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BIBLIOTHEQUE
DE FlIILOSOPHIEsCONTEMPORAINE
DE LA CONTINGENCE
DES
LOIS DE LA NATURE
EMILE BOUTROUX
^^ iiibre lie i A<:a<lémi» fraoçaiM
!<■ r V' 1 : 'inie des Science* morftlea et politiques.
VEIVIEME EDITION
VMUS
I.IIIHAIIUE FKLI\ \[A.\S
108, BOULEVARD S VINT-OEnilAlN, VI»
DE LA CONTINGENCE
DEâ
LOIS DE LA NATURE
AUTRES OUVRAGES DE M. E. BOUTROUX
Étodei d'histoire de la philosophie, 1 vol. in-8 de U Biblio-
Ihiijue de philosophie contemporaine, 3<^ édition, 7 fr. 50
(Librairie Félix AIran).
De l'idée de loi naturelle dans la science et la philosophie
contemporaines, cours professé à la Sorbonnc en 1892-1893.
i vol. in-8, 3 fr. 50 (Librairie Félix Aican).
La philosophie des Grecs, par B. Zki.lp.r. Irailuit ilc I ullo-
mand |>ur K. but ruot'x et ses collaburatcurs, t. 1 rt II ;
La philosophie des Grecs avant Socrate, par M. Buctroix
(Hachette et £■•).
Qaettions de morale et d'éducation, conférences lailea à
réoole de Fouleuay-aux-Roses (Delagravo).
DE LA CONTINGENCE
DIS
LOIS DE LA NATURE
PAR
EMILE BOUTROUX
Membre de l'Académie française
«t de l'Académie des Sciences morales et politiques
ETvat %a\ îvxaûOa Otoû(.
(Aristotb, De part, anim., 1, 5.)
s F. I VI i: M 1". r. I» I
SEEN BY
PREÇERVATfON
SERVICES
^^ i
DATE
PARIS'
LIBRAIRIE FÉLIX ALCAN
108, BOULBVARD SAINT-GBRMAIM, 108
l'J-'l
Tcua drolla d« traduction, de reprodaetioa «l d'adaplaUoa ^•'t^S
réftarvM pour lou» pajra. A-^V^ '^
. — .. Ar^
DE LA CONTINGENCE
DES
LOIS DE LA NATURE
INTRODUCTION
L'homme, ï l'origine, tout entier à tes sensations de plai-
sirs ou de soufTranre, ne songe pas au monde extérieur; il
en ignore nx^nie l'existence. Mais, avec le temps, il dis-
lingue, dans ses sensaiiont mêmes, deux éléments, duol
I un, relativement sim|ile et uniTorme, est le sentiment de
soi-même, et dont l'autre, plus complexe et plus chan-
geant, est la représentation d'ohjets étrangers. Dès lort
s'éveille en lui le iicsoin de sortir de sol et de considérer
en elles-mêmes les choses qui l'environnent, le besoin de
connatirt. Il ne se demande pas ï quel point de vue il doit
se placer pour voir les choses, non telles qu'elles lui appa-
rtissent, mais telles qu'elles sont en réalité. Du point même
où il se trouve, ses yeux, en s'ouvrant, oui découvert une
perspective admirable et de» horizons inflnis. Il s'y établit
donc comme eo un lieu d'observation ; il eotrepreod de
1 DE LA COMTI?IGKNCI DES LOIS DE La MaTUBI
cunualtr« le monde lel qu'il l'aper^nii de ce point de ?ue
Cet! la première pha»« de la trience, celle où l'etpril m
rtpOM sur le» ien» du soin de coosliiuer la conoaittanre
«nivertelle. El les Mot lui rourDi<(seDt tn elTcl une pre-
Bière coocepiioD do monde. Selon leurs donoéet, le monde
est un eoMOlbto de faits d'une infinie variëtë. L'homme
peut les obMrrw, les analyser, les décrire arec une etac-
titttde croissante. I.^ scieace est cette description même.
Ouant i un ordre fiie entre les fait», il n'en est pas ques-
tion : les sens ne font rien voir de tel. C'est le hasard, ou le
destin, ou un ensemble de volontés capricieuses, qui prëti»
dent à l'univers.
Pendant un certain temps, l'homme se contente de celte
conception. N'est-elle pas déjà très féconde î Cependant,
tout en observant les faits, l'esprit remarque entre eux des
liaisons constantes. Il voit que la nature se compose, non
de choses isolées, mais de phénomènes qui s'appellent les
ans les autres. Il constate que la contiguïté des phénomènes,
au point de vue des sens, n'est pa« un sûr Indice de leur
corrélation elTeciive. Il voudrait pouvoir ranger les phéno*
menés, non dans l'ordre où ils lui apparaissent, mais dans
l'ordre où ils drpeodeut effectivement les ans des autres.
La science puninent desrriptive lui parait désonnais insuf-
fisante, inexacte même, en ce qu'elle fausse les relations
des choses. Il y voudrait Joindre la connaissance explicAtive.
Cette connaissance, les sens ne peuvent la procurer. Car,
pour l'acquérir, il faut prendre note des liaisons observées,
et les comparer entre elles, de manière i discerner les liai*
MBS constantes et générales. Puis, ces cadres une fois fo^
nés, il faut j faire rentrer les liaisons particulières que l'on se
propose d'eipliquer. Or les sens n'atteignent que les liaisons
iamédltlMMat ûonnéê» par les rhoses elles-mêmes. Mais
l'MlMidMMBt lalarvlMI ei offre à l'esprit un point de vue
INTRODUCTION 3
plat élerë, d'où les choses sont aperçues précisément dans
ce qu'elles ont de général. L'esprit charge donc l'entende-
meat d'interpréter, de classer, d'expliquer les données des
sens.
L'entendement, placé ainsi au-dessus des sens, prétend
d'abord se passer d'eux et construire, à lui seul, la science
du monde. Il lui suffira, semble-t-il, de prendre pour point
de départ celles de ses idées qui lui apparaissent comme
évidentes par elles-mêmes, et de les développer d'après ses
propres lois. Jusqu'à quel point réussit-il à opérer cette
construction sans rien emprunter au sens? Il estdilTicile de
le dire. Quoi qu'il en soit, il aboutit à une science dont
toutes les parties sont, il est vrai, rigoureusement liées
entre elles, et qui, de la sorte, est parfaitement une; mais
qui, d'autre part, présente avec les choses réelles une di-
vergence que les progrès mêmes de la déduction rendent
de |>lus en plus manifeste. Or l'ordre des idées n'a de va-
leur que lorsqu'il explique l'ordre des phénomènes.
Devant l'impossibilité de constituer la science à lui seul,
l'entendement consent à faire une part aux sens. Ils travail-
leront de concert à connaiire le monde. Les uns observe-
ront les faits, l'autre les érigera eo lois. En suivant cette
méthode, l'esprit tend vers une concepiion du monde plus
large que les précédentes. Le monde est une variété infi-
oie de faits, et entre ces faits existent des liens nécessaires
et immuables. La variété et l'unité, la contingence et la
Dëcessilé, le changement et l'immutabililé, sont les deux
pèles des choses. La lui rend raison des phénomènes ; les
phénomènes réalisent la loi. Cette conception du monde
est à la fois synthétique et harmonieuse, puisqu'elle admet
les contraires sans restriction, et néanmoins les concilie
entre eux. Elle permet d'ailleurs, ainsi que l'expérience le
pionire, d'expliquer et de prévoir de mieux eo mieux les
t.
4 DE LA C0NTI<1Gr.!VCI DU LOIS DE LA NATCIK
pbëDomènet. Frappé de e«« avanlaget, l'etpril t'y •omplalt
de plu» en plu» et jiigr de tout par là.
Et maiotenaol, c«ti« cooceptioo elle-m«^ni« att-eile dtfft-
oitivef La science que peut créer reni<>ndemfat opénot
snr le* donnée* des teni e»t>elle tuacepiible de coiocidcr
complètoroeni avec l'objel à connaître?
D'abord celte réduction absolue du multiple i l'an, 4n
changeant à l'immualtle, que m propose l'entendement,
D'est-elte pat, en dcnnilive, la fusion des contradicloirvsT
Et, ai l'absolu est l'intelligible, celle fusion est^lle l«giiimef
EoBuite, suflii-il que l'entendenienl fasse une part aut aeaa
pour que l'esprit soii placé au puiiil de vue vraiment ceiw
Irai? En réalité, cette conre^siou n'iniéreste que la rocher»
che des lois de la nature. Elle n'implique pas qb chaope«
xieni dans la couceptiou même du mon e. Do munieutque
l'entendement impose à la science sa catégorie de liaisua
nécessaire, il n'importe, théoriquement du moins, qoe lea
sens soient on non as>ociés à l'œuvre «le la connaissante.
Il reste vrai qu'une iiiielligeoce parfuiie tirerait toute U
science d'elle même, ou du moins de la coooaisaanre d'un
«>eul fait, coiisidcrc dan» la totalité de set élémenis. Le
monde reste an tout parfaitement un, od système doul lea
parties s'appellent néces>iiirement les ones les autres.
Or celle catégorie de liaison nécessaire, iuhcrenie à l'en*
tcndemeut, se retrouTe-l->elle en effet da«s les choses elles*
mêmes? Les causes se confundent-elles avec les lui», comoie
le suppose, en définitive, la doctrine qui dcfioii la loi un
rapport immuable?
Celle question iiilëres«e i la fols la mciapbjrsiqoe et lea
sciences positives. Car la doctrine qui place dans l'euicuUe-
ment le puint de vae suprême de la connaissance t pour effet
de reléguer toute sponlanéité particulière daus le monde
désillusion*: de oe voir dans la finalité qu'une reproduc-
îîfTBODUCTION 5
IJoo interne de l'ordre nécessaire des causes efficientes ; de
ramener le sentiment du libre arbitre i l'ignorance des
causes de nos actions, et de ne laisser subsister qu'une
cause véritable, produisant et gouvernant tout par un acte
unique et immuable. De plus, cette doctrine ne rend pas
un compte suffisant de la nécessité absolue de l'observa-
tion et de l'expérimentation dans les sciences positives ; ei
elle introduit le fatalisme, plus ou moins déguisé, non seu-
lement dans l'élude de tous les phénomènes physiques sauf
distinction, mais encore dans la psychologie, l'histoire et
les sciences sociales.
Pour savoir s'il existe des causes réelk <Ant distinctes des
lois, il faut chercher Jusqu'à quel point les lois qui régis-
sent les phénomènes participent de la nécessité. Si la con-
tingence n'est, en définitive, qu'une illusion due à l'igno-
rance plus ou moins complote des conditions déterminantes,
la cause n'est que l'ar^técédent énoncé dans la loi ou bien
encore la loi elle-même, dans ce qu'elle a de général ; et
l'autonomie de l'enlendement est légitime. Mais, s'il arrivait
que le monde donné manifestât un certain degré de contin-
gence Téritablemeut irréductible, il y aurait lieu de penser
que les luis de la nature ne se sufTisent pas à elles-mêmes
et ont leur raison dans des causes qui les dominent: en
sorte que le point de vue de l'entendement ne serait pas le
point de vue définitif de la connaissance des choses.
CIIAPITRR PRRMIER
DE LA NÉCESSITÉ
A quel signe reconnaît-on qu'une chose est nécessaire,
quel est le critérium de la nécessité?
Si l'on essnyc (Je définir le concept d'une nécessité absolue,
«0 est conduit à en éliminer tout rapport subordonnam
l'existence d'une chose à celle d'une autre, comme à une
eondiiion. Dès lors, la nécessité absolue exclut toute mulii
plîi'ité synlht-ii<|ue, toute possibilité de choses ou de lois.
Il u'y a donc pas lieu de rechercher si elle règne dans le
monde donné, lequel est essentiellement une multiplicité de
choses dépendant plus on moins les unes des antres.
Le problème dont il s'agit est, en réalité, celui-ci : à quel
signe reconnatt-on la nécessité relative, c'est-i-dire l'exis-
tence d'un rapport nécessaire entre deux choses?
Le type le plus parfait de l'enchaînement nécessaire est le
syllogisme, daos lequel une proposition particulière est
montrée comme résultant d'une proposition générale, parce
qu'elle y est contenue, et qu'ainsi elle était implicitement
affirmée au moment où l'on affirmait la proposition géné-
rale elle-même. Le syllo^^isme n'est, en somme, que la dé«
monstratiun d un rapport analytique existant entre le genre
el l'espèce, le tout et la partie. Ainsi là où il y a rapport
analytique, il y a enchaînement nécessaire. Mais cet enchal*
oenient, ea soi, est purement formel. Si la proposition gêné-
^ DR LA CO:<TI?iGE!<CE UES LOIS DP. LA JfATClIC
raie est coDliofeote, U propotiiion pariictilière qui t'en dé-
duit eti. comme telle do moins, également et Décetsairemeni
rontingeote. On ne peut parvenir, par le aytiogttroe, à la
(Jcninustraiion d'aoe nëceksitë réelle, que ai l'on ratiarlie
toutes les conclusions à une majeure nécessaire en «oi. Cetto
opération est-elle compatible avec les conditions de l'aïu-
lyse?
An point de vue analytique, la senle proposition entière-
ment néressaire en soi est celle qui a pour formule A = A.
Toute proposition dans laquelle l'alirihnt dilTere do sujet,
comme il arrive alors même que l'un des deux termes résulte
de la décomposition de l'autre, hisse subsister un rapport
synthétique comme contre-partie du rapport analytique. I.e
syllogisme peut-il ramener les propositions symbolique-
ment analytiques à des propositions purement analytiques f
Une difTérence se maniTciite au premier abord entre 1rs
poposllions sur lesr|uellcs opère le syllogisme et celle à
laquelle il s'agit d'arriver. Daus celle ci, les termes sont ro
liés par le signe r= ; dans les autres, par la copule est.
Celle diiïérence esU«lle radicale?
La copule est, que l'on emploie dans les propositions ordi-
naires. D'est peut être pas sans rapport avec le tif[ne.=:. Ella
>i^Miifie, en se plavant au point de voe <!' < ' Mon des
I rmes (lequel est le point de vue du raisoi , que le
sujet n'exprime qu'une partie de l'attribut, pnrtie dont on
n'indlqoe pa» la grandeur relative. I.a proposition t Tous
les hommes sont mortels > signifie que l'espère « homme »
est une partie du genre < mortel », et laisse indéterminé
le rapport du nombre des hommes an ' ,-|t.
Si l'on connaissait re rapport, on poiM .1 |<»9
hommes = | mortels. » Le progrès de la science, peut-on
ajooler, eMtbla i déterminer plus exactement et plus corn-
pleinaeni tmetpècM contenues dans les genres, en sorte
DE LA NÉCESSITÉ 9
quf , daos une «cieoce acherée, le signe =: aurait partout
renijilacë la copule ett. La formule de cette scienre serait
A = B-+-C + D-f... ;B=: a-f-6+c .... etc. En rein-
piaçaot B. C, D. etc., par leur valeur, on aurait, en défini»
tive : A = a -+- 6 4* * -*" ••• 0^» est-ce là une formule pure-
ment analytique?
Sans doute, le rappori entre A et set parties est analy-
tique, mais le rapport réciproque entre les parties et le tout
est ï>v '\ Car la multiplicité ne contient pas la rai*
son ij' Et il ne sert de rien d'alléguer qu'en rem-
plaçant a -i- b 4.e-f..... par leur Taleur on obtient A = A.
parce que la science consiste précisément à considérer A
comme un tout décomposable, et à le diviser en ses par-
ties.
Mais, dira-t-on, on peut concevoir autrement la forme
analytique idéale vers laquelle tend la science. L'inierposi-
tioo d'un moyen term» M entre deux termes donnés S et P
a pour effet de partager en deux l'intervalle qui résulte de
leur différenre d'extension. On interposera de même des
noyens termes entre S et M, entre M et P, et ainsi de suite
Jusqu'à ce que les vides soient entièrement comblés. L«
passage de S à P sera alors insensible. En poursuivant ce
travail, on ira rejoindre l'essence suprême A, et tout y sera
rjtlarbé par un lien de continuité.
Ce point de vue comporte en effet la réduction de toutes
les propositions à la formule A eu A. Mais, cette fois, la
copule est ne peut être remplacée par le signe =. Car
l'interposition d'un nombre quelconque de moyens termes
ne peut combler entièrement l'intervalle qui existe entre le
particulier et le général. Les transitions, pour devenir moins
brusques, n'en restent pas moins disrontinoes; et ainsi il y
■ toujours une différeoca d'extension entre le sujet et le
nrrdit-jt.
10 DB LA COirrmCENCK DI8 LOIS DB LA NATURE
Il est dooc impotsible de inmeoer les rapports paritca
lien i la rorronle A = A, c'est- 1-dire de panrenir. ptr
l'aMlyte, à la dënontlratioD d'une oérettitë radicale.
L'analyse, le syllogisme, ne démon irvot que la nëcessiiè dé-
rivée, c'est-à-dire l'impossibilité que telle cho<%p soit fausse,
$i telle autre chose est admise cummc Traie
Le Tice de l'analyse, en tant qu'elle prcieiid se suffire i
elle-ro^me, c'est de ne comporter, comme «xplicaiion der-
nière, qu'une proposition identique, et de ne pouToir rame-
ner à une telle formule les propositions qu'il s'ajcit d'eipli-
qoer. Elle n'est féconde que si une proposition identique,
assemblage d'élément» hétérogènes, lui <-si fournie comme
point de départ; elle ne démontre la nëC'^sité que si elle
développe une synthèse nécessaire. E%iste-t-il de telles syn-
thèses 7
L'expérience, qui ne fournit aucune connaissance univer-
selle dans l'espace et dans le temps, et qui fa' "nt
connaître les rapports exlérieura des choses, pi < ; nous
révéler des liaisons constantes, mais non des liaisons néces-
saires. Il faut dooc, avant tout, qu'une synthèse soit connue
il priori pour qu'elle soit susceptible d'élre nécessaire.
Peut-être, il est vrai, resterait-il à savoir si one telle syn«
thèse est nécessaire au poiui de vue des choses, comme elle
l'est pour noire esprit. Mais d abord il suffit qu'elle le suit
pour noire esprit, pour qu'il n'y ail pas lieu d'eu discuter
la réalité objet tive, celle dis<-usoioo ne se pouvant faire que
suivant les lois de l'esprii. Si par hasard le cours des cho-
ses ne se conformait pas exactement aux principes posés
à priori par l'esprit, il en faudrait conclure, non que l'esprii
se trompe, mais que la matière trahit sa participation au non-
être par un reste de rébellion contre Tordre.
A quel signe peut-nn reconnaître qu'un jugement esl i
priori 7
DE LA NÉCESSITÉ 11
Pour qu'uD jugement puisse être dit à priori, il faut que
■es éléments, termes et rapport, ne puissent être dérivés
de l'expérience. Cour que tes termes puissent être consi-
dérés comme ne déri/ant pas de Texpérience, il ne suffit
p:is qu'ils soient abstraits. L'expérience, en somme, ne nous
fournil aucune donnée qui n'ait une face abstraite en même
temps qu'une face concrète. Je n'embrasse pas dans une seule
intuition la couleur et l'odeur d'un même objet. Les abstrac-
tions les plus hardies peuvent n'être que l'extension, opérée
par l'entendement, de la subdivision ébauchée par les sens
D'ailleurs, l'expérience elle-même nous met sur la voie de
cette extension, en nous fournissant, sur les choses, selon l'é-
loignement, la durée ou riuieusité, des données plus ou moins
abstraites. Il faut donc, pour qu'un terme puisse être consi-
(l«Té « oiiime posé à priori, qu'il ne provienne de l'expérience
fil dire* teniciil, par iiiiuition, ui indirectement, |iar abstrac-
tion.
De même, pour (|u'un rapport puisse être considéré comme
posé à priori, il ne sulTii pas qu'il établisse, entre les intui-
liuQs, une systématisation quelconque, comme, si l'expé-
rt'-iice ne fournissait rien qui ressemblât à un système.
'.<>( sortir des conditions de la réalité que de supiioser
une intuition absolument dépourvue d'unité. Les perceptions
les plus immédiates impliquent le groupement de parties
similaires et la distinction d'objets dissemblables. Une mul-
tiplicité pure et simple est une chose absolument incouce*
vaille, qui, si elle n'offre aucune prise à la pensée, ne peut
pas davantage être donnée dans l'expérience. Il y a donc,
d>-jj, dans les objets perçus eux-mêmes, un certain degré
de systématisation ; et ainsi, avant d'affirmer qu'un rapport
de dépendance établi entre deux termes ne dérive pas de
ricnce, il faut s'assurer si ce rapport esi radicalement
ut de ceux «iti'il tiiiiis i^nt donné de constater. 11 faut
M DK La COMIMUKMCK DE» LUIft Uh LA NAltUE
que ce rapport diffcre rtdicalrmeot de ceui que nous préMnie
l'espérteoce ou que nuu» pouvon« lire dans te» donnée».
l.t «'ham|) dr \'é p<'*rience peu d'à -ni
dor4ai : ce to:!! les aiU et eura rapi* i<e»
r;iiU aa diaiingueni en fait» exlernea et en fait» interne» o«
propre» à l'être méro« qui en est le »ujet. Par i' ou»
pouvon» connaître les premier»; par la conN- npi*
rique ou sens intime, nous pouvon» atteindre lea aecood»
en nous-mémeK. Le» rapports observ.i'' ' nt dan»
des ra|)|>urts de re»»einblauce et de • uulianée
ou successive .
Un jugement synthétique est subjectivement nécessaire,
s'il est posé à priori ; mais, pour qu'il soit, au point de vue
dea choses, an signe de nécessité, il faut, en outre, qu'il
afBnne un rapport nécessaire entre les termes qu'il rapproche.
Une majeure qui énoncerait un rapport contingent tra:is-
mettrait ce carac tcre à toutes ses runséquence». Or les
rapports objectifs qui peuvent exister entre deux termes se
ramènent à quatre : les rapports de cause à effet, de moyen
à fin, de substance i attribut, et de tout à partie. Les rap-
porta de substance à attribut et de tout à partie peuveut se
ramener i la causalité et i la finalité réciproques II ne
reste donc, en définitive, que les rapports de cauulité et de
finalité.
Or on ne peut dire d'aucune fin qu'elle doive nécessaire-
iMnl se réaliser. Car uul évcncmcni n'e«t, à lui seul, tout
le possible. Il y a, au contrains une infinité de possible»
autres que l'événement que l'on considère. Les chances de
réalisation de cet événement sont donc i l'égard des chan<
ces de réalisation d'autre cho«e comme un esta linfini ; et
aiuM la réalisation d'une fin donnée quelconque, fût>ce l'uni*
fomité de surcession des phénomène^, est, en koi, infini*
ment pe« probable, loin d'être bien ni'cessaire. De plus.
0£ LA KÉCESSlTc 13
Urs même ({u'uiie tiu est posée comme devant être réalisée,
le> moyens à employer da(k« cette vue ne sont pas déler
minés du même coup Toule fin peut élre également réa-
lisée par difTéreiits moyens, de même que tout but peut
élre également atteint par dilTérenies routes. 11 est vrai que
les moyens ne seront pas tous cjtalement simples ou bous
en eux-mêmes. Mais à ces di.Térences la fin. comme telle,
n'est pas intéressée ; et, si l'on en tient compte, c'est que
l'un érige le moyen lui-même en fin secondaire. La réali-
sation de la fin par les moyens suppose un agent capable
de connaître, de préférer et d'accomplir. Elle n'est donc
pas nécessaire en soi.
H n'en est pas de même de la production d'an effet par
sa cause, si le mot cause est pris dans le sens strict de
force productrice. La cause proprement dite n'est telle que
si elle engendre un cfTci. De plus, elle agit uniquement en
vertu de %à nature, el\)'a aucun égard à la valeur esthétique
ou morale du résultai. 11 n'y a donc aucune raison pour
admettre un degré quelconque de contingence dans le rap*
port pur et simple de la cause à l'cfTct. Ce rapport est le type
parfait, mais unique, de la nécessité primordiale.
Ainsi c'est seulement aux synthèses causales à priori
' lient la né<eNsiié tant »»bjective que subjective : elles
X , itvent engendrer des conséquences analytiques en
lièreaent nécessaires.
En résumé, le critérium de la li d'un rapport est
la possihiliié de le ramener analyu ; i a une synthèse
subjectivement et objectivement nécessaire. Le principe de
la liaison nécessaire des choses, la pierre magnétique dont
la vertu se transimct â tous les anneaux, ne peut élre que
la synthèse causale à priori.
bi maintenant il arrivait qu'il fui mipussible d'établir U
légitimité de pan-illc» synthèses comme principes consiilu-
14 DE LA CONTHIGHICI du lois de la IfATl'KE
iifs ou r«gulai«urt de U coonaittance des choMt donnéet.
toute aéce»»ilé en deviendrailH-Ue illutoircT
A coup ftûr, il ne pourrait plu» être questioo d iin* n. . ru-
tile radicale, comme régnant dana te monde doinK-, ]>ul^•
que, lor* même que certaine» syntbeaes impliquées dans
retpérieore seraient nécessaires en soi, l'esprii, dans le cas
duoi il s'agit, serait hors d'état de s'en assurer. Toutefois
la combinaison de l'eipérience et de l'analyse pourrait en-
core manife&trr une certaine sorte de nécessité, la seule, à
vrui dire, que poursuivent d'ordinaire les sciences positives.
On conçoit, en eflet, que les synthèses particulières empiri-
* données puissent être ramenocs à des synthèses
- raies, celles-ci à des synthèses plus générales en>
core, et ainsi de suite jusqu'à re qu'on arrive i un nombre
plus ou moins restreint de synthèses pratiquement irréduc»
libles. L'idéal serait de tout ramener à une seule synthèse,
loi suprême où seraient contenues, comme cas pariiculiert,
toutes les lois de l'univers. Sans doute, ces formules gêné-
raies, fondées en définiiive sur I eiperience, en conserve-
raient le caractère, qui est de faire connaître ce qui est, non
ce qui ne peut pas ne pas être. Hien ne pourrait prouver
qu'elles fussent nécessaires en soi. Mais elles établiraient
entre tous les faits particuliers, comme tels, une relation
nécessaire. Le moindre changement de détail impliquerait
le bouleversement de l'univers. On peut donc admettre la
d'une nécessité de fait à cAté de la i: 'le
u Ic-ci existe lorsque la synthèse que de , , i a*
•alyse est posée à priori par l'esprit et unit uo effet i ao«
cause. Lorsque cette synthèse, uns être connue à priori,
est impliquée dan» on eoscnhle de faits connos, et qu'elle
r»t constamment cooArméo par l'expérience, elle manifeste,
s non la nécMailé dn toat, da moins la nécessité de chaqno
partie, à soppoMT 4a« Im aolrot soient réalisées.
CHAPITRE II
DE l'ÊTRK
Le monde donoé dans rexpérience porie-t-il, dans le«
diverses phases de son développement, les marques distinc-
tives de la nécessité 2
Au plus bas de^ré de l'échelle des choses données se trouve
Yiire ou le fait pur et simple, encore indéterminé. Peut-on
dire qu'il existe nécessairement?
Puisqu'une nécessité absolue est inintelligible en ce qui
concerne les choses données, la nécessité de l'être ne peut
consister que dans le lien qui le rattache à ce qui est posé
avant lui, c'est-à-dire au possible.
Quelle est la nature de ce lieu? L'existence du («ossiltle
t-t-ellc pour conséquence fatale la réalisation de l'être?
Et d'abord peut-oo déduire l'être du possible, comme la
conclusion d'un syllogisme sedédaildet prémisses? Le pos-
sible contient-il tout ce quiett requit pour la réalisation de
l'être? L'analyse pure et simple surfit-elle pour expliquer le
passage de l'un i l'autre ?
Sans doute, en un sens, il n'y a rien de plus dans l'être
que dans le possible, puisque tout ce qui est était possible
avant d'être. Le possible est la matière dont l'être est fait.
liais l'être ainsi ramené au possible reste purement idéal *
et, pour obtenir l'être réel, il faut ailmetire un éléni<*nl
nouveau. En eux-mêmes, en effet, tous les possibles pré-
16 DE U COMTtlICBflCI DKS LOIS DB LA NATlUt
If nd«ot ëgilemeni à l'être, et II n'y a pat de raitoo. en m
tens. pour qu'un possible te réalise de prcfëreoce ani autre*.
Nul fait D'est possible sans que son contraire le soii égale-
ment. Si donc le possible reste livré à lui même, tout flultrra
éternellement entre l'être et le non-être, rien ne passera de
la puissance à l'acte. Ainsi, < tie
l'être, c'est l'être qui conlieiii , ,. , 'st
de plus : la réalisation d'un contraire de préférence i l'autre,
l'acte proprem«>nl dit. L'être est la synthèse (!e ces deut
termes, et relie synllièseesl irréductible.
Mais peut-être est-ce une synthèse nécessaire eo toi : peut-
être l'esprit affirme-t-il a priori que le poteible doit pasaer
a l'acte, que quelque chose doit se réaliser.
Il eat important de remarquer qu'il s'agit ici, ood de l'être
en aoi, mais de l'être tel que le considèrent l et
puftiiives, c'est-à-dire des faits dunnés dans re\|' i^
synthèse du possible et de l'acte doit dune être prise dans
l'eeceplkMi selon laquelle elle fieui s appliquer aui objets
denses. Ce serait prouver autre cho>e que ce qui est en
question que d'établir l'origine a priori de ce principe, eo
lai attribuant une signiflralion qui le ferait sortir du domaine
de la science.
Ainsi le possible, dans la synthèse dont il s'agit, n'est pas
la puissance qui e»t et demeure avant, pendant et apies
l'acte; car la puisi^ance ainsi conçue n'et>t pas du domaiue
i ( es potiiives. C'est simplement une manière J être
...: es ,;;.. Il- d être donnée dans l'eipérience, et non emore
donnée. De même, l'acte n'est pas le changement qui s'upère
dans U puisMuce alors qu'elle crée «a alyct, la t^ ..a-
tiuD 4e la puiftsaore en cauae fëaéralrioe. C'est v , -ol
l'apparitioa da fait, du multiple et du divers dans le tbaaip
de ropdiieoM.
TealiMs, Béoia eo ce seot. les coorepu da iMissible al
DE l'Être 17
de l'acte semblent ne pouvoir éire conçus qu'à priori, parce
que le possible ncst pas donné dans rexp«irience, el que
l'acte en général est tout le donné. Il n'est pas d'expérience
réelle qui altfigne l'un ou l'autre de ces deux objets.
Mais suffit-il que le possible ne soit pas donné comme tel,
pour qu'on ne puisse en considérer la notion comme expéri-
mentale? En voyant l'infinie variété et l'infini changement
des choses, en remarquant la contradiction des données des
sens chez les difTérents individus et même chez an seul,
l'esprit est amené à considérer ce qni lui apparaît comme
relatif au point de vue où il est placé, comme dilTérent de
ce qui lui apparaîtrait s'il se plaçait à un autre point de vue.
A mesure que se multiplient les observations, l'idée du pos-
sible devient de plus en plus abstraite, et finit par se dépouil-
ler de tout contenu dislinctemenl imaginé.
Quant au concept de l'acte, s'il signifiait effectivement tout
le donné, on ne pourrait admettre qa'il dériv&t de Texpé-
ricnce. Mais l'expression « tout le donné », prise à la lettre,
est inintelligible, soit que l'on considère les choses données,
passées, présentes et i venir comme formant une quantité
finie, soit qu'on les rons'ulére comme formant une quantité
indéfinie. L'acte on le fait en général est donc simplement
an terme d'une extension indéterminée, l'exislence abstraite
r.Mre perçu. 4insi défini, le concept
r par l'existence même de l'expe-
rience et par le changement perpétuel que noas remarquons
^. k mesure que nous voyons une manière
I .1 une autre manière d'être, à mesure se fixe
en nous l'idée iie l'acte, dont chaque donnée expérimentale
fit ' "t r,r,„5 offre on exemple; tandis que l'idée des parti-
' ropres à chaque fait s'efface d'elle-même, à cause
'<• la muliipUcitë et de la diversité infinies des données ex^
nmentales.
18 DE LA CONTINGENCI DES LOIS DE LA MATl HB
Ce oe toot dooc pu le« ternies dont m coiM|»ote iéire.
c'esi-à-dire le possible et l'actr, qui doivent être cootidéréf
comme poses i priori. Reste le rapport établi entre cti
termes. Mais ce rapport, qui serait esseDiielle.neni " * -^ v
siqiie s'il s'agissait du passage de la puissance < i
l'acte par lequel elle crée, perd ce caractère des que les
deux termes sont ramenés k leur sens scientifique. Ce n'est
plus alors que le rapport abstrait de l'expérience actuelle
aux eiprrieuces passées, i l'égard desquelles l'expérience
actuelle était simplement possible. Ik's lors, il n'excède pas
la portée de l'expérience, élevée par des abstractions succes-
sives i son plus haut point de généralité.
Ce n'est pas tout. Les éléments de l'être comportent une
indétermination qui empêche de voir dans l'on (le possible)
la cause de l'autre (l'actuel). Il ne répugne pas à la raison
d'admettre que jamais le possible ne doive passer à l'acte,
ou que l'actuel existe de toute ëtercllc. Ainsi, non seule-
ment I;i s;ince de l'être en tant que réalité i ' i
ver de 1 ' ne ; mais encore elle ne peut av<>
origine et ne peut être rapportée à un jugement synthétique
a priori.
l.)ii.int à l'expérience, elle ne peut nous induire k attribuer
du moins à ce passage une nécessité de fait, puisque nous
voyons une multitude de choses qui ont existé, <•:
conséquent hoiii eu elles-mêmes possibles et su
de passer à l'acte, rester désormais à l'état de possibles purs
et simples, sans que, peut-être, rien nous autorise à suppo-
ser qu'elles se réaliseront de nouveau.
Faut il admettre que tous les possibles sont, au fond, éter-
nellement actuel», que le présent est composé du passe et
gros de l'avenir ; que le futur, loin d'être contingent, existe
déjà aux yeux de l'enlendt-meut Mipn'mc; et que la dislin* ■
Uon du possible et de l'être n'est (|u'uii^ illuviuii rjuM r tur
DE L'ÊTRB i^J
l'iDierpotitioD du temps entre notre point de vue et les
choses en soi?
Cette doctrine n'est pas seulement gratuite et indémon-
trable, elle est en outre inintelligible. Dire que chaque chose
est actuellement tout ce qu'elle peut être, c'est dire qu'elle
réunit et concilie en elle des contraires qui, selon la connais-
sance que nous en avons, ne peuvent exister qu'en se rem-
plaçant les uns les autres. Mais comment concevoir cet
essences formées d'éléments qui s'excluent? En outre, com-
ment admettre que toutes les formes parii< ipeni égalemeiit
de l'éternité, comme si elles avaient toutes la même valeur,
le même droit à l'existence? Enfin, considérées dans le
temps, les choses ne se réalisent pas toutes au même degré.
Telle devient peu à peu tout ce qu'elle peut être ; telle
autre est anéantie au moment où elle commençait i se déve-
lopper. Cette différence doit préexister dans l'éternelle
actualité que l'on prêle aux possibles. Ils ne sont donc pas
tous actuels au même degré. En d'autres termes, les uns sont
relativement actuels, les autres, en comparaison, ne sont
que pos<iiMes.
L eirr ai tuellemenl lionne n est donc pas une suite néces-
saire du possible : il en est une forme contingente. Mais, si
ton existence n'est pas nécessaire, en peut-on dire autant
de sa nature? N'est il pas soumis, dans le développement
qui lui est propre, à une loi inviolable? Ne porte-t-il pas eo
lui-même cette nécessité dont il est affranchi dans son rap-
port avec le possible ?
La loi de l'être donné dans l'expérience peut être expri-
mée par piisieurs formules qui ont, au fond, le même sens :
« Rien n'arrive sans cause *, ou « Tout ce qui arrive est un
elTei, et un effet proportionné k sa cause », c*esl-i-dire ne
contenant rien de plus qu'elle, ou « Rien ne se perd, rien
20 DE LA COMTINGEMCK DES LOIS DE LA NATUMt
M M cré« », oa bien eoflo c La qoanlit^ d'être deme«r«
inirouable >.
Ob m peut eookidérer eeti« loi comme doonéetTec l'être
lat-méaie ; car Viâit d'oDifurmit^ et d'immuiabiliié ett
ëtnogère à Tétre doooë comme tel, lequel consUte e»»ea>
tiellenent dan» aoe maltiplidtd de pbéooaièDee varie» et
chaDgeanis. La loi de caouUté est la lynibèee de deux vlé-
mtttU irréduciibies entre eux, le changement et Pidentité :
il lie suffit pas qae l'ao des deui terac^
soit admis comme réalisé, poar qne Tad,
s'ensuive analviiqueroent.
Mais peil-étre cette loi e^t elle Dëcessaire corooK
tionsponlaBéft de la raison. l'eut-êireest ell>' rnnrn
et, à ce titre, imposée à l'élre.
Où trooTer, peut-on dire, dans leadoim*. s d. i . \,
•D objet correspondant au terme * <.iii>r •, qui > ^ mi'-
c pouvoir créateur i, et oo rapport correspondant an liro
de « génération i que l'esprit établit entre la caue et
l'effet ?
Si la question est ainsi posée, le principe de caasalité est
certainement k priori. Mais ce n'est pas ea ce sens qu'il «*st
impliqué daus la connaisuoce dn monde doBOé. L'idc«
d'une cause génératrice ne saurait rendre ancuo sanrict à
celui qui, comme le savant proproMoat dit, rerh^rrhe anique*
ment la nature et l'ordre dea phéaoaènes. Ko rraliié, k mot
« ranse >, lorsqu'on l'emploie en matière sri rcut
dire « condition immédiate >. Lacaased'uo pl<c.iw.u.uc-, ea
ce sens, c'e»! encore iiB phénomène, «e m peut éire qu'un
phénomène : autrement la recherche des raoses ne s > t
plus du domaine des sciences positives ; sealeoMat, c'c.-^t uu
phénomène qui doit préalablemeat exister pe«r qu'un cer-
tain antre ïe réalise.
Mais, dira-t-oo, c'est effectiveoMal pereireur «o^ I-* • *u^
Dl L*ÉTRB 21
avait é\é ri' itne ane entité inëtaphy«i(|ue
contenue •> ^ : tWt n'en est que la cundition
détermiaaole. Elle ne se rapporte pas à l'être en soi, mais à
la connaissance des phénomènes ; et elle implique unique-
ment ce qui est nécessaire pour rendre cette connaissance
possible. Il est juste de dire que la causalité n'est qu'un
rapport et un lien posé entre les phénomènes, mais il faat
ajouter que c'est un lien de nécessité posé à priori.
Ainsi entendu, le principe de causalité est sans doute plut
▼oisin des conditions de la science que lorsqu'il implique
rbypothèse d'ane chose en soi. Toutefois il contient encore
on élément que la science ne réclame pas : l'idée de néces-
sité. Il suffit qu'il existe entre les phénomènes des liaisons
relativement invariables, pour que la recherche des causes
rne et fructueuse. Bien plus: il est contraire à
1 ' lies phénomènes d'ét(^e nécessairement enchainés
entre eux. Lenr mode de succession, qui dépend du mode
d'action des choses en soi, ne peut avoir qu'un caractère
relatif. C'est retomber dans l'erreur qu'on voulait éviter,
Bais eo érigeant cette fois les phénomènes eux-mêmes en
ehose^ i;ue de voir d.ins la causalité un lien d'absolue
■ëces- les phi-nomenes.
Le sens précis du principe de causalité, dans son appli-
cation i l'élude du monde donné, est celui-ci : Tout change-
ment survenant dans les choses est lié invariablement i un
antre changement, comme à une condition, et non pas i aa
changement quelconque, mais i un changement déterminé,
lel qu'il n'y ail jamais plus dans le conditionné que dans la
r Or les éléments de ce principe paraissent tons
( u., .:> i l'expérience. A priori l'homme était disposé à
admettre des commencements absolus, des passages do
néant à l'être et de l'être au néant, des successions de phé-
nonicues indétrrminées. C'est l'eiix-ritMice qui a dissipé ces
îî DE LA COKTI?fGEMCB DES LOIS DE LA IfATl'RE
préjugés. Cest le progrès de robtervaiioD, de la comparai-
son, de la rëfleiioo et de rabslractioo, c>st-i-dire de l'ei-
përience ioterprétëe, mais non suppléée, par reotendemeol,
qui a fait voir qu'un chtOfeaeot o>>t jamais qufl(|ue chose
d'entièrement nouveau ; que tout changement est le corré-
lalird'un autre changement survenu dans les conditions an
milieu desquelles il se produit, et que le rapport qui unit
tel changement à tel autre est invariable.
