur  loi  propre. 

A  la  forme  se  rapporte  la  loi  des  conoexioot.  Cette  loi, 
qui  a  pour  corollaire  le  balancement  des  organes,  suppose, 
entre  les  formes  partielles  et  la  forme  totale  appelé*  type, 
une  relation  analogue  à  celle  qui  eiiste  entre  dea  velomea 
partiels  et  un  volume  total  détermine.  Si  l'on  des  volumes 
partiels  est  modifié,  lo  volume  total  ne  pourra  demeurer  le 
même  que  «i  les  autres  volumes  partiels  sont  modilés  d'une 
manière  correspondante.  De  même,  en  physiologie,  ai  uir 
organe  est  modifie,  les  aetrea  seront,  non  pas  •> 
mais  modifiés  eux  aussi,  de  manière  que  le  typ^* 
serve.  La  loi  des  connexions  peut  donc  m  ramener  A  la 
permanence  de  la  forme  ou  du  tvpe. 

Quel  est  maintenant  le  rapport  de  cea  deux  lois  entre 
elles  T 

Si  la  loi  des  connexions  rUiii  absolue,  c  e<(t-j  <ii.<- 
forme  existait  pour  elle-ui^me.  cetii*  loi  pourrait,  (luii>  rcr- 
tains  cas,  aller  contre  la  loi  des  corrélations,  en  néce»&iLant 
la  préeenee  d'orgaoea  d'ailleurs  inutiles.  Mais,  si  la  forme 
n'edete  ^ne  comme  réaaitat  des  fonctions,  si  la  loi  des 
eonneiionf  oal  subordonnée  i  celle  des  comélatioai,  les 
organet  deTront  tendre  i  saivre  lee  variations  dea  fonctions, 
décroître  à  mesure  qn'eliee  s'aMblliaent,  t'alropUer  ^aand 


DES   fiTRBS  VIVANTS  80 

elles  disparaissent.  Or  c*es!  préeisëment  ce  qui  arrive:  et 
ainsi  on  peut  admettre  que  la  loi  des  connexions  rentre,  en 
définitive,  dans  celle  des  corrélations. 

Enfin  la  production  de  la  matière  organisée  semble  sou- 
mise à  une  loi  analogue  à  relie  de  la  matière  brute.  Il  semble 
qu'il  existe  une  quantité  déterminée  de  matit-re  vivante,  et 
que  celle  quantité  reste  invariable,  i  travers  le  tourbillon 
vital.  Peut-être,  en  effet,  rassimilation  et  la  désassimilation 
6f  s  équilibre  dans  un  ensemble  suffisamment  con- 

fci  :  La  statistique,  à  mesure  qu'elle  opère  sur  de  plus 

larges  bases,  trouve,  pour  les  naissances  et  poar  les  morts, 
des  nvoyenoes  de  plus  en  plus  constantes,  et  de  plus  en  plus 
voisines  de  l'égalité.  Pour  l'individu  même,  la  vieillesse  et 
la  jeunesse,  dans  les  conditions  normales,  semblent  se  ba- 
lancer :  la  dé(  adence  vient  rétablir  l'équilibre,  qae  la  crois- 
sauce  avait  rompa. 

Cette  loi,  prise  absolameot,  semble  encore  radicalement 
distincte  de  celle  des  corrélations,  parce  qu'elle  peut  impli- 
quer ou  exclure  des  fonctions  d'ailleurs  inutiles  ou  néces- 
saires an  point  de  vue  de  l'action  d'ensemble.  Mais,  si  l'on 
admet  que  la  matière  org;iiiisée  n'existe  qu'en  vertu  de 
l'acte  organisateur  lui-même,  la  loi  qui  en  concerne  la  pro- 
duction rentre,  elle  aussi,  dans  la  loi  des  corrélations. 

En  somme,  de  ces  trois  lois,  la  première  est  la  mieux  éta- 
blie et  la  plus  permanente  ;  et,  s'il  arrive  que  les  deux  autres 
paraissent  ta  contrarier  et  exister  i>our  elles-mêmes,  ou  peut 
admettre  que  ces  divergences  tiennent,  en  dernière  analyse, 
à  un  manque  d'unité  et  d'homogénéité  dans  la  fonction  totale  ; 
au  mélange,  dans  des  proportions  plus  ou  moins  Inégales, 
de  divers  modes  d'orgariis;<i(i<>n. 

La  loi  suprême  da  monde  vivant  semble  donc  être  la  per- 
III  ''S  fonctions    loiali^s.  c'pst-à-dire  du  degré  de  l'or- 

g.i  I,  et,  par  suite,  la  permanence  des  tjpes  et  de  la 


90      DB  LA  C0!fTi;<GP.7ICe   DKS  LOIS  DB  LA   NATURB 

mauière  orgaoîque  elle-même  ;  en  on  mot.  la  cootenratioo  de 
la  vie. 

Peut-on  soolenir  que  cette  loi  n'implique  pat  la  nëcestité 
absolue  des  phénomènes  biologiques,  en  alléguant  que  la 
«onsorvalion  de  l'énergie  vitale  ne  préjuge  pas  le  mode  d*em- 
ploi  de  cette  énergie? 

Cette  iiiterpréiaiion  de  la  loi  de  conservation  ne  semble 
guère  plus  foii<1é«>  en  physiologie  qu'en  pbysiqae  oo  en  mé- 
canique. Les  choses  ne  sont  jamais  données  que  sons  une 
forme  déterminée;  et  les  déterminations,  le  mode  d'emploi, 
n*en  peuvent  être  modifiées,  silon  la  loi  de  conservation  elle- 
même,  que  par  l'intervention  de  conditions  nouvelles  du 
même  ordre,  lesquelles  altéreraient  la  moyenne,  si  elles  ne 
r^iisaicnl  pas,  d'avance,  partit*  du  m-  me. 

Le  problème  de  la  nécessité  des  in,  >  dani  ses  appli- 

cations, demeure  identique  dans  sa  forme  générale.  En  phy- 
siologie comme  en  physique  ou  en  mathématiques,  il  faut 
en  venir  i  le  poser  en  ces  termes  :  la  permanence  de  la 
quantité  donnée  eat-elle  nécessaire? Or,  quelle  n-ponse  doit- 
on  faire  à  cette  question,  en  ce  qui  concerne  la  vie? 

On  ne  peut  se  fonder  sur  ladéfiniiiouméme  de  la  rie  pour 
affirmer  qu'il  se  conserve  nécessairement  la  même  somme 
d'énergie  vitale  dans  l'univers.  Car  celle  déAniliun  lais^ 
indéterminé  le  nombre  des  êtres  vivants,  et  elle  admet  un 
très  grand  nombre  de  degrés  d'organisation. 

On  ne  peut  davantage  invoquer  un  principe  synthétique 
rationnel  {lennettant  de  construire  à  priori  la  science  phy- 
siologique. Car  l'impossibilité  d'une  telle  construciiuu  est 
manifeste  ;  el  les  termes  qui  constitueraient  ce  principe, 
pour  avoir  une  apparence  métaphysique,  ne  seraient  jamais, 
dans  leur  acception  utile  i  la  science,  que  deadoaoéM  eipé- 
rimrntalcs. 

Il  ne  reste  qu'à  consulter  i'e&périence  elle-même,  et  i  voir 


DES    ÊTRES   VIVANTS  91 

81  elle  garantit,  en  fait,  la  permaneuce  de  la  quantité  de  vie. 
Mais  il  ne  paraît  pas  qu'il  en  suit  ainsi. 

L'énergie  vitale  (même  ramenée  à  des  données  expérimen- 
tales telles  qna  la  complicatiuo  de  l'organisation  ou  réparti- 
lion  du  travail,  la  forme  anaiomiqne,  et  les  propriétés  de  la 
matière  organisée)  est  chose  presque  impossible  à  mesurer. 
Il  entre  dans  ce  concept  une  idée  de  qualité,  de  perfection, 
qui  semble  réfractaire  au  nombre.  On  ne  pourrait  dire,  en 
effet,  que  la  quantité  d'énergie  vitale  demeurât  constante, 
si,  le  même  nombre  de  cellules  se  conservant,  les  organismes 
compliqués  faisaient  tous  place  i  des  organismes  rudimen- 
lires. 

De  plus,  s'il  est  vrai  qu'un  grand  nombre  de  faits  mani- 
festent la  permanence  des  fonctions  et  des  organismes,  il 
tant  r-  '    aussi  que  d'autres  faits  semblent  im|)liquer 

àrs  \;ii  ,  hysiolo^çiques  plus  ou  moins  profondes.  >'fst- 

il  pas  au  pouvoir  de  l'homme  de  modifier,  plus  ou  moins, 
r.  i.'s  et  animales,  et  d'y  créer  des  va- 

n  '  '   .       mlité  d'une  éducation,  même  arlifi- 

D'Ile,  ne  roontre-t-elle  pas  que  les  fonctions  et  les  organes, 
C'       '  dans  leur  essence   même,  n'impliquent  pas  une 

iii>  ab>olue;  et  qu'ainsi  la  quaniiiû  de  vie,   si  elle 

demeure  sensiblement  la  même  dans  l'ensemble,  ne  demeure 
pas  telle  nécessairement  ? 

Et,  si  l'on  considère  les  êtres  vivants  laissés  i  eux-mêmes, 
ne  semble-t-il  pas  qu'il  y  ait  dans  certains  fails,  tels  que  l'exis- 
tence d'organes  rudimentaires  et  actuellement  inutiles,  la 
disparition  de  certaines  espèces,  la  perfection  croissante  des 
fossiles  dans  les  terrains  de  formation  de  plus  en  plus  récente, 
la  marque  d'une  force  de  changement,  de  décadence  ou 
de  progrès,  demeurant,  au  seio  de  la  nature  elle-mOme,  i 
>  la  force  de  conservation? 

Iité    niistr      iJirj  t  un.  nuis    r>II<>    n'inmliiiiie 
•iriBOoi- 


92      DE   LA   CONTIMGEnCK   DES   LOIS   DE   LA   NATURE 

•ucuoe  contingence,  elle  lalite  lububter  l«  oëce»ftilé.  Ce 
n'est  pas  qu'elle  ail  m  source  et  m  base  dan»  le»  lois  du 
règne  inorganique  :  il  est  eiact  que  celui-ci  ne  fournit  que 
les  matériaux  et  les  conditions  du  déTeloppement  organique, 
et  que  ce  dëve!opp4>ment  a  sa  caote  dans  b  nature  propre 
des  êtres  vivants  eiix-ménies.  Mais  e*est  une  loi  inhérente  à 
tout  organisme,  de  se  modifier  lui-même,  autant  que  le  corn» 
porte  sa  structure,  de  manière  ise  mettre eo  baroonie  avec 
le  milieu  dans  lequel  il  doit  vivre,  et  de  coo»«r?er,  d'accu- 
muler en  lui,  de  transmettre  même  k  sa  descendance  les 
modifications  ainsi  survenues.  1!  existe,  dans  les  étr«*~  m 
vants,  une  puissance  d  adaptation  et  une  puissance  d  h^Li 
lude  hérédiuire.  Il  y  a  chez  eux,  i  c6td  de  la  permanence, 
le  changement,  mais  le  changement  nécessaire,  déterminé 
par  une  loi  immnatile  d'accommodation,  et  fixé  dans  l'habi- 
lude,  qui,  elle  aussi,  est  une  faulité.  Ces  deux  lois  expliquent 
toutes  les  variations  orgai^  \  ont  pu  ou  peuvent  se 

réaliser.  Elles   assignent    '  ..<'.  d'elles  un  antécédent 

constant  ;  de  sorte  que  les  transformations  les  plus  profondes 
apparaîtraient  comme  eniiércment  déterminées,  si  l'on  con- 
naissait l'ensemhle  des  circonstances  au  milieu  desquelles 
elles  se  produisent.  Ainsi  la  nécessité  règne  dans  le  moi>d« 
vivant  comme  dans  le  monde  inorganique.  La  seule  diffé* 
rence,  c'est  que  la  loi  fondamentale  «»1  dans  celui  ci  un* 
loi  d'identité  essentielle,  dans  celui  là  une  loi  de  changement 
radical  ;  dans  l'un  une  loi  statique,  dans  l'autre  une  loi 
dynamique. 

Lst-il  admissible  qu'une  variabilité  radicale  se  concilie  avec 
un  enchaînement  nécessaire? 

S'il  est  illégitime  de  soutenir  que,  dans  le  monde  inorga- 
nique, le  changement,  qui  trahit  la  contingence,  n'est  qu'une 
illusion,  et  que  la  seule  réalité  est  la  formule  matbéaaliqne 
qui  demeure  la  même  sous  la  variété  des  pèdsMnèaes,  Il  0e 


DES  trtnTS  TiVAîrrs  93 

l'est  pas  moins  de  ramener  le  rhangement  i  la  nécessité 
lor«<qae,  la  matière  n'étant  presque  plus  rien,  l'acte  devenant 
presque  tout,  on  pressent  qu'on  laisserait  échapper  la  réalité 
e  si    Ton   persistait  à  tenir  le  clianpcment  pour 

Cl lit   phénoménal.  Les  formules  à  l'aide  desquelles 

on  pense  démontrer  l'enchaînement  nécessaire  des  phéno- 
mènes biologiques  n'ont  pins  la  précision  de  celles  qui 
énoncent  la  couservaiion  d'une  quantité  de  force  mécatiique 
donnée.  Le  calcul  s'applique  mal  à  la  mesure  delà  flexibilité 
et  de  l'habitude  ;  et  l'on  ne  vuit  pas  comment  on  pourrait, 
sur  de  pareils  fondements,  établir  une  science  déduciive, 
dénotant,  entre  les  faits,  des  relations  vraiment  nécessaires. 
C'est  qu'an  fond  ces  principes,  auxquels  on  donne  l'aitpa- 
rence  de  lois  nécessaires  en  les  jetant  violemment  dans  le 
moule  des  formules  mécaniques  et  physiques,  manquent  des 
conditions  requises  pour  constituer  une  loi  positive  ou  rap- 
port constant  entre  des  faits,  et  expriinent  des  ra|>porls  d'une 
autre  nature. 

Selon  la  loi  d'adaptation,   l'être  vivant  se  modifie  de  ma- 

iére  Jk  pouvoir  subsister  dans  les  conditions  où  il  se  trouve. 
Or  le  concept  :  «  de  m;<nière  à  *  est  indéterminé  dans  nne 
rcrtaine  mesure.  Au  point  de  vue  positif,  il  peut  y  avoir  plu- 

•>urs  manières  de  réaliser  une  fin  proposée  avec  des  maté 
'•de  est  indifférente,  pourvu  que  la 
I  i  que,  selon  le  nombre  ou  la  nature 

des  condiiioDS,  le  nombre  des  méthodes  entre  lesquelles  on 
(>•  '    plus  eu  plus  restreint,  liais  aussi  l'ex- 

I  le  i  I  est  moins  juste  à  mesure  que  le 

hoix  est  plus  limité  ;  et  elle  perdrait  toute  raison  d'être,  s'il 

'    '  plus  qu'un  parti  possible  ;  car  alors  ce  serait  sim- 

,  >  vertu  des  conditions  posées  que  se  réaliserait  le 

phénomène  :  l'idée  du  résultat  a  obtenir  n'iotervieudrait  plus 

4  litre  de  condition  détermioanie. 


94      DR    LA   CONTINCP.NCK   DFS   LOIS   DR    I.A   NATIRB 

Si  mainlenaol,  aytot  égard  à  la  plaralité  des  rooyeot  qu'Im- 
plique toute  finalitë,  on  invoque,  pour  eipliqoer  la  prëfëreoce 
donnée  à  l'un  d'eat,  des  con>i(1«'ration«  telle*  que  !■ 
de  moindre  action,  ou  l'insiinct  de  la  beauté,  ou  1' 
oéral,  CD  quitte  le  terrain  des  S4-ieoces  po^itivet  pour  pa»>er 
sur  celui  de  la  i  "  t  que   ou  d'  tique;  el  on  ne 

peut  plus  allégiK  I  é  de  l'etj 

Ce  o'e&t  pas  tout.  Le  concept  :  «  de  manière  i  >  établit  un 
lien  entre  les  conditions  dans  lesquelles  se  trom 
vivant  d'une   part  et  la  subsistance  de  cet  être  au 
ces  conditions  d'autre  part,  c'est-à-dire  entre  des  faiu  rca- 
liséset  une  fin  à  réaliser,  entre  des  cho=       '        >»  et  une 
chose  ^implelnent  po>8ible.  Or  le  caracl**!  •  ce  second 

terme  empi^che  encore  d'admettre  que  la  loi  de  l'adaptation 
toit  une  loi  positive  proprement  dite,  et  implique  la  néces- 
sité au  sens  où  peuvent  l'impliquer  les  lois  de  la  phyiiique 
ou  de  la  chimie. 

Enfin  le  concept  «  exister  >  lui-même  laisse  place  à  quel» 
que  indétermination.  Car  il  y  a,  pour  un  être  complexe,  plu- 
sieurs modes  d'existence,  selon  qu'il  développe  plus  ou  moins 
telle  ou  telle  de  ses  facultés.  Le  développement  des  diverses 
facultés  peut  être  plus  ou  moins  éfcal  ou  plus  ou  moins  bar- 
rooaieux.  L'harmonie  elle-mêmi»  peut  s'entendre  de  plusieurs 
manières,  selon  que  toutes  les  facultés  seront  mises  au 
même  rang  ou  que  certaines  facultés  seront  mises  au-dessus 
des  autres.  Quel  sera,  de  >  modes  d'existeoces,  celui 

qui  constituera  le  but  de  I  >n? 

Le  principe  de  l'habitude  héréditaire  ne  satisfait  pas  daTao- 
tage  an^  ■"".  des 

modifi<  -  I  »n- 

flneoce  de  certaines  circonsunces,  telles  que  le  milieu  phy 
sique,  la  concurrence  vitale,  la  sélection  sexuelle,  et.  en 
dernière  analyse,  l'énergie,  la  continuité  on  la  répétition  de 


DES    ÊTRES   TIVANTS  95 

certains  actes,  devenir  flnaleroent  essentielles  et  passer  de 
l'individu  k  l'espèce.  Sans  examiner  la  nature  des  circons- 
tances qui  sont  mentionnées  comme  déterminant  les  habi- 
tudes, et  qui,  vraisemblablement,  ne  sont  pas  toutes  pure- 
ment physiques,  oo  peut  remarquer  que  l'habitude  n'est  pas 
un  fait,  mais  une  disposition  i  réaliser  certains  faits,  et,  en 
ce  sens,  ne  peut  trouver  place  dans  la  formule  dune  loi 
positive. 

De  plus.  I  naDiUide  est  considérée  ici  comme  entraînant 
une  modincation  dans  la  nature  même,  dans  l'essence  de 
individu.  Or  les  lois  positives  proprement  dites  sont  les 
rapports  qui  dérivent,  en  dernière  analyse,  de  la  nature  de» 
choses  considérée  comme  constante.  FMIes  ne  précèdent  pas 
les  êtres,  elles  expriment  simplement  les  conséquences  de 
leur  action  réciproque.  Elles  peuvent,  sans  doute,  dans  la 
démonstration  scientifique,  être  considérées  comme  régis- 
sant les  faits  de  détail,  en  tant  qu'ils  sont  liés  à  la  nature  des 
êtres,  c'est-à-dire  aux  faits  généraux  ;  mais  elles  restent,  en 
définitive,  subordonnées  aux  faits  généraux,  qui  en  sont  le 
foiidiMuent.  Adm««ttre  (\w'  les  faits  les  plus  générant  eux- 
mêmes  varient,  c'est  admettre  que  les  lois  varient;  ou  bien, 
si  Ton  pcDM  être  en  possession  d'une  loi  qui  explique  ces 
\.<  i>M,  cette  loi  n'est  plus  une  loi  positive, 

pi  avant  Ions  les  faits.  Le  seul  moyen  de 

légitimer  l'assimilation  de  l'habitude  héréditaire  aux  lois  posi- 
ti.  :t  de  rattacher  la  formation  et  la  conservation  de 

c< .  Mice  aux  lois  plus  générales  de  la  physique  et  de 

la  chimie.  De  la  sorte,  la  variabilité  physiologique  s'appuie- 
rait Hur  on  fondement  relativement  stable.  Posée  en  appa- 
rence avant  les  phénomènes,  en  tant  que  ceux-ci  seraient 
considérés  comme  proprement  physiologiques,  cette  loi 
•était  en  réalité  postérieure  à  leurs  conditions  fondameu- 
tales,  eo  tant  que  les  r>béaomenes  physiologiques  rentre- 


%      DE   LA   CO:<Tt?(CEl«CI   DIS  LOIS  DB   LA   RATUIIK 

nient,  comme  cas  particalier,  daas  le*  phénomèses  phy* 
Aiqoes.  Mais  la  loi  de  l'habitade  hërédiuire  a  pr^isënept 
p<  '  '  (le  remëdirr  à  l'insoffisaoce  des  loifi  physiques 
pi  il  dhes  CD  matifre  physiologique;  et  b  proprivté 

qu'elle  énonce  est  effectivement  en  opposition  directe  avec 
les  principes  rondameotaat  de  la  physique  el  de  la  chimie, 
suivant  lesqoels  la  nature  d'un  corps  est  déteminée  une  fois 
pourtouirs.  Un  cas  particulier  peut  sans  doute  être  la  ncga- 
tioo  d'un  autre  cas  particalier,  comme  tel,  mais  non  pas  la 
négation  du  cas  général  lui-même.  Cost  donc  i  titre  de  loi 
physiologique  proprement  dite,  et  de  loi  fondamentale,  que 
l'habitude  héréditaire  doit  concourir  à  l'explication  du  monde 
virant  ;  et,  dans  ces  termes,  elle  ne  peut  être  coo&idérée 
comme  une  loi  positive. 

En  résumé,  le  mode  de  l'organisation  semble  Tarier,  non 
seulement  chez  l'indindo,  mais  même,  jasqa'à  un  ceriiin 
point,  dans  IVspèoc  ;  et  ces  variations  ne  sont  pas  indiffé- 
rentes, mais  constituent,  soit  une  décadence»  soit,  plus  sou- 
vent peut-être,  an  perfectionnemcnu  On  peut  donc  penser 
que  la  quantité  de  vie  ne  demeure  pas  constante  dans 
vers  ;  et  que  la  nature  des  phénomènes  physiologique ^  : 
pas  entièrement  déterminée  par  les  lois  qui  leur  sont  propres. 
Et,  en  effet,  s'il  est  vrai  que  l'en  '  ut  des  phéno- 

mènes  physiques   proprement  dit>.  >n»  des  phéno- 

mènes physiologiques,  ne  soit  pas  fatal,  est-il  inadmissible 
qoe  le  monde  vivant  profite  de  cette  indétenDtnat 
les  êtres  organisés,    doués  par   eux-mêmes  d*ttii< 
mobilité,  d'une  faculté  de  développement  et  de  progrès,  par- 
viennent k  profiter  de  ces  dons  de  b  natare  et  i  sr  '     ' 
en  tout  sens,  grâce  i  l'élastidld  méOM  eu  tino  d 
tlons  phy«(iqaes? 

On  peut  conrevoir  d'ailleurs  qae  l'Inlerreiiiioi  de  la    mi 
ians  le  cours  des  choses  physiques  im  iolt  pas  brusque  et 


DES   ÊTRES   TITAÎ(TS  97 

rioleote,  mais  imperceptible  et  coDtioae  ;  de  telle  sorte  qa'il 

voit  [.rjiiquemeot  impo>>ib!e  de  déterminer  le  point  où  les 
l>tuuo(neaes  physiques  cessent  d'exister  uniquetuenl  par  eax- 
m^mes  et  pour  eu\-mt^me$,  et  commencent  i  être  élaborés 
par  des  formes  sapérieores,  dont  ils  deviennent  les  iostm* 


CHAIMIUL  Mi 

DE   L^HOMIIB 


Cest  une  règle   de  la  science  de  supposer  la  moiat  de 
causes  possible,  et,  lorsque  surviennent  de  nouTeaux  faits  à 
expliquer,  de  les  rapprocher  des  caii^ 
voir  s'ils  en    dépend<'nt,   avant  d'adin 
cause  nouvelle.  Or,  une  fois  en  possession  des  coocepts  et 
des  lois  de  l'être,  des  genres,  de  la  matièr- .  rps  et  de 

la  vie,  Tespnt  o'est-il  pas  en  mesure  di    >  liquer,  et 

n'a-t-il  pas  achevé  la  liste  trop  longue  des  postulat»  de  la 
science  7 

Tout  ce  que  le  monde  offre  i  l'esprit  est  en  effet  eiplirable 
par  ces  principes,  si  l'homme  y  peut  rentrer.  Car  en  dehors 
des  formes  de  l'être  auxquelles  ces  principes  s'appliquent 
immédiaiemeol,  il  ne  reste  d'autre  objet  donné  dans  l'expé» 
rience  que  la  nature  humaine. 

Notre  premier  sentiment  est,  uns  doule,  qu'il  existe  an« 
différence  radicale  entre  l'homme,  doué  de  raison  et  de  lan- 
gage, et  le  reste  des  êtres  vivants.  Mais  la  comparaison  et 
l'induction  ne  viennent-elles  pas  infirmer  cette  croyance  ?  Ne 
▼ojODs>nout  pas  la  nature  humaine  présenter,  dans  le  passé  cl 
dans  le  présent,  une  série  de  dégradations  qui  la  rapprochent 
des  élres  Inférieurs  ?  Ne  peut-on  pas  dire  que,  chex  l'bomne 
le  plus  élevé,  les  facultés  que  noos  admirons,  si  nons  en  r»> 
cherchons  la  genèse,  ne  nous  apparaissent  pas  cornas  des 


DE  l'homme  99 

qualités  irréductible!!  ;  qu'elles  dérivent  aa  contraire  de  facul- 
tés plus  simples,  et  finalemeat  se  ramènent,  suivant  une  loi 
naturelle  qu'il  n'est  peut-élre  pas  impossible  de  conjecturer, 

I  i|i-v  |Miii\i)ir<.  élémentaires  inhérents  à  tout  être  vivant,  tels 
ijue  la  laculté  de  répondre  par  une  action  réflexe  automa- 
tique i  l'action  des  choses  extérieures?  La  sensation  est-elle 

-e  que  le  choc   des   influences  extérieures  contre 

II  iiices  propres,  plus  ou  moins  incomplètement  ajus- 
tées à  ces  influences?  Ne  s'ëranouit-elle  pas  lorsque  l'adap- 
tation est  complète,  comme  dans  l'habitude,  on  lorsque  l'ex- 
citation est  trcs  faible,  comme  dans  le  sommeil  ?  La  pensée 
est-elle  autre  chose  que  la  reproduction  interne  des  phéno- 
nènes  extérieurs,  classés  suivant  la  constance  de  leurs  liai- 
sons? Et  cette  reproduction  n'est-elle  pas  l'œuvre  des  phé- 
nomènes eux-mêmes,  qui  vieouent  un  à  un  déposer  leur 
empreinte  sur  une  cire  d'une  fermeté  convenable  pour  la  rece- 
voir et  la  conserver?  La  volonté  enfin  est-elle  autre  chose 
que  l'ensemble  de  nos  tendances,  soit  primitives,  soit 
acquises,  entrant  en  activité  sous  l'influence  d'un  stimulant 
extérieur,  et  mettant  à  leur  tour  leur  marque  sur  les  choses? 
Quant  à  la  conscience  du  libre  arbitre,  est-elle  autre  chose 
que  le  sentiment  d'être  nous-mêmes  la  cause  de  nos  actes 

sentiment  fondé,  car  nos  tendances,  c'est  nous-mêmes),  joint 
d'un    conflit  entre   nos  désirs,  et  à  l'igno- 
rii;.  .  _  nie  des  cause>iqui  en  déterminent  l'issue? 