On ne peut donc dire que le principe de causalité qui régit
la science soit une loi dictée par l'esprit aui choses. Dans
les termes où l'esprit l'imposerait aui choses, l'être donoé,
e'est-à dire les phénomènes, ne saurait le réaliser ; et, d'autre
part, la formule qui s'applique aux phénomènes ne contient
que des éléments dérivés de l'fv
Il n'en reste pas moins que > i mule énonce l'esls-
teoce d'un rapport invariable entre tel changement et tel
antre. Or. si l'invariabilité n'équivaut pas, en soi, à la néces*
site interne, d'une part elle ne l'eiclut nullement, elle en
est même le symbole extérieur ; d'autre part elle établit
entre les modes de l'être ce qu'on peut appeler ooe nécessild
de fait. Ne s'ensuit-il pas que le principe de la liaison oéces-
saire des phénomènes mérite tonte confiance au point de
vue pratique, et est. même au point de Tue théorique, plus
vraisemblable que son contraire?
On ne peut nier que l'idée de ce principe n'ait été le nerf
de la connaissance scientifiqu». I.a science est née le jour
où l'homme a conçu l'existence de causes et d'effets natu-
rels, c'est-à-dire de rapports invariable» entre les choses
données ; le jour où, an lieu de se demander quelle est la
puissance supra-sensible qui produit les phénomènes consi-
déré» isolément et pourquoi elle les produit, il s'est demandé
qael est le phénomène de la nature d'où dé|>end celui quil
■'•fit d'expliquer. Chaque progrès de la science est venu
DE L*ÊTRB 23
confirmer celle concepiioD ; et il est contraire i toute rrai-
semblaoce d'imaginer des mondes réels où les phénomènes
se produiraient tao* caase, c'est-i-dire tans antécédeats
ioTariables.
Toutefois, il ne faut pas oublier que c'est rexpérience
elle-même qui a introduit dans Tesprit humain et progressi-
remeot épuré l'idée scientifique de cause naturelle. Cette
idée o'e&t pas celle d'un principe à priori qui régit les modes
de Tétre, c'est la forme abstraite du rapport qui existe entre
ces modes. Nous ne pouvous pas dire que la nature des
choses dérive de la loi de causalité. Cette loi n'est pour
nous que l'expression la plus générale des rapports qui dé-
rivent de la nature observable des choses données. Suppo-
sons que les choses, pouvant changer, ne changent cepen-
dant pas : les rapports seront invariables, sans que la néces-
sité règne en réalité. Ainsi la science a pour objet une forme
purement abstraite et extérieure, qui ne préjuge pas la na-
ture intime de l'être.
.Mais n'est-il pas vraisemblable que l'extérieur est la traduc-
tion fidcle de l'intérieur? Est-il admissible que les actes
d'uD être soient contingents, s'il est établi que les manifes-
talioos de ces actes sont liées entre elles par des rapports
immuables? Si les ombres qui passent dans la caverne de
Platon se succèdent de telle sorte qu'après les avoir bien
ebsenrëes, on puisse exactement prévoir l'apparition des
ombres k venir, c'est apparemment que les objets qui les
projettent se suivent eux-mêmes dans un ordre invariable.
Il serait sans doute possible que l'enseuible des manifesta-
lions et des actes ne fât pas donné ; mais si, l'une de ces
manifestations éuut donnée, les autres sont données du
même coup, l'hypothèse la plus simple, c'est d'admettre que
les ai-tes eux-m«'>mes sont liés entre eux d'une manière ana-
log'ir Ainsi, pour avuir k droit de révoquer en doute Is
t.
24 Dt LA COMTINGRNCB DBS LOIS DR LA flATlR».
flëcettité iutorne des choses, Il faitHniU, Mmbl*>l«il, ^vvtlr
eonlMler rabsotiie rëgulariié du coure det pbéBMDtoei •!
établir l'etistencc d'an dësacrord, fti petit qu'il fâi, fnlrt le
poiulat de la srirnce et la loi de la réalité, l'eut étrel'eipé-
rienre ne doo» eo foarnit-elle pa» le moyen ; nai» peal-on
afnrmer qu'elle prononce en faveur de la the»e contraire ?
Toute constatation expérimentale &e réduit, en dérmilive,
i resserrer la valeur de l'élément mesurable des phénomènet
entre des limiles aus^i rapprochées que possible. Jamais on
u'atleini le point précis où le phénomène commence et liuii
réellement. On ne peut d'ailleurs affirmer qu'il eiUte de |Mi*
reiis points, i r.. dans des instants in<i<
hypothèse vr.i l'iit contraire à la oalur-
du temps. Ainsi noas ne voyons en quelque sorte que lea
t-oulenants des choses, non les ch<>
ne savons pas si les «hoses occupent.
ooe place assignable. A supposer que les phénomènes
fussent indéterminés, mais dans une cert.i" irc seule-
ment, laquelle pourrait dépasser invin- ■ la portée
de nos grossiers moyens d'évaluation, les apparences o'ea
seraient pas moins exactement telles que nous les voyons.
On prête donc aux choses une détermination purem''ni hypo»
ihétiqiie, sinon inintelligible, quand on prend au pied de la
lettre le principe suivant lequel tel phénomène est lié à tel
autre phénomène. Le terme i tel phénomène i. dans son
sens strin, n'exprime pas un concept e^ ^:i|, et ré>
pugne peut-être aux conditions mêmes de 1 ., uce.
Ensuite, est il bien conforme à l'expérience d'admettre
une pro|»ortionnaliié, une égalité, une éq absolue
entre la cause et l'effet T Nul ne pense que , 'poriion-
Daiité soit constante, si l'on considère les choses au point
de vae de l'utilité, de la «;<' <> un
DiOt de la qualité. Ace|>oiiii imei
DE l'Être 25
rommunément qne de grands eflTcis peuvent rësalter de pe-
tites cause», et réciproquement. La loi de i'ëquiralence oe
considérée comme absolue que s'il s'agit de
^ ou de relations entre des quantités d'une
seule et même qualité.
Mais où trouver un conse({MPiii qm, au point de vue de la
qualité, soit exactement identique à son antécédent? Serait*
ce encore un conséquent, un effet, un changement, s'il ne
dilTrrait de l'antécédent, ni par la quantité, ni par la qua-
lité 1
Le progrès de l'observation révèle de plus en plus la
richesse de propriétés, la variété, l'individualité, la vie, là où
les apparences ne monlraieut que des masses uniformes et
indistinctes. Dès lors n'esi-il pas vraisemblable que la ré|)é-
litloo pure et simple d'une même qualité, cette chose dé-
pourvue de beauté et d'intérêt, n'existe nulle part dans la
nature, et que la quantité hbmogène n'est que la surface
idéale des êtres 7 C'est ainsi que les astres, vus de loin,
n'apparaissent que comme des figures géométriques, tandis
qu'en réalité ils sont des mondes composés de mille subs-
tances diverses. Quant au changement de quantité intensive,
c'est-à-dire i l'augmeotadoo et à la diminution d'une même
qualité, il «lement, en définitive, i un change-
ment quai: . ^ , poussé jusqu'à un certain point, il
aboutit i la transformation d'une qualité en son contraire,
et que la m ' qui se manifeste pour an changement
iolensifcn le doit nécessairement préexister dans
Jes changements de détail dont II est la somme.
Reste, il est vrai, l'hypothèse d'une quantité pure de tonte
qualité ; maisquclle idée peut-on se faire d'un pareil objet?
Une quantité ne peut être qu'une grandeur on an degré de
qurlq ' , et ce quelque chose est précisément la qualité,
lit nj.. ire physique oa Monl*. Taodb que la qualité
f6 DP. Là COMTINCEMCE ORS L0I5 DK LA NATCflt
M conçoit très bipo comme subtUoce de la quantité, cello*
ci. considërëf comme tubtance de la qualiir. est inintelli-
gible, car elle ne prend an aent que comme limite, comme
point d'ioierteciioo ; et toute limite auppose une cboM
Uroitée.
Si donc, jusque dans les formes les plus ëléroeolaires de
rélre, il y a ainsi quelque ëlëroent qualitatif, condition indis»
pensable de l'existence elle-même, reconnaître que l'effet
peut être disproportionné à iVi^ard de la cause au point de
vue de la qualité, c'est admettre que nulle part, dans le
monde concret et réel, le principe de causalité ne a'appliqae
rigoureusement.
Et en effet comment concevoir que la cause o« condition
immriliate contienne vraiment tout ce qu'il fam viili-
qucr l'fffel ? EUe ne contiendra jamais ce en <i (se
distingue d'elle, cette apparition d'an élément nouveau qui
est la condition indispensable d'un rapitort d** ' Si
l'effet est de tout point ideutiqne à la cause, il i i un
avec elle et n'est pas uo effet véritable. S'il s'en distingue,
c'est qu1l est jusqu'i un certain point d'une autre nature;
et alors comment établir, non pas une égalité proprement
dite, chose inintelligible, mais même une proportionnalité
entre l'effet et la cause, comment mesurer l'h * - nëitë
qualitative, et constater que. dans des conditioi, l'ies,
elle se produit toujours au nuMne degré?
Enfin, s'il nous est donné de ramener les changements de
détail i des rapports généraux permanents, de telle sorte
que l'hétérogénéité réciproque des têH» particuliers n'en
eicine pas la nécessité relative, le progrés des sciences ne
nons montre-t-ll pet qne ces rapports générani eui-méaee,
résomé des rap(>orts particuliers, ne sont pas exempts de
changement? 1/indurtion la plus vraisemblable nctt-elle
pas qu'il est impossible d atteindre une loi absolument lie.
DE l'Être S7
si simples que soient les rapports considérés, et si larges
que soient les bases de l'observation ? Et, si l'ensemble varie,
ne faut-il pas qu'il y ail dans les détails quelque rudiment
de contingence? Est-il étrange d'ailleurs qu'on ne puisse
discerner dans l'infiniment petit les causes du changement
de l'infinimeiit grand, lorsque, dans cet infiniment grand lui-
même, le changement est presque imperceptible?
La réalité du changement n'est pas moins évidente que la
" la permanence ; et, si l'on peut concevoir que deux
'- -^ f, l'Dis opérés en sens inverse engendrent la perma-
oeoce, il est inintelligible que la permanence absolue suscite
le cil t. C'est donc le changement qui est le principe;
la |i> e n'est qu'un résultat: et ainsi les choses
doivent admettre le changement jusque dans leurs relations
les plus immédiates.
Mais, s'il n'existe pas de point fixe sur lequel on puisse faire
reposer les variations des choses, la loi de causalité, qui
affirme la conservation absolue de l'être, de la nature des
choses, ne s'applique pas exactement aux données de l'expé-
rience. Elle exprime, sans doute, une manière d'être extré~
mement générale ; mais, en présentant cette manière d'être
comme absolument indépendante de son contraire, lequel
pourtant n'est pas moins réel et primordial, en posant
la détermination et la permanence avant le changement et la
vie, elle trahit l'intervention originale de l'entendement,
qui, au lieu de se borner à observer la réalité, lui prête une
forme adaptée à ses propres tendances. La loi de causalité,
Mat M forme abstraite et absolue, peut donc être à bon
droit la maxime pratique de la science, dont l'ubjet est de
suivre un à un les liU de la trame infinie; mais elle n'appa-
raît plus que comme une vérilë incomplète et relative, lorv
(1 >.'• de se représenter l'enin-lurement universel,
I II réciproque du changement ei de la perma-
Î8 DB LA COMTINGBNCI DES LOIS DE LA NATURE
MaM, qui con»iiiae U vie et l'eiisleore réelle. Le nioode,
coaaidëré daa» Tuoité de m>q eiitteoce réelle, préseote une
iodëlermi nation radirale trop faible uns doute pour être
api^rente, »i l'on u'ubsenro lea cboae» que pendant une très
petite partie de leur» • uurs. mais parfois visible, lorsque
l'on coMpare dea faits séparés les ons des autres par une
lODgae série dlolemédiaires. Il n'y a pas équivalence, rap-
port de causalité pure et simple, entre un homme rt les élé-
ments qui lui «tut donn«^ nai&»ance, entre l'eue développé et
l'être en voie de foruiaiioo*
CHAPITRE III
DBS GENRES
Tuâtes les choses données dans l'expérience reposent sur
Véire, lequel est contingent dans son eiistence et dans sa
loi. Tout est dune radicalement contingent. Ncaumoiiis, ta
part de la nécessité serait encore ir >s grande, si la coutin-
gem e inhérente à l'être en tant qu être était la seule qui
existât dans le monde; si, l'être une fuis posé, tout en dé-
coulait analyliqueinent, sans id<liiiuu d'aucun élément nou-
veau.
Selon les apparences, l'être ne nous est pas seulement
donné eu tant qu'être, c'est-à-dire comme une série de
causes et d'ofTeis. Les modes de l'être présentent, en outre,
des ressemblances et des différences qui permettent de les
ordonner en groupes appelés genres ou lois; de former avec
les petits groupes des groupes plus considérables, et ainsi
de suite. Tout mode contenu dans un groupe inférieur est,
i fortiori, contenu dans le groupe supérieur dont fait partie
ce groupe inférieur lui-même. Le particulier ou le moins
général a, de la sorte, son explication, sa raison, dans le gé-
ttéral oa le moins particulier. Par U les modas de l'être pe«>
vent être s.
Cette |>: . • l'être en tant qu'être,
•a bien est-elle, àson égard, quelque chose de nouveau f
Sens doute, l'orgaaiMlioa logiqae n'aecrotl pae la quan*
30 DE LA C0NTI2«CENCt DU LOIS Dl LA .^AtLnr.
litë de l'être. De même unr itaiiie de bronze oe coatieotpai
plus de matit're que Ir inéul duiit elle est faite Ncautnoin»,
il y a, dau» I être ordonoé logiqurmeut, une qualité qui
n'existait pas dans l'être pur et simple, et dont l'être n'a
fourni que la coudition matérielle : I eiplirabilité.Otte qua-
lité lient à l'etiNtetice de types, ou unités rormeilcs, sous les-
quels se range la multiplicité discrète des individus. Elle a
ta source dans l'existence de notions. Or la notion est l'unité
au sein de la mulliplirité, la ressemblance au sein des dif-
Ivrences. (trace aux degrés qu'elle comporte, elle établit
une hiérarchie parmi les liaisons causales ; donne aox onea,
avec une généralité relative, la prépondérance sur les antres ;
et lait, par \à, du monde des causes et des effets, on sym-
bole anticipé de l'organisation et de la vie. La notion est à
la Tuis uuc comme genre, et multiple comme collection
d espèces. Elle n'est donc pas contenue dans l'être propre-
ment dit, dont l'essence, en tant qu'il s'agit de l'être donné,
est la diversité, la mullipllcilë pure et simple. Sup<*rienre à
l'ctrc, elle en l'ail jaillir, parmi tous les modes doni il est
susceptible, ceux qui lui fouroirofit des éléments appro-
priés, c'est-à dire des formes semblables dans une certaine
mesure, à travers la diversité qui fonde leur di>iintiiun; el
elle se réalise elle-même, en devenant le centre du système
qu elle a ainsi organisé. Une par essence, elle ne se confond
pas avec les furme« multiples dont elle dëlerafoe l'appari-
tion, mais elle s'inoorporc en elle«. devient en elles visible
et concrète. C'est parce qu'elle est ainsi intimement unieaux
choses, qu'elle semble en faire partie intégrante. Mais elle
poarrait disparaltrtr sans que les choses cessassent d'être.
Les choses perdraient sans doute cette physionomie harmo-
nieuse qui résulte de la réunion des semblables el de b se-
paratiun des contraires, et qui est rexpre^sion de l'idée;
elles ne siTaii-nl plus qu'un cliao» abxolument klérile elles
DBS GENRES V>\
luti««i>leraierit punrtaiii, comme subsiste, à i ëial de dispcr-
stoii, l* inaticre dont la vie s'est retirée.
M^is il D'est pas iudis|K>nsable que la notion dérive analy-
liqiiemcnt de l'être, pour que l'exisleace des genres soit
considérée comme nécessaire. Il suffit que l'esprit déclare,
en dehors de toute expérience, que l'être doit prendre une
forme oxp'italjle, c'est à-dire rationnelle, et se confornior
aux lois de la peosée, qui exige, entre les termes qu'elle
considère, des rapports de conlonance. Il suffit, en un mot.
que la synthèse : « être + notion » soit posée à priori
comme synthèse causale. Or en est-il ainsi ?
Lu solution de telle question dépond du sens que l'on at
trittue au mot « notion >. Si l'on voit dans la notion un lype
immuable qui existe réellement et distinctement en di*burs
dos «.'liosc's données, un modèle dont les choses données ne
sont que les copios imparfaites, il est inipossible d'admettre
que la notion soit un terme fourni par l'expérience. Oc
même, le lien de participation qui rattache à la notion ainsi
ronvue les chosrs particulières ne peut cire alTirmé q'i a ^
priori. Mais est-ce bien en ce sens que l'explicabilitc des
choses est impliquée dans l'étude de la nature ?
Sans doute, il serait utile de savoir qu'il existe des formes
ou idées soprasensibles, typ*-s des genres donnés, si l'on
pouTaii connaître ces idées en elles mcRies. Il y a plus : une
fois en possession de ces modèles parfaits, l'esprit dédai-
giMTatt, non sans raison, la connaissance des copies défec-
luouses, et laisserait de côté l'expérience, qui n'a d'autre
objet que cet copies elles-mêmes. Mais on ne peut prouver
'it soit capable, sans le secours de l'expérience, de
Il contenu à la uotion ou idée, considérée comme
i\pe métaphysique des choses sensibles. L'original, ici,
I nu que parla ropie. Le rôle de l'esprit consiste à
1 "-r le type abstrait des choses douuées eu lui ^ppli-
■ocmoox. f
32 DB LA C0(m!1GP.:<CB DES LOIS DE LA NATURI
qaant la forme de la perfection et de rëleroUé. Otnt
cet coodilioDi, la conception de types mctaphjrsiqaes e«t
Mos ntage dans l'étude de> phénomènes. La «yuihcte de
*étre et de la notion, ainsi enlendae, peut être une connai»*
unce i priori, mais ce n'est pas de cette synthèse qu'il est
^nesUon.
Dirai- on quclëlf^ment connu à priori n'est sans doute, à
aucun degré, le contenu de la notion, la somme des carac-
tères qu'elle comprend , mais qu'il consiste dans le lien de
nécessité établi entre ces caractères, et qu'ainsi le ci*
delà notion, s'il n'est pas présupposé par les choses c^...
némes. Test du moins par la connaissance des choses?
Celte manière de concevoir la notion n>
leaent celle qui préside aux sciences po
ceptible d'inspirer au savant la présomption on le déconra-
geneot. Persuadé que les choses s>
des définitions, le savant érige en ^'
cipes absolus, les formules auxquelles ont abouti ces re>
cherches. C'est l'origine des systèmes, ironr
rifidea, d'où la sève se retire peu à peu, et qi>
la mort. Et il, plot circonspect, le savant attend, pour éri-
ger ses formules en principes, qu'elles soient ad i
la réalité, il voit fuir devant lui l'objet de ses rci t
mesure qu'il s'en approche : la perfection néme dr^
thodea et des instruments d'investigation ne fait que \r •
▼aiocre de plus en plus du caractère purement approfiin.aïf
des résuliaiA qu'il obtient. C'est l'origine de ce scepticisme
tcientifique, qui ne veut plus voir dans la nature que det
individus et des faits, parce qu'il est impossible d'y trouver
des classes et des lois absolues. La science a p«»ur ol<jet
l'éUde des phénomènes; elle se trahit ellemème. si elle
eewamce par se faire des phénonèoM «oe idée qai les
transforme en choses en mL
DES GENRES 33
Dans son application à l'étude de la nature, la ootion,
loin d'éire une entité distincte, n'est que l'ensemble des ca-
ractères communs à un certain nombre d'êtres. Elle n'est pas
immuable, mais relativement identique dans on ensemble de
choses doniif'c's. Elle n'est pas parfaite, ce qui serait un ca-
ractère positif, mais relativement dépouillée d'éléments ac-
cidentels, ce qui est on caractère négatif. De même, le lico
de la notion et de l'être n'est pas une participation mysté-
rieuse, une traduction de pensées pures en images acces-
sibles aux sens, une analogie symbolique entre le phénomène
et le noumène. Ce n'est pas même une corrélation immuable
entre des éléments d'ailleurs sensibles, une systématisation
nécessaire de phénomènes. C'est simplement le rapport de la
partie au tout, du contenu au contenant. De la sorte, la syn-
thèse de l'être et de la notion, dans son acception scienti-
fique, peut être connue par l'expérience et l'abstraction.
Car l'expérience nous révèle les res.'^emblaort' des choses
et leurs différences. L'abstraction élimine peu à peu les ca-
r^icleres variables et accidentels, pour ne retenir que les ca-
raciçres constants et essentiels. L'idée d'une classe, c'cst-a-
dire duo tout, étant ainsi formée, l'expérience nous appreud
que tel on tel être présente les caractères qui sont les signes
disiiactif» de cette classe. Nous rapprochons donc cet être
de ses semblables ; nous le faisons rentrer dans te tout rcla-
lif que ceux-<'i constituent.
Ainsi l'union de I être et de la notion, l'existence des
itenres, n'est pas seulement une synthèse, c'est encore une
Mi(!i>M j[i(i- ' ''!<^ n'est donc pas nécessaire en droit.
M.I ^ Il ^ iiii II- de contester qu'elle le soit en fait.
Car les progrès de la science ont de plus en plus montré
que tout a sa raison comme ta cause; que toute forme par-
ticulière rentre dans une forme fénërale ; que tout ce qui
est lait partie d'un système. L'impossilùlilé de rattacher
34 M LA COMTINGBMCE DES LOIS Dl LA RATURI
logiquement uo dëUil à rensemble n'atlette pat le dëtordrt
des choses, mais notre ignorance.
On peut toutefois remarquer que le groupement de» chotei
MUS les notions reste toujours plus ou moins approiîmatil
et artifiriel. D'une pari, la compréhension réelle des notioot
ne peut jamais être eKactemeai dt finie, hautre part, il se
rencontre toujours des êtres qui ne rentrent pas eiactement
dans les cadres établis. Il n'y a pas Jusqu'aux notions on
catégories les plus générales, les plus fonilamentales, dont
Il lablc n'.iii pu être défitiitivemeiii dressée, comme si l'être
était impatient d'une immobilité absolue, même dans ses
couches les plus profondes. Certes les progrès de la science
définiront d unr manière de plus en plus précise la compré-
hension et l'entension des genres. Mais qui oserait affirmer
que cette définition puisse jamais être complète et définitive?
qu'il existe dans la nature an nombre d< i tires
radicalement séparés les ans des autres c , *^ oa
l'absence de caractères précis? et que tous les êtres sans
exi • !-inent sous ces I >\? Il
est I I jii'à côté de !< par
la notion, il ne reste pas une certaine quantité d'être plus
00 moins rebelle à son action ordonn n bien encore
qae l'être soit toujours intelligible .< tegré, quels
distribution des êtres en genres ne soit pas tantùt moins,
tantôt plus profonde, précise et harmonieuse.
C'est donc d'une manière contingente que se superposent
i l'être la notion et toutes les déterniinaiions qu'elle com-
pirtc. Considères, du dehors, au point de vue de l'être, les
modes de la notion ne se produisent pas d'une manière
fatale. Mais le développement de la notion elle-même,
c'est'à-dire la décomposition du général eo particulier,
n*obéil-il pas à one M nécessaire, et ainsi la coniingence
DES GENRES 35
eiteroe ne se ramèDe-t-elle pas k une nécessité interne ?
La loi de la notion est le principe d'identité, suivant le-
quel la nolion reste identique avec elle-même, se conserve
telle qu'elle e>t, ne recuit ni augmentation ni diminution à
travers toutes les fonctions logiques qu'elle est appelée à
remplir. C'est, peut-on dire, la permanence de la nutiou elle-
même. En vertu de cette loi, ce qui est contenu dans une
notion partielle est, a fortiori, nécessairement contenu dans
la notion totale.
Cette formule ne résulte pas analytiquemeot du concept
même de la notiun. Car on conçoit qu'un toutpuiss' acqui'-
rir ou perdre des parties, sans pour cela cesser d'èirc un
tout, tu type peut changer, saus pour cela cesser d'être un
type.
La loi de la notion est donc une proposition synthétique.
Est>elle afrirmée a priori ?
On peut interpréter de plusi<iurs manières les termes de
cette lui.
Suivant l'une de ces interprétations, il existe dans la na-
I liué de types généraux réels, qui
! . .'S individus, le rôle de la substance
j l'égard des accidents. L'identité de la notion à travers ses
footiions diverses lient donc, en réalité, à ce que c'est un
seul et même être qui supporte les individus d'une même
espèce, lesquelles n'ont de l'existence distincte que la vaine
a|)p.ireiice.
Suivant une autre interprétation, le principe d'identité ne
' oDcerne pas les choses en soi, mais seulement la connais-
^ des choses. Il n'est qu'une condition a priori de l'ex-
iire. Sa si^iiilicaiion vériUihle est déterminée par les
hcsoins de la pensée. En ce sens, quoi qu'il en soit des types
lransoeiid.ints, ce sont toujours cxari(«mcnt tes même*» no-
tions immanentes qui (igureut dans les diverses plia^ s de
76 DE LA CO>CTINGE:<Ce DBS LOIS DE LA NATUKE
l'etpHcation «ie« choseï; et, par toite. la notion toule cott*
lient eiarteinenl tout le conieou de» noiioiit partiellft. En
outre, la |t<>iiii uicslesno > a u
raison dans I' . <' d'une lin sont
contenues toutes les autres; les genres duo ordre infcrieor
rentrent tous exactement dans un nombre plus pelii à9
genres supérieurs, et ainsi de suite, jusqu'à ce que tout M
ramène i l'unité. Enfin, et par là même, le lien qui unit le
lartirulier au ^'t-néral, le conditionnel à la roodition. la rbose
expli'iut'cà la raison explicative, est absolument nécessaire.
Il est clair que. dans l'une ou l'autre de ces acceptions, le
principe d'identité est posé a priori, puisque la nature ne
nous présente pas deux choses exactement ideniiqurs, cl
qu'à chaque pas nous nous trouvons en présence de carac>
lères irréductibles. Mais ce ne sont pas ces maximes abso-
lues qui sont requises par la science. Employées comme
cadres do raisonnement, elles n'engendreraient que des so-
pbismes, parce que les termes concrets fournis par l'expc-
rieoce ne satisferaient Jamais aux conditions d'identité et de
contenance exactes qu'»*llc« requièrent. Elles i i nt
aux recherrhes scientifiques, en ce qui concerii . ire
des genres et leurs rapports entre eus. un point de «ue qui
pourrait n'être pas légitime, et qui ob-
servation. Comment, en effet, de des
éléments contingents, i supposer qu'il en existe, si d'avance oo
affirme que tous les rapports des choses do' ' uer
strictement au rapport de la substance à < «iu
toal i la partie, si l'on pose le problème MientiUque dans des
lermes qui, a priori, excluent la contingence et en font une
oéCMtité déguisée 7 Toute question potée an inonde donne
e»l uns doute légitime, mais à condition que l'on o'érign
pas d'abord en Yérité indiscut;ible le postulat qu'elle ren*
ferme. On doit, au contraire, être prêt à mettre eu qucktioo
DES GENRES 37
ce postulat lui-roéme, et à reprendre les choses de plus haut,
daus le cas où l'espérieuce cooirediraitles prévisions qu'on
a formées.
Ddus son application aux sciences positires, le principe
d'identité ne suppose pas rexisteuce d'archétypes substan»
tiels. Cotntneiit pourraitou relier logiquement le* phéno-
mènes à ces essences hétérogènes ?
II ne suppose pas non plus, d'une manière absolue, l'iden-
tité de l'élément générique dans les espèces, la réduction de
toutes les uuiiuns à une seule, la liaison nécessaire du par-
ticulier au général.
Sans doute, dans un syllogisme, c'est le même ternie gé-
nérique qui est appliqué à l'espèce et à l'individu contenu
dans celte espèce. Mais l'identité n'est que dans les mots.
Car il est impossible de trouver un caractère qui soit exac-
tement le môme dans deux individus; et il est vraisemblable,
d'après la loi môme de lanalogie d'où résulte l'existence
des espèces, que, si deux individus étaient identiques sur
un point, ils le seraient entièrement. La nature ne nous
olfre jamais que des ressemblances, non des identités; et
le syllogisme ne peut que conclure, de ressemblances obser-
vées à des ressemblances non observées. Il ne saurait pré-
tfMidre à une rigueur incompatible avec les données expé~
riiiieuiales qui, seules, p«uveut lui fournir une matière.
De même, la science positive n'exige nullement la possi
biliié de réduire toutes les notions i l'unité. Elle exige sim-
plement une hiérarchie relative de notions de plus en plus
générales. Qu'il y tit, au fond, un oa plusieurs systèmes d«
notions ; que ces systèmes aient ou non, eu dernière ana-
lyse, aoe base unique; que toutes les espèces se distribuent
exactement dans les genres ou qu'il y ait des espèces inter-
médiaires : le raisonnement concret n'en sera pas moini
possible.
38 DE LA CONTINGENCE DES LOIS DE LA NATURE
Enfla, dant la forme du tyliog{»me comme dans «a matière,
le caractère absolu n'est qu'apparent. On ne peut prëiendr»
établir des rapports exacts deronienance entre «les touts el
des parties qui, en oiis-mi^meH, ne sont pas ei4< unient rir*
conscrits. Lorsqu'on dit que Paul, faisant partie de rfS|>èce
« bomnie », fait a fortiori partie du genre «mortel », lequel
contient l'espèce « homme •, cela veut dire simplement que,
si Paul ressemble, par un grand nombre de côtés, à d'autres
êtres déjà comparés entre eux et réunis sous la notion
< homme >», il est extrêmement probable, praiiqo'-nient cer-
tain, qu'il leur ressemblera aussi en ce qui concerne la
mortalité. Or, pour qu'une telle déduction soit possible, il
suffit d'admettre qu'il y a dans la nature des faisceaux de
ressemblanres tels que, certains grou|»es de ressemblauce
étant dounés, il est très probable que certains autres le
seront également : c'est proprement la loi ,de l'analogie.
S'il en est ainsi, le prinripe d'identité, dans son utage
scientifique, ne présente aucun caractère incompatible avec
one oriKine • posteriori. L'expérience est en mesure de
nous fournir des notions de genres de mi< <mix défi-
nies, des ressemblances de plus eu plus j: : . des liai-
sons de ressemblances de plus en plus constantes.
Issu de l'expérienre, le principe d'identité ue peut être
considéré couimc nécessaire en droit, couiine imposé à la
.création ou à la connaissance des choses.
Mais n'est il pas imposé à l'esprit par la forme même de
la science, par l'idtal qu'ell'> poursuit et dont, eu fait, elle
se rapproche constamment? N'esl-il pas le principe de la
logique, doni toutes les sciences acceptent la juridiction ? Et
ainsi n'cst-it pas pratiquement reconnu comme nécessaire f
Il importe de remarquer que la logique, malgré son
rôle indispensable dans la connaissance, n'est q**' •'•nce
abstraite. Elle ne détermine pas le degré d'iou kjut
DES GENRES 39
présentent les choses rëelles. Elle considère la notion en
f.' ' ' ' 1 '' lie la plus précise que puisse lui dounci
1 '^ par l'abstraction, et elle en déduit les
propriétés suivant une méthode appropriée i l'entendement,
c'est à-dire sous l'idée de la permanence de cette notion elle
même. Elle développe le système des lois qui s'appliquent ï
des notions quelconques mises en rapport les ânes avec les
autres, ii supposer que ces notions demeurent identiques.
Elle forme des cadres dans lesquels l'expérience est appelée
k mettre an contenu, au risque même de les élargir et de les
briser. Si elle présente une haute certitude pratique, c'esi
qu'elle développe un concept extrêmement simple, qui est
i)mnie le type moyen d'une infinité d'expériences, el
ij d'ainsi ses déiiniliuns de mots sont presque des définitions
l'* choses. C'est ainsi qu'en statistique la probabilité est de
plus en plus voisine de la certitude, à mesure que la base de
l'observation est plus étendue; car alors les particularités
s'annulent de plus en plus les unes les autres, pour laisser
le fait général se dégager dans toute sa pureté. Mais la lo-
gique trahirait la science au lieu de la servir, si, après
tvoir, pour la commodité de l'esprit humain, achevé artifi-
ri ■ par l'expérience et
(i .< de contours que ne
lui imposait pas la nature, elle prétendait ensuite ériger cette
a' ' Il eu vérité absolue et en principe créateur de la
T' >i lui a donné naissance. Les lois sont le lit où
passe le torrent des faits : ils l'ont creusé, bien qu'ils le sui-
vent. Ainsi le cararit^rt- impt'ratif des formules de la logique,
bien qu'il soit prati<|iirrii>Mii justifié, n'est qu'une apparence.
Eu réalité, les rapports logiques objectifs ne précèdent pas
les choses : ils en dérivent, et ils pourraient varier, si les
choses elles mêmes venaient ï varier, eu ce qui concerne
l«urs ressemblances el leurs diATérences fondamentales
8.
40 DE LA CO^fTINGEMCB DBS LOIS OB LA NATURB
Mai» pcin <" ^ 'La
feotaiive d>v^ l>at
lAt ou urd en présence de c« qu'on appelle ta nature des
chose», c'eut- à ' ' iôiët et de rapports immuabletT
Si le lorreot ■<' tn-ine »oq lit, est ce de lui-méa«
que, d'abord, il coule dans tel ou tel sens? Sons les lois qsi
résultent du changement, n'y a>til pas celles qui le dëter-
miueut? Celles-ci sont elles encore variables? Et le deruier
mot n'esl-il pas : < Tout change, excepté la loi du change»
ment? »
Il vsi, i coup sûr, lëgirinie que l'esprit humain s'attache
fortement à cette idée de U nature des choses, à laquelle il
doit sa victoire sur le destin et les puissances capricieuses,
son entrée et ses progrès dans la carrière de la science.
Mais cette idée ne doit pas régner i son tour d'une manière
exclusive, et ramener, sous une autre forme, le croyance i
la fatalité. Si un premier regard jeté de ce point de vue sur
l'univers a pu faire croire que les ilioses avaient en effet des
propriétés immuables, une naiure éteruclle, où se trouvait
•la raison dernière de toutes leurs vicissitudes : ao examen
plus jpprofoudi montre que ce qu'on avait pris pour le f ud
immuable des choses n'était encore qu'une coudir mobile
et superficielle; et, i mesure que l'homme pénètre plut
avant dans la réalité, i me>ure recule devant lui ce fonde-
ment inébranlable qui devait tout supporter. Fort de lidée
des genres et des lois, l'esprit humain espérait remplacer
les claosifiraiions artificielles par des « I ' ms naliH
relies. Mais avec les progrès de l'observa i> classiA-
catlon, que l'on croyait naturelle, apparaît à ton toar
oomne artificielle ; et l'on se demande s'il ne conviendrai!
pat de sobstiiiicr à toute systématisation rationnelle le dea*
aio pur et simple don arbre généalogique. Or, s'il est inn
possible de trouver dan» la nature un rapport Barfaitemcol
DES GENRES 41
eon»taot ; si les propriétés et les lois les plus essenliellet
apparaUsent comme indéterminées dans ane certaine me»
sure : n'eii'-il pas irrai»>mhlabif> que le priocipe même de la
distribution? <<•« nhénomeoes >tu «eores ei «spèces (lequel,
dans son usage scientifique, n est, en défiaui.c, que la forme
la plus générale et la plus abstraite des lois de la nature,
■près le principe de la liaison causale) participe, lui aussi,
de l'indétermination et de la cootini^ence ?
Ainsi le raisonnement a posteriori aussi bien que la spë>
culation i priori laisse place à l'idée d'une coniin$cence radi-
cale dans la production des ressemblances et des différences
d'où résultent les genres et les espèces de la nature, c'est-i-
dir ' '- et la loi de la notion. Rien ne proure
qi '-s dont la compréhension et l'extension
soient eiactement déterminées et immuables. Il peut arriver
que la notion, dans les choses qui l'expriment, se définisse
lie mieux en mieux ; que les sujets !>e rangent de plus en
us exactement sous des prédicats déterminés, en abandon-
nant les caractères qui participaient des notions collatérales.
Issue de l'être, comme d'une matière par voie de création,
ta forme logique peut, à son tour, régir sur l'être et le péné-
trer plus profondément. Par contre, on peut concevoir que
l'être, rangé par la notion sous des lois étrangères, fasse
effort pour retourner à son état primordial de dispersion et
de chaos; et que, par suite, la part de l'ordre logique, de la
distribution des choses en espèces et en genres, diminue
dans la nature.
Ces changements, il est vrai, resteraient à l'état de possi-
bilités idéales ou d apparences illusoires, si le principe de
causalité «■( - dans toute sa rigueur. Car alors la na-
ture de laii il déciderait entièrement et nécessaire-
ment de la nature du conséquent, et il n'y aurait aucaoe
place pour une harmonie dont le germe ne préexisterait pat
42 DE LA CO^ITINCRNCB DES LOIS DE LA TIATIRB
dans l«» conditions ilonnt'e». Or la cautc. cou " , eti
indifférente i l'harmonie ou au (lé»oriire : lea r.* ^^ée*
à ellesHBéroes, o« «'emploient qu'à t'enlre-eombatire, et doS'
nent dêt résullau identiques à ceux du ha«ard. Aioti le
détordre serait ëicrnel. irrém*-diable, si les forces dont se
compose le monde, produisant inévitablement leurs effeia,
D'admellaient, dam toute la «érie de leurs actions, aucnue
interrention supérieure. Mais, si la rau»e est sasrepiible,
dans une certaine mesure, de recevoir une direction, la
vertu de la notion ne demeure pas inutile. Elle détermine,
dann le monde des forces, une convergence féconde. Klle
les amené à produire des choses, au lieu de s'agiter cteruel-
lemenl dans le vide sans réussir à le peupler.
CH APURE IV
OE I A M4TIRRK
Cesi d'une manière contingeDte que Fétre reçoit la forme
loi^ique; et la forme elle-même, daos son développement
jM le place à la cuniingence. Sont ce là les
S' , , Il ait le droit d'arracher à la Décessilé ?
L*étre et la aoiion une fois posés, ne reste-t-il, pour expli-
quer toutes choses, qu'il en déduire les conséquences iné-
viu<bles ?
L'ordre logique ne nous est pas seulement donné sous sa
forme élémentaire ; il nous apparaît dans des choses qui
peuvent se compter et se mesurer, dans des essences éten-
dues et mobiles, dans ce qu'on appelle la matière. Cette
Il " ' >rme de l'être dérive-t-elle analytiquemeot de la
Il peut sembler, au premier abord, que la forme matérielle
ne soit qu'un accident, à l'égard duquel les déterminations
logiques jouent le rôle de substance : l'étendue, la durée, le
mouv<'nient, ne sont-il» pas des notions, des idées générales
sous lesquelles on range certaines choses données 7 Mais il
y a li une confusion : si les propriétés mathématiques sont
des notions, il ne s'ensuit pas que ce ne soient que des no-
tions. Autre chose est de dire qu'une essence est pensée,
autre chose de dire qu'elle est une pensée.
L^él^menU de la matière peuvent se ramener i l'étendue
44 Dl LA C0!m?(GR5CC DBS LOIS DB LA IfATVRB
el ta m«»OT«*n>fnt. fjr le m '•• •!
engendre la diversllë d'4)ù r , jou-
Yoir ramener l'ëlendoe et le mouvement à de* ettenret p«>
reiD' ' 'it ne voir dans la ' 'une
cor\ >^, dant le second ij >ioo
d'ëtala consistant eux-mêmes, au fond, dans le* nolionidif»
rérentes. Celle roiH lent logique de l'étendae et
du mouvemenl e>i .'
Le propre d'une notion, ce qui constitue son essence et M
perferlion. c'est d'être eiactemont circonsrriipet. par suite,
d'être séparée, par un intervalle, des notions spèoi6ques
du même ordre qu'elle, et de rentrer entièrement dans les Do-
tions relatiTeiiient génériques. L'élément générique est
identique dans dent notions du même genre, et ladifTcrence
spécifique rousisie dans la présence ou l'absence d'un même
caractère. Par suite, les notions ne peuvent être qu'exté-
rieures ou intérieures les unes par rapport aux autres. Deoi
contenus du même ordre sont extérieurs entre eax ; et ils
sont intérieurs par rapport A leur contenant comniuB. Ainsi
le monde des notions est essentiellement di<contloa.
Or, appliquée à l'étendue et an mouvement, la catégorie
de discontinuité fait de la première une intinilë de putots
infiniment petits, et du second une série de position! corres-
pondant i une infinité d'instants infiniment courts. Mais des
points infiniment (uMits ou liien se touchent, et alors ne font
qu'un, ou se distinguent les uns des autres, et alors sont sëpa»
rëi entre eux par des inlerv , - ,i . sup.
pose, ne pourront jamais êlri ;i i, ares
points de même nature. De même, des iosieots infiniment
courts, 00 bleo M eoofondenl, •< ' ■ irp eux des lt<
runes impOMlblee A eombler. Il . ians l'hypo-
thèse en qur»tioo, an espace d'une graudrur aiêroe Inie
A B ne peut être parcoam par un mobile M. Car eotrt
DE LA MATIÈRE 45
A et B il y a aa nombre de poiuts indéfiai. De même, ua
mubile qui est supposé se mouvoir de A en B est en réalité
immobile. Car en chaque instant indivisible il est en un point
indivisible ; et la loi des notions veut qu'il n'y ait pas dans
le tout, c'est-à-dire dans la durée totale, autre chose que
dans les parties.