Toute  l'activité  psychologique  semble  donc  pouvoir  se  ra- 
mener à  l'action  r.  (It^xe.  Mais  celle-ci  n'existe-t-elle  pas 
déjà  dans  \r  monde  physiologique  7  N'est-elle  pas  la  fonction 
de  tout  organisme  ?  N'acquiert-elle  pas,  surtout  dans  les 
•  >  s  supérieurs,  n  ion,  une  coordination 

e  issance  d'adapi  res? 

Dès  lors  est-il  nécessaire  d'admettre  un  nouveau  princip« 
pour  expliquer  l'homme  7  Ses  facultés  même  les  plus  rele- 


100   DB  LA  CONTI.NGBNCI  DES  LOIS  DE  LA  NATURE 

Ht»  n»  soot-elles  pat.  au  fond,  des  proprictét  pbyfiologi^oe» 
devenues  de  plus  en  plus  spt'ciales,  en  Tcrtu  de  la  loi  g^né- 
rale   de  la  dilTi  i       '  ~  '         <  e  pat    à  la  physl  ' 

qu'il  faut  detpan  -s  phéoonrnet  p«;c 

giquetî  N'est-U  pas  ioutile,  illégitime  et  dangereai  de  pré- 
tendre consiiiuer  la  psychologie  comme  ane  acieoce  dis- 
tiucie,  n'ayant  avec  la  physiologie  d'autres  rapports  que 
ceux  qui  peuvent  exister,  par  exemple,  eutre  b  physiologi« 
et  la  physique? 

Il  parait  sans  doute  établi  que  tout  phénomène  ptycholo> 
gique,  dans  la  vie  présente,  a  sa  conditioQ  d'existence  dans 
des  phénomènes  physiologiques  détermines  ;  et  ainsi  il  est 
légitime  de  rechercher  les  conditions  physiologiques  de  la 
vie  psychique,  aussi  bien  que  les  conditions  psychiques  de 
la  vie  organique,  ou  les  conditions  mécaniques  des  traos 
formations  physiques.  Mais  cette  recherche,  si  avancée  qu'on 
la  suppose,  peut-elle  aboutir  à  l'absorption  de  la  psycholo- 
gie dan^i  la  physiologie? 

Dans  tous  les  phénomènes  psychologiques  se  retroore,  i 
des  degrés  divers,  un  élément  que  les  théories  de  rani-n 
réflexe  ou  même  de  la  sensation  transformée  prennent  |Miiir 
accordé  sans  l'expliquer  :  la  conscience  de  soimérae,  la  ré- 
flexion sur  ses  propres  manières  d'être,  la  personnalité.  T 
phénomène  psychologique  est  on  peot  être  un  état  do 
cieo^e. 

Cet  élément,  la  sensation  le  coiiiicai  d' ja  ;  et 
supposer  ce  qui  est  en  question  que  de  <  nn<<triiir> 
tés  de  l'iroe  au  moyen  de  la  sensation. 

Quant  k  l'action  réflexe,  est-elle  cap.ii  '^ 

conscience,  par  voie  de  développement  a  ti..  -    i 
décomposant  la  conscience  en  ses  éléments,  montrer  qu'ils 
sont  tous  contenus  dans  l'action  réflexe,  et  que  la  loi  de 
leur  combinaison  j  est  également  contenue? 


DE   l'iIOMMB  101 

'fj  qae  l'acie  de  con-  t  la  perception  d'une 

•  ?  Mais  la  percepiion  un  sujet  pensant. 

Oira-t-OD  que  la  conscience  ne  diflêre  des  phénomènes 
1*  '  ^  que  par  l'absence  de  simultanéité  dans  les  états  ; 
<.  :<-iirs,  Tordre  successif,  commun  aux  phénomènes 

i'sycbologiques  et  aux  phénomènes  physiologiques,  range 
les  uns  et  les  autres  dans  le  mAme  genre?  Mais  pourquoi  la 
succession  pure  et  simple  impliquerait-elle  le  sentiment  de 
soi-même,  tandis  que  la  succession  Jointe  i  la  simultanéité 
l'exclurait? 

La  conscience  est-elle  une  accumulation  de  force  vitale, 
due  aux  excitations  venues  du  dehors  et  à  la  centralisation 
du  système  organique  ?  Mais  comment  la  force  vitale  acquer- 
rait-elle, en  s'accumulant,  une  propriété  qu'elle  ne  mani- 
feste i  aucun  degré  quand  elle  est  à  l'état  de  dispersion? 

La  conscience  n'est-elle  que  le  conflit  de  forces  externes 
avec  les  tendances  de  l'organisme  ?  Mais  pourquoi  ce  conflit 
produit  il  la  conscience,  tandis  que  le  choc  d'un  corps  contrt 
un  autre  ne  la  produit  pas? 

En  somme,  on  ne  sort  pas  de  cette  altemative  :  on  bien 

f  '  llement  la  conscience  dans  le  fait  orga- 

i!  ,  ,  t  de  la  déduire;  ou  bien,  prenant  tout 

I  abord  la  conscience  telle  qu'elle  est,  on  se  trouve  dans 

'  îlité  de  la  ramener,  par  une  marche  entièrement 

,    V  à  un  fait  purement  organique. 

A  vrai  dire,  ce  qu'on  analysa  ici,  sous  le  nom  de  coni- 

'  n'estpasia  consci*  Il  -.  ce  sont,  ou  ses 

,  ou  ton  objet.  Ses  (<  nnt  un  ensemble 

'  'imptexe,  réductible  peut-être,  en  tout  ou  en  partie,  i  des 

'     physiologiques  et  pî  T'        ' ,  son  objet 

^,  pensées,  désirs), ui.me,  forma 

on  ensemble  complexe,  qui  peut  présenter,  avec  la  succes- 
sion das  faits  physiologiques,  no  parallélisme  plus  on  moins 


102      DE   LA   CO>TINGF.?((:i:    DES   LOIS   DE   LA   HATUEB 

eiact.  Mais  la  conacience  elle-mt^me  e»(  une  donoé«  irréduc 
tible,  que  l'on  obscurciten  l'eipliquant,  que  l'on  dëtruii  en 
l'anaUfrant.  Chercher  le  détail  dea  éiéroenU  de  la  con^cieore 
afin  de  les  opposer  ou  de  les  ralUchcr  aux  élômeols  des 
foncUona  inrérieures,  c'est  perdre  de  Tue  la  cooscienc* 
elleroéme,  pour  considérer  ses  matériaux  ou  son  œuvre.  La 
conscience  n'est  pas  un  phénomène,  une  propriété,  noe 
fonction  môme  :  c'est  un  acte,  une  transformation  de  don- 
nées externes  en  données  internes,  une  sorte  de  moule  ri- 
vant où  viennent  successivement  se  métamorphoser  les  pbé* 
Domenes,  où  le  monde  entier  peut  trouver  place,  rn  perdant 
aa  substance  et  sa  forme  propres  pour  revêtir  une  forme 
idéale,  k  la  fois  dissemblable  et  analogue  à  aa  nature  réelle. 
La  conscience  est  le  principe  d'une  él  "    no- 

meiics  tellement  profonde,  que  la  coin  ns- 

forniations  préalables  n'en  pourrait  jamais  donner  l'idée.  En 
iiti  MUS,  elle  II  :     n  à  l'être,  puisque  les  choses  n'en 

>   .(itut  pas  ni<  ir  n'être  pas  aperçues  dans  une  cons- 

cience. En  un  autre  sens,  c'est  elle  qui  fait  être;  car  la  pcr- 
^  liiie  consciente,  forme  éminente  de  l'être,  |,'i---'  -  de 
<  '  >  lie  qu'à  ce  qui  entre  ou  peut  entrer  dans  s;i  >  e. 

D'une  part,  l'action  réflexe  ne  perd  rien  de  son  essenct, 
pour  n'être  pas  l'objet  d'une  apercepiion  interne  ;  et  les 
combinaisons  les  plus  complexes  d'actions  réflexes  diffé- 
rentes se  peuvent  concevoir  sans  y  faire  entrer  la  cons- 
cience, comme  élément  intégranL  Tant  qu'il  s'agit  d'action* 
réflexes,  il  s'agit  de  choses  connues,  non  de  personnes  con- 
naissantes. D'autre  part,  la  conscience,  en  apparaissant,  n'é- 
claire nullement  les  actions  réflexes  elles-mêmes  ;  car  elle  ne 
nous  révèle  pas  ce  qui  se  passe  dans  notre  organisme,  au  sens 
propre  du  mot.  Elle  suscite  des  phénomèu'  icment 

hël^TOfènes.  qui.  pour  élre  liés  de  quoique  i   .  v  phéno- 

mènes physiologiques  el  en  reproduire  plue  ou  moins  exac- 


DB    L  HOMME  l<    > 

teiiieiit,  *  leur  inatiicre,  l'ordre  d'existence,  a  eu  furment  |>as 
moios,  en  eux-mêmes,  uo  monde  à  part,  et  (ce  qu'un 
oe  pourrait  prévoir  en  considérant  uniquement  la  compli- 
caiiou  de»  actions  réflexes)  un  monde  fermé  aux  auiiescon* 
tciences. 

Il  u'importe  peu  d'ailleurs  que  l'on  puisse  trouver,  dans  la 
sensation,  la  pensée  et  le  désir,  des  élémeiits  qui  permettent  de 
les  mettre  en  parallèle  avec  les  phénomènes  physiologiques. 
('»•  qui  est  sans  analogue  en  physiu!o};ie,  c'est  la  conscience 
de  la  sensation,  de  la  pensée,  du  dé>ir.  De  même,  l'existence 
de  deprés  dans  la  conscience  est  ici  iodifféreDie.  Le  rapport 
'1'  -  '-s  avec  un  moi  est  tout  ce  qu'il  faut  entendre 

i  .r    I  ••uce  proprement  dite.  C'est  ce  rapport  qui 

Innnp  à  la  «ensaiioo,  à  la  pensée,  au  désir,  uoe  forme  spé- 
ciale el  nouvelle. 

Ainsi,  c  e!>i  aller  contre  l'essence  même  de  la  conscience, 
que  d'essayer  de  s'en  rendre  compte,  par  voie  de  construc- 
tion analytique,  en  combinant  les  actions  réflexes  sui\ani 
les  lois  qui  leur  sont  propres.  Rien  ne  serait,  à  ce  compte, 
plus  complexe  que  la  conscieoce.  Il  semble,  au  contraire, 
que  rien  ne  soit  plus  simple,  et  que  nulle  part  la  nature  ne 
s'approche  autant  de  ce  terme  idéal  :  I  uuiic  dans  la  perfec- 
tion. La  conscience  n'est  pas  une  spérialisation,  un  dévelop- 
;'<-menl,  un  perfectionnement  même  des  fonctions  physiulo- 
-iques.  O  n'en  est  pas  non  plus  une  face  ou  une  résultante. 
C'est  un  élément  nouveau,  une  création.  L  homme,  qui  est 
•loué  de  conscience,  est  plus  qu'un  être  vivant.  Eu  tant  qu'il 
^t  uoe  personne,  en  tant  qu'à  tout  le  moins  sou  dévelop- 
periicut  naturel  abuutit  à  la  personnalité,  il  possède  une  per- 
fection à  laquelle  ne  peuvent  s'élever  les  êtres  qui  ne  -^ont 
|iie  des  orgaui-mes  individuels.  La  forme  dans  laquelle  la 
cuusrietirr  !>>!  V,  ...  à  la  vie  est  m 

»nf  aft«»iii(,ii  d  I  radicalement  i 


104      DB   LA   CONTINOKNCB  OSS  LOIB   OB   LA  NATVRR 

# 

on  qu'elle  implique  est  donc  conliiifrente.  lu  poiol  de  vue 
lugiqur  du  mniii». 

iVui-oii  niaiateuaotftouteoir  que  celle  liaUoo  e»t  un  arl« 
de  la  raii^on  elle  même,  qui,  partaut  du  concept  de  la  vie  et 
1  II!  une   I-  •  iidanie,  en  forme  la 

<  un  eiïel  II  ? 

Ce  recour»  à  la  raison  serait  Ju»Uûé  s'il  t'agisMil  d'une 
cons«'i«*nce  al>>oliiii)'  ■'•, 

ei  par  conséquent  il:  o. 

Mais  la  run&ciruce  dont  il  a'agit  en  psychologie  est  indivi* 
durlle  cl  a<!nipi  la  pluralilc    '  :      '      '  '      ua 

individu,  elle  se  ramitie  en  qt>  , Si- 

cile des  objets  auxquels  elle  s'applique,  et  pénètre  de  touii*ik 
parts  le  ctian  p  varie  de  l'expérienre.  Or  l'existonre  de  la 
conscience,  ainsi  onlondue,  ne  peut  nous  être  rcvcicc  p;ir 
reutecdomeni  a  priori,  qui  ignore  la  distinction  des  indivi- 
dus eti'inliuie  variété  des  phénomènes  :  elle  est.  au  contraire, 
l'ultjei  imniêdiat  de  la  conscience  empirique  elle-même;  en 
d'autres  termes,  elle  appartient  encore  à  l'expëricnce.  Ou  ne 
peut  donc  arguer  de  la  manière  dont  nous  connaissons  la 
nature  de  la  conscience  pour  en  considérer  la  réalisation 
comme  nécessaire  en  droit. 

l'eut-on  enfin,  se  fondant  sur  l'expérience  elle-même, 
ftouiruir  que  le  rap|>ort  de  la  conscience  i  la  vie  est  néces- 
saire en  fait? 

Il  ne  sufiit  pas,  pour  prouver  celte  thèse,  de  montrer  t^ue 
h  conscience  app.irait  constamment,  lorsque  sont  n'aliséet 
dans  riir}:ai(i>>nir  certaines  conditions  que  l'on  '  lus 

ou  moins  à  définir.  Car  il  reste  i  savoir  si  cei^  •ni 

n'ont  pas  été  snscilëes  par  la  conscience  elle-même  :  bypi^- 
tbèse  admissible,  si  les  loifidr  la  vie  Mil.  1  ,  L'uni* 

forroitë  de  coexistence,  ht  elle  mauifest<  <-  causa- 

lité, n'indique  pas  lequel  des  deux  terne»  cfci  ca^sc  de  l'autre. 


DE  l'homme  IOo 

Il  faudrait  dune  pouvoir  expliquer  tous  tes  phénomènes 
ocrTeui  qui  paraissent  être  les  condilious  de  la  conscience 
par  les  seules  lois  de  la  physiologie  générale  ;  or  celle  pré- 
Icntioa  parait  t<'méraire.  L'étude  approfondie  de  l'innerva- 
lioa  semble  meure  de  plus  en  plus  cette  fonction  hors  de 
pair.  L*excilalion  et  la  décharge  nerveuses,  la  propriété  io- 
bcrente  aux  ■  -  M.'r»eusesde  conserver  pendant  un  cer- 

taift  temps  1  i  .  >u  des  agents  extérieurs;  la  transniis- 

sioo  de  cette  sorte  de  phosphorescence  à  des  groupes  de 
cellules  non  imfire&sionnés  par  l'objet  niéine,  qui  se  melteut 
i  vibrer  ii  l'unisviu  et  propagent  à  leur  tour  l'eitiluiion  : 
tous  ces  faits  sont  en  général  considérés  comme  hors  de 
proportion  avec  les  propriétés  vitales  élémentaires,  telles 
que  la  nutrition,  le  develuppcuienl  et  la  génération,  et  même 
avec  la  puissance  de  contraction  qui  pourtant  déjtaîise  déjà 
tes  propriétés  générales.  Il  semble  y  avoir,  entre  l'innerva- 
tion et  les  propriétés  physiologiques  éJémentaires.  un  rap- 
port analogue  à  celui  qui  existe  entre  les  conditions  niera 
niques  des  phénomènes  physiques  et  chimiques  et  les  forme» 
purement  mathématiques.  Un  examen  attentif  révèle  l'exis- 
Icace  d'un  hiatus  eu  quelque  sorte  infranchissable  entre  les 
synthèses  analytiques  les  plus  comple&es  d'une  lormc  donnée 
n'eiistant  que  pour  elle-même,  et  les  cas  particuliers  en 
pr>  -  i-H  on  se  trouve,  quand  ou  observe  des  phé- 

noiii  ^  il  en  étant  des  modes  de  letie  forme,  jouent 

le  rôle  de  conditions  par  rapport  à  une  forme  supérieure. 
L'oî  ilaul   l'idrii  ■  ,.  a,  lueilc  des 

un>  Mueues.  M..        .  ii>enient qu'ils 

oui  nne  même  origine  ;  et  pourtant  chaque  explication  de  la 
matière  propre  d'uue  form<'  ire,  essayée  d'après  cette, 

hypothèse,  se  trouve  être  ^  .le,  peu  rigoureuse,  in- 

sufBsante.  Mécompte  inévitable,  si  une  intervention  supé- 
rieure est  venue  détourner  tes  choses  d'\  cours  qui  leur  est 


1(M)      DK   LA   CONTINfENCE   DES   LOIS   DE   LA   NATURE 

propre;  et  cela,  non  pat  brusquement,  maisintentiblement; 
•on  pas  d  un  bout  i  i'aulre  de  révolution,  niait  à  l'origine 
seulement. 

Il  y  aurait  pourtant  lieu  de  croire  que  cette  direrpence  de» 
fondions  nerveuses  par  rapport  aux  propritftrt  phytiolo- 
giqui's  générales  n  est  qu'apparciiie,  si  les  être»  doués  duo 
système  nerveux  ne  diflfcraienl  d  ailleurs  que  par  le  degré  de 
ceux  qui  eo  sont  dépourvu».  Mais  la  présence  duo  tel  sys- 
tème coïncide  avec  l'apparilioii  delà  conscience,  i  ;>é- 
ricure  à  toutes  les  fonctions  vitales.  Des  lors,  n'e^i  .. ,  _  .".r* 
mis  de  penser  que,  si  la  conscience  apparaît  toujours  lorsque 
<  •rtaines  conditions  physiologiques  sont  posées,  c'est  qu'elle* 
III -IDC  jiose  ces  conditions,  sans  lesquelles  elle  ne  pourrait 
se  manifester  7  Si  l'aurore  annonce  le  soleil,  c'est  qu'elle  eo 
émane. 

.Mais  peut-être  o'est-il  pas  réservé  i  certaloet  eoodiliooi 
physiologiques  spéciales  de  rendre  la  cooscieoce  possible. 
i'eut-éire  un  commencement  de  conscience  est-il  déjà  lié 
aux  propriétés  vitales  esscutieiles,  eo  sorte  qu'il  o'y  ait 
qu'une  différence  de  degré  eolre  les  organismes  inférieurs 
et  les  organismes  supérieurs.  Il  y  aurait  ain  '    if«  coos- 

cience  jusque  dans  la  cellule;  et  il  ne  s*a^  <  ir  créer 

une  conscience  humaine,  que  de  spécialiser,  de  diversifier, 
d'organiser  les  consciences  propres  aux  cellules. 

Lors  même  qu'un  rudiment  de  conscience  appartiendrait  i 
chaque  cellule,  il  o'eo  resterait  pas  moins  que  la  conscience, 
ou  sentiment  de  sa  propre  existence,  est  irréductible  aux 
prupricics  physiolo);iqurs  proprement  dites,  et  n  a  pas  eo 
elles  son  origine.  Dans  la  cellule,  comme  dan»  les  orga- 
nismes supérieurs,  la  présence  de  la  coos<  icnre  serait  coo> 
tingenle.  .Mais  est-on  fonde  à  croire  qu'une  telle  facollë 
e\ist4-  dans  les  organismes  inférieurs? 

Ou  alléguera,  pour  soutenir  cette  thdfte,  oo  grand  oombrc 


DE  l'homme  107 

de  faits,  empruoiës  même  à  l'obserTation  des  infusoires  ei 
des  plantes.  Le  polype  d'eau  dooce,  par  exemple,  attire  à 
lui  les  iofusoires  vivants  et  les  végétaux,  en  produisant  avec 
tes  bras  une  sorte  de  tourbillon,  et  laisse  de  côté  les  ùlrts 
mûris  ou  inorganiques.  On  voit  des  plantes  choisir,  semble- 
t*il,  des  points  d  appui,  frémir  sous  rjttouchemetit  des  in- 
sectes et  les  saisir.  Mille  faits  de  ce  genre  semblent  prouver 
que,  dans  les  organismes  les  plus  élémentaires,  l'action  du 
dehors  peut  produire  une  excitation  interne,  et  que  cette 
excitation  peut  engendrer  un  mouvement  réflexe  adapté  aux 
besoins  de  l'être  vivant.  Or  l'excitation  et  le  choix  du  parti 
convenable  ne  sont-ils  pas  des  signes  de  conscience  ? 

Il  est  douteux  que  l'excitation  et  le  mouvement  réflexe 
soient  toujours  accompagnés  de  conscience  :  car  il  se  pro- 
duit en  nous  beaucoup  d'excitations  et  d  actions  réflexes 
qui  ne  passent  pas  par  le  moi.  Quant  à  la  convenance  de 
l'acte,  elle  constitue  ce  qu'on  appelle  la  finalité.  Or  la  fina- 
lité, en  admettant  que,  dan»  les  laits  afiégués,  elle  ne  se  ra- 
mène pas  au  mécanisme,  suppose-i  elle  nécessairemcni  la 
conscience  chez  l'être  en  qui  elle  se  manifeste  ?  Avons-nous 
conscience  de  I  acte  par  lequel  la  constitution  physique,  chi- 
mique et  physiologique  de  nos  organes  s'adapte  aux  fonctious 
qii  lit  remplir? 

•  t-on,  le  genre  de  conscience  qui  parait  absent 
des  fonctions  physiologiques  consiste  dans  la  distinction 
claire  du  sujet  et  de  l'objet.  Or  cette  manière  d'entendre  la 
conscience  est  trop  étroite.  La  conscience  comporte  une  in- 
finité de  degrés,  depuis  l'état  pariait  qui  caractérise  la  vie 
réfléchie  jusqu'à  labolition  apparente  qui  se  produit  d;in>  le 
•ororoeil.  D'ordinaire  le  réveil  ne  trouve  pas  notre  esprit 
vide,  maïs  occupé  d'idées  plus  ou  moin»  difl'érenie»de  celles 
qui  l'orrupaient  la  veille.  L'attention,  r«ccumulalion  ren- 
dent distinctes  des  perceptions  d'abord  insensibles.  Ce  qui 


108      DE   LA  CO?ITIMCE?(CI   DES   LOIS   bB   LA   5lATl'Bi 

mnliiplië,  devient  inanife%t«.  n'était  pa«  nul.  Ce»t  précité* 
nicnl  une  con»cietice  Murdede  ce  genre  qui  etiile  chexle* 
titres  inférieurs. 

Cette  déduction  implique  une  altération  profuDde  du  coi* 
C(^pt  de  la  conscience. 

Tant  qu'il  s'agrii  de  l'Iiomme,  la  conscience,  fût  elle  réduite 
i  son  minimum  d'inleosilé,  est  toujours  l'acte  par  lequel 
une  multiplicité  et  une  diversité  d'étals  sont  rattachés  à  un 
moi  et  à  un  seul,  l'appropriation  des  phénomènes  i  un  sujet 
permanent.  Ce  qui  varie,  c'est  la  clarté  de  la  perception,  ce 
n'est  pas  l'unité  du  moi. 

Mais,  quand  il  s'agit  des  êtres  inférieurs,  de  leur  irriiaiii- 
lité,  et  de  la  finalité  de  leurs  actes,  ta  conscience  n'«sl  plus, 
et  ne  poiii  plus  c^ire  l'atirilMilion  (]•    '  « 

vn  moi  unique.  Car  riinii**  de   la   •  ii- 

tion  la  cuiii;iaraison entre  les  sensations:  et  cette  comparai- 
*on  suppose,  i  son  tour,  un  centre  où  al'  's 

sions  causées  par  difTcrenls  objets.  La  •  n 

attribue  aux  êtres  inférieurs  ne  peut  être  que  la  s.oMlioo, 
la    pensée  et  la    tendance    pures   et   simples,    *.■ 
Comme  susceptibles  d  exister  sans  être  perçues  |.< 

Or,  ainsi  réduite  à  sa  valeur  réelle,  la  conscicnc*  que  roo 
ailrilttie  aux  •'1res  inférieurs  présente,  avec  la   r  « 

humaine,  plu>  qu'une   différence  de  degré.  Ce  n'«-  ^  ii 

moi  concentrant  en  lui  et  comparant  une  mullipliciic  et  une 
diversité  :  c'est  un  agrég.it  de  sensations  conscientes,  sans 
lien  entre  elles.  Tandis  que  la  consciente  humaine  n'jdmet 
qu'une  sensation  à  la  fois,  ces  agréj^ais  cumporieni,  et  des 
sensations  successives,  et  des  sensations  simuliaoées.  (.hiant 
à  la  cellule  ou  élément  anatomique  simple,  le  genre  d  uuiié 
que  peut  posséder  sa  conscience  se  dislingue  radicalement 
de  I  unilé  de  conscience  propremeni  dite.  Car,  en  vtrin 
même  de  sa  simplici>é  organique,  la  cellule  ne  p«yt  avoir 


DE    L  HOXMB 


i09 


que  des  sensaiions  d'une  seule  et  même  qualité.  Les  seules 
différences  qui  pui&sent  se  produire  dans  celle  conscience 
souilles  dirr  de  quantité,  d'intensité.  Or  l'unité  de 

conscience  <  ment  l'allribut  du  sujet  qui  compare 

entre  elles  des  qualités  différentes.  Ce  n'est  que  dans  celle 
comparaison  que  le  sujet  se  sent  et  s'oppose  aui  choses 
exlérieures. 

Des  lors,  comment  conceroir  que  la  conscience  humaine 
dérive  de  la  conscience  aiirihuée  à  la  cellule  ? 

Oira-l-on  que  la  conscience  personnelle  n'est  qu'une  rc- 
àultante  définitive  de  consciences  élémentaires;  que  les  sen- 
sations, les  pensées  et  les  désirs  sont  ces  consciences  elles- 
mêmes  ;  et  que,  leur  combinaison  ayant  une  foisengendré  une 
résultante  ou  conscience  personnelle,  les  sensations  nou- 
velles sont  en  dedans  ou  en  deliurs  du  moi,  c'est-à-dire  de- 
viennent perceptions  ou  demeurent  sensations,  selon  <|u'ellcs 
sont  ou  ne  sont  pas  niiscs  <>n  rapfiort  avec  cette  résultauicf 

Mais,  les  consciences  clcmentaires  ne  possédant  même  pas 
le  germe  de  l'unité  qui  caractérise  la  conscience  persuo- 
nell<^  on  ne  Toit  pas  comment  celle-ci  pourrait  ré-^ulter  de 
la  combinaison  de  celles-là.  De  plus,  on  ne  comprend  pas 

immeul  plusieurs  consciences  pourraient  ainsi  se  fondre 
eu  des  consciences  de  plus  en  plus  élevées.  Il  semble  en 
effet  qu  il  toit  de   la  dctinition  de  la  conscience  d'éire  fer- 

tiie  aux  autres  consciences.  Si  l'oo  objecte  que  celte  pro- 
].r   '  '  iriient  cTclusi\ement  i  la  conscience  d'un  moi, 

III  j   des  ronsi'ionces  dépourvues  d'uniié,  on  rend 

insaisissable  le  concept  de  ces  consciences  élémentaires;  et 
leur  hétcrojt'-ntiilé,  par  rapport  à  la  cooscieoce  personnelle, 
devient  plus  rutlirale  encore. 

Dira-i^D  que  la  conscience  personnelle  est  un  agrégat  de 
consciences  élémentaires? 

tu  ce  cas,  on  renonce  à  eo  exuliqucr  1  uuilë.  De  plui,  li 


ItO      DR    LA   CO!«TIX0EI«CI   DK9   LOIS   DE    LA   RATIIIE 

|pi  éU'mêiii»  de  la  ronicience  totale  appartiennent  en  propre 
i  i-liique  cellule;  comme  cet  ensomhlo  iIp  consciences  inTë- 
riciires  est  entièremeut  renouvelé  au  bout  don  certain 
ntiiiiltre  d'années,  on  ne  ctimpreiid  pas  |>ourquoi  la  cons» 
cipiicc  (|iii  est  censée  les  résumer  stib^t^ic  après  elles. 