En somme, dans ce système, l'éiendue et le mouvement
■e sont que des rapports. Les choses se défiuissent entière*
ment et se distinguent uniquement par des propriélès in-
ternes qui préexistent à ces apparences sensibles. Celte
doctrine n'est pas saiisfaisanle, car elle a pour conséquence
1 identification et la confusion de certaines choses qui sont
ei) ilistincies. Telles sont les figures symétriques non
8i Mlles. La distinction de ces ligures n'est pas pure-
ment abstraite : elle a son application dans les sciences
e^ • ' et explique, notamment, les diflTérences de
pi ^ques que présentent certains cristaux.
L étendue n'est pas une multiplicité coordonnée par une
unité : c'est une multiplicité et une unité fondues ensemble
et en quelque sorte identifiées. Ce ne sont pas des parties
extérieures les unes aux autres en tant que parties de
m^me ordre, et intérieures en tant que contenues dans des
parties d'un ordre supérieur : ce sont des parties similaires,
dépourvues d'ordre hiérarchique, à la fois intérieures et exté-
rieures enire elles. En un mot. c'est une chose continue.
Ile même, le temps est une durée continue, le mouvement
un passage continu d'un lieu i un autre. Cette idée de
continuité, restituée au concept de l'étendue, du temps et
du mouvement, écarte les sophismes auxquels oo est iaduil
quand on attribue à cet concepts uo sens purement lo-
gique.
Ainsi les propriétés mathématiques ne sont pat uoe tya
thèse analytique des propriétés logiques, une combiuUoo
46 DE LA C0NTI?CGF.!1Ce DES LOIS DE LA ftATURI
dont les propriété» li> ^;i foi» !«• ëlé-
meols, la loi et la rai rment uo él^
ment oouveaa, hétérogène, irréductible : la cooliouilé.
TouleTuix, il nr ^' i
des propriétés ni.ii i . ' .
eo effet, les c«o»idérer comme conçues 1 priori et imposées,
de ce cbef, i la nature des choses ? La coDoaissaoce de la
coutiuuité dans la coexistence et la succession, c'esl-i-dire
la connaissance de l'espace et du temps, ne présente-elle
pas les caractères d'une intuition rationnelle? Ouant au mou-
vement, l'idée que nous en a^ons ne peut-elle être due i une
élaboration de l'espace et du temps opérée par l'esprit lui*
même f
Cette doctrine eti sans doute légitime s'il s'agit de Tet-
pace et du temps considérés comme des choses eo soi, unes
et infinies, capables de subsister lors même que les phéno-
mènes seraient anéantis, et s'il s'agit do mouvement consi-
déré dans son coriinieuremeni jbsolu, conif ! une
spontanéité primordiale. Car I expérience et 1 .j u ne
peuvent rien nous fournir de tel. Mais ce n*e«t pas en ce
sens que les sciences qui ont p«>ur objet le >
considèrent l'espace, le temps et le mou*'eni'
n'est pour elle qu'une étendue qui se prolonge indéfiniment,
sans autre limite que des étendues nouvelles; le temps n'est
qu'une durée indéfinie ; le mouvement n'est que le change»
nent de position d'une chose par rapport à une antre.
S'il en est ainsi, l'expérience sufllt à rendre compte des
concepts scientifiques de l'espace, du temps et du mouve-
nent. Elle nous présente, en effet, une série d'objet» éten-
dus et mobiles, dont nous ne voyons jamais la ûu, quelque
portée que nous sa< hions donner à nos regards.
Oira-t-on que dans l'éteodue, la durée cl le niou%emenl II
y a déji de l'unité, et qu'un concept qui implique de l'unité.
DB LA MATIÈRE 47
i quelque degré que ce soit, ne peul dériver de re^p'-rituce?
Mais alors il faul nier l'eiistem e même de la connaissaoceà
posleriuri. Car des choses données forment nécessalremenl
un tout disiiiut, par rafiport à ce qui n'est pas donné. l)'ail-
leurs, si, ponr circonscrire exacicment la part de l'espc-
rience, on retranche des concepts empiriques de l'étendue,
de la durée et du mouvement le lien des parties entre elles,
comme ajouté par l'esprit, que rcsie-t-il ? lin je ne sais quoi
qui n'ulTre aucune prise, non sculcineni à l'esprit, mais
même aux sens et à l'imagination. Eu retranchant du domaine
propre de I expérience tout ce^qui, à un degré quelconque,
implique de l'unité, on aboutit à faire des éléments donnés
une inconnue éternellement inimaginable, indéfinissable, in-
concevable : ce qui revient à en nier Texistence. Tout alors
vient de I esprit; l'expérience n'est plus un mode de con-
naissance distinct, c'est une systématisation moins rigou-
reuse que celle de la pensée ; l'esprit n'a d'autres loisi cod-
naître que les sieiit)e< propre-^. Mais le dualisme, dont on
croyait avoir triomphé, reparait bientôt, au sein de l'esprit lui-
même, dans la distinction nécessaire des intuitions à priori
de >'\ des notions i priori de l'entendement :et
il ^ i.uit de savoir si les premières, qui envelop-
pent les propriétés mathématiques, doivent se ramener aux
secondes, ou si elles ont leur origine dans la sensibilité elle-
rotme, comme dans une faculté hétérogène. Les termes du
problème ont changé : le problème, au fond, est resté le
même.
Ce sérail encore restreindre outre mesure la portée de
l'expérience que de lui enlever les formes d'espace et de
temps, parce qu'elle» nous apparaissent comme indéfinies.
Certes l'expérience immédiate ne nous fournit rien de sem-
blable. Mais une série d'expériences peut très bien nous
donner l'idée d'une succession sans fin. ik moins que l'on
4B DB LA CO?ITI!(GE!<CB 0B8 LOIS DE LA RATt'Kt
o'élimip«) de reipérienee toute «ctiTiië ioielkctoflle, toale
parlicip«liuo de i'eo(eod«mf ot : ce qai eo ferail uue opëra*
tioa inconreval'le, ooo piui »f ulcmenl dans »oq objet, mais
uictne daoi» »a oaiurc. Il turiit, pour qu'âne < ounais^ance
aoil eipêrimeatale. qu'elle ail ud objet dont la mjiiere ei
la forme tuienl conteoues daoa les donnée» de* (cns ou de
la cooscicDce empirique. Le travail par lequel reoieudruieut
eiirail de» données des tens les ëlémeota plut ou nioios
caché» qu'elles reufernunii n« iransfurmr pa» ce» donnée»
eu élément a priori.
.\ius>i Ici coorcpls d .t |,- -iioutement,
tel» qu'ils sont prcsuj'^ > ^ i^r i.i > ,1 - .m •■ Uu monde
donné, ne requièrent pas une origine métaphysique.
Aiais, peut-on objrcter, il u>- is »riiletueni do ces
concept» dan» leur acception 1: niee, il s'agit aui>»i
de leur» dclerminalions ; et celle»-ci du moios oe pcuvroi
être connue» qu'à priori, et par coi)>< ; ont nécr»^
iN'vsi-ce pas à priori que l'esprit ii le iriati^
cercle, la sphère, le mouvement uniforme, le* forces parai»
leles el, eo général, les définition» mathénatiques et nu 1 .i-
nique»? Ces deliuiiions exacte», complètes, adéqiuu^
peuvent-elles dériver de l'existence 7 Si l'esprit n'en ■ pas
créé la matière, il en a créé la forme, car elles sont des
modèles que la nature ne peut égaler. Il o'y a pas de droite
réelle, de cerile réel, d'équilibre réel.
Certes, il est impossible d'expliquer par l'expérience
l'exactitude de» déterminations malhomatiques, si l'on coo«
»idère cette exactitude comme uo caractère positif et absolu,
attestant une perfection supérieure. Mais il semble que ce
•oit plutôt un caractère négatif, résultant de l'élimination
ide propriétés relativement arciilrtiiclles. Vae droite n'est
autre chose que le trajectoire d'un mobile qui va d'un
point vers un autre, et vers cet autre seulemeol ; l'équi-
DE LA MATIÈRE 49
libre n'est que l'étal où m trouve ua corps, lorsque la
résultante des fort es qui le sollicitent est nulle. Or l'expé-
rieoce nous iuviie elle-même à éliminer les accideotsqui irou»
bleot la pureté desdéterminatious mathématiques. LJn tronc
d'arbre qui, vu de près, est tortueux, parait de plus en plus
droit à mesure qu'on le voit de plus loin. Quel besoin avons-
nous de notions à priori, pour achever ce travail de simplifia
cation, et éliminer par la pensée tous les accidents, toutes
les irrégularités, c'est-à-dire, d'une manière abstraite et
vaftue, relies que nous voyons et celles que nous ne voyons
pas ? Par là, sans doute, nous n'acquérons pas l'idée de
choses supérieures à la réalité C'est, au contraire, la réalité
appauvrie, décharnée, réduite à l'étal de squelette. Mais est-
il donc si évident que les figures géométriques soient supé-
rieures à la réalité ; et le monde en serait-il plus beau, s'il
ne se com|tubait que de cercles et de polygones parfaitement
réguliers 7
Ainsi la forme et la matière des' éléments mathématiques
sont contenus dans les données de l'expérience. La conti-
nuité mesurable dans la coexistence, la succession et le dé-
'>i.icrment, est l'objet d'une connaissance à posteriori.
Iteste, il est vrai, le lien qui unit ce terme aux formes infé-
rieure» de l'éire, le rapport de la forme mathématique pro-
prement dite à la forme logique. Mais l'esprit affirme-t-il à
priori que tout fait explicable se produise dans l'espace et
dans le temps, et im|>lique l'existence d'un mouvement ? Il
est permis d'en douter ; car nous avons l'idée des faits psy-
chologiques, comme n'étant pas dans l'espace et comae
n'eovel ni de lieu. Cette doctrine pré»
Juge du <inc question qui doit rester
ouverte à la recherche scientifique. Il n'est, en effet, nulle-
in< X evable que l'étendue mobile ne soit pas la forme
Di< le tout ce qui est donné.
50 DE LA CONTIMGENCB DES LOIS DP. LA KATURI
Il tcinLIe donc impo9«ible d'établir à priori, aoalytiqoa
meot o'j tyothéiiqueiiieiii. que la fliture et le nouvement
toQi despro
ue peot-oD i-^. ■- , - . , — i
en reiidnni Icniuigiiage par les dcniuastralioot et iesdccoa*
vertes quelles doivent â cette doctrine ? N -i
cherchautdaos toutes choses un élément mail , i
mesurable, en supposant qu'il y a partout de la figure rt du
niouvrm 'lit, que l'on a renouvelé la physique et créé no*
tamroeui la théorie mécanique de la chaleur et de la lu>
mîére 7 Le progrès des sciences ne se roesure-t-il pas k la
part qu'y ohtitMinenl tes nniiiHis roat^ **
On doit sans doute attribuer une i A'ili it une
idée aussi féconde; maison ne peut, d'autre part, en oublier
l'origine. C'est l'expérience qui nous a fait connaître ta fi*
gure et le mouvement. C'est elle aussi qui nous a fait dé»
couvrir ces manières d'être dans un grand nombre de cas
où nous n'en soupçonnions pas l'etisicnce. Or l'r- n
ne peut nous prouver que ces propriétés soiiMit i.
i tout ce qui est. Plus frappés, comme il arrÏNe, des faits im*
prévus que des faits ordinaires, nous sommes disposés à ad-
m<'ttre partout le suhstratum mécanique que nous avons 'lé*
couvert sous des choses qui n'en paraissaient pas suscepi
comme ta chaleur ou la lumière. Cependant il eiisie< i
un nombre considérable de formes que nous ne pouvons ra*
mener au mouvement, et qui même ne semblent y
résider dans un sujet mobile. Telles sont le» faculi< ..:- ...
tuelles. L'inhérence de l'étendue mobile à l'être, i titre de pro-
priété essentielle et n- e, en
dépit du rôle que crtii ,. .: ,..: ■— ^e.
Fât-il établi, d'ailleurs, que la figure et le mouvement s«
rencontrent r1.in« tout ce qui est. on ne pourrait •
ger ers minirrrs d rlrr vu esseucei néi rssjire» ■*
DE LA MATIÈRE 51
et absolues ; car l'entendement est jeté dans les difficnliés
iii<>(iltililes, quand il essaie de développer une telle doctrine.
Taiii&t. sup|i(>saot que l'étendue et le monvoment ont des
liuiilos, forment an tout circonscrit, renleuderoent ne cou*
çoit pas commentées limiios peuvent exister sans^ne ét»'n-
due liniiirophe ou un mouvement anta^soniste. Car il ne
voit pas de raison pour admettre, relativcni'^Qt à l'étendue
ou au mouvement éloignés, d'autres lois que celles qui ré-
^ssent l'étendue prochaine ou le mouvement actuel. Sa fonc-
tion étant d'affirmer de l'espèce ce qu'il connaît du genre, il
juge qu'un mouvement ne peut se produire qu'après un
mouvement, et qu'une étendue ne peut être limitée que par
une él*'iidue. f>'ailleiirs, lors même que. pour éviter le pro-
grès à 1 infini, il admellrail un terme dans la régression ou la
progression, il ne saurait où le placer, parce que tous les points
d'un temps et d'un espace vide sont identiques à ses yeux.
Tantôt, au contraire, supposant' que l'étendue et le mou-
ment sont sans limites, l'entendement en conclut qu'ils
ne soitt jamais complets, achevés, qu'ils se font et se dé-
font sans cesse, qu'ils sont et ne sont pas. Mais alors il ne
peut considérer comme absolue cette chose iosaisissable,
qi: ' '' .oie de réalisation, jamais réalisée, qui
n , ni dans l'avenir, mais seulement dans
l'instant actuel, point infiniment petit entre deux abimes de
néant.
Ainsi l'étendue et le mouvement sont pour l'être des
formes contingentes. Par suite, tous les modes de l'étendue
et du mouvement sont eux-mAmes des éléments nouveaux et
contingents par rapport aux formes inférieures. Mais la pro-
duction de ces modes u*est-elle pas régie par une lot inhé-
rente à l'essence matérielle elle-raéme, et cette loi n'est elle
pas inflexible f
52 DB LA COJtriNGBNCB DKS LOIS DE LA NATOBI
La loi foadamenute de» dëlertninaiioDS milhifinatlqvM
eit la permanence de la ii mrsarahle h iraver* toutes
Ici dccompo&ilioDS et r* liooa de l'ëteadue et du
mouveroeoi. tlile a son exprestioo coocrèle dan» la formule
de la cotiiervaiion de la force. Celle loi est-elle nécesftaire ?
On ne peut dire qu'elle se dëduisf a priori de la dt-noitioa
même de l'étendue ei du mouvement. Car I étendue et le moa*
vement ne cbangeraient pas de nature, pour augmenter, l'uoe
de grandeur, lauire de vitesse ou de durée.
E&t-elle posée a priori par l'esprit comme «oe synthèse
nécessaire ?
Sans doute, si l'on ne Toil dans la quantité mesurable que
le symbole d'une essence métaphysique telle que la force ac-
tive, il est clair que la loi dunt il s'agit ne peut être connue
a posteriori. Mais il n'est pas question d'une chose de ce
genre. Les mathématiques oe considèrent que des réalités
observables. La figure et le mouvement tombent soos les
sens. Le concept de la mesure se ramène au concept de la
coïncidence, considérée comin ' ndante i\>' lu
sens des figures et de la man i on les ^ , '>,
c'est-i-dire à des données eiplicables par l'expérience. La
force, la masse, le poids, sont, en mécanique, des grandeurs
sensibles, mesurables numériquemeni. La formule scien>
Ufique de la quantité d'énergie qui se consenre consiste
daos des termes qui n'ont nul caractère métaphysique.
En fait, ce n'est pas du premier coup que l'homme a dé-
couvert les pramien principes des mathématiques. Il a ti-
tonné, il a enpioyé l'obserratlon, l'etpériroentation, l'ab-
straction, I induction. Certains principes foudamentaus, ad-
mis aujourd'hui sans contestation, tels que la loi de l'indé-
pendance des mouvements trouvée par Galilée, ont soulevé
tout d'abord de Bombreases objections, de la part de per
••aaM qoi toejaieaient irrationnels.
DE LA MATlilRE 53
F«r»-t-OD résider le caractère supra-sensible des lots ma-
thématiques daDS le signe =, qui relie euire elles toutes Içs
formules ?
Mais l'égalité, qui d'ailleurs suppose des diiïéreDces, el,
cw se d'iNtin^iie de l'identité absulue, peut être
COI. rorame une limite pure et simple, que lespril
conçoit peu à peu, en observant des objets qui présentent
des " I' grandeur de plus en plus petites, et en
fai^ lU de celles que la nature laisse inévitable-
ment subsister. Or cette opération n'implique aucune con-
Qais>aoce a priori. Si l'on aflfirmait que l'esprii a l'intuition
des essences qu'il crée ainsi, si Ion considérait les ligures
géométriques, les groupes de forces, dans leur forme ma-
Ihémulique elle-même, comme des objets d imagination, il
faudrait admettre qu'ils sont connus a priori par une sorte
de sens métaphysique, puisque l'eipérience ne nous en four-
nit pas le modèle. Mais, si ces objets ne sont imaginés que
sous une forme grossière; si, sous leur forme précise, ils
sont simplement conçus : rien u'empéche d admettre qu'ils
H'-riveot de l'expérience élaborée par rabsiraction.
Dira ton enfin que le principe de la conservation de la
force se rapport** à la on du mouvement dans tout
l'univers, implique lui , uté absolue d'une impulsion
initiale, el, i ce titre, dépasse infiniment l'expérience, qui
ne peut nous fair« connaître qu'une partie, un tronçon des
choses ?
Ainsi compris, ce principe réclamerait encore une origine
m' 1^; mais ce n'est pas en ce sens qu'il est employé
d.ti '«oces positives. La formule à laquelle on s'ef-
force de ramener toutes les lois particulières da mouvement
implique simplement la conservation de la force dans un
système fini d'élémeois mérauiques. Or de telles notions
ne dépassent pas la portée de l'expérience, bien plus, ne
t}\ DE LA CONTINCENCB DBS LOIS DE U NATUIK
pcuveul avoir d'autre origine que l'eipi rime elle-même.
Le principe de la cunserralioD de la quauiilé mesurable k
travers les transronnaiiotit de l'clendue el du mouvemeol
o'est duDC pas iinpoM aux choses uu à la cooiiai»saiice des
cho>es par la raison : il u'esl qu'un réstirno de i'eipc-
rience.
Mais n'esl-il |ias, a ce tjii rite
iocoittesU'e î N «'sl-il pas pr.. _ i I rin-
c ipe à priori ? Ne forme-i-il pas le poini de départ d'un dé-
veloppcineut purement analytique dans 1m Mathcmatiquet
pures el la mécanique rationnelle i
H oe faut pas que la forme déductÏTe decei seieoces nous
fasse illusion : les conclusions en sont pur^ * V>>trailcs,
comme les données. Elles déterminent ce q. j, sicer-
tainc!» ligures mobiles sont réalisées, et si la quantité mesu-
rable y demeure constante. On ne peut, sans tourner dans un
cercle vicieui, considérer les faits coninie nétessains. au
nom d un principe dont la légitimité ne repose que sur I ob-
servation des faits. L'expérience, à laquelle le principe ma-
thématique doit sa valeur, eu limite elle-même la |iorlëe.
Nous u ivon!i pas le droit d'ériger ce principe en vérité ab-
solue et de le promener en quelque sorte à travers toutes les
sciences, i travers la morale elle-même, en renverant aveu-
glément tout ce qui s'oppose i son passage. Celle for-
mule algébrique ne crée pas, ne gouverne mène pts les
choses : elle n'est que l'expression de leurs rapports exté-
rieurs.
Cependant, même en ce sens, ne renuelle pas iovraisem-
blable 1 existence d'un degré quelconque de contingence
dans la production du mouvement ?
On voudrait pouvoir concilier les deux principes, el il
semble, au premier aborti, que la chose soit possible: la con-
servation de la force, en edet, esclotelle un emploi contin-
DE Là Matière 55
geni de celle même force ? Si la coniiugence n'esi pas dans
la quantité, ne pourrait-elle être dans la direction ?
Mais cette distinction est inutile dans le cas présent. Car,
pour changer la direction d'un mouvement conform emeni
aux lois de la mécanique, il faut faire intervenir un mouve-
meut nouveau ou supprimer l'un des mouvemcnis compo
saols, c'est-à-dire augmenter ou diminuer la quantité de la
force
bi^tinguera-t-on le mouvement proprement dit, ou mouve-
ment de translation, et le mouvement caché ou moléculaire ;
et diral-on que la loi de la conservation de la force déter-
mine i la vé'ité la quantité de mouvement moléculaire qui
peut résulter d'un mouvement de translation donné, et réci-
proquement, mais non pas la transformation de l'un dans
l'autre, et que cette transformation du moins peut être coa*
tingeuie ?
Mais le mouvement moléculaire n'est au fond qu'une
somme de m ins, qui ne dilTèrenl du mou-
vement de II - que par l'absence de résul-
tante. Comme tel, il ne peut te changer en mouvement de
translation que par un changement survenu dans la 'Jirec-
tion des mouvements élémeniaircs, c'est-à-dire encore par
l'intervention d'une force nouvelle, par une augmentation
ou une diminution de la quantité de mouvement.
Restreindra-ton la possibilité du mouvement contingent
au cas où les forces concourantes déterminent un état
d'équilibre, et dira t-on que lintroduction d'une quantité
infiniment petite peut quelquefois suffire à rompre l'équilibre,
comme il arrive dans le cas de la balance folle ?
Mais cet équilibre idéal est il jamais réalisé ? Ensuite, si
petite qu« l'on suppose la force a.iditionuelle, ne faut-il pas
]u'elle ait uue intensité mesurable pour engendrer un
efTet ?
■OVTROUI. 4
56 DE LA CONTINGENCE DBS LOIS DE LA RATDIE
Din-t-OD qu'il peut m prodaire dam la oalare des eai
analogue» aux hypothèses des prublémes qui compurtontio-
diHerenimcDi |»lusieun solatinos, parce que louics les coq-
dilions qui seraient oécesaairet pour déterminer entière-
meut le rékuliat oe se reocootrent pas dans les données ;
et que. dans ces cas du moios, la réalisaiioo d'une résul-
faste, de préférence aux autres, est rontingeoie T
Mais ce serait méconnaitre la loi suivant
qu'il n'y a pas de raison pour qu'un cou ;
plutùt que l'autre, il ne se produit rien.
Ailvguera-t-ou que le caltul de^
vable une permanence relative de i
riabilité contingente des détailf ; et que la décoaterte de la
d< 'on inhérente au tout n«' •'
llr, " primordiale de cas | it
fortuits ?
Mais il est inr\ ^ la r< jlii'
soient jamais ail nis. I.cii<"
contient un sac, par exemple, est un élément de détermina-
tion ; et c'est pr< ;' i<e de cet élément «]iii
traîne Pexisteni . uostante. Qnant à 1<
termination apparente des cas particuliers, ne s*évanoui^
elle pas si l'on adoet l'exisleace, dans la naiare, de deux
sortes de causes : les obm conrergentes, pemuuienles et
universelles, celles-là mêmes qui engendrent ta loi; les
autres insignifiantes, passafèrM et dépourvues de conver-
gence, qui s'annulent MBSiblement entre elles et équivalent
ainsi pratiquement au hasard supposé par le matbéroaiicien ?
Le calcul des probabilités rentre dan« le cas des prubleoMS
dont les données sont inconiplcies. Or n'est-ce pas là ■••
abstraction artificielle ?
Peut-on enfin »cinder le monde donné, et admettre que
la loi de la conservation de la force, nécessaire et absolue.
DE LA MATIÈRE 57
là OÙ elle s'applique. D'est du moins pas aDirersetle, et
qi! lie des élres en est aATraiicbie ? Peuion dislin-
gii. iites sources de mouvement, les unes purement
maiérielles, les autres vivanles où même pensantes, et res*
treiodre aux premières l'applicatiou du principe des forces
Tïves ?
Mais cette distinction parait illcgillme, si Ton songe
qu'entre la pensée considérée comme dirigeante et le mou-
vement perçu, il y a une infinité d'intermédiaires, et que
l'expérience distincte n'atteint jamais un commencement de
série mécanique. En réalité, la doctrine dont il s'agit se
conforme, dans un cas, aux conditions d'une explication
scientifique ; et, dans l'autre, elle s'y soustrait. Quelle sera
la mesure de la force dont disposeront ces agents supérieurs,
bétërogenes i l'égard des agents mécaniques? D'ailleurs, où
voit-on qu'une quantité de force emmagasinée dans le$ nerfs
produise plus de travail, y compri» des deux eûtes le travail
passif, que la même quantité de force emmagasinée dans
un ap[>areil piireiiK'iii lU'Tiniiijue ?
En somme, il tii impoNsible de concilier un degré quel-
conque de contingence dans la production du mouveuieni
avec la loi de la cou i de la force, admise comme
absolue. Une telle cm ^ •■ ne se peut concevoir que si
I lie loi, en ce qui concerne le monde mécanique lui même,
Il est pas r< ' la nature des choses. Of
une icllf <l< ment contraire à l'eipé-
rieuce ?
Il ne faut pas s'abuser sur la portée do signe =. employé
pour exprimer la relation qui, en vertu de cette loi, lie entre
•Iles des iorce» concourantes et leur résultante. D'abord
l'homme ne peut jamais constater une égalité absolue.
Ensuite, en dépit de celte égalité, la résultante est quelque
chose de nouveau par rapport aos antécédents. Il v avait
.).^ OB LA CONTiNCeNCB DBS LOIS DE LA NATI'IIB
pluftieart forces: Il o'j eo • plas qu'une. Ces force» av;>iciii
cerlaiaes dircriions : la direction est changée. Q(icli)ue cliox'
ëuil, qui n'est plus; quelque chose D'élail pas, qui est. Il
est vrai que les transformations particulières et cnrr '•- >
te ramonent :'i des transformations gënt'rales et ël> s
et ainsi apparaissent comme nécessaires, siooo en eiles-
mcmes, du moins par rapport i ces principes supërieurs.
Mais, si simples et si immédiates que soient les transforma-
tions du mouvement énoncées dans les principes gém-raui,
elles impliquent toujours un anéantissement et une création
Or esl-il intelligible qu'un mouvement soit la raison suffi-
sante de son pru|ire anéantissement et de 1' -
nouvement nouveau? Peut-on admettre un li*
entre ce qui n'est plus et ce qui est, entre ce qui est et ce
qui n'est pas encore, entre l'être et le non-étre ?
La loi de la conservation de la force suppose an change-
ment qu'elle n'explique pas, qu'elle rendrait niéme inintelli-
gible, si elle était considérée comme gouvernant sans i <
tage les modes primordiaux de la roelière. Elle n'est <
pas absolue. Elle n'a pas d'empire sur ce changement initial
qui doit avoir lieu pour qu'elle puisse s'appliquer.
Mais, dira-ton, les éléments variables ne sont que les
qualités des choses, ils n'en sont pas la substance. Celle-ci
consiste dans la figure et le mouvement, c'est-i-dire préci-
sément dans cet élvnicnt quantitatif dont la loi mathématique
ariirnic la conservation.
Cette doctrine a pour conséquence de réduire i de pures
apparences le changement qualitatif, et avec lui tout ce que
la nature nous offre de plus relové, sans qu'on puisse conce-
voir un rapport possible entre l'élément immuable dont on
fait la sabstance des choses et le changement qualitatif qui
en devient le plténoméne.
Ensuite •Il .1111.1 < i.it.isie aajusterëlémenidontonafirme
DE LA MATIÈRE S9
la permanence i travers tous les changements qualitatifs f
Est-ce ia quantité pare et simple ? — Mais la quantité n'est
qu'une mesure, une abstraction, une limite idéale, et noL
une réatilé.
Est-ce la quantité de plusieurs qualités? — Mais on ne
peut comparer entre elles que des mesures relatives à uiir
seule et même qualité.
[:st-ce ia quantité d'une seule et même qualité, laquelle
srrail précisément l'étendue figurée et mobile? — Mais, i ce
compte, lequel est la substance, de la quantité qui ne parvient
jamais k se réaliser, à obtenir la détermination et la fixité
qu'elle réclame, ou de la qualité, qui impose à la quantité
cette fluctuation perpétuelle, contraire à son essence? La
quantité o'est-elle pas de nouveau subordonnée à un élément
d'une autre nature ; et, dans ces conditions, se comporte-
telle exactement de même que si elle eiistait en soi ? Trou ve-
l-on, mt^mc dans une qualité aussi élémentaire que l'étendue
figurée et mobile, la détermination et l'identité que supposent
les mathématiques abstraites ? D'abord, cette qualité o'esl-
elie pas intimement unie aux autres, et ne doit-elle pas s'j
rattacher par des gradations insensibles, de même <|ue,dans
des régions supérieures, les propriétés physiques et chimiques
»e I ' ' tit peu à peu de la vie ? Le mouvement vibratoire,
pai ne rcpréseute-t-il pas un de ces degrés intermé-
diaires? Ensuite, et par là môme, y a-t-il parfaite identité de
nature entre tous les mouvements réels? Les uns ne sont-ils
pas plus susceptibles que les autres d'engendrer des mouve-
ments vibratoires ; et, s'il eo est ainsi, un ensemble de lorcet
composantes forme-t-ii un tout parfaitement homogène?
trestse mettre en dehors des runditions mêmes de b rëa*
lité. que de considérer la quantité relaiivement à une qualité
homogène, ou abstraction fait*) de toute qualité. Tout ce qui
est possède des qualités et participe, i ce litre même, de l'in
A.
60 DE kk C0?(Tt7(Ge?ICI DES LOIS DR LA RATtflR
dët«nninaiioa et de la variabilité radicales qat «ont de l'et-
Moce de la qualité. Ainsi, l >•' de la permaoence
tbtolae de la quatiiiiù ne »> a, , , pas exartemrnt aui
choses réelles : celles-ci ont ud fonds de vie et de change-
ment qui ne s'r|>iii<«(; jnmai«^. La reni: " re que
{tréscnient les niatliémaliques comme ^ uitc ne
Doas autorise pas à regarder les absiractioos mathématiques
elles-mêmes, sous leur forme rigide et monotooe, comme
l'image eiacle de la réalité.
L'eipérieoce, d'ailleurs, si larges qu'en soient les baset,
ne nous montre nulle part des ensembles me parfai-
tement stables. Les révolutions mêmes des n i>arais-
sent si uniformes, n'ont pas des périodes absolument iden-
tiques. La loi fixe recule devant l'obitcrvateur. Il l'atleindrail,
suppose-t-il, s'il pouvait observer le tout. .Mais, dans i'cspare
et le temps, qu'est-ce que le tout? L'indétermination qui
subsiste invinciblement dans les moyennes relatives aux en-
sembles mécaniques les plus considérables, a vraisemblable-
ment sa raifon dans la contingence de<« détails.
Mais, si les révolutions générales sont estrémement lentes
et presque insensibles, que doit-il en être des variations
de détail qui les déterminent? Ainsi la nature, contem(»lce
pendant un instant, semble immobile, alors qu en réalité
tout se meut, vit et se développe. El, si le progrès contingent
du monde mécanique se fait, comme il est vraiseriiblablo. par
transitions continues ; si les variations élémentaires, quand
elles ne s'annulent pas les ooes les autres, agissent par leur
nombre, leur durée et leiii ' r
lOleaailé, un ne voit pas •
iior les choses arec précision qu'en les analysant, pourrait
M vérifier directement l'eiistenre. Il est d'à " is
Mt OÙ il siinil de variations insignifiantes ei .
Ml elles*m^me« ponr déterminer, en définitive, par une suite
DE LA MATIÈRE 61
de contre-coups parement mécaniques, des résnitats consi-
dérables. Telles sont parfois les ruptures d'équilibre. La
graine tombée du bec d'un oiseau sur une montagne couverte
de neige peut produire une avalanche qui comblera les
fallées.
Ainsi l'apparitioa de la matière et de ses modes est une
nouvelle victoire des choses sur la nécessité : victoire due i
la Talear supérieure de la matière, et aussi k l'élasticité du
tissu des raiixcs et des espfrcs, qui a permis k celle forme
nouvelle d'y naiire et de s'y dcvelu|iper.
CIIAPITKE V
DBS COtM
Est i! possible de cr<<er le monde uns employer auin
chose que de la matière et du mouvement? Ces ronr'pi-
une fois admis comme données indispensables et irrciia.
tibles, tout le reste esl-il désormais explicable T
Au-dessus de la matière proprement dite m trouvent le»
essences physiques et chimiques, c'est-à-dire les corps, ai
sein desquels la figure et le mouvement nous apparaissent
Ont-ils leur raison sulTisante dans l'existence du mouvemeo!
et de ses lois, ou renferment-ils encore quelque chose d'irré
duclihie ? S'il arrive que la matière n'explique pas les corps
k plus forte raison n<* saiir.*ii-cll»» oxidiiM-r l.i \ir ri h
pensée.
iiài> : ; la maticro ii i'\jiih[iht.mi mr \t.i> ic> r«ifji>
Il ne Si , ii«- ce qii il fteui y avoir de relatif a l'homme
dans lidée qu'il se fait des objets physiques et chimiques.
Il ne s'agit pas de l'élément subjectif des sensations, malt
simplement de leur cause extérieure. Or pourquoi la part
des choses dans It senution ne s« réduirait-elle pas at
mouvement ?
Certes, il est impossible de coatlddrer oos ëuu de coa
cieoce ( omme des propriélét de la matière eilërienre, et ce
ne peut être le fait d'être senti qui distiogue objectivement
les corps de la matière. Mais s'ensuit il qu'il o*t ait rien de
DES CORPS 63
plos dans la substance sonore on lumineuse que dans la
matière pore et simple ? La partie descriptive de la science
physique est>elie sans objet?
S'il sufiit qu'une manière d être soit donnée dans un état
de conscience pour que, de celle manière d'être, rien n'ap-
partienne aux choses, le mouvement lui-même ne leur appar-
tient pas. Car il ne nous est donné que dans des sensations
tactiles ou visuelles dont nous avons conscience. Si l'on fait
abstraction du tact, le mouvement devient absolument incon-
cevable ; et ainsi rien n'est plus obscur que la doctrine qui
fait du mouvement, selon l'idée immédiate que nous en
•YODS, l'élément extérieur par excellence. Le mouvement
que nous connaissons, c'est-à-dire le mouvement perçu, ne
peut être, comme toute perception, que le signe de la chose
donnée : il n'en est pas l'image. Que si, néanmoins, on Tat-
tribue aoi choses, on ne peut arguer de l'iulervention de la
conscience dans la cunnaissanre des'corps pour leur refuser
t«s propriétés physiques proprement dites.
Mais, objeclera-t-on, il ne faut pas multiplier les êtres sans
nécessité. Il est prouvé que les diverses propriétés physiques
ont toutes ane seule et même cause extérieure et que cette
cause est le mouvement. Un même agent, appliqué aux or-
ganes des différents sens, produit les différentes sensations ;
et des agents en apparence différents, appliqués à l'organe
d'un seul sens, produisent tous la même sensation. Les divers
agents physiques ne sont donc que des variétés d'un seul.
On sait d'ailleurs que le son, la chaleur et sans doute la lu-
mière se ramènent au mouvement. Donc tous les agents phy-
siques se ramonent au mouvement.
Cette démonstration n'est pas rigoureuse
D'abord la loi de l'équivalent mécanique de la chaleur
n'implique nullement la réduction de la chaleur propre-
ment dite au mouvement, mais simplement l'existence d'ua
64 DB LA CONTINGENCE DES LOI» DR LA NATURE
moaTeroeotroolërulaire dans le corps qui d^lennina en aoa»
U tentation de chaleur.
Entuile, si (oui n'est que monvrment, d'où vient que la
conscience éprouve, en présence des corps, des sensations
dVspèces diverses? T a-t-ii donc plusieurs con<>ciences de
nature dilTérente, correspondant à plusieurs cat(*gories de
mouvements, et créant, i l'occasion de ces différences rela-
tivement quantitatives, des différences qualitatives? Mais la
con!>cieDce est esseniiellement uue et identique, et ne p<'ul
reudre compte de ce passage de l'un au multiple, do sera-
biable au divers. Il est d'ailleurs manifeste qu'il ne s agit pas
ici d'une diversité purement ciiericure et de variétés d'un
type unique. La sensation de chaleur est radicalement hété-
rogène par rapport à la sensation de son. Puisque cette
hétérii lie peut trouver son eiplicalion d;i>' ire
de la • ut;, il reste qu'elle ait sa rariae daii ire
des choses elles-mêmes, et que la matière ail la propriété
de revêtir des formes irr/ ' ' " . '* n. • ■ ..^
géuéité Cht étrangère à i< .>».
bile, c'est-i-dire de la matière proprement dlle. Le mouve-
ment vibratoire lui nu^me ne peut être dit hétérogène i
l'égard du niuuvcmcut de translation. Ce sont simplenenl
grandeurs, directions, intensités, modes divers d'un même
phénomène. Il faut donc admettre que les objet*: - " '^s,
même abstraction faite de ce que la conscience ; re
d'elle-même dans la sensation, ne se réduit pas a de la
matière en mouvement. La matière ébranlée semble n'être
eu eux que le véhicule de propriétés su|)érieures, lesqu«llea
sont les propriétés physiques proprement dites. <• re
nouvelle consiste pour nous dans la capacité de : .1 la
couscience des sensations hélérogèaM.
S'il arrive qu'un méine agenl impressionne d m
les différent» sens, c'est penl-êtr#> p»rr#>fimv «>•(! j
DES CORPS 65
reace simple, il est compipxe et comprend en réalité autant
d'agents distincts qu'il cause de sensations diverses. La cha-
leur, la lumière et l'électricité, par exemple, peuvent s'ac»
compagner les unes les autres, d'une manière plus ou moins
constante, sans pour cela se conTundre en un seul et même
agent. Peut-être aussi le fait en quesliuo. et avec lui le fait
inverse, ft'expliqueraient-ils en admettant que les organes d«*s
sens, dont la nature est appropriée aui impressions qu'ils
doivent recevoir, conservent en eux-mêmes, à l'elai latent,
une certaine somme d'impressions physiques proprcnxnt
dites, fournies par les objets extérieurs ; et que, sous l'in-
fluence de (-crtaincs excitations, ces impressions passent de
l'étal latent à ictai mauileste. C'est ce qui se produirait, par
exemple, dans le cas d£s sensations imaginaires et dans les
longes.
Ainsi les éléments physiques et chimiques, les corps, eo
tant^u'iis sont susceptibles d'hétérogénéité, ne se confon-
dent pas avec la matière pure et simple. Us n'en (leuvent
dériver par voie de déveloopenicnt atialytique, mais impli-
quent l'addition d'un élément nouveau.
Celte addition est elle l'efTet d'une synthèse causale posée
a priori par la raison ?
Il ne peut ëlre ici question des concepts particuliers rela-
tifs à la matière des phénomènes physiques, c'est-à-dire à la
chaleur, à l'électricité, à la combinaisuu chimique, etc. Ces
propriétés ne sont évidemment connues que par l'expérience.
Mais on pourrait peut-être considérer comme donnée à priori
la fonnc ginéralc de ces propriétés, c'est-à-dire la iransfor^
mation de la maiicre en substances héiêrogéncs. Du moment
que l'être est soumi> aux conditions de l'espace et du temps,
comme l'est par définition b matière, il ne peut, seœble-til,
réaliser toutes ses puissances qu'en se diverMfiaDt à rinlini.
Vu r.'ivdn de soleil (|ui a |la^^é à trj\ers Uh |iiisiiie UO COQ-
66 OB LA CONTI?IGEMCK DES tOIS DE LA NATIIII
Mnre loul ce qu'il ren^ermail de lumière qu'ea te colorant
de mille nuance» diverses.
Ainsi entendu, le concept îles (jualii» i iit'liTopfn*"* pré-
sente sans doute les caractères d'un ronrept à priori. Mais
il ne fait oullement comprendre pourquoi les forme* de la
matière se ramènent i un petil nombre de classes telles que
le son, la chaleur, ou les CNpcces {liimiques, au lieu d'éire
en nombre infini. De plus, il fait supposer que tout ce qui
est dans le temps revéi, par là même, ooe forme physique, tJt
qui n'est nullement certain.
La définition scientifique des corps n'implique pas ces idées
métaphysiques: elle contient simplement l'idée de choses
matérielles hétérogènes qui tomiienl sous les sens, el ainsi
cite ne dépasse nullement la portée de l'cipérience.
Dira-t-on que, dans la définition des corps, les qualités
sensibles ne sont pas considérées comme de pura phéno*
menés, mais comme des propriéiés. c'est-à-dire comme de»
causes génératrices, el que de telles essences ont un carat-
tère suprasensible?
Mais ce serait s'écarter de l'acception scie:
termes* propriétés, affinités, cohésion •, etc. < '
sion» ne signifient rien autre chose, sinon l'uniformité avec
laquelle, certaines sensations nous étant don riaines
autres nous sont données également. Une ^ ; > n'est
jamais qu'une relation observable entre deux groupes d«
pbénoaiènw.
L» patMi* des propriéiés maihémaiiques ani propriétés
physiques, de la matière aux corp», ne peut donc être conai-
déré à priori comme imposé aux choses. Mai» les choses
elles-mêmes ne nous préscnten telles pas celte synthèse
comme nécessaire en fait? Ne peut on dire, par exemple,
que, vraisi nilibblement, tout ce qui est possède des pro-
pri'-i'^* ohysique»?
DES CORPS 67
Il est certain qu'un grand nombre de choses auxquelles
on n'attribuait d'abord que des propriétés inférieures ou
supérieures aux propriétés physiques proprement dites, par
exemple les astres et la matière vivante, nous apparaissent
maintenant comme possédant des propriétés ohysiques su-
perposées aux premières, impliquées dans les secondes. Mais
s'ensuit-il que tout ce qui est possède des propriétés physi-
ques ? Par exemple, est-il certain que toat, en l'homme, soit
corporel? D'autre part, ne voyons-nous pas la science elle-
même supposer, pour l'explication de certains phénomènes,
une substance extrêmement simple, appelée éther, laquelle ne
posséderait guère que des propriétés mécaniques, et serait
comme dépourvue de propriétés physiques proprement dites ?
<'.ependant,s'îl est impossible d'aflirmer que tout ce qui est
(iu-»sède des propriétés physiques, le caractère fatal de l'ap-
parition de CCS propriétés, là où elles existent, ne ressort-il
pas suffisamment de la loi même qui gouverne cette appari-
tion ? Les propriétés physiques sont-elles autre chose que des
mouvements transformés ; et cette transformation ne se
produit-elle pas suivant des lois nécessaires 7
Ce raisonnement implique uuc confusion. La physique ne
montre pas que la chaleur, dans toute la compréhension du
terme, ne soit qu'un mouvement transformé, c'est-à-dire que
le mouvement disparaisse pour faire place à un phénomène
physique non mécanique. Elle montre simplement que sous
la chaleur, sous la lumière, etc., phénomènes en apparence
purement physiques, il y a des mouvements d'une nature
spéciale, et que ces mouvements sont la condition des phé-
nomènes physiques proprement dits. Dès lors le mouvement
ne se transforme pas en chaleur, mais en mouvement d'un
autre genre, en mouvement moléculaire; et c*est uniquement
p;ii ' ition d'idées que ce mouvement lui nu-me est ap-
pci' -■ 'r par les physiciens. La chaleur proprement dite
Wimioci. S
08 DE LA COMTI>tGK.>C£ OKÂ LOIS (*K Li NaTLME
•e distingue dn mouvemeal moléculaire lui-inèiDe ; et ain<ki
l'apparition n'eu est pas eipliquée imméJiatt-moiil par la loi
qui etpli(|ur le passage du mouvemeal de tnn«Utioo a
mouvement moléculaire.
Mais ne voit oo pat le phéooroèoe physique se produire
constamment, lorsque certaine» condiiion«> ■ tes sont
réalisées? N"e$t-il pas vraisemblable que ce .>os mé-
caniques se réalisent en Tertu des lois mathématiques ; et
ne s'ensuii-il pas que la nécessité maihénatique elle-m«^me
garantit l'existence nécessaire du monde physique ?
Cette déduction est purement abstraite ; car, eo ce qui
concerne les choses réelles, la nr< fias
certaine ; et rien ne prouve que b •os
mécaniques des phénomèues physiques ne soit pas précisa
ment l'un des cas où se manifeste la > iioe du noa-
vt ment II est remarquable que ces ' .^ dépasaem
comme intinimeot, eu complication, toulM les combinaison»
que l'honime peut imaginer eu assemblant un : ' '~ flni
d'éléments mathématiques déterminés. Aussi 1 .ou
des mathématiques à la physique concrète ne donne-t-elle
jamais que des résuItalA approtimatifs. On pense, il est vrai.
que, si Ton connaissait toutes les conditions mécaniques des
phénomènes physiques, on pourrait prévoir ceus-ci avec une
certitude absolue. Mais il s'agit de savoir si le concept « toutes
les conditions i répond à quelque chose de réel ; s'il eiisfe,
pour les phénomèoM physiques, un nombre fini de rondi*
tions mécaniques enlièrement déterminées. Ensuite, lors
même que l'on pourrait ainsi déduire le phénomène phv»ique
de ses con'
Ton en po 1 1 r <
et ainsi indéfiniment? Pourrait-on établir que nulle part,
dans I ^^ive dMcaiUM MéeaoiqvM. aese g1i»r
la m<., ,1. ♦
»ES CORPS 69
(>tte hypothèse ponrrait sembler gratuite si le moQTcmeni
prtisoiiiaii partout les mt'mos apparences, et n'existait jamais
que pour Ini-mt^me. Mais, tandis que, dans le cas des phéno-
mènes mécaniques onlinaires, le mouvement, manifestation
d'une résultante, est purement el simplement un rhanj^e
meut survenu dans les rapports de position de plusieurs
m»sses étendues ; dans le cas dont il s'agit, le mouvement,
caché dans les replis de la matière, demeure sans résultante,
mais supporte des propriétés nouvelles et supérieures. Kela-
tivement simple dans le premier cas, il est, dans le second,
d'une complication comme infinie. On ne peut d'ailleurs
concevoir comment un mouvement quelconque aurait dans
un autre mouvement sa raison suffisante et il peut suffire
d'une variation extrêmement faible dans les mouvements
ëlémeutMires pour entraîner, dans les conséquences éloignée:»,
des changements considérables. S'il en est ainsi, n'est-il pas
vraisemblable qu'il y a une part de 'contingence dans la
production des conditions mécaniques des phénomènes phy-
siques ; et que l'apparition de ces «lerniers, encore qu'ils
puissent être liés uniformément à leurs conditions mécani-
ques, est contingente elle-même?
Cependant le monde physique, comme tel, a lui aussi sa
loi. Les phénomènes ne s'en produisent pas au hasard. Si
celle loi est absolue, l'intervention du monde physique dans
le monde méctuiqu*», coniiiigenie par rapport à oelui-ri, sera
en définitive régie par une nécessité interne propre au monde
physique lui-même; et par conséquent, ce qui était en partie
indéterminé quand on se plaçait à un point de vue pure-
ment mathématique, .ipparaltra comme entièrement déter-
miné, lorsque l'on tiendra compte des actions physiques
proprement dites qui influent sur le cours des pbouo-
mè nés méeaniques. Ainsi L iHan<>ie Ijrann» semblait errer
/U DE LA COnTi:^CiK:<CB DM 1.018 DE La IiATt nt
au haMrd, alom que r«n ignorait l'exitleoce de Noptane.
Mais comment déterminer b lui propre au monde plty«ique,
distingué du monde mécanique? La acicnce positive aban-
donne de plus en plus le point de vue descriptif, qui oc peut
fournir de données précises, et ramène, autant que pos-
sible, tes phénomènes physiques, relativement qualitatifs, à
des phénomènes mécaniques relativement quantitatifs. Par
exemple, elle n'étudie pas la chaleur elle-m^me, mais bien
dans son équivalent mécanique. Klle cherche de mémel equi*
valent mécanique de l'électricité et des autres ageots physi*
ques. De la sorte, c'est aux mathématiques elles*mémes que
revient la Uche de déterminer scieoliiiquemeDt la loi des
phénomènes physiques.
Si le parallélisme que suppose cette roéibode ett absolu,
il ne peut être question d'une coniinppuce propre -rit
non mécanique des phénomènes pli)>iques: la 1< , , ^ue
mécanique donne exactement la mesure de la loi physique
proprement dite. Or est-il certain que l'ordre mécanique
impliqué dans l'ordre physique rn suit, à la lettre, l'équiva-
lent ?
En un sens, lexpresMon «i « cqiiivaieiice » \>' ir-
faiiement légitime : il peut être exact que tel i ne
physique, considéré isolément, est toujours accompagne de
tel phénomène mécanique. Mais en ce sens, l'equi^vlence
mécanique des phénomènes physiques ne peut fouinir la loi
propre à ces derniers, parce qu'il reste à savoir s il n'y a pas
action et réa( tinn entre les deux ordres de phénomènes, el
si l'élément physique proprement dit n'influe pas sur l'éléroeot
mécanique.
Pour que la loi mécanique puisse être considérée conine
la traduction de la loi physique proprement dite, il but que
l'équivalentt* eiiite, non seulement entre leN ' Iretde
fait», mai» entre les deux ortires de i cuire
DES CORPS 71
l'enchaînement des faits physiques el l'enchatnement de leurs
conditions mécaniques. Or celte seconde équivalence semble
inintelligible, parce que, tandis que la variable est homogène,
rélément qui doit en être fonction est hétérogène. Le mou-
vemeot est susceptible de changer d'une manière continue:
il n'en est pas de même de la transformation d'un état phy-
sique ou chimique en un autre. Quels sont les étals physiques
intermédiaires entre l'état électrique des pôles de la pil« et
l'état lumineux du charbon ? Les états physiques proprement
dits peuvent-ils varier aussi peu que l'on veut, de même que
leurs conditions mécaniques? Enfin, n'y a-t-il pas des cas
où te parallélisme semble eiTectivement violé, comme lorsque
Tadditioii d'une faible quantité de mouvement transforme
un phénomène chimique en phénomène lumineux et un phé-
nomène lumineux en phénomène calorifique, ou fait passer
un corps d'un état à un autre, c'est-à-dire produit brusque-
ment un phénomène tout nouveau ?
Ainsi il n'y a pas équivalence complète entre l'ordre des
phénomènes physiques proprement dits et celui de leurs con-
ditions mécaniques ; et la loi des uns o'est pas préjugée par
celle des autres.
On est donc amené, pour juger de la nécessité interne du
monde physique proprement dit, à l'examiner en lui-même,
c'esl-i-dire à laisser de c6té la partie mathématique des
sciences physiques pour eo considérer la partie descriptive.
Il est < I 'le vue, on ne peut arriver ii des
résnli.r . ^ à ceux que l'on obtient en consi-
dérant aoiqueroent les phénomènes mécaniques engagés
dans les phénomènes physiques. Mais la science roaili :n^
tique n'est apparemment pas le type unique de la cui^
tance. Quelle sera donc, en ce sens, la loi du monde phy*
tique?
£o dépit de« appareoces.il n'est pas vraiA«mhl«hfe qie la
72 ne la comtincencb des lois dr la ratuiii
cbalfurqai survient ou dUparalt. lorsqu'un aoaremoat tf«
Innslaiion se change en mouvement molerulaire et récipro-
quement, oai«6e de rien ou snit anéantie. On peut admeiire
qu'il etisie un élal latent, sinon de la chaleur mécanique
(laquelle n'est que le mouvement moléculaire), du moiot
de la chaleur physique au|)erposée i ce moment; et que la
chaleur physique demeure dan» cet état, quand elle n'est pat
sensible. Eo somnie, le monde physique se conserve comme
le monde mécanique. Les mêmes a((enls subsistent avec les
mêmes propriétés ; et la quantité de matière chimique de-
meure sensiblement la oiéme. On peut donc se demander s'il
n'y a pas, au sein do monde physique, un principe de nécea*
silé qui consisterait dans la conservation de l'action physi
que elle-même
Il peut sembler, au premier abord, qu'en admettant celle
loi, on ne ferme pas tout acres à la contingence dans le
monde physique. Celle loi implique sans doute l'éicalité de
l'état conséquent par rapp«>rt à Iriji aniii< ëdeni, au poini de
Tue physique lui-même; mais elle o'eiige pas immédiate-
ment que le passage de celui-ci i celui-li soit odeeaaaàrt;
elle détermine riniensitê, non le mode des phëaomèBie;
elle mesure la force, elle n'en assigne pas l'emploi. Dès lors
ne peut-on penser que celle loi énonce simplement la con-
dition sous laquelle se produisent des transformations d'ail-
leurs coutin^senttfs?
Mais, pour que le changement d'étal s'eipliqoe physi^«e>
ment, il faut qu'une ou plusieurs circonstances physiquee
soteol veanes s'ajouter aui conditions donnéea o« ^nt eer>
lainee de ces conditions aient dispam, ee qei tappoee lia-
tcrventioo ou la disparition d'une certaine quantité d'action
physique. Les modes ne sont que des absiraciions, b1Is n'ont
pa» quelque intensité. Ce serait donc vainement que l'on
(lifrrhaleoi dansie monde pbysiqne des marques de contla-
DES CORPS 73
gcnce si la coDsenaiioD de l'aciion physique devait être
admise d'une façoa absolue Mais celle loi est elle évidente?
D'abord elle ne résalte pas de la définiiion même des pbé>
fl(, it's, puisque l'idée d'une puissance de chan*
gei lans le corps ne détermine évidemment pas
l'intensité de cette puissauc c
Ensuite elle ne peut être rapportée à un principe synthé-
tii]ue a priori, puisqu'elle est relative à une forme de l'être
duot nous n'aurions certainement jamais l'idée, si nous étions
réduits à la raison pure.
Si elle est nécessaire, ce oe peut être que d'une nécessité
de ^ait, établie par l'expérience et l'induction. .Mais, à ce
point de vue encore, la probabilité est du coté de la contin-
f-nce.
la iliéorie des états latents est, sans duule, plausible, du
M.ttment où l'on n'admet pas que les états physiques propre-
ment dits soieois des mouvements métamorphosés. Mais elle
ne garantit qu'imparfaiiement l'égalité des actions physiques
aiitecedentesctconsequeiites.il est en efTel invraisembbble
qu'un état latent implique la même quantité d'action que
l'étal manifeste correspondant. On peut, il est vrai, supposer
qu'en même temps que telle propriété physique passe i
l'état latent, telle autre se manifeste, et réciproquement; et
qit' iiiaintient dans l'univers par suite d'uno
riMi 'lelle. Mai> cette hypothèse sur l'en-
semble des choses dépasse le champ de l'expérience. Noua
ne pouvons même savoir, par elle, ai l'ensemble des chosea
est une qnaniii«' finie.
Kn elle-même, la loi de la conservation de l'action phy»
siqiie se prête mal à la vérification expérimentale. Kilo
implique une unité de mesure de l'ordre physique propre*
ment dit. Or, l'hétcrogéuéité réciproque des étals physi*
ques met obstacle à la comparaison quantitative. La
7 » DR LA CONTINGENCE DES LOIS DE LA NATI'RB
|iart lin changement tVmportc âé\k sur la part de ta portna-
oencc, parce qne l'olémenl qualitalif Joue dcji oo rb\e coa>
sidérable. Les lois physiques et chimiques le» plut elëmeo-
laircs et les plus générales énoncent des rapports entres des
choses tellement hétérogrnet, qu'il est impossible de dire
que le conséquent soit proportionnel à ranlëcédent, et ea
résulte, i ce litre, comme l'efTei résulte de la cause. L'élé-
ment fondamental commun entre raolécédeot et le COO'
séqurni, condition de la liaison nécessaire, nous échappe
presque complètement. Il n'y a là, pour nous, que les liaivonc
données dans l'expérience et contingentes comme ell<-
Ainsi on peut admettre qu'il va quelque chose de coniin-
gent dans les rapports fondamentaux des phrnomrnes phy-
siques proprement dits; et, s'U csl vrai qne les lois propres
au monde mécanique ne sool pas absolument n <^,
on peut concevoir que let agents physiques ini ut
dans le cours des phénomènes mécaniques, de manière i y
susciter les conditions de leur réalisation oir de leur* varia*
lions contingentes.
S'il en est ainsi, le monde physique n'est pas immuable. I.a
quantité d'action physique peut augmenter ou diminuer dans
l'univers ou dans des portions de l'univers. N'e^t-ce pas, en
effet, ce qui semble s'être produit i travers les siècles,
s'il est vrai qu'une matière coimique élémeouire, presque
aussi uniforme que l'espace ini-m<^me, s'est peu i peu agré-
gée pour former des astres doués de lumière et de chaleur;
et que du sein de ces astres est sortie une variété infinie de
corps, de plus en plus riches en propriétés physiques et
chimiques ? N'est-ce pas, en sens inverse, ce qai semble se
produire sous DOS yeux, s'il est vrai que certains systèmes
sieltaires perdent peu à peu leur éclat et leur chaleur, et
marchent vers une dissolution qui les fera retourner à l'étal
de pon««ière indiniinrief
DES CORPS 75
Et, si de pareilles révolutions s*accomplissen\ daos cer-
taines parties de l'univers, qui peut aftirroer qu'il se produit
ailleurs des révolutions exactement inverses qui rétablissent
l'équilibre?
Les lois particulières paraissent nécessaires parce qu'elles
rentrent nécessairement dans les lois générales; mais, si les
lois les plus générales, trame des lois particulières, peuvent
▼arier, si peu que ce soit, tout Tédifice du destin s'écroule.
L'ensemble n'est que la somme des détails. La forme de
l'ensemble oe peut être contingente que s'il y a dans les
parties un élément indéterminé. Mais, si la contingences des
lois générales n'amène que de faibles variations pour des
masses immenses et des périodes de temps considérables,
comment les éléments de ces variations apparaltraient-ils à
l'expérimentateur qui opère pendant quelques instants sur
quelques parcelles de matière?
CHAPITRE VI
DES ftTRBS TITAUTS
Si de l'examen des corps iDorgsniqiies on passe, sans
transition, i l'examen des types élerës des règnes animal et
végétal, on ne comprend pas comment les premier» poor^
raient engendrer les seconds; et l'on rëpagoe à croire que
les lois physiques et ctiimiques sunisent i expliquer les phé*
noroènes physiologiques. Mais, lorsque, ft'-^'nt l'ëchella
des êtres vivants, on voit peu à peu les > se con-
fondre, les organismes se simplilicr, la conforroation devenir
plus flottante ou se rapprocher des figures géométriques;
lorsque, finalement, on arrive k ces êtres rndiroentaires qui
tiennent le milieu entre l'animal et le végétal, ou plutôt oa
sont encore ni des animaux ni des végétaux, et qui ne coo-
sistent guère qu'en une masse homogène et informe de
matière alhuminoide où la vie ne se révèle plus que par la
nutrition; ou bien encore lorsque, remontant la série des
phases qui précèdent l'état parfait des êtres supérieurs, on
dëcoorre une analogie entre ces pli ' ^ i
des espèces inférieures; lorsque l'on '
différents provenir de parties à peu près semblables, ces
parties ellea-ménx- nent se ramener à
WiéléiBentmicru> . _ M-mcnt d'une «ouche
solide, d'une couche molle et d'une couche liquide: on peut
»e demander si le BODde fÏTant, pareon eitréniité inférieure
DES ÊTRES VIVANTS 77
du moinB, ne lient pas au monde inorganique; et si le simple
jeu des forces physiques et chimiques ne suffil pas i engen-
drer, non, sans doute, immédiatement les organismes com-
pliqués, mais tout d'abord la matière virante élémentaire,
et ensuite, par cette matière même, toute la hiérarchie
J«^s formes organiques.
^i d'ailleurs on analyse les principes de la rie, on n'y trouve,
scm!>le-t-il, aucun élément qui n'existe déjà dans le monde
idorganique.
i.a matière albumiooîde des cellules est composée princi-
paiement de carbone, d'oiy^rone, 'I • ne et d'azote.
Quant au mode de corobinaisou de rt^ ils et à l'insta-
bilité extrême du corps organisé, ces caractères peuvent
t*ex ' ar des rapports de nombre, de poids, de forme,
ée i parle mode de mouremeot moléculaire, ou bien
encore par quelque propriété physique de l'un des compo-
sants, du carhune par exemple, propriété qui, d'ordinaire
latente, se nianifesterait ici en vertu de$ conditions spéciales
où il est placé. Ne voyons-nous pas, dans la chimie inorga»
nique, les composés les plus divers résulter de la combinai»
son des mêmes éléments, pris dans des proportions diffé»
rentes?
Les fonctions des cellules ont aussi leurs analogues dans le
monde inorganique. Elles produisent denouvellescellules eu
convertissantdes substances él«>mentaires en protoplasma. A
l'origine, dans les cellules non encore munies de membranes,
celte conversion a lieu sans intussusception: or an cristal,
plongé dans une dissolution de nature chimique identique
avec la sienne, à l'eiai de sursaturation, fait cristalliser le sel
contenu dans ce liquide. Les cellules prennent des formes
dét' ■•'elles: il en est 4t
m»ii rer de forme saot
différer de composition chimique ; et l'on en voit qui, lorsqu'ils
78 DE LA CONTINGENCB DES LOIS DE LA RATUBI
tont lëgèrrroent ëbrëchés, reprennent leur forme dant une
dissolution saline con? enable, aux dépens de celle dissolution
anéme.
KhRi) let cellule* se combinent et forment des systèmes.
ainsi dos gouttelettes de mercure se confondent dans une
goutte totale.
Il semble donc qu'il n'y ail, entre le monde vivant et le
monde physique, qu'une différence de degré : une plos
grande diversité dans les éléments, une plus grande puis-
sance de différenciation, des combinaisons plus complètes.
L'observation des êtres vivants, considérés au point de vue
de leur nature actuelle, confirme t-elle de tout point ces in*
diirtions fondées sur leur gcncse?
Une cho.<ie est d'abord remarquable, c'est que si, dans le
monde mathématique, la matière mobilesemblait. au premier
abord, posée avantle mouvement, et, danslt- ' if*,
en nK-ine temps que lui ; ici les apparences i:.^ .us
montrent le mouvement comme posé avant la matière corre<-
pondante, le cliati/eincut «-unuiir ( l'être, le travail
organisateur ronune précédant I ' . >'-. Le « mot vie •
signifie avant tout « mouvement automatique ». L'être vivant
ii-iiisriirme ronlinuetlement: il se nourrit, se dfveloppe,
iidn* d'autres êtri's; il «;st d'une instabilité, d'une Oetibi-
lité singulières. Une vapeur, une goutte d'eau menace son
or il se modifie lui-même en tous Sens, il fait
l'uvres pour passer «ans encombre, s'il est possible,
entre les innombrables écueils dont sa route esl semée. Il
y a une disproportion frappante, chn l'être vivant, entre le
r«'de de la fonction et celui de la matière, quelle que soit
d ailleurs l'origine de la fonction. La vie, même avec un
nombre d'éléments plus resirrint que celui qu'etpluite la
force physique, produit des oeavrci bien autrement puis-
santes puisqu'un brin d'herbe peut percer un rocher.
DES ÊTRES VIVANTS 79
En (]uoi consiste Pacte vital, Torganisalioa? Il est clair
qu'il n'est pas sufrisamment défini par le terme de combinai-
ton. Il ne consiste pas dans la formation d'un agrégat ana-
logue à un morceau de soufre ou à une goutte de mercure,
mais dans la création d'uB système où -certaines parties sont
subordonnées ik certaines autres, il y a, dans un être vivant,
un agent et des organes, une hiérarchie.
Cet ordre hiérarchique a til sa raison suffisante dans la
propriété qu'ont les éléments anatomiques d'acquérir des
formes dirr«'renics les unes des autres? — Non, sans doute,
parce qu'il faut que la différenciation ne se produise pas au
hasard, pour que certaines parties se subordonnent aux
autres; il faut que la rellule se comporte autrement que la
matière chimique proprement dite, laquelle, à travers les
différentes formes qu'elle revél, ne parvient pas à créer de
systèmes hiérarchiques.
Mais peui-circ celte difTërenciatioo appropriée s'explique-
t-elle par les conditions différentes de la production et de
l'existence des différentes cellules? — Encore faut-il que les
cfllules puissent naître et subsister précisément dans les con-
ditions requises pour déterminer des différences de valeur.
On ne voit pas une telle flexibilité dans la matière inorga-
nique.
l'eut-on dire enfin que les principes qui expli(|uent toute
(»rganisaiion sont les conditions internes, la composition chi-
mique des métériaui élémentaires, c'est-à-dire des cellules?
— Mais la cellule, en supposant que tout élément vivant s'y
ramené, est un être qui possède déjà, dans une certaine
mesure, les caractères mêmes qu'il s'agit de résoudre en
'S : la hiérarchie des parties et la fa-
i-ellules nouvelles, entre les parties des-
quelles s'établira la même hiérarchie. Le protoplasma est,
dans la cellule, une partie maîtresse. Il crée le noyau liquide
80 DE LA CONTINGETICB DIS LOIS DE LA NATmi
et la mfnibranê rigidf , et il ><ianre i un étrt
disiinci, en iitrndaiit que, ] >ppemenl roénie, U
produi&e d'autres êtres qui, eux aussi, s« feront une cils*
tenre disiinrie. I.:i Hi des orgaaismeii i la cellule o«
fait que reculer b
Eu somme, la fonction Tiiale semble être une crt'ation,
sans commencement ni fin, de systèmes dont !• f,r^
sentent, non seulement de i'hélërogénéitë, m:<i <• nn
ordre hiërarcbique. L'être vivant est un Individu, on plut6t,
par une action continiiplle, il se crëe une iti' ' ' i.'- et
eufendre des êtres capables eux-roéroesd'indiM i or.
ganisaiion est l'individualisation.
Or celle fonction ne parait pas exister dans la maii< re
inorganique. Les substances chimiques, si composées quelles
soient, n'offrent à la division mécanique qiie des parties si»
niibires, et, par conséquent, ne comportent pas laditr«'ren-
ciation, la division du travail et Tordre hiérarchique. Il n'y
a pas d'individus dans le monde inorfranique, et il n'y a pas
d'individualisation. L'atome, s'il existe, n'est pas an indi-
vidu, car il est bomog(>ne. Un cristal n'est pas un individu;
car il est, indiTiniment peut-être, divisible en crislant sem-
blables actuellement existants. Dira-t-on que les svslèmes
ct'lesles, composés d'un astre central et de planètes qui en
dépendent, nous offrent l'analof^ue de l'indiridualitéf Ces
s^^tènles comportent, il est vrai, une sorte de hiérarchie
apparente: mais ils ne sont pas, comme les êtres vivants,
déiomposabics, jusqu'à leurs derniers «-léments, en syslmies
capables d'individualité. La force pb)>ique semble essajer,
d.ins l'inAniment grand, ce que la vie réalise, dès l'inAni*
meut petit. .Mais elle ne peut atteindre qo'i la ressemblance
e lerieure.
Ainsi l'être vivant renferme an élément nouveau, irrêduc»
tible aux propriétés physiques: la marche vers an ordre
DES ÊTRES TrVAMS 81
hiërarchiqoe, l'individualisaiion. Le rapport qui existe entre
les propriétés physiques et les fonctions vitales n'est donc
pas immédiatement nécessaire, comme il arriverait si les
secondes étaient, d'avance, contenues dans les premières.
Cependant, même à titre de lien entre des choses radii ale>
ment distinctes, ce rapport est nécessaire s'il est affirmé
dans ane synthèse causale a priori. Or en est-il ainsi?
Le concept de la vie est>il construit par l'entendement pur?
Si l'on entend par la vie un principe un, sim|ile, immaté-
riel, qui coordonne des moyens en vue d'une fin, l'idée de
la vie ne peut dériver de l'observation des êtres vivants. Car
nous ne voyons pas qu'ils aient jamais une unité absolue. Ce
sont, il est vrai, des organismes; mais les parties en sont
elles-mêmes des organismes, doués, dans une certaine
mesure, d'une vie propre, jusqu'à ce que l'on arrive à la
cellule qui, en se segmentant, donne naissance à plusieurs
cellules, et, par conséquent, n'est pas*radicaleinent une. De
même, l'idée de la finalité organique oe résulté certaine-
ment pas de l'expérience. Celle-ci nous montre sans doute
des organes en harmonie avec leurs fonctions; mais elle
ne Doas apprend pas si l'organe a été créé en vue de la
fonction, ou si la fonction est simplement le résultat de
l'organe.
Ainsi l'idée d'un principe vital on et Inlelligenl est i la
V- rite une idée a priori, mais cette idée n'est nulle»
nii-nt présupposée par la connaissance des êtres vivants. Si
elle peut être admise, c'est comme interprétation métaphy
sique des faits, non comme point de départ de la recherche
expérimentale. On ne voit pas quel secours peut prêter à
robsenralioD et à l'explication scientifiques des phénomènes
le concept d'une essence qui n'est pas du même genre qu'eus,
et qui, par suite, ne saurait fournir une règle applicable aux
cas fournis par l'expërieDce. Ces principes transcendants,
82 DB LA COirriffGBNCB DIS LOIS DB LA RATUBl
appliqués à la science, risquent de gêner et de fautter I'od-
tervaiion.
Mais, dira-t-on, la biologie est, à tout le moins, dominée
f I par les deux idées suivantes. D'abord la TÎe est la
r< I d'un type et, comme telle, est un lien de con-
nexion entre les parties: quand un organe est donne, Tor
g iiexe doit être donne également, fâl-ceii l'état ro-
il • . L'être vivant est un tout Ensuite, la vie est une
action commune, et les organes sont construits de manière
i pouvoir y concourir: il y a corrélation entre leurs rôles,
et, par suite, entre leur formes. En ce sens, l'être vivant
est un système harmonieux.
Il est vrai que ces deux principes sont impliqués dans la
biologie; mais ils ne dépassent nullement la portée de
l'expérience, et c'est elle-même qui les a révélés. L'unité n'y
est conçue que comme rapport constant de juxtaposition, et
l'harmonie n'y est conçue que comme influence réciproque.
La liaison, d'ailleurs, n'est considérée comme absolue, ni
dans la loi des connexions, ni dans la loi des corrélations:
d'autant que chacune de ces deux lois, prise absolument,
pourrait faire tort à l'autre. La conservation du type pour-
rait nécessiter l'existence d'organes d'ailleurs inutiles ; la
conservation de l'individu pourrait nécessiter des dcro»
gâtions i la forme typique.
Ainsi la vie, considérée comme totalité et harmonie,
comme unité statique et dynamique, n'est pas l'objet d'une
notion à priori Le rapport qui l'unit aux propriétés physi*
que» nous est donné par rexprriince et en partage los
caractères.
Mais, si ce rapport n'est pa» nrrosuire en droit, ne peut-
on soutenir, au point de vue même de l'expérience, qu'il est
nécessaire en fait? La vie n'est-elle pas partout répandue
dans la nature; etl'ioimobiliiédela matière inorganique est-
DES ÊTRES VIYANYS 83
elle autre chose qu'uD engourdissement et un sommeil ?
f'uisque cette matière se transforme en subsiunce vivante,
ne faut il pas qu'elle participe déjà des propriétés vitales?
Cette thèse se soutient sans doute si l'on mutile la défini-
tion de la vie, si on la réduit, par exemple, à l'idée de la
roissance et de la confonnation pures et simples, proprié-
tés déjà inhérentes aux corps appelés bruts. Mais, considé-
rée dans son tout, dans sa forme comme dans sa matière, la
^ic, ou création d'un ordre hiérarchique entre les parties,
n'iipparait pas dans le monde pliysiqiie proprement dit. Ce
muiide ne nous offre rien d'analogue à une cellule. Dira-l-on
que la vie s'y trouve i l'état de puissance, etqu'elle n'attend,
pour se manifester, que les conditions favorables? Mais
c'est précisément de la vie manifestée qu'il s'agit ici. Car, si
la manifestation peut être une circonstance indiftéreute aux
yeui du logicien qui ne considère que les concepts, elle est
la circonstance capitale aux yeux du paturaliste qui considère
les choses elles-mêmes.
Cependant, pour que l'apparition de la vie puisse être
'«nsidérëe comme nécessaire en fait, ne suffit-il pas que
' it>- :i| M irition ait toujours lieu, lorsque certaines conditions
«.'-Ul I i.al(M.*eS ?
Il ne peul être ici question que de conditions purement
physiques. Car il y aurait cercle vicieux à déduire la vie,
mt^me par voie d'héiérugénie, d'une matière déjà organisée.
Ainsi, pour soutenir celte doctrine, il faut pouvoir affirmer
(jii ' " >iis au milieu desquelles la vie ap|>.i: >-
i.i i vrai que la vie ait ainsi des an s
invariables) sont purement physiques, et quanti leurs • l<-
nKMits, et quant à leur mode de combinaison. Ce u'esi pas
lotit. Comme un état de choses purement physique en lui-même
peut être le résultat plus ou moins éloigné d'une interven-
tion étrangère, laquelle, après avoir opéré dans l'ordre des
84 DE LA C0NTIN6E!(CK M8 LOIS Dk LA ri ATI HE
pliéiiom''nc« un** d<>viaUoD pla« oo moin» con '
•arail lais&v le^ c' Otrs rf(imnlp> Irur tour» nom
prouver que les condidoDS au teln desquelles t'eti roaoife^•
lëe la vie cul été amenées, hi haut que l'on rrin '-■-
l'échelle des causes, par des (irconsiauces pureu i
ques. Il De suriiraii pa» d'une expérience de laboratoire pour
dcuiouircr l'ori^iue physique de la vie, parce qu il resterait
à savoir si le monde physique peut, iiar lui-rof me, crôer des
conditions analogues i celles que pose leiLpënmealaleur in-
telligent.
Et la matière vivante, dont l'apparition doit élre ainsi expli-
q*ioe, n'est pas simplement tel ou tel pniduit orga' u
organisé, roipme l'urée, les étliers, les sucres, le- -.
lacide acétique, l'acide forniique, etc. : c'eai la corfM actif
simple, l'élément rapahled'assimil;iii
le prolopbhma, li-quel se crée une <
devient un cellule, se nourrit, se développe, produit d'autre»
cellule!», r^ril vsl munifole que l't^tre vivant a la i
créer des produits qui ne sont pas vivant» comme In
cumpiir des actes en partie et même de tout point physiques
ou mécaniques; de même que le mon' ' ' '
mique donne naissance à une muliiiudt* il'
ment mécaniques. Une cause ne sa retrouve pas nécessaire-
ment tout entière dans ses effets. S'il arrivait que le pror)-:it
or}:;iuique dont on aurait expliqué pliysiqurmeutla ttaiss.<i> >
fût au nombre de ceux à la romiatiuu dcoqueU la vie, connue
telle, ne contribue (las, et qui ne sont qu'un contre-coup
éloigné et purement mécanique de l'inipuUion vitale, il ser;iit
iltt'giiime d'étond.e celle cxiili. ;iiion physique i tous les
actes physiologiques sans cxco|iiion,
Kufln, ces difBcultës vaincues, U reste à montrer qoe, la
cellule riant donnée, tous les êtr^s " ite-
mrul doDués du même coup, c'e^t-à t tous
DES ÊTRES VIVANTS 8"
de la cellule suivant uoe loi de Décessité; que les structures
et les fooclioDs les plus complexes irouveni. dans cet orga-
nisme élémentaire, leur raison suffisante.
O ■■ : rations parait dépasser inrin»
:il. iice. Comment rattacher, par
un lieo nécessaire, les conditions physiques des êtres vivants,
notamment des êtres supérieurs, aux phénomèues du monde
physique prupremeut dit? Comment prouvt-r que nulle part
les phénomènes physiques ne sont détournés du cours qui
leur est propre par une intervention supérieure? Il est visible
qu'il y a, au point de vue de la complexité, une grande dis-
proportion entre les corps inorganiques les plus élevés et
les corps organisés, même les plus élémentaires. De plus,
cette complication physique singulière coïncide avec la
pr< qualitt's nouvelles, d'un ordre tout difTérent et
d II! tiou cerlainemenl plus grande. N'cst-il pas vrai-
X inblable que la révolution qui s'est produite au sein de la
matière inor- ' r ces combinaisons iuatten-
dues a été d i :iient par les essences supé-
rieures ; que la vie a posé elle-même set conditions physiques?
Selon celte doctrine, il y aurait efreciivemcot relation de
cause à efTet entre les conditions physiques et la vie, mais
c'est la vie qui serait la cause.
Il o'est d'ailleurs pas nécessaire d admettre que l'influence
delà vie se fait sentir brusquement, et que le progrès se
réalise par sauts. L'action du principe supérieur peut être
plus ou moins insensible aux yeux de celui qui considère des
moments de l'évolution très voisins l'un de l'autre. Il peut
sembler alors que les forces physiques agissent seules. On
conçoit aussi que, dans certains cas, le principe supérieur
laisse, eo quelque sorte, aux forces physiques le soin d'à-
chever par elles-mêmes ce qu'il a une fois préparé, lorsque
les furcrs f)liN >.iiiiies sont sofC.'<aritr!> pour cet olijft. Dans ces
86 DE LA CONTINGCNCB DES LOIS DE LA IfATCRI
ca», le pasMge de* cooditioDs au conditiooDé, ao f^in même
de l'être TiTant, leraii purement physique, bien que la vie,
comme telle, fût un principe spécial.
' S'il eo est ain&i, le» éicmcnt», la matière de la vie tout, il
est vrai, exclusivement des forces physiques et chimiques ;
mais ces matériaux ne rcsient pa» bruts : ils sont orc!"
harmonisés, disciplines en quelque sorte par une ini-
tioD supérieure. La vie est, en ce sens, une véritable créa»
tion.
Mais, si la vie D'est pas enchaînée aux agents physiques,
ne porte-t'clle pas en quelque sorte l<
même? N'obéit -elle pas à des lois spé« i <>-
giques, qui ne laissent que peu ou point de place à la eon-
lin(^ence 7
Ht d'abord, n'y a-t-il pas correspondance exacte entre les
phénomènes physiologiques et les phénomènes physiques ?
N'y a-t-il pas, par conséquent, au sein du monde vivant, un
principe de liaison analogue à celui qui existe dans le monde
physique? Et, bien que la vie ne soit pas un phénomène
physique, la part de contingence qu'elle admet n'e«t-elle
pas exartoment mesurée par celle que comporte le monde
physique proprement dit T
il est sans doute vraisemblable que toute modifiraiion
physiologique est liée à une modification physique détermi-
née. Mais, s'il est déjà difficile de comparer entre eux, au
point de vue de la quantité, les phénomènes physiques ; et
si l'on est réduit, quand on y rherriie un élément scientil-
quement déierminable. à en mesurer les conditions méca-
oiques : n'est*il pas plus difficile encore de trouver une unité
de mesure physiologique, qui permette d'établir la corres»
pondanrc du monde vivant et du monde phjaiqne, en ce qui
concerne les rapports respectifs des pbéoem^n** H.»* ^•»\
DRS ÊTRES riVANTS 87
ordres 7 Comment ramener à une même unité spécifique la
diversité des formes et des fonctions vitales? Il faut pour-
tant avoir mesuré les variations respectives de deux quan-
tités, pour pouvoir considérer l'une comme fonction de
l'autre.
D'ailleurs, la vie u e>i-eile pas souvent une hiuc nuitre
les forces physiques ; et ce phénomène se concevrait-il, si
les fonctions vitales n'étaient que la traduction pure et simple
des phénomènes physiques dans un autre langage?
Entin n'y a-t-il pas une disproportion infinie, surtout chez
les êtres supérieurs, entre les changements physiologiques et
les changements physiques correspondants ; par exemple,
entre la transition physiologique de la vie i la mort et les
conditions physiques de cette transition? S'il est vrai que
toute maladie soit une modification, non seulement pliysiu-
logique, mais encore physique, cette modification, qui est un
désordre au point de vue de la vie, en est-elle uo au point de
vue de la matière?
Od 06 peut doDc arguer de la correspondance qui existe
entre les phénomènes vitaux et les pli' >
pour étendre aux premiers le degré de ih h>
dans la loi des seconds. Si l'ordre des phénomènes vitaux
e^i lire, c'est en eux-mêmes que résident la raison et
b >tti cette nécessité.
Les lois essentielles de la vie sembleol être, comme les
lois physiques et mathématiques, une expression appropriée
do la formule : « Rien ne se perd, rien ne se crée. »
I^ loi des corrélations organiques suppose, entre les fonc-
ions partielles et la fonction totale, une relation analogue à
celle qui existe entre des forces concourantes et une résul-
tante déterminée. Si l'une des forces concourantes estmodi
fiée, la résultante ne pourra demeurer la même qu'-iu moyon
de modifications corrélatives subies par les autres force»
88 DR LA COKTIMGtNCt DBS LOIS DB LA NATCllB
coarourantei. Ueméme, 6d pbytiologie, si une fooctioo par*
tielle est roodiflee, les autre* le seront de manière que la
fooctioD totale reitle possible. La loi des correUtioni p«ut
donc «e ramener à une loi plut simple, qui serait la pe rroa-
neii«-c de la fonrtiou totale, à travers tous les changements
que peuvent subir les fuuciions partielles.
Mais la fonction totale n'est pas seulement une fin en soi,
elle est encore le moyen par où •« réalise, toit une certaine
forme, suit une certaine matière orfaoisëe.
Or la forme et la matière organiques semblent atoir aussi
leur loi propre.