Dira  I  on  enfin  que  c'est  la  conscience  iolicrenie  à  une 
•eiiie  cellnle  qui  ae  trouve  portée  i  un  très  haut  degré  de 
dévfloppemenl  par  ses  rapports  avec  lis  autres  cellules? 

Cette  eiplicaiion  pourrait  être  sufii&ante  s'il  ne  s'agissait 
que  d'nne  difTcrence  d'intensité.  Mais  il  s'agit  d'une  diflë> 
rence  de  nature.  Il  s'M):ii  aussi  de  la  perniaiieu«e  de  l;< 
cience  à  travers  le  touiltillon  vital.  Or,  maigre  leur  r<i 
récepteur  général,  les  cellules  du  cerceau  ne  présentent, 
r«ii  AUX  autres  cellules,  qu'une  diflfi'rence  de  degré, 

|n<;  pour  rendre  compte  de  la  différence  générique 

qni  existerait,  dans  celte  hypothèse,  entre  leurs  propriétéi 
et  celles  des  anli  "    "' s.  Kn  présence  d'cî 

miqiies  presque  ^  '  >  remplissant  des  i 

disproportionnées,  on  ne  peut  \t>ir  dans  la  matière  qu'un 
instrument,  manié  par  «les  puissances  inégales. 

Kn  somme,  la  conscience  que  l'on  attribue  aui  cellules 
n'a  qu'une  ressemblance  de  nom  avec  la  conscience  person- 
nelle. Hadicalement  dépourvue  d'unité  subjective,  elle  ne 
peut,  quelque  complication  qu'on  lui  suppose,  rendre 
compte  de  la  perception  des  différences  qualitatives,  qui  est 
raltrihut  du  moi.  Dés  lors,  il  convient  d'écarter  un  mm  qui 
peut  entraîner  une  confusion, .et  de  dire  qu'il  s'agit  simple- 
ment de  sensations,  de  pensées  et  de  tendances  incons- 
cientes. Jusqu'à  quel  poiut  de  tels  phénomènes  sont-ils  conce- 
vables; que  resie-t-il  de  la  sensation,  de  la  pensée  et  do  de» 
sir.  abstraction  faite  de  ce  moi.  qui.  chez  l'homme,  en  parait 
la  Bubstanre  ;  en  quoi  ces  manières  d'î^ire  inconscientes  se 
•l!«tlnrueni-4>iles  de   l'eiciiaii'^n.  du  mouvement  reflète  et 


DB    l'homme  m 

de  l'adaptation  pares  et  simples,  c'est  an  point  qui  n'a  plus 
qu'une  importance  secondaire,  du  moment  où  le  moi  lui- 
même  n'est  plus  en  cause,  et  où  il  ne  s'agit  que  de  pro~ 
priétës  radicalement  inférieures  aux  phénomènes  psycholo- 
giques proprement  dits. 

Il  reste  donc  établi  que  la  conscience  personnelle  n'est  pas 
inhérente  à  tous  les  êtres  vivants,  mais  n'existe  que  là  où 
nous  voyons  une  organisation  physiologique  spéciale.  Si 
cette  organisation  s'est  produite  suivant  les  lois  physiolo- 
giques livrées  i  elles-mêmes,  sans  intervention  d'un  principe 
supérieur,  il  ne  s'ensuit  sans  doute  pas  que  la  conscience 
en  soit  un  eiïi-t,  puisqu'elle  contient  quelque  chose  de  plus 
que  la  vie;  mais,  dans  ce  cas,  l'apparition  de  la  conscience 
est   ni<  la  mesure  où  elle  est  liée  aux  phéno- 

mènes I  >  qui  l'accompagnent.  Si,  au  contraire, 

on  peut  admettre  que  les  propriétés  vitales  qui  sont  les  cod- 
diiions  de  h  ice  ne  sont  pas  explicables  entièrement 

par  les  lois  ^  ~  de  la  vie  :  il  est  vraisemblable  que  la 

conscience  elle-même  intervient  dans  la  réalisation  d«  ces 
propriétés;  et  qu'elle  se  réalise,  en  ce  sens,  d'une  manière 
contingente,  bien  qu'elle  suit  liée,  daus  le  monde  actuel,  i 
des  conditions  physiques  déterminées. 

La  création  de  l'homme,  être  conscient,  ne  l'explique 
donc  pas  par  le  seul  jeu  des  lois  physiques  et  physiologiques. 
Son  existence  et  ses  actes  imposent  à  la  nature  des  modifi- 
cations dont  elle  même  ne  peut  rendre  compte,  et  qui  appa- 
raissent comme  contingentes,  si  l'on  se  place  au  point  de 
vue  du  monde  physique  et  du  monde  physiologique. 

Qu'importe  à  l'homme,  cependant,  de  disposer  plus  on 
nidios  de»  eboMS,  s'il  retrouve  la  fatalité  au  dedans  de  lui  ; 
•i  te*  MBtiaenU,  tes  idées,  ses  résolutions,  sa  vie  intime,  en 
un  mot.  sont  gouvernés  par  une  loi  spéciale,  qui  les  déter> 

î. 


lis      DE   LA  CO!«TI!(GB!fCI  DES  LOIS  Bl  LA   HATIHE 

mioe  d'une  fiiçon  nécesMlreT  L1nd<'pfndane«  do  mood« 
prn^ani  par  rapport  aux  mondrs  inférieurs  p«ut-eUe  tn' 
riiidividii,  si  tous  ses  actes  sont  impliqués  fatalement  — 
le  système  des  faits  psychologiques;  si,  par  npport  à  ce 
STstriite,  il  n'est  qu'une  goutte  d  eau  emportée  par  un  tor- 
rent irrcsi>lible  T 

Or  tout  être  o'a-t-U  pas  sa  loi ,  et  les  phifnomènes  de  cont • 
cienre  ne  doivent  Ils  pas  prëM'nior.  »  aiiln>s  ordres 

de  phénomènes,  des  rapports  de  dt'i'  -  réciproque  T 

On  est  sans  doute  porté  tout  d'abord  i  considérer  l'Ame 
comme  une  puissance  eniicremrnt  spontanée;  chacun  de 
•es  actes  senil)le  trouver  en  elle  seule,  et  non  dans  le«  plié* 
nomènes  concomitants,  sa  raison  aussi  bien  que  u  cause. 
Les  phciiomènes  psychoIi);:ii|ues  ne  di.  fient-ils  pas  le  calcul? 
iVul-on  prédire  ce  que  fera  telle  personne  dans  telles  cir- 
constance» 7 

Bientôt,  cependant,  une  étude  plus  aitcniive  fait  découvrir 
des  successions  psychologi<|ues  uniformes,  du  muius  en  ce 
qui  concerne  les  sentiments  et  les  pensées. 

Longtemps  la  volonté  demeure  réfrat  taire  à  la  science,  et 
offre  à  la  doctrine  de  la  contingence  un  retranchement  qui 
parait  inexpugnable.  Mais  te  pro^'resderobscr^aiion  et  de  la 
com|taraison  révèle  l'existence  de  lois  de  nature  politiques  et 
sociales.  L'histoire  nous  montre  les  diverses  sociétés  naissant, 
se  développant,  dépérissant  dune  man  "^nc.  Klle 

dégage  de  la  variété  des  littératures  et  «i  ;  ['lions  une 

forme  générale  de  l'activité  humaine,  qui  parait  constante. 

!,,■-.  ■  ,    .    .    ,    ,  :      ,,        '•.       .  ■      -      ., 

I..  1. 

i  cet  égard,  no  type  moyen  qui  demeure  sensiblement  im- 
muable. La  statistique   soumet  au  i-al<  til,  a> '  <> 

produits  de  la  volonté  de  l'homme, ausfti  bien  s  i« 

des  forces  physiques,  eo  opérant  sur  de  «randcs  ma»se». 


DE   l'hOMMI  113 

Hq  rondrail  pouvoir  faire  ici  une  diflerence  entre  l'en- 
semble  et  les  individus,  el  r«'server  la  spontanéité  de  ceux- 
ci  eu  alléguant  que,  dans  les  mathématiques  abstraites,  on 
trouve  des  lois  fixes,  dites  lois  des  grand*  nombres,  pour 
''  Mes  de  ras  dont  chacun,  pris  isolément,  est  Nurv 

11,  el  en  concluant  de  là  que  la  déierminaiioa  de 
ensemble  ne  préjuge  pas  celle  des  détails.  Mais  le  hasarn 
que  se  donne  le  mathématicien  n'est  qu'une  fiction.  En  fait, 
tout  a  sa  raison  d'être.  Si  les  actes  humains,  pris  un  à  un, 
^mbleot  se  produire  au  hasard,  c'est  qu'il  y  a  une  infinité 
de  causes  particulières  qui  viennent  contiarier  les  causes 
générales  dont  on  «-tudie  l'influence,  et  que,  ces  causes  par- 
ticulières manquant  complètement  de  convergence,  il  n'y  a 
p.is  de  loi  pour  leur  action  réunie.  C'est  précisément  cette 
anouiaiion  réciproque  de  certaines  causes  qui  en  dt'-gage  et 
m:tnireste  certaines  autres.  D'ailleurs,  l'observation  directe 
des  groupes  particuliers  et  des  individus  limite  de  plus  en 
plus  la  part  que  la  statistique  générale  parait  laisser  au  ha* 
sard.  Il  est  vraisemblable  (|ue  l'on  |)Oiirrait  trouver  une 
moyenne  eonsiante  pour  les  actes  d'un  individu  comme 
pour  ceux  d'une  société.  Mieux  on  connaît  un  homme,  plut 
sûrement,  d'ordinaire,  l'on  explique  et  l'on  prévoit  sa  con- 
duit*. S'il  reste  de  I  incertitude,  c'est,  peut-on  dire,  parce 
qu'il  manque  des  données.  Admettra-t-on  que  le  temps  qu'il 
fait  se  produise  d'une  manière  contingente,  parce  qu'on  ne 
le  peut  pr».*voir  à  coup  srtr? 

(jaelle  peut  être  la  formule  générale  des   lois  psycholo» 

^iqiM'S? 

I.»-  procédé  le  plus  scieniiflqoe  pour  déterminer  cette  for- 
mule est,  à  première  vue,  de  remonter  aux  conditions  phy- 
siques et  mécaniques  des  états  de  conscience.  Ne  p«Mit-on 
dire,  par  exemple,  que   l'expérience   manifeste   un  rapport 

'ustant  eolre  les  modifications  physiques  du  corps  et  les 


114      DB  LA  C0^TI!«GE5CF.   DES  LOIS  DE   LA  IIATVRB 

modificalioo»  de  l'iroe;  qo«  Ie«  d«Di  ordres  de  phffnomrnrt 
exi<iipni,  croiftspoi  etdt^rroisKcni  en  II 
proportioDs  analogue»?  Ne    pcui-fi 

la  loi  générale  de  la  rorrëlalion  des  forces,  conjecturer  qu'il 
existe  un  équiralcnt  mérani<|iie  de  la  sentation,  de  ta 
pensée,  de  la  volonié,  aussi  bi<>n  que  de  la  chaleur  ou  d<f 
l'ariion  chimique  ?  De  la  sorte,  la  nécessité  physique  elle- 
mt'nte  serait  la  racine  de  la  nécessite  p';^   '    '    -  que. 

L'analogie  qui  peut  exister  entre  le  il  ment  psy- 

chologique et  le  développement  physique  ne  justifierait  pas 
l'hypothèse  d'une  transformation  des  phénomènes  mécani- 
ques en  phénomènes  psychologiques,  puisque  aussi  bien  le 
mouvement  ne  se  transforme  même  pas  en  chaleur  propre- 
ment dite,  mais  en  constitue  simpioment  la  condition,  la 
base  matérielle.  Cependant  elle  semble  indiquer  que  le 
mondi>  pciis.'itii  n'est  qu'une  sorte  de  doublure  inli>ru(> 
d'une  partie  du  monde  mécanique.  Elle  f^it  supposer  qu'an 
fond  il  existe  entre  la  pensée  et  les  mouvements  coocomi- 
kints    un   exact  parallélisme.   File  porte  à  •  '   l'tin 

pourra  trouver  des  formules  permettant  dV\,  ,  il  de 
prévoir  les  phénomènes  psychologiques  par  la  seule  consi- 
dération de  leurs  conditions  mécaniques. 

Cette  entreprise  serait  légitime,  si  l'on  pouvait  mesurer, 
en  elles-mêmes,  les  variations  psychiques  correspondant 
sut  variations  mécaniques. 

Or,  pour  mesurer  les  manifestations  de  l'Ame  d'une  ma- 
nière complète,  il  faudrait  convertir  la  diversité  des  phfoo- 

ménes  psychologiques    en   quantités    h-~ •-, 

dire,  par  exemple,  en  quantités  d'énorjri 
esl-il    possible   de  ramener  ainsi 
mesure  la  diversité  des  qualités  de  i  .<>••• 

Avant  d'aborder  ce  problème,  il  faudrait  évidemment 
comaeocer  par  étudier  les  vAriatioos  mécaniques  corr«^ 


DE   L'nOMlE  115 

pondant  aux  rarialions  d'une  même  qualité  psychique.  Sup- 
posons que  l'oD  étudie  à  ce  point  de  vue  le  souvenir.  Un 
aurait  à  dresser  le  lahleau  suivant.  S  ëlant  une  quanliic  de 
souvenir  et  {i  une  quaiiùic  ùe  muuveiueiii  ;  S|,  S,  élaotdes 


S. 

S, 


ra'  liculières  données  de  S,  elQi,  Q,  les  Taleors  cor> 

r-,  sdeQ: 

lie  là  on  déduirait  S  =  f{Q). 

Mais  comment  se  donner  S,,  S^,  etc.  7  Le  souvenir,  pas 
plus  que  Tàme  elle-même,  n'est  une  qualité  simple.  Il  em- 
brasse la  netteté,  la  vivacité,  la  complexité,  Texactilude,  la 
prérision,  l'éloignement  dans  le  passé,  le  sentiment  de  l'iden- 
lilé  personnelle,  la  conscience  d'avoir -déjà  conçu  l'idée  en 
question,  etc.  La  râleur  du  souvenir  est  déterminée  préci- 
sément par  ta  présence,  l'absence  et  les  degrés  de  ces  di- 
verses qualités.  Il  faudrait  donc  renoncer  à  mesurer  d  abord 
un  tout  aussi  complexe  que  le  souvenir,  dont  les  valeurs, 
par  suite  de  cette  complexité,  ne  sont  pas  des  quantités  de 
même  nature.  Il  faudrait  chercher  des  qualités  simples  et 
exarlemenl  définies,  analogues  a  l'étendue  et  au  mouve- 
ment ;  déterminer  l'i-quivaleut  mécanique  de  chacune  de 
ces  qualités,  et  trouver  ensuite  un  rapport  numérique  entre 
«•«•s  qualités  considérées  isolément  et  les  résultais  de  leurs 
combinaisons.  Or  il  serait  impossible  d'exécuter  une  telle 
entreprise  scientifiquement,  c'est-à-dire  sans  faire  interve- 
nir le  tact,  l<  ut,  le  sentiment,  en  d'autres  termes, 
celte  appri<  i  ncle  de  la  qualité  qu'il  s'agit  précisé- 
ment  de  suppléer.  Kien  ne  prouve  d'ailleurs  que  les  quali- 


116      DE   LA   COMI?(CE!<CE   DES   LOIS   DE   LA    KATt^Kt 

té%  ptTchiques  foienl  décompo«ablM  en  ëlémenU  «impies, 
identique»  à  travers  les  chanftements  d1nten«itë. 

Os  observations  s'appliquent,  i  plas  forte  raison,  aui 
qualités  m(»ralrs  de  l'âme,  lesqurDes  sont  1rs  plus  inipor^ 
Vanirs. 

Si  mainionant,  prorédant  en  sens  inverse,  on  »c  donnait 
les  vanaiions  des  phcnomrnes  phj-siqaes  poar  eu  déduire 
les  variations  correspondantes  des  phcoomèoes  psycho- 
logiques, il  y  aurait  cercle  vicieux  i  mesurer  celles-ci 
par  cellfs-là,  puisque,  pour  établir  une  relation  constante 
entre  ces  deux  séries  de  variations,  il  faut  avoir  pu,  au  pn'*»- 
lablo,  les  mesurer  séparément. 

Celte  méthode  de  recherche  ne  semble  donc  pouvoir 
aboutir  à  un  résultat,  mt'me  ap  à  un 

côté  très  resln'int  du  monde  |>-;  ...    •  ''    p^' 

où  l'âme  louche  en  quelque  sorte  k  la  matière,  et  oà  elle 
n'est  pas  encore  cil-        i        "'  ni  son  essence 

propre,  le  monde  i-;  it  être   regardé 

comme  une  doublure  du  monde  physique.  Car  alors  on  ne 
s'expliquerait   pas    l'extrême    '  '•.  au 

point  de  vue  moral,  entre  de<i  >   (xmi 

près  la  même  somme  d'énergie  physique  et  consumé  ii  peu 
près  le  m^me  poid«  de  carbone.  Conualt-on  le  prix  du  tra- 
vail intellectuel  quand  on  sait  que  l'équivalent  niérani(|ue 
en  est  un  peu  plus  considérable  que  celui  d'un  travail  mus- 
culaire moyen  de  même  durée  ?  Jugera-t-on  de  la  valeur  d'uo 
plaisir,  de  la  vérité  d'une  pensée,  du  mérite  d'uo  acte  par 
le  poids  qu'on  aurait  pu  soulever  au  moyen  du  carbone 
oxydé  i  Vorr^^xnn  de  ce  plaitir,  de  cette  pensée  ou  de  relie 
action  ? 

C'eM  donc  vainement  qu'on  invoque  le  parallélisme  des 
phénomène*  psyrholngiques  et  des  phénomènes  physiques 
pour  faire  de  l'àmc  une  fonction  du  mouvement.  Les  ohé- 


DE    L  IIOMMK  117 

nomciies  psycboloeiques  ne  sont  pas  mesurables  i  la  m.t- 
liere  da  moavement  ;  et,  en  tant  qu'on  peut  établir  entre 
rux  des  degrés,  ces  variations,  dans  les  régions  élevées  de 
Tàme,  sont  sans  rapport  assignable  avec  les  variation» 
de  la  qnaiiiîié  de  force  physique. 

On  en  peut  dire  autant,  quoique  d'une  manière  moins 
absolue,  de  la  doctrine  suivant  laquolle  les  phénomènes 
psychologiques  ne  seraient  que  la  reproduction  interne,  non 
plus  des  phénuni«>nes  mccani(|ues,  mais  des  phénomènes 
nervcnx.  Le  parallélisme,  ici  encore,  n'est  que  partiel,  bien 
qu'il  s'étende  certainement  à  une  plus  grande  portion  de  la 
vie  psychologique.  Peu  importe,  en  efTel,  que  l'on  trouve 
des  modifications  du  système  nerveux  correspondant  k 
chaque  modificaiion  de  l'àme  La  question  est  de  savoir  si 
les  unes  sont  la  mesure  des  autres.  Or,  il  n'y  a  pas  de  pru> 
portion  entre  la  difTérence  physiologiqire  et  la  diiïérence 

I  '|ue  qui  distinguent,  par  exemple,  la  folie  d'avec 
i<-  ^  ri,  quand  on  juge  de  l'àme  par  le  corps,  on  est 
porté  i  identifier  ces  deux  états.  De  plus,  tandis  que,  dans 

II  I  rjt  des  pliénomènes  psvi  htilngi<|nes  et  des 
I  >  «aniques,  l'un  des  deux   termes  au   moins, 

avoir  le  phénomène  mécanique,  était  exactement  mesura- 
ble ;  ici  les  deux  termes  ne  sont  guère  plus  mesurables  l'ua 
que  l'autre,  en  sorte  qu'il  ne  peut  manquer  de  régner  une 
grande  incertitude  sur  le  degré  de  la  correspondance. 

En  somme,  la  seule  entreprise  vraiment  pratique  consiste 
h  chercher,  non  pas  la  correspondance  des  rapports,  mais 
la  correspondance  des  pnénomènes  considérés  isoliMucnL 
On  peut  alors  obtenir  des  résultats  précis  et  insiruciir»  ; 
m.-)is  ces  résultats  oe  révrlrnt  nullement  la  loi  des  phéno> 
mnios  psychologiques,  parce  que,  la  loi  de  la  détermination 
Dhvsique  n'étant  pas  absolue,  ils  laissent  entière  la  ques- 
Ck>u  de  savoir  si  k»  couditioos  physiques  ne  sont  pas  déier- 


118      DC   LA   C0IfTI5CE:<CE   DES  LOIS  DF.   LA  RATlKt 

ninëe»  tn  partie  par  l'Ame  eUe>inéne,  et  qielle  est,  eo  et 
ten»,  la  part  de  l'influence  psychique  »or  b  production  de 
cet  condition». 

Mais,  s'il  est  impossible  de  déduire  la  nécessité  des  phéo<w 
mènes  psycholoiriqties  de  leur  correspondance  avec  les 
ph«nou)cnes  inférieurs,  ne  trouve  ton  pas,  dans  le  monde 
psychologique  considéré  en  lui-même,  la  preuve  que  les 
fondements  en  sont  immuable»  ot  l'évolution  oécei^saire? 

L'applira'ion  possible  et  fructueuse  de  la  statistique  k 
l'élude  des  phénomènes  psychologiques,  la  découverte  de 
moyennes  morales  constantes  seml  '  > 

phénomènes  sont  soumis  à  une  loi   i 
aux  lois  des  mondes  inférieurs,  et  que  celle  loi  consiste 
dans   la    permanence  de  la  même  quantité  d'énergie  psj* 
chique. 

Ce  n'est  pas  tout.  La  loi  de  la  conserration  de  la  force, 
en  mcraiiique.  n'est  pratiquement  vraie  que  pour  un  en> 
»cmble  de  mouvomeiils  suffisamment  considérable,  tel  que 
le  système  solaire.  Eu  physique  et  en  chimie,  l'application 
de  la  loi  de  conservation  se  particularise,  et  chaque  forme 
de  la  matière  tend  énergiquement  à  conserver  ses  propriétés. 
Chez  les  élres  vivants,  la  conservation  de  la  forme  est  plus 
|«articulière  encore.  Klle  s'applique  à  l'essence  spécifique, 
l/organisme  typique,  continuellemeni  eniamé  par  les  forces 
étrangères,  se  sert  de  ces  forces  mêmes  pour  n'parer  ses 
brèches.  Chez  l'êire  pensant,  l'énergie  est  personnifiée.  En 
chacun  de  nous,  elle  a  conscience  de  sa  permanence,  el 
sent  un  penrh.uii  invincible  à  s';<ilriburr  l'éiemité. 

L'àme  a,  !>aus  doute,  sa  croi!>»ance  et  ses  vicissitudes. 
Mais.d  l'on  adroei  l'eiistence  de  forces  psychiques  latentes; 
si  l'on  remarque   l'afT  ucni  gratis'  naines  fa- 

cultés, k    mesure  qn>  s    ae  déM  si    l'on 

observe  que,  pour  chaque  homme,  il  y  a  généralement  un 


DE  L Homme  H9 

d«'gre  niaTimiim  de  projrrés  p*;\clnqiie,  et  qu  aprcs  i  uvtiir 
att*>ial,  l'homme,  dOrdiuaire,  au  lieu  de  s'y  tenir,  entre 
dans  une  phase  de  décadence,  comme  pour  rétablir  l'équi- 
libre  ;  si  enfin  l'on  lient  compte  des  influences  extérieures. 
<li>s  rapports  des  hommes  entre  eux,  lesquels  viennent  mo- 
difier l'évolution  de  sa  nature  propre  ;  on  conclura  vrai- 
semblablement que  l'énergie  psychique,  jusque  dans  l'en- 
semble d'une  vie  individuelle,  tend  vers  une  moyenne  dé- 
terminée ;  que  la  loi  est  du  côté  de  la  déleriuinaliou  et  de 
la  permanence,  et  que  les  faits  idniraircs  ne  sont  que  i  i-\- 
cepiiun. 

Même  dans  une  phase  donme  de  la  vie  psycliolugi(|ue 
il  un  iu<lt\idu,  la  quantité  de  l'énergie  mentale  semble  dé- 

rroiuée.  Si  l'une  des  facultés  de  Time  est  très  déveIop|iéc, 
c  eAt,  d'ordinaire,  au  déirtmcnl  des  autres.  Si  un  sentiment, 
Doe  idée,  une  résolution,  ai  quierent  une  grande  force,  l'alTai- 
blis^emenl  des  antres  modes  d'action  vjent  rétablir  l'équili- 
bre. C'est  ainsi  que  les  sentiments  présents  finis>ent  par 
effacer  plus  ou  moins  comj)lci<-ment  les  seniimenis  passés. 
Cest  ainsi  que  les  impressions  sensibles,  refoulées  par  do 
nouvelles  impressions  qui  absorbent  la  meilleure  part  de 
l'énergie  mentale,  en  deviennent  moins  vives,  ei  passent  de 
l'état  de  sen&aiioos  à  l'étal  d'images;  puis,  devant  le  (lut 
sans  ces«e  montant  des  sensations  ei  des  images  nouxolles. 
les  précédentes  s'éloignent.  (>erdenl  peu  à  peu  leur  couleur, 
leurs  traits  particuliers  et  leur  vie,  pour  devenir  des  idées 
vagues,  abstraites  et  morte*:  utile  métamorphose,  par  la- 
quelle peu  à  peu  les  idées  des  choses  les  plus  diverses  se  rap> 
prucheni,  se  confondent  dan<i  des  idées  de  plus  en  plus 
gèoérales,  qui  nous  représentent  les  cadres  des  phenomè- 
net.  C'est  ainsi,  ea6n.  que.  dans  la  sphère  de  la  volonté, 
les  résolutions   éner  nt  suivies   d';»i 

menl.  que    le  déses|.i  -me,  et  que  \»  •    -  ■•  - 


120     '*'^    ^A   CO?iTINGE!<CB  DBS   LOIS   DE   LA   RATl'RB 

liinre  dans  l'elTort  est  la  vertu  la  plut  difflcile  i  réaliftrr. 

L'âme  a  pouriaot  la  Tarulté  de  rendre  à  aea  «enUmeuls 
ëioinU.  à  ses  ùh-e*  effaci-e»,  ji  «et  rë»oIi  ••« 

leur   éucrgie   primitive,    parfoit  méin<-  '!« 

n'ont  jamais  eue.  Mais,  dans  ce  cas  encore,  il  n'y  a  point 
crèuiion  d'énergie  psychique.  Cette  résurrection  ne  s'opère 
pas  (l'elle-méroe.  Elle  est  détcrroiiice  par  un  état  présent 
analogue  à  l'état  pas!>é,  et  c'est  la  vie  de  l'élat  présent  qui 
se  communique  au  fantôme  de  l'état  passé. 

Cette  loi  de  conservation  semble  prétappotëe  par  toute 
recherche  tendant  à  expliquer  les  états  de  conscience,  con- 
sidérés en  eux-mêmes,  de  la  manière  dont  on  explique  les 
phénomènes  physiques  ;  elle  est  impliquée  dans  tout  essai  de 
p>yrholo}:ie  positive. 

Et  maintenant,  si  la  quantité  d'énergie  psychique  demeura 
la  même  dans  l'être  pensant,  peubon  soutenir  la  contin- 
gence des  actes  humains? 