A la forme se rapporte la loi des conoexioot. Cette loi,
qui a pour corollaire le balancement des organes, suppose,
entre les formes partielles et la forme totale appelé* type,
une relation analogue à celle qui eiiste entre dea velomea
partiels et un volume total détermine. Si l'on des volumes
partiels est modifié, lo volume total ne pourra demeurer le
même que «i les autres volumes partiels sont modilés d'une
manière correspondante. De même, en physiologie, ai uir
organe est modifie, les aetrea seront, non pas •>
mais modifiés eux aussi, de manière que le typ^*
serve. La loi des connexions peut donc m ramener A la
permanence de la forme ou du tvpe.
Quel est maintenant le rapport de cea deux lois entre
elles T
Si la loi des connexions rUiii absolue, c e<(t-j <ii.<-
forme existait pour elle-ui^me. cetii* loi pourrait, (luii> rcr-
tains cas, aller contre la loi des corrélations, en néce»&iLant
la préeenee d'orgaoea d'ailleurs inutiles. Mais, si la forme
n'edete ^ne comme réaaitat des fonctions, si la loi des
eonneiionf oal subordonnée i celle des comélatioai, les
organet deTront tendre i saivre lee variations dea fonctions,
décroître à mesure qn'eliee s'aMblliaent, t'alropUer ^aand
DES fiTRBS VIVANTS 80
elles disparaissent. Or c*es! préeisëment ce qui arrive: et
ainsi on peut admettre que la loi des connexions rentre, en
définitive, dans celle des corrélations.
Enfin la production de la matière organisée semble sou-
mise à une loi analogue à relie de la matière brute. Il semble
qu'il existe une quantité déterminée de matit-re vivante, et
que celle quantité reste invariable, i travers le tourbillon
vital. Peut-être, en effet, rassimilation et la désassimilation
6f s équilibre dans un ensemble suffisamment con-
fci : La statistique, à mesure qu'elle opère sur de plus
larges bases, trouve, pour les naissances et poar les morts,
des nvoyenoes de plus en plus constantes, et de plus en plus
voisines de l'égalité. Pour l'individu même, la vieillesse et
la jeunesse, dans les conditions normales, semblent se ba-
lancer : la dé( adence vient rétablir l'équilibre, qae la crois-
sauce avait rompa.
Cette loi, prise absolameot, semble encore radicalement
distincte de celle des corrélations, parce qu'elle peut impli-
quer ou exclure des fonctions d'ailleurs inutiles ou néces-
saires an point de vue de l'action d'ensemble. Mais, si l'on
admet que la matière org;iiiisée n'existe qu'en vertu de
l'acte organisateur lui-même, la loi qui en concerne la pro-
duction rentre, elle aussi, dans la loi des corrélations.
En somme, de ces trois lois, la première est la mieux éta-
blie et la plus permanente ; et, s'il arrive que les deux autres
paraissent ta contrarier et exister i>our elles-mêmes, ou peut
admettre que ces divergences tiennent, en dernière analyse,
à un manque d'unité et d'homogénéité dans la fonction totale ;
au mélange, dans des proportions plus ou moins Inégales,
de divers modes d'orgariis;<i(i<>n.
La loi suprême da monde vivant semble donc être la per-
III ''S fonctions loiali^s. c'pst-à-dire du degré de l'or-
g.i I, et, par suite, la permanence des tjpes et de la
90 DB LA C0!fTi;<GP.7ICe DKS LOIS DB LA NATURB
mauière orgaoîque elle-même ; en on mot. la cootenratioo de
la vie.
Peut-on soolenir que cette loi n'implique pat la nëcestité
absolue des phénomènes biologiques, en alléguant que la
«onsorvalion de l'énergie vitale ne préjuge pas le mode d*em-
ploi de cette énergie?
Cette iiiterpréiaiion de la loi de conservation ne semble
guère plus foii<1é«> en physiologie qu'en pbysiqae oo en mé-
canique. Les choses ne sont jamais données que sons une
forme déterminée; et les déterminations, le mode d'emploi,
n*en peuvent être modifiées, silon la loi de conservation elle-
même, que par l'intervention de conditions nouvelles du
même ordre, lesquelles altéreraient la moyenne, si elles ne
r^iisaicnl pas, d'avance, partit* du m- me.
Le problème de la nécessité des in, > dani ses appli-
cations, demeure identique dans sa forme générale. En phy-
siologie comme en physique ou en mathématiques, il faut
en venir i le poser en ces termes : la permanence de la
quantité donnée eat-elle nécessaire? Or, quelle n-ponse doit-
on faire à cette question, en ce qui concerne la vie?
On ne peut se fonder sur ladéfiniiiouméme de la rie pour
affirmer qu'il se conserve nécessairement la même somme
d'énergie vitale dans l'univers. Car celle déAniliun lais^
indéterminé le nombre des êtres vivants, et elle admet un
très grand nombre de degrés d'organisation.
On ne peut davantage invoquer un principe synthétique
rationnel {lennettant de construire à priori la science phy-
siologique. Car l'impossibilité d'une telle construciiuu est
manifeste ; el les termes qui constitueraient ce principe,
pour avoir une apparence métaphysique, ne seraient jamais,
dans leur acception utile i la science, que deadoaoéM eipé-
rimrntalcs.
Il ne reste qu'à consulter i'e&périence elle-même, et i voir
DES ÊTRES VIVANTS 91
81 elle garantit, en fait, la permaneuce de la quantité de vie.
Mais il ne paraît pas qu'il en suit ainsi.
L'énergie vitale (même ramenée à des données expérimen-
tales telles qna la complicatiuo de l'organisation ou réparti-
lion du travail, la forme anaiomiqne, et les propriétés de la
matière organisée) est chose presque impossible à mesurer.
Il entre dans ce concept une idée de qualité, de perfection,
qui semble réfractaire au nombre. On ne pourrait dire, en
effet, que la quantité d'énergie vitale demeurât constante,
si, le même nombre de cellules se conservant, les organismes
compliqués faisaient tous place i des organismes rudimen-
lires.
De plus, s'il est vrai qu'un grand nombre de faits mani-
festent la permanence des fonctions et des organismes, il
tant r- ' aussi que d'autres faits semblent im|)liquer
àrs \;ii , hysiolo^çiques plus ou moins profondes. >'fst-
il pas au pouvoir de l'homme de modifier, plus ou moins,
r. i.'s et animales, et d'y créer des va-
n ' ' . mlité d'une éducation, même arlifi-
D'Ile, ne roontre-t-elle pas que les fonctions et les organes,
C' ' dans leur essence même, n'impliquent pas une
iii> ab>olue; et qu'ainsi la quaniiiû de vie, si elle
demeure sensiblement la même dans l'ensemble, ne demeure
pas telle nécessairement ?
Et, si l'on considère les êtres vivants laissés i eux-mêmes,
ne semble-t-il pas qu'il y ait dans certains fails, tels que l'exis-
tence d'organes rudimentaires et actuellement inutiles, la
disparition de certaines espèces, la perfection croissante des
fossiles dans les terrains de formation de plus en plus récente,
la marque d'une force de changement, de décadence ou
de progrès, demeurant, au seio de la nature elle-mOme, i
> la force de conservation?
Iité niistr iJirj t un. nuis r>II<> n'inmliiiiie
•iriBOoi-
92 DE LA CONTIMGEnCK DES LOIS DE LA NATURE
•ucuoe contingence, elle lalite lububter l« oëce»ftilé. Ce
n'est pas qu'elle ail m source et m base dan» le» lois du
règne inorganique : il est eiact que celui-ci ne fournit que
les matériaux et les conditions du déTeloppement organique,
et que ce dëve!opp4>ment a sa caote dans b nature propre
des êtres vivants eiix-ménies. Mais e*est une loi inhérente à
tout organisme, de se modifier lui-même, autant que le corn»
porte sa structure, de manière ise mettre eo baroonie avec
le milieu dans lequel il doit vivre, et de coo»«r?er, d'accu-
muler en lui, de transmettre même k sa descendance les
modifications ainsi survenues. 1! existe, dans les étr«*~ m
vants, une puissance d adaptation et une puissance d h^Li
lude hérédiuire. Il y a chez eux, i c6td de la permanence,
le changement, mais le changement nécessaire, déterminé
par une loi immnatile d'accommodation, et fixé dans l'habi-
lude, qui, elle aussi, est une faulité. Ces deux lois expliquent
toutes les variations orgai^ \ ont pu ou peuvent se
réaliser. Elles assignent ' ..<'. d'elles un antécédent
constant ; de sorte que les transformations les plus profondes
apparaîtraient comme eniiércment déterminées, si l'on con-
naissait l'ensemhle des circonstances au milieu desquelles
elles se produisent. Ainsi la nécessité règne dans le moi>d«
vivant comme dans le monde inorganique. La seule diffé*
rence, c'est que la loi fondamentale «»1 dans celui ci un*
loi d'identité essentielle, dans celui là une loi de changement
radical ; dans l'un une loi statique, dans l'autre une loi
dynamique.
Lst-il admissible qu'une variabilité radicale se concilie avec
un enchaînement nécessaire?
S'il est illégitime de soutenir que, dans le monde inorga-
nique, le changement, qui trahit la contingence, n'est qu'une
illusion, et que la seule réalité est la formule matbéaaliqne
qui demeure la même sous la variété des pèdsMnèaes, Il 0e
DES trtnTS TiVAîrrs 93
l'est pas moins de ramener le rhangement i la nécessité
lor«<qae, la matière n'étant presque plus rien, l'acte devenant
presque tout, on pressent qu'on laisserait échapper la réalité
e si Ton persistait à tenir le clianpcment pour
Cl lit phénoménal. Les formules à l'aide desquelles
on pense démontrer l'enchaînement nécessaire des phéno-
mènes biologiques n'ont pins la précision de celles qui
énoncent la couservaiion d'une quantité de force mécatiique
donnée. Le calcul s'applique mal à la mesure delà flexibilité
et de l'habitude ; et l'on ne vuit pas comment on pourrait,
sur de pareils fondements, établir une science déduciive,
dénotant, entre les faits, des relations vraiment nécessaires.
C'est qu'an fond ces principes, auxquels on donne l'aitpa-
rence de lois nécessaires en les jetant violemment dans le
moule des formules mécaniques et physiques, manquent des
conditions requises pour constituer une loi positive ou rap-
port constant entre des faits, et expriinent des ra|>porls d'une
autre nature.
Selon la loi d'adaptation, l'être vivant se modifie de ma-
iére Jk pouvoir subsister dans les conditions où il se trouve.
Or le concept : « de m;<nière à * est indéterminé dans nne
rcrtaine mesure. Au point de vue positif, il peut y avoir plu-
•>urs manières de réaliser une fin proposée avec des maté
'•de est indifférente, pourvu que la
I i que, selon le nombre ou la nature
des condiiioDS, le nombre des méthodes entre lesquelles on
(>• ' plus eu plus restreint, liais aussi l'ex-
I le i I est moins juste à mesure que le
hoix est plus limité ; et elle perdrait toute raison d'être, s'il
' ' plus qu'un parti possible ; car alors ce serait sim-
, > vertu des conditions posées que se réaliserait le
phénomène : l'idée du résultat a obtenir n'iotervieudrait plus
4 litre de condition détermioanie.
94 DR LA CONTINCP.NCK DFS LOIS DR I.A NATIRB
Si mainlenaol, aytot égard à la plaralité des rooyeot qu'Im-
plique toute finalitë, on invoque, pour eipliqoer la prëfëreoce
donnée à l'un d'eat, des con>i(1«'ration« telle* que !■
de moindre action, ou l'insiinct de la beauté, ou 1'
oéral, CD quitte le terrain des S4-ieoces po^itivet pour pa»>er
sur celui de la i " t que ou d' tique; el on ne
peut plus allégiK I é de l'etj
Ce o'e&t pas tout. Le concept : « de manière i > établit un
lien entre les conditions dans lesquelles se trom
vivant d'une part et la subsistance de cet être au
ces conditions d'autre part, c'est-à-dire entre des faiu rca-
liséset une fin à réaliser, entre des cho= ' >» et une
chose ^implelnent po>8ible. Or le caracl**! • ce second
terme empi^che encore d'admettre que la loi de l'adaptation
toit une loi positive proprement dite, et implique la néces-
sité au sens où peuvent l'impliquer les lois de la phyiiique
ou de la chimie.
Enfin le concept « exister > lui-même laisse place à quel»
que indétermination. Car il y a, pour un être complexe, plu-
sieurs modes d'existence, selon qu'il développe plus ou moins
telle ou telle de ses facultés. Le développement des diverses
facultés peut être plus ou moins éfcal ou plus ou moins bar-
rooaieux. L'harmonie elle-mêmi» peut s'entendre de plusieurs
manières, selon que toutes les facultés seront mises au
même rang ou que certaines facultés seront mises au-dessus
des autres. Quel sera, de > modes d'existeoces, celui
qui constituera le but de I >n?
Le principe de l'habitude héréditaire ne satisfait pas daTao-
tage an^ ■"". des
modifi< - I »n-
flneoce de certaines circonsunces, telles que le milieu phy
sique, la concurrence vitale, la sélection sexuelle, et. en
dernière analyse, l'énergie, la continuité on la répétition de
DES ÊTRES TIVANTS 95
certains actes, devenir flnaleroent essentielles et passer de
l'individu k l'espèce. Sans examiner la nature des circons-
tances qui sont mentionnées comme déterminant les habi-
tudes, et qui, vraisemblablement, ne sont pas toutes pure-
ment physiques, oo peut remarquer que l'habitude n'est pas
un fait, mais une disposition i réaliser certains faits, et, en
ce sens, ne peut trouver place dans la formule dune loi
positive.
De plus. I naDiUide est considérée ici comme entraînant
une modincation dans la nature même, dans l'essence de
individu. Or les lois positives proprement dites sont les
rapports qui dérivent, en dernière analyse, de la nature de»
choses considérée comme constante. FMIes ne précèdent pas
les êtres, elles expriment simplement les conséquences de
leur action réciproque. Elles peuvent, sans doute, dans la
démonstration scientifique, être considérées comme régis-
sant les faits de détail, en tant qu'ils sont liés à la nature des
êtres, c'est-à-dire aux faits généraux ; mais elles restent, en
définitive, subordonnées aux faits généraux, qui en sont le
foiidiMuent. Adm««ttre (\w' les faits les plus générant eux-
mêmes varient, c'est admettre que les lois varient; ou bien,
si Ton pcDM être en possession d'une loi qui explique ces
\.< i>M, cette loi n'est plus une loi positive,
pi avant Ions les faits. Le seul moyen de
légitimer l'assimilation de l'habitude héréditaire aux lois posi-
ti. :t de rattacher la formation et la conservation de
c< . Mice aux lois plus générales de la physique et de
la chimie. De la sorte, la variabilité physiologique s'appuie-
rait Hur on fondement relativement stable. Posée en appa-
rence avant les phénomènes, en tant que ceux-ci seraient
considérés comme proprement physiologiques, cette loi
•était en réalité postérieure à leurs conditions fondameu-
tales, eo tant que les r>béaomenes physiologiques rentre-
% DE LA CO:<Tt?(CEl«CI DIS LOIS DB LA RATUIIK
nient, comme cas particalier, daas le* phénomèses phy*
Aiqoes. Mais la loi de l'habitade hërédiuire a pr^isënept
p< ' ' (le remëdirr à l'insoffisaoce des loifi physiques
pi il dhes CD matifre physiologique; et b proprivté
qu'elle énonce est effectivement en opposition directe avec
les principes rondameotaat de la physique el de la chimie,
suivant lesqoels la nature d'un corps est déteminée une fois
pourtouirs. Un cas particulier peut sans doute être la ncga-
tioo d'un autre cas particalier, comme tel, mais non pas la
négation du cas général lui-même. Cost donc i titre de loi
physiologique proprement dite, et de loi fondamentale, que
l'habitude héréditaire doit concourir à l'explication du monde
virant ; et, dans ces termes, elle ne peut être coo&idérée
comme une loi positive.
En résumé, le mode de l'organisation semble Tarier, non
seulement chez l'indindo, mais même, jasqa'à un ceriiin
point, dans IVspèoc ; et ces variations ne sont pas indiffé-
rentes, mais constituent, soit une décadence» soit, plus sou-
vent peut-être, an perfectionnemcnu On peut donc penser
que la quantité de vie ne demeure pas constante dans
vers ; et que la nature des phénomènes physiologique ^ :
pas entièrement déterminée par les lois qui leur sont propres.
Et, en effet, s'il est vrai que l'en ' ut des phéno-
mènes physiques proprement dit>. >n» des phéno-
mènes physiologiques, ne soit pas fatal, est-il inadmissible
qoe le monde vivant profite de cette indétenDtnat
les êtres organisés, doués par eux-mêmes d*ttii<
mobilité, d'une faculté de développement et de progrès, par-
viennent k profiter de ces dons de b natare et i sr ' '
en tout sens, grâce i l'élastidld méOM eu tino d
tlons phy«(iqaes?
On peut conrevoir d'ailleurs qae l'Inlerreiiiioi de la mi
ians le cours des choses physiques im iolt pas brusque et
DES ÊTRES TITAÎ(TS 97
rioleote, mais imperceptible et coDtioae ; de telle sorte qa'il
voit [.rjiiquemeot impo>>ib!e de déterminer le point où les
l>tuuo(neaes physiques cessent d'exister uniquetuenl par eax-
m^mes et pour eu\-mt^me$, et commencent i être élaborés
par des formes sapérieores, dont ils deviennent les iostm*
CHAIMIUL Mi
DE L^HOMIIB
Cest une règle de la science de supposer la moiat de
causes possible, et, lorsque surviennent de nouTeaux faits à
expliquer, de les rapprocher des caii^
voir s'ils en dépend<'nt, avant d'adin
cause nouvelle. Or, une fois en possession des coocepts et
des lois de l'être, des genres, de la matièr- . rps et de
la vie, Tespnt o'est-il pas en mesure di > liquer, et
n'a-t-il pas achevé la liste trop longue des postulat» de la
science 7
Tout ce que le monde offre i l'esprit est en effet eiplirable
par ces principes, si l'homme y peut rentrer. Car en dehors
des formes de l'être auxquelles ces principes s'appliquent
immédiaiemeol, il ne reste d'autre objet donné dans l'expé»
rience que la nature humaine.
Notre premier sentiment est, uns doule, qu'il existe an«
différence radicale entre l'homme, doué de raison et de lan-
gage, et le reste des êtres vivants. Mais la comparaison et
l'induction ne viennent-elles pas infirmer cette croyance ? Ne
▼ojODs>nout pas la nature humaine présenter, dans le passé cl
dans le présent, une série de dégradations qui la rapprochent
des élres Inférieurs ? Ne peut-on pas dire que, chex l'bomne
le plus élevé, les facultés que noos admirons, si nons en r»>
cherchons la genèse, ne nous apparaissent pas cornas des
DE l'homme 99
qualités irréductible!! ; qu'elles dérivent aa contraire de facul-
tés plus simples, et finalemeat se ramènent, suivant une loi
naturelle qu'il n'est peut-élre pas impossible de conjecturer,
I i|i-v |Miii\i)ir<. élémentaires inhérents à tout être vivant, tels
ijue la laculté de répondre par une action réflexe automa-
tique i l'action des choses extérieures? La sensation est-elle
-e que le choc des influences extérieures contre
II iiices propres, plus ou moins incomplètement ajus-
tées à ces influences? Ne s'ëranouit-elle pas lorsque l'adap-
tation est complète, comme dans l'habitude, on lorsque l'ex-
citation est trcs faible, comme dans le sommeil ? La pensée
est-elle autre chose que la reproduction interne des phéno-
nènes extérieurs, classés suivant la constance de leurs liai-
sons? Et cette reproduction n'est-elle pas l'œuvre des phé-
nomènes eux-mêmes, qui vieouent un à un déposer leur
empreinte sur une cire d'une fermeté convenable pour la rece-
voir et la conserver? La volonté enfin est-elle autre chose
que l'ensemble de nos tendances, soit primitives, soit
acquises, entrant en activité sous l'influence d'un stimulant
extérieur, et mettant à leur tour leur marque sur les choses?
Quant à la conscience du libre arbitre, est-elle autre chose
que le sentiment d'être nous-mêmes la cause de nos actes
sentiment fondé, car nos tendances, c'est nous-mêmes), joint
d'un conflit entre nos désirs, et à l'igno-
rii;. . _ nie des cause>iqui en déterminent l'issue?
Toute l'activité psychologique semble donc pouvoir se ra-
mener à l'action r. (It^xe. Mais celle-ci n'existe-t-elle pas
déjà dans \r monde physiologique 7 N'est-elle pas la fonction
de tout organisme ? N'acquiert-elle pas, surtout dans les
• > s supérieurs, n ion, une coordination
e issance d'adapi res?
Dès lors est-il nécessaire d'admettre un nouveau princip«
pour expliquer l'homme 7 Ses facultés même les plus rele-
100 DB LA CONTI.NGBNCI DES LOIS DE LA NATURE
Ht» n» soot-elles pat. au fond, des proprictét pbyfiologi^oe»
devenues de plus en plus spt'ciales, en Tcrtu de la loi g^né-
rale de la dilTi i ' ~ ' < e pat à la physl '
qu'il faut detpan -s phéoonrnet p«;c
giquetî N'est-U pas ioutile, illégitime et dangereai de pré-
tendre consiiiuer la psychologie comme ane acieoce dis-
tiucie, n'ayant avec la physiologie d'autres rapports que
ceux qui peuvent exister, par exemple, eutre b physiologi«
et la physique?
Il parait sans doute établi que tout phénomène ptycholo>
gique, dans la vie présente, a sa conditioQ d'existence dans
des phénomènes physiologiques détermines ; et ainsi il est
légitime de rechercher les conditions physiologiques de la
vie psychique, aussi bien que les conditions psychiques de
la vie organique, ou les conditions mécaniques des traos
formations physiques. Mais cette recherche, si avancée qu'on
la suppose, peut-elle aboutir à l'absorption de la psycholo-
gie dan^i la physiologie?
Dans tous les phénomènes psychologiques se retroore, i
des degrés divers, un élément que les théories de rani-n
réflexe ou même de la sensation transformée prennent |Miiir
accordé sans l'expliquer : la conscience de soimérae, la ré-
flexion sur ses propres manières d'être, la personnalité. T
phénomène psychologique est on peot être un état do
cieo^e.
Cet élément, la sensation le coiiiicai d' ja ; et
supposer ce qui est en question que de < nn<<triiir>
tés de l'iroe au moyen de la sensation.
Quant k l'action réflexe, est-elle cap.ii '^
conscience, par voie de développement a ti.. - i
décomposant la conscience en ses éléments, montrer qu'ils
sont tous contenus dans l'action réflexe, et que la loi de
leur combinaison j est également contenue?
DE l'iIOMMB 101
'fj qae l'acie de con- t la perception d'une
• ? Mais la percepiion un sujet pensant.
Oira-t-OD que la conscience ne diflêre des phénomènes
1* ' ^ que par l'absence de simultanéité dans les états ;
<. :<-iirs, Tordre successif, commun aux phénomènes
i'sycbologiques et aux phénomènes physiologiques, range
les uns et les autres dans le mAme genre? Mais pourquoi la
succession pure et simple impliquerait-elle le sentiment de
soi-même, tandis que la succession Jointe i la simultanéité
l'exclurait?
La conscience est-elle une accumulation de force vitale,
due aux excitations venues du dehors et à la centralisation
du système organique ? Mais comment la force vitale acquer-
rait-elle, en s'accumulant, une propriété qu'elle ne mani-
feste i aucun degré quand elle est à l'état de dispersion?
La conscience n'est-elle que le conflit de forces externes
avec les tendances de l'organisme ? Mais pourquoi ce conflit
produit il la conscience, tandis que le choc d'un corps contrt
un autre ne la produit pas?
En somme, on ne sort pas de cette altemative : on bien
f ' llement la conscience dans le fait orga-
i! , , t de la déduire; ou bien, prenant tout
I abord la conscience telle qu'elle est, on se trouve dans
' îlité de la ramener, par une marche entièrement
, V à un fait purement organique.
A vrai dire, ce qu'on analysa ici, sous le nom de coni-
' n'estpasia consci* Il -. ce sont, ou ses
, ou ton objet. Ses (< nnt un ensemble
' 'imptexe, réductible peut-être, en tout ou en partie, i des
' physiologiques et pî T' ' , son objet
^, pensées, désirs), ui.me, forma
on ensemble complexe, qui peut présenter, avec la succes-
sion das faits physiologiques, no parallélisme plus on moins
102 DE LA CO>TINGF.?((:i: DES LOIS DE LA HATUEB
eiact. Mais la conacience elle-mt^me e»( une donoé« irréduc
tible, que l'on obscurciten l'eipliquant, que l'on dëtruii en
l'anaUfrant. Chercher le détail dea éiéroenU de la con^cieore
afin de les opposer ou de les ralUchcr aux élômeols des
foncUona inrérieures, c'est perdre de Tue la cooscienc*
elleroéme, pour considérer ses matériaux ou son œuvre. La
conscience n'est pas un phénomène, une propriété, noe
fonction môme : c'est un acte, une transformation de don-
nées externes en données internes, une sorte de moule ri-
vant où viennent successivement se métamorphoser les pbé*
Domenes, où le monde entier peut trouver place, rn perdant
aa substance et sa forme propres pour revêtir une forme
idéale, k la fois dissemblable et analogue à aa nature réelle.
La conscience est le principe d'une él " no-
meiics tellement profonde, que la coin ns-
forniations préalables n'en pourrait jamais donner l'idée. En
iiti MUS, elle II : n à l'être, puisque les choses n'en
> .(itut pas ni< ir n'être pas aperçues dans une cons-
cience. En un autre sens, c'est elle qui fait être; car la pcr-
^ liiie consciente, forme éminente de l'être, |,'i---' - de
< ' > lie qu'à ce qui entre ou peut entrer dans s;i > e.
D'une part, l'action réflexe ne perd rien de son essenct,
pour n'être pas l'objet d'une apercepiion interne ; et les
combinaisons les plus complexes d'actions réflexes diffé-
rentes se peuvent concevoir sans y faire entrer la cons-
cience, comme élément intégranL Tant qu'il s'agit d'action*
réflexes, il s'agit de choses connues, non de personnes con-
naissantes. D'autre part, la conscience, en apparaissant, n'é-
claire nullement les actions réflexes elles-mêmes ; car elle ne
nous révèle pas ce qui se passe dans notre organisme, au sens
propre du mot. Elle suscite des phénomèu' icment
hël^TOfènes. qui. pour élre liés de quoique i . v phéno-
mènes physiologiques el en reproduire plue ou moins exac-
DB L HOMME l< >
teiiieiit, * leur inatiicre, l'ordre d'existence, a eu furment |>as
moios, en eux-mêmes, uo monde à part, et (ce qu'un
oe pourrait prévoir en considérant uniquement la compli-
caiiou de» actions réflexes) un monde fermé aux auiiescon*
tciences.
Il u'importe peu d'ailleurs que l'on puisse trouver, dans la
sensation, la pensée et le désir, des élémeiits qui permettent de
les mettre en parallèle avec les phénomènes physiologiques.
('»• qui est sans analogue en physiu!o};ie, c'est la conscience
de la sensation, de la pensée, du dé>ir. De même, l'existence
de deprés dans la conscience est ici iodifféreDie. Le rapport
'1' - '-s avec un moi est tout ce qu'il faut entendre
i .r I ••uce proprement dite. C'est ce rapport qui
Innnp à la «ensaiioo, à la pensée, au désir, uoe forme spé-
ciale el nouvelle.
Ainsi, c e!>i aller contre l'essence même de la conscience,
que d'essayer de s'en rendre compte, par voie de construc-
tion analytique, en combinant les actions réflexes sui\ani
les lois qui leur sont propres. Rien ne serait, à ce compte,
plus complexe que la conscieoce. Il semble, au contraire,
que rien ne soit plus simple, et que nulle part la nature ne
s'approche autant de ce terme idéal : I uuiic dans la perfec-
tion. La conscience n'est pas une spérialisation, un dévelop-
;'<-menl, un perfectionnement même des fonctions physiulo-
-iques. O n'en est pas non plus une face ou une résultante.
C'est un élément nouveau, une création. L homme, qui est
•loué de conscience, est plus qu'un être vivant. Eu tant qu'il
^t uoe personne, en tant qu'à tout le moins sou dévelop-
periicut naturel abuutit à la personnalité, il possède une per-
fection à laquelle ne peuvent s'élever les êtres qui ne -^ont
|iie des orgaui-mes individuels. La forme dans laquelle la
cuusrietirr !>>! V, ... à la vie est m
»nf aft«»iii(,ii d I radicalement i
104 DB LA CONTINOKNCB OSS LOIB OB LA NATVRR
#
on qu'elle implique est donc conliiifrente. lu poiol de vue
lugiqur du mniii».
iVui-oii niaiateuaotftouteoir que celle liaUoo e»t un arl«
de la raii^on elle même, qui, partaut du concept de la vie et
1 II! une I- • iidanie, en forme la
< un eiïel II ?
Ce recour» à la raison serait Ju»Uûé s'il t'agisMil d'une
cons«'i«*nce al>>oliiii)' ■'•,
ei par conséquent il: o.
Mais la run&ciruce dont il a'agit en psychologie est indivi*
durlle cl a<!nipi la pluralilc ' : ' ' ' ua
individu, elle se ramitie en qt> , Si-
cile des objets auxquels elle s'applique, et pénètre de touii*ik
parts le ctian p varie de l'expérienre. Or l'existonre de la
conscience, ainsi onlondue, ne peut nous être rcvcicc p;ir
reutecdomeni a priori, qui ignore la distinction des indivi-
dus eti'inliuie variété des phénomènes : elle est. au contraire,
l'ultjei imniêdiat de la conscience empirique elle-même; en
d'autres termes, elle appartient encore à l'expëricnce. Ou ne
peut donc arguer de la manière dont nous connaissons la
nature de la conscience pour en considérer la réalisation
comme nécessaire en droit.
l'eut-on enfin, se fondant sur l'expérience elle-même,
ftouiruir que le rap|>ort de la conscience i la vie est néces-
saire en fait?
Il ne sufiit pas, pour prouver celte thèse, de montrer t^ue
h conscience app.irait constamment, lorsque sont n'aliséet
dans riir}:ai(i>>nir certaines conditions que l'on ' lus
ou moins à définir. Car il reste i savoir si cei^ •ni
n'ont pas été snscilëes par la conscience elle-même : bypi^-
tbèse admissible, si les loifidr la vie Mil. 1 , L'uni*
forroitë de coexistence, ht elle mauifest< <- causa-
lité, n'indique pas lequel des deux terne» cfci ca^sc de l'autre.
DE l'homme IOo
Il faudrait dune pouvoir expliquer tous tes phénomènes
ocrTeui qui paraissent être les condilious de la conscience
par les seules lois de la physiologie générale ; or celle pré-
Icntioa parait t<'méraire. L'étude approfondie de l'innerva-
lioa semble meure de plus en plus cette fonction hors de
pair. L*excilalion et la décharge nerveuses, la propriété io-
bcrente aux ■ - M.'r»eusesde conserver pendant un cer-
taift temps 1 i . >u des agents extérieurs; la transniis-
sioo de cette sorte de phosphorescence à des groupes de
cellules non imfire&sionnés par l'objet niéine, qui se melteut
i vibrer ii l'unisviu et propagent à leur tour l'eitiluiion :
tous ces faits sont en général considérés comme hors de
proportion avec les propriétés vitales élémentaires, telles
que la nutrition, le develuppcuienl et la génération, et même
avec la puissance de contraction qui pourtant déjtaîise déjà
tes propriétés générales. Il semble y avoir, entre l'innerva-
tion et les propriétés physiologiques éJémentaires. un rap-
port analogue à celui qui existe entre les conditions niera
niques des phénomènes physiques et chimiques et les forme»
purement mathématiques. Un examen attentif révèle l'exis-
Icace d'un hiatus eu quelque sorte infranchissable entre les
synthèses analytiques les plus comple&es d'une lormc donnée
n'eiistant que pour elle-même, et les cas particuliers en
pr> - i-H on se trouve, quand ou observe des phé-
noiii ^ il en étant des modes de letie forme, jouent
le rôle de conditions par rapport à une forme supérieure.
L'oî ilaul l'idrii ■ ,. a, lueilc des
un> Mueues. M.. . ii>enient qu'ils
oui nne même origine ; et pourtant chaque explication de la
matière propre d'uue form<' ire, essayée d'après cette,
hypothèse, se trouve être ^ .le, peu rigoureuse, in-
sufBsante. Mécompte inévitable, si une intervention supé-
rieure est venue détourner tes choses d'\ cours qui leur est
1(M) DK LA CONTINfENCE DES LOIS DE LA NATURE
propre; et cela, non pat brusquement, maisintentiblement;
•on pas d un bout i i'aulre de révolution, niait à l'origine
seulement.
Il y aurait pourtant lieu de croire que cette direrpence de»
fondions nerveuses par rapport aux propritftrt phytiolo-
giqui's générales n est qu'apparciiie, si les être» doués duo
système nerveux ne diflfcraienl d ailleurs que par le degré de
ceux qui eo sont dépourvu». Mais la présence duo tel sys-
tème coïncide avec l'apparilioii delà conscience, i ;>é-
ricure à toutes les fonctions vitales. Des lors, n'e^i .. , _ .".r*
mis de penser que, si la conscience apparaît toujours lorsque
< •rtaines conditions physiologiques sont posées, c'est qu'elle*
III -IDC jiose ces conditions, sans lesquelles elle ne pourrait
se manifester 7 Si l'aurore annonce le soleil, c'est qu'elle eo
émane.
.Mais peut-être o'est-il pas réservé i certaloet eoodiliooi
physiologiques spéciales de rendre la cooscieoce possible.
i'eut-éire un commencement de conscience est-il déjà lié
aux propriétés vitales esscutieiles, eo sorte qu'il o'y ait
qu'une différence de degré eolre les organismes inférieurs
et les organismes supérieurs. Il y aurait ain ' if« coos-
cience jusque dans la cellule; et il ne s*a^ < ir créer
une conscience humaine, que de spécialiser, de diversifier,
d'organiser les consciences propres aux cellules.
Lors même qu'un rudiment de conscience appartiendrait i
chaque cellule, il o'eo resterait pas moins que la conscience,
ou sentiment de sa propre existence, est irréductible aux
prupricics physiolo);iqurs proprement dites, et n a pas eo
elles son origine. Dans la cellule, comme dan» les orga-
nismes supérieurs, la présence de la coos< icnre serait coo>
tingenle. .Mais est-on fonde à croire qu'une telle facollë
e\ist4- dans les organismes inférieurs?
Ou alléguera, pour soutenir cette thdfte, oo grand oombrc
DE l'homme 107
de faits, empruoiës même à l'obserTation des infusoires ei
des plantes. Le polype d'eau dooce, par exemple, attire à
lui les iofusoires vivants et les végétaux, en produisant avec
tes bras une sorte de tourbillon, et laisse de côté les ùlrts
mûris ou inorganiques. On voit des plantes choisir, semble-
t*il, des points d appui, frémir sous rjttouchemetit des in-
sectes et les saisir. Mille faits de ce genre semblent prouver
que, dans les organismes les plus élémentaires, l'action du
dehors peut produire une excitation interne, et que cette
excitation peut engendrer un mouvement réflexe adapté aux
besoins de l'être vivant. Or l'excitation et le choix du parti
convenable ne sont-ils pas des signes de conscience ?
Il est douteux que l'excitation et le mouvement réflexe
soient toujours accompagnés de conscience : car il se pro-
duit en nous beaucoup d'excitations et d actions réflexes
qui ne passent pas par le moi. Quant à la convenance de
l'acte, elle constitue ce qu'on appelle la finalité. Or la fina-
lité, en admettant que, dan» les laits afiégués, elle ne se ra-
mène pas au mécanisme, suppose-i elle nécessairemcni la
conscience chez l'être en qui elle se manifeste ? Avons-nous
conscience de I acte par lequel la constitution physique, chi-
mique et physiologique de nos organes s'adapte aux fonctious
qii lit remplir?
• t-on, le genre de conscience qui parait absent
des fonctions physiologiques consiste dans la distinction
claire du sujet et de l'objet. Or cette manière d'entendre la
conscience est trop étroite. La conscience comporte une in-
finité de degrés, depuis l'état pariait qui caractérise la vie
réfléchie jusqu'à labolition apparente qui se produit d;in> le
•ororoeil. D'ordinaire le réveil ne trouve pas notre esprit
vide, maïs occupé d'idées plus ou moin» difl'érenie»de celles
qui l'orrupaient la veille. L'attention, r«ccumulalion ren-
dent distinctes des perceptions d'abord insensibles. Ce qui
108 DE LA CO?ITIMCE?(CI DES LOIS bB LA 5lATl'Bi
mnliiplië, devient inanife%t«. n'était pa« nul. Ce»t précité*
nicnl une con»cietice Murdede ce genre qui etiile chexle*
titres inférieurs.
Cette déduction implique une altération profuDde du coi*
C(^pt de la conscience.
Tant qu'il s'agrii de l'Iiomme, la conscience, fût elle réduite
i son minimum d'inleosilé, est toujours l'acte par lequel
une multiplicité et une diversité d'étals sont rattachés à un
moi et à un seul, l'appropriation des phénomènes i un sujet
permanent. Ce qui varie, c'est la clarté de la perception, ce
n'est pas l'unité du moi.
Mais, quand il s'agit des êtres inférieurs, de leur irriiaiii-
lité, et de la finalité de leurs actes, ta conscience n'«sl plus,
et ne poiii plus c^ire l'atirilMilion (]• ' «
vn moi unique. Car riinii** de la • ii-
tion la cuiii;iaraison entre les sensations: et cette comparai-
*on suppose, i son tour, un centre où al' 's
sions causées par difTcrenls objets. La • n
attribue aux êtres inférieurs ne peut être que la s.oMlioo,
la pensée et la tendance pures et simples, *.■
Comme susceptibles d exister sans être perçues |.<
Or, ainsi réduite à sa valeur réelle, la conscicnc* que roo
ailrilttie aux •'1res inférieurs présente, avec la r «
humaine, plu> qu'une différence de degré. Ce n'«- ^ ii
moi concentrant en lui et comparant une mullipliciic et une
diversité : c'est un agrég.it de sensations conscientes, sans
lien entre elles. Tandis que la consciente humaine n'jdmet
qu'une sensation à la fois, ces agréj^ais cumporieni, et des
sensations successives, et des sensations simuliaoées. (.hiant
à la cellule ou élément anatomique simple, le genre d uuiié
que peut posséder sa conscience se dislingue radicalement
de I unilé de conscience propremeni dite. Car, en vtrin
même de sa simplici>é organique, la cellule ne p«yt avoir
DE L HOXMB
i09
que des sensaiions d'une seule et même qualité. Les seules
différences qui pui&sent se produire dans celle conscience
souilles dirr de quantité, d'intensité. Or l'unité de
conscience < ment l'allribut du sujet qui compare
entre elles des qualités différentes. Ce n'est que dans celle
comparaison que le sujet se sent et s'oppose aui choses
exlérieures.
Des lors, comment conceroir que la conscience humaine
dérive de la conscience aiirihuée à la cellule ?
Oira-l-on que la conscience personnelle n'est qu'une rc-
àultante définitive de consciences élémentaires; que les sen-
sations, les pensées et les désirs sont ces consciences elles-
mêmes ; et que, leur combinaison ayant une foisengendré une
résultante ou conscience personnelle, les sensations nou-
velles sont en dedans ou en deliurs du moi, c'est-à-dire de-
viennent perceptions ou demeurent sensations, selon <|u'ellcs
sont ou ne sont pas niiscs <>n rapfiort avec cette résultauicf
Mais, les consciences clcmentaires ne possédant même pas
le germe de l'unité qui caractérise la conscience persuo-
nell<^ on ne Toit pas comment celle-ci pourrait ré-^ulter de
la combinaison de celles-là. De plus, on ne comprend pas
immeul plusieurs consciences pourraient ainsi se fondre
eu des consciences de plus en plus élevées. Il semble en
effet qu il toit de la dctinition de la conscience d'éire fer-
tiie aux autres consciences. Si l'oo objecte que celte pro-
].r ' ' iriient cTclusi\ement i la conscience d'un moi,
III j des ronsi'ionces dépourvues d'uniié, on rend
insaisissable le concept de ces consciences élémentaires; et
leur hétcrojt'-ntiilé, par rapport à la cooscieoce personnelle,
devient plus rutlirale encore.
Dira-i^D que la conscience personnelle est un agrégat de
consciences élémentaires?
tu ce cas, on renonce à eo exuliqucr 1 uuilë. De plui, li
ItO DR LA CO!«TIX0EI«CI DK9 LOIS DE LA RATIIIE
|pi éU'mêiii» de la ronicience totale appartiennent en propre
i i-liique cellule; comme cet ensomhlo iIp consciences inTë-
riciires est entièremeut renouvelé au bout don certain
ntiiiiltre d'années, on ne ctimpreiid pas |>ourquoi la cons»
cipiicc (|iii est censée les résumer stib^t^ic après elles.