Il  n'est  pas  plus  plausible  en  psychologie  qu'en  aiëcani* 
que  d'alléguer,  pour  garantir  la  contingence  des  phéno- 
mones,  la  diNiinriion  de  la  force  indiiirnninée  et  de  la 
direction,  et  d'admettre  que  la  permanence  de  l'une  n'en- 
traîne  pas  la  détermination  de  l'autre.  Les  actions  menla- 
les.  sensations,  idées,  tendances,  ne  sont  jamais  donnée*»  k 
l'étal  indéterminé.  La  direction  des  antét  «Mleiiis  doit  se  re- 
trouver, aussi  bien  que  leur  énergie,  dans  les  couséqnenis  ; 
et,  pour  obtenir  dans  les  conséquents  une  direciior»  '  "^ 
rente  de  celle  qui  résulte  de  la  combinaison  des  ai. 
dents,  il  faut  faire  intervenir  une  direction  nouvelle,  la- 
quelle implique  néressaircr  ;ent  une  énergie  nouvelle  d'une 
certaine  intensité.  Ainsi  un  changement  de  direction,  ou, 
•n  ce  qui  concerne  I  ime,  un  changement  de  qualité,  sup- 
pose toujours  un  changement  do  quantité.  Il  est  vrai  que 
celle  quantité  nouvelle  peut  avoir  été  empruntée  par  l'cire 


DE  L Homme  l2i 

doimé  aux  auircs  élres  du  même  ordre;  mais  le  cliange- 
nh-iil  surgeon  dans  ces  êtres  duil  avoir  eu,  lui  aussi,  une 
raison  délerminaale  ;  cl  si,  dans  leDscmble,  la  qn.iniité 
d'actioD  demeure  coastanie,  les  phénoniones  ne  pourront 
être  qu'un  cireultis,  où  la  conlingenre  n'aura  aucune  place 
L'àme  considérée  en  général  n'cxi»iiqiie  pas  plus  le<î  carac- 
tères particuliers  de  tel  sentiment,  de  telle  coo<  cpiiun,  de 
telle  intention,  que  ta  force  considérée  eu  général  n'expli- 
que la  direction  du  mouvement. 

Il  «emMe  dtmc  qu'il  faille  reno:icer  à  toute  couiinp'iice 
dans  l'ordre  des  phénomènes  de  l'àme,  si  l'on  admet  d'une 
nianière  absolue  la  loi  de  la  conservation  de  l'énergie  psy- 
chique, la  proportionnalité  des  sensatinns,  irlces,  résolu- 
tions avec  leurs  autccédents  psychologiques.  Mais  ictie  loi 
esl-elle  néres>airc? 

On  ne  peut  la  considérer  comme  donnée  à  priori  analy- 
tiquement,  puisque  lidée  des  0|iéralions  psychologiques 
ti  pas  un  degré  déterminé  d'énergie,  comme  cou- 

Oi  t-ur  e\i«»trnce. 

Elle  n'est  pas  non  plus  on  jugement  synthétique  à  prion 
|i  .'  liant  de  l'honiuie  est,  au  couiraire,  de  croire 

(|  >es  actes.  (Lette  loi  est  une  connaissance  en  pe- 

inentate.  et  ne  peut  prétendre  qu'à  une  nécessité  Ut  fait 

Or  cette  nécessité  elle-même  lui  appartient-elle? 

Si  l'on  perce  la  première  envelop|)e  des  choses,  on 
trouve  sans  doute  que  la  variété  infinie  que  présente  la  sur- 
face du  monde  p<iychologiquc  n'esisie  pas  dans  lu  fond. 
Même  dans  l'ordre  mural,  sous  les  dehors  changeants,  il  j 
a  des  couche»  de  plus  en  plus  solides.  Sous  la  disposi- 
tion du  moment,  il  y  a  le  caractère  individuel,  sous  le  ca- 
ictère  individuel  les  mœurs  du  temps,  puis  le  caractère 
i.ational,  puis  eAfin  l.i  nalnri»  hunnine.  Or  la  !:jtuio  bu* 
ni.iiiii»  ilt'iiii'iii  r  kfusilil(>iii<-ti  t   la  même. 


lis     PF.    LA   CO?ITINCENCF.    DF.S   LOIS   DE   LA    ffATLIlE 

Tri  e&l  le  réMiliji  aui|ucl.  d'ordinaire,  abontii  le  ptyclio- 
logiie.  Mais  rhislorien  esl  disposé  à  voir  les  choses  sous  ua 
auire  aspecL  A  ses  yeiit,  tout  rhaofte,  et  il  n'y  a  pasdnii 
(fpo(|ues  ctactenieolsenibbblet.  Les  assimilation^  qu'on  èra* 
biil  entre  le  passé  et  le  prëseni  ne  sont  Jamais  qu'approii* 
nialivcs.   Et  il   semble   qu'on 

courles,  formées  el  posées  cnmi  .  , 

le  philosophe  aime  i  couronner  les  Kénëralisationt  hislori* 
ques,  laissent  iiu'vitablemenl  en  dohors  <!■  ' 
1.1  rralilo  :  comme  si  ce  qui  vil  olnit.  p;ii 
lible  avec  rexaciilude,  l'anité,  l'immutabilité  d'ane  formule. 
Rsl-il  un  homme  dont  le  r:ii  ■  ■   ■> 

Ksi-il  une    n-'iiion   dont  1;  > 

d'une  seule  et  même  idée  ?  La  nature  humaine  elle-même 
rcnformc-l-eile  un  fond  immuable?  Faut  iî  '  *  '  • 
grmcnts  qui  petivent  se  pntdnire  jusqu* 
des  choses,  sous  prétexte  qu'en  eux-mêmes  ils  sont  très 
petits  et  iroporreptibles  au  premier  abord  ?  (^uand  il  s'a^nt 
du  point  do  départ  d'un  angle,  nulle  mudiGration  daosl'éiar» 
temrnt  des  lignes  n'est  indilTorente. 

Kaiit-il  maintenant  poursuivre  l'analyse  et  l'abslrarlioa, 
jusqu'à  oe  qu'on  arrive  à  un  principe  véritablement  identi- 
que?  Mais  que  restera-t-il  de  l'àme,  au  terme  de  cette  opé- 
ration ?  En  quoi  consiste  la  nature  humaine,  réduite  aux  traits 
exactement  communs  à  tous  les  hommes?  Il  est  clair  qu'en 
subissant  cette  élimination  successive  de  ton  lenls 

particuliers,  elle  perdra  jicu  it  |>eu  tout  ce  qui  gran- 

deur. En  somme,  le  retranchement  des  caractères  spécW 
fiques,  la  pirirralisation  aboutit  à  des  concepts  de  plus  eo 
plus  vides,  de  plus  en  plus  pauvres,  et,  en  même  temps,  de 
moins  en  moins  propres  i  expliquer  la  vie  réelle.  Cest  qell 
rst  faox  de  placer  la  subsiau'  '  '        t 

immiiahlr.  ol  on'il  est  impoSKÏIi        .  ,  l 


DE    L  tlUMMK  12] 

I  iiiciil  par  la  nature  des  choses,  cunsidcrêe  coinriie 

I  )ii  iiiiiiicdiaie  et  ëgaleineal  immuable  de  la  subs- 

tance aiosi  curaprise.  Où  Yoyoas>oou8,  surtout  ea  ce  qui 
cuncerue  l'homme,  une  nature  primordiale,  qui  ne  suppM>e 
pas  l'aciiuu  ?  Le  caractère  u'esi-il  pas  le  résultat  des  aric:» 
iusliuctifs  ou  rcfléchis?  Les  facultés  de  l'homme  se  dëvclop- 
pcraieul-elles,  ciisteraieni-elles,  si  elles  ne  s'exerçaient 
pas?  Ou'esl-ce  que  l'ame  avant  l'action?  La  matière  pre- 
miere,  s'il  eu  e&t»te  une,  a-t-elle,  ici  surtout,  un  rôle  com- 
parable 1  celui  de  l'artiste  qui  la  pétrit,  l'organise,  lui 
donne  la  vie,  la  physionomie  et  la  beauté?  En  dépit  des  a|>- 
pareoces,  un  individu,  une  nation,  l'homme  enlin  n'est 
jamais  complètement  esclave  de  son  caractère.  Car  son  ca- 
ractère est  ne  de  l'action,  et  par  coDséqncul  dépend  d'elle. 
Ce  n'est  pas  l'iminuliilité  qui  est  le  trait  duuiiiiaiit  de  la 
oaiiire  humaine,  c'est  le  changenient,  progrès  ou  décadeiit  e; 
et  l'histoire,  à  ce  point  de  ,vue,  est  le  correctif  uéces&aire  de 
la  p>ychuli'   '  '  jue.  La  condilioo  réelle  de  I  homme  est 

toujours  le  ,  ^  il'uu  état  à  un  autre  ;  les  lois  psycliolo- 
giques  les  plus  générales  sont  relatives  à  une  phase  de  Ihu- 
maniié. 

Cette  doctrine,  d'ailleurs,  u'cst  pas  en  cuniradiciiou  avec 
le»  données  de  la  p»y«  holo^ie,  lun>que  eelle-ci  ne  se  con- 
damne pas  d'avance  à  tout  réduire  en  formules  exactes  et 
immuables.  Lu  conséquent  psychologique  ne  trouve  jamais 
dans  l'antécédent  sa  cause  complète  et  sa  raison  sufTisante. 

Cette  dispro{>ortion  des  deux  termes  se  manifeste  parti- 
culièremeut  dans  les  actes  volontaires.  Dans  la  résolution 
qii  suit  la  considération  des  motifs,  il  y  a  quelque  chose  de 
plus  que  dans  les  motiis  :  le  consentement  de  la  volonté  i 
Ici  motif  de  préférence  i  tel  autre.  Le  motif  n'est  donc  pas 
la  cause  complète  de  l'acte.  Ku  est-il  du  moins  la  raison 
biilTi^jiiic?  CiTtt'^  c'ckt  tuujuur»  le   nioiiT  !•*   !>Iiis  fort  qui 


124      DE   LA  CONTINGENCK   DBS   LOIS   DK   L«    ^aTi  r-.R 

in«imph«*.  mais  en  Uni  qu'on  donne,  aprè$  rniip,  c;eu«  <*pi 
Uielf  prvciscnieiil  au  moiir  du  par  la  voloiiir  II  rcktrrai 
à  prouver  que  la  vulouié  dit  toujours  le  nioiif  (|ui,  par  lui 
même,  cxerçjil,  d'avance,  %\Èr  l'aine,  l'innueuir  la  plu«  forlA 
Or  D'arri\e-l-il  pan  que  la  vulonlt*  rende  prjliqurnienl  pré 
pundcraiil  un  moUrqui.  Uiruriquement,  n'clail  pas  la  rëbut 
taaie  des  forces  qui  suliicitaicni  l'aine  7  Lorsque  nous 
observons  du  dehors  la  conduite  de  oos  temblablct  et 
néme  noire  propre  conduite,  nous  trouvons  que  les  mêmes 
actes  sont  uiiiforméuieut  lies  aux  même»  motifs.  Mais  s'eo- 
tuii-il  que  les  actes  soient  déterminés  parles  motifs,  consi- 
dérés en  eus-mèmes  ;  et  cette  loi  ne  se  vérii  •  pas 
égalenu-ut,  si  c'est  la  volonté  elle-même  qn  ,  ~ir  le 
premier  plan, qui  met  en  saillie  les  conditioos  de  too  action f 

S'il  en  est  ainsi.  (lir;i-i-un,  l'acte  est  sans  «I 
mai^  le  rapport  du  motif  prépondéraul  avec   i  > 

déterminations  de  l'àme  contredit  le  principe  de  causalité. 
—  Il  est  vrai  ;  et  peut-être  un  acte  libre  serait-il.  en  elTet, 
ctiose  iuai!  :)issihle.  si  le  [triiicipe  de  causalité  devait  être 
admis  comme  absolu.  Mais  peut-être  aussi  ce  principe, 
dans  son  application  aux  faits,  n'a-t-il  pas  la  ripdité  que  lai 
attribue  la  science  abstraite,  et  coinpurie-t-il  quelque  con- 
tingence dans  la  transformation  d'un  antécédent  en  consé- 
quent. Ce  qui  fait  illusion,  c'est  que  les  i  auses  prochaines  de 
l'acte  donné  s'enchaînent  ou  paraissent  s'enchaîner  entre 
elles  d'une  manière  exactement  conforme  au  princi|»e  d« 
causalité-  Mais  comment  prouver  qu'en  remontant  la  série 
dos  causes,  on  ne  rencontrerait  pas  un  point  oà  ce  principe 
ue  sufûrail  plus  à  rcxplication  des  phénonèOM.  autant  du 
moins  que  I  on  pourrait  les  auaivser  d'uD«  maoière  com* 
plèleT  II  est  possible  que  la  puissance  directrice  n'inter- 
viCAoe  pas  partout  et  toujours  avec  la  méae  énergie,  el 
qu'après  avoir  donné  l'impulsion,  elle  abandoonc  plus  ou 


DE    L  IIOMUR  \<^^\ 

moius  les  choses  à  leur  cours  naiurel,  lorsqu'il  sulfii  |»<Hir 
achever  raciiuu.  Peul-élre  celle  impulsion  esl-elle,  eu  elle- 
même,  extrêmement  Taible  ;  mais,  doaoeeau  moment  oppor- 
tua  el  au  point  approprié,  elle  peut  déterminer  par  ses 
contre-coups  des  phénonieucs  considérables. 

li  est  certain  aussi  que,  d'une  manière  générale,  les  agents 
supérieurs  ne  disposent  pas  à  leur  gré  des  forces  infé- 
rieures. C'est  surtout  lorsque  celles-ci  sout  en  lutte  entre 
elles  et  se  font  en  quelque  sorte  équilibre,  que  l'agent  su- 
périeur intervient  aisément  el  efTicacement.  Quand  lame 
esl  partagée  entre  divers  désirs,  la  volonté,  saus  eflTurt,  se 
fait  jour  entre  eut,  institue  une  délibération  et  |»rononce 
le  jugement.  Quand,  au  contraire,  la  volonté  se  trouve  en 
présence  de  passions  qui,  convergeant  vers  une  mémo  un, 
se  fortifient  réciproquement,  il  lui  arrive  de  ^oublier, 
lie  s'abandonner  elle-même.  Cependant,  môme  alors,  elle 
'•ul  se  réveiller  el  agir  :  elle  peut  lutter  contre  les  |>assiuns 
les  plus  fortes,  soit  ii  '  icnt  en  leur  opposant  d'autres 

passions  d'une  iuien-  ou  en   les   lournaul  insensi- 

blement vers  d'autres  objets,  soit  même  direciement  en  se 
dressant  seule  contre  ses  adversaires.  Elle  peut  cnrni,  jusque 
dans  les  circonstances  les  plus  défavorables,  se  servir  des 
litis  mêmes  qui  régissent  l'amc  pour  la  diriger. 

Si  la  production  de»  déterminations  volontaires  est  Tordre 
de  phénomènes  psychologi<|ue$  où  se  manifeste  le  mieux  la 
<  I',  les  autres  ordres   n'en  sont  pas  entieremeul 

d  , Car  un  sentiment  ou  une  idée,  quelle  que  soit 

la  simplicité  et  la  généralité  du  rapport  qu'on  examine,  ne 
i-  >  leur»  arii  '   -iques  leur 

,\  le.     Ils     ;t|  .  '  irs     comme 

étant  autre  chose  que  ces  antécédeDls,  comme  renfermant 
,i  .'  'l.'s;  et,  k  ce  titre.  Ils  éch^qipeni  à  la  loi 

i;.  lié  de  la  cause  et  de  l'efTet. 


liO      OK   La   COrCTINGBNCB   DBS  LOIS   DB   LA  NATrilB 

Ainsi  la  variabiliio  »e  rrlrouve  Jusque*  dans  k-k  (tniriMi* 
(leurs  les  plus  reculves  de  la  ualure  huiiMiiie.  l>es  lors.  rsi> 
il  vraisemblable  qoe  la  quaotilé  d'énergie  psychique  m  t 
etartemeai  délermiuée  fi  dninure  et;iri«>nie«it  la  mente  t 
Cour  être  eo  droit  d'aftirmcr  une  pareille  lo..  il  rau<lr:iil 
pouvoir  ramener  toutes  les  successions  psychologiques  a  un 
mode  de  aucceasion  ëlémentaire,  eiactement  dcirrminc, 
dont  on  dëmootrerait  la  permanence.  Or  c'est  preciscuieal 
ce  ternie  qui  Tuit  devaui  l'invcsiigaleur. 

Mais  peui-élrc  le  changcmvut  radical  iui-méme  t-t-il  sa 
loi  nécessaire  dans  un  principe  dynamique  immuable  aoté- 
rieur  à  tous  les  phénomènes  ;  peut-iMn-  le  moinle  psycholo- 
gique  est-il  une  évoiutinit  niiifoime  où  est  iiniilinin'e 
l'essence  même  de  rànic 

Né  peut-on  pas  dire,  par  ott-niple.  que  la  marclw  des 
phcnomcncs»  psychologiques  doit  nécessairenimt  être  la 
résultante  de  deui  éléments,  qui  sont  :  dune  part,  oo  en* 
^' mille  de    facultés  constituant  la    ualure    '  iite 

ixe;  et,  de  l'autre,   une  ou   plusieurs  i'  <•* 

que  la  recherche  du  bonheur,  l'instinct  de  ta  vie,  l'adapta* 
lion  des  facultés  internes  auicon'  •■  \ternes? 

Celte  doctrine  est  sujette  â  plu>  ,.  «  tions.  Oo  peut 

se  demander  s'il  est  possible  de  faire  rentrer  tous  les  aciea 
de  l'homme  dans  ces  formules  ou  même  dans  une  formule 
quelconque,  puisque  l'homme  se  sent  capable  d'héruisnie, 
de  sacrifice,  d'actes  qui  brisent  les  résistauce»  les  plus  (or« 
tes  de  sa  nature. 

Eu  admettant  que  la  chose  soit  potaible.  il  est,  à  tout 
le  moins,  dilTicile  de  déteroiiner  exactemrut  la  formule 
à  laquelle  on  entend  se  tenir  :  caries  formules  en  question, 
justes  chacune  dans  une  certaine  mesure,  ae  coocilteot  mal 
entre  elles. 

l.G  désir  du  bonheur,  par  exemple.  |ieul  oooa  faire  détes- 


DE    LIIUMMË  127 

trr  fl  fuir  une  vie  qui  u«»«.»>r;iii  plus  qu'une  sondraiMe  (uiui- 
uuelle. 

1/aniour  de  la  vie  piiNNique  et  morale,  ea  uuus  ioduisaut 
à  développer  nus  forces  et  nos  facultés  autant  que  possible, 

ijscite  mille  difficultés,  mille  conflits  avec  le  dehors,  mille 
t><iiilTraii<>'s  qui  n'existent  pas  pour  les  âmes  inactives. 

L'ai|ji*(aiiou  des  tendances  aux  choses,  à  mesure  qu'elle 
te  réalise  davantage,  éteint  la  cooscieoce,  qui  a  besoin  d'uo 
choc  pour  se  uianilester,  et  remplace  lés  sensations  vives, 
agréables  ou  désagréables,  par  nn  état  d'indifférence  et 
d  apathie.  Ce  n'est  pas  tout.  Le  conflit  entre  l'homme  et  le 
monde  physique  tient  à  ce  que  l'homme  poursuit  des  fins 
que  les  choses  ne  réalisent  pas  spontanément,  des  fins  su- 
pi'-rieures  a  celles  des  choses.  Pour  faire  cesser  ce  conflit,  il 
faut  renoncer  à  poursuivre  ces  fins  supérieures.  L'homme 
qui  fait  de  l'adaptation  aux  conditions  externes  le  but  de  sa 
vie  devra  donc  redescendre  successivement  les  degrés  de 
l'être,  et  se  plier  se  soumettre,  s'identifier  aux  choses 
dont  il  redoute  le  choc.  Dès  lors,  il  ne  verra  plus  que  des 
maux  dans  la  cons<-i<Mice  morale,  dans  riiitelligcnct',  dans 
le  sentiment,  dans  la  vie,  dans  l'c&istenoe  elle-même,  car 
toutes  ces  tendances  sont  contrariées  par  le  monde  externe; 
et  finalenieni  il  considérera  l'annihilation  absolue  comme  le 
souverain  bien. 

Fût-il  démoniré.  d'ailleurs,  que  toutes  les  actions  de 
i  homme  s'>  :it  par  ces  formules  dynamiques  ou  par 

d'autres  du iire,  il  ne  s'ensuivrait  pas  que  la  néccs- 

iié  préside  à  la  vie  psychologique.  Car  cet  formules  ne 

iiisfont  pas  aux  conditions  d'une   loi   positive,  ou  rapport 

vi>i^nt  entre  des  données  expérimentales. 
El  d'abord  le  second  terme  de  la  loi  dynamique,  la  fin 
i'ioposée  à  l'acLivité  humaine,  a  quelque  chose  de  vague  et 
ri'intléierminë  <)u'eslce  que  le  bonheur?  Tous  les  homme* 

■OVTHOOI  f 


I3H      DE    LA   CONTIMGRNCB   0£8   LOIS  DE   LA   ?IATUIIE 

le  cooçoivpnl-il«  de  la  même  manière  ?  Quel  e»i  le  genre  oe 
bonheur  qui  est  cun-^iiioré  romnie  la  fin  uuiv«r«o||<>  <!<>«  arie* 
bamains  ?  De  OK^me,  eo   quoi   consiste  le  d  ml 

harmonieux  de  dos  forces  et  de  nos  facnltcs?  ^- Tor- 
dre de  subordination  qu'il  s'agit  d'établir  entre  elles  ?  Admet* 
tra-t-on,  pour  rester,  autant  que  possible,  sur  le  terrain  des 
faits,  que  la  facultv  la  plu;»  haute  e»t  celle  qoi  confère  le 
plus  de  force?  Mais  il  n'est  nullement  éTident  que  la  icran- 
deur  morale  rentre  dans  la  force  et  ne  ■ 
rechenbcc  pour  elle-uièmc.  Le  dévelo|»pr(i  ,  , 
de  nos  puissances  innées  est-Il  do  principe  clair,  propre  i 
être  couipris  de  la  m^mc  manière  parlons  les  hommes? 
Quant  à  I  adapiatton  des  tendances  aux  choses,  ne  se  peut- 
elle  également  eoDcevoir  de  plusieurs  manières?  Mettra -l-ou 
sur  le  nu'ine  rang  celui  qui  cherche  i  se  ce  '  ;  anx 
conditions  externes  sans  rien  sacrifier  de  set»  ;  .  ii%es 
humaines,  et  celui  qui  laisse  dépérir  ses  facultés  supérieures, 
sous  prétexte  qu'elles  entravent  î"  '  "  n  ,  "  ,  ,i  |e 
genre  d'atl.'i|»lalion  que  l'on  cou  iiu* 

relie  des  actions  humaines? 

Knsnite.  penl-on  dire  qu'une  ■<  ir<i.iiii  ••  soit  une  réalité 
|>osilivr?  La  tentJunie  n'exisie-t-elle  que  lorsqu'elle  !»e  mani- 
feste ;  D'est-elle  qu'une  somme  d'actes  passi*s  on  prt'sents? 
Certes,  elle  peut  exister  lors  même  qu'elle  ne  se  manifeste- 
rait pas.  Est-ce  une  somme  d'actes  possibles?  De  deux 
»hoses  l'une  :  ou  ces  actes  se  réaliseront  certainement,  et 
ilors  ils  ne  sont  pas  simplement  possibles,  ils  toDl  futurs  : 
atais  il  D'est  pas  nécessaire  qu'une  tendance  doive  se  réaliser 
pour  que  l'cxisience  en  puisse  être  admise  ;  ou  ces  actes 
sont  vériiablcment  possibles,  c'est-à-dirc  se  réaliseront  ou 
De  se  réaliseront  pas  :  mais,  dans  ce  cas,  ils  oe  peuvent  être 
cni:  '>mme  une  réalité  positive,  c*eal-i-dire  doonë« 

rf.i'  .rire. 


DE    L*HOMMB  129 

De  mimr.on  ne  pfiit  cnn<:irt^'rer  comme  données  ladircc* 
lion  prtTi<;o,  rinlensité,  l'inlclligence  de  la  tendance.  Car  la 
tendante,  c'est  l'être  même;  et  qui  peut  affirmer  que  l'éire 
n'a  pas  le  pouvoir  d'agir  sur  ses  tendances,  de  les  modifier 
sponiantiment?  Celte  impossibilité  est-elle  donnée,  pcut-Llle 
être  donnée  dans  l'expérienre? 

Il  j^emble  donc  qu'il  soit  aussi  impossible  d'établir  scienti- 
fiqui'meDl  une  loi  de  changement  radical  nécessaire,  qu'une 
loi  de  conservation  radicale.  En  fait,  le  changement  existe 
dans  l'àme  à  côté  de  la  permanence,  avant  la  permanence 
elle-roènre.  D'autre  part,  one  loi  de  changement  qui  ne  se 
rarr»'  •  une  loi  de  consenration,  une  loi  qui  précède 

absM  f»  choses,  un  principe  antérieur  aux  concepts, 

ne  peut  être  assimilée  aux  lois  positives  et  prétendre,  eo  ce 
»cns.  à  la  nécessité. 

S'il  en  est  ainsi,  on  est  eo  droit  d'admettre  que  les  phéno- 
mènes psychologiques  ne  sont  pas  absolument  déterminés, 
mais  recèlent,  sous  les  uniformités  de  succession  qu'ils 
offrent  encore  ib  l'ob-scrvaleur.  une  contingence  radicale. 

Et  le  caractère  propre  à  la  loi  de  permanence  qui  régit  les 
actes  de  l'homme  prouve  que  la  part  de  IKidétennination  doit 
j  être  plus  grande  que  dans  tons  les  autres  phénomènes. 

En  effet,  dans  les  régions  ioférieurt-s,  les  lois  fondamen- 
tale de  permanence  se  rapportent  immédiatement  à  des 
ensembles  plus  ou  moins  considérables,  tels  qu'un  système 
mécanique,  une  forme  de  la  matière,  une  espèce  vivante. 
Chaque  agent  particulier  se  trou\e  ainsi  comme  absorbé 
dans  le  loai  auquel  il  appartient.  La  lui  qui  le  régit  ne  lui 
•  que  d»'  roiKori  avec  l'ensemble.  Dès  lors. 
,  irrait  il  produire  une  action  contingente?  Sera> 
ce  en  prenant  soo  point  d'appui  dans  la  loi  même  de  son 
action?  \f  loi,  qui  1  .,i.   «-st   toute 

contre  lui  mpose  au  O' ,  i  <  iuiiiaiive  la 


130      DE   LA   CONTlMCeriCR   DES  LOIS  DE   LA   lUTtRB 

condition  de  modifier  rentemble  da  «jrstème  auquel  il  appar> 
tient.  Sera-ce  eo  résistant  abuolument  i  ce  destin  eonemi 
qui  ne  le  compte  pour  rien  ?  Mais  serait-il  encore  une  créa» 
ture,  l'être  qui  pourr;«it  agir  sur  le»  chose*  san*  prendr»  en 
elles  son  point  d'appui  ? 

Ce  serai!  donc  èire  soumis  à  une  fatalité  itii^uiur  i(ii« 
d'exister  uniquement  romme  partie  du  tout.  A  vrai  dire,  rien 
de  réel  ne  présente  ce  caractère,  incompatible  avec  l'exis- 
tence :  il  ne  se  rencontre  que  dans  l'ulijet  purement  Idéal 
d'une  science  tout  à  fait  abstraite.  Et,  si  les  êtres  inférieurs 
i  l'homme  présentent  déjà,  sous  forme  collective,  quelque 
degré  de  continj;cnce,  c'est  que  les  systèmes  qu'ils  consti 
tuent  sont  déjà,  dans  une  certaine  mesure,  des  mondes  dis» 
tincts,  en  dehors  desquels  il  j  a  de  l'espace  et  des  |>oinis 
d'appui. 

Or,  plus  que  tous  les  autres  êtres,  la  personne  humaine  a 
one  existence  propre,  est  à  elle  même  son  monde.  IMus  que 
le*  autres  êtres,  elle  peut  agir,  sans  être  forcée  de  faire 
entrer  set  actes  dans  un  système  qui  la  dépasse.  La  loi 
générale  de  la  conservation  de  1' 
celle,  en  quelque  sorte,  en  une  n 

dont  chacune  est  propre  i  chaque  individu.  Ce  sontcealoit 
individurllrs  qui  sont  immédiates:  la  loi  pcncrale  II' 
que  médiate.  Il  y  a  plus  :  il  semble  que,  pour  un  ni' 
▼idn,  la  loi  se  subdivise  encore  et  se  résolve  en  lois  de  détail 
propres  à  chaque  phase  de  la  vie  psychologique.  I.a  loi  tend 
à  se  rapprocher  du  fait.  Dès  lors,  la  conservation  de  l'en- 
semble ne  détermine  plus  les  actes  de  l'individu  :  elle  en 
dépend.  L'individu,  devenu,  à  lui  seul,  tout  le  genre  auquel 
s'applique  la  lui,  en  est  maître.  Il  la  tourne  en  instrument  ; 
et  il  rêve  un  état  où,  en  chaque  instant  de  son  existence,  U 
serait  ain^i  l'égal  de  la  loi  et  posséderait,  en  lui-même,  loua 
les  ciéments  de  son  action. 


CONCLUSION 


Lorsqu*»,  dan»  l'aorienne  Crt-ce,  l'homme  prit  conscience 
de  lui-même  et  rénéchit  sur  sa  condition,  il  se  crul  le  jouel 
d'une  puissance  extérieure,  impcnéirable  el  irrésistible,  qu'il 
appela  le  Destin.  Selon  celle  croyance,  il  avait  le  devoir 
d'obéir  à  des  ordres  mystérieux,  et  il  était  condamné  à  expier 
des  crimes  inévitables.  Après  avoir  gémi  sur  sa  servitude,  il 
osa  juger  celle  puissance  inflexible.  Il  la  trouva  cruelle  et 
inique,  il  estima  qu'il  valait  mieux  qu'elle.  Il  s'étonna 
d'avoir  accepté  sans  examen  ce  joug  honlcnx.  Il  essaya  de 
s'y  soustraire,  de  le  briser:  il  le  brisa,  en  efTel.  Ce  ne  fut 
plus  le  monde  qui  lui  dicta  des  lois,  ce  fut  lui  qui  dicta  des 
lois  au  mond**    Il  prit  conscience  de  sa  liberté. 

Mais  bi«'nl«')t  s'éveilla  en  lui  une  nouvelle  inquiétude.  Suf- 
lî«aii-il  qu'il  fût  libre  i  l'égard  du  monde  extérieur  pour  être 
fîfi  ?  Ne  sf  ''.is  en  lui  des  mouvements  impé- 
>  forces  in  >,  analogues  à  ce  destin  auquel 

il  avait  cru  jadis?  Ne  s'était-il  donc  trompé  alors  que  sur  le 
si<^(re  de  celle  puissance  souveraine?  Absente  du  monde, 
rr>iibil-elle  en  lui-même?  Ii)lail-il  l'esclave  de  ses  passions, 
<\r  M*s  idées,  de  sa  nature  ?  La  fatalité  le  ressaisissait-elle 
au  uiuroenl  où  il  croyait  lui  échapper  ?  .^ans  doute,  celte  fata- 
lité nouvelle  était  moins  brutale  el  moins  stupide  que  la 
(•dente.  Mais  vn  étail-elle  moins  absolue?  Une  chaîne 
(Il  ,(•  i-elle  muios  lourdement  pour  être  inaperçue  du  dehors? 
Sous   rëtreiole  du   moude  i'xiéricur.    l'humm*   conservait 


132      DF.   LA  CO?iTtNCENCE  DCS  LOIS  DE   LA  HATURI 

fricure  une  liberlé  :  celle  de  proie»t«r  inlërirurf  mrnt  conlre 
la  violence  dont  il  ëuit  victime.  Sous  I  étreinte  de  m  propre 
nature,  c'était  se  duper  soi  mi'mc  que  de  se  croire  libre. 
Qtiaut  à  l'empire  sur  le  moudo  exlêriour,  quel  prit  cnn^enr 
i-il  aux  yeux  d'un  être  qui  sent  la  faialitë  au- dedans  de  soi' 

Ku  somme,  le  Destin,  sans  doute,  n'était  plus  qu'une  fi 

mais  c'était  une  figure  %raic. 

Le  (tcnie  grec  n'en  demeura  pas  li.  Il  comprit  que  les 
diverses  parties  de  la  nature  humaine  n'avaient  p.i«  toutes 
la  même  dignité.  Il  réussit  à  faire  plier  les  facultés  inférirures 
devant  les  facultés  supérieures,  il  vit  par  là  que  celle  fatalité 
inierne  qui  pesait  sur  ses  actes  n'était  pas  aussi  inflexible 
qu'il  l'avait  supposé  d'abord.  Chaque  elTorl  nouveau  le  coa* 
(irma  dans  '  '.  dans  cette  foi  en  lui-même  ;  et  peu  à 

peu  il  osa  |>  à  la  perfection   d'un   <lir(j   ()ui   M-raii 

maUre  de  lui  comme  de  l'univers. 

Telle  semble  être,  eu  des  sens  divers,  la  conditiuu  de  tous 
les  êtres. 

On  peut  distinguer  dans  l'univers  plusieurs  mondes.  q-ii 
fornieni  comme  des  étages  superposés  les  m 
C«  sont,  au-dessus  du  monde   de  la   pure  U'  .1 

quantité  sans  qualité,  qui  est  identique  au  néant,  le  monde 
des  c;ii;        '      londe  des  notions,  le  monde  mat! 
le  mon  '  |iie,  le  monde  vivant,  et  niflii  If  w 

sant. 

Chacun  de  ces  mondes  sembl*-  n  .•(•orti  )i<-|i<-ii(iir  t 
nient  des  mondes  inférieurs,  comme  d'une  faialiié  e\^ 
et  tenir  d'eux  son  existence  et  ses  lois.  La  matière  existerait* 
elle  sans  l'identité  générique  et  la  causal:'  -  '-'    -rp^  <>ans  la 
matière,  les  êtres  vivants  san^  irs  ageutv  ,  .  I  humme 

sans  la  vie? 

Cependant,  si  l'on  soumet  à  un  examen  comparatif  les  con- 
cepts des  principales  formes  de  l'être,  ou  voit  qu'il  est  iropos* 


COIfCLUSIO!f  133 

sible  de  rattacher  les  formes  supérieorcs  aux  formes  infé- 
rietircs  par  un  lieD  de  nécessite. 

Raisoiiuc-l-oo  »  priori?  L'on  ne  peut  tirer  les  forme» 
•uperienres  des  formes  inférieures  par  voie  d'analyse,  parce 
qu'elles)  ut  des  éléments  irréductibles  à  ceux  de 

formes  iii  >.    Les  premières   ne   trouvent  dans    le- 

secondes  que  leur  matière  et  non  leur  forme.  Le  lien  de» 
unes  par  rapport  aux  autres  apparaît  comme  radicalement 
syiilliélique. 

Ce  serait  pourtant  un  lien  nécessaire,  s'il  était  posé  par 
l'esprit,  en  dehors  de  toute  expérience,  dans  un  jugement 
synthétique  causal  à  priori.  Mais  les  formules  qui  suppose- 
raient une  origine  à  priori  ne  sont  pas  celles  qui  s'appii(|iienl 
aux  choses  données  ou  même  à  la  connaissance  de  ces 
choses  ;  tandis  que  les  formules  qui  expliquent  véritable* 
ment  la  nature  des  choses  données  dérivent  de  l'expérience 
elle-même. 

L'existence  des  divers  degrés  de  l'élre  n'est  donc  pas  néces* 
saire  en  droit. 

L*"   r:<i«.(iin)iiiii'til   ;*    txislr^rinri  nrOUVC-t-il   qu'elle  Ic  SOit  eO 

(ait' 

Lor->  uii'iiio  que  la  science  a  [lU  prendre  la  fo-me  déduc- 
tive,  il  ne  s  en>^uit  pas  que  les  ronclusinns  en  soient  objec» 
tivement  nécessaires.  La  valeur  des  conclusions  est  précisé* 
nient   c<r  •         '      "  ,,ix  ;  et,  si  i'T» 

tuntconir  rinsmetn*-(<  n-iit 

à  toutes  les  propositions  que  le  syllogisme  en  fait  sortir.  Or 
toiii<  '•>  a  un  caractère  abstrait  cl 

tniij'  ne  sont  possibles  (|tr;i  ce 

prir.  Ce  sont  des  synthèses  artilirielles  de  concepts,  appau- 
vris de  manière  à  devenir  entièrement  intelligibles.  On  ne 
peut  donc  appliquer  aux  choses  elles-mêmes  la  détermina- 
tion inhérente  aux  définitions  des  sciences  dédurtives. 


134      DE    LA   COMTI>GENCE   DES   LOIS   DE   LA   RATUIII 

Les   laiii,  loutefoif,  «erobleoi  aiiMter  «uffiuimmeal  !• 

canclère  nécessaire  de  rapi  ;  *  '  ettenre  noa> 
vrile.  Car  celle  apparilion  '  uienl  avec  ao 
eerUio  élat  de  la  matière  corres|)ondanle.  Mais  quelle  est  la 
sigoifiraiiun  de  celle  coinridcnce?  Oe  quel  c6të  c^i  l'agent, 
de  quel  côté  le  patient?  F>i-re  le  principe  infcri«Mir  qui  dé* 
termine  l'apparition  du  principe  supérieur  ;  oo  bien,  e^t-re 
le  principe  supérieur  lui  mcnie  qui,  en  se  réalisant,  suscite 
les  condiiions  de  sa  rëalisaiion  ?  D'une  part,  une  cause  phé- 
noménale ahsolumcnl  délorniiiiante  est  chose  iiiiniclli):il>le, 
parce  qu'elle  suppose  ane  quantité  dépourvue  de  toute  qua« 
liié,  et  qu'une  telle  essence  ne  |h:ui  exisier:  l'Iofcrieur  ne 
peut  donc  déterminer  absolument  l'aiipariiion  du  supérieur. 
D'autre  pari,  pour  chaque  progrès  de  l'élre,  oo  ne  peut  expli- 
quer entiérenieni  par  les  lois  du  principe  inférieur  la  com- 
plication que  présente  ce  principe,  al«»rs  qn  -it  le 
marchepied  du  prin(i|ie  supérieur:  il  est  donc  1  , <J  ad- 
mettre que  c'est  la  forme  elle-même  qui  façonne  la  matière 
k  son  usage. 

Ainsi  chaque  monde  donne  posseoc,  par  rapport  aui 
mondes  inférieurs,  un  certain  degré  d'indépendance.  Il 
peut,  dans  une  certaine  mesure,  intervenir  dans  leur  dé- 
veloppement, exploiter  les  lois  qui  leur  sont  propres,  y 
déterminer  des  formes  qui  n'étaient  pas  appelée*  par  leor 
essence. 

Mais  chaque  monde  ne  poric-t-il  pas  eo  toi,  comme  une 
fatalité  interne,  une  loi  qui  en  régit  les  phënomèoe*  ;  et  alaii 
la  coutil  '•  >  phénoroèoes  o'est-elle  pas.  en  définitire, 

une  port  ,,  ■• 

Va  d  abord,  n'eiiste-l-il  pas  eoe  correspondance  eActe 
entre  un  monde  sop4*rieur  donné  M  les  mondes  inférieurs, 
de  lellc  Korie  que  la  loi  du  monde  supérieur  ne  soit,  en  défi- 
oilive.  que  la  tr^doclion   dans  ao  autre  lanrate.  de  la  fata- 


CONCLGSIOK  13  > 

litë  propre  aux  mondes  inférieurs,  et  comme  le  sens  ink-nie 
d'uD  deslin  symbolique? 

Cette  correspondance  n'a  pas  une  telle  signilication,  parce 
qu'elle  n'existe  pas  entre  les  deux  ordres  de  rapports,  n'y 
ayant  soaveot  aucune  proportion  entre  les  vicissitudes  de  la 
forme  et  celles  de  la  matière  ;  et  que,  si  elle  existe  entre  les 
deux  catégories  de  faits  considérés  isolément,  rien  ne  prouve 
{à  moins  de  considérer  comme  absolue  la  fatalité  inhérente 
au  moi  "  ■  ''  'i-ur,  c'est-à-dire  à  moins  de  supposer  ce  qui 
est  en  V  |ue  le  phénomène  »upérieur  n'ait  pas  iniliié 

sur  la  réalisation  de  ses  conditions. 

Mais  l'observation  et  le  raisonnement  ne  montrenV-iis  pns 
que  les  phénomènes  se  produisent  suivant  un  ordre  constant  ; 
que  les  uniformités  de  détait  se  ramènent  à  des  uniformités 
générales  ;  et  que,  finalement,  chaque  monde  est  gouverné 
par  une  loi  spéciale,  qui  consiste  dans  la  conservation  de 
l'essence  même  dont  il  est  la  réalisation? 

Ces  lois  de  permanence  existent  sans  contredit  ;  mats  sont* 
elles  nécessaires  ? 

Considt-rées  a  priori,  elles  ne  se  peuvent  déduire  de  l'es- 
sence même  des  choses  auxquelles  elles  s'appliquent,  parce 
qu'elles  se  rapportent  à  la  quantité  extensive,  et  que  toute 
essence,  étant  avant  (ont  une  qualité,  comporte,  i  ce  point 
de  vue,  une  infinité  de  degrés. 

On  ne  peut  dire  non  plus  que  ces  lois  fondamentales  soient 
posées  a  priori  par  l'esprit  lui-même.  Les  formules  qui 
requièrent  une  origine  rationnelle,  portant  sur  des  choses  en 
soi  00  sur  des  rapports  invérifiables,  ne  t'appliquent  pas  aux 
choses  données  ou  à  la  connaissance  des  choses  données; 
ei  les  formules  qui  comportent  un  usage  expérimental  ne 
ouiiennent  aucun  terme  qui  ne  trouve  son  explication  dans 
I  expéricnre  elle-même. 

Il  est  doue  inexact  de  dire  qae  les  lois  régissent  les  phé- 


136      DE    LA   CO^TIMGCNCe    DES   LOIS  DR   LA   RATtUR 

oomène».  Elle»  ne  »oni  pa«  poMfe»  avatil  le*  choftet.  «Iles  Im 
tuppo»ciiC  ;  elles  n'exprimeoi  que  les  rapporU  qui  dcriteiM 
de  iour  Dai'  nableroenl  n-atift^e 

Miis  h  X  il«>inéine.  turiuut  lonqn'eiie  a  pu  preo* 

dre  la  forme  déduciive,  ne  pruuve-t-elie  pa»  à  |H»fticriuri  que 
la  nalure  mémo  des  .  '  '  «ngc  pas? 

D'uoe  part,  nu  ur  ,  .  avec  la  nature  des  cboM* 

un  principe  empirique,  si  gênerai  qu'il  toit,  si  recoud  qu'il 
apparaisse.  La  s<  ieuce  dc'duclivc  csl  radicalement  abstraite. 
Klle  Jèiorroine  les  rapports  des  cliuse»,  à  supposer  que  la 
nalure  en  demeure  immobile. 

D'autre  part,  le  muudo  nous  oiïre  partout^  à  cùtë  de  la 
cooïervation,  qui.  eflTectivemcut,  en  elle -mène,  exclut  l'idée 
de  contingence,  le  chaiigcmeiii,  progrèi  on  li 

la  comporte;  et  cria,  non  seulomcni  dans  \>  ,     n- 

ciel,  mais  m^me.  indëfiuiroent'sans  doute,  dans  le»  lois  d'en 
semble  qui  rr»umiMlt  los  luis  <* 

Au  fond,  il  n'est  pas  un  rapi  lanléccdeut  à  consé- 

quent, si  général  qu'on  le  suppose,  qui  se  puisse  coDcevoir 
comme  nécessaire.  Car  la  nécessité  ne  peut  consister  que^ 
dans  le  rap(>ori  quantiuiif  de  lauiécédent  au  rouséqucot. 
Or  la  quantité  oe  se  conçoit  que  comme  mesure  de  la  qua* 
lilé,  n  ■      '        '      I  '     ,    ilité  ;  et  <  •  "  '  '   ij- 

ment  i  delle-m-  .i 

defrés  de  perfection  aussi  voisins  l'un  de  l'autre  que  Ton 
voudra,  ne  trouvant  d'ail'  '    <>  la  quanlilé  e iiensite  on 

répétition  stérile  d  une  m  •    aucun   éUiueni  de  per 

fectionnement.  ne  peut  admettre  que  comme  acridenielle  el 
relative,  non  comme  essentielle  et  absolue.  I*homo(;eoéité  el 
la  permanence  requises  par  ta  catégorie  de  quaiiiité.  La  loi 
de  la  conservation  de  I  être  est  donc  contingente. 

Il  est  d  ailleur«  impossible  de  trouver  et  de  concevoir  une 
loi  de  changement  qualitatif  antérieure  aui  choses  qui  n'im- 


COÎICLLSIOM  137 

plique  pas  la  fiii-dlilé.  Or  la  tioalilé  dépasse  rexpénem-e. 
Ainsi  une  telle  loi  ne  satisfait  pas  aux  coodiiioas  d'uoe  loi 
{<  'ire  un  indice  de  oëcessité  physique. 

I  i>*  donné  ne  sont  donc   pas   dans  une 

^dépeDdaoce  absolue  à  Tégard  de  leur  propre  nature.  Il  n'est 
pas  iocout»'   '  '  tans  leur  fond,  ils  ne  demeu- 

rent pas  ei  labiés  à  eux-mêmes,    et  que 

l'ordre  dans  lequel  se  succèdent  leurs  manifestations  ne 
laisse  plare  à  une  part  plus  ou  moins  grande  de  contingence. 
Ce  serait  même  celle  indeierminaiiun  qui  permetlrait  aux 
formes  supcricures  de  se  grrffer  sur  les  formes  inférieures, 
eu  plaçant  ceiles-ci  dans  les  conditions  requises  pour  l'éclo- 
»ion  d'un  germe  nouveau 

.  Esi-oe,  niaiiii»-nant,  par  une  série  ue  créations  isolées  les 
unes  des  autres,  ou  par  une  marche  continue, que  la  nature 

lève  ainsi,  des  formes  vides  ei  siériles  des  mondes  onto- 
logique et  lo:.'if|ue,  aux  formes  riches  et  fécondes  des  mondes 
vivant  et  pmsani?  Peu  importe,  en  définitive;  car  les  éié- 
ments  supérieurs,  pour  venir  s{>iriiualiser  la  matière  par  une 
fi'  n'en  reste!  tnoins  irr'  " 

3'i  •  urs,  et  sti  >  a   ces  d«  r 

>ie  d'addition,  de  création  absolue.  Oira-t-on  qu'un  navire 
avance  de  lui-même,  parce  que,  du  dehors,  ou  lui  voit 
suivre  one  marche  continue? 

Trouver  les  formes  intermédiaires  qui  établiraient  entre 
iiius  les  êtres   de   la    nature  une  gradation   i  ' ''-.    <  i- 

serait  dcterininer  le  mode  d'action  du  prinrij»  <  u.mi- 

nemeoL,  ce  oe  serait  pas  ramener  le  perreciionneroent  à 
l'iromobilité,  les  formes  supérieures  aux  formes  inférieurrs. 
Quant  à  traduire  l'idée  de  p4'rferiiotinenu'nt  par  l'idée  de 
développrinrni  pur  et  simple,  d'abord  c'est  chose  ill<-t;iiime, 
parée  que  iouidévelop|iement  n'est  pas  au  perfectionnement: 
ensuite  c'est  chose  inutile,  dans  le  cas  prcscot.  parce  que 


I.*^      '>K    I.A   CO?ITIMGEnce   DES   LOIS   OC   LA   HATL'RI 

le  dcvelo|>|M>mrni  lui-méroe  »upp<)fterinlertentioo  d'un  prio* 
cipe  supérieur,  qui  lire  la  maliere  de  l'cUit  d'euveloppeincnt 
et  lui  ra^&e  mettre  au  jour  ce  qu'elle  carlie.  D'ailleurs  la 
doctrine  de  la  préoxisteuce  et  de  la  prcfurmalion  temble 
faire  place  de  plus  eo  plu»,  dans  la  science,  à  la  docirioe 
do  répiiçôoèse,  laquelle,  sans  exclure  le  priaripe  de  develop- 
pement,  «uppo&e  expre»!»cmeul  un  principe  d  addition  et  de 
perfct  liunucMient. 

tn  premier  coup  d'œil  jeië  sur  les  phcnumèncs  naturels! 
pu  faire  nailre  l'idée  d'une  transniulaliou  universelle,  sans 
addition  de  formes  supérieures.  On  a  pu  croire  que  l'eau 
avec  sa  fluidité,  ou  le  feu  avec  sa  mobilité,  était  le  principe 
unique,  susceptible,  par  lui-mi^me,  de  revêtir  toutes  les 
formes  que  nous  connaissons.  On  a  pu,  pendant  '  >, 

persister  dans  la  croyance  à  la  transmutation  d<  \\. 

On  a  pu,  jusque  dans  un  âge  scioulifique  avancé,  admettre  la 
iraiismulalion  pure  et  simple  des  forces,  croire  que  le  rooa- 
vcment  se  peut,  llilér-diement,  transformer  en  cbalcur,  eo 
vie,  en  pensée.  Un  examen  plus  approfondi  a  montré  que 
l'eau  ou  la  chaleur  qui  enireiicnnenl  la  vir  v'  ,i  dans 

le  corps  vivant  sans  changer  de  nature  ;  qu<  nx  vils 

demeurent  tels,  a  travers  toutes  les  fusions  et  combinaisons 
qu'on  leur  lait  subir;  que  le  mouvement  sul)  *  î  •nlier, 
comme  mouvement,  sous  la  chaleur,  la  vie.  dont 

il  accompagne  l'apparition. 

L'univers  ne  se  compose  donc  |i.in  d'clcnirutv  .^-.mx  entre 
eux,  susceptibles  de  se  transformer  les  uns  dans  les  autres, 
comme  des  quantités  algébriques.  Il  se  compose  de  formes 
superposées  les  unes  aux  autres,  quoique  reliée»  entre  elles, 
peut-être,  par  des  gradations,  c'est-à-dire  des  additions,  tout 
i  fait  inseusibles. 

Et,  de  même  que  chaque  momie  rontic.t  quelque  chose  de 
plus  que  les  mondes  qui  lui  sont  inférieurs,  de  même,  aa 


CONCLUSION*  139 

sein  de  chaque  monde,  la  quanlitë  d'être  n'est  pas  absolu- 
ment déterminée.  Il  y  a  un  perfeciionnement  possible,  comme 
aussi  une  décadence  ;  et  la  contingence  du  degré  do,  perfec 
lion  emporte  celle  de  la  mesure  quantitative- 

S'il  en  est  ainsi,  le  vieil  ada^  :  t  Rien  ne  se  perd,  rien  ne 
se  crée  >,  n'a  pas  une  valeur  absolue.  L'existence  même 
d'une  hiérarchie  de  mondes  irréductibles  les  uns  aux  autres 
sans  être  coéternels,  est  une  première  dérogation  à  cet 
adage  ;  et  la  possibilité  du  perfectionnement  ou  de  la  dc«.a- 
dence  au  sein  de  ces  mondes  eux-mêmes  en  est  une 
seconde. 

Or  les  sciences  positives  reposent  sur  ce  postulai.  Elles 
étudient  le  changement,  en  tant  qu'il  se  ramené  à  la  perma- 
nence. Elles  considèrent  les  choses  au  point  de  vue  de  la 
conservation  de  l'être.  Quelle  est  donc  la  valeur  des  sciences 
positives? 

Certes  la  si;il>iliié  n'est  pas  simplement  une  catégorie 
abstraite,  un  moule  où  l'entendement  jette  les  choses;  elle 
règne  dans  le  monde  donné.  Les  faits  sont  des  cas  parlicu* 
liers  de  l<H  l«^  monde  est  intelligible  ;  et  ainsi  ce 

ne  sont  |>.>  iiés  idéales,  c'est  la  réalité  elle-même, 

dont  la  science  nous  présente  le  tableau  systématique.  Mais 
b  stabilité  ne  régne  pas  sans  partage.  Au  sein  uiêine  de  sou 
empire  appâtait,  «omme  élément  primitif  original,  l'ac- 
tion  d'un  principe  de  changement  absolu,  de  création  pro* 
prcment  dite  ;  et  il  est  impossible  d'établir  une  frontière 
entre  les  deux  domaines.  Ou  peut  dire  qu'une  partie  des 
êtres  ou  qu'une  face  des  choses  soient  régies  par  des  lois, 
tandi'»  que  les  autres  êtres  ou  l'autre  face  des  choses  seraient 
soustraits  à  la  nécessité.  Ce  qui  est  vrai,  c'est  que,  dans  les 
nioiides  inférieurs,  la  loi  tient  une  si  large  place  qu'elle  se 
substitue  presque  à  l'être  ;  dans  les  mondes  supérieurs,  au 
(  niitniire.  l'être  fait  presque  oublier  la  loi.  Ainsi  tout   fait 


440      DB   LA   CONTINGFMf    t>KS    LOIS   DB   LA   KATIRK 

relève  non  fteulcmml  du  principe  dr  <on«rrvat!on.  mai» 
aussi,  et  tout  d'aburd,  d'un  priiicii»*  de  cr<-aii<Mi. 

L'élre  D'esl  donc,  i  aucun  de  sm  degrés,  conoa  Jusque 
dans  son  fond,  quand  les  sciences  posii'  '         '    ir 

œuvre.  Il  esi  coiuiu  dans  sa  nature  et  h. 

Il  reste  à  le  connaître  dans  sa  source  créatrice.  Mais  en  quoi 
peut  consister  ce  principe,  inaccessible  i  l'ohtrrxation? 

Il  srmhlc  que  le  seul  moyen  Itfgiiime  de  s'en  Taire  une 
idée  soit  d'en  considérer  les  eiïels.  Mais,  dira-lroo,  quels 
sont  ces  effets,  sinon  la  dérogation  aux  lois,  l'incohérence  et 
le  désordre?  Soumis  ii  la  nécessité,  le  monde  pouvait  du 
moins  être  embrassé  dans  une  pensée  unique  :  pénétré  par 
la  contingence,  il  n'est  plus  intelligible  que  par  fragments  et 
d'une  manière  approximative  ;  il  u'ofTre  plus  que  les  mem- 
bres épars  d'un  organisme  désagn-gi'.  Que  peut  dun<  être,  en 
lui-même,  le  principe  de  la  contingence,  sinon  le  hasard,  ce 
mot  dont  nous  couvrons  notre  ignorance,  et  qui,  loin  d'cs» 
pliquer  les  choses,  implique  le  n-nuucement  même  à  toute 
tentative  d'explication,  et  en  quelque  sorte  l'abditaii*'-  ''" 
la  pensée  ? 

iVut-éire  n'est-il  pas  nécessaire  d'admettre  que  ce  pt 

ne  soit  connu  que  dans  tes  eiïeis.  )lais  il  faudrait  l-vi 

ment,  pour  être  en  mesure  de  le  saisir  en  lui-même,  sortir 
de  la  sphère  de  l'etpérience.  Que  si,  restant  sur  le  terrain 
des  faits,  l'on  contemple  la  marche  générale  des  choses, 
uns  faire  de  la  classification  scientifique  le  leal  type  de 
l'ordre,  on  trouvera  peut-être  que,  raêni'  te 

la  contingence,  le  monde  apparaît  ronu.  i- 

pliciié,  d'harmonie  et  de  grandeur. 