Dira I on enfin que c'est la conscience iolicrenie à une
•eiiie cellnle qui ae trouve portée i un très haut degré de
dévfloppemenl par ses rapports avec lis autres cellules?
Cette eiplicaiion pourrait être sufii&ante s'il ne s'agissait
que d'nne difTcrence d'intensité. Mais il s'agit d'une diflë>
rence de nature. Il s'M):ii aussi de la perniaiieu«e de l;<
cience à travers le touiltillon vital. Or, maigre leur r<i
récepteur général, les cellules du cerceau ne présentent,
r«ii AUX autres cellules, qu'une diflfi'rence de degré,
|n<; pour rendre compte de la différence générique
qni existerait, dans celte hypothèse, entre leurs propriétéi
et celles des anli " "' s. Kn présence d'cî
miqiies presque ^ ' > remplissant des i
disproportionnées, on ne peut \t>ir dans la matière qu'un
instrument, manié par «les puissances inégales.
Kn somme, la conscience que l'on attribue aui cellules
n'a qu'une ressemblance de nom avec la conscience person-
nelle. Hadicalement dépourvue d'unité subjective, elle ne
peut, quelque complication qu'on lui suppose, rendre
compte de la perception des différences qualitatives, qui est
raltrihut du moi. Dés lors, il convient d'écarter un mm qui
peut entraîner une confusion, .et de dire qu'il s'agit simple-
ment de sensations, de pensées et de tendances incons-
cientes. Jusqu'à quel poiut de tels phénomènes sont-ils conce-
vables; que resie-t-il de la sensation, de la pensée et do de»
sir. abstraction faite de ce moi. qui. chez l'homme, en parait
la Bubstanre ; en quoi ces manières d'î^ire inconscientes se
•l!«tlnrueni-4>iles de l'eiciiaii'^n. du mouvement reflète et
DB l'homme m
de l'adaptation pares et simples, c'est an point qui n'a plus
qu'une importance secondaire, du moment où le moi lui-
même n'est plus en cause, et où il ne s'agit que de pro~
priétës radicalement inférieures aux phénomènes psycholo-
giques proprement dits.
Il reste donc établi que la conscience personnelle n'est pas
inhérente à tous les êtres vivants, mais n'existe que là où
nous voyons une organisation physiologique spéciale. Si
cette organisation s'est produite suivant les lois physiolo-
giques livrées i elles-mêmes, sans intervention d'un principe
supérieur, il ne s'ensuit sans doute pas que la conscience
en soit un eiïi-t, puisqu'elle contient quelque chose de plus
que la vie; mais, dans ce cas, l'apparition de la conscience
est ni< la mesure où elle est liée aux phéno-
mènes I > qui l'accompagnent. Si, au contraire,
on peut admettre que les propriétés vitales qui sont les cod-
diiions de h ice ne sont pas explicables entièrement
par les lois ^ ~ de la vie : il est vraisemblable que la
conscience elle-même intervient dans la réalisation d« ces
propriétés; et qu'elle se réalise, en ce sens, d'une manière
contingente, bien qu'elle suit liée, daus le monde actuel, i
des conditions physiques déterminées.
La création de l'homme, être conscient, ne l'explique
donc pas par le seul jeu des lois physiques et physiologiques.
Son existence et ses actes imposent à la nature des modifi-
cations dont elle même ne peut rendre compte, et qui appa-
raissent comme contingentes, si l'on se place au point de
vue du monde physique et du monde physiologique.
Qu'importe à l'homme, cependant, de disposer plus on
nidios de» eboMS, s'il retrouve la fatalité au dedans de lui ;
•i te* MBtiaenU, tes idées, ses résolutions, sa vie intime, en
un mot. sont gouvernés par une loi spéciale, qui les déter>
î.
lis DE LA CO!«TI!(GB!fCI DES LOIS Bl LA HATIHE
mioe d'une fiiçon nécesMlreT L1nd<'pfndane« do mood«
prn^ani par rapport aux mondrs inférieurs p«ut-eUe tn'
riiidividii, si tous ses actes sont impliqués fatalement —
le système des faits psychologiques; si, par npport à ce
STstriite, il n'est qu'une goutte d eau emportée par un tor-
rent irrcsi>lible T
Or tout être o'a-t-U pas sa loi , et les phifnomènes de cont •
cienre ne doivent Ils pas prëM'nior. » aiiln>s ordres
de phénomènes, des rapports de dt'i' - réciproque T
On est sans doute porté tout d'abord i considérer l'Ame
comme une puissance eniicremrnt spontanée; chacun de
•es actes senil)le trouver en elle seule, et non dans le« plié*
nomènes concomitants, sa raison aussi bien que u cause.
Les phciiomènes psychoIi);:ii|ues ne di. fient-ils pas le calcul?
iVul-on prédire ce que fera telle personne dans telles cir-
constance» 7
Bientôt, cependant, une étude plus aitcniive fait découvrir
des successions psychologi<|ues uniformes, du muius en ce
qui concerne les sentiments et les pensées.
Longtemps la volonté demeure réfrat taire à la science, et
offre à la doctrine de la contingence un retranchement qui
parait inexpugnable. Mais te pro^'resderobscr^aiion et de la
com|taraison révèle l'existence de lois de nature politiques et
sociales. L'histoire nous montre les diverses sociétés naissant,
se développant, dépérissant dune man "^nc. Klle
dégage de la variété des littératures et «i ; ['lions une
forme générale de l'activité humaine, qui parait constante.
!,,■-. ■ , . . , , : ,, '•. . ■ - .,
I.. 1.
i cet égard, no type moyen qui demeure sensiblement im-
muable. La statistique soumet au i-al< til, a> ' <>
produits de la volonté de l'homme, ausfti bien s i«
des forces physiques, eo opérant sur de «randcs ma»se».
DE l'hOMMI 113
Hq rondrail pouvoir faire ici une diflerence entre l'en-
semble et les individus, el r«'server la spontanéité de ceux-
ci eu alléguant que, dans les mathématiques abstraites, on
trouve des lois fixes, dites lois des grand* nombres, pour
'' Mes de ras dont chacun, pris isolément, est Nurv
11, el en concluant de là que la déierminaiioa de
ensemble ne préjuge pas celle des détails. Mais le hasarn
que se donne le mathématicien n'est qu'une fiction. En fait,
tout a sa raison d'être. Si les actes humains, pris un à un,
^mbleot se produire au hasard, c'est qu'il y a une infinité
de causes particulières qui viennent contiarier les causes
générales dont on «-tudie l'influence, et que, ces causes par-
ticulières manquant complètement de convergence, il n'y a
p.is de loi pour leur action réunie. C'est précisément cette
anouiaiion réciproque de certaines causes qui en dt'-gage et
m:tnireste certaines autres. D'ailleurs, l'observation directe
des groupes particuliers et des individus limite de plus en
plus la part que la statistique générale parait laisser au ha*
sard. Il est vraisemblable (|ue l'on |)Oiirrait trouver une
moyenne eonsiante pour les actes d'un individu comme
pour ceux d'une société. Mieux on connaît un homme, plut
sûrement, d'ordinaire, l'on explique et l'on prévoit sa con-
duit*. S'il reste de I incertitude, c'est, peut-on dire, parce
qu'il manque des données. Admettra-t-on que le temps qu'il
fait se produise d'une manière contingente, parce qu'on ne
le peut pr».*voir à coup srtr?
(jaelle peut être la formule générale des lois psycholo»
^iqiM'S?
I.»- procédé le plus scieniiflqoe pour déterminer cette for-
mule est, à première vue, de remonter aux conditions phy-
siques et mécaniques des états de conscience. Ne p«Mit-on
dire, par exemple, que l'expérience manifeste un rapport
'ustant eolre les modifications physiques du corps et les
114 DB LA C0^TI!«GE5CF. DES LOIS DE LA IIATVRB
modificalioo» de l'iroe; qo« Ie« d«Di ordres de phffnomrnrt
exi<iipni, croiftspoi etdt^rroisKcni en II
proportioDs analogue»? Ne pcui-fi
la loi générale de la rorrëlalion des forces, conjecturer qu'il
existe un équiralcnt mérani<|iie de la sentation, de ta
pensée, de la volonié, aussi bi<>n que de la chaleur ou d<f
l'ariion chimique ? De la sorte, la nécessité physique elle-
mt'nte serait la racine de la nécessite p';^ ' ' - que.
L'analogie qui peut exister entre le il ment psy-
chologique et le développement physique ne justifierait pas
l'hypothèse d'une transformation des phénomènes mécani-
ques en phénomènes psychologiques, puisque aussi bien le
mouvement ne se transforme même pas en chaleur propre-
ment dite, mais en constitue simpioment la condition, la
base matérielle. Cependant elle semble indiquer que le
mondi> pciis.'itii n'est qu'une sorte de doublure inli>ru(>
d'une partie du monde mécanique. Elle f^it supposer qu'an
fond il existe entre la pensée et les mouvements coocomi-
kints un exact parallélisme. File porte à • ' l'tin
pourra trouver des formules permettant dV\, , il de
prévoir les phénomènes psychologiques par la seule consi-
dération de leurs conditions mécaniques.
Cette entreprise serait légitime, si l'on pouvait mesurer,
en elles-mêmes, les variations psychiques correspondant
sut variations mécaniques.
Or, pour mesurer les manifestations de l'Ame d'une ma-
nière complète, il faudrait convertir la diversité des phfoo-
ménes psychologiques en quantités h-~ •-,
dire, par exemple, en quantités d'énorjri
esl-il possible de ramener ainsi
mesure la diversité des qualités de i .<>•••
Avant d'aborder ce problème, il faudrait évidemment
comaeocer par étudier les vAriatioos mécaniques corr«^
DE L'nOMlE 115
pondant aux rarialions d'une même qualité psychique. Sup-
posons que l'oD étudie à ce point de vue le souvenir. Un
aurait à dresser le lahleau suivant. S ëlant une quanliic de
souvenir et {i une quaiiùic ùe muuveiueiii ; S|, S, élaotdes
S.
S,
ra' liculières données de S, elQi, Q, les Taleors cor>
r-, sdeQ:
lie là on déduirait S = f{Q).
Mais comment se donner S,, S^, etc. 7 Le souvenir, pas
plus que Tàme elle-même, n'est une qualité simple. Il em-
brasse la netteté, la vivacité, la complexité, Texactilude, la
prérision, l'éloignement dans le passé, le sentiment de l'iden-
lilé personnelle, la conscience d'avoir -déjà conçu l'idée en
question, etc. La râleur du souvenir est déterminée préci-
sément par ta présence, l'absence et les degrés de ces di-
verses qualités. Il faudrait donc renoncer à mesurer d abord
un tout aussi complexe que le souvenir, dont les valeurs,
par suite de cette complexité, ne sont pas des quantités de
même nature. Il faudrait chercher des qualités simples et
exarlemenl définies, analogues a l'étendue et au mouve-
ment ; déterminer l'i-quivaleut mécanique de chacune de
ces qualités, et trouver ensuite un rapport numérique entre
«•«•s qualités considérées isolément et les résultais de leurs
combinaisons. Or il serait impossible d'exécuter une telle
entreprise scientifiquement, c'est-à-dire sans faire interve-
nir le tact, l< ut, le sentiment, en d'autres termes,
celte appri< i ncle de la qualité qu'il s'agit précisé-
ment de suppléer. Kien ne prouve d'ailleurs que les quali-
116 DE LA COMI?(CE!<CE DES LOIS DE LA KATt^Kt
té% ptTchiques foienl décompo«ablM en ëlémenU «impies,
identique» à travers les chanftements d1nten«itë.
Os observations s'appliquent, i plas forte raison, aui
qualités m(»ralrs de l'âme, lesqurDes sont 1rs plus inipor^
Vanirs.
Si mainionant, prorédant en sens inverse, on »c donnait
les vanaiions des phcnomrnes phj-siqaes poar eu déduire
les variations correspondantes des phcoomèoes psycho-
logiques, il y aurait cercle vicieux i mesurer celles-ci
par cellfs-là, puisque, pour établir une relation constante
entre ces deux séries de variations, il faut avoir pu, au pn'*»-
lablo, les mesurer séparément.
Celte méthode de recherche ne semble donc pouvoir
aboutir à un résultat, mt'me ap à un
côté très resln'int du monde |>-; ... • '' p^'
où l'âme louche en quelque sorte k la matière, et oà elle
n'est pas encore cil- i "' ni son essence
propre, le monde i-; it être regardé
comme une doublure du monde physique. Car alors on ne
s'expliquerait pas l'extrême ' '•. au
point de vue moral, entre de<i > (xmi
près la même somme d'énergie physique et consumé ii peu
près le m^me poid« de carbone. Conualt-on le prix du tra-
vail intellectuel quand on sait que l'équivalent niérani(|ue
en est un peu plus considérable que celui d'un travail mus-
culaire moyen de même durée ? Jugera-t-on de la valeur d'uo
plaisir, de la vérité d'une pensée, du mérite d'uo acte par
le poids qu'on aurait pu soulever au moyen du carbone
oxydé i Vorr^^xnn de ce plaitir, de cette pensée ou de relie
action ?
C'eM donc vainement qu'on invoque le parallélisme des
phénomène* psyrholngiques et des phénomènes physiques
pour faire de l'àmc une fonction du mouvement. Les ohé-
DE L IIOMMK 117
nomciies psycboloeiques ne sont pas mesurables i la m.t-
liere da moavement ; et, en tant qu'on peut établir entre
rux des degrés, ces variations, dans les régions élevées de
Tàme, sont sans rapport assignable avec les variation»
de la qnaiiiîié de force physique.
On en peut dire autant, quoique d'une manière moins
absolue, de la doctrine suivant laquolle les phénomènes
psychologiques ne seraient que la reproduction interne, non
plus des phénuni«>nes mccani(|ues, mais des phénomènes
nervcnx. Le parallélisme, ici encore, n'est que partiel, bien
qu'il s'étende certainement à une plus grande portion de la
vie psychologique. Peu importe, en efTel, que l'on trouve
des modifications du système nerveux correspondant k
chaque modificaiion de l'àme La question est de savoir si
les unes sont la mesure des autres. Or, il n'y a pas de pru>
portion entre la difTérence physiologiqire et la diiïérence
I '|ue qui distinguent, par exemple, la folie d'avec
i<- ^ ri, quand on juge de l'àme par le corps, on est
porté i identifier ces deux états. De plus, tandis que, dans
II I rjt des pliénomènes psvi htilngi<|nes et des
I > «aniques, l'un des deux termes au moins,
avoir le phénomène mécanique, était exactement mesura-
ble ; ici les deux termes ne sont guère plus mesurables l'ua
que l'autre, en sorte qu'il ne peut manquer de régner une
grande incertitude sur le degré de la correspondance.
En somme, la seule entreprise vraiment pratique consiste
h chercher, non pas la correspondance des rapports, mais
la correspondance des pnénomènes considérés isoliMucnL
On peut alors obtenir des résultats précis et insiruciir» ;
m.-)is ces résultats oe révrlrnt nullement la loi des phéno>
mnios psychologiques, parce que, la loi de la détermination
Dhvsique n'étant pas absolue, ils laissent entière la ques-
Ck>u de savoir si k» couditioos physiques ne sont pas déier-
118 DC LA C0IfTI5CE:<CE DES LOIS DF. LA RATlKt
ninëe» tn partie par l'Ame eUe>inéne, et qielle est, eo et
ten», la part de l'influence psychique »or b production de
cet condition».
Mais, s'il est impossible de déduire la nécessité des phéo<w
mènes psycholoiriqties de leur correspondance avec les
ph«nou)cnes inférieurs, ne trouve ton pas, dans le monde
psychologique considéré en lui-même, la preuve que les
fondements en sont immuable» ot l'évolution oécei^saire?
L'applira'ion possible et fructueuse de la statistique k
l'élude des phénomènes psychologiques, la découverte de
moyennes morales constantes seml ' >
phénomènes sont soumis à une loi i
aux lois des mondes inférieurs, et que celle loi consiste
dans la permanence de la même quantité d'énergie psj*
chique.
Ce n'est pas tout. La loi de la conserration de la force,
en mcraiiique. n'est pratiquement vraie que pour un en>
»cmble de mouvomeiils suffisamment considérable, tel que
le système solaire. Eu physique et en chimie, l'application
de la loi de conservation se particularise, et chaque forme
de la matière tend énergiquement à conserver ses propriétés.
Chez les élres vivants, la conservation de la forme est plus
|«articulière encore. Klle s'applique à l'essence spécifique,
l/organisme typique, continuellemeni eniamé par les forces
étrangères, se sert de ces forces mêmes pour n'parer ses
brèches. Chez l'êire pensant, l'énergie est personnifiée. En
chacun de nous, elle a conscience de sa permanence, el
sent un penrh.uii invincible à s';<ilriburr l'éiemité.
L'àme a, !>aus doute, sa croi!>»ance et ses vicissitudes.
Mais.d l'on adroei l'eiistence de forces psychiques latentes;
si l'on remarque l'afT ucni gratis' naines fa-
cultés, k mesure qn> s ae déM si l'on
observe que, pour chaque homme, il y a généralement un
DE L Homme H9
d«'gre niaTimiim de projrrés p*;\clnqiie, et qu aprcs i uvtiir
att*>ial, l'homme, dOrdiuaire, au lieu de s'y tenir, entre
dans une phase de décadence, comme pour rétablir l'équi-
libre ; si enfin l'on lient compte des influences extérieures.
<li>s rapports des hommes entre eux, lesquels viennent mo-
difier l'évolution de sa nature propre ; on conclura vrai-
semblablement que l'énergie psychique, jusque dans l'en-
semble d'une vie individuelle, tend vers une moyenne dé-
terminée ; que la loi est du côté de la déleriuinaliou et de
la permanence, et que les faits idniraircs ne sont que i i-\-
cepiiun.
Même dans une phase donme de la vie psycliolugi(|ue
il un iu<lt\idu, la quantité de l'énergie mentale semble dé-
rroiuée. Si l'une des facultés de Time est très déveIop|iéc,
c eAt, d'ordinaire, au déirtmcnl des autres. Si un sentiment,
Doe idée, une résolution, ai quierent une grande force, l'alTai-
blis^emenl des antres modes d'action vjent rétablir l'équili-
bre. C'est ainsi que les sentiments présents finis>ent par
effacer plus ou moins comj)lci<-ment les seniimenis passés.
Cest ainsi que les impressions sensibles, refoulées par do
nouvelles impressions qui absorbent la meilleure part de
l'énergie mentale, en deviennent moins vives, ei passent de
l'état de sen&aiioos à l'étal d'images; puis, devant le (lut
sans ces«e montant des sensations ei des images nouxolles.
les précédentes s'éloignent. (>erdenl peu à peu leur couleur,
leurs traits particuliers et leur vie, pour devenir des idées
vagues, abstraites et morte*: utile métamorphose, par la-
quelle peu à peu les idées des choses les plus diverses se rap>
prucheni, se confondent dan<i des idées de plus en plus
gèoérales, qui nous représentent les cadres des phenomè-
net. C'est ainsi, ea6n. que. dans la sphère de la volonté,
les résolutions éner nt suivies d';»i
menl. que le déses|.i -me, et que \» • - ■• -
120 '*'^ ^A CO?iTINGE!<CB DBS LOIS DE LA RATl'RB
liinre dans l'elTort est la vertu la plut difflcile i réaliftrr.
L'âme a pouriaot la Tarulté de rendre à aea «enUmeuls
ëioinU. à ses ùh-e* effaci-e», ji «et rë»oIi ••«
leur éucrgie primitive, parfoit méin<- '!«
n'ont jamais eue. Mais, dans ce cas encore, il n'y a point
crèuiion d'énergie psychique. Cette résurrection ne s'opère
pas (l'elle-méroe. Elle est détcrroiiice par un état présent
analogue à l'état pas!>é, et c'est la vie de l'élat présent qui
se communique au fantôme de l'état passé.
Cette loi de conservation semble prétappotëe par toute
recherche tendant à expliquer les états de conscience, con-
sidérés en eux-mêmes, de la manière dont on explique les
phénomènes physiques ; elle est impliquée dans tout essai de
p>yrholo}:ie positive.
Et maintenant, si la quantité d'énergie psychique demeura
la même dans l'être pensant, peubon soutenir la contin-
gence des actes humains?
Il n'est pas plus plausible en psychologie qu'en aiëcani*
que d'alléguer, pour garantir la contingence des phéno-
mones, la diNiinriion de la force indiiirnninée et de la
direction, et d'admettre que la permanence de l'une n'en-
traîne pas la détermination de l'autre. Les actions menla-
les. sensations, idées, tendances, ne sont jamais donnée*» k
l'étal indéterminé. La direction des antét «Mleiiis doit se re-
trouver, aussi bien que leur énergie, dans les couséqnenis ;
et, pour obtenir dans les conséquents une direciior» ' "^
rente de celle qui résulte de la combinaison des ai.
dents, il faut faire intervenir une direction nouvelle, la-
quelle implique néressaircr ;ent une énergie nouvelle d'une
certaine intensité. Ainsi un changement de direction, ou,
•n ce qui concerne I ime, un changement de qualité, sup-
pose toujours un changement do quantité. Il est vrai que
celle quantité nouvelle peut avoir été empruntée par l'cire
DE L Homme l2i
doimé aux auircs élres du même ordre; mais le cliange-
nh-iil surgeon dans ces êtres duil avoir eu, lui aussi, une
raison délerminaale ; cl si, dans leDscmble, la qn.iniité
d'actioD demeure coastanie, les phénoniones ne pourront
être qu'un cireultis, où la conlingenre n'aura aucune place
L'àme considérée en général n'cxi»iiqiie pas plus le<î carac-
tères particuliers de tel sentiment, de telle coo< cpiiun, de
telle intention, que ta force considérée eu général n'expli-
que la direction du mouvement.
Il «emMe dtmc qu'il faille reno:icer à toute couiinp'iice
dans l'ordre des phénomènes de l'àme, si l'on admet d'une
nianière absolue la loi de la conservation de l'énergie psy-
chique, la proportionnalité des sensatinns, irlces, résolu-
tions avec leurs autccédents psychologiques. Mais ictie loi
esl-elle néres>airc?
On ne peut la considérer comme donnée à priori analy-
tiquement, puisque lidée des 0|iéralions psychologiques
ti pas un degré déterminé d'énergie, comme cou-
Oi t-ur e\i«»trnce.
Elle n'est pas non plus on jugement synthétique à prion
|i .' liant de l'honiuie est, au couiraire, de croire
(| >es actes. (Lette loi est une connaissance en pe-
inentate. et ne peut prétendre qu'à une nécessité Ut fait
Or cette nécessité elle-même lui appartient-elle?
Si l'on perce la première envelop|)e des choses, on
trouve sans doute que la variété infinie que présente la sur-
face du monde p<iychologiquc n'esisie pas dans lu fond.
Même dans l'ordre mural, sous les dehors changeants, il j
a des couche» de plus en plus solides. Sous la disposi-
tion du moment, il y a le caractère individuel, sous le ca-
ictère individuel les mœurs du temps, puis le caractère
i.ational, puis eAfin l.i nalnri» hunnine. Or la !:jtuio bu*
ni.iiiii» ilt'iiii'iii r kfusilil(>iii<-ti t la même.
lis PF. LA CO?ITINCENCF. DF.S LOIS DE LA ffATLIlE
Tri e&l le réMiliji aui|ucl. d'ordinaire, abontii le ptyclio-
logiie. Mais rhislorien esl disposé à voir les choses sous ua
auire aspecL A ses yeiit, tout rhaofte, et il n'y a pasdnii
(fpo(|ues ctactenieolsenibbblet. Les assimilation^ qu'on èra*
biil entre le passé et le prëseni ne sont Jamais qu'approii*
nialivcs. Et il semble qu'on
courles, formées el posées cnmi . ,
le philosophe aime i couronner les Kénëralisationt hislori*
ques, laissent iiu'vitablemenl en dohors <!■ '
1.1 rralilo : comme si ce qui vil olnit. p;ii
lible avec rexaciilude, l'anité, l'immutabilité d'ane formule.
Rsl-il un homme dont le r:ii ■ ■ ■>
Ksi-il une n-'iiion dont 1; >
d'une seule et même idée ? La nature humaine elle-même
rcnformc-l-eile un fond immuable? Faut iî ' * ' •
grmcnts qui petivent se pntdnire jusqu*
des choses, sous prétexte qu'en eux-mêmes ils sont très
petits et iroporreptibles au premier abord ? (^uand il s'a^nt
du point do départ d'un angle, nulle mudiGration daosl'éiar»
temrnt des lignes n'est indilTorente.
Kaiit-il maintenant poursuivre l'analyse et l'abslrarlioa,
jusqu'à oe qu'on arrive à un principe véritablement identi-
que? Mais que restera-t-il de l'àme, au terme de cette opé-
ration ? En quoi consiste la nature humaine, réduite aux traits
exactement communs à tous les hommes? Il est clair qu'en
subissant cette élimination successive de ton lenls
particuliers, elle perdra jicu it |>eu tout ce qui gran-
deur. En somme, le retranchement des caractères spécW
fiques, la pirirralisation aboutit à des concepts de plus eo
plus vides, de plus en plus pauvres, et, en même temps, de
moins en moins propres i expliquer la vie réelle. Cest qell
rst faox de placer la subsiau' ' ' t
immiiahlr. ol on'il est impoSKÏIi . , l
DE L tlUMMK 12]
I iiiciil par la nature des choses, cunsidcrêe coinriie
I )ii iiiiiiicdiaie et ëgaleineal immuable de la subs-
tance aiosi curaprise. Où Yoyoas>oou8, surtout ea ce qui
cuncerue l'homme, une nature primordiale, qui ne suppM>e
pas l'aciiuu ? Le caractère u'esi-il pas le résultat des aric:»
iusliuctifs ou rcfléchis? Les facultés de l'homme se dëvclop-
pcraieul-elles, ciisteraieni-elles, si elles ne s'exerçaient
pas? Ou'esl-ce que l'ame avant l'action? La matière pre-
miere, s'il eu e&t»te une, a-t-elle, ici surtout, un rôle com-
parable 1 celui de l'artiste qui la pétrit, l'organise, lui
donne la vie, la physionomie et la beauté? En dépit des a|>-
pareoces, un individu, une nation, l'homme enlin n'est
jamais complètement esclave de son caractère. Car son ca-
ractère est ne de l'action, et par coDséqncul dépend d'elle.
Ce n'est pas l'iminuliilité qui est le trait duuiiiiaiit de la
oaiiire humaine, c'est le changenient, progrès ou décadeiit e;
et l'histoire, à ce point de ,vue, est le correctif uéces&aire de
la p>ychuli' ' ' jue. La condilioo réelle de I homme est
toujours le , ^ il'uu état à un autre ; les lois psycliolo-
giques les plus générales sont relatives à une phase de Ihu-
maniié.
Cette doctrine, d'ailleurs, u'cst pas en cuniradiciiou avec
le» données de la p»y« holo^ie, lun>que eelle-ci ne se con-
damne pas d'avance à tout réduire en formules exactes et
immuables. Lu conséquent psychologique ne trouve jamais
dans l'antécédent sa cause complète et sa raison sufTisante.
Cette dispro{>ortion des deux termes se manifeste parti-
culièremeut dans les actes volontaires. Dans la résolution
qii suit la considération des motifs, il y a quelque chose de
plus que dans les motiis : le consentement de la volonté i
Ici motif de préférence i tel autre. Le motif n'est donc pas
la cause complète de l'acte. Ku est-il du moins la raison
biilTi^jiiic? CiTtt'^ c'ckt tuujuur» le nioiiT !•* !>Iiis fort qui
124 DE LA CONTINGENCK DBS LOIS DK L« ^aTi r-.R
in«imph«*. mais en Uni qu'on donne, aprè$ rniip, c;eu« <*pi
Uielf prvciscnieiil au moiir du par la voloiiir II rcktrrai
à prouver que la vulouié dit toujours le nioiif (|ui, par lui
même, cxerçjil, d'avance, %\Èr l'aine, l'innueuir la plu« forlA
Or D'arri\e-l-il pan que la vulonlt* rende prjliqurnienl pré
pundcraiil un moUrqui. Uiruriquement, n'clail pas la rëbut
taaie des forces qui suliicitaicni l'aine 7 Lorsque nous
observons du dehors la conduite de oos temblablct et
néme noire propre conduite, nous trouvons que les mêmes
actes sont uiiiforméuieut lies aux même» motifs. Mais s'eo-
tuii-il que les actes soient déterminés parles motifs, consi-
dérés en eus-mèmes ; et cette loi ne se vérii • pas
égalenu-ut, si c'est la volonté elle-même qn , ~ir le
premier plan, qui met en saillie les conditioos de too action f
S'il en est ainsi. (lir;i-i-un, l'acte est sans «I
mai^ le rapport du motif prépondéraul avec i >
déterminations de l'àme contredit le principe de causalité.
— Il est vrai ; et peut-être un acte libre serait-il. en elTet,
ctiose iuai! :)issihle. si le [triiicipe de causalité devait être
admis comme absolu. Mais peut-être aussi ce principe,
dans son application aux faits, n'a-t-il pas la ripdité que lai
attribue la science abstraite, et coinpurie-t-il quelque con-
tingence dans la transformation d'un antécédent en consé-
quent. Ce qui fait illusion, c'est que les i auses prochaines de
l'acte donné s'enchaînent ou paraissent s'enchaîner entre
elles d'une manière exactement conforme au princi|»e d«
causalité- Mais comment prouver qu'en remontant la série
dos causes, on ne rencontrerait pas un point oà ce principe
ue sufûrail plus à rcxplication des phénonèOM. autant du
moins que I on pourrait les auaivser d'uD« maoière com*
plèleT II est possible que la puissance directrice n'inter-
viCAoe pas partout et toujours avec la méae énergie, el
qu'après avoir donné l'impulsion, elle abandoonc plus ou
DE L IIOMUR \<^^\
moius les choses à leur cours naiurel, lorsqu'il sulfii |»<Hir
achever raciiuu. Peul-élre celle impulsion esl-elle, eu elle-
même, extrêmement Taible ; mais, doaoeeau moment oppor-
tua el au point approprié, elle peut déterminer par ses
contre-coups des phénonieucs considérables.
li est certain aussi que, d'une manière générale, les agents
supérieurs ne disposent pas à leur gré des forces infé-
rieures. C'est surtout lorsque celles-ci sout en lutte entre
elles et se font en quelque sorte équilibre, que l'agent su-
périeur intervient aisément el efTicacement. Quand lame
esl partagée entre divers désirs, la volonté, saus eflTurt, se
fait jour entre eut, institue une délibération et |»rononce
le jugement. Quand, au contraire, la volonté se trouve en
présence de passions qui, convergeant vers une mémo un,
se fortifient réciproquement, il lui arrive de ^oublier,
lie s'abandonner elle-même. Cependant, môme alors, elle
'•ul se réveiller el agir : elle peut lutter contre les |>assiuns
les plus fortes, soit ii ' icnt en leur opposant d'autres
passions d'une iuien- ou en les lournaul insensi-
blement vers d'autres objets, soit même direciement en se
dressant seule contre ses adversaires. Elle peut cnrni, jusque
dans les circonstances les plus défavorables, se servir des
litis mêmes qui régissent l'amc pour la diriger.
Si la production de» déterminations volontaires est Tordre
de phénomènes psychologi<|ue$ où se manifeste le mieux la
< I', les autres ordres n'en sont pas entieremeul
d , Car un sentiment ou une idée, quelle que soit
la simplicité et la généralité du rapport qu'on examine, ne
i- > leur» arii ' -iques leur
,\ le. Ils ;t| . ' irs comme
étant autre chose que ces antécédeDls, comme renfermant
,i .' 'l.'s; et, k ce titre. Ils éch^qipeni à la loi
i;. lié de la cause et de l'efTet.
liO OK La COrCTINGBNCB DBS LOIS DB LA NATrilB
Ainsi la variabiliio »e rrlrouve Jusque* dans k-k (tniriMi*
(leurs les plus reculves de la ualure huiiMiiie. l>es lors. rsi>
il vraisemblable qoe la quaotilé d'énergie psychique m t
etartemeai délermiuée fi dninure et;iri«>nie«it la mente t
Cour être eo droit d'aftirmcr une pareille lo.. il rau<lr:iil
pouvoir ramener toutes les successions psychologiques a un
mode de aucceasion ëlémentaire, eiactement dcirrminc,
dont on dëmootrerait la permanence. Or c'est preciscuieal
ce ternie qui Tuit devaui l'invcsiigaleur.
Mais peui-élrc le changcmvut radical iui-méme t-t-il sa
loi nécessaire dans un principe dynamique immuable aoté-
rieur à tous les phénomènes ; peut-iMn- le moinle psycholo-
gique est-il une évoiutinit niiifoime où est iiniilinin'e
l'essence même de rànic
Né peut-on pas dire, par ott-niple. que la marclw des
phcnomcncs» psychologiques doit nécessairenimt être la
résultante de deui éléments, qui sont : dune part, oo en*
^' mille de facultés constituant la ualure ' iite
ixe; et, de l'autre, une ou plusieurs i' <•*
que la recherche du bonheur, l'instinct de ta vie, l'adapta*
lion des facultés internes auicon' •■ \ternes?
Celte doctrine est sujette â plu> ,. « tions. Oo peut
se demander s'il est possible de faire rentrer tous les aciea
de l'homme dans ces formules ou même dans une formule
quelconque, puisque l'homme se sent capable d'héruisnie,
de sacrifice, d'actes qui brisent les résistauce» les plus (or«
tes de sa nature.
Eu admettant que la chose soit potaible. il est, à tout
le moins, dilTicile de déteroiiner exactemrut la formule
à laquelle on entend se tenir : caries formules en question,
justes chacune dans une certaine mesure, ae coocilteot mal
entre elles.
l.G désir du bonheur, par exemple. |ieul oooa faire détes-
DE LIIUMMË 127
trr fl fuir une vie qui u«»«.»>r;iii plus qu'une sondraiMe (uiui-
uuelle.
1/aniour de la vie piiNNique et morale, ea uuus ioduisaut
à développer nus forces et nos facultés autant que possible,
ijscite mille difficultés, mille conflits avec le dehors, mille
t><iiilTraii<>'s qui n'existent pas pour les âmes inactives.
L'ai|ji*(aiiou des tendances aux choses, à mesure qu'elle
te réalise davantage, éteint la cooscieoce, qui a besoin d'uo
choc pour se uianilester, et remplace lés sensations vives,
agréables ou désagréables, par nn état d'indifférence et
d apathie. Ce n'est pas tout. Le conflit entre l'homme et le
monde physique tient à ce que l'homme poursuit des fins
que les choses ne réalisent pas spontanément, des fins su-
pi'-rieures a celles des choses. Pour faire cesser ce conflit, il
faut renoncer à poursuivre ces fins supérieures. L'homme
qui fait de l'adaptation aux conditions externes le but de sa
vie devra donc redescendre successivement les degrés de
l'être, et se plier se soumettre, s'identifier aux choses
dont il redoute le choc. Dès lors, il ne verra plus que des
maux dans la cons<-i<Mice morale, dans riiitelligcnct', dans
le sentiment, dans la vie, dans l'c&istenoe elle-même, car
toutes ces tendances sont contrariées par le monde externe;
et finalenieni il considérera l'annihilation absolue comme le
souverain bien.
Fût-il démoniré. d'ailleurs, que toutes les actions de
i homme s'> :it par ces formules dynamiques ou par
d'autres du iire, il ne s'ensuivrait pas que la néccs-
iié préside à la vie psychologique. Car cet formules ne
iiisfont pas aux conditions d'une loi positive, ou rapport
vi>i^nt entre des données expérimentales.
El d'abord le second terme de la loi dynamique, la fin
i'ioposée à l'acLivité humaine, a quelque chose de vague et
ri'intléierminë <)u'eslce que le bonheur? Tous les homme*
■OVTHOOI f
I3H DE LA CONTIMGRNCB 0£8 LOIS DE LA ?IATUIIE
le cooçoivpnl-il« de la même manière ? Quel e»i le genre oe
bonheur qui est cun-^iiioré romnie la fin uuiv«r«o||<> <!<>« arie*
bamains ? De OK^me, eo quoi consiste le d ml
harmonieux de dos forces et de nos facnltcs? ^- Tor-
dre de subordination qu'il s'agit d'établir entre elles ? Admet*
tra-t-on, pour rester, autant que possible, sur le terrain des
faits, que la facultv la plu;» haute e»t celle qoi confère le
plus de force? Mais il n'est nullement éTident que la icran-
deur morale rentre dans la force et ne ■
rechenbcc pour elle-uièmc. Le dévelo|»pr(i , ,
de nos puissances innées est-Il do principe clair, propre i
être couipris de la m^mc manière parlons les hommes?
Quant à I adapiatton des tendances aux choses, ne se peut-
elle également eoDcevoir de plusieurs manières? Mettra -l-ou
sur le nu'ine rang celui qui cherche i se ce ' ; anx
conditions externes sans rien sacrifier de set» ; . ii%es
humaines, et celui qui laisse dépérir ses facultés supérieures,
sous prétexte qu'elles entravent î" ' " n , " , ,i |e
genre d'atl.'i|»lalion que l'on cou iiu*
relie des actions humaines?
Knsnite. penl-on dire qu'une ■< ir<i.iiii •• soit une réalité
|>osilivr? La tentJunie n'exisie-t-elle que lorsqu'elle !»e mani-
feste ; D'est-elle qu'une somme d'actes passi*s on prt'sents?
Certes, elle peut exister lors même qu'elle ne se manifeste-
rait pas. Est-ce une somme d'actes possibles? De deux
»hoses l'une : ou ces actes se réaliseront certainement, et
ilors ils ne sont pas simplement possibles, ils toDl futurs :
atais il D'est pas nécessaire qu'une tendance doive se réaliser
pour que l'cxisience en puisse être admise ; ou ces actes
sont vériiablcment possibles, c'est-à-dirc se réaliseront ou
De se réaliseront pas : mais, dans ce cas, ils oe peuvent être
cni: '>mme une réalité positive, c*eal-i-dire doonë«
rf.i' .rire.
DE L*HOMMB 129
De mimr.on ne pfiit cnn<:irt^'rer comme données ladircc*
lion prtTi<;o, rinlensité, l'inlclligence de la tendance. Car la
tendante, c'est l'être même; et qui peut affirmer que l'éire
n'a pas le pouvoir d'agir sur ses tendances, de les modifier
sponiantiment? Celte impossibilité est-elle donnée, pcut-Llle
être donnée dans l'expérienre?
Il j^emble donc qu'il soit aussi impossible d'établir scienti-
fiqui'meDl une loi de changement radical nécessaire, qu'une
loi de conservation radicale. En fait, le changement existe
dans l'àme à côté de la permanence, avant la permanence
elle-roènre. D'autre part, one loi de changement qui ne se
rarr»' • une loi de consenration, une loi qui précède
absM f» choses, un principe antérieur aux concepts,
ne peut être assimilée aux lois positives et prétendre, eo ce
»cns. à la nécessité.
S'il en est ainsi, on est eo droit d'admettre que les phéno-
mènes psychologiques ne sont pas absolument déterminés,
mais recèlent, sous les uniformités de succession qu'ils
offrent encore ib l'ob-scrvaleur. une contingence radicale.
Et le caractère propre à la loi de permanence qui régit les
actes de l'homme prouve que la part de IKidétennination doit
j être plus grande que dans tons les autres phénomènes.
En effet, dans les régions ioférieurt-s, les lois fondamen-
tale de permanence se rapportent immédiatement à des
ensembles plus ou moins considérables, tels qu'un système
mécanique, une forme de la matière, une espèce vivante.
Chaque agent particulier se trou\e ainsi comme absorbé
dans le loai auquel il appartient. La lui qui le régit ne lui
• que d»' roiKori avec l'ensemble. Dès lors.
, irrait il produire une action contingente? Sera>
ce en prenant soo point d'appui dans la loi même de son
action? \f loi, qui 1 .,i. «-st toute
contre lui mpose au O' , i < iuiiiaiive la
130 DE LA CONTlMCeriCR DES LOIS DE LA lUTtRB
condition de modifier rentemble da «jrstème auquel il appar>
tient. Sera-ce eo résistant abuolument i ce destin eonemi
qui ne le compte pour rien ? Mais serait-il encore une créa»
ture, l'être qui pourr;«it agir sur le» chose* san* prendr» en
elles son point d'appui ?
Ce serai! donc èire soumis à une fatalité itii^uiur i(ii«
d'exister uniquement romme partie du tout. A vrai dire, rien
de réel ne présente ce caractère, incompatible avec l'exis-
tence : il ne se rencontre que dans l'ulijet purement Idéal
d'une science tout à fait abstraite. Et, si les êtres inférieurs
i l'homme présentent déjà, sous forme collective, quelque
degré de continj;cnce, c'est que les systèmes qu'ils consti
tuent sont déjà, dans une certaine mesure, des mondes dis»
tincts, en dehors desquels il j a de l'espace et des |>oinis
d'appui.