An  degré  inférieur. 
est  la  nécessité  ou  i^ 

est  l'unité.  Cest  la  Tonne  la  plus  vide  qu'il  soit  possible  de 
concevoir.  Mais  cette  forae,  on  laat  du  moins  qu'elle  aspire 


CONCLCSION  141 

à  M  séparer  da  néant  absolu,  n'est  pas  tout  i  fait  immuable. 
Grice  i  la  place,  même  infiniment  petite,  qu'elle  laisse  à  la 
'  e,  elle  ne  demeure  pas  inutile.   Elle  prépare  la 

r. — i  de  l'être.  Or  l'être,  tel  qu'il  est  donné  dans  l'ex- 

périeoce,  c'est  le  fait  cause  du  fait,  c'est-à-dire  l'un  détermi- 
nant l'autre.  C'est  un  ensemble  d'actes  liés  entre  eux  par 
an  rapport  de  causalité.  L'essence  de  l'élre  est  donc  le  rap- 
port de  l'un  et  de  l'autre,  la  multiplicité  résultant  de  la  diffé- 
r  A  son  tour,  la  multiplicité,  laissant  quelque  pbct 

a  licence,  devient  la   matière  à   laquelle  s'applique, 

comme  une  forme,  le  système  des  genres  et  des  espèces,  ou 
c!  '"  iim  du  multiple.  Or  l'idée  générale,  la  notion,  est, 
d  i.  multiple,  en  tant  qu'elle  est  décomposable  en 

plosteurs  notions  plus  particulières,  différentes  les  unes  des 
•ulres;  d'autre  part,  elle  est  une,  en  tant  qu'elle  consiste  en 
une  essence  commune  i  ces  diverses  notions.  La  noiiun  est 
donc  l'harmonie  introduite  dans  le  multiple  au  moyen  de  la 
hiérarchie,  la  combinaison  de  l'unité  et  de  la  multiplicité. 

Unité,  multiplicité,  hiérarchie  ou  unité  dans  la  multiplicité  : 
tels  sont  les  degrés  inférieurs  de  l'être,  formes  abstraites, 
susceptibles  d'être  conçues    uon  encore  d'être  senties. 

Grâce  à  un  certain  degré  de  contingence,  à  une  sorte  de  jeu 
laissé  aux  cadres  logiques,  une  nouvelle  furme  de  l'être  s'y  in- 
troduit :  la  maticre,  chose  étendue  et  mobile,  dont  l'essence  est 
la  continuité.  Or  le  continu  n'est  autre  chose  que  la  fusion,  la 
|>  i>  réciproque,  luoification  de  l'uu  et  du  multiple. 

i  •',  i  son  tour,  se   prêle  à   la  création  des  formes 

physiques  et  chimiques,  dont  l'esseoce  est  rhétérogénéité.  Or 
I'  iiu  ce  qu'est  à  l'uuiié  la   multipli- 

<->  .  :'**'t  de   l'un  et  de  l'autre.  Fuis  le 

monde  physique  rend  pos»ible  le  monde  vivant,  lequel  a 
pour  essence  l'indivi'  iui,  l'harui' 

rhétérogcne  par  la  j  ,  iiace  d'un  '  i, 


142      DB   LA   CO?iTIMGR!«CR    DES    LOIS   DE   LA   NATURI 

la  hiérarchie. La  dUiribuiion  hiërarr  vdans 

celle  Mcuude  période,  répond  au  ii"  i.t  pre* 

miere.i  la  coinbiiiaiftOD  de  l'unité  et  de  la  o>ul^plicité  daof 
la  notioo. 

CoDliDuité,  hëlërogëoëité,  orgauisatioo  hiérarchique  : 
elles  sont  les  formes  de  l'être,  concrètes  et  sensibles,  qal 
se  superposent  aui  formes  abstraites. 

Knfin,  au  dessus  de  la  vie  elle-même,  ei  sur  les  fonde- 
ments qu'elle  fournil,  s'élève  la  conscience,  où  le  monde  est 
senti,  connu,  dominé.  La  sensibilité  est  l'étal  de  la  persoooe 
qui  est  sous  l'iiinucnce  des  choses  et  qui  ne  s'en  distiogne 
pas  encore;  qui,  en  quelque  sorte,  ne  fait  qu'on  avec  elles. 
L'intelligence  est  la  relation  de  la  personne  avec  des  choses 
dont  elle  se  dislingue,  parce  qu'elles  lui  apparaissent  comme 
autres  qu'elle -nu-me.  La  volonté  est  l'acte  de  la  personne 
qui,  en  vertu  de  sa  supériorité,  coordonne, organise,  ramène 
à  l'unité  la  multiplicité  de  ses  manières  d'être  et  la  multi- 
plicité des  choses. 

De  plus,  la  forme  consciente  de  l'être  est  i  la  fois 
abstraite,  en  ce  que,  dans  le  monde  actuel,  elle  n'existe  pas 
à  part,  et  concrète  en  ce  qu'elle  est  dimnée  en  elle-même. 
Encore  subordonnée  à  des  conditions  et  dépendant,  à  ce 
titre,  des  mondes  inlérieurs,  la  conscience  a  néanmoins  une 
la^^e  part  d'ciistence  propre.  Elle  trouve,  dau»  ses  con- 
ditions matérielles,  un  instrument  plut  encore  qu'un  lieu. 
Elle  se  demandes!  cet  insiruuicutlui  sera  toujours  indispen- 
sable, et  elle  aspire  à  un  état  où  elle  «e  s  :"  •Ile-même, 
où  elle  aurait  la  vie  et  l'action,  avec  I  in'               ><  e. 

Ainsi  chaque  forme  de  l'être  est  la  préparation  d'une  forme 
su  !io«es  vont  ainsi        *'      ^^iflaut  et  temul* 

lii  .  >ir  à  la  forme  i.  ,  h*,  qui  tiunne  i 

I  ensemble  toute  la  pnissaoce  el  toute  la  beanié  qu'il  com- 
porte. 


COlfCLUSIOIf  1-43 

Si  celte  marche  de  Télre  exclut,  jusqu'à  un  certain  point, 
Turdre  qui  consiste  dans  l'unirurmité,  s'eusuit-il  qu'elle  ne 
soit  que  désordre  et  conTusiou  ?  N'est-ce  pas  plutôt  à  un 
ordre  supérieur  <|u'a  été  sacrifié  en  partie  l'ordre  monotone 
de  la  oécessiic  ?  .\*esl-il  pas  admirable  que  les  cires  se  prê- 
tent un  mutuel  appui,  les  êtres  inférieurs  n'existant  pas  seu- 
lement pour  leur  propre  compte,  niab  fournissant  en  outre 
au»  ••'  rieun»  leurs  conditions  d'existence  et  de  per- 

fe<ii<i:  I  ;  ceux-ci,  à  leur  tour,  élevant  les  êtres  infé- 

rieurs à  un  point  de  perfeciiou  qu'ils  n'auraient  pu  atteindre 
par  eut-niêiiM>s  ?  N'esi-il  pas  conforme  à  l'ordre  que  chaque 
être  ail  une  lin  à  réaliser,  el  qu'il  y  ait  liarnioiiio  oiitro  los 
6tis  des  différents  êtres  ? 

Mais  cet  ordre  supérieur  pourrai(-il  t*xisU'r,  si  la  nt-cossiie 
était  souveraine  dans  le  monde,  si  la  formule  i  rien  ne  se 
perd,  rieo  ne  se  crée  i  était  liltéraii'iniMil  appliquée  ?  S'en- 
quiert-oo  du  but  d'une  action  imposée  par  la  contrainte  ?  Y 
a  i-il  des  dilTcrcnces  de  valeur,  c'esi-:à-dire  de  qualité,  de  mé- 
rite, y  a-l-il  progrès,  perfectionnement  parmi  les  produits 
il'une  même  nécessité  ?  Les  degrés  de  valeur,  si  l'un  essaie 
d'en  établir  dans  un  pareil  monde,  pourront-ils  être  autre 
cintre  que  des  dilTrreoces  conventionnelles,  relatives  à  l'in- 
ii-rèt  ou  au  sentiment  d'un  être  pris  arbiirairemenl  pour  me- 
sure ?  Si  la  contingence  oe  régnait  pas  jusqu'à  un  certain 
|ioi(il  dans  la  série  des  causes  déterminantes,  le  hasard  r<'-|;ne- 
rail  dans  la  série  de  causes  finales.  Car  c'est  la  linalito  elle- 
même  qui  implique,  dans  la  succession  des  phénomènes, 
<  outingence.  Poser  l'uniforniiié  de  succession 

:•-,  ce  serait  sai  iiiier  un  ordre  supérieur  à  un 
onire  inférieur;  la  siiburdonucrii  la  finalité,  c'est  rendre  pus- 

'      l'ordre  vérilable.   I.a   surface   la   plus  extérieure  des 

'S  el  la  plus  éloignée   du   foyer   vivant,  exactemeiii  or* 

donnée  en  appaience.  parce  n***  les  successions  y  sont  uni- 


144      Dl  U   COMTinCBNCI  DIS  LOIS   DB   LA   RATCBB 

formes,  implique,  au  Tood,  cette  iadétertninatioD  qualiuiive 
qui  en  rindëterinination  véritable;  mais,  i  mesure  qu'on  p^ 
oètre  plus  avaut  dans  la  réalité,  on  toU  croître  la  détermi* 
nation  qnaliuiive,  et,  avec  elle,  la  râleur,  le  mérite  et 
l'ordre  véritable,  proporliunnollomciit  à  la  décroissance 
même  de  l'ordre  abstrait  et  Talal.  Peut-on,  dès  lors,  atsi' 
miter  au  hasard  l'àme  invisible  et  présente  qui  fait  mouvoir 
les  ressorts  du  monde  ? 

Mais,  pour  offrir  peut-être  un  intérêt  esthétique,  la  doc- 
trine de  la  contingence  ne  porie-t-elle  pas  atteinte  aut 
sciences  positives  ? 

Il  est  vrai  qu'elle  réduit  i  une  valeur  abstraite  les  sciences 
exclusivement  fondées  sur  le  principe  de  la  conservation  de 
l'être,  cest-à-dire  exclusivement  statiques.  Mais c>  « 

oe  sembleui,  en  somme,  avoir  d'autre  rôle  que  d*  •) 

les  conséquences  de  conditions  posées,  dans  l'hypothèse  où 
ces  conditions  seraient  exactement  déterminées  et  où  la 
quantité  d'Olre  ne  subirait  aucune  variation  :  elles  ne  pré- 
tendent pas,  en  elles-mêmes,  être  exactement  conformes  à 
la  réalité  objective  Sans  doute,  si  toute  science  devait  ren- 
trer dans  les  sciences  statiques,  la  doctrine  de  la  contin- 
gence infirmerait  la  valeur  des  sciences  positives.  Mais,  sU 
est  légitime  de  constituer  des  sciences  dynamiques,  à  côté  et 
au-dessus  des  sciences  statiques  ;  si  la  science  objective 
consiste  précisément  dans  ces  sciences  supérieures,  la  doc- 
trine de  la  contingence  est  conforme  aux  conditions  de  la 
science.  Seuionieat,  cette  doctrine  impose  l'observation  et 
l'expérience  comme  méthode  constamment  indispensable 
des  sciences  dynamiques,  des  sciences  de  I  être.  S'il  est  vrai, 
en  effet,  qu'à  côté  d'an  principe  de  conservatJoa  il  y  ait  un 
principe  de  changement  contingent,  I  abandon  de  l'expé- 
rience est  toujours  dangereux,  toujours  illégitime.  L'expd- 
rieoce  désoraais  a'eel  plus  une  pensée  confuse,  point  de  dé* 


CONCLUSION  145 

pari  chroDolugique  de  la  pensée  disiiocle;  ce  o'est  plus 
I  I  l'easemble  des  dounées  parmi  lesquelles 

■  <i  la  loi,  et  qui,  une  fois  résumiics  ainsi 
daos  uue  formule  générale,  rendent  inutiles  des  observa- 
lions  nouvelles  :  c'est  l'éteruelle  source  et  l'éternelle  règle 
de  la  science,  en  tant  que  celle-ci  veut  connaître  les  choses 
d'une  manière  vraiment  objective,  c'est-à-dire  dans  leur  his- 
toire, en  même  temps  que  dans  leur  nature,  laquelle  n'est, 
en  déHnilive,  qu'un  de  leurs  états.  Selon  la  doctrine  de  U 
conlin};ence,  il  est  chimérique,  il  est  faux  de  prétendre  ra- 
mener 1  histoire  à  une  déduction  pure  et  simple. 

L'élude  de  Ihistoire  des  êtres  acquiert,  de  ce  point  de  vae, 
nne  importance  singuli>-re.  Il  se  trouve  qu'au  lieu  de  s'éloi- 
gner du  principe  des  choses,  comme  il  arriverait  si  leur  his- 
toire était  contenue  en  germe  dans  leur  nature  et  n'en  était 

ni  analytique  et   nécessaire,  la    science 

II,  ,      >  ;>i»r<>che.  au  contraire,  plus  que  la  science 

statique.  C'est  l'acte  qui  implique  J'esSence,   bien  loin  que 
r  <-r  l'acte.  Ce  n'est  donc  pas  la  nature 

'.  •  l'objet  suprême  de  nos   rerlierches 

scientifiques,  c'est  leur  histoire.  Ces  deux  points  de  vue  se 
distinguent  d'ailleurs  inégalement,  seluu  que  la  part  de  la 
contingence  est  plus  ou  moins  grauda  dans  la  chose  à  con- 
naître. Ainsi  dans  les  formes  inférieures  de  l'être,  l'exirénie 
stabilité  dis>iniule  l'hiitoire.  .Mais,  à  mesure  que  l'on  con«>i- 
dere  des  êtres  plus  élevés,  l'essence  apparail  de  moins  en 
noins  comme  primordiale  :  il  devient  de  plus  en  plus  évi- 
dent qu'elle  a  son  principe  dans  l'action  même  de  l'être. 
L'Iiomme  est  l'auteur  de  son  caractère  et  de  sa  des- 
tinée. 
.  Ce  u  e»i  donc  pas  la  recherche  scieniifiqoe,  c'est  unique- 
ment la  prétention  d'arriver  k  se  passer  de  l'expérience  qui 
est  condamnée  par  la  doctrine  des  variations  contingentes; 


iiC>      DE   LA   CONTINCK!<CI  DU  LOIS  DF.   U   ftATCllll 

c'est,  par  \it  même,  U  rédaction  de»  icieDceshiMoriqueiant 
triences  siaiiqnet.  Le*  premières  deTieooenU  as  cootraire, 
les  scicnrcs  concrètes  proprpmeni  «lii  < 

ne  soni  pins,  i  desdegrt's  divifr^.  qiM 

Enfin .  ia  doctrine  de  la  contingence  joint  i  an  intérêt  e%- 
lli('iI.|iM-  Cl  snoiiiifiqne  un  iuli'n'l  pratique.  Eu  eirrl,  si  Ton 
ifiiiMii.iii  (((!«■  IV\istroce  du  niuude  et  ies  lois  de  succes- 
sion qui  s'y  roanifesient  sont  al>%oluuient  nécessaires,  la  li- 
bi*rté  lierait,  ce  semble,  une  idce  sans  ohjeL  Prui-élr«  le 
monde,  ainsi  conçu,  cumporloraii  il  encore  un  développe- 
oient  :  mais,  comme  Ce  dcveluppement  serait  an  système 
de  modes  nécessairement  liés  entre  eux,  il  ne  répondrait 
pas  à  ridée  que  l'esprii  &e  fait  de  la  liberté.  I.a  dnlnc- 
tion,  qui  se  développe  les  conséquences  d'unf  définiiiun 
mathématique,  n'ci^t  pas  un  type  de  iiberié,  mai«  de  uércs- 
sité  ;  encore  bien  que  cette  nécessité  purement  interne  se 
distingue  logiquement  de  la  nécessite  exierne  ou  fataliië 
proprement  dite. 

SuHirait  il,  pour  faire  une  place  i  la  liberté,  sans  renon- 
cer à  la  nécessité  des  lois  de  la  nature,  de  considérer  le 
montie  donné  dans  l'expérience  comme  un  pur  phénomène, 
où  l'être  ne  serait  engagé  à  aucun  degré  ?  Est-il  indilTéreot, 
i  ce  prix,  de  livrer  à  la  nécessité  le  monde  où  nous  virons  ? 

Il  est  vrai  que  celle  doiirine  est  moins  contraire  i  la  li< 
berté  que  la  précédente,  dans  laquelle  l'être  n'était  pas  réel* 
lement  distingue  de«  phénomènes.  Con'  -,   en 

dehors  du  monde  aensible,  un  monde  ii        ^  >inm« 

:e  monde,  qui  est  celui  de  l'être  en  loi,  est  affranchi  de 
iois  qui  n'ont  de   sens  qu'appliqu*' 

b   doctrine  dont   il  s'agit    peut,    k.  s 

ce  monde  supérieur  la  liberté  qn'elle  élimine  da  monde 
inférieur.  De  celte  manière,  la  lilterié  et  la  nécessité  se 
trouvent    conciliée*    :    létrc    eut    libre   dans    l'absolu,     et 


CONCLDSIOÎI  147 

Tordre  de  ses  manifestatioDS  est  nécessaire.  Comme,  d'ail- 
leurs, il  n'est  ajicuD  phénomène  donné  dans  l'expérience 
qui  ne  c<  r  »>  à  un  acte  de  l'être,  on  ne  trouve  nulle 

(•art  une  i qui   ne   soit  doublée  de  liberté.  Toute 

chose  est  sans  doute  nécessaire  par  un  côté  ;  mais,  par  un 
r>  '••  est  libre.  Il  y  a  plus  :  de  même  que,  du  c6(é  des 

I'  lies,  la  nécessité  est  absolue  ;  de  même,  du  côté  des 

êtres,  la  liberté  est  infinie.  Ainsi,  dans  cette  conrilialion.  oi 
k  liberté  ni  la  nécessité  ne  se  trouvent  diminuée ~^. 

Est-il  vrai  qu'il  soit  possible  de  cnnriiier  à  ce  point  la  li- 
berté et  la  nécessité  7 

Le  moriil  'Ile  étant  cotisidt.-re,  dans   cette  doctrine, 

comme  le  i  ue,  le  symbole,  l'expression  du  monde  in- 

telligible, la  même  nécessité  qui  lie  entre  eux  les  phéno- 
mènes lie  entre  eux  les  actes  de  l'être.  r*ar  conséquent,  il 
ne  peut  être  question,  dans  une  vie  humaine,  d'une  déter- 
mination interne  qui  ne  serait  pas  nécessairement  lice  à 
toutes  les  autres.  Une  seule  action  décide  de  toute  la  con 
duite.  Le  caractère  de  chaque  homme,  la  série  de  ses  déter- 
minations mentales  forme  un  système  où  chaque  partie  est 
appelée  par  le  tout.  Il  serait  inexact  de  dire  que  tel  ou  tel 
de  nos  actes  est  libre  ;  car,  étant  donnée  notre  vie  anté- 
rieure, il  ne  peut  être  que  ce  qu'il  est.  Ce  qui  est  libre,  c'est 
uniquement  la  création  de  notre  caractère,  ou  système 
d'actes  intérieurs  manifesté  par  la  trame  de  nos  niouve» 
ments  extérieurs.  Notre  liberté  s'épuise  dans  un  arte  unique; 
et  son  œuTre  est  an  tout  dont  aucun  détail  ne  peut  être 
changé.  Étrange  doctrine,  selon  laquelle  le  changement 
de  vie,  r.f  '>n  ou  la  perversion,  le  r<|i<'iiiir,  les  vic- 

toires sur  -,  les  luttes  entre  le  bim  ci  le  mal  ne  se> 

nient  que  les  péripéties  nécessaires  d'un  drame  où  le  dé> 
Oouemeut  est  marqué  d'avance  1 

Mais  c'e»(  rurure  une  illusion  de  croire  qae,  dans  cette 

». 


J 


148    Di  LA  coirnifcmci  dis  lois  de  la  ratuki 

doctrine,  le  dénouement  dn  raoinf,  l'idée  frénéral'-  ^ 

tcles,  reste  en  notre  pouvoir.   Si  let  artei  lapra-^  « 

de  chacoo  de  nous  sont  liés  oécrt«aireinent  entre  eos, 
il»    sont    liés  de   la  même   manière   aux    a<  i>  .t«>eii- 

aibles  (i«>  autres  êtres,  face  interne  d'autre>  <-oet. 

Le  nénie  raisonnement  qui  élablii  la  corrélation  néces- 
saire de  toulet  les  déterminations  d'une  même  Tolonté 
établit  la  corrélation  nécessaire  de  tous  les  systèmes  de  dé- 
terminations Yolonlaires.  Noire  raractère  personnel  e«t  une 
pièce  indispensable  du  monde  intelligible  :  il  ne  s'en  peut 
dviathor.  il  ne  se  peut  modifior.  sans  rompre  l'unité  et 
l'harmonie  du  loul.  L'acte  qui  crée  notre  vie  morale  est. 
dans  son  existence  tl  dans  sa  nature,  une  conséqoeoct 
inévitable  des  actes  de  toutes  les  autres  volontés. 

Il  serait  d'ailleurs  inutile  d'alléguer  que  si  nous  ne  pos* 
vons  rien  changer  aux  phénomènes  physiques  et  psycholo- 
giques, nous  pouvons  du  moins  les  %iMiloir  dans  tel  ou  tel 
esprit,  et  qu'en  ce  sens  purement  formel   et  met 

nos  ioieoiiuos  restent  libres.  Celte  hypothèse  ôti  j ..c 

raison  d'éire  à  l'existence  du  monde  sensible,  puisqu'aussi 
bien  nus  intentions  n'ont  pour  ohjei  que  des  idées  et  que  l'ob^ 
jectivité  de  ces  idées  serait,  au  point  de  vue  où  l'on  se  place, 
indifTcrenle  i  la  moralité.  Ensuite  cette  hypothèse,  en  dé- 
niant au  monde  des  faits  la  | d'exprimer  le  r6té 

moral  des  actes,  lui  enlèverait  •■!.  .ne  sort*  son  rôle  de 

phénomène  du  monde  métaphysique,  poisque  l'élément  mo> 
ralestvrai*''  'lient  l'essence  du  nu  •[thysiqoe, 

le  nioude  m  ,   ique  Iviménie.  far  iivpotheso 

nous  interdirait  tout  jugement  moral  sur  les  antres  et  sor 
0(1  s.  Klle  plareraii  la  moralité  dans  une  sphère  inac- 

Ce-  il  conscience  humaine.  Enfin,  en  interdisant  à  la 

volonté  tout  objet  qui  ne  serait  pas.  d'avance,  compris  dans  le 
système  des  phéaomèaM,  tUo  r«r«ii  roosistor  sa  porfoc- 


CONCLUSION  149 

tiOD,  noo  pas  à  dominer  le»  choses,  mais  i  s'y  coDfurroer, 
à  s'anéantir  devant  elles. 

Eo  somme,  dans  celte  doririuc,  à  un  monde  de  phéno- 
mènes où  tout  est  lié  nécessairement  se  superpose  un  monde 
d'actions  où  tout  est  lié  de  la  même  manière.  Il  ne  peut 
donc  élre  quosiion,  pour  les  êtres  particuliers,  de  liberté  per- 
sonnelle. Il  ri°t-\i>ie  (|u'un  être  libre.  Tout  ce  qui  n'est  pas 
cet  élre  suprême  est  absorbé  dans  le  système  de  ses  déler- 
minalions. 

Mais  cet  être  lui-même  est-il  yraimenl  libre? 

Sans  doute,  il  a  pu  créer  ou  ne  pas  créer,  choisir  tel 
monde  plutôt  que  tel  autre.  Pourtant  son  choix  a  été  sou- 
mis à  cette  restriction,  de  ne  porter  que  sur  un  monde  où 
tout  fdt  lié,  où  tout  se  ramenât  à  une  unité  logique.  De  plus, 
l'acte  de  cet  élre  est  unique  et  immuable:  toute  intervention 
spéciale  dans  la  production  des  phénomènes  lui  est  inter- 
dite. Son  a>uvre  même  s'impose  désormais  i  lui  comme  ud 
fatum  inexorable. 

Si  donc  la  doctrine  de  la  conciliation  admet  une  liberté 
sans  limites,  c'est  eo  la  plaçant  dans  des  régions  si  élevées, 
si  éloignées    des    chove'*     que  son    ;irli!i[i    »e     perd   (I;iiis    le 

vide. 

Telles  ne  sont  pas  les  suites  de  la  doctrine  de  la  contin- 
gence. Elle  ne  se  borne  pas  i  oorrir  devant  la  liberté,  en 
dehors  du  monde,  un  champ  infini,  mais  vide  d'objets  où 
elle  puis!(e  se  prendre.  Elle  ébranle  le  postulat  qui  rend  in- 
concerable  l'intervention  de  la  liberté  dans  le  cours  des 
phénomènes,  la  maxime  suivant  laquelle  rieo  oe  se  perd  et 
rien  ne  »«  crée.  Klle  montre  que  ce  postulat,  s'il  était  ad- 
mis d'une  manière  absolue,  engendrerait  une  science  pure- 
ment abstraite.  Elle  décooTre.  dans  les  détails  mêmes  du 
inonde,  des  marques  de  création  et  de  changement.  Elle  se 
prête  donc  à  la  coût  eptiou  «l'une  liberté  qui  descendrait  des 


150      DB   LA   CO?(TI?ICEriCB    DBS   LOIS   DB   L4   NATLRR 

régioos    tupr  '■'•%   pour    vrnir  %t  méltr  aus  phëo»* 

oièoes  et  lo>  ^  :   ijoi  des  tcn»  imprévu». 

Dès  lors,  la  liberté  n'a  pat  le  ton  du  poète  que  Platon 
coiirunnaii  de  fleurs,  mais  qu'il  >  h  de  sa  répuliinjae. 

Dieu  n'est   pas  seulement  \f  r   du  moQ<i«-  .  il  en 

est  aussi  la  providence,  el  veille  sur  les  détails  aussi  biea 
que  sur  l'ensemble. 

L'humuniic  n'est  pat  seulement  eo  possession  d'une  liberié 
collective  :  les  sociétés  humaines  ont,  elles  aussi,  le<pr  li- 
berté ;  et,  au  sein  des  sociétés,  les  individus  inérors  dispo- 
sent de  leur  personne.  Enfin,  l'individu  n'rsl  pas  seulement 
l'aulcur  de  son  caractère  :  il  peut  encore  intervenir  dans  le 
cours  des  événements  de  sa  vie.  el  en  changer  la  direriion  ; 
il  peut,  à  chaque  instant,  se  confirmer  dans  ses  tendances  ac- 
quises, ou  travailler  à  les  m<Hliiier. 

Dans  ses  ^a|>porl^  avec  le  moude,  l'homme  n'est  pas  un 
spectateur  réduit  à  vouloir  les  choses  (elles  qu'elles  te  pas- 
sent néressaireincnt  :  il  peut  agir,  mettre  sa  marque  tnr  la 
matière,  se  servir  des  lois  de  la  nature  pour  créer  des 
œuvres  qui  la  dépassent.  Sa  supériorité  sur  les  cboict  o'ett 
plus  une  figure,  une  illusion  née  de  l'ignorance,  la  stérile 
ronscience  d'une  valeur  plus  haute  :  elle  te  traduit  par 
un  empire  elTecUr  tur  les  autres  £lret,  par  le  pouvoir  de 
les  lavoniier,  plus  ou  moins,  conformément  i  tes  idée»  et 
eu  vertu  m^nie  de  ses  idées. 

Parli,  enfin,  les  actes  extérieurt,  t'ilt  oe  tont  pat  tml 
rbomme,  t'ils  n'équivalent  pat  i  Time  elle-nème,  modèle 
inimitable  pour  la  matière,  peuvent,  du  moins,  être  ane Ma- 
nifestation, une  traduction  plus  ou  moinn  fidèle  de  rinii-a* 
tiou  de  la  volonté,  et  donner  une  assiette  eipériroeotaie  *ai 
Jugements  muraui.  Et,  si  l'ordre  des  chose*  |>eutétrc  nm  li- 
Oé  d'une  manière  contingente,  ce  ne  sera  pas  attei,  pour 
être  bon,  d'avoir  ronça.  détirë  et  voulu  le  bien  :  il  s«ra  mé- 


COXCLLSIO?»  151 

'ire   (I  avoir  ;i^:i   ou  du  moins   essayé    d'agir,    puisque, 
1    la  coDicience   morale,  le  bien  possiMc  e>i   ubliga- 

Ttiles  sont  les  objets  métaphysiques  qug^  la  doctrine  de 
la  co.itingence  rend  possibles;  et,  à  ce  litre,  elle  apparaît 
comme  propice  aux  croyances  de  la  conscience  humaine. 
Ilai*i,  par  elle-mi^me,  elle  est  impuissante  à  ériger  ces  possi- 
bilités eu  réalité,  parce  que  la  liberlë,quienestlerond,et  dunt 
la  contingence  des  choses  est  ici  considérée  comme  le  signe 
extérieur,  n'est  pas  et  oe  peut  pas  éire  donnée  dans  l'expé- 
rience, soil  directemeot,  soit  indirectement.  L'expérieoc*:  ne 
sai>ii  que  les  choses  actuciliMiient  réalisées.  Or  il  s'agit  ici 
d'une  puissance  créatrice,  antérieure  à  l'acte. 

Toutefois  l'expërieDce  elle-même,  en  établissant  le  carac- 
tère contingent  de  tout  ce  qu'elle  nous  fait  connaître,  et  en 
laissant  celte  contingence  inexpHqtiée,  nous  invite  à  cher- 
her  s'il  n'existerait  pas  quelque  autre  source  de  connais- 
^iiice,  propre  à  nous  en  fournir  la  raison.  El,  en  nousn)on- 
'r;4nl  que  les  diverses  parties  du  monde,  biun  que  coiilin- 
.•■ules  dans  leur  existence  et  leurs  lois,  présentent  un  cer- 
tain ordre  qui  retrouve  en  beauté  ce  qu'il  perd  eu  unifor- 
mité, elle  nous  fait  pressentir  la  nature  supérieure  des  êtres 
qui  se  révèlent  à  nos  sens  par  leurs  manifestations.  Kniin, 
comme  il  faut  que  ces  élres  supérieurs,  pour  que  leur  iiiler- 
v'Mjtion  ptiisse  expliquer  la  contingence  des  phénomènes, 
n<<  vivent  pas  à  part,  sans  ra|»|)ort  direct  avec  le  monde 
de  l'expérience,  ou  en  se  bornant  i  intervenir  plus  ou 
moins  rarement  dans  le  cours  des  choses,  mais  soient  les 
ai  ifiirs  immédiats  de  chaque  phénomène,  eiempl,  en  défi 
(liiive,  de  toute  dépendance  réelle  à  l'égard  des  phéno- 
mènes concomitants  :  il  est  impossible  d'admettre  que  la 
f'  ice   du  monde,  telle  que  la   peuvent  donner  les 

&•'  'iletidcment,   c'est-à-dire  la  ruiinaissancc  des  phé- 


152      DE   LA  CONTi:«GE!«CI   DIS  LOIS   DE   LA   NATTEt 

ooRiènet  et  des  lois,  abstraeUoD  faite  des  câotet  fëoëra» 
irire<i,  se  suffise  jamais  k  elle-même. 

Les  sens  nouit  monireot  des  cbaiigcmenls  elne  les  etpti- 
queni  pa%.   I.Vntendoment  noas  révèle  la  cooservaiion  de 
certaines  formes  et  de  certains  modes  d'aciioa  à  traTcrs  ces 
changements,  et  explique  ceux-ci  par  ceox-li.  Mais  le  carte- 
tère  purfment  relatif  de  rette  perroanen' 
voir,  dans  les  formes  et  les  modes  d'acii' 
fesie,   les  principes  mêmes   des   choses,   c'e»t4-dire   des 
câlins  proprement  dites,  en  mém**  i 
et  des  loi'i.  Il  appartiendrait  à  la  m< 

vide  laissé  par  la  philosophie  de  la  oalare,  en  cherchant  s'il 
ne  serait   pas  donné  k  l'homme  de  <  ^nrp 

voie  que  l'etpérience,  Don  plus  des  «'  ni.M> 

des  causes  vériiables.  douées  i  la  fois  d'une  faculté  de  chao* 
gement  et  d'une  faculté  de  permanence. 

Conneitre  les  choses  dans  l'ordre  de  leur  création,  ce  se- 
rait les  rnnnaltre  en  Dieu.  Car  une  cause  ne  peut  être  ad- 
mise comme  telle  que  si  elle  est  rattachée,  par  on  lien  de 
participation,  à  la  cause  première.  Si  la  série  des  causes 
n'a  pas  de  limite,  il  n'y  a  pas  de  causes  véritables,  l'action 
et  la  passion,  en  toute  chose,  existent  au  même  titre,  et 
l'une  n'est  pas  plus  que  l'autre  le  fond  absolu  de  l'être.  Mais 
re«prit    peut-il    atteindre  Jusqu'à    celte   essence  suprême? 

On  peut  dire  que  les  sciences  positives,  i  travers  l'élude 
dos  phënomènes.l^hcrchent  déjà  Dieu.  Car  elles  cherchent 
le  premier  principe  des  choses.  Les  divers  concepts  aux- 
quels on  essaie  de  ramener  tout  ce  qui  est  donné  dans 
l'etpérience  ne  sont  antre  chose,  en  on  sent,  que  des  défini- 
tions de  Dieu. 

l/entreprise  la  pins  téméraire  est  de  prétendre  te  passer, 
pour  l'expliralion  de  l'univers,  de  tout  ^«rw(«i<iiM,eld'ideo- 


co?icLusio:«»  453 

tifii  r  Dieu  arec  la  nécessité  absolue,  qui  ne  suppose  rien 
avant  elle.  Cette  idée,  qui,  en  di'finitive,  se  confond  avec 
celle  du  néant,  est  si  Tide  qu'à  vrai  dire  elle  n'explique 
ri^n.  II  faut  se  résignera  mettre  dans  l'idée  de  Dieu  un  prin- 
cipe inexplicable  ;  et  ce  principe,  ponr  être  fécond,  doit  être 
synthétique.  A  tout  le  moins  voudrait-on  réduire  au  mini- 
nium  ce  que  l'on  prend  pour  accordé  ;  et  l'on  essaye  de  dé- 
finir Dieu  «  l'Être  •  ou  M  le  genre  suprême  •  .  Mais  ces  con- 
cepts, bien  qu'ils  expliquent  déjà  quelque  chose,  sont  en* 
core  beaucoup  trop  pauvres  pour  expliquer  l'univers.  On 
croit  faire  assez  grande  la  part  de  l'insondable  en  attribuant 
k  Dieu,  comme  éléments  irréductibles,  l'éteudue  et  la  force, 
c'est-à-dire  en  l'identifiant  avec  la  matière.  Mais  la  matière 
est  encore  impuissante  à  tout  expliquer.  Ajouter  à  ces  attri- 
buts, à  titre  de  nouveaux  posiulata,  les  forces  physiques 
et  chimiques,  la  vie  et  même  la  conscience  humaine,  c'est 
tans  doute  obtenir  une  idée  de  Dieu  de  'plus  en  plus  riche, 
et,  par  suite,  de  plus  en  plus  féconde;  mais  ce  n'est  pas  en- 
core concevoir  un  Dieu  propre  à  tout  expliquer;  car  la  na- 
ture et  les  lois  des  corps,  des  êtres  vivants  et  de  la  coo- 
s<  MTi' »^  }i>!in.îne  ne  sont  pas  immuables  et  ne  rendent  pas 
ri»tn;iit;  t'iU'-  ni(">mes  des  changements  qu'elles  comportent. 
Faut-il  imaginer,  comme  dernier  postulat,  une  synthèse 
ir  '  '  !f>  qui  comprondrait,  non  seulenient  tous  les  atlri- 
li'j  iiiels  des  choses  connues,  mais  encore  tous  les  al- 

tributs  essentiels  des  choses  inconnues  et  des  choses  pos- 
sibles ?  Une  telle  synthèse  serait  one  conception  arbitraire, 
parce  qu'il  n'y  a  pas  de  raison  pour  que  l'érhelle  des  attri- 
buts ait  un  terme.  Les  synthèses  qui,  comme  celles  aux- 
quelles aboutit  la  science,  se  constituent  par  l'oriranisation 
biér;ir(hique  d'une  multiplicité,  peuvent  se  compliquer  in- 
léHniment  sans  jamais  atteindre  à  une  forme  suprême.  De 
^lus,  ces  formules  n'expliqueront  jamais  tout,  parce  qu'elles 


154      Dl   LA   CONTINCRNCS   DIS   LOIS   DR    LA    NaTL'III 

ne  s'eipliqaeot  ptt  elle**mémes,  mais  «ont  tiroplement  doo- 
oëes  par  robt«mtioo  et  l'abstractioD;  et  que  pourtant,  à 
titre  de  choses  complexes  et  cootiogeotes,  elles  réclameot 
«lue  cxplicatioD. 

Ainsi  les  srifoces  posilires  prétendraient  Tsinemeot  sai 
sir  l'essence  dirine  ou  raison  dernière  des  choses.  Cette  es- 
sence ne  consiste  pas  dans  une  synthèse  d'attributs,  si  riche 
qu'on  la  suppose.  Il  entre  dans  le  concept  de  la  perfection, 
en  même  temps  qu'une  idée  de  richesse  et  de  :  par 

où  cette  idée  est  à  une  distance  infinie  de  la  q........:.    iiidé* 

terminée,  une  idée  d'unité,  d'achèvement,  d'absolu,  par  où 
elle  se  distingue  invinciblement  de  la  synthèse  la  plus  riche 
et  la  plus  harmonieuse. 

Ni  l'expérience,  ni  aucune  élaboration  logique  de  l'etpë* 
ricnce  ne  sauraient  fournir  la  véritable  idée  de  Dieu.  Mais 
le  monde  donné  dans  l'expérience  est-il  toute  la  réalité  ? 

Il  est  remarquable  que  le  concept  de  la  oëcessilé  on  4e 
l'existence  absolue,  qui  est  en  qur. 
reuienderoent,  ne  trouve  pas  son  ap; 
monde  donné,  en  sorte  que  leniendement  ne  peut  gouverner 
à  son  gré  la  science,  mais  doit  se  borner  i  conserver 
les  sensations  et  leurs  liaisons,  sans  imposer  aux  concepts 
et  aux  principes  abstraits  qui  résultent  de  cette  cooserra» 
tion  même  le  caractèrede  l'absolu.  I"  *  '  i^embtable  que 
l'idée  de  la  néces^it•',  inhérente  à  1  >  ut,  soit  sans 

aucune  application  légitime  ? 

A  mesure  que  l'on  gravit  l'échelle  des  êtres,  on  voit  se 
développer  un  principe  qui,  en  un  sens,  ressemble  à  la  néces- 
site :  l'attrait  pour  ceruins  objets.  Il  semble  que  l'être  soit 
conduit  nécessairenent.  Mais  il  n'e&t  pas  poussé  par  une 
chose  déji  réalUée,  Il  est  attiré  par  une  chose  qui  n'est  pas 
encore  donnée,  et  qui,  peut-être,  ne  le  sera  jamais. 

81  noat  eontidéroas  l'hoaune,  nous  vovons  qu'il  connaji 


COKCLCSIOM  155 

ta  nécessité  sons  ane  forme  plus  difTéreate  encore  oes  con- 
iiions  de  l'expérience,  sous  la  forme  da  deroir.  Il  sent  à  la 
fuis  qu'il  doit  agir  d'une  certaine  manière,  et  qu'il  peut  agir 
d'une  autre  manière. 

Ces  sortes  de  rapports  sont  scientifiquement  inintelligibles  ; 
et  l'homme  serait  amené  à  les  considérer  comme  des  illusiotis, 
dues  à  l'ignorance,  s'il  n'avait  d'autre  point  de  vue  sur  les 
choses  que  celui  de  la  spéculation.  Mais  il  est  téméraire  de 
prétendre  embrasser,  de  ce  point  de  vue,  tout  ce  qui  est.  I.e 
mode  de  connaissance  dtiit  être  approprié  à  l'objet  i  con- 
naître; et,  de  même  que,  pour  voir  le  soleil,  il  faut  an  or- 
gane Il  "  ■  delà  lumière  :  de  même, 
pour  <  iltle  avecle  suprasensible, 
il  faut  one  faculté  pour  laquelle  le  fait  et  lldée,  le  signe  et 
ta  chose  >i^niriée  cessent  d'être  des  choses  radicalement  dis- 
tinctes. Cette  faculté,  l'homme  la  déploie  et  en  prend  con- 
science, alors  qu'il  agit  pour  réaliser  l'idée  attrayante  ou 
obligatoire.  L'action  communiquant  sa  vertu  à  l'intelligence, 
l'introduit  dans  un  monde  supérieur,  dont  les  mondes  vi- 
sibles n'étaient  que  l'opuvre  morte.  D'une  part,  elle  lui  ré- 
vèle la  réalité  de  la  puissance  ou  de  la  cause,  comme  prin- 
cipe créateur  et  spontané,  qui  existe  avant,  pendant  et  après 
sa  manifestation.  D'autre  part,  elle  lui  montre  que  cette 
puissance  ne  peut  passer  i  l'acte  et  être  ce  qu'elle  veut  être, 
que  si  elle  se  suspend  en  quelque  sorte,  comme  ik  an  prin- 
cipe de  vie  et  de  perfection,  à  une  fin  ronsidér»-e  comme  né- 
cessaire, c'est-à-'lirc  rdruiiie  hoiinc  (!i;;iie  (i'rtre  poursuivie 
et  réalisée. 

Le  concept  de  la  ncccs&itcrtprend  doue  une  valeur  réelle, 
en  un  nouveau  sens,  il  est  vrai,  si  l'on  se  place  au  point  de 
vue  pratique.  Il  devient  même  possible  de  concevoir  l'exit- 
;»iii  e  d'un  objet  aJ»  'Ssaire,  pourvu  que    l'on 

adiiieile  en   même  v       nce  d'une  liberté  absolut 


156      DP.   LA   C0NTIXGF.7(r.R   DES   LOIS   DE   LA   KATtlIB 

raftable  de  le  réaliser.  Or,    abandoooaol  le    poiiil   de    me 
etierne  d'où   les  chose»  apparaitseol   eomaie  de»  i- 
fîtes  et  boroéet,   pour  rentrer  au  plus   profond  de  i 
nii^mrs,  et  saUir,  s*il    se  peut,  noire  èlre  dans  sa  ^ 
nous  trouvons  que  la  liberté  est  une  puis^^nce  infinie.  .Nous 
avons  le  sentiment  de  cette  puissance  cbaqae  fois  que  ooos 
agissons  véritablement.  Nos  actes  ne  la  réalisent  pas,  oe 
peuvent  pas  la  réaliser,  et  ainsi  nous  ne  sommes  pas  nous- 
ménie!)  celte  puissaïu'i*.  Mais  eWr  «■vi>if,  pui«quVlI<-  i-si  U 
racine  de  nos  êtres.' 

Ainsi  l'ei.  :.      t    ,  ,  > 

moyen  teriip    ■  ■•  niMipir  <  ■  i  ,r 

faculté  supérieure  pour  voir  eo  Dieu  autre  chose  qu'une 
pu>sibiiilé  idéale,  pour  donner  son  vrai  contenu  i  lidée 
ah  traite  de  la  nécessité.  Cette  faculté,  nous  la  troutons 
dans  la  raison,  ou  connaissaoce  pratique  du  bien.  La  rie  mo- 
rale, où  elle  s'cierce,  nous  apparaît  de  plus  en  plus  claire- 
ment (à  mesure  que  nous  nous  eiïurvons  davantage  de  la 
pratiquer  dans  toute  sa  pureté,  et  que.  par  là  même,  nous 
»Mi  connaissons  mieux  l'essence)  comme  l'efforî  '  '  '- 
libre  pour  réaliser  une  fin  qui.  en  elle-mi^m**,  ni^ 
liiment  d'être  réalisée.  .Mais  comment  ne  pas  croire  que  relie 
fin  supérieure,  qui  communique  à  celui  qui  la  cherche  la 
force  et  la  lumière,  n'est  pas  elle-même  une  réalité,  la  pre- 
mieredes  réalités? 

Dieu  est  cet  être  même,  dont  nous  sentons  l'action  créa- 
trice  au  plus  profond  de  nous-mêmes  au  milieu  de  nos 
efforts  pour  nous  rapprocher  de  lui.  Il  est  l'être  parfait  et 
n<ces»aire.  / 

En  lui  la  puissance  ou  liberté  est  infinie  ;  elle  est  la  source 
de  son  existence,  qui  de  la  sorte    n' 
trainte  de  la  fatalité,  l/essence  dhi 
saoce,  est  la  perfection  actuelle.  Elle  est  nécessaire  d'une 


CONCLUSION  157 

oécessité  pratique,  c'est-à-dire  mëriie  absolument  d'être 
réalisme,  et  ne  peut  être  elle-même  que  si  elle  est  réalisée 

IiÎT' ut.  Eu  mt'-rne  temps  elle  e^t  immuable,  parce  qu'elle 

'  >i  ,  : 'iui>ment  réaiist-e  et  qu'un  changement,  dans  ces 
copdiiions,  ne  pourrait  être  qu'une  déchéance.  Enfin  l'état 
qui  résulte  de  cet  acte  excellect  et  immuable,  œuvre  spun* 
tanée  de  la  puissance  infinie,  est  une  félicité  sans  change- 
ment. 

Aucune  de  ces  trois  natures  ne  précède  les  autres.  Cha- 
cune d'elle  est  absolue  et  primordiale  ;  et  elles  ne  fuiit 
qu'un. 

Dieu  est  le  créateur  de  l'essence  et  de  Texislence  des  êtres. 
De  plus,  c'est  son  action,  sa  providence  incessante  qui  donne 
aiii  f"  'ires    la  farullé  d'employer,  comme  ins- 

truiin  !,  inférieures,  il  n'y  a  d'ailleurs   aucune 

raison  pour  considérer  une  providence  spéciale  comme  plus 
iiiti.iie  deluique  la  création  d'un  univers  multiple  et  chao- 

Far  cette  doctrine  de  la  liberté  divine,  la  coutiogence  que 
présente  la  hiérarchie  des  formes  et  des  lois  générales  du 
monde  se  trouve  expliquée. 

Et  maintenant,  la  connaissance  de  la  cause  première  oe 
peut-elle  éclairer  la  connaissance  des  êtres  inférieurs? 

La  nature  humaine,  forme  supérieure  de  la  créature,  n'est 
pas  sans  analogie  avec  la  nature  divine.  Klle  possède,  djos 
le  sentiment,  la  pensée  et  la  volonté,  une  sorte  d'image  et 
de  symbole  des  trois  aspects  de  la  divinité.  A  leur  tour,  les 
«'-'  'H;urs,  dans    leur  nature    et   dans  leurs  progrès, 

fci^,  .  i,  à  leur  manière,  les  attributs  de  l'homme.  Le 
monde  entier  semble  donc  être  l'ébauche  d'une  imitation  de 
1'  II.  mais  d  une    imitation    symbolique,  telle  que  la 

c     .       '   I  essence  du  fini. 

Dieu  o'est-ii  pas  le  bien,  le  beau  suprême»?  Et,  si  les  êtres 


158      DE    LA   CO!<TI!<GKflCI    DBS   LOIS   DE   LA   IVATtRI 

de  la  nature  pré«enteol  quelque  aoalogfe  avec  lai,  n'appa- 
rall'il  pas,  oon  |>la»  teulemeiii  comme  leur  raute  cr^Uire, 
mais  onrore  comme  leur  idéal  ?  Mais  si  chaque  éire  de  la 
nature  a  aiasi  unidtfal.ca  vue  duquel  il  est  façonne  d'avance 
et  qui  pourtant  te  dépasse  infiniment,  ne  doit-il  pas  exister, 
dans  chaque  être,  une  puissance  spontanée,  plus  grande  que 
lui  ?  N'est-il  pas  conforme  i  la  bonté  divine  d'appeler  tous 
les  êtres,  chacun  selon  sa  dignité,  à  raccomplissemcnt  du 
bien,  et  de  mettre  en  eut  l'activité  spontanée  qui  en  est  la 
condition  indispensable? 

La  mar(  lie  des  choses  peut  être  «-(Mitparée  à  une  navi^ia^ 
lion.  Si  le  premier  soin  des  navigateurs  est  d'éviter  les 
écueils  et  de  se  soustraire  aux  tempêtes,  là  ne  se  bornent  pas 
leurs  efforts.  Ils  ont  un  but  à  atteindre;  et,  à  Irarcrs  les 
circuits  de  toute  sorte  qu'il  leur  faut  faire,  ils  y  leudcut 
constanimenl.  Avancer,  ce  n'est  pas  échapper  plus  ou  moins 
conipleiement  aui  dangers  dont  la  route  eat  semée,  c'est 
te  rapprocher  du  but.  liais,  en  même  temps  qu'ils  ont  une 
mission,  les  oaTigateurs  ont  la  liberté  d'action  nécessaire 
pour  l'acromplir  ;  et  ceux  qui  sont  i  "Ut  char- 

gés de  diriger  le  navire  jouissent  d  n  ,   us  grande. 

Sans  doute,  la  puissance  de  ces  hommes  n'est  ren,  compa- 
rée à  celle  de  l'Océan  ;  mais  elle  est  intellifrenle  • 
tée  :  elle  s'exerce  à  propos.  Grâce  à  une  série  de  ii< 
qui  ne  changent  pat  d'une  manière  appréciable  les  coudî» 
tions  extérieures,  mais  qui  toutes  sont  calculées  pour  en 
tirer  parti  en  vue  du  but  à  atteindre,  I  homme  parvient  à 
faire,  des  flots  et  des  Tents,  les  ministres  de  ses  volontët. 

De  même  les  êtres  de  la  nature  n'ont  pas  pour  unique  An 
de  subsister,  à  travers  les  obstacles  qui  les  entourent,  et  df 
se  plier  aux  conditions  ext^rieares  :  ils  sont  un  idéal  i  réa- 
liser; et  cet  idéal  consiste  à  se  rapprocher  de  Dieu,  à  lui 
ressembler,  chacun  dans  son  genre.    L'idéal  rarie  avec  les 


CONCLL'SIOM  159 

difTérents  êtres,  parce  que  chacun  d'eux  a  une  nature  spé- 
ciale et  oe  peut  cependant  imiter  Dieu  que  dans  et  par  sa 
propre  nature. 

La  perfection  pour  laquelle  les  créatures  sont  nées  leur 
donne  droit  à  un  certain  degré  de  spontanéité,  nécessaire 
pour  se  dépasser  elles-mêmes.  Plus  est  élevée  la  mission 
d'un  être,  c'est-à-dire  plus  sa  nature  comporte  de  perfection, 
plus  aussi  est  étendue  sa  liberté,  moyen  démarcher  à  sa  fin. 
Et  il  n'est  pas  nécessaire  que  ces  libertés  bouleversent  les 
choses  pour  que  celles-ci  leur  prêtent  un  secours  efficace. 
Le  monde  est  ainsi  disposé  qu'une  intervention  insensible, 
mais  appropriée,  peut  tuurner  en  auxiliaires  les  forces  les 
plus  ennemies. 

&'i;  :ie,  appliquée  aux  différentes  formes  de  l'être, 

expli'i  -'-mble-t-il,  à  l'exclusion  de  tout  hasard,  la  con- 

tingence qui  peut  se  manifester  dans  leur  histoire. 

Il  y  a  pour  l'homme  un  idéal,  que  l'entendement  déter- 
mine en  mettant  l'idée  de  la  nature  humaine  en  présence 
de  l'idée  de  Dieu,  et  en  façonnant  la  première  à  la  ressem- 
blance de  la  seconde,  non  pas,  sans  doute,  suivant  une 
méthode  d'imitation  pure  et  simple,  mais  suivant  une 
méthode  d'interprétation,  de  traduction,  d'équivalence  sym- 
bolique :  car,  s'il  est  gratuit  d'assigner  une  limite  à  la  per- 
fectibilité humaine,  il  e|t,  d'autre  part,  contraire  aux  con- 
ditions pratiques  du  perfectionnement  de  prétendre  atteindre 
le  but  sans  parcourir,  une  i  une,  toutes  les  étapes  iutermc* 
diaires. 

La  perfection  de  la  volouic  serait  la  bonté,  la  charité  qui 
irait  jusqu'au  don  de  soi-même.  La  perfection  de  I  intelli- 
gence serait  la  connaissance  complète  qui  permettrait  de 
prévoir  et  de  (liri>.'cr  le  cours  des  choses.  La  perfcdion  de 
la  sensibilité  bcrait  le  Imnlteur  qui  accompagnerait  l'exer- 
cice intelligent  et  efficace  de  la  charité. 


160      DR   LA   C07(TI!<IGF.!«CK   DRS   LOIS   Dl   LA   llATITIII 

Cel  idëal.  dont  l'homme  voit  clairemeat  le  rapport  avec  la 
fln  topréme,  c*e«l-à>dire  avec  la  perfertion  divine,  lui  appa- 
raît, par  là  mémft,  commr  ubligaioire  k  poursuivre.  C'eat  c« 
qu'il  appelle  le  bien. 

[)'un  autre  c6tc*,  ce  m<imc  idéal,  en  tant  qu'il  pariiripe  de 
la  nature  humaine,  forme  imparfaite,  ne  se  confond  pas  avec 
le  bien  en  soi  lui-niAme  :  il  n'en  est  qu'an  symbole,  une  tra- 
duriion  en  lançagc  humain  ;  c'e«t  une  fifun  qui  a  un  «ens 
par  elle-même,  indépendamment  du  bcns  supérieur  qu'elle 
recèle.  .\  ce  second  point  de  vue,  l'idéal  est  ce  qu'on  nomme 
le  beau,  et  il  agit  par  aurait. 

Pour  accomplir  le  bien  obligatoire,  pour  suivre  l'ailraUd* 
beau,  l'homme  est  doué  d'une  spontanéité  intelligente,  dont 
la  forme  la  plus  élevée  est  le  libre  arbitre  on  faculté  de  choi- 
sir entre  le  bien  et  le  mal,  entre  les  actions  qui  rapprochent 
de  Dieu  et  celles  qui  en  éloignent.  GrAce  i  cette  puissance, 
l'homnie  est  en  mesure  d'intervenir  dans  le  cours  de  •><--  <' 
sirs,  de  ses  idées,  de  ses  étals  aflfcclifs,  et  de  les  tran  '  r 
mer  en  volontés,  en  pensées,  en  satisfactions  de  pins  en 
plus  relevées.  Par  là  auiisi,  il  domine  la  nature,  parce  que 
son  ànic  peut  agir  sur  son  corps,  et  que  aoo  cor|»a  peut 
agir  sur  la  matière.  Il  possède  ainsi  une  liberté  interne  et 
une  liberté  externe. 

Mais  cette  spontanéité  libre,  éprise  en  quelque  aorte  de 
•es  actes,  comme  si,  d'abord,  ils  réalisaient  l'idéal,  te  laisse 
dëleruiiner  par  eux  et  se  ininsfornie  en  habii'-'  ■  ♦  "if  mé- 
tamorphose est  l'œuvre  de  l'entendement  n>  le,  ou 
instinct  d  immutabilité,  qui,  lei  yeux  fixés  sur  i  e»»rnce  im- 
muable de  Dieu,  pn^te  la  forme  de  l'absolu  à  la  face  des. 
actions  humainrs  qui  reganle  l'idéal  divin.  Cette  halte  serait 
légitime,  s'il  arrivait  que  les  teuvres  de  la  spooi  ' 
maine  présentas»ent  jamais  toute  la  perfection  qu\ .. 
portent,  ai  l'idéal  humain  éuit  jamais  réalité.  Mais  la  spon- 


COMCLL'SIOλ  1GI 

lanëité  libre,  dans  les  ronditioos  du  monde  actuel,  ne  peut 
que  s'en  approcher  de  plus  en  plus.  Elle  n'est  jamais  au  boul 
de  sa  tâche. 