Or, plus que tous les autres êtres, la personne humaine a
one existence propre, est à elle même son monde. IMus que
le* autres êtres, elle peut agir, sans être forcée de faire
entrer set actes dans un système qui la dépasse. La loi
générale de la conservation de 1'
celle, en quelque sorte, en une n
dont chacune est propre i chaque individu. Ce sontcealoit
individurllrs qui sont immédiates: la loi pcncrale II'
que médiate. Il y a plus : il semble que, pour un ni'
▼idn, la loi se subdivise encore et se résolve en lois de détail
propres à chaque phase de la vie psychologique. I.a loi tend
à se rapprocher du fait. Dès lors, la conservation de l'en-
semble ne détermine plus les actes de l'individu : elle en
dépend. L'individu, devenu, à lui seul, tout le genre auquel
s'applique la lui, en est maître. Il la tourne en instrument ;
et il rêve un état où, en chaque instant de son existence, U
serait ain^i l'égal de la loi et posséderait, en lui-même, loua
les ciéments de son action.
CONCLUSION
Lorsqu*», dan» l'aorienne Crt-ce, l'homme prit conscience
de lui-même et rénéchit sur sa condition, il se crul le jouel
d'une puissance extérieure, impcnéirable el irrésistible, qu'il
appela le Destin. Selon celle croyance, il avait le devoir
d'obéir à des ordres mystérieux, et il était condamné à expier
des crimes inévitables. Après avoir gémi sur sa servitude, il
osa juger celle puissance inflexible. Il la trouva cruelle et
inique, il estima qu'il valait mieux qu'elle. Il s'étonna
d'avoir accepté sans examen ce joug honlcnx. Il essaya de
s'y soustraire, de le briser: il le brisa, en efTel. Ce ne fut
plus le monde qui lui dicta des lois, ce fut lui qui dicta des
lois au mond** Il prit conscience de sa liberté.
Mais bi«'nl«')t s'éveilla en lui une nouvelle inquiétude. Suf-
lî«aii-il qu'il fût libre i l'égard du monde extérieur pour être
fîfi ? Ne sf ''.is en lui des mouvements impé-
> forces in >, analogues à ce destin auquel
il avait cru jadis? Ne s'était-il donc trompé alors que sur le
si<^(re de celle puissance souveraine? Absente du monde,
rr>iibil-elle en lui-même? Ii)lail-il l'esclave de ses passions,
<\r M*s idées, de sa nature ? La fatalité le ressaisissait-elle
au uiuroenl où il croyait lui échapper ? .^ans doute, celte fata-
lité nouvelle était moins brutale el moins stupide que la
(•dente. Mais vn étail-elle moins absolue? Une chaîne
(Il ,(• i-elle muios lourdement pour être inaperçue du dehors?
Sous rëtreiole du moude i'xiéricur. l'humm* conservait
132 DF. LA CO?iTtNCENCE DCS LOIS DE LA HATURI
fricure une liberlé : celle de proie»t«r inlërirurf mrnt conlre
la violence dont il ëuit victime. Sous I étreinte de m propre
nature, c'était se duper soi mi'mc que de se croire libre.
Qtiaut à l'empire sur le moudo exlêriour, quel prit cnn^enr
i-il aux yeux d'un être qui sent la faialitë au- dedans de soi'
Ku somme, le Destin, sans doute, n'était plus qu'une fi
mais c'était une figure %raic.
Le (tcnie grec n'en demeura pas li. Il comprit que les
diverses parties de la nature humaine n'avaient p.i« toutes
la même dignité. Il réussit à faire plier les facultés inférirures
devant les facultés supérieures, il vit par là que celle fatalité
inierne qui pesait sur ses actes n'était pas aussi inflexible
qu'il l'avait supposé d'abord. Chaque elTorl nouveau le coa*
(irma dans ' '. dans cette foi en lui-même ; et peu à
peu il osa |> à la perfection d'un <lir(j ()ui M-raii
maUre de lui comme de l'univers.
Telle semble être, eu des sens divers, la conditiuu de tous
les êtres.
On peut distinguer dans l'univers plusieurs mondes. q-ii
fornieni comme des étages superposés les m
C« sont, au-dessus du monde de la pure U' .1
quantité sans qualité, qui est identique au néant, le monde
des c;ii; ' londe des notions, le monde mat!
le mon ' |iie, le monde vivant, et niflii If w
sant.
Chacun de ces mondes sembl*- n .•(•orti )i<-|i<-ii(iir t
nient des mondes inférieurs, comme d'une faialiié e\^
et tenir d'eux son existence et ses lois. La matière existerait*
elle sans l'identité générique et la causal:' - '-' -rp^ <>ans la
matière, les êtres vivants san^ irs ageutv , . I humme
sans la vie?
Cependant, si l'on soumet à un examen comparatif les con-
cepts des principales formes de l'être, ou voit qu'il est iropos*
COIfCLUSIO!f 133
sible de rattacher les formes supérieorcs aux formes infé-
rietircs par un lieD de nécessite.
Raisoiiuc-l-oo » priori? L'on ne peut tirer les forme»
•uperienres des formes inférieures par voie d'analyse, parce
qu'elles) ut des éléments irréductibles à ceux de
formes iii >. Les premières ne trouvent dans le-
secondes que leur matière et non leur forme. Le lien de»
unes par rapport aux autres apparaît comme radicalement
syiilliélique.
Ce serait pourtant un lien nécessaire, s'il était posé par
l'esprit, en dehors de toute expérience, dans un jugement
synthétique causal à priori. Mais les formules qui suppose-
raient une origine à priori ne sont pas celles qui s'appii(|iienl
aux choses données ou même à la connaissance de ces
choses ; tandis que les formules qui expliquent véritable*
ment la nature des choses données dérivent de l'expérience
elle-même.
L'existence des divers degrés de l'élre n'est donc pas néces*
saire en droit.
L*" r:<i«.(iin)iiiii'til ;* txislr^rinri nrOUVC-t-il qu'elle Ic SOit eO
(ait'
Lor-> uii'iiio que la science a [lU prendre la fo-me déduc-
tive, il ne s en>^uit pas que les ronclusinns en soient objec»
tivement nécessaires. La valeur des conclusions est précisé*
nient c<r • ' " ,,ix ; et, si i'T»
tuntconir rinsmetn*-(< n-iit
à toutes les propositions que le syllogisme en fait sortir. Or
toiii< '•> a un caractère abstrait cl
tniij' ne sont possibles (|tr;i ce
prir. Ce sont des synthèses artilirielles de concepts, appau-
vris de manière à devenir entièrement intelligibles. On ne
peut donc appliquer aux choses elles-mêmes la détermina-
tion inhérente aux définitions des sciences dédurtives.
134 DE LA COMTI>GENCE DES LOIS DE LA RATUIII
Les laiii, loutefoif, «erobleoi aiiMter «uffiuimmeal !•
canclère nécessaire de rapi ; * ' ettenre noa>
vrile. Car celle apparilion ' uienl avec ao
eerUio élat de la matière corres|)ondanle. Mais quelle est la
sigoifiraiiun de celle coinridcnce? Oe quel c6të c^i l'agent,
de quel côté le patient? F>i-re le principe infcri«Mir qui dé*
termine l'apparition du principe supérieur ; oo bien, e^t-re
le principe supérieur lui mcnie qui, en se réalisant, suscite
les condiiions de sa rëalisaiion ? D'une part, une cause phé-
noménale ahsolumcnl délorniiiiante est chose iiiiniclli):il>le,
parce qu'elle suppose ane quantité dépourvue de toute qua«
liié, et qu'une telle essence ne |h:ui exisier: l'Iofcrieur ne
peut donc déterminer absolument l'aiipariiion du supérieur.
D'autre pari, pour chaque progrès de l'élre, oo ne peut expli-
quer entiérenieni par les lois du principe inférieur la com-
plication que présente ce principe, al«»rs qn -it le
marchepied du prin(i|ie supérieur: il est donc 1 , <J ad-
mettre que c'est la forme elle-même qui façonne la matière
k son usage.
Ainsi chaque monde donne posseoc, par rapport aui
mondes inférieurs, un certain degré d'indépendance. Il
peut, dans une certaine mesure, intervenir dans leur dé-
veloppement, exploiter les lois qui leur sont propres, y
déterminer des formes qui n'étaient pas appelée* par leor
essence.
Mais chaque monde ne poric-t-il pas eo toi, comme une
fatalité interne, une loi qui en régit les phënomèoe* ; et alaii
la coutil '• > phénoroèoes o'est-elle pas. en définitire,
une port ,, ■•
Va d abord, n'eiiste-l-il pas eoe correspondance eActe
entre un monde sop4*rieur donné M les mondes inférieurs,
de lellc Korie que la loi du monde supérieur ne soit, en défi-
oilive. que la tr^doclion dans ao autre lanrate. de la fata-
CONCLGSIOK 13 >
litë propre aux mondes inférieurs, et comme le sens ink-nie
d'uD deslin symbolique?
Cette correspondance n'a pas une telle signilication, parce
qu'elle n'existe pas entre les deux ordres de rapports, n'y
ayant soaveot aucune proportion entre les vicissitudes de la
forme et celles de la matière ; et que, si elle existe entre les
deux catégories de faits considérés isolément, rien ne prouve
{à moins de considérer comme absolue la fatalité inhérente
au moi " ■ '' 'i-ur, c'est-à-dire à moins de supposer ce qui
est en V |ue le phénomène »upérieur n'ait pas iniliié
sur la réalisation de ses conditions.
Mais l'observation et le raisonnement ne montrenV-iis pns
que les phénomènes se produisent suivant un ordre constant ;
que les uniformités de détait se ramènent à des uniformités
générales ; et que, finalement, chaque monde est gouverné
par une loi spéciale, qui consiste dans la conservation de
l'essence même dont il est la réalisation?
Ces lois de permanence existent sans contredit ; mats sont*
elles nécessaires ?
Considt-rées a priori, elles ne se peuvent déduire de l'es-
sence même des choses auxquelles elles s'appliquent, parce
qu'elles se rapportent à la quantité extensive, et que toute
essence, étant avant (ont une qualité, comporte, i ce point
de vue, une infinité de degrés.
On ne peut dire non plus que ces lois fondamentales soient
posées a priori par l'esprit lui-même. Les formules qui
requièrent une origine rationnelle, portant sur des choses en
soi 00 sur des rapports invérifiables, ne t'appliquent pas aux
choses données ou à la connaissance des choses données;
ei les formules qui comportent un usage expérimental ne
ouiiennent aucun terme qui ne trouve son explication dans
I expéricnre elle-même.
Il est doue inexact de dire qae les lois régissent les phé-
136 DE LA CO^TIMGCNCe DES LOIS DR LA RATtUR
oomène». Elle» ne »oni pa« poMfe» avatil le* choftet. «Iles Im
tuppo»ciiC ; elles n'exprimeoi que les rapporU qui dcriteiM
de iour Dai' nableroenl n-atift^e
Miis h X il«>inéine. turiuut lonqn'eiie a pu preo*
dre la forme déduciive, ne pruuve-t-elie pa» à |H»fticriuri que
la nalure mémo des . ' ' «ngc pas?
D'uoe part, nu ur , . avec la nature des cboM*
un principe empirique, si gênerai qu'il toit, si recoud qu'il
apparaisse. La s< ieuce dc'duclivc csl radicalement abstraite.
Klle Jèiorroine les rapports des cliuse», à supposer que la
nalure en demeure immobile.
D'autre part, le muudo nous oiïre partout^ à cùtë de la
cooïervation, qui. eflTectivemcut, en elle -mène, exclut l'idée
de contingence, le chaiigcmeiii, progrèi on li
la comporte; et cria, non seulomcni dans \> , n-
ciel, mais m^me. indëfiuiroent'sans doute, dans le» lois d'en
semble qui rr»umiMlt los luis <*
Au fond, il n'est pas un rapi lanléccdeut à consé-
quent, si général qu'on le suppose, qui se puisse coDcevoir
comme nécessaire. Car la nécessité ne peut consister que^
dans le rap(>ori quantiuiif de lauiécédent au rouséqucot.
Or la quantité oe se conçoit que comme mesure de la qua*
lilé, n ■ ' ' I ' , ilité ; et < • " ' ' ij-
ment i delle-m- .i
defrés de perfection aussi voisins l'un de l'autre que Ton
voudra, ne trouvant d'ail' ' <> la quanlilé e iiensite on
répétition stérile d une m • aucun éUiueni de per
fectionnement. ne peut admettre que comme acridenielle el
relative, non comme essentielle et absolue. I*homo(;eoéité el
la permanence requises par ta catégorie de quaiiiité. La loi
de la conservation de I être est donc contingente.
Il est d ailleur« impossible de trouver et de concevoir une
loi de changement qualitatif antérieure aui choses qui n'im-
COÎICLLSIOM 137
plique pas la fiii-dlilé. Or la tioalilé dépasse rexpénem-e.
Ainsi une telle loi ne satisfait pas aux coodiiioas d'uoe loi
{< 'ire un indice de oëcessité physique.
I i>* donné ne sont donc pas dans une
^dépeDdaoce absolue à Tégard de leur propre nature. Il n'est
pas iocout»' ' ' tans leur fond, ils ne demeu-
rent pas ei labiés à eux-mêmes, et que
l'ordre dans lequel se succèdent leurs manifestations ne
laisse plare à une part plus ou moins grande de contingence.
Ce serait même celle indeierminaiiun qui permetlrait aux
formes supcricures de se grrffer sur les formes inférieures,
eu plaçant ceiles-ci dans les conditions requises pour l'éclo-
»ion d'un germe nouveau
. Esi-oe, niaiiii»-nant, par une série ue créations isolées les
unes des autres, ou par une marche continue, que la nature
lève ainsi, des formes vides ei siériles des mondes onto-
logique et lo:.'if|ue, aux formes riches et fécondes des mondes
vivant et pmsani? Peu importe, en définitive; car les éié-
ments supérieurs, pour venir s{>iriiualiser la matière par une
fi' n'en reste! tnoins irr' "
3'i • urs, et sti > a ces d« r
>ie d'addition, de création absolue. Oira-t-on qu'un navire
avance de lui-même, parce que, du dehors, ou lui voit
suivre one marche continue?
Trouver les formes intermédiaires qui établiraient entre
iiius les êtres de la nature une gradation i ' ''-. < i-
serait dcterininer le mode d'action du prinrij» < u.mi-
nemeoL, ce oe serait pas ramener le perreciionneroent à
l'iromobilité, les formes supérieures aux formes inférieurrs.
Quant à traduire l'idée de p4'rferiiotinenu'nt par l'idée de
développrinrni pur et simple, d'abord c'est chose ill<-t;iiime,
parée que iouidévelop|iement n'est pas au perfectionnement:
ensuite c'est chose inutile, dans le cas prcscot. parce que
I.*^ '>K I.A CO?ITIMGEnce DES LOIS OC LA HATL'RI
le dcvelo|>|M>mrni lui-méroe »upp<)fterinlertentioo d'un prio*
cipe supérieur, qui lire la maliere de l'cUit d'euveloppeincnt
et lui ra^&e mettre au jour ce qu'elle carlie. D'ailleurs la
doctrine de la préoxisteuce et de la prcfurmalion temble
faire place de plus eo plu», dans la science, à la docirioe
do répiiçôoèse, laquelle, sans exclure le priaripe de develop-
pement, «uppo&e expre»!»cmeul un principe d addition et de
perfct liunucMient.
tn premier coup d'œil jeië sur les phcnumèncs naturels!
pu faire nailre l'idée d'une transniulaliou universelle, sans
addition de formes supérieures. On a pu croire que l'eau
avec sa fluidité, ou le feu avec sa mobilité, était le principe
unique, susceptible, par lui-mi^me, de revêtir toutes les
formes que nous connaissons. On a pu, pendant ' >,
persister dans la croyance à la transmutation d< \\.
On a pu, jusque dans un âge scioulifique avancé, admettre la
iraiismulalion pure et simple des forces, croire que le rooa-
vcment se peut, llilér-diement, transformer en cbalcur, eo
vie, en pensée. Un examen plus approfondi a montré que
l'eau ou la chaleur qui enireiicnnenl la vir v' ,i dans
le corps vivant sans changer de nature ; qu< nx vils
demeurent tels, a travers toutes les fusions et combinaisons
qu'on leur lait subir; que le mouvement sul) * î •nlier,
comme mouvement, sous la chaleur, la vie. dont
il accompagne l'apparition.
L'univers ne se compose donc |i.in d'clcnirutv .^-.mx entre
eux, susceptibles de se transformer les uns dans les autres,
comme des quantités algébriques. Il se compose de formes
superposées les unes aux autres, quoique reliée» entre elles,
peut-être, par des gradations, c'est-à-dire des additions, tout
i fait inseusibles.
Et, de même que chaque momie rontic.t quelque chose de
plus que les mondes qui lui sont inférieurs, de même, aa
CONCLUSION* 139
sein de chaque monde, la quanlitë d'être n'est pas absolu-
ment déterminée. Il y a un perfeciionnement possible, comme
aussi une décadence ; et la contingence du degré do, perfec
lion emporte celle de la mesure quantitative-
S'il en est ainsi, le vieil ada^ : t Rien ne se perd, rien ne
se crée >, n'a pas une valeur absolue. L'existence même
d'une hiérarchie de mondes irréductibles les uns aux autres
sans être coéternels, est une première dérogation à cet
adage ; et la possibilité du perfectionnement ou de la dc«.a-
dence au sein de ces mondes eux-mêmes en est une
seconde.
Or les sciences positives reposent sur ce postulai. Elles
étudient le changement, en tant qu'il se ramené à la perma-
nence. Elles considèrent les choses au point de vue de la
conservation de l'être. Quelle est donc la valeur des sciences
positives?
Certes la si;il>iliié n'est pas simplement une catégorie
abstraite, un moule où l'entendement jette les choses; elle
règne dans le monde donné. Les faits sont des cas parlicu*
liers de l<H l«^ monde est intelligible ; et ainsi ce
ne sont |>.> iiés idéales, c'est la réalité elle-même,
dont la science nous présente le tableau systématique. Mais
b stabilité ne régne pas sans partage. Au sein uiêine de sou
empire appâtait, «omme élément primitif original, l'ac-
tion d'un principe de changement absolu, de création pro*
prcment dite ; et il est impossible d'établir une frontière
entre les deux domaines. Ou peut dire qu'une partie des
êtres ou qu'une face des choses soient régies par des lois,
tandi'» que les autres êtres ou l'autre face des choses seraient
soustraits à la nécessité. Ce qui est vrai, c'est que, dans les
nioiides inférieurs, la loi tient une si large place qu'elle se
substitue presque à l'être ; dans les mondes supérieurs, au
( niitniire. l'être fait presque oublier la loi. Ainsi tout fait
440 DB LA CONTINGFMf t>KS LOIS DB LA KATIRK
relève non fteulcmml du principe dr <on«rrvat!on. mai»
aussi, et tout d'aburd, d'un priiicii»* de cr<-aii<Mi.
L'élre D'esl donc, i aucun de sm degrés, conoa Jusque
dans son fond, quand les sciences posii' ' ' ir
œuvre. Il esi coiuiu dans sa nature et h.
Il reste à le connaître dans sa source créatrice. Mais en quoi
peut consister ce principe, inaccessible i l'ohtrrxation?
Il srmhlc que le seul moyen Itfgiiime de s'en Taire une
idée soit d'en considérer les eiïels. Mais, dira-lroo, quels
sont ces effets, sinon la dérogation aux lois, l'incohérence et
le désordre? Soumis ii la nécessité, le monde pouvait du
moins être embrassé dans une pensée unique : pénétré par
la contingence, il n'est plus intelligible que par fragments et
d'une manière approximative ; il u'ofTre plus que les mem-
bres épars d'un organisme désagn-gi'. Que peut dun< être, en
lui-même, le principe de la contingence, sinon le hasard, ce
mot dont nous couvrons notre ignorance, et qui, loin d'cs»
pliquer les choses, implique le n-nuucement même à toute
tentative d'explication, et en quelque sorte l'abditaii*'- ''"
la pensée ?
iVut-éire n'est-il pas nécessaire d'admettre que ce pt
ne soit connu que dans tes eiïeis. )lais il faudrait l-vi
ment, pour être en mesure de le saisir en lui-même, sortir
de la sphère de l'etpérience. Que si, restant sur le terrain
des faits, l'on contemple la marche générale des choses,
uns faire de la classification scientifique le leal type de
l'ordre, on trouvera peut-être que, raêni' te
la contingence, le monde apparaît ronu. i-
pliciié, d'harmonie et de grandeur.
An degré inférieur.
est la nécessité ou i^
est l'unité. Cest la Tonne la plus vide qu'il soit possible de
concevoir. Mais cette forae, on laat du moins qu'elle aspire
CONCLCSION 141
à M séparer da néant absolu, n'est pas tout i fait immuable.
Grice i la place, même infiniment petite, qu'elle laisse à la
' e, elle ne demeure pas inutile. Elle prépare la
r. — i de l'être. Or l'être, tel qu'il est donné dans l'ex-
périeoce, c'est le fait cause du fait, c'est-à-dire l'un détermi-
nant l'autre. C'est un ensemble d'actes liés entre eux par
an rapport de causalité. L'essence de l'élre est donc le rap-
port de l'un et de l'autre, la multiplicité résultant de la diffé-
r A son tour, la multiplicité, laissant quelque pbct
a licence, devient la matière à laquelle s'applique,
comme une forme, le système des genres et des espèces, ou
c! '" iim du multiple. Or l'idée générale, la notion, est,
d i. multiple, en tant qu'elle est décomposable en
plosteurs notions plus particulières, différentes les unes des
•ulres; d'autre part, elle est une, en tant qu'elle consiste en
une essence commune i ces diverses notions. La noiiun est
donc l'harmonie introduite dans le multiple au moyen de la
hiérarchie, la combinaison de l'unité et de la multiplicité.
Unité, multiplicité, hiérarchie ou unité dans la multiplicité :
tels sont les degrés inférieurs de l'être, formes abstraites,
susceptibles d'être conçues uon encore d'être senties.
Grâce à un certain degré de contingence, à une sorte de jeu
laissé aux cadres logiques, une nouvelle furme de l'être s'y in-
troduit : la maticre, chose étendue et mobile, dont l'essence est
la continuité. Or le continu n'est autre chose que la fusion, la
|> i> réciproque, luoification de l'uu et du multiple.
i •', i son tour, se prêle à la création des formes
physiques et chimiques, dont l'esseoce est rhétérogénéité. Or
I' iiu ce qu'est à l'uuiié la multipli-
<-> . :'**'t de l'un et de l'autre. Fuis le
monde physique rend pos»ible le monde vivant, lequel a
pour essence l'indivi' iui, l'harui'
rhétérogcne par la j , iiace d'un ' i,
142 DB LA CO?iTIMGR!«CR DES LOIS DE LA NATURI
la hiérarchie. La dUiribuiion hiërarr vdans
celle Mcuude période, répond au ii" i.t pre*
miere.i la coinbiiiaiftOD de l'unité et de la o>ul^plicité daof
la notioo.
CoDliDuité, hëlërogëoëité, orgauisatioo hiérarchique :
elles sont les formes de l'être, concrètes et sensibles, qal
se superposent aui formes abstraites.
Knfin, au dessus de la vie elle-même, ei sur les fonde-
ments qu'elle fournil, s'élève la conscience, où le monde est
senti, connu, dominé. La sensibilité est l'étal de la persoooe
qui est sous l'iiinucnce des choses et qui ne s'en distiogne
pas encore; qui, en quelque sorte, ne fait qu'on avec elles.
L'intelligence est la relation de la personne avec des choses
dont elle se dislingue, parce qu'elles lui apparaissent comme
autres qu'elle -nu-me. La volonté est l'acte de la personne
qui, en vertu de sa supériorité, coordonne, organise, ramène
à l'unité la multiplicité de ses manières d'être et la multi-
plicité des choses.
De plus, la forme consciente de l'être est i la fois
abstraite, en ce que, dans le monde actuel, elle n'existe pas
à part, et concrète en ce qu'elle est dimnée en elle-même.
Encore subordonnée à des conditions et dépendant, à ce
titre, des mondes inlérieurs, la conscience a néanmoins une
la^^e part d'ciistence propre. Elle trouve, dau» ses con-
ditions matérielles, un instrument plut encore qu'un lieu.
Elle se demandes! cet insiruuicutlui sera toujours indispen-
sable, et elle aspire à un état où elle «e s :" •Ile-même,
où elle aurait la vie et l'action, avec I in' >< e.
Ainsi chaque forme de l'être est la préparation d'une forme
su !io«es vont ainsi *' ^^iflaut et temul*
lii . >ir à la forme i. , h*, qui tiunne i
I ensemble toute la pnissaoce el toute la beanié qu'il com-
porte.
COlfCLUSIOIf 1-43
Si celte marche de Télre exclut, jusqu'à un certain point,
Turdre qui consiste dans l'unirurmité, s'eusuit-il qu'elle ne
soit que désordre et conTusiou ? N'est-ce pas plutôt à un
ordre supérieur <|u'a été sacrifié en partie l'ordre monotone
de la oécessiic ? .\*esl-il pas admirable que les cires se prê-
tent un mutuel appui, les êtres inférieurs n'existant pas seu-
lement pour leur propre compte, niab fournissant en outre
au» ••' rieun» leurs conditions d'existence et de per-
fe<ii<i: I ; ceux-ci, à leur tour, élevant les êtres infé-
rieurs à un point de perfeciiou qu'ils n'auraient pu atteindre
par eut-niêiiM>s ? N'esi-il pas conforme à l'ordre que chaque
être ail une lin à réaliser, el qu'il y ait liarnioiiio oiitro los
6tis des différents êtres ?
Mais cet ordre supérieur pourrai(-il t*xisU'r, si la nt-cossiie
était souveraine dans le monde, si la formule i rien ne se
perd, rieo ne se crée i était liltéraii'iniMil appliquée ? S'en-
quiert-oo du but d'une action imposée par la contrainte ? Y
a i-il des dilTcrcnces de valeur, c'esi-:à-dire de qualité, de mé-
rite, y a-l-il progrès, perfectionnement parmi les produits
il'une même nécessité ? Les degrés de valeur, si l'un essaie
d'en établir dans un pareil monde, pourront-ils être autre
cintre que des dilTrreoces conventionnelles, relatives à l'in-
ii-rèt ou au sentiment d'un être pris arbiirairemenl pour me-
sure ? Si la contingence oe régnait pas jusqu'à un certain
|ioi(il dans la série des causes déterminantes, le hasard r<'-|;ne-
rail dans la série de causes finales. Car c'est la linalito elle-
même qui implique, dans la succession des phénomènes,
< outingence. Poser l'uniforniiié de succession
:•-, ce serait sai iiiier un ordre supérieur à un
onire inférieur; la siiburdonucrii la finalité, c'est rendre pus-
' l'ordre vérilable. I.a surface la plus extérieure des
'S el la plus éloignée du foyer vivant, exactemeiii or*
donnée en appaience. parce n*** les successions y sont uni-
144 Dl U COMTinCBNCI DIS LOIS DB LA RATCBB
formes, implique, au Tood, cette iadétertninatioD qualiuiive
qui en rindëterinination véritable; mais, i mesure qu'on p^
oètre plus avaut dans la réalité, on toU croître la détermi*
nation qnaliuiive, et, avec elle, la râleur, le mérite et
l'ordre véritable, proporliunnollomciit à la décroissance
même de l'ordre abstrait et Talal. Peut-on, dès lors, atsi'
miter au hasard l'àme invisible et présente qui fait mouvoir
les ressorts du monde ?
Mais, pour offrir peut-être un intérêt esthétique, la doc-
trine de la contingence ne porie-t-elle pas atteinte aut
sciences positives ?
Il est vrai qu'elle réduit i une valeur abstraite les sciences
exclusivement fondées sur le principe de la conservation de
l'être, cest-à-dire exclusivement statiques. Mais c> «
oe sembleui, en somme, avoir d'autre rôle que d* •)
les conséquences de conditions posées, dans l'hypothèse où
ces conditions seraient exactement déterminées et où la
quantité d'Olre ne subirait aucune variation : elles ne pré-
tendent pas, en elles-mêmes, être exactement conformes à
la réalité objective Sans doute, si toute science devait ren-
trer dans les sciences statiques, la doctrine de la contin-
gence infirmerait la valeur des sciences positives. Mais, sU
est légitime de constituer des sciences dynamiques, à côté et
au-dessus des sciences statiques ; si la science objective
consiste précisément dans ces sciences supérieures, la doc-
trine de la contingence est conforme aux conditions de la
science. Seuionieat, cette doctrine impose l'observation et
l'expérience comme méthode constamment indispensable
des sciences dynamiques, des sciences de I être. S'il est vrai,
en effet, qu'à côté d'an principe de conservatJoa il y ait un
principe de changement contingent, I abandon de l'expé-
rience est toujours dangereux, toujours illégitime. L'expd-
rieoce désoraais a'eel plus une pensée confuse, point de dé*
CONCLUSION 145
pari chroDolugique de la pensée disiiocle; ce o'est plus
I I l'easemble des dounées parmi lesquelles
■ <i la loi, et qui, une fois résumiics ainsi
daos uue formule générale, rendent inutiles des observa-
lions nouvelles : c'est l'éteruelle source et l'éternelle règle
de la science, en tant que celle-ci veut connaître les choses
d'une manière vraiment objective, c'est-à-dire dans leur his-
toire, en même temps que dans leur nature, laquelle n'est,
en déHnilive, qu'un de leurs états. Selon la doctrine de U
conlin};ence, il est chimérique, il est faux de prétendre ra-
mener 1 histoire à une déduction pure et simple.
L'élude de Ihistoire des êtres acquiert, de ce point de vae,
nne importance singuli>-re. Il se trouve qu'au lieu de s'éloi-
gner du principe des choses, comme il arriverait si leur his-
toire était contenue en germe dans leur nature et n'en était
ni analytique et nécessaire, la science
II, , > ;>i»r<>che. au contraire, plus que la science
statique. C'est l'acte qui implique J'esSence, bien loin que
r <-r l'acte. Ce n'est donc pas la nature
'. • l'objet suprême de nos rerlierches
scientifiques, c'est leur histoire. Ces deux points de vue se
distinguent d'ailleurs inégalement, seluu que la part de la
contingence est plus ou moins grauda dans la chose à con-
naître. Ainsi dans les formes inférieures de l'être, l'exirénie
stabilité dis>iniule l'hiitoire. .Mais, à mesure que l'on con«>i-
dere des êtres plus élevés, l'essence apparail de moins en
noins comme primordiale : il devient de plus en plus évi-
dent qu'elle a son principe dans l'action même de l'être.
L'Iiomme est l'auteur de son caractère et de sa des-
tinée.
. Ce u e»i donc pas la recherche scieniifiqoe, c'est unique-
ment la prétention d'arriver k se passer de l'expérience qui
est condamnée par la doctrine des variations contingentes;
iiC> DE LA CONTINCK!<CI DU LOIS DF. U ftATCllll
c'est, par \it même, U rédaction de» icieDceshiMoriqueiant
triences siaiiqnet. Le* premières deTieooenU as cootraire,
les scicnrcs concrètes proprpmeni «lii <
ne soni pins, i desdegrt's divifr^. qiM
Enfin . ia doctrine de la contingence joint i an intérêt e%-
lli('iI.|iM- Cl snoiiiifiqne un iuli'n'l pratique. Eu eirrl, si Ton
ifiiiMii.iii (((!«■ IV\istroce du niuude et ies lois de succes-
sion qui s'y roanifesient sont al>%oluuient nécessaires, la li-
bi*rté lierait, ce semble, une idce sans ohjeL Prui-élr« le
monde, ainsi conçu, cumporloraii il encore un développe-
oient : mais, comme Ce dcveluppement serait an système
de modes nécessairement liés entre eux, il ne répondrait
pas à ridée que l'esprii &e fait de la liberté. I.a dnlnc-
tion, qui se développe les conséquences d'unf définiiiun
mathématique, n'ci^t pas un type de iiberié, mai« de uércs-
sité ; encore bien que cette nécessité purement interne se
distingue logiquement de la nécessite exierne ou fataliië
proprement dite.
SuHirait il, pour faire une place i la liberté, sans renon-
cer à la nécessité des lois de la nature, de considérer le
montie donné dans l'expérience comme un pur phénomène,
où l'être ne serait engagé à aucun degré ? Est-il indilTéreot,
i ce prix, de livrer à la nécessité le monde où nous virons ?
Il est vrai que celle doiirine est moins contraire i la li<
berté que la précédente, dans laquelle l'être n'était pas réel*
lement distingue de« phénomènes. Con' -, en
dehors du monde aensible, un monde ii ^ >inm«
:e monde, qui est celui de l'être en loi, est affranchi de
iois qui n'ont de sens qu'appliqu*'
b doctrine dont il s'agit peut, k. s
ce monde supérieur la liberté qn'elle élimine da monde
inférieur. De celte manière, la lilterié et la nécessité se
trouvent conciliée* : létrc eut libre dans l'absolu, et
CONCLDSIOÎI 147
Tordre de ses manifestatioDS est nécessaire. Comme, d'ail-
leurs, il n'est ajicuD phénomène donné dans l'expérience
qui ne c< r »> à un acte de l'être, on ne trouve nulle
(•art une i qui ne soit doublée de liberté. Toute
chose est sans doute nécessaire par un côté ; mais, par un
r> '•• est libre. Il y a plus : de même que, du c6(é des
I' lies, la nécessité est absolue ; de même, du côté des
êtres, la liberté est infinie. Ainsi, dans cette conrilialion. oi
k liberté ni la nécessité ne se trouvent diminuée ~^.
Est-il vrai qu'il soit possible de cnnriiier à ce point la li-
berté et la nécessité 7
Le moriil 'Ile étant cotisidt.-re, dans cette doctrine,
comme le i ue, le symbole, l'expression du monde in-
telligible, la même nécessité qui lie entre eux les phéno-
mènes lie entre eux les actes de l'être. r*ar conséquent, il
ne peut être question, dans une vie humaine, d'une déter-
mination interne qui ne serait pas nécessairement lice à
toutes les autres. Une seule action décide de toute la con
duite. Le caractère de chaque homme, la série de ses déter-
minations mentales forme un système où chaque partie est
appelée par le tout. Il serait inexact de dire que tel ou tel
de nos actes est libre ; car, étant donnée notre vie anté-
rieure, il ne peut être que ce qu'il est. Ce qui est libre, c'est
uniquement la création de notre caractère, ou système
d'actes intérieurs manifesté par la trame de nos niouve»
ments extérieurs. Notre liberté s'épuise dans un arte unique;
et son œuTre est an tout dont aucun détail ne peut être
changé. Étrange doctrine, selon laquelle le changement
de vie, r.f '>n ou la perversion, le r<|i<'iiiir, les vic-
toires sur -, les luttes entre le bim ci le mal ne se>
nient que les péripéties nécessaires d'un drame où le dé>
Oouemeut est marqué d'avance 1
Mais c'e»( rurure une illusion de croire qae, dans cette
».
J
148 Di LA coirnifcmci dis lois de la ratuki
doctrine, le dénouement dn raoinf, l'idée frénéral'- ^
tcles, reste en notre pouvoir. Si let artei lapra-^ «
de chacoo de nous sont liés oécrt«aireinent entre eos,
il» sont liés de la même manière aux a< i> .t«>eii-
aibles (i«> autres êtres, face interne d'autre> <-oet.
Le nénie raisonnement qui élablii la corrélation néces-
saire de toulet les déterminations d'une même Tolonté
établit la corrélation nécessaire de tous les systèmes de dé-
terminations Yolonlaires. Noire raractère personnel e«t une
pièce indispensable du monde intelligible : il ne s'en peut
dviathor. il ne se peut modifior. sans rompre l'unité et
l'harmonie du loul. L'acte qui crée notre vie morale est.
dans son existence tl dans sa nature, une conséqoeoct
inévitable des actes de toutes les autres volontés.
Il serait d'ailleurs inutile d'alléguer que si nous ne pos*
vons rien changer aux phénomènes physiques et psycholo-
giques, nous pouvons du moins les %iMiloir dans tel ou tel
esprit, et qu'en ce sens purement formel et met
nos ioieoiiuos restent libres. Celte hypothèse ôti j ..c
raison d'éire à l'existence du monde sensible, puisqu'aussi
bien nus intentions n'ont pour ohjei que des idées et que l'ob^
jectivité de ces idées serait, au point de vue où l'on se place,
indifTcrenle i la moralité. Ensuite cette hypothèse, en dé-
niant au monde des faits la | d'exprimer le r6té
moral des actes, lui enlèverait •■!. .ne sort* son rôle de
phénomène du monde métaphysique, poisque l'élément mo>
ralestvrai*'' 'lient l'essence du nu •[thysiqoe,
le nioude m , ique Iviménie. far iivpotheso
nous interdirait tout jugement moral sur les antres et sor
0(1 s. Klle plareraii la moralité dans une sphère inac-
Ce- il conscience humaine. Enfin, en interdisant à la
volonté tout objet qui ne serait pas. d'avance, compris dans le
système des phéaomèaM, tUo r«r«ii roosistor sa porfoc-
CONCLUSION 149
tiOD, noo pas à dominer le» choses, mais i s'y coDfurroer,
à s'anéantir devant elles.
Eo somme, dans celte doririuc, à un monde de phéno-
mènes où tout est lié nécessairement se superpose un monde
d'actions où tout est lié de la même manière. Il ne peut
donc élre quosiion, pour les êtres particuliers, de liberté per-
sonnelle. Il ri°t-\i>ie (|u'un être libre. Tout ce qui n'est pas
cet élre suprême est absorbé dans le système de ses déler-
minalions.
Mais cet être lui-même est-il yraimenl libre?
Sans doute, il a pu créer ou ne pas créer, choisir tel
monde plutôt que tel autre. Pourtant son choix a été sou-
mis à cette restriction, de ne porter que sur un monde où
tout fdt lié, où tout se ramenât à une unité logique. De plus,
l'acte de cet élre est unique et immuable: toute intervention
spéciale dans la production des phénomènes lui est inter-
dite. Son a>uvre même s'impose désormais i lui comme ud
fatum inexorable.
Si donc la doctrine de la conciliation admet une liberté
sans limites, c'est eo la plaçant dans des régions si élevées,
si éloignées des chove'* que son ;irli!i[i »e perd (I;iiis le
vide.
Telles ne sont pas les suites de la doctrine de la contin-
gence. Elle ne se borne pas i oorrir devant la liberté, en
dehors du monde, un champ infini, mais vide d'objets où
elle puis!(e se prendre. Elle ébranle le postulat qui rend in-
concerable l'intervention de la liberté dans le cours des
phénomènes, la maxime suivant laquelle rieo oe se perd et
rien ne »« crée. Klle montre que ce postulat, s'il était ad-
mis d'une manière absolue, engendrerait une science pure-
ment abstraite. Elle décooTre. dans les détails mêmes du
inonde, des marques de création et de changement. Elle se
prête donc à la coût eptiou «l'une liberté qui descendrait des
150 DB LA CO?(TI?ICEriCB DBS LOIS DB L4 NATLRR
régioos tupr '■'•% pour vrnir %t méltr aus phëo»*
oièoes et lo> ^ : ijoi des tcn» imprévu».
Dès lors, la liberté n'a pat le ton du poète que Platon
coiirunnaii de fleurs, mais qu'il > h de sa répuliinjae.
Dieu n'est pas seulement \f r du moQ<i«- . il en
est aussi la providence, el veille sur les détails aussi biea
que sur l'ensemble.
L'humuniic n'est pat seulement eo possession d'une liberié
collective : les sociétés humaines ont, elles aussi, le<pr li-
berté ; et, au sein des sociétés, les individus inérors dispo-
sent de leur personne. Enfin, l'individu n'rsl pas seulement
l'aulcur de son caractère : il peut encore intervenir dans le
cours des événements de sa vie. el en changer la direriion ;
il peut, à chaque instant, se confirmer dans ses tendances ac-
quises, ou travailler à les m<Hliiier.
Dans ses ^a|>porl^ avec le moude, l'homme n'est pas un
spectateur réduit à vouloir les choses (elles qu'elles te pas-
sent néressaireincnt : il peut agir, mettre sa marque tnr la
matière, se servir des lois de la nature pour créer des
œuvres qui la dépassent. Sa supériorité sur les cboict o'ett
plus une figure, une illusion née de l'ignorance, la stérile
ronscience d'une valeur plus haute : elle te traduit par
un empire elTecUr tur les autres £lret, par le pouvoir de
les lavoniier, plus ou moins, conformément i tes idée» et
eu vertu m^nie de ses idées.