Cependant  l'actiTitë  humaine,  de  plus  en  plus  déterminée 
par  la  répétition  exclusive  des  mêmes  actes,  dégénère  peo  i 
peu  r-  •  '  '  nce  aTetigie,  fatale  et  uniforme,  et  engendre 
des  {I  s  dont  Tordre  de  succession  est  sensiblement 

constant.  Vus  du  dehors,  ces  phénomènes  semblent  n'être 
autre  chose  que  l'expression  d'une  loi  positive  ou  rapport 
nécessaire  entre  des  objets  d'expérience.  On  peut  alors 
t«>nter  la  systémati>ation  et  rexpli<a(ion  de  tous  les  actes  de 
l'homme,  même  de  ceux  qui  tombant  sous  le  jugement  delà 
conscience  murale,  sans  avoir  égard  à  l'existence  d'une  spon- 
i;in'-itc  interonrroute.  La  statistique  envahit  légitimement  le 
iluiuaine  qu  a  déserté  le  libre  arbitre;  et  les  conclusions  en 
sont  sensiblement  confirmées  par  les  faits,  lorsqu'elle  opère 

r   î  rce  que  les  homipes  qui  percent  la 

Ml;,  iitide  pour  réveiller  et  déployer  leur 

libre  arbitre  sont  en  nombre  insignifiant,  en  comparaison 
'     .  •  :^  <|ue  gouverne  l'habitude,  forme  anticipée  de  la  na- 

i>  M  i.>  ce  sont  les  premiers  qui  en  réalité  sont  les 
arbitres  du  monde:  les  actions  mécaniques  du  nombre  ne 
•  nt  II'  \fii  contre-coups  de  l'impulsion  qu'ils  ont  donnée; 
'  I  v.i  .<  |.uurquoi  l'on  ne  peut,  en  définitive,  trouver  deux 
|)ériodes  historiques  qui  soient,  dans  le  fond,  exactement 
cmblables.  L'Impulsion  initiale,  insensible  pendant  le  cours 
1  liiie  période  qu'elle  détermine  dans  tous  ses  détails,  se  ré- 
vèle à  robî>er>a(eiir  qui  compare  entre  eux  des  systèmes  issus 
d'impuUions  difTcrentes.  El  ceux  là  mêmes  qui  se  b<irnent 
à  suivre  le  courant  sentent  vaguement,  an  fond  de  leur  ime, 
une  de  changement.  (Qu'ils  essaient  de  l'exercer, 

et  la  i -^    -i  deviendra  palpable  ï  leur  conscience;  et  elle 

se  fortifiera  par  l'exercice  même,  au  point  de  produire  des 


Kii      DE    LA   CU2<TI>UKN<;R   DKH   L4IIS   »E   L*   NATl*ftl 

«(Tfis  qui  dérouteront  le  ralcul.  l/hért'diK*,  rinttincl.  le 
raniciere,  l'habirude,  ne  toDt  plut  de»  luit  abioliioicnt 
fatales,  du  moment  où  ils  ne  »oni.  au  fond,  que  la  réaction 
des  actes  sur  la  sponlaut-iié.  La  même  vuloul«^  qui  s'est 
crée  une  habitude  peut  la  modiAcr  pour  s'vievcr  plu»  haut, 
et  aussi  pour  redescendre  :  elle  peut  maintenir  1  tes  haM> 
Indes  le  caractère  actif  qui  en  fait  le  mar  '  'un  per> 

fcriionuemeut  supérieur,  comme  au»si  *'*>•  t ms  des 

habitudes  passifes  qui  la  paralysent  de  pluteo  plu». 

l/i  :  "  H  (|ui  cara.  Iio- 

loj;ii|  pha»e     «I'  mie. 

L'ime  peul,  par  nok  surcroit  d'énergie,  pcrrectionoer  set 
habitudes,  sou  caraciére   et  »a   nature  la  i  '  niv  MaU 

elle  se  duperait  cilo  oxWnr  si,  pour  accroiii  <  liberté 

d'action,  elle  prenait  uniquement  son  point  d  appui  dans  la 
nature  humaine  proprement  dite  ou  dans  la  nature  des  élrca 
iiiférieuni,  si  elle  n  avait  d  autre  levier  que  l'amour  de  soi 
ou  l'adapiation  aux  forces  inintelligentes.  1/iiommc  qui  ne 
poursuit  que  son  intérél  est  esclava  de  sa  nature  propre. 
L'homme  dont  la  volonté  n'est  que  l'eipres&ion  des  inflaonces 
e&térieures  est  esclave  des  choses.  C'est  en  remontant  i  la 
source  de  la  liberté  que  l'homme  peut  accroître  la  »irnne. 
Or  cette  source  est  la  perfection.  On  pratique  qui  réclame 
un  agent  libre.  C'est  donc  eu  prenant  en  dèfiniiive  son  point 
d'appui  au  dessus  de  soi,  dans  l'idt*-  même  de  la  fin  pour 
laquelle  il  est  né,  que  l'homme  pourra  dominer,  el  sa  propre 
nature  et  le  monde  qu'il  habite. 

Mais  cette  fin  de  la  nature  humaine  o'esl  pas  une  idée 
pure  el  «impie,  dont  l'homme  n'ait  août  let  yeai  aucune 
eipression  visible.  Rlle  Irnu .  :    i     ;    ■     .1      "     1  ."ail- 

»a(ion  dans/ les  ^ocii-l*.-»  ut-^'  .11  urs, 

la  conscience  publique  mettent  la  vertu  en  honneur  el  llé> 
trisseot  rabaiaaemeui  moral.  Cest  donc  en  vivant  pour  la 


COÎICLUSIO»  1 RH 

société  et  eo  se  suspendant  à  elle  que  t'homme  peut,  dans  la 
prat'  <oyer  et  acrroilre  sa  liberté.  La  société  est  l« 

souii  ..    j  de  la  liberté  humaine. 

Mais  il  y  a  deux  manières  de  comprendre  le  lien  social.  Ce 

'  un  lien  [  neur,  fondé  sur  la  défiance 

,iie  et  suriir  ds  plus  ou  moins  savantes: 

dans  ce  cas,  la  fomte  sociale  a  une  innuence  plus  coerci- 

tive  qu'éducatrice.  Mais  ce  peut  être  aus>i  un  lien  interne  et 

direct  entre  les   volontés  elles-mêmes,  une  réciprocité  de 

confiance  et  de  dévoik2meol  ;  or  c'est  surtout  quand  elle  est 

'         que  la  forme  sociale  peut  contribuer  puissam- 

ctionnement  moral  de   l'homme.  Ne  voyons* 

nous  pas  que  l'exemple,  en  s'adressant  directement  à  la  vo- 

'  -U'    sans    passer    par  le    raisonnement,  agit  bien    plus 

:iient,  bleu  plus  profondément  que  les  démonstrations  les 

plus    concluantes  7   La   vie  ne    peut  résulter   d'un    méca- 

Disme. 

Spontanément  subordonnée  à  la  société,  la  liberté  humaine 

s'exerce  eflicacement  sur  Vàme  et  sur  la  nature.  Elle  réprime 

les  passions  égoïstes  qui  6tent  k  l'homme  la  possession  de 

•oi.  Elle   coordonne  les  désirs  et  les  pensées,  entre  les- 

t   une  luite  intestine,  si  une  fin   supérieure 

-      - duel  ne  leur  était  proposée.  L'homme  se  mdi 

devenir  meilleur,   quand  il   travaille  au  bien  de  set  MB- 
blables.  h  ^  s'acoroit  son  empire  sur  la  nature. 

Par   la   c         ,  js  elToris  et  par  la  science,  l'horone 

transforme  de  plus  en  plus  les  obstacles  en  instruments  ;  et, 
'•  i  ces  éir  iirs  des  beautés 

lisant  à  cri  '  '>rces  analogues  i 

celles  de  la  nature,  il  peut,  par  une  série  d'actions  mysté- 


lon  ame  vers  l'idéal,  et,  eu  même  temps  qa'il  se  concilie  les 


161      DR   LA   CO!<TI!<GF.NCP.   DES   LOI»   DK   LA   IfATUBI 

êtres  infërieun  i  loi.  susciter  en  eux  an  progrès  qoe  la 
nature  n'aurait «u  produire. 

Or,  au  poini  de  vue  même  iu  pcr;<  '  (loim  .m  pst 

propre,  l'homme  a  betoln  de  po»fti-di!r  uo  t  sur  le 

monde.  Car  Tinfluence  du  rorps  et  des  cboset  sur  srs  alTrc- 

itioD»,  ses  iMTOsi'es  et  SCS  désir»  est  •  -  •  '-  ~  -  'ir© 
il  ne  modifie  réellement  sa  nature  c* 

diaire  de  ces  puissances  inféneures.  Il  lui  faut  re i  ulcr  de 
cntidilions  en  conditions  et  modifier  Irs  phcuomi-f  -  ■  «Ho. 
ludiques,  ceux-ci  par  les  phénomèDCh  chimiques  1 1  s, 

ceux-ci  enfin  par  les  phénomènes  méraniques:  lu-utrc  de 
régénération  sera  d'autant  plus  stable  qu'elle  reposera  sur 
des  assises  plus  profondes.  C'est  ainsi  que  pour  arrêter  les 
inondations,  on  ne  se  borne  pas  à  ;  nettes 

plaines  envahies,  mais  on  remui..,  j-  .,..  _  ..  /<p  du 
fleuve,  et  l'on  en  détourne  le  cours. 

l/hunianilé    est    puissante    quand  elle    <! 
d'union,  d'harmonie,  de    hiérarchie    norai<      '■     , 
dont  elle  est  douée  i  on  degré  supérieur.  Car  la  puissance 
appartient   à  l'union  des  imes.  r  •'«scde, 

dans  l'organisation,  une  sorte  d'ét'  irmouie 

que  le  monde  vivant,  sifhigile  en  apparence,  plh  i  ses  flot 
le  monde  inorganique,  oà  règne  l'uniformité,  la  dirision, 
l'isoletnent.  Et,  dans  la  personne  humaine,  c'est  parce  que 
les  puissances  psychiques  sont  ramenées  à  l'unité  par  la 
COUS!  i  <ie  l'ime  est  Ballretse  du  corps,  où  chaque 

offraii  1  i  une  vie téperée. C'est  parée  qeela  volonté 

se  subordonne  à  une  fin  qui,  en  retour,  lui  coainunique  son 
unité,  qu'elle  peut  régner  sur  les  passions,  dont  rhacune 
veut  absorber  toutes  les  forces  de  l'imc,  et  qui,  par  suite,  se 
combattent  et  s'afTaiblisseot  elles  mêmes.  Cest  enfin  parce 
que  la  sociëlë  est  une  hiérarcliie  morale,  et  possède,  à  ce 
litre  ■■«  unlîi  supérieure,  qu'elle  est  capable  d*élendrc  la 


coîfCLrsioîi  165 

puissance  de  l'homme  et  d'accrottre,  comme  iiidéfioimeot, 
son  «  I  '  et  sur  les  choses. 

Et,  ~  ^aru  par  ia  société  qui  coordoDoe  ses 

forceSf  d'autre  part,  i  mesure  qu'il  s'en  isole  davantage,  et 
que,  par  I;;  nième,  il  donne  à  sa  vie  un  but  moins  élevé,  i 
mesure  diminue  sa  liberté  intérieure  et  extérieure.  Il  ren- 
contre, au  dedans  de  lui-même,  des  passions  qui  le  tirent 
f.    •     r    -ns,  et  qu  il  n'a  plus  la  force  de  maîtriser.  Précieux 

0  quand  elles  étaient  subonlounées,  elles  réduisent 

1  homme  à  l'impuissance  quand  elles  s'en  disputent  la  pos- 
session :  la  nature  humaine  porte  en  soi  les  marques  d'une 
destination  plus  haute  que  la  vie  individuelle.  De  même,  l'in- 
dividu isolé  est  sans  force  en  présence  de  la  nature.  Celle-ci 
reprend  son  avantage  lorsque  l'homme  abdique  le  privilège 
d  une  harmonie  supérieure,  qui  l'élevait  au  dessus  d'elle. 

S'il  est  vrai  que  l'homme  possède,  dans  le  libre  arbitre, 
une  image  de  la  liberté  diviue,  il  n'est  plus  étonnant  que 
l'ordre  des  phénomènes  psychologiques  présente  quelque 
dtv'r*^  ^^  contingence.  L'élément  contingent  est  précisé- 
muut  l'effet  extérieur  du  progrès  ou  de  la  décadence  morale, 
de  l'intervenlion  de  la  liberté  pour  modifier  une  habitude, 
I'  ».  Les  lois  fixes,  an  contraire,  sont  l'ex- 

l.  laissée  par  l'imei  l'habitude. 

La  doctrine  de  la  spontanéité,  plausible  eo  ce  qui  con- 
<  iiime,  est-elle  inapplicable  aux  êtres  dépourvus  de 

Sans  doute,  ces  êtres  ne  peuvent  posséder  cette  forme  su- 

delà  spontanéité  qu'on  nomme  le  libre  arbitre,  ei 

te  à  poursuivre  des  fins  éloignées,  en  ayant  ron»- 

f  ience,  nu  moment  où  l'on  adopte  un  parti,  de  la  faculté 

'■^         '   .(sser  un  autre.  Sans  doute  ausbi  il  os» 

<-r  dans  quelle  mesure    la    spontanéité 

peut  leur  appartenir  eo  propre  et  se  distinguer  de  l'action 


166      DE   LA   CO!<rTINGENCB   DES  LOIS  DB  LA   IfATURB 

erémrice  de  Dieu.  Mai»,  d'un  autre  c6l^,  le»  être*  inférieur* 
teniieni-ils  vcriubicmont  de«  étret,  t'ili  o'eii«iaieiii  que 
comme  phëDomèoet;  si,  en  cut-nr  .^!-^. 

Quand  nous  voyoni  en  nou»  \v%  \iU< 

et  physique»  correspondre  à  de»  activité»  interne»  qui 
ne  «ont  pas  absolument  mu»  analogie  arec  noire  ime,  puis- 
qu'elles la  secondent  ou  l'entravent  ,  pourquoi  ne  pas 
admettre  l'existence  d'une  puissance  interne  partout  vA 
n(»ii»  voyons  un  phtinumène  ? 

i.es  funiies  inrërieures  sont,  comme  l'homme,  du  moitié 
dans  une   rcrl;iine    mesure,  susrcpiible«    de   p«-' 

ment.  Pour  l>IIo«  au<«%i  il  y  a  un  idéal,  qui  est  do  r>  ; 

à  leur  manière,  aux  formes  supérieure»  el,  en  définitive,  à 

Itifu  liii-iii^me.  C.ommenl  la  nature,  les  mnv- 

le    riel.    peiiveulils    resscmltler   à  l'homme  !   L      ,  : 

savent,  et  ils  traduisent  dans  notre  langage  le«  mysl(5rica»es 

II»  -  des   rhosos.   D'ailleurs,  re   n'e>t   pa-- 

(a        ,        .int,    en  changeant  de   nature,  que  l<- 

férieur*  peuvent  ainsi  exprimer  des  idées  de  plus  eo  plus 

hautes.    \.'jk  métamorphose  radicale  d'iiti 

une  n'-\i>lutiou  qui  priverait  l'univer^d  II 

d'une  de   ses  colonnes.  Loin   de  s'embellir,  d'ailleare,  no 

être  inférieur  s'enlaidit    ei    '  l,    sans  l'ii  '  '   ti 

SCS  faciillé<>  pri»|)res.  la  p  nie    d'un  <  i. 

Le  symbole  n'est  objet  d'admiration  que  si  la  furroe  en  est 

naturelle,  en  mi^me  temps. quV\pressive.  Il  y  a.  de  la  sorte, 

puur  elia<|iie  être  de  la  nature,  un  id<-al  pnrtii'ulier. 

Dans  la  série  descendante  des  formes  inférieures,  1 1  !<  jI. 
ou  degré  de  perfection  compatible  avec  la  nature  de»  être», 
s'éloigne  de  plus  en  plus  de  la  perfection  absolve,  et,  pour 
cette  raison,  apparaît  de  moins  en  luoius  comme 
pensable  à  réaliser:  des  lors,  ce  o'esl  plus  le  bien  ui  ,.« 
toire,  c'est  le  beau,  symbole  dont  le  seos  nystérieui  se  perd 


CONCLUSIOIt  467 

de  plus  en  plus,  dont  le  c6té  visible  se  développe,  et  qui. 
par  suite,  exerce  un  attrait  de  plus  en    plus  iininodiat. 

Parce  qu'il  y  a,  pour  les  élres  de  tous  les  degrés,  un  idéal 
à  poursuivre,  il  doit  exister,  en  tous,  un  degré  de  spontanéité, 
une  puissance  de  changement  proportionnée  à  la  nature  et  à 
la  valeur  de  cet  idéal.  Mais  la  spontanéité  des  êtres  inférieurs, 
aveugle  et  incapable  de  tendances  médiates,  subit,  bien  plus 
encore  que  celle  de  l'homme,  la  réaction  suivant  des  chan- 
gements mêmes  qu'elle  engendre  ;  et  elle  se  détermine,  se 
limite,  s'absorbe  dans  les  choses,  à  un  point  dont  Ihabitude 
humaioe  ne  donne  qu'une  faible  idée.  L'instinct  des  ani- 
maux, la  vie,  les  forces  physiques  et  mécaniques  sont,  en 
quelque  sorte,  des  habitudes  qui  oui  pénétré  de  plus  en  plus 
profondément  dans  la  spontanéité  de  l'être.  Par  là  ces  habi- 
tudes sont  devenues  presque  insurmontables.  Klles  apparais- 
sent, vues  du  dehors,  comme  des  lois  nécessaires.  Toutefois 
celte  fatalité  n'est  pas  de  l'essence  de  l'être  ;  elle  lui  est 
accidentelle.  C'est  pourquoi  l'intervention  des  spontauéités 
supérieures,  ou,  sans  doute,  l'iiiiluence  directe  de  l'idéal, 
peut  tirer  de  leur  torp«-ur  les  créatures  les  plus  imparfaites, 
et  exciter  leur  puissance  d'action. 

Ainsi,  d'une  part,  il  y  a,  pour  tous  les  êtres,  un  idéal,  un 
modèle,  parfait  dans  son  genre,  que  l'enteDdemenl  compose 
en  lransfi;;iiraiit  les  essences  naturelles  à  l'aide  d'un  rayon 
divin  ;  d'autre  part,  il  y  a,  chez  tous,  une  spontanéité  appro- 
priée i  U  poursuite  de  cet  idéal. 

Dès  lors,  dans  chaque  région  de  l'être,  les  essences  ci  les 
lois  ont  deux  aspects. 

Dans  le  monde  physiologique,  la  vie  ne  se  réduit  pas  à  un 

ions  observables.  Cent, au  fond,  une  puis- 

lant  à  réaliser,  au  sein  de  chaque  espèce, 

les  formes,  non  seulement  les  plus  utiles  aux  êtres  eux-mêmes, 

mais  encore  les  plus  belles,  que  cette  espèce  comporte. 

10. 


168      DE   LA   COTtTINGRMCE   DU  LOIS   DE   L4  RATIIIB 

Dao»  le  monde  physique,  le«  propriété»  sont  de  vcriiablet 

puis$an<  ■      '      '  .  j-  .  .     .  .       •     .     .   . ,  j^ 

composi:  iirnt 

les  plus  siableii,   mais  eocore  les   plus    belle*  que  puisse 
admeiire  la  nature  des  corps. 

Dans  le  monde  mécanique,  la  force  n'est  pas  seulement 
l'expression  de  relation»  ob&errables  entre  les  moutrmrnts: 
c'est  encore  une  puiiksance  elTcciivc.  tendant  à  rvaliscr  le 
beau  en  le  traduisant  dans  la  langue  de  l'étendue,  de  la  figure, 
de  la  symi'irie  et  du  mouvement. 

De  la  sorte,  les  priniipts  de  la  physiologie,  de  la  physique 
et  des  maihcmaiiques  n'auraient  pas  seulement  on  sens  ne* 
térici  et  une  origine  a  pointcriori:  ifs  aur.iierit  en  outre  uo 
sens  esthétique,  cl,  à  ce  point  de  vue,  une  origine  a  priori. 

Enfin,  même  dans  les  formes  abstraites  de  l'être,  ta  spoD" 
lanëiic  n'es!  peul-étre  >  'ir. 

1/ordre  logique,  on  faits  i  la  ooiioa, 

recèle  peut-être  l'action  spontanée  de  la  raisoo  inleroe  oo 
rail-  dont  la    notion  n<- 

Le»  I  -  auraient  ainsi  leiii 

Quoique  relativement  immobile,  le  type,  ou  cause  finale, 
posséderait    In  i    '  ' 

formes  les  pli 

reposeraient,  en  dciiniiire,  sur  des  principes  esthétiques  i 
priori. 

De  même,  l'ordre  ontologique,  ou  liaison  causale  de»  phéno- 
mènes,  recèlerait  de  véritables  causes,  ou  puissances  nu-uphy- 
siques  engendrant  les  changement»  du  monde.  El  ee»  puis» 
sanceséléiuenLaires.  presque  ideniiipiesavec  la  fataliic.  puis» 
qu'elle»  son  l.  en  quelque  fturte.ll  Ile 

reposent  toute»  les   autres,  n'eu   _.  „i,_ jins, 

dans  leur  essence  interne,  un  reste  de  spontanéité,  qui  aurait 
pour  objet  de  produire  le  plus  possible  avec  le  moins  de 


cowcLusioîf  169 

créer  des  effets  qui  dépassent  leurs  eondU 
res,  leur  cause  phénoménale.  Ainsi  le  principe 
de  cau&alité  aurait,  lui  aussi,  on  sens  esthétique,  et,  à  ce  puiut 
de  vu  a  priori. 

Qi  nécessité,  elle  serait,  aa  fond,  la  traduc* 

lion,  en  langage  logique  aussi  abstrait  que  possible,  de  l'ac- 
î  '  ée  par  l'idéal  sur  les  choses,  par  Dieu  sur  ses  créa» 

<e  serait  le  symbole  le  plus  matériel  de  l'obligation 
morale  et  de  l'attrait  esthétique,  c'est-à-dire  de  la  nécessité 
<  '•''et  sentie.  Elle  serait  le  terme  au  delà  duquel  le 

i-ible.  n'exprimant  plus  rien  que  lui-même,  finit  par 
«évanouir  et  s'identifier  avec  le  néant  absolu.  Et,  en  ce  sens, 
l'idée  de  nécessité  serait,  elle  aussi,  un  principe  posé  a 
priori. 

La  métaphysique  pourrait  donc,  sur  le  terrain  préparé 
p»r  la  doctrine  de  la  contingence,  établir  une  doctrine  de  la 
lil»'rtë.  Selon  cette  doctrine,  les  principes  suprêmes  des 
rlin^csscraient  encore  des  lois, mais  des  lois  morales  et  esthé- 
iii{iics,  expressions  plus  ou  moins  immédiates  de  la  perfec- 
tion divine,  préexistant  anx  phénomènes  et  supposant  des 
liés  de    -^  '    :  ce   serait   le  bien  pratique, 

_.  ijuimcriie  jlisé,  qui  cependant  peut  ne  pas 

l'être,  et  qui  ne  se  réalise  en  effet  que  lorsqu'il  est  acconi- 
pli  spontariénioni.  O"  '"^  aux  lois  do  la  nature,  elles  n'au- 
raient pas  une  e\i'*(''iice  absolue;  elles  exprimeraient  sim- 
plement une  phase  donnée,  une  étape  et  comme  un  degré 
I  ^•■s.   Elles  seraient  l'image,  arti> 

I  -,  d'un  modèle  vivant  et  mobile 

par  essence.  La  constance  apparente  de  ces  lois  aurait  sa 
I  'lis  la  stabilité  inhérente  à  l'idéal  lui-nême.  L'être, 

I  <u   dire,  tend   à   s'immobiliser  dans  la  forme  qu'il 

•  est  une  fois  donnée,  parce  qu'il  U  voit,  tout  d'abord,  sons 
les  traits  qoi  participent  de  l'idéal  :  il  s'y  complaît  et  tend  i 


170      DE   LA   COFITIf«GP.?ICK   DES  LOIS   DE   LA   RATIHB 

y  pf  rsëvërcr.  Ceti  c«  qu'eo  l'homme  on  appelle  l'Iuibilade. 
Or  Ibabilude,  grice  divine,  lorsqu'elle  e»t  atiive  et  envi* 
aagce  romroe  UD  degr^  qui  permet   de    s'élever  i  i 

eiicure,   devient  ooe  cause  d'afraibli»&emenl,  de  il.  ,  i 

des  forces  ei  de  dissoluiioD,  lorsqu'elle  est  prise  pour  od 
terme   di'liiiitif,  lorsqu'elle  est  passive.   PU)- 
plus  passive  à  mesure  que  l'idéal  est  moins  • 
médiat,  l'habitude  se  traduit  successivement  par  des  facultés, 
dfS  instincts,  des  :.s  et  des   '  T"  » 

êtres  inférieurs  i    , .         ■  •■  d'un  ti^-  - 

l'habitude  n'est   pas   la  substitution  d'une  fatalité  subsian» 
ticile  à  la  spontanéité  :  c'est  un  état  de  la  spontan 
niéme.  Celle-ci  demeure  donc,   sou^i  les  lois  ausqir 
paraît  soumise,  et  peut  encore  être  sensible  i  l'attrait  d  une 
beauté,  d'une  bonté  supérieure.  A  tous  se*  d'  ' 

tanéito  peut  se  rapprocher  de  son  idcal,  et  (» 
nature.  Elle  trouve,  dans  l'attâi  hcmenl  à  cet  idéal  iui-nx  iii>  . 
un  surcroît  d'énergie  qui  lui   permet  de  rassembler  '  - 
menis  disséminés  par  l'habitude  passive,  et  de  le^ 
en  vue  d'une  conquête  nouvelle.   A    mesure   que   les  cires 
cessent  ainsi  de  vivre  uniquement  pour  eux-mêmes,  et  que 
de\iont  plus  spontanée   et   plus  c«iiiiplete  la  subordination 
de  l'être  inférieur  au  supérieur,  l'adapijtion  interne  des  cud- 
ditionsau  conditionné,  de  la  matière  à  la  forme  :  à  ni*-^'"^' 
aussi  diminue,  dans  le  monde,  l'unifuimité,  l'homugt  i 
l'égalité,  c'est-à-dire    l'empire  de  la    faillite    physi«]ue.   l/a 
triomphe  complet  du  bien  et  du  bi'au  ferait  di»parallre  let 
lois  de  la  nature  proprement  dites  et  les  remplacerait  par  le 
libre  essor  des  volontés  vers  la  perfection,  par  la  libre  hié- 
rarchie des  i"»-* 


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TABLE 


IxTHOorrrirv"».  1 

CnArnnt  l~.  —  De  la  >LLtiaite   .  .  7 

CHAMTKi.  II.  —  Oe   l'Èire 15 

CsAri-mK  III.  —  Des  Genres.  . 

CaAHTiie  IV.  —  De  la  Matière.  43 

CiAriTRB  V.  —  De»('x>rps 62 

CaAMTitc  VI.  —  Des  Èlres  vivanls 76 

CaAi-iTiif,  VII    -  r>ç  l'Mnmmp 98 

COACLt».'                                                                                                131 


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Volumea  in  1*  ix  divers. 


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C.  S-éà. 
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I'b  tnooTwnioiii  aivatiqn* 

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Lllf*  »uh<-»<i*ri«nl,  4*  M 

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