Parli, enfin, les actes extérieurt, t'ilt oe tont pat tml
rbomme, t'ils n'équivalent pat i Time elle-nème, modèle
inimitable pour la matière, peuvent, du moins, être ane Ma-
nifestation, une traduction plus ou moinn fidèle de rinii-a*
tiou de la volonté, et donner une assiette eipériroeotaie *ai
Jugements muraui. Et, si l'ordre des chose* |>eutétrc nm li-
Oé d'une manière contingente, ce ne sera pas attei, pour
être bon, d'avoir ronça. détirë et voulu le bien : il s«ra mé-
COXCLLSIO?» 151
'ire (I avoir ;i^:i ou du moins essayé d'agir, puisque,
1 la coDicience morale, le bien possiMc e>i ubliga-
Ttiles sont les objets métaphysiques qug^ la doctrine de
la co.itingence rend possibles; et, à ce litre, elle apparaît
comme propice aux croyances de la conscience humaine.
Ilai*i, par elle-mi^me, elle est impuissante à ériger ces possi-
bilités eu réalité, parce que la liberlë,quienestlerond,et dunt
la contingence des choses est ici considérée comme le signe
extérieur, n'est pas et oe peut pas éire donnée dans l'expé-
rience, soil directemeot, soit indirectement. L'expérieoc*: ne
sai>ii que les choses actuciliMiient réalisées. Or il s'agit ici
d'une puissance créatrice, antérieure à l'acte.
Toutefois l'expërieDce elle-même, en établissant le carac-
tère contingent de tout ce qu'elle nous fait connaître, et en
laissant celte contingence inexpHqtiée, nous invite à cher-
her s'il n'existerait pas quelque autre source de connais-
^iiice, propre à nous en fournir la raison. El, en nousn)on-
'r;4nl que les diverses parties du monde, biun que coiilin-
.•■ules dans leur existence et leurs lois, présentent un cer-
tain ordre qui retrouve en beauté ce qu'il perd eu unifor-
mité, elle nous fait pressentir la nature supérieure des êtres
qui se révèlent à nos sens par leurs manifestations. Kniin,
comme il faut que ces élres supérieurs, pour que leur iiiler-
v'Mjtion ptiisse expliquer la contingence des phénomènes,
n<< vivent pas à part, sans ra|»|)ort direct avec le monde
de l'expérience, ou en se bornant i intervenir plus ou
moins rarement dans le cours des choses, mais soient les
ai ifiirs immédiats de chaque phénomène, eiempl, en défi
(liiive, de toute dépendance réelle à l'égard des phéno-
mènes concomitants : il est impossible d'admettre que la
f' ice du monde, telle que la peuvent donner les
&•' 'iletidcment, c'est-à-dire la ruiinaissancc des phé-
152 DE LA CONTi:«GE!«CI DIS LOIS DE LA NATTEt
ooRiènet et des lois, abstraeUoD faite des câotet fëoëra»
irire<i, se suffise jamais k elle-même.
Les sens nouit monireot des cbaiigcmenls elne les etpti-
queni pa%. I.Vntendoment noas révèle la cooservaiion de
certaines formes et de certains modes d'aciioa à traTcrs ces
changements, et explique ceux-ci par ceox-li. Mais le carte-
tère purfment relatif de rette perroanen'
voir, dans les formes et les modes d'acii'
fesie, les principes mêmes des choses, c'e»t4-dire des
câlins proprement dites, en mém** i
et des loi'i. Il appartiendrait à la m<
vide laissé par la philosophie de la oalare, en cherchant s'il
ne serait pas donné k l'homme de < ^nrp
voie que l'etpérience, Don plus des «' ni.M>
des causes vériiables. douées i la fois d'une faculté de chao*
gement et d'une faculté de permanence.
Conneitre les choses dans l'ordre de leur création, ce se-
rait les rnnnaltre en Dieu. Car une cause ne peut être ad-
mise comme telle que si elle est rattachée, par on lien de
participation, à la cause première. Si la série des causes
n'a pas de limite, il n'y a pas de causes véritables, l'action
et la passion, en toute chose, existent au même titre, et
l'une n'est pas plus que l'autre le fond absolu de l'être. Mais
re«prit peut-il atteindre Jusqu'à celte essence suprême?
On peut dire que les sciences positives, i travers l'élude
dos phënomènes.l^hcrchent déjà Dieu. Car elles cherchent
le premier principe des choses. Les divers concepts aux-
quels on essaie de ramener tout ce qui est donné dans
l'etpérience ne sont antre chose, en on sent, que des défini-
tions de Dieu.
l/entreprise la pins téméraire est de prétendre te passer,
pour l'expliralion de l'univers, de tout ^«rw(«i<iiM,eld'ideo-
co?icLusio:«» 453
tifii r Dieu arec la nécessité absolue, qui ne suppose rien
avant elle. Cette idée, qui, en di'finitive, se confond avec
celle du néant, est si Tide qu'à vrai dire elle n'explique
ri^n. II faut se résignera mettre dans l'idée de Dieu un prin-
cipe inexplicable ; et ce principe, ponr être fécond, doit être
synthétique. A tout le moins voudrait-on réduire au mini-
nium ce que l'on prend pour accordé ; et l'on essaye de dé-
finir Dieu « l'Être • ou M le genre suprême • . Mais ces con-
cepts, bien qu'ils expliquent déjà quelque chose, sont en*
core beaucoup trop pauvres pour expliquer l'univers. On
croit faire assez grande la part de l'insondable en attribuant
k Dieu, comme éléments irréductibles, l'éteudue et la force,
c'est-à-dire en l'identifiant avec la matière. Mais la matière
est encore impuissante à tout expliquer. Ajouter à ces attri-
buts, à titre de nouveaux posiulata, les forces physiques
et chimiques, la vie et même la conscience humaine, c'est
tans doute obtenir une idée de Dieu de 'plus en plus riche,
et, par suite, de plus en plus féconde; mais ce n'est pas en-
core concevoir un Dieu propre à tout expliquer; car la na-
ture et les lois des corps, des êtres vivants et de la coo-
s< MTi' »^ }i>!in.îne ne sont pas immuables et ne rendent pas
ri»tn;iit; t'iU'- ni(">mes des changements qu'elles comportent.
Faut-il imaginer, comme dernier postulat, une synthèse
ir ' ' !f> qui comprondrait, non seulenient tous les atlri-
li'j iiiels des choses connues, mais encore tous les al-
tributs essentiels des choses inconnues et des choses pos-
sibles ? Une telle synthèse serait one conception arbitraire,
parce qu'il n'y a pas de raison pour que l'érhelle des attri-
buts ait un terme. Les synthèses qui, comme celles aux-
quelles aboutit la science, se constituent par l'oriranisation
biér;ir(hique d'une multiplicité, peuvent se compliquer in-
léHniment sans jamais atteindre à une forme suprême. De
^lus, ces formules n'expliqueront jamais tout, parce qu'elles
154 Dl LA CONTINCRNCS DIS LOIS DR LA NaTL'III
ne s'eipliqaeot ptt elle**mémes, mais «ont tiroplement doo-
oëes par robt«mtioo et l'abstractioD; et que pourtant, à
titre de choses complexes et cootiogeotes, elles réclameot
«lue cxplicatioD.
Ainsi les srifoces posilires prétendraient Tsinemeot sai
sir l'essence dirine ou raison dernière des choses. Cette es-
sence ne consiste pas dans une synthèse d'attributs, si riche
qu'on la suppose. Il entre dans le concept de la perfection,
en même temps qu'une idée de richesse et de : par
où cette idée est à une distance infinie de la q........:. iiidé*
terminée, une idée d'unité, d'achèvement, d'absolu, par où
elle se distingue invinciblement de la synthèse la plus riche
et la plus harmonieuse.
Ni l'expérience, ni aucune élaboration logique de l'etpë*
ricnce ne sauraient fournir la véritable idée de Dieu. Mais
le monde donné dans l'expérience est-il toute la réalité ?
Il est remarquable que le concept de la oëcessilé on 4e
l'existence absolue, qui est en qur.
reuienderoent, ne trouve pas son ap;
monde donné, en sorte que leniendement ne peut gouverner
à son gré la science, mais doit se borner i conserver
les sensations et leurs liaisons, sans imposer aux concepts
et aux principes abstraits qui résultent de cette cooserra»
tion même le caractèrede l'absolu. I" * ' i^embtable que
l'idée de la néces^it•', inhérente à 1 > ut, soit sans
aucune application légitime ?
A mesure que l'on gravit l'échelle des êtres, on voit se
développer un principe qui, en un sens, ressemble à la néces-
site : l'attrait pour ceruins objets. Il semble que l'être soit
conduit nécessairenent. Mais il n'e&t pas poussé par une
chose déji réalUée, Il est attiré par une chose qui n'est pas
encore donnée, et qui, peut-être, ne le sera jamais.
81 noat eontidéroas l'hoaune, nous vovons qu'il connaji
COKCLCSIOM 155
ta nécessité sons ane forme plus difTéreate encore oes con-
iiions de l'expérience, sous la forme da deroir. Il sent à la
fuis qu'il doit agir d'une certaine manière, et qu'il peut agir
d'une autre manière.
Ces sortes de rapports sont scientifiquement inintelligibles ;
et l'homme serait amené à les considérer comme des illusiotis,
dues à l'ignorance, s'il n'avait d'autre point de vue sur les
choses que celui de la spéculation. Mais il est téméraire de
prétendre embrasser, de ce point de vue, tout ce qui est. I.e
mode de connaissance dtiit être approprié à l'objet i con-
naître; et, de même que, pour voir le soleil, il faut an or-
gane Il " ■ delà lumière : de même,
pour < iltle avecle suprasensible,
il faut one faculté pour laquelle le fait et lldée, le signe et
ta chose >i^niriée cessent d'être des choses radicalement dis-
tinctes. Cette faculté, l'homme la déploie et en prend con-
science, alors qu'il agit pour réaliser l'idée attrayante ou
obligatoire. L'action communiquant sa vertu à l'intelligence,
l'introduit dans un monde supérieur, dont les mondes vi-
sibles n'étaient que l'opuvre morte. D'une part, elle lui ré-
vèle la réalité de la puissance ou de la cause, comme prin-
cipe créateur et spontané, qui existe avant, pendant et après
sa manifestation. D'autre part, elle lui montre que cette
puissance ne peut passer i l'acte et être ce qu'elle veut être,
que si elle se suspend en quelque sorte, comme ik an prin-
cipe de vie et de perfection, à une fin ronsidér»-e comme né-
cessaire, c'est-à-'lirc rdruiiie hoiinc (!i;;iie (i'rtre poursuivie
et réalisée.
Le concept de la ncccs&itcrtprend doue une valeur réelle,
en un nouveau sens, il est vrai, si l'on se place au point de
vue pratique. Il devient même possible de concevoir l'exit-
;»iii e d'un objet aJ» 'Ssaire, pourvu que l'on
adiiieile en même v nce d'une liberté absolut
156 DP. LA C0NTIXGF.7(r.R DES LOIS DE LA KATtlIB
raftable de le réaliser. Or, abandoooaol le poiiil de me
etierne d'où les chose» apparaitseol eomaie de» i-
fîtes et boroéet, pour rentrer au plus profond de i
nii^mrs, et saUir, s*il se peut, noire èlre dans sa ^
nous trouvons que la liberté est une puis^^nce infinie. .Nous
avons le sentiment de cette puissance cbaqae fois que ooos
agissons véritablement. Nos actes ne la réalisent pas, oe
peuvent pas la réaliser, et ainsi nous ne sommes pas nous-
ménie!) celte puissaïu'i*. Mais eWr «■vi>if, pui«quVlI<- i-si U
racine de nos êtres.'
Ainsi l'ei. :. t , , >
moyen teriip ■ ■• niMipir < ■ i ,r
faculté supérieure pour voir eo Dieu autre chose qu'une
pu>sibiiilé idéale, pour donner son vrai contenu i lidée
ah traite de la nécessité. Cette faculté, nous la troutons
dans la raison, ou connaissaoce pratique du bien. La rie mo-
rale, où elle s'cierce, nous apparaît de plus en plus claire-
ment (à mesure que nous nous eiïurvons davantage de la
pratiquer dans toute sa pureté, et que. par là même, nous
»Mi connaissons mieux l'essence) comme l'efforî ' ' '-
libre pour réaliser une fin qui. en elle-mi^m**, ni^
liiment d'être réalisée. .Mais comment ne pas croire que relie
fin supérieure, qui communique à celui qui la cherche la
force et la lumière, n'est pas elle-même une réalité, la pre-
mieredes réalités?
Dieu est cet être même, dont nous sentons l'action créa-
trice au plus profond de nous-mêmes au milieu de nos
efforts pour nous rapprocher de lui. Il est l'être parfait et
n<ces»aire. /
En lui la puissance ou liberté est infinie ; elle est la source
de son existence, qui de la sorte n'
trainte de la fatalité, l/essence dhi
saoce, est la perfection actuelle. Elle est nécessaire d'une
CONCLUSION 157
oécessité pratique, c'est-à-dire mëriie absolument d'être
réalisme, et ne peut être elle-même que si elle est réalisée
IiÎT' ut. Eu mt'-rne temps elle e^t immuable, parce qu'elle
' >i , : 'iui>ment réaiist-e et qu'un changement, dans ces
copdiiions, ne pourrait être qu'une déchéance. Enfin l'état
qui résulte de cet acte excellect et immuable, œuvre spun*
tanée de la puissance infinie, est une félicité sans change-
ment.
Aucune de ces trois natures ne précède les autres. Cha-
cune d'elle est absolue et primordiale ; et elles ne fuiit
qu'un.
Dieu est le créateur de l'essence et de Texislence des êtres.
De plus, c'est son action, sa providence incessante qui donne
aiii f" 'ires la farullé d'employer, comme ins-
truiin !, inférieures, il n'y a d'ailleurs aucune
raison pour considérer une providence spéciale comme plus
iiiti.iie deluique la création d'un univers multiple et chao-
Far cette doctrine de la liberté divine, la coutiogence que
présente la hiérarchie des formes et des lois générales du
monde se trouve expliquée.
Et maintenant, la connaissance de la cause première oe
peut-elle éclairer la connaissance des êtres inférieurs?
La nature humaine, forme supérieure de la créature, n'est
pas sans analogie avec la nature divine. Klle possède, djos
le sentiment, la pensée et la volonté, une sorte d'image et
de symbole des trois aspects de la divinité. A leur tour, les
«'-' 'H;urs, dans leur nature et dans leurs progrès,
fci^, . i, à leur manière, les attributs de l'homme. Le
monde entier semble donc être l'ébauche d'une imitation de
1' II. mais d une imitation symbolique, telle que la
c . ' I essence du fini.
Dieu o'est-ii pas le bien, le beau suprême»? Et, si les êtres
158 DE LA CO!<TI!<GKflCI DBS LOIS DE LA IVATtRI
de la nature pré«enteol quelque aoalogfe avec lai, n'appa-
rall'il pas, oon |>la» teulemeiii comme leur raute cr^Uire,
mais onrore comme leur idéal ? Mais si chaque éire de la
nature a aiasi unidtfal.ca vue duquel il est façonne d'avance
et qui pourtant te dépasse infiniment, ne doit-il pas exister,
dans chaque être, une puissance spontanée, plus grande que
lui ? N'est-il pas conforme i la bonté divine d'appeler tous
les êtres, chacun selon sa dignité, à raccomplissemcnt du
bien, et de mettre en eut l'activité spontanée qui en est la
condition indispensable?
La mar( lie des choses peut être «-(Mitparée à une navi^ia^
lion. Si le premier soin des navigateurs est d'éviter les
écueils et de se soustraire aux tempêtes, là ne se bornent pas
leurs efforts. Ils ont un but à atteindre; et, à Irarcrs les
circuits de toute sorte qu'il leur faut faire, ils y leudcut
constanimenl. Avancer, ce n'est pas échapper plus ou moins
conipleiement aui dangers dont la route eat semée, c'est
te rapprocher du but. liais, en même temps qu'ils ont une
mission, les oaTigateurs ont la liberté d'action nécessaire
pour l'acromplir ; et ceux qui sont i "Ut char-
gés de diriger le navire jouissent d n , us grande.
Sans doute, la puissance de ces hommes n'est ren, compa-
rée à celle de l'Océan ; mais elle est intellifrenle •
tée : elle s'exerce à propos. Grâce à une série de ii<
qui ne changent pat d'une manière appréciable les coudî»
tions extérieures, mais qui toutes sont calculées pour en
tirer parti en vue du but à atteindre, I homme parvient à
faire, des flots et des Tents, les ministres de ses volontët.
De même les êtres de la nature n'ont pas pour unique An
de subsister, à travers les obstacles qui les entourent, et df
se plier aux conditions ext^rieares : ils sont un idéal i réa-
liser; et cet idéal consiste à se rapprocher de Dieu, à lui
ressembler, chacun dans son genre. L'idéal rarie avec les
CONCLL'SIOM 159
difTérents êtres, parce que chacun d'eux a une nature spé-
ciale et oe peut cependant imiter Dieu que dans et par sa
propre nature.
La perfection pour laquelle les créatures sont nées leur
donne droit à un certain degré de spontanéité, nécessaire
pour se dépasser elles-mêmes. Plus est élevée la mission
d'un être, c'est-à-dire plus sa nature comporte de perfection,
plus aussi est étendue sa liberté, moyen démarcher à sa fin.
Et il n'est pas nécessaire que ces libertés bouleversent les
choses pour que celles-ci leur prêtent un secours efficace.
Le monde est ainsi disposé qu'une intervention insensible,
mais appropriée, peut tuurner en auxiliaires les forces les
plus ennemies.
&'i; :ie, appliquée aux différentes formes de l'être,
expli'i -'-mble-t-il, à l'exclusion de tout hasard, la con-
tingence qui peut se manifester dans leur histoire.
Il y a pour l'homme un idéal, que l'entendement déter-
mine en mettant l'idée de la nature humaine en présence
de l'idée de Dieu, et en façonnant la première à la ressem-
blance de la seconde, non pas, sans doute, suivant une
méthode d'imitation pure et simple, mais suivant une
méthode d'interprétation, de traduction, d'équivalence sym-
bolique : car, s'il est gratuit d'assigner une limite à la per-
fectibilité humaine, il e|t, d'autre part, contraire aux con-
ditions pratiques du perfectionnement de prétendre atteindre
le but sans parcourir, une i une, toutes les étapes iutermc*
diaires.
La perfection de la volouic serait la bonté, la charité qui
irait jusqu'au don de soi-même. La perfection de I intelli-
gence serait la connaissance complète qui permettrait de
prévoir et de (liri>.'cr le cours des choses. La perfcdion de
la sensibilité bcrait le Imnlteur qui accompagnerait l'exer-
cice intelligent et efficace de la charité.
160 DR LA C07(TI!<IGF.!«CK DRS LOIS Dl LA llATITIII
Cel idëal. dont l'homme voit clairemeat le rapport avec la
fln topréme, c*e«l-à>dire avec la perfertion divine, lui appa-
raît, par là mémft, commr ubligaioire k poursuivre. C'eat c«
qu'il appelle le bien.
[)'un autre c6tc*, ce m<imc idéal, en tant qu'il pariiripe de
la nature humaine, forme imparfaite, ne se confond pas avec
le bien en soi lui-niAme : il n'en est qu'an symbole, une tra-
duriion en lançagc humain ; c'e«t une fifun qui a un «ens
par elle-même, indépendamment du bcns supérieur qu'elle
recèle. .\ ce second point de vue, l'idéal est ce qu'on nomme
le beau, et il agit par aurait.
Pour accomplir le bien obligatoire, pour suivre l'ailraUd*
beau, l'homme est doué d'une spontanéité intelligente, dont
la forme la plus élevée est le libre arbitre on faculté de choi-
sir entre le bien et le mal, entre les actions qui rapprochent
de Dieu et celles qui en éloignent. GrAce i cette puissance,
l'homnie est en mesure d'intervenir dans le cours de •><-- <'
sirs, de ses idées, de ses étals aflfcclifs, et de les tran ' r
mer en volontés, en pensées, en satisfactions de pins en
plus relevées. Par là auiisi, il domine la nature, parce que
son ànic peut agir sur son corps, et que aoo cor|»a peut
agir sur la matière. Il possède ainsi une liberté interne et
une liberté externe.
Mais cette spontanéité libre, éprise en quelque aorte de
•es actes, comme si, d'abord, ils réalisaient l'idéal, te laisse
dëleruiiner par eux et se ininsfornie en habii'-' ■ ♦ "if mé-
tamorphose est l'œuvre de l'entendement n> le, ou
instinct d immutabilité, qui, lei yeux fixés sur i e»»rnce im-
muable de Dieu, pn^te la forme de l'absolu à la face des.
actions humainrs qui reganle l'idéal divin. Cette halte serait
légitime, s'il arrivait que les teuvres de la spooi '
maine présentas»ent jamais toute la perfection qu\ ..
portent, ai l'idéal humain éuit jamais réalité. Mais la spon-
COMCLL'SIOλ 1GI
lanëité libre, dans les ronditioos du monde actuel, ne peut
que s'en approcher de plus en plus. Elle n'est jamais au boul
de sa tâche.
Cependant l'actiTitë humaine, de plus en plus déterminée
par la répétition exclusive des mêmes actes, dégénère peo i
peu r- • ' ' nce aTetigie, fatale et uniforme, et engendre
des {I s dont Tordre de succession est sensiblement
constant. Vus du dehors, ces phénomènes semblent n'être
autre chose que l'expression d'une loi positive ou rapport
nécessaire entre des objets d'expérience. On peut alors
t«>nter la systémati>ation et rexpli<a(ion de tous les actes de
l'homme, même de ceux qui tombant sous le jugement delà
conscience murale, sans avoir égard à l'existence d'une spon-
i;in'-itc interonrroute. La statistique envahit légitimement le
iluiuaine qu a déserté le libre arbitre; et les conclusions en
sont sensiblement confirmées par les faits, lorsqu'elle opère
r î rce que les homipes qui percent la
Ml;, iitide pour réveiller et déployer leur
libre arbitre sont en nombre insignifiant, en comparaison
' . • :^ <|ue gouverne l'habitude, forme anticipée de la na-
i> M i.> ce sont les premiers qui en réalité sont les
arbitres du monde: les actions mécaniques du nombre ne
• nt II' \fii contre-coups de l'impulsion qu'ils ont donnée;
' I v.i .< |.uurquoi l'on ne peut, en définitive, trouver deux
|)ériodes historiques qui soient, dans le fond, exactement
cmblables. L'Impulsion initiale, insensible pendant le cours
1 liiie période qu'elle détermine dans tous ses détails, se ré-
vèle à robî>er>a(eiir qui compare entre eux des systèmes issus
d'impuUions difTcrentes. El ceux là mêmes qui se b<irnent
à suivre le courant sentent vaguement, an fond de leur ime,
une de changement. (Qu'ils essaient de l'exercer,
et la i -^ -i deviendra palpable ï leur conscience; et elle
se fortifiera par l'exercice même, au point de produire des
Kii DE LA CU2<TI>UKN<;R DKH L4IIS »E L* NATl*ftl
«(Tfis qui dérouteront le ralcul. l/hért'diK*, rinttincl. le
raniciere, l'habirude, ne toDt plut de» luit abioliioicnt
fatales, du moment où ils ne »oni. au fond, que la réaction
des actes sur la sponlaut-iié. La même vuloul«^ qui s'est
crée une habitude peut la modiAcr pour s'vievcr plu» haut,
et aussi pour redescendre : elle peut maintenir 1 tes haM>
Indes le caractère actif qui en fait le mar ' 'un per>
fcriionuemeut supérieur, comme au»si *'*>• t ms des
habitudes passifes qui la paralysent de pluteo plu».
l/i : " H (|ui cara. Iio-
loj;ii| pha»e «I' mie.
L'ime peul, par nok surcroit d'énergie, pcrrectionoer set
habitudes, sou caraciére et »a nature la i ' niv MaU
elle se duperait cilo oxWnr si, pour accroiii < liberté
d'action, elle prenait uniquement son point d appui dans la
nature humaine proprement dite ou dans la nature des élrca
iiiférieuni, si elle n avait d autre levier que l'amour de soi
ou l'adapiation aux forces inintelligentes. 1/iiommc qui ne
poursuit que son intérél est esclava de sa nature propre.
L'homme dont la volonté n'est que l'eipres&ion des inflaonces
e&térieures est esclave des choses. C'est en remontant i la
source de la liberté que l'homme peut accroître la »irnne.
Or cette source est la perfection. On pratique qui réclame
un agent libre. C'est donc eu prenant en dèfiniiive son point
d'appui au dessus de soi, dans l'idt*- même de la fin pour
laquelle il est né, que l'homme pourra dominer, el sa propre
nature et le monde qu'il habite.
Mais cette fin de la nature humaine o'esl pas une idée
pure el «impie, dont l'homme n'ait août let yeai aucune
eipression visible. Rlle Irnu . : i ; ■ .1 " 1 ."ail-
»a(ion dans/ les ^ocii-l*.-» ut-^' .11 urs,
la conscience publique mettent la vertu en honneur el llé>
trisseot rabaiaaemeui moral. Cest donc en vivant pour la
COÎICLUSIO» 1 RH
société et eo se suspendant à elle que t'homme peut, dans la
prat' <oyer et acrroilre sa liberté. La société est l«
souii .. j de la liberté humaine.
Mais il y a deux manières de comprendre le lien social. Ce
' un lien [ neur, fondé sur la défiance
,iie et suriir ds plus ou moins savantes:
dans ce cas, la fomte sociale a une innuence plus coerci-
tive qu'éducatrice. Mais ce peut être aus>i un lien interne et
direct entre les volontés elles-mêmes, une réciprocité de
confiance et de dévoik2meol ; or c'est surtout quand elle est
' que la forme sociale peut contribuer puissam-
ctionnement moral de l'homme. Ne voyons*
nous pas que l'exemple, en s'adressant directement à la vo-
' -U' sans passer par le raisonnement, agit bien plus
:iient, bleu plus profondément que les démonstrations les
plus concluantes 7 La vie ne peut résulter d'un méca-
Disme.
Spontanément subordonnée à la société, la liberté humaine
s'exerce eflicacement sur Vàme et sur la nature. Elle réprime
les passions égoïstes qui 6tent k l'homme la possession de
•oi. Elle coordonne les désirs et les pensées, entre les-
t une luite intestine, si une fin supérieure
- - duel ne leur était proposée. L'homme se mdi
devenir meilleur, quand il travaille au bien de set MB-
blables. h ^ s'acoroit son empire sur la nature.
Par la c , js elToris et par la science, l'horone
transforme de plus en plus les obstacles en instruments ; et,
'• i ces éir iirs des beautés
lisant à cri ' '>rces analogues i
celles de la nature, il peut, par une série d'actions mysté-
lon ame vers l'idéal, et, eu même temps qa'il se concilie les
161 DR LA CO!<TI!<GF.NCP. DES LOI» DK LA IfATUBI
êtres infërieun i loi. susciter en eux an progrès qoe la
nature n'aurait «u produire.
Or, au poini de vue même iu pcr;< ' (loim .m pst
propre, l'homme a betoln de po»fti-di!r uo t sur le
monde. Car Tinfluence du rorps et des cboset sur srs alTrc-
itioD», ses iMTOsi'es et SCS désir» est • - • '- ~ - 'ir©
il ne modifie réellement sa nature c*
diaire de ces puissances inféneures. Il lui faut re i ulcr de
cntidilions en conditions et modifier Irs phcuomi-f - ■ «Ho.
ludiques, ceux-ci par les phénomèDCh chimiques 1 1 s,
ceux-ci enfin par les phénomènes méraniques: lu-utrc de
régénération sera d'autant plus stable qu'elle reposera sur
des assises plus profondes. C'est ainsi que pour arrêter les
inondations, on ne se borne pas à ; nettes
plaines envahies, mais on remui.., j- .,.. _ .. /<p du
fleuve, et l'on en détourne le cours.
l/hunianilé est puissante quand elle <!
d'union, d'harmonie, de hiérarchie norai< '■ ,
dont elle est douée i on degré supérieur. Car la puissance
appartient à l'union des imes. r •'«scde,
dans l'organisation, une sorte d'ét' irmouie
que le monde vivant, sifhigile en apparence, plh i ses flot
le monde inorganique, oà règne l'uniformité, la dirision,
l'isoletnent. Et, dans la personne humaine, c'est parce que
les puissances psychiques sont ramenées à l'unité par la
COUS! i <ie l'ime est Ballretse du corps, où chaque
offraii 1 i une vie téperée. C'est parée qeela volonté
se subordonne à une fin qui, en retour, lui coainunique son
unité, qu'elle peut régner sur les passions, dont rhacune
veut absorber toutes les forces de l'imc, et qui, par suite, se
combattent et s'afTaiblisseot elles mêmes. Cest enfin parce
que la sociëlë est une hiérarcliie morale, et possède, à ce
litre ■■« unlîi supérieure, qu'elle est capable d*élendrc la
coîfCLrsioîi 165
puissance de l'homme et d'accrottre, comme iiidéfioimeot,
son « I ' et sur les choses.
Et, ~ ^aru par ia société qui coordoDoe ses
forceSf d'autre part, i mesure qu'il s'en isole davantage, et
que, par I;; nième, il donne à sa vie un but moins élevé, i
mesure diminue sa liberté intérieure et extérieure. Il ren-
contre, au dedans de lui-même, des passions qui le tirent
f. • r -ns, et qu il n'a plus la force de maîtriser. Précieux
0 quand elles étaient subonlounées, elles réduisent
1 homme à l'impuissance quand elles s'en disputent la pos-
session : la nature humaine porte en soi les marques d'une
destination plus haute que la vie individuelle. De même, l'in-
dividu isolé est sans force en présence de la nature. Celle-ci
reprend son avantage lorsque l'homme abdique le privilège
d une harmonie supérieure, qui l'élevait au dessus d'elle.
S'il est vrai que l'homme possède, dans le libre arbitre,
une image de la liberté diviue, il n'est plus étonnant que
l'ordre des phénomènes psychologiques présente quelque
dtv'r*^ ^^ contingence. L'élément contingent est précisé-
muut l'effet extérieur du progrès ou de la décadence morale,
de l'intervenlion de la liberté pour modifier une habitude,
I' ». Les lois fixes, an contraire, sont l'ex-
l. laissée par l'imei l'habitude.
La doctrine de la spontanéité, plausible eo ce qui con-
< iiime, est-elle inapplicable aux êtres dépourvus de
Sans doute, ces êtres ne peuvent posséder cette forme su-
delà spontanéité qu'on nomme le libre arbitre, ei
te à poursuivre des fins éloignées, en ayant ron»-
f ience, nu moment où l'on adopte un parti, de la faculté
'■^ ' .(sser un autre. Sans doute ausbi il os»
<-r dans quelle mesure la spontanéité
peut leur appartenir eo propre et se distinguer de l'action
166 DE LA CO!<rTINGENCB DES LOIS DB LA IfATURB
erémrice de Dieu. Mai», d'un autre c6l^, le» être* inférieur*
teniieni-ils vcriubicmont de« étret, t'ili o'eii«iaieiii que
comme phëDomèoet; si, en cut-nr .^!-^.
Quand nous voyoni en nou» \v% \iU<
et physique» correspondre à de» activité» interne» qui
ne «ont pas absolument mu» analogie arec noire ime, puis-
qu'elles la secondent ou l'entravent , pourquoi ne pas
admettre l'existence d'une puissance interne partout vA
n(»ii» voyons un phtinumène ?
i.es funiies inrërieures sont, comme l'homme, du moitié
dans une rcrl;iine mesure, susrcpiible« de p«-'
ment. Pour l>IIo« au<«%i il y a un idéal, qui est do r> ;
à leur manière, aux formes supérieure» el, en définitive, à
Itifu liii-iii^me. C.ommenl la nature, les mnv-
le riel. peiiveulils resscmltler à l'homme ! L , :
savent, et ils traduisent dans notre langage le« mysl(5rica»es
II» - des rhosos. D'ailleurs, re n'e>t pa--
(a , .int, en changeant de nature, que l<-
férieur* peuvent ainsi exprimer des idées de plus eo plus
hautes. \.'jk métamorphose radicale d'iiti
une n'-\i>lutiou qui priverait l'univer^d II
d'une de ses colonnes. Loin de s'embellir, d'ailleare, no
être inférieur s'enlaidit ei ' l, sans l'ii ' ' ti
SCS faciillé<> pri»|)res. la p nie d'un < i.
Le symbole n'est objet d'admiration que si la furroe en est
naturelle, en mi^me temps. quV\pressive. Il y a. de la sorte,
puur elia<|iie être de la nature, un id<-al pnrtii'ulier.
Dans la série descendante des formes inférieures, 1 1 !< jI.
ou degré de perfection compatible avec la nature de» être»,
s'éloigne de plus en plus de la perfection absolve, et, pour
cette raison, apparaît de moins en luoius comme
pensable à réaliser: des lors, ce o'esl plus le bien ui ,.«
toire, c'est le beau, symbole dont le seos nystérieui se perd
CONCLUSIOIt 467
de plus en plus, dont le c6té visible se développe, et qui.
par suite, exerce un attrait de plus en plus iininodiat.
Parce qu'il y a, pour les élres de tous les degrés, un idéal
à poursuivre, il doit exister, en tous, un degré de spontanéité,
une puissance de changement proportionnée à la nature et à
la valeur de cet idéal. Mais la spontanéité des êtres inférieurs,
aveugle et incapable de tendances médiates, subit, bien plus
encore que celle de l'homme, la réaction suivant des chan-
gements mêmes qu'elle engendre ; et elle se détermine, se
limite, s'absorbe dans les choses, à un point dont Ihabitude
humaioe ne donne qu'une faible idée. L'instinct des ani-
maux, la vie, les forces physiques et mécaniques sont, en
quelque sorte, des habitudes qui oui pénétré de plus en plus
profondément dans la spontanéité de l'être. Par là ces habi-
tudes sont devenues presque insurmontables. Klles apparais-
sent, vues du dehors, comme des lois nécessaires. Toutefois
celte fatalité n'est pas de l'essence de l'être ; elle lui est
accidentelle. C'est pourquoi l'intervention des spontauéités
supérieures, ou, sans doute, l'iiiiluence directe de l'idéal,
peut tirer de leur torp«-ur les créatures les plus imparfaites,
et exciter leur puissance d'action.
Ainsi, d'une part, il y a, pour tous les êtres, un idéal, un
modèle, parfait dans son genre, que l'enteDdemenl compose
en lransfi;;iiraiit les essences naturelles à l'aide d'un rayon
divin ; d'autre part, il y a, chez tous, une spontanéité appro-
priée i U poursuite de cet idéal.
Dès lors, dans chaque région de l'être, les essences ci les
lois ont deux aspects.
Dans le monde physiologique, la vie ne se réduit pas à un
ions observables. Cent, au fond, une puis-
lant à réaliser, au sein de chaque espèce,
les formes, non seulement les plus utiles aux êtres eux-mêmes,
mais encore les plus belles, que cette espèce comporte.
10.
168 DE LA COTtTINGRMCE DU LOIS DE L4 RATIIIB
Dao» le monde physique, le« propriété» sont de vcriiablet
puis$an< ■ ' ' . j- . . . . • . . . , j^
composi: iirnt
les plus siableii, mais eocore les plus belle* que puisse
admeiire la nature des corps.
Dans le monde mécanique, la force n'est pas seulement
l'expression de relation» ob&errables entre les moutrmrnts:
c'est encore une puiiksance elTcciivc. tendant à rvaliscr le
beau en le traduisant dans la langue de l'étendue, de la figure,
de la symi'irie et du mouvement.
De la sorte, les priniipts de la physiologie, de la physique
et des maihcmaiiques n'auraient pas seulement on sens ne*
térici et une origine a pointcriori: ifs aur.iierit en outre uo
sens esthétique, cl, à ce point de vue, une origine a priori.
Enfin, même dans les formes abstraites de l'être, ta spoD"
lanëiic n'es! peul-étre > 'ir.
1/ordre logique, on faits i la ooiioa,
recèle peut-être l'action spontanée de la raisoo inleroe oo
rail- dont la notion n<-
Le» I - auraient ainsi leiii
Quoique relativement immobile, le type, ou cause finale,
posséderait In i ' '
formes les pli
reposeraient, en dciiniiire, sur des principes esthétiques i
priori.
De même, l'ordre ontologique, ou liaison causale de» phéno-
mènes, recèlerait de véritables causes, ou puissances nu-uphy-
siques engendrant les changement» du monde. El ee» puis»
sanceséléiuenLaires. presque ideniiipiesavec la fataliic. puis»
qu'elle» son l. en quelque fturte.ll Ile
reposent toute» les autres, n'eu _. „i,_ jins,
dans leur essence interne, un reste de spontanéité, qui aurait
pour objet de produire le plus possible avec le moins de
cowcLusioîf 169
créer des effets qui dépassent leurs eondU
res, leur cause phénoménale. Ainsi le principe
de cau&alité aurait, lui aussi, on sens esthétique, et, à ce puiut
de vu a priori.
Qi nécessité, elle serait, aa fond, la traduc*
lion, en langage logique aussi abstrait que possible, de l'ac-
î ' ée par l'idéal sur les choses, par Dieu sur ses créa»
<e serait le symbole le plus matériel de l'obligation
morale et de l'attrait esthétique, c'est-à-dire de la nécessité
< '•''et sentie. Elle serait le terme au delà duquel le
i-ible. n'exprimant plus rien que lui-même, finit par
«évanouir et s'identifier avec le néant absolu. Et, en ce sens,
l'idée de nécessité serait, elle aussi, un principe posé a
priori.
La métaphysique pourrait donc, sur le terrain préparé
p»r la doctrine de la contingence, établir une doctrine de la
lil»'rtë. Selon cette doctrine, les principes suprêmes des
rlin^csscraient encore des lois, mais des lois morales et esthé-
iii{iics, expressions plus ou moins immédiates de la perfec-
tion divine, préexistant anx phénomènes et supposant des
liés de -^ ' : ce serait le bien pratique,
_. ijuimcriie jlisé, qui cependant peut ne pas
l'être, et qui ne se réalise en effet que lorsqu'il est acconi-
pli spontariénioni. O" '"^ aux lois do la nature, elles n'au-
raient pas une e\i'*(''iice absolue; elles exprimeraient sim-
plement une phase donnée, une étape et comme un degré
I ^•■s. Elles seraient l'image, arti>
I -, d'un modèle vivant et mobile
par essence. La constance apparente de ces lois aurait sa
I 'lis la stabilité inhérente à l'idéal lui-nême. L'être,
I <u dire, tend à s'immobiliser dans la forme qu'il
• est une fois donnée, parce qu'il U voit, tout d'abord, sons
les traits qoi participent de l'idéal : il s'y complaît et tend i
170 DE LA COFITIf«GP.?ICK DES LOIS DE LA RATIHB
y pf rsëvërcr. Ceti c« qu'eo l'homme on appelle l'Iuibilade.
Or Ibabilude, grice divine, lorsqu'elle e»t atiive et envi*
aagce romroe UD degr^ qui permet de s'élever i i
eiicure, devient ooe cause d'afraibli»&emenl, de il. , i
des forces ei de dissoluiioD, lorsqu'elle est prise pour od
terme di'liiiitif, lorsqu'elle est passive. PU)-
plus passive à mesure que l'idéal est moins •
médiat, l'habitude se traduit successivement par des facultés,
dfS instincts, des :.s et des ' T" »
êtres inférieurs i , . ■ •■ d'un ti^- -
l'habitude n'est pas la substitution d'une fatalité subsian»
ticile à la spontanéité : c'est un état de la spontan
niéme. Celle-ci demeure donc, sou^i les lois ausqir
paraît soumise, et peut encore être sensible i l'attrait d une
beauté, d'une bonté supérieure. A tous se* d' '
tanéito peut se rapprocher de son idcal, et (»
nature. Elle trouve, dans l'attâi hcmenl à cet idéal iui-nx iii> .
un surcroît d'énergie qui lui permet de rassembler ' -
menis disséminés par l'habitude passive, et de le^
en vue d'une conquête nouvelle. A mesure que les cires
cessent ainsi de vivre uniquement pour eux-mêmes, et que
de\iont plus spontanée et plus c«iiiiplete la subordination
de l'être inférieur au supérieur, l'adapijtion interne des cud-
ditionsau conditionné, de la matière à la forme : à ni*-^'"^'
aussi diminue, dans le monde, l'unifuimité, l'homugt i
l'égalité, c'est-à-dire l'empire de la faillite physi«]ue. l/a
triomphe complet du bien et du bi'au ferait di»parallre let
lois de la nature proprement dites et les remplacerait par le
libre essor des volontés vers la perfection, par la libre hié-
rarchie des i"»-*
rm
TABLE
IxTHOorrrirv"». 1
CnArnnt l~. — De la >LLtiaite . . 7
CHAMTKi. II. — Oe l'Èire 15
CsAri-mK III. — Des Genres. .
CaAHTiie IV. — De la Matière. 43
CiAriTRB V. — De»('x>rps 62
CaAMTitc VI. — Des Èlres vivanls 76
CaAi-iTiif, VII - r>ç l'Mnmmp 98
COACLt».' 131
I ««. — TQO«s. .larnar.ilt t ASftACtT ST d*.
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Kil{L10riif*Ul]K M hiil.OSOIMilK CO iHAI
Volumea in 1* ix divers.
